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Full text of "Les obsessions et la psychasthénie.."

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LES  OBSESSIONS  ET  LA  PSYCHASTHÉNIE 


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Travaux  du  laboratoire  de  Psychologie  de  la  Clinique  à  la  Salpi 

TROISIÈME    SÉRIE 


LES  OBSESSIONS 


ET 


LA   PSYCHASTHÉN 


I 

ÉTUDES  CLINIQUES  ET  EXPÉRIMENTALES 

SUR  LES  IDÉES  OBSÉDANTES,  LES  IMPULSIONS,  LES  MANIES  MI 

LA  FOLIE  DU  DOUTE,  LES  TICS,  LES  AGITATIONS,  LES  PHOB 

LES  DÉLIRES  DU  CONTACT,  LES  ANGOISSES,  LES  SENTIMENTS  D*INCO 

LA  NEURASTHÉNIE,  LES  MODIFICATIONS  DU  SENTIMENT  DU  1 

LEUR  PATHOGÉNIE  ET  LEUR  TRAITEMENT 


Le  D«   PIERRE  JANET 

Professeur  de  Psychologie  au  Collège  de  France, 
Directeur  du  Laboratoire  de  Psychologie  de  la  Clinique  à  la  Salpêtr 


PARIS 

FÉLIX  ALCAN,  ÉDITEUR 

ANCIENNE  LIBRAIRIE  GERMER  BAILLlf:KE    ET  C" 
108,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    108 

1903 

Tous  droits  réservén. 


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1  3  I   0  e 

\ 


A  MONSIEUR  LE  PROFESJ 


TH.    RIBOT 


MEMBRE     DE     L    INSTITU' 


DE    RESPEC 


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INTRODUCTION 


Ce  livre,  comme  mes  précédents  ouvrages,  s'adresse  aux  méde- 
cins et  aux  psychologues.  Il  présente  une  nouvelle  application 
de  celte  méthode  que  M.  Th.  Ribot  a  si  heureusement  enseignée 
et  qui  a  donné  un  caractère  spécial  à  une  grande  partie  de  la 
psychologie  française.  Cette  méthode  consiste  à  unir  la  médecine 
mentale  et  la  psychologie,  a  tirer  de  la  psychologie  tous  les 
éclaircissements  qu'elle  peut  apporter  pour  la  classification  et 
l'interprétation  des  faits  que  nous  présente  la  pathologie  mentale 
et  réciproquement  à  chercher  dans  les  altérations  morbides  de 
Tesprit,  des  observations  et  des  expériences  naturelles  qui  per- 
mettent d'analyser  la  pensée  humaine.  Ce  livre  continue  la  série 
des  études  dans  lesquelles  je  me  suis  proposé  d'appliquer  cette 
méthode  aux  différentes  maladies  mentales. 

Les  maladies  qui  font  l'objet  de  cette  nouvelle  étude  sont  les 
obsessions,  les  impulsions,  les  manies  mentales,  la  folie  du  doute, 
les  tics,  les  agitations,  les  phobies,  les  délires  du  contact,  les 
angoisses,  les  neurasthénies,  les  sentiments  bizarres  d'étrangeté 
et  de  dépersonnalisation  souvent  décrits  sous  le  nom  de  névropa- 
thie  cérébro-cardiaque  ou  de  maladie  de  Krishaber.  On  voit  que 
ces  malades  ont  été  désignés  sous  des  noms  très  différents  :  ils 
sont  quelquefois  réunis  sous  le  nom  de  «  délirants  dégénérés  )>, 
de  «  neurasthéniques  »,  de  «  phrénasthéniques  »  ;  je  les  ai  déjà 
souvent  désignés  sous  le  nom  de  «  scrupuleux  »  parce  que  le 
scrupule  constitue  un  caractère  essentiel  de  leur  pensée  ou  sous 
le  nom  plus  précis  de  «  psychasthéniques  »  qui  me  paraît  résumer 
assez  bien  l'affaiblissement  de  leurs  fonctions    psychologiques. 


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VIII  LES  OBSESSIONS  ET  LA  PSYGIIASTHÉNIE 

Tous  ces  malades  fort  divers  en  apparence  m'ont  semblé  fournir 
l'occasion  d'une  étude  intéressante  à  la  fois  au  point  de  vue  mé- 
dical et  au  point  de  vue  psychologique. 

Au  point  de  vue  médical,  j'essaye  de  réunir  ici  la  description 
précise  d'un  grand  nombre  de  symptômes  qui  me  semblent  avoir 
été  rarement  l'objet  d'une  étude  d'ensemble;  j'essaye  d'apporter 
quelque  précision  dans  l'analyse  de  toutes  ces  manies  mentales, 
de  toutes  ces  phobies,  de  tous  ces  sentiments  anormaux  qui  ont 
été  trop  souvent  décrits  incomplètement  et  isolément  et  qui  me 
semblent  devenir  beaucoup  plus  clairs  quand  ils  sont  rapprochés 
les  uns  des  autres. 

Ce  rapprochement  de  divers  symptômes  permet  aussi  de  pro- 
poser une  réunion  de  diverses  maladies  en  une  seule  et  de  con- 
struire une  grande  psycho-névrose  sur  le  modèle  de  l'épilepsie  et 
de  l'hystérie,  la  psychasthénie,  h  la  place  de  ces  innombrables 
obsessions,  manies,  tics,  phobies,  délires  du  doute  ou  du  contact, 
névroses  cérébro-cardiaques. 

J'espère  aussi  par  la  comparaison  de  ces  divers  symptômes 
réunis  dans  une  même  étude  apporter  quelque  contribution  à 
l'étude  du  diagnostic,  du  pronostic  et  du  traitement  de  ces  affec- 
tions qui  jouent  un  rôle  extrêmement  important  dans  la  patho- 
logie nerveuse.  Enfin  l'analyse  psychologique  de  ces  divers 
phénomènes  permet  de  découvrir  entre  eux  des  caractères  com- 
muns dignes  d'intérêt  et  d'arriver  sinon  à  une  théorie  au  moins  à 
une  interprétation  provisoire  destinée  surtout  à  réunir  le  plus 
grand  nombre  possible  de  ces  faits  dans  une  conception  générale. 

Au  point  de  vue  psychologique,  je  crois  qu'un  grand  nombre 
de  ces  phénomènes  nous  présentent  des  expériences  très  remar- 
quables qui  apportent  des  éclaircissements  sur  les  plus  intéres- 
sants problèmes.  Les  obsessions,  les  pseudo-hallucinations,  les 
impulsions  qui  les  accompagnent  nous  donnent  une  foule  de 
renseignements  sur  les  diverses  catégories  d'idées  qui  se  dévelop- 
pent dans  l'esprit  et  sur  les  divers  degrés  de  leur  développement. 
Les  manies  mentales,  les  tics,  les  phobies  permettent  d'aborder 
l'étude  d'un  grand  fait,  beaucoup  trop  laissé  de  côté  d'ordinaire, 
le  fait  de  l'agitation  et  de  comprendre  la  loi  de  la  dérivation 
psychologique.  Les  sentiments  qui  accompagnent  l'exercice  de 
nos  diverses  fonctions  mentales  sont  très  mal  connus  ;  à  peine 
a-t-on  examiné  un  petit  nombre  d'entre  eux  comme  le  sentiment 


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INTRODUCTION  IX 

de  TeSort  et  le  sentiment  de  la  fatigue.  L'étude  de  nos  malades 
permet  4^  pénétrer  bien  plus  avant  dans  l'étude  d'un  très  grand 
nombre  de  ces  sentiments  dits  «  sentiments  intellectuels  »  ainsi 
que  dans  l'étude  de  plusieurs  sentiments  sociaux  très  importants 
pour  comprendre  les  relations  sociales. 

Quelle  que  soit  l'importance  de  ces  analyses  psychologiques 
j'insiste  sur  un  problème  dont  la  discussion  revient  très  souvent 
dans  ces  pages  et  dont  l'étude  forme  la  partie  principale  de  cet 
ouvrage.  Je  veux  parler  de  l'étude  des  opérations  psychologi- 
ques qui  permettent  à  l'homme  d'entrer  en  rapport  avec  la 
réalité,  d'agir  sur  elle  et  de  saisir  son  existence  avec  certitude. 
La  fonction  du  réel,  avec  les  opérations  de  la  volonté,  le  senti- 
ment du  réel,  le  sentiment  du  présent  occupe  la  première  place 
dans  la  hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques  et  son  étude 
est  aussi  importante  pour  la  métaphysique  que  pour  la  psycho- 
logie. 

Cette  étude  des  psychasthéniques  est  divisée  en  deux  volumes, 
le  second  que  je  publierai  en  collaboration  avec  M.  le  P*"  Raymond 
contiendra  les  observations  cliniques  d'un  très  grand  nombre  de 
ces  malades,  plus  de  deux  cents,  il  renfermera  des  descriptions, 
des  documents  psychologiques  et  cliniques  qui  ne  pouvaient 
prendre  place  dans  les  études  plus  générales  du  premier  volume, 
il  apportera  en  quelque  sorte  la  justification  et  les  preuves  des  in- 
terprétations présentées  par  celui-ci. 

Le  premier  volume  renferme  la  plupart  des  études  relatives  aux 
psychasthéniques,  la  première  partie  est  descriptive  et  analyti- 
que, la  seconde  est  plus  théorique  et  plus  générale. 

Dans  la  première  partie,  après  quelques  indications  sur  les  mala- 
des étudiés  et  sur  leur  attitude  assez  caractéristique,  l'étude  de  leurs 
obsessions  sera  faite  d'une  manière  analytique  en  descendant  des 
caractères  les  plus  apparents,  jusqu'aux  phénomènes  plus  profonds 
dont  les  premiers  semblent  dépendre.  C'est  ainsi  que  j'étudierai 
d'abord  le  contenu  ou  la  matière  de  ces  obsessions,  c'est-à-dire 
le  sujet  auquel  s'appliquent  les  pensées  du  malade.  Ainsi  ce  sera, 
par  exemple,  la  pensée  du  démon,  ou  l'idée  du  meurtre,  ou  celle 
du  suicide,  qui  tourmente  le  plus  son  esprit.  Cet  aspect,  que 
l'on  peut  appeler  intellectuel  de  l'obsession  a  été,  dans  ces  der- 
niers temps,  un  peu  négligé,  depuis  que  l'on  a  remarqué  très  jus- 
tement le  rôle  considérable  que  joue  Vémotion  dans  cette  mala- 


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X  LES  OBSESSIONS  ET  LA  PSYCHASTllÉNIE 

die.  Il  ne  me  semble  pas  juste  de  le  négliger  complètement,  il 
occupe  une  grande  place  dans  les  symptômes  que  présente  ce 
groupe  particulier  des  obsédés  que  je  range  sous  le  nom  de  scru- 
puleux. Peut-être  son  étude  nous  permettra-t-elle  de  classer  ces 
diverses  obsessions,  de  remarquer  qu'il  y  a  entre  elles  beaucoup 
d'analogies  et  que  le  contenu  de  ces  idées  est  loin  d'être  insigni- 
fiant pour  Tinterprétation  de  la  maladie. 

Ensuite,  je  me  propose  de  réunir  sous  ce  titre  «  les  agitations 
forcées  »  les  divers  troubles  qui  accompagnent  les  idées  obsédan- 
tes ou  qui  les  remplacent.  J'entends  par  là  toutes  ces  opérations 
exagérées  et  inutiles  qui  constituent  les  manies  mentales,  les  tics, 
les  phobies  ou  les  angoisses. 

Enfin,  je  voudrais  chercher  dans  l'analyse  d'un  état  psycholo- 
gique spécial,  qui  ne  me  paraît  pas  être  précisément  une  émo- 
tion, mais  qui  doit  se  ranger  dans  le  grand  groupe  des  sentiments 
intellectuels  y  dans  l'analyse  de  l'état  d'inquiétude,  le  point  de 
départ  plus  profond  d'où  proviennent  et  ces  idées  spéciales  et  les 
diverses  agitations. 

Il  sera  plus  facile  alors,  dans  une  deuxième  partie  plus  géné- 
rale et  plus  synthétique,  d'examiner  les  différentes  hypothèses 
qui  ont  été  présentées  pour  interpréter  cette  curieuse  altération 
de  l'esprit.  Je  rechercherai,  à  ce  propos,  ce  que  ces  troubles,  qui 
sont  de  véritables  expériences  psychologiques,  peuvent  nous 
apprendre  sur  le  mécanisme  de  l'esprit  et  sur  l'importance  de  tel 
ou  tel  phénomène.  Ces  altérations  de  la  pensée  mettent  en 
lumière  le  rôle  important  de  certains  faits  qui  restent  confondus 
au  milieu  des  innombrables  phénomènes  qui  remplissent  le  cours 
de  la  vie  normale.  C'est  ainsi  que  nous  pourrons  étudier  «  la 
fonction  du  réel  »  et  les  divers  degrés  de  «  la  tension  psycholo- 
gique ».  Cette  même  partie  contiendra  également  les  études 
générales  relatives  au  diagnostic,  au  pronostic,  au  traitement  et 
à  la  place  de  la  psychasthénie  parmi  les  psycho-névroses. 

Ces  études  sur  les  psychasthéniques  ont  été  faites  sur  un  assez 
grand  nombre  de  malades  ;  j'ai  réuni  depuis  quelques  années  325 
observations  qui,  malgré  une  grande  et  intéressante  diversité,  me 
semblent  assez  comparables  pour  constituer  un  groupe.  Une 
partie  de  ces  observations  a  été  prise  dans  le  service  de  M.  Jules 
Falret  à  la  Salpêtrière  ;  une  autre  partie,  la  plus  importante,  a  été 
recueillie  à  la  clinique  de  M.  leP'  Raymond,  mais  un  grand  nombre 


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INTRODUCTION  XI 

de  ces  malades  ont  été  étudiés  en  dehors  de  Thôpital.  Il  est  inté- 
ressant de  remarquer  déjà  que  cette  catégorie  de  malades  se 
rencontre  un  peu  plus  souvent  dans  la  clientèle  de  la  ville  que 
dans  celle  de  Tbôpital,  car,  ainsi  qu'on  le  verra,  un  certain  degré 
de  culture  intellectuelle  joue  un  rôle  dans  son  développement. 

Je  n'essaierai  pas  de  résumer  ici  toutes  ces  observations  ;  il 
suffit  d'indiquer  sur  leur  ensemble  quelques  remarques  géné- 
rales. Sur  ces  325  malades,  je  compte  a3o  femmes  et  96  hommes, 
la  plus  grande  fréquence  de  la  maladie,  dans  le  sexe  féminin,  est 
donc  bien  manifeste.  La  plupart  de  ces  malades  ont  de  20  à 
4o  ans  ;  c'est  à  cette  période  de  la  vie  que  la  maladie  prend  un 
plus  grand  développement  ;  6  de  ces  sujets  sont  au-dessous  de 
16  ans  et  nous  permettent  d'assister  aux  premiers  symptômes  du 
trouble  mental,  tandis  que  9  malades  qui  ont  dépassé  60  ans  nous 
en  présentent  les   formes  ultimes. 

Ne  pouvant  décrire  avec  précision  tous  ces  malades,  j'en  choi- 
sirai quelques-uns  qui  présentent  les  phénomènes  de  la  façon  la 
plus  précise  et  la  plus  intéressante  et  qui,  d'ailleurs,  ont  été  étu- 
diés avec  plus  de  soin  pendant  de  longues  périodes  et  je  grou- 
perai les  autres  cas  autour  de  ces  observations  prises  comme 
types.  Les  malades  sur  lesquels  j'insisterai  le  plus  sont  surtout 
les  cinq  suivants  :  Claire  (Obs.  222)*,  est  une  jeune  fille  actuel- 
lement âgée  de  28  ans,  que  j'ai  étudiée  et  traitée  depuis  9  ans. 
Cela  prouve  que  la  maladie  ne  se  guérit  pas  aisément,  puisque 
cette  jeune  fille  est  encore  au  moins  une  anormale,  décidée  à  ne 
pas  se  marier  et  dont  on  ne  peut  blâmer  la  résolution.  Elle  habite 
la  province  et  vient  de  temps  en  temps  passer  plusieurs  mois  à 
Paris,  c'est  à  ces  moments  que  je  la  vois  régulièrement.  Ces 
alternatives  entre  les  périodes  de  traitement  et  les  périodes 
d'interruption  déterminent  des  alternatives  intéressantes  dans 
l'évolution  de  la  maladie  qui  nous  fourniront  quelques  constata- 


t.  Il  est  impossible  de  donner  ici  d  une  façon  complète  toutes  ces  observations, 
je  dois  me  borner  à  indiquer  d'une  façon  sommaire  les  faits  présentés  par  chaque 
malade  et  qui  ont  un  intérêt  pour  la  discussion  générale.  Cependant  comme  ces 
observations  présentent  un  certain  intérôt,  comme  elles  contiennent  certains  rensei- 
gnements utiles,  les  antécédents  héréditaires  ou  personnels,  la  durée  et  révolution  de 
la  maladie,  les  résultats  du  traitement,  etc.,  je  compte  les  résumer  dans  le  second 
volume  de  cet  ouvrage  que  je  publierai,  je  1  espère,  prochainement  en  collaboration 
avec  M.  le  P'  Rajmond.  C'est  pourquoi  le  nom  conventionnel  ou  les  lettres  qui 
désignent  un  malade  seront  suivis  dans  cet  ouvrage  d'un  numéro  d'ordre  qui  per- 
mettra de  retrouver  son  observation  dans  le  second  volume. 


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XII  LES  OBSESSIONS  ET  L\  PSYCHASTHÉNIE 

lions  intéressantes.  Lise  (Obs.  228),  pour  lui  conserver  le  nom 
s  lequel  je  Tai  déjà  signalée  dans  diverses  études,  est  une 
me  deSo  ans,  que  je  suis  régulièrement  à  peu  près  sans  inter- 
lion  depuis  5  ans.  Sa  maladie,  très  grave  au  début,  a  pu  être 
ïndée  peu  à  peu  ;  c'est  une  femme  intelligente,  instruite, 
able  de  bien  observer.  Jean  (Obs.  167)  est  un  homme  de  3i  ans, 
t  la  maladie  mentale,  mélange  de  scrupule  et  d'hypocondrie, 
des  plus  graves,  et  quoique  je  l'observe  depuis  un  an,  je 
espère  de  l'améliorer  autant  que  les  malades  précédentes, 
lia  (Obs.  166),  ce  pseudonyme  a  été  choisi  par  la  malade  elle- 
ne,  est  une  jeune  fille  de  28  ans,  que  j'observe  également 
uis  plus  de  6  ans  et  qui  est  particulièrement  bien  connue, 
^qu'elle  a  l'habitude,  rare  chez  les  scrupuleux,  de  m'écrire  de 
^ues  lettres,  où  elle  note,  avec  de  grands  détails,  beaucoup 
icidentsde  sa  maladie.  Gisèle  (obs,  171)  est  une  femme  de  3o 
,  remarquable  par  son   aptitude  à  l'analyse  psychologique  et 

ses  descriptions  imagées,  qu'elle  consent  souvent  à  écrire 
une  la  précédente  et  qui  m'ont  souvent  rendu  service.  Autant 

possible,  ces  cinq  malades  seront  cités  de  préférence,  et  les 
res,  moins  étudiés,  leur  seront  comparés. 


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PREMIÈRE  PARTIE 

ANALYSE    DES    SYMPTOMES 


LK8    OBSESSIONS  1.    I 


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CHAPITRE  I 
LES  IDÉES  OBSÉDANTES 


Le  premier  phénomène  qui  se  présente  à  l'examen  chez  les  plus 
graves  de  ces  malades  semble  être  un  phénomène  intellectuel  de 
Tordre  le  plus  élevé,  une  idée  et  souvent  une  idée  assez  abstraite 
et  assez  compliquée.  Ces  idées  se  distinguent  en  effet  des  autres 
phénomènes  psychologique  par  leur  caractère  abstrait  et  général: 
ce  ne  sont  pas  des  sentiments  ou  des  opérations  uniquement  en 
rapport  avec  un  état  présent  et  particulier  du  sujet,  ce  sont  des 
conceptions  qui  s'appliquent  d'une  manière  générale  à  toute  une 
période  de  la  vie  ou  à  la  vie  tout  entière.  L'angoisse  déterminée 
par  la  peur  d'un  couteau  est  un  sentiment  particulier.  La  pensée 
que  Ton  est  un  criminel  capable  de  tuer  à  coup  de  couteau  est  une 
idée  générale.  Dans  ce  premier  chapitre  je  n'examinerai  que  les 
idées  de  ce  genre. 

Ces  idées  se  reproduisent  dans  l'esprit  du  malade,  ainsi  qu'il 
l'affirme  tout  d'abord,  malgré  lui,  d'une  manière  continuelle  et 
pénible.  Cette  permanence  de  l'idée  n'est  pas  justifiée  par  son 
importance  et  son  utilité  pratique;  aussi  l'absence  d'utilité. par 
rapport  à  la  vie  pratique  distingue  ces  idées  de  celles  du  savant  et 
de  l'inventeur  et  lui  donne  déjà  un  caractère  pathologique  '.  Des 
idées  de  ce  genre  sont  désignées  sous  le  nom  d'idées  obsédantes. 

Dans  nos  précédentes  études  sur  des  malades  atteints  d'idées 
fixes,  nous  avions  remarqué  que  l'objet  de  ces  idées,  leur  contenu^ 
n'avait  pas  une  extrême  importance.  Les  phénomènes  les  plus 
importants  pour  déterminer  la  nature  de  l'idée  et  son  mécanisme 
étaient  constitués  par  ce  que  l'on  peut  appeler  la  forme  de 
Vidée,  c'est-à-dire  les  caractères  psychologiques  qu'elles  présen- 


I.  Blocq  el  Onanof,   Revue  scientifique,  1890.  —  Këraval,  L'Idée  fixe.  Archives 
de  neurologie,  1899,  II,  p.  6. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

t  dans  leur  évolution.  L'idée  était-elle  consciente,  clairement 
mue  comme  fausse  par  le  malade,  était-elle  impulsive,  systéma- 
ou  non,  etc.  ?  Telles  étaient  les  questions  les  plus  importantes, 
t  au  contenu  de  Tidée,  que  le  malade  rêvât  à  un  incendie  ou  à 
etit  chien  écrasé  par  un  tramway,  cela  n'avait  qu'une  impor- 
secondaire. 

contraire,  les  obsessions  exprimées  par  les  malades  scrupu- 
que  nous  considérons  maintenant,  se  présentent  au  premier 
l  comme  si  étranges  que  leur  contenu  mérite  tout  d'abord 
rer  notre  attention,  car  il  joue  un  rôle  important  dans  Tévo- 
1  de  la  maladie. 

me  propose  donc,  dans  ce  chapitre,  d'étudier  d'abord  le 
riu  des  idées  obsédantes  y  l'objet  de  la  pensée  qui  remplit 
it  du  malade.  Puis,  dans  la  deuxième  partie  de  ce  chapitre, 
ninerai  la  forme  psychologique  que  prend  cette  idée,  c'est- 
3  les  caractères  psychologiques  qui  la  déterminent  et  qui 
lent  la  distinguer  des  autres  idées  normales. 


PREMIÈRE  SECTION 
LE    CONTENU    DBS    IDÉES    OBSÉDANTES 


contenu  d'une  idée  ne  peut  être  connu  que  par  des 
ssions  du  malade,  par  son  attitude  et  son  langage.  Il  faut  étu- 
în  quelques  mots  cette  attitude  des  malades  pour  se  rendre 
te  des  difficultés  de  l'observation.  Les  pensées  qui  rem- 
nt  les  obsessions  peuvent  être  rangées  ensuite  dans  cinq 
s  :  les  obsessions  du  sacrilège,  les  obsessions  du  crime,  les 
sions  de  la  honte  de  soi,  les  obsessions  de  la  honte  du  corps 
>  obsessions  de  maladie  ;    enfin,  nous  pourrons  à  la  fin  de 

première  étude  chercher  à  dégager  quelques  caractères 
aux  qui  se  retrouvent  toujours  dans  le  contenu  des  idées 
antes. 


i.  —  L'expression  des  idées  obsédantes. 

si  beaucoup  plus  difficile  qu'on  ne  le  croit  généralement  de 


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L'EXPRESSION  DES  IDÉES  OBSÉDANTES 

décrire  avec  précision  les  idées  qui  tourmentent  les  obséd 
malades  ont  en  effet  presque  tous  une  attitude  et  une  man 
s'exprimer  qui  me  paraît  précisément  dépendre  de  leur  éts 
tal,  mais  qui  gêne  singulièrement  les  recherches  psycholo 
Sans  doute,  ils  sont  doux,  aimables,  assez  intelligents  et  i 
sentent  ni  ces  colères,  ni  ces  entêtements,  ni  ces  confusi< 
gênent  dans  Texamen  d'autres  sujets,  mais  ils  ont  une  pei 
nie  à  parler  avec  précision  de  ce  qu'ils  éprouvent  et  ne  fon 
de  leurs  pensées  que  d'une  manière  perpétuellement  incoi 
obscure  et  embarrassée. 

Le  scrupuleux,  au  début  de  son  mal,  quand  il  s'aperç< 
sa  pensée  est  troublée,  commence  par  dissimuler  soigneu 
son  état  à  son  entourage  et  pendant  des  années,  sa  famill 
ignorer  qu'il  est  atteint  d'une  maladie  mentale.  Il  faut  d 
constances  toutes  spéciales  pour  le  décider  h  parler.  Ger 
2i4  *)i  par  exemple,  laisse  échapper  son  secret  quand,  pendj 
petite  maladie,  on  veut  la  faire  soigner  par  sa  belle-sœur 
son  délire,  elle  se  figure  depuis  plusieurs  années  avoir  tué  1 
de  cette  jeune  femme.  Elle  trouve  trop  horrible  d'être  i 
nant  soignée  par  elle  et  se  décide  à  expliquer  pourquoi  < 
fuse  ses  soins.  Ou  bien  il  faut  que  la  maladie  ait  été  soup 
à  cause  de  quelques  manifestations  extérieures  mal  répi 
en  général,  à  cause  du  bavardage  que  font  ces  malades,  à  i 
et  que  la  famille,  inquiète,  les  presse  de  questions.  On  entei 
pendant  plusleursjours  répéter  indéfiniment  u  non,  non»  dès 
est  seule.  Elle  refuse  d'expliquer  ce  mot  à  son  mari.  Il  fauti 
père  vienne  la  supplier  pour  obtenir  l'aveu  qu'elle  résiste 
mon.  Bien  souvent  d'ailleurs  on  amène  les  malades  au  n 
simplement  parce  qu'on  est  inquiet  de  leur  attitude  ma 
qu'on  ait  pu  obtenir  une  révélation  précise.  Cet  aveu  est  si 
tant  et  le  plus  souvent  si  tardif  que  Legrand  du  SauUe  le 
dérait  comme  un  événement  caractéristique  dans  l'évolutio 
maladie  et  faisait  débuter  avec  lui  ce  qu'il  appelait  la  s 
phase. 


I.  Le  chiflre  qui  suit  le  nom  d'un  malade  désigne  le  numéro  que  poi 
observation  dans  le  deuxième  volume  do  cet  ouvrage.  Dans  ce  volume  ] 
collaboration  avec  M.  le  professeur  Raymond,  nous  étudierons  les  antécé 
malade,  révolution  qu*a  eue  chez  lui  la  maladie,  les  traitements  qui  ont 
oecas  avoir  une  influence,  études  cliniques  qui  ne  peuvent  toutes  prendre  pi 
ce  premier  volume. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

Quand  on  interroge  ces  malades,  ils  prennent  un  air  extrême- 
barrassé.  Ils  sont  hésitants,  incertains  eux-mêmes  sur  ce 
►rouvent  et  sur  ce  qu^ils  veulent  dire.  Les  uns  comme 
)s.  iSa)  poussent  tout  le  temps  des  éclats  de  rire  et  se 
d'eux-mêmes  comme  s'il  nV  avait  rien  de  sérieux  dans 
.  Les  autres  sont  tristes,  honteux,  prient  qu'on  n'insiste 

[•efusent  absolument  de  faire  un  récit  net  et  précis  de 
adie.  Je  puis  donner  à  ce  propos  un  détail  caractéris- 
ai l'habitude,  autant  que  cela  est  possible,  de  prier  les 
de  m'écrire  :  la  feuille  de  papier  légendaire  du  neuras- 

n'est  pas  pour  me  déplaire.  Les  descriptions  sont  plus 
par  l'écriture  que  par  la  parole  et  le  document  est  sou- 
ressant  à  conserver.  J'ai  recueilli  ainsi  des  confidences 
tes  sur  la  plupart  des  maladies  mentales,  eh  bien,  sur 
puleux,  malgré  toutes  mes  supplications,  je  n'ai  pu  obte- 
ettres  que  de  cinq  malades  seulement.  II  ne  faut  donc 
que  sur  l'interrogatoire  et  on  ne  tarde  pas  a  s'apercevoir 
extrêmement  difficile. 

sont  cependant  pas  les  difficultés  ordinaires  de  l'examen 
es.  Le  persécuté  refuse  souvent  de  parler  parce  qu'il  prend 
in  pour  un  ennemi  et  qu'il  s'en  méfie  ;  le  scrupuleux  ne 
rien  de  semblable.  Il  ne  se  défie  pas  du  médecin  et  comme 
îrrons,  il  est  au  contraire  tout  disposé  à  réclamer  son  aide, 
colique  refuse  de  parler  par  honte,  par  humilité;  le  scru- 
lit  presque  toujours  fort  bien  que  ses  idées,  ses  accusations 
ses.  II  se  rend  assez  bien  compte  qu'il  est  un  malade  et 
>as  lieu  d'être  honteux  L'hystérique  ne  peut  pas  vous  par- 

qu'elle  ignore,  parce  qu'elle  a  oublié  ;  le  scrupuleux  ou- 
peu  et  ce  qu'il  y  a  de  plus  agaçant  dans  son  examen  c'est 
tend  toujours  savoir  très  bien  ce  qu'il  aurait  a  dire  et  que 
it  il  le  dit  toujours  très  mal.  Il  est  hésitant,  embrouillé, 
te  sans  avancer,  il  n'achève  jamais  Tidée  qu'il  a  commen- 
avance  jamais  un  mot  sans  le  contredire  Tinstant  suivant 
urs  il  vous  avertit  charitablement  que  tout  ce  qu'il  a  dit 
isant,  que  ce  n'est  pas  encore  cela,  qu'il  aurait  bien  autre 
lire  et  l'on  peut  recommencer  l'interrogatoire  toujours 
lême  résultat. 
)bs.   1/4^),  au  milieu  de  ses  éclats  de  rire,  vous  avertit: 

vais,  moins  je  comprends  mes  idées,  comment  voulez- 


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L'EXPRESSION  DES  IDÉES  OBSÉDANTES  7 

VOUS  que  je  vous  les  décrive?  Quand  je  veux  expliquer  une  idée, 
elle  s'enfuît,  ça  me  fait  un  trou  dans  la  tête.  Je  ne  puis  plus  la 
rattraper.  Quand  je  vous  parle,  ça  me  fait  l'effet  de  choses  si  pe- 
tites... si  petites  et  cependant  quand  je  suis  partie,  c'est  si  grave.  » 
Lise  (Obs.  223),  quand  on  Ta  interrogée  pendant  deux  heures, 
quand  on  a  écrit  tout  ce  qu'elle  disait,  termine  en  déclarant  :  a  ne 
l'oubliez  pas,  je  dis  presque  toujours  le  contraire  de  ce  que  je 
pense  et  je  ne  peux  pas  retrouver  mes  idées  quand  il  s'agit  d'en 
parler.  Je  n'en  dis  jamais  que  la  moitié.  Ne  tenez  donc  pas  compte 
de  ce  que  j'ai  dit.  m  F^a  plus  remarquable  à  ce  point  de  vue,  c'est 
Claire  (Obs.  222)  qui  arrive  toujours  très  affairée,  parce  qu'elle  a  des 
choses  importantes  a  me  dire,  qu'elle  tient  à  les  dire  et  qu'elle 
ne  retrouvera  sa  tranquillité  qu'après  avoir  tout  dit.  On  l'encou- 
rage a  commencer  et  alors  ce  sont  des  bavardages  sur  la  diffi- 
culté qu'il  y  a  à  parler,  sur  le  problème  de  savoir  par  quoi  com- 
mencer. «  J'ai  déjà  dit  tout  cela,  je  l'ai  dit  cent  fois,  j'ai  dû  vous 
le  dire,  ce  qui  me  tourmente,  c'est  que  je  n'ai  pas  dit  l'essentiel  » 
et  elle  pleure,  et  elle  rit,  et  elle  se  roule  sur  son  fauteuil  ;  en 
supplications  d'un  côté,  en  gémissements  de  l'autre,  on  passe  plu- 
sieurs heures  et  alors  la  voilà  au  désespoir.  «  Je  vais  encore  par- 
tir sans  vous  avoir  dit  ce  que  j'avais  à  dire,  c'est  si  simple,  je  vais 
vous  le  dire  »,  et  la  scène  recommencerait  encore  plusieurs  heures 
si  on  avait  le  temps  de  l'écouter.  11  faut  la  renvoyer  avec  la  con- 
solation que  la  prochaine  fois  elle  dira  mieux.  J'ai  connu  cette 
malade  pendant  dix-huit  mois  avant  d'avoir  deviné  sa  principale 
idée  fixe. 

Par  exception,  on  rencontre  des  scrupuleux  bavards  comme 
Jean  (Obs.  lôy)  ou  qui  écrivent  beaucoup  comme  Nadia  (166),  mais 
l'espoir  de  les  entendre  parler  clairement  de  leur  maladie  est 
bientôt  déçu.  C'est  un  flux  intarissable  de  paroles,  de  plaintes, 
de  gémissements,  mais  avec  les  mêmes  contradictions,  les  mêmes 
obscurités.  Jean  complique  son  langage  d'une  grande  quantité  de 
néologismes  dont  il  a  peu  à  peu  précisé  le  sens  dans  son  esprit, 
mais  qui  sont  loin  de  rendre  son  langage  plus  clair,  a  Ah  !  j'ai  eu 
ma  petite  mesure  depuisqueje  vous  ai  quitté  ;  une  petite  échaubouil- 
laison  a  fait  que  tout  repigeonnaitencore,  et  l'obsession  mentale  et  le 
fou-rire  cérébral  qui  me  labouraient  la  tête.  Je  ne  pouvais  plus  ré- 
sister au  besoin  de  me  crisper  les  organes,  cric,  crac,  meurs  donc 
en  te  donnant  des  jouissances.  Ce  que  j'ai  dû  soulever  de  poutres 
en  nombre  répété  pour  résister.  Vous  ne  vous  figurez  pas  comme 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

produit  un  état  fastidieux  tout  le  long  de  la  ligne  des  nerfs.  » 
1  continue  ainsi  pendant  des  heures  sans  arriver  à  se  faire 
[prendre  et  surtout  sans  arriver  à  se  satisfaire  lui-même.  Il 
plie  qu'on  l'écoute  encore  un  quart  d'heure,  parce  qu'il  est  si 
ortant  qu'il  ait  tout  dit.  Il  consent  à  s'arrêter  avec  la  pro- 
se que  la  prochaine  fois  il  reprendra  le  récit  interrompu.  Il 
curieux  de  comparer  h  ce  point  de  vue  Claire  et  Jean.  L'une 
)eut  pas  arriver  à  dire  dix  mots,  l'autre  parle  avec  abondance 
dant  des  heures  entières.  Le  résultat  est  cependant  exactement 
lème.  Ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont  arrivés  à  une  expression  pré- 

et  satisfaisante  des  troubles  qu'ils  éprouvent. 

en  est  de  même  pour  ceux  peu  nombreux  qui  écrivent.  Dob. 
s.  86),  jeune  femme  de  qq  ans,  qui  a  toujours  le  sentiment  de 
re  mal  expliquée  par  la  parole  se  décide  à  m'écrire  assez  sou- 
L  Mais  toutes  ses  lettres,  qui  sont  semblables  au  point  qu'elles 
lissent  copiées  l'une  sur  l'autre,  ne  contiennent  que  quelques 
;riptions  vagues  et  banales,  identiques  à  ce  que  disait  la  ma- 
I.  Nadia  prétend  éprouver  une  peine  extrême  h  parler  :  «  il 
semble,  dit-elle,  que  cela  m'étrangle  »  et  elle  adopte  vite  le 
ème  de  m'écrire  des  lettres  interminables,  d'abord  dix  ou 
ft  feuilles  de  papier  à  lettres,  puis,  comme  ce  papier  ne  suffit 
»,  cinq  à  six  grandes  feuilles  de  papier  écolier.  Les  mots  im- 
tants  sont  répétés  trois  ou  quatre  fois,  ils  sont  soulignés  un  grand 
ibre  de  fois.  Tout  semble  réuni  pour  arriver  à  une  précision 
sfaisante  et  cependant  Nadia  n'est  jamais  satisfaite  :  «  que  vou- 
vous,  mes  lettres  sont  aussi  embrouillées  que  mes  idées.  » 

ans  doute,  il  y  a  la  un  sentiment  faux,  une  illusion  du  ma- 
!  qui  est  toujours  mécontent  de  ce  qu'il  a  faitquoiquHI  semble 
r  fait  les  choses  d'une  manière  à  peu  près  suffisante.  Nous 
)ns  à  étudier  en  détail  ce  sentiment  et  nous  étudierons  jusqu'à 
I  point  il  est  erroné  et  s'il  ne  correspond  pas  à  une  certaine 
ité.  Pour  le  moment,  remarquons  que  ce  sentiment  du 
ade  à  propos  de  son  langage,  quoique  très  exagéré  chez 
Iques-uns,  est  en  général  assez  juste.  Cette  façon  de  s'exprimer 
paraît  assez  importante,  le  désir  de  se  confesser,  aucune  raison 
euse  qui  s'y  oppose  et  l'impuissance  où  est  le  malade  à  expri- 
clairement  son  état,  tels  sont  les  caractères  essentiels  du  lan- 
5  des  obsédés  scrupuleux, 
n  peut  observer  que  ce  trouble  de  l'expression  dépend  chez  quel- 


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L'OBSESSION  DU  SAGRILRGE  9 

ques-uns  d'une  émotion  de  tiraididé  et  on  cherchera  k  le  rattacher 
aux  autres  troubles  émotionnels  que  le  malade  présente  en  entrant 
chez  le  médecin,  en  cherchant  à  lui  dévoiler  des  choses  intimes.  Il 
y  a  là  une  partie  de  la  vérité:  dans  un  certain  nombre  de  cas,  cette 
attitude  est  en  partie  celle  des  timides.  Mais  je  crois  que  cette 
explication  n'est  que  partielle.  Beaucoup  de  ces  malades  ne  sont 
aucunement  timides  avec  moi,  à  moins  que  l'on  ne  veuille  étendre 
le  mot  de  timidité  à  tous  les  troubles  delà  volonté;  il  y  a  dans  leur 
difRculté  d'expression  quelque  chose  de  plus  général  et  de  plus 
important.  Elle  dépend  d'une  manière  d'être  de  tout  l'esprit,  elle  se 
rattache  à  une  impuissance  générale  de  rien  faire  avec  précision,  de 
rien  terminer.  Nous  retrouverons  cette  impuissance  avec  toute  son 
importance  à  la  fin  de  cette  étude  ;  mais  comme  ce  caractère  est 
capital,  il  était  bon  de  le  signaler  dès  le  début,  simplement  dans 
la  façon  dont  le  malade  se  présente  et  expose  sa  situation. 

On  comprend  que  ce  caractère  ne  facilite  pas  Pétude  des  mala- 
dies :  dans  ce  cas,  comme  d'ailleurs  presque  toujours,  il  faut  un 
temps  énorme  pour  éclaircir  un  peu  ces  observations  psycholo- 
giques, la  dépense  de  temps  est  la  difficulté  principale  de  la 
psychologie  expérimentale. 


2.  —  L'obsession  du  sacrilège. 

Quelles  que  soient  les  difficultés  qui  empêchent  de  saisir 
complètement  la  pensée  de  ces  malades,  on  finit  par  se  rendre 
compte  de  quelques  idées  principales  qui  d'une  manière  plus  ou 
moins  vague  constituent  le  fond  des  obsessions. 

Dans  un  premier  groupe,  il  s'agit  évidemment  d'obsessions 
religieuses,  mais  ce  sont  des  idées  religieuses  toutes  spéciales, 
ayant  un  aspect  horrible,  monstrueux  en  dehors  de  toute 
croyance  raisonnable.  Au  lieu  de  se  préoccuper  des  événements 
de  la  vie  commune,  de  la  mort  d'un  enfant,  de  l'absence  d'une  per- 
sonne aimée,  ces  malades  songent  à  des  crimes  religieux  irréali- 
sables et  fantastiques. 

Quelques  exemples  feront  facilement  comprendre  ce  caractère, 
j'en  choisis  d'abord  deux  particulièrement  typiques  autour  des- 
quels il  sera  facile  de  grouper  les  idées  du  même  genre  présentées 
par  les  autres  malades.  On.  (Obs.  221),  un  homme  de  4oanS;  après 


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10  LES  iDitEs  obsiî:dantes 

beaucoup  de  tergiversations,  nous  fait  Taveu  de  ce  qui  le  tourmente 
jour  et  nuit.  Il  vient  de  perdre  il  y  a  deux  ans  son  père  et  son 
oncle  pour  qui  il  avait  la  plus  grande  artcction  et  la  plus  grande 
--^-'-ation:  il  les  pleure,  cela  est  naturel.  Va-til  être  obsédé  par 
gre  de  leur  figure  comme  une  hystérique  pleurant  son  père  ? 
Il  est  obsédé  par  la  pensée  de  Tàme  de  son  oncle.  Mais  ce  qui 
Froyable,  c'est  que  Tàme  de  son  oncle  est  associée,  juxtaposée 
nfondue  (nous  savons  que  ces  malades  s'expriment  très  mal) 
Lin  objet  répugnant  :  des  excréments  humains,  a  Cette  âme 
1  fond  des  cabinets,  elle  sort  du  derrière  de  M.  un  tel, 
etc.  »  Il  fait  une  foule  de  variantes  sur  ce  joli  thème  et  il 
;e  des  cris  d'horreur,  se  frappe  la  poitrine.  «  Peut-on  con- 
p  abomination  pareille,  penser  que  l'âme  de  mon  oncle 
de  la  m...  »  Le  cas  est  intéressant  par  sa  grossièreté,  une 
Je  ce  genre  présente,  a  mon  avis,  un  cachet  tout  spécial:  elle 
it  déjà  le  médecin  qui  ne  le  rencontrera  guère  en  dehors  du 
î  du  scrupule. 

Eintde  préciser  ce  caractère  voyons  un  autre  exemple  encore 
typique.  Claire,  cette  jeune  fille,  dont  la  chasteté  ne  peut 
î  pas  être  soupçonnée,  finit  après  i8  mois  d'examen  et  d'in- 
^ations  par  m'avouer  l'obsession  suivante  qui,  au  premier 
I,  me  paraissait  invraisemblable  et  dont  j'ai  dû  plus  tard 
ater  la  fréquence  chez  les  scrupuleuses.  Elle  prétend  que 
plus  qu'une  idée,  c'est  quelque  chose  qu'elle  voit  et  qui  lui 
•ait  brusquement  h  gauche.  Acceptons  pour  le  moment  cette 
îssion  de  la  malade  :  «  Je  vois.  »  Nous  aurons  à  discuter 
tard  s'il  s'agit  d'une  véritable  hallucination.  Claire  prétend 
subitement  devant  elle  un  homme  tout  nu  ou  avec  plus  de 
sion  uniquement  les  parties  sexuelles  d'un  homme,  en  train 
omplir  un  acte  :  celui  de  souiller  une  hostie  consacrée, 
ici  des  années  que  cette  jeune  fille  a  cette  image  devant  les 
des  centaines  de  fois  par  jour.  De  temps  en  temps  l'image 
quelques  légères  modifications  :  il  y  a  plusieurs  membres 
autour  de  l'hostie,  ou  bien  c'est  une  femme  qui  met  l'hostie 
;s  parties  génitales,  tantôt  c'est  un  chien  qui  fait  ses  ordures 
ne  hostie,  tantôt  l'hostie  est  simplement  mêlée  avec  de  la 
des  excréments.  Pendant  certaines  périodes  de  grand 
le,  c'était  un  prêtre  qui  venait  appliquer  l'hostie  sur  les 
;s  génitales  de  la  malade  elle-même  ou  sur  son  anus.  Ces 
5s  provoquent  une  angoisse  horrible,  bouleversent  la  malade; 


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L'OBSESSION  DU  SACRILÈGE  11 

lui  donnent,  dit-elle,  à  chaque  fois,  une  espèce  de  crise  de  nerfs, 
lui  enlèvent  toutes  ses  idées,  toute  sa  volonté. 

De  telles  pensées  paraissent  au  premier  abord  bien  étranges 
et  bien  exceptionnelles.  Mais  si  on  observe  ces  malades  on  voit 
d^abord  qu'elles  sont  chez  eux  très  fréquentes.  11  y  a  un  siècle 
Esquirol  décrivait  déjà  des  hallucinations  semblables  h  celles  de 
Claire.  Si  nous  examinons  plusieurs  autres  malades  nous  allons 
retrouver  souvent  des  idées  très  analogues  à  ces  deux  exemples. 
Ce  sont  toujours  des  pensées  obsédantes  relatives  a  des  atten- 
tats monstrueux  contre  des  choses  religieuses  ou  infiniment  res- 
pectables. 

Lise  spécule  depuis  des  années  sur  ce  thème  :  le  culte  reli- 
gieux du  démon.  L'idée  obsédante  n'est  pas  chez  elle  aussi  bru- 
tale que  chez  les  deux  malades  précédents,  ce  n'est  pas  une 
image  simple  apparaissant  tout  à  coup,  c'est  une  méditation 
longue  et  compliquée  tournant  autour  de  quelques  idées  prin- 
cipales que  je  résume  en  conservant  le  vague  de  l'expression  qui 
caractérise  cette  malade.  «  Il  y  a  un  principe  du  mal  comme  un 
principe  du  bien...  le  mal  est  un  Dieu  comme  le  bien...  le  con- 
traire de  Dieu,  vénérer  le  contraire  de  Dieu...  quelle  est  la  puis- 
sance du  démon...  prier  le  démon  autant  que  Dieu...  si  on  ne 
croit  pas  au  démon  ne  pas  croire  a  Dieu  non  plus...  demander 
au  démon  des  services  et  lui  donner  en  échange  ce  qu'on  aime 
le  plus...  lui  demander  tout  ce  dont  on  a  envie...  donner  au 
démon  l'âme  de  ses  enfants...  etc.  »  La  dernière  idée  est 
Tobsession  capitale  de  cette  malade  qui  est  constamment  tour- 
mentée par  la  pensée  de  vouer  au  démon  l'ame  de  ses  enfants. 

Un  autre  malade,  Za...  (Obs.  216),  homme  de  32  ans,  rêve  à 
violer  une  vieille  femme  devant  une  église.  Leb...  (Obs.  217), 
femme  de  35  ans,  se  sent  poussée  par  Satan  à  se  masturber 
toutes  les  fois  qu'elle  prépare  une  confession.  Nous  verrons 
plus  tard  ce  qu'il  faut  penser  du  phénomène  lui-même,  excita- 
tion génitale  au  moment  d'un  effort  pour  accomplir  un  acte 
religieux.  Pour  le  moment  remarquons  seulement  que  la  malade 
a  à  ce  propos  une  obsession  «  je  pense  tout  le  temps  que 
le  diable  me  pousse  a  faire  des  malpropretés  pour  m'empêcher 
de  faire  mon  salut...  ».  Pour  Xy...  (Obs.  218J,  (emme  de  55  ans, 
le  diable  intervient  dans  toutes  ses  actions,  elle  ne  peut  pas  man- 
ger sa  soupe  ou  changer  de  chemise  sans  penser  qu'elle  fait  à  ce 
moment  un  acte  agréable  au  démon.  Lod...  ne  peut  voir  un  cra- 


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12  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

chat  par  terre  sans  penser  que  c'est  une  hostie,  ne  peut  donner 

h  Knîr*>  ?i  «an  chicu  sans  croire  qu'elle  donne  le  vin  et  l'eau  de 

e,  ne  peut  boire  elle-même  sans  croire  avaler  le  vin 

.  Gef...  se  figure  qu'elle  veut  «  tuer  le  bon  Dieu  ». 

qui  est  banal  chez  tous,    c'est    l'idée  du   blasphème, 

1  des  choses  divines,  penser  au  démon  en  faisant  des 

isulter  Dieu  au  lieu  de  le   prier...,    ne  savoir   expri- 

haine  de  Dieu  d'une  façon   mauvaise  et  grossière,  se 

ntre   Dieu   et  le  maudire,  dire   des   blasphèmes  dès 

B  à  la  religion...   cochon  de  Dieu,  etc.   »    telles  sont 

que   répètent   un    grand    nombre    de   ces    malades. 

mes  qui  ont  des  obsessions  d'une  autre  nature  comme 

,   femme   de    21    ans,   mêlent    la    divinité    et    la  reli- 

maladie  :  «  Je  suis  damnée,  je  lutte  contre  Dieu  si  je 

mon   cerveau  malade,  je   me  moque   de  Dieu  si  je 

me  soigner.  »   L'idée  de  sacrilège  se  mêle  aux  autres 


)ar  ces  exemples  faciles  a  multiplier  que  ces  obses- 
îquentes  chez  les  scrupuleux,  ont  un  trait  commun, 
toutes  constituées,  semble-t-il,  par  deux  pensées  asso- 
d'ordre  élevé,  le  plus  souvent  religieuse  et  en  tous  les 
ent  vénérable,  aux  yeux  du  sujet,  Dieu,  l'âme,  les 
glise,  l'hostie  et  de  l'autre  une  pensée  basse,  repu- 
oble,  les  excréments,  les  organes  génitaux,  les  paroles 
ordurières.  Cette  association  constitue  une  insulte 
mière  pensée  et  l'on  peut  dire  que  toutes  ces  obses- 
constituécs  par  la  pensée  d'un  sacrilège  :  de  là  le  nom 
j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  les  désigner  plusieurs  fois, 
^.v  sacrilèges.  Le  premier  fait  que  nous  ayons  à  relever 
Tupuleux  c'est  qu'ils  sont  tourmentés  perpétuellement 
ée  du  sacrilège. 


3.  —  L'obsession  du  crime. 

ssions  singulières  qui  constituent  une  sorte  de  manie 
;e  n'existent  pas  seules  chez  ces  malades.  On  peut 
que  le  plus  souvent  elles  ne  se  présentent   que  très 


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L'OBSESSION  DU  CRIME  i3 

tard,  lorsque  révolution  de  la  malade  est  déjà  bien  avancée. 
Chez  ces  mêmes  malades  on  rencontre  d'autres  idées  un  peu 
différentes  soit  qu'elles  existent  encore  simultanément  avec  les 
obsessions  sacrilèges,  soit^qu'elles  aient  dominé  antérieurement 
et  n'existent  plus  qu'à  l'état  de  souvenirs  ;  chez  d'autres  sujets 
moins  gravement  atteints  on  ne  rencontrera  pas  d'idées  vraiment 
sacrilèges  mais  uniquement  ces  obsessions  moins  graves. 

Ces  malades  sont  tourmentés  pendant  des  années  par  des 
préoccupations  toujours  du  même  genre  relatives  à  la  religion  ou 
à  la  morale.  Il  nous  faudra  rechercher  plus  tard  quelles  sont  les 
raisons  qui  fixent  ainsi  l'esprit  vers  un  même  ordre  de  réflexions 
morales,  pour  le  moment  nous  nous  bornons  à  constater  et  à 
décrire.  Ces  personnes  semblent  s'intéresser  vivement  aux  pro- 
blèmes religieux  et  philosophiques,  ce  qui  est  permis  à  tout  le 
monde,  mais  elles  le  font  d'une  façon  absorbante,  pénible  et  tout  à 
fait  excessive. 

Lise  s'interrogeait  des  journées  et  des  nuits  entières  sur  la 
question  du  salut,  elle  ne  s'intéressait  pas  précisément  à  son 
propre  salut,  mais  à  celui  de  son  père,  plus  tard  au  salut  de 
son  mari,  de  ses  enfants.  Elle  spécule  maintenant  sur  le  pro- 
blème du  bien  et  du  mal  dans  le  monde,  sur  le  problème 
de  l'action  mutuelle  des  âmes  les  unes  sur  les  autres.  Elle 
en  arrive  à  se  faire  une  sorte  de  philosophie  ou  de  religion 
personnelle,  mystique  et  enfantine,  tandis  qu'elle  néglige  com- 
plètement la  religion  oflicielle.  Une  autre  malade,  Ger...,  examine 
naïvement  comment  il  est  possible  que  Dieu  soit  descendu  sur  la 
terre  pour  sauver  les  hommes  et  pour  la  sauver  en  particulier 
elle-même.  Py...  (i33),  une  fillette  de  i5  ans,  est  bourrelée 
d'inquiétudes  à  propos  de  la  fin  du  monde,  cela  l'amène  à  exami- 
ner les  théories  de  la  création,  des  miracles,  de  l'existence  de 
Dieu.  «  Ce  serait  si  terrible,  répète-t-elle  en  pleurant  à  chaudes 
larmes,  si  Dieu  n'existait  pas.  »  On  a  déjà  vu  que  Lod...  mêle  des 
idées  religieuses  à  tous  ses  actes  même  les  plus  vulgaires,  elle  ne 
peut  passer  devant*une  boulangerie  sans  s'interroger  sur  le  mys- 
tère de  l'Eucharistie  et  elle  ne  peut  se  déshabiller  quand  elle  est 
seule  parce  qu'elle  est  gênée  par  la  présence  continue  de  Dieu. 
On  pourrait  multiplier  ces  exemples  qui  montrent  suffisamn^ent  la 
direction  religieuse  et  philosophique  des  rêveries  de  ces  malades. 

D'autres  plus  nombreux  encore  et  dont  l'étude  est  particulière- 
ment  intéressante  s'occupent  plutôt  des  problèmes  de    morale 


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14  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

concernant  la  conduite  humaine.  On...,  le  brave  homme  qui 
Tâme  de  son  oncle  dans  les  cabinets,  avait  été  auparavant 
it  des  années  tourmenté  par  les  problèmes  relatifs  à  Thon- 
;  il  s'interrogeait  avec  angoisse  sur  les  preuves  du  droit  de 
été,  sur  le  devoir  de  restituer,  etc.  Nb...,  un  littérateur 
»sant  étudie  malgré  lui  la  nature  de  l'amour,  de  Tamitié,  de 
rite.  We...  (170),  une  jeune  fille  de  19  ans,  a  la  prélen- 
3  résoudre  le  problème  de  la  responsabilité  et  veut  mesurer 
I  quel  degré  elle  est  responsable.  Un  homme  de  32  ans, 
216),  est  entré  à  20  ans  au  séminaire  afin  de  pouvoir  satisfaire 
ût  pour  les  questions  théologiques,  il  s'absorbe  dans  ces 
d'une  façon  si  anormale  que  le  supérieur  le  signale  au 
In  et  que  celui-ci  exige  son  renvoi  du  séminaire  et  l'invite 
ger  d'études.  A  peine  sorti  des  spéculations  religieuses,  il 
me  poussé  par  un  instinct  choisir  l'étude  du  droit  et  il 
nence  avec  le  même  acharnement  les  discussions  sur  le 
le  mal,  le  crime,  le  délit,  la  punition,  les  droits,  etc.,  si 
Li'on  a  dû  lui  interdire  ces  nouvelles  études  comme  les 
entes.  De  pareilles  études  semblent  bien  permises  et  pa- 
t  indiquer  simplement  un  goût,  une  direction  particulière 
ôt  intéressante  de  l'esprit.  Mais  nous  aurons  à  étudier  la 
que  prennent  de  telles  pensées  et  à  voir  combien  leur 
ppement  est  anormal. 

'  le  moment  remarquons  seulement  que  ces  spéculations 
tent  privées,  désintéressées  chez  ces  malades,  elles 
cnt  toujours  à  des  préoccupations  personnelles  relatives  à 
ions  déterminées.  Ce  n'est  pas  d'une  façon  théorique  qu'ils 
t  à  des  actes  religieux,  à  des  actions  bonnes  ou  mauvaises, 
sentent  poussés  h  les  accomplir.  Le  mal  semble  ne  pas 
en  grand  quand  il  s'agit  d'actions  bonnes  ou  indifférentes  : 
(217),  une  femme  de  35  ans,  est  sans  cesse  poussée  à 
s  prières,  a  aller  à  la  messe,  We...  sent  une  impulsion  qui 
ne  à  se  faire  religieuse^  h  entrer  dans* un  couvent,  Dor... 
npulsion  plus  curieuse,  elle  se  préoccupe  non  pas  de  ses 
elle  mais  de  ceux  des  autres,  elle  est  poussée  à  changer  la 
:e  de  son  mari  et  en  particulier  à  le  faire  confesser  sans 
our  la  moindre  des  choses  ;  elle  a  une  grande  crise  d'an- 
parce  qu'il  a  fumé  une  cigarette  avant  de  communier  avec 
qu'il  ne  veut  pas  aller  se  confesser  tout  de  suite. 


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L'OBSESSION  DU  GRIME  15 

Malheureusement  les  impulsions  sont  rarement  de  ce  genre, 
Dans  la  grande  majorité  des  cas  ce  sont  des  impulsions  à  accom- 
plir des  actions  mauvaises,  criminelles.  Les  obsessions  du  crime 
se  présentent  ainsi  sous  la  forme  d'une  tendance^  d'une  impulsion 
à  commettre  ces  crimes. 

Za...  n'a  pas  seulement  des  obsessions  sacrilèges  qui  le 
poussent,  comme  il  dit,  h  «  accomplir  tous  les  péchés  théologiques  », 
il  a  des  impulsions  à  des  crimes  plus  terre  à  terre,  violer  une 
femme  sur  un  banc  et  Tassassiner.  Mb...  (i36),  femme  de 
57  ans,  est  poursuivie  par  la  tentation  de  frapper  les  gens  avec 
un  long  couteau  pointu  a  qui  crève  les  yeux,  qui  entre  bien  ». 
Ger...  est  poussée  à  couper  la  tète  de  sa  petite  fille,  et  a  la 
mettre  dans  Teau  bouillante.  D'ailleurs  on  ne  peut  compter  les 
scrupuleux  qui  ont  des  impulsions  à  frapper  des  gens  et  surtout 
à  frapper  leurs  enfants  à  coups  de  couteaux.  Dans  une  conférence 
que  je  faisais  récemment  à  la  Salpêtrière  sur  ces  malades,  j'avais 
pu  réunir  cinq  mères  de  famille,  répétant  toutes  en  pleurant 
exactement  la  même  chose  :  que  quelque  chose  les  poussait  à 
frapper  leurs  petits  enfants  avec  un  couteau  pointu.  On  ne  peut 
énumérer  tous  ces  malades,  il  suffit  d'en  citer  quelques-uns.  Lise, 
Vod...  (2o3),  Wks...  (197),  Brk...  (24),  Vi...,  Ger...,  etc.,  veu- 
lent aussi  frapper  leurs  enfants.  Qes...  veut  se  jeter  sur  sa  mère, 
l'étrangler  et  se  suicider  après. 

Ces  obsessions  impulsives  qui  semblent  pousser  les  malades 
à  l'homicide  sont  parmi  les  plus  fréquentes  et  les  plus  connues. 
Schopenhauer  rapportait  déjà  un  cas  d'impulsion  a  l'homicide 
chez  un  malade  qui  avait  conscience  de  l'absurdité  d'une  sem- 
blable idée  et  s'en  désolait  *.  Maudsley  en  rapporte  plusieurs 
exemples,  Magnan,  Saury  en  décrivent  de  nombreux  exemples. 
Dans  une  observation  de  M.  Magnan,  le  malade  veut  simplement 
mordre  et  manger  la  peau  qu'il  aura  arrachée  *.  On  peut  donc 
réunir  dans  un  premier  groupe  toutes  les  obsessions-impulsions 
à  des  actes  de  violence  quelconque. 

L'impulsion  au  suicide  vient  par  ordre  de  fréquence  après  l'im- 
pulsion au  meurtre,  nous  la  retrouverons  chez  beaucoup  de  nos 
malades,   chez  Nadia    par  exemple  qui   dans  une  rêverie  roma-. 
nesque  arrive  à  se  représenter  qu'elle  se  noie  dans  la  mer  Bal- 


1.  Schopcnhaucrt  Le  libre  arbitre,  Irad.,  p.  177. 

2.  MagnaD,  ilrc/i.  de  neurologie,  1892,  i,  p.  321. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

tique.  Une  femme  de  3o  ans,  Kl...  (211),  a  été  pendant  trois 
ans  obsédée  par  l'image  d'un  homme  pendu  dont  on  lui  a  raconté 
la  triste  fin.  Ce  qui  la  tourmentait  ce  n'est  pas  réellement  la  mort 
de  cet  individu,  c'était  une  réflexion  personnelle:  «  Je  pourrais  bien 
en  faire  autant  »  et  elle  se  sentait  poussée  à  se  pendre  h  ce  point 
qu'il  lui  fallait  prendre  des  précautions  pour  ne  pas  céder  à  ce 
désir.  Elle  fermait  à  clef  son  grenier  et  cachait  la  clef,  car  dans 
son  idée  c'était  au  grenier  qu'elle  irait  exécuter  ce  suicide. 

Les  impulsions  génitales  sont  souvent  parmi  les  plus  remar- 
quables. Za...  veut,  comme  nous  l'avons  dit  violer,  une  vieille 
femme,  V...,  une  jeune  femme  mariée,  se  sent  poussée  à  se 
mettre  a  la  fenêtre  et  à  (aire  signe  aux  passants  pour  les  inviter  à 
monter  chez  elle.  Une  jeune  fille  de  22  ans,  Vob...  (194),  ne 
veut  plus  rester  dans  Tappartement  de  ses  parents,  elle  veut  se 
réfugier  a  dans  une  prison,  ou  dans  un  couvent,  dans  un  endroit 
quelconque  où  il  n'y  ait  que  des  femmes  »,  parce  qu^elle  est 
poussée  à  s'approcher  de  ses  frères  et  à  déboutonner  leur  culotte. 
((  Elle  ne  pourra  jamais  résister  jusqu'à  son  mariage,  déjà  ses 
bras  font  malgré  elle  de  petits  mouvements,  elle  sent  ses  mains 
qui  défont  les  boutons.  »  Nous  aurons  à  rechercher  s'il  s*agit  là 
de  véritables  hallucinations  kinesthésiques,  notons  seulement  ici  la 
fprme  d'image  kinesthésique  que  prend  l'obsession,  analogue  à  la 
forme  visuelle  qu'elle  prenait  dans  les  idées  sacrilèges  de  Claire. 

Parmi  ces  obsessions  avec  impulsions  génitales  il  faut  noter 
celles  de  Rk...,  homme  de  4o  ans  qui  depuis  vingt  ans  se  croit 
atteint  d'inversion  sexuelle  et  déplore  le  triste  penchant  qui  le 
pousse  vers  des  jeunes  gens.  Il  n'a  d^excitations  sexuelles 
qu'en  pensant  à  des  hommes,  il  déclame  sur  la  poésie  roman- 
tique des  amours  masculines  et  en  même  temps  il  redoute  le 
sort  d'un  littérateur  connu  condamné  pour  cette  conduite  illégale. 
Je  ne  discute  pas  ici  la  question  des  invertis  sexuels,  mais  je  suis 
convaincu  que  trop  souvent  on  a  fait  des  théories  sur  l'inversion 
sexuelle  à  propos  de  simples  obsédés  ayant  une  impulsion  vers 
cette  action  comme  ils  auraient  une  impulsion  à  un  crime  quel- 
conque. Dans  le  cas  présent,  cet  homme  a  été  amoureux  d'une 
jeune  fille  à  17  ans  ;  par  conséquent  il  n'a  pas  toujours  été  un 
inverti  sexuel  ;  à  la  suite  de  beaucoup  d'autres  obsessions  il  est 
parvenu  à  l'idée  de  ce  crime  génital  particulier  qui  constitue 
maintenant  son  obsession  principale. 

Ce  sont  surtout  les  impulsions  à  la  masturbation  qui  jouent  un 


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L'OBSESSION  DU  GRIME  17 

grand  rôle  dans  les  tourments  de  ces  malades.  Deb...  (i65), 
femme  de  44  ans,  froide  avec  son  mari,  ne  pense  qu'à  recommen- 
cer d'anciennes  masturbations,  il  en  est  de  même  pour  Loa... 
(i38),  pour  Leb...,  etc.  Cette  pensée  forme  un  des  phéno- 
mènes principaux  de  la  maladie  si  complexe  de  ce  pauvre  Jean, 
à  tout  instant  et  a  tout  propos,  il  croit  avoir  des  tentations  de 
masturbation.  Par  exemple  s'il  rencontre  une  femme  dans  l'omni- 
bus, s'il  est  forcé  par  les  circonstances  de  toucher  la  main  d'une 
femme  et  même  tout  simplement  s'il  éprouve  une  émotion  quel- 
conque même  légère,  il  sent  plus  qu'il  n'entend  une  voix  lui 
disant  :  «  Va  donc,  crispe-toi  les  organes,  masturbe-toi  donc, 
meurs  en  te  donnant  des  jouissances.  »  Et  il  sent  que  ses  nerfs 
s'agitent  moitié  involontairement,  moitié  volontairement.  «  Il  y  a 
en  moi  une  complaisance,  un  laisser  aller  pour  tous  ces  désirs 
sexuels.  » 

Ajoutons  les  impulsions  à  d'autres  actions  malhonnêtes,  par 
exemple,  l'impulsion  à  voler  et  à  mentir  chez  Lod...  Cette  impul- 
sion à  voler  se  retrouve  très  souvent  :  elle  joue  un  rôle  dans  une 
impulsion  plus  complexe  et  particulièrement  intéressante,  celle 
des  fugues  chez  Go...  Ce  garçon  de  i5  ans  ne  pouvait  parvenir 
à  rester  immobile  dans  une  école,  dès  qu'il  essayait  de  s'appli- 
que à  son  travail,  il  sentait  des  agitations  folles  qui  le  pous- 
sèrent dès  son  enfance  à  faire  très  souvent  l'école  buisson- 
nière.  Maintenant  il  a  un  désir  fou  de  partir  n'importe  où,  de 
voyager  loin  de  l'école,  loin  de  son  apprentissage.  Cette  idée  lui 
enlève  tout  bon  sens  et  il  faut  qu'il  y  cède  :  il  prend  chez  ses 
parents  une  fois  68  francs,  une  autre  fois  3o4  francs  et  il  s'en  va. 
Son  argent  ne  lui  sert  qu'à  payer  le  chemin  de  fer  de  la  façon  la 
plus  économique,  et  à  lui  assurer  une  bien  maigre  ration.  Il  vit 
avec  lo  sous  par  jour,  et  se  nourrit  à  peine.  Il  ne  prend  aucun  plai- 
sir à  son  voyage,  il  voyage  pour  voyager,  pour  s'éloigner  loin  du 
travail.  Il  est  tout  le  temps  mécontent  d'être  parti  et  écrit  des 
lettres  à  des  amis  et  à  des  parents  pour  demander  des  conseils, 
il  essaye  de  rentrer  en  prenant  un  billet  pour  Paris,  mais  il  est 
forcé  de  descendre  quelques  stations  avant  d'arriver  et  de  repar- 
tir en  sens  inverse.  Il  rentre  quand  il  n'a  plus  aucune  ressource, 
il  arrive  la  tête  basse,  s'excusant  de  ses  sottises  et  jurant  qu'il  ne 
recommencera  plus.  Il  a  en  effet  un  souvenir  complet  de  toute 
l'expédition  et  de  la  lutte  qu'il  a  soutenue  contre  l'obsession. 
C*est  un  cas  qu'il  ne  faut  pas   confondre  avec  les  fugues  hystc- 

LSS    OBSESSIONS.  I.    —    2 


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18  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

riquesy  mais  qui  rentre  dans  les  dromomanies  que  décrivait 
M.  Régis.  Il  se  rattache  à  ces  obsessions  impulsives  qui  poussent 
le  malade  à  toutes  sortes  d*actes  criminels. 

Il  faut  faire  une  place  à  part  aux  impulsions  qui  poussent  les  sujets 
à  boire  de  l'alcool  ou  à  absorber  des  poisons.  Dans  certains  cas  Tim- 
pulsion  à  boire  rentre  dans  les  cas  précédents  :  la  malade  si  sin- 
gulière que  j'ai  décrite  dans  un  ouvrage  précédent  était  poussée 
a  boire  du  café  au  lait  et  à  manger  des  petits  pains  volés.  Elle 
finissait  par  prendre  vingt  ou  trente  tasses  de  café  au  lait  dans 
la  journée  et  prenait  des  précautions  pour  pouvoir  en  faire  pen- 
dant la  nuit  ^  Ici  le  breuvage  absorbé  n'a  pas  d'importance  par 
lui-même,  c'est  une  impulsion  à  boire  un  breuvage  défendu  par 
le  médecin  et  considéré  comme    dangereux  pour   son  estomac. 

Le  plus  souvent  il  s'agit  de  boire  du  vin,  de  l'alcool,  des  exci- 
tants sous  une  forme  quelconque.  L'obsession  impulsive  prend 
alors  le  nom  de  dipsomanie,  D...,  homme  de  3o  ans,  a  depuis 
l'âge  de  i5  ans  des  périodes  singulières  de  dépression  sur  les- 
quelles je  reviendrai  longuement,  car  leur  importance  pour 
l'intelligence  des  obsessions  me  semble  capitale.  Ce  n'est  qu'à 
22  ans  que  ces  périodes  de  dépression  se  transforment  et  sont 
remplacées  par  une  idée  obsédante,  celle  de  boire.  Il  résiste 
pendant  un  certain  temps  puis  finit  par  céder  et  boit  jusqu'à 
l'ivresse  complète.  Fm...  (192),  qui  a  déjà  des  symptômes  de 
névrite  alcoolique,  se  fait  à  lui-même  toutes  sortes  de  menaces  : 
((  Si  tu  bois  encore  ton  patron  va  te  renvoyer,  tu  seras  paralysé 
des  jambes,  tu  souffriras  atrocement,  etc.  »  Et  cependant  il  ne 
peut  résister  à  l'impulsion. 

Toutes  ces  impulsions  à  des  crimes  peuvent  se  rencontrer  chez 
un  même  sujet  qui  songera  à  la  fois  à  l'homicide,  au  suicide,  au 
vol  ou  qui  réunira  d'une  manière  vague  tous  les  crimes.  «  C'est 
comme  si,  répète  Claire,  je  voulais  me  laisser  aller,  céder  à  tous 
mes  caprices,  renoncer  à  toute  moralité.   » 

L'impulsion  pourra  prendre  une  autre  forme  également  bien 
connue  :  elle  sera  négative.  Les  malades  seront  poussés  à  résister, 
à  ne  pas  faire  une  action  que  la  religion  ou  la  morale  comman- 
dent. Chez  Claire,  ce  refus  constitue  un  véritable  délire  à  propos 
des  actes  religieux;  refuser  de  faire  ses  Pâques,  refuser  de  faire  la 
prière,  la  considérer  comme  impossible,  refuser  d'aller  à  la  messe, 

I.  Raymond  et  P.  Janet,  Névroses  el  idées  fixes,  1898,  II,  p.  194. 


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L'OBSESSION  DU  CRIME  19 

refuser  de  manger,  c^est  là  perpétuellement  ce  que  son  impul- 
sion lui  inspire.  En  réalité,  il  lui  suffit  de  penser  qu'une  action 
est  bonne  pour  qu^elIe  ait  une  impulsion  violente  à  ne  pas  la 
faire.  C'est  parce  qu'elle  croit  de  son  devoir  de  me  parler,  de  me 
confier  ses  tourments,  qu'elle  est  si  incapable  de  le  faire  ;  une 
action  qu'elle  jugera  indifférente  s'effectuera  beaucoup  plus  faci- 
lement. Ce  type  se  rencontre  chez  bien  des  malades,  chez  Elg... 
(i6),  chezTr...  (ii8),  qui  se  sentent  poussées  à  ne  pas  faire  leur 
travail,  mais  il  est  moins  fréquent  que  le  précédent. 

A  côté  de  ces  diverses  impulsions,  il  faut  placer  une  manifesta- 
tion plus  fréquente  encore  et  plus  importante  de  l'obsession  cri- 
minelle, ce  sont  les  remords.  Le  malade  ne  se  sent  pas  actuelle- 
ment poussé  à  accomplir  une  action  criminelle,  mais  il  pense 
qu'il  l'a  accomplie  autrefois  et  il  est  bourrelé  de  remords. 

On  peut  mettre,  bien  entendu  au  premier  rang,  les  remords 
précis,  portant  sur  tel  ou  tel  acte  déterminé  et  parmi  ceux-ci 
signaler  tout  d'abord  les  remords  de  fautes  religieuses,  les  déses- 
poirs causés  par  les  confessions  insuffisantes  ou  par  les  commu- 
nions prétendues  sacrilèges.  Il  est  inutile  de  citer  des  noms,  car 
tous  les  scrupuleux  ont  eu  ce  symptôme,  presque  toujours  au  dé- 
but de  leur  maladie.  Chez  quelques-uns,  ces  remords  constituent 
un  véritable  accès  de  délire,  tous  ceux  qui  s'occupent  de  mala- 
dies mentales  ont  connu  ces  femmes  affolées  pendant  des  mois, 
parce  qu'elles  croient  avoir  fait  entrer  un  morceau  d'hostie  dans 
une  dent  creuse.  Le  fait  est  si  banal,  qu'il  a  été  bien  connu  et  bien 
décrit  par  les  romanciers  :  on  peut  relire  à  ce  propos  la  jolie 
description  de  la  sœur  aux  scrupules  dans  le  Musée  de  béguines 
de  Georges  Rodenbach  *.  Le  médecin  aurait  peut-être  à  relever 
dans  cette  peinture  quelques  inexactitudes  à  propos  de  l'état  de  dé- 
mence de  Sœur  Marie  des  Anges,  mais  les  premières  périodes  de 
la  maladie  sont  remarquablement  décrites,  l'attitude  de  la  sœur 
au  confessionnal  et  ses  angoisses  après  l'absolution  semblent  avoir 
été  copiées  sur  nos  malades.  Ce  genre  de  pénitentes  est  sans 
doute  bien  connu  par  les  prêtres  qui,  si  j'en  juge  par  mes  ma- 
lades, doivent  être  assourdis  parles  doléances  relatives  aux  an- 
ciennes communions. 

Nous  constatons  ensuite  des  remords  pour  tous  les  crimes  qui 

I.  Georges  Rodenbach,  Musée  de  béguines,  189^. 


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20  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

tout  a  rheure,  se  présentaient  comme  des  impulsions.  Il  est  à  re- 
marquer, en  effet,  que  les  malades  qui  se  disent  poussés  à  accom- 
plir un  meurtre  sont  souvent  les  mêmes  qui,  quelques  jours  après, 
vont  avoir  des  remords  comme  s'ils  avaient  réellement  commis 
cet  acte.  Ainsi,  du  vivant  de  sa  belle-mère,  Ger...  était  poussée  à 
la  tuer  ;  quand  cette  femme  fut  morte,  elle  s'accusa  d'avoir  causé 
sa  mort.  Yi...  s'accuse  d'avoir  accompli  toutes  les  actions  aux- 
quelles, comme  nous  l'avons  vu,  elle  se  sentait  poussée.  Elle  a 
causé  la  mort  des  gens,  elle  a  étranglé,  elle  a  blessé  des  pas- 
sants, envoyé  des  lettres  compromettantes,  versé  du  poison, 
trompé  son  mari,  etc. 

D'autres,  sans  avoir  eu  d'impulsions  précises,  ont  perpétuelle- 
ment et  uniquement  des  remords.  Rob...  (119),  qui  tient  une 
caisse  dans  une  maison  de  commerce,  est  poursuivie  par  l'idée 
qu'elle  a  mal  rendu  la  monnaie,  qu'elle  a  volé.  We...  (170)  se  re- 
proche tous  les  chagrins,  tous  les  malheurs  qu'elle  voit  arriver 
autour  d'elle,  parce  qu'elle  s'accuse  de  les  avoir  autrefois  prévus 
et  souhaités.  New...  (212),  homme  de  3o  ans,  invente  tout  un 
véritable  délire  rétrospectif,  il  se  reproche  sa  conduite  indé- 
cente à  l'école  et  il  invente  que  tous  ses  maîtres  ont  abusé  de 
lui,  cela  devient  un  roman  assez  compliqué.  Kl...  est  poussée  à 
penser  que  son  enfant  n'est  pas  le  fils  de  son  mari,  ce  problème 
dissimule  une  véritable  obsession  de  remords,  c'est  une  manière  de 
se  demander  si  elle  a  trompé  son  mari.  Dk...  (2i5)  a  l'idée  qu'il 
y  a  quinze  jours,  il  a  pu  tuer  quelqu'un  ;  il  va  dans  la  rue  frôler 
les  sergents  de  ville  et  se  trouve  sur  le  point  de  les  prier  de  l'arrê- 
ter. Xya...  (25)  n'a  pas  assez  bien  soigné  ses  enfants  et  les  a  fait 
mourir.  Lise,  si  on  la  croit,  a  fait  tous' les  crimes  possibles:  com- 
munions sacrilèges,  meurtres,  infanticides  innombrables  (elle 
s'accuse  d'infanticide  toutes  les  fois  qu'elle  a  des  rapports  avec 
son  mari  non  suivis  de  conception)  actes  contre  nature,  etc.  Rk... 
à  3o  ans  se  souvient  qu'à  l'âge  de  4  ans  il  venait  le  matin  dans 
le  lit  de  son  père  avec  sa  petite  sœur  âgée  de  3  ans,  il  croit  qu'à 
ce  moment  il  a  abusé  de  sa  petite  sœur  et  il  est  effrayé  à  la  pensée 
dé  cet  inceste. 

Za...  a  des  remords  de  ce  genre  assez  curieux  parce  qu'ils 
s'accompagnent  d'images  innombrables  analogues  à  de  véritables 
tableaux.  Il  a  la  manie  de  s'accuser  de  tous  les  meurtres  dont  il 
entend  parler.  Ainsi,  on  lui  apprend,  à  la  campagne,  qu'un  vieil- 
lard de  84  ans  a  été  trouvé  mort  sur  une  route.  Immédiatement, 


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L'OBSESSION  DU  CRIME  21 

il  se  dit  que  c'est  lui  qui  Ta  tué  pour  lui  prendre  son  argent.  En 
passant  près  d'une  maison,  il  a  entendu  ou  cru  entendre  le  bruit 
d'un  revolver  et  il  apprend  ensuite  qu'un  homme  s'est  tué  dans 
cette  maison.  Aussitôt  il  en  conclut  que  c'est  lui  qui  a  tiré  le  coup 
de  revolver  et  tué  cet  individu.  L'obsession  de  ce  remords  a  duré 
deux  ans.  v  J'éprouve,  dit-il,  en  parlant  de  ces  remords,  toutes  les 
émotions  du  voleur,  de  l'assassin,  toutes  les  tortures  du  remords 
pour  ces  crimes  imaginaires.  Je  vois  les  suites  du  crime,  je  vois 
deux  agents  venir  me  saisir  au  milieu  des  miens,  je  vois  la  pri- 
son, le  cabinet  du  juge  d'instruction,  la  cour  d'assises  ;  je  me  vois 
au  banc  des  accusés,  dévisagé  par  mes  collègues  qui  chuchotent 
entre  eux  :  on  ne  s'en  serait  jamais  douté.  Je  subis  les  angoisses  de 
l'incertitude  qui  précèdent  les  verdicts  du  jury  et  je  travaille  à 
reproduire  en  moi-même  les  impressions  du  condamné  à  mort 
qu'on  ligotte  pour  le  conduire  au  lieu  de  l'exécution.  *  ». 

Une  seconde  forme  de  l'obsession  du  remords,  plus  grave  que 
la  pensée  et  qui  peut  correspondre  à  une  forme  très  avancée  de  la 
maladie,  c'est  le  remords  général  portant  sur  tous  les  actes  de  la 
vie  presque  sans  exception.  Claire  serait  une  malade  de  ce  genre, 
elle  ne  peut  «  réfléchir  à  aucune  de  ses  actions,  quelle  qu'elle  soit 
sans  en  être  accablée  de  remords  ».  Nous  étudierons  ce  cas  à  propos 
des  obsessions  de  honte. 

Dans  certains  cas,  en  effet,  le  remords  portant  même  sur  un  acte 
déterminé  s'associe  avec  une  honte  de  toutes  les  actions.  Xyb... 
(209)  pour  une  raison  quelconque  a  renvoyé  sa  blanchisseuse,  puis 
s'est  décidée  à  la  reprendre.  Elle  croit  avoir  été  injuste  en  la  ren- 
voyant, puis  avoir  manqué  de  décision  en  la  reprenant.  Il  résulte 
de  ce  remords  qu'elle  trouve  mauvaise  toute  sa  conduite,  il  ne  lui 
est  plus  possible  de  rien  faire  correctement  tant  qu'elle  n'a  pas 
réparé  sa  conduite  vis-à-vis  de  la  blanchisseuse.  Elle  prend  des 
précautions  pour  être  toujours  liée  à  celle-ci,  par  exemple,  elle 
veut  toujours  lui  devoir  une  petite  somme  d'argent  afin  de  ne  plus 
pouvoir  la  quitter,  mais  jamais  elle  ne  peut  effacer  le  remords  de 
son  action  irréparable. 

Une  obsession  curieuse  me  paraît  devoir  être  rattachée  à  ce 
groupe,  ce  sont  les  «  remords  de  vocation  »,  le  malade  se  re- 

I.  Une  observation  intéressante  que  l'on  peut  comparer  à  celle-ci  a  été  publiée 
par  M.  Bramwell  dans  le  Brain,  1896,  344  :  «  Il  invente  des  histoires  absurdes  à 
propos  d*un  empoisonnement  qu'il  prépare,  il  se  représente  la  tragédie,  Tenfant 
buvant  le  chocolat  et  mourant  dans  une  horrible  agonie,  etc..,  » 


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22  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

proche  d'avoir  «  manqué  sa  vocation  ».  J'ai  déjà  étudié,  avec 
\f  lo  Pr  Raymond,  l'observation  intéressante  de  cette  femme  ob- 
r  le  regret  de  «  n'être  pas  institutrice  »,  de  «  n'avoir  pas 
3  épousé  un  instituteur  »  ^  On  observe  bien  plus  fré- 
it  des  femmes  qui  se  reprochent  de  n'être  pas  entrées  dans 
it,  de  n'être  pas  religieuses.  C'est  le  cas  typique  de  Gisèle 
B  3o  ans  (171),  qui  trouve  que  toute  sa  vie  est  manquée, 
,  que  tous  ses  actes  sont  altérés  parce  qu'elle  n'est  pas 
î.  Se  reprocher  une  faute  dans  le  choix  d'une  vocation, 
manière  de  se  reprocher  en  général  toutes  les  actions 

ces  obsessions  à  propos  d'idées  morales,  à  propos  d'im- 
lu  crime  et  surtout  à  propos  de  remords  ont  certaine- 
ilgré  leurs  différences,  des  traits  communs.  C'est  ce  qui 
lis  de  les  ranger  sous  ce  titre  commun  :  les  obsessions 
es. 


4.  —  L'obsession  de  la  bonté  Se  soi. 

tre  genre  d'obsessions  voisin  des  précédents,  bien  cn- 
lais  un  peu  plus  simple  peut-être  se  retrouve  chez  les 
ux,  soit  isolé  dans  des  cas  relativement  bénins,  soit  en 
ice  avec  les  obsessions  du  sacrilège  et  du  crime  dans  les 
graves.  Il  m'est  difficile  de  résumer  par  un  mot  le  carac- 
éral  qui  se  retrouve  dans  les  idées  de  ce  groupe.  Il  s'agit 
ement  de  remords  proprement  dits,  mais  de  mépris,  de 
xtement  portant  non  seulement  sur  les  actes,  mais  sur  les 
morales,  sur  la  personne  du  sujet  et  plus  souvent  encore 
îorps.  Le  malade  a  constamment  l'idée  que  ce  qu'il  fait, 
u'il  est,  que  ce  qui  lui  appartient  est  mauvais.  Le  carac- 
me  semble  le  plus  général,  c'est  le  sentiment  de  honte 
dans  certains  cas  la  honte  soit  légère  et  qu'il  s'agisse 
le  mécontentement.  C'est  pourquoi  nous  réunissons  ces 
s  le  nom  générique  :  d'obsession  de  honte, 
ue  les  diverses  formes  de  cette  honte  se  mélangent  as- 
lement,  il  me  semble  bon  d'en  distinguer  deux  groupes 

)ses  et  idées  fixes  y  II,  p.  i48. 


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L'OBSESSION  DE  L\  HONTE  DE  SOI  23 

principaux  qui  ont  un  aspect  clinique  assez  différent.  Dans  le 
premier  groupe,  la  honte  ou  le  mécontentement  reste  à  peu  près 
complètement  dans  le  domaine  moral  et  les  obsessions  se  rappro- 
chent plus  ou  moins  des  deux  classes  précédentes,  celui  du  sacri- 
lège et  du  crime.  Ce  que  le  sujet  méprise  en  lui-même,  c'est  son 
esprit,  sa  volonté,  son  intelligence.  Dans  le  deuxième  groupe,  la 
honte  porte  plutôt  sur  le  côté  physique  de  l'individu  et  le  sujet 
est  mécontent  de  son  corps  ou  de  ses  fonctions  corporelles.  Ces 
nouvelles  obsessions  nous  rapprocheront  davantage  des  idées  hypo- 
condriaques. 

Occupons-nous  d'abord  du  premier  groupe  :  la  honte  morale. 
Dans  les  cas  les  plus  graves,  chez  les  malades  qui  nous  ont 
présenté  les  idées  sacrilèges  et  les  grands  scrupules,  ce  mécon- 
tentement, n^est  pas  localisé  à  une  action,  il  est  absolument  géné- 
ral, et  porte  sur  toute  la  personne.  Le  type  de  ce  genre  de  délire 
généralisé  est  certainement  Claire.  Son  mécontentement  au  début, 
comme  il  arrive  souvent,  portait  sur  des  actes  religieux,  c'est-à- 
dire  sur  ceux  qu'elle  voudrait  le  mieux  faire.  On  verra  de  plus  en 
pins  l'importance  du  contraste  chez  les  scrupuleux.  Elle  a  encore 
le  sentiment  que  les  confessions,  les  communions  ont  été  mal 
faites.  Puis  ce  sont  les  prières  qu'elle  trouve  très  insuffisantes. 
Elle  cherche  des  moyens  pour  y  remédier  :  ce  sont  des  prières  in- 
terminables, des  confessions  par  écrit  préparées  pendant  i5  jours, 
puis  des  grimaces,  des  contorsions  pour  arriver  à  bien  prier; 
mais  bientôt  ces  systèmes  sont  impuissants  et  ces  actes  religieux, 
deviennent  impossibles.  Elle  en  est  désespérée,  elle  répète  que  le 
pouvoir  de  prier  serait  chez  elle  le  signe  de  la  guérison  complète. 
Elle  pleure  dès  qu'on  parle  de  religion  devant  elle  mais  elle  a 
préféré  renoncer  à  toute  pratique  religieuse,  tellement  elle  est  con- 
vaincue qu'elle  les  fait  mal,  d'une  manière  indigne.  Elle  se  laisse 
conduire  à  la  messe,  de  temps  en  temps,  mais  ne  suit  rien,  ne  veut 
faire  aucune  prière.  Il  lui  faudrait  de  tels  efforts  pour  en  faire 
une  bien  qu'elle  préférerait  mourir.  Puis  le  mécontentement  s'est 
étendu  à  d'autres  actes,  à  toute  chose  qui  lui  paraît  avoir  un 
caractère  moral  quelconque,  à  tout  ce  qui  pourrait  être  bien.  Des 
actions  indifférentes  au  point  de  vue  moral,  ou  qu'elle  croit 
telles,  se  font  facilement,  elle  n'a  pas  de  système  pour  manger 
ou  pour  respirer  et  encore  ne  faudrait-il  pas  attirer  son  atten- 
tion là-dessus,  ni  lui  faire  une  recommandation  médicale  sur  la 
nourriture,  car  aussitôt  le  désir  de  bien  faire  en  mangeant  ren- 


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24  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

drait  ralimentation  impossible.  Pour  tout  le  reste  elle  est 
convaincue  qu'elle  agit  très  mal,  qu'elle  aime  mal  ses  parents, 
soigne  mal  sa  mère,  travaille  mal,  etc. 

Elle  exprime  comme  toujours  ces  remords  d'une  manière  très 
vague,  (c  C'est  comme  si  j'avais  commis  tous  les  crimes...  j'ai 
des  remords  comme  si  j'avais  tué  n'importe  qui...  tout  le  monde 
a  des  reproches  à  me  faire,  on  ne  m'en  fera  jamais  autant  que  je 
m'en  fais  à  moi-même,  autant  que  j'en  mérite...  j'ai  écouté  le  mal, 
j'ai  cherché  tout  ce  qui  me  paraissait  mal...  je  n'ai  pas  lutté  contre 
le  mal...  des  rêves  insensés,  des  pensées  mauvaises  contre  la  mo- 
rale, contre  Dieu,  deux  cents  fois  par  jour...  je  suis  dans  chaque 
action  aussi  coupable  que  les  plus  grands  criminels.  » 

Si  elle  arrive  à  convenir,  car  elle  n'a  pas  perdu  tout  bon  sens, 
que  l'acte  accompli  est  en  lui-même  un  acte  bon,  qu'elle  a  veillé 
sa  mère  malade  et  que  l'on  ne  peut  pas  considérer  cet  acte 
accompli  comme  répréhensible,  elle  entre  dans  des  subtilités 
philosophiques  et  distingue  l'acte  en  lui-même  et  l'intention 
volontaire  de  celui  qui  l'accomplit.  La  volonté  a  toujours  été 
mauvaise  dans  cette  action  ou  plutôt  il  n'y  a  eu  aucune  bonne  vo- 
lonté, car,  s'il  avait  fallu  le  faire  avec  bonne  volonté,  l'acte  n'aurait 
jamais  pu  être  accompli  et  elle  reste  tout  aussi  mécontente  d'elle- 
même,  quoiqu'on  lui  ait  démontré  que  l'action  était  bonne. 

Depuis  qu'elle  vient  me  voir  il  y  a  surtout  une  action  sur 
laquelle  s'est  localisé  ce  sentiment  d'imperfection.  C'est  l'action 
de  me  raconter  sa  maladie,  de  me  mettre  au  courant  de  son  his- 
toire. Elle  désire  le  faire,  mais  ne  se  figure  jamais  que  c'est  bien 
fait.  Ce  sont  des  désespoirs  parce  qu'elle  ne  m'a  rien  dit  et,  pour 
bien  dire,  il  lui  faudrait  recommencer  en  ordre  depuis  le  commen- 
cement; pour  me  raconter  ce  qu'elle  a  éprouvé  hier  il  lui  faudrait 
raconter  ce  qui  s'est  passé  depuis  lo  ans.  Elle  l'a  déjà  fait 
cent  fois  mais  cela  ne  compte  pas,  car  cela  est  mal  fait;  il  faudrait 
le  faire  mieux  et  elle  ne  peut  pas  y  parvenir. 

Non  seulement  elle  se  croit  coupable  de  tout  faire  avec  imper- 
fection, mais  elle  tient  à  ce  sentiment  de  culpabilité,  car  c'est  ce 
sentiment  qui  l'excitera  k  faire  mieux,  qui  la  poussera  à  faire  des 
efforts.  Si  on  le  lui  enlevait  elle  tomberait  encore  plus  bas.  En 
effet  la  pauvre  fille  a  le  sentiment  que  l'imperfection  va  crois- 
sant. Elle  use  toujours  d'une  image  pour  exprimer  sa  maladie: 
c'est  une  chute  dans  un  précipice  dont  elle  a  longtemps  côtoyé  le 
bord  et  dans  lequel  elle  a  fini  par  tomber.  Elle  ne  me  donne  pas  des 


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L'OBSESSION  DE  iK  HONTE  DE  SOI  25 

nouvelles  de  sa  santé,  elle  vient  simplement  m^annoncer  qu^elle  est 
descendue  plus  ou  moins  vite,  car  elle  descend  toujours  et  elle 
mourra  plutôt  que  de  remonter.  Tout  au  plus  lorsqu'elle  va  bien 
consent-elle  à  m*avouer  que  ces  mois-ci  elle  est  descendue  un  peu 
moins  vite.  L'ascension  qu'il  faudrait  faire  pour  remonter  lui 
parait  quelque  chose  d'horrible  :  c'est  une  montagne,  une  pyra- 
mide à  escalader  et  ce  n'est  que  par  des  procédés  très  difficiles 
que  nous  arrivons  à  remonter  un  peu  de  temps  en  temps. 

Il  ne  s'agit  pas  chez  elle  uniquement  de  remords,  car  elle 
est  tout  aussi  mécontente  de  choses  dont  elle  ne  peut  se  croire 
responsable.  Il  est  inutile  d'insister  sur  chaque  fonction  men- 
tale :  toutes  les  questions  que  l'on  posera  à  Claire  auront  la 
même  réponse,  qu'on  lui  parle  de  sa  mémoire  ou  de  son  raison- 
nement, de  son  imagination  ou  même  de  l'acuité  de  sa  vue  ce  sera 
toujours  la  même  chose.  Elle  n'est  pas  bonne,  elle  n'est  pas  polie, 
elle  n'a  plus  d'aflection,  elle  n'est  plus  intelligente,  plus  active, 
plus  capable  de  sentir,  elle  n'est  plus  bonne  à  rien.  Si  on  insiste 
trop  pour  lui  faire  voir  l'exagération,  elle  répond  toujours  par  cet 
argument  :  «Vous  ne  savez  pas  connue  autrefois, j'étais  cent  fois 
meilleure,  plus  douce,  plus  patiente,  plus  intelligente,  etc.  Je 
n'ai  pas  seulement  perdu  la  volonté  et  la  conscience,  mais  j'ai 
perdu  tout  ce  qui  faisait  mon  intelligence  ».  Poussées  à  ce  degré  ces 
obsessions  rappellent  tout  à  fait  le  délire  des  mélancoliques  et 
c'est  en  effet,  au  moins  par  son  contenu,  un  délire  mélancolique. 
Seulement  nous  verrons  quand  nous  étudierons  la  forme  que 
prennent  ces  obsessions,  ce  qui  sépare  le  scrupuleux  du  mélanco- 
lique. On  peut  le  faire  prévoir  ici  d'un  mot.  C'est  que  le  mélan- 
colique est  profondément  convaincu  de  sa  déchéance,  tandis  que 
Claire  est  très  loin  de  croire  complètement  tout  ce  qu'elle  dit  ou 
pense  à  ce  sujet. 

Les  autres  malades  présentent  à  un  degré  ordinairement  moins 
grave  la  même  obsession.  Voici  le  langage  de  Leg...:  «  Je  me 
figure  que  ce  que  je  fais  est  mal,  je  ne  sais  pas  toujours  en  quoi 
cela  offense  la  religion  ou  la  morale,  mais  il  me  semble  que  je 
n^aurais  pas  dû  le  faire.  Tenez,  je  vous  ai  regardé  en  parlant  et  je 
sens  que  je  n'aurais  pas  dû  vous  regarder.  »  Ly...  parle  de  même. 
Dev...  est  curieux  sur  ce  point  parce  que  son  appréciation,  ce  qui 
est  rare,  est  artistique  plutôt  que  morale.  C'est  un  musicien  habile 
et  constamment  il  a  l'idée  «  qu'il  joue  mal,  qu'il  est  immoral  de 
jouer  aujssi  mal  ». 


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26  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

Un  joli  cas  de  mécontentement  systématique  est  celui  de  Re... 
(i4o)y  jeune  fille  sentimentale  qui,  étant  fiancée,  sent  qu'elle 
n'aime  pas  bien  son  fiancé  et  se  tourmente  à  la  recherche  «  de 
'  bien.  »  Elle  en  arrive  à  force  de  perfectionnements  à  le 
T  et  depuis  il  en  est  ainsi  de  toutes  ses  aflections  qui  ne  lui 
>ent  jamais  suffisamment  parfaites  et  qui  lui  semblent  si 
[ses  que  c'est  comme  de  la  haine. 

itte  obsession  de  mécontentement,  de  honte  de  soi-même,  se 
lent  un  certain  nombre  d'autres  idées  obsédantes  en  appa- 
issez  différentes  mais  qui  ont  le  même  caractère  psycholo- 

lertains  délires  de  doute  sont  en  rapport  avec  une  obsession 
;ontentement  qui  porte  surtout  sur  les  facultés  intellectuelles 
aladie  prend  alors  un  aspect  un  peu  particulier  qui  pourrait 

l'observateur.  Voici  par  exemple  une  femme  de  67  ans, 
(i36)  qui  présente  au  premier  abord  un  singulier  délire. 
iX  poussée  malgré  elle  à  étudier  sur  toutes  ses  faces  un  pro- 
de  psychologie  :  «  quelles  sont  les  relations  entre  le  sens  du 
V  et  les  autres  sens  ?  Dans  quelle  mesure  peut-on  dire  que 
et  l'ouïe  sont  des  touchers  lointains  ?  »  Quoiqu'en  réalité  elle 
es  ignorante  sur  ces  questions,  elle  discute  le  problème 
;harnement,  et  veut  établir  qu'il  y  a  action  directe  du  monde 
îur  dans  le  cas  du  toucher  et  action  indirecte  dans  les  autres 
!Iette  discussion  n'est  qu'une  forme  ultime  d'une  obsession 
lente  qui  s'est  développée  depuis  des  années,  peut-être  depuis 
ice  de  la  malade.  Elle  éprouve  un  mécontentement  de  ses 

si  imparfaits,  si  grossiers.  »  Elle  cherche  le  moins  mauvais 
s,  et  arrive  à  accorder  quelque  confiance  au  toucher  immé- 

direct,  de  là  la  recherche  de  ce  caractère  d'être  immédiat 
es  autres  sens. 

r  bien  constater  que  ce  délire  du  doute  n'est  pas  ici  une  ma- 
iistincte,  rappelons  seulement  que  cette  même  malade  Mb... 
ssi  honteuse  de  sa  volonté,  de  sa  conduite  et  qu'elle  se  sent 
le  de  donner  des  coups  avec  un  couteau  pointu  «  qui  entre 
»  Le  délire  du  doute  et  même  la  forme  psychologique  sin- 
e  qu'il  prend  dans  ce  cas  me  semble  n'être  qu'un  épisode 
'obsession  de  honte  et  de  mécontentement  tout  à  fait  carac- 
que  de  ces  malades, 
peut  rapprocher  de  ce  cas  l'obsession  curieuse  de  Rk...  «  qui 


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L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DE  SOI  27 

est  forcé  de  penser  constamment  à  ridéalisme,  à  Tirréalité  des 
choses...,  je  suis  honteux  d'en  être  arrivé  à  croire  que  mon  père 
n^existe  pas  ».  On  verra  fréquemment  cette  notion  de  l'irréalité 
des  choses  à  propos  des  sentiments  qui  tourmentent  ces  malades  ; 
dans  les  cas  précédents  ce  sentiment  a  donné  naissance  à  une 
véritable  idée  obsédante. 

Cette  critique  des  fonctions  intellectuelles  qui  constitue  tout 
un  délire  spécial  chez  Mb...  se  retrouve  plus  ou  moins  atténuée 
chez  les  autres  malades  ;  Claire  va  répéter  :  a  Tout  s'éteint  en  moi, 
j*ai  perdu  le  sentiment  du  réel,  tout  se  voile.  »  Beaucoup  de  malades 
accusent  plus  encore  leur  intelligence.  Dob...(86)  se  sent  envahie 
par  ridée  a  qu'elle  est  bête,  qu'elle  ne  peut  rien  comprendre,  qu'elle 
va  devenir  folle  et  qu'elle  va  délirer  en  pleine  rue  ».  Cette  obsession 
détermine,  comme  on  le  verra,  une  terreur  que  l'on  peut  jusqu'à  un 
certain  point  rapprocher  de  l'agoraphobie.  Jean,  également,  est  dis- 
posé à  rabaisser  son  intelligence;  si  l'on  prenait  au  sérieux  ses 
paroles,  on  le  croirait  tout  à  fait  idiot.  Il  répète  sans  cesse  qu'il  ne 
peut  ni  lire  ni  écrire,  qu'il  ne  peut  rien  comprendre  aux  phénomènes 
naturels  qui  l'environnent.  «  Je  suis  étranger  à  tout.  Tout  ce  qui 
est  naturel  est  entaché  pour  moi  de  mystère  d^inaccessibilité.  »  Il 
n'accepte  pas  qu'on  lui  demande  le  plus  petit  renseignement  soit 
sur  ses  propriétés,  sur  sa  fortune,  sur  la  valeur  de  l'argent,  sur 
rien  de  pratique,  car  il  répète  toujours  que  son  esprit  n'y  peut 
rien  comprendre^  qu'il  est  étranger  à  la  vie.  Sans  aller  jusqu'à 
ce  point  Lise  est  toujours  disposée  à  se  trouver  bête.  Elle  sent  en 
elle-même  comme  quelque  chose  qui  la  critique  et  elle  ne  peut 
accepter  aucun  compliment  parce  qu'elle  les  croit  toujours  faux. 

Il  est  bien  clair  que  ces  obsessions  des  malades  nous  posent  un 
très  curieux  problème  de  psychologie.  Jusqu'à  quel  point  ont-ils 
raison  ou  ont-ils  tort  ?  Sont-ils  tout  à  fait  délirants  quand  ils 
prétendent  qu'ils  sont  devenus  bêtes  ? 

Nous  aurons  à  discuter  longuement  la  question  quand  nous 
parlerons  de  l'état  psychologique  sur  lequel  germent  ces  obses- 
sions. Pour  le  moment,  constatons  que  cette  obsession  est  énor- 
mément exagérée,  ne  fût-ce  que  par  sa  répétition.  Si  l'on  est 
réellement  devenu  bête  et  sans  volonté,  ce  n'est  pas  une  raison  suffi- 
sante pour  se  le  reproclier  toute  la  journée,  et  ceux  qui  sont  réel- 
lement bêtes  ne  se  le  reprochent  pas  ainsi.  Il  y  a  donc  là  un  senti- 
ment tout  particulier  de  honte  de  soi-même  qui  est  bien  du  même 
genre  que  les  obsessions  précédentes  du  sacrilège  et  du  crime. 


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28  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

Ces  malades  qui  se  sentent  constamment  poussés  au  crime  croient 
en  même  temps  qu'ils  en  sont  capables. 

2®  Les  obsessions  relatives  à  la  folie  :  un  très  grand  nombre 
les,  par  exemple  un  homme  de  46  ans,  Mrc...  (178), 
eaS  ans,  Byp...  (180),  etc.,  sont  épouvantés  à  la  pen- 
it  fous,  qu'ils  ont  eu  ou  qu'ils  vont  avoir  des  crises  de 
echerchent  en  eux  tous  les  signes  de  ce  qu'ils  ap- 
ie.  ((  Je  vois  les  maisons  et  les  gens  à  Tenvers,  je  dis 
je  vais  me  cogner  la  tête  contre  les  murs,  regardez 
ux,  vous  verrez  comme  ils  sont  égarés.  »  Suivant  leur 
['évolution  morale  de  leurs  maladies,  ils  insistent  dans 
m  sur  tel  ou  tel  caractère  de  la  folie.  Zb...  (lyS)  ré- 
Lt  que  tout  est  drôle  dans  l'univers  et  que  par  consé- 
)U.Cas..  (177)  a  peur  d'être  isolée  :  «il  me  semble  que 
au  monde,  je  ne  puis  plus  me  diriger,  j'ai  besoin 
liée  comme  les  fous.  »  Léo...  (173),  répète  que  la  folie 
;r  sa  petite  fille,  et  suivre  le  premier  monsieur  venu 
» 

[•étendent,  comme  Léo...,  que  cette  obsession  a  été 
par  la  vue  d'une  femme  folle,  mais  beaucoup  et 
er  Dob.  chez  qui  cette  obsession  détermine  des 
es  d'angoisse  ne  peuvent  invoquer  cette  explication, 
lie  me  semble  se  rattacher  chez  eux  à  cette  honte,  à 
e  qu'ils  ont  de  leurs  propres  forces. 

a  mon  avis  placer  ici  des  obsessions  qui  semblent  sou- 
ibarrassantcs,  les  obsessions  de  dépersonnalisation, 
ques  années,  divers  auteurs,  MM.  Dugas,  Bernard- 
ent  sur  le  phénomène  signalé  autrefois  par  Krisha- 
Taine,  le  sentiment  et  l'idée  d'avoir  perdu  sa  person- 
u  l'occasion  de  décrire  déjà  deux  cas  remarquables 
mènes  à  propos  de  Ver...  et  de  Bei...  Il  me  semble  qu'il 
ler  deux  formes  de  la  dépersonnalisation  :  l'une  qui 
an  sentiment  se  produisant  dans  des  conditions  déter- 
ue  nous  aurons  h  étudier  plus  tard  à  propos  de  tous 
its  d'insuffisance  psychologique  qui  jouent  un  rôle 
dans  la  pathogénie  des  obsessions.  Mais  l'autre 
le  véritable  idée  obsédante  développée  vraisemblable-: 
asion  du  sentiment  précédent.  Le  sujet  a  sans  cesse 


i  >• 


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LOBSESSION  DE  LA  HONTE  DE  SOI  29 

ridée  qu'il  n'est  plus  lui-même,  que  ce  n'est  plus  lui  qui  marche, 
qui  mange,  qui  parle,  il  le  répète  même  quand  l'impression  ini- 
tiale de  dépersonnalisation  a  disparu.  Il  a,  à  ce  propos,  une  véri- 
table obsession  :  il  faudra  tenir  compte  de  cette  distinction  dans 
Tétude  de  ces  malades. 

Il  en  est  de  même  pour  un  trouble  de  la  mémoire,  voisin  de 
celui-ci,  qui  a  aussi  beaucoup  attiré  l'attention. 

Le  phénomène  du  «  déjà-{>u  »  est  avant  tout  un  certain  senti- 
ment intellectuel  qui  rentre  dans  le  même  groupe  que  le  senti- 
ment de  dépersonnalisation.  Dans  certains  cas  exceptionnels,  le 
malade  peut  concevoir  une  sorte  de  délire  à  propos  de  ce  sentiment 
et  être  obsédé  par  la  pensée  que  tout  ce  qu'il  voit  est  la  répétition 
du  passé.  Il  en  est  ainsi  évidemment  dans  la  remarquable  obser- 
vation de  M.  Arnaud  *.  Le  malade,  à  tout  moment,  dans  quelque 
état  qu'il  soit,  ne  peut  fixer  son  attention  sur  aucun  événement 
sans  avoir  Tidée  que  cet  événement  s'est  déjà  passé  exactement  le 
même,  dans  les  mêmes  circonstances,  il  y  a  un  an.  M.  Arnaud 
remarque  très  bien  qu'il  y  a  là  une  idée  surajoutée  à  un  senti- 
ment, idée  qui  est  devenue  générale  et  constante,  tandis  que  le 
sentiment  ne  se  présente  probablement  que  d'une  manière  rare  et 
passagère. 

4°  Des  obsessions  plus  curieuses  et  plus  rares  sont  des  obsessions 
d*ençfie,FsL,..  (169),  femme  de  34  ans,  en  présente  un  exemple 
remarquable.  Cette  femme,  dont  les  antécédents  héréditaires  sont 
très  chargés  et  qui  a  déjà  bien  eu  des  troubles,  a  été  très  tourmen- 
tée par  une  maladie  grave  de  son  mari.  L'obsession  qui  s'est  dé- 
veFoppée  depuis  deux  ans  est  une  pensée  d'envie  à  propos  de 
tout  ce  qu'elle  voit.  Elle  ne  peut  pas  rencontrer  une  personne  quel- 
conque sans  lui  envier  immédiatement  quelque  chose  :  «  celle-ci  est 
bien  habillée,  celui-là  a  une  bonne  mine,  cet  autre  marche  bien, 
cette  femme  a  un  enfant,  celle-ci  un  mari,  voilà  un  homme  qui  sait 
parler,  en  voici  un  qui  est  vigoureux,  voici  une  dame  qui  est  cha- 
ritable, cet  individu  qui  entre  dans  un  magasin  est  honnête.  ». 
Cette  pensée  donne  lieu  chaque  fois  dans  son  esprit  à  un  long  dé- 
veloppement, et  elle  souffre  d'une  jalousie  féroce.  Détail  curieux, 
il  lui  arrive  d'être  envieuse  même  des  malheurs  d'autrui,  «  ils  ont 


1.  F.-L.  Arnaud,  Un  cas  d'illusion  du  déjà-vu  ou  de  fausse  mémoire.  Ann.  méd. 
psych,,  mai-juin  1896. 


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30  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

bien  de  la  chance  de  pleurer  leur  père,  en  voici  qui  ont  du  bon- 
heur d'être  ainsi  secoués  par  un  grand  malheur  ».  Quoique 
ssion  de  l'obsession  soit  ici  bizarre,  c'est  toujours  la 
idée  de  sa  propre  insuffisance  qui  joue  le  principal  rôle. 
Fa...  envie  Tintelligence,  la  force,  l'activité  des  passants, 
omme  si  elle  répétait  qu'elle  est  elle-même  sans  intelli- 
sans  force,  sans  activité,  sans  honnêteté.  On  le  lui  fait 
sez  facilement  :  «  Pourquoi  enviez-vous  ces  gens  qui  ont 
malheur  et  qui  pleurent?  —  Parce  qu'il  me  semble  qu'il 
>on  de  pouvoir  pleurer  et  que  je  me  sens  incapable  d'en 
itant.  » 

lertains  sujets  sont  obsédés  par  Tidée  de  certaines 
s:  Vidée  de  la  pudeur ,  Vidée  de  V  indépendance,  Voz,  (122) 
que  la  liberté  est  le  seul,  l'unique  bonheur  auquel  on 
ïirer  toute  sa  vie.  Il  est  toujours  tourmenté  par  l'idée  qu'il 
is  libre,  qu'il  est  en  captivité,  qu'il  faut  arriver  à  la  déli- 

Cette  idée  prend  même  dans  son  esprit  une  forme  symbo- 
ien  curieuse  sur  laquelle  je  reviendrai.  Mais  il  est  évident 
te  obsession  dépendde  la  même  idée  de  honte.  Il  est  honteux 

perdu  son  indépendance  et  il  est  obsédé  par  la  pensée 
iberté  idéale. 

me  semble  juste  de  rattacher  aux  obsessions  de  la  honte 
m  du  moins  de  placer  à  côté  de  celles-ci  un  groupe  des  plus 
jants,  celui  des  obsessions  amoureuses.  J'ai  déjà  décrit 
es  obsessions  du  crime,  les  idées  obsédantes  dans  lesquelles 
nt  l'impulsion  ou  le  remords  génital.  Dans  ces  idées  la 
que  l'action  est  mauvaise,  contraire  h  la  morale  joue  un 
is  important  que  l'amour  proprement  dit,  et  il  était  juste 
approcher  des  obsessions  du  suicide,  du  vol,  etc.  Mais  il 
obsessions  où  le  phénomène  génital,  si  même  il  existe,  ne 
'un  rôle  accessoire,  tandis  que  l'amour  moral,  le  besoin  de 
iprès  d'une  personne  déterminée,  de  penser  constamment 
le  lui  subordonner  toutes  les  actions  de  la  vie  devient  l'es- 
de  l'obsession.  Dans  certains  cas,  cette  obsession  amou- 
'est  visiblement  qu'une  expression  légèrement  modifiée  de 
ion  de  la  honte  de  soi,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir  pour 
ion  de  jalousie, 
s  suivant  est,  à  ce  propos,  tout  h  fait  typique  :  Byl...  (181), 


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L*0BSE8SI0N  DE  LA  HONTE  DE  SOI  31 

jeune  fille  de  21  ans,  avait  un  caractère  déjà  anormal  depuis  Tâge  de 
10  ans.  Extrèmemeut  entêtée,  timide  et  sauvage,  elle  refusait  depuis 
longtemps  de  sortir,  de  voir  du  monde.  A  Tâge  de  17  ans,  elle  se 
décide  à  donner  de  sa  sauvagerie  cette  explication  bizarre  :  «  je 
ne  suis  pas  une  jeune  fille  comme  les  autres,  je  suis  laide,  j^ai  une 
figure  de  chat,  vous  ne  voyez  donc  pas  comme  cela  est  honteux 
de  faire  sortir  une  jeune  fille  comme  moi.  ce  Je  suis  un  monstre, 
tout  le  monde  se  retourne  quand  je  passe,  c'est  pour  moi  un  sup- 
plice de  me  laisser  voir  ainsi.  » 

Depuis  trois  ans,  elle  conserve  toujours  à  peu  près  la  même 
idée  :  «  Je  suis  un  pauvre  être  à  part,  pas  intelligente,  laide,  in- 
capable de  tenir  mon  rang.  »  Dans  ces  conditions,  elle  a  pensé 
quelque  temps  au  couvent,  puis  ne  s*est  pas  senti  une  vocation 
suffisante,  et  la  voici  qui  conçoit  Tidée  d'un  mariage  extravagant. 
Elle  déclare  à  ses  parents  stupéfaits  qu'étant  majeure  et  libre 
d'elle-même,  elle  veut  épouser  le  garçon  jardinier  de  la  maison, 
qu'elle  a  pénétré  la  nuit  dans  sa  chambre,  qu'ils  sont  fiancés  et 
que  le  mariage  doit  avoir  lieu  le  plus  tôt  possible.  Elle  a  imaginé 
de  changer  tout  k  fait  de  situation  sociale,  elle  veut  se  présenter 
comme  domestique  et  gagner  sa  vie  avec  lui.  Depuis  plusieurs 
mois,  elle  refuse  de  se  laver  les  mains  pour  être  plus  à  son  ni- 
veau. Aucun  raisonnement  n'a  prise  sur  cette  idée  évidemment 
délirante,  il  se  peut  qu'elle  ait  fini  par  s'éprendre  un  peu  de  ce 
garçon,  mais  l'amour  n'est  ici  qu'une  expression  de  l'obsession 
plus  profonde  de  la  honte  de  soi. 

Bien  souvent  le  rapport  entre  les  deux  groupes  d'obsessions 
n'est  pas  si  étroit.  Si  les  malades  ne  peuvent  plus  se  passer  d'une 
personne  déterminée,  s'ils  se  sentent  seuls,  s'ils  croient  devenir 
fous  par  l'isolement,  quand  elle  les  abandonne,  c'est  qu'ils  sont 
ou  croient  être  incapables  de  se  diriger  seuls  et  qu'ils  ont  un  be- 
soin obsédant  de  cette  direction  ou  de  cette  excitation  très  spé- 
ciale qui  les  remonte.  J'ai  déjà  consacré  une  étude  particulière  à 
ce  groupe  '. 

Nous  aurons  à  l'étudier  encore  à  propos  des  sentiments  de  ces 
malades,  pour  le  moment  il  suffit  d'ajouter  quelques  observations 
typiques  à  celles  que  j'ai  déjà  rapportées.  Gri...  (182),  femme  de 
28  ans,  pleure  son  amant  qui  l'avait  retirée  d'une  vie  de  désordre^ 


I.  Le  besoin  de  direction.  Rev.  phiL,  févr.  1877,  p.  ii3,  et  Névroses  et  idées  fixes, 
I,  p.  456. 


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32  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

L  plus  aucunement  se  conduire  et  Tobsession  amoureuse 
ornent  en  rapport  avec   le  besoin  de  direction.  Tkm.., 

3g  ans,  a  une  obsession  identique  depuis  que  son 
t  marié,  «  il  était  tyranuique  et  occupait  toute  ma  vie, 
;upais  de  rien  autre.  »  Chez  Sim...(i85),  femme  deSi  ans, 
)ir  est  inimaginable,  l'obsession  est  perpétuelle  jour  et 
croit  encore  voir  cet  amant  qui  la  dirigeait,  s'occupe 
stamment  «  car  lui  seul  était  capable  de  lui  donner 
1  physique  et  morale  dont  elle  avait  besoin.  »  Le  cas  de 
I  est  à  revoir  en  détail  car  il  est  curieux.  Cette  femme 
aboulique,  phobique,  obsédée,  avait  trouvé  un  appui  et 
lion  chez  une  autre  pauvre  infirme  mentale  qui  avait 
des  tics  de  malpropreté  et  qui  ne  savait  pas  se  diriger, 
émmes  se  sont  dirigées  réciproquement  comme  Taveugle 
ytique,  elles  sont  parvenues  à  diminuer  mutuellement 
sse  et  ont  vécu  heureuses  et  raisonnables  pendant  des 
I  incident  bizarre  a  tout  perdu  :  une  domestique  renvoyée 
s  une  plaisanterie  grossière,  sur  Taffection  passionnée  de 
'emmes  et  a  fait  naître  en  elles  des  scrupules  sur  leurs 
[1  n'est  pas  rare  de  voir  ces  malades  concevoir  ainsi  des 
SI  propos  des  traitements,  ou  de  la  direction,  qui  les 
ît.  C'est  une  des  difficultés  de  leur  thérapeutique.  Ck... 
)  de  quitter  son  amie,  mais  alors  elle  est  obsédée  par  le 
'avoir  quittée,  elle  voudrait  mourir  plutôt  que  de  vivre 
t  des  troubles  très  graves  se  développent  à  l'occasion 
^session  amoureuse. 

I  la  fin  de  ce  groupe  on  peut  placer  un  cas  assez  sin- 
li  de  Qi...  (i88),  cette  femme  de  36  ans  est  obsédée  par 
lie  est  une  petite  enfant  de  lo  à  12  ans;  surtout  lors- 
seule,  elle  se  laisse  aller  à  sauter,  à  danser,  à  rire  aux 
i  défait  ses  cheveux,  les  fait  flotter  sur  ses  épaules,  les 
moins  en  partie.  Elle  voudrait  pouvoir  s'abandonner 
lent  à  ce  rêve,  d'être  une  enfant,  «  il  est  si  malheureux 
puisse  pas  devant  le  monde  jouer  à  cache-cache,  faire 
s   ».    Cette    idée  n'est  pas  aussi    étrange,    aussi  isolée 

parait  :  «  je  voudrais,  répète  la  malade,  qu'on  me 
itille,  j'ai  peur  d'être  laide  comme  un  pou,  je  voudrais 
me  bien,  qu'on  me  caresse,,  qu'on  me  câline,  qu'on 
)ut  le  temps  qu'on  m'aime,  comme  on  aime  les  petits 

Malgré   son    extravagance    apparente,   c'est   toujours 


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L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  33 

comme  dans  les  cas  précédents,  Tobsession  amoureuse,  Tobses- 
sîon  du  besoin  d'être  aimé  sous  la  forme  qu'il  prend  fréquemment 
chez  les  scrupuleux  celle  d'être  aimé  comme  un  enfant. 

En  examinant  beaucoup  de  malades,  on  trouverait  facilement 
d'autres  variétés  d'obsessions  qui  au  fond  ne  sont  que  des  formes 
particulières  de  la  honte  de  soi.  C'est  un  des  groupes  les  plus 
importants  que  nous  ayons  à  signaler. 


5.  —  L'obsession  de  la  honte  du  corps. 

Cette  idée  du  mépris  de  soi-même,  cette  obsession  du  mécon- 
tentement personnel  porte  bien  plus  souvent  encore  sur  la  per- 
sonne physique,  sur  le  corps.  Les  malades  chez  qui  l'on  rencontre 
ce  mécontentement  de  leur  corps  sont  fort  nombreux,  ils  forment 
un  groupe  singulier  dont  on  ne  pourrait  pas  soupçonner  l'impor- 
tance avant  de  les  avoir  fréquentés.  On  pourrait  les  appeler  tous 
des  «  honteux  de  leur  corps  ».  Les  plus  complets  ont  une  obses- 
sion relative  à  leur  corps  tout  entier,  à  toutes  ses  parties  et  par 
conséquent  leur  obsession  générale  se  subdivise  en  une  foule  de 
petits  délires  particuliers.  Les  autres  vont  moins  loin  dans  la  même 
vole  et  leur  obsession  de  honte  ne  porte  pas  sur  tout  l'organisme, 
mais  elle  se  systématise  sur  telle  ou  telle  partie,  telle  ou  telle  fonc- 
tion dont  ils  sont  particulièrement  honteux.  J'insisterai  d'abord 
sur  un  cas  remarquable  qui  donne  une  idée  d'ensemble  du  premier 
groupe,  puis  je  choisirai  quelques  exemples  particuliers  qui 
montrent  la  honte  portant  sur  telle  ou  telle  fonction. 

Une  observation  curieuse  qu'il  est  malheureusement  impossible 
de  présenter  complètement  sans  entrer  dans  d'innombrables  dé- 
tails, est  celle  de  Nadia  (i66),  une  jeune  fille  de  27  ans,  que 
je  dirige  autant  que  possible  depuis  plus  de  5  ans.  Cette  jeune  fille 
m'a  été  adressée  avec  ce  diagnostic  un  peu  superficiel  d'anorexie 
hystérique.  Ce  diagnostic  était  simplement  justifié  par  l'alimenta- 
tion plus  que  bizarre  que  cette  malade  s'imposait  dans  sa  famille 
depuis  des  années  et  par  les  scènes  épouvantables  qu'elle  faisait 
dès  qu'on  s'avisait  de  modifier  le  régime.  Elle  se  prescrivait  à 
elle-même  deux  potages  par  jour  au  bouillon  léger,  un  jaune 
d'œuf,  une  cuiller  à  bouche  de  vinaigre  et  une  tasse  de  thé  extrê- 
mement fort  dans  laquelle  il  fallait  mettre  le  jus  d'un  citron  tout 

LES    OBSESSIONS.  I.    3 


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34  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

entier,  soigneusement  pressé.  On  avait  pu  découvrir,  ce  qui  n'était 
pas  difficile,  qu'elle  avait  imaginé  ce  régime  dans  la  crainte  d'en- 
graisser, et  on  concluait  à  une  anorexie  hystérique. 

L'anorexie  hystérique  est  déjà  par  elle-même  une  maladie  fort 
bizarre,  qui  est  loin  d'être  complètement  élucidée.  Sous  sa  forme 
typique  elle  n'est  pas  aussi  fréquente  qu'on  le  croit  et  les  hystéri- 
ques  confirmées  sont  loin  de  présenter  fréquemment  ce  phénomène 
au  nombre  de  leurs  innombrables  accidents.  Les  vomissements,  les 
régurgitations,  les  divers  spasmes  de  l'œsophage,  de  l'estomac,  du 
diaphragme,  des  muscles  de  l'abdomen  déterminent  aussi  des  trou- 
bles de  l'alimentation  et  sont  beaucoup  plus  fréquents  que  l'ano- 
rexie proprement  dite.  En  présence  d'un  cas  de  refus  complet 
d'aliments,  il  faut,  si  je  ne  me  trompe,  se  méfier  et  songer  que 
des  troubles  mentaux  plus  ou  moins  graves  sont  peut-être  plus 
probables  que  l'hystérie  proprement  dite. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  admet  jusqu'à  présent  une  anorexie  hysté- 
rique ;  pour  la  diagnostiquer  il  faut  au  moins  retrouver  un  certain 
nombre  de  symptômes  caractéristiques.  Bien  entendu,  il  serait  bon 
de  constater  soit  actuellement,  soit  dans  les  antécédents  des  phé- 
nomènes nettement  hystériques.  Malheureusement  on  sait  que  ce 
symptôme  est  fréquemment  isolé,  au  moins  à  ses  débuts.  Si  l'on  ne 
peut  donc  retrouver  en  dehors  la  signature  de  l'hystérie,  il  faut  à 
mon  avis  que  le  refus  d'aliments  présente  deux  grands  caractères. 

I**  On  doit  constater  la  suppression  complète  ou  à  peu  près 
complète  de  la  faim  pendant  presque  tout  le  cours  de  la  maladie. 
Cette  perte  de  la  faim  s'accompagne  souvent  de  troubles  considé- 
rables dans  les  sensations  de  la  bouche,  soit  pour  le  goût,  soit 
même  pour  le  toucher,  d'anesthésie  du  pharynx,  de  troubles  des 
mouvements  des  mâchoires  et  des  joues,  d'anesthésie  de  l'œso- 
phage et  probablement  de  l'estomac  avec  ou  sans  propagation  de 
cette  anesthésie  à  la  peau  de  la  région  épigastrique.  La  perte  de 
la  faim  est-elle  directement  en  rapport  avec  ces  diverses  anes- 
thésies  de  la  bouche,  de  l'œsophage,  de  l'estomac  qui  l'accom- 
pagnent souvent  mais  non  toujours  ?  C'est  un  problème  que  j'ai 
longuement  discuté  dans  mes  leçons  au  Collège  de  France  sur  la 
Conscience  du  corps  et  de  ses  fonctions.  Sans  pouvoir  entrer  ici 
dans  cette  discussion  je  dirai  seulement  que  l'anesthésie  de  ces 
organes,  quand  elle  existe,  contribue  à  la  suppression  de  la  faim 
et  que,  par  conséquent,  elle  joue  un  rôle  dans  le  diagnostic  de 
l'anorexie  hystérique. 


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L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  35 

2®  Un  second  symptAme,  plus  curieux  et  beaucoup  moins  ana- 
lysé, quoiqu'il  ait  déjà  été  signalé  depuis  longtemps,  me  parait  éga- 
lement important  :  c'est  ce  besoin  exagéré  de  mouvement  physique 
qui  accompagne  Tanorexie  vraie.  Les  malades  remuent  incessam- 
ment, font  d'énormes  promenades,  dansent  dans  des  soirées,  se 
surmènent  de  mille  façons  et  elles  font  autant  de  scènes  pour 
conserver  leurs  marches  exagérées  que  pour  refuser  la  nourriture. 
Ce  symptôme  a  été  interprété  de  diverses  manières.  Lasègue  y 
voit  le  résultat  d'un  calcul.  Ces  personnes,  dit-il,  ont  peur  de 
passer  pour  malades,  elles  craignent  qu'on  ne  se  serve  de  leur  fai- 
blesse comme  d'un  argument  pour  les  forcer  à  manger  et  elles 
simulent  une  grande  activité.  M.  Wallet,  à  propos  de  deux  obser- 
vations curieuses,  y  voit  un  procédé  des  malades  pour  augmenter 
leur  amaigrissement  ^  Elles  font  de  l'exercice  comme  elles  boivent 
du  vinaigre  pour  maigrir.  Sans  contester  le  rôle  que  de  pareils 
raisonnements  ont  pu  jouer  dans  certains  cas  particuliers,  je  ne 
puis  admettre  que  ce  grand  symptôme  aussi  général  dépende 
toujours  de  réflexions,  en  somme,  assez  compliquées. 

Dans  des  observations  intéressantes  que  je  discutais  dans  mes 
cours,  j'ai  pu  montrer  que  l'exagération  du  mouvement  est  quel- 
quefois antérieure  au  refus  d'aliments  et  précède  par  conséquent 
tous  ces  raisonnements.  Dans  un  cas  très  curieux,  il  s'agit  d'une 
femme  de  trente-cinq  ans,  raisonnable,  qui  vient  elle-même 
demander  des  soins,  et  qui  par  conséquent  ne  cherche  pas  à  faire 
illusion.  Chez  eli^  Tanorexie^  ce  qui  est  bien  rare,  est  à  répétition 
et  procède  par  accès.  A  la  suite  d'une  émotion  elle  se  sent  ex!citée, 
agitée  comme  si  elle  était  enlevée  ainsi  qu'une  plume.  Elle  a  le 
besoin  de  gesticuler,  de  parler,  de  marcher.  Elle  ne  rentre  plus 
chez  elle,  mais  elle  continue  encore  k  manger,  tout  en  disant 
qu'elle  n'en  sent  plus  le  besoin  :  «  car  elle  est  bien  assez  forte 
sans  cela.  »  Puis  deux  jours  après  elle  est  dégoûtée  d'une  alimen- 
tation <r  inutile  »  et  elle  commence  à  refuser  de  manger. 

On  approche  davantage  de  la  vérité  en  disant  que  l'anesthésie 
musculaire  et  surtout  l'anesthésie  h  la  fatigue  joue  un  rôle  dans  ce 
mouvement  perpétuel.  Je  crois  qu'il  faut  aller  plus  loin  et  dire 
que  dans  ce  sentiment  d'euphoie  il  y  a  une  excitation  véritable  en 
rapport  avec  des  émotions  d'un  mécanisme  particulier;   si  l'on 


I.  Wallet,  deux  cas  d'anorexie  hystérique,  Nouvelle  iconographie  de  la  Salpélrihret 
189a,  p.  276. 


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36  LES  IDÉKS  OBSI^DANTES 

préfère  le  langage  anatomique,  il  y  a  une  véritable  excitation  des 
centres  moteurs  corticaux.  Cette  excitation  nous  semble  jouer  un 
rôle  très  considérable  dans  la  perte  du  sentiment  de  la  faim, 
peut-être  plus  considérable  que  celui  de  Tanesthésie  de  Testomac, 
car  la  faim,  avant  d'être  Je  sentiment  de  la  mise  enjeu  des  divers 
réflexes  de  la  nutrition,  est  un  sentiment  général  lié  à  l'impres- 
sion de  faiblesse  et  d'épuisement.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  suffit 
pas  qu'une  jeune  fille  refuse  de  manger,  ni  même  qu'elle  ait  visi- 
blement la  crainte  d'engraisser  pour  qu'on  puisse  appeler  son 
état  une  anorexie  hystérique.  Il  faut  encore,  outre  les  divers  sym- 
ptômes d'hystérie  que  l'on  pourra  constater,  la  diminution  consi- 
dérable du  sentiment  de  la  faim  et  l'exagération  des  mouvements. 
En  était-il  ainsi  chez  cette  malade,  Nadia,  à  laquelle  je  reviens  ? 
Cette  malade  examinée  avec  le  plus  grand  soin  et  a  bien  des 
reprises  n'a  jamais  présenté  le  plus  petit  signe  d'hystérie.  Elle  n'a 
aucune  diminution  de  la  sensibilité,  pas  plus  à  la  région  épigas- 
trique  que  sur  le  reste  du  corps.  Dans  son  histoire  on  relève  des 
colères  épouvantables,  mais  que  Ton  qualifie  bien  gratuitement 
d'attaques  d'hystérie.  Ce  qui  est  plus  important,  c'est  qu'elle  n'a 
point  du  tout  de  véritable  anorexie.  Elle  a  parfaitement  conservé 
le  sentiment  de  la  faim.  Souvent,  il  est  vrai,  dans  les  derniers 
temps  de  la  maladie,  la  faim  est  masquée,  parce  qu'il  y  a  des 
troubles  de  l'estomac  inévitables  après  des  années  de  ce  régime  : 
mais  en  général  Nadia  a  faim,  elle  a  même  très  faim.  On  le  con- 
state d'abord  par  ses  actions:  de  temps  en  temps  elle  s'oublie  jus- 
qu'à dévorer  gloutonnement  tout  ce  qu'elle  rencontre.  Dans  d'au- 
tres cas,  elle  ne  peut  résister  au  besoin  de  manger  quelque  chose, 
et  elle  prend  des  biscuits  en  cachette.  Elle  a  des  remords  hor- 
ribles de  cette  action,  mais  elle  la  recommence  tout  de  même.  On 
le  constate  mieux  encore  par  ses  confidences  bien  curieuses.  Elle 
reconnaît  qu'il  lui  faut  un  grand  effort  pour  se  priver  de  manger. 
«  Elle  est  une  héroïne  d'avoir  pu  résister  si  longtemps...  Quel- 
quefois je  passais  des  heures  entières  à  penser  à  la  nourriture, 
tellement  j'avais  faim  :  j'avalais  ma  salive,  je  mordais  mon  mou- 
choir, je  me  roulais  par  terre,  tellement  j'avais  envie  de  manger. 
Je  cherchais  dans  des  livres  des  descriptions  de  repas  et  de  grands 
festins,  et  je  tâchais  pour  tromper  ma  faim  de  m'imaginer  que  je 
goûtais  moi  aussi  à  toutes  ces  bonnes  choses.  Vraiment  j'étais  abso- 
lument affamée,  et  malgré  quelques  défaillances  pour  les  biscuits, 
je  sais  que  j'ai  eu  beaucoup  de  courage.  »  Est-ce  dans  l'anorexie 


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L'OBSESSrON  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  37 

hystérique  que  l'on  parle  ainsi  ?  En  outre,  Nadia  ne  présente 
aucunement  le  trouble  du  mouvement  des  hystériques.  Il  est  in- 
téressant de  remarquer  qu'elle  a  fait  justement  les  raisonnements 
dont  parle  Lasègue.  Elle  cherchait  à  bien  travailler,  à  aller  à  pied 
à  ses  cours  pour  que  sa  mère  ne  fût  pas  inquiète  de  son  refus 
d'aliments  et  pour  que  l'exercice  la  fît  maigrir,  mais  cela  lui  coû- 
tait un  effort  pénible  qu'elle  ne  faisait  que  par  nécessité  ;  le  plus 
souvent  et  surtout  maintenant,  elle  veut  rester  tranquille  dans  sa 
chambre  et  n'éprouve  aucunement  le  besoin  de  marcher  et  de 
dépenser  ses  forces.  La  maladie  est  donc  diiFérente.  Le  refus 
d'aliments  n'est  ici  que  la  conséquence  d'une  idée,  d'un  délire. 

Cette  idée,  si  on  la  considère  d'une  manière  superficielle,  est 
évidemment  la  crainte  d'engraisser.  Nadia  a  peur  de  devenir  forte 
comme  sa  mère  ;  elle  tient  à  rester  maigre,  pale,  cela  seul  lui 
plaît,  est  en  harmonie  avec  son  caractère  :  de  là  une  inquiétude 
continuelle,  elle  a  peur  d'avoir  la  figure  enflée,  de  bouffir,  d'avoir 
de  gros  muscles,  de  prendre  un  meilleur  teint.  Il  faut  éviter  avec 
grand  soin  de  lui  faire  des  compliments  sur  sa  santé  ;  une  mala- 
dresse de  son  père  qui,  la  revoyant  au  bout  de  quelques  mois,  lui  a 
dit  qu'elle  avait  meilleure  mine  a  déterminé  une  sérieuse  rechute. 
Il  faut  être  préparé  à  répondre  à  ces  questions  qu'elle  pose  sans 
cesse  :  «  Je  vous  en  prie,  dites-moi  le  fond  de  votre  pensée  ? 
Trouvez-vous  que  j'aie  de  grosses  joues  rondes  et  roses  depuis  que 
je  mange  davantage?  Par  charité  dites-le-moi  et  consolez-moi,  je 
vous  en  prie.  M'avez-vous  trouvée  aussi  maigre  que  les  autres  fois? 

Faites-moi  le  plaisir  de  me  dire  que  je  serai  toujours  maigre 

Tenez,  j'ai  été  aujourd'hui  dans  un  fiacre  qui  ne  marchait  pas,  le 
cheval  ne  pouvait  pas  me  traîner,  c'est  à  cause  de  ces  côtelettes 
que  vous  me  faites  manger.  Je  vous  en  supplie,  rassurez-moi.  » 

Mais  cette  pensée  obsédante  n'est  pas  du  tout  une  idée  fixe 
isolée  et  inexpliquée,  comme  cela  arrive  quelquefois  chez  les  hys- 
tériques. Elle  se  rattache  h  tout  un  système  de  pensées  extrê- 
mement complexe.  D'abord  l'embonpoint  n'est  pas  considéré 
uniquement  au  point  de  Vue  de  la  coquetterie  :  il  présente  aux 
yeux  de  la  malade  quelque  chose  d'immoral.  Elle  répète  toujours: 
<c  Je  ne  tiens  pas  à  être  jolie,  mais  cela  me  ferait  trop  de  honte  si 
je  devenais  bouffie,  cela  me  fait  horreur  ;  si  par  malheur  j'en- 
graissais, je  n'oserais  plus  me  faire  voir  à  personne,  pas  plus 
dans  la  maison  que  dans  la  rue,  j'aurais  trop  de  honte.  »  Et 
remarquons   que   ce  n'est  pas   l'obésité    en   elle-même    qui   lui 


,^^ 


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38  LE8  JDÉES  OBSÉDANTES 

paraît  honteuse.  Elle  aime  des  personnes  qui  sont  très  fortes  et 
trouve  que  cela  leur  va  bien;  c'est  pour  elle  que  ce  serait  immo- 
ral et  honteux.  Ce  n'est  pas  seulement  l'embonpoint,  c'est  tout 
ce  qui  se  rattache  à  l'acte  de  manger  qui  mérite  ce  caractère. 

Klle  commença  par  refuser  de  manger  en  présence  d'autres  per- 
sonnes :  il  fallait  qu'elle  mangeât  seule,  comme  en  cachette.  Vrai- 
ment, si  on  peut  se  permettre  une  telle  comparaison,  elle  se  dis- 
simule pour  manger,  elle  est  gênée  d'accomplir  cet  acte  devant 
quelqu'un,  comme  si  on  la  priait  d'uriner  en  public,  et  d'ailleurs 
elle-même  reconnaît  que  la  comparaison  est  juste.  Quand  il  lui 
arrive  de  manger  un  peu  plus,  ce  qu'elle  fait  toujours  en  cachette, 
ce  sont  des  protestations  pour  s'excuser  comme  si  elle  avait  commis 
une  indécence.  Au  moment  des  fêtes  de  Noël,  elle  s'est  permis  de 
goiUer  à  quelques  boîtes  de  chocolat  qu'elle  envoyait  a  des  amies. 
Elle  m'a  écrit  plus  de  dix  lettres  à  ce  sujet,  avouant  comme  un 
crime  chacun  de  ces  bonbons,  cherchant  à  expliquer,  par  un  senti- 
ment de  gourmandise  ou  de  curiosité,  un  acte  qu'elle  regrette  tant. 
Elle  aurait  été  bien  honteuse  si  on  l'avait  surprise  en  flagrant 
délit.  Non  seulement  il  ne  faut  pas  qu'on  la  voie  pendant  qu'elle 
mange,  mais  il  ne  faut  pas  non  plus  qu'on  l'entende.  La  mastica- 
tion a  quelque  chose  de  si  vilain  que  cela  la  ferait  rentrer  sous 
terre,  si  on  pouvait  entendre  la  sienne.  Ici  encore  ce  n'est  pas  la 
façon  de  manger  en  général  qu'elle  méprise  :  on  peut  manger 
devant  elle,  elle  ne  trouve  à  cela  rien  de  répréhensible,  au  con- 
traire, elle  est  heureuse  d'offrir  quelque  chose  aux  personnes  qui 
viennent  la  voir.  Mais  c'est  sa  mastication  h  elle,  «qui  fait  un  bruit 
spécial,  ridicule  et  déshonorant.  Je  veux  bien  avaler,  mais  on  ne 
me  forcera  jamais  à  mâcher  ». 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  cette  honte  se  limite  ainsi  à  l'embon- 
point et  à  l'acte  de  manger.  Nadia  a  encore  d'autres  tourments. 
Quoiqu'elle  soit  mince  et  ait  des  traits  plutôt  jolis,  elle  est  con- 
vaincue que  sa  figure  est  non  seulement  bouffie,  mais  rouge  et  cou- 
verte de  boutons.  Comme  je  n'arrivais  pas  à  voir  ces  fameux  bou- 
tons, elle  me  déclare  «  que  je  n'y  connais  rien  et  que  je  ne  sais 
pas  reconnaître  des  boutons  qui  sont  entre  la  peau  et  la  chair  ». 
Quoi  qu'il  en  soit,  cela  lui  donne  une  figure  abominablement  laide 
et  bien  qu'elle  n'ait  aucune  coquetterie,  une  personne  qui  se  res- 
pecte ne  peut  pas  laisser  voir  une  figure  pareille.  Ou  se  moquerait 
d'elle,  ce  qui  la  ferait  horriblement  soutfrir,  aussi  refuse-t-elle 
de  se  laisser  voir.  Parallèlement  au  refus  d'aliments  s'est  déve- 


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L'OBSESSION  DE  L\  HONTE  DU  CORPS  39 

loppé  un  autre  délire  qu'on  avait  trop  peu  remarqué,  c'est  la 
crainte  de  sortir  dans  la  rue.  Ce  sont  des  scènes  horribles  pour 
arriver  à  sortir  un  peu,  en  voiture  fermée.  Il  faut  que  le  cocher 
et  la  femme  de  chambre  détournept  la  tête  au  moment  où  elle  se 
précipite  dans  la  voiture.  Elle  sort  plus  facilement  le  soir,  dans 
les  endroits  déserts,  où  elle  risque  peu  d'être  vue.  Même  dans 
sa  chambre,  si  je  la  laissais  faire,  elle  entretiendrait  une  demi- 
obscurité  et  elle  se  place  toujours  dans  le  coin  le  plus  sombre, 
le  dos  tourné  à  la  lumière.  Si  on  ne  l'arrêtait  pas,  elle  ne  tarderait 
pas,  comme  une  malade  que  j'ai  connue,  à  vivre  dans  une  obscu- 
rité complète. 

Si  sa  figure  la  gène  ainsi,  les  autres  parties  de  son  corps  sont 
loin  de  la  laisser  indifiFérente.  Depuis  Tàge  de  quatre  ans,  prétend- 
elle,  elle  est  honteuse  de  sa  taille,  parce  qu'on  lui  aurait  dit 
qu'elle  était  grande  pour  son  Age.  Depuis  Tâge  de  huit  ans,  elle 
a  commencé  à  avoir  honte  de  ses  mains  qu'elle  trouve  longues, 
ridicules.  Vers  Tâge  de  1 1  ans,  comme  elle  portait  des  jupes 
courtes,  il  lui  semblait  que  tout  le  monde  regardait  ses  jambes 
et  elle  ne  pouvait  plus  les  souflFrir.  Il  a  lui  fallu  mettre  des  jupes 
longues  et  alors  elle  a  eu  honte  de  ses  pieds,  puis  de  ses  hanches 
trop  larges,  de  ses  bras  avec  de  gros  muscles,  etc. 

Bien  entendu,  l'arrivée  de  la  puberté  a  singulièrement  aggravé 
tous  ces  sentiments  bizarres.  L'apparition  des  règles  l'a  rendue  à 
moitié  folle.  Quand  les  poils  ont  commencé  à  pousser  au  pubis,  elle 
a  été  convaincue  qu'elle  était  seule  au  monde  avec  cette  monstruo- 
sité et  jusqu'à  l'âge  de  20  ans  elle  travaillait  à  s'épiler  «  pour 
faire  disparaître  cet  ornement  de  sauvage  ».  Le  développement  de 
la  poitrine  a  surtout  aggravé  les  obsessions,  car  les  craintes  rela- 
tives à  la  pudeur  s'ajoutaient  aux  anciennes  idées  sur  l'obésité. 
C'est  à  ce  moment  surtout  qu'elle  a  commencé  à  refuser  tout  à  fait 
de  manger  et  à  ne  plus  vouloir  se  montrer.  Par  tous  les  moyens 
possibles  elle  a  cherché  à  dissimuler  son  sexe,  dont  elle  a  particu- 
lièrement honte  :  ses  corsages,  ses  chapeaux,  ses  coiffures  doivent 
se  rapprocher  du  costume  masculin.  Elle  coupe  ses  cheveux  à 
demi  longs  et  les  fait  boucler  et  elle  voudrait  avoir  l'aspect  d'un 
jeune  étudiant.  Il  ne  faudrait  pas  croire  qu'il  y  a  ici  une  inversion 
sexuelle,  comme  on  l'admet  beaucoup  trop  vite  dans  des  cas  sem- 
blables. Elle  serait  aussi  honteuse  d'être  un  garçon  que  d'être  une 
fille.  Elle  voudrait  être  sans  aucun  sexe,  et  même  elle  voudrait  être 
sans  aucun  corps,  car  on  voit  que  toutes  les  parties  du  corps 


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40  LES  ll)lîi:i5  OBSÉDANTES 

déterminent  le  même  sentiment  dont  le  refus  d'aliments  n'était 
qu'une  manifestation  toute  partielle. 

Quelle  est  au  fond  l'idée  dominante  qui  détermine  ces  apprécia- 
tions singulières  ?  La  pudeur  joue  certainement  un  rôle  considérable 
et  ce  sentiment  est  chez  elle  poussé  tout  à  fait  à  l'extrême.  Jamais 
depuis  la  première  enfance  elle  n'a  pu  se  déshabiller  devant  ses 
parents  et  jusqu'à  Tage  de  vingt-sept  ans  elle  n'avait  jamais  con- 
senti a  être  auscultée  par  un  médecin.  Mais  il  s'y  mêle  une  foule  de 
choses:  un  vague  sentiment  de  culpabilité,  un  reproche  relatif  à  la 
gourmandise  et  à  toutes  sortes  de  vices  possibles.  Il  s'y  mêle  sur- 
tout un  sentiment  plus  intéressant,  que  nous  avons  déjà  remarqué 
à  propos  des  obsessions  précédentes  et  qui  va  prendre  une  impor- 
tance de  plus  en  plus  grande  chez  nos  scrupuleux.  «  Je  ne  voulais, 
dit-elle,  ni  grossir,  ni  grandir,  ni  ressembler  à  une  femme  parce 
que  j'aurais  voulu  rester  toujours  petite  fille.  »  Il  est  visible  que 
ce  désir  de  rester  enfant  a  joué  un  rôle  considérable,  car  ce 
qu'elle  a  toujours  redouté  c'est  de  se  développer,  plus  que  d'en- 
graisser à  proprement  parler.  Mais  pourquoi  ce  désir  ?  La  raison 
de  ce  souhait  bizarre  se  résume  en  un  mot  que  beaucoup  de 
malades  vont  nous  répéter:  «  Parce  que  j'avais  peur  d'être  moins 
aimée.  »  C'est  au  fond  cette  idée  qu'elle  a,  quand  elle  craint 
d'être  laide,  d'être  ridicule.  «  On  se  moquera  de  moi  et  on  ne 
m'aimera  plus.  On  trouvera  que  je  ne  suis  plus  comme  tout  le 
monde  et  on  ne  m'aimera  plus.  Si  on  me  voyait  bien  en  pleine 
lumière  on  serait  dégoûté  et  on  ne  m'aimerait  plus.  » 

Ce  désir  d'être  aimée,  cette  crainte  inquiète  de  ne  pas  mériter 
l'affection  que  l'on  désire  tellement  se  mêle  certainement  dans  ce 
cas  aux  idées  de  fautes  possibles  et  aux  craintes  de  la  pudeur 
pour  produire  cette  obsession  de  honte  du  corps.  Il  va  encore 
intervenir  dans  l'observation  suivante. 

Il  s'agit  d'un  cas  beaucoup  moins  grave  et  surtout  beaucoup 
moins  complet,  dans  lequel  l'obsession  que  nous  étudions  ne 
porte  pas  sur  toutes  les  parties  du  corps  mais,  comme  nous 
l'avons  dit  au  début,  sur  un  organe  et  une  fonction  en  particulier. 
Wye...  (i6o),  jeune  homme  de  27  ans,  a  eu  momentanément 
quelques  obsessions  criminelles,  il  se  croyait  coupable  en  man- 
geant la  chair  des  animaux  ;  il  a  eu  aussi  quelques  obsessions 
hypocondriaques  relatives  à  des  maladies  de  la  gorge  ;  mais  ces 
phénomènes    n'ont    été  que   très    passagers.    Le    fait    dominant 


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L'OBSKSSION  DE  LA  IlONTK  DU  COUPS  41 

depuis  une  dizaine  d'années  c'est  un  mécontentement  et  une  honte 
qui  porte  à  peu  près  exclusivement  sur  les  mouvements  de  ses 
bras  et  de  ses  jambes. 

Dès  Tenfance  il  était  préoccupé  de  la  position  à  donner  à  son 
bras  gauche,  il  redoutait  la  saison  de  Tété,  parce  qu'il  n'avait 
alors  plus  de  raison  pour  tenir  ses  mains  dans  ses  poches  et  qu'il 
ne  savait  plus  où  les  mettre.  Peu  à  peu,  ce  sentiment  a  beaucoup 
augmenté  et  il  est  devenu  une  obsession  grave.  «  Je  sens,  dit-il, 
que  je  manque  de  spontanéité,  que  mes  mouvements  sont  gênés. 
Je  suis  tout  ankylosé.  Je  ne  sais  de  quel  cùté  porter  le  bras  ou  la 
tète.  J'ai  des  mouvements  mécaniques.  On  dirait  Tours  du  Jardin 
des  Plantes.  Aussi  je  suis  forcé  de  penser  tout  le  temps  à  la  façon 
dont  mon  bras  se  balance,  dont  je  redresse  le  cou.  »  La  moindre 
des  choses  dans  son  costume  peut  modifier  cette  gêne  de  son 
corps  :  un  habit  bien  fait  et  un  peu  vieux  le  met  h  son  aise,  le  cos- 
tume de  chasse  qui  autorise  quelque  débraillé  des  mouvements  le 
rend  plus  heureux.  Au  contraire  un  habit  neuf,  un  costume  qui 
nuirait  pas  à  la  perfection  augmentent  cette  obsession  jusqu'à  lui 
rendre  difficile  toute  sortie.  Il  a  été  pendant  quelque  temps 
obsédé  par  le  problème  des  fau$  cols.  Cette  préoccupation  des 
faux  cols  est  loin  d'être  insignifiante.  Chez  deux  autres  malades 
que  je  n'ai  pas  pu  étudier  avec  le  même  soin  et  qui  d'ailleurs  se 
rapprochent  de  celui-ci,  l'obsession  scrupuleuse  prenait  exclusi- 
vement la  forme  de  l'obsession  du  faux  col.  Chez  ces  malades  et 
chezWye...  surtout,  ces  obsessions  gênent  les  mouvements,  les 
amènent  à  faire  des  contorsions  et  des  grimaces  soit  pour  essayer 
de  rendre  les  mouvements  normaux,  soit  pour  dissimuler  aux 
autres  la  gêne  qu'ils  éprouvent.  Ainsi  Wye...  cligne  des  yeux 
quand  il  croit  que  ses  yeux  n'ont  pas  un  mouvement  naturel. 

Ces  contorsions  donnent  souvent  naissance  à  des  erreurs  de 
diagnostic.  On  en  fait  communément  des  tics  :  cela  est  juste 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  l'obsession  qu'ils  manifestent.  Dans 
un  cas  même  l'erreur  fut  plus  grave  h  mon  avis.  Un  malade  dont 
nous  avons  parlé  à  propos  des  obsessions  criminelles  a  été  ren- 
voyé du  service  militaire  à  Tâge  de  vingt  et  un  ans  avec  le  dia- 
gnostic de  chorée  de  Sydenham.  On  pourrait  déjà  remarquer 
qu'il  est  singulier  de  diagnostiquer  la  chorée  chez  un  homme 
de  vingt  et  un  ans,  tandis  que  suivant  la  remarque  de  Syden- 
ham,  la  chorée  vraie  survient  rarement  après  la  puberté.  Mais  ici 
l'erreur   était  encore  plus   grave,   car  les  mouvements   de  Za.,, 


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42  LES  IDFlES  OBSÉDANTES 

(216),  n'étaient  que  des  contorsions  déterminées  par  le  sentiment 
de  gêne  et  de  honte  et  par  des  efforts  pour  se  dominer  que 
nous  aurons  à  étudier  plus  tard  chez  tous  les  scrupuleux. 

Qu'est-ce  qui  détermine  chez  ces  malades  et  chez  Wye...  sur- 
tout ce  sentiment  de  gêne  ?  C'est  encore  la  préoccupation  qu'ils 
ne  sont  pas  comme  les  autres,  qu'ils  seront  ridicules  et  ne  seront 
pas  aimés.  Le  désir  de  plaire  les  préoccupe  toute  leur  vie  et  il 
s'ajoute  à  une  sorte  de  sentiment  de  désespoir,  d'incapacité  d'y 
arriver  qui  entre  pour  beaucoup  dans  la  honte  du  corps. 

Dans  un  groupe  tout  voisin  nous  mettrons  ceux  qui  ont  simple 
ment  honte  de  leur  figure,  des  traits  de  leur  visage.  Tk.-.^iGi), 
jeune  homme  de  vingt-quatre  ans,  fils  d'une  mère  qui  s'est  sui- 
cidée, est  surtout  frappé  par  la  maladie  depuis  qu'il  a  contracté 
la  syphilis.  Il  en  est  inquiet,  honteux,  mais  cette  honte  se  localise 
et  détermine  uniquement  le  sentiment  que  son  visage  enlaidit, 
que  sa  mâchoire  est  devenue  trop  grande,  qu'il  est  ridicule,  et 
encore,  comme  toujours,  indigne  d'être  aimé.  Ul...  (45),  femme 
de  33  ans,  se  figure  «  qu'elle  a  des  convulsions  dans  la  figure  ». 
Meu. . .  (i63),  femme  de  3o  ans,  sent  qu'elle  a  des  convulsions  dans  les 
yeux  que  ses  yeux  ne  sont  pas  naturels,  qu'ils  regardent  drôlement. 
Ces  malades  ne  veulent  plus  voir  personne,  ni  entrer  dans  aucun 
lieu  public.  Per...  (162),  femme  de  38  ans,  a  les  mêmes  terreurs 
parce  qu'elle  se  figure  que  «  son  visage  est  poilu  ».  Enfin  Pol..., 
femme  de  24  ans  est  horriblement  tourmentée  par  la  pensée  qu'elle 
a  une  petite  cicatrice  sur  l'aile  gauche  du  nez  :  cette  obsession 
est  l'une  des  plus  fréquentes  *.  En  un  mot,  il  n'y  a  pas  un  trait, 
une  légère  modification  du  visage  qui  ne  puisse  donner  lieu  à  une 
obsession  de  gêne  et  de  honte. 

Quand  on  parle  des  scrupules  relatifs  au  visage,  il  ne  faut  pas 
oublier  le  groupe  qui  a  été  considéré  comme  le  plus  important, 
celui  des  rtialades  qui  ont  la  honte  de  rougir..  Je  ne  parle  pas  ici 
du  sentiment  angoissant  qui  se  développe  en  même  temps  que  la 
rougeur,  mais  de  l'idée  obsédante  de  cette  rougeur.  Les  malades 
tourmentés  par  cette  obsession  sont  extrêmement  fréquents  et, 
l'année  dernière,  MM.  Pitres  et  Régis  ont  consacré  un  article  à 


I.  Cf.  G.  Thibiergc,  Les  dcrmatophobîes.  Presse  médicale,  juîllot  1898. 
3.  Pitres  et  Régis,  L'obsession  de  la  rougeur,   oreutophobie.   Archives  de  neuro- 
logie, 1897,  n®  i3,  ol  ibid.  Mars  190a,  p.  177. 


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^OBSESSION  DE  lA  HONTE  DU  CORPS  43 

celte  maladie  sous  le  nom  d*ereutop/tobie.  Ces  auteurs  en  ont 
décrit  des  cas  intéressants.  J*en  ai  observé  pour  ma  part  cinq 
tout  à  fait  caractéristiques  ;  je  n'insiste  que  sur  les  principaux  : 
Deb...  (i65),  femme  de  quarante-quatre  ans,  Toq...  (97),  un 
docteur  en  médecine  de  vingt-sept  ans,  et  Vol...  (96),  jeune 
fille  de  vingt  et  un  ans.  Chez  tous  ces  malades  les  symptômes 
principaux  sont  à  peu  près  les  mêmes.  Ils  croient  avoir  remarqué 
que  leur  visage,  leur  nez,  surtout  chez  Vol...,  rougit  facile- 
ment, après  les  repas,  dans  une  chambre  chaude,  etc.  Ils  ont 
a  ce  propos  une  pensée  obsédante  que  leur  visage  est  rouge,  en 
feu  et  que  cela  est  profondément  ridicule,  obcène,  déshonorant, 
a  Je  ne  faisais  qu'y  penser  et  souffrais  le  martyre,  je  maudissais 
de  n'être  pas  comme  les  autres  jeunes  filles,  je  souffrais  de 
me  montrer,  et  j'aspirais  d'être  seule  dans  ma  chambre  ;  quand 
j'étais  seule,  je  pleurais  avec  désespoir,  à  la  pensée  de  Tisole- 
ment  perpétuel  auquel  j'étais  condamnée.  »  Chez  celle-ci  d'ail- 
leurs, cette  ereutophobie  a  amené  comme  chez  Nadia  un  refus 
d'aliment  qui  a  nécessité  sa  séquestration  dans  une  maison 
spéciale.  Elle  avait  eu  de  l'admiration  pour  une  cousine  qui 
était  très  pâle  et,  pour  devenir  anémique  comme  elle,  elle 
s'était  rationnée  h  sa  façon.  Cette  crainte  amène  aussi  le  refus  de 
sortir  et  trouble  toute  l'existence  par  un  véritable  délire. 

Après  avoir  décrit  des  faits  de  ce  genre  d'une  manière  fort  inté- 
ressante, MM.  Pitres  et  Régis  font  à  leur  propos  une  remarque 
psychologique  :  Tereutophobie  est  liée,  disent-ils,  à  la  conges- 
tion du  visage,  c*est-h-dire  à  un  phénomène  vaso-moteur.  Cette 
congestion,  l'ereutose  simple,  a  précédé  la  phobie,  c'est-à-dire 
Témotion.  Ne  peut-on  pas  voir  dans  ce  cas  une  démonstration 
intéressante  des  théories  de  Lange  et  de  James  sur  le  mécanisme 
des  émotions  et  une  démonstration  de  celte  hypothèse  qui  ratta- 
che Témotion  à  un  trouble  vaso-moteur.  Quelle  que  soit  l'opinion 
relative  à  la  thèse  de  Lange  et  de  James,  que  je  ne  discute  pas 
ici,  mais  que  je  suis  loin  d'admettre  complètement,  je  ne  puis 
croire  que  le  fait  de  l'ereutophobie  puisse  jouer  de  cette  manière 
un  rôle  important  dans  la  discussion. 

C'est  un  tort  h  mon  avis  que  de  rattacher  l'obsession  de  la  rou- 
geur au  fait  de  la  rougeur  elle-même.  Quoique  cela  semble  bizarre, 
ce  n'est  pas  parce  qu'ils  sont  rouges  que  ces  malades  sont  obsédés 
par  la  pensée  de  la  rougeur  ou  du  moins  cette  rougeur  elle-même 
ne  joue  qu'un  rôle  très  minime  dans  l'obsession.  D'abord  on  peut 


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i'*  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

être  êreutopliobc  c jaune  Nudiu  saus  avoir  jamais  eu  de  rougeur. 
Cette  malade  qui  a  le  teint  très  mat  a  toujours  été  pâle  et  n'a 
aucune  disposition  à  la  rougeur  émotive.  Elle  se  fait  cependant  de 
la  rougeur  une  obsession  terrifiante.  En  outre  l'obsession  de  la 
rougeur  ne  survient  pas  uniquement  à  la  suite  de  rougeur  véri- 
table. Il  est  trop  facile  de  remarquer  que  tous  les  gens  qui  rou- 
gissent ne  sont  pas  des  éreutophobes.  Elle  survient  k  la  suite 
d'une  série  de  scrupules  corporels  qui  n'étaient  aucunement  liés  à 
des  phénomènes  vaso-moteurs  du  visage. 

Toq...,  jeune  homme  de  vingt-sept  ans,  actuellement  obsédé 
par  la  pensée  qu'il  a  les  joues  rouges,  a  eu  depuis  Tàge  de  treize 
ans  jusqu'à  Tâge  de  vingt  ans  une  obsession  toute  différente.  Il 
était  obsédé  par  la  honte  de  ses  moustaches  et  je  ne  crois  pas  que 
dans  les  moustaches  il  y  ait  un  phénomène  vaso-moteur.  Cette 
honte  elle-même  se  rattachait  visiblement  à  une  idée  génitale. 
«  Je  me  figurais,  dit-il,  que  j'avais  une  tare  sexuelle  parce  que 
mes  moustaches  avaient  poussé  trop  tôt.  »  Plus  tard  il  se  rassura 
sur  ses  moustaches,  parce  qu'à  vingt  ans  elles  devenaient  plus 
naturelles  et  son  inquiétude  préexistante  se  porta  sur  un  autre 
phénomène,  la  rougeur  du  visage  qu'il  avait  remarquée  à  un  exa- 
men. Inversement  Per...  (162),  qui  a  commencé  par  l'ereutophobie, 
l'a  remplacée  maintenant  par  l'obsession  d'être  a  poilue  »  quoique 
les  phénomènes  vaso-moteurs  du  visage  soient  restés  exactement 
les  mêmes.  Il  est  donc  bon  à  mon  avis  de  ne  pas  considérer  ce 
symptôme  isolément,  mais  de  remarquer  qu'il  se  rattache  à  un 
groupe  d'obsessions  relatives  au  corps  et  en  particulier  au  visage 
qui  font  partie,  comme  j'essaye  de  le  montrer,  d'une  grande 
maladie  mentale,  le  délire  du  scrupule.  Quant  aux  phénomènes 
émotifs  que  les  auteurs  précédents  ont  bien  mis  en  lumière  dans 
l'ereutophobie,  ils  existent  comme  point  de  départ  dans  beau- 
coup de  ces  obsessions.  Nous  aurons  l'occasion  de  les  étudier  à 
propos  des  angoisses. 

Après  les  hontes  relatives  au  visage,  je  signale  rapidement  les 
obsessions  relatives  aux  mains  et  surtout  celles  qui  sont  relatives 
à  la  propreté  des  mains.  Il  est  presque  inutile  de  citer  des  exem- 
ples, car  les  observations  seraient  innombrables.  Chy...  a  peur 
d'avoir  de  la  graisse  et  surtout  des  petites  taches  de  graisse  sur 
ses  mains,  elle  se  lave  200  fois  par  jour.  Qei...,  jeune  fille  de 
vingt  ans,  croit  qu'elle  a  touché  quelque   chose  de  sale,  surtout 


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L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  45 

depuis  qu'elle  a  eu  une  petite  suppuration  d'oreille.  Elle  en  esthon- 
teuse,  elle  craint  de  communiquer  le  virus  aux  autres  et  les  idées 
de  crime  se  mêlent  à  la  honte  du  corps.  C'est  la  forme  la  plus 
commune  de  la  maladie. 

J'aime  mieux  insister  sur  une  forme  particulière  d'une  de  ces 
obsessions  relative  a  la  main,  parce  qu'elle  est  moins  connue  et 
peut  donner  naissance  à  des  erreurs  de  diagnostic.  M.  Séglas  a 
étudié  un  malade  nommé  L. ..  que  j'avais  vu  avec  lui  il  y  a  quel- 
ques années  *.  Ce  garçon  d'une  vingtaine  d'années,  type  de  scru- 
puleux, avait  eu  la  plupart  des  obsessions  précédemment  décrites 
sur  les  crimes,  des  obsessions  relatives  au  vol,  d'autres  relatives 
à  l'alimentation.  Il  se  faisait  même  scrupule  d'avaler  les  microbes 
de  l'air.  Parmi  les  différents  reproches  qu'il  se  faisait,  L...  trou- 
vait son  écriture  mauvaise.  Il  cherchait  à  la  reformer  par  des 
systèmes  que  nous  retrouverons  plus  tards  chez  tous  les  autres 
malades  ;  mais  ces  préoccupations  et  ces  efforts  n'avaient  pas 
d'autre  résultat  que  de  rendre  son  écriture  de  plus  en  plus 
informe  et  impossible.il  tenait  sa  plume  de  façon  bizarre,  l'atta- 
chait avec  des  ficelles  et  ne  pouvait  plus  parvenir  à  écrire  quel- 
ques lignes  de  suite.  M.  Séglas  faisait  remarquer  avec  raison 
qu'il  semblait  présenter  une  crampe  des  écrivains,  alors  qu'il 
n'avait  qu'un  délire  de  scrupule  relatif  à  l'écriture. 

J'ai  eu  depuis  l'occasion  de  vérifier  la  justesse  de  cette  remar- 
que et  je  crois  que  dans  bien  des  cas  la  prétendue  crampe  des 
écrivains  n'est  qu'une  manifestation  de  scrupules  de  ce  genre.  Il 
en  est  ainsi,  par  exemple,  dans  l'observation  de  II...,  dans  celle 
de  Pô...  et  dans  celle  de  Lev...,  homme  de  trente-six  ans.  Pô..., 
non  seulement,  ne  peut  plus  écrire,  mais  elle  ne  peut  plus  lire  ni 
même  voir  de  l'écriture,  tellement  cela  lui  fait  horreur.  Lev...  n'a 
la  prétendue  crampe  que  si  on  le  regarde  ou  s'il  soupçonne  que 
quelqu'un  peut  le  voir.  Le  dernier  cas  que  j'ai  vu  est  curieux  :  il 
s'agit  d'un  homme,  X...,  préoccupé  de  scrupules  divers  et  depuis 
quelque  temps  de  scrupules  relatifs  à  l'écriture.  Il  ne  peut 
essayer  d'écrire  sans  que  sa  main  fasse  un  mouvement  bizarre  : 
l'index,  au  lieu  d'appuyer  sur  la  plume,  se  relève  tout  droit  en 
l'air,  attitude  singulière,  car  d'ordinaire  les  doigts  se  resserrent 


I.  Sëglas,  Un  cas  de  folie  du  doute,  simulant  la  crampe  des  écrivains.  Bull,  de  la 
Sor.  méd.  des  hopilauj',  avril  i8yo,  cl  Troubles  du  lamjafje  chec  les  aliénés,  iSyu, 
p.  20I. 


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LES  IDÉES  ORSIsHANTES 

a  cranîpe.  On  peut  faire  sur  lui  quelques  petites  expériences 
ssantes.  Quand  il  tient  la  plume  sans  écrire,  Tindex  ne  se 
pas  ;  bien  mieux,  si  on  lui  dit  de  simuler  Técriture,  c'est- 
de  faire  faire  h  la  plume  tous  les  mouvements  de  Técriture, 
n  la  laissant  à  quelques  millimètres  au-dessus  du  papier 
larquer  réellement,  les  doigts  n*éprouvent  aucune  gêne  et 
lade  peut  écrire  ainsi  indéfiniment.  Si  on  Tempèche  de 
1er,  on  peut  approcher  le  papier  de  la  plume  jusqu'à  faire 
er  l'écriture  légèrement  et  le  malade  continue  à  n'avoir 
Q  crampe  :  mais  s'il  s'aperçoit  qu'il  écrit  réellement,  im- 
tement  l'index  se  relève  et  la  plume  tombe.  «  J'ai,  dit-il, 
e  une  appréhension  d'écrire  depuis  que  je  me  suis  rendu 
e  que  j'écrivais  mal.  »  Le  scrupule  simule  la  crampe  des 
ins  comme  tout  à  l'heure  la  chorée.  Un  étudiant  prépare  en 
ment  une  thèse  sur  ce  sujet  que  je  lui  ai  indiqué  :  «  Les 
rts  entre  la  crampe  des  écrivains  et  le  délire  du  scrupule.  » 

>t  probable  que  l'on  pourrait  facilement  recueillir  bien  des 
e  même  genre  relatifs  à  la  marche.  M.  Séglas  a  parlé  juste- 
dès  baso-phobies.  On  pourrait  montrer  que  quelques-unes 
e  elles  ne  sont  que  des  scrupules  relatifs  à  la  marche.  L'obser- 
d'un  homme  de  56  ans,  Fou...  (yS)  est  sur  ce  point  tout 
concluante  :  les  angoisses  qu'il  ressentait  pendant  la  marche 
g  d'un  fossé  ont  peu  à  peu  donné  naissance  à  des  obsessions 
êtes  sur  l'impossibilité  de  la  marche.  Dans  une  thèse  ré- 
M.  Paul  Delarue  ^  insiste  sur  l'idée  obsédante  de  Timpo- 
des  membres  inférieurs  qui  se  surajoute  aux  phobies  de  la 
e.  11  y  a  un  diagnostic  à  faire  entre  ces  scrupules  de  la 
e  et  l'abasie  hystérique  analogue  à  celui  que  nous  venons 
re  à  propos  de  l'anorexie. 

ativement  aux  diverses  fonctions  viscérales,  je  ne  fais  que 
1er  l'observation  de  Rai...,  que  j'ai  déjà  publiée  dans  le  se- 
irolume  des  névroses,  de  cet  individu  qui  se  fait  des  scru- 
sur  sa  digestion  et  sa  respiration.  Convaincu  qu'il  ne  respi- 
\s  bien,  il  cherchait  des  systèmes  pour  respirer  mieux,  pour 
les  suQocations  possibles.  Puis  ce  furent  des  systèmes  pour 
îr  :  il  lui  fallait  une  bouteille  d'eau  près  de  lui   pour  hu- 

aul  Delaruo,  itc  la  Staso-basophobie,  Tliùse  de  Paris,  1901. 


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L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  i7 

mecler  la  bouche  avant  chaque  bouchée.  Même  en  dehors  des 
repas,  il  lui  fallait  une  goutte  d'eau  dans  la  bouche  pour  bien  res- 
pirer V 

Les  idées  obsédantes  relatives  à  Talinientation  et  même  aux 
diverses  fonctions  de  la  déglutation,  de  la  digestion,  etc.,  sont 
des  plus  fréquentes.  On  en  a  déjà  eu  un  exemple  dans  l'obser- 
vation de  Nadia.  Mais  ces  idées  restent  presque  toujours  étroi- 
tement associées  avec  des  phénomènes  d'angoisse  et  il  me  semble 
préférable  de  remettre  leur  description  plus  complète  au  moment 
où  j'étudierai  les  phobies  des  fonctions  dans  le  chapitre  suivant. 

L'une  des  fonctions  digestives  a  le  privilège  de  provoquer  plus 
que  les  autres  des  obsessions  de  honte.  C'est  l'évacuation 
des  gaz  intestinaux.  On  ne  se  figure  pas  l'état  de  folie  où  peuvent 
tomber  certains  individus  par  la  crainte  des  pets.  J'en  ai  publié 
dernièrement  une  belle  observation*.  Un  homme  de3i  ans,  Ch..., 
vit  toujours  seul,  habite  au  sixième  pour  n'avoir  pas  de  voisins 
au-dessus  de  lui,  met  son  lit  dans  la  cuisine,  car  il  n'est  pas  pro- 
bable que  d'autres  personnes  couchent  au-dessous  dans  la  cui- 
sine, et  cependant  en  arrive  h  vouloir  se  tuer  parce  que  sa  mère 
va  venir  le  surprendre  dans  sa  retraite.  Le  pauvre  diable  ne  peut 
avoir  personne  près  de  lui  ou  aux  environs  parce  qu'il  craint  qu'on 
entende  le  bruit  de  ses  gaz  abdominaux  et  voici  dix  ans  qu'il  est 
en  proie  à  une  pareille  obsession.  Je  viens  de  voir  une  jeune  fille 
de  20  ans  qui  commence  le  même  délire.  «  Elle  n'est  pas  faite  à 
ce  point  de  vue-là  comme  les  autres,  il  y  a  dans  ses  parties  des  dé- 
fectuosités, les  gaz  s'échappent  dès  qu'elle  y  pense,  et  elle  est 
forcée  d'y  penser  si  elle  est  en  public.  Or  cet  accident  est  mons- 
trueux, mieux  vaudrait  mourir  »  ;  et  elle  refuse  de  sortir,  de  dîner 
en  ville,  de  se  marier. 

J'ai  observé  bien  des  cas  comparables  relatifs  cette  fois  aux 
fonctions  de  la  vessie.  Une  femme  de  55  ans,  ancienne  scrupu- 
leuse, ayant  même  eu  a  l'âge  de  18  ans  une  crise  d'obsession  cri- 
minelle pour  laquelle  Charcot  l'avait  fait  isoler,  Vor...  (iSy)  a  été 
troublée  il  y  a  deux  ans  par  un  eczéma  du  périnée  et  des  parties 
génitales.  Les  démangeaisons  d'une  part,  les  soins  minutieux  de 
propreté  nécessités  par  le  traitement  d'autre  part,  ont  attiré  son 
attention  sur  ces  parties  et  après  la  guérison  de  l'eczéma  elle  a  été 


I.  Raymond  et  P.  Janet,  Névroses  et  Idées  fixes,  II,  887. 
a.  Id.,  ibid..  Il,  147. 


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48  LES  IDfiES  OnSÉDANTES 

envahie  par  une  obsession  curieuse,  relative  à  l'acte  d'uriner.  Elle 
avait  le  sentiment  qu'elle  urinait  mal  et  surtout  incomplètement. 
Elle  s'étudiait  à  pousser  mieux,  à  produire  le  coup  de  piston  et 
cependant  elle  conservait  la  pensée  qu'elle  n'avait  pas  terminé  et 
qu'elle  allait  perdre  les  urines,  ce  qui  fait  qu'elle  retournait  im- 
médiatement au  cabinet,  recommençait  ses  efforts  et  sortait,  puis 
était  forcée  de  rentrer  de  nouveau,  cela  jusqu'à  cinquante  fois  de 
suite.  11  est  singulier  de  voir  le  scrupule  déterminer  des  troubles 
de  la  miction. 

Dans  toutes  les  hypocondries  urinaires,  il  ne  serait  pas  difficile 
d'en  trouver  de  semblables:  je  me  rappelle  l'observation  d'un 
pauvre  maître  d'études  qui  avait  renoncé  à  son  métier,  ne  pou- 
vait plus  assister  à  aucun  cours,  entrer  dans  aucune  réunion,  car 
il  avait  constamment  la  pensée  de  n'avoir  pas  pris  suffisamment 
ses  précautions,  et  il  était  honteux  de  mouiller  son  pantalon  en 
public.  On  me  permettra  de  rappeler  à  ce  propos  une  observation 
curieuse  communiquée  par  M.  le  P**  Guyon  à  mon  frère  le 
D*"  Jules  Janet  et  résumée  dans  sa  thèse  de  doctorat*.  Un  magis- 
trat vient  d'être  nommé  conseiller  h  la  Cour  de  cassation  et  va 
consulter  M.  Guyon  pour  lui  demander  s'il  doit  envoyer  sa  dé- 
mission et  renoncer  à  cette  haute  fonction  :  «J'ai  visité,  disait-il,  les 
locaux  où  siège  la  Cour  de  cassation  et  j'ai  remarqué  que  les  ca- 
binets d'aisance  ne  sont  pas  assez  isolés.  11  est  certain  que  de  la 
salle  des  séances  on  peut  m'entendre  quand  j'urinerai,  il  m'est  im- 
possible de  rester  sans  uriner  et  il  serait  monstrueux  de  m'expo- 
scr  i\  ce  danger  d'être  entendu.  »  Je  n'ai  pas  l'observation  com- 
plète du  sujet,  mais  il  est  bien  probable  que  l'on  y  retrouverait 
tous  les  autres  symptômes  de  nos  scrupuleux. 

Il  est  évident  que  la  fonction  qui  sera  le  plus  facilement  atteinte 
par  le  scrupule  c'est  la  fonction  génitale  :  j'en  ai  déjà  parlé  à  pro- 
pos des  idées  criminelles.  Dans  certains  cas  l'obsession  ne 
portera  pas  précisément  sur  la  tentation  de  la  masturbation  ou 
l'idée  des  crimes  génitaux,  mais  sur  la  honte  des  parties  géni- 
tales. L'observation  de  Vg...  que  j'ai  déjà  publiée  est  tout  à  fait 
caractéristique  *.  A  la  suite  de  méditations  sur  l'adultère  il  est 
obsédé  par  la  pensée  de  ses  propres  organes  ;  il  y  ressent  des  dou- 


1.  Jules  Janct,  Troubles  psychopathiques  de  la  miction,  1890,  i4. 
3.   Névroses  et  Idées  fixes ^  II,  i6a. 


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:fê^f  ,'i  -i""  -:■  I  ' 


L'OBSESSION  DE  LA  HONTE  DU  CORPS  49 

leurs  étranges,  il  en  arrive  à  penser  constamment  que  ses  organes 
génitaux  sont  appendus  à  son  corps  comme  un  corps  étranger  et 
ne  lui  appartiennent  pas.  Voici  une  autre  observation  toute 
comparable.  Wyb...  (i6/i),  un  jeune  homme  de  22  ans,  a  com- 
mencé par  toutes  sortes  de  scrupules  religieux,  puis  il  a  éprouvé 
des  remords  terribles  à  propos  de  quelques  masturbations.  La 
peur  de  toucher  ses  parties  lui  fait  tenir  les  mains  derrière  le  dos, 
dans  des  positions  grotesques.  Il  est  obsédé  par  Todeur  de  ses 
parties  et  croit  que  tout  le  monde  la  sent,  il  se  figure  que  ses  or- 
ganes par  leur  grosseur  ou  leur  forme  ont  quelque  chose  d'extra- 
ordinaire qui  n'existe  pas  chez  les  autres. 

A  cette  honte  des  organes  génitaux,  il  faut  naturellement  rattacher 
le  mécontentement  relatifk.leur  fonction  ;  le  scrupule  est  l'origine 
de  bien  des  prétendues  impuissances.  Qui  ne  connaît  ces  jeunes 
mariés  tout  honteux  de  leur  sort,  qui  ne  peuvent  arriver  à  accom- 
plir Tacte  conjugal  et  qui  sont  poursuivis  à  ce  sujet  par  une 
obsession  de  honte  et  de  désespoir  ?  Nous  assistions  Tannée  der- 
nière à  une  scène  tragi-comique  bien  curieuse  quand  un  beau- 
père  courroucé  traînait  à  la  Salpêtrière  son  gendre  humble  et 
résigné.  Le  beau-père  demandait  une  attestation  médicale  qui  lui 
permît  de  demander  le  divorce.  Le  pauvre  garçon  expliquait 
qu'autrefois  il  avait  été  suffisant,  mais  que  depuis  son  mariage  un 
sentiment  de  honte  et  de  gène  avait  tout  rendu  impossible.  Nous 
eûmes  bien  de  la  peine  à  faire  comprendre  au  beau-père  combien 
son  intervention  était  inutile  et  fâcheuse.  Ces  cas  sont  très  nom- 
breux :  on  les  rattache  souvent  à  diverses  névroses,  quand  il  n'ar- 
rive pas,  pour  le  plus  grand  malheur  des  patients,  qu'on  leur  parle 
de  maladies  de  la  moelle  épinière. 

Cette  honte  des  parties  génitales  prend  assez  souvent  une  autre 
forme. qu'il  faut  signaler.  Deb...,  femme  de  44  ans,  est  depuis  sa 
jeunesse  honteuse  de  son  sexe,  elle  regrette  d'être  une  femme  et 
se  figure  qu'elle  serait  heureuse  d'être  un  homme.  En  rapport 
avec  cette  idée,  elle  remarque  qu'elle  n'a  jamais  eu  de  plaisir  com- 
plet avec  son  mari  et  qu'elle  serait  disposée  à  aimer  des  femmes. 
Nous  avons  déjà  vu  le  même  fait  chez  un  homme  à  propos  des  ob- 
sessions impulsives  au  crime  génital.  Ici  aussi  on  serait  trop  faci- 
lement porté  à  parler  d'inversion  sexuelle,  je  répète  que  je  ne 
crois  dans  ces  cas  à  rien  de  semblable.  Le  plaisir  incomplet  de 
Deb.. .  est,  comme  on  le  verra,  un  caractère  général  des  scrupuleux  : 
elle  serait  tout  aussi  incapable  d'aller  jusqu'au  bout  si  elle  avait 

LES    OBSr:SSIONS.  I.    —    4 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

des  rapports  avec  une  femme.  Sa  prétendue  inversion  sexuelle  n'est 
qu'un  des  aspects  divers  que  peut  prendre  la  honte  du  sexe. 

On  remarquera  que  cette  forme  du  scrupule,  les  obsessions  de 
honte  relativement  au  corps,  est  Tune  des  plus  intéressantes  au 
point  de  vue  clinique.  Elle  donne  lieu  à  toutes  sortes  d'accidents  : 
des  anorexies,  des  chorées,  des  crampes  des  écrivains,  des  asta- 
sies-abasies,  des  incontinences  d'urine,  des  impuissances,  etc.  Ces 
symptômes,  comme  nous  le  verrons,  sont  loin  d'être  complets  et 
ne  peuvent  pas  tromper  un  observateur  prévenu,  mais  il  est  essen- 
tiel d'être  averti.  A  ce  point  de  vue  la  maladie  du  scrupule  peut 
s'étendre  à  tous  les  organes  et  à  toutes  les  fonctions,  déterminer 
des  troubles  variés  qu'il  est  important  de  diagnostiquer.  Elle 
devient  une  grande  névrose  analogue  par  bien  des  côtés  à  Thys- 
térie,  mais  qui  ne  doit  pas  cependant  jamais  être  confondue 
avec  elle.  La  distinction  est  aussi  importante  pour  le  pronostic 
que  pour  le  traitement. 


6.  —  Les  obsessions  hypocondriaques. 

Il  faut  signaler,  mais  avec  moins  d'insistance,  un  troisième 
groupe  d'obsessions  qui  se  rencontrent  aussi  fréquemment  que  les 
précédentes  chez  les  mêmes  sujets.  Ce  sont  des  préoccupations 
qui  ont  rapport  à  leur  propre  santé  ou  à  leur  propre  vie,  en  un 
mot,  ce  sont  des  préoccupations  hypocondriaques.  On  a  remarqué 
bien  souvent  que  les  scrupuleux  sont  en  même  ten\ps  hypocondria- 
ques; je  crois  que  d'ordinaire  il  faut  accompagner  cette  remarque 
de  quelques  restrictions.  Quand  il  s'agit  de  malades  jeunes,  au  dé- 
but de  leur  affection,  on  trouve  chez  eux  pêle-mêle  des  idées  scru- 
puleuses et  des  préoccupations  hypocondriaques  ;  mais  quand  la 
maladie  s'est  confirmée,  quand  ils  sont  entièrement  absorbés  par 
quelque  grande  obsession  criminelle  ou  sacrilège,  ils  oublient  de  se 
préoccuper  de  leur  santé.  Lise  pense  tout  le  temps  au  diable,  à  ses 
enfants  voués  à  l'enfer  et  songe  à  peine  aux  troubles  de  son  exis- 
tence :  il  faut  que  le  délire  diminue  pour  qu'elle  s'aperçoive  de 
ses  souffrances  physiques.  Il  en  est  de  même  pour  Claire,  qui  ne 
peut  arriver  à  se  préoccuper  de  sa  santé.  J'ai  plus  d'inquiétudes 
sur  l'état  de  sa  poitrine  (tuberculose  au  début)  qu'elle  n'en  a  elle- 
même.  En  général  le  grand  délire  du  scrupule  exclut  le  délire 
hypocondriaque. 


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LES  OBSESSIONS  HYPOCONDRIAQUES  51 

Il  faut  faire  une  exception  pour  Jean,  qui  est  aussi  extravagant 
comme  hypocondriaque  que  comme  scrupuleux.  Ce  jeune  homme, 
3o  ans,  fort  bien  portant  au  demeurant,  est  sans  cesse  préoccupé 
par  la  pensée  de  la  mort.  Il  ne  peut  assister  à  des  cérémonies 
funèbres  sans  devenir  malade  de  terreur;  il  ne  peut  voir  les  em- 
ployés des  pompes  funèbres  sans  frémir  ;  il  ne  peut  passer  devant 
la  mairie  de  sa  petite  ville  entre  neuf  heures  du  matin  et  cinq 
heures  du  soir  parce  qu'à  ce  moment  le  bureau  de  déclaration 
des  décès  est  ouvert  et  qu'il  le  croirait  ouvert  pour  l'enregistre- 
ment de  son  propre  décès.  En  outre,  il  a  des  préoccupations  par- 
ticulières pour  tel  ou  tel  de  ses  organes.  Par  exemple,  il  est  très 
préoccupé  de  son  cœur,  il  en  compte  les  battements  pendant  des 
heures  entières  et  il  est  bouleversé  quand  il  se  figure  que  ce  bat- 
tement est  irrégulier  :  «  Mon  cœur  fait  cloc...  cloc...  poum, 
cloc...  cloc...  poum,  ce  n'est  pas  naturel,  il  est  bistourné.  »  Et 
alors  il  fait  des  efforts  qui  ont,  dit-il,  pour  résultat  de  replacer  le 
cœur.  A  d'autres  moments,  il  pousse  des  cris  d'angoisse,  appelle 
au  secours,  dit  qu'il  va  mourir,  parce  que  son  cœur  n'a  plus  «  que 
des  battements  internes  ».  Ce  même  malade  se  figure  toujours 
que  son  cerveau  va  être  détruit  par  sa  maladie,  il  s'attend  à  une 
hémorragie  cérébrale  et  me  décrit  sans  cesse  <(  un  petit  point 
dans  le  cerveau,  vous  savez,  la  fin  du  nerf  qui  remonte,  c'est  là 
qu'est  le  mal,  il  y  a  un  cercle  enflammé  tout  autour  où  certaine- 
ment quelque  chose  peut  éclater  ».  Il  montre  à  ce  moment  le 
point  de  la  fontanelle  postérieure  où  les  obsédés  localisent  sou- 
vent leurs  maux  de  tète.  Jean  a  encore  peur  d'avoir  une  hernie  et 
on  lui  fait  grand  plaisir  en  l'examinant  de  temps  en  temps  ;  il 
surveille  son  alimentation  et  ne  boit  que  du  lait  coupé  d'eau  de 
goudron,  etc. 

Mais  ce  qu'il  présente  au  plus  haut  degré,  c'est  une  terrible 
hypocondrie  génitale.  Pendant  plus  de  six  ans,  il  a  souffert  d'une 
prétendue  maladie  du  gland  qu'il  a  soignée  de  toutes  manières.  Il 
avait  été  affolé  en  constatant  que  le  prépuce  ne  recouvrait  plus  le 
gland  et  il  éprouvait  des  douleurs  intolérables  par  le  frottement 
des  vêtements.  Il  passait  toute  sa  journée  à  recouvrir  le  gland 
avec  le  prépuce,  à  le  badigeonner  d'onguents,  à  prendre  des  pré- 
cautions pour  éviter  les  contacts,  et  il  n'arrivait  pas  à  atténuer 
les  souffrances.  Il  résume  lui-même  assez  bien  son  état  mental  en 
disant  :  n  mon  corps  me  gêne  et  m'obsède  continuellement.  » 

Les  mêmes  caractères  se  retrouvent  à  un  degré  nfioins  grave 


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52  LES  IDEES  OBSÉDANTES 

chez  Za...  (216),  que  la  moindre  indispûaition  met  hors  de  lui, 
tellement  il  est  obsédé  par  la  pensée  de  la  mort.  Bal...  (i55), 
femme  de  3â  ans,  semble  obsédée  par  une  pensée  singulière,  celle 
de  son  âge,  celle  de  l'âge  de  son  mari  et  en  général  sur  la  pensée  de 
l'âge  des  personnes  qui  Tintéressent,  c'est  parce  qu'elle  compte 
les  années  qui  les  séparent  encore  de  la  mort,  la  pensée  de  la 
mort  est  en  réalité  au  fond  de  l'obsession. 

A  coté  de  la  pensée  de  la  mort,  la  pensée  de  toutes  les  mala- 
dies possibles  peut  devenir  une  idée  obsédante.  On  peut  citer  à 
ce  propos  une  jeune  fille,  Qei...,  qui  surveille  ses  aliments  de 
peur  d'avaler  des  fragments  d'aiguille,  qui  lave  ses  mains  conti- 
nuellement de  peur  de  s'infecter  par  des  contacts  malpropres,  qui 
se  mouche  sans  cesse  sans  parvenir  à  se  délivrer  «  des  mou- 
cherons qui  montent  par  le  nez  jusqu'à  son  cerveau  ». 

Nous  retrouvons  ici,  bien  entendu,  les  obsessions  relatives  aux 
organes  génitaux,  il  ne  s'agit  plus  des  mauvaises  actions  qu'ils 
font  exécuter,  ni  de  la  honte  qu'ils  inspirent,  mais  de  leurs  ma- 
ladies. On  ne  peut  énumérer  les  malades  qui  ont  «  des  sensations 
de  brûlure,  d'épuisement  dans  le  canal...  des  sensations  de  fa- 
tigue comme  si  on  leur  avait  enfoncé  un  gros  objet  dans  le  rec- 
tum... la  pensée  constante  qu'il  y  a  dans  ces  parties  une  lésion 
irrémédiable,  une  syphilis  incurable  ».  (Dea...,  etc.). 

Il  suffit  de  rappeler  les  obsessions  de  la  phtisie  (Dua...,  i47), 
les  obsessions  de  la  cécité (Mv...,  i5i).  Wye...  (160)  a  des  inquié- 
tudes pour  sa  langue  dont  le  bout  frotte  ses  dents.  Gye...  a  une 
épingle  arrêtée  derrière  le  sternum,  Lobd...  (Obs.  22)  a  «  quel- 
que chose  dans  le  nez  qui  cherche  à  sortir,  elle  a  le  besoin 
d'une  grande  hémorragie  nasale  ».  Il  ne  faut  pas  croire  qu'il 
s'agit  ici  d'un  trouble  de  la  sensibilité  du  nez,  c'est  bien 
plutôt  une  idée  consécutive  à  un  singulier  souvenir  de  famille  : 
la  malade  est  convaincue  que  sa  tante  atteinte  d'un  délire 
mélancolique  grave  a  été  guérie  à  la  suite  d'un  saignement  de  nez, 
d'où  le  désir  obsédant  d'un  accident  semblable.  Kl...  (211)  res- 
sent une  brûlure  dans  la  cuisse  «  qui  est  due  probablement  au 
passage  d'une  épingle  que  la  malade  aurait  avalée  ».  Des  obser- 
vations de  ce  genre  sont  d'une  grande  banalité  et  pourraient 
être  facilement  multipliées. 

Au  premier  abord,  ces  obsessions  sont  bien  distinctes  des  pré- 


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LES   OBSESSIONS  HYPOCONDRIAQUES  53 

cédentes  et  semblent  former  un  groupe  à  part,  celui  des  obses- 
sions hypocondriaques.  Je  crois  cependant  que  cette  hypocondrie 
n'est  pas  banale  et  qu'elle  revêt  chez  les  scrupuleux  des  carac- 
tères intéressants  qui  rapprochent  ces  idées  nouvelles  des  précé- 
dentes. Ces  malades  ne  redoutent  pas  tous  les  accidents  pos- 
sibles, mais  seulement  certains  accidents  déterminés.  Ils  ne 
redoutent  pas  les  accidents  qui  peuvent  arriver  subitement,  qui 
dépendent  du  monde  extérieur  et  qui  ne  dépendent  pas  d'eux- 
mêmes.  Jean  qui  parle  sans  cesse  de  mort  subite,  ne  redoute  pas 
la  mort  causée  par  un  accident  impossible  h  prévoir  ou  à  éviter  : 
il  n'a  pas  peur  d'un  déraillement  de  chemin  de  fer  ou  de  la  chute 
d'une  maison  sur  sa  tète.  Quand  je  lui  parle  de  ces  dangers  pos- 
sibles, il  dit  qu'il  faut  se  résigner  à  ce  qui  est  inévitable,  qu'il  ne 
peut  rien  faire  pour  se  garantir  contre  la  chute  d'une  cheminée  et 
que  par  conséquent  il  ne  s'en  préoccupe  pas.  Que  redoute-t-il 
donc  ?  Uniquement  les  accidents  qui  seraient  causés  par  sa  propre 
imprudence  ou  par  sa  propre  faute.  Ces  congestions  cérébrales, 
ces  faux  pas  du  cœur,  ces  douleurs  du  gland  sont  toujours  causés 
dans  son  imagination  par  les  excitations  génitales  auxquelles  il 
s'est  abandonné.  Ce  qui  se  dissimule  au-dessous  de  ces  idée  hypo- 
condriaques, c'est  une  sorte  de  crainte  du  suicide. 

Il  en  est  de  même  chez  Qei...  dont  la  première  idée  a  été  la 
crainte  de  jeter  elle-même  des  aiguilles  cassées  dans  les  aliments 
pour  tuer  ses  parents  et  qui  a  maintenant  la  crainte  de  manger 
des  aliments  où  elle  aurait  mis  des  aiguilles  cassées.  Si  elle  craint 
de  s'infecter,  c'est  qu'elle  a  peur  de  ne  pas  avoir  surveillé  ses 
mains  qui  auraient  touché  des  objets  sales.  En  un  mot,  dans 
quelques-uns  de  ces  cas,  je  n'ose  dire  dans  tous,  l'hypocondrie 
n'est  pas  purement  la  crainte  de  la  maladie  en  elle-même,  c'est  la 
crainte  de  causer  la  maladie  par  une  faute  ou  une  imprudence. 

Nous  pouvons  résumer  les  diverses  obsessions  qui  viennent 
d'être  énumérées  et  dont  nous  avons  analysé  le  contenu  par  le 
tableau  suivant. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 


CONTENU   DES  OBSESSIONS 

sion  du  sacrilège. 

I.  Obsession  des  problèmes  religieux  et  moraux. 
'  Homicide. 
Suicide. 
j  Vol,  etc. 
^Grimes  génitaux. 


i  a.  Obsession  du  crime  à  forme 
d*impulsion. 


ion  du  crime. (  /Fugues. 

Dipsomanie,  etc. 
\  Résistance  à  des  devoirs. 
{  De  fautes  religieuses. 
3.  Obsession  du  crime  à  forme  i  D'homicide,  de  vol,  etc. 
de  remords.  J  De  crimes  génitaux. 

\  De  vocation  manquée. 

Honte  des  actes. 

—  des  sentiments. 

—  de  l'intelligence  (forme  de  la  folie  du  doute), 
don  de  la  honte  )  Obsession  de  dépersonnalisatioitî^^**^  "    ^  -  «  •   --    <-^  . 

—  du  déjà  vu.  /^/i^tj-    M    J^^^'^ 

—  de  la  folie. 

—  de  l'envie. 

—  amoureuse. 

Honte  d'engraisser,  de  grandir,  de  se  développer. 

et  gône  des  mouvements  du  corps. 

des  traits  du  visage,  do  la  moustache. 

de  rougir. 

ûon  de  la  honte  j     —     des  mains  (certaines  crampes  des  écrivains), 
corps.  \     —     de  la  marche. 

des  fonctions  de  nutrition. 

de  la  miction. 

des  gaz  intestinaux. 
\     —     des  fonctions  génitales. 

,  (  Obsession  de  la  mort,  des  pompes  funèbres, 

nons  hvpocon-X  .  ...         ,   .    , 

<        —        des  maladies  c^énitales. 
aques.  /  ,  ,,.?.. 

\        —        des  maladies  de  poitrine,  etc. 


-  Caractères  communs  de  ces  obsessions. 

minant  le  contenu  des  obsessions  des  scrupuleux,  c'est- 
ilement  le  sujet  sur  lequel  portent  ces  pensées  obsé- 


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CARACTÈRES  COMMUNS  DE  CES  OBSESSIONS  55 

daates,  j'ai  cru  pouvoir  les  répartir  en  cinq  groupes  :  les  ob- 
sessions sacrilèges,  les  obsessions  criminelles,  les  obsessions  de 
la  honte  de  soi,  les  obsessions  de  la  honte  du  corps  et  les  obses- 
sions hypocondriaques.  Mais  il  ne  faudrait  pas  en  conclure 
que  ces  idées  sont  tout  à  fait  différentes  les  unes  des  autres  et 
que  leur  réunion  chez  des  malades  du  même  genre  peut  être 
attribuée  au  hasard.  Il  en  est  ainsi  quelquefois  chez  les  hysté- 
riques dont  les  idées  fixes  très  diverses  ont  peu  de  points  com- 
muns, surtout  si  Ton  ne  considère  que  leur  contenu.  L^une  rêve  à 
un  incendie,  l'autre  à  la  figure  de  son  amant,  la  troisième  est  ob- 
sédée par  le  souvenir  du  goût  des  navets  qu'elle  a  mangés  à  la 
pension,  et  la  quatrième  par  la  peur  d'engraisser  comme  sa  mère  : 
les  sujets  des  méditations  pathologiques  n'ont  pas  de  caractères 
communs.  Chez  les  scrupuleux  au  contraire,  malgré  une  assez 
grande  diversité  apparente,  les  sujets  des  obsessions  sont  ana- 
logues. 

On  peut  assez  facilement  les  rattacher  les  unes  aux  autres.  Le 
sacrilège  n'est  qu'une  exagération  du  crime,  la  honte  de  soi  est  na- 
turellement voisine  de  la  pensée  du  crime.  Il  ne  faut  pas  croire  que 
les  obsessions  corporelles,  la  honte  du  corps  par  exemple,  soient 
isolées.  Dans  les  descriptions  d'éreutophobie  on  note  souvent  la 
honte  morale  qui  accompagne  l'idée  de  rougir  «  la  malade  rougit 
ou  a  l'obsession  de  rougir,  remarque-t-on  dans  une  observation, 
quand  on  parle  devant  elle  d'actes  indélicats,  ou  si  elle  est 
devant  des  hommes  dont  il  lui  semble  qu'elle  pourrait  être  la 
maîtresse*  ».  Parmi  mes  malades,  Ul...  qui  a  peur  des  convul- 
sions du  visage  a  surtout  <c  peur  de  paraître  folle  ».  L'hypo- 
condrie, comme  on  vient  de  le  voir,  se  rattache  à  la  crainte  de 
faire  des  sottises,  elle  se  rattache  aussi  à  la  honte.  Gbl..., 
femme  de  36  ans,  qui  a  l'obsession  <(  du  rhumatisme  dans 
les  mains  »,  ne  craint  pas  seulement  la  souffrance,  elle  est 
c(  humiliée  à  la  pensée  de  laisser  voir  des  mains  et  des  pieds  qui 
grossissent  ».  Toutes  ces  obsessions  sont  donc  voisines  les  unes 
des  autres  et  il  est  facile  de  mettre  en  évidence  des  caractères 
communs. 

I*  Il  est  facile  de  remarquer  que  ces  idées  ne  portent  pas  sur 


I.  Boucher,  Erythrophobio.    Congres  de  médecine  mentale.   Rouen,   août   1890; 
Semaine  médicale^  1890,  p.  292. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

îts  du   monde    extérieur,  mais  portent  toujours  sur  des 

sujet.  Une  hystérique  comme  Ze...  a  vu  mourir  son  père, 
spuis  deux  ans  une  obsession  terrible  qui  se  présente 
me  d'une  hallucination  complète  :  c'est  celle  de  la  tête  de 

telle  qu'elle  était  sur  son  lit  de  mort.  Son  délire  consiste 
contemplation  d'un  objet,  la  tête  de  son  père,  sans  au- 
;re  préoccupation.  Dans  ses  attaques,  elle  hurle  :  «  La 
pa,  la  voici  encore,  elle  me  regarde,  oh  !  comme  elle  est 
»  elle  ne  fait  que  des  descriptions.    En  est-il  de  même 

scrupuleux  ?  Beaucoup  d'auteurs  n'hésitent  pas  à  l'ac- 
Is  considèrent  ces  malades  sous  un  aspect  particulier,  ils 
ïi  toute  leur  attention  à  certaines  manifestations  exté' 
lu  délire  plutôt  qu'à  l'état  psychologique  intérieur  du  ma- 

qui  les  frappe  surtout,  c'est  que  ces  malades  refusent  de 
certains  objets  et  manifestent  des  signes  d'émotion,  des 

quand  on  veut  les  forcer  à  faire  usage  de  ces  objets.  Ce 
5  vue  est  mis  en  évidence  par  le  mot  même  dont  ces  au- 
servent  pour  désigner  ces  malades  ;  plusieurs  de  ceux 
iens  de  décrire  seraient  appelés  par  eux  des  phobiques, 
de  phobie  mettrait  en  relief  chez  le  malade  :  i®  l'émotion 
ouve  et  2^*  le  rapport  de  cette  émotion  avec  un  objet  du 
extérieur.  Il  est  clair  que  cette  remarque  est  en  grande 
iste  et  dans  les  descriptions  précédentes  on  a  déjà  relevé 
s  cas  de  phobies,  d'abord  des  phobies  vulgaires  :  Mb..., 
Wks...,  Brk...,  Vis...,  Ger...,  etc.,  ont  la  phobie  des 
i  et  surtout  des  couteaux  pointus;  c'est  d'ailleurs  une  nia- 
on  banale  qu'on  retrouve  chez  toutes  ces  mères  de  famille 
s  par  la  pensée  de  tuer  leurs  enfamts  ;  Qei...,  Kl..., 
ont  la  phobie  des  aiguilles  ou  des  épingles  :  ce  sont  là  des 
hobie  classique.  On  en  trouverait  dans  les  cas  précédents 
utres  plus  curieux  :  Claire,  cette  jeune  fille  qui  prétend 
lallucination  du  membre  viril,  a  la  phobie  des  bouteilles, 

la  terreur  des  crachats  par  terre  sur  le  trottoir,  Jean,  le 

scrupuleux  génital,  a  la  phobie  des  voitures  et  surtout 
iways.  Dans  les  chapitres  suivants  nous  étudierons  spé- 
it  la  forme  sous  laquelle  ces  obsessions  se  présentent  et 
rons  alors  à  signaler  bien  d'autres  cas  de  phobies  dont 
s-uns  sont  bien  singuliers.  Il  est  donc  juste  de  dire  avec 
1rs  auxquels  je  faisais  allusion  que  ces  malades  sont  par 
in  côté  des  phobiques. 


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CARACTÈRES  COMMUNS  DE  CES  OBSESSIONS  57 

Cependant  je  préfère  les  appeler  des  scrupuleux  et  je  croîs  que 
ce  mot  met  en  évidence  lin  autre  point  de  vue.  Il  attire  l'attention 
sur  les  troubles  de  la  volonté  et  sur  les  idées  que  le  malade  se 
fait  de  ces  troubles  de  volonté.  Je  crois,  en  effet,  que  ces  phobies 
sont,  au  moins  pour  les  cas  que  je  considère,  des  phénomènes 
tout  à  fait  secondaires,  qu'ils  forment  ces  sortes  d'idées  fixes  se- 
condaires que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  d'étudier.  Nous  verrons  en 
examinant  ces  phobies  qu'elles  se  développent  par  association 
d'idées  :  l'objet  extérieur  ne  fait  ici  que  rappeler  par  sa  forme 
comme  la  bouteille  qui  fait  penser  au  membre  viril,  par  son  usage 
comme  le  couteau  qui  fait  penser  au  meurtre,  par  contiguïté,  par 
consonance  du  nom,  etc.,  l'idée  principale  dont  le  malade  était 
obsédé  longtemps  avant  d'avoir  eu  ses  phobies.  Comme  il  vaut 
mieux  faire  cette  discussion  plus  complètement  au  moment  où 
j'étudierai  toutes  les  émotions,  tous  les  troubles  variés  qui  s'asso- 
cient avec  le  développement  de  l'idée  fixe,  il  suffit  de  faire  main- 
tenant une  remarque  plus  simple. 

Les  malades  viennent  de  nous  présenter  un  assez  grand  nombre 
d'obsessions  qu'ils  décrivent  eux-mêmes  comme  étant  le  fait  prin- 
cipal de  leur  maladie.  Ce  sont  ces  obsessions-là  qu'il  faut,  pour 
le  moment,  nous  borner  à  étudier.  Peut-on  dire  qu'elles  portent 
régulièrement  sur  un  objet  extérieur  ainsi  qu'il  arrive  si  souvent 
dans  les  hallucinations  et  les  obsessions  des  hystériques.  Si  l'on 
considère  le  groupe  des  obsessions  criminelles  qui  est  ici  le  plus 
simple,  il  est  visible  que  la  préoccupation  ne  porte  qu'indirecte-  ' 
ment  sur  un  objet,  mais  qu'elle  porte  surtout  sur  une  action.  Le 
sujet  est  toujours  poussé  à  commettre  des  crimes  ou  croit  en  avoir 
commis,  c'est-à-dire  qu'il  se  sent  entraîné  à  certaines  actions  ou 
croit  les  avoir  faites.  L'obsession  est  ici  d'une  manière  incontes- 
table l'obsession  d'un  acte  du  sujet.  J'ai  essayé  de  montrer  qu'il 
en  est  de  même  pour  les  obsessions  hypocondriaques  ;  le  malade, 
au  moins  celui  dont  je  m'occupe,  ne  pense  pas  à  des  accidents  phy- 
siques indépendants  de  sa  volonté,  mais  toujours  à  des  fautes  ou 
à  des  imprudences  qu'il  peut  commettre  lui-même.  C'est  encore 
une  préoccupation  qui  a  rapport  à  des  actes. 

On  pourrait  croire  qu'il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  dans 
les  obsessions  sacrilèges  où  certains  sujets  en  très  petit  nombre 
ont  sous  les  yeux  des  spectacles  auxquels  ils  ne  paraissent  pas 
mêlés.  On...  voit  l'âme  de  son  oncle  dans  les  cabinets,  Claire  voit 
le  membre  viril  souillant  une  hostie.  Remarquons  d'abord  que  ces 


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58  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

de  l'obsession  sacrilège  qui  sont  les  plus  curieuses  sont  les 

fréquentes.  Dans  les  autres  observations,  les  malades 
it  à  vouer  leurs  enfants  au  diable,  à  cracher  sur  des  hosties, 
ler  le  vin  de  la  messe  à  un  petit  chien,  à  agir,  en  un  mot. 
nème  dans  ces  deux  cas,  la  différence  est  plus  apparente 
elle.  Ce  qui  désespère  On...  c'est  que  c'est  lui-même  qui 
ime  de  son  oncle  dans  les  cabinets  :  «  Comment  puis-je  en 
•  à  penser  une  chose  pareille...  y>  devrais  moins  que  tout 
Imaginer  de  telles  choses.  »  Dans  le  cas  de  Claire,  je  n'ose 
îr,  car  ses  aveux  sur  ce  point  délicat  sont  loin  d'être  prê- 
tais il  est  bien  probable  qu^elle  collabore  à  la  profanation 
sties.  Elle  répète  toujours  :  «  C'est  horrible  de  me  laisser 

de  telles  choses  »  ;  et  s'il  ne  s'agissait  que  d'un  pur  spec- 
elle  n'aurait  pas  a   se   reprocher  «  de  coupables  complai- 

».  Enfin,  il  faut  remarquer  que  de  tels  tableaux  ne  sepré- 
it  que  chez  des  malades  fort  avancés  dans  leur  délire.  Pen- 
ongtemps  ces  malades  ont  rêvé  à  des  actions  sacrilèges  : 
rder  dans  les  églises  les  parties  de  Dieu,  les  chercher  sous 
je  qui  voile  le  Christ,  etc.  »  Le  tableau  n'est  venu  plus  tard 
)mme  un  symbole  qui  résume  des  actions  odieuses, 
is  un  groupe  très  considérable,  nous  avons  remarqué  des 
îions  de  honte  qui  ne  portent  pas  précisément  sur  les 
s,  mais  sur  toute  la  personnalité  physique  et  morale.  Il  me 
e  que  ces  obsessions  ne  doivent  pas  être  séparées  des  prê- 
tes. D'abord  elles  se  présentent  chez  des  malades  qui  ont  en 
!  temps  les  autres  obsessions  plus  caractéristiques.  Claire, 
résente  si  bien  l'obsession  de  honte  pour  son  esprit,  pré- 

en  même  temps  un  type  d'obsession  sacrilège.  Mb...,  en 
î  temps  qu'elle  est  mécontente  de  son  intelligence,  a  des 
sions  criminelles.  D'autre  part  j'espère  montrer  dans 
rochaine  étude  que  ces  obsessions  sont  surtout  caractérisées 
a  forme  qu'elles  revêtent  :  elles  s'accompagnent  de  doute, 
îrrogation,  d'hésitation,  de  compensation,  d'expiation,  de 
esses,  de  serments,  etc.  Or  ces  formes  si  curieuses  se  retrou- 
chez  tous  ces  malades.  Nadia,  dont  l'obsession  principale  est 
nte  du  corps,  fait  continuellement  à  ce  propos  des  serments 
s  pactes,  comme  Lise  qui  a  des  obsessions  nettement  sacri- 
.  Enfin  ces  diverses  idées  se  rattachent  assez  bien  les  unes 
utres.  La  personnalité  physique  et  la  personnalité  morale  se 
rochent  intimement  dans  notre  esprit;  si  l'on  est  content  de 


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'^^^pff^:'rl  ■ 


CARACTÈRES  COMMUNS  DE  CES  OBSESSIONS  59 

8on  esprit,  on  est  content  de  sa  figure  et  inversement;  d'autre 
part  on  connaît  les  relations  étroites  entre  la  volonté  et  la  per- 
sonnalité, si  bien  que  la  critique  des  actes  devient  vite  une  cri- 
tique de  la  personne. 

Je  crois  donc  que  Ton  peut  sans  hésiter  généraliser  et  dire  que 
le  délire  des  scrupuleux  porte  surtout  sur  leurs  propres  actes  :  ce 
sont  des  obsessions  relati^^es  à  leur  volonté  et  à  leur  personne. 

2^  Il  est  aussi  intéressant  de  constater  que  ces  actions  dont  / 
la  pensée  est  obsédante  sont  des  actions  mauvaises.  Le  plus  sou- 
vent, quand  il  s*agit  de  sacrilèges  et  de  crimes,  ce  caractère 
est  incontestable.  Mais  on  peut  être  embarrassé  quand  il  s'agit 
d'impulsions  à  des  actes  que  rien  ne  condamne,  comme  d'entrer  au 
couvent  et  de  faire  confesser  son  mari.  Il  faut  alors  élargir  le  sens 
du  mot  mauvais:  il  ne  s'agit  pas  uniquement  d'actes  condamnés 
par  la  morale,  mais  d'actes  condamnés  par  le  sujet  lui-même,  * 
d'actions  qui  lui  sont  odieuses,  qui  lui  paraissent  ridicules,  en 
un  mot  qu'il  ne  voudrait  pas  faire.  Sur  ce  point  l'affirmation  de 
tous  les  malades  est  des  plus  précises  :  on  peut  lire  à  ce  propos 
une  bien  intéressante  étude  publiée  par  M.  Josiah  Royce  dans 
la  Psychological  Beview,  sur  un  grand  auteur  mystique  anglais 
John  Bunyan,  qui  est  en  même  temps  un  beau  type  du  délire  de 
scrupule.  Bunyan  est  «  tenté  »  de  blasphémer  contre  Dieu, 
d'adorer  le  diable;  comme  il  le  remarque  lui-même,  le  tentateurest 
une  sorte  d'inversion  de  conscience  insistant  sur  tout  ce  qui  est  le 
plus  opposé  à  ses  intentions  pieuses*.  Désire-t-il  prier  Dieu,  il  a 
des  distractions,  il  rêve  à  des  images  bizarres,  à  celles  d'un  tau- 
reau, d'un  balai,  et  il  est  tenté  de  leur  adresser  ses  prières. 
La  tentation  porte  toujours  sur  l'action  le  plus  opposée  à  ce  qu'il 
désire  faire  à  ce  moment. 

Il  en  est  ainsi  pour  tous  nos  malades.  Yi...  conduit  son  enfant  a 
l'école  et  veut  aller  le  rechercher,  car  elle  est  très  inquiète  à  pro- 
pos de  son  retour  dans  les  rues  de  Paris.  Elle  se  demande  si  elle 
n'a  pas  dit  à  une  femme  suspecte  d'aller  le  chercher.  Elle  aime 
son  mari  par-dessus  tout,  aussi  craint-elle  de  trahir  ses  secrets, 
de  le  tromper  avec  le  premier  venu,  de  faire  signe  par  la  fenêtre 
aux  passants  pour  qu'ils  montent.  Vod...,  Wks...,  adorent  leurs 
enfants,  et  c'est  toujours  leurs  enfants  qu'elles  pensent  à  tuer,  à 

I.  Josiah  Royce,  The  case  of  John  Bunyan.   Psychological  Review^  1894»  p.  i43. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 


faire  bouillir,  à  donner  au  diable.  D'après  les  obsessions  de  ces 
femmes  scrupuleuses,  on  peut  toujours  deviner  qui  elles  aiment 
mieux  de  leurs  maris  ou  de  leurs  enfants.  Je  demande  à  Vod... 
pourquoi  elle  veut  toujours  tuer  sa  petite  fille  et  ne  songe  pas  à 
tuer  son  mari,  et  elle  ne  peut  s'empêcher  de  rire  en  disant:  «  Oh, 
mon  mari,  je  ne  Taime  pas  assez  pour  penser  à  le  tuer.  » 

Quand  il  s'agit  de  jeunes  filles,  on  peut  deviner  le  degré  de  leur 
pudeur  d'après  la  nature  de  leurs  obsessions  :  quand  elles  parlent 
des  ((  parties  de  Dieu  )),  des  hosties  souillées,  de  crimes  contre 
nature,  c'est  qu'elles  sont  parfaitement  chastes.  Les  autres  n'ont 
plus  de  préoccupations  sur  ce  sujet  et  songent  h  tuer  leur  mère 
ou  à  voler.  «  C'est  bien  simple,  me  disait  Qes...,  je  suis  poussée  à 
tuer  ce  que  j'aime  le  mieux,  je  veux  tuer  ma  mère  parce  que  je 
n'ai  qu'elle  ;  si  j'avais  un  mari,  je  voudrais  le  tuer  ;  si  j'aimais  un 
petit  chien,  je  voudrais  tuer  ce  petit  chien.  »  En  un  mot  elles 
sont  toujours  obsédées  par  la  pensée  qui  leur  fait  le  plus  horreur. 

M.  Paulhan  a  fait  une  remarque  analogue  à  propos  du  délire  du 
doute  quand  il  a  dit  que  les  idées  de  ces  malades  sont  dues  à 
l'exagération  de  V association  par  contraste^.  Dans  un  travail  pré- 
cédent^ j'ai  eu  l'occasion  de  discuter  cette  théorie  ;  je  dois  au- 
jourd'hui relever  dans  ma  discussion  une  erreur  partielle. 

Sans  doute  j'avais  raison  de  faire  observer  que  les  malades  ana- 
lysées dans  cette  étude,  telles  que  Marcelle,  et  dans  un  des  cha- 
pitres suivants,  Justine,  ne  justifiaient  pas  la  remarque  de 
M.  Paulhan.  Leurs  idées  fixes  en  rapport  avec  des  émotions  anté- 
rieures, développées  par  un  mécanisme  analogue  à  celui  de  la 
suggestion,  n'obéissaient  pas  à  la  loi  du  contraste  et  n'étaient 
nullement  en  opposition  avec  les  désirs  actuels  des  sujets.  Mais 
ces  malades  formaient  un  groupe  particulier,  celui  des  hysté- 
riques suggestibles,  et  j'ai  eu  tort  de  généraliser  une  remarque 
qui  s'appliquait  à  ce  groupe  particulier.  Les  scrupuleux  que  nous 
étudions  maintenant  forment  un  autre  groupe  très  distinct  du 
'premier  et  on  peut  dire  que  chez  eux  les  obsessions  forment  un 
contraste  frappant  avec  leurs  tendances  dominantes.  Reste  à  voir 
si  elles  doivent  leur  origine  à  l'association  par  contraste.  Nous 
ne  devons  maintenant  retenir  qu'une  seule  chose,  c'est  que  ces 
obsessions  portent  sur  des  actes  et  des  actes  mauvais,  c'est-à-dire 


1.  M.  Paulhan,  L'activité  mentale  et  les  éléments  de  l'esprit,  1889,  p.  34 1-307. 

2.  Névroses  et  Idées  fixes,  1898,  I,  Sa. 


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CARACTÈRES  COMMUNS  DE  CES  OBSESSIONS  61 

en  opposition  non  avec  la  morale  commune,  mais  avec  les  désirs 
et  les  volontés  du  sujet  ;  le  malade  est  obsédé  par  la  pensée  d'un 
acte  qu'il  voudrait  ne  pas  faire. 

3**  Le  troisième  caractère  qui  me  frappe  dans  le  contenu  de  ces 
obsessions  est  plus  difficile  à  exprimer,  bien  qu'il  soit  très  curieux 
et  probablement  très  important  dans  cette  maladie.  Les  actes  dont 
la  pensée  obsède  les  malades  sont  des  actes  extrêmes.  Ce  sont  les 
actes  les  plus  sacrilèges,  les  plus  criminels,  les  plus  dangereux, 
en  un  mot  les  plus  odieux  qu'il  leur  soit  possible  de  concevoir. 
C'est  une  conception  qui  est  poussée  dans  un  certain  sens  jus- 
qu'aux plus  extrêmes  limites. 

Il  est  visible  que  ces  pauvres  gens  cherchent  toujours  à  préciser, 
à  grossir  le  crime  auquel  ils  pensent.  On  les  ennuie  fort  quand 
on  conserve  un  air  calme  et  indifférent  pendant  qu'ils  énumèrent 
leurs  impulsions  ;  ils  cherchent  alors  h  ajouter  des  circonstances 
horribles  pour  provoquer  notre  indignation^  Za...,  qui  est  un 
homme  de  trente  ans,  avoue  en  tremblant  qu'il  est  poussé  à 
commettre  le  péché  d'amour  avec  une  femme.  Je  lui  réponds 
tranquillement  qu'à  son  âge  cela  me  paraît  assez  naturel.  Il  se 
hàle  d'ajouter  :  «  Mais,  Monsieur,  je  me  représente  que  la  chose 
se  passe  sur  un  banc.  —  Eh  bien,  soit.  —  Mais  vous  oubliez, 
répond-il  en  colère,  que  ce  banc  est  devant  une  église.  »  Jean,  qui 
a  de  même  des  impulsions  génitales,  se  consolerait  encore  s'il 
était  poussé  à  aimer  de  jeunes  femmes  qui  soient  jolies,  mais  il 
a  dés  impulsions  erotiques  pour  des  femmes  louches,  laides  et 
très  âgées.  «  Un  jour  deux  jeunes  filles  sont  venues  nous  voir, 
l'une  d'elles  m'a  beaucoup  plu  et  après  son  départ  j'étais  tour- 
menté par  la  pensée  que  j'étais  marié  avec  elle.  —  Il  n'y  a  pas 
grand  mal  à  cela.  —  Mais,  Monsieur,  vous  ne  vous  figurez  pas 
que  cela  m'a  donné  des  impulsions  épouvantables  :  je  rêvais  que 
j'avais  des  rapports  avec  leur  mère,  avec  ma  belle-mère  !  !  !  »  Au 
bout  de  quelque  temps  d'ailleurs,  l'impulsion  se  développe  tou- 
jours dans  le  même  sens  et  il  est  désolé  parce  qu'il  pense  mainte- 
nant à  sa  propre  mère.  Quand  il  s'agit  de  meurtre,  ce  sont  des 
crimes  ce  contre  des  petits  enfants  sans  défense  que  me  conseille  le 
diable  »,  dit  Brk...  ou  «  l'assassinat  d'un  vieillard  de  quatre- 
vingt-quatre  ans  »,  dit  Za...,  et  ils  inventent  des  raffinements  de 
cruauté  et  de  lâcheté.  Toujours  ils  cherchent  h  aller  le  plus  loin 
possible  dans  cette  conception  du  crime. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

ains  d'entre  eux  se  rendent  compte  de  ce  besoin  singulier, 
andais  à  Lise  pourquoi  depuis  quelques  années  elle  con- 

toujours  la   même  idée,    celle  de  vouer   ses   enfants  au 

tandis  que  auparavant  elle  changeait  assez  souvent  d'ob- 
s.  ((   C'est,  me  dit-elle,  que  je  ne  puis  pas  faire  mieux  : 

je  pousse  toujours  mes  idées  à  Tinfini,  s'il  y  avait  une 
)lus  terrible,  j'y  penserais.  Vouer  mes  enfants  au  diable, 
I  plus  que  je  puisse  faire  pour  le  moment.  »  Une  autre 

nous  montre  un  exemple  curieux  de  cet  effort  pour  arriver 
ême.  Ger...  me  répète  sans  cesse  qu'elle  est  poussée  à 
r  Dieu  par  un  péché  horrible  et  elle  ne  précise  jamais  quel 
3éché.  J'insiste  vivement  pour  savoir  de  quoi  il  s^agit  et 
ère  des  crimes  avoués  d'ordinaire  par  les  scrupuleuses, 
îz-vous  faire  cuire  vos  enfants  ?  —  Non,  ce  n'est  pas  cela. 
»mper  votre  mari  avec  le  diable  ?  —  Non,  ce  ne  serait 
-  Voler  et  souiller  des  hosties  consacrées? —  Mais  non, 

cela.  —  Alors  j'y  renonce;  dites-moi  quel  est  ce  crime. 
ii  un  péché  qui  n'aurait  jamais  existé,  que  personne  n'au- 
core  fait,  auquel  personne  n'aurait  pu  encore  penser  ;  eh 
est  ce  péché-là  que  je  suis  poussée  à  faire.  —  Mais  encore 
X  ce  péché?  —  Je  n'en  sais  rien.  »  Peut-on  avouer  plus 
ent  cet  effort  impuissant  de  l'imagination  ? 
>nt  des  gens  qui  font  des  efforts  désespérés,  qui  se  tor- 
l'imagination  pour  arriver  à  l'abominable,  bien  que  presque 
s  ils  échouent  dans  le  grotesque.  Cet  état  d'esprit  est  assez 
icrit  par  l'auteur  de  «  A  rebours  »  et  de  «  Là-bas  ».  En  écou- 
s  sacrilèges,  on  pense  ù  ce  chanoine  <(  qui  nourrit  des  souris 
[ïs  avec  des  hosties  consacrées  et  qui  s'est  fait  tatouer  sous 
Le  des  pieds  l'image  de  la  croix,  afin  de  pouvoir  toujpurs 
T  sur  le  Sauveur*  ».  Cette  disposition  à  la  recherche  de 
ne  est  évidente  dans  les  obsessions  des  scrupuleux,  elle  me 
in  caractère  essentiel  qu'il  faut  constater  avant  de  chercher, 
rpréter. 

ces  caractères  s'en  ajoute  un  autre  qui  me  parait  découler 
icédents,  mais  comme  il  porte  sur  l'origine  des  idées  et  que 


)r8inans,  Là-bas,  p.  297.  Dans  le  même  ouvrage,  un  passage  curieux  sur 
lion  des  crimes  nouveaux,  compliqués  d'incesle,  de  crimes  contre  nature  et 
ge,  se  rapporte  au  môme  état  d'esprit  (p.  a58). 


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CARACTÈRES  COMMUNS  DE  CES  OBSESSIONS  6J 

tout  ce  travail  est  destiné  à  mettre  cette  origine  en  évidence,  il 
faut  se  borner  à  l'énoncer  maintenant  d'une  manière  hypothé- 
tique. Les  idées  fixes  que  nous  avons  étudiées  autrefois  chez  des  hys- 
tériques avaient  un  contenu  déterminé  par  les  circonstances  exté- 
rieures. Sans  doute  la  condition  essentielle  de  Tidée  fixe  était  un 
certain  état  d'esprit  du  sujet  qui  le  rendait  éminemment  sugges- 
tible;  cet  engourdissement,  cette  diminution  des  fonctions  céré- 
brales qui  déterminait  le  rétrécissement  de  Tesprit  et  la  sugges- 
tibilité  était  le  caractère  essentiel  de  l'état  mental  hystérique. 
Mais  la  nature  particulière  de  Tidée  fixe,  la  pensée  d'un  incendie 
ou  l'image  d'un  mort  était  la  conséquence  des  circonstances  exté- 
rieures qui  avaient  déterminé  une  émotion  et  une  suggestion  à 
propos  d'un  incendie  ou  à  propos  d'un  mort*.  De  telles  idées 
déterminées  par  le  mécanisme  de  la  suggestion  pouvaient  être 
appelées  des  idées  fijces  exogènes. 

Eh  bien,  une  pareille  origine  peut-elle  être  attribuée  au  con- 
tenu des  obsessions  chez  les  scrupuleux  ?  C'est  ce  que  les  malades 
ou  leurs  parents  supposent  bien  souvent:  Ls...  pense  que  ses  idées 
sacrilèges  sont  nées  à  propos  des  conversations  philosophiques 
qu'aimait  à  faire  son  père.  Les  parents  de  We...  restent  con- 
vaincus, malgré  mes  affirmations,  que  la  maladie  de  leur  fille  a  été 
produite  au  couvent  par  l'enseignement  des  religieuses.  J'hésite 
beaucoup  a  accepter  cette  interprétation.  Sans  doute  les  circon- 
stances extérieures  jouent  un  rôle  ;  les*  femmes  qui  n'ont  pas 
d'enfants  ne  songent  pas  à  les  vouer  au  diable.  Mais  ces  circons- 
tances banales  qui  consistent  à  avoir  des  enfants,  à  entendre  de 
temps  en  temps  une  conversation  philosophique,  à  être  élevé  par 
des  religieuses  suffisent-elles  pour  faire  naître  un  délire  pareil  ? 
D'autre  part,  si  le  délire  venait  surtout  de  Textérieur,  comment 
aurait-il  des  caractères  communs  si  remarquables  chez  tous  les 
malades,  pourquoi  porterait-il  toujours  sur  des  actes,  des  actes 
mauvais,  des  actes  extrêmes,  et  comment  serait-il  étroitement  en 
rapport  avec  le  caractère  individuel  du  sujet?  Le  contenu  des 
obsessions,  tout  en  gardant  ses  caractères  communs,  n'est  pas  le 
même  chez  la  mère  de  famille,  chez  l'homme  adulte,  ou  chez  la 
jeune  fille.  Si  je  puis  employer  une  expression  vulgaire,  il  semble 
que  ces  malades  jouent  au  jeu  des  combles  et  à  la  même  question 


I.  Voir  à  ce  propos  de  nombreux,  exemples  de  ces  idées  fixes  accidentelles  par 
suggeslibilité  :  Névroses  et  Idées  fixes,  1898,  I,  173. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

tous  difTéremmenl,  suivant  leur  sexe,  leur  uge,  leurs 
sociales.  «  Quel  est  pour  vous  le  comble  du  crime  ?  — 
a  petite  fille  Teau  bouillante  qui  est  sur  le  feu,  répond 

famille  habituée  aux  travaux  du  ménage  ;  vouer  mes 
liable,  répond  la  mère  d'un  milieu  social  plus  élevé.  — 
is  quel  est  le  comble  du  crime  ?  —  Mettre  l'âme  de  mon 
les  cabinets,  répond  l'homme  reconnaissant;  souiller 
par  l'acte  sexuel  »,  répond  la  jeune  fille.  Cette  modifi- 
a  réponse  qui  garde  les  mêmes  caractères  communs, 
iaptant  si  bien  au  caractère  individuel,  peut-elle  s'ex- 

Taction  des  circonstances  extérieures  sur  un  esprit 

? 

donc  se  demander  si  les  idées  fixes  sont  toujours  exo- 
certaines  catégories  d'idées  fixes  ne  mériteraient  pas 
dogènes.  Leur  contenu  ne  pourrait-il  pas  être  inventé 
t  lui-même,  en  vertu  de  certaines  lois  différentes  de 
suggestibilité  ?  Ces  idées  ne  seraient-elles  pas  Vexpres- 
ouble  profond  dans  le  fonctionnement  cérébral  que  le 
jent  et  qu'il  traduit  d'abord  par  des  sentiments  parti- 
ensuite  par  des  idées  obsédantes  qui  résument  et 
ce  sentiment?  Dans  le  cas  du  délire  du  scrupule  en 
le  malade  n'est-il  pas  obsédé  par  des  pensées  particu- 
ves  k  ses  actes,  parce  qu'il  a  réellement  des  troubles 
té  et  parce  qu'il  a  une  certaine  conscience  de  ces  alté- 
a  volonté  ? 

du  contenu  des  obsessions  chez  les  scrupuleux  nous 
nplement  h  poser  ces  problèmes  ;  il  faut  continuer  l'é- 
brme  que  présentent  ces  obsessions  et  de  l'état  psy- 
sur  lequel  elles  se  développent,  pour  préparer  un  peu 


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LA  FORME  DES  OBSESSIONS 


65 


DEUXIEME  SECTION 


LA    FORME    DBS    OBSESSIONS. 


Pour  établir  le  diagnostic  d'une  affection  mentale  il  ne  suffit 
pas  de  savoir  le  sujet  ordinaire  des  préoccupations  des  malades, 
c'est-à-dire  le  contenu  des  obsessions,  il  faut  encore  étudier 
de  quelle  manière  se  présentent  ces  préoccupations,  à  quelles 
lois  elles  obéissent  dans  leur  apparition  et  leur  évolution,  en  un 
mot  il  faut  examiner  la  forme  psychologique  que  revêtent  ces  pen- 
sées obsédantes.  Pour  bien  comprendre  ce  problème,  considérons 
certaines  idées  fixes  des  hystériques  qui  déterminent  de  grandes 
fugues  de  plusieurs  mois  complètement  oubliées  par  les  malades 
après  leur  exécution.  Ces  idées  ne  se  manifestent  que  pendant 
des  somnambulismes  ou  dans  des  écritures  subconscientes,  elles 
semblent  tout  à  fait  absentes  de  la  conscience  normale  du  sujet 
qui  les  ignore.  Ces  idées  fixes  ne  sont-elles  pas  totalement  diffé- 
rentes dans  leur  forme  psychologique  de  celles  du  persécuté  qui 
connaît  parfaitement  son  délire,  qui  est  convaincu  de  sa  réalité 
et  qui  a  systématisé  toutes  ses  pensées  et  toutes  ses  actions  autour 
de  la  croyance  à  telle  ou  telle  persécution.  Cette  opposition  entre 
des  idées  dissociées  qui  se  développent  isolément  en  dehors  de 
la  vie  consciente  du  sujet  et  ces  idées  complètement  systématisées 
qui  sont  au  contraire  devenues  le  centre  de  toutes  les  pensées  est 
d'une  importance  capitale  pour  interpréter  toute  la  maladie.  Aussi 
doit-on  appliquer  cette  recherche  aux  obsessions  des  scrupuleux 
et  voir  quelle  place  elles  occupent  dans  la  pensée,  le  degré  et  la 
forme  de  leur  développement. 

Pour  étudier  les  caractères  psychologiques  que  revêtent  ces 
obsessions,  les  lois  de  leur  apparition  et  de  Içur  développement, 
il  est  nécessaire  de  faire  quelques  distinctions.  Les  malades  ne  . 
restent  pas  toujours  a  la  même  période  de  leur  maladie;  ils  peu- 
vent traverser  des  états  de  trouble  très  grand  ou  se  rapprocher 
de  Tétat  normal.  Dans  ces  diverses  périodes  leurs  obsessions  ne 
conservent  pas  toujours  les  mêmes  caractères  et  une  description 

LES   OBSfiSSlOItS.  I.   —   5 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

e  pourrait  pas  impunément  être  appliquée  h  tous  les  accidents  des 
Tupuleux.  Je  mettrai  donc  de  côté,  pour  les  examiner  plus  com- 
lètement  quand  j'étudierai  l'évolution  et  les  complications  de  la 
aladie,  des  états  aigus,  des  périodes  de  délire  grave  qui  peuvent 
alheureusement  survenir  au  cours  de  la  maladie.  Le  grand  carac- 
re  de  tels  états,  c'est  que  le  malade  a  perdu  à  peu  près  complé- 
ment le  pouvoir  de  critiquer  ses  obsessions,  de  leur  résister, 
l'il  s'abandonne  à  son  délire.  Ces  états  se  rapprochent  de  la 
élancolie  anxieuse  ou  des  diverses  formes  de  la  confusion  meu- 
le :  ils  nous  font  entrer  dans  le  domaine  d'autres  maladies  meu- 
les. Je  crois  qu'il  faut  les  considérer  comme  des  accidents  sur- 
nant  au  cours  d'un  délire  du  scrupule,  accidents  dont  il  faut 
scuter  la  possibilité  et  la  fréquence,  mais  qu'ils  ne  constituent 
is  l'état  normal  de  ces  malades. 

D'autre  part,  tantôt  par  l'évolution  naturelle  de  la  maladie, 
ntôt  sous  l'influence  de  certains  traitements,  ces  idées  fixes  peu- 
nt  se  réduire,  diminuer  d'importance  ou  perdent  leur  précision. 
;  malade  sent  encore  qu'il  est  tourmenté  par  quelque  chose, 
l'il  est  obsédé.  Il  pourrait  par  un  léger  efl'ort  retrouver  l'idée 
li  le  tourmente,  mais  il  sait  qu'il  faut  éviter  cette  recherche  et 
n'a  qu'une  notion  vague  de  cette  idée  qui  l'obsède,  c'est  Vétat 
gue  de  Lise,  c'est  Y  état  implicite  de  Jean.  Cet  état  fait  encore 
irtie  de  la  maladie,  mais  c'est  un  degré  eflacé,  estompé  que  l'on 
;  peut  prendre  comme  objet  principal  de  l'étude. 
Dans  cette  description  des  caractères  psychologiques  de  l'ob- 
ssion  du  scrupuleux,  je  considérai  donc  en  premier  lieu  le  degré 
oyén  du  développement  de  ces  idées  qui  est  d'ailleurs  de  beau- 
up  le  plus  fréquent  et  le  plus  important.  On  le  reconnaîtra 
[X  caractères  suivants.  L'idée  est  assez  nette  et  assez  précise 
>ur  que  le  sujet  sache  très  bien  ce  qui  l'obsède,  et  cependant 
ntelligence  du  malade  reste  assez  entière  pour  que  celui-ci 
lisse  critiquer  l'obsession  et  en  reconnaître  au  moins  en  partie 
ibsurdité. 

En  effet,  le  caractère  essentiel  de  ces  idées  maladives  est  si 
ippant  qu'il  a  presque  toujours  été  bien  mis  en  évidence  dans 
5  termes  mêmes  qui  servent  a  les  désigner.  On  se  sert  souvent 
►ur  décrire  cette  maladie  de  deux  termes  associés,  c'est,  dit- 
i,  une  folie  lucide^  un  délire  açec  consciencey  une  obsession 
nsciente. 
Celte   association   des  termes   «  folie    et   lucidité  »  provoquait 


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LA  FORME  DÈS  OBSESSIONS  67 

autrefois  Tindignation  du  D'  Thulié  '  quand  il  critiquait  la  «  manie 
raisonnante  »  du  D*"  Campagne  ;  elle  est  pourtant  légitime  et  exacte. 
Le  premier  de  ces  termes  se  comprend  facilement,  il  désigne  une 
idée  qui  s*impose  au  malade  et  se  développe  dans  son  esprit 
d'une  manière  automatique  sans  rapport  ni  avec  les  circonstances 
extérieures  ni  avec  la  volonté  du  sujet,  l^e  second,  le  mot  «  cons- 
cient »  est,  comme  je  l'ai  déjà  souvent  remarqué,  assez  malheureux 
à  cause  de  l'ambiguïté  du  mot  conscience,  le  mot  dans  le  langage 
psychologique  signifie  que  le  sujet  connaît  son  idée,  qu'il  la  con- 
state, qu'il  en  a  la  perception  personnelle  ;  il  s'oppose  aux  termes 
«  inconscient,  subconscient  »  qui  s'appliquent  à  des  phénomènes 
ignorés  du  malade.  Or,  dans  le  cas  présent,  on  veut  dire  que  le 
malade  juge  son  idée,  l'apprécie  au  point  de  vue  de  sa  réalité,  de 
son  rapport  avec  ses  autres  croyances.  On  veut  donc  désigner  une 
opération  intellectuelle  beaucoup  plus  élevée  que  la  simple  con- 
science psychologique  :  si  l'on  pouvait  changer  l'usage  il  vaudrait 
mieux  dire  qu'il  s'agit  d'obsession  avec  jugement,  d'obsession 
contrôlée  ou  critiquée  par  le  malade. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  deux  mots  appliqués  aux  scrupuleux 
sont  extrêmement  justes.  Le  malade  est  obsédé,  tourmenté  par 
une  idée  qui  s'impose  à  lui  sans  qu'elle  soit  justifiée  par  les  cir- 
constances sans  que  le  sujet  la  recherche  lui-même.  C'est  une 
idée  envahissante  comme  un  délire  ou  une  suggestion  et  cepen- 
dant le  malade  n'accepte  pas  cette  idée  avec  la  conviction  d'un 
persécuté  ou  d'un  individu  suggestionné.  Au  moins  jusqu'à  un 
certain  point  il  sent  comme  nous  que  son  idée  est  absurde,  il  la 
juge  et  la  repousse,  c'est  une  obsession  a^ec  critique. 

Il  résulte  de  cette  remarque  générale  que  ces  idées  peuvent  être 
examinées  à  deux  points  de  vue:  i**  le  point  de  vue  positif,  qui 
présente  leur  caractère  obsédant  et  maladif,  leur  puissance  pour 
tourmenter  le  malade  ;  2°  le  point  de  vue  négatif  nous  montre  l'ar- 
rêt de  ces  idées,  le  point  auquel  se  termine  leur  puissance.  Nous 
retrouverons  ces  deux  points  de  vue  dans  tous  les  caractères  des 
obsessions,  dans  leur  pennanencey  dans  leur  puissance  inipulsis^e, 
dans  leur  représentation  hallucinatoire^  dans  le  degré  de  croyance 
qui  les  accompagne. 


1.  D*"  Thulié,  La  manie  rai<ionnante  du  D'  Campagne t  1870. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 


-  La  permanence  et  l'évocation  de  l'obsession. 

certain  nombre  de  caractères  séparent  les  idées  patholo- 
;  de  nos  scrupuleux  des  idées  ou  des  pensées  d'un  homme 
1,  ce  sont  ces  caractères  qui  les  rendent  obsédantes, 
premier  rang  il  faut  placer  la  durée  de  ces  préoccupations, 
rée  de  ces  obsessions  chez  les  scrupuleux  peut  être  extrè- 
it  longue.  L'idée  du  démon  chez  Lise,  l'idée  sacrilège  et 
le  chez  Claire  existent  chez  chacune  au  moins  depuis  12  ans. 
;st  de  même  pour  la  plupart  des  obsessions  que  j'ai  signa- 
îur  durée  se  compte  toujours  par  années.  D'ailleurs  si  Ton  en 
I.  J.  Falret,  les  obsédés  de  ce  genre  conserveraient  toute  leur 
nême  idée  malgré  des  rémissions  apparentes.  On  peut  dire 
rtaines  idées  se  prolongent  chez  nous  tous  et  qu'un  savant 
oursuivre  un  problème  pendant  20  ans.  Ce  caractère  n'est 
»as  absolument  décisif.  Cependant  il  a  une  certaine  impor- 
'elative.  Etant  donnés  la  nature  des  esprits  et  le  sujet  de 
les,  on  doit  reconnaître  que  d'ordinaire  chez  des  esprits  de 
rc  une  telle  idée  ne  devrait  pas  durer  10  ans.  Lise  est  une 

intelligente  et  instruite  :  il  n'est  pas  vraisemblable  que  son 
on  soit  naturellement  employée  pendant  10  ans  à  méditer 
iée  de  donner  ses  enfants  au  diable.  D'ailleurs  tous  ces 
!S  s'en  étonnent  eux-mùmes  et  ne  comprennent  pas  pourquoi 
;ent  si  longtemps  sur  le   même   sujet  qu'ils  trouvent  eux- 

insignifiant  et  grotesque.  11  y  a  donc  déjà  dans  la  durée  un 
it  pathologique  qui  donne  à  l'idée  un  caractère  pénible  et 
nt. 

econd  caractère,  la  fréquence  des  répétitions  est  ici  plus  net 
.  Claire  prétend  qu'elle  a  200  fois  par  jour  son  image  de 
î  et  du  membre  viril.  Lise  est  convaincue  que  sa  préoccu- 

est  perpétuelle  et  ne  l'abandonne  même  pas  pendant  la 
elle-ci  a  en  effet  le  sentiment  que  toute  la  nuit  elle  rêve  au 
problème  et  elle  se  réveille  le  matin  avec  le  sentiment  de 

pas  cessé  d'y  penser.  Nous  verrons  par  l'étude  de  certains 
s  comme  Jean  que  même  au  moment  où  l'idée  semble  dis- 
le  la  conscience  elle  subsiste  cependant.  Ce  malade  nous 
qu'il  pense  à  sa  dame  d'une  manière  «  implicite  ».   Même 


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LA  PERMANENCE  ET  I/H:V0GATION  DE  L'OBSESSION  69 

quand  elle  est  à  peu  près  guérie  et  tranquille,  Gisèle  sait  bien  que 
son  idée,  ses  remords  de  vocation  ne  sont  pas  loin,  «  cette  idée 
me  gratte  toujours,  le  regret  de  la  vocation  religieuse  c'est  le  chat 
qui  dort,  il  ne  faudrait  pas  m'amener  à  y  penser  un  peu,  tout  ne 
demande  qu'à  recommencer  ».  On  voit  donc  que  ces  idées  réap- 
paraissent très  souvent  dans  l'esprit,  ne  disparaissent  même 
Jamais  d'une  manière  complète. 

Ici  encore  on  peut  dire  que  l'attention  volontaire  peut  main- 
tenir notre  esprit  sur  un  même  sujet.  Cela  est  bien  rare  et  il  fau- 
drait au  moins  que,  par  son  intérêt,  par  l'importance  que  l'esprit 
lui  accorde,  une  pareille  prolongation  de  l'attention  pût  se  justifier. 
Il  est  loin  d'en  être  ainsi  dans  nos  exemples. 

Cette  durée,  cette  permanence  de  l'idée  ne  doit  cependant  pas 
être  considérée  comme  un  phénomène  tout  à  fait  automatique 
qui  se  prolonge  de  lui-même.  Le  sujet  prétend  bien  que  l'idée 
vient  d'elle-même,  qu'elle  persiste  quoiqu'il  ne  fasse  rien  pour  la 
conserver,  quoiqu'il  souhaite  de  tout  son  pouvoir  sa  disparition 
En  réalité  il  nous  trompe  ou  il  se  trompe  lui-même.  Lise  veut  être 
soignée  et  guérie,  cependant  elle  est  très  agitée  à  la  pensée  qu'elle 
pourrait  être  hypnotisable.  C'est  qu'elle  a  bien  peur  que  pendant 
le  sommeil  hypnotique  on  n'efface  complètement  son  obsession, 
elle  y  tient  au  fond  et  ne  veut  sacrifier  que  «  ce  qu'elle  a  d'exa- 
géré ».  Quand  elle  va  réellement  mieux  et  que  l'idée  a  une  ten- 
dance à  s'effacer  «  il  faut  qu'elle  cherche  à  y  repenser  pour  être 
tranquille,  je  ne  puis  pas  me  décider  à  n'y  plus  penser  ».  En 
réalité  pendant  que  je  m'efforce  d'effacer  ces  idées  elle  fait  «  un 
effort  horrible  pour  ne  pas  les  perdre  et  elle  ne  peut  s'empêcher 
d'être  heureuse  quand  je  ne  réussis  pas  ».  Dans  un  léger  état  hyp- 
notique qu'on  détermine  sur  elle  et  dont  je  reparlerai,  j'essaye  de 
contredire  ses  idées  fixes,  de  les  dissocier,  de  les  modifier.  Cela 
provoque  des  crises  de  résistance  excessivement  curieuses.  Elle 
s'écarte  de  moi  avec  horreur,  elle  se  raidit  en  sortes  de  contrac- 
tures, elle  serre  les  dents  pour  ne  pas  répéter  les  paroles  que  je 
lui  suggère.  Elle  supplie  qu'on  ne  lui  enlève  pas  des  idées  ensei- 
gnées par  l'Eglise.  Si  elle  obéit  un  peu  c'est  avec  toutes  sortes  de 
réserves.  Elle  dit  bien,  pour  expliquer  ses  résistances,  que  c'est 
le  diable  qui  résiste  et  non  pas  elle^  mais  en  fait  elle  y  tient  elle- 
même  beaucoup.  «  Quand  on  a  vécu  dix  ans  avec  une  idée  on  ne 
peut  plus  s'en  passer.  »  Aussi  ne  cède-t-elle  que  très  peu  et  pour 
un   moment   seulement  avec  la    plus   grande  crainte  d'engager 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

[lir.  Elle  se  résigne  simplement  à  remettre  son  idée  à  plus 
et  se  console  en  se  disant  «  quand  je  le  voudrai  bien,  j  y 
nserai  ». 

s  mêmes  entêtements  et  les  mêmes  résistances  se  repro- 
;nt  chez  Claire  et  amènent  des  scènes  qui  sont  véritablement 
ques.  Claire  vient  de  me  dire  qu'elle  est  désolée  de  s'accuser 
même  d'immoralité,  car  elle  sait  au  fond  que  ce  n'est  pas 
Je  lui  réponds  en  abondant  dans  son  sens,  en  lui  disant 
le  est  une  jeune  fille  très  estimable  et  que  je  la  sais  incapable 
•ute  malhonnêteté.  La  voici  furieuse  contre  moi,  disant  que  je 
loque  d'elle,  que  je  n'en  pense  pas  un  mot,  qu'elle  ne  tolérera 
[u'on  la  contredise  ainsi.  Elle  se  met  à  pleurer  et  elle  supplie 
n  ne  lui  enlève  pas  son  dernier  espoir.  «  Si  je  ne  me  croyais 
Immorale,  je  ne  ferais  plus,  aucun  effort  pour  arriver  à  me 
gcr,  je  serais  absolument  perdue.  »  Jamais  elle  ne  tolère  au  fond 
Q  contredise  son  délire.  En  réalité  la  permanence  de  l'idée 
pas  chez  les  scrupuleux  un  fait  aussi  automatique  que  chez 
lystériques;  il  résulte  d'un  effort  permanent  pour  maintenir 
întion  sur  une  même  idée;  c'est  une  sorte  de  manie  de  la 
?  des  idées. 

îtte  fréquence  de  l'idée  est  en  rapport  avec  un  autre  caractère 
►rtant,  la  facilité  des  reproductions.  Si  l'idée  revient  si  souvent 

l'esprit  c'est  qu'elle  est  évoquée  par  d'innombrables  phéno- 
ls en  apparence  sans  grands  rapports  avec  elle.  Il  est  toute 
catégorie  de  malades  très  nombreux  qui  résument  leurs  ma- 
ts en  disant  qu'ils  ont  peur  des  couteaux.  Cela  signifie  que  la 
d'un  couteau  ou  d'un  instrument  dangereux  éveille  immédia- 
int  dans  leur  esprit  la  pensée  de  frapper,  de  tuer  à  coups  de 
eau  la  personne  qu'ils  aiment  le  mieux.  C'est  là,  comme  on  l'a 
une  obsession  criminelle  extrêmement  fréquente  chez  les 
puleux.  Il  en  sera  ainsi  pour  tous  les  objets,  pour  tous  les 
lomènes  qui  peuvent  être  considérés  comme  faisant  partie  de 
B  obsédante  à  un  titre  quelconque,  comme  objet,  comme  ins- 
ent du  crime,  comme  élément  de  l'action  vertueuse  ou  mau- 
!  à  laquelle  songe  le  malade.  Qes...  a  horreur  des  escaliers,  des 
très  parce  que  nous  savons  qu'elle  pense  au  suicide.  Vi...  ne 

voir  un  puits,  ni  une  rivière.  Bor...  craint  les  images  reli- 
»es,  les  églises,  les  hosties  parce  qu'elle  a  immédiatement 
dées  sacrilèges.   Brk...   ne    peut  plus  voir  les  enfants,  cela 


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LA  PERM\NF:NCE  et  I;É vocation  de  I/OBSESSION  71 

éveille  l'idée  de  les  tuer.  Qd...,  scrupuleuse  qui  se  reproche  de  ne 
pas  avoir  bien  soigné  son  mari,  est  obsédée  par  la  pensée  qu'il  va 
avoir  une  fluxion  de  poitrine  ;  son  obsession  la  prend  quand  il 
tousse  ou  quand  il  touche  à  son  mouchoir.  Za...  qui  se  sent  pous- 
sée à  avaler  des  épingles  ou  a  en  jeter  dans  les  aliments  des 
autres  est  tourmentée  par  son  obsession  quand  elle  doit  manger 
ou  quand  elle  doit  toucher  à  une  boîte  h  lait.  Gisèle  qui  a  des 
remords  de  vocation  parce  qu'elle  n'est  pas  religieuse  souffre  de 
cette  idée  h  propos  de  tous  ses  «  devoirs  d'état  ».  Le  fait  de  recoudre 
un  bouton  lui  fait  penser  qu'elle  a  un  ménage,  qu'elle  est  mariée, 
qu'elle  n'est  pas  religieuse.  «  Mon  enfant  est  devant  moi  comme 
un  remords  vivant,  sa  vue  me  fait  mal.  » 

Le  point  de  départ  de  l'association  peut  être  moins  déterminé. 
Ce  ne  sera  plus  un  objet  qui  entre  comme  partie  intégrante  dajis 
l'idée,  ce  sera  un  objet  qui  par  sa  forme  ou  simplement  par  son 
nom  ressemble  à  un  des  objets  précédents:  l'association  se  fera 
par  ressemblance  lointaine.  Xa...  (2o4)  est  terrifiée  parce  qu'une 
de  ses  bonnes  s'appelle  Antoinette,  ce  qui  fait  pensera  l'échafaud 
et  au  crime.  Claire  ne  peut  plus  voir  de  bouteilles  ni  d'objet 
long,  sans  voir  le  membre  viril  qui  souille  l'hostie. 

11  suffira  même  d'une  association  de  contiguïté  dans  le  temps 
ou  dans  le  lieu.  Si  l'objet  a  été  vu  à  un  moment  où  l'idée  obsédait 
l'esprit,  par  le  fait  de  cette  contiguïté  dans  le  temps  il  devient 
dorénavant  capable  de  l'évoquer.  «  Si  j'ai  eu  une  idée  en  me 
lavant  les  mains,  elle  reviendra  toujours  dès  que  je  verrai  une 
cuvette.  »  «^e  pensais  à  mon  chien  enragé  en  traversant  la  place 
de  la  Concorde,  dit  Fi...  (83)  et  depuis,  cette  place  m'est  odieuse 
et  je  ne  puis  rien  tolérer  qui  me  la  rappellp.  »  Il  ne  veut  plus  entrer 
dans  son  cabinet  de  travail  parce  que  sa  femme  y  a  pénétré  en 
portant  une  robe  qui  peu  auparavant  avait  traversé  la  place  de  la 
Concorde.  C'est  ainsi  que  Lod...  et  Lise  ont  pris  l'horreur  de 
leur  mobilier,  parce  qu'elles  se  trouvaient  sur  telle  ou  telle 
chaise  quand  elles  avaient  telle  ou  telle  idée.  C'est  pourquoi 
certains  de  ces  scrupuleux  sont  améliorés,  il  faut  le  savoir,  sim- 
plement quand  on  les  change  de  milieu  parce  que  tous  les  objets 
du  milieu  habituel  ont  pris  une  influence  évocatrice.  C'est  pour- 
quoi enfin  ils  retombent  malades  en  rentrant  chez  eux.  «  Je 
retrouve  toutes  mes  idées  en  rentrant  chez  moi  comme  un  paquet 
posé,  dit  Gisèle,  chaque  meuble  en  est  un  vrai  nid.  »  Elle  ne  se 
rappelle  les  lieux   et  Içs   temps   que  par  les  obsessions    qu'ellç 


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72  LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

avait  dans  ces  circonstances,  et  en  évoquant  telle  période  de  sa 
vie,  elle  retombe  dans  une  obsession  correspondante. 

La  facilité  et  la  complication  de  ces  associations  d'idées  peut 
aller  encore  plus  loin,  et  l'histoire  de  Jean  est  tout  à  fait  instruc- 
tive à  cet  égard.  Il  a  des  obsessions  relatives  à  la  masturbation, 
mais  tout  lui  rappelle  la  masturbation.  Le  nez,  par  exemple,  lui 
semble  avoir  des  rapports  avec  les  organes  génitaux  parce  que 
les  odeurs  sont  excitantes  et  il  ne  peut  plus  porter  un  lorgnon: 
«  c'est  comme  si  cela  me  comprimait  les  organes,  »  Il  ne  peut 
plus  se  moucher  de  même  qu'il  ne  peut  plus  uriner  «  car  le  mou- 
chage  ou  l'urinage  me  font  le  même  effet  que  la  masturbation  ». 

Nous  avons  déjà  vu  que  ses  scrupules  génitaux  se  sont  particu- 
lièrement localisés  sur  deux  femmes  de  sa  connaissance.  Tout  ce 
qui  peut  lui  rappeler  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  femmes  va 
évoquer  le  délire  et  l'on  est  étonné  de  la  subtilité  de  l'association. 
11  ne  peut  plus  marcher  avec  certaines  bottines  parce  qu'il  s'est 
aperçu  une  fois  qu'il  y  avait  sur  elles  le  chiffre  49-  Or  la  dame 
de  ses  pensées  avait  49  ans  quand  l'obsession  a  commencé.  11  a 
la  peur  du  chiffre  58  parce  qu'une  autre  dame  est  née  en  i858. 
Il  ne  peut  écrire  de  lettres  parce  que  la  correspondance  lui  fait 
penser  a  un  bureau  de  poste  où  il  a  vu  cette  personne.  Il  ne 
peut  se  coucher  dans  son  lit  parce  que  ce  lit  est  dirigé  de  ma- 
nière que  la  tète  soit  dans  la  direction  de  la  province  où  se 
trouve  l'une  de  ces  dames  ;  il  ne  peut  manger  a  table  quand  il 
tourne  le  dos  au  quartier  Montmartre  où  il  a  rencontré  l'autre. 
Il  est  effrayé  par  tous  les  noms  qui  commencent  par  un  A,  car 
ces  noms  évoquent  la  pensée  d'un  de  ces  prénoms.  Le  dernier 
incident  peut  dispenser  d'énumérer  toutes  ces  associations  d'idées. 
On  lui  sert  à  table  un  gâteau  qu'il  trouve  bon,  et  par  malheur  il 
en  demande  le  nom.  Sa  mère  lui  répond  :  «  c'est  une  Charlotte.  » 
Une  terrible  crise  s'ensuivit  :  H  avait  avalé  Charlotte,  il  avait 
sa  tête  dans  l'estomac,  il  l'avait  dans  le  sang,  et  toutes  les  idées 
erotiques  étaient  cpouvantablement  surexcitées  par  cette  présence 
continuelle  de  Charlotte  au  dedans  de  lui-même. 

Bientôt  l'association  semble  se  généraliser.  Il  ne  suffit  pas 
que  la  moindre  consonance  vienne  faire  penser  à  l'une  de  ces 
deux  personnes.  Toute  femme,  tout  objet  de  la  toilette  féminine 
et  même  la  présence  de  sa  pauvre  mère  suffit  à  évoquer  tout 
le  délire.  Un  détail  quelconque  capable  d'évoquer  la  pensée  de 
l'inconduite  amène   le  même   résultat.  Il  suffit  qu'il  ait  entendu 


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LA  PERMANENCE  ET  L'ÉVOCATION  DE  L'OBSESSION  73 

dire  qu'un  personnage  politique  n'a  pas  eu  une  mort  exemplaire 
pour  qu'il  ne  puisse  plus  voir  TElysée,  ni  la  Chambre  des 
députés,  ni  rien  de  ce  qui  a  rapport  à  la  politique,  si  bien  que  la 
vue  d'un  kiosque  de  journal  devient  le  point  de  départ  de  toutes 
ses  méditations  sur  les  deux  femmes  qui  le  persécutent. 

Chez  lui  les  associations  d'idées  ne  sont  pas  forcément  directes, 
elles  peuvent  être  tout  h  fait  indirectes  et  former  de  véritables 
cascades.  Il  est  tourmenté  parce  qu'il  a  dans  sa  poche  un  indica- 
teur des  cours  qui  se  font  à  Paris.  Cet  indicateur  ne  semble 
pourtant  rien  contenir  de  bien  critique  en  lui-même,  mais  il 
contient  l'indication  des  heures  du  cours  de  M.  D...  auquel 
Charlotte  a  été  assister  une  fois  quand  elle  est  venue  h  Paris  il  y 
a  3  ans.  L'incident  provoqué  par  le  gâteau  qui  s'appelait  une 
Charlotte  recommence  dans  des  circonstances  plus  complexes  : 
Jean  est  très  tourmenté  parce  que  :  i°  il  a  mangé  du  pain  ; 
2**  que  ce  pain  vient  d'un  certain  boulanger  ;  3**  lequel  boulanger 
a  été  recommandé  à  sa  mère  par  un  ami  ;  4"  dont  la  femme  est 
morte  récemment  un  certain  jour  ;  5°  qui  était  précisément  l'an- 
niversaire du  jour  ;  6**  où  il  a  commencé  h  être  tourmenté  relati- 
vement à  Charlotte.  Dans  ces  conditions,  on  se  demande  s'il 
existe  un  objet  que  Jean  puisse  regarder  sans  qu'il  éveille  par 
association  son  délire. 

J'insiste  sur  ce  phénomène  de  l'évocation  de  l'obsession  par 
l'association  des  idées  parce  qu'il  joue  un  rôle  très  important 
dans  l'évolution  de  la  maladie.  C'est  par  là  que  la  maladie  s'étend 
et  gagne  en  quelque  sorte  comme  une  tache  d'huile.  L'obsession 
qui  n'était  que  localisée  et  qui  ne  déterminait  des  troubles  que 
sur  une  seule  pensée  semble  par  l'association  des  idées  s'étendre 
à  toutes  les  autres  pensées  et  troubler  tous  les  actes  du  sujet. 

Précisément  à  cause  de  leur  importance  il  faut  bien  se  rendre 
compte  de  la  nature  de  ces  associations  d'idées.  Elles  sont  évi- 
demment singulières  et  ne  ressemblent  pas  aux  associations  d'idées 
que  nous  sommes  habitués  à  observer  dans  les  suggestions  des 
hystériques  par  exemple.  A-t-on  suggéré  à  une  hystérique  qu'elle 
verra  un  portrait  sur  une  carte,  l'hallucination  du  portrait  appa- 
raît quand  elle  voit  cette  carte  déterminée  reconnalssable  à  des 
signes  précis,  elle  n'apparaît  pas  sur  une  autre  carte  et  surtout 
elle  n'apparaît  pas  arbitrairement  à  propos  de  n'importe  quoi. 
C'est  justement  cette  précision   de  l'association  qui  rend  l'expé- 


V 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

possible.  De  nn^me  la  vue  d'une  Hamme  amène  l'hallucination 
icendie  et  la  crise  d'hystérie  d'un  jeune  homme,  on  provoque 
?  la  crise  en  lui   montrant  une  allumette  enflammée,  mais 

la  provoque  pas  en  lui  faisant  voir  un  paquet  de  cigarettes 
5  seringue,  quoique  à  la  rigueur,  d'après  ce  que  nous  a  mon- 
an,  le  paquet  de  cigarettes  ou  la  seringue  puissent  faire 
r  à  l'incendie.  En  un  mot,  dans  ces  cas  l'association  des 
est  précise,  parce  qu'elle  est  organisée  d'avance,  qu'elle 
irtie  de  la  conception,  du  système  d'images  coordonnées  qui 
tue  l'idée  fixe  et  qui  est  invariable. 

contraire,  chez  le  scrupuleux,  un  objet  quelconque  semble 
ir  jouer  le  rôle  d'évocateur.  Quel  est  l'objet,  quel  est  même 
t  que  l'on  pourrait  présenter  h  Jean  sans  qu'il  trouve  le 
i  d'y  rattacher  son  obsession  erotique  ?  11  semble  vraiment 
association  ne  soit  qu'un  prétexte,  une  justification  que  le 
e  se  donne  à  lui-même  après  coup.  Les  choses  se  passent 
e  si  le  malade  commençait  par  penser  lui-même  presque 
;  temps  à  son  obsession  et  cherchait  ensuite  avec  ingéniosité 
'apport  lointain  pourrait  bien  exister  entre  son  obsession 
Luelle  et  les  objets  extérieurs  afin  de  justifier  sa  préoccu- 
i  constante. 

..  (4i),  femme  de  38  ans,  grande  hypocondriaque,  se  plaint 
uer   de    malheur    car    elle    rencontre    tout   le    temps    des 

qui  lui  font  penser  à  la  maladie  «  une  bouteille  de  phar- 
jctée  dans  le  bois  de  Boulogne,  vous  voyez  que  je  n'ai  pas 
ince  !  »  Je  fais  prendre  quelques  précautions  aux  personnes 

surveillent  pour  que  l'on  évite  absolument  déparier  devant 
e  maladies,  de  lui  montrer  des  malades.  Elle  échappe  a  la 
ilance  pour  aller  chercher  des  malades  et  les  interroger  sur 
lal,  puis  elle  pousse  des  cris  de  désespoir  en  se  plaignant 
B  conversation  a  encore  rappelé  son  obsession.  11  en  est 
nment  de  même  pour  Jean  qui  travaille  à  découvrir  ces 
ations  d'idées  bizarres  dont  il  se  plaint.  11  est  très  préoc- 
par  les  femmes  de  chambre  qui  entrent  chez  ses  parents  et 

ceux-ci  doivent  choisir  une  femme  de  chambre  nouvelle, 
rche  avec  grand  soin  si  elle  n'éveillera  en  lui  aucune  asso- 
II  d'idées  dangereuse  avant  d'accorder  son  consentement, 
uents  lui  proposent  un  jour  de  faire  entrer  une  femme  de 
3re  dans  la  maison  et  lui  demandent  s'il  trouve  a  leur  choix 
ues    inconvénients.    Il  examine  minutieusement   les  noms, 


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LA  TENDANCE  A  L'ACTION,  L'ABSENCE  D'EXI^CUTION  75 

préDoms,  pays  et  date  de  naissance,  figure,  antécédents  de  cette 
servante  et  ne  trouve  rien  à  lui  reprocher  :  la  femme  de  chambre 
est  donc  admise.  Jean  reste  très  inquiet  à  son  sujet,  il  examine 
tous  les  jours  tout  ce  qu'il  apprend  sur  elle  et  cependant  pen- 
dant quinze  jours  il  est  forcé  de  convenir  que  rien  en  elle  ne 
rappelle  Charlotte.  Mais  quelques  jours  après  il  accourt  désespéré 
nie  dire  .«qu'un  grand  malheur  lui  arrive,  bien  par  hasard:  il  savait 
depuis  l'entrée  de  la  femme  de  chambre  qu'elle  avait  été  domesti- 
que chez  une  madame  Pâtissier  et  cela  ne  Tavait  pas  troublé,  mais 
brutalement,  comme  par  un  coup  de  bâton,  Pâtissier  lui  a  rappelé 
Galette,  or  parmi  les  amies  de  Charlotte  il  y  a  une  madame  Ga- 
lette dont  elle  a  souvent  parlé.  N'est-ce  pas  malheureux  que  ses 
parents  aient  choisi  justement  une  femme  de  chambre  qui  le  fasse 
penser  à  Charlotte.  » 

Sous  cette  forme  l'association  n'est  point  du  tout  semblable  à 
celle  qui  caractérise  les  suggestions  des  hystériques.  Ce  n'est  pas 
une  association  automatique  résultant  de  liaisons  d'idées  ancien- 
nement établies,  c'est  une  association  cherchée  et  construite 
actuellement  par  le  sujet.  C'est  une  manie  de  V association  qui  est 
une  conséquence  de  la  fixité,  de  la  permanence  de  l'idée  ou 
plutôt,  comme  on  l'a  vu,  de  la  manie  relative  à  cette  permanence. 
Nous  retrouvons  donc  déjà  dans  ces  premiers  caractères  de  la 
permanence  et  de  l'évocation  des  idées  les  deux  tendances  carac- 
téristiques de  l'obsession.  Il  y  a  une  exagération  de  la  perma- 
nence et  de  l'évocation,  mais  cette  exagération  ne  consiste  pas 
en  une  nécessité  complète  qui  s'impose  au  sujet,  il  y  a  quelque 
chose  de  volontaire  dans  ces  phénomènes  et  c'est  ce  double  phé- 
nomène qui  constitue  une  sorte  de  tic  ou  de  manie. 


2.  —  La  tendance  à  l'action,  l'absence  d'exécution. 

Le  second  caractère  que  nous  présentent  les  obsessions  c'est 
l'impulsion,  c'est-à-dire  la  tendance  à  l'acte.  Ce  caractère  est  évi- 
demment le  plus  important  au  point  de  vue  pratique,  puisqu'il 
constitue  le  danger  social  de  cette  maladie.  Les  obsessions  crimi- 
nelles surtout  vont  être  fort  graves  si  elles  poussent  les  malades 
à  accomplir  réellement  les  meurtres,  le  suicide,  les  crimes  contre 
nature  auxquels  ils  révent.  C'est  aussi  le  cîircictère  qui  intéressé 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

e  malade,  car  il  est  épouvauté  k  la  pensée  qu'il  va  exécu- 
^rîmes  et  une  grande  partie  de  son  mal   est  causée  par 
•reur  de  Texéeution. 
re  part,  ce  caractère  de  la  tendance  h  Tactlon  est   si  réel 

idées  que  beaucoup  d'auteurs  ont  même  admis  une  classe 
[ère  parmi  ces  idées  maladives  qu'ils  désignèrent  par  le 
mpulsions,  pour  les  distinguer  des  autres  obsessions. 
li,  comme  M.  Arnaud,  réunissent  toutes  ces  idées  sous 
commun  d'obsessions  admettent  encore  parmi  ces  obses- 
1  groupe  qui  serait  spécialement   les   obsessions  impul- 

crois  qu'il  faut  aller  plus  loin  encore  et  reconnaître  que 
ion  est  un  caractère  commun  à  toutes  ces  obsessions,  bien 
îsente  des  degrés  assez  variables. 

clair  que  ce  caractère  sera  plus  net  dans  le  groupe  que 
île  les  obsessions  criminelles.  «  Toutes  mes  idées,  dit 
nt  une  tendance  à  se  transformer  en  actes,  je  vais  jeter 
ten  par  la  fenêtre,  je  vais  brûler  un  billet  de  banque, 
un  enfant,  etc..  »  «  Quand  je  pense  au  chien  enragé,  j'ai 
t  envie  de  me  jeter  sur  les  gens  et  de  les  mordre.  »  «  Je  suis 

h  voler  les  gens,  à  organiser  des  plans  pour  faire  voler 
s  personnes,  h  faire  des  sacrilèges  en  brisant  des  hosties, 
les  choses  pas  convenables  la  nuit,  etc.  »  Ces  mots,  «  je 
e,  j'ai  envie  de  faire,  je  suis  poussé  à  faire,  »  reviennent 
se  dans  le  langage  de  ces  malades.  On  a  souvent  démontré 
ut  encore  le  vérifier  en  étudiant  l'exécution  des  sugges 
pnotiques  que  ces  expressions   et  ces  sentiments  corres- 

au  début  de  l'exécution  réelle,  ils  résultent  de  la  sensa- 

pelites  contractions  musculaires,  de  petits  mouvements 
icés  dans  une  certaine  direction.  «  Mes  mains  se  dirigent 
pot  à  tabac,  disait  Delbeuf  quand  il  décrivait  l'envie  de 
me  cigarette.  »  «  Mes    mains  commencent  à  serrer  et  à 

disent  tous  ces  impulsifs,  »  «  mes  mains  s'avancent  pour 
nner  la  culotte  de  mon  père,  disait  Vob.  »  On  peut 
•s  constater  chez  beaucoup  ces  mouvements  du  corps,  ces 
iients  de  physionomie  qui   constituent  le  début  de  l'ac- 

faudrait  pas  croire  que  dans  les  autres  obsessions,  ce  ca- 
impulsif  soit  absent.  «  Entre  les  obsessions  du  remords  ou 
'ainte  d'un  acte  et  l'obsession  impulsive  il  n'y  a  pas  de 
ition  tranchée,  elles  sont  toutes  accompagnées  d'une  ten- 


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LA  TENDANCE  A  L'ACTION,  L'ABSENCE  D'EXÉCUTION 

dance  à  Tacte  *  ».  «  La  phobie  d'un  acte  a  beaucoup  de  rapj 
avec   IHmpulsion  à    un   acte  :    chez  tous   il  y   a   coexistence 
phobie  et  de  propension   impulsive...  ^  »  Aussi  retrou ve-t-on 
tout  ce  caractère  impulsif:  dans  les  impulsions  sacrilèges,  il 
des  mouvements  pour  cracher  les  hosties,  pour  les  déchirer, 
paroles  pour  blasphémer,  des  gestes    pour  exprimer   le   méj 
Dans  les  obsessions  de  honte,  Claire   se  laisse  aller  h   crier 
haut  ses  pensées  de  honte  :  «  Ah,  que  je  suis  coupable,  j*s 
tête  remplie  de  vilaines  pensées,  c'est  terrible...  »  elle  se  r 
par  terre   pendant  des  heures,  elle  déchire   ses  mouchoirs, 
use  ainsi    une   quarantaine   en  un   mois,   elle  m^nge   ses   di 
de  lits,  etc.,  elle  est  obsédée  par  la  pensée  qu'un  prêtre  lui 
rhostie  consacrée  aux  parties  et  elle  refuse  d'aller  à  la  selle, 
Nous  ne  considérons  pas  en  ce  moment  les  actes  beaucoup 
nombreux  que  font  les  malades  pour  résister  à  leurs  obsessii 
Nous  constatons  seulement  qu'ils  en  font  quelques-uns  pour 
céder. 

Dans  les  hontes  du  corps,  les  malades  sont  si  bien  pouss 
se  cacher,  à  ne  pas  manger,  qu'ils  changent  toute  leur  existei 
restent  enfermés  pendant  des  années,  et  en  arrivent  à  des  é 
de  maigreur  effrayante.  Enfin,  les  hypocondriaques  sont  pou 
à  prendre  des  précautions  invraisemblables  et  Jean  se  vante  ; 
raison  d'en  être  arrivé  à  une  vie  d'ascète.  11  nous  faudra  m 
revenir  sur  l'ascétisme  fort  curieux  qui  résulte  de  la  maladie 
scrupule.  11  est  donc  incontestable  que,  dans  toutes  ces  ob 
sions,  il  y  a  un  caractère  nettement  impulsif.  Sur  ce  point,  d 
leurs  se  confirme  la  loi  générale  qui  veut  que  dans  toute 
prédominante,  il  y  ait  une  tendance  au  mouvement. 

Le  problème  important  consiste  à  savoir  jusqu'à  quel  p 
cette  tendance  à  l'acte  est  forte.  Beaucoup  d'auteurs  et  en  j 
ticulier  Westphal,  qui  décrivait  l'un  des  premiers  ces  idées, 
appelle  des  impulsions  irrésistibles,  et  beaucoup  font  de  l'i 
sistibilité  un  des  caractères  essentiels  au  point  d'appeler 
phénomènes  des  anancasmes  {à^7r(Y.Ty.  «  L'impulsion,  dit  M.  B* 


1.  L.  Groignac,  Des    impuhionset  en  particulier   des  obsessions  impulsives.  1 
de  Bordeaux,  1897-98. 

2.  Pitres  et  Régis,  Rapport  sur  les  obsessions  au  Congrus  de  médecine  de  hfo 
1897,  p.  47 

3.  J.  Donalh  (de  Budapcstli).  Arrhiv.  /.  Psychiatrie,  i8yC. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

node  d'activité  cérébrale  qui  détermine  irrésistible- 
lent  la  production  d'un  mouvement,  d'un  acte  simple 
î  \  »  Cette  irrésistibilité  semble  se  présenter  dans 
ins  hypnotiques,  dans  les  somnambulismes'hystéri- 
sujet  accomplit  rigoureusement  et  sans  hésiter  les 
uelles  il  rêve.  En  est-il  de  même  dans  ces  obsessions 
ux  ? 

remier  groupe  d'observations,  le  plus  important,  car 
s  deux  tiers  des  malades,  la  réponse  ne  soulève  au- 
té.  Ces  obsédés  qui,  si  on  en  croit  leur  langage,  res- 
impulsions  les  plus  épouvantables,  n'exécutent  en 
u  tout.  N'est-il  pas  curieux  que  dans  tant  d'observations 
criminelles  portant  sur  plus  de  200  malades,  recueil- 
une  douzaine  d'années,  je  ne  puisse  noter  aucun 
.  Je  n'ai  jamais  vu  aucun  crime  commis,  aucun  suicide 
•  un  de  ces  obsédés.  Ce  ne  peut  être  là  un  fait  dû  au 
aut  qu'il  y  ait  dans  ces  obsessions  une  bien  faible 
►asser  h  l'acte.  C'est  évidemment  en  plaisantant  que 
écrit  son  émotion  en  présence  d'un  malade  de  ce 
moment  où  je  vous  parle,  lui  disait  son  malade, 
vif  désir  de  vous  étrangler,  mais  je  me  retiens.  — 
cère  venant  de  la  part  d'un  homme  taillé  en  Hercule 
jfléchir...,  nous  dit  l'auteur.  »  Qui  donc  a  jamais 
îux  de  semblables  discours  des  obsédés  ?  D'ailleurs 
>ut  de  suite  :  «  Le  point  intéressant  de  cette  curieuse 
c'est  que  cet  homme  n'a  jamais  commis  un  acte 
e  ;  il  est  toujours  resté  correct  et  a  toujours  pu  se 
loment  critique.  Il   était  bien   sur   les   frontières  de 

es  disent,  il  est  vrai,  qu'ils  résistent  avec  beaucoup 
impulsion  ;  ils  emploient  toutes  sortes  de  procédés 
is  curieux  pour  résister.  Un  malade  célèbre  se  liait 
i^cc  un  ruban  pour  résister  h  l'impulsion  de  l'homi- 
lalades  ont  tous  des  procédés  analogues  que  nous 
ud^icr.  Il  suffit  de  remarquer  maintenant  que  les 
le  doivent  pas  être  bien  terribles  puisque  de  pareils 

n,  De  l'impulsion,  spécialemeut  dans  ses  rapports  avec  le  crime.  Thèse 
Vontières  de  la  folie.  Revue  scienlijlque . ,  i883,  I,  p.  3. 


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LA  TENDANCE  A  L'AGTÏON.  L'ABSENCE  D'EXÉCUTION  70 

simulacres  suffisent  pour  les  arrêter  tous.  Morel'  avait  déjà  noté 
que  les  impulsions  au  suicide  n'aboutissent  jamais  h  une  termi- 
naison fatale,  Ladame  remarque  que  de  telles  impulsions  restent 
presque  toujours  théoriques,  nous  voyons  que  cette  conclusion  est 
exacte  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas. 

Un  deuxième  groupe  déjà  beaucoup  plus  restreint  contient  des 
malades  qui  exécutent  réellement  quelque  chose,  c'est-à-dire  qui 
font  certaines  actions  ayant  un  certain  rapport  avec  leur  obses- 
sion. Pr...  (210),  femme  de  32  ans,  a  été  très  émue  par  la  ren- 
contre d'un  homme  dans  un  couloir  obscur,  elle  reste  obsédée  par 
la  pensée  que  cet  homme  a  réellement  abusé  d'elle,  qu'elle  est 
enceinte  et  qu'elle  veut  se  faire  avorter.  Ne  pouvant  résister  da- 
vantage à  cette  impulsion  qui  la  désespère,  elle  a  cédé  et  a 
pris...  une  cuillerée  à  café  d'huile  de  ricin.  Ger...  pour  me 
prouver  qu'elle  ne  peut  résister  à  l'idée  de  tuer  son  enfant, 
me  raconte  qu'elle  l'a  poussée  avec  la  main.  Elle  voulait  a  se 
détruire  et  savait  qi^'un  flacon  de  laudanum  la  tuerait,  aussi 
elle  en  a  pris  trois  gouttes.  C'est  bien  la  preuve,  dit-elle^ 
qu'une  autre  fois  elle  prendra  le  flacon  tout  entier  ».  Qes... 
qui  veut  se  jeter  par  la  fenêtre  se  contente  de  se  jeter  par  terre 
dans  sa  chambre.  Vi...  n'achète  pas  réellement  du  poison,  comme 
elle  le  rêve,  mais  elle  entre  cependant  chez  le  pharmacien  et 
achète  deux  sous  de  violettes,  pour  prendre  quelque  chose.  Jean 
ne  semble  céder  en  aucune  manière  a  ses  innombrables  impul- 
sions erotiques  ;  mais  il  vous  fait  observer  lui-même  qu'il  ne 
ferme  pas  complètement  la  braguette  de  son  pantalon^  c'est  tout 
ce  qu'il  peut  faire  comme  crime  génital.  Les  sacrilèges  qui  songent 
à  souiller  les  autels  se  bornent  tout  au  plus  à  prononcer  du  bout 
des  lèvres  le  mot  «  cochon  »  en  pensant  au  bon  Dieu.  D'ailleurs, 
on  pourrait  considérer  les  paroles  comme  des  actes  incomplets 
de  ce  genre  et  ces  malades  qui. ne  tuent  pas  commencent  un  peu 
h  réaliser  leur  obsession  en  parlant  de  tuer, 

A.  côté  de  ceux-ci,  d'autres  semblent  réaliser  davantage  leur 
idée,  mais  il  faut  noter  qu'ils  prennent  eux-mêmes  des  précautions 
curieuses  pour  que  leur  action  n'ait  aucune  conséquence  et  reste 
insignifiante.  Tel  est  le  cas  intéressant  rapporté  par  Bail  :  w  on 
cite,  dit-il,  le  cas  d'un  homme  d'Etat  célèbre  qui  a  rempli  dans 
son  pays  les  fonctions  politiques  les  plus  élevées  et  qui,  lorsqu'il 

I.   MoreL  Délire  émotif ,  p.  4oo. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

ville,  est  invariablement  accompagné  d'un  domestique 
ment  chargé  de  rapporter  à  domicile  les  couverts  d'ar- 
e  son  maître  ne  manque  jamais  de  dérober  *.  »  Je  suis  dis- 
roire  que  si  ce  personnage  prenait  réellement  les  couverts 
rce  qu'il  comptait  sur  la  présence  de  son  domestique. 
i  cas  du  même  genre  :  Bs...  (187),  un  homme  de  4i  ans, 
Tipulsion  au  suicide  à  la  suite  d'une  obsession  amoureuse, 
ce  par  se  mettre  au  téléphone,  appelle  sa  mère  et  son 
,  vérifie  s'ils  Técoutent  et  leur  annonce  que  maintenant 
[  et  qu'il  avale  du  chloroforme.  Naturellement  on  court  h 
lurs  et  on  constate  qu'il  a  réellement  pris  une  certaine  dose 
oforme  ;  il  est  d'ailleurs  très  heureux  de  se  laisser  soigner, 
îrniers  cas  nous  permettent  de  comprendre  comment  de 
1  temps,  d'une  manière  exceptionnelle,  il  peut  arriver  des 
s.  L'obsédé,  qui  ne  voulait  exécuter  qu'un  simulacre,  a 
s  ses  précautions  et,  si  l'acte  s'exécute  complètement, 
t  à  fait  contre  les  intentions  du  malade.  M.  Séglas*  fait 
es  justement  remarquer  que  l'obsédé  peut  se  laisser 
les  actes  extrêmes  sans  céder  pour  cela  à  des  impul- 
is  en  arrivent  quelquefois,  assez  rarement  à  mon  avis, 
de,  non  parce  qu'une  obsession  impulsive  se  réalise, 
rce  qu'ils  sont  désespérés  par  leur  maladie  et  qu'ils  se 
)  sang-froid.  M.  Nicoulau  ^,  dans  un  article  intéressant, 
une  femme  obsédée  par  l'idée  et  la  terreur  de  la  mort 
[irrive  à  des  tentatives  de  suicide  pour  échapper  à  Tan- 
ausée  par  la  crainte  de  la  mort.  En  dehors  de  ces  cas 
nnels,  la  réalisation  de  l'impulsion  est  chez  les  malades 
oupe  tout  à  fait  insignifiante. 

semble  nécessaire  d'admettre  un  troisième  groupe  com- 
n  petit  nombre  de  malades  qui  semblent  exécuter  com- 
it  ou  du  moins  d'une  manière  assez  grave  des  actes 
ort  avec  leurs  obsessions.  Ce  seront,  pour  prendre 
i  exemples,  les  honteux  de  leur  corps  qui  refusent 
nt  de  manger,  les  dipsomanes,  les  morphinomanes  et 
des  du  même  genre  qui  s'intoxiquent  réellement. 


Revue  scientifique,  i883,  I,  p.  2. 

s,  Leçons  sur  les  maladies  mentales,  i8{)5,  p.  87. 

ilau,  Thanatophobic  et  suicide.  Ann.  mêil.  psychoL,  1892,  I,  p.  189. 


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LA  TENDANCE  A  L*AGTION.  L^AftSENGE  D*EXÉGUT10\  81 

On  a  déjà  vu  le  cas  typique  de  Nadia  qui,  de  peur  de  grossir, 
de  se  développer,  ne  mangeait  plus  chaque  jour  qu*un  peu  de 
bouillon,  un  jaune  d'œuf,  du  thé  et  du  vinaigre.  Voici  un  second 
cas  du  même  genre  :  Red...,  une  jeune  fille  qui  avait  toujours  été 
très  impressionnable  et  très  scrupuleuse,  a,  vers  i8  ans,  une  pre- 
mière crise  de  refus  d'aliments.  Elle  fut  examinée  h  ce  moment 
par  MM.  Brissaud  et  Souques  *  qui  publièrent  une  observation 
dans  la  nouvelle  Iconographie  de  la  Salpôtrière  sous  ce  titre  Délire 
de  maigreur.  Elle  était  en  effet  d'une  maigreur  squelettique, 
elle  guérit  cependant  en  ce  sens  qu'elle  consentit  rapidement  à 
s'alimenter  et  reprit  ses  forces  et  son  embonpoint.  Mais  à  20 
ans  le  même  accident  reparut,  plutôt  plus  grave  ;  elle  recom- 
mença à  refuser  de  manger  et  en  outre  elle  s'efforçait  de  provo- 
quer les  vomissements  quand  elle  avait  mangé  et  prit  l'habitude 
de  vomir  très  facilement.  La  maigreur  et  la  faiblesse  redevinrent 
de  nouveau  très  inquiétantes  et  elle  fut  reconduite  à  la  Salpê- 
trière  où  j'ai  pu  étudier  cette  seconde  crise. 

Elle  était  dans  un  état  d'inanition  très  avancé,  très  maigre,  la 
peau  sèche,  rugueuse,  froide,  la  langue  sèche  et  rouge,  la  respi- 
ration rapide,  le  pouls  petit  et  précipité  ;  elle  avait  certainement 
poussé  très  loin  le  refus  des  aliments  et  les  efforts  de  vomisse- 
ment. J'hésite  cependant,  comme  pour  Nadia  et  pour  les  mêmes 
raisons  à  faire  de  cette  malade  une  anorexique  hystérique.  Dans 
toute  son  histoire,  avant  et  après  cet  accident,  Red...  n'a  jamais 
présenté  aucun  phénomène  hystérique;  pendant  longtemps,  avant 
l'apparition  des  accidents  graves,  elle  avait  conservé  le  senti- 
ment de  la  faim  ;  elle  n'a  jamais  eu  de  besoin  exagéré  de  mouve- 
ment. D'autre  part,  c'était  tout  à  fait  une  scrupuleuse  :  elle  avait 
commencé  par  se  reprocher  les  oublis  de  confession,  elle  avait 
imaginé  de  s'astreindre  à  bien  des  pratiques  superstitieuses 
et  malgré  ses  efforts  elle  était  sans  cesse  inquiète  et  tourmentée. 
Elle  était  obsédée  par  la  vue  des  misères,  des  maladies, 
par  l'état  même  de  la  température  :  «  c'était  sa  faute  s'il  y 
avait  tant  de  malades,  c'était  sa  faute  s'il  faisait  mauvais  temps  et 
si  les  pauvres  gens  en  souffraient.  »  Dans  ces  conditions  elle 
avait  cru  voir  un  cercle  de  feu  et  l'avait  interprété  en  disant  qu'elle 
était  damnée.  Elle  restait  obsédée  par  la  pensée  que   sa  damna- 

I.  Brissaud  et  Souques,  Délire  do  maigreur.  Nouvelle  Iconographie  de  la  Salpé- 
trière,  1896. 

LES  OBSESSIONS.  I.   0 


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LES  IDÉES  OBSIÎIDANTES 

lait  indigne   de   manger.    C'est   ce    qui  avait  déter- 
mière   crise  de  refus  d'aliments,    à  i8   ans.  Ce   refus 

l'hôpital  en  vertu  de  ce  raisonnement:  «  ici  on  me 
jer,  je  ne  suis  donc  pas  responsable  si  je  le  fais.  »  La 
e  a  l'âge  de  20  ans  se  rattachait  également  au  scru- 
laniëre  très  nette  quoique  diflerente  :  elle  était  deve- 
e  d'elle-même,  à    la    suite    de  toutes   les    réflexions 

elle  s'imagina  que  sa  digestion  était  ridicule,  qu'elle 
des  rougeurs  au    visage    et    surtout  des   éructations 
Ile  avait  d'autant  plus  honte   de   ces  choses   qu'elle 
idre  après  son  repas  au   cours  d'un  professeur  dont 
ut  à  fait  amoureuse.  C'est  à    ce    moment  qu'elle   se 
e  a  ne  plus  manger  et  à  vomir  pour  débarrasser  l'eslo- 
rapidement  pour  montrer  la  fréquence  du  fait  le  cas 
omme  de  26  ans,  As...  (102),  parvenu  lui  aussi  comme 
photographie*  à  un  état  de  maigreur  invraisemblable, 
'habitude  des  vomissements  provoqués  pour  des  rai- 
[le  genre  dépendant  de  la  honte  du  corps  et  de  Thy- 
ans  ces  cas,  l'impulsion  semble  donc  se  réaliser  d'une 
re  par  le  refus  d'aliments  et  l'inanition, 
srvations,  je  voudrais  rattacher  un  cas  plus  curieux 
e  amène  aussi  une  malade  à  faire  de  grandes  sottises, 
^session  amoureuse  de  Byl...,   cette   jeune   fille  qui 
la  honte  d'elle-même,  à  force   de  s'imaginer  qu'elle 
ndigne  de  tenir  son  rang  était   devenue  amoureuse 
jardinier  de  la  maison.  Ce  qui  est  curieux  c'est  que 
le  semble  avoir  suivi  l'obsession  :  elle  attend  qu'elle 
our   avoir  sa  liberté,  la   nuit  à  l'aide  d'une   échelle 
ans  la  chambre  de  ce  garçon,  lui  fait  sa  déclaration, 
ït  lui  fait  promettre  de  la  demander  à  ses  parents. 
1  elle  raconte  son  équipée  à  ses  parents  et  avec  un 
»rmidable  s'obstine  dans  son  projet  de  mariage.  Ne 
considérer  de  nouveau  ce  cas  comme  une  exécution 
d'une  obsession  scrupuleuse?  Ces  faits  nous  montrent 
se  des  précédents  que  dans  certains  cas  qui  ne  sont 
',  ces  impulsions  présentent  une  certaine  force  suflî- 
îterminer  des  actes  réels, 
je   ne  crois    pas  que  l'on   puisse  d'après  ces   seuls 

me  de  cet  ouvrage,  observalion  lou. 


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LA  TENDANCE  A  L'ACTION.  L'ABSENCE  D'EXÉCUTION  «3 

exemples  rapprocher  ces  obsessions  des  suggestions  ou  des  im- 
pulsions hystériques  qui  s'exécutent  automatiquement.  L'exécu- 
tion quoiqu'avancée  n'est  pas  en  réalité  complète,  ces  malades  ne 
refusent  pas  tout  à  fait  de  manger,  elles  réduisent  seulement 
d'une  manière  énorme  leur  alimentation.  Byl...,  dans  la  chambre 
du  cocher,  se  borne  à  se  laisser  embrasser,  mais  en  somme  ne 
lui  cède  pas.  Une  fois  guérie,  elle  nous  avoue  qu'elle  n'était  pas 
bien  certaine  d'aller  jusqu'au  bout  de  ce  mariage  et  qu'elle  aurait 
été  bien  embarrassée  si  ses  parents  n'avaient  pas  résisté.  Une 
deuxième  remarque  nous  montre  que  ces  malades  qui  refusent  de 
manger  vont  en  somme  plus  loin  qu'elles  ne  croient  aller.  Ce 
sont  des  jeunes  gens  très  ignorants  des  notions  d'hygiène  qui  ne 
se  rendent  pas  compte  du  danger  de  leur  alimentation  insuffi- 
sante. Nadia  m'assure  qu'elle  n'avait  jamais  eu  l'intention  de 
mourir  de  faim  et  qu'elle  aurait  cessé  si  elle  avait  cru  sa  vie  en 
danger.  Ces  malades  qui,  nous  le  verrons,  ne  peuvent  arriver  à 
croire  ne  sont  pas  convaincus  par  les  affirmations  de  leur  entou- 
rage, ils  se  comportent  un  peu  comme  les  obsédés  dont  nous 
venons  de  parler  qui  se  suicident  réellement,  quand  ils  croient 
ne  faire  qu'un  simulacre.  Ajoutons  qu'une  fois  entrés  dans  cette 
voie  ils  présentent  des  troubles  de  l'estomac  et  peut-être  des 
délires  par  inanition  qui  changent  le  caractère  de  la  maladie.  Je 
ne  crois  donc  pas  que  ces  cas  évidemment  plus  embarrassants 
doivent  changer  notre  conception  primitive,  sur  le  peu  de  puis- 
sance de  ces  impulsions. 

Il  reste  encore  des  obscurités  dans  ce  problème  difficile  :  cer- 
taines obsessions  impulsives  semblent  avoir  le  singulier  privilège 
de  passer  à  l'acte  beaucoup  plus  régulièrement  que  les  autres. 
Je  citerai  par  exemple  la  morphinomanie  et  la  dipsomanie. 
Je  me  demande  si  l'absorption  du  poison  ne  change  pas  les 
conditions  dans  lesquelles  se  développe  l'obsession.  Après 
les  premiers  verres  l'état  mental  du  scrupuleux  d'ordinaire 
indécis,  hésitant,  incapable  d'aller  jusqu'au  bout  de  rien 
est  changé.  Le  fait  est  évident,  et  l'on  connaît  ces  éreu- 
tophobes  qui  ont  besoin  de  se  griser  pour  pouvoir  affronter  les 
regards.  On  sait  aussi  que  la  morphine  laisse  dans  l'organisme 
des  substances  capables  de  provoquer  le  besoin  intense  du  poison 
primitif  :  il  se  peut  que  ces  modifications  de  l'organisme  entrent 
pour  une  certaine  part  dans  la  réalisation  anormale  de  ces  impul- 
sions. 


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LES  infiKS  OHSF.DANTES 

peut  citer  des  cas  dans  lesquels  des  obsédés  ont 
véritables  crimes,  je  n'en  ai  pas  observé  pour  ma 
[)ici  une  curieuse  observation  de  M.  Vallon:  un  indl- 
depuis  longtemps  par  Tidée  de  tuer  une  fille  publi- 

tirer  sur  une  femme  plusieurs  coups  de  revolver  '. 
'empêcher  de  douter  dans  ces  cas  de  l'exactitude  du 

me  semble  probable  que  d'autres  facteurs:  épilepsie, 
ifTaiblissèment  intellectuel,  imbécilité  ont  dû  inter- 
difier  le  pronostic  habituel  des  obsessions.  C'est 
)inion  déjà  défendue  dans  le  rapport  de  MM.  Pitres 

dans  la   thèse    de    M.    Le    Groignac    sur   les    im- 

fois  que  j'aî  eu  l'occasion  d'examiner  un  malade 
é  à  ce  genre  d'obsessions,  j'ai  dû  constater  que  ce 
i  obsédé  typique  se  rattachant  aux  psychasthéniques 
dans  cet  ouvrage  mais  qu'il  s'agissait  d'une  autre 
laie.  Voici  par  exemple  un  personnage  célèbre,  le 
.,  qui  a  été  étudié  par  Chambard,  par  Luys,  par  bien 
li  a  échoué  pendant  quelque  temps  à  la  Salpêtrière. 
inombrables  obsessions,  il  a  maintenant  celle  des 
ux  ».  II  lui  faut  couper  les  petits  frisons  des  femmes 
ou  les  poils  du  pubis,  et  quand  il  les  a  dans  sa 
arrive  à  l'éjaculation.  Cette  impulsion  est  vraiment 
il  fait  irrésistible,  il  devient,. comme  il  le  dit,  som- 
empare  réellement  des  «  petits  cheveux  »  malgré  les 
langers. 

i  et  d'autres  du  même  genre  l'impulsion  se  réalise 
t  d'une  manière  irrésistible.  C'est  à  mon  avis  que  le 
ologique  n'est  plus  du  tout  le  même  et  que  la  ma- 
rente.  Mau...  a  une  anesthésie  tactile  générale,  un 
t  du  champ  visuel  à  3o°,  il  a  des  somnambulismes, 
ivies  d'amnésie,  etc.  Kn  un  mot  c'est  un  hystérique, 
ns  dans  le  mécanisme  de  la  suggestion  et  de  l'idée 
le.  Il  faut  savoir  que  ces.  maladies  mentales  ne  sont 
ées  par  le  contenu  de  l'obsession  mais  par  la  forme 
3  qu'elle  prennent.  Une  hystérique  peut  être  éroto- 

été  médico-psychologique,  28  avril  iSgS. 

gis,  op.  cit.,  1897,  p-  ^i- 

;,  Des  impulsions  et  en  particulier  des  obsessions  impulsives.  Thhsc  de 


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LA  TENDANCE  A  LA  REPRÉSENTATION,  L'HALLUCINATION  SYMBOLIQUE    85 

mane  comme  Jean,  mais  elle  réalisera  son  impulsion  d'une  toute 
autre  manière.  Je  crois  donc  que,  si  on  rencontre  des  obsessions 
qui  s'exécutent  d'une  toute  autre  manière  que  celle  qui  vient  d'être 
décrite  il  est  bon  de  les  rattacher  à  d'autres  maladies:  l'épilepsie 
oa  l'hystérie  par  exemple  et  non  à  l'état  mental  psychasthénique 
que  nous  étudions  maintenant. 

En  résumé,  les  obsessions  des  scrupuleux  présentent  une  cer- 
taine tendance  impulsive,  une  certaine  disposition  à  passer  à 
l'acte.  Mais  cette  disposition  loin  d'être  irrésistible  comme  on  l'a 
dit  à  tort  n'est  jamais  complète,  le  malade  s'effraie  de  son  impul- 
sion plus  qu'il  ne  lui  obéit.  Il  éprouve  un  singulier  besoin  de  la 
croire  terrible  et  irrésistible  ;  il  y  a  comme  une  vanité  du  crime, 
comme  un  secret  désir  de  se  croire  poussé  au  crime  qui  lui 
fait  effectuer  tant  bien  que  mal  certains  commencements  d'ac- 
tion. Ce  n'est  que  par  accident  que  ces  simulacres  deviennent 
des  réalités.  Ici  encore,  c'est  une  manie  de  croire  à  l'impulsion 
plus  qu'une  impulsion  proprement  dite. 


3.  —  La  tendance  à  la  représentation,  l' hallucination 

symbolique. 

A  côté  du  développement  des  éléments  moteurs  et  de  la  ten- 
dance à  l'action,  il  faut  placer  le  développement  des  éléments 
représentatifs  et  la  tendance  à  l'hallucination.  Les  obsédés  que 
nous  étudions  sont-ils  susceptibles  d'avoir  au  cours  de  leurs  ob- 
sessions de  véritables  hallucinations  ?  La  question  a  soulevé  bien 
des  controverses.  M.  Jules  Falret  avait  soutenu  autrefois*  qu'un 
des  caractères  distinctifs  de  ces  obsédés,  c'est  qu'ils  n'arrivent 
jamais  à  l'hallucination  véritable  :  cette  proposition  trop  absolue 
a  été  vivementcontredite.  Buccola,  Tamburini,  Séglas*,  Stefani', 


I .  Jules  Falret,  Obsessions  intollectuelles  et  émotives.  Rapport  au  Congrhs  inter- 
national de  médecine  mentale.  Paris,  1889  ;  Archives  de  neurologie,  1889,  ï'»  ^7^- 

a.  Scglas,  De  Tobsossion  hallucinatoire  et  do  Thalluci nation  obsédante.  Ann.  méd. 
psychoL,  3o  nov.  1891,  Leçons  cliniques,  p.  107. 

3.  Slefani,  Ann.  méd.  psychoL,  189a. 


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^ 


LES  IDfiES  OBSI^DANTES 

ie^,  Raymond  et  Arnaud^  ont  soutenu  Texis- 
Q  hallucinatoire  ».  J'ai  moi-même  insisté  à 
out  en  étudiant  les  idées  fixes  de  Justine  sur 
marquables  qui  accompagnaient  ses  obses- 
z  qu'il  y  ait  deux  opinions  tout  à  fait  contra- 
t. 

I  peut  s'expliquer  d'abord  d'une  manière 
ertains  cas  les  auteurs  ne  parlent  pas  des 
^connais  pour  ma  part  que  les  obsédées  hal- 
rites  comme  Marcelle  et  Justine  étaient  des 
obable,  étant  données  la  fréquence  et  Tim- 
es chez  les  hystériques  qu'il  doit  en  être  de 
-uns  des  malades  hallucinés  décrits  par  les 
oposition  de  M.  Falret  resterait  vraie  pour 
int  dits  du  type  psychasthénique. 
cependant  embarrassante,  car  au  moins  un 
es  derniers  malades  présentent  des  phéno- 
Ic  l'hallucination  dont  la  nature  doit  être 
ndriaques  arrivent  à  se  représenter  certains 
X  comme  s'ils  avaient  des  hallucinations  du 
\c  parle  pas  de  leurs  dysesthésies  que  j'étu- 
propos  des  troubles  émotionnels.  Je  parle 
^'iscérales  et  tactiles  qui  semblent  assez 
trinaires.  Une  malade  de  Wernicke,  citée 
égis,  avait  la  sensation  d'être  couverte  de 
entendait  leur  bruissement^.  Une  de  nos 
ime  de  5o  ans,  qui  a  accouché  à  Tàge  de 
souffert  de  son  ventre.  Il  lui  prend  main- 
ce  des  crises  d'accouchement  »,  elle  prétend 
écision  dans  les  reins,  dans  le  ventre,  dans 
elle  accouchait:  «  c'est  au  point  de  s'y  mé- 
Deux  autres  ont  l'idée  fixe  d'un  ver  intes- 
imme  de  63  ans,  «  le  ver  remonte  à  la  gorge, 

iychoL,  1892. 

lalions  succédant  à  des  obsessions.    Archives  de  neurol., 

Ann.  mcd.  psyrhoL,  1893,  II,  ao/|. 

vrier  189^.  — Névroses  et  Idées  fixes,    1898,  I,  p.  161, 

cd.   Wochensch.,  a3  juin  1893  ;  Pitres  et  Rog^is,  op.  cit.. 


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LA  TENDANCE  A  LA  REPRÉSENTATION,  L'HALLUCINATIOX  SYMBOLIQUE     87 

il  vient  lui  donner  un  petit  coup  dans  la  bouche  puis  il  redescend  : 
il  est  tantôt  dans  le  dos,  tantôt  à  Testomac.  «  Vous  n'entendez 
pas  le  ver  grouiller,  il  me  remonte  de  nouveau  à  la  gorge  et  il 
faut  que  je  prenne  une  gorgée  d'eau  pour  le  faire  redescendre  ». 
Bé...  a  un  ver  solitaire  dans  le  ventre  «  elle  sent  par  ses  glis- 
sements froids  qu'il  se  pelotonne  jusqu'à  Tépigastre.  C/est  un 
ver  araignée  qui  a  de  grosses  pattes  velues  comme  une  araignée  ». 
Comme  type  d'hallucinations  du  sens  tactile  on  peut  étudier  les 
fluides  de  Jean.  Il  sait  toujours  exactement  dans  quelle  direction 
est  située  par  rapport  à  lui  la  dame  de  ses  pensées.  S'il  marche 
dans  cette  direction  ou  s'il  a  le  visage  tourné  vers  ce  point 
tout  va  bien  :  il  peut  h  la  rigueur  résister.  Mais  ce  qui  est 
terrible  c'est  quand  il  tourne  le  dos  à  ce  point  de  l'espace  ; 
alors  le  fantôme  est  dans  son  dos  et  se  permet  mille  extrava- 
gances. Il  détermine  des  chatouillements,  des  frissons,  des 
«  fluides  »  et  la  situation  est  intenable.  Aussi  Jean  se  préoccupe-t-il 
énormément  de  l'orientation  de  son  lit,  dans  la  chambre,  de  sa 
chaise  à  table.  11  en  change  la  position  jusqu'à  ce  qu'il  ait  trouvé 
une  situation  où  il  ne  tourne  plus  le  dos  à  ce  fantôme  dangereux. 
Le  malheur  c'est  qu'il  y  a  une  autre  personne  située  dans  une 
autre  direction  qui  exerce  à  peu  près  la  même  influence  et  il  est 
bien  difficile  de  trouver  une  situation  qui  ne  l'expose  ni  b  l'une,  ni 
à  l'autre. 

Les  hallucinations  auditives  sont  assez  rares  :  en  voici  quelques 
exemples.  John  Bunyan,  auteur  mystique  anglais,  atteint  évidem- 
ment du  délire  du  scrupule,  entend  un  jour  une  voix  qui  lui  dît  : 
«  veux-tu  laisser  tes  péchés  et  avoir  le  ciel  ou  conserver  tes 
péchés  et  avoir  l'enfer  »  et  il  voit  Jésus  dans  le  ciel*.  M.  Lépine 
cite  une  observation  singulière  d'une  malade  obsédée  qui  est 
contrainte  d'entendre  une  voix  répétant  toujours  une  série 
de  25  mots.  L'observation  un  peu  abrégée  me  paraît  cependant  se 
rapprocher  de  nos  malades^.  M.  de  Sanctis  rapporte  une  singu- 
lière obsession  musicale,  obsession  qui  peu  à  peu  devient  impul- 
sive et  contraint  le  sujet  à  chanter  intérieurement  le  même  air  '. 
Dans  une  observation  de  M.  Larroussinie,  des  voix  viennent  à 
l'appui  de  la  pensée  de  la  malade  et  formulent  les  mêmes  repro- 

I.  Josiah  Royce,  The  case  of  John  Bunyan.  Psychological  Review,  1894,  Sa. 
3.  Lépine,  Obsession  verbale  et  auditive.  Société  de  médecine  de  Lyon,    12  juillet 
1894. 
3,  S.  de  Sanctis,  Obsession  et  impulsion  musicale,  PoUclinico^  III,  n°  4t  1896. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

ibsessionMJnedenos  malades,  Per...,  obsédée  par  une 
arps  relative  à  des  poils  sur  son  visage,  entend  au  tra- 
ur  ses  voisins  murmurer  :  «  poilue,  poilue  !  »  Jean  a 
s  hallucinations  auditives  :  il  est  obsédé  par  le  souve- 
mme  de  chambre  en  Thonneurde  laquelle  il  eut,  croit 
lières  éjaculations.  Ce  visage  très  laid,  d'ailleurs,  nous 
Jean  n'est  obsédé  que  par  les  femmes  vieilles  ou  très 
essine  de  profil.  Il  est  animé  de  mouvements,  la  bou- 
ouvrir  et  le  fantôme  se  met  à  rire.  Ce  rire  d'abord 
devenu  en  quelques  années  absolument  énorme,  c'est 
démesuré  qui  lui  ouvre  la  bouche  jusqu'aux  oreilles, 
déterminé  par  les  actions  du  pauvre  Jean,  car  la  femme 
;  le  surveille  et  se  moque  de  lui  d'une  manière  indigne 
manière  qu'il  se  conduise.  Entre-t-il  dans  un  tramway 
3  de  se  trouver  assis  auprès  d'une  femme,  l'image  de 
e  chambre  se  met  à  rire  parce  qu'il  est  tourmenté  par 
^uitte-t-il  le  tramway  et  prend-il  un  fiacre  pour  être  seul, 
e  chambre  éclate  tout  à  fait  et  lui  dit  :  «  Tu  dépenses 
ur  ne  pas  te  trouver  en  tramway  avec  des  femmes, 
)  Il  est  difficile  de  trouver  des  hallucinations  plus  com- 
pparence  ;  images  visuelles  complexes,  en  mouvement, 
ées  d'images  tactiles  dans  le  dos  et  dans  certains  cas 
uditives. 

'ésentations  purement  visuelles  sont  de  beaucoup  les 
ntes  ;  nous  les  trouvons  d'abord  chez  les  sacrilèges.  Un 
M.  Féré*  voyait  apparaître  le  membre  viril.  C'est  aussi 
ctérise  les  obsessions  de  Claire.  Elle  prétend  voir  appa- 
itement  devant  elle  un  homme  tout  nu  ou  plutôt  les 
:uelles  d'un  homme  en  train  de  souiller  une  hostie  con- 
îen  d'autres  tableaux  de  môme  genre.  Lod...  et  Lise  ont 
îs  hosties  par  terre  surtout  lorsqu'elles  apercevaient  un 
/e...  prétend  qu'elle  voit  dans  le  ciel  des  croix  et  des 
armi  les  malades  qui  ont  des  obsessions  criminelles, 
des  femmes  obsédées  par  l'idée  de  tuer,  voit  devant  elle, 
une  figure  traversée  au  niveau  des  yeux  par  un  long 
î  cuisine  (fig.  i)  D'ailleurs  cette  hallucination  du  cou- 

sinie,  HallucinaiioDS  succédant  à  des  obsessions.  Archives  de  neurologie, 
alhologie  des  émolionSy  p.  l\i^. 


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LA  TENDANCE  A  LA  REPRÉSENTATION,  L'FIALLUGINATION  SYMBOLIQUE     89 

teau  pointu  est  fréquente,  on  la  retrouve  chez  Mb...  et  chez  plu- 
sieurs autres.  Vod...  se  voit  couper  le  cou  à  sa  petite  fille.  «  Je 
me  voyais  la  saigner,  la  mettre  dans  un  cercueil  et  jeter  la  boite 
dans  une  grande  mare  d*eau  sale.  »  Fa...  qui  croit  avoir  des  im- 
pulsions erotiques,  «  voit  tous  les  hommes  dans  la  rue  se  débou- 
tonner et  courir  après  elle  ».  Jean  voit  non  seulement  la  servante 
au  fou  rire  lui  apparaître  à  droite  mais  la  dame  de  ses  pensées 
Charlotte  perpétuellement  devant  lui  ou  dans  sa  tète. 


^S^. 


FiG.   I  —  Dessin  fait  par  la  malade  elle-mèmo  pour  représenter  son  hallucination, 
le  couteau  est  yu  d'une  manière  beaucoup  plus  nelte  que  les  traits  du  visage. 

Dans  le  groupe  des  honteux  les  hallucinations  sont  particuliè- 
rement curieuses.  Une  hallucination  très  fréquente  est  celle  d'un 
trou,  d'un  précipice  dans  lequel  ils  vont  tomber  ou  dans  lequel 
ils  sont  tombés.  Claire  a  longtemps  côtoyé  un  grand  précipice, 
maintenant  elle  est  au  fond  du  trou  et  elle  voit  bien  qu'il  lui  est 
impossible  de  remonter.  Mi...,  femme  de  4?  ans,  «  voit  morale- 
ment un  trou  dans  lequel  il  lui  semble  qu'elle  tombe  ;  si  elle  ne 
parvient  pas  h  se  tirer  de  là  elle  se  tuera  plutôt  que  de  rester  au 
fond  ».  On  se  souvient  que  Pascal,  qui  d'ailleurs  avait  bien  des 
symptômes  de  la  maladie  du  scrupule,  voyait  h  ses  côtés  un  pré- 
cipice. On  a  beaucoup  discuté  sur  rhallucination  de  Pascal  :  si 
elle  est  historique,  ce  qui  est  fort  douteux,  il  faudrait  la  rappro- 
cher des  autres  hallucinations  du  même  genre  chez  des  scrupu- 
leux, ce  serait  le  meilleur  moyen  d'en  comprendre  la  nature. 

Il  faut  aussi  rattacher  au  même  groupe  les  cas  suivants  qui  me 
paraissent  particulièrement  intéressants.  Un  jeune  homme  de 
20  ans,  Voz...,  vient  se  plaindre  d'un  trouble  singulier  :  il  est  dis- 
trait dans  ses  études  et  dans  ses  plaisirs  par  un  spectacle  gênant, 
il  voit  sans  cesse  devant  lui  un  mur,  et  ce  mur  il  le  reconnaît  bien  : 
c'est  celui  de  la  première  cour  du  lycée.   Il  est  aussi  gêné  dans 


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LES  inriES  OBSEDANTES 

cur  il  marche  saus  cesse  étroitement  environné 
IX  en  avant  et  deux  derrière  lui.  Ce  sont  4  arbres 
a  cour  du  lycée.  Enfin  il  est  encore  plus  embar- 
oit  des  chaînes  ou  des  cordes  qui  sont  tendues 
enroulent  autour  des  arbres  précédents  et  qui  lui 
n\  Rp...,  un  homme  d'une  trentaine  d'années, 
udier  avec  M.  le  P""  Raymond,  voit  passer  devant 
2;e  à  une  distance  d'à  peu  près  5  mètres.  Ce  pér- 
it presque  toujours  le  directeur  d'une  grande 
l'air  souriant,  tantôt  l'attitude  et  le  visage  cour- 
it.  Ces  cas  pourraient  être  multipliés  facilement, 
éalité  très  nombreux. 

es  se  présentent  avec  l'apparence  d'hallucinations  : 
jnomènes  psychologiques  qui  semblent  dans  la 
ijet  se  confondre  avec  le  phénomène  de  la  per- 
™e,  quoique  pour  un  observateur  placé  en  dehors 
lit  pas  d'objet  réel  en  rapport  avec  cette  percep- 
it  représenter  un  système  d'images  correspondant 
paraissent  avoir  l'apparence  de  l'extériorité,  et 
manière  irrésistible.  Aussi  le  sujet  les  donne-t-il 
nations.  Le  jeune  Voz...,  Claire  et  Rp...  viennent 
ecin  en  demandant  à  être  guéris  de  leurs  halluci- 

se  borne  à  une  observation  superficielle,  on  les 
nent  pour  des  hallucinés.  Cependant  l'existence 
complètes  serait  un  fait  singulier  chez  les  scru- 
nt  ces  malades  qui  n'arrivaient  pas  h  l'impulsion 
xécution  réelle  de  leurs  idées,  arrivent-ils  à  la 
umplète  qui  est  un  phénomène  du  même  genre.  Il 
nettre  qu'après  un  examen  démonstratif. 

ipart  de  ces  malades,  ces  prétendues  hallucinations 
h  l'examen.  «  Tout  objet  blanc,  disait  Lod...,  me 
stie,  surtout  quand  il  est  sale,  me  force  a  regarder 
5,  quand  je  regarde,  je  vois  bien  que  je  me  suis 
ait  qu'un  crachat  par  terre.  »  Lise  reconnaît  même 
'  s'avance  dans  son  délire  presque  jusqu'au  mo- 
is hallucinations,  mais   qu'elle  s'arrête  en  deçà. 


lie  ce  cas  à  la  Sociélc  de  psychologie.  Bulletin  de  l'Institut  p$y- 
[,  p.  i88. 


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LA  TENDANCE  A  LA  REPRÉSENTATION,  LU ALI.UCINATION  SYMBOLIQUE     91 

«  Dans  mes  grandes  peurs  du  démon  je  sentais  que  j'allais  com- 
mencer à  voir  quelque  chose  mais  à  ce  moment  je  m'arrêtais.  »  Il 
ne  faut  pas  se  tromper  au  langage  de  We...  Elle  ne  voit  pas 
dans  le  ciel  des  croix  et  des  saintes,  elle  cherche  si  elle  les  voit, 
ce  qui  n'est  pas  la  même  chose.  «  J'ai  peur  de  les  voir,  je  veux 
voir  si  franchement  je  les  vois.  »  Tout  cela  ne  ressemble  pas  à  de 
rhallucination. 

En  réalité  il  ne  reste  qu'un  très  petit  nombre  de  cas  embarras- 
sants. Mais  on  peut  alors  faire  sur  ces  hallucinations  les  remarques 
suivantes,  i"  Ces  hallucinations  ne  sont  pas  complètes  et  sont 
loin  de  présenter  toutes  les  couleurs,  tous  les  détails  que  l'on 
verrait  dans  un  objet  réel,  il  en  résulte  qu'elles  sont  vagues  et 
manquent  de  netteté.  Il  faut  insister  un  peu  et  ne  pas  trop 
inquiéter  les  malades  en  mettant  en  doute  leurs  hallucinations 
pour  obtenir  tous  les  aveux  sur  ce  point.  Xa..  qui  dessinait 
le  couteau  au  travers  de  la  figure,  remarque  bien  que  la  figure  est 
devinée  plutôt  qu'elle  n'est  vue.  «  J'ai  besoin,  dit-elle  avec 
naïveté,  de  dessiner  cette  image  pour  me  rendre  bien  compte  de 
ce  qu'elle  représente.  »  Quoique  Claire  semble  voir  les  images 
les  plus  terribles,  il  est  facile  de  constater  que  ce  spectacle 
manque  beaucoup  de  précision.  Il  est  impossible  de  lui  faire  dire 
la  forme  de  ce  prétendu  membre  viril,  la  place  qu'il  occupe  par 
rapport  à  l'hostie.  Elle  n'ajafnaissu  me  dire  s'il  il  était  à  la  droite 
ou  à  la  gauche  de  l'hostie  et  dans  bien  des  cas,  elle  s'embrouille 
encore  davantage  :  c'est  quelque  chose  qui  doit  être  comme  un 
membre  viril  sans  qu'elle  sache  bien  ce  que  c'est.  «  En  tous  cas 
je  suis  bien  cpnvaincue  que  c'est  quelque  chose  de  sale.  »  Pour 
une  image  visuelle,  c'est  peu  net. 

Le  dernier  jeune  homme  Rp.,.  serait  fort  embarrassé  pour 
décrire  le  personnage  qu'il  voit,  car  il  a  trop  peur  pour  le 
regarder,  il  sait  qu'il  le  voit,  mais  en  réalité,  il  ne  Ta  jamais  bien 
vu.  Les  hallucinations  de  Jean  malgré  leur  précision  apparente 
sont  tout  à  fait  du  même  genre.  Ces  figures^sont  vagues,  efiacées, 
«  c'est  comme  si  je  la  voyais,  c'est  comme  si  elle  me  parlait  ».  Ce 
sont  des  images  sans  couleur  et  des  paroles  sans  bruit.  Le  plus 
souvent  ces  images  semblent  même  s'effacer  encore  plus.  «  Je  ne 
vois  pas  le  fantùme  de  M...  puisqu'elle  est  derrière  mon  dos, 
mais  je  sais  qu'elle  y  est.  »  11  arrive  à  employer  à  ce  propos  un 
mot  qui  est  intéressant.  «  je  ne  vois  pas  tout  à  fait,  dit-il,  cela 
reste  implicite.  »    Il  entend  par  là   qu'il  n'y   a  presque  aucune 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

se,  qu'il  y  a  à  peine  un  petit  signe  vague  qui  suffit 
r.  «  Je  n'ai  rien  dans  l'idée  qui  soit  précis,  je  ne  vois 
e,  je  n'entends  pas  sa  voix,  je  ne  murmure  pas  son 
sndant  je  sais  que  je  pense  tout  le  temps  à  elle  ». 
5  pouvais  guère  me  contenter  de  cette  obsession  per- 
îuse  qui  n'était  rien,  qui  ne  consistait  en  aucun  fait 
ne,  j'ai  insisté  et  Jean  prétend  avoir  fait  dans  certains 
larque  curieuse.  «  Charlotte  a  en  réalité  une  voix  très 
rouler  les  r.  Cette  prononciation  m'a  frappé  et  quand 
ié  implicitement  je  sens  dans  la  bouche,  sur  la  langue, 
•es  petit  roulement  d'r.  Cela  suffit,  je  sais  que  je  pense 
l  à  Charlotte.  »  Dans  d'autres  cas  il  sent  dans  son 
e  si  une  lettre  de  son  nom  était  écrite.  C'est  à  ces 
petites  que  se  réduisent  les  obsessions  et  c'est  lui 
comme  conclusions  toutes  ces  prétendues  hallucina- 
•emarque  intéressante,  c'est  que  ces  hallucinations 
3nt  beaucoup  souffrir  les  malades,  «  plus  c'est  vague 
,  plus  c'est  odieux  ».  Le  défaut  de  précision,  disait 
ig,  donne  un  sentiment  de  terreur  tout  particulier  : 
;  a  l'étudier  avec  plus  de  soins  en  parlant  de  l'inquié- 
malades. 

pas  une  pure  diminution  dans  'l'intensité  des  images, 
ut  de  complexité  :  des  catégories  essentielles  d'images 
tement  défaut.  Il  est  impossible  d'ajouter  les  images 
nt  et  de  préciser  l'hallucination.  Chez  les  hystériques 
es,  on  peut  faire  naître  l'hallucination  en  éveillant 
it  du  sujet  les  images  les  unes  à  la  suite  des  autres, 
autrefois  que  cette  complexité  croissante,  ce  dévelop- 
omatiquc  des  éléments  de  l'idée  jouaient  un  grand 
hallucination  *.  Mais  ici  les  malades  n'arrivent  pas  à 
et   l'attention   supprime  au   contraire   le  peu    qu'ils 

:oup  d'auteurs  et  en  particulier  M.  Séglas  ont  aussi 
ue  ces  hallucinations  n'avaient  pas  le  caractère  de 
si  important  dans  la  perception  et  dans  les  halluci- 
nplètes.  Cette  -remarque  est  juste  pour  un  certain 
malades. 

ismc  psychologique,  1889,  p.  aoi,  accidents  mentaux  des  hystériques, 


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LA  TENDANCE  A  LA  REPRÉSENTATION,  L'HALLÙCINAtlON  SYMBOLIQUE    93 

Si  les  hallucinations  de  Jean  manquent  de  précision,  elles  man- 
quent aussi  d'extériorité,  il  est  disposé  à  les  localiser  dans  «  le  cer- 
velet »  ou  bien  dans  le  front  «  au  sommet  à  droite,  où  elles  ont 
fini  par  déterminer  comme  une  saillie  de  Tos  ».  Aussi  reconnaît-il 
lui-même  la  nature  du  phénomène  «  c'est,  dit-il,  mon  fou  rire 
cérébral.  »  Claire  est  très  embarrassée  quand  on  veut  lui  faire 
préciser  la  place  extérieure  de  son  image,  elle  croit  que  Ten- 
semble  est  à  gauche,  mais  elle  ne  sait  pas  bien  où.  «  D'ailleurs, 
si  elle  ne  peut  pas  bien  préciser  l'endroit,  ce  n'est  pas  de  sa  faute, 
Tobjet  est  trop  loin...  non  pas  trop  loin  en  distance...  c'est  au 
loin  comme  si  c'était  une  autre  personne  qui  le  verrait...  Cette 
autre  personne  verrait  que  c'est  bien  un  membre  viril,  verrait 
bien  sa  place,  moi  je  ne  le  vois  pas.  »  Sans  parler  ici  des  troubles 
de  la  personnalité  que  cette  phrase  révèle,  nous  noterons  seule- 
ment combien  la  localisation  extérieure  reste  vague. 

Cependant  je  n'oserai  pas  dire  que  ces  hallucinations  manquent 
tout  à  fait  d'extériorité,  comme  M.  Séglas  le  disait  a  la  Société 
psychologique.  Il  y  a  des  malades  qui  ont  le  sentiment  de  cette 
extériorité.  Voz...  voit  les  arbres,  le  mur,  les  chaînes,  en  dehors 
de  lui  :  «  c'est  bien  en  dehors  de  moi  puisque  cela  m'empêche  d'a- 
vancer, il  me  semble  que  cela  me  barre  le  chemin.  wRp...  soutient 
que  l'image  de  son  directeur  esta  5  mètres  devant  lui.  Même  pour 
les  malades  précéden-ts  Jean  et  Claire  qui  finissent  par  mettre 
l'hallucination  dans  leur  tête,  il  ne  faut  pas  conclure  trop  vite. 
C'est  quand  on  les  interroge,  quand  on  les  force  à  réfléchir  qu'ils 
hésitent  à  considérer  leur  image  comme  extérieure.  Au  début 
quand  ils  parlent  spontanément  ils  affirrpent  que  l'image  appa- 
raît «  devant  eux,  à  l'extérieur  ».  Pourquoi  donc  changent-ils  d'avis 
à  la  réflexion,  c'est  qu'ils  sont  eux-mêmes  étonnes  qu'une  image 
puisse  être  extérieure  quand  elle  manque  d'un  caractère  essentiel 
des  choses  extérieures. 

3®  Le  fait  le  plus  important,  en  eflTety^ce  n'est  pas  précisément 
que  ces  images  manquent  d'extériorité,  c'est  qu'elles  manquent  rfe 
réalité.  Ce  caractère  très  important  se  rattache  au  sentiment  de  la 
croyance,  de  la  certitude.  Un  objet  nous  paraît  réel  quand  nous 
mettons  tous  nos  actes,  tous  nos  sentiments  en  accord  avec  l'image 
qu'il  présente.  Or,  nos  sujets  se  rendent  compte  que  cette  hallu- 
cination n'est  pas  pour  eux  une  réalité.  Ils  disent  eux-mêmes  que 
ce  sont  «  des  sortes  d'hallucinations,  »  «  des  irréalités  ».  Leur  tour- 
ment consiste  précisément  à  douter  de  la  réalité  de  ces  images,  à 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

jr  leur  existence.  L'une  de  ces  malades  se  demande 
îlle  a  la  vocation  religieuse  ;  elle  suppose  que  cette 
Ile  existait,  se  manifesterait  par  des  signes  divins, 
e  saintes  dans  le  ciel.  Aussi  se  demande-t-elle  tout 
le  a  vu  des  saintes  dans  le  ciel:  un  moment  elle  vous 
rinstant  après  elle  reconnaît  qu*elle  serait  bien  fâchée 

Le  malade  qui  voit  passer  le  directeur  de  TEcole  est 

cas;  il  a  la  manie  des  présages,  pour  se  décider  à 
ens  ou  dans  l'autre  malgré  son  aboulie  il  veut  voir 
ecteur  souriant  ou  menaçant,  et  il  s'interroge  pour 
bien  vu.  Non  seulement  ce  sentiment  de  réalité  ex- 
éfaut,  mais  il  est  curieux  de  remarquer  qu'il  n'appa- 
Si  ce  phénomène  ne  différait  de  l'hallucination 
par  un  moindre  de^ré,  il  devrait  par  le  progrès  de 
rapprocher  du  sentiment  de  la  réalité.  Eh  bien,  si 
rrivaient  jamais  à  la  conviction  de  leurs  hallucina- 
ent  guéris,  ou  du  moins  ils  changeraient  la  nature 
e,  ce  que  nous  n'observons  pas.  Ces  images  mêmes, 
raissent  vaguement  extérieures  avant  la  réflexion, 
irs  pour  eux  irréelles  et  douteuses. 
:inations  présentent  encore  un  autre  caractère  impor- 
elles  sont  symboliques  :  elles  ne  sont  pas  constituées 
entation  d'un  objet  intéressant  en  lui-même,  mais 
Il  d'un  signe  qui  résume  une  quantité  d'autres  pen- 
2  du  symbole  est  si  importante  chez  les  scrupuleux 

pouvons  l'étudier  ici  d'une  manière  incidente,  il 
1er  ce  caractère  qu'elle  donne  à  l'hallucination, 
iprès  ces  observations  que  les  hallucinations  des 
nt  loin  d'être  identiques  aux  hallucinations  com- 
»tériques  et  des  alcooliques.  C'est  la  conclusion  à 
ennent  de  nombreux  auteurs  en  particulier  M.  Pick  * 
te^.  On  pouvait   leur  appliquer  le  mot  de  pseudo- 

qui   a  été  proposé  par  le  D*"  Kandinsky  à  propos 
i  même  genre  ^.  Un  malade  croit  changer  de  natio- 


rague,  Ueber)  die  Bcziehungen  zwischen  Zwangsvorstellungen  unci 
J^rager  med.   Wocheiischr.t  1895. 

î,  Des  hallucinations  dites  psychiques.  Bulletin  de  la  Société  de  nié- 
Belgique,  juin  1898. 

sky,    Observations    cliniques   sur    les   iiallucinations    sensorielles, 
'rvenlieilhunde,  188/4,  cité  iiar  \V.  James,  Psyciiohgy  U,  116. 


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LA  TENDANCE  A  LA  CROYANCE  ET  LA  CRITIQUE  DE  L'OBSESSION      95 

nalîté  et  devenir  sujet  anglais,  h  ce  propos  il  çoil  apparaître  un 
lion  qui  lui  met  les  pattes  sur  les  épaules.  [1  remarque  lui-même 
qu'il  n'a  pas  été  effrayé  comme  il  l'aurait  été  par  un  lion  véritable, 
il  comprenait  bien  que  c'était  un  emblème  national  anglais.  Nos 
malades  comprennent  de  même  que  ces  prétendues  images  ne 
sont  que  des  emblèmes,  des  symboles  pour  résumer  de  longues 
méditations  et  rendre  en  quelque  sorte  l'idée  plastique,  ils  ne"  les 
prennent  pas  pour  des  réalités  comme  feraient  les  vrais  hallu- 
cinés. 

Nous  pouvons  donc  répondre  d'une  manière  plus  complète  au 
problème  posé  au  début  de  ce  paragraphe.  Si  nous  laissons  de 
côté  les  obsédés  hystériques  qui  ont  des  hallucinations  incontes- 
tables, les  scrupuleux  peuvent-ils  présenter  ce  phénomène  ?  Ils 
présentent  sans  doute  une  certaine  apparence  d'hallucination,  les 
pseudo-hallucinations  ou  les  hallucinations  symboliques,  mais 
M.  Falret  avait  raison  de  faire  observer  qu'ils  ne  présentent  pas 
l'hallucination  proprement  dite. 

Ici  encore  nous  voyons  une  tendance  vers  la  représentation 
hallucinatoire  qui  n'aboutit  pas  complètement.  Le  sujet  semble 
pousser  la  représentation  aussi  loin  que  possible.  Il  s'entête  avoir 
apparaître  l'image  extérieure  et  réelle,  il  la  cherche,  mais  il  ne 
la  voit  pas  réellement,  c'est  encore  une  sorte  de  manie  de  l* hallu- 
cination plus  que  l'hallucination  réelle. 


4.  —  La  tendance  à  la  croyance  et  la  critique  de 
l'obsession. 

Si  Tobsession  est  loin  de  se  réaliser  complètement,  si  les  hallu- 
cinations qui  l'accompagnent  quelquefois  sont  loin  d'être  com- 
plètes, le  malade  accepte-t-il  au  moins  comme  une  croyance  les 
idées  qu'il  vient  d'exprimer?  Il  est  facile  de  constater  que  ce  nou- 
veau caractère  n'est  pas  plus  complet  que  les  précédents.  On 
constate  en  eflet  presque  toujours  très  facilement  que  le  malade 
est  le  premier  à  mettre  en  doute  les  sacrilèges,  les  accusations 
dont  il  semble  si  préoccupé. 

Ce  caractère  se  manifeste  déjà  par  des  traits  de  la  conduite  des 
malades.  On  les  voit  venir  spontanément,  seuls,  chez  le  médecin 


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oc  LÈS  IDÉES  OBSÉDANTES 

et  chez  le  médecin  aliéniste  ;  ils  demandent  à  être  soignés  à  cause 
de  certaines  idées  qu'ils  désignent.  Ils  savent  donc  très  bien  qu'ils 
ont  des  idées  fausses  et  ils  savent  quelles  sont  ces  idées  fausses  ; 
car  jamais  ils  ne  parleront  des  autres  au  médecin.  D'autre  part, 
il  est  facile  de  remarquer  qu'en  présence  des  étrangers  ils 
savent  admirablement  dissimuler  ces  mêmes  idées,  ce  qu'ils  ne 
feraient  évidemment  pas,  s'ils  les  croyaient  exactes.  Claire  qui 
s'accuse  de  tout  avec  un  tel  désespoir,  qui  se  roule  par  terre 
en  gémissant,  se  relève  dès  qu'elle  entend  sonner  à  la  porte,  ra- 
juste bien  vite  sa  toilette,  se  montre  correcte  et  même  gaie  avec 
les  personnes  étrangères  qui  viennent  d'entrer  pendant  une  de 
ses  crises  :  elle  accepte  même  des  compliments  sur  sa  conduite. 
Lise,  dans  son  salon,  ne  laisserait  jamais  soupçonner  ce  qu'elle 
pense  :  bien  mieux,  elle  joue  une  sorte  de  comédie,  car  elle  af- 
fecte de  se  moquer  des  gens  superstitieux  et  il  parait  que  bien 
des  personnes  trouvent  qu'elle  verse  avec  exagération  dans  le 
camp  des  libres  penseurs.  Rob...  s'accuse  de  ne  pas  rendre 
exactement  la  monnaie  aux  clients  qui  se  présentent  à  la  caisse. 
On  lui  a  proposé  cent  fois,  quand  elle  est  dans  une  grande  crise, 
d'envoyer  un  employé  à  l'adresse  du  client  pour  vérifier  le  compte, 
et  lui  offrir  une  réparation  ;  elle  n'a  jamais  voulu  accepter. 
N'est-ce  pas  une  preuve  manifeste  qu'elle  sait  bien  au  fond 
avoir  fait  un  compte  exact  ? 

Les  déclarations  des  malades  sont  d'ailleurs  en  parfait  accord 
avec  ces  observations  relatives  à  leur  conduite.  Ces  personnes 
n'hésiteront  pas  à  vous  dire  :  «  Je  sais  très  bien  que  je  n'ai  fait 
aucun  mal,  il  est  inutile  d'interroger  personne  pour  vérifier  ». 
Lod...  ou  Claire  qui  se  déclarent  des  misérables  plus  coupables 
que  les  plus  grands  criminels  ne  peuvent,  si  on  insiste,  découvrir 
une  faute  précise  à  avouer,  et  elles  finissent  par  se  fâcher  'si 
j'examine  devant  elles  les  fautes  qu'une  jeune  fille  peut  commettre 
en  leur  demandant  sérieusement  si  elles  les  ont  commises.  «  Si 
une  personne,  disait  Lise,  me  racontait  la  moitié  des  choses  que 
je  viens  vous  dire,  je  la  croirais  complètement  folle.  »  Un  détail 
fort  curieux  chez  elle,  c'est  qu'elle  a  une  sœur  moins  âgée  qui 
commence  exactement  le  même  délire.  Lise,  le  reconnaît  parfai- 
tement, elle  suit  avec  chagrin  la  marche  de  la  maladie  mentale 
chez  sa  sœur  :  «  Dieu  que  ma  sœur  est  bête  de  penser  les  mêmes 
sottises  que  moi.  » 

Nadia  répète  sans  cesse  nu  milieu  de  ses   plus   grandes  agita- 


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LA  TENDANCE  A  LA  CROYANCE  ET  LA  CRITIQUE  DE  L'OBSESSION      97 

lions  :  «  Je  trouve  ces  idées  ridicules,  je  les  méprise  moi-même, 
je  voudrais  tellement  être  en  dehors  de  ces  petites  misères  qui  me 
tourmentent  tellement,  je  ne  pourrais  donc  jamais  renvoyer  ces 
idées  que  je  déteste,  c'est  mon  destin  qui  le  veut  ainsi.  Il  est 
encore  bien  plus  triste  de  savoir  ce  que  valent  toutes  ces  belles 
idées  et  de  ne  pouvoir  m'en  débarrasser,  tout  en  reconnaissant 
combien  elles  sont  sottes  ».  Jean  lui-même  ne  peut  pas  s'empê- 
cher de  se  trouver  ridicule:  «  l'odieux,  l'absurde,  le  ridicule  d'une 
maladie  comme  celle-là,  dit-il  souvent,  est  inqualifiable  ».  «  Le 
second  homme  qui  est  en  moi,  ditRk...,  ^e  moque  terriblement 
de  moi  et  de  mes  sottises.  » 

Après  ces  constatations,  il  faut  cependant  faire  des  réserves 
qui  ne  sont  pas  toujours  suffisamment  faites  quand  on  parle 
de  la  conscience  de  ces  obsessions.  11  ne  faut  pas  aller  jus- 
qu'à dire  que  ces  malades  ne  croient  pas  du  tout  à  la  réalité  de 
leurs  obsessions.  S'il  en  était  ainsi,  ils  n'auraient  aucune  souf- 
france, aucune  maladie. 

Quand  sur  un  point  particulier,  on  peut  les  amener  à  mieux 
comprendre  l'absurdité  de  leur  idée,  ils  en  sont  pour  un  temps 
plus  ou  moins  long  débarrassés.  Par  exemple,  j'explique  à 
Lise  avec  beaucoup  de  peine  que  les  enfants  ne  sont  pas  respon- 
sables des  fautes  des  parents,  elle  finit  par  reconnaître  qu'elle  a 
compris  et  que  j'ai  raison;  k  la  suite  de  cette  démonstration, 
pendant  plusieurs  mois,  elle  renonce  à  vouer  ses  enfants  au  diable. 
Cet  heureux  effet  d'une  explication  montre  bien  que  ces  ma- 
lades n'avaient  pas  sur  ce  point  des  idées  bien  claires  et  qu'ils 
accordaient  une  certaine  croyance  à  leurs  obsessions  tout  en  ayant 
l'air  de  les  tourner  en  ridicule. 

D'ailleurs,  avec  un  peu  de  patience,  on  finit  par  leur  faire  avouer 
ce  sentiment.  Lise  reconnaît  parfaitement  qu'il  y  a  dans  ses 
idées  religieuses  sur  le  diable  un  fond  mystérieux  dont  elle  ne 
comprend  pas  bien  l'absurdité  ;  elle  comprend  mal  ce  qu'on  lui 
dit  sur  le  démon,  ou  ne  le  comprend  qu'un  Instant.  Jean  ou  Claire 
veulent  bien  déclarer  eux-mêmes  que  leur  maladie  est  ridicule, 
mais  ils  n'admettent  pas  qu'on  le  leur  déclare.  Si  on  insiste  sur  la 
négation  de  leurs  idées,  ils  se  tournent  du  côté  de  l'affirmative 
et  recommencent  à  nous  présenter  ces  débuts  d^actes  et  d'images 
hallucinatoires  qui  ont  été  décrits.  Il  faudrait  à  ce  propos  revenir 
sur   tous  les  caractères  positifs  de  l'obsession,  car  ceux-ci  nous 

LES    OBSESSIONS.  L     —    7 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

ni  bien  que  l'idée  absurde  a  bien  une  certaine  réalité,  une 
e  puissance  dans  Tesprit  des  malades  et  par  conséquent 
as  sans  une  certaine  croyance. 

ment  se  mêlent  alors  et  se  juxtaposent  cette  critique  qui 
aller  jusqu'au  défaut  de  croyance,  à  la  négation  et  cette 
2e  à  Faction,  à  la  représentation  qui  forme  une  croyance  ? 
1  on  peut  dire  que  les  deux  phénomènes  n'existent  pas 
nément.  La  croyance  n'existerait  que  dans  les  périodes  de 
la  critique  dans  les  périodes  de  lucidité.  Cela  est  vrai  en 
5t  il  y  a  des  moments  de  crise  que  nous  étudierons  plus 
îment  ou  la  croyance  est  certainement  plus  grande.  Mais 
ois  pas  que  la  différence  entre  la  crise  et  l'état  de  lucidité 
lais  tranchée  comme  elle  l'est  chez  les  hystériques.  Ces 
5  n'arrivent  jamais  ni  a  croire  complètement,  ni  à  nier 
tement,  leur  délire.  Ils  restent  dans  un  état  intermédiaire 
de  contradictions  ;  ils  reconnaissent  que  leur  idée  n'est 
forme  à  l'opinion  générale  et  qu'il  ne  faut  pas  l'exprimer 
lie  devant  des  gens  «  peu  au  courant  de  leur  situation  », 
ent  bien  être  malades  sur  un  point  mais  pas  sur  tous  et  le 
iivent  ils  oscillent  suivant  les  différents  moments  du  temps, 
îstent  donc  dans  un  état  de  doute  extrêmement  pénible 
)us  trouvons  un  type  dans  le  cas  de  Je...  Cette  femme  de 
[i  une  attitude  humble,  inquiète  et  cependant  agitée. «Je ne 
us  rien  faire  depuis  3  mois,  je  n'ai  plus  de  goût  à  rien,  je 
pas,  je  ne  peux  plus  m'habiller,  c'est  à  cause  de  ce  mal- 
ic  bonnet.  J'ai  volé  le  bonnet  d'une  de  mes  voisines...  Mais 
que  non,  je  sais  bien  que  je  ne  l'ai  pas  volé,  j'en  suis 
de...  Je  crois  l'avoir  volé  pas  pour  le  garder,  mais  pour  le 
ins  le  feu...  Mais  il  y  a  une  grille  autour  du  poêle  et  je 
pas  la  clé  pour  l'ouvrir...  etc.».  Elle  reste  dans  l'hésitation 
e.  Cet  état  de  doute  se  rattache  d'ailleurs  très  bien  aux 
écédemment  étudiés  :  la  croyance  résulte  de  ce  fait  que 
titièrement  développée  a  atteint  l'action  et  la  perception  : 
croyance  fait  agir  et  fait  voir.  Ces  deux  grands  caractères 
'oyance  étant  absents  il  est  tout  naturel  que  le  sujet  n'y 
ne  pas. 

voulu  faire  une  maladie  spéciale  de  ce  doute  sous  le  nom 
e  du  doute  (Legrand  du  Saulle),  puis  on  en  a  fait  une 
jn'  spéciale  (Arnaud).  Je  crois  que  le  doute  n'est  pas   une 


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DÉVELOPPEMENT  INCOMPLET  DE  LMDÉE  OBSÉDANTE  99 

obsession,  c'est  une  forme  que  peut  prendre  telle  ou  telle  obses- 
sion. Je...  doute  à  propos  du  bonnet  volé,  comme  Lise  h  propos 
des  enfants  voués  au  diable,  comme  Claire  a  propos  de  son  immo- 
ralité, comme  Jean  doute  de  la  méningite  qu'il  craint  de  s'être 
donnée  en  lisant  une  colonne  du  journal.  C'est  une  forme  générale 
que  prend  l'obsession  avec  développement  incomplet  chez  les 
scrupuleux. 

Ce  doute  général  chez  tous  est  plus  ou  moins  marqué  chez 
quelques-uns  et  peut  prendre  des  formes  plus  particulières  qui 
constituent  les  autres  formes  du  scrupule. 


S.  —  Développement  incomplet  de  Vidée  obsédante. 

Je  viens  d'étudier  quatre  caractères  de  l'obsession  scrupuleuse  : 
la  durée  et  la  reproduction  facile  de  l'idée,  la  tendance  à  l'action, 
la  tendance  à  la  représentation  hallucinatoire,  la  croyance,  parce 
que  ces  caractères  déterminent  l'importance  et  le  rôle  des  idées 
et  indiquent  le  degré  de  leur  développement. 

On  comprend  facilement  la  signification  de  ces  caractères  en 
étudiant  les  suggestions  hypnotiques  ou  certaines  idées  fixes  des 
hystériques.  Pour  le  montrer  je  rappellerai  en  deux  mots  un  cas 
remarquable  sur  lequel  j'ai  déjà  longuement  insisté  '.  Depuis  20  ans 
Justine  est  obsédée  par  l'idée  d'une  maladie,  celle  du  choléra.  Il 
lui  suffit  de  penser  à  une  maladie,  de  voir  un  hôpital,  de  sentir 
l'odeur  de  l'acide  phénique  pour  que  son  esprit  soit  envahi  par 
cette  idée.  Elle  pousse  alors  des  cris  de  terreur,  contracture  ses 
jambes,  vomit,  perd  les  urines  et  les  selles.  En  même  temps  elle 
entend  le  glas  des  cloches,  entend  des  voix  crier  a  choléra,  cho- 
léra »,  voit  des  cadavres  de  cholériques,  sent  leur  odeur,  etc.  ; 
elle  est  convaincue  qu'elle  est  atteinte  du  choléra,  elle  l'a  môme 
en  réalité  autant  que  cela  est  possible. 

A  cet  exemple  ancien  je  voudrais  ajouter  un  fait  du  même 
genre  tout  aussi  caractéristique.  Lee...,  jeune  femme  de  25  ans, 
déjîi  gravement  atteinte  d'hystérie,  qui  a  déjà  eu  des  attaques 
et  de  la  chorée  par  imitation  d'une  danse  de  Saint-Guy,  a  décou- 
vert un  jour  que   son    amant    la    trompait  avec   une  jeune   fille 

1.  Névroses  et  idées  fixes,  I,  p.  i5g. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

le  connaît  bien.  De  là  une  jalousie  féroce  et  Tidée  fixe  de  la 
eance  :  elle  pense  constamment  à  cette  vengeance,  s'en 
isente  d'avance  toutes  les  péripéties  ;  elle  veut  tuer  sa 
B  dans  les  bras  de  l'amant  coupable  et  pour  échapper 
îonséquences  elle  veut  se  tuer  elle-même.  Cette  idée  gran- 
se  précise  de  plus  en  plus,  si  bien  qu'un  jour  Lee...  un 
ver  à  la  main,  s'embusque  à  une  fenêtre  et  quand  elle  voit 
jr  sa  rivale  dans  une  voiture  près  de  son  amant,  elle  tire 
coups  sur  eux,  s'enfuit  et  va  se  jeter  dans  la  rivière.  Ces 
très  réels  n'eurent  heureusement  aucune  conséquence 
;  :  personne  ne  fut  atteint  et  Lee...  fut  retirée  de  la  rivière 
lement  évanouie.  Comme  on  reconnut  son  état,  on  se  borna 
;ransporter  à  la  Salpêtrière  dans  le  service  de  M.  Raymond, 
le  présente  à  tout  instant  l'accident  suivant  :  à  propos  de  la 
dre  chose,  parce  qu'elle  regarde  dans  la  cour,  parce  qu'elle  voit 
naïade  causer  avec  un  homme,  parce  qu'on  prononce  un  mot 
lit  elle,  la  voici  qui  se  trouble,  cesse  de  parler  et  garde  les 
fixes.  Elle  se  dirige  vers  une  armoire  et  semble  y  prendre  un 
qu'elle  garde  dans  la  main  droite  ;  elle  s'approche  de  la 
re,  regarde  dans  la  cour  avec  un  air  de  fureur,  tend  son  bras 
,  semble  décharger  un  revolver  en  poussant  un  cri,  puis  se 
\  courir  en  travers  de  la  salle,  elle  finit  par  se  jeter  par  terre 
ste  évanouie.  En  un  mot  elle  joue  de  nouveau,  mais  cette  fois 
réalité  extérieure,  la  scène  du  meurtre  et  du  suicide.  Des 
cinations  nombreuses  ont  simplement  remplacé  les  percop- 
absentes  puisque  les  circonstances  ont  changé. 

ns  ces  observations  on  peut  noter  entre  autres  faits  impor- 
les  caractères  suivants,  i**  Pendant  une  longue  période,  plus 
»  ans  chez  Justine,  Tidée  réapparaît  subitement  à  propos  de 
ines  associations  d'idées,  comme  si  on  déclenchait  un  ressort 
lit  fonctionner  un  mécanisme  automatique  sans  aucun  effort 
jet.  2**  Le  passage  de  l'idée  a  l'acte  est  étonnamment  rapide  et 
let.  Les  mouvements,  les  actions  en  rapport  avec  l'idée  fixe 
mmédiatemcnt  exécutés  et  d'une  manière  aussi  complète  que 
ble,  étant  données  les  circonstances.  3°  On  constate  aussi  le 
ge  également  rapide  et  complet  de  l'idée  à  l'hallucination  qui 
lit  tous  les  sens  et  se  présente  avec  le  plus  grand  degré  de  com- 
:é  et  de  réalité.  /|"  Le  sujet,  au  moins  pendant  une  période  dé- 
née  est  absolument  convaincu  de  la  réalité  de  son  idée  fixe. 


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DÉVELOPPEMENT  INCOMPLET  DE  L*IDÉE  OBSÉDANTE  101 

J'ai  essayé  souvent  de  résumer  ces  caractères  essentiels  de 
la  suggestion  hystérique  par  la  notion  du  développement  des 
idées.  Une  idée,  en  effet,  peut  être  considérée  comme  un  en- 
semble, un  système  d'images  empruntées  à  divers  sens  *,  ayant 
chacune  des  propriétés  spéciales  et  diversement  coordonnées  les 
unes  avec  les  autres.  La  pensée  d'un  bouquet  de  roses  ou  la 
pensée  d'un  chat,  de  même  que  la  pensée  d'assassiner  ou  de 
donner  ses  enfants  au  diable  est  toujours  au  fond  un  système  de 
ce  genre  plus  ou  moins  compliqué.  Ce  qui  donne  aux  idées  des 
aspects  très  particuliers  et  distincts  les  uns  des  autres,  c'est  le 
degré  de  développement  que  peut  présenter  ce  système.  Le  plus 
souvent  ces  systèmes  se  reproduisent  dans  notre  esprit  d'une  façon 
tout  h  fait  spéciale  ou  abrégée,  par  exemple  l'image  sonore  ou 
kinesthésique  du  mot  fleuron  du  mot  chat 'se  reproduira  seule 
ou  h  peu  près  et  suffira  pour  représenter  tout  le  système  com- 
plexe dont  elle  n'est  qu'un  petit  élément.  L'effort  de  la  pensée 
consiste  dans  ce  cas  non  à  développer  l'idée  de  fleur  ou  l'idée  de 
chat  mais  à  adapter,  à  coordonner  cette  image  rapide  avec  les 
sensations  nouvelles  et  actuelles  de  manière  à  constituer  et  à 
développer  jusqu'au  bout  d'autres  systèmes  d'images  dont  les 
premiers  ne  sont  que  des  éléments. 

Au  contraire,  une  idée  peut  se  développer  complètement 
lorsque  tout  le  système  d'images  qu'elle  contient  en  puissance  se 
réalise  complètement,  que  les  diverses  images  apparaissent 
simultanément  ou  à  la  suite  les  unes  des  autres  en  conservant 
leur  coordination.  En  effet,  ces  images  sont  rattachées  les  unes 
aux  autres  de  telle  sorte  que  la  présence  de  l'une  d'entre 
elles  suffit  pour  évoquer  les  autres  dans  un  ordre  déterminé. 
Chaque  image  entraîne  avec  elle  les  conséquences  physiolo- 
giques ou  psychologiques  qui  en  dépendent,  les  unes  détermi- 
nant des  mouvements  des  muscles,  les  autres  des  mouve- 
ments des  organes  sensoriels,  les  autres  des  modifications 
vasculaires  et  des  états  d'émotion.  Il  est  facile  de  constater  que 
toutes  les  idées  qui  parviennent  à  cette  seconde  forme  de  déve- 
loppement complet  envahissent  complètement  l'esprit  du  sujet  et 
sont  accompagnées  de  conviction  profonde.  Au  contraire  les 
idées  qui  en  restent  a  la  première  forme  sont  vagues,  n'occupent 


I.  Aulomalisnie  psychologique,  1889,  p.  2*^-  Accidents  mentaux  des  hystériques, 
1893,  p.  a3  ;  Névroses  et  Idées  fixes,  1898,  I,    163. 


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LES  IDÉES  OBSÉDANTES 

>etite  partie  de  l'esprit  et  peuvent  n'être  accompagnées 
;  croyance. 

it  très  bien  par  les  expériences  de  suggestion  le  passage 
de  la  première  forme  à  la  seconde  quand  dans  Tcsprit  du 
lée  se  développe,  c'est-à-dire  déroule  tous  les  cléments 
ontenait  implicitement  grâce  à  l'éducation  antérieure  et 
plus  en  plus  à  se  compléter.  Le  sujet  passe  de  l'idée 
!  à  l'idée  concrète  qui  lui  paraît  de  plus  en  plus  réelle  et 
e  il  accorde  le  plus  en  plus  de  croyance, 
crivant  la  manière  dont  se  présentait  l'idée  fixe  du  choléra 
tine  j'ai  pu  montrer  que  c'était  grâce  au  développement 
le  tous  les  éléments  contenus  dans  cette  idée  qu'elle 
prendre  cette  puissance  énorme  de  conviction  et  setrans- 
en  une  réalité  incontestable.  En  un  mot  toutes  ces  études 
s  brièvement  résumées  nous  amènent  à  penser  que  la 
m  est  en  rapport  avec  le  développement  que  les  idées 
t  actuellement  et  qu'au  contraire  le  défaut  de  croyance 
apport  avec  un  développement  tout  a  fait  incomplet  de 
es  idées. 

discuter  complètement  la  question  de  la  nature  de  la 
ne  pouvons  nous  pas  appliquer  à  nos  malades  scru- 
;  résultat  de  ces  anciennes  études,  ne  pouvonis-nous  pas 
lier  que  leurs  obsessions  n'entraînent  pas  la  convic- 
:e  que  ce  sont  des  idées  à  développement  très  incomplet, 
tte  did'érence  capitale  justement  remarquée  depuis 
3s  qui  a  donné  lieu  à  la  distinction  importante  entre  les 
es  admises  complètement  par  l'esprit  du  malade  et  les 
is  qui  restent  toujours  incomplètes  et  qui  n'entraînent  pas 
lion. 

e  que  nous  venons  de  faire  ne  nous  montre-t-elle  pas 
)oint  de  vue  l'obsession  des  scrupuleux  ne  présente  pas 
forme  que  celle  des  hystériques.  L'apparitionde  l'idée  est 
)  moins  nette  :  l'association  des  idées  qui  l'amène  est  beau- 
s  large  et  plus  vague.  Kllc  n'est  pas  due  au  déclenchement 
que  d'un  ressort,  mais  à  une  recherche  du  sujet.  L'exécu- 
rès  loin  d'être  complète  et  les  actes  quand  ils  existent  ne 
l'bauchés.  L'hallucination  n'est  qu'apparente  et  la  repré- 
i  ne  se  complète  pas  assez  pour  prendre  le  caractère  de 
ictérieure.   Nous  pouvons   résumer   ces  caractères  en  un 


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DÉVELOPPEMENT  INCOMPLET  DE  L*IDÉE  OBSÉDANTE  103 

mot.  L*obsession  des  scrupuleux  est  caractérisée  par  un  dévelop-/ 
pement  très  incomplet  des  éléments  contenus  dans  Tidée  et  elle 
diffère  sur  ce  point  de  la  suggestion  et  de  l'idée  fixe  hystérique 
où  ce  développement  est  aussi  complet  que  possible. 

Il  en  résulte  que  sur  ce  point  Tobsession  des  scrupuleux  se 
rapproche  des  idées  normales  caractérisées  elles  aussi  par  un 
développement  incomplet.  Sans  doute  nous  avons  observé  qu'il  y 
a  plus  de  durée,  plus  de  facilité  d'évocation,  plus  de  tendance  à 
l'acte  et  à  la  représentation  que  dans  lu  moyenne  des  idées  nor- 
males, surtout  si  Ton  tient  compte  du  contenu  de  ces  idées  et  du 
peu  d'importance  qu'un  homme  normal  leur  attacherait.  Le  degré 
de  développement  est  donc  plus  grand  que  dans  la  vie  normale, 
on  peut  dire  qu'il  est  variable  suivant  les  cas,  mais  qu'il  est  tou- 
jours intermédiaire  entre  le  faible  développement  normal  et  le 
développement  complet  des  suggestions  hystériques,  sans  arriver 
jamais  ni  à  l'un  ni  à  l'autre  terme.  Le  fait  le  plus  anormal  à  ce 
point  de  vue  c'est,  comme  nous  l'avons  remarqué,  la  durée  et  la 
fréquence  de  pareilles  idées  plutôt  que  leur  grand  développe- 
ment. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'après  cet  examen  on  ne  peut 
s'empêcher  de  constater  que  par  leur  force,  leur  degré  de  déve- 
loppement, leurs  éléments  positifs,  ces  obsessions  ne  diffèrent 
pas  énormément  des  pensées  normales  et  on  reste  étonné  du 
trouble  qu'elles  amènent  dans  la  vie  des  malades.  Pour  compren- 
dre ce  trouble  il  faut  donc  examiner  encore  ces  malades  à  d'autres 
points  de  vue,  chercher  les  autres  symptômes  qui  accompagnent 
leurs  idées  obsédentes  et  voir  si  ces  nouveaux  symptômes  ne 
donnent  pas  à  l'obsession  son  caractère  pathologique  et  sa  raison 
d'être. 


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F*  j^r, 


CHAPITRE  II 
LES  AGITATIONS  FORCÉES 

obsessions  proprement  dites,  c'est-a-dire  les  idées  repré- 
t  dans  Tesprit  du  sujet  des  événements,  des  objets  et  surtout 
ions  d'une  manière  générale  ne  nous  ont  pas  paru  avoir  un 
ppement  suffisant  pour  expliquer  la  maladie.  Il  existe  évidem- 
i'autres  phénomènes  pathologique  qui  s'ajoutent  a  Tobses- 
qui  déterminent  son  caractère  pénible  et  maladif.  Nous 
[uons  alors  que  les  mômes  malades  sont  tourmentés  par  un 
groupe  de  symptômes  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
sion  proprement  dite.  Ils  se  plaignent  que  sans  se  repre- 
nne idée  déterminée,  ils  sont  cependant  forcés  de  penser 
manière  exagérée,  que  leur  tête  travaille  malgré  eux, 
sont  de  même  forcés  d'accomplir  des  mouvements  au  moins 
s  et  de  remuer  sans  aucune  nécessité,  enfin  qu'ils  éprou- 
'une  manière  irrésistible  des  émotions  violentes  sans  que 
ci  soient  suffisamment  justifiées  par  les  circonstances  pré- 
Ces  opérations  très  diverses  semblent  quelquefois  s'cfTcc- 
propos  des  obsessions,  mais  elles  existent  très  souvent 
u'il  y  ait  une  obsession,  c'est-à-dire  une  idée  générale  bien 
5;  elles  constituent  un  autre  groupe  de  symptômes  plus 
s  que  les  premiers.  A  côté  des  idées  obsédantes  (Zwangs- 
lluugen),  comme  disait  très  bien  un  auteur  allemand, 
omsen,  il  y  a  des  processus  obsédants  (Zvvangsvorgânge)  * 
c  cadre  est  beaucoup  plus  large, 
processus  obsédants  ont  comme  caractère  essentiel  au 
apparent  de  se  développer  d'une  manière  presque  irrésis- 
sans  le  consentement  exprès  du  malade.  Quoique  ce  carac- 
oit  à  examiner  et  à    discuter,  on  peut  au  début   admettre 


lonison  (Bonn),  CiQntrihulion  à  rcHiuJc  clinique  des  idt'cs  obsédantes.  Arch. 
iair,  und  .\'ervenliranfih.,  XXVII,  iSy."). 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES  105 

l'importance  de  celte  apparence  et  en  tenir  compte  dans  la  désigna- 
tion de  ce  groupe  de  phénomènes.  Je  suis  très  embarrassé  pour 
adopter  un  terme  crénéral  qui  désigne  tous  ces  phénomènes  de  ma- 
nies mentales,  de  rumination  mentale,  de  tics,  d'agitations  motrices, 
de  phobies  d'angoisses,  et  cependant  je  crois  essentiel  de  les  réunir 
en  un  groupe  unique.  M.  J.  Donath,  de  Budapest*,  se  trouvant  en 
présence  de  la  même  difficulté,  a  proposé  le  mot  «  ananeasmes  »  de 
{àvaY>dfÇa),  forcer).  Le  mot  n'est  pas  san§  intérêt,  mais  il  est  si 
étrange  et  si  peu  usité  que  j'hésite  à  l'adopter  pour  titre  de  ce 
chapitre.  Les  Allemands  ont  des  expressions  assez  heureuses, 
«  Zwangsprocessus,  Zwangsvorgânge  »  :  je  me  borne  à  les 
traduire  en  y  ajoutant  cependant  un  détail.  Ces  opérations  forcées 
ne  sont  pas  des  opérations  normales,  ce  sont  des  opérations  de 
pensée,  d'acte,  d'émotion,  qui  sont  à  la  fois  excessives,  Stériles 
et  d'ordre  inférieur.  A  la  fin  de  ce  chapitre,  quand  nous  connaî- 
trons mieux  ces  opérations,  nous  verrons  combien  ces  caractères 
sont  importants.  Il  me  semble  que  le  mot  «  agitation  »  réunit 
assez  bien  ces  divers  caractères  :  aussi,  faute  de  mieux,  je  réunirai 
ce  second  groupe  de  symptômes  sous  ce  nom  w  les  agitations 
forcées.  » 

Les  agitations  forcées  peuvent  être  divisées  en  trois  groupes 
suivant  qu'il  s'agit  surtout  de  pensées,  de  mouvements  ou  de 
phénomènes  émotionnels^  en  remarquant  que  dans  chaque 
groupe  l'agitation  peut  se  présenter  d'une  manière  systématitpie 
ou  d'une  manière  diffuse.  On  peut  donc  au  début  de  cette  étude 
et  d'une  manière  tout  à  fait  sommaire  classer  ces  agitations  forcées 
d'après  le  tableau  suivant  dont  les  titres  seront  justifiées  ulté- 
rieurement: 

(  Systématiques,   les  manies 

1  , .  Los  .giUlions  menUlos.  .     .s  Q^^!^^^"i^     rumination 

1  [      mentale. 

Les  agitations  forcées  .  ,  ,-.  "  )  Systématiques,  les  tics. 

13.  Les  agitations  motrices.  .  .^  Diffuses,    les  crises  d'agi- 

]  (       tation. 

L,   ,  .     .        ,        .         „      <  Systématiques,  les  phobies. 

lo.  Les  acritations  émotionnelles. J  rvn*  / 

\  ^  f  Difluses,  les  angoisses. 

Dans  une  dernière  section  nous  réunirons  les  caractères  communs 
à  ces  différents  groupes. 

I.  J.  Donath  (Buda|>esth),  Archiv.  f.  Psychiatrie ^  1896. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


PREMIÈRE  SECTION 


LES    AGITATIONS    MENTALES 


i  remarquables  de  ces  agitations,  celles  qui  ont  le 
plus  étroit  avec  les  obsessions,  sont  des  agitations 
ies  opérations  d'ordre  intcllecluely  des  réflexions,  des 
ns,  des  recherches  qui  se  développent  rapidement 
des  heures  dans  Tesprit  du  sujet  ou  s'imposent  à  lui 
ère  en  apparence  irrésistible.  Quand  ces  agitations  de 
ont  systcniatiques  elles  constituent  les  tics  intellectuels 
t  Azam*,  les  stigmates  psychiques,  comme  les  appelait 
simplement  les  manies  mentales,  suivant  l'expression 
ui  me  semble  suffisamment  claire.  On  peut  remar- 
es opérations  mériteraient  presque  toujours  le  nom  de 
ntales  du  scrupule  car  il  s'agit  toujours  d'opérations 
Iles  interminables  à  propos  de  très  petites  choses  qui 
ans  l'esprit  du  sujet  une  place  tout  à  fait  dispropor- 
ïc  leur  importance  réelle. 

es  agitations  forcées  de  la  pensée  sont  diffuses,  elles 
5  phénomènes  connus  sous  le  nom  de  faite  de  la  peu- 
UismCy  de  rumination  mentale. 


-  Les  manies  mentales  de  l'oscillation. 

nicres  et  les  plus  typiques  de  ces  manies,  celles  que  le 
royance  caractéristique  de  l'obsession  nous  faisait  pré- 
es  manies  de  l'oscillation.  L'esprit  n'arrive  pas  a  une 
complète,  à  une  décision  unique,  mais  il  continue 
nt  à  osciller  entre  deux  termes.  Cet  état  de  doute 
igné  appelait  un  mol  oreiller  pour  les  tôtes  bien  faites 


}evue  scientifique,  1891,!,  p.  618. 


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LES  MANIES  MENTALES  DE  L'OSCILLATION  i07 

devient  pour  les  têtes  de  nos  malades  un  instrument  de  torture. 
Si  la  manie  porte  sur  des  idées,  des  représentations,  elle  prend  la 
forme  de  manie  du  doute  ou  de  Tinterrogation,  si  elle  porte  sur  des 
actes  elle  devient  la  manie  de  la  délibération  ou  de  Thésitation. 


I.  —  La  manie  de  l' interrogation. 

Beaucoup  de  malades  s'interrogent  à  propos  des  sensations 
elles-mêmes  :  Nadia  se  regarde  devant  la  glace  et  se  demande  si 
elle  est  pâle  oui  ou  non,  si  elle  est  aussi  pâle  qu'hier.  Vi...  en 
goûtant  la  soupe  se  demande  si  elle  a  oui  ou  non  le  goût  du  poi- 
son, ce  Je  doute  de  Tévidence,  dit  Za...  Quand  j'ai  fait  quelque 
chose  je  la  recommencerai  vingt  fois  et  la  vingtième  fois  je  ne 
serai  pas  sûr  de  l'avoir  faite  et  de  ne  pas  avoir  fait  un  crime  a  la 
place.  » 

Ils  s'interrogent  aussi  sur  leurs  sentiments.  Fa...  (169),  qui  a  des 
obsessions  criminelles  et  des  impulsions  à  tromper  son  mari,  se 
demande  si  elle  trouve  les  autres  hommes  mieux  que  son  mari 
ou  inversement,  et  Re...  (i4o)  cherche  indéfiniment  si  oui  ou  non 
elle  aime  son  fiancé. 

Naturellement  les  interrogations  porteront  bien  plus  souvent  sur 
les  souvenirs.  Lise  a-t-cllc  voué  son  enfant  au  bleu  ?  Il  serait  essen- 
tiel de  le  savoir:  certaines  circonstances  la  poussent  à  croire  que 
oui,  certaines  autres  h  penser  que  non.  Dès  que  la  considération 
des  unes  l'incline  à  une  opinion,  les  autres  se  présentent  avec  plus 
de  force  et  le  balancement  continue  pendant  des  heures  h  propos 
de  ces  souvenirs.  Bor...  a-t-elle  dit  des  blasphèmes  dans  l'église  ? 
Ce  n'est  ni  oui,  ni  non:  elle  ne  le  décide  jamais.  Lod...  a-telle  oui 
ou  non  de  mauvaises  pensées  ?  Il  lui  est  impossible  de  le  savoir. 
«  Je  me  crois  assassin,  dîtZa...,  empoisonneur,  le  dernier  des  cri- 
minels et  je  passe  mes  jours  et  mes  nuits  à  me  prouver  a  moi-même 
que  ce  n'est  pas  possible,  l'homme  sensé  qui  est  en  moi  répète  que 
c'est  le  comble  de  l'absurde,  et  cependant  je  ne  suis  calmé  que  pour 
un  moment  et  j'en  arrive  h  ne  plus  savoir  si  oui  ou  non  j'ai  commis 
ce  crime.  »  Zo...  recherche  si  elle  a  mis  des  épingles  dans  le 
dos  des  gens  et  examine  minutieusement  tous  les  mouvements 
qu'elle  a  accomplis. 

We...  cherche  de  même  si  elle  a  fait  vœu  d'être  religieuse, 
Bor...,  si  pendant  la  communion,  elle  a  poussé  son  voisin  du 
coude.  Je...,  si  elle  a  pris  un  timbre-poste  il  y  a  deux  ans.  «  Je  mç 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

ien  d*ètrc  entrée  dans  la  chambre  oii  était  ce  timbre, 
me  souviens  pas  de  la  position  qu'ont  gardée  mes  mains 
ce  qu'il  i'aut  retrouver.  »  C'est  toujours  l'instant  essen- 
t  oublié  et  qu'il  faut  rechercher  en  gémissant, 
^trouverons  ces  recherches  plus  importantes  encore 
res  manies  mentales  plus  complètes.  Ici  nous  notons 
l'indécision,  le  douteet  la  manie  de  l'oscillation  entre 
ions. 

Les  manies  de  l'hésitatiofiy    de  la  délibération. 

le  doute  porte  sur  des  actes,  il  prend  l'aspect  d'une 
,  d'une  délibération  interminable. 

i8),  jeune  fille  de  26  ans,  a  présenté  au  début  de  sa  mala- 
l'âge  de  20  ans,  une  manie  d'oscillation  très  curieuse 
teté.  Son  métier  consistait  à  faire  des  fleurs  en  porce- 
devait  prendre  un  pétale  en  pâte  tout  préparé  et  lui 
ec  le  doigt  une  courbure,  une  gaufrure  élégante.  Pen- 
emps,  elle  avait  fait  ce  travail  avec  succès  et  avec  rapidité, 
çut  qu'elle  travaillait  de   plus  en  plus  lentement,    puis 

pouvait  plus  terminer  aucun  pétale.  Au  moment  de 
courbure  à  la  pâte,  elle  pensait  h  une  forme  possible, 
;  autre  qui  serait  peut-être  plus  élégante,  elle  revenait  à 
re  forme,  puis  à  la  seconde  et  ainsi  indéfiniment  sans 
I  terminer  un  pétale. 

âgé  de  56  ans,  doit  renoncer  à  sa  situation  de  notaire, 
rive  plus  à  signer  un  acte.  Chaque  signature  qu'il  doit 
eille  l'idée  d'une  malhonnêteté  qu'il  va  accomplir,  il 
e  pour  savoir  s'il  peut  passer  outre  et  accomplir  l'acte 
te,  s'il  doit  ne  pas  se  laisser  entraîner,  s'il   doit    croire 

est   insignifiant,   s'il  doit  consulter   avant   de    signer, 

le  veut  pas  manger  de  peur  d'engraisser  et  de  n'être 
3,  d'autre  part,  elle  a  reconnu  devant  sa  mère  que  l'idée 
irde  et  elle  a  promis  de  manger.  Elle  a  donc  fait  deux 
;:  Tune  à  elle-même,  l'autre  à  sa  mère  :  laquelle  faut-il 
elle  mange,  elle  sera  honteuse  de  n'avoir  pas  eu  d'éner- 
néritera  d'engraisser  réellement  ;  si  elle  ne  mange  pas, 
les  remords  d'avoir  manqué  de  parole  à  sa  mère...  et 
n  va  se  prolonger  indéfiniment.    «  Faut-il  se   décider  h 


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LBS  MANIES  MENTALES  DE  L'OSCILLATION  109 

sortir,  se  demande  Lise  de  la  même  manière,  et  par  là  s'exposer 
à  donner  au  diable  Tâme  de  ses  enfants  ou  faut-il  rester  à  la 
maison  et  renoncer  à  une  sortie  utile.  » 

Jean  nous  présente  les  exemples  les  plus  curieux  de  ces  délibé- 
rations interminables,  car  chez  lui  les  deux  parties  de  la  délibé- 
ration semblent  être  personnifiées  par  les  deux  femmes  qui  sont 
l'objet  principal  de  ses  obsessions.  Doit-il  oui  ou  non  monter 
dans  un  tramway?  S'il  y  monte,  le  voisinage  des  femmes  va  ra- 
mener l'obsession  de  Charlotte.  Cette  pensée  de  Charlotte  déter- 
minera des  fluides  dans  tous  les  membres,  des  tentations  de 
masturbation,  des  crispations  des  organes,  etc.  S'il  ne  monte 
pas  dans  le  tramway  et  s'il  prend  un  fiacre  va-t-il  éviter  tout 
cela  et  être  tranquille?  En  aucune  façon  :  il  aura  l'obsession  d'une 
autre  personne,  celle  de  la  femme  de  chambre  Elise  dont  la  tête 
lui  apparaîtra  avec  une  expression  narquoise.  Cette^tête  se  mettra 
à  rire  de  plus  en  plus,  semblera  lui  parler  et  se  moquer  de  lui. 
«  Tu  ne  montes  pas  en  tramway,  tu  vas  payer  un  fiacre  quarante 
sous  et  cela  parce  que  tu  as  peur  des  femmes,  hi,  hi,  hi.  »  Comment 
choisir  sans  tomber  de  Cbarybde  en  Scylla  ? 

Il  en  est  de  même  pour  tous  les  actes.  S'agit-il  de  jouer  du 
piano  près  de  sa  mère,  Charlotte  envoie  des  fluides  et  Elise  se 
moque  de  lui  :  «  Tu  veux  cesser  quand  ta  mère  est  là  parce  qu'elle 
te  donne  des  excitations,  eh  bien,  attend  un  peu,  cric,  crac.  » 
Son  pantalon  le  gêne,  Charlotte  donne  l'idée  de  le  découdre  à 
la  braguette  (c  pour  que  les  organes  soient  plus  à  l'aise  »,  mais 
Élise  est  prise  de  fou  rire  à  la  pensée  du  pantalon  décousu.  Entre 
les  deux,  Jean  ne  sait  plus  que  faire.  «  Je  ne  puis  pas  prendre  de 
décisions,  je  vois  les  conséquences  de  part  et  d'autre,  je  suis 
comme  l'âne  entre  deux  bottes  de  foin  :  que  je  fasse  blanc,  que  je 
fasse  noir,  j'aurai   toujours  ma  petite  mesure  de  phénomènes.  » 

Cette  hésitation  est  générale  chez  lui  et  les  pensées  hypocon- 
driaques la  déterminent  aussi  bien  que  les  pensées  relatives  aux 
péchés  sexuels.  Ainsi  il  tient  absolument  à  suivre  un  traitement 
hydrothérapique  et  je  lui  conseille  de  prendre  des  douches. 
Voici  quelques-unes  de  ses  réflexions  à  ce  sujet:  «  Sans  doute,  la 
douche  a  ses  avantages,  elle  est  tonique  pour  le  système  ner- 
veux, mais  elle  est  excitante,  elle  me  donne  des  excitations.  Après 
une  douche  je  dois  sans  cesse  remuer  les  doigts  et  pour  qu'on 
ne  le  voie  pas,  je  les  remue  derrière  mon  dos,  comme  cela...  Ce 
mouvement  est  agaçant,  il  est  dangereux,  car  il  pourrait  m'exciter 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

les  org.anes...  il  vaudrait  mieux  des  bains  tièdes  que  m'a  jadis 
conseillé  mon  vieux  médecin.  Oui,  mais  le  bain  est  aplatissant  ; 
il  m'abrutit,  m'enlève  toute  énergie  et  tout  pouvoir  d'application, 
il  pourrait  me  faire  tomber  dans  la  torpeur...  Il  est  vrai  que  la 
douche  a  sur  ce  point  un  grand  avantage,  elle  est  tonique  et 
réconfortante,  je  ne  la  prendrai  pas  froide,  ni  chaude,  mais  tiède, 
à  28",  il  faudra  prendre  des  précautions  pour  ne  pas  diriger  le 
jet  sur  la  colonne  vertébrale  et  pour  remonter  bien  de  chaque 
côté...  Oui,  mais  je  l'ai  déjà  essayée  ainsi,  c'est  tout  de  même 
excitant  et  cela  pourrait  ramener  les  fluides  et  les  tentations... 
Ce  danger  est  le  plus  grand  en  somme,  il  vaut  mieux  un  bain 
tiède,  un  bain  alcalin,  on  m'a  dit  que  c'était  calmant;  seulement 
après  les  bains  de  ce  genre  il  faut  renoncer  à  toute  activité  et  moi 
qui  me  désole  déjà  de  n'avoir  pas  de  situation,  pas  d'occupation... 
Une  douche  me  vaudrait  évidemment  mieux  pour  me  tirer  de 
là...  »  Si  on  ne  l'interrompt  pas,  il  continuera  ainsi  pendant 
plusieurs  heures. 

On  comprend  combien  cette  hésitation  va  troubler  Faction. 
Mais  nous  verrons  chez  les  scrupuleux  bien  d'autres  troubles  de 
Faction,  ce  qui  nous  amènera  peu  à  peu  à  rechercher  si  ce  trouble 
de  l'action  volontaire  n'est  pas  le  fait  le  plus  important  de  la 
maladie. 


3.  —  Les  manies  du  présage  ou  de  V interrogation  du  sort. 

A  côté  de  la  manie  de  l'interrogation,  il  faut  placer  un  phéno- 
mène qui  me  semble  voisin,  la  manie  de  l'interrogation  du  sort 
ou  la  manie  des  présages.  Le  malade  ne  pouvant  arriver  lui-même 
à  la  solution  de  la  question  qu'il  s'est  posée  ou  ne  pouvant  tran- 
cher son  hésitation  sur  une  action  cherche  partout  des  rai- 
sons qui  pèsent  d'un  côté  ou  de  l'autre;  il  s'en  remet  h  quelque 
affirmation  extérieure.  Mais  il  lui  faut  une  affirmation  extérieure 
qu'il  ne  puisse  pas  discuter,  une  affirmation  mystérieuse  et  in- 
compréhensible, aussi  cherche-t-il  à  obtenir  la  décision  du  sort.  De 
même  quand  nous  hésitons  entre  deux  actions  qui  nous  paraissent 
égales  ou  du  moins  quand  nous  n'avons  pas  l'énergie  suffisante 
pour  reconnaître  quelle  est  la  meilleure,  nous  jouons  à  pile  ou 
face. 

Voici  quelques  exemples  de  cette  manie  fréquente  et  bizarre  : 
Vy...  se  tourmente  pour  savoir  s'il  croit  en  Dieu  ou  s'il  n'y  croit 


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LES  MANIES  MENTALES  DE  L'OSCILLATION  ill 

pas  et  il  se  répète  la  phrase  suivante  :  «  Si  en  marchant  dans  la 
rue  je  puis  éviter  de  traverser  Tombre  des  arbres,  c'est  que  je 
crois  en  Dieu,  s/ je  traverse  Tombre,  c'est  que  je  n'y  crois  pas.  » 
On  trouve  On...  le  front  fortement  appuyé  sur  un  carreau  de  vitre. 
Voici  ce  qu'il  pense:  «  Si  le  carreau  n'est  pas  cassé  quand  j'appuie, 
c'est  que  je  ne  suis  pas  sacrilège,  s'il  casse,  je  le  suis  »,  et  de 
fait,  il  n'appuie  pas  bien  fort.  «  Si  je  ne  casse  pas  ce  verre  que  je 
serre,  dit  Lise,  c'est  que  je  n'ai  pas  voué  mes  enfants  au  diable.  » 
«  Si  je  marche  du  pied  droit,  dit  Bor...,  c'est  que  j'ai  pensé  du 
mal  de  Dieu.  »  «  Si  je  me  coiffe  de  telle  façon,  dit  Vi...,  je  ferai 
casser  la  jambe  à  mon  garçon.  »  «  Si  le  bon  Dieu  m'envoie  les 
idées  de  défaire  les  morts  dans  les  cimetières,  c'est  que  ma  petite 
fille  sera  méchante...  Si  je  vais  trois  dimanches  de  suite  à  la 
messe  sans  fêtes  intermédiaires,  c'est  que  Dieu  veut  me  sauver.  » 
(Ger...),  etc.. 

Les  choses  se  compliquent  quand  il  est  difficile  de  constater  le 
phénomène  qui  sert  de  présage,  car  alors  le  doute  recommence 
sur  lui  et  cela  donne  lieu  à  toute  une  nouvelle  interrogation.  Ainsi 
We...  se  demande  si  elle  doit  oui  ou  non  devenir  religieuse.  Elle 
conclut  dans  sa  sagesse  que  si  Dieu  la  veut  comme  religieuse,  il 
lui  fera  voir  des  présages  dans  le  ciel,  c'est-h-dire  des  croix  et  des 
figures  de  saintes,  et  la  voici  le  nez  en  l'air  h  regarder  le  ciel  et  h 
se  demander  si  elle  y  voit  des  croix  et  des  images  de  saintes.  Ce 
problème  devient  tout  un  nouveau  délire  avec  doutes,  interroga- 
tions, examen  perpétuel  du  ciel,  et  ce  qu'il  y  a  de  plus  malheu- 
reux, incertitude  sur  les  souvenirs.  Aujourd'hui,  elle  ne  voit 
pas  de  croix  ni  de  saintes  dans  le  ciel,  mais  en  a-t-elle  vu  hier? 
Il  faut  rechercher  l'emploi  des  moments  de  la  journée  et  la  voici 
saisie  d'une  inquiétude.  Comme  au  fond  elle  ne  veut  pas  être  reli- 
gieuse, elle  ne  veut  pas  avoir  vu  de  présages  et  elle  a  la  crainte 
d'en  avoir  vu. 

Cette  façon  de  s'en  remettre  au  destin  du  soin  de  décider  pour 
nous  est  très  caractéristique  et  on  la  retrouve  dans  beaucoup 
d'observations  anciennes.  Le  mystique  anglais  Bunyan  s'interroge 
en  marchant  sur  une  route  et  se  demande  s'il  a  oui  ou  non  sauvé 
sa  foi.  Le  tenlateur  lui  suggère  l'idée  qu'il  peut  le  décider  en  vé- 
rifiant si  ses  prières  sont  oui  ou  non  capables  de  faire  des  mi- 
racles. Que  dans  une  prière,  il  demande  à  Dieu  de  changer  les 
flaques  d'eau  en  endroits  secs  et  les  tas  de  boue  en  poussière 
sèche    et  qu'il    vérifie    ensuite.   Il   lui  vient  en  idée  que  s'il   fait 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

ification  et  qu'elle  ne  réussisse  pas,  il  se  croira  damné, 
est  ainsi,  je  n'essayerai  pas  encore,  je  veux  attendre  un 
le  faire.  »  * 

ousseau  qui,  par  bien  des  côtés,  était  un  malade  tout  à 
lable  h  ceux  que  j'étudie  ici,  note  dans  ses  Confessions 
entait  poussé  à  résoudre  les  questions  insolubles  par  un 
semblable.  «  La  peur  de  renier  m'agitait  encore  souvent; 
nandais  :  en  quel  état  suis-jc  ?  Si  je  mourais  à  l'instant 
rais-je  damné?...  Toujours  craintif,  et  flottant  dans  cette 
icertitude  j'avais  recours,  pour  en  sortir,  aux  expédients 
isibles  et  pour  lesquels  je  ferais  volontiers  enfermer  un 
I  je  lui  en  voyais  faire  autant...  Je  m'avisais  de  me  faire 
le  de  pronostic  pour  calmer  mon  inquiétude.  Je  me  dis  : 
ais  jeter  cette  pierre  contre  l'arbre  qui  est  vis-à-vis  de 
|e  le  touche,  signe  de  salut;  si  je  le  manque,  signe  de 
n.  Tout  en  disant  ainsi,  je  jette  ma  pierre  d'une  main 
te  et  avec  un  horrible  battement  de  cœur,  mais  si  heu- 
it  qu'elle  va  frapper  au  beau  milieu  de  l'arbre  ;  ce  qui 
nent  n'était  pas  difficile,  car  j'avais  eu  soin  de  le  choisir 

et  fort  près.  Depuis  lors,  je  n'ai  plus  douté  de  mon 
Rousseau  se  dit  rassuré  sur  son  salut  par  une  seule 
;e  heureuse,  c'est  qu'il  n'était  guère  malade  à  ce  moment, 
des  ne  sont  pas  si  faciles  à  satisfaire  et  Ton  a  vu  que  la 
3  des  présages  devenait  chez  eux  une  véritable  manie, 
îrminable  que  la  manie  des  interrogations  dont  elle  me 
river. 

i  Eeden^  décrit  sous  le  nom  de  manie  de  superstition  une 
ite  variété  de  manies  mentales.  Son  malade  attache  une 
on  prophétique  à  des  faits  insignifiants  :  une  cravate  de 
leur    lui    promet  bonheur  ou   mi.lheur,  une  borne  qu'il 

non  de  sa  canne  décide  de  sa  destinée.  Ce  n'est  pas  là 
lie  particulière  et  rare,  comme  l'auteur  semble  le  penser  : 

forme  assez  fréquente  de  la  manie  de  l'interrogation, 
ïmiers  phénomènes,  les  manies  du  doute,  de  la  délibé- 
3  l'interrogation,  des  présages  se  relient  comme  on  voit 
nt.  Elles  peuvent  former  un  premier  groupe  dont  le  trait 

Royce,  The  case  of  Bunyan.  Psychohyicnl  lieview,  189^,  137. 
{ousseau,  Les  Confessions,  I,  liv.  VI,  édit.  des  œuv.,  1889,  W,  p.  4^7- 
edcn,  Itevue  de  l'IiYfmQlisine,  1893,  p.   i3.  Psychothérapie,  1894.  Cf.  M. 
^irain,  1895,  p.  335. 


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LES  NIAMES  DE  LAL  DELA  113 

caractéristique  est  roscillation  de  l'esprit.  Il  y  a  un  balancement 
entre  deux  idées,  le  oui  et  le  non,  et  Tesprit  n'arrive  pas  à  se 
fixer  définitivement  ni  sur  Tune  ni  sur  Tautre.  Il  cherche  avec  effort 
des  raisons  pour  ou  contre  et  il  n'arrive  pas  h  se  satisfaire  malgré 
rinterrogation  des  présages. 


2.  —  Les  manies  de  l'au  delà. 

L'esprit  toujours  instable  peut  cependant  ne  pas  osciller  indé- 
finiment entre  deux  termes  opposés.  Il  lui  suffît  de  dépasser  le 
terme  donné,  de  le  remplacer  par  quelque  chose  d'autre,  d'aller 
simplement  au  delà.  C'est  le  caractère  que  je  retrouve  dans  une 
foule  de  manies  dont  je  ne  puis  signaler  que  les  principales. 

I .  —  Les  manies  de  la  précision. 

Le  malade  qui  ne  peut  arriver  à  la  certitude  a  besoin  pour  se 
rassurer  d'environner  ses  actes  et  ses  pensées  de  tout  ce  qui  peut 
les  préciser,  les  matérialiser  en  quelque  sorte.  Legrand  du  SauUe 
le  remarquait  déjà  :  «sous  l'influence  d'habitudes  invétérées  d'ona- 
nisme, dit-il,  le  malade  eut  une  sorte  de  précision  maladive, 
d'attention  exagérée,  provenant  d'un  certain  manque  de  confiance 
en  lui.  *  » 

Nous  retrouvons  ce  besoin  chez  beaucoup  de  nos  malades.  Jean 
est  tout  à  fait  désespéré  de  ma  façon  de  rédiger  une  ordonnance 
pour  les  douches,  il  veut  qu'on  indique  la  température  exacte,  la 
pression  en  chiffres,  le  nombre  de  secondes,  l'endroit  du  dos  où 
doit  frapper  le  premier  jet,  la  ligne  que  le  jet  doit  tracer  sur  le 
corps  en  faisant  des  détours  pour  éviter  certains  points,  l'endroit 
du  dos  par  lequel  il  faut  finir,  etc  :  il  doit  épouvanter  son  dou- 
cheur.  Il  lui  faut  faire  chaque  chose  à  sa  date  et  il  aurait  des 
remords  épouvantables  s'il  lisait  un  journal  d'une  date  ancienne 
«c'est  un  désordre,  ce  n'est  pas  à  cette  date  qu'il  devait  être  lu.  » 
\Vo.  s'épuise  à  prendre  des  notes  minutieuses  sur  tous  les  livres 
qu'elle  lit,  à  tenir  un  journal  de  tous  les  incidents  de  la  journée, 
à  tout  noter  par  écrit  avec  précision. 

I.  Legrand  du  Saullc,  Folie  du  doute,  p.  17. 

hES  OBSESSIONS.  1.   8  • 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

'ai  signalé  autrefois  à  propos  de  la  parole  intérieure  une  ma- 
î  F...  qui  avait  rhabitude  bizarre  de  se  répéter  en  dedans  le 
1  des  objets  qu'elle  voyait  :  «  c'est  un  pavé,  c'est  un  arbre, 
t  un  tas  d'ordures.  *  »  Je  n'avais  pas  compris  à  ce  moment  la 
on  de  ce  besoin.  En  réalité  c'était  une  scrupuleuse,  qui  crai- 
It  en  passant  près  des  gens  de  leur  faire  dp  mal,  qui  retournait 
rrière  pour  voir  si  elle  n'avait  pas  cogné  les  chevaux,  qui 
terrogeait  indéfiniment  pour  savoir  si  elle  avait  payé,  etc.  Cette 
:)mination  perpétuelle  des  objets  était  chez  elle  en  rapport 
;   une  manie   de  précision. 

'autres  auront  la  manie  des  i'érifications,  qui  diffère  peu  de 
récédente.  R...  identique  sur  ce  pointa  un  malade  de  M.  Ar- 
1  tate  perpétuellement  ses  vêtements  et  surtout  ses  poches 
ur  vérifier  si  tout  est  bien  a  sa  place,  si  elle  est  bien  tirée  h 
re  épingles,  si  elle  n'a  perdu  aucun  petit  objet.  »  Ser...  tou- 
h  chaque  instant  ses  oreilles  «  pour  voir  si  elle  a  toujours 
boucles  d'oreille  »  on  verra  que  cette  manie  devient  souvent 
gine  des  tics.  Il  est  inutile  de  rappeler  les  malades  bien 
lus  qui  vérifient  indéfiniment  si  la  porte  est  bien  fermée,  si 
az  est  éteint,  si  la  lettre  est  bien  dans  la  boîte,  etc. 
la  même  manie  de  précision  se  rattache  la  manie  fie  la  fixité 
idées  qui  a  déjà  été  décrite  à  propos  de  la  forme  des  obses- 
s. 

faut  placer  dans  un  groupe  voisin  les  manies  de  l'ordre.  On 

souvent  débuter  la  maladie  du  scrupule  chez  les  enfants 
me  chez  Ser...,  chez  les  enfants  de  Lise,  par  la  manie  de 
r  leurs  robes  exactement  dans  les  mêmes  plis,  de  ranger  leurs 
mcnts  le  soir  en  se  couchant,  de  mettre  de  Tordre  dans  leurs 
[>ires  d'une  façon  tout  à  fait  exagérée  et  ridicule.  Plus  tard  la 
ie  devient  grave,  Lkb...,  femme  de  22  ans,  ne  peut  plus  souf- 

qu'aucune  personne  pas  même  son  mari  entre  dans  sa 
libre  :  «  j'ai  trop  peur  qu'on  ne  dérange  mes  affaires,  si  quel- 
n  dérangeait  chez  moi  une  épingle  cela  me  rendrait  affreuse- 
t  malade.  »  Vk...,  femme  de  58  ans,  s'épuise  depuis  20  ans 
îttre  de  l'ordre  dans  son  ménage,  elle  refuse  de  manger. et  de 
lormir  «  avant    qu'elle    n'ait  mis  tout  en   ordre  »  et  elle   ne 

y  parvenir  «  car  elle  voudrait  la  perfection  et  elle  a  été  dé- 

Névroses  et  Idées  fixes,  1,  p.  2»S. 


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LES  M  AN! ES  DE  l/AU  DELA  115 

bordée.  »  Qsa...  éprouve  toujours  le  besoin  de  rauger  «  ses 
aOaircs,  ses  papiers,  c'est  pour  lui  un  besoin  de  simplification 
perpétuel.  » 

Claire  met  de  Tordre  non  seulement  dans  ses  objets  mais 
encore  dans  ses  idées.  Il  faut  qu'elle  pense  la  même  chose  à  la 
même  heure,  à  la  même  place.  Il  faut  qu'elle  ne  pense  pas  plus  un 
jour  qu'un  autre,  il  faut  surtout  qu'elle  raconte  les  événements 
dans  un  ordre  déterminé.  Personne  n'obtiendra  qu'elle  raconte 
tout  de  suite  ce  qu'elle  a  éprouvé  hier  :  il  lui  faut  reprendre  les 
choses  par  le  commencement  et  réciter  par  ordre  chronologique 
ce  qu'elle  a  éprouvé  depuis  lo  ans  avant  d'en  arriver  à  la  journée 
précédente. 

Mettons  à  côté  la  manie  de  la  symétrie  dont  M.  Azara  nous 
donne  un  exemple  :  «  il  lui  faut  toujours  ranger  les  objets  la 
moitié  à  sa  droite,  la  moitié  à  sa  gauche...  Si  elle  a  mis  le  pied  sur 
une  pierre  un  peu  saillante,  elle  se  sent  forcée  de  rechercher  pour 
l'autre  pied  une  sensation  analogue.  Lorsqu'elle  a  placé  une  main 
sur  du  marbre  ou  sur  tout  autre  objet  froid  elle  est  contrainte  de 
faire  subir  à  l'autre  organe  symétrique  une  impression  ana- 
logue*. » 

Jean  a  des  besoins  analogues  :  si  en  levant  les  yeux  il  a  remar- 
qué un  objet  rouge  à  sa  droite  il  lui  faut  détourner  la  tête  et 
cherche  à  fixer  son  regard  sur*  un  objet  rouge  fixé  a  gauche. 
M.  Flournoy,  dans  son  livre  sur  les  synopsies*  signale  une  symé- 
tromanie  typographique  :  a  les  noms  et  les  mots  qui  ne  sont  pas 
composés  d'un  nombre  régulier  de  lettres  m'ont  toujours  fait  une 
impression  désagréable  et  causé  un  vrai  chagrin  h  mes  yeux.  Les 
titres  de  livres,  les  enseignes  de  magasin  me  donàent  toujours 
sous  ce  rapport  un  vrai  travail  :  je  compte  les  lettres,  et  si  elles 
ne  sont  pas  en  nombre  pair,  je  coupe  les  mots  de  façon  a  mettre 
une  lettre  isolée  au  milieu  des  autres;  ainsi  pour  les  mots  Japon, 
seule,  je  les  écris  en  pensée  de  cette  manière  :  Ja-p-on,  se-u-le». 

On  a  souvent  remarqué  l'importance  du  contraste  et  de  la  con^ 
tradiction   chez  ces  malades,   M.   Raggi'   rapporte    l'observation 


I.  Azanit  Les  toqués.  Revue  scientifique,  1891,  I,  618. 

a.  Flournoy,  Les  synopsies,  i8g3,  p.  23 1. 

3.    Raggi,  Archivio  italiano  per  la  malaltie  nervose,  1887. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

m  jeune  homme  de  20  ans  qui,  par  instants,  ne  pouvait  ouvrir 
bouche  sans  être  forcé  de  faire  les  raisonnements  les  plus  ab- 
rdes  et  souvent  même  de  dire  tout  le  contraire  de  ce  qu'il 
rait  voulu.  M.  Séglas,  qui  cite  ce  cas,  ajoute  plusieurs  obser- 
Lïons  du  môme  genre ^  «  Ce  qui  le  peine  le  plus,  dit  son  ma- 
ie, c'est  qu'il  lui  arrive  par  moments  de  se  contredire  lui-même 
au  moment  où  il  veut  exprimer  une  idée  de  dire  tout  le  con- 
ire  de  ce  qu'il  veut.  »  MM.  Pitres  et  Régis  ^  donnent  plusieurs 
amples  curieux  de  ce  phénomène.  «  C'est,  disent-ils,  la  manie 
isphématoire  de  Verga.  »  Dans  la  prière  on  voit  «  maudit  »  au 
u  de  «  bénit  »,  «  enfer  »  au  lieu  de  «  ciel  »,  «Wilde  Sau  (sanglier 
ivage)  »  au  lieu  de  «  Liebe  Frau  (notre  Dame)  »  au  lieu  de  «je 
js  ai  au  cœur»  elle  pense  «je  vous  ai  au  cul  »  au  lieu  de  «  mon 
eu  je  n'adore  que  vous  »  elle  pense  «  j'adore  ça  »  et  elle  croit 
r  un  derrière  ».  On  observe  facilement  des  faits  semblables  : 
nyan  pense  a  adorer  un  balai,  une  ordure  quand  il  veut  prier 
3u,  Claire,  Vy...  et  bien  d'autres  pensent  h  se  masturber  quand 
es  veulent  préparer  une  confession  et  Qi...  (11 3)  se  sent  forcée 
ppeler  «  cochon  »  les  gens  qu'elle  respecte  le  plus. 
Les  auteurs  qui  rappellent  de  tels  faits  les  rattachent  volontiers 
[uelque  loi  profonde  de  l'esprit.  M.  de  Sanctis,  dans  un  article 
éressant,  parle  de  l'association  par  contraste  qu'il  explique  ainsi  : 
Jn  certain  exercice  forcé  de  l'attention  inhibe  et  éloigne  l'image 
^quelle  il  s'applique  et  favorise  l'opposition  et  la  victoire  de  l'as- 
;iation  par  contraste  '%).  11  y  a  beaucoup  de  vérité  dans  cette 
narque  que  je  reprendrai  plus  tard,  mais  il  ne  faut  pas  oublier 
B  les  phénomènes  de  contraste  présentés  par  les  scrupuleux  ne 
it  pas  toujours  des  phénomènes  primitifs,  spontanés,  ce 
it  des  phénomènes  voulus,  cherchés  par  le  malade,  c'est  bien 
ivent  une  manie  de  précision,  de  comparaison,  d'opposition 
réme  qui  le  pousse  à  chercher  ce  terme  qui  fait  si  bien 
itraste. 

Z'est  aussi  de  la  même  manière  que  je  comprendrai  les   asso- 
lions d'idées  extravagantes  que  présentent  certains  malades  et 
semblent  jouer   un  rôle  énorme   dans  la  reproduction    des 


,   Sérias,  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  nerveuses  et  menlaleSt  1895,  p.  129. 
,   Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  45. 
S.  de  Sanclis,  Venomeni  <li  conlraslo  in  psirolofjia.  Rome,  1895. 


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LES  M.VNIES  DE  L'AU  DELA  117 

obssesîons.  J'en  al  déjà  cité  beaucoup  à  ce  propos,  en  voici  encore 
une.  Jean  trouve  de  l'obscénité  dans  la  durée  de  trois  quarts 
d'heure  ;  une  visite  de  trois  quarts  d'heure  serait  obscène  parce 
qu'il  a  appris  qu'un  personnage  est  resté  trois  quarts  d'heure 
avec  une  femme  avant  de  mourir.  Ce  sont  là  à  mon  avis  des  manies 
mentales  d'association  et  non  de  véritables  associations  irréflé- 
chies et  ces  manies  d'association  ne  sont  que  des  conséquences 
des  manies  de  la  précision. 

La  manie  de  propreté  se  présente  fréquemment,  nous  la 
retrouverons  dans  bien  des  cas,  en  particulier  à  propos  des  pho- 
bies, mais  elle  se  rattache  aussi  à  ce  besoin  de  faire  les  choses 
avec  netteté,  avec  précision.  Vk...  se  lave  les  mains  indéfiniment, 
sans  crainte  précise  de  souillure,  simplement  parce  que  «  les 
mains  mal  lavées,  c'est  du  désordre  ». 

La  micromanie  mérite  qu'on  s'y  arrête  :  il  est  évident  que 
beaucoup  de  ces  malades  accordent  plus  d'importance  à  ce  qui 
est  petit  qu'à  ce  qui  est  grand.  Chu...,  femme  de  36  ans,  recherche 
avec  anxiété  les  «  petites  miettes  de  graisse, les  miettes  de  saleté» 
mais  ne  s'occupe  pas  w  des  grandes  saletés  ».  Bow...  a  peur 
«  des  petits  bruits  »  non  des  grands.  «  Un  coup  de  canon  ne  me 
fait  rien,  mais  j'ai  envie  de  tuer  les  gens  qui  mâchent,  qui  se 
curent  les  dents,  qui  toussent...  »  M.  Stadelmann  de  Wurzbourg* 
rapporte  une  jolie  observation  d'un  homme  de  3o  ans,  préoccupé 
depuis  la  puberté  par  la  préoccupation  de  ce  que  deviendront 
dans  l'avenir  divers  objets  insignifiants,  une  mouche  qui  vole, 
une  allumette  éteinte,  la  cendre  d'un  cigare,  les  taches  de  bougie 
tombées  à  terre,  etc.  M.  Farez  rapporte  aussi  des  obsessions  et 
des  dégoûts  pour  des  très  petits  objets,  bouts  d'allumettes, 
taches  de  bougie^.  11  est  inutile  d'insister  sur  l'importance  que 
ces  malades  attachent  aux  «  petits  microbes  ».  Dans  cette  préoc- 
cupation de  ce  qui  est  petit  entre  évidemment  la  manie  de  l'atten- 
tion et  de  la  précision. 


1.  Stadelmann   (Wurzbourg),  Traitement   psychique.    Société  d'hypnologie  el  de 
l^ychologie,  20  mars  1900. 

2.  P.    Farcz,   Cas  de  phobie  consciente.   Société   d'hypnologie  et  de  psychologie, 
30  mars  1900. 


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LES  AGITATIONS  FOUCÉES 


2.  —  Les  manies  arithmétiques. 

des  chiffres,  V ariihmo manie ^  nous  paraît  mériter  par 
ince  clinique  et  par  sa  fréquence  de  former  un  groupe 
qu'elle  soit  en  réalité  une  variété  de  la  manie  de  pré- 
îdente  :  le  besoin  de  précision  fait  que  les  malades  se 
î  passion  pour  les  idées  qui  ont  la  réputation  d*ètre 
ment  précises,  les  idées  mathématiques  ou  plutôt  les 
s  d'entre  elles,  les  nombres. 

d'abord  chez  eux  une  prédilection  pour  tout  ce  qui 
)  chiffres.  Jean  semble  avoir  une  mémoire  extraordinaire 
[es  personnes,  leur  date  de  naissance,  la  date  de  tous 
mts  de  l'histoire  contemporaine  et  de  sa  propre  his- 
ubliera  jamais  en  vous  racontant  son  histoire  de  vous 
de  sa  première  masturbation  et  la  date  de  la  dernière, 
3ur  où  pour  la  première  fois  je  l'ai  forcé  a  uriner  con- 
t.  On  cite  souvent  des  cas  de  mémoire  extraordinaire 
lividus  qui  récitent  les  actes  de  naissance  et  de  mort  de 
mmes  de  la  commune  ou  qui  récitent  l'horaire  du 
fer.  On  a  tort,  à  mon  avis,  de  ne  considérer  en  eux 
noire  et  de  les  décrire  uniquement  comme  des  hy- 
es.  Si  l'on  remarquait  que  ce  sont  des  scrupuleux, 
manie  de  diriger  toute  leur  attention  sur  ce  point  et 
)rennent  en  réalité  rien  cPautre,  on  trouverait  icette 
oins  merveilleuse. 

seconde  forme  les  malades  accordent  une  grande  im- 
îertains  nombres  déterminés  :  Lise  donne  sa  préférence 
js  2,  3,  4>  376,  qui  représentent  telle  ou  telle  de  ses 
antcs.  Jean  déteste  les  nombres  6,  i4,  20,  prononcés 
tle,  22,  date  du  jour  où  la  femme  de  chambre  l'a 
l'Age  de  Charlotte,  53,  date  de  sa  naissance,  etc. 
uis  longtemps  signalé  le  besoin  de  compter.  M.  Gi- 
résenlé  à  la  société  d'anatomie  et  de  physiologie  de 
în  1897,  uiï  jeune  homme  de  27  ans  qui  depuis  l'Age 
)mpte  toutes  les  lettres  contenues  dans  les  phrases 
qu'il  dit,  qu'il  écrit  ou  qu'il  entend,  sans  que  ce  tra- 
lénal  soit  cependant  une  gêne  ou  une  fatigue  pour  lui  *  : 

s,  Revue  scientifique,  1897,  1,   4/3. 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  119 

le  dernier  point  serait  à  vérifier.  On  connaît  le  malade  célèbre 
de  Legrand  du  SauUe  qui  en  entrant  chez  le  médecin  lui  deman- 
dait la  permission  de  compter  d'abord  les  boutons  de  son  gilet. 
Jean  n'a-t-il  pas  imaginé  de  compter  le  nombre  de  lettres  qui 
dans  Talphabet  séparent  les  différentes  lettres  d'un  mot  :  le  mot 
«  mère  »  est  pour  lui  7,  12,  12  ;  car  entre  M  et  E  il  y  a  7  lettres 
et  12  entre  R  et  E.  Zo...  se  croit  obligée  de  compter  toutes  les 
épingles  qui  sont  dans  la  maison  afin  de  vérifier  si  elle»  n'en  met 
pas  dans  la  soupe. 

Enfin  dans  des  cas  plus  complexes  les  malades  ont  besoin  de 
compter  jusqu'à  des  nombres  déterminés  :  Ser...  et  F...  exigent 
que  chaque  question  leur  soit  répétée  trois  fois  avant  qu'elles 
daignent  répondre.  Mw...,  jeune  fille  de  28  ans,  compte  malgré 
elle  le  nombre  de  doigts  avec  lequel  elle  touche  un  objet  :  pour 
rien  au  monde  elle  ne  voudrait  toucher  un  objet  avec  7  doigts  à 
la  fois,  aussi  pour  l'éviter  prend-elle  la  résolution  de  ne  rien  tou- 
cher qu'avec  une  seule  main.  Rien  n'y  fait,  elle  a  touché  l'objet 
complètement  avec  trois  doigts  et  légèrement  avec  le  quatrième, 
cela  fait  3  doigts  1/2  et  elle  pense  forcément  que  si  elle  avait  mis 
les  deux  mains  cela  ferait  81/2X2  c'est-à-dire  7.  Jean  compte 
ainsi  une  foule  de  choses,  le  nombre  de  fois  qu'il  avale  sa  salive, 
les  battements  de  son  cœur;  il  compte  par  4  et  par  multiples  de 
tu  "  un,  deux,  trois,  quatre,  il  faut  que  je  les  compte  sans  quoi 
j'étoufferais  et  je  ne  pouvais  pas  m'arrêter  avant  quatre  ;  cinq, 
six,  sept,  vous  savez  qu'on  ne  peut  pas  s'arrêter  à  sept  ;  huit, 
j'ai  été  obligé  d'aller  jusqu'à  huit.  Si  l'excitation  était  très  forte, 
il  faudrait  encore  une  série  de  quatre.  Quelquefois  il  faut  aller 
jusqu'à  32,  64»*  Je  remarque  en  passant  que  ce  compte  des  batte- 
ments du  cœur  est  tout  à  fait  imaginaire  :  j'ai  essayé  une  fois  de 
compter  moi-même  son  pouls  pendant  qu'il  comptait  à  sa  façon  les 
battements  du  cœur,  nos  comptes  étaient  absolument  discordants. 
Il  compte  ainsi  toutes  sortes  d'actions  bizarres  que  nohs  retrouve- 
rons à  propos  de  la  lutte  contre  les  obsessions  et  à  propos  de  la 
manie  de  compensation.  Un  autre  malade  Vy...  me  disait  naïve- 
ment qu'il  avait  besoin  de  compter  pour  se  raccrocher  à  quelque 
chose.  Je  crois  que  ce  malade  a  raison,  l'arithmomanie  n'est  pas 
une  obsession  spéciale,  une  idée  fixe  isolée,  c'est  une  manie  men- 
tale, une  sorte  de  besoin  pathologique  de  précision  qui  peut 
s'appliquer  à  toutes  les  obsessions,  et  même  à  des  idées  quel- 
conques. 


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m^. 


120  LES  AGITATrONS  FORCÉES 


3.   —  Les  manies  du  symbole. 

Je  désigne  par  ce  mot  une  tendance  et  un  besoin  très  curieux 
qui  me  seml)lent  n'avoir  pas  été  suflisamment  remarqués  :  c'est  le 
besoin  de  traduire  en  images,  en  représentations  sensibles  les 
sentiments  et  les  idées.  Ce  besoin  se  constate  d'abord  dans  le 
langage  des  malades.  On  est  frappé  de  l'abus  qu'ils  font  des 
métaphores  pour  exprimer  leur  état,  a  Je  suis  un  pauvre  petit 
oiseau  sans  plumes...  je  suis  au  milieu  d'un  labyrinthe  avec  d'in- 
nombrables couloirs  obscurs, —  je  suis  comme  un  sac  couché  par 
terre  et  l'humanité  danse  dessus.  »  Il  faudrait  recopier  tous  leurs 
discours  pour  mettre  ce  signe  en  évidence. 

Le  symbole  se  retrouve  encore  bien  plus  dans  les  images  que 
se  représentent  les  scrupuleux,  images  qui  donnent  naissance  aux 
pseudo-hallucinations  que  nous  avons  étudiées  précédemment.  On 
a  dû  être  étonné  du  contenu  singulier  de  ces  pseudo-hallucina- 
tions. D'ordinaire  l'hallucination  reproduit  un  spectacle  particu- 
lièrement impressionnant  qui  mérite  de  rester  dans  la  mémoire  ; 
une  hystérique  a  l'hallucination  de  la  tête  de  son  père  sur  son 
lit  de  mort,  une  autre  de  la  figure  de  son  amant  qui  l'embrasse. 
Ici  nous  avons  signalé  chez  Voz...  Thallucination  du  mur  du  lycée, 
de  4  arbres  qui  l'entourent  pendant  qu'il  marche,  chez  Rp... 
rhallucination  de  la  silhouette  d'un  homme  qui  passe.  Comment 
ces  images  banales  ont-elles  pu  attirer  assez  l'attention  pour  se 
reproduire  ainsi  indéfiniment?  En  réalité,  ce  ne  sont  pas  de  sim- 
ples souvenirs,  ce  sont  des  images  qui  ont  un  sens,  une  significa- 
tion et  cette  signification  est  plus  importante  que  l'image  elle- 
même  :  en  un  mot  ce  sont  des  symboles. 

Rp...  qui  voit  passer  devant  lui  à  5  mètres  de  distance  le  direc- 
teur de  l'école  avec  un  visage  souriant  ou  courroucé  est  un  scru- 
puleux qui  a  la  manie  des  présages.  11  s'est  dit  que  son  entre- 
prise réussirait  s'il  voyait  passer  devant  lui  son  directeur  avec  le 
visage  souriant.  Il  va  tout  h  l'heure  s'interroger,  nous  le  savons, 
et  se  demander  si  le  visage  était  souriant  ou  non,  peu  importe. 
L'essentiel  à  remarquer  maintenant  c'est  que  cette  vision  imagi- 
naire de  la  figure  du  directeur  est  devenue  un  symbole  qui 
résume  les  bons  et  mauvais  présages.  Voz...,  ce  jeune  homme  de 
22  ans,  qui  a  des  pseudo-hallucinations  si  curieuses  du  mur,  des 
arbres  du  lycée,  des  chaînes  qui  lui  barrent  le  chemin,  éprouve 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  121 

au  suprême  degré  un  sentiment  très  fréquent  chez  les  scrupuleux 
et  aussi  chez  les  persécutés,  un  amour  passionné,  obsédant  de  la 
liberté  avec  l'impression  qu'elle  lui  est  ravie.  «  Je  sens  toujours 
comme  une  limitation  qui  me  contraint,  qui  m'arrête,  je  suis  ob- 
sédé par  la  pensée  de  contrainte  et  de  limite  à  mon  action...  » 
Nous  aurons  à  étudier  la  genèse  de  ce  sentiment  si  curieux  et  si 
fréquent;  pour  le  moment  remarquons  comme  il  est  bien  sym- 
bolisé par  les  images  que  voit  le  malade,  le  mur  du  collège,  les 
arbres  de  la  cour  entre  lesquels  il  croit  marcher  sans  cesse,  les 
cordes  qui  le  lient.  Peut-on  trouver  plus  parfaite  hallucination 
symbolique  ? 

Chez  d'autres  malades  nous  trouverons  beaucoup  d'autres 
exemples  moins  brillants  :  chez  Jean  les  deux  images  de  femme 
symbolisent  Tune  celle  de  Charlotte,  la  tentation,  l'autre,  celle 
de  la  femme  de  chambre  qui  rit,  la  conscience.  Chez  Claire  nous 
avons  déjà  insisté  sur  l'inlage  du  membre  viril  et  de  l'hostie  qui 
symbolisent  le  crime  sacrilège  ;  chez  la  même  malade  le  précipice 
représente  la  maladie  et  ses  progrès.  Ce  dernier  symbole  est  si 
naturel  que  d'autres  personnes,  en  particulier  Lise,  me  disent 
éprouver  aussi  ce  sentiment  de  descendre  et  d'avoir  besoin  d'un 
effort  pour  ne  pas  se  représenter  une  descente  matérielle  dans 
un  trou.  Les  saintes  dans  le  ciel  sont  pour  We...  le  symbole  de 
la  vie  religieuse  et  le  visage  de  Tenfant  est  pour  Gisèle  le  symbole 
des  devoirs  conjugaux. 

Des  objets  et  non  des  images  peuvent  devenir  des  symboles. 
Le  faux  coi  est  pour  Vy...  le  symbole  de  la  gêne  et  de  la  con- 
trainte, comme  le  journal  est  pour  Jean  le  symbole  de  tous  les 
crimes  politiques  et  génitaux.  Delà  sont  venues  bien  des  terreurs  de 
ces  objets. 

Cette  manie  du  svmbole  se  retrouve  aussi  dans  certains  actes 
et  dans  certains  mouvements  :  pivoter  sur  ses  talons,  c'est  pour 
Lod...  le  symbole  de  la  religion  «  parce  qu'on  tourne  ainsi  de 
côté  pour  saluer  l'autel  quand  on  passe  devant.  Fermer  le  poing, 
c'est  comme  si  on  insultait  Dieu,  fermer  brusquement  un  tiroir, 
c'est  envoyer  Dieu  promener  ».  Nous  en  verrons  bien  des 
exemples  en  étudiant  les  tics.  Remarquons  seulement  que  la 
manie  de  la  propreté  qui  était  déjà  une  conséquence  des 
manies  de  précision  se  rattache  aussi  souvent  au  symbole.  La 
sœur  aux  scrupules  de  Rodenbach  époussette  sans  cesse  sa 
cornette   pour  faire  tomber  les  poussières,  symboles  des  petits 


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122  LES  AGITATIONS  FORCÉES 

péchés^  et  Vk...  se  lave  les  mains  avec  du  savon  blanc  toutes 
les  fois  qu'elle  a  pensé  à  mentir. 

Cette  manie  du  symbole  joue  un  grand  rôle  dans  les  im- 
pulsions et,  si  on  la  méconnaît,  on  s'expose  à  de  graves  erreurs. 
On  a  vu  que  ces  malades  ont  des  commencements  d'actes, 
pousser  du  doigt  sa  petite  fille,  boire  un  petit  purgatif,  ouvrir  un 
bouton  de  la  braguette,  j'ai  déjà  cité  trop  d'exemples  pour  y 
revenir.  D'autres  n'ont  que  l'image  kinesthésique  d'un  mouvement 
qui  commence.  Plusieurs  auteurs  ont  vu  là  l'explication  de  l'obses- 
sion impulsive:  les  sentiments  de  ces  représentations  de  mouve- 
ment, de  ces  petits  mouvements  commencés  donneraient  au  malade 
l'idée  qu'il  est  poussé  à  accomplir  quelque  chose.  Il  en  est  quel- 
quefois ainsi  chez  les  hystériques  qui  ont  des  actes  automatiques 
avec  subconscience,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  chez  les  scrupuleux 
qui  font  eux-mêmes  ces  petites  actions,  comme  des  symboles  du 
crime,  pour  se  donner  à  eux-mêmes  l'illusion  d'être  poussés  au 
crime  et  pour  pouvoir  se  faire  plaindre  et  protéger. 

Cette  manie  du  symbole  me  semble  jouer  un  très  grand  rôle 
dans  la  maladie  et  quand  nous  discuterons  la  genèse  des  obses- 
sions elles-mêmes,  nous  verrons  que  beaucoup  ne  font  que  sym- 
boliser un  trouble  antérieurement  ressenti.  Quant  à  cette  manie 
elle-même,  elle  me  parait  se  rattacher  aux  phénomènes  précédents, 
comme  la  manie  arithmétique,  elle  dépend  du  besoin  de  préciser, 
d'exprimer  avec  une  netteté,  d'une  manière  matérielle,  des  senti- 
ments et  des  idées  à  propos  desquels  le  malade  n'arrive  jamais 
à  la  certitude. 


[\.  —  Les  manies  de  la  recherche.  —  La  manie  du  passé, 
la  manie  de  l'avenir,  \:^yxry 

Le  travail  mental  me  semble  se  compliquer  quand  il  dépasse 
les  circonstances  environnant  l'acte  présent  et  qu'il  porte  sur  de 
tout  autres  faits,  en  particulier  sur  des  faits  passés. 

Pour  répondre  au  problème  posé  par  l'interrogation  primitive  : 
«  ont-ils  oui  ou  non  commis  une  action  répréhensible  ?  »  les  ma- 
lades sont  amenés  à  se  remémorer  exactement  les  actes  ancien- 
nement accomplis.  Par  exemple,  Ce...  a  de«  soupçons  sur  tel  ou 
tel  acte  de  la  journée,  il  s'arrête  et  cherche  à  se  rappeler  exacte- 

I.  Rodenbach,  La  sœur  aux  scrupules,  p.  86. 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  123 

ment  les  diverses  actions  qu'il  a  faîtes,  les  diverses  phases  par 
lesquelles  a  passé  chaque  action.  Il  passe  des  heures  à  vérifier 
dans  sa  mémoire  comment  il  a  passé  d'un  mouvement  insignifiant 
à  un  autre  aussi  futile.  SI  par  malheur  dans  cette  revue,  il  y  a  un 
instant  dont  le  souvenir  ne  lui  soit  pas  précis,  le  voilà  au  comble 
du  désespoir.  Qu'a-t-il  pu  faire  dans  cet  instant?  C'est  là  que  se 
glisse  Tobsession  et  il  fait  les  plus  grands  efforts  de  mémoire 
pour  se  convaincre  que  pendant  cette  seconde,  il  n'a  pas  accompli 
quelque  horreur.  Il  en  est  de  même  pour  Dk...  :  «  à  quel  moment 
a-t-il  pu  tuer  cette  femme  ?  de  quelle  manière  s'y  est-il  pris  ? 
quel  est  l'instant  de  la  journée  où  il  n'était  pas  occupé  à  autre 
chose  ?  »  Il  emploie  des  heures  h  cette  recherche. 

La  recherche  indéfinie  est  un  des  grands  caractères  de  Lise, 
car,  pour  son  malheur,  elle  ne  se  pose  ces  questions  que  sur  une 
époque  éloignée  où  la  vérification  minutieuse  de  l'emploi  du  temps 
est  horriblement  difficile.  Il  y  a  un  an,  le  vendredi  soir  de  telle 
date,  s'est-elle  laissée  aller  à  vouer  ses  enfants  au  diable?  Pour  le 
savoir,  il  faut  rechercher,  si  à  cette  époque,  elle  a  désiré  quelque 
chose  assez  fortement  pour  prier  le  diable  de  le  lui  accorder,  si 
elle  a  cédé  à  la  tentation  d'obtenir  ce  qu'elle  désirait  par  le  sacrifice 
des  enfants,  ou  si  elle  a  su  résister  en  disant  la  formule  d'exor- 
cismes  :  «  Non,  non,  4,  3,  2.  »  Voilà  un  petit  problème  qui  n'est 
pas  facile  à  résoudre:  il  faut  trouver  minutieusement  l'emploi  de 
son  temps  afin  de  constater  une  sorte  d'alibi  moral.  «  Ça  ne  dis- 
parait pas  une  minute  de  mon  esprit.  Je  sens  que  je  recherche  tout 
le  temps  et  ce  sont  des  heures  d'immobilité  dans  cette  recherche 
stupide.  »  Or,  elle  recherche  ainsi  toutes  les  promesses  qu'elle  a 
pu  faire  à  Dieu  ou  au  diable,  toutes  les  paroles  qu'elle  a  prononcées, 
tous  les  signes  qu'elle  a  faits  jusqu'à  s'affoler  complètement. 

Un  cas  intéressant  de  cette  manie  de  rechercher  un  souvenir  est 
celui  de  Bre...  (i4i),  femme  de  42  ans  ;  elle  a  perdu  son  mari  il  y  a 
trois  ans  dans  des  conditions  assez  émotionnantes.  Depuis  ce  mo- 
ment, elle  a  le  sentiment  qu'elle  a  oublié  la  figure  de  son  mari.  Nous 
aurons  à  étudier  jusqu'à  quel  point  cet  oubli  est  réel.  Pour  le  mo- 
ment nous  constatons  que  ce  prétendu  oubli  est  le  point  de  départ 
d'une  manie  de  recherche.  Il  lui  faut  arriver  à  se  représenter  vi- 
suellement la  figure  de  son  mari:  elle  se  sert  pour  y  parvenir  des 
portraits,  des  descriptions,  des  souvenirs  de  toutes  sortes,  elle  tra- 
vaille nuit  et  jour  et  ne  parvient  pas  suffisamment  à  son  gré  à 
cette  représentation.    Puis  elle  s'excite  à  rechercher  de  la  même 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


uvenir  de  sa  voîx,  de  ses  actions,  etc.  Elle  croît  avoir 
î  qui  le  concerne,  avoir  oublié  de  la  même  manière 
es  d'homme  et  ne  plus  même  se  souvenir  d'avoir  été 
B  s'épuise  à  retrouver   avec  précision  tous  ces   sou- 


te manie  de  rechercher  des  souvenirs  que  se  rap- 
js  souvent  les  manies  qui  ont  été  décrites  par  Char- 
1  '  sous  le  nom  d' o  no  m  a  Coma  nies ,  Dans  le  cas  le  plus 
décrit  par  ces  auteurs,  le  malade  recherche  toute  la 
'une  petite  fille  dont  il  a  lu  l'histoire  dans  le  journal  ; 
ise  déterminé  par  cette  manie  de  recherche  est  épou- 
u'à  ce  que  le  matin  il  puisse  retrouver  dans  un  journal 
orgette. 

ît  citer  bien  des  exemples  semblables:  Hg...  (i3o), 
ins,  a  été  conduite  à  la  manie  des  recherches  d'une  ma- 
re :  elle  a  été  très  ennuyée  parce  que  l'on  a  bâti  un  mur 
tre  de  sa  cuisine  et  toute  la  journée  elle  se  demandait 
ait  derrière  ce  mur.  La  manie  s'est  peu  à  peu  déplacée 
l  elle  remarque  une  ressemblance  quelconque  à  pro- 
re  d'un  passant  et  il  faut  absolument  qu'elle  trouve 
personne  qui  présente  cette  ressemblance  avec  le 
...  (i3i),  un  homme  de  76  ans,  est  encore  à  cet  âge 
r  une  manie  semblable.  A-t-il  dans  la  journée  causé 
onne  peu  connue,  il  faut  absolument  qu'il  retrouve  le 
'sse  de  cette  personne,  et  il  passe  des  jours  et  des 
rcher  dans  sa  mémoire  ces  renseignements.  Aussi 
s  aborde,  nous  prie-t-il  d'inscrire  notre  nom  et  notre 
n  carnet  qu'il  ne  quitte  jamais. 

à  cette  manie  du  passé  qu'il  faut  rattacher  toutes  les 
némoration  qui  peuvent  prendre  des  formes  variées. 

en  a  décrit  un  cas  curieux  :  «  Un  homme  de 
1  il  voyage,  regarde  toujours  attentivement  les  sites 
lent  sous  ses  yeux;  lorsqu'il  a  parcouru  une  certaine 
che  à  sç  remémorer  l'aspect  du  paysage  aperçu.  S'il 
V  arriver,  il  souflTre  tellement  qu'il   refait  souvent  le 

combler   les  lacunes  de   sa  mémoire...    Parfois,    il 

Magnan,  Onomatomanic.   Archives  de  ncurolofjie,  scplembro  i885. 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  125 

transige  avec  lui-même  et  envole  un  domestique  vérifier  certaines 
particularités  restées  incertaines  dans  son  esprit  *.  » 

Dans  un  cas  de  M.  Lowenfeld*,  la  manie  du  passé  semble  encore 
plus  indépendante  de  la  recherche  et  de  Tinterrogation.  Depuis 
l'âge  de  i3  ans,  le  malade  se  plaint  «  que  la  pensée  est  envahie 
par  des  souvenirs  obsédants  d'une  exactitude  photographique...  » 
Il  en  résulte,  dit  Tauteur,  «  un  effacement  remarquable  du  moment 
présent,  le  malade  vit  plus  dans  le  passé  que  dans  le  présent  ». 
C'est  là  une  remarque  très  importante,  mais  elle  a  rapport  à  des 
phénomènes  essentiels  que  nous  devons  étudier  plus  tard  isolé- 
ment. Chez  une  de  nos  malades,  chez  Cz...,  femme  de  33  ans,  nous 
retrouvons  cette  manie  de  remémoration  sans  recherche  précise  : 
«  Autrefois,  dit-elle,  je  recherchais  mes  souvenirs  pour  savoir  si 
je  devais  me  reprocher  quelque  chose,  pour  me  rassurer  sur  ma 
conduite,  mais  maintenant  ce  n'est  plus  du  tout  la  môme  chose. 
Je  me  raconte  tout  le  temps  ce  que  j'ai  fait  il  y  a  huit  jours,  il  y  a 
quinze  jours,  j'en  arrive  à  voir  les  choses  exactement  et  je  n'ai 
aucun  intérêt  à  les  revoir,  cela  m'agace  tout  simplement,  mais 
cela  revient  malgré  moi.  » 

A  cette  manie  du  passé  on  peut  joindre  certaines  manies  de 
conservation  des  objets,  certaines  manies  de  collection.  Plusieurs 
malades  (Nadia,  Lod...,  etc.),  gardent  précieusement  des  tiroirs 
pleins  de  petits  papiers  sur  lesquels  sont  écrits  leurs  serments,  leurs 
promesses  ou  simplement  des  résumés  de  leur  vie,  d'autres  con- 
servent des  enveloppes,  des  lettres  (Jean),  des  boites  en  carton 
(U...),  des  chiffons  (Vk...),  et  ne  veulent  pas  que  l'on  détruise 
rien.  M.  S.  de  Sanctis^  a  décrit  ces  manies  de  collection,  mais 
son  étude  vise  surtout  des  malades  différents  des  nôtres,  atteints 
de  paralysie  générale  ou  de  divers  délires  systématiques,  quel- 
ques-uns seulement  de  ses  exemples  se  rapprochent  des  cas  que 
j'étudie  ici. 

Dans  tous  les  cas  précédents  la  manie  pousse  les  malades  à 
dépasser  le  moment  présent  par  la  recherche  et  la  considération 
du  passé. 


1.  F.  Raymond,  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  1899,  P-  ^^^• 

2.  Lôwenfcld  (Munich)  Psyc/i/o/mr/ie  Wochensehrift,  10  juin  1899. 

'^.   s.  i\c  Sanclis,  Collezioni>nio  c  iinpuisi  collezionisti.    lioli.  délia  Sorieta  Lanri- 
siana  dajli  ospedali  di  Honia,  WII,  fasc.  I,   1897. 


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126  LES  AGITATfONS  FORCÉES 

La  recherche  peut  aussi  porter  sur  Favenir,  les  malades  cher- 
client  quelles  sont  les  conséquences  lointaines  de  leurs  actions  ou 
cherchent  à  se  représenter  simplement  les  événements  futurs. 
Jean  appelle  cela  ses  pressentiments,  il  imagine  toujours  tout  ce 
qui  va  arriver  dans  i5  jours,  dans  un  mois  et  il  se  plonge  dans 
cette  contemplation.  Bab...,  femme  de  28  ans,  présente  une 
maladie  de  Favenir  curieuse,  des  imaginations  obsédantes,  tout  à 
fait  analogue  aux  souvenirs  obsédants  de  Lowenfeld.  Devant  le  ber- 
ceau de  sa  petite  fille  qui  a  18  mois  elle  cherche  quelle  robe  elle 
mettra  au  mariage  de  cette  enfant  «  et  cette  cérémonie  de  mariage 
me  tracasse  énormément,  il  faut  que  je  combine  toute  la  céré- 
monie, toutes  les  invitations,  que  je  cherche  commentée  pourrai 
payer  la  robe  de  la  mariée,  c'est  une  véritable  fatigue  ».  Lise 
dépasse  toujours  le  moment  présent  se  répétant  ce  qui  arrivera 
quand  elle  aura  fini  ce  travail,  quand  elle  sera  vieille,  quand  elle 
sera  morte.  «  J'arrive  toujours  h  la  pensée  de  la  mort  parce  que 
c'est  le  dernier  terme.  »  Nous  retrouverons  cette  pensée  à  propos 
des  manies  de  Fextrôme. 


5.   —  Les  manies  de  V explication, 

La  recherche  peut  dépasser  les  faits  du  passé  et  ceux  de  Fave- 
nir ;  elle  peut  porter  sur  tous  les  problèmes  scientifiques  ou  phi- 
losophiques. C'est  la  recherche  pour  la  recherche,  sans  intérêt 
immédiat. 

Cette  forme  de  la  manie  est  la  plus  connue,  elle  se  trouve 
décrite  souvent  sous  le  nom  de  folie  de  l'interrogation,  folie  mé- 
taphysique, etc.  C'est  le  Grilhelsucht,  le  Fragetrieb  des  auteurs 
allemands,  c'est  l'une  des  formes  de  la  psychasthénie  qui  a  été 
décrite  en  premier  lieu  par  Griesingcr.  Un  de  ses  malades  ne 
pouvait  entendre  le  mot  «  beau  »  sans  se  poser  malgré  lui  une 
série  inextricable  et  indéfinie  de  questions  sur  les  problèmes  les 
plus  obstrus  de  l'esthétique.  Le  mot  «  être  »  le  lançait  dans  la 
série  des  discussions  métaphysiques.  «  Je  ruine  ma  santé,  disait- 
il,  en  pensant  sans  cesse  h  des  problèmes  que  la  raison  ne  pourra 
jamais  résoudre  et  qui  malgré  les  efforts  les  plus  énergiques  de 
ma  volonté  me  fatiguent  sans  trêve.  Le  cours  de  ces  idées  est 
incessant...  Cette  réflexion  métaphysique  est  trop  continue  pour 
être  naturelle...,  chaque  fois  que  ces  idées  reviennent,  je  tente 
de  les  chasser  et  je   m'exhorte  h  suivre  la  voie  naturelle  de  la 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  127 

penséo,  à  ne  pas  iirembroulller  le  cerveau  tic  choses  abstraites 
et  insolubles  et  cependant  je  ne  puis  me  soustraire  h  l'impulsion 
continuelle  qui  martèle  mon  esprit.  »  Depuis  ce  travail  de  Grie- 
singer,  celte  manie  mentale  a  été  décrite  bien  souvent.  «  L^obses- 
sîon  peut  prendre  la  forme  interrogative,  disait  M.  Saury  : 
<c  Pourquoi  les  couleurs  sont-elles  inégalement  réparties,  les  arbres 
verts,  les  pantalons  rouges,  le  deuil  en  noir  ?  Pourquoi  les  hommes 
ne  sont-ils  pas  plus  grands?^  »  Une  observation  de  M.  Ladame 
est  fort  remarquable:  il  s'agit  d'une  femme  qui  depuis  l'enfance 
se  posait  à  elle-même  toute  espèce  de  questions  insolubles  dont 
elle  cherchait  en  vain  la  réponse  de  manière  à  troubler  toute  son 
activité.  Ce  sont  des  questions  relatives  à  la  création  (Schôpfungs- 
fragen).  «  Est-ce  que  le  monde  a  pu  se  faire  tout  seul  ?  Peut-on 
diviser  un  objet  en  parties  infiniment  petites  ?  Comment  l'âme 
sort-elle  du  corps,  etc.  ?  '  » 

J'ai  pu  observer  chez  de  nombreux  sujets  tous  les  degrés  de 
ces  recherches  depuis  les  questions  les  plus  humbles  sur  le  cos- 
tume, jusqu'aux  plus  grands- problèmes  métaphysiques.  Elg..., 
jeune  femme  de  19  ans,  s'interroge  à  propos  du  costume  que 
porte  la  personne  qu'elle  regarde  :  «  Pourquoi  porte-t-on  un 
tablier?  Pourquoi  met-on  une  robe..?  Pourquoi  les  messieurs 
n'ont-ils  pas  de  robes  ?  »  et  quand  elle  s'absorbe  dans  ces 
questions  elle  ne  peut  ni  écouter  ni  répondre.  Un  homme  de  87 
ans,  Qs...,  s'interroge  sur  la  fabrication  des  objets,  «  comment 
a-t-on  pu  faire  une  maison  ?  un  bec  de  gaz?...  »  Il  essaye 
de  s'arrêter  en  murmurant  :  «  Allons,  ne  t'emballe  pas,  n'y 
pense  pas,  »  mais  il  revient  à  la  question  :  «  Comment  peut-on 
faire  brûler  du  gaz?  Comment  de  l'air  peut-il  s'enflammer  et 
éclairer  ?..  »  Rost...  se  borne  à  chercher  «  la  définition  du 
violet  ».  Za...  s'interroge  sur  des  problèmes  de  morale  :  «  Qu'est- 
ce  qu'une  mauvaise  pensée  ?  En  ai-je  eu  avec  ou  sans  mon 
consentement  ?  Car  tout  est  là,  mais  qu'est-ce  que  c'est  qu'un 
consentement  ?  »  Za...  est  resté  3  ans  à  méditer  sur  le  mot 
a  consentir  »  sans  arriver  h  une  solution. 

Nem...,  après  avoir  éprouvé  un  sentiment  d'étonnement  en 
voyant  un  individu  qui  lui  paraissait  drôle,  trouve  tout  surprenant 
et  s'interroge  sur  tout.  «  Comment  se  fait-il   qu'il  tonne,   qu'il    y 

1.  Saury,  Folie  des  dégénérés,  p.  G3. 

2.  Ladame,  Ann.  méd.  psych.,  1890,  H,  38'|. 


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LKS  AGlTATfONS  FORCÉES 

éclairs,  qu'il  y  ait  un  soleil,  qu'il  fasse  jour  ou  nuit?  Si 
'ait  pas  de  rivières  et  pas  d'eau  comment  est-ce  qu'on  ferait 
oire,  pour  laver  ?  Kt  si  on  n'avait  pas  d'yeux  comment  est- 
l'on  ferait  pour  voir  ?  » 

.,  à  propos  de  la  critique  des  sens  et  de  l'intelligence  se 
ne    foule   de  problèmes   philosophiques  :    non   seulement, 

nous  Tavons  vu,  elle  interroge  sur  le  caractère  direct  ou 
t  de  la  perception  sensible,  mais  elle  cherche  aussi  h  com- 
e  la  nature  de  l'entendement,  la  signification  de  la  parole 
'écriture.  <(  Comment  des  petits  points  noirs  sur  le  papier 
t-ils  contenir  une  pensée  ?  Comment  les  mots  viennent-ils 
la  bouche  en  même  temps  que  je  pense  ?  Est-ce  donc  une 
ion  de  la  pensée?  Je  me  perds  là-dedans...  Comment  la 
qui  est  un  bruit  peut-elle  transporter  la  pensée  qui  n'est 
e  chose  matérielle..?  Ah,  si  je  pouvais  oublier  tout  cela?... 
ent  se  fait-il  que  je  comprenne  une  personne  en  dehors  de 
]!omment  se  fait-il  que  j'aime  ma  fille  qui  est  en  dehors  de 

t  curieux  de  remarquer  que  ces  spéculations  ne  se  présen- 
s  uniquement  chez  les  personnes  intelligentes  et  cultivées, 
B  retrouvent  presque  identiques  chez  des  femmes  du  peuple 
ment  sans  éducation.  Nadia,  qui  est  une  femme  très  ins- 
et  qui  a  beaucoup  lu,  s'interroge  «  sur  la  religion,  sur  la 
ure,  sur  les  mystères  de  Tàme...  que  deviendra  mon 
jue  deviendra  l'ame  du  monde  ?  »  Cela  semble  assez 
[.  MaisHm...,  femme  de  21  ans,  domestique  à  la  campagne, 
ée  aux  durs  travaux  d'une  ferme,  qui  sait  à  peine  lire  et 
sait  pas  écrire,  est  tourmentée  après  un  accouchement  par 
mes  idées.  «Je  ne  puis  pas  savoir  comment  cela  se  fait  qu'il 
lu  monde,  pourquoi  y  a-t-il  des  arbres,  des  bétes,  qu'est- 
tout  cela  va  devenir  plus  tard  quand  tout  sera  fini  ?...  » 
là  un  besoin  de  spéculation,  de  travail  mental,  qui  s'ef- 
indépendamment  des  connaissances  acquises  et  des  capa- 
u  sujet  pour  discuter  les  problèmes  qu'il  se  pose. 

6.  —  Les  manies  des  précautions, 

recherches  précédentes  s'appliquaient  surtout  aux  idées, 
liions  retrouver  à  propos  des  actions  des  manies  du  même 
que  l'on  peut  aussi  considérer  comme  des  conséquences  du 


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LES  MANIES  DE  L'AU  DELA  129 

besoin  de  précision.  On  remarquera  en  premier  lieu,  la  manie 
des  précautions,  c'est-a-dire  le  besoin  de  faire  une  foule  de 
petites  actions  accessoires  qui  sont  destinées  à  rendre  plus  facile 
une  action  principale  ou  à  empêcher  une  action  que  Ton  redoute. 

Zo...,  qui  a  l'obsession  des  épingles,  se  détourne  des  boîtes  au 
lait,  fait  des  détours  dans  la  rue  pour  ne  pas  passer  auprès  des 
marchands  de  comestibles,  elle  mange  elle-même  très  lentement, 
divise  ses  aliments  à  Tinfini,  etc.  Dk...  se  met  en  tête  d'écrire 
sur  un  carnet  tout  ce  qu'il  fait  au  cours  de  la  journée  afin  de  ne 
rien  oublier.  Cha...,  qui  a  la  manie  de  rechercher  les  noms 
et  adresses  des  personnes  qui  lui  parlent,  ne  vous  aborde 
jamais  sans  vous  prier  d'écrire  tout  de  suite  votre  nom  et  votre 
adresse  sur  un  carnet  qu'il  porte  constamment.  Nadia  prend 
toutes  sortes  de  précautions  dans  son  alimentation,  j'en  ai 
déjà  parlé,  elle  se  couvre  le  visage,  ordonne  à  sa  femme  de 
chambre  une  attitude  spéciale  quand  elle  passe  devant  elle, 
etc.  La  manie  des  précautions  se  manifeste  dans  ses  lettres 
surchargées  de  mots  soulignés  et  terminées  toujours  par  la  for- 
mule :  «  veuillez,  je  vous  prie,  avoir  la  bonté  de  ne  montrer  cette 
lettre  à  personne  et  de  la  brûler.  »  Vob...  ne  s'endort  pas  sans 
coudre  le  bas  de  sa  chemise  en  dessous  de  ses  pieds,  sans 
attacher  les  manches  de  sa  chemise  aux  draps  par  des  épingles, 
afin  d'éviter  pendant  le  sommeil  les  masturbations. 

Jean  présente  bien  des  actions  bizarres  en  rapport  avec  ses 
précautions  :  il  marche  très  lentement  h  petits  pas,  il  prend  de 
grandes  précautions  au  tournant  des  rues,  car  s'il  se  permettait 
un  mouvement  un  peu  brusque,  il  y  aurait  un  «  frottement  psy- 
chique »  de  ses  parties  qui  provoquerait  la  masturbation  et  ses 
terribles  conséquences.  Un  jour,  mais  une  fois  seulement,  il  a  été 
jusqu'à  découdre  son  pantalon  et  à  enlever  la  doublure  «  pour 
gagner  de  la  place  »  et  il  est  resté  une  soirée  avec  son  pantalon 
décousu  sans  être  plus  tranquille  d'ailleurs.  11  continue  toujours 
à  tenir  ses  jambes  très  écartées  quand  il  est  assis,  il  arrange  sa 
chemise  et  son  caleçon  de  manière  spéciale.  Il  ne  peut  couper  son 
pain  quand  il  est  debout,  ce  qui  occasionne  l'idée  de  se  crisper, 
il  change  la  place  de  son  lit,  etc.,  il  a  des  artifices  pour  se  mou- 
cher «  sans  ébranlement  »,  il  réduit  l'acte  d'uriner  et  écarte  les 
mictions  jusqu'à  perdre  les  urines  par  regorgement,  etc. 

Chez  Claire  il  faut  noter  que  ce  besoin  de  précautions   amène 
une  extraordinaire  et  perpétuelle  surveillance  d'elle-même.  C'est 

LES  OBSESSIONS.  1.  g 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

effort  perpétuel  pour  être  sur  le  qui-vive,  «  je  ne  me  donne  pas 
minute  de  liberté  et  j'absorbe  toutes  mes  forces  dans  cette 
reillance  de  moi-même  ».  La  nuit  même,  elle  s'oblige  à  rester 
faitement  immobile  dans  une  position  déterminée  et  elle  y 
jsit  au  prix  d'une  courbature  de  tout  le  corps.  Les  membres 
3euvent  pas  se  laisser  aller  au  repos,  ils  sont  constamment  à 
li  raidis.  Nous  retrouverons  le  même  symptôme  chez  Lise,  dans 
grandes  périodes  de  surveillance  d'elle-même,  et  nous  aurons 
étudier  encore  comme  une  des  manifestations  physiques  de 
t  d'inquiétude. 

cette  manie  on  peut  rattacher  la  manie  de  la  lenteur  si  cu- 
se  chez  Vk...  Ce  n'est  pas  une  lenteur  naturelle  en  rapport 
i  l'aboulie,  c'est  une  lenteur  voulue,  calculée  dans  tous  les 
s  qui  lui  paraissent  avoir  quelque  importance.  Il  lui  faut  une 
li-heurc  pour  mettre  son  jupon  et  une  autre  demi-heure  pour 
icr  une  robe,  «  si  je  vais  plus  vite  je  ne  suis  pas  sûre  que  ce 
bien  fait  et  la  vue  des  gens  pressés  qui  vont  vite  m'énerve  ». 
armi  ces  précautions  que  prennent  les  malades,  la  plus  simple 
plus  banale  de  toutes,  ce  sont  des  précautions  de  propreté. 
ime  ils  ont  peur  de  faire  avec  leurs  mains  un  acte  qu'ils 
lutent  et  comme,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  leurs  craintes  portent  sur 
etites  choses,  le  meilleur  moyen  de  garantir  leurs  mains,  c'est 
îs  laver.  Il  en  résulte  qu'un  très  grand  nombre  de  ces  ma- 
s  ont  passé  par  une  période  où  ils  se  lavaient  les  mains  pcr- 
ellement.  11  est  inutile  de  citer  ici  des  noms,  nous  avons  une 
taine  de  malades  qui  se  lavaient  ainsi  continuellement, 
très  se  préoccupent  aussi  de  la  propreté  de  leurs  vêtements 
lassent  leur  temps  h  les  brosser,  «  de  peur  qu'il  ne  soit 
Dé  dessus  une  miette  d'hostie,  »  ou  bien  ils  lavent  les 
blés,  les  essuyent  sans  cesse  de  peur  de  la  poussière,  des  mi- 
es, des  parcelles  métalliques. 

uelquefois  cette  manie  de  propreté  est  très  loin  de  s'allier 
une  propreté  réelle.  U...  a  surtout  des  idées  hypocondriaques 
a  crainte  du  microbe  de  la  phtisie.  Elle  se  lave  continuelle- 
t  les  mains,  mais  elle  a  peur  de  toucher  un  objet  de  sa  chambre 
lie  ne  peut  pas  tolérer  qu'une  autre  personne  y  touche.  Il  en 
Ite  que  la  salle  n'est  jamais  nettoyée,  que  le  lit  n'est  jamais 
hé  et  que  des  ordures  invraisemblables  s'amoncellent  en  un 
able  fumier.  Quand  j'ai  commencé  à  soigner  cette  personne, 


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Les  maNies  de  l'au  delà  m 

j'ai  dû  lui  faire  couper  une  chevelure  énorme,  transformée  en 
matelas  infect  qu'il  était  impossible  de  nettoyer  autrement  et  ce 
résultat  bizarre  provenait  d'une  manie  de  propreté. 

Bien  entendu  la  manie  de  la  propreté  se  compliquera  des 
doutes  précédents;  après  s'être  lavés,  ils  doutent  qu'ils  se  soient 
lavés  et  ils  recommencent  à  se  laver.  Cette  manie  se  joint  à  celle 
des  interrogations  et  celle  des  répétitions.  «  Le  doute,  dit  Legrand 
du  Saulle,  s'est  mis  au  service  du  délire  du  contact  et  il  se  de- 
mande s'il  s'est  bien  lavé  les  mains  *.  » 

7.   —  Les  manies  de  la  répétition  et  du  retour  en  arrière. 

Malgré  ces  efforts  de  précision  et  ces  précautions  les  malades 
sont  toujours  peu  satisfaits  de  leur  action.  Ils  veulent  essayer  de 
faire  mieux  les  choses,  de  se  satisfaire  eux-mêmes.  Dans  le  cas  le 
plus  simple  et  le  moins  délirant,  ils  recommencent  l'acte  tout 
simplement,  mais  ils  ne  sont  pas  plus  satisfaits  la  seconde  fois 
que  la  première  et  alors  ils  recommencent  indéfiniment:  nous  arri- 
vons aux  manies  de  la  répétition  qui  sont  parmi  les  plus  fré- 
quentes et  les  plus  importantes. 

Une  jeune  fille  Tr...,  que  nous  avons  déjà  vu  hésiter  pour 
donner  la  forme  définitive  à  un  pétale  de  rose  en  arrive  à  ne  plus 
pouvoir  faire  aucun  mouvement  sans  le  recommencer  plusieurs 
fois  :  elle  se  lève  de  sa  chaise  et  ne  s'en  va  pas,  mais  se  rasseoit  et 
recommence  h  se  lever;  elle  prend  un  verre  puis  le  repose,  le  re- 
prend, le  repose  et  continue  ce  manège  indéfiniment.  Ce. . .  pour  s'as- 
surer que  la  porte  est  bien  fermée  la  rouvre  et  la  ferme  et  cela  une 
dizaine  de  fois  de  suite.  Ce  symptôme  de  fermer  plusieurs  fois  de 
suite  la  porte  ou  le  bec  de  gaz  est  tout  à  fait  banal,  il  commence 
même  chez  les  individus  à  peu  près  sains  dans  toutes  les  périodes 
d'affaiblissement  et  de  distraction.  Mais  Ce...  va  plus  loin,  car  il 
recommence  indéfiniment  une  addition,  si  bien  qu'il  ne  peut 
plus  arriver  à  faire  ses  comptes.  «  Un  homme  sain  d'esprit  et 
bien  portant,  disait  Bail,  est  obligé  de  renoncer  à  la  lecture  car 
dès  qu'il  a  tourné  une  page,  il  croit  en  avoir  sauté  une  et  recom- 
mence de  nouveau  sans  pouvoir  avancer^». 

Dans  certains  cas  il  s'agit  d'actes  particuliers  que  les  malades 


I.  Legrand  du  SauUo.  Folie  du  doute,  p.  Sg. 

a.  Bail,  Frontières  de  la  folie.  Revue  scientifique,  i883, 1,  p.  3. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

)mmencent  indéfiniment  tandis  qu'ils  n'hésitent  pas  pour  les 
es.  Vor...  (137),  quand  elle  a  uriné,  éprouve  un  méconten- 
ent  que  j'ai  déjà  signalé,  aussi  relourne-t-elle  imniédiate- 
it  aux  cabinets,  elle  en  ressort  «  sans  être  certaine  d^avoir 
;ué  les  dernières  gouttes  ».  Elle  retourne  ainsi  soixante  fois  aux 
[nets  avant  de  se  coucher  et  ne  s'arrête  que  tout  à  fait 
isée  de  fatigue. 

n  de  nos  malades  Rk...  répète  chaque  phrase  qu'il  lit,  chaque 
ïse  qu'il  prononce  ou  bien  il   fait  répéter  chaque  phrase  que 

prononce  devant  lui  :  «  Mon  Dieu,  pense-t-il,   voilà  encore 
phrase  qui  s'en  va  dans  l'éternité  et  je  ne   l'ai  pas  bien  com- 
e  ». 

'autres  pour  ne  pas  recommencer  indéfiniment  se  fixent  une 
te,  un  nombre  de  fois  déterminé.  Nous  retrouvons  ici  cet 
ur  pour  les  chiffres,  dont  la  précision  apparente  les  enchante 
>  recommenceront  l'acte  quatre  fois,  dix  fois,  espérant  par  là  être 

qu'il  sera  bien  fait.  Nadia  veut  faire  chaque  action  six  fois 
..  se  borne  à  trois  fois,  Jean  à  quatre  fois  ou  à  un  multiple  de 
Ire,  Rien  n'y  fait  malheureusement,  car  ils  ne  sont  plus  sûrs 
itenant  d'avoir  bien  compté  :  pour  être  satisfaits,  il  ne  leur 
plus  recommencer  l'acte  mais  la  série  des  actions.  Une  pauvre 
ne  pour  se  tranquilliser  veut  réciter  une  dizaine  de  chapelet, 

elle  la  recommence  parce  qu'elle  croit  qu'il  en  manque, 
i  fait-elle  des  dizaines  de  quatre  heures  du  matin  jusqu'à  midi. 

ne  forme  curieuse  de  ce  besoin  de  recommencer,  forme  qui 
ae  lieu  à  bien  des  erreurs,  c'est  /e  besoin  du  retour  en  arrière, 
r  recommencer  l'action  il  ne  faut  pas  s'éloigner  du  milieu  où 
doit  être  faite,  il  ne  faut  pas  quitter  trop  vite  les  circonstances 
lilieu  desquelles  l'acte  doit  avoir  lieu.  Ces  malades  désirent 
;  ne  pas  changer  de  place.  Cette  haine  du  changement,  fon- 
entale  chez  eux,  en  raison  de  leur  aboulie  est  ici  fortifiée  par 
îsir  d'être  à  même  de  recommencer  les  pensées,  les  senti- 
ts,  les  actes  dans  les  mêmes  conditions  où  ils  ont  déjà  été 
mplis.  Ils  cherchent  donc,  comme  Claire  à  retourner  en 
îre,  à  reprendre  la  même  pensée  aux  mêmes  heures, 
même  endroit.  Ils  craignent  qu'on  ne  les  déplace  malgré 
et  trop  rapidement.  Dès  que  Claire  est  à  Paris  elle  veut 
rtir  à  la  campagne  «  comme  il  me  semble,  dit-elle,  que 
ai  jamais  fait  ce  je  devais,  je  crois  aussi  que  je  ne  suis  pas  à 


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LES  MANTES  DE  VMJ  DELA 

la  place  qu'il  faudrait,  que  je  devrais  retourner  à  la  pi 
dente  ».  On  comprend  quel  trouble  terrible  apportent  l 
en  chemin  de  fer  qui  entraînent  rapidement  loin  de  la  ] 
cédente.  Cela  met  cette  jeune  fille  au  désespoir,  elb 
revenir  en  arrière,  a  son  point  de  départ,  au  moins  à 
précédente. 

Cette  Idée  est  très  fréquente.  M.  Ameline  signalait  i 
congrès  de  psychologie  une  jeune  fille  du  service  de  M 
qui  n'aimait  pas,  en  chemin  de  fer,  voir  les  maisons 
arrière  à  mesure  que  le  train  avançait.  «  L'impression  ( 
fuit  sous  mes  pas  me  laisse  un  vide  et  tout  en  me  renda 
que  je  dois  continuer  mon  chemin,  j'éprouve  des  héî 
poursuivre  vers  mon  but.  Quand  je  suis  arrivée  il  me  s 
j'ai  été  trop  vite  ;  il  faut  que  je  retourne  h  mon  point 
Quand  au  lieu  de  faire  un  trajet  à  pied,  je  le  fais  € 
j'éprouve  le  môme  vide  en  voyant  les  maisons  et  tout 
route  et  si  je  n'étais  pas  en  voiture,  il  me  semble  qu( 
rèterais*  ». 

On  retrouve  ce  retour  en  arrière  chez  Fé...,  chez  I 
croit  toujours  «  laisser  un  vide  derrière  elle  en  pas 
vite  ».  Je  crois  que  cette  manie  de  retourner  h  la  môm 
au  même  moment  où  a  débuté  l'action,  joue  quelquefc 
dans  la  phobie  des  chemins  de  fer.  II  est  facile  de  voir 
rattache  non  seulement  à  la  manie  de  la  répétition  ma 
à  la  manie  du  symbole  ;  ce  retour  en  arrière  est  une 
symboliser  le  besoin  de  recommencer,  le  mécontenl 
l'action. 


8.  —  Les  manies  des  procédés  et  les  manies   de  la  y 

Souvent  les  malades  ne    se    bornent  pas   à   répéter 
cherchent  à  le  perfectionner,  à  le  rendre  plus  complet, 
tent  des  trucs,  des  procédés  pour  faire  mieux  l'action. 

L...  inventait  des  systèmes  pour  écrire.  Il  attachait 
plume  h  tous  les  doigts  de  la  main  successivement  qu'i 
arrivé  à  ne  plus  écrire  du  tout  et  que   sa    maladie  était 
premier   abord    pour    une    crampe     des    écrivains.    R 


I.   Ameliiic,  Coiisidc'ratioiis  sur  la  ps^cho-physiologio  des  obsession 
pulsions  dcçcnératives,  Comptes  rendus  du  IV^  Congres  de  psychologie,  i 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES  13i 

ité  des  systèmes  pour  écrire  bien,  pour  tenir  sa 
lettre  la  ponctuation,  pour  réciter,  pour  aiguiser 
et  il  en  arrivait  à  ne  plus  pouvoir  écrire  une  ligne, 
1  métier  ;  puis  il  inventa  des  systèmes  pour  bien 
)ut,  dit-il,  j'aspire  à  Tidéal,  je  creuse  le  sujet  et  je 
d.  »  Enfin,  ce  qui  causa  son  plus  grand  malheur, 
systèmes  pour  déglutir  et  pour  respirer.  11  veut 
utte  d'eau  entre  chaque  respiration,  il  fait  des  gri- 
ichemenls,  des  rots  et  devient  aussi  répugnant  que 

ï  borne  pas,  comme  on  Ta  vu,  a  répéter  les  mictions 
de  suite,  elle  cherche,  elle  combine  des  procédés 
bien  »,  elle  étudie  la  théorie  du  coup  de  piston  et 
et  h  travers  sur  quelques  idées  vagues  qu'elle  a  sai- 
siologie  de  la  miction  chez  rhomnie  sans  deviner 
^'appliquent  pas  aux  femmes.  «  N'y  aurait-il  pas 
ement,  quelque  grimace  à  faire  avec  le  ventre  pour 
^  »  Je  n'insiste  pas  sur  la  manie  de  la  perfection 
rbation  qui  est  plus  fréquente  que  l'on  ne  le  croit. 

ie  de  la  perfection  joue  aussi  un  grand  rôle  dans 
)les  souvent  désignes  sous  le  nom  d'onomatomanie. 
vague  désignait  simplement  un  trouble  quelconque 
ots,  ce  pouvait  être  une  obsession,  une  manie  de 
le  manie  de  recherche,  etc.  On  vient  de  voir  Cha... 
indant  toute  une  nuit  le  nom  et  l'adresse  des  per- 
ji  ont  parlé  dans  la  journée.  Dans  d'autres  cas,  il 
le  manie  de  la  perfection.  Pn...  (iSg),  homme  de 
t  surtout  d'obsessions  hypocondriaques  s'est  mis  en 
er  les  préoccupations  sur  sa  santé  par  une  phrase 
[u'il  doit  répéter  pour  se  tranquilliser.  Il  doit  dire  : 
allons  dîner,  nous  verrons  après.  »  Malheureuse- 
irase  n'a  tout  son  effet  que  si  elle  est  bien  dite.  II 
)as  assez  bien  dite,  il  la  répète,  cela  ne  lui  suffit  pas. 
e-tète  ou  la  dit  h  voix  basse,  il  cherche  comment  il 
re  ;  il  prie  sa  femme  de  l'écouter,  de  l'aider,  de  la 
ni  ;  il  imagine  de  descendre  avec  sa  femme  au  fond 
éteindre  la  lumière  et  de  crier  la  phrase  en   chœur 

l  Pierre  Janel,  Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  385. 


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LES  MANIES  DE  LWU  DELA  135 

dans  Tobscurité  et  il  remonte  désespéré  parce  qu'il  n'a  pas  encore 
trouvé  «  le  moyen  de  la  bien  dire  ».  Une  observation  intéres- 
sante de  M.  Séglas  sur  un  malade  qui  a  un  mot  sur  le  bout  de  la 
langue  et  qui  ne  parvient  pas  h  le  bien  répéter  me  parait  se  rap- 
porter à  des  phénomènes  analogues  V 

Le  délire  le  plus  curieux  que  j'aie  constaté  à  propos  de  cette 
manie  dumieuxestceluid'unefemmedeSoans,  Loa...  (i38).  A  pro- 
pos de  quelques  masturbations,  elle  a  des  remords  et  s'effraye  en 
pensant  qu'elle  n'a  pas  éprouvé  d'une  façon  correcte  la  satisfac- 
tion génitale.  Elle  attribue  à  cette  satisfaction  incomplète  un  en- 
gourdissement qu'elle  ressent  et  elle  va  à  la  recherche  du  bon- 
heur. Son  mari  ne  lui  suffit  plus,  elle  donne  des  rendez-vous  à  tort 
et  à  travers  ;  elle  ne  s'y  rend  pas  toujours,  mais  cependant  elle  essaye 
quelquefois  si  elle  aura  plus  de  succès  avec  un  autre,  elle  revient 
toujours  désillusionnée  et  désespérée.  Cette  femme  semble  avoir 
un  délire  erotique,  tandis  qu'il  ne  s'agit  que  d'une  manie  de  la 
perfection  chez  une  scrupuleuse.  Ce  singulier  trouble  doit  être 
fréquent  puisque  je  le  retrouve  exactement  semblable  chez  une 
autre  femme,  Len...  «  Je  ne  me  rendais  pas  compte  de  ce  que 
c'était  que  Texistence,  j'étais  trop  naïve,  il  faudrait  changer, 
arriver  k  être  comme  les  autres  femmes...  il  me  faut  ma  na- 
ture... je  n'arrive  pas  à  éprouver  ce  que  l'on  doit,  il  me  semble 
que  ce  n'est  jamais  terminé,  je  continuerai  indéfiniment...  »  Il 
se  peut  qu'il  y  ait  quelque  chose  de  vrai  dans  ses  plaintes,  nous 
le  verrons  plus  tard.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  exact  qu'elle  a  une 
manie  bizarre,  celle  de  chercher,  par  tous  les  moyens,  cette 
jouissance  parfaite,  celle  de  rêver  tout  le  temps  à  ce  problème 
comme  s'il  n'y  avait  pas  d'autre  but  possible  dans  la  vie. 

g.  —  Les  manies  de  l'extrême  et  de  l'infini. 

Toutes  ces  manies  aboutissent  h  la  même  tendance,  celle  de 
pousser  toutes  les  opérations  mentales  à  l'extrême,  aussi  loin 
qu'il  est  possible  d'arriver.  Nous  avons  déjà  vu  cette  manie  se 
manifester  fortement  dans  les  caractères  des  obsessions,  il  est 
inutile  de  revenir  sur  le  caractère  extrême  des  sacrilèges,  des  im- 


i.  Séglas,  Deux  cas  d'onomatom^nic.  BuUelin  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux, 
la  avril  1887. 


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LFS  AGITATIONS  FORCf.ES 

des  remords,  des  hontes  que    ces  malades  imaginent, 
ne  femme  de  33  ans,  qui  se  rend  compte  de  cette  manie, 

encore  :  «  C'est  ridicule,  mon  cerveau  travaille  tout  le 
es  idées  extraordinaires. . .  je  voudrais  arriver  à  des  choses 
[ibles,  à  des  crimes  inouïs,  ou  bien  à  des  fortunes,  à  des 
ncrôyables,  enfin  il  faudrait  que  ce  soit  extravagant.  » 
ussi  vu  cette  manie  se  manifester  à  propos  des  recher- 
e,  par  exemple,  dans  ses  conceptions  sur  l'avenir,  arrive 
à  penser  h  sa  mort,  à  ce  qui  arrivera  après  sa  mort, 
»i  elle  regarde  en  arrière,  «  elle  arrive  tout  de  suite  au 
i  a  précédé  la  naissance  ».  Bal...  ne  peut  sortir  de  la 
ation  ((  du  dernier  au  delà  »,  sa  manie  des  explications 
'  le  commencement  et  la  fin  du  monde,  sur  les  destinées 

du  monde,  etc. 

encore  ajouter  quelques  applications  nouvelles  de  cette 
n  la  retrouve  dans  la  manie  des  généralisations,  dans  la 
)  l'absolu  qui  se  manifeste  souvent.  «  Dès  que  je  me  sens 
lible,  dit  Claire,  j'en  arrive  à  concevoir  que  tout  est  im- 

que   personne  au  monde  ne  peut   rien    faire,  que    per- 
est  religieux,  que  personne   ne  peut  guérir  »,  Jean  nous 

quelques  beaux  exemples  de  cette  manie  de  la  généra- 

l'infini.  Une  personne  de  sa  connaissance  vient  de  mourir 
quartier  à  l'Est  de  sa  petite  ville,  «  il  lui  semble  que  ce 
est  désolé,  vide  de  tout;  à  force  d'y  penser  il  croit  que 
[uartier  Est  est  mort,  qu'il  ne  renferme  plus  aucun  être  vi- 
3ntot  il  en  est  ainsi  de  tout  ce  qui  est  à  l'Est.  Toute  la 
!st  de  la  France  au  delà  de  Yincennes  est  vide,  il  n'y  a 
;  de  la  terre  et  de  l'herbe  ».  La  manie  du  «  tout  ou  rien  » 
mune  chez  ces  personnes  w  il  leur  faut  la  perfection  en 
u  bien  ce  n'est  pas  la  peine  de  sortir  de  l'ignorance...  » 
:ais  mieux  ne  pas  uriner  du  tout  nous  dit  Vor...  que  de  ne 
er  dans  la  perfection  ».  Dans  un  autre  cas,  celui  de  Qs..., 
le  37  ans,  l'extrême  prend  déjà  l'apparence  numériques  je 
é  de  chercher  à  multiplier  énormément  les  choses  aux- 
e  pense,  je  cherche  à  imaginer  sur  une  mer  immense  des 
s,  des  milliers  de  bateaux,  puis  des  milliers  de  milliers 
lux  et  je  m'épuise  a  les  multiplier  encore  ». 
a  notion  de  Tinfini  se  dégage  encore  mieux  de  l'observ^ilion 
,  intéressante  à  divers  points  de  vue.  Un  jeune  homme  de 
Vil...,    dans  une   lettre  que  je  lui  demande  d'écrire  me 


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LES  MANIES  DE  LAU  DELA  137 

décrit  ainsi  son  obsession  :  a  Tidée  principale  qui  me  tourmente 
le  plus,  c'est  Tidée  de  Téternilé  :  elle  passe  pour  moi  du  domaine 
de  la  raison  dans  celui  de  la  sensibilité  et  me  cause  des  douleurs 
intolérables.  Je  sens  letemps  durerindéfiniment,  l'espace  s'allonger 
toujours,  quelque  chose  comme  un  crescendo  sans  arrêt,  il  me 
semble  que  mon  être  gonfle  progressivement,  prend  la  place  de 
tout,  se  grossit  d'univers  et  de  siècles,  puis  une  sorte  d'éclate- 
ment et  tout  disparait  me  laissant  une  douleur  atroce  dans  la  tête 
et  dans  l'estomac.  Ce  travail  d'esprit  me  poursuit  et  m'accable  d'un 
découragement  profond.  C'est  donc  vrai  que  l'éternité  existe,  je 
viens  de  la  voir,  de  la  sentir  trop  évidemment  pour  que  cela  soit 
une  simple  forme  de  mon  esprit,  mais  alors  que  m'importe 
les  quelques  instants  de  ma  vie,  que  m'importe  le  bonheur,  le 
malheur  ou  le  néant  éternel  ?  C'est  l'éternité  qui  est  effrayante. 
Quelque  chose  sans  fin,  c'est  horrible.  Toujours  du  bonheur,  et 
après  ?  Encore  du  bonheur  ;  et  après  ?  Et  après  ?  Cela  est  aussi 
horrible  que  toujours  souffrir  ou  toujours  ne  rien  être.  L'éternité 
existera  quand  même  il  n'y  aura  rien.  Les  distractions  les  plus 
vives  sont  impuissantes  h  chasser  ces  impressions  de  mon  cer- 
veau, tout  mon  corps  en  est  comme  imprégné,  si  j'essaye  de 
raisonner,  je  m'enfonce  encore  plus  et  je  sens  bien  que  ce  sera 
indéfini,  interminable,  ce  n'est  pas  le  résultat  d'un  syllogisme, 
c'est  le  résultat  d'une  perception  immédiate,  évidente,  plus  évi- 
dente même  que  la  conscience  de  mon  moi...  » 

Je  reprendrai  l'étude  de  ce  phénomène  remarquable  à  propos 
des  phénomènes  de  l'angoisse.  Pour  le  moment,  je  remarque 
seulement  qu'il  s'agit  bien  d'un  scrupuleux,  honteux  de  lui- 
même,  qui  se  croit  sans  personnalité,  qui  se  reproche  tout  ce 
qu'il  pense,  qui  critique  et  analyse  ses  sentiments  jusqu'il  les 
métamorphoser  en  leur  contraire.  «  Ces  questions  me  font  tant 
plaisir  ou  tant  souffrir,  je  ne  sais  si  c'est  l'un  ou  l'autre,  car  mon 
plaisir  me  semble  à  la  fois  être  poussé  trop  loin  et  rester  incomplet 
et  je  ne  sais  pas  si  ce  n'est  pas  une  espèce  de  douleur.  »  Il  a  la  manie 
de  pousser  tout  à  l'infini,  de  chercher  ce  qu'il  y  a  après  le  plaisir 
qu'il  éprouve,  ce  que  serait  un  plaisir  plus  grand,  encore  plus 
grand,  etc.  C'est  h  l'idée  d'espace  et  de  temps  que  cette  manie 
s'applique  le  mieux,  aussi  finit-il  par  en  être  obsédé.  Il  est  rare 
de  trouver  cette  manie  aussi  explicite,  mais  en  réalité  elle  est 
contenue  dans  toutes  les  manies  de  l'au  delà. 

Toutes  ces  manies  de  Tau  delà  présentaient  en   effet  comme 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


ne  essentiel  une  agitation  de  Tesprit  incapable  de  s'arrêter 
;  pensée  et  qui  était  sans  cesse  forcé  de  la  dépasser  pour  y 
quelque  chose,  puis  encore  une  autre  chose  sans  repos  et 
II.  Une  agitation  semblable  conduit  infailliblement  a  la 
de  Textrême  et  de  Tinfini. 


3.  —  Les  manies  de  la  réparation. 

ré  tous  ces  efforts  et  ces  procédés  variés  qui  tous  semblent 
our  but  de  perfectionner  Faction  ou  l'idée,  le  sujet  n'arrive 
tre  satisfait.  Aussi  se  livre-t-il  à  une  autre  série  d'exercices 
t  pour  but  de  réparer,  d'effacer  autant  que  possible  les 
B  l'action  précédente.  Ce  sont  ces  manies  que  je  rapproche 
titre  de  manies  de  la  réparation. 

I.   —  Les  manies  de  la  compensation. 

iremicre  est  une  simple  compensation.   Après    l'action  dite 
euse,   il  faut  en  Aûre  une  autre  qui  semble  souvent  être 
d'une  manière  arbitraire,  qui  dans  d'autres  cas  est  opposée 
L»cédente  pour  la  compenser. 

id  Bunyan  avait  trouvé  dans  la  Bible  un  mot  dont  la  signi- 
I  lui  paraissait  désagréable  et  décourageante  il  lui  fallait 
'  dans  les  livres  saints  un  autre  mot  dont  la  signification 
ourageante  pour  compenser  le  premier'.  Une  observation 
santé  de  L'adame  semble  se  rapprocher  de  ce  groupe  : 
id  je  marche,  dit  le  malade,  et  que  les  mauvaises  idées  me 
nt,  je  dois  m'arrèter  pour  revenir  d'un  pas  en  arrière,  pour 
T  la  mauvaise  pensée,  c'est  comme  si  je  corrigeais  une 
dans  un  livre  de  compte  ^.  » 

a  s'est  résignée  îi  manger  pour  m'obéir,  mais  h  la  condition 
ndre  aussitôt  après  le  repas  quelque  chose  qui  la  fasse 
[•  «  quelque  chose  d'amaigrissant,  puisque  vos  côtelettes 
'ossissantes  ».  Autrefois,  elle  prenait  une  cuillerée  de  vi- 
;  je  l'ai  amenée  à  accepter  une  petite  tasse  d'une  tisane  que 


iah  ttoycc,  TIic  case  of  Bunyan.  Psycholofjical  fieview,  1894»  p-  i36. 
dame,  Ann.  mcdic.  psych.,  iSyo,  11,  38a. 


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LES  MANIES  DE  LA  RÉPARATION  139 

j'ai  baptisée  amaigrissante.  Elle  sait  maintenant  que  je  la  trompe 
et  que  sa  tisane  est  faite  de  thé  et  de  camomille;  peu  importe,  elle 
a  besoin  de  la  prendre  encore,  le  symbole  suffit  pour  faire  la 
compensation. 

Quand  les  nécessités  de  la  politesse  ont  contraint  Jean  bien 
malgré  lui  à  toucher  la  main  d'une  femme,  il  faut,  pour  compenser, 
toucher  bien  vite  la  main  d'un  homme.  Aussi  quand  il  est  seul 
le  soir  avec  sa  mère  et  que  celle-ci  lui  tend  la  main  avant  d'aller 
se  coucher,  se  trouve-t-il  dans  «  une  situation  horrible  ».  Il  n'ose 
pas  refuser  sa  maib,  mais  il  passe  ensuite  une  nuit  bien  pénible 
puisqu'il  n'a  pu  toucher  la  main  d'un  homme  pour  compenser. 
Quand  il  est  entré  à  l'église  de  la  Madeleine  (qui  porte  un  nom 
de  femme),  il  faut  qu'il  entre  au  moins  un  instant  dans  une  autre 
église  pour  effacer  cette  impression. 

Cette  manie  de  la  compensation  présente  bien  des  variétés  dont 
la  principale  est  la  manie  suivante,  l'une  des  plus  importantes  au 
point  de  vue  clinique. 

2.  —  Les  manies  de  V expiation. 

L'expiation  n'est  qu'une  forme  de  la  compensation  avec  ces 
deux  caractères  sinon  surajoutés,  au  moins  précisés.  Le  premier 
acte  qui  est  le  point  de  départ  de  la  manie  semble  au  sujet  hon- 
teux et  immoral,  il  s'agit  surtout  des  malades  honteux  d'eux- 
mêmes  ou  de  leur  corps.  La  deuxième  action  qui  doit  compenser 
la  première  a  un  caractère  désagréable,  pénible,  elle  prend 
l'apparence  d'une  punition. 

«  Il  faut  toujours,  dit  Pn...,  que  je  fasse  quelque  chose  pour  sou- 
lager ma  conscience  et  il  cherche  à  répéter  avec  perfection  sa 
formule  :  «Allons  dîner,  il  ne  faut  plus  penser  à  cela.  »  Hil... 
(71),  qui  a  honte  d'aller  à  la  selle,  n'y  va  qu'en  faisant  des  révé- 
rences a  pour  s'excuser  ».  Claire  qui  croit  avoir  une  hostie  collée 
à  l'anus,  et  qui,  par  conséquent,  redoute  également  d'aller  à  la 
selle,  ne  consent  à  y  aller  qu'en  s'ngenouillant  dans  les  cabinets 
quelquefois  des  heures  entières  avant  et  après.  Zei...  (i42),  qui  a 
a  envie  de  dire  des  gros  mots  au  bon  Dieu  »  veut  faire  des  prières 
pour  expier  et  elle  s'agenouille  à  chaque  instant.  Comme  la 
prière  ne  lui  paraît  pas  bien  dite,  elle  se  condamne  à  ne  pas 
manger  et  c'est  là  une  cause  de  refus  d'aliments.  Rn...  (i46)  se 
condamne,  pour  expier  ses  mauvaises  idées,  à  donner  un  coup 


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140  LES  AGITATIONS  FORCÉES 

de  coude  dans  les  meubles  auprès  desquels  il  passe.   Ou  prévoit 
que  ce  phénomène  va  jouer  un  rôle  dans  les  tics. 

Au  lieu  d'expier  par  une  action  réellement  exécutée  au  mo- 
ment même,  ils  veulent  expier  en  promettant  de  faire  une  action 
désagréable  plus  tard  ou  en  promettant  de  sacrifier  un  plaisir  qu'ils 
se  promettaient.  L...  se  promet  à  lui-même  de  se  mettre  en  prison 
cinq  minutes  pour  expier  ses  actions  indélicates  et  Mw...  (i45) 
se  figure  qu'un  voyage  agréable  à  bicyclette  qu'elle  espérait  ne  se 
fera  pas  parce  qu'elle  ne  s'habille  pas  assez  vite.  Cette  promesse 
d'expiation  finit  par  se  répéter  pour  tous  les  autres  actes  même 
insignifiants.  «  Si  je  marche,  si  je  touche  ce  fauteuil,  si  je  bois 
ce  verre,  le  voyage  h  bicyclette  ne  se  fera  pas.  » 

Ce  sont  des  faits  du  même  genre  avec  un  plus  haut  degré  de 
complication  qui  jouent  le  rùle  principal  dans  la  maladie  de  Lise. 
((  Pour  me  punir  d'avoir  maudit  Dieu,  répète  tout  le  temps  Lise, 
il  faut  que  je  me  fixe  une  chose  désagréable  à  faire,  donner  mon 
âme  au  démon,  par  exemple.  »  Et  ainsi  pour  tout  ce  qu'elle  peut 
se  reprocher  :  a  propos  de  tous  les  actes  qui  la  préoccupent  et 
ils  sont  nombreux,  il  faut  qu'elle  fasse  une  expiation  pour  se  ras- 
surer. Si  elle  s'accuse  de  mensonge,  d'impudicité,  il  faut  expier 
et  par  conséquent  accepter  un  changement  de  séjour  désagréable, 
ou  accepter  qu'un  de  ses  enfants  meure,  ou  vouer  son  âme  et 
celle  de  ses  enfants  au  démon,  etc.  Au  début,  il  ne  s'agissait  que 
d'expiations  personnelles,  elle  ne  voulait  réparer  que  ses  propres 
fautes,  mais  bientôt  l'idée  d'expiation  s'est  généralisée.  11  faut 
expier  pour  son  oncle,  pour  un  frère  qui  n'est  pas  religieux;  il 
faut  expier  pour  un  homme  politique  qui  vient  de  mourir  d'une 
façon  peu  édifiante,  il  faut  expier  pour  l'explosion  d'une  pou- 
drière, etc.  ((  En  un  mot,  dit-elle,  j'ai  des  rages  d'expier  pour 
tout  le  monde.  »  Le  mot  même  «  expier  »  finit  par  la  fasciner,  elle 
le  cherche  dans  tous  les  dictionnaires  et  apprend  l'article  par  cœur. 

Ce  qui  est  bien  étrange,  c'est  que  je  retrouve  exactement  la 
même  maladie  chez  la  sœur  de  cette  malade.  Elle  a  une  foule  de 
scrupules,  s'accuse  d'aimer  une  amie  plus  que  sa  famille,  d'aimer 
à  jouer  du  piano,  d'avoir  pensé  h  l'Eucharistie  devant  une  bou- 
langerie, etc.,  et  pour  toutes  ces  mauvaises  actions  imaginaires 
((  le  regret  ne  suffit  pas  il  faut  une  compensation.  Il  faut  toujours 
une  petite  chose  pour  satisfaire  Dieu.  »  Ce  sont  chez  elle  des 
tics,  des  simagrées,  beaucoup  plus  simples  que  chez  Lise.  Elle 
doit  manger  quelque  temps  dans  une  assiette  vide,   se  déshabiller 


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LES  MANIES  DE  LA  RÉPARATION  141 

et  se  rhabiller,  ouvrir  une  armoire,  prendre  un  air  triste  toute  la 
matinée  avec  ses  parents  pour  compenser  Taprès-midi  où  elle 
s'amusera  avec  une  amie.  C'est  plus  puéril,  mais  c'est  le  même 
trouble  psy<;hologique.  Je  ne  crois  pas  que  dans  ce  cas  il  s'agisse 
de  suggestion  ou  de  maladie  communiquée  par  contagion;  il 
s'agit  d'un  même  trouble  psychologique,  profond,  héréditaire  qui, 
en  évoluant  chez  les  deux  sœurs,  amène  chez  toutes  deux  les 
mêmes  manifestations. 

Chez  ces  deux  dernières  malades,  on  trouve  une  variante  de 
l'expiation  et  delà  promesse.  Elles  acceptent  la  peine  sans  se  re- 
procher rien,  uniquement  comme  payement  d'une  grâce  qu'elles 
demandent.  Dès  qu'elles  souhaitent  quelque  chose,  elles  pensent 
qu'elles  doivent  expier  pour  voir  ce  souhait  s'accomplir.  «  Je 
n'aurai  telle  chose  que  je  désire  que  si  je  fais  un  présent  au  démon 
ou  à  Dieu...  Si  mon  petit  neveu  malade  guérit,  je  donnerai  au 
démon  Tame  de  mes  enfants,  si  je  retrouve  ce  bijou  perdu,  je 
donnerai  aussi  Tame  de  mon  oncle.  » 

Ces  malades  qui  ont  la  manie  de  l'expiation  en  arrivent  h  un 
petit  commerce  avec  le  ciel  et  l'enfer  qui  est  tout  h  fait  curieux. 
Elles  sont  en  retard  ou  en  avance  dans  le  paiement  de  leurs 
dettes,  elles  s'effrayent  et  elles  se  hâtent  d'expier  bien  vite  quand 
elles  croient  avoir  trop  d'arriéré. 

3.  —  Les  manies  des  pactes. 

Au  lieu  de  considérer  l'action  présente  et  de  chercher  h  la 
compenser,  au  lieu  de  considérer  l'action  passée  et  de  cher- 
cher à  l'expier,  les  malades  pensent  encore  plus  souvent  h 
Faction  future  et  ils  s'engagent  par  avance  h  la  réparer.  Ils  pro- 
mettent de  subir  quelques  châtiments  pénibles,  tantôt  s'ils  font, 
tantôt  s'ils  ne  font  pas  une  certaine  action  sur  laquelle  leur  atten- 
tion est  attirée  :  ces  engagements  prennent  la  forme  de  serments 
ou  Aq  pactes, 

M.  van  Eeden,  sous  le  nom  de  manie  de  superstition,  décrit 
un  cas  que  nous  avons  déjà  rattaché  à  la  manie  des  présages  ; 
ce  même  malade  a  en  outre  la  manie  de  faire  des  vœux  :  «  si 
pendant  l'heure  qui  vient  je  cède  a  un  seul  de  mes  caprices,  je 
consens  k  avoir  une  apoplexie  avant  24  heures*.  »  Dans  la  thèse 

I.  Van  Eedcn,  Psychothérapie,  189/4.  Cf.  Milne  Bramwell,  Brain,  iSqS,  p.  335. 


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LES  AGITATIONS  I^ORCÉÊS 

inteires  *  se  trouve  signalé  un  cas  souvent  cité  à  propos  d'un 
le  qui  a  horreur  du  nombre  i3.  «  Si  je  fais  d'ici  à  demain  un 
[icte  superstitieux,  que  toutes  les  étoiles  du  ciel  soient  i3, 
Dieu  soit  i3...  Si,  quand  le  surveillant  sera  arrivé  en  se 
enant  a  tel  pupitre,  ou  si  au  premier  coup  de  cloche  je  ne 
pas  arrivé  à  tel  passage  de  mon  travail,  eh  bien,  je  veux 
ir  et  aller  aussitôt  a  Dieu...  »  On  a  souvent  reproduit  ce  cas 
le  une  curiosité  et  cependant  rien  n'est  aussi  banal  que  ce 
tome. 

li  je  ne  fais  pas  35  signes  de  croix  sans  m'arrèter,  dit 
{^8)y  femme  de  2.5  ans,  qu'il  arrive  malheur  à  toute  ma 
le»,  «si  je  me  masturbe  une  seule  fois,  que  toute  ma  vie 
risée,  dit  Toq...  (97)»,  «  si  je  ne  touche  pas  ce  meuble  avant 
na  mère  ne  rentre,  ditRn...,  fillette  de  i3  ans,  je  mourrai 
la  semaine  ».  «  Si  je  fais  la  cuisine  en  regardant  mon  cou- 
je  consens  a  mourir  demain,  se  dit  Yks...,  qui  a  des  impul- 
criminelles  à  tuer  sa  petite  fille  avec  un  couteau.  »  «  Si  je  suis 
m  vendredi,  je  vais  me  tuer  le  dimanche.  »  (Ger...)  «  Si  je 
g  décide  pas  a  me  faire  religieuse,  je  jure  que  je  me  marierai 
le  premier  homme  qui  passera  »  (\Ve.)... 
dia  est  tout  a  fait  remarquable  par  sa  manie  des  serments, 
jure  de  ne  pas  toucher  ce  meuble  (c'était  un  de  ses  tics) 
un  grand  malheur  m'arrivera...,  je  jure  de  recommencer  ma 
e  du  matin  10  fois,  20  fois,  1000  fois,  sinon  un  malheur  arri- 
à  ceux  que  j'aime.  »  Plus  tard  les  pactes  arrivent  bien 
du  à  propos  de  la  honte  du  corps  et  de  l'obsession  d'en- 
5er  qui  s'était  surajoutée,  «je  jure  par  tous  les  saints  du 
lis  que  je  ne  toucherai  plus  à  une  seule  miette  de  pain,  sinon 
5  sortes  de  malheurs  arriveront  a  ma  famille  età  moi-même.  » 
erments  se  compliquent  et  deviennent  de  plus  en  plus  ter- 
\  en  vertu  de  cette  disposition  a  pousser  les  choses  à  l'ex- 
î  que  nous  avons  déjà  notée.  «  Je  jure  sur  la  tête  de  mon 
de  ma  mère,  de  mon  idéal  (elle  désigne  ainsi  un  person- 
dont  elle  était  devenue  amoureuse),  je  jure  par  tous  les  saints 
iradis,  par  le  Saint-Esprit,  par  Dieu  le  père  que  je  ne  man- 
aujourd'hui  qu'un  jaune  d'œuf,  et  si  je  manque  à  ma  parole, 
deviendrai  jamais  une  grande   artiste,  je  ne  serai  pas  com- 


.antoires,  fessai  descriptif  sur  les  troubles  psychopalhiques  avec  lucidité  d'esprit. 
i885.  p.  ia3,  p.  44. 


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LES  MANIES  t)E  LA  RÉPARATION  Uâ 

positeur,  maman  mourra  bientôt  et  mon  idéal  aussi.  »  Comme 
elle  ne  tient  pas  ses  serments  et  ne  peut  pas  arriver  à  les  tenir, 
elle  en  est  désespérée  et  se  torture  Fimagination  pour  trouver 
une  manière  de  les  faire  plus  précise  et  plus  terrible  qui  ait  plus 
d'influence  sur  sa  pauvre  volonté.  Au  lieu  de  se  borner  a  les  dire 
elle  les  écrit  sur  des  papiers  qu'elle  porte  sur  son  cœur  ;  elle  va 
les  relire  agenouillée  devant  le  lit  de  sa  mère  sur  lequelle  elle  a 
mis  une  bible.  Rien  n'y  fait  et  ses  serments  non  tenus  ne  servent 
qu'a  la  préoccuper  davantage. 

Chez  ces  malades  le  pacte  semble  être  un  moyen  de  réparer 
l'action  défectueuse  ou  une  excitation  pour  leur  faire  accomplir 
une  action  désirée  à  tort  ou  à  raison.  Mais  peu  à  peu  la  manie  se 
développe  et  se  reproduit  à  propos  de  toute  action  même  insi- 
gnifiante qu'ils  font  ou  qu'ils  veulent  faire,  l'expiation  ou  le  pacte 
n'est  plus  qu'un  obstacle  de  plus  à  l'action,  cette  manie  se  rap- 
proche alors  de  celle  des  présages  et  de  celle  de  l'interrogation 
du  sort.  «  Si  je  touche  cet  objet  ma  mère  succombera  »,  se  dit 
Mw...  h  chaque  moment.  Si  elle  désire  une  chose  agréable,  elle  se 
croit  forcée  de  jurer  d'y  renoncer  à  propos  de  tous  les  actes. 
Ainsi  elle  prépare  une  promenade  à  bicyclette  et  à  chaque  ins- 
tant elle  est  forcée  de  jurer  «  si  je  fais  cette  lecture,  je  jure  que  je 
ne  sortirai  pas;  si  je  prends  mon  mouchoir,  je  jure  que  je  n'irai  pas 
à  bicyclette,...  il  faut  pourtant  bien  que  je  me  mouche,  ajoute-t- 
elle  avec  tristesse  ».  Puis  quand  arrive  l'instant  de  la  promenade 
elle  n'ose  plus  sortir  parce  qu'elle  a  si  souvent  juré  de  ne  pas  le 
faire.  Ainsi  le  serment  semble  annihiler  les  actes  futurs  et 
arrête  également  l'acte  présent. 

Sous  cette  forme  la  manie  des  serments  et  des  pactes  est  extrê- 
mement fréquente  quoique  souvent  méconnue  et  elle  joue  un  très 
grand  rôle  dans  ces  maladies  de  la  volonté. 

4.  —  Les  manies  des  conjurations. 

Dans  les  cas  plus  graves,  quand  les  malades  ne  sont  pas  seule- 
ment mécontents  de  leurs  actions  mais  encore  qu'ils  se  sentent 
poussés  a  faire  des  actions  répréhensiblcs  ils  luttent  contre  l'im- 
pulsion en  lui  opposant  une  action  qu'ils  croient  bonne,  qu'ils 
croient  destinée  à  conjurer  la  mauvaise  tentation.  Ces  manies  de 
conjuration  sont  tout  a  fait  caractéristiques  des  scrupuleux  et  ser- 
vent bien  souvent  à  faire  reconnaître  une  maladie  jusque-là  cachée. 


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14  i  LES  AGITATIONS  FOHCÉES 

Presque  tousces  malades,  Bor...,  Xy...,  Claire,  Ger...,Lise  ont 
été  surpris  faisant  un  geste  du  bras  ou  parlant  toutes  seules  et 
répétant  pendant  des  heures  des  mots  comme  :  «non,  non,...  je 
ne  veux  pas...  va-t-en...  ce  n'est  pas  vrai.  »  C'est  parce  que  au 
dedans  d'elle-même  une  autre  voix  blasphémait  et  avait  envie  de 
dire  :  «  salaud,  vache,  cochon  »,  à  Tadresse  du  bon  Dieu  :  la 
malade  protestait  par  Texclamation  qu'on  avait  surprise. 

Il  est  impossible  d'énumérer  toutes  les  formules  de  conju- 
ration que  Ton  peut  rencontrer;  elles  sont  innombrables*. 
Une  des  choses  les  plus  intéressantes  i\  relever  dans  ces  répon- 
ses, ces  résistances  à  l'obsession,  c'est  que  ce  sont  des  réponses 
abrégées,  des  signes  qui  n'ont  de  valeur  que  par  leur  signification 
symbolique.  M.  Paulhan  a  justement  insisté  sur  ce  rôle  des  repré- 
sentations symboliques  dans  la  volonté^. 

Un  premier  groupe  est  constitué  par  de  petits  mouvements,  de 
simples  gestes,  lever  un  doigt  en  Pair,  remuer  les  doigts  derrière 
le  dos  ou  dans  la  poche,  lever  les  yeux  au  plafond,  frapper  un 
meuble,  etc.  Nous  reverrons  ces  phénomènes  h  propos  des  tics. 

Le  plus  souvent  la  conjuration  se  fait  par  une  phrase  ou  un 
mot.  Lise  répète  «  chut,  va-t-en  »  comme  si  elle  parlait  au  diable, 
mais  en  réalité  elle  répète  cette  formule  pour  chasser  une  idée 
quelconque  môme  quand  il  ne  s'agit  pas  du  diable.  Vob...  s'écrie 
«  non,  je  ne  le  ferai  pas,  arrière  Satan.  »  Gisèle  «  advienne  que 
pourra,  pour  le  moment  fini  »  et  Bu...  (85)  répète  toute  la  journée 
la  singulière  formule  suivante  :  «Maman,  ratan,  bibi,  bitaquo,  je 
vais  mourir.  » 

Dcins  beaucoup  de  cas  ces  formules  cabalistiques  de  conjuration 
sont  empruntées  a  l'arithmétique  et  deviennent  des  nombres,  sans 
doute  à  cause  du  caractère  abstrait  et  précis  du  nombre  qui  le 
fait  aimer  par  les  scrupuleux  dont  l'esprit  toujours  vague  aspire 
sans  cesse  à  la  précision.  Ou  bien  la  manie  arithmétique  amène 
le  sujet  à  répéter  sa  formule  un  nombre  de  fois  déterminé.  Lise 
emploie  des  nombres  qui  correspondent  dans  sa  pensée  à  telle 
ou  telle  idée  fixe  ou  qui  résument  une  grande  résistance  contre 
elle.  Il  lui  arrive  de  répéter  des  journées  entières,  au  dedans 
d'elle-même  «  un,  deux,  quatre,  six.  »  Ce  qui  est  une  résistance 


1.  Cf.  Bcllel,  Moyens  de  déjcrise  el  psychothérapie  dans   l'obsession.  Thèse  de  Bor- 
deaux, 1898. 

2.  Paulhan,  Hevue  phihsophiijue,  i884,  H»  083. 


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LES  MANIES  DE  LA  RÉPARATION  445 

contre  les  idées  désignées  par  ces  numéros.  Quand  elle  est  seule 
on  peut  Tentendre  murmurer  des  phrases  comme  celle-cî,  bien 
incompréhensibles  pour  un  profane.  «Le  contraire  de  Dieu... 
quatre,  trois,  deux,  cent  soixante-quinze  mille.  »  Cela  veut  dire 
qu'elle  a  pensé  au  culte  du  démon  et«  qu'elle  a  lancé  la  formule 
de  résistance.  Pour  rien  au  monde  elle  n'abandonnerait  ces  for- 
mules qui  la  protègent  contre  elle-même  ;  pendant  des  essais  de 
sommeil  hypnotique,  elle  répète  tout  le  temps  «  quatre,  trois> 
deux,  »  ce  qui  ne  facilite  pas  le  traitement. 

Pour  lutter  contre  ses  impulsions  génitales  Jean  doit  murmurer 
la  syllabe  «  té  »  qui  est,  paraît-il,  une  abréviation  du  mot  «  assez  », 
mais  il  faut  la  dire  un  nombre  de  fois  déterminé,  quatre  fois,  huit, 
seize,  trente-deux  ou  soixante-quatre  fois,  par  multiples  de  quatre 
suivant  ses  manies  arithmétiques,  a  Je  sens  venir  une  douce  érec- 
tion, je  sens  mes  tentatives  de  laisser  aller,  alors  je  balbutie  mes 
syllabes  de  clôture  :  allons  pas  de  phénomènes,  té  té  té  té,  il  faut 
le  dire  par  quatre,  ce  n'est  pas  suffisant:  té,  vous  savez  que  je  ne 
peux  m'arrêter  a  cinq,  té  té  té,  à  huit  je  peux  m'arrêter  quand  la 
tentation  n'est  pas  trop  forte,  mais  il  faudrait  aller  à  seize  quand 
c'est  grave.  »"Ce  ne  sont  pas  toujours  des  mots  que  le  malade  répète 
ainsi,  souvent  il  compte  des  gestes.  Quand  il  croit  avoir  une  tête  de 
femme  dans  l'estomac  après  avoir  mangé  une  charlotte  ou  un  pain 
suspect  il  lui  faut  faire  des  secousses  des  muscles  abdominaux 
quatre,  huit  ou  seize  fois  «  c'est  le  seul  moyen  de  la  faire  sortir  ». 

Enfin  j'observe  chez  Jean  une  forme  plus  curieuse  de  conjura- 
tion, c'est  un  acte  mental,  un  effort  imaginaire.  11  se  représente 
que  les  fluides  envoyés  par  les  femmes  autour  de  lui  sont  comme 
autant  de  fils  ténus  qui  se  dirigent  vers  sa  tête  et  avec  des  ciseaux 
imaginaires  il  faut  qu'il  se  représente  l'acte  découper  ces  fils.  Dans 
d'autres  cas,  il  faut  qu'il  se  représente  visuellement  des  lignes 
qui  se  coupent  à  angle  aigu  disposées  symétriquement  par  quatre. 
La  représentation  imaginaire  des  figures  que  ce  malade  a  bien 
voulu  dessiner  est,  paraît-il,  un  remède  souverain  pour  écarter 
les  images  obscènes  (figure  2).  Cette  manie  de  se  représenter  des 
lignes  dérive  d'une  manie  précédente  du  même  malade.  Il  doit 
évoquer  des  poutres  de  bois  qui  lui  semblent  placées  très  haut 
dans  l'air  à  un  kilomètre  au-dessus  de  sa  tête  et  par  un  effort 
d'imagination  il  doit  les  faire  descendre  par  terre,  ou  bien  il  évo- 
que l'image  d'un  homme  qui  marche  dans  les  airs  et  il  doit  égale- 
ment, par  un    elTort  d'imagination,  le    forcer  a  prendre    pied  à 

LES    OBSESSIONS.  1.    lO 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


Il  paraît  que  celte  dernière  opération  est  fort  difficile,  car  il 
B  grands  efforts  et  des  contorsions  de  tout  le  corps  pour 
lir  à  Faccomplir. 


Fia.  3.  —  Heproduction  d'un  dessin  du  malade. 

pareilles  formules,  de  semblables  actions  se  transforment 
ment  chez  ces  esprits  faibles  et  ne  tardent  pas  h  devenir 
ussi  une  manie  et  une  impulsion.  Les  malades  ne  veulent 
Jer  le  dernier  mot  et  autant  de  fois  que  l'impulsion  se  pré- 
aulant  de  fois  il  faut  lui  répondre.  De  la  une  préoccupation 
'épouse  qui  devient  aussi  grave  que  l'obsession  elle-même, 
osait  plus  dormir  de  peur  que  pendant  le  sommeil  une  idée 
jenlât  et  qu'elle  n'eût  pas  la  présence  d'esprit  de  répondre, 
ilades  se  tourmentent  autant  pour  les  conjurations  que  pour 
nuisions  elles-mêmes. 


4.  —  Les  agitations  mentales  diffuses. 

diverses  manies  mentales  semblent,  au  premier  abord,  très 
euses,  on  peut  énumérer  leurs  diverses    variétés   dans   le 
I  ci-contre, 
cun    des  malades  se    figure    d'ordinaire    qu'il    est  seul  au 

de  son  espèce  et  il  arrive  souvent  à  faire  partager  au  mé- 
»a  conviction  :  de  là  toutes  ces  maladies  bizarres,  maladie 
erstition,  folie  du  doute,  manie  de  la  perfection,  arithmo- 

onomatomanie,  etc.,  qui  ne  sont  à  mon  avis  que  des  varié- 
identelles  des  manies  scrupuleuses  érigées  en  entités  cli- 


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w^^w^% 


LES  AGITATIONS  MENTALES  DIFFUSES 


147 


niques.  C'est  le  même  problème*  que  nous  avons  déjà  rencontré  à 
propos  des  idées  obsédantes  et  qui  doit  avoir  ici  la  même  solu- 
tion. Aussi  devons-nous  rechercher  les  relations  que  ces  diverses 
manies  ont  les  unes  avec  les  autres  et  le  fond  commun  d'e;ccita- 
tion  mentale  diffuse  qui  se  retrouve  dans  chacune  d'elles. 


I    I. 


Manie  de   l'os- 
cillation. 


1 .  Manie  de  Tin terroga tion .    4>*^ 

2.  —    de  rhésitation  et  de  la  délibération. 

3.  — 


de  l'interrogation  du  sort  et  manie 
des  présages»  etc. 

4.  Manie  de  la  précision.  A^Oi-^^^p^  /  ^*^^  '  >^'" 

5.  -     de  l'ordre.  -^^^-- -    x.'^Z-- , 


6.     - 


^A- 


Manies  mentales. 


II.  Manies  de 
delà. 


de  la  symétrie 

du  contraste. 

de  l'association  des  idées. 

de  la  lenteur. 

10.  Micromanie. 

1 1 .  Manie  arithmétique. 


7-     — 
8.     — 

9-     — 


13. 

i3. 

a. 

i5. 
i6. 
17- 


W9-    — 


du  symbole. 

de  la  recherche  dans  le  passé. 

de  la  recherche  dans  l'avenir. 

des  explications. 

des  précautions. 

de  la  répétition  et  du  retour  en 

arrière, 
du  mieux  et  manie  des  procédés, 
de  l'extrême  et  de  l'inSni,  etc. 


jii, 


Manies  de  la  ré- 
paration. 


ao.  Manie  de  la  compensation. 
|ai.     —     de  l'expiation. 
(23.     —     des  serments  et  des  pactes. 

33.     —     des  conjurations,  etc. 


I.  —   Unité  clinique  des  manies  mentales. 

Quelques  malades,  pour  des  raisons  qui  tiennent  à  l'évolution 
de  leurs  troubles  et  que  nous  étudierons  plus  tard,  semblent  affec- 
tionner certaines  manies  particulières.  Lise  fait  des  promesses 
pour  expier,  Nadia  préfère  les  serments,  Jean  se  borne  aux  com- 
pensations; Claire  cherche  des  procédés  de  perfectionnement, 
Zo...  prend  des  précautions  etZei...  se  contente  de  répéter  les 
actes.  Ces  différences  dans  la  variété  de  la  manie  habituelle  donnent 
même  à  certains  malades  une  physionomie  assez  distincte.  Il  est 
certain  que  Rai...,  qui  cherche  des  procédés  pour  manger  bien, 
pour  respirer  mieux  et  qui  pour  y  parvenir  crache  et  rote  conti- 


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Î8  LES  AGITATIONS  FORCÉES 

uellement,  ne  ressemble  pas  extérieurement  à  Lise  qui,  tout 
fait  immobile,  s*interroge  silencieusement  sur  les  promesses 
u'elle  a  pu  faire  au  diable.  Mais  cette  remarque  faite,  il  faut  se 
ater  d'ajouter  que  cette  différence  dans  Taspect  extérieur  des 
lalades  est  peu  profonde. 

En  réalité,  si  on  suit  avec  soin  Thistoire  de  ces  malades,  on  voit 
uh  côté  de  la  manie  principale  aujourd'hui  prédominante,  ils  ont 
ne  quantité  d'autres  manies  secondaires  dont  ils  ne  se  plaignent 
as  et  qui  se  rapportent  à  toutes  les  autres  formes  observées  chez 
ts  autres  sujets.  En  outre,  il  est  très  facile  de  constater  qu'à 
'autres  époques  de  leur  vie  ils  ont  donné  le  premier  rang  à 
autres  manies.  Jean,  dont  les  compensations  sont  si  remar* 
uables,  a  en  même  temps  la  manie  de  la  conjuration,  celle  des 
récautions,  celle  des  présages,  etc.  We...  qui  interroge  le  sort  a 
issi  la  manie  des  conjurations  et  des  pactes.  Claire  a  la  manie  de 
répétition,  celle  du  retour  en  arrière,  et  celle  des  expiations,  etc. 
ise  à  côté  de  ses  promesses  au  démon  a  l'interrogation,  l'arithmo- 
anie,  la  conjuration,  etc.  Myl...  (98)  qui  a  maintenant  la  manie 
î  la  précision  et  la  micromanie  a  commencé,  il  y  a  trois  ans,  par  la 
anie  des  recherches  et  des  procédés  :  Zo...  actuellement  tour- 
entée  par  la  manie  des  précautions  a  eu  autrefois  la  manie  de 
expiation.  Vor...  présente  maintenant  les  procédés  urinaires,  il 
a  dix  ans  elle  était  tourmentée  par  les  serments.  Gisèle  qui  fait 
;tuellement  des  conjurations  a  eu  les  interrogations,  les  précau- 
3ns,  les  pactes. 

En  un  mot,  il  est  bien  rare  qu'un  malade  qui  vient  se  plaindre 
une  de  ces  manies  ne  connaisse  pas  par  expérience  toutes  les 
itres.  Vient-il  d'avouer  un  besoin  de  retour  en  arrière,  on  peut 
ns  hésitation  lui  demander  s'il  est  bien  rassuré  h  propos  des 
rments  qu'il  a  faits.  On  peut  ainsi  surprendre  le  malade  en  lui 
écrivant  des  bizarreries  mentales  qu'il  a  présentées  et  qu'il 
oyait  parfaitement  inconnues.  L'interrogatoire  est  pour  ainsi 
re  formulé  d'avance,  comme  celui  de  l'hystérique  ;  les  ques- 
)ns  sont  différentes,  mais  les  réponses  sont  aussi  bien  prévues. 
Enfin,  certaines  expériences  peuvent  mettre  encore  en  évidence 
tte  relation  qui  existe  au  point  de  vue  clinique  entre  ces  diverses 
unies.  Si  par  divers  traitements  on  arrive  à  supprimer  ou  à  di- 
înuer  chez  un  malade  certaine  manie,  on  le  voit  plus  ou  moins 
pidement  tomber  dans  une  autre.  J'ai  empêché  Nadia  de  faire 
s  serments  qui  engagent  l'avenir,  elle    prend  l'habitude  de  se 


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LES.  AGITATIONS  MENTALES  DIFFUSES  149 

borner  à  des  conjurations  dans  le  présent  et  elle  reste  tout  aussi 
tourmentée  par  cette  nouvelle  manie.  Si  je  lui  supprime  celle-ci, 
ce  seront  des  précautions  interminables  précisément  pour  ne  pas 
s^exposer  a  faire  ce  que  je  lui  ai  défendu.  Il  en  est  de  même  plus 
nettement  encore  chez  Jean,  il  remplace  une  compensation  par 
une  autre  :  il  arrive,  «  vous  ne  vous  figurez  pas  avec  quel  effort  », 
à  aller  se  coucher  après  avoir  serré  la  main  de  sa  mère  sans  cher- 
cher son  frère  pour  lui  serrer  la  main  en  dernier,  mais  il  se  lave 
la  main  droite  huit  fois  à  Teau  bien  froide,  et  quand  il  vient  me 
raconter  ce  haut  fait  il  voudrait  recevoir  des  compliments.  Je 
veux  supprimer  toute  compensation,  alors  il  y  aura  avant  l'action 
d'interminables  délibérations.  Il  va  rester  une  heure  à  la  porte 
d'une  église  sans  se  décider  à  entrer  ou  à  s'en  aller  :  «  s'il 
entre,  il  sait  bien  qu'il  aura  besoin  de  compenser  ce  sanctuaire 
par  un  autre  et  M.  Janet  Ta  absolument  défendu  ;  mais  s'il  ne  com- 
pense pas,  il  s'expose  à  être  poursuivi  par  des  fluides,  lequel  est 
préférable  les  reproches  qu'il  prévoit  ou  les  fluides  ?  »  Claire 
remplace  le  retour  en  arrière  par  les  recherches  ou  par  les  pactes. 
II  en  est  ainsi  bien  souvent  au  cours  des  ti'aitements. 

Ce  mélange  et  cette  succession  des  diverses  manies  chez  le 
même  individu  nous  montre  déjà  qu'au  point  de  vue  clinique  ces 
diverses  manies  doivent  être  très  voisines  les  unes  des  autres  et 
qu'elles  doivent  toutes  dépendre  d'une  même  disposition  mentale 
qui  en  est  chez  tous  le  point  de  départ.  Cette  disposition  est  évi- 
demment une  agitation  de  l'esprit,  un  besoin  de  faire  travailler  la 
pensée  qui  se  montre  d'une  manière  plus  complète  dans  la  simple 
rumination  mentale. 


2.  —  La  rumination  mentale. 

Les  manies  mentales  précédentes  nous  montraient  une  activité 
mentale  dans  un  sens  déterminé  toujours  le  même,  l'agitation  de 
l'esprit  était  systématisée.  Très  souvent,  ces  diverses  manies  se 
combinent,  se  mélangent  plus  ou  moins  confusément  et  le  caractère 
de  la  systématisation  devient  moins  visible.  Il  en  résulte  un  phé- 
nomène psychologique  extrêmement  curieux  dont  l'importance  au 
point  de  vue  de  l'interprétation  de  l'esprit  ne  me  semble  pas  avoir 
été  encore  suffisamment  mise  en  évidence. 

C'est  un  singulier  travail  de  la  pensée  qui  accumule  les  asso- 
ciations d'idées,  les  questions  sur  les  questions,    les   expiations, 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

de  manière  à  former  un  inextricable  dédale.  De  temps 
les  associations  d'idées  ramènent  comme  par  hasard  une 
ons  du  début  et  alors  le  malade  recommence  tous  les 
s  précédents,  il  tourne  ainsi  en  cercle  comme  Lise  ;  ou 
asards  font  naître  une  idée  tout  à  fait  différente  qui  lance 
sur  une  autre  piste  et  ce  sont  «  des  embranchements 
comme  dit  Lod...  Le  travail  est  plus  ou  moins  compli- 
it  l'intelligence  et  le  degré  de  culture  du  sujet,  mais  qu'il 
cercle  ou  qu'il  enfile  des  embranchements,  il  n'arrive 
e  conclusion,  il  ne  peut  jamais  «  tirer  la  barre  »  et 
ans  un  travail  aussi  interminable  qu'inutile, 
lomène  est  souvent  décrit  sous  le  nom  de  fuite  des  idées, 

idées,  ((  idéen  flucht  »  ^  Legrand  du  SauUe  le  désignait 
m  de  rumination  mentale  que  nous  conservons  *.  Le  fait 
arquable  qu'il  faut  encore  en  revoir  quelques  exemples 
ivoiren  dégager  les  caractères  psychologiques  essentiels, 
oe  rumination  de  Ger...,  une  femme  du  peuple  très  peu 
Une  après-midi  de  jeudi,  elle  songe  h  préparer  le  dîner 
in  pot  a6n  de  d'aller  chez  la  fruitière  acheter  pour  quel- 
de  bouillon.  Elle  s'arrête  sur  l'escalier  avec  la  pensée 
réfléchir  un  moment  s'il  n'y  a  rien  de  répréhensible  à 
I  bouillon  chez  la  fruitière  (manie  de  précision)  «  en  gé- 

mais  c'est  aujourd'hui  jeudi,  il  faut  faire  attention  à  ce 
l'est-ce  que  la  fruitière  va  penser  en  lui  voyant  acheter 
►n  aujourd'hui  (manie  de  l'interrogation)  ?  Si  elle  croit 
pour  faire  la  soupe  ce  soir,  il  n'y  a  pas  grand  mal, 
eut  supposer  que  la  fruitière  croira  autre  chose  (manie 
sitions)  ;  elle  croira  peut-être  que  je  veux  en  faire  une 
r  demain  vendredi.  Si  elle  suppose  cela  elle  va  être  scan- 
;ause  de  moi  :  c'est  bien  ma  nature  de  donner  toujours 
5  le  mauvais  exemple  (obsession  criminelle)  :  si  j'ai  fait 
a  à  la  fruitière  j'ai  commis  un  acte  qui  en  lui-même  ne 

très  grave  mais  qui  est  horrible  par  sa  signification  ; 
fie  que  je  me  moque  du  bon  Dieu  (manie  du  symbole), 
question  revient  à  savoir  si  la  fruitière  peut  supposer 
angerai  mon  bouillon  demain  plutôt  que  ce  soir.  Corn- 

Tcnburg,   La  volée   des   idées,   Ideen  Flucht.  Congrès  des  aliénistes  alie- 
.  Archives  de  neurologie ^  1895,  I,  p.  324. 

id  du  Saullc,  1878,  cf.  Culierc,  les  frontières  de  la  folie  ^  p.  65  ;  Raymond 
\nn.  méd.  psych.,  i8()2,  II,  p.  78. 


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LES  AGITATIONS  MENTALES  DIFFUSES  \h{ 

ment  fera-t-elle  une  pareille  supposition  ?  En  réfléchissant  à  ce  qui 
pourra  me  rester  dans  mon  garde-manger  pour  la  soupe  de  ce 
soir.  La  dernière  fois  que  je  Tai  vue,  c'est-à-dire  hier  matin,  lui 
ai-je  donné  à  penser  qu'il  me  restait  de  la  soupe  pour  jeudi  soir, 
quelle  parole  lui  ai-je  bien  pu  dire  hier  matin  (manie  des  re- 
cherches dans  le  passé  et  embranchement  d'idées).  »  La  voici  main- 
tenant qui  travaille  h  se  remémorer  tout  ce  qu'elle  a  bien  pu  dire 
à  la  fruitière,  malheureusement  le  souvenir  ne  revient  pas  assez 
complet  et  elle  finit  par  se  dire  «  que  si  la  fruitière  lui  a  fait  à  un 
moment  mauvais  visage,  c'est  qu'elle  lui  a  dit  quelque  chose  d'ex- 
traordinaire, mais  voilà,  la  fruitière  lui  a-t-elle  fait  à  un  moment 
mauvais  visage,  impossible  de  le  savoir  avec  précision...  non,  dé- 
cidément le  mieux  c'est  de  demander  conseil  au  mari  ;  mais  le 
mari  va  répondre,  c'est  sàr  :  tu  m'embêtes  avec  ton  vendredi  ; 
et  le  seul  résultat,  c'est  qu'elle  aura  fourni  à  son  mari  rocca- 
sion  de  dire  du  mal  du  bon  Dieu,  la  voilà  bien  qui  scandalise  tout 
le  monde  ;  quel  horrible  état  criminel  est  le  sien.  Vraiment  tout 
vaudrait  mieux  que  ce  crime  perpétuel  et  si  Dieu  lui  accordait  de 
ne  plus  scandaliser  tout  le  monde,  elle  lui  promettrait  bien  de 
faire  n'importe  quoi.  Mais  si  Dieu  lui  demande  de  tuer  sa  petite 
fille  (manie  des  pactes),  il  peut  le  demander  puisque  c'est  l'enfant 
d'une  mère  coupable  qui  sera  coupable  comme  elle.  Vaut-il 
mieux  continuer  à  scandaliser  tout  le  monde  ou  consentir  à  tuer 
sa  petite  fille  avec  un  couteau  de  cuisine...,  etc.  »  Trois  heures 
après  le  début  de  ces  belles  réflexions,  le  mari  rentre  chez  lui  et 
trouve  Ger...  debout  sur  le  palier  de  l'escalier,  son  pot  vide  à  la 
main  :  elle  n'avait  pu  se  décider  ni  à  aller  chez  la  fruitière,  ni  à 
entrer  chez  elle  en  renonçant  à  faire  cette  ^oupe. 

Les  ruminations  paraissent  un  peu  plus  compliquées  et  les  raison- 
nements plus  subtils  si  on  prend  un  sujet  d'un  milieu  social  plus 
élevé,  mais  cette  différence  est  loin  d'être  aussi  considérable  qu'on 
pourrait  le  supposer.  Nadia  sort  assez  émue  d'une  conversation 
qu'elle  vient  d'avoir  avec  son  père  ;  celui-ci  a  essayé  de  lui  faire  com- 
prendre qu'il  est  juste  de  manger  pour  vivre  et  que  c'est  un  devoir 
pour  elle.  Nadia  ne  demanderait  pas  mieux  que  d'accepter  cette 
croyance  u  ce  serait  une  solution,  une  tranquillité,  mais  quelque 
chose  s'y  oppose,  c'estle  souvenir  des  innombrables  serments  qu'elle 
a  faits.  Qu'arrivera-t-il  si  elle  manque  à  de  tels  serments  (manie  des 
pactes  et  des  interrogations).  D'autre  part,  si  c'est  mal  de  man- 
quer à  ses  serments,  c'est  aussi  très  mal  de  refuser  d'écouter  les 


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LES  AGITATION^  FORCÉES 

nations  de  ses  parents.  Elle  a  fait  aussi  des  serments  pour 
Ire  d'obéir  à  ses  parents  et  de  ne  plus  faire  pleurer  sa  mère; 
s  de  ces  deux  serments  comptent  le  plus?  On  lui  a  dit  qu'il 
t  pas  tenir  compte  des  serments  qui  sont  évidemment 
es,  mais  lesquels  sont  évidemment  ridicules  et  doit-elle 
)primer  si  elle   n'a  pas  l'évidence  qu'ils  sont  tels  ?  La  di- 

qu'on  lui  a  donnée  est  en  somme  hypothétique  et  c'est 
I  décider  en  dernier  ressort  (manie  de  l'oscillation).  Heu- 
lent,  elle  a  pris  la  précaution  de  ne  rien  écrire  relativement 
mctes,  ce  qui  n'est  pas  écrit  ne  compte  pas  (manie  de  la 
on),  mais    n'est-il  pas  possible   qu'elle  ait  écrit  sans  s'en 

compte  :  une  lettre  quelconque  écrite  à  une  amie  peut 
a  signification  d'un  pacte  (manie  du  symbole),  comment 
si  ce  n'est  pas  arrivé.  Si  j'arrive  à' tourner  la  tète  cinq  fois  de 
i^ant  que  ma  gouvernante  ne  se  retourne,  je  n'aurai  rien  pro- 
je  n'y  arrive  pas  le  pacte  existe  (tic  et  manie  des  présages)... 
ussi,    mais    qu'importe,   ma    mère    n'est-elle   pas    morte, 

tant  de  fois  juré  sur  sa  tête,  c'est  pour  cela  qu'elle  est 
si  je  manque  de  nouveau  à  mes  serments,  mon  père 
I  et  mon  idéal  aussi.  Est-ce  que  je  suis  maudite  ?  etc.  »  La 
ition  continue  dans  ce  sens  pendant  plusieurs  heures  sans 
idia  arrive  à  une  solution  sur  la  question  posée  au  début  : 
erchait  en  somme  s'il  fallait  accepter  ou  nier  l'affirmation 
père  que  son  devoir  était  de  manger  pour  vivre,  elle    est 

au  même  point  et  ne  sait  pas  davantage  si  elle  croit  ou  ne 
as  ce  qu'on  lui  a  dit. 

'insiste  plus  que  sur  un  troisième  exemple  de  ces  rumina- 
:omplexes  intéressant  par  les  circonstances  dans  lesquelles 
roduit.  Lod...  est  en  train  de  jouer  du  piano  et  comme 
t  assez  musicienne,  elle  commence  à  y  prendre  un  certain 
;  ce  plaisir  va  se  développer  et  donner  naissance  à  une 
nce  artistique  qu'elle  connaît  pour  l'avoir  éprouvée  autrefois 
*\\e  attend,  mais  à  ce  moment  une  foule  de  pensées  com- 
nt  à  surgir  dans  sa  conscience.    «  Ce  n'est  pas  un   travail 

fait  là  puisqu'elle  prend  du  plaisir.  Est-ce  que  Dieu  permet 
n  puisse  ainsi  s'oublier  dans  des  plaisirs  (manie  de  la  per- 
i  et  du  remords),  il  faut  effacer  ce  plaisir  égoïste  en  faisant 
les  petites  choses  pour  la  gloire  de  Dieu  (manie  de  l'expia- 
1  faut  se  condamner,  faire  une  triste  figure  toute  la  journée, 
lais  cela  va  ennuyer  ses   parents  :   lequel  vaut  le  mieux  : 


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LES  AGITATIONS  MENTALES  DIFFUSES  153 

ne  rien  faire  pour  Dieu  ou  ennuyer  ses  parents  (manie  de  Tinter- 
rogation)?  Les  idées  vont  encore  rester  en  litige  sans  que  je  puisse 
tirer  la  barre  »  et  elle  continue  à  méditej  ainsi  toute  la  matinée. 
On  pourrait  multiplier  indéfiniment  ces  exemples,  il  est  très 
facile  de  les  imaginer  en  combinant  de  mille  manières  toutes  les 
diverses  catégories  des  manies  mentales  que  nous  avons  analysées 
de  manière  à  former  des  embranchements  de  pensées  ou  des 
cercles  d'idées  tout  à  fait  interminables. 


3.  —  La  rêverie  forcée. 

Dans  les  ruminations  précédentes  on  peut  encore  retrouver  la 
trace  de  diverses  manies  mentales,  la  systématisation  maladive  est 
incomplète  mais  elle  existe  encore  en  partie.  Je  crois  qu'il  faut 
rapprocher  de  ces  malades  un  groupe  très  intéressant  de  sujets 
dont  le  caractère  maladif  n'est  pas  toujours  bien  compris. 

Voici  un  exemple  qui  précisera  le  phénomène  que  je  considère. 
Une  femme  de  l\[\  ans,  Lib...  (117),  très  intelligente,  très  raison- 
nable, se  plaint  d'un  trouble  de  la  tête  qui  depuis  20  ans  dérange 
toute  son  existence,  Tempèche  de  jouir  de  la  vie,  de  travailler  et 
même  de  dormir.  Ce  trouble,  c'est  la  réi^erie  qui  s'impose  d'une 
manière  irrésistible  «  il  me  semble,  dit-elle,  que  je  suis  forcée  de 
penser  trop,  que  je  suis  obligé  de  me  raconter  des  histoires,  de 
discuter  avec  moi-même,  de  me  souvenir,  de  raisonner  d'une 
manière  tout  à  fait  exagérée  et  inutile  ».  Cette  femme  reste  toujours 
très  calme,  très  tranquille,  elle  n'a  point  de  tics,  encore  moins 
d'émotions  ou  d'angoisses,  mais  a  propos  de  tout  événement  ou 
de  toute  action  elle  a  l'esprit  assailli  par  d'interminables  rêveries. 
Le  plus  souvent  elle  peut  dissimuler  sa  rêverie  et  elle  semble 
agir,  causer  avec  les  personnes  présentes  ou  lire  un  livre;  mais  elle 
ne  se  donne  que  très  peu  à  ces  occupations,  la  plus  grande 
partie  de  son  esprit  est  occupée  ailleurs  par  la  rêverie  continuelle. 
Dans  bien  des  cas,  dès  que  l'action  devient  difficile  ou  demande 
plus  d'attention,  Lib...  devient  incapable  de  la  faire.  Elle  ne 
peut  plus  suivre  une  conversation  au  milieu  de  plusieurs  per- 
sonnes, elle  ne  peut  plus  comprendre  une  lecture  difficile.  Le 
sommeil  surtout  est  presque  complètement  supprimé  et  est  rem- 
placé par  cette  rêverie  perpétuelle. 

Je  n'étudierai  pas  maintenant  les  troubles  de  la  volonté  et  de 
l'attention  qui  jouent  un  grand  rùle  dans  cette  observation,  je  ne 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

:  que  la  rêverie  elle-même.  Le  caractère  le 
5  rêverie  c'est  qu'elle  ne  contient  en  appa- 
mpt6mes  pathologiques  que  nous  venons 
certainement  aucune  obsession,  bien  mieux 
jnement  ce  que  nous  venons  d'appeler  une 
ne  idée  obsédante  ne  revient  régulièrement, 
rocessus  mental,  interrogation,  recherche, 
le  un  rôle  réellement  prédominant.  Cette 
î,  le  plus  souvent  elle  n'est  pas  désagréable 
out  elle  n'est  pas  déraisonnable.  Ce  sont  des 
;morations,  du  passé,  des  imaginations  de 
ons,  des  méditations  qui  n'ont  de  patholo- 
rération  et  leur  irré^istibilité.  «  Ce  que  je 
st  d'être  obligée  de  penser  ainsi  un  million 
it  inutiles,  quand  je  ferais  bien  mieux  de 
ravail  ou  de  dormir.  Ce  sont  des  tableaux 
bavardages  sans  fin  que  je  ne  puis  arrêter 
it  et  avec  une  peine  extrême.  » 
I  r^(^e/7^ /brc'ée  me  paraît  très  important,  il 
ucoup  de  nos  malades.  «  Ce  n'est  pas  ma 
ne  fais  rien,  il  me  vient  des  idées  en  sura- 
ubmergée.  »  a  II  me  semble, dit  ligh...,  qu'il 
des  (lots  d'idées  qui  se  succèdent  avec  une 
e  sont  pas  touj(»urs  des  idées  folles,  je  vous 
jgations  absurdes.  Toutes  ces  idées  me  sem- 
y  aurait  de  bons  motifs  pour  m 'arrêter  sur 
is  choisir,  je  suis  obligé  de  passer  de  l'une 
ma  tête  un  remue-ménage  d'idées  invrai- 
nt  bien  qu'à  de  certains  moments  <(  toute  sa 
IS  sa  tête,  que  le  reste  du  corps  est  comme 
t  forcée  de  penser  énormément  sans  pouvoir 
ire  devient  extraordinaire  et  se  développe 
qu'elle  puisse  la  diriger  par  l'attention  ». 
ant  des  manies  mentales  bien  nettes  (manie 
nanie  des  pactes),  reconnaît  très  bien  qu'il 
été  ainsi.  «  Pendant  bien  des  années  mes 
s  comme  aujourd'hui  toujours  dans  le  même 
que  je  pensais  trop,  que  mon  esprit  s'em- 
à  coté,  que  je  n'en  finissais  pas  de  penser 
l'une  seule.  Depuis   longtemps  mes    pensées 


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LES  AGITATIONS  MENTALES  DIFFUSES  155 

tournaient  dans  le  vide  sans  pouvoir  s'accrocher  à  rien  de  pré- 
cis... »  Il  serait  très  facile  de  retrouver  cet  état  mental  de  la  rêverie 
forcée  au  début  de  bien  des  cas  de  maladie  des  obsessions.  Même 
chez  les  individus  à  peu  près  normaux,  ces  histoires  interminables 
que  Ton  se  raconte,  ces  méditations  faciles  qui  se  substituent  au 
travail  et  à  Tattention  sont  des  plus  fréquentes. 

Ces  rêveries  forcées  ont  été,  comme  la  rumination  précédente, 
décrites  sous  le  nom  de  fuite  des  idées,  de  volée  des  idées  car  ce 
sont  des  phénomènes  trëtf  voisins.  Elles  correspondent  aussi,  si  je 
ne  me  trompe,  a  ce  qui  h  été  décrit  sous  le  nom  de  mentisme  a  sorte 
d'effervescence  intellectuelle  particulière,  dans  laquelle,  pour  me 
servir  de  la  déGnition  d'un  auteur  qui  en  était  atteint  lui-même, 
Dumont  de  Monteux,  nous  voyons,  avec  un  sentiment  très  net,  des 
pensées  qui  nous  sont  étrangères,  que  nous  ne  connaissons  pas 
comme  nôtres^  et  qui  s'étant  introduites  du  dehors,  pullulent,  se 
meuvent  avec  la  plus  grande  rapidité  *  ». 

Dans  l'étude  des  obsessions  on  s'est  beaucoup  occupé  et  avec 
raison  des  angoisses  diffuses,  c'est-à-dire  des  agitations  émotion- 
nelles diffuses.  Il  me  paraît  nécessaire  d'attirer  aussi  l'attention 
sur  ces  rêveries  forcées  qui  sont  des  agitations  mentales  diffuses. 
Si  nous  rapprochons  les  rêveries  forcées,  et  les  ruminations 
mentales  de  toutes  les  manies  mentales  qui  ont  été  décrites  pré- 
cédemment, nous  voyons  qu'il  existe  chez  ces  malades  un  grand 
travail  mental  qui  se  développe  d'une  manière  anormale.  Ce  tra- 
vail est  en  apparence  assez  considérable  :  il  comprend  la  plupart 
des  opérations  intellectuelles,  associations  des  idées,  mémoire, 
imagination,  jugement,  raisonnement,  toutes  sortes  d'opérations 
qui  s'effectuent  surtout  sur  des  images  et  des  idées  abstraites.  Ce 
travail  n'est  pas  sans  difficulté  ni  sans  efforts,  il  est  souvent  fati- 
gant et  pénible.  Malheureusement  il  présente  un  caractère  évident 
au  premier  abord,  il  est  parfaitement  inutile  et  stérile:  qu'il  soit 
systématique  ou  diffus,  il  n'aboutit  jamais  à  rien  de  réel  ni  d'utile; 
c'est  pourquoi  il  justifie  le  nom  que  nous  lui  avons  donné  d'agita- 
tion mentale.  Cette  agitation  est  forcée,  elle  s'impose  au  sujet  d'une 
manière  particulière  ;  mais  ce  caractère  très  important  se  retrouve 
exactement  le  même  dans  les  mouvements  forcés  et  dans  les  émo- 
tions forcées,  il  sera  étudié  plus  utilement  à  la  fin  de  ce  chapitre. 

I.  Dumont  de  Monteux.  d'après  Séglas,  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  mentales 
et  nerveuses,  1895,  p.  69. 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 


DEUXIÈME  SECTION 


LBS    AGITATIONS    MOTRICES 


roubles  mentaux  précédents  s'accompagnaient 
3ments,  ne  fût-ce  que  de  paroles  ou  d'écriture, 
jnts  étaient  en  réalité  peu  de  chose  et  la  prin- 
force  se  faisait  dans  les  phénomènes  de  pensée. 
z  les  mêmes  malades,  on  observe  des  troubles 
il  une  sorte  d'excitation  semble  se  dépenser  en 
npagnée  d'une  somme  de  pensées  conscientes 

5  présentent  au  premier  abord  les  mêmes  carac- 
lés  dans  tous  ces  phénomènes  forcés.  Ils  sepro- 
en  rapport  ni  avec  les  circonstances  extérieures 
du  sujet;  cependant  ils  ne  sont  pas  absolument 
le  s'exécutent  pas  tout  à  fait  sans  la  participa- 
nce  ni  même  de  la  volonté  du  sujet.  Le  malade 
partie  qu'ils  s'accomplissent  et  qu'ils  s'accom- 
l'il  veut  bien  les  accomplir,  mais  il  se  sent 
jette  volonté  inutile  et  absurde  :  ce  sont  tout  a 
ression  d'un  malade  «  des  travaux  forcés  ». 
>ur  les  pensées,  ces  mouvements  forcés  peuvent 
s  ou  diffus;  quand  ils  sont  systématiques  ils 
es,    et    quand    ils   sont  diffus  les   crises  d'agi- 


ions  motrices  systématisées.  —  Les  tics. 

phénomène  est  relativement  récente,  il  était 
Li  vaguement  avec  les  convulsions  et  les  spas- 
son  de  l'intérêt  qui  s'attache  aujourd'hui  aux 
)logie    pathologique,    le    tic    a   été    l'objet    de 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  TICS  157 

beaucoup  de  travaux  récents  qui  ont  au  moins  précisé  le  pro- 
blème. J'emprunterai  d'abord  à  ces  études  intéressantes  les  élé- 
ments d'une  détermination  du  tic,  c'est-à-dire  les  caractères 
essentiels  qui  constituent  le  tic.  Puis  je  résumerai  brièvement  la 
description  de  quelques  tics  importants  présentés  par  mes  malades 
en  insistant  surtout  sur  les  caractères  psychologiques  de  ces 
phénomènes. 

I .  —  Les  caractères  des  tics. 

Le  premier  caractère  qui  a  été  bien  mis  en  évidence,  c'est  la 
systématisation  du  tic,  son  analogie  avec  cet  ensemble  systéma- 
tisé de  mouvements  qui  constitue  un  acte.  Trousseau  comprenait 
encore  le  tic  d'une  manière  assez  vague  :  il  le  caractérisait 
a  par  des  contractions  rapides  généralement  limitées  à  un 
petit  nombre  de  muscles,  habituellement  aux  muscles  de  la 
face,  mais  pouvant  afiecter  d'autres  muscles  du  cou,  du  tronc, 
des  membres  *  »  En  somme  il  ne  parlait  que  de  la  petitesse 
et  de  la  rapidité  du  mouvement  :  quelques  secousses  d'épi- 
lepsie  partielle  pourraient  ainsi  être  confondues  avec  des  tics. 
Charcot',  Gilles  de  la  Tourette^,  Guinon*  ont  cherché  à  distin- 
guer et  à  grouper  au  moins  quelques  tics  très  exagérés  et  faciles 
à  reconnaître.  En  outre  des  caractères  précédents,  petitesse  du 
mouvement  et  sa  rapidité,  ils  ont  insisté  sur  sa  régularité  et  sur  sa 
ressemblance  avec  des  actes  déterminés.  «  Les  tics,  disait  Charcot, 
reparaissent  toujours  les  mêmes  chez  un  même  sujet,  et  de  plus 
ils  reproduisent  en  les  exagérant  cependant  certains  mouvements 
automatiques  complexes  d'ordre  physiologique  appliqués  a  un 
but,  ce  sont  en  quelque  sorte,  en  d'autres  termes,  la  caricature 
d'actes  de  gestes  naturels **...  » 

L'auteur  qui  a  le  plus  contribué  à  faire  connaître  le  tic  et  à  le 
distinguer  cliniquement  des  phénomènes  convulsifs  voisins  est 
M.  Brissaud.  Dans  ses  leçons  à  la  Salpêtrière  il  est  revenu  à  plu- 
sieurs reprises  sur  la  distinction  intéressante  du  spasme  et  du  tic^. 


I.  Trousseau,  Cliniques  de  l'Hôlel-Dieu,  1878,  \h  p.  267,  p.  464- 

a.  Charcot,  Leçons  du  mardi,  II,  p.  i3. 

3.  Gilles  (Je  la  Tourelle,  i885. 

4.  Guinon,  188G. 

5.  Charcot,  Leçons  du  mardi,  1888-89,  p.  464- 

6.  Brissaud,  Leçons  sur  les  maladies  nerveuses,  i"""  série,  1895,  p.  5i3. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

brusquerie,  à  la  petîlessc,  il  a  ajouté  ce  caractère  déjà 
lé  par  Charcot  mais  qu'il  met  beaucoup  plus  en  évi- 
,  la  systématisation.  Le  spasme  qui  résulte  de  TirritatioD 
point  de  Tare  réflexe  siège  soit  dans  un  seul  muscle, 
ins  le  groupe  des  muscles  innervés  par  un  même  nerf, 
on  observe  des  spasmes  dans  le  domaine  du  facial,  le 
uloureux  de  la  face  est  mal  nommé,  car  c'est  en  réa- 
1  spasme:  on  a  vu  de  ces  spasmes  du  facial,  déterminés  par 
tit  foyer  hémorragique  sur  le  pied  de  la  deuxième  fron- 
entre  du  facial,  par  un  anévrisme  de  l'artère  cérébrale  au- 
;  du  tronc  du  facial,  ou  par  des  fibro-lipomes  intéressant  ce 
Au  contraire  dans  bien  des  tics  on  observe  non  seulement 
sme  palpébral,  les  mouvements  de  langue,  les  grimaces  de 
;he,  mais  des  troubles  respiratoires,  desbruits  laryngés,  etc.  ; 
uvement  complexe  dépend  du  facial,  de  Thypoglosse,  du 
[que,  il  y  a  là  une  coordination  qui  ne  peut  se  comprendre 
ir  Tintervention  de  Técorce  cérébrale. 

caractère  systématique,  cette  relation  du  tic  avec  les  actions 
es  se  trouve  confirmé  dans  la  plupart  des  études  ultérieures, 
caractère  essentiel  du  tic,  dit  M.  Oddo  \  est  le  caractère 
îonnel  ou  mieux  pseudo-intentionnel,  car  Tintention  volon- 

disparu  depuis  longtemps  dans  le  tic.  Il  n'en  est  pas  moins 
je  les  mouvements  des  tiqueurs  sont  coordonnés  pour  Tac- 
issement  d'un  acte  toujours  le  même.  Le  tic  est  un  mou- 
t  essentiellement  figuré,  lachoréeest  constituée  par  un  mou- 
t  amorphe.  » 

.  Meige  et  Feindel  ont  encore  insisté  sur  ce  caractère  en 
sant  jouer  un  grand  rôle  dans  la  classification  des  tics.  «  Les 
)ivent  être  classés,  disent-ils',  non  d'après  les  muscles  qui 
ienncnt  dans  le  mouvement,  mais  d'après  les  actes  dont  le 

la  caricature.  Ainsi  on  distinguera  des  tics  des  paupières, 
lenls,  clignottements  analogues  aux  actes  déterminés  par  un 
étranger  dans  l'œil,  par  une  trop  vive  lumière,  des  tics  des 
élévations,  mouvements  latéraux,  analogues  aux  actes  déter- 
par  la  présence   de  corps  étrangers,  par  des  troubles  de  la 

ticsdu  nez,  reniflement,  battement,  froncement  des  narines, 

Oddo,  Les  tics.  Presse  médicale,  iSyg,  I,  189. 

^igc  et  Feindel,  Les  causes  provocatrices  et  la  pathogénie  des  tics  do  la  face 
\u.  Soc  lé  lé  de  neiiroloyie,  18  avril  1901, 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES.  ~  LES  TICS  159 

correspondent  aux  actes  suivant,  aspiration  justifiée  par  un 
encombrement  passager  des  voies  nasales,  dilatation  des  narines 
pour  éviter  la  gène  ou  la  cuisson  d'une  petite  plaie. 

Les  tics  delà  bouche,  des^  lèvres,  de  la  langue,  les  moues,  les 
succions,  les  mordillages,  les  pincements,  les  rictus,  les  mâchon- 
nements, les  déglutitions,  etc.  correspondent  aux  mouvements 
pour  enlever  une  pellicule  dans  les  gerçures  des  lèvres,  pour 
remuer  une  dent  qui  branle,  pour  tàter  un  endroit  de  la  bou- 
che, etc. 

Pour  les  tics  de  la  tôte,  secousses,  hochements,  on  trouve 
comme  actes  correspondants  les  déplacements,  les  redressements 
du  chapeau,  les  mouvements  pour  se  débarrasser  de  la  gène 
produite  par  le  faux  col,  par  un  vêtement,  etc.   ». 

«  Les  tics  respiratoires,  dit  aussi  M.  Oddo,  sont  des  abrévia- 
tions d'actes  plus  accentués,  d'exclamations,  de  mots  d'injures*.  » 

Dans  les  tics  du  cou,  dans  le  torticolis  mental,  le  mouvement 
correspondant  est  un  effort  pour  éviter  la  douleur  d'une  fluxion 
dentaire,  pour  éviter  une  douleur  musculaire,  pour  éviter  un 
courant  d'air  et  protéger  le  cou  en  relevant  les  vêtements,  pour 
dissimuler  une  tristesse,  pour  regarder  dans  la  rue,  etc. 

Dans  les  tics  de  l'épaule,  on  retrouvera  le  geste  du  colporteur 
décrit  par  M.  Grasset*,  geste  de  charger  un  ballot  sur  son  épaule, 
et  beaucoup  de  gestes  professionnels  du  même  genre.  Dans  des 
lies  du  pied  que  j'ai  décrits' on  retrouvera  les  claudications  déter- 
minées par  la  douleur  d'un  cor,  les  retractions  des  orteils  dans 
une  chaussure  trop  courte,  etc. 

En  se  plaçant  au  même  point  de  vue  M.  Meige  fait  encore  une 
distinction  intéressante  entre  les  tics  classiques  qui  consistent  en 
un  mouvement  rapide  et  des  tics  d'attitude,  des  tics  toniques  en 
quelque  sorte  qui  consistent  dans  la  conservation  d^une  attitude  : 
celle-ci  représente  toujours  une  action  mais  une  action  perma- 
nente*. Il  rappelle  à  ce  propos  le  cas  de  trismus  de  mâchoires  que 
j'avais  étudié  avec  M.  Raymond'^:  un  brave  prêtre  qui  craignait 


I.  C.  Oddo,  Presse  mèd.,  op.  cit.,  1899,  ^^»  ^9^-  • 
a.   Grasset,  Nouvelle  Iconographie  de  la  Salpélrière,  1897. 

3-   Raymond  et  P.  Janet,  Note  sur  deux  tics  du  pied.  i\onveUe  Iconographie  de  la 
Salpélrihre,  1899.  p.  353. 

4.  H.  Meige,  Histoire  d'un  liqueur.  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques ^ 
a5  août  1901. 

5.  Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  38 1. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

montrer  indiscret  et  de  laisser  échapper  le  secret  du  confes- 
{\y  en  était  venu  h  ne  plus  pouvoir  desserrer  les  dents  et 
se  mettre  un  bouchon  dans  la  bouche  pour  pouvoir  faire  un 
n.  M.  Meige  étudie  aussi  à  ce  propos  une  observation  de 
ir  tout  à  fait  remarquable  qui  pour  arrêter  un  mouvement 
n  épaule  prend  une  attitude  permanente  et  tient  son  bras 
au  corps,  appuyé  sur  Tépigastre. 

second  caractère  du  tic  également  bien  mis  en  lumière  par 
part  de  ces  auteurs  c'est  que  le  tic  est  un  acte  inopporturiy 
}estif,  «  Le  tic,  disait  Charcot,  n'est  que  la  caricature  d'un 
l'un  geste  naturel...  le  mouvement  complexe  du  tic  n'est 
)surde  en  soi,  il  est  absurde,  illogique  parce  qu'il  s'opère 
le  propos  sans  motif  apparent  *.  »«  Le  tic,  disait  M.  Noir 
ion  étude  intéressante,  est  la  reproduction  habituelle  mais 
lestii^e  d'un  geste...  '»  et  M.  Gui  non  disait  aussi:  «  le  tic  est 
îuvement  convulsif,  habituel  et  conscient  résultant  de  la 
iction  involontaire  d'un  ou  de  plusieurs  muscles  du  corps  et 
luisant  le  plus  souvent,  mais  d'une  façon  intempestive 
lie  geste  réflexe  ou  automatique  de  la  vie  habituelle.  » 
outerai  dans  le  même  sens  que,  si  le  tic  est  un  acte,  il  ne 
as  cependant  oublier  que  c'est  un  acte  stérile  qui  ne  produit 
[1  est  évident  qu'il  ne  produit  rien  d'utile,  mais  je  crois  que 
3Ut  même  dire  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  qu'il 
même  pas  capable  de  faire  du  mal.  Ce  qui  nuit  au  sujet 
e  fait  d'être  un  tiqueur,  c'est  l'ensemble  des  phénomènes, 
oubles  qui  accompagnent  le  tic.  Mais  l'acte  lui-même  qui 
tic,  le  mouvement  de  la  tête,  le  torticolis,  le  clignement 
Hix,  la  grimace  de  la  bouche  ne  font  pas  grand  mal.  J'ai 
une  jeune  fille  qui  avait  le  singulier  tic  de  tomber  brus- 
ivki  à  genoux  tous  les  dix  pas  dans  la  rue  aussi  bien  que 
la  chambre^,  et  j'ai  remarqué  avec  étonncment  que  dans  ces 
uillements  brusques  elle  ne  se  fait  jamais  de  mal  aux 
X.  Cette  inefficacité  du  tic  est  intéressante,  elle  est  à  râp- 
er de   rinutilité    complète   des   manies    mentales   et  devra 


fiarcot,  Leçons  du  mardi,  1888-89,  p.  /|64. 
Noir,  Etude  sur  les  tirs  chez  les  imbéciles  et  chez  les  dégénérés,  1893. 
évroses  et  Idées  fixes,  11,  893. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  TICS  161 

être  rappelée  quand  nous  étudierons  les  troubles  de  la  volonté  qui 
déterminent  ces  agitations  stériles. 

Cette  impuissance  du  tic  se  rattache  à  un  autre  caractère  qu'il 
ne  faut  pas  oublier  quand  on  insiste  sur  le  rapprochement  du  tic 
et  de  l'acte.  Si  on  laisse  de  côté  les  hystériques  qui  ont  des  tics 
un  peu  particuliers  et  chez  qui  la  reproduction  de  Tacte  peut  être 
plus  complète,  chez  les  psychasthéniques  qui  sont  les  vrais 
tiqueurs,  le  tic  n'est  pas  un  acte  complet. 

Quand  As...  a  la  singulière  habitude  de  se  faire  vomir  après 
chaque  repas  en  s'introduisant  deux  doigts  au  fond  de  la  bouche, 
tout  en  trouvant  lui-même  que  l'acte  est  inopportun,  absurde  et 
dangereux,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  a  un  tic.  C'est  une  impul- 
sion en  rapport  avec  des  obsessions  de  honte  du  corps  et  d'hy- 
pocondrie. Il  n'y  aura  tic  qu'au  moment  où  l'acte  se  sera  peu  h  peu 
simplifié  et  quand  As...  n'a  plus  que  quelques  spasmes,  quelques 
régurgitations,  quelques  rots  après  chaque  repas.  Il  faut  conserver, 
je  crois,  dans  la  notion  du  tic  l'idée  ancienne  de  Trousseau  que  le 
tic  est  un  petit  mouvement  incomplet,  d'autant  plus  que  ce  carac- 
tère d'être  incomplet  n'est  pas  sans  importance  chez  les  scrupu- 
leux. Leur  micromanie,  leur  manie  de  la  précision,  du  symbole,  les 
prédispose  à  rechercher  ces  petits  mouvements  incomplets.  Si  le 
tic  est  ainsi  un  mouvement  incomplet,  il  peut  se  réduire  à  très  peu 
de  chose,  devenir  un  mouvement  des  plus  simples  dans  lequel  la 
systématisation  toujours  fondamentale  au.  début  devient  de  moins 
en  moins  visible.  Ser...  lève  continuellement  la  main  droite  afin 
de  toucher  sa  boucle  d'oreille  et  de  vérifier  si  elle  ne  l'a  pas 
perdue.  Ici  le  mouvement  est  très  bien  systématisé,  mais  peu  à 
peu  il  se  réduit  et  elle  n'a  plus  qu'une  secousse  de  l'index  qui  se 
lève  brusquement.  Ce  petit  mouvement  est  encore  bien  un  tic  par 
ses  origines  et  par  l'état  mental  qui  Taccompagne,  mais  si  on  le 
considérait  isolément  il  serait  difficile  d'y  voir  une  systématisation 
bien  nette. 

C'est  en  considérant  des  cas  de  ce  genre  que  M.  Bourdin*  en 
-vient  à  contester  la  systématisation  du  tic  et  à  nier  qu'il  reproduise 
des  actes.  Les  mouvements  du  tic  sont,  à  son  avis,  beaucoup  trop 
simples  et  trop  bizarres.  Cet  auteur  en  vient  jusqu'à  rattacher 
les  tics,  au  moins  les  tics  simples  à    une  lésion  fonctionnelle  de 

I.  Bourdin,  L'impulsion  spécialement  dans  ses  rapports  avec  le  crime.  Thèse  de 
Paris,  iSg^i  p.  55. 

LES    OBSR88I02<8  .  I.    —    II 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

elle  qui  se  traduit  par  des  décharges  motrices.  Une  semblable 
r  serait  impossible  si  Ton  remontait  à  l'origine  du  mouve- 
et  si  Ton  remarquait  que  ce  qui  caractérise  surtout  le 
est  le  trouble  mental  qui  le  détermine  et  qui,  pendant  très 
emps  si  ce  n'est  toujours,  continue  à  Taccompagner. 

Brissaud  avait  déjà  remarqué  que  la  systématisation  du  tic 
lisait  à  son  étude  psychologique.  Dans  bien  des  cas,  dit-il, 

serait  impossible  à  diagnostiquer  si  Ton  n'examinait  que 
uvement  lui-même,  si  Ton  ne  tenait  pas  compte  des  antécé- 

et   de  l'état  mental   qui   a   préparé  le  tic   et  qui   Taccom- 

»si  la  plupart  des  travaux  récents  sur  les  tics  sont-ils  en 
e  des  études  de  psychologie  plus  ou  moins  avouées  dans 
îlles  on  cherche  surtout  à  déterminer  l'aspect  mental  de  ce 
mène.  Parmi  les  contributions  les  plus  intéressantes  à  cette 

il  faut  citer  le  mémoire  de  Tokarski  \  les  articles  de 
Jddo*,  Dubois  de  Saujon^,  Meige*,  Feindel,  Hartenberg''. 
ipart  de  ces  travaux  se  placent  surtout  au  point  de  vue 
»eutique  et  devront  être  étudiés  à  propos  des  divers  traite- 

de  l'état  psychasthénique.  Nous  remarquons  seulement  ici 
notent  tous  deux  aspects  dans  le  tic,  le  mouvement  systé- 
le  et  le  phénomène  mental  concomitant. 

effet  le  tic  est  accompagné  par  des  phénomènes  de  con- 
e,  de  volonté  et  de  pensée.  En  premier  lieu  ce  mouvement 
iscient;  je  parle  toujours  ici  du  psychasthénique  et  non  de 
rique.  Le  sujet  sait  parfaitement  qu'il  ferme  les  yeux,  qu'il 
I  la  tête,  qu'il  s'agenouille.  Il  le  sent  d'autant  mieux  qu'il  a 
iment  de  faire  lui-même  le  mouvement  et  de  le  faire  volon- 
ent.  Cette  intervention  de  la  volonté  personnelle  du  sujet 
importante  qu'il  peut  parfaitement  faire  son  tic  à  tel  mo- 
)lutôt  qu'à  tel  autre,   qu'il  peut  le  supprimer  momentané- 

karsky,  Rôle  des  idées,  des  moments  psychiques  dans  la  production  des  tics. 

lédU'file  des  neurologistes  et  aliénisies  de  Moscou,  déc.   189a.  Arch.  de  Neuro- 

IgS,  I,  34i. 

do,  op.  cil.  Presse  médicaie,  1899,  II,   189. 

bois  de  Saujon,  Les  tics.  Sociêlé  de  thérapeutique,  27  mars  1901. 

Mcige  et  E.  Feindel,  Étal  mental  des  liqueurs.  Progrès  médical,  7  septembre 

rtenbcrg,  Traitement  d'un  cas  de  tic  sans  angoisse.  Revue  de  psychologie  cH- 
Ihérapeutique j  jOiiiy \QT  1899,  p.  17. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  TICS  1Ô3 

ment,  le  remettre  à  plus  tard  et  le  recommencer  quand  il  le  veut 
[Guinon,  J.  Noir,  Brissaud). 

Une  preuve  curieuse  de  cette  intervention  de  la  conscience  et  de 
la  volonté  ce  sont  les  erreurs  que  le  mals^de  commet  souvent  dans 
l'exécution  de  son  tic.  Fous...  (loi),  quia  un  torticolis  mental, 
tient  toujours  la  tête  inclinée  à  gauche;  quand  elle  est  distraite  et 
préoccupée  au  cours  d*un  examen  de  son  tic,  elle  se  trompe  et 
pendant  une  partie  de  la  leçon  lient  la  tète  à  droite. 

D'autres  preuves  ont  été  empruntées  surtout  par  M.  Brissaud 
à  Tétude  des  procédés  qu'emploient  les  malades  pour  arrêter 
momentanément  leurs  tics.  Dans  la  plupart  de  ces  torticolis  men- 
taux que  décrivait  M.  Brissaud,  le  malade  peut  lui-même  arrêter 
le  tic  par  un  truc  quelconque,  par  un  léger  appui  de  ses  doigts 
sur  la  tête  ou  de  sa  tête  sur  un  mur.  Or  il  est  impossible  d'établir 
ainsi  une  lutte  entre  notre  main  et  notre  tête,  ou  bien  entre  nos 
deux  mains.  L'attitude  définitive  qui  résulte  de  celte  prétendue 
lutte  est  une  attitude  acceptée,  voulue  par  le  sujet  lui-même  et 
si  le  malade  peut  arrêter  son  tic  en  appuyant  la  main  sur  le  men- 
ton, c'est  qu'en  somme  il  veut  bien  arrêter  son  tic.  Dans  bien  des 
cas,  d'ailleurs,  le  sujet  choisit  pour  arrêter  le  tic  un  mouvement 
qui  serait  absurde  s'il  s'agissait  réellement  de  lutter  contre  lui. 
Une  de  nos  malades  a  un  tic  qui  rejette  la  tête  en  arrière,  elle 
l'arrête  en  touchant  le  front  avec  l'index  ',  ce  mouvement  devrait 
en  réalité  repousser  la  tête  en  arrière  :  il  est  simplement  pour  la 
malade  l'occasion  de  vouloir  abaisser  la  tête  en  avant. 
^  On  peut  aussi  signaler  tous  les  procédés  qui  guérissent  plus  ou 
moins  longtemps  les  tics.  Il  suffît  quelquefois  d'expliquer  au 
malade  ce  que  c'est  que  son  tic,  comment  il  le  fait  lui-même, 
comment  il  peut  l'arrêter  s'il  veut  bien  y  consentir  pour  que  le  tic 
cesse  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long.  Dans  d'autres  cas  il 
suffit  que  le  malade  croie  à  l'efficacité  d'un  remède,  d'une  pom- 
made quelconque  appliquée  sur  le  cou  ou  sur  le  bras  pour  qu'il 
cesse  au  moins  pendant  quelque  temps  son  mouvement  absurde. 
Tous  ces  faits  montrent  donc  que  le  tic  n'est  pas  un  mouvement 
complètement  automatique  mais  qu'il  est  en  grande  partie  un  acte 
conscient  et  volontaire. 

Mais  pourquoi  le  malade  ce^/-il  faire  cet  acte  absurde?  Le  plus 
souvent  on  peut  dire  qu'il  ne  le  sait  pas  du  tout,  il  se  sent  forcé 

I.  Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  875. 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

iloir  saDs  savoir  pourquoi.  Si  on  insiste,  si  on  remonte 
t  à  l'origine  du  tic  on  retrouve  presque  toujours  d'une 
vague  des  besoins  de  préciser,  de  perfectionner,  de  véri- 
les  besoins  de  compenser,  de  réparer  quelque  chose 
songer  aux  manies  mentales  que  nous  venons  d'étudier, 
s  plus  intéressantes  parmi  les  malades  de  M.  Dubois 
on)  se  sent  forcée  de  se  baisser  par  terre  comme  pour 
'  un  objety  elle  se  sent  obligée  à  faire  cet  acte  avec  une 
i  spéciale,  il  faut  que  le  dos  de  sa  main  touche  le  sol  ; 
manie  de  compter  jusqu'à  trois,  de  regarder  trois  fois 
ou  une  personne,  de  heurter  son  coude  droit  contre  sa 
jusqu^à  ce  qu'il  choque  une  petite  érosion  et  alors  de 
m  petit  cri,  etc.*.  Nous  verrons  parmi  nos  malades  bien 
semblables,  où  une  manie  mentale  force  la  volonté  à 
r  le  tic. 

5st  donc  en  résumé  un  ensemble  de  mouvements  systé- 
an  acte  reproduit  régulièrement  et  fréquemment,  mais 
inière  tout  à  fait  intempestive,  inutile  et  incomplète 
;  la  volonté  se  sent  forcée  de  l'accomplir.  On  retrouve 
fait  les  caractères  déjà  constatés  dans  toutes  les  manies 
c'est  pourquoi  il  sera  utile  dans  Ténumération  des  tics 
jprocher  de  ces  manies. 

2.  —  Les  tics  de  perfectionnement. 

imier  groupe  des  manies  mentales  nous  a  paru  être 
par  des  manies  d'oscillation  par  des  doutes  et  des  dé- 
s.  De  telles  manies  sont  presque  exclusivement  men- 
îs  contiennent  des  opérations  qui  ^'accompagnent  diffi- 
de  mouvements  matériels. 

voulait  rechercher  l'attitude  qui  accompagne  ce  genre 
5,  il  faudrait  considérer  comme  tics  les  immobilités,  ce 
t  souvent  assez  juste.  Lise  s'arrête  bien  souvent  com- 
:  immobile  au  milieu  d'une  action.  Tantôt  elle  prend 
une  position  qui  puisse  justifier   aux  yeux  des    specta- 

immobilité,  par  exemple,  elle  tient  un  livre  à  la  main, 
irtout  si  elle  ne  se  croit  pas  surveillée,  elle  reste  immo- 

unc  position  quelconque,   debout,    le    pied   levé  pour 

de  SaujoH,  Société  de  thérapeiUiquey  37  mars  1901. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES    -  LES  TICS 

avancer  et  elle  s'arrête  indéfiniment.  Cet  arrêt  demande  enc( 
un  eflort  musculaire,  c'est  bien  un  tic  d'attitude.  Il  lui  seml 
qu'elle  ne  doit  pas  bouger  avant  d'avoir  trouvé  ce  qu'elle  ch< 
chaity  avant  d'être  sortie  de  son  doute.  Claire  se  force  ains 
rester  immobile  dans  son  lit  en  gardant  la  première  positi 
jusqu'au  matin,  et  elle  se  réveille  toute  raidie. 

Le  second  groupe  des  manies,  les  manies  de  Tau  delà  imp 
quent  de  nombreux  mouvements  et  bien  souvent  ces  mouvemei 
semblent  au  sujet  être  forcés  par  la  manie  sous-jacente.  Qua 
ces  manies  s'accompagnent  ainsi  de  tics,  elles  sont  mentaleme 
moins  développées  et  ne  contiennent  guère  toutes  les  subtilil 
que  nous  venons  de  décrire.  Elles  contiennent  simplement  l'id 
vague  ou  le  sentiment  qu'il  faut  perfectionner  l'acte  ou  le  pi: 
nomène  primitif,  y  ajouter  quelque  chose,  et  que  le  mouveme 
du  tic  est  une  adjonction  urgente. 

Un  grand  nombre  de  tics  se  rattachent  h  ces  manies  de  pré 
sion,  de  vérification  qui  sont  parmi  les  plus  fréquentes.  Un  n 
lade  de  Brissaud  secoue  la  tête  pour  mettre  son  chapeau  bien 
place.  Nadia  et  Claire  inquiètes  sur  leur  personne  ont  besoin 
vérifier  leur  état,  elles  détournent  rapidement  les  yeux  pour 
regarder  en  passant  dans  toutes  les  glaces  :  il  a  fallu  dans  l'a 
partement  de  Nadia  couvrir  toutes  les  glaces.  Nadia,  en  outi 
tâte  perpétuellement  son  corps,  ses  jambes,  sa  poitrine  po 
vérifier  rapidement  si  elle  n'a  pas  engraissé. 

Myl...  préoccupé  au  début  par  ses  maux  de  tête  secoue 
temps  en  temps  la  tête  «  pour  savoir  si  elle  est  bien  à  sa  place 
Fok...  préoccupé  de  l'état  de  son  ventre  le  secoue  par  une  bri 
que  contraction  des  muscles  droits;  Ul...  fait  une  grimace  av 
ses  yeux  «  pour  sentir  s'ils  ne  sont  pas  égarés  »  Ser...,  Agée 
16  ans,  se  touche  à  tout  instant  l'oreille  et  frappe  trois  pet 
coups  sur  sa  tête  «  pour  être  sûre  que  la  boucle  d'oreille  i 
bien  attachée  et  qu'elle  ne  tombe  pas  ».  Beaucoup,  comme  no 
l'avons  vu,  secouent  leur  tête  pour  voir  si  leur  col  les  gêne.  Pei 
peu  ridée,  la  recherche  déterminée  qui  amenait  ces  mouvemei 
s'efface  à  peu  près  de  l'esprit  ou  n'est  plus  représentée  qi 
peine  par  un  bref  sentiment  d'inquiétude  et  le  mouvement 
fait  rapidement,  d'une  manière  incomplète  et  perpétuelle.  Ul...  1 
plus  qu'un  petit  mouvement  de  rotation  des  yeux  que  l'on  croir 
convulsif,  Myl...  un  petit  hochement  de  tête. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

e  la  symétrie  amène  des  tics  de  la  marche  comme 
e  de  Azam  qui  saute  d'une  pierre  sur  l'autre  pour 
s  deux  pieds  des  sensations  analogues. 
in  symbole  devient  le  point  de  départ  d'un  très 
)  de  tics,  puisque,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  des 
résument  et  expriment  des  idées.  Lod...  imagine 
ion  religieuse  ou  irreligieuse  à  certains  actes,  fer- 

c'est  comme  si  on  disait  :  je  ne  crois  pas  en  Dieu  ; 
ense  à  chaque  instant  qu'elle  ne  croit  pas  en  Dieu 
e  a  besoin  de  formuler  vite  cette  pensée  pour  ne 
rop  dérangée  dans  le  cours  de  la  vie,  elle  se  con- 
ser  rapidement  le  geste  de  fermer  le  poing.  Si  elle 

instant  l'acte  de  se  retourner  à  demi  dans  In  rue, 
reste  représente  pour  elle  la  pensée  de  la  religion, 
Q  si  en  traversant  une  église  on  se  retournait  devant 
». 

)  interprétation  semblable  bien  bizarre  :  il  se  croit 
butte  aux  tentations  génitales  et  il  considère  une 
tion  comme  l'image  du  plaisir  sexuel.  Or  il  a  éprouvé 
que   plaisir   en  se   grattant  le  nez  :  ce  plaisir  était 

impressionnant  qu'il  lui  rappelait  une  impression 
tiennes  masturbations  :  il  les  accomplissait,  parait-il, 
;  le  nez  contre  un  mouchoir  ayant  appartenu  à  la 
ambre.  De  là  naturellement  une  association  d'idées 
titre  le  fait  de  se  gratter  le  nez  et  la  pensée  des  plai- 
'un  devient  le  symbole  de  Tautre  ;  mais  comme  le  fait 

le  nez  est  beaucoup  plus  simple  et  dans  son  esprit 
►ins  dangereux  que  la  masturbation,  le  symbole 
)étuellement  l'impulsion  génitale.  Ces  interprétations 
iont  venues  se  mêler  à  une  habitude  malpropre,  lui 

l'importance  et  ont  contribué  h  la  fixer.  Le  même 
s  cesse  besoin  d'un  appui  moral,  il  symbolise  ce 
lant  toujours  son  bras  droit  à  demi  levé  au-dessus  de 
puyé  sur  un  objet  plus  élevé,  «  c'est  comme  si  je 
ur  quelqu'un  de  plus  fort  que  moi  à  mon  côté  ». 
entiment  a  joué  un  rôle  dans  la  formation  d'un  vé- 
»lis  spasmodique,  chez  Brk...,  «  j'ai  toujours  eu  be- 
puyer,  je  voudrais  avoir  un  soutien,  un  ami,  je  ne 
nent   cela  a  amené  le  besoin  d'appuyer  ma  tête  de 

épaule  ». 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES    —  LES  TICS  167 

Par  la  même  raison  que  précédemment,  ces  mouvements  ont 
plus  ou  moins  perdu  leur  interprétation  et  Lod...  se  retourne  en 
marchant,  Jean  se  gratte  le  nez  ou  s'arrache  les  ongles  ou  lève  le 
bras  en  l'air,  Brk...  tient  la  tête  de  cAté  à  peu  près  perpétuelle- 
ment sans  trop  savoir  pourquoi  et  en  apparence  malgré  eux. 

On  pourrait  rattacher  h  ce  besoin  de  symbole  le  tic  intéressant 
attribué  par  Rodenbach  à  la  sœur  aux  scrupules  «  de  temps  en 
temps  de  son  mouchoir  déplié  elle  se  tapotait,  elle  s'époussetait, 
aurait-on  dit,  comme  pour  éparpiller  Tinvisible  chute  sur  elle  de 
la  poussière,  ces  molécules  du  silence  ^  ». 

La  manie  de  la  tentation  y  la  manie  de  V  impulsion  qui  joue  un 
grand  rôle  dans  les  obsessions  criminelles  a  déterminé  les  tics 
de  Sau...  (i3),  enfant  de  i6  ans,  elle  a  Tidée  fixe  qu'elle  veut  se 
tuer.  «  On  voit  bien  que  cette  idée  est  sérieuse,  dit-elle,  puisque, 
malgré  moi,  mon  bras  commence  tout  le  temps  des  petits  mou- 
vements pour  me  frapper,  pour  piquer  ».  Nous  avons  déjà  vu 
beaucoup  d'exemples  semblables  à  propos  des  obsessions  du 
crime. 

Il  faut  faire  une  assez  grande  place  à  la  manie  du  contraste^ 
qui  est  toute  voisine  de  la  manie  de  l'impulsion,  M.  Séglas  re- 
marquait déjà  que  les  tics  de  langage  sont  souvent  en  contra- 
diction avec  l'expression  normale  des  sentiments  du  moment*. 
Beaucoup  de  psychasthéniques,  au  moment  de  faire  un  acte  avec 
attention,  pensent  aux  opérations  tout  à  fait  opposées  qui  seraient 
contraires  à  leurs  désirs  et  qu'ils  redoutent;  chez  beaucoup  cette 
pensée  reste  un  simple  phénomène  conscient  et  ils  font  une 
rumination  sur  la  pensée  de  ces  actes  opposés.  Mais  chez  quelques- 
uns  ces  pensées  amènent  une  action  en  contraste  avec  l'acte  ini- 
tial. Do...,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  faire  un  mouvement  dé- 
licat, se  sent  gêné  par  l'idée  de  faire  une  maladresse,  il  croit  qu'il 
va  jeter  le  verre  par  terre,  commettre  une  incongruité.  Son  pouce, 
au  lieu  de  saisir  l'objet,  se  plie  fortement  dans  la  paume  de  la 
main.  Peu  à  peu  ce  tic  se  produit  presque  sans  réflexion  et  Do... 
ne  peut  plus  accomplir  aucun  acte  délicat.  Il  en  résulte  qu'il  ne 
peut  plus  écrire  à  cause  de  ce  tic  :  le  pouce  se  met  dans  la  paume 
avant  qu'il  n'ait  touché  la  plume.  La  crampe  des  écrivains  est  un 


I.  G.  Rodenbach,  Musée  de  béguines,  p.  86. 

a.  Séglas,  Le  langage  chez  les  aliénés,  1892,  p.-  293. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

ne  qui  peut  avoir  bien  des  origines  diverses,  mais  qui 
luit  souvent  par  ce  mécanisme. 

(ii3)  présente  un  cas  remarquable  de  coprolalie,  cette 
a  eu  des  tics  de  la  danse,  elle  se  sentait  forcée  de  tourner, 
I  des  belles  manières*,  c'était  un  tic  en  rapport  avec  ses 
ipations  sur  le  théâtre  où  son  (ils  allait  trop  souvent, 
ce  tic  fut  guéri,  elle  commença  à  pousser  des  cris  épou- 
es  et  à  nous  agoniser  de  sottises  :  «  cochon,  chameau,  tu 
ch...  ».  Elle  pouvait  fort  bien  résister  k  ce  tic  dans  la  rue 
îsence  d'étrangers.  Ces  malades,  nous  le  savons,  s'ar- 
toujours  dans  l'impulsion  au  moment  où  Tacte  pourrait 
•  sérieux.  Mais  «  elle  était  poussée  a  crier  ces  injures  » 
hôpital,  quand  elle  me  voyait.  «  Je  voudrais  être  polie, 
I,  me  bien  tenir  et  je  suis  obligée  de  penser  à  des  sottises 
ne  voudrais  pas  faire,  il  me  semble  que  je  suis  obligée  de 
e.  »  Ce  tic  n'est-il  pas  l'expression  de  la  manie  de  Timpul- 

de  la  manie  du  contraste, 
tics  de  Renée  **  sont  du  même  genre,  elle  a  horreur  des 
des  chiens,  elle  a  été  effrayée  par  un  petit  pâtissier  idiot 
riait  comme  un  enfant,  elle  voudrait  ne  plus  du  tout  penser 
cela,  elle  est  obligée  d'y  penser,  de  chercher  toutes  les  cir- 
nccs  qui  l'y  font  penser  (manie  des  associations),  de  cher- 

elle  peut  y  penser  sans  danger  (manie  des  tentations)  et 
\  qui  crie  »  miâou,  oua,  oua,  Zozo,  ma  nounou,  petite 
,  putain,  bordel,  etc.  ». 

manies  précédentes  jouent  encore  un  rôle  dans  les  tics  qui 
t  des  maladies.  Gauc...'  est  préoccupé  par  la  pensée  du  ta- 
craint  «  qu'il  n'y  ait  quelque  chose  dans  ses  jambes  » ,  surtout 

qu'il  a  vu  pratiquer  l'examen  des  réflexes  rotuliens.  Il 
le  si  ces  réflexes  ont  quelque  chose  de  bizarre,  et  malgré 
lève  ses  jambes  en  l'air  dès  que  Ton  touche  son  genou,  il 
e  avec  de  grandes  secousses  des  jambes.  Renée,  Bor...  ont 
de  se  tenir  de  travers,  elles  ont  à  la  fois  l'idée  qu'elles  sont 
es  de  coxalgie  et  l'idée  qu'elles  jouent  la  comédie,  il  y  a  un 
ier  sentiment  de  doute  qui  se  surajoute  au  tic  de  la  démar- 


lymond  et  P.  Janet,  Névroses  et  Idées  fixes ^  H,  p.  3^1. 
erre  Janet,  Accidents  mentaux  des  hystériques^  p.  i58. 
'vroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  SqS. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES    —  LES  Tl 

Beaucoup  de  torticolis  spasmodiques  comme  celui  ( 
sont  liés  avec  une  inquiétude  sur  les  courants  d'air,  sur 
die  du  cou,  avec  un  besoin  de  vérifier  la  maladie,  avec 
nomènes  de  contraste. 

Voici  maintenant  les  tics  qui  se  rattachent  à  la  mai 
propre téy  à  la  manie  des  précautions  :  bien  des  malade 
eu  la  manie  de  se  laver  les  mains  conservent  même  apr 
rison  apparente  le  tic  de  frotter  les  mains  Tune  conlr 
Zo...  qui  a  eu  peur  d'avaler  des  épingles  a  des  tics  de 
nement,  de  toux,  de  crachottement.  Faut-il  rappeler  h 
Jean  qui  écarte  les  jambes,  qui  s*arrète  un  instant  aux 
rues,  qui  se  lève  pour  couper  son  pain,  etc. 

Les  manies  de  recommencer  les  actes  laisseront  aus 
résidus  des  petits  mouvements  incomplets  ou  des  tics, 
en  deux  ou  trois  fois,  tâtonner  en  touchant  les  portes, 
ner  à  demi  dès  qu'on  fait  un  acte,  répéter  les  choses  deu 
fois.  Voici  à  ce  propos  une  curieuse  observation  de  1^ 
Une  malade  avance  dans  les  rues  en  faisant  des  cercles,  < 
faire  un  tour  en  sens  inverse  sur  le  trottoir  opposé  afii 
un  rond  avant  d'avancer*  ».  C'est  un  tic  en  rapport  ave< 
du  retour  en  arrière. 

La  manie  des  procédés  détermine  les  grognements  et 
de  Rai...  qui  veut  «  respirer  bien  »,  les  spasmes  de  la 
L...  qui  «  veut  écrire  avec  perfection  ».  Un  jeune  \ 
24  ans  Vog...,  inquiet  et  timide  est  poursuivi  depuis  so 
par  le  désir  de  «  parler  bien  devant  le  monde  ».  Il  er 
bégayer  et  à  grimacer  d'une  manière  abominable.  «  Les 
figure  sont  venus  peu  à  peu,  dit-il,  comme  des  mouvem 
faciliter  le  langage,  pour  m'aider,  me  soulager.  »  De 
mouvements  de  la  langue  qui  l'empêchent  d'avaler  se  s 
loppés  chez  Rv...  femme  de  Sg  ans  de  la  même  manière, 
de  la  déglutition  a  été  le  point  de  départ  d'eflbrts  d'at 
de.  tics  de  toute  espèce  dans  les  mâchoires,  dans  la 
dans  le  pharynx.  Bien  des  cas  de  spasme  de  l'œsophagi 
dans  ce  groupe. 

Peut-on  rattacher  également  h  ce  groupe  le  tic  singu 
jeune  fille  de  19  ans.  Dey...  (io5)  qui  s'arrache  les  che^ 

1.  Séglas,  Société  médico- psychologique,  janvier  1888. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

pésenter  de  grandes  plaques  sîmuluiit  la  pelade, 
qu'elle  ne  peut  pas  travailler,  pas  faire  attenlion, 
r,  se  gratter  :  ça  Texcilo  et  l'encourage,  elle  a  pris 
le  de  s'arracher  tous  les  cheveux.  » 
un  très  grand  nombre  de  tics  qui  ne  sont  pas  pré- 
»mpagnés  par  des  ruminations  analogues  à  celles 
is  observées  dans  les  manies  mentales  de  Tau  delà, 
)lent  en  rapport  avec  des  besoins,  des  sentiments 
;ux  qui  ont  inspiré  les  manies  de  l'au  delà. 

3.  —  Les  tics  de  défense, 

es  cas,  le  phénomène  mental  qui  accompagne  le  tic 
iffércnt,  le  malade  se  sent  poussé  à  accomplir  le 
on  pour  faire  mieux  quelque  chose,  mais  pour  ré- 
>mpenser  quelque  chose  de  fâcheux,  pour  se  dé- 
une  influence  nuisible. 

rapporté  un  beau  cas  de  ce  genre.  Son  malade  pour 
de  l'épaule  gauche,  éprouve  le  besoin  de  saisir  le 
irec  la  main  droite.  Bientôt  la  main  droite  présente 
îlui  de  serrer,  tirailler,  tortiller  de  toute  manière 
ûtrant,  et  finit  par  déterminer  des  lésions.  Cette 
de  des  deux  mains  était  pour  le  malade  un  besoin 
sédant  *. 

:  obsédant  »  dont  parle  Bechterew  est  plutôt  un  tic 
îz  un  honteux  de  son  corps.  Le  malade,  très  timide 
X,  a  imaginé  de  sourire  quand  on  le  regarde,  c'est 
e  conjuration.  Ce  sourire  se  représente  malgré  lui, 
croit  forcé  de  sourire  dès  que  quelqu'un  a  les  yeux 
u  simplement  dès  qu'il  pense  que  quelqu'un   peut 

le  MM.  Pitres  et  Régis  a  des  manies  mentales  de 
)ousse  cette  pierre  du  pied  deux  fois  et  il  ne  t'ar- 
dit-il  sans  cesse,  a  Les  actes  deviennent  a  la  longue 
disent  les  auteurs,  mais  pendant  longtemps  ils  ont 
ar  une  idée^  )). 

ire  d'un  liqueur,    Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques, 

levuc  de  psychologie,  1899,  35. 
jis,  op  cil.,  53. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  SYSTÉMATISÉES    —  LES  TICS  171 

Parmi  mes  malades,  les  exemples  sont  trop  nombreux  pour 
pouvoir  être  tous  énumérés.  As...,  homme  de  26  ans,  Ad... 
('49),  femme  de  ^9  ans,  Qsa.,  homme  de  55  ans,  sont  inquiets  de 
leur  estomac,  ils  en  souffrent  légèrement  et  se  sentent  gonflés. 
Ils  ont  la  honte  de  manger  et  pensent  qu'il  vaudrait  mieux  ne  pas 
manger,  mais  comme  ils  ne  peuvent  s'en  abstenir  tout  a  fait, 
ils  réparent  le  repas,  les  uns  par  des  efforts  de  vomissements  et 
des  vomissements  réels,  l'autre  par  des  rots  interminables  et  des 
secousses  du  ventre.  Ces  tics  de  vomissement  ont  chez  les  psy- 
chasthéniques  une  importance  considérable.  Je  ne  puis  que  les 
signaler  ici  dans  cette  énumération  des  tics,  il  faudra  revenir  sur 
leur  pathogénie  et  leurs  conséquences. 

Te...,  âgé  de  20  ans,  à  la  suite  d'une  marche  avec  des  souliers 
trop  courts,  conserve,  un  tic  de  recroquevillement  des  orteils  et  de 
raideur  de  toute  la  jambe.  Qk...,  pour  lutter  contre  la  fatigue 
de  l'écriture  doit  écrire  a  genoux,  puis  dans  des  postures  de  plus 
en  plus  bizarres. 

Xy...  repousse  avec  la  main  droite  un  objet  imaginaire  qui 
viendrait  sur  elle;  Zo...  fait  «  hem,  hem  »,  pour  ne  plus  penser 
aux  épingles;  Myl...  ébauche  un  signe  de  croix;  Bé...,  poursuivie 
par  la  pensée  qu'elle  a  dans  le  ventre  un  ver-araignée,  dissipe 
cette  crainte  en  se  frottant  le  ventre  à  droite,  ce  tic  est  si  conti- 
nuel qu'il  détermine  toujours  l'usure  de  ses  robes  à  cet  en- 
droit. Lae...  (80),  homme  de  28  ans,  obsédé  par  la  pensée 
de  la  rage,  a  eu  d'abord  des  sortes  de  crises  qui  lui  semblaient 
en  rapport  avec  la  rage.  Dans  ses  crises  ses  os  craquaient,  il  en 
est  arrivé  à  se  borner  à  un  petit  mouvement  singulier,  il  lui  suffit 
de  faire  craquer  ses  articulations  pour  être  comme  débarrassé  de 
la  pensée  de  la  rage.  Ce  même  malade  passe  ses  mains  sur  son 
pantalon  parce  qu'il  a  l'idée  qu'un  chien  le  frôle  et  que  par  ce 
mouvement  il  écarte  l'idée  :  ces  deux  mouvements  finissent  par 
constituer  de  véritables  tics. 

On  voit  que  chez  tous  ces  malades  le  tic  est  comme  une  réduc- 
tion de  la  manie  mentale,  soit  que  la  manie  mentale  ait  été 
autrefois  tout  à  fait  complète,  soit  qu'elle  ne  fasse  que  débuter 
et  reste  encore  embryonnaire,  soit  même  qu'elle  n'existe  pas 
sous  une  forme  intellectuelle  et  soit  complètement  remplacée  par 
cette  agitation  motrice  systématisée.  En  général  on  peut  dire  que 
la  manie  mentale  est  d'autant  moins  développée  que  le  tic  moteur 
est  plus  complet.  Mais  ce   sont  des   tendances  analogues  qui  dé- 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

lineiit  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  phénomènes  et  c'est  là  ce  que 
roulu  mettre  en  évidence  en  montrant  que  les  tics  pouvaient 
groupés  à  peu  près  de  la  même  manière  que  les  manies  men- 


2.  —  Les  agitations  motrices  diffuses. 
Les  crises  d'agitation. 

lez  d'autres  malades  les  mouvements  deviennent  bien  plus 
idérables  et  en  mcme  temps  plus  vagues,  ils  semblent  consli- 

de  véritables  crises  convulsives.  Je  crois  qu'il  faut  insister 
;es  agitations  motrices  diffuses  analogues  aux  agitations  mcn- 

diffuses.  Elles  jouent  un  rôle  considérable  dans  la  maladie 
)ivent  également  jouer  un  rôle  important  dans  son  interpré- 
n. 

I.  —  La  crise  des  efforts. 

i  plus  curieuse  de  ces  crises  peut  recevoir  le  nom  de  crise 
efforts.  Le  malade  mécontent  de  lui-même,  désirant  mieux 
,  en  conclut  naturellement  qu'il  doit  faire  ce  qui  permet  aux 
mes  normaux  de  se  transformer,  c'est-à-dire  des  efforts;  mais 
-ci,  pour  son  malheur,  tournent  bien   vite   à  la    manie.  Il   y 

un  point  délicat,  parce  que  nous  verrons  plus  tard  en  étu- 
t  les  procédés  thérapeutiques  que  certains  efforts  sont  réelle- 
t  très  bons  pour  le  malade  et  qu'il  se  transforme  par  des 
ts  d'attention.  Mais  ces  efforts  utiles  doivent  être  dirigés  par 
édecin  et  doivent  avoir  une  nature  particulière.  Il  est  rare 
le  malade  trouve  tout  seul  les  efforts  utiles  h  faire  et  nous 
arlons  pas  de  ceux-ci,  eu  ce  moment.  Les  efforts  que  le  malade 
[ine  sont  une  série  d'actions  assez  régulières,  quoique  moins 
îotypées  que  les  tics,  fatigantes  et  pénibles,  qu'il  croit  né- 
aire  d'accomplir  pour  donner  à  son  acte  ce  caractère  de  certi- 

et  de  satisfaction  qui  lui  manque  toujours. 
;s    malades    qui  font  des  efforts  de  ce  genre,  chez   qui  ces 
ts  tournent  h  la  manie  et  constituent  de  véritables  crises  sont 
e  nombreux.  Vy...  essaye  de  se  donner  des  convulsions  pour 

un  mouvement  qui  soit  parfait;  elle  éprouve  le  besoin  de 
ser  comme  pour  aller  à  la  selle.  Tr...  fait  des  efforts  comme 

soulever  un  fardeau,  avant  d'ouvrir  une  porte  ou  de  faire  ses 
res  et  se  contorsionne  pendant  des  heures. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  DIFFUSES.  —  LES  CRISES  D'AGITATION    173 

Le.  type  vraiment  extraordinaire  de  ce  genre  de  manie  c'est 
Claire.  Cette  malade  a  plusieurs  fois  par  jour  des  périodes  de 
contorsions  épouvantables  qui  ont  été  prises  bien  souvent  pour  des 
crises  d'hystérie  et  qui,  à  mon  avis,  ne  leur  ressemblent  en  aucune 
manière.  Ce  sont  des  contorsions  volontaires  ou  quasi-volontaires  : 
quand  elle  sent  ou  se  figure  sentir  qu'une  action  est  mauvaise, 
qu'une  pensée  est  honteuse,  qu'elle  va  avoir  son  image  obédante 
du  membre  viril  et  de  l'hostie,  elle  croit  qu'elle  doit  faire  quelque 
chose  pour  modifier  l'acte  ou  éloigner  l'image.  Ce  quelque  chose, 
c'est  ce  qu'elle  appelle  des  efforts.  Théoriquement,  ses  efforts 
sont  moraux  ;  au  début,  elle  avait  la  tète  dans  les  mains,  les  yeux 
en  Tair,  le  regard  perdu  très  loin  et  elle  se  livrait  à  un  travail  de 
rumination  mentale.  Mais  peu  h  peu  elle  s'est  convaincue  que  les 
efforts  moraux  doivent  être  accompagnés  d'efforts  physiques  cor- 
respondants et  elle  a  commencé  h  prendre  des  attitudes  spéciales  ; 
ainsi  il  faut  qu'elle  soit  assise  ou  couchée,  en  raidissant  la  jambe 
gauche,  en  ayant  la  bouche  ouverte  et  la  tête  aussi  basse  que 
possible,  les  yeux  fermés  ou  démesurément  ouverts.  Puis  elle 
prit  Thabitude  de  faire  des  mouvements  désordonnés  des  bras  et 
des  jambes  jusqu'il  se  mettre  absolument  en  nage  et  à  éprouvr  des 
douleurs  dans  tous  les  muscles.  Elle  plie  le  tronc  et  le  relève  en 
mouvements  rythmiques  de  salutation,  elle  secoue  le  thorax  par  de 
grands  mouvements  respiratoires.  Elle  porte  ses  mains  à  sa 
bouche,  ronge  ses  ongles  jusqu'au  sang,  suce  et  mord  ses  doigts  : 
ces  dernières  manies  ont  fini  par  développer  d'énormes  callosités 
aux  articulations  des  doigts.  Quand  elle  ne  mange  pas  ses  mains, 
elle  mange  ses  mouchoirs  et  ses  draps:  en  un  hiver,  elle  a  réduit  en 
charpie  une  cinquantaine  de  mouchoirs.  Enfin,  en  se  livrant  à 
cet  exercice,  elle  ne  cesse  d'avoir  à  la  figure  d'horribles  gri- 
maces. Toutes  ces  contorsions  se  prolongent  sans  interruption 
pendant  plusieurs  heures. 

La  malade  se  figure  que  ces  mouvements  physiques  suivent  des 
mouvements  parallèles  h  sa  pensée  :  «  si  je  vois  l'idée  tout  au 
fond  de  moi,  il  faut  que  je  baisse  la  tête  très  bas  pour  la  cher- 
cher ;  si  je  la  vois  en  haut,  il  me  semble  que  ma  volonté  s'élance 
pour  la  saisir  et  que  mon  corps  en  fait  autant...  Il  me  semble  que 
c'est  mon  cœur  qui  pense,  il  faut  que  je  cherche  la  pensée  par 
des  mouvements  de  la  poitrine  et  en  augmentant  les  battements 
du  cœur...  Ma  vie  est  à  l'ombilic,  il  faut  que  je  secoue  le  ventre 
pour  la  retrouver.  »  On  voit  bien  ici  se  mêler  aux  efforts  la  manie 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

nbolc  et  on  pourrait  appliquer  ici  les  remarques  de  M.  Ribot 
inalogie  de  l'efTort  moral  et  de  relTorl  physique  :  «  le  sen- 
t  de  TefTort  éprouvé  quand  nous  cherchons  notre  route  à 
s  une  masse  d'idées  obscures  et  enchevêtrées  n*est  qu'une 

alTaiblie  du  sentiment  que  nous  avons  en  cherchant  notre 
dans  une  foret  épaisse  et  sombre  »  *. 

n  entendu  toutes  ces  contorsions  violentes  et  toutes  ces 
es  amènent  toutes  sortes  de  perturbations  viscérales,  des 
les  de  la  respiration  qui  est  exagérée  et  anxieuse,  des 
les  du  cœur  qui  bat  ii  tout  rompre.  Mais  ce  qui  est  surtout 
que  à  la  suite  de  cette  agitation  et  de  ces  mouvements 
dinaux  c'est  une  grande  excitation  génitale  et  les  efforts 
minent  tout  simplement  par  une  véritable  masturbation.  Je 
e  l'extrême  importance  de  cette  substitution  de  Texcitation 
lie  aux  efforts  volontaires. 

is  retrouverons  ces  faits  dans  les  prochains  paragraphes  où 
étudierons  les  phénomènes  émotifs  de  l'angoisse.  Je  tiens 
nent  h  remarquer  ici  que  cette  malade  a  plutôt  les  phéno- 
»  extérieurs  de  l'angoisse  que  l'angoisse  elle-même.  Elle  ne 
int  pas  du  fout  de  souffrir  pendant  cette  crise  d'efforls.  «  Les 
îments  de  sa  poitrine  et  de  son  cœur,  dit-elle  très  juste- 

sont  dus  à   l'essouiTlement  tout  simplement  ».    [/agitation 
ce  cas  reste  motrice  beaucoup  plus  qu'émotionnelle. 

exemple  bien  curieux  de  ces  crises  d'efforts  est  celui  de 
[232),  un  homme  de  quarante  ans.  Ses  crises  bizarres  se  com- 
înt  de  manie  du  symbole  et  d'obsessions  de  persécution.  Ce 
e  diable  avait,  comme  tous  les  scrupuleux,  besoin  de  sym- 
î  et  il  avait  l'horreur  de  la  lutte.  A  la  suite  d'une  querelle 
lifiante  avec  un  individu  qui  était  son  associé  et  son  meilleur 
1  garde,  sinon  une  idée  obsédante,  au  moins  un  sentiment 
ant,  c'est  qu'il  est  en  lutte  contre  cet  individu,  X.  Il  lui  semble 
L  l'attaque,  qu'il  faut  lui  répondre,  quoique  ce  soit  bien 
le,  qu'il  est  nécessaire  de  se  défendre.  Sans  avoir  aucune 
;ination,  en  sachant  bien  qu'il  est  seul,  que  X.  n'est 
résent,  il  se  sent  obligé  de  lutter  contre  lui.  La  lutte  est 
ielle  :  il  se  met  debout,  lance  des  coups  de  poing  et  des 
de   pied   avec    fureur,   il   se   démène   comme    un   forcené, 

ibot,  Les  maladies  de  la  volonté,  p.  107.  (Paris,  F.  Alcan.) 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  DIFFUSES    —  LES  CRISES  D'AGITATION   175 

se  frappe  lui-même,  se  mord  les  poings  et  finit  par  tomber  par 
terre  épuisé  par  de  tels  efforts  et  ruisselant  de  sueur.  11  ne  faut 
pas  oublier  que  ce  malade  n'a  aucun  délire,  il  sait  très  bien  «  que 
X.  est  son  meilleur  ami  et  que,  s'il  étaît  là,  il  se  garderait  bien  de 
le  toucher  »,  mais  cette  lutte  matérielle  est  le  symbole  d'une  lutte 
morale  a  qu'il  devrait  faire,  s'il  avait  du  cœur  »  ;  elle  est  le 
résultat  d'efforts  inouïs  qu'il  se  sent  obligé  de  faire. 

Quelquefois  les  crises  d'efforts  sont  plus  précises,  plus  systé- 
matisées encore  et  se  rapprochent  des  tics.  Je  n'insisterai  pas  sur 
ces  malades,  hommes  ou  femmes,  qui  font  des  efforts  inouïs  pour 
arriver  à  la  perfection  dans  la  masturbation.  Je  prendrai  comme 
exemple  une  crise  d'efforts  qui  se  présente  assez  fréquemment  et 
fjuî  est  bien  typique.  Un  homme  de  55  ans,  Qsa..,  comme  on  l'a  déjà 
vu,  a  des  digestions  pénibles  et  souvent  des  vomissements  plus  ou 
moins  volontaires  pour  décharger  l'estomac,  vomissements  qui  se 
rapprochent  des  tics.  De  temps  en  temps,  à  la  suite  de  troubles 
prémonitoires  dont  je  parlerai  plus  tard,  il  sent  que  son  estomac 
le  tourmente  davantage  et  il  s'agite  de  toutes  manières,  il  a  des 
ruminations  mentales  sur  la  mort,  sur  ses  parents  qui  ne  l'aiment 
pas  assez  ;  puis  il  marche,  ne  peut  plus  tenir  en   place,   puis   il 
essaie  de  boire  un  peu,  il  suce  des  bonbons,  il  commence  à  secouer 
son  estomac  par  des  spasmes  de  l'abdomen.  Puis  il  essaie  de  vomir, 
mais  il  prétend  s'y  être  pris  trop  tard,  ne  plus  pouvoir  vomir  ou 
du   moins  ne   pas  vomir  assez   bien.   Il  vomit  un   peu,  il  crache 
énormément,  mais  il  sent  que  ce  n'est  pas  suflisant,  qu^il  serait 
guéri  s'il  pouvait  rendre  une  certaine  gorgée  de  bile  qui  ne  vient 
pas.  Et  ce  sont  pendant  des  heures  d'épouvantables  efforts  pour 
vomir  cette  gorgée  de  bile,  des  contorsions  de  tous  les  membres 
et  de  tous  le  corps.  Parvenus  à  ce  degré  les  efforts  diffèrent  à  peine 
de  ceux  de  Claire,  si  ce  n'est  que  de  temps  en  temps  il  y  a  un 
violent  mouvement  de  vomissement.  La  crise  peut  durer  une  nuit 
entière,  elle  s'arrête  soit  après  un  petit  vomissement  quelconque, 
soit   par   l'épuisement   du   malade   qui    finit   par    s'endormir.    Je 
retrouve  ces  crises  d'efforts  pour  vomir  chez  deux  autres  malades, 
en  particulier  chez  un  enfant  de  12  ans  qui  a  fait  de  grandes  crises 
semblables  toutes  les  fois  que   ses  parents  lui   faisaient   manger 
autre  chose  que  de  la  gelée  de  viande  et  des  pruneaux,  les  seuls 
aliments  qu'il  pût  digérer  sans  crise. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


Les  crises  de  marche  et  les  crises  de  parole. 

attacher  à  des  tics  ordinaires  des  phénomènes  de 
lus  complexes  et  surtout  plus  prolongés  que  Ton 
vent  chez  les  mêmes  malades  dans  les  mêmes  cir- 
es malades  sont  troublés  à  propos  d'un  acte  ou 
au  lieu  de  se  livrer  à  des  récriminations  mentales,  ils 
)esoin  plus  ou  moins  irrésistible  de  marcher, 
îment  ne  se  calme  que  lorsqu'ils  ont  marché  très 
is  se  livrer  à  aucune  violence.  Nous  avons  vu  que 
manies  de  recherche  et  d'interrogation  :  il  a  ren- 
rsonne  qu'il  a  eu  le  malheur  de  regarder  avec 
lédiatement  il  se  demande  à  qui  cette  personne  res- 
est  le  nom  et  l'adresse  de  cette  personne  qui  lui 
faut  qu'il  recherche  indéfiniment  ces  ressemblances 
es.  Cette  recherche,  si  elle  n'aboutit  pas  tout  de 
sforme  en  une  agitation  qui  le  force  h  marcher  de 
dans  sa  chambre,  il  va  tourner  comme  un  animal 
nt  une  nuit  entière  et  le  calme  ne  reviendra  que 
era  épuisé  de  fatigue.  Car...,  une  femme  de  28  ans, 
angoisse  déterminée  par  l'idée  de  la  folie  en  mar- 
iment.  Cr...  (io4),  homme  de  t\k  ans,  est  bouleversé 
î  émotion  et  aussitôt  il  faut  qu'il  sorte  de  chez  lui 
les  courses  énormes. 

le  M.  Souques  se  rapproche  de  ceux-ci  :  après  des 
omanie  ou  à  la  place  de  ces  crises,  il  éprouve  le 
cher  pendant  plusieurs  jours  et  rentre  épuisé  '.  Il 
e  dans  un  cas  de  M.  Magnan.  Ce  sujet  interrompt 
grands  mouvements  et  par  de  grandes  marches  '. 
î  18  ans,  présente  tout  à  fait  les  mêmes  symptômes, 
uleux,  timide,  mécontent  de  ce  qu'il  fait.  Il  se  met 
ravail  avec  l'intention  de  faire  un-  travail  meilleur 
,  il  essaye  d'y  mettre  toute  son  attention.  Mais  cet 
et  l'agite,  il  éprouve  un  besoin  invincible  de  mar- 
ïalmer.  Aussi  sort-il  de  chez  lui  et  commence-t-il  à 


pulsions  dipsomaniaques  prolongées  sous  forme  ambulaloire.  Arch. 
2,11,61. 

iété  médico-psychol . ,  a8  mai  i885. 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  DIFFUSES.  -  LES  CRISES  D'AGITATIO] 

errer  dans  les  rues  de  Paris,  il  ne  recherche  jaraais  de  camar 
et  satisfait  sa  manie  seul  comme   un   dipsomane  ;    il  prend 
jours  les  mêmes  rues,  vieilles  et  solitaires  autant  que  possibi 
il  tourne  dans  le  même  quartier  pendant  cinq  ou  six  heures 
il  rentre  calmé  et  satisfait. 

C'est  là,  si  Ton  veut,  une  variété  des  fugues,  mais  c'est 
variété  assez  distincte.  Ce  n'est  pas  la  marche  en  avant  irra 
née,  inconsciente  de  l'épileptique  vrai.  Ce  n'est  pas  la  fugue 
térique  pendant  un  état  second  suivi  d'amnésie:  le  malade  r< 
tranquillement  chez  lui  sans  réveil,  sans  surprise  et  se  sou 
en  général  assez  bien  de  tout  ce  qui  s'est  passé.  Ce  n'est  pai 
plus  tout  à  fait  l'impulsion  à  la  fuite,  ou  aux  voyages  que 
la  rencontre  chez  ces  mêmes  psychasthéniques  *  et  que  M.  Ré 
appelée  la  dromomanie.  Dans  ces  impulsions  il  y  a  une  idét 
pousse  le  malade  vers  un  but,  il  pense  à  aller  vers  un  ce 
endroit,  a  fuir  le  travail  comme  on  l'a  vu  dans  une  des  obs 
lions  rapportées  dans  le  premier  chapitre  de  cet  ouvrage, 
les  crises  que  j'étudie  ici,  il  n'y  a  pas  là  d'idée  qui  déter 
la  marche,  d'obsession  qui  pousse  au  voyage,  c'est  la  m: 
pour  la  marche.  C'est  une  opération  forcée  que  le  malade  ex< 
de  même  qu'il  travaillait  dans  ses  ruminations  mentales. 

Dans  d'autres  cas  la  marche  est  remplacée   par   quelque 
exercice  physique  également  exagéré   et  inutile.  M.  Tissié  i 
crit    à   ce  propos  des  cas  remarquables    de  manie  du  can( 
chez  déjeunes  psychasthéniques  qui  ne  peuvent  résister  aub 
irrésistible  de  s'exciter  et  de  se  surmener  dans  les  sports^. 

On  peut  rattacher  à  ces  crises  de  marche  les  besoins  de  p 
ou  même  d'écrire  qui  prennent  les  malades  dans  les  mêmes 
constances.  Fy...,  (3/|)  femme  de  35  ans,  sujet  remarquable  à 
des  points  de  vue,  a  des  obsessions  de  honte,  craint  de  de 
folle,  et  a  ce  moment  se  sent  agitée  «  soulevée  comme 
plume  ».  Il  faut  qu'elle  aille  et  vienne  et  surtout  qu'elle  j 
qu'elle  parle  indéfiniment  à  n'importe  qui,  qu'elle  racont 
peines  «  tout  ce   qu'il  ne  faudrait  pas  dire  ».  Elle  bavarde 

I.  P.  Dénommé,  Les  impuhions  morbides  à  la  déambuhlion  au  point  de  vue  i 
légat.  Thèse  de  Lyon,  1890.  Dubourdieu,  La  dromomanie  des  dégénérés.  Tl 
Bordeaui,  189a. 

3.  Tissié  (Bordeaux).  Un  cas  d'impulsion  sportive  ou  ludomanie.  Journal 
decine  de  Bordeaux^  26  janv.  1896,  p.  35. 

LES    OBSESSIONS.  I.    —    12 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

uît  et  ne  se  calme  le  matin  qu'en  écrivant  une  vingtaine 
de  son  journal.  Jean  cède  à  un  besoin  du  même  genre 
ient  chez  moi  et  me  supplie  «  simplement  de  Tccouter 
Kilager...  Il  ne  peut  rien  dire  de  tout  cela  chez  lui,  cela 
es  parents  trop  malheureux  et  il  faut  qu'il  le  dise  »  et 
ne  heure  et  demie  ou  deux  heures  il  parle,  il  parle  sans 
Lin  instant,  sur  le  fou  rire  de  la  femme  de  chambre 
jr  une  pièce  de  deux  sous  qu'il  a  en  poche  et  qui  a 
ée  par  une  femme,  ce  qui  met  des  fluides  dans  son 
sur  les  timbres-poste  qui  font  penser  à  la  politique  et 
lage  qui  est  mort^après  être  resté  trois  quarts  d'heure 
lame,  sur  un  petit  chien  qui  en  le  touchant  a  failli  lui 
la  verge..  ,  etc.,  etc.  »  Il  se  sent  soulagé  «  détendu  » 
fini.  Peu  lui  importe  ce  qu'il  a  dit,  il  a  simplement 
paroles  une  agitation   qui    n'arrivait  pas   à  se  dépenser 

3.  —  Les  crises  d'excitation, 

s  agitations  motrices  peuvent  être  encore  plus  dilTuses, 
s  incoordonnées. 

>  de  quelque  effort  impuissant  delà  volonté  ou  de  Tatt^^n- 
propos  d'une  légère  émotion,  les  voici  qui  se  lèvent 
oup,  qui  renoncent  a  leur  travail  en  déclarant  qu'ils  en 
tivement  incapables  ou  même  qui  interrompent  une 
taie,  une  rumination  interrogative,  par  exemple,  et  qui 
a  une  agitation  désordonnée.  Nadia  veut  essayer  de  me 
norceau  de  piano,  elle  s'arrête  au  bout  de  quelques 
lécontente  d'elle-même  et  recommence;  même  arrêt  au 
it,  même  recommencement  ;  puis  elle  s'impatiente,  se 
bavardage  ordinaire  de  formules  et  de  pactes  «  si  je 
s  bien  ce  morceau  tout  entier,  je  veux  mourir  ce  soir... 
joue  pas  bien  c'est  h  cause  de  moi  que  ma  mère  est 
.  »  Maintenant  l'agitation,  de  mentale  qu'elle  était  de- 
que  ;  la  malade  se  lève,  jette  sa  musique,  et  alors  la  voici 
ient  dans  la  pièce,  renversant  les  meubles,  jetant  les 
assant  les  vases.  Au  moment  le  plus  fort  de  sa  maladie, 

beaucoup  d'objets  et  semblait  dans  un  état  de  fureur 
en  apparence  dangereuse  à  approcher.  En  réalité  elle 
fait  de  mal  à  personne,    et  même    elle  ne  brisait   que 

insignifiants  ;  de   même    que   Claire  dans    ses   crises 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  DIFFUSES.  -  LES  CRISES  D'AGITATION    170 

d'efforts,  elle  restait  toujours  capable  de  s'arrêter  au  point  qui 
lui  semblait  nécessaire  et  de  cesser  brusquement  s'il  entrait 
une  personne  à  qui  elle  ne  voulait  pas  se  montrer  dans  cet  état. 
Ces  crises  d'agitation  ne  sont  pas  rares  chez  les  scrupuleux  et 
peuvent  se  présenter  sous  différentes  formes.  Chez  Tf...,  homme 
de  32  ans,  ce  sont  des  crises  de  tremblement  ou  «  un  besoin  fou  de 
casser  de  la  vaisselle  ».  Chez  IIo...  (99),  fillette  de  i3  ans,  ce  sont 
d'abord  des  tics  divers  qui  se  mêlent,  se  répètent  ;  elle  met  les 
doigts  dans  soiï  nez,  ronge  ses  ongles,  se  frotte  le  ventre,  puis 
des  contorsions  de  tout  le  corps,  puis  des  cris  de  toute  espèce 
qu'elle  ne  peut  pas  retenir,  dit-elle  «  c'est  comme  si  j'avais  le 
devoir  moral  de  me  secouer,  de  crier  ».  M.  Dubois  de  Saujon 
décrit  de  même  «  un  tiqueur  si  agité  qu'on  eût  pu  croire  à  une 
chorée  suraiguG  *  ».  M.  Pitres*  décrit  aussi  des  tics  convulsifs 
généralisés  qui,  dit-il,  ont  reçu  différents  noms,  chorée  électrique 
de  Hénoch-Bergeron,  électrolepsie  de  Tordeus,  névrose  convul- 
sive  rhytmée  de  Guerlin.  Plusieurs  des  malades  précédents  pour- 
raient être  rapprochés  de  ces  descriptions,  car  ils  ressemblent 
k  ce  moment  à  des  choréiques  extrêmement  agités. 

D'autres,  comme  Lkb...,  femme  de  28  ans,  tourmentée  par  une 
obsession  du  suicide,  Sy...,  femme  de  29  ans,  qui  a  une  obses- 
sion d'homicide,  Af...  (89),  Kn...  (87),  vont,  viennent,  sautent, 
gesticulent,  crient  et  cassent  tout  ;  puis  elles  finissent  par  se  pré- 
cipiter sur  leur  lit,  ou  même  par  tomber  à  terre  et  se  tordent 
dans  tous  les  sens  comme  en  proie  à  une  grande  crise  convulsive. 

Dans  quelques  cas  la  ressemblance  de  ces  agitations  avec  une 
crise  d'hystérie  devient  si  grande  que,  à  la  simple  inspection,  le 
diagnostic  est  impossible.  Qes...,  obsédée,  comme  on  Ta  vu,  par 
ridée  de  tuer  sa  mère,  prétend  résister  à  l'obsession  en  se  jetant 
par  terre  et  en  faisant  des  contorsions.  Avant  qu'elle  n'entrât  à 
rhôpital,  cet  acte  avait  visiblement  son  cachet,  on  voyait  bien 
qu'elle  ne  perdait  pas  conscience,  qu'elle  se  couchait  elle-même 
par  terre  et  qu'elle  avait  des  contorsions  volontaires.  Depuis 
qu'elle  a'  séjourné  longtemps  dans  une  salle  où  il  y  a  de  vraies 
hystériques  et  des  épileptiques,  elle  a  perfectionné  son  procédé 


t.  Dubois  de  Saujon,  Société  de  thérapeutique ,  37  mars  1901. 
2.  Pitres,  Tics  convulsifs  généralisés.   Société  de  médecine  et  de  chirurgie  de  Bor- 
deaux, 31  décenabre  1900. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

trais  aujourd'hui  au  défi  un  observateur  étranger  de 
iagnostic,  en  voyant  simplement  sa  chute  brusque  et 
sions. 

î  je  compte  reprendre  à  part  dans  un  chapitre  spécial 
tic  entre  les  phénomènes  psychasthéniques  et  les  troubles 
s,  je  rappelle  ici  ce  qui  distingue  une  crise  d'hystérie 
e  ces  agitations  motrices  des  psychasthéniques.  Ces 
B  perdent  jamais  conscience  d'une  manière  complète, 
as  d'amnésie  nette  après  la  crise,  ils  sont  toujours  ca- 
nrreler  leur  crise  à  n'importe  quel  moment,  s'ils  en 
?nt  la  nécessité  ;  ils  n'ont  pas  d'automatisme  véritable, 
ent  pas  aux  phénomènes,  ils  les  font  eux-mêmes  ;  ils 
ence  de  faire  effort  pour  produire  tous  ces  mouvements 
nient  simplement  poussés  à  les  faire.  Ces  caractères 
ses  dans  une  crise  d'hystérie  qui  serait  typique.  Dans 
omplets  le  diagnostic  ne  peut  être  fait  que  par  l'étude 
)mènes   antécédents     et    de     toute    l'évolution    de     la 


js  ces  mouvements  on  retrouve  facilement  les  caractères 
des  agitations.  Ce  sont  évidemment  des  mouvements 
t  inutiles:  il  n'y  pas  lieu  de  démontrer  que  ces  efforts, 
lions  sont  inadaptés  h  la  situation  donnée  et  inutiles, 
lient  les  tics.  Il  est  bon  de  rappeler  que  ces  mouvements 
es,  grossiers,  sans  délicatesse  et  sans  précision  réelle, 
présentent  grossièrement  un  acte,  mais  un  acte  exécuté 
lière  très  incorrecte;  les  marches,  les  crises  de  contor- 
dc»  mouvements  simples  sans  délicatesse.  N'a-t-on  pas 
ce  petit  détail  que  le...  se  salit  beaucoup  plus  dans 
de  marche,  qu'il  ne  le  ferait  dans  une  promenade  exé- 
5  des  conditions  normales.  On  remarquera  que  les  tics 
les  crises  d'excitation  donnent  lieu  à  des  mouvements 
es:  les  deux  épaules  se  lèvent  en  même  temps,  les  deux 
ent  à  la  fois  des  coups  de  poing  ou  se  tordent  de  la 
lière.  Ces  mouvements  symétriques  fréquents  chez  les 
retrouvent  chez  les  sujets  fatigués,  comme  le  remar- 
^ré  ils  indiquent  une  diminution  de  la  complexité  du 
it,  une  sorte  de  décadence  motrice'.  Il  est  trop  évident 
jets  sont  capables  dans  d'autres  circonstances  de  mou- 
ien  plus  précis,    plus  adaptés  et  plus   délicats.   Nous 


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LES  AGITATIONS  MOTRICES  DIFFUSES    —  LES  CR 

retrouvons  donc  ici  le  troisième  caractère  déj; 
ta  tiens  mentales,  le  caractère  inférieur  de 
constituent  ces  agitations  motrices. 

Dans  ces  derniers  phénomènes  de  grande 
les  efforts  de  pensée,  les  ruminations  men 
diminué  quoiqu'il  en  subsiste  encore  des  trac 
agitation  motrice  a  pu  remplacer  presque  com 
tions  mentales  précédentes.  Non  seulement 
trice  peut  prendre  dans  les  tics  une  forme  sys 
aux  manies  mentales,  mais  elle  peut  prendr 
analogue  à  la  rumination  mentale  et  à  la  rêve 

On   peut  donc  résumer  par  le  tableau  ci-co 
formes  des  agitations  motrices. 

LES  AGITATIONS  FORCÉES  MOTRK 


à  forme  systématisée, 
les  tics. 


les  tics 

de 

perfectionnement. 


à  forme  diffuse, 
les  agitations. 


\ 


les  tics 
de  défense.  ) 

les  crises  des  efforts, 

—  de  marche, 

—  de  parole, 

—  d'excitation. 


les  immobil 
les  tics  de  v 

—  de  p 

—  de  s; 

—  d'im 

—  de  C( 

—  de  p 

—  de  r 

les  tics  de  h 

—  de  n 

—  de  C( 


I.  Féré,  Revue  scientifique,  1890,  I,  816. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 


TROISIÈME  SECTION 


LES    AGITATIONS    EMOTIONNELLES 


în  même  temps  que  se  développent  ces  obsessions,  ces  in- 
[iibrables  manies  mentales  et  ces  agitations  motrices  que  nous 
ions  d'énumérer  se  présentent  chez  un  certain  nombre  de  ces 
mes  malades  des  troubles  émotionnels  qui  ont  une  très  grande 
portance.  Les  sujets  les  mettent  souvent  au  premier  plan  parce 
ils  sont  très  douloureux  et  plusieurs  parmi  les  auteurs  qui  ont 
idié  les  obsessions  sont  disposés  h  considérer  ce  symptôme 
nme  le  point  de  départ  de  tous  les  autres.  Il  est  donc  nécessaire 

l'examiner  avec  quelque  soin. 

?.€S  émotions  présentent  le  caractère  général  de  ces  phénomè- 
jpsychasthéniques,  elles  s'imposent  au  sujet  sans  rapport  légi- 
le  ni  avec  les  circonstances  extérieures  ni  avec  ses  propres  pen- 
îs,  elles  sont  considérées  parla  personne  même  qui  les  éprouve 
Dme  exagérées,  inopportunes  et  absurdes.  Mais  le  malade  croit 
possible  de  les  éviter,  il  ne  les  subit  pas  tout  à  fait  passivement 
mme  un  phénomène  purement  physique  qui  le  frappe,  il  s\ 
andonne  avec  une  certaine  complaisance  parce  qu'il  croit, 
rce  qu'il  sent  qu'il  ne  peut  pas  faire  autrement.  Ce  sont  les 
'actères  des  opérations  forcées,  qui  se  retrouvent  dans  des  émo- 
ns  comme  dans  des  calculs  et  des  mouvements. 
Ces  émotions  qui  s'imposent  ont  presque  toujours  un  caractère 
sagréable,  elles  se  rapprochent  de  la  douleur,  de  la  tristesse  et 

la  peur.  Tantôt  cette  peur  est  précise,  systématisée,  elle  a  des 
ractères  émotionnels  nets  et  s'accompagne  de  perceptions  et 
dées  assez  précises  :  dans  ce  cas  les  agitations  émotionnelles 
nt  systématisées  et    ont  reçu  le  nom  d'algies  ("Ak^zç,  douleur) 

plus  souvent  Ae phobies  (<ï>c6oç,  peur),  tantôt  elles  sont  diSuses 
is  rapport  avec  une  pensée  déterminée  et  elles  constituent  les 
goisses.  Dans  notre  étude  des  phobies  nous  rechercherons 
rtout  les  formes  précises  qu'elles  prennent  dans  tel  ou  tel  cas 
terminé  ;  dans  notre  étude  des  angoisses  nous  examinerons  les 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES    183 

phénomènes  généraux  qui  constituent  ces  émotions  pathologiques 
et  qui  existaient  déjà  plus  ou  moins  masqués  dans  toutes  les 
phobies. 


i.  — Les  agitations  émotionnelles  systématisées. 
Les  phobies. 

Ces  émotions  forcées,  qui  prennent  une  forme  un  peu  spéciale 
suivant  les  phénomènes  à  propos  desquels  elles  se  développent, 
paraissent  être  innombrables.  Pendant  une  période  chaque  auteur 
découvrait  une  phobie  nouvelle  et  la  baptisait  d'un  nom  grec. 
On  inventa  ainsi  la  misophobie,  la  canophobie,  la  nosophobie, 
Tagoraphobie,  Téreutophobie,  la  microphonophobie,  la  peur  des 
petits  bruits,  Tamaxophobie  ou  peur  des  voitures,  la  sidérodro- 
mophobie,  la  peur  des  chemins  de  fer,  la  dysmorphophobie,  la 
peur  des  difformités,  la  triskaidecaphobie,  la  peur  du  nombre 
treize,  etc.  Je  n  ai  pas  la  prétention  de  les  énumérer  toutes  ;  il 
sulFit  d'indiquer  certains  groupes  où  les  principales  se  rangent 
facilement  et  qui  servent  à  mettre  en  relief  certains  caractères 
psychologiques. 

I.   Les  classifications  des  phobies, 

La  classification  de  ces  phobies  semble  fort  difficile  puisque 
elle  a  été  essayée  bien  des  fois  sans  qu'une  classification  se  soit 
imposée.  M.  Freud,  qui  a  beaucoup  étudié  ces  névroses  d'an- 
goisse, admet  trois  classes*:  i^  les  phobies  traumatiques,  relevant 
surtout  de  l'hystérie;  2^  les  phobies  communes,  peurs  exagérées 
des  choses  que  tout  le  mande  craint  un  peu,  la  nuit,  la  solitude, 
la  mort,  la  maladie  ;  3**  les  phobies  d'occasion,  agoraphobie  et 
autres  phobies  maladives.  Le  premier  groupe  ne  nous  intéresse  pas 
ici  et  d'ailleurs  se  rattache  à  de  tout  autres  phénomènes; 
j'avoue  ne  pas  voir  nettement  la  distinction  des  deux  autres  grou- 
pes, les  agoraphobies  par  exemple  et  les  phobies  de  la  solitude 
me  paraissent  se  rapprocher  par  tant  d'intermédiaires  que  cette 
distinction  n'a  giière  d'utilité. 

I.  Freud,  Revue  neurologique,  3o  janvier  iSgS. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

>  dans  son  manuel  de  médecine  mentale^  admettait  une 
m  simple  d'après  les  principaux  groupes  d'objets  qui 
issance  à  la  phobie  :  i^  phobie  des  objets  (rupophobie^ 
bjets  sales)  ;  2**  phobie  des  lieux,  des  éléments,  des 
igoraphobie,  astrophobie,  bacillophobie)  ;  3^  phobie 
ivants  (zoophobie,  anthropophobie,  gynéphobie).  Cette 
m  est  conservée  dans  le  rapport  de  MM.  Pitres  et 
les  obsessions'.  Elle  est  évidemment  commode,  mais 
rement  extérieure  et  ne  nous  apprend  rien  sur  les  ca- 
sychologiques  qui    séparent  ces  phobies  les  unes  des 

el  dans  sa  thèse  sur  les  phobies^  me  semble  avoir  fait 
ve  intéressante  en  essayant  de  les  classer,  non  d'après 
mais  d'après  le  trouble  mental  qui  se  produit  à  l'occa- 
bjet.  Il  admet  trois  groupes  :  i**  les  phobies  relatives  à 
sensoriel  de  la  sensibilité  générale,  du  toucher,  de  la 
ns  musculaire,  de  l'ouïe,  du  goût  ou  de  l'odorat;  2°  les 
ïlatives  à  un  trouble  de  la  perception  ou  de  l'imagina- 
is  phobies  relatives  à  un  trouble  dans  les  idées  ou  les 
.  L'idée  me  semble  juste,  mais  il  me  semble  que  l'au- 
it  pas  une  place  suffisante  au  trouble  des  actes  et  au 
5  sentiments. 

pnt  de  combiner  la  classification  d'après  la  nature  des 
la  classification  d'après  les  troubles  psychologiques, 
îrai  d'admettre  4  groupes  :  i**  les  algies  ou  phobies 
qui  ont  leur  point  de  départ  dans  le  corps  même 
t  sont  déterminées  surtout  par  des  troubles  à  propos 
ptions  simples  ;  2°  les  phobies  des  objets  qui  ont 
t  de  départ  dans  la  perception  des  objets  extérieurs 
éterminées  surtout  par  le  trouble  des  actions  ;  3®  les 
le  situations  dans  lesquelles  le  trouble  émotionnel 
lélerminé  par  la  vue  d'un  objet  simple  mais  par  la  per- 
un  ensemble  de  circonstances  qui  constituent  la  situa- 
Ile  du  sujet.  Le  trouble  existe  à  la  fois  dans  les  actes 
es  sentiments;  4**  les  phobies  des  idées  où  une  pen- 
B  abstraite,  suffit  pour  amener  l'émotion  intense  et  dou- 

Manuel  de  médecine  mentale,  189a,  p.  370. 
il  Régis,  op.  cil.,  p.  37. 
Les  phobies,  étude  sur  la  psychologie  pathologique  de  la  peur.   Thèse  de 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATLSÉES    —  LES  PHOBIES    185 

loureiise  :  l'attention,  le  jugement,  la  croyance,  sont  surtout  en 
cause. 

2.  —  Les  algies. 

Beaucoup  de  psychasthéniques  présentent,  en  apparence  comme 
les  hystériques,  sur  certains  points  du  corps,  des  régions  dou- 
loureuses où  ils  ne  peuvent  supporter  aucun  contact,  ni  aucun 
mouvement.  Quand  on  effleure  ces  parties,  ou  quand  ils  doivent 
faire  fonctionner  ces  organes,  les  malades  semblent  éprouver  des 
douleurs  et  des  troubles  tout  à  fait  énormes  et,  bien  entendu,  tout 
h  fait  disproportionnés  avec  la  modification  opérée;  ils  ont  des 
troubles  de  la  circulation  et  de  la  respiration,  ils  sont  couverts 
de  sueur,  ils  se  contorsionnent,  reculent  avec  des  gestes  d'épou- 
vante et  poussent  des  cris  de  souffrance.  Ces  douleurs  dispro- 
portionnées, ces  émotions  inopportunes  se  produisent  dans  deux 
circonstances  légèrement  différentes.  Tantôt  elles  sont  à  peu  près 
continuelles,  a  propos  d'une  partie  déterminée  du  corps,  même 
quand  cette  partie  reste  immobile:  cie  sont  les  algies  proprement 
dites.  Tantôt  elles  ne  se  développent  qu'au  moment  où  l'organe 
doit  entrer  naturellement  en  fonction,  ce  sont  les  phobies  des  fonc- 
tions. Il  est  évident  d'ailleurs  que  dans  bien  des  cas  ces  deux 
troubles  se  rapprochent  et  se  confondent. 

Nous  considérons  d'abord  le  phénomène  des  algies,  Leuret* 
signalait  déjà  une  jeune  fille  «  qui  se  croit  frappée  gravement  et 
qui  pousse  de  hauts  cris  quand  on  la  touche  seulement  du  bout  du 
doigt  ».  Legrand  du  Saulle  rapportait  l'observation  d'une  femme 
qui  avait  l'obsession  d'un  cancer  au  sein  et  qui  y  souffrait  constam- 
ment*. Les  observations  de  ce  g^ffresde vinrent  bientôt  très  nom- 
breuses dans  les  ouvrages  de  Beard,  ae  Charcot,  de  liuchard,  de  ^A 
Bouveret,  deVerneuil.  Je  rappfeUeraû^ulement  l'article  intéressant 
de  M.  Galippe  sur  les  obsessions  dentaires^.  Cet  auteur  décrit  toutes 
les  souffrances  terribles  qui  se  développent  chez  certaines  per- 
sonnes à  propos  de  dents  absolument  saines,  les  angoisses  d'une 
malade  «  qui  sent  un  amoindrissement  de  sa  personnalité  »  parce 
que  l'on  veut  lui  faire  porter  de  fausses  dents;  il  insiste  sur  les 
cas  de  cancer  imaginaires  de  la  bouche  et  de  la  langue.  A  la  même 


I.  Leuret,  Fragments  psychologiques  sur  la  folie,  i84o  p.  86. 

a.  Legrand  du  SauUc,  Folie  du  douter  p.  28. 

3.  Galippe,  Les  obsessions  dentaires.  Archives  de  neurologie,  1891,  I,  p.  i. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

Paul  Blocq  réunit  justement  tous  les  phénomènes  de 
js  le  nom  de  topoalgies.  «  Je  propose,  dit-il  *,  de  dé- 
le  nom  de  topoalgie  une  variété  importante  de  neu- 
lonosymptomatique  dans  laquelle  on  constate  seu- 
douleur  fixe,  localisée  dans  une  région  variable,  mais 
)ort  avec  un  district  anatomiquemcnt  ou  physiologi- 
limité...  C'est  la  manifestation  clinique  de  la  per- 
le image  sensitive  fixe,  analogue  dans  le  domaine  delà 
ce  qu'est  l'idée  fixe  dans  le  domaine  de  rintelligence.  » 

;  de  telles  algies  sur  tous  les  points  du  corps.  I/ob- 
1er...  (6i),  semblable  à  celle  recueillie  par  Legrand 
ous  montre  une  telle  douleur  siégeant  en  sein.  Cette 
5  ans,  toujours  très  impressionnable,  s'effraye  h  propos 
îsse  ;  elle  éprouve  au  cours  de  celle-ci  une  petite  g(^ne 
inquiète,  le  regarde  et  le  tàte  constamment.  Elle  con- 
ent  des  livres  de  médecine  et  finit  par  ressentir  des  dou- 
îniblcs  et  angoissantes  au  moindre  contact  de  ce  sein, 
a  l'obsession  de  la  phtisie  présente  deux  régions  de 
l'une  en  avant  sous  la  clavicule,  l'autre  en  arrière  sous 
I  droite  où  elle  soudre  un  mal  bizarre,  «  si  quelque 
e  ces  régions,  même  légèrement,  je  me  sens  prête  à 
I  étoufier  w.  Fik...  (i58)  femme  de  57  ans,  épouvantée 
lostic  absurde  d'angine  de  poitrine  conserve  une  ter- 
le  la  poitrine  au  niveau  du  cœur, 
qui  a  eu  de  telles  souffrances  pendant  longtemps  à 
a  maintenant  «  sous  la  peau  du  visage  où  doit  circuler 
rompu  qui  procure  des  raideurs  et  des  tiraillements 
.  Diverses  sensations  cutanées  peuvent,  en  efTet,  de- 
nt de  départ  de  ces  algies:  M.  Brocq  signalait,  sous 
jcarophobie,  une  dysesthésie  cutanée  avec  prurit 
[|  rattachait  à  une  vésanie  par  idée  fixe*  et  M.  Thi- 
issait  sous  le  nom  de  dermatophobie  des  symptômes 
que  la  peladophobie,  les  phobies  engendrées  par 
lital,  la   syphiliphobie,  l'acarophobie  de  Brocq*,   etc. 

x|,  Sur  un  syndrome  caractérise  par  de  la  lopoalgie,  neurasthénie  mo- 
ue à  forme  douloureuse.  Gazelle  hcbd.  de  mèd.  el  de  chir.,  mai  1891. 
el  idées  fixes,  II,  p.  a84. 

mrnal  de  médecine  el  de  chirurgie  pratiques,  1890,  p.  90. 
!,  Dermalophobies.  Ivresse  médicale,  9  juillet  1898. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES    —  LES  PHOBIES    187 

Quelquefois  ces  douleurs  sont  Interprétées  par  les  malades 
qui  disent  éprouver  toutes  sortes  de  sensations  bizarres.  Une 
malade  de  M.  Ilirschberg,  tout  en  se  rendant  compte  de  son  état 
et  en  trouvant  «  ses  sensations  ineptes  »  ne  peut  s'empêcher  de 
sentir  des  «  grenouilles  qui  se  promènent  dans  son  dos,  des  lan- 
gues d'animaux  dégoûtants  qui  la  lèchent,  des  vers,  des  intestins 
pourris  qui  glissent  le  long  de  son  dos  *.  » 

Les  algies  de  la  tête  forment  un  groupe  intéressant,  elles  se 
rattachent  naturellement  aux  céphalées  qui  existent  si  fréquem- 
ment chez  tous  ces  malades.  Mais  elles  ajoutent  à  ces  céphalées 
ordinaires  une  énorme  exagération  de  la  douleur  et  des  troubles 
émotionnels  répartis  dans  tout  l'organisme.  Cl...  (67),  femme  de 
28  ans,  se  frotte  constamment  le  vertex  au  point  qu'elle  a  usé  les 
cheveux  à  cet  endroit  et  que  le  sommet  de  la  tête  est  dénudé  : 
son  algie  de  la  tête  est  presque  constante.  Au  contraire  l'algie  de 
la  tête  chez  Box...  (58),  femme  de  5o  ans,  se  présente  par  crises 
qui  ne  durent  que  quelques  heures  ou  quelques  jours.  Elle  porte 
alors  attaché  sur  la  tête  un  énorme  paquet  d'ouate,  destiné  à 
calmer  la  douleur  et  a  éviter  les  plus  légers  attouchements.  En 
outre  elle  se  tient  constamment  debout  la  tête  appuyée  en  arrière 
contre  un  mur  destiné  à  la  soutenir  «  sans  quoi  elle  tomberait 
avec  une  énorme  douleur  »  il  y  a  tic  et  torticolis  mental  en  même 
temps  que  algie. 

J'ai  déjà  décrit  dans  le  second  volume  des  névroses*  le  cas  de 
Bi...,  femme  de 35  ans,  qui  s'est  cogné  le  coude  et  qui  a  ressenti 
brusquement  la  douleur  classique  au  petit  doigt  par  l'irritation, 
du  cubital,  cette  douleur  l'a  impressionnée  vivement  et  doréna- 
vant pendant  des  années  elle  ne  peut  ressentir  un  contact  au  petit 
doigt  sans  éprouver  une  angoisse.  Le  cas  de  Van...,  femme  de  72 
ans,  est  analogue  :  elle  s'est  fait  il  y  a  18  mois  une  coupure  au  petit 
doigt,  et  depuis  ce  moment  elle  se  plaint  perpétuellement  de  ce 
doigt  qui  ne  présente  aucune  lésion.  «  S'il  fait  chaud  ce  doigt  a 
une  température  insupportable,  s'il  fait  froid  il  refroidit  tout  son 
corps.  ))  Elle  crie  toute  la  nuit  comme  si  ce  petit  doigt  la  torturait, 
pendant  la  journée  elle   se  cache  dans  un  coin  pour  pleurer  sur 


I.  R.  Hirschberg,  Névrose  parcslhcsique  chez  une  dégénérée.  Revue  neurologique, 
3.   Névroses  et  I fiée»  fixes.  II,  p.  3o5. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

gi.  A  table  elle  prend  un  couteau  et  fait  semblant  de 
uper  ce  petit  doigt;  puis  elle  va  au  travers  de  Tappar- 
le  une  folle  et  menace  de  se  jeter  par  la  fenêtre  pour 
:ir  son  petit  doigt.  Une  autre  femme  de  34  ans, 
*e  parce  qu'elle  a  appris  qu'une  cousine  avait  de  Ten- 
mbes,  conserve  une  douleur  angoissante  à  la  jambe 
s  veut  plus  marcher  sans  envelopper  cette  jambe 
>uches  de  coton. 

;  que  les  organes  génitaux  vont  devenir  le  siège 
ion  de  pareilles  douleurs  angoissantes.  J'ai  publié 
^'mond  une  observation  remarquable  à  ce  sujet',  il 
irètre  qui  après  avoir  entendu  parler  d'un  adultère 
este  obsédé  par  la  pensée  des  rapports  génitaux.  Il 
nment  dans  l'esprit  la  pensée  et  même  l'image  de  ces 
}  dans  les  bras  Tun  de  l'autre.  Au  bout  d'une  année, 
nplifia,  mais  pour  devenir  plus  bizarre  et  plus  gênante 
pensait  et  ne  voyait  plus  que  les  organes  génitaux  fémi- 
ouvait  voir  une  femme,  parler  à  une  femme,  n'importe 
s  qu'il  fut  convaincu  de  voir  ses  organes  génitaux  sous 
ts.  Au  bout  de  bien  des  années,  il  constata  un  nou- 
iment  dans  la  forme  de  la  maladie,  a  A  force  de  rai- 
ose,  j'ai  commencé  à  penser  à  mes  propres  organes 
m  plus  à  ceux  de  la  femme.  Mais  cette  préoccupation 
itre  désagrément,  elle  produisit  bientôt  une  irritation 
développa  une  hypersensibilité  du  pénis  et  du  scro- 
sagréable.  »  Le  même  malade  en  arriva  quinze  ans 
ut  à  une  dernière  forme.  Il  pense  constamment  que 
génitaux  sont  appendus  à  son  corps  comme  un  corps 
ne  lui  appartiennent  pas  ;  il  ne  sait  plus  si  c'est  lui 
ence  des  impressions  faites  sur  eux.  Mais  il  n'en  res- 
ins  une  angoisse  horrible  au  moindre  contact. 
5  jouent  un  rôle  important  dans  l'histoire  de  Jean  : 
les  qui  lui  courent  dans  le  dos  quand  il  tourne  le  dos 
se  trouve  Charlotte.  II  a  des  «  plaques  d'hype- 
sur  les  régions  des  jambes  qui  dans  le  tramway  ont 
>ar  la  robe  d'une  dame.  Mais  surtout,  il  a  abomina- 
ifTert  pendant  six   ans  d'une  maladie  invraisemblable 

et  Idées  Jixes,  II,  obs.  ^8,  p.  i6a. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES 

du  gland  It  des  testicules.  A  la  suite  des  masturbât 
terreurs  qu'elles  engendrèrent  il  se  mit  à  souffrir  du  j 
tout  quand  celui-ci  étant  à  découvert  pouvait  frottei 
vêlements  ou  avait  simplement  «  un  frottement  j 
contre  le  robe  d'une  dame.  Cet  organe  servait  de  poir 
à  des  angoisses  épouvantables  :  pour  le  guérir  il  usa  < 
onguents,  puis  il  voulut  le  maintenir  constamment  c 
le  prépuce  qui  malheureusement  reculait  ;  pour  faire 
le  prépuce  sans  y  toucher,  ce  qui  eût  été  dangereux, 
de  le  faire  descendre  par  une  secousse  du  ventre.  Cet 
perpétuellement  répétée  irrita  les  testicules  qui  devin 
tour  le  point  de  départ  d'angoisses  et  le  pauvre  garçc 
blement  malheureux. 

Chez  les  femmes,  ces  algies  des  organes  génitaux  s 
plus  dangereuses  que  chez  les  hommes,  car  elles  do 
bien  trop  souvent  encore  aujourd'hui,  à  de  dangerei 
tions  chirurgicales.  Vr...  (55),  après  avoir  trompé 
a  de  grands  remords  et  de  grandes  craintes  ;  son 
mMée  a  l'idée  d'une  maladie  qu'elle  a  d'abord  prêt 
refuser  de  s'enfuir  avec  son  amant,  détermine  cette  ( 
parties  génitales  et  aux  ovaires  :  elle  reste  huit  m* 
lit  sans  consentira  faire  le  moindre  mouvement  des  ja 
tronc,  n  faut  la  chloroformer  pour  pouvoir  palper  so 
on  se  décide  a  une  opération  chirurgicale  qui  peri 
ment  de  constater  des  organes  parfaitement  sains. 

Il  faut  placer  à  côté  de  ces  algies  génitales  les  algies 
et  de  l'urètre  si  fréquentes  surtout  chez  l'homme  et  eau 
souvent  par  les  craintes  des  maladies  vénériennes.  Cpl 
exemple,  un  homme  de  48  ans,  souffre  depuis  vingt 
urètre,  quoique  d'innombrables  examens  qui  ont  été 
jamais  pu  découvrir  aucune  lésion  :  il  croit  avoir  des  p 
nales  que  l'on  n'a  jamais  pu  constater.  «  Il  y  a  là  u 
laquelle  toute  mon  énergie  s'en  va.  )>  Beaucoup  d'autn 
brûlures  et  des  épuisements  dans  le  canal.  »  J'ai  ol 
souvent,  surtout  chez  des  hommes,  de  terribles  algies  ( 
presque  toujours  accompagnées  du  tic  de  la  pollal 
souffrent  constamment  comme  des  damnés  »  et  ne  so 
un  instant  qu'en  urinant  ou  en  essayant  d'uriner  toutes 
nules.  Us  vont  se  faire  sonder  par  tous  les  spécialis 


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AXIONS  FORCÉES 

n  heureux  quand  ils  n'aiDuteni  pas 
i  leur  algie. 

^prendre  que  les  algies  de  Vanus 
ns  esprits.  Lf...  (92),  une  femme  de 
uis  bien  des  années  son  anus  a  joué 
tence.  »  De  petites  hémorroïdes  sont 
rt  de  ces  préoccupations  et  de  ces 
inpagnent  de  tics  comme  chez  Bhu . . . 
spuis  des  années  «  ne  consentait  k 
3sc  »  et  qui  depuis  six  mois  ne  veut 

\  de  le  démontrer,  par  l'étude  des 
corps  humain  se  divise  en  régions 
sn  régions  anatomiques,  ce  sont  des 
:)nscience  par  l'association  fonction- 
:jui  proviennent  de  ce  point  du  corps 
:  certaine  unité  anatomique  dans  un 
3onde  ou  non  à  cette  unité  psycho- 
:hologique;  chacune  de  ces  régions, 
îs  génitales,  etc.  est  susceptible  de 
une  de  ces  algies. 

des  fondions  corporelles, 

)nt  des  phénomènes  très  voisins.  Le 
^gern  de  Mœbrus  dont  Zr...  (60), 
emple  des  plus  nets.  Son  bras  et 
cts  et  ne  présentent  ni  paralysie,  ni 
reur  des  mouvements  de  Tépaule  et 
cause  des  angoisses  qu'elle  ressent 
ement.  J'ai  déjà  décrit  un  fait  ana- 

de  la  jambe  et  de  la  cuisse*. 
phobies   du  mouvement  des  membres 
;rivains  dans  lesquels  on  note  moins 

au   bras  qu'un  état  émotif  général, 
ent,  suffocation  et  palpitations  car- 
ut  essayer  d'écrire, 
es  diverses  basophobies  décrites  par 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.   -  LES  PHOBIES    191 

Sëglas  et  Biswanger*.  Quelquefois  elles  se  développent  a  la  suite 
de  paralysies  plus  ou  moins  réelles,  comme  dans  une  obser- 
vation de  M.  Grasset';  le  plus  souvent  elles  ne  s'accompagnent 
d'aucun  trouble  réel  du  mouvement.  Fou  (72),  homme  de  58  ans, 
s'est  effrayé  de  la  marche  parce  que,  pour  se  rendre  à  Tatelier, 
il  doit  longer  un  fossé.  Il  n'a  pas  simplement  la  peur  du  fossé 
ou  la  peur  des  grands  espaces  h  traverser:  non,  il  a  peur  de 
marcher  n'importe  où,  il  avance  à  tout  petits  pas,  en  trépidant, 
il  recule  d'un  pas  de  temps  en  temps,  puis  il  tombe  ou  plutôt 
il  s'asseoit  par  terre,  «  car  la  marche  lui  donne  des  sueurs  froides 
et  il  faut  qu'il  se  repose  ». 

Enfin  il  me  semble  que  Ton  peut  ranger  dans  le  même  groupe 
de  phobies  des  fonctions  des  membres,  la  singulière  affection  qui 
a  été  récemment  décrite  par  M.  Haskovec  de  Prague  sous  le  nom 
de  akathisie  (a,  xaOtÇd),  s'asseoir)'.  J'en  décrirai  longuement  dans 
le  second  volume  de  cet  ouvrage  un  cas  remarquable,  celui  de 
RuI  (39)  homme  de  t\0  ans  qui  depuis  une  dizaine  d'années  ne 
peut  plus  rester  assis.  Quand  il  est  assis  depuis  quelques  mi- 
nutes, il  faut  qu'il  se  cramponne  à  la  chaise  parce  qu'il  se  sent 
soulevé  en  l'air,  il  a  des  palpitations,  des  étouffcments,  des  sueurs 
surprenantes  :  son  visage  exprime  l'angoisse  d'une  manière  remar- 
quable. A  mon  avis,  il  ne  s'agit  pas  d'un  phénomène  hystérique 
analogue  à  l'astasie-abasie,  comme  le  pense  M.  Haskovec,  mais 
d'une  agitation  à  la  fois  motrice  et  émotionnelle  qui  survient  à 
propos  de  l'acte  de  rester  assis,  parce  que  cette  position,  au  moins 
dans  ce  cas,  est  associée  avec  l'idée  du  travail  dont  ce  pauvre 
homme  est  devenu  incapable.  C'est  un  phénomène  de  phobie  et 
d'agitation  qui  peut  se  ranger  dans  les  phobies  des  fonctions. 

Les  fonctions  de  nutrition  donnent  lieu  à  d'innombrables  pho- 
bies très  importantes  à  cause  de  leurs  conséquences.  J'ai  déjà  si- 
gnalé à  propos  de  la  honte  du  corps  ces  malades  qui  refusent  de 
manger  parce  que  cette  action  leur  parait  honteuse.   D'autres  re- 

1.  Séglas,  Deliove  et  Boulloche,  Soc.  mèd.  des  hôpitaux,  17  novembre  iSgS.  L. 
Hallion  cl  J.-B.  Charcol,  Dysbasies  d'origine  nerveuse.  Archives  de  neurol.,  1895,  I, 
(I.  81.  G.  LVallet,  Les  aslasies-abasies,  abasics  amnésiques,  abasies  par  obsession  cl 
par  idées  Oies.  Semaine  médicale,  12  janvier  1898. 

2.  J.  Grasset,  Basopbobie  ou  abasie  phobique  cliez  un  hémiplégique.  Semaine 
médicale,  i5  août  1894,  p.  366. 

3.  L.  Haskovec  (Prague).  L'akalbisie,  Revue  neurologique,  3o  novembre  1901, 
p.  1107. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

langer  et  se  condamnent  presque  à  Tinanition  parce 
îtion  leur  est  douloureuse  et  leur  fait  peur.  Té...  (66), 
le  18  ans,  sans  phénomènes  d'anorexie  hystérique,  ne 
ir  à  manger  quoiqu'elle  le  désire.  «  Quand  je  vois  les 
uand  j'essaye  de  les  porter  ù  ma  bouche,  cela  se  serre 
ûtrine,  cela  me  fait  étouffer,  cela  me  brûle  dans  le 
le   semble  que  je   meurs  et  surtout  que   je    perds   la 

groupe,  l'observation  de  Gel...  (67),  femme  de  /|8  ans, 
ingulière.  Ordinairement,  les  malades  ont  peur  de 
repoussent  plus  ou  moins  les  aliments.  Celle-ci  a  peur 
langer  assez,  elle  a  peur  de  refuser  de  manger.  Vers 
ans,  elle  a  eu  un  premier  accès  sous  la  forme  com- 
fus  d'aliments:  après  avoir  sevré  un  enfant,  elle  avait 
niétudes,  des  remords,  des  troubles  de  la  digestion, 
ce  qu'elle  avait  des  remords,  moitié  parce  qu'elle 
1  l'estomac,  elle  commença  h  refuser  l'alimentation  et 
'horreur  et  de  l'angoisse  en  essayant  de  manger.  Cette 
guérit,  puis  recommença  et  disparut  encore.  Le  troi- 
►  qui  est  survenu  au  moment  de  la  ménopause  est  tout 
rse  des  précédents.  Le  malade  mange  parfaitement,  mais 
que  sa  maladie  ne  la  reprenne,  qu'elle  soit  empêchée  de 
'  une  peur  et  qu'ainsi  elle  n'arrive  h  mourir  de  faim  ; 
3  qu'elle  mange  avec  angoisse  par  la  peur  d'avoir  peur 

phobies  des  plus  curieuses  et  semblet-il  pratiquement 
iportantes  qui  se  rattache  aux  fonctions  de  nutrition, 
ie  de  la  déglutition.  On  en  trouvera  plusieurs  observa- 
lées  dans  le  second  volume  de  cet  ouvrage,  je  signale 
ier  l'observation  de  Fok...  (69),  femme  de  4o  ans;  de 
femme  de  29  ans,  de  Les...  (70),  homme  de  4o  ans,  chez 
lénomènes  sont  exactement  les  mêmes.  Ces  malades  qui 
jui  digèrent  bien  et  qui  veulent  se  nourrir  ne  peuvent 
parce  qu'ils  ont  la  terreur  d'avaler  la  nourriture.  Ils 
Is  vont  avaler  de  travers,  qu'ils  vont  s'étouffer  et  mourir 
,  ils  imaginent  des  procédés  pour  avaler  dans  la  per- 
ans  danger.  Pour  cela  il  est  nécessaire  de  continuer  à 
avalant,  de  respirer  juste  au  moment  où  l'on  avale,  etc. 
;onditions,  il  n'est  pas  surprenant  qu'ils  n'arrivent  à 
loindre   gorgée  de  liquide  dans  la   bouche  leur  cause 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  PHOBIES    193 

d*intoIérabIes  angoisses  et  leur  amène  des  sueurs  froides  sur  tout 
le  corps.  Ils  ne  peuvent  se  nourrir  qu'en  absorbant  un  liquide 
goutte  à  goutte  et  Fok...  met  une  journée  entière  pour  absorber 
deux  jaunes  d'œuf  délayés  dans  une  cuillerée  de  jus  de  viande. 

Ensuite  on  observe  les  phobies  de  la  digestion.  Le  moindre 
trouble  de  la  digestion,  la  moindre  pesanteur  d'estomac  cause 
des  angoisses  et  ces  malades  ont  (c  la  mort  devant  les  yeux  » 
quand  il  leur  arrive  d'avoir  un  peu  de  pyrosis.  Une  forme  cu- 
rieuse de  ce  trouble  détermine  des  douleurs  à  la  fin  de  la  diges- 
tion, surtout  la  nuit  et  réveille  les  malades  par  une  crise  de  ter- 
reur qui  survient  en  général  vers  une  heure  du  matin.  Lyx..., 
femme  de  28  ans,  se  réveille  à  cette  heure  toutes  les  nuits  :  pâle, 
les  yeux  hagards,  elle  se  contorsionne,  prétend  avoir  d'horribles 
douleurs  qui  partent  de  l'estomac  et  attend  sa  mort  prochaine. 
Dans  d'autres  cas  plus  communs,  l'angoisse  se  développe  même 
dans  la  journée  à  propos  de  toutes  les  digestions.  Qsa...  (108) 
homme  de  55  ans,  scrupuleux  typique  depuis  son  enfance,  qui  a 
traversé  à  peu  près  toutes  les  phases  de  la  maladie,  est  surtout 
tourmenté  depuis  une  dizaine  d'années  par  la  phobie  de  la  diges- 
tion. A  l'inverse  des  malades  précédents  qui  ont  la  phobie  de 
l'alimentation  ou  la  phobie  de  la  déglutition,  il  a  le  désir  de  man- 
ger et  «  mange  tout  ce  que  l'on  veut  lui  donner  »  ;  il  voudrait  même 
continuer  à  manger,  car  ses  tourments  ne  vont  commencer  qu'au 
moment  où  il  cesse  de  manger.  A  ce  moment,  l'estomac  s'agite, 
se  gonfle,  se  tortille  «  la  masse  alimentaire  remue  comme  dans 
un  sac,  tous  les  membres  sont  brisés  et  remplis  d'inquiétudes, 
le  moindre  mouvement  tire  sur  l'estomac  comme  si  tous  les 
muscles  y  avaient  leur  point  d'attache,  les  yeux  sont  retirés  à 
l'intérieur  du  cerveau,  toutes  les  pensées  sont  teintées  de  souf- 
frances, etc.  »  Ces  troubles  s'accompagnent  chez  ce  malade  de 
tics,  il  a  le  tic  de  sucer  quelque  chose  pendant  qu'il  digère,  et 
fait  une  consommation  invraisemblable  des  boules  de  gomme, 
enfin  il  présente  le  tic  des  vomissements  qui  a  déjà  été  décrit.  Si 
on  le  force  à  retarder  le  vomissement,  l'angoisse  augmente  avec 
agitation  motrice  et  agitation  viscérale  et  peut  amener  dans  les 
cas  grave  une  crise  que  j'ai  décrite  sous  le  nom  de  la  crise  des 
efforts  de  vomissement.  Les  mêmes  phénomènes  s'observent  chez 
beaucoup  d'autres  malades,  car  ces  phobies  de  la  digestion  sont 
parmi  les  plus  fréquentes. 

La  digestion  intestinale  cause  les  phobies  du  centre^  les  sensa- 

LKS  OBSESSIONS.  I.    —    l3 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

d'un  ver  quî  a  des  pattes  d'araîgnée  qui  se   pelotonne 

glissements  froids  ». 

Ilil...,  femme  de  4o  ans,  nous  montre  la  phobie  de  la 
m,  «  Elle  va  s'en  aller  en  diarrhée,  elle  va  perdre  ses 
,  elle  souffre  tant  a  cette  pensée  qu'elle  aime  mieux 
out  de  suite  que  d'aller  a  la  selle.  »  Et  il  faut  les  sup- 
is  de  toute  la  famille  pour  la  décider  à  ce  sacrifice.  Les 
driaques  urinaires  et  génitaux  sont  innombrables  et 
toujours  leurs  obsessions  s'accompagnent  de  phobie  de 
on,  il  est  inutile  d'y  insister. 

ut  observer  des  phobies  plus  curieuses  portant  sur  les 
j  de  relation.  On  connaît /^s  phobies  du  langage^  Bq... 
nme  de  38  ans,  est  soigné  depuis  cinq  ans  pour  de  préten- 
ons  du  larynx':  il  a  été  dans  plusieurs  villes  d'eau,  il  a  subi 
rtes  de  traitements.  C'est  que  depuis  des  années  la  parole 
;  plus  en  plus  difficile  ;  quand  il  essaye  de  parler,  il  ressent 
esse  générale,  ses  jambes  flageolent,  sa  respiration  s'arrête 
rps  se  couvre  de  sueur.  Aussi  n'assaye-t-il  jamais  de  parler 
est  debout,  car  il  tomberait.  11  rattache  tous  ces  troubles 
lions  tuberculeuses  qu'il  doit  avoir  dans  la  gorge.  L'exa- 
ilus  attentif  que  M.  Cartaz  a  bien  voulu  répéter  démontre 
irynx  est  absolument  sain.  Un  peu  de  pharyngite  surve- 
a  des  années  et  l'inquiétude  causée  par  son  métier  de 
îen  «  qui  l'expose  aux  poussières  du  charbon  »  ont  déter- 
forme  de  cette  phobie. 

;ns  spéciaux  sont  susceptibles  de  présenter  les  mêmes 
s  et  les  mêmes  dysesthésies.  L'odorat  devient  pénible 
odeur  s'associe  avec  une  des  manies  des  scrupuleux. 
),  femme  de  ^9  ans,  a  peur  de  sentir  une  odeur  surtout 
rine  gauche,  carrela  lui  donnerait  des  angoisses.  Wy... 
lint  les  odeurs  qui  toutes  rappellent  l'odeur  des  parties 
i,  et  Ds...  (i54),  femme  de  21  ans.  aurait  des  angoisses  si 
tait  une  odeur  «  car  pour  sentir  il  faut  aspirer  par 
cela  fait  monter  dans  le  nez  des  petites  bêtes,  des 
,  des  punaises  qui  iraient  jusqu'au  cerveau  ».  Elle  est 
)our  compenser  une  odeur  de  se  moucher  indéfiniment. 

Iiervin,  Des  phobies  verbales.  Paris,  1895. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES    195 

L'ouïe  est  intéressée  bien  souvent  dans  toutes  les  phobies  des 
bruits.  Ot...  (75),  homme  de  53  ans,  retiré  des  afTaires,  prend  en 
dégoût  son  appartement,  son  quartier,  se  sent  émotionné  par  le 
bruit  qu^on  y  entend  et  en  arrive  à  une  terrible  dysesthésie  de 
l'ouïe.  Il  lui  faut  vivre  dans  une  chambre  matelassée  pour  qu'aucun 
bruit  ne  parvienne  jusqu'à  lui.  Chez  Bow...  (76)  s'ajoute  un  détail 
particulier  :  tous  les  bruits  n'affectent  pas  douloureusement 
Toreille,  mais  seulement  les  petits  bruits  :  bruit  d'un  fouet  dans 
la  rue,  bruit  d'une  porte  qui  se  ferme,  c'est  la  microphonophobie. 
On  retrouve  ici  l'attention  des  scrupuleux  pour  les  petites  choses 
que  nous  avons  notée  dans  leurs  manies  de  la  précision. 

L'œil  donne  naissance  à  un  trouble  remarquable  qui  semble 
une  maladie  spéciale,  c'est  la  photophobie  ou  au  moins  une  des 
variétés  de  la  photophobie.  Mv...,  (loi)  femme  de  t\i  ans  a  assisté 
un  soir  a  un  concert  où  jouait  devant  elle  un  musicien  aveugle,  elle 
n'a  pu  s'empêcher  de  l'observer  toute  la  soirée.  Le  lendemain,  elle 
prie  son  mari  de  la  mener  consulter  un  oculiste,  celui-ci  examine 
les  yeux  qui  ne  présentaient  à  ce  moment  encore  aucune  douleur 
et  ne  constate  aucune  altération.  Cependant  Mv...  n'est  pas  ras- 
surée, elle  déclare  cet  oculiste  incompétent,  et  va  en  voir  un 
autre,  puis  un  troisième.  Son  agitation  croissant,  on  la  force  à 
s'expliquer  et  elle  finit  par  avouer  qu'elle  est  poursuivie  par  la 
pensée  d'être  aveugle,  qu'elle  examine  sa  vue  continuellement, 
que  la  nuit  elle  s'éveille  en  sursaut  pour  allumer  une  lumière  et 
vérifier  si  elle  voit  clair.  Chez  cette  malade  s'est  développée  peu 
à  peu  une  horrible  algie  de  la  paupière  et  des  yeux;  il  suffit 
d'approcher  le  doigt  des  paupières  pour  provoquer  des  hurle- 
ments et  de  terribles  angoisses.  Même  phénomène  à  peu  près 
identique  chez  Mb...  (i56)  et  chez  Ria...  (62)  qui  ont  aussi  peur 
d'être  aveugles. 

Ces  dysesthésies  des  yeux  peuvent  amener  les  malades  à  re- 
douter la  lumière  et  à  vivre  dans  l'obscurité.  C'est  ce  qui  arrive 
dans  l'observation  remarquable  de  Rs...  (63).  Cette  femme,  âgée 
de  59  ans,  a  toujours  eu  des  troubles  de  la  volonté,  elle  était 
inquiète,  hypocondriaque,  très  exigeante  et  très  autoritaire,  ce 
qui  arrive  souvent  chez  les  abouliques,  comme  on  le  verra  dans 
le  chapitre  suivant.  A  l'âge  de  56  ans,  peu  après  la  ménopause, 
elle  eut  à  subir  une  épouvantable  secousse  :  on  amena  chez  elle 
sa  fille,  jeune  femme  mariée  depuis  peu,  qui  venait  d'être  hor- 
riblement brûlée  dans  un  incendie.  Rs...  soigna  sa  fille  avec  cou- 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

trois  jours  sans  pouvoir  la  sauver.  La  mort  de  cette 
ne  sembla  pas  déterminer  chez  elle  une  violente 
..  s'étonnait  de  n'avoir  pas  assez  de  chagrin,  de 
►ir  pleurer.  Quelque  temps  après  elle  commença 
de  ses  yeux,  parlant  de  cataracte,  de  paralysie,  etc. 
uvait  se  servir  de  ses  yeux  h  volonté,  elle  ne  pouvait 
and  elle  fixait  un  objet,  surtout  un  objet  éclairé,  elle 
s  gêne,  une  émotion  pénible  qui  la  suffoquait.  » 
)rit  l'habitude  de  tenir  les  yeux  mi-clos  puis  fermés 
porter  comme  une  aveugle. 

jeune  femme  de  26  ans,  couvre  constamment  ses  yeux 
indcau  et  refuse  de  voir  la  lumière  «  car  les  objets 
?  manière  odieuse  et  effrayante  ».  Cela  lui  donne 
ngoisses  à  la  pensée  qu'elle  va  perdre  la  vue.  Le 
irt  est  plus  curieux,  après  une  opération  abdomi- 
ée  d'ailleurs  par  une  algie  utérine,  elle  eut  ce  sen- 
zarrerie,  d'étrangeté  dans  la  perception  des  objets 
Ole  si  considérable  chez  les  psychasthéniques.  Elle 
ue  sa  vue  était  en  jeu,  qu'elle  voyait  mal,  qu'elle 
la  vue  et  présenta  peu  a  peu  les  symptômes  de  cette 

>n  de  Bry...  64),  jeune  homme  de  16  ans,  nous  présente 

photophobie   un   peu  différentes  :  les  phénomènes 

réduits   et   les  phénomènes   organiques  très   aug- 

feme  des  paupières,  la  congestion  de  la  conjonctive, 

it,  l'hydrorrhée  nasale  qui  lui  fait  mouiller  cinquante 

vingt-quatre  heures   sont  des  plus   remarquables. 

t  courtes  et  se  répètent   tous  les  quinze  ou    vingts 

'enfance.  C'est  là  une  forme  différente  de  la  mala- 

emble  se  rapprocher  des  phénomènes   épileptiques 

urons  h  discuter  au  point  de  vue  clinique   dans  le 

3  de  cet  ouvrage. 

algies  et  toutes  ces  phobies  des  fonctions  présen- 
tères  communs,  elles  se  développent  h  propos  d'une 
îrminée  par  l'excitation  d'une  partie  du  corps  :  la 
scies,  le  pharynx,  l'oreille,  les  yeux.  On  pourrait 
e  région  est  hyperesthésiée  et  qu'une  maladie  locale 
i  sensations  douloureuses.  C'est  ce  qui  amène  si 
opérations    chirurgicales    en    particulier     sur    les 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES    197 

ovaires.  Cependant  un  examen  attentif  permet  de  constater 
que  l'organe  est  parfaitement  sain.  Bien  mieux  les  sensations 
déterminées  par  cet  organe  ne  sont  aucunement  troublées,  il 
n'y  a  pas  d'anesthésie,  ni  même  d'hyperesthésie  véritable.  Rs... 
dont  la  photophobie  est  si  remarquable  qui  reste  depuis  trois  ans 
saos  ouvrir  les  yeux,  qui  se  conduit  tout  à  fail  comme  une  aveugle 
a  été  l'objet  de  bien  des  examens  par  plusieurs  oculistes  :  non 
seulement  l'œil  est  absolument  sain,  mais  la  vision  est  complète- 
ment conservée,  ni  l'acuité  visuelle,  ni  le  sens  des  couleurs,  ni  le 
champ  visuel  n'ont  subi  la  plus  légère  altération,  elle  voit 
mieux  que  la  plupart  des  personnes  de  son  âge.  Chose  curieuse, 
quand  elle  est  ainsi  l'objet  d'un  examen  médical,  elle  ne  bouge 
pas,  tient  les  yeux  ouverts  sans  se  plaindre  de  rien,  elle  accepte 
qu'on  dirige  un  rayon  lumineux  dans  l'œil  pour  voir  les  réflexes, 
tandis  qu'elle  aurait  des  angoisses  horribles  pour  regarder  un 
objet. 

On  pourrait  dire  que  la  sensation  intelligente  est  conservée 
mais  qu'il  y  a  un  sens  spécial  de  la  douleur  qui  est  seul  hyper- 
esthésié  dans  ces  régions.  J'ai  souvent  essayé  de  mesurer  la  sen- 
sibilité à  la  douleur  avec  une  aiguille  dont  la  pression  variable 
peut  être  exactement  déterminée,  j'ai  fait  modifier  dans  ce  sens 
Tappareil  de  Chéron  pour  mesurer  la  tension  sanguine.  J'ai 
d'abord  déterminé  la  sensibilité  à  la  douleur  de  la  même  région 
chez  un  individu  normal,  puis  j'ai  voulu  mesurer  cette  même  sen- 
sibilité chez  les  malades  qui  prétendaient  ne  pas  pouvoir  être 
touchés  à  cette  région  sans  souffrir  énormément.  Il  faut  pour  cela 
commencer  par  les  rassurer,  leur  faire  croire  que  l'examen  médi- 
cal est  utile,  arrêter  un  peu  leurs  ruminations  et  leurs  obsessions, 
les  intéresser  à  ce  petit  problème,  leur  apprendre  à  répondre  exac- 
tement à  quel  moment  le  contact  de  l'aiguille  devient  pour  eux  une 
piqiWe  douloureuse.  Beaucoup  ne  laissent  pas  faire  l'expérience  : 
Mv...  poussait  des  cris  quand  que  je  voulais  approcher  l'instrument 
de  ses  tempes  ou  de  ses  paupières  et  je  n'ai  pu  obtenir  sur  elle 
aucun  chiffre  précis.  Mais  d'autres  se  décident  à  permettre  cet 
examen  :  on  est  tout  surpris  de  constater  qu'ils  arrêtent  l'instru- 
ment au  même  degré  que  l'homme  normal  et  que  par  conséquent 
ils  ont  conservé  la  même  sensibilité  douloureuse,  ni  moindre,  ni 
plus  grande.  Dans  quelques  cas,  il  y  a  plutôt  une  certaine  dimi- 
nution de  la  sensibilité.  Ces  dysesthésies  ne  sont  donc  pas  des 
troubles  de  la  sensation  de  la  région,  ce  sont  des  troubles  géné- 


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LES  AGITATIONS  FORCÉI 

étions  envahissant  tout  l'organ 
I  sensation  de  la  région.  Nouî 
des  autres  phobies,  c'est  ce  c 
ces  angoisses  pour  en  cherch 


-  Les  phobies  des  objets  (Délit 

;tat  qui  ressemble  à    une   émo 
ûen   plus  souvent  à  la  suite 
ne  cette  émotion  est  très  red< 
e  crainte,  une  peur  de  Tobjet 
îaractérise  les  phobies  des  obj 

se  développe  quelquefois  dès 
r  quel  sens  même  quand  il  es 
i-je  folle  ou  ne  le  suis-je  pas, 

SauUe,  faudra-t-il  donc  me 
nés,  parce  que  je  tremble  à  la 

toucher  chez    moi  ?  Mais  à 

en  est  de  même  pour  ceux 
straphobie)  ou  qui  ont  peur  d 
s  avoir  pris  beaucoup  de  plaiî 
pule  de  ce  plaisir  et  depuis  resi 
>yant  ou  en  entendant  les  cloc 
malades,  Xa...,  qui   a  Tobse 
j,    la  phobie  des   couteaux,  d 
a  pointus  ;  mais  en  outre  elle 
ranche  d'arbre  coupée,  une  fl( 
.  Elle  a  des  crises  de  phobie, 
e  bois  de  Boulogne,    parce   q 
B  allée  un  morceau  de  papier 
e  fasse  une  allusion  à  Tun  de 
obies  à  propos  de  tel  ou  tel  m 
)ropos  d'une  personne   qui  a 
e  ne  peut  plus   revoir.  Myl... 
on  rouge  ou  en  voyant  la  lune, 
în  voyant  certaines  rues  de  Pa 

I  Saullc,  Folie  du  doulCy  p.  a6. 

o/fV  héréditaire,  p.  63. 

ce,  Psycholotjical  licview,  i8()4,  p.   i34 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES    199 

la  vîlle  de  Lyon  où  a  été  commis  un  crime  et  Gisèle  en  voyant  sa 
petite  fille  qui  lui  rappelle  le  mariage  et  sa  vocation  religieuse 
manquée.  Fi...  (83),  comme  beaucoup  d'autres  malades,  a  ces 
terreur  en  voyant  un  chien,  ou  même  en  voyant  sa  femme  parce 
qu'elle  porte  une  robe  qui  a  traîné  place  de  la  Concorde,  rendez- 
vous  habituel,  paraît-il,  des  chiens  enragés,  c'est  la  lyssophobie, 
Thydrophobie  morale  de  Trousseau.  Jean  s'effraye  en  voyant  des 
femmes  dans  les  tramways  ou  en  mangeant  un  repas  servi  par 
une  femme.  Il  est  donc  évident  que  la  vision  ou  l'audition  peut 
être   le  point  de  départ  de  ces  phobies. 

Cependant  c'est  le  contact  qui  détermine  le  plus  souvent  ces 
crises  de  peur  angoissante  ;  l'observation  a  déjà  été  faite  par 
Esquirol*.  11  décrit  une  femme  de  34  ans  qui  se  frotte  constam- 
ment les, mains  «  elle  a  peur  que  quelque  chose  de  valeur  ne  reste 
attaché  à  ses  doigts.  »  Legrand  du  Saulle  insiste  surtout  sur  ce 
rôle  du  toucher  puisqu'il  veut,  bien  à  tort  à  mon  avis,  faire  de 
cette  crainte  une  maladie  spéciale  ou  du  moins  une  phase  spéciale 
de  la  maladie  sous  le  nom  de  «  folie  du  contact  »  :  a  une  dame, dit-il, 
a  d'abord  peur  des  fautes  d'orthographe,  puis  elle  a  la  crainte  de 
toucher  tout  ce  qui  sert  à  écrire  »  *.  Trélat  accepte  la  même  idée, 
il  décrit  une  personne  qui  se  figure  que  tout  son  linge  est  empoi- 
sonné et  que  le  contact  en  serait  mortel  "*.  M.  J.  Falret  explique  des 
phobies  semblables  par  la  crainte  que  les  objets  ne  soient  de  valeur 
ou  ne  soient  sales*.  «  Une  malade  décrite  par  M.  Tamburini  ne 
peut  plus  toucher  aucun  objet  de  son  appartement  parce  qu'elle 
les  croit  a  souillés  par  l'urine  des  rats^  ».  Une  femme,  raconte 
Féré",  a  fini  par  ne  plus  pouvoir  marcher  sans  avoir  constamment 
les  orifices  des  narines  et  de  la  bouche  obturés  par  une  bande  de 
tissu  destinée  à  empêcher  les  parcelles  d'hostie  qui  pouvaient 
être  contenues  dans  l'atmosphère  de  pénétrer  dans  son  corps 
pendant  qu'elle  n'était  pas  en  état  de  grâce.  »  Bien  des  auteurs 

I.  Esquirol,  Maladies  mentales,  il,  p.  63. 

3.  Legrand  du  Saulle,  Folie  du  doute,  p.  23,  25,  27.  Cf.  un  cas  semblable,  décrit 
par  BaiUarger,  Ann.  méd.  psych.,  juillol  1866,  p.  92. 

3.  Trélal,  Folie  lucide,  p.  23. 

4.  Falret,  Maladies  mentales,  p.  5 12.  Cf.  Saury,  Dégénérés,  p.  79,  83,  85.  Col- 
ler re.  Folie  héréditaire,  p.  75,  79,  80. 

5.  Tamburini.  Rivista  sj^erimcnlalc  di  frcniatria.  VIll,  i884»  p.  4. 

6.  Féré.  Pathologie  des  émotions,  1892,  p.  4i5  (Paris,  F.  Alcan)  Ballet,  Traité 
de  médecine  de  Charcot  et  Bouchard,  VI,  p.  1179. 


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«s  FORCÉES 

ils  désignent  sous  le  nom  de 
de  rupophobie,  etc^ 
s  du  contact  des  objets  chez 
le  citons  que  les  plus  intéres- 
constamment  les  mains  parce 
niettes  de  graisse  ».  U...  (79)  fait 
5,  Mzc...  (178),  un  homme  de 
aux  pointus;  comme  son  métier 

il  les  fait  tous  ronds,  tant  pis 
phobie  banale  de  toucher  aux 
souvent  et  Sy...  mange  avec  les 
fourchette  ou  un  couteau, 
►ir  tué  sa  belle-mère,  ne  peut 
Is  de  la  pauvre  dame  et  bientôt 
B  espèce  de  vêtement.  Pr...  (210) 
croit  avoir  cédé  à  un  individu  et 
Q  maintenant  de  céder  à  la  ten- 
t  un  purgatif.  Aussi  ne  peut-elle 
î  bouteille,  à  aucun  verre  conte- 
mérer  les  objets  pour  lesquels 

les  tramways,  les  lettres,  les 
3,  sa  table  de  travail,  les  rasoirs, 
emme  de  4^  ans,  analogue  sur 
lint  d^ivoir  laissé  tomber  sur  sa 
B  cache  cette  jupe  et  d'autres 
ne  peut  plus  toucher  k  la  malle 
File  »  et  qui  devient  tout  à  fait 
crupules  génitaux,  a  la  phobie 
otter.  Leg. ..,  femme  de  45  ans, 
s,  craint  surtout  de  faire  du  mal 
eur  lançant  de  la  poussière,  des 
in,  de  la  salive;  elle  n'ose  plus 
ette  immobilité  que  nous  aurons 
le  la  maladie. 

lent  être  multipliés  à  rinfini,  le 
e  le  plus  directement  la  pensée 

1879.    Séguin,   Archiv  of  medicin,  août 
.  Shaw,  Archiv  of  med.,    1880-   Verga, 
The  alienist  and  neurologisl.  New -York, 
90,  I,  p.  39. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES   201 

de  I*usage  des  objets  de  leur  rôle  dans  une  action,  il  est  tout  na- 
turel que  chez  les  scrupules,  les  phobies  portent  tout  particuliè- 
rement sur  le  contact.  C*est  ce  qui  nous  est  bien  montré  par  cer- 
taines phobies  du  contact  sur  lesquelles  j'insiste  en  terminant  et 
qu'on  pourrait  appeler  les  phobies  du  contact  professionnel. 
M.  Grasset  a  cité  la  phobie  du  médecin,  pour  les  instruments  de 
son  métier,  M.  Bérillon*  insiste  sur  la  phobie  du  notaire  pour  son 
étude,  du  mécanicien  pour  sa  machine.  Parmi  nos  malades, 
Nem...,  couturière,  ne  peut  touchera  ses  ciseaux  et  Pt...,  bairbier, 
ne  peut  toucher  un  rasoir.  Il  ne  faut  pas  dire  qu'il  s'agit  ici  de  la 
phobie  des  objets  tranchants  car  la  première  ne  peut  pas  non 
plus  toucher  un  mètre  et  le  second  a  horreur  de  toucher  la  barbe 
ou  de  toucher  du  savon.  Lch...  (78),  homme  de  38  ans,  télégra- 
phiste, à  la  suite  d'une  pleurésie  grave,  prend  la  crainte  de  ne 
pouvoir  travailler  et  la  peur  des  appareils  télégraphiques  et  même 
des  bureaux  de  poste. 

Ces  derniers  exemples  nous  montrent  que  l'acte  et  surtout  l'acte 
professionnel  doit  jouer  un  rôle  dans  ces  phobies.  Le  fait  est 
moins  visible  mais  on  le  retrouve  dans  toutes  les  autres  phobies 
des  objets.  Dans  beaucoup  de  cas,  comme  j'ai  essayé  de  le  mon- 
trer ailleurs,  le  contact  rtc7i/* c'est-à-dire  le  contact  qui  résulte 
d'un  mouvement,  d'un  acte  du  sujet  est  infiniment  plus  redouté 
que  le  contact  passif  dans  lequel  l'objet  est  simplement  approché 
du  sujet*.  lu...  «  pour  rien  au  monde  ne  touchera  elle-même  les 
vêtements  oii  elle  imagine  avoir  fait  tomber  des  fragments 
d'hostie  »  mais  si  je  prends  moi-même  la  robe  et  l'approche  de 
ses  mains  elle  se  résigne  à  subir  le  contact  en  disant  :  «  c'est 
vous  qui  faites  l'action  et  qui  prenez  la  responsabilité..  »  L'objet 
qui  détermine  l'angoisse  est  surtout  un  objet  qui  intervient  dans 
une  action  qu'il  faudrait  exécuter,  c'est  une  notion  que  je  signale 
en  passant  et  sur  laquelle  il  faudra  revenir,  en  étudiant  les  carac- 
tères généraux  et  l'interprétation  de  ces  phobies. 

5.  —  Les  phobies  des  situations  (agoraphobie j. 
Ces  mêmes  phobies  peuvent  se   développer   dans  d'autres  cir- 


1.  Bérillon,  Phobies  neurasthéniques  envisagées  au   point  de  vue  professionnel, 
Revue  de  l'hypnotisme,  1896,  p.  33. 
a.  Névroses  el  idées  fixes,  I,  p.  8. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

i  propos  de  perceptions  plus  complexes,  qui  portent 
un  objet  déterminé  mais  sur  un    ensemble   de  faits 
Ions  du  sujet,  c'est-à-dire  sur  une  situation  physique 
11  sujet. 

remier  groupe  de  cas  il  s'agit  de  la  perception  d'une 
^sique  :  le  type  de  ces  phobies  est  celle  qui  se  déve- 
1  le  malade  se  sent  isolé,  c'est-à-dire  quand  un  en- 
irconstances,  une  situation  qu'il  perçoit,  fait  naître 
'ession  de  vide  autour  de  lui.  Déjà  Leuret  en  i834 
cas  de  ce  genre  en  le  rattachant  à  l'hypocondrie  :  «  il 
[)is  six  mois  sans  sortir;  lorsqu'il  sort,  c'est  en  voiture 
iccompagné  d'une  personne  qui  puisse  lui  porter  se- 
3  de  besoin,  pendant  la  promenade.  Il  est  très  rare 
le  de  voiture  et  quand  cela  arrive,  il  faut  que  la  pér- 
il est  accompagné  se  tienne  tout  près  de  lui  ;  il  ne 
pas  une  place  ou  un  pont;  à  peine  s'il  traverserait  une 
e  place  il  est  comme  au  milieu  d'un  désert,  où  tout 
îlui  qui  a  besoin  de  toutV  »  Leuret  fait  simplement 
ne  «  hypocondrie  engendrée  par  le  luxe  et  l'oisiveté  » 
itement  son  rapport  avec  le  défaut  de  volonté, 
ce  symptôme  est  décrit  très  fréquemment  comme  une 
le  nom  d'agoraphobie  qui  lui  a  été  donné,  je  crois, 
il  en  1872  ^  Une  des  descriptions  les  plus  complètes 
Legrand  du  Saulle  en  1877  et  1878  :  cet  auteur  en  fait 
spéciale  distincte  de  la  folie  du  doute  et  du  délire  du 
|ui  me  parait  très  inexact.  «  La  peur  des  espaces,  dit 
Saulle,  est  un  état  névropathique  très  particulier, 
)ar  une  angoisse,  une  impression  anxieuse  vive  ou 
îritable  terreur,  se  produisant  subitement  en  présence 
donné...  c'est  une  émotion  comme  en  présence  d'un 
vide,  d'un  précipice,  etc.  Un  malade  commence  par 
liques  dans  la  rue,  avec  faiblesse  des  jambes  ;  il  s'in- 
deux  mois  arrive  à  la  terreur  complète  de  marcher... 


''af/incnls  psychologiques  sur  la  folie,  i83^,  p.  393. 
Agoraphobie.  Archiv  fiîr  Psychiatrie,  III,  1873.  William,  Agora- 
med.  and  Surg.  Journal,  1872.  Wcber,  Agoraphobia.  Ibid.,  1872. 
hobia,  Archiv  fur  Psychiatrie,  III,  187a.  Porroud.  Noie  sur  l'agora- 
'dical,  1878.  Decharnbre,  De  l'agoraphobie.  Gaz.  hebd.  de  inéd.  et 
Bourdin,  Horreur  du  vide,  agoraphobie.  Encyclopédie  des  lettres,  des 
rts,   1878,  clc. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  -  LES  PHOBIES    203 

La  pensée  d'être  abandonné  dans  le  vide  ie  glace  d'eflfroi  et  la 
conviction  d'une  assistance  quelle  qu'elle  soit  l'apaise  sans  effort. 
Point  de  peur  sans  ie  vide,  point  de  calme  sans  l'apparence  d'un 
semblant  de  protection  ^  » 

Voici  quelques  exemples  de  ces  phobies  du  vide  empruntés 
aux  observations  de  nos  malades.  Lise  a  peur  de  la  solitude  qui 
est,  en  effet,  plutôt  mauvaise  pour  elle  parce  qu'elle  favorise  le 
développement  de  ses  rêveries  et  de  sa  manie  des  pactes. 
Deb...  (i65),  Bor...,  etc.  ont  peur  des  ponts,  des  grandes  places, 
Por...,  femme  de  28  ans  «  étouffe  de  terreur  dans  les  rues  où  il 
d'v  a  personne».  Hnu...  (87)  ne  peut  plus  marcher  seule;  elle  a  peur 
de  tomber,  d'être  paralysée,  de  devenir  folle  :  «  je  vois  le  vide  de 
chaque  côté...  quand  je  vois  des  maisons  cela  ne  me  fait  plus  le 
même  effet.  «  Léo...  (173)  redoute  les  grandes  places  ou  les  grandes 
agglomérations  de  monde...  elle  est  plus  tranquille  quand  elle  est 
avec  un  petit  nombre  de  personnes  en  qui  elle  a  confiance.  L'ago- 
raphobie de  Se...-  présente  quelque  intérêt,  parce  qu'elle 
simule  des  vertiges  ;  comme  le  malade  a  eu  antérieurement  des 
écoulements  d'oreilles,  on  a  diagnostiqué  son  état  »  vertige  de 
Ménièrc.  En  réalité,  il  n'a  aucun  des  symptômes  de  ce  vertige, 
l*angoisse  qu'il  ressent  dans  la  rue  est  identique  à  celle  qu'il 
éprouve  quand  il  touche  des  cartes  ou  quand  il  pense  au  nombre 
treize.  Bu...  (85),  un  homme  de  /Jo  ans,  après  s'être  d'abord  fait 
accompagner  au  dehors,  ne  peut  plus  faire  un  pas  seul  même  dans 
son  appartement;  un  malade  célèbre  de  M.  Azam  "*  exigeait  que 
sa  femme  l'accompagnât  jusqu'à  la  porte  des  cabinets  d'aisance 
et  en  lui  parlant  de  loin,  lui  fit  constamment  comprendre  qu'elle 
restait  près  de  lui;  Bu...  ne  peut  se  satisfaire  par  cet  expédient 
et  il  exige  que  sa  femme  entre  toujours  avec  lui. 

On  volt  bien  d'après  ces  exemples  que  ce  n'est  pas  précisément 
la  grande  place  qui  provoque  la  phobie,  c'est  Timpression  de  se 
trouver  seul  sans  appui  physique  ou  moral  dans  un  endroit  qui  ne 
leur  est  pas  familier.  Dès  que  cette  impression  est  dissipée,  l'agora- 
phobie disparaît.  Lep...  (88),  femme  de  liQ  ans,  est  agoraphobe  de- 
puis que  son  fils  est  parti  au  service  militaire,  elle  se  sent  seule,  et 
alors  elle  redoute  de  sortir,  ne  peut  traverser  les  places  et  a  besoin 


I.  Legrand  du  Saulle,  Agoraphobie.  Cf.  Magnan,  Leçons,  p.  179. 

3.  Névroses  et  Idées  fixes.  II,  p.  83. 

3.  .Vzam,  Entre  la  raisun  cl  la  folie,  les  loques.  lievue  scienlifique,    1891,   I,  6x5. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

i  murs  des  petites  rues  »  mais  cette  angoisse  disparait 
nne  la  main  à  un  enfant,  Oz...,  femme  de  3i  ans,  se 
oins  de  frais,  il  lui  suffît  de  porter  à  son  bras  un 
pour  elle  un  point  d'appui  habituel  «  mais  il  faut 
rd,   je  sens  alors  que  je  tiens  quelque   chose  de 

il  est  vide  je  ne  peux  pas  avancer  ».  Bo...  se  borne 
avec  elle  un  petit  banc  pour  s'asseoir  dessus  s'il  le 

perspective  la  rassure.  Une  autre  femme  de  35  ans, 
n  de  s'appuyer  sur  son  parapluie  a  avec  mon  para- 
tmporte  où,  sans  mon  parapluie  je  n'ai  plus  d'équî- 

que  l'épicier  du   coin  chez  qui  je  peux  aller  sans 

étails  se  trouvent  bien  précisés  par  l'observation  de 
stamment  besoin  d'avoir  un  appui  matériel  du  côté 
tient  toujours  la  main  gauche  fortement  accrochée  à 
)le  ou  quelque  objet.  Si  ce  point  d'appui  lui  manque 
s  de  cours  par  exemple  il  sent  un  creux,  un  vide  a 
3eut  devenir  effroyable.  Il  n'a  pas  précisément  la 
ande  place  quelconque,  mais  il  a  des  phobies  terri- 
est  dans  un  quartier  éloigné,  loin  de  sa  maison  et 
e  son  médecin.  C'est  pour  la  même  raison  que  le 
impagne  lui  fait  horreur  :  «  Les  médecins  de  lacam- 
naissent  pas  ces  affections-là,  il  faudrait  des  heures 
pour  leur  expliquer  ma  maladie  et  je  ne  pourrais  pas 
t  horrible  d'avoir  le  fou  rire  labourant  les  nerfs,  le 
I  mort,  le  cœur  excité  loin  de  tout  médecin  compé- 
is  le  parc  Monceau  a  le  privilège  de  déterminer  la 
ision  parce  qu'il  ressemble  à  la  campagne.  Jean  a 
êmes  phobies  quand  il  se  sent  tourné  vers  telle  ou 
n,  quand  il  est  dans  un  chemin  de  fer  en  marche, 
dans  une  chambre  trop  petite,  dans  une  salle  de 
etc.  Dans  les  lieux  découverts,  il  a  besoin  de  sentir 
protection  ;  dans  les  lieux  fermés,  il  faut  qu'il  voie 
sortie  facile  :  il  ne  consent  jamais  h  avancer  dans 
conférences,  car  il  faut  qu'il  se  tienne  toujours  très 
rte. 

rai  plus  que  l'observation  de  Dob...  (86)  sur  laquelle 

nir  à   propos  de  l'angoisse.   Cette  jeune  femme  de 

accès  d'angoisse  qui  la    prennent  dès  qu'elle   est 

rue  ;  ces  accès  ont  commencé  îi  J'Age  de  12   ans    et 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  - 

vont  toujours  en  aggravant.  Ce  qu'elle  redoute  c' 
accès  de  folie  «  qui  la  ferait  courir  comme  un 
causer  du  scandale  en  public  ».  Elle  a  moins  pe 
qu'on  ne  la  verrait  pas  si  elle  était  folle,  on  vo 
de  honte  ;  elle  préfère  les  rues  où  il  y  a  des  b 
pouvoir  s'y  réfugier,  c'est  maintenant  le  sentim< 
protection. 


A  l'agoraphobie  doit  se  rattacher  une  au/tre  pi 
endroits  clos,  la  claustrophobie^  signalée  parBea 
par  Raggi  de  Bologne  et  décrite  par  Bail  en  i\ 
Cullerre,  une  angoisse  constriclive  comparabi 
pourrait  ressentir  en  rampant  à  travers  un  pas! 
plus  étroit^.  »  On  peut  y  rattacher  bien  des  faits 
la  phobie  d'être  dans  un  théâtre,  la  phobie 
chemin  de  fer  que  Ton  ne  peut  pas  faire  arrête 
voiture,  l'amaxophobie  («ixoÇa,  voiture)  si  on  ve 
mot  de  Bail  \ 

C'est  ainsi  que  Ht...  (gS)  «  a  une  peur  terribh 
les  voitures  qui  sont  des  petites  boîtes  fermées,  i 
de  chemin  de  fer  qui  passent  dans  des  tunnels 
peur  d'étouffer  en  chemin  de  fer  mais  il  craint 
dans  le  wagon  sans  pouvoir  sortir  et  il  ne  peut  ] 
voyage  sans  de  terribles  angoisses.  Nae...  (g^) 
épouvantables  quand  il  faut  la  mettre  dans  une 
un  wagon  :  elle  veut  que  la  porte  reste  ouverte  c 
chaque  instant  de  s'élancer  au  dehors.  Tantôt  1 
pas  assez  vite,  tantôt  elle  va  trop  vite,  ou  bien  i 
s'approche  trop  près  ;  elle  prie  qu'on  la  retienne 
s'élance  pas  au  dehors  et  quand  on  la  retient  elle 
lui  faire  respirer  de  l'élher.  Les  scènes  les  plu 
lieu  quand  elle  est  dans  sa  chambre  et  qu'il  plei 
dehors,  elle  regarde  la  rue,  s'effraye  de  l'eau  c 
qu'elle  ne  pourra  plus  sortir  parce  qu'il  y  a  trop 
va  monter  au  premier  étage  puis  au  quatrième  où 
sera  noyée  contre  le   plafond  ;  la    respiration    1 

I.  Bail,  Claustrophobie.  Ann.  mèd.  psych.,  novembre  1879. 
a.  Cullerre,  Les  frontières  de  la  folie,  1888,  p.  61. 
3.  E.  Doyen,  Quelques  considérations  sur  les  terreurs  morbides 
général.  Thèse  de  Paris,  i885. 


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'^^9IIH 


LES  AGITATIONS  FORCÉES 


et  pâlit  et  finalement  elle  tombe  évanouie.  Nous  revien- 
sur  ces  évanouissements  ;  pour  le  moment  nous  notons 
lent  les  formes  diverses  que  prennent  ces  phobies. 

malades  de  ce  premier  groupe  ont  besoin,  comme  on  l'a  vu, 
ppui,  du  secours  des  autres  hommes,  ils  redoutent  d'être 
séparés  des  hommes,  et  par  ce  côté  on  peut  dire  qu'il  y  a 
ans  ces  phobies  un  sentiment  social.  Mais  s'ils  demandent 

secourus  par  des  hommes,  c'est  parce  qu'ils  redoutent 
is  dangers  physiques,  c'est  la  situation  physique  qu'ils 
:ent,  le  vide,  la  hauteur,  le  resserrement,  etc.  Au  contraire, 
['autres  cas,  l'émotion  angoissante  est  essentiellement  déter- 

par  la  perception  d'une  situation  morale  et  surtout  d'une 
on  sociale.  On  peut  considérer  comme  type  de  ce  second 
e  l'angoisse  causée  par  la  rougeur  du  visage,  VéreiUophobie, 
localisation  particulière  de  la  phobie  a  été  signalée  en  i846 
n  mémoire  de  Casper  (Berlin).  Nous  devons  remercier'AiM. 
et  Régis  d'avoir  publié  une  traduction  de  celle  observation 
[{uable  et  difficile  à  se  procurer*.  Le  malade  décrit  très  bien 
mbles  de  la  volonté  et  de  l'attention,  le  doute,  la  timidité, 
it  préparé  la  phobie  et  qui,  à  mon  avis,  jouent  un  grand 
ans  son  explication. 

.  Piéron  et  Vaschide  viennent  obligeamment  de  me  commu- 
•  une  observation  également  assez  ancienne  et  peu  connue 
me  phénomène  publiée  par  le  D*"  Duboux  en  1874*.  «  Parmi 
ises  de  la  rougeur,  dit  cet  auteur,  il  me  semble  que  le  grand 
liste  (Darwin)  en  a  oublié  une  très  intéressante  :  cette  cause 
igeur  est  la  crainte  de  rougir.  Supposez  qu'un  individu 
se  une  première  fois  sous  l'une  des  influences  indiquées  par 
n  (telle  que  la  honte  ou  la  pudeur).  Le  sentiment  qu'il 
•e  en  sentant  sa  face  s'empourprer  est  pénible  et  humiliant  ; 
'che  à  refouler  cette  bouflTée  sanguine  ;  ses  efforts  sont  inu- 
t  vont  même  directement  contre  leur  but  ;  la  rougeur  n'en 
t  que  plus  intense.  Il  redoute  d'êlre  exposé  de  nouveau  à 
nfusion  pareille  :  le  fait  de  l'appréhension  et  de  la  résistance 

une  rougeur  plus  intense  que  celle  de  la   honte.    Il  sait 

spcr,  Biographie  d'une  idée  fixe,  traduilc  par  le  D»"  Lalanne,  publiée  par 
très  et  Régis.  Arch.  de  neurol.^  1902,  1,  p.  270. 

iboux,  à  propos  de  la  rougeur,  Bull,  de  la  Soc.  mèd.  de  la  Suisse  Romande, 
rc  187/1,  p.  817. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  PÏIOI 

maintenant  qu'il  suffît  de  craindre  de  rougir  pour  rougii 
pourra  s'empêcher  de  craindre  et  de  rougir. 

Lorsqu'il  se  sentira  exposé  aux  regards,  particulièrement 
de  l'autre  sexe,  la  crainte  de  rougir  viendra  l'assaillir  et  h 
anticipée  empourprera  son  visage,  toute  lutte  est  inutile 
l'influence  de  la  volonté,  la  face  peut  présenter  d'abord  une 
légère,  remplacée  bientôt  par  la  rougeur  redoutée.  Il 
même  arriver  que  seul,  à  l'abri  de  tout  regard,  l'individu  ro 
s'il  craint,  pour  son  cerveau  par  exemple,  l'influence  de 
gestion.  Cette  crainte  constante  à  chaque  instant  réalisée  i 
pour  l'individu  un  supplice  de  Tantale  renversé  ;  du  nature 
être  le  plus  hardi  et  le  plus  sociable,  il  deviendra  d'une  t 
et  d'une  sauvagerie. ridicules  ;  il  évitera  toutes  les  occasion 
produire,  il  recherchera  la  solitude  ;  les  devoirs  de  soc 
quelquefois  les  devoirs  professionnels  lui  deviendront  hc 
ment  pénibles  ;  sa  vie  sera  littéralement  brisée  par  une  nis 

Cette  sorte  de  néi^rose  ou  de  psychose^  moins  rare  qu 
pourrait  le  croire,  est  surtout  fréquente  chez  les  femmes, 
les  individus  affectés,  je  connais  un  certain  nombre  de  perso 
éminents  dans  les  sciences  ou  la  politique,  et  entre  autres  a 
siologiste  célèbre  que  toute  science  ne  préserve  pas  et  ( 
timidité  est  proverbiale.  »  Cette  observation  intéressante  î 
par  sa  date  relève  déjà  le  caractère  pathologique  du  phén( 
le  rattache  aux  névroses  et  aux  psychoses  sans  bien  indiqi 
pendant  l'analogie  avec  les  autres  phobies. 

Westphal,  en  1877,  dans  un  mémoire  sur  les  obsession 
un  cas  semblable.  M.  Boucher  (de  Rouen)  a  publié  en  i{ 
cas  intéressant*  et  tout  h  fait  net  de  cette  phobie.  Les  a 
qui  ont  le  plus  attiré  l'attention  sur  le  phénomène  et  c 
ont  donné  le  nom  sous  lequel  il  est  connu  sont  MM.  Pil 
Régis*.  Au  mot  érithrophobie  qui  désigne  la  peur  d'une  c 
rouge  quelconque,  ils  ont  substitué  le  mot  ereuthophobie  (s 
rougeur  de  la  honte).  Leur  travail  a  été  l'occasion  d'un< 
d'études  sur  cette  phobie  particulière  et  sur  son  interpré 
On    en    trouvera    la    bibliographie    dans   le    dernier   trav 


1.  Boucher  (Rouen),  Sur  une  forme  particulière  d'obsessions  chez  une  hér 
Congrès  de  méd.  mentale  de  Rouen,  1890.  Arch.  de  neurol.^  1890,  II,  p.  ai 

2.  Pitres  et  Régis,  Obsession  de  la  rougeur  (éreulophobic).  Arch.  de  neurol 

i.p. .. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  PHOBIES    200 

des  obsessions,  bien  des  gens  ont  la  rougeur  émotive  du  visage 
sans  être  des  éreutophobes  et  il  y  a  des  éreutophobes  comme 
Nadia  qui  sont  incapables  de  rougir  réellement. 

Il  est  facile  de  voir  que  le  fait  de  la  rougeur  du  visage  a  peu 
d  importance  dans  cette  phobie,  qu'il  joue  simplement  le  rôle  d'un 
prétexte  pour  justifier  une  angoisse  dont  Torigine  est  plus  pro- 
fonde. Pour  le  comprendre,  il  faut  remarquer  que  l'obsession  de 
la  rougeur  se  transforme  bien  souvent  et  que  d'autres  prétextes 
empruntés  presque  toujours  à  l'apparence  du  visage  succèdent  à 
l'éreutophobie  ou  la  précèdent  ou  alternent  avec  elle.  Ainsi  que 
je  l'ai  déjà  montré  dans  une  étude  précédente*,  Toq...,  actuelle- 
ment angoissé  par  la  pensée  qu'il  a  les  joues  rouges,  a  eu  autrefois 
des  angoisses  à  la  pensée  de  ses  moustaches  qui  avaient  poussé 
trop  tùt.  Per...  (162),  femme  de  38  ans,  autrefois  éreutophobe,  a 
maintenant  la  phobie  des  poils  sur  son  visage.  Ul...  (45)  a  eu 
autrefois  de  i5  à  20  ans  de  l'éreutophobie  proprement  dite, 
maintenant,  a  33  ans,  elle  n'a  plus  peur  de  rougir  devant  le 
monde,  mais  elle  a  peur  de  pâlir,  d'avoir  des  convulsions  dans 
la  figure  et  surtout  dans  les  yeux  qui  la  rendraient  laide  et 
ridicule  au  moment  de  demander  quelque  chose  à  une  personne. 

En  outre,  il  est  impossible  de  séparer  l'éreutophobie  des 
angoisses  provoquées  par  d'autres  modifications  de  l'attitude  ou 
du  visage  dans  lesquelles  il  n'est  pas  question  de  rougeur. 
Klu...,  bien  qu'il  parle  correctement,  à  la  peur  de  bégayer 
quand  il  se  trouve  devant  des  étrangers,  il  ne  peut  se  faire 
inscrire  à  une  école,  il  ne  peut  demander  son  chemin  à  un  agent, 
ni  prendre  un  billet  de  chemin  de  fer^  tellement  il  est  angoissé  à 
la  pensée  qu'il  pourra  non  pas  rougir,  mais  bégayer  devant  ces  per- 
sonnes. D'autres,  comme  Pol...,  ont  des  angoisses  à  la  pensée 
d'une  cicatrice  qu'elles  ont  sur  le  nez,  quand  elles  sentent  que  des 
étrangers  peuvent  la  remarquer,  c'est  la  maladie  que  Morselli 
a  décrite  sous  le  nom  de  dysmor phobie^.  Tk...  (i45),  jeune 
homme  de  il\  ans,  a  la  phobie  de  sa  mâchoire  qu'il  croit  trop 
grande.  Bechterew  a  décrit  le  malade  épouvanté  par  le  sourire 
obsédant  qu'il  a  constamment  sur  les  lèvres  et  je  pourrais  placer 
en  opposition  le  cas  de  Wgn...,  jeune  homme  de  26  ans,  angoissé 


1.  La  maladie  du   scrupule  et  l'aboulie  délirante,  Revue  philosophique,    1901,  I» 
p.  337  et  507. 

a.  Morselli,  La  d>*ftmorphophobie  et  la  lapliépliobîe.  Uiforma  medica,  1891,  n**  i85. 

LES  OBSESSIOnS.  L   —    i4 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

paralysie  de  ses  lèvres  «  incapables  de  jamais  soa- 
lent  ».  On  a  déjà  vu  à  propos  des  obsessions,  le  cas 
i)  dont  les  angoisses  sont  provoquées  a  par  la  rai- 
)  et  les  mouvements  mécaniques  des  membres,  »  on 
érer  toutes  sortes  de  variétés  de  ces  phobies  tout 
;s,  à  mon  avis,  à  Téreutophobie  proprement  dite, 
essentiel  qui  se  retrouve  en  effet  dans  toutes  ces 
le  sentiment  d'être  devant  des  hommes,  d'être  en 
it  à' avoir  à  agir  en  public,  M.  Hartenberg  a  raison 
îreutophobie  aux  maladies  de  la  timidité  *.  Tousces 
aucune  peur  de  rougir  ou  de  pâlir,  ou  de  grimacer, 
ou  de  ne  pas  sourire  quand  ils  sont  seuls,  et  la 
grimace,  si  elle  survenait  à  ce  moment,  ne  les 
lit  aucunement.  On  pourrait  donc  appeler  ces  phé- 
hobies  sociales  ou  des  phobies  de  la  société, 
upe  rentreront  aussi  les  phobies  du^  mariage  qui 
ites  (Hnu...  (87),  De...)*.  On  peut  y  rattacher  aussi 
1  rapport  avec  certaines  situations  sociales.  Bal... 
vantée  à  la  pensée  de  faire  la  classe  devant  des 
(/i2),  femme  de  87  ans,  a  de  singulières  terreurs 
avoir  des  domestiques  :  sa  bonne  Tintimide,  elle 
commander  ni  lui  reprocher.  Elle  a  surtout  la 
[îoncierge  et  elle  a  des  angoisses  à  la  pensée  qu'elle 
nal  avec  ce  fonctionnaire  nécessaire, 
hobies,  qu'elles  se  rattachent  au  type  de  l'agora- 
laustrophobie,  des  phobies  sociales,  me  paraissent 
commun.  Elles  ne  sont  pas  comme  les  précédentes 
rapport  avec  un  objet  éveillant  l'idée  d'un  acte, 
déterminées  par  la  perception  d'une  situation  et 
nts  auxquels  cette  perception  donne  naissance. 


C.  —  Les  phobies  des  idées. 

se  développent  souvent  encore  sans  qu'il  y  ait  à 
iépart,  ni  une  sensation  localisée,  ni  la  perception 
nême  la  perception  d'une  situation;  elles  survien- 
t  à  la  suite  d'une  idée  qui  se  présente  d'une  ma- 

.es  timides  et  la  timidité,  1901,  p.  201  (Paris,  F.  Alcan). 
ées  fixes,  II,  p.  87. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  SYSTÉMATISÉES.  —  LES  ï>HOBlES   21  ( 

nlère  abstraite  dans  Tesprit  du  malade.  Il  suffirait  de  répéter  ici 
toutes  les  idées  obsédantes  qui  ont  été  étudiées  dans  le  premier 
chapitre.  Presque  toutes  ces  idées  s'accompagnent  de  phobies. 
A  propos  des  obsessions  sacrilèges  on  remarquera  la  phobie  du 
démon,  de  l'enfer,  du  blasphème,  etc.  Un  malade  comme  Ki... 
(219)  éprouve  ces  émotions  angoissantes  à  propos  de  toutes  pen- 
sées religieuses  ou  philosophiques.  Il  faut  quHl  évite  de  penser 
à  Dieu  ou  à  la  religion  et  pendant  une  période  il  avait  pris  en 
horreur  Tidée  abstraite  de  la  causalité  qui  le  faisait  penser  à  la 
création  et  à  la  divinité.  L'idée  d'infini  qui  déterminait  chez  Vil... 
des  ruminations  si  remarquables  s'accompagnait  souvent  de  phé- 
nomènes d'angoisse  bien  caractéristiques. 

Il  en  sera  de  même  pour  les  idées  criminelles.  Leg...  vit  dans  la 
crainte  de  désirer  du  mal  au  monde  ;  elle  a  peur  de  penser  à  faire 
venir  des  enfants  difformes.  On...  (221)  a  des  angoisses  à  propos 
de  l'idée  de  mentir,  de  l'idée  «  de  suivre  des  femmes  au  théâtre  »'. 
Za...  (216)  a  eu  cette  émotion  à  la  pensée  qu'il  pourrait  copier  k 
un  examen  et  il  Ta  maintenant  à  la  seule  pensée  d'un  examen.  Ces 
malades  redoutent  toutes  les  circonstances  comme  les  conversa- 
tions ou  les  lectures  qui  pourraient  faire  naître  ces  mêmes  idées. 
C'est  ainsi  que  We. . .  (i  70)  a  peur  des  journaux  et  même  a  peur  de 
l'imprimerie  parce  que  les  journaux  dans  leurs  faits  divers  éveil- 
lent la  pensée  des  crimes.  Ils  finissent  par  avoir  peur  des  imagi- 
nations les  plus  vagues,  des  pensées  les  plus  abstraites.  We...  a 
peur  de  chercher  a  se  représenter  en  imagination  le  membre  viril 
et  Za...  a  peur  «  de  se  représenter  une  idée  quelconque  parce  que 
ce  pourrait  être  une  idée  mauvaise  ». 

Mêmes  observations  encore  pour  les  obsessions  de  honte.  Ceux 
qui  ont  l'obsession  de  la  folie,  et  ils  sont  nombreux,  ont  cette 
émotion  à  propos  de  la  pensée  de  la  folie.  «  Je  souffre,  dit  Léo..., 
à  la  pensée  que  je  deviens  folle.  Je  me  vois  enfermée,  je  me  sens 
l'air  idiote  et  cela  nie  donne  une  angoisse  horrible.  »  Byp... 
(180),  femme  de  28  ans,  croit  voir  son  frère  qui  est  enfermé  h 
Sainte-Anne,  venir  au-devant  d'elle  et  elle  l'entend  qui  lui  dit  : 
«  tu  seras  folle  comme  moi.  »  A  ces  mots  elle  soufFre  à  en  défail- 
lir au  milieu  de  la  rue.  De...,  femme  de  33  ans,  a  une  idée 
fixe  assez  compliquée  qui  tient  à  la  fois  de  la  honte  de  soi  et  de 
la  honte  du  corps.  Elle  ne  peut  concevoir  sans  horreur  la  pensée 
du  mariage  parce  qu'elle  s'en  croit  tout  à  fait  indigne  au  point  de 
vue  moral  et  aussi  au  point  de  vue  physique.  Ce  sont  des  senti- 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

pacité  pour  tenir  sa  maison,  pour  remplir  ses  devoirs, 
ies  enfants  et  en  même  temps  des  idées  de  difformité 
génitaux,  des  pensée  de  n'être  pas  comme  toutes  les 
js  connaissons  tous  ces  faits  et  ce  cas  s'ajoute  seule- 
récédents  mais  ce  qu'il  faut  ajouter  ici,  c'est  que  la 
iançailles  rend  cette  femme  malade  et  que  des  amis 
n  insistant  pour  la  marier  ont  déterminé  une  crise 
t  même  des  accidents  délirants  analogues  à  la  confu- 
,  sur  lesquels  il  nous  faudra  revenir  quand  nous  par- 
:omplications  du  délire  du  scrupule.  Les  regrets  de 
ènent  chez  Gisèle...  (171)  et  chez  Ri...'  de  grandes 
s  que  l'une  a  l'idée  de  la  vie  religieuse  et  dès  que 
B  au  métier  d'institutrice.  De  même,  Nadia  a  des 
land  elle  pense  seulement  à  engraisser,  quand  elle 
lement  qu'on  pourrait  lui  trouver  meilleure  mine, 
obsessions  de  la  honte  du  corps  s'accompagnent  en 
lobies. 

iffit  de  signaler  les  innombrables  phobies  liées  aux 
ndriaques.  Morselli  en  signalait  une  curieuse,  sous 
taphéphobie,  c'est-k-dire  la  crainte  d'être  enterré 
.,  femme  de  87  ans,  a  des  angoisses  à  la  pensée  des 
la  fièvre  typhoïde,  du  suicide,  etc.  Il  est  inutile  de 
Jean  a  des  phobies  en  pensant  aux  méningites  et  aux 
st  que  Pn...  (iSg)  est  pris  par  des  crises  d'angoisse 
nsée  qu'on  pourra  lui  prouver  l'air  malade,  ce  qui 
ontraire  de  Nadia.  Parmi  les  phobies  plus  banales  il 
au  premier  rang  la  phobie  de  l'idée  de  la  mort. 
;mme  de  4o  ans,  est  d'abord  obsédée  par  le  visage 
li  vient  de  mourir.  Nous  avons  déjà  discuté  ce  qu'il 
le  ces  hallucinations.  A  la  suite  d'une  petite  opéra- 
abcès  au  cou,  elle  reporte  ses  idées  de  mort  sur 
elle  a  des  angoisses  épouvantables  dès  qu'elle  pense 
même  à  la  vie. 

le  remarquer  que  ces  phobies  des  idées  se  mêlent 
vec  toutes  les  phobies  précédentes  :  très  souvent, 
narque  Legrand  du  SauUe,  il  suffit  du  souvenir  d'un 
ne  situation  pour  reproduire  la  crise;   la  seule  vue 


Idées  fixes.  II,  p.  i48. 

I  Hiforma  medica,  i8gi,  no  i85. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES      213 

d'un  dessin  qui  représente  Tintérieur  de  Saint-Pierre-de-Rome  le 
faitchanceler  sur  ses  jambes^  Chez  beaucoup  de  nos  malades  il  en 
est  de  même  :  la  seule  pensée  de  la  femme  produit  chez  Jean 
(c  un  état  fastidieux»  et  la  pensée  d'aller  seule  à  une  leçon  de  ^des- 
sin donne  mal  au  cœur  à  Dob... 

D'autre  part  dans  les  phobies  d'objets  ou  de  situation  se  mêlent 
souvent  des  idées  compliquées.  Un  malade  de  Westphall  a  de  la 
claustrophobie  dans  un  théâtre  ;  mais  c'est  qu'il  se  répète  des  pen- 
sées de  ce  genre  :  «  qu'est-ce  que  je  deviendrai  si  le  feu  éclate 
dans  la  salle  et  si  à  ce  moment-là  j'ai  un  accès?  je  ne  pourrai  pas 
me  sauver*.  »  Jean  dans  toutes  ses  phobies  fait  ou  a  fait  des  rai- 
sonnements semblables. 

On  voit  qu'il  y  a  un  grand  nombre  d'opérations  intellectuelles 
qui  peuvent  déterminer  ces  phobies  comme  précédemment  les 
sensations,  les  perceptions,  ou  les  sentiments. 


2.  —  Les  agitations  émotionnelles  diffuses. 
Les  angoisses. 

Il  suffit  de  répéter  brièvement  à  propos  des  phobies  ce  que 
nous  avons  déjà  étudié  à  propos  des  manies  mentales  :  ni  au 
point  de  vue  clinique,  ni  au  point  de  vue  psychologique,  ces  diver- 
ses phobies  ne  forment  des  phénomènes  véritablement  distincts 
les  uns  des  autres.  M.  J.  Falret  faisait  déjà  remarquer  très  juste- 
ment que  toutes  ces  peurs  sont  solidaires  les  unes  des  autres  : 
«  l'agoraphobie  se  rencontre  souvent,  disait-il,  chez  le  même  indi- 
vidu avec  la  peur  d'une  épée  nue,  la  crainte  de  tomber  d'une 
fenêtre,  la  frayeur  en  voiture  ou  le  délire  dn  toucher  ».  Bail  sou- 
tenait la  même  opinion  quand  il  proposait  d'englober  tous  les  cas 
d^agoraphobie,  de  claustrophobie,  de  topophobie  sous  le  titre 
commun  de  phénomènes  vertigineux'.  Celte  conception  me  parait 
beaucoup  plus  juste  que  celle  soutenue  par  Legrand  du  Saulle  et 
par  quelques  autres  auteurs  qui  voulaient  faire  de  certaines  de  ces 
phobies  et  en  particulier  de  l'agoraphobie  des  maladies  distinctes. 


I.  Legrand  du  SaulIc,  Agoraphobie,  p.  i5,  33,  67. 

a.  Id.,  ibid.,  p.  8,  18. 

3.  Bail,  Les  frontières  de  la  folie.  Revue  scientifique,  i883,  I,  p.  4< 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

iicilenient  remarquer  que  les  mêmes  noms  de  miilades 
propos  des  diverses  phobies  :  Jean  en  particulier  les  a 
près  toutes,  et  quand  on  le  guérit  de  Tune,  il  retombe 
I.  La  différence  entre  une  agoraphobie  et  une  phobie 
n'existe  guère  que  dans  des  circonstances  extérieures 
difié  l'aspect  d'une  même  disposition  psychologique 
le.  En  effet  toutes  ces  phobies  semblent  constituées 
groupes  de  phénomènes,  l'un  accessoire  et  variable, 
lamentai  et  immuable.  Les  phénomènes  accessoires 
nsations,  les  perceptions,  les  sentiments  qui  provo- 
tat  de  trouble,  qui  se  mêlent  avec  lui  et  lui  donnent  un 
iculier;  le  phénomène  essentiel  qui  se  retrouve  tou- 
unc  perturbation  de  tout  l'individu  physique  et  moral 
'une  manière  générale  sous  le  nom  d'angoisse.  De 
les  manies  mentales  nous  conduisaient  au  phénomène 
nation,  les  tics  au  phénomène  de  l'agitation  motrice, 
outes  les  phobies  nous  conduisent  à  l'étude  de  l'an- 

I .  —  U angoisse  diffuse, 

îrses  phobies  présentent  le  phénomène  de  l'angoisse 
combiné  avec  des  sensations,  des  perceptions  ou  des 
;  ce  phénomène  peut  aussi  se  présenter  indépendam- 
5  phobie  déterminée.  On  a  souvent  remarqué  que  cer- 
tes sont  dans  un  état  constant  d'anxiété  diffuse  :  «  En 
utes  les  phobies  particulières,  disait  M.  Ribot,  il  existe 
bservations  d'un  état  vague  mais  permanent  d'anxiété 
îur  qu'on  a  nommé  panophobie  ou  pantophobie  ;  c'est 
Ton  a  peur  de  tout  et  de  rien,  où  l'anxiété,  au  lieu 
e  à  un  objet  toujours  le  même,  flotte  comme  dans  un 
se  fixe  que  pour  un  instant  au  hasard  des  circonstan- 
it  d'un  objet  h  un  autre'.  »  MoreP,  Weir  Mitchell 
ne  décrivaient  déjà  ces  «  états  d'anxiété  »,  ces  étals 
.  Récemment  M.  Freud ^  a  beaucoup  insisté  sur  cet  état 
t  ce  qu'il  appelle  <(  la  névrose  d'angoisse  ». 
très  cl  Régis,  qui  font  de  cet  état  d'anxiété  diffuse  le 


'Psychologie  des  senlimenls,  1896,  p.  211  (Paris,  F.  A.lcan). 

Délire  émotif,  p.  SqS. 

d,  Obsessions  et  phobies.  Revue  neurologique,  3o  janvier  1895. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  -  LES  ANGOISSES     215 

phéDomène  essentiel  des  phobies  et  des  obsessions,  en  rappor- 
tent des  cas  remarquables  parmi  lesquels  je  rappellerai  celui-ci. 
Une  dame  de  52  ans,  nerveuse,  impressionnable  ressentit  un 
grand  chagrin  h  la  suite  de  la  mort  de  sa  mère,  il  y  a  12  ans; 
elle  présente  à  ce  moment  une  grande  dépression  morale  sans 
troubles  morbides  proprement  dits.  Trois  ans  après,  à  la  suite 
d^ine  autre  mort,  celle  d'une  amie,  elle  entra  dans  un  état  d'émo- 
tivité  morbide  diiTuse,  avec  «  attente  anxieuse  ».  La  malade  était 
constamment  en  état  de  souffrance  vague,  en  état  latent  d*angoissc, 
qui  éclatait  sous  forme  de  paroxysme  à  la  moindre  occasion.  Une 
voilure  passait-elle  pendant  qu'elle  marchait  sur  le  trottoir  dans 
la  rue,  aussitôt  elle  tombait  en  crise,  craignant  qu'une  roue  ne  se 
détachât  et  ne  vînt  à  l'écraser.  Au  moindre  vent,  une  tuile  allait 
glisser  d'un  toit  et  lui  fendre  la  tête.  A  table  les  aliments  allaient 
rélouffer.  D'autres  fois,  à  peine  sortie  de  chez  elle,  l'angoisse 
survenait,  s'objectivant  sur  cette  idée  que  quelqu^un  des  siens 
venait  peut-être  de  mourir  tout  d'un  coup  et  elle  était  forcée  de 
revenir  sur  ses  pas  pour  se  rassurer.  Chaque  événement,  chaque 
incident,  chaque  acte  de  sa  vie  devenait  ainsi  matière  à  décharge 
pour  son  angoisse  momentanément  spécialisée  par  le  hasard  i.  , 

Les  observations  de  ce  genre  sont  parmi  les  plus  banales,  on 
peut  reprendre  beaucoup  des  cas  précédents  et  remarquer  que 
chez  certains  sujets  les  phobies  se  multiplient.  L'angoisse  ne  se 
produit  pas  à  propos  d'un  seul  objet,  mais  h  propos  d'un  grand 
nombre.  On  ne  peut  énumérer  les  objets  qui  dans  certaines  cir- 
constances sont  susceptibles  de  faire  naître  l'angoisse  chez 
Jean,  tout  ce  qui  se  rapporte  au  sexe,  tout  ce  qui  se  rapporte  à 
la  poste,  tout  ce  qui  se  rapporte  h  la  politique,  à  la  religion,  à 
la  santé,  à  la  mort,  etc.  L'angoisse  finit  par  être  presque  indé- 
terminée et  se  reproduit  continuellement  à  propos  de  n'importe 
quoi  :  elle  peut  être  considérée  comme  diduse. 

Il  y  a  des  cas  plus  nets  encore  où  l'angoisse  est  presque 
permanente,  ou  se  produit  par  accès  très  répétés,  sans  que  le 
sujet  attache  aucune  pensée  h  ces  angoisses,  sans  qu'il  donne 
même  une  justification  apparente  d'ordre  intellectuel,  comme  on 
a  vu  que  Jean  le  fait  toujours.  Une  femme  de  38  ans,  Cs...  (4i), 
toujours   émotive  et  impressionnable,  a  été  très  bouleversée  vers 


I.  Pitres  et   Régis,    Scméiologic  Hps   obsessions   et  des  idées  fixes,   Rapport  au 
corujres  de  médecine  de  Moscou,  1897,  p.  19. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

le  relevait  à  peine  d'un  accouchement  quand  la 
aladresse  de  lui  dire  que  Tenfant  ne  respirait 
ort;  elle  sentit  comme  un  violent  choc  dans  la 
a  toute  changée.  Cette  première  perturbation 
s  et  se  guérit  à  peu  près.  Il  y  eut  une  rechute 
nédecin  lui  demanda  si  elle  n'avait  pas  d*albu- 
es.  Depuis  ce  moment  elle  est  restée  pendant 
ins  Tétat  suivant.  Une  dizaine  de  fois  par  jour, 
i  de  raison,  de  prétexte,  au  moins  en  appa- 
a  s'agiter,  elle  remue,  frappe  les  meubles,  elle 
tion  haletante,  le  cœur  bat  rapidement,  elle 
se  plaint  d'être  souffrante,  malheureuse,  d'at- 
quoi,  d'avoir  peur  de  quelque  chose  d'inconnu. 

peur  précise,  une  raison  à  son  désespoir  ;  de 
e  prétend  bien  que  les  personnes  présentes  lui 
Ta  impressionnée,  mais  elle  ne  sait  pas  pour- 
pressionnée,  et  souvent  elle  n'invente  aucune 
e  d'angoisse  pure,  sans  éléments  intellectuels, 
une  manière  tout  à  fait  diffuse, 
ter  un  peu  sur  l'observation  de  Ku...  (^a)  parce 
e  cas  joueront  un  rôle  dans  l'interprétation  des 
une  femme  de  87  ans,  toujours  faible  et  timide  ; 
été  tourmentée  par  la  crainte  de  blesser  les 
I  d'un  milieu  sympathique  sur  lequel  je  revien- 
des  caractères  les  plus  curieux  de  l'esprit  des 
[ix-huit  mois  un  incident  ridicule  a  changé  son 
té  appelée  comme  témoin  par  le  commissaire 
Qer  son  opinion  sur  la  conduite  d'un  de  ses  voi- 

a  suffi  pour  la  mettre  dans  un  état  tout  à  fait 
;  plusieurs  années.  Cette  longue  maladie  peut 
périodes  :  dans  la  première  qui  a  duré  trois 
ide  agitation  mentale,  une  rumination  perpé- 
laquelle  nous  avons  déjà  fait  allusion  ;  dans  la 
)li  une  dizaine  de  mois,  l'agitation  a  été  surtout 

de  ces  malades  avec  pseudo-crises  d'hystérie 
à  propos  de  l'agitation  diffuse.  Enfin  la  maladie 
ne  forme  :  «  les  crises  sont  bien  plus  doulou- 
lade,  parce  qu'elles  sont  devenues  internes.  » 
»on  langage  qu'il  y  a  beaucoup  moins  de  mou- 
;  des  membres,    de  cris  et   de  gesticulations, 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES      217 

mais  que  ces  mouvements  extérieurs  sont  remplacés  par  des  mou- 
vements viscéraux  :  spasmes  du  diaphragme  et  du  ventre  particu- 
lièrement curieux,  trémulation  perpétuelle  de  Tabdomen  qui 
remplace  la  respiration,  nausées,  vomissements,  diarrhées,  etc. 
Ces  angoisses  surviennent  à  chaque  instant  par  crises  plus  ou 
moins  longues  à  propos  de  tous  les  incidents  possibles,  en  réalité 
sans  rime  ni  raison.  Il  y  a  un  état  d'angoisse  presque  perpétuel, 
a  une  angoisse  vague  qui  flotte  dans  Tair,  disait  Freud,  et  qui  ne 
demande  qu'à  se  fixer  sur  n'importe  quoi.  » 

On  retrouvera  un  grand  nombre  d'observations  semblables 
dans  le  second  volume  de  cet  ouvrage.  Je  renvoie  en  particulier  h 
celles  de  Gy...(/i6),  de  Jo...  (43),  de  Hb...  (47),  Dn...  (/ig).  Les 
angoisses  de  cette  dernière  malade  sont  particulièrement  remar- 
quables parce  qu'elles  se  produisent  une  dizaine  de  fois  pendant 
le  sommeil  de  la  nuit  et  ne  surviennent  le  jour  que  si  la  malade 
essaye  de  s'endormir.  Il  faudra  revenir  sur  ce  fait  en  étudiant  les 
conditions  pathogéniques  de  l'angoisse.  Ces  quelques  observations 
sont  suffisantes  pour  montrer  que  l'angoisse  ne  prend  pas  tou- 
jours la  forme  systématique  des  phobies,  mais  que  très  souvent 
elle  est  vague,  diffuse,  sans  rapport  avec  un  phénomène  intel- 
lectuel déterminé.  Cette  forme  semble  si  importante  que  certains 
auteurs,  comme  M.  Freud,  ont  voulu  en  faire  une  maladie  spé- 
ciale, distincte  de  l'obsession  et  de  la  neurasthénie,  sous  le  nom 
de  névrose  d'angoisse.  C'est  une  interprétation  clinique  qu'il 
faudra  discuter. 


2.  —  Troubles  physiologiques  de  l'angoisse. 

Après  avoir  constaté  les  diverses  formes  systématisées  ou  dif- 
fuses que  l'angoisse  peut  revêtir  il  faut  maintenant  considérer  ce 
phénomène  en  lui-même  et  voir  de  quels  éléments  il  est  composé 
dans  la  plupart  des  cas  où  il  se  présente,  il  faut  rechercher  les 
caractères  généraux  de  l'angoisse.  Ces  caractères  me  semblent  de 
deux  espèces  :  un  grand  nombre  sont  des  caractères  physiolo- 
giques qui  seront  étudiés*  en  premier  lieu,  mais  il  me  semble  qu'il 
y  a  un  second  groupe  composé  par  des  phénomènes  psychologi- 
ques et  dont  l'étude  ne  doit  pas  être  négligée. 

M.  Freud  énumère  ainsi  les  principales  formes  que  peut  prendre 
la  crise  d'angoisse,  c'est-à-dire  les  principaux  phénomènes  qui  la 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 
qui  dans  tel  ou  tel  cas  peuvent  se  développer  isolé- 

bles  cardiaques  avec  palpitations,  arythmie,  tachy- 
jusqu'aux  états  asystoliques  les  plus  graves  ; 
blés  respiratoires  dyspnée:  nerveuse,  accès  d'asthme; 
)rdres  de   Tappareil   digestif:   accès  de  fringale  ou 
faim  paroxystique,  souvent  associée  à  des  vertiges, 
que,  diarrhée  périodique  ou  chronique; 
s  de  vertiges  ou  d'étourdissements,  ils  consistent  en 
écial  accompagné  de  l'impression  que  le  sol  se  dé- 
»  jambes  s'effondrent,  ils  peuvent  même  amener  des 
iiissement  profonds; 
sthésies  ; 

surs  nocturnes  ou  réveils  angoissants  ; 
[lissements  musculaires  et  des  tremblements  ; 
irs  profuses  survenant  souvent  la  nuit  ; 
énomènes    vasculaires    et    congestifs    analogues    à 
observe  dans  la  forme  vaso-motrice   de  la   neuras- 

îsme  et  des  besoins  impérieux  d'uriner*, 
phénomènes  que  M.  Freud  ajoute  :   l'irritabilité  gé- 
pacité   de  supporter  aucune  excitation    sensorielle, 
liète,  l'obsession,  se  rapportent  plutôt  aux  troubles 
es. 

berg  ajoute  quelques  symptômes  intéressants,  des 
lemcnts,  le  phénomène  du  doigt  mort,  des  amai- 
périodiques. 

ulement  sur  les  phénomènes  physiologiques  qui  se 
es  le  plus  fréquemment  chez  mes  malades  et  je 
[ue  les  phénomènes  de  la  crise  d'angoisse  en  laissant 
roubles  généraux  de  la  santé  qui  persistent  en  dehors 
l'angoisse  proprement  dite. 

i  soumettre  ces  troubles  à  une  analyse  précise  et 
ossible  prendre  quelques  mesures  et  quelques  gra- 
)i  que  j'avais  pu  le  faire  pour   un    certain    nombre 


Je  Vienne,  Sur  la  légitimité  de  séparer  de  la  neurasthénie  un  syn- 
s  le  nom  «  de  névrose  d*angoisse  ».  Neurolog.  Centralbtnlt,  1895, 
r  liartenbcrg,  La  névrose  d'angoisse,  1902,  p.  3. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES     219 

de  phénomènes  hystériques.  Je  dois  faire  observer  que  de  telles 
études  sont  beaucoup  plus  diflieiles  sur  ce  genre  de  malades 
et  je  suis  un  peu  étonné  quand  je  vois  bien  des  auteurs  parler 
avec  tant  d'assurance  des  modifications  physiologiques  des  psy- 
chasthéniques,  comme  s'ils  avaient  pu  les  observer  et  les  mesurer 
avec  précision.  Leurs  crises  d'angoisse  ne  se  produisent  pas  à 
heure  dite,  au  moment  le  plus  favorable  à  l'observation.  Bien  au 
contraire,  il  y  a  dans  l'état  mental  de  ces  malades  des  dispositions 
curieuses  qui  empêchent  les  crises  de  se  produire  de  cette  manière. 
Nous  avons  vu  qu'ils  peuvent  presque  toujours  arrêter  ou  sup- 
primer leurs  crises  quand  il  y  a  des  étrangers  à  qui  ih  veulent  les 
cacher.  Claire,  qui  se  roule  par  terre  dans  ses  crises  d'eflbrts,  se 
relève  aussitôt  dès  que  quelqu'un  entre  et  rajuste  avec  le  plus  grand 
calme  le  désordre  de  sa  toilette.  Dans  ces  conditions  consentiront- 
ils  a  laisser  venir  leur  crise  dans  le  laboratoire  ?  En  outre  nous 
verrons  plus  tard  un  autre  caractère  intéressant,  c'est  qu'ils  sont 
très  facilement  consolés,  rassurés  par  la  présence  de  la  personne 
qui  les  soigne  ou  simplement  les  étudie.  «  Comment  voulez-vous 
que  j'aie  des  angoisses  devant  vous,  me  répète  Jean,  mais  chez 
vous,  c'est  le  seul  endroit  où  je  sois  tranquille,  je  voudrais  être 
toujours  auprès  de  vous  et  je  n'aurais  jamais  rien.  »  Par  défini- 
tion même  Tagoraphobe  a  des  terreurs  dans  la  solitude,  il  ne  les 
aura  pas  dans  un  laboratoire,  quand  il  est  examiné  par  son  mé- 
decin. C'est  pourquoi  à  mon  grand  regret  je  n'ai  pu  réunir  autant 
de  documents  précis,  de  graphiques  que  je  l'aurais  voulu  sur  ces 
troubles.  J'ai  éprouvé,  je  l'avoue,  une  déception  quand  j'ai  dû 
constater  que  sur  deux  cents  malades  observés  pendant  des 
années,  j'ai  eu  assez  rarement  l'occasion  favorable  pour  observer 
moi-même  dans  de  bonnes  conditions  ces  grands  phénomènes 
émotionnels  dont  les  malades  parlent  toujours  mais  quis'eiTacent 
très  rapidement  dès  qu'on  désire  les  analyser. 

Cependant  j'ai  pu  faire  quelques  expériences  en  petit  nombre 
dont  je  crois  devoir  tenir  compte  dans  l'analyse  de  ces  perturba- 
tions physiologiques. 

Ces  malades  se  plaignent  beaucoup  d'éprouver  pendant  l'an- 
goisse des  troubles  du  mouvement  des  membres.  Je  ne  parle  pas 
ici  des  grandes  agitations  qui  peuvent  quelquefois  accompagner 
les  angoisses.  Les  excitations  motrices  sont  d'ordinaire  peu  com- 
patibles avec  l'angoisse   proprement    dite,   quand    il  y  a  grande 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

B  mouvement  extérieur  n'est  pas  très  considé- 
ment. 

^e  souvent  ce  sont  des  spasmes,  des  secousses, 
emple,  des  sortes  de  crampes  qui  ne  vont 
[itracture  chez  Mb...,  et  surtout  du  tremble- 
îs  jambes(Cum...,  Bo...,  Vim...*,  Dob...,  etc.). 
iblement  des  jambes  a  même  été  pris  dans  un 
nus.  Quand  le  malade  est  calme  il  est  évident 
emblement  épileptoïde  de  la  jambe  et  que 
ouble  émotionnel. 

ides  se  plaignent  d'être  comme  paralysées  de 
lans  les  membres,  <(  mes  jambes,  dit  Fie..., 
nt  comme  de  la  laine,  je  me  sens  tomber  par 
s  jambes  se  dérobent  sous  moi,  dit  Vim..., 
iras  qui  m'abandonnent.  Il  n'y  a  pas  moyen  de 
écrire  ».  «  Je  vais  tomber  par  terre,  la  terre 
»  J'ai  voulu  vérifier  cette  faiblesse  musculaire 
iielque  importance. 

es  j'ai  pu  examiner  ces  malades  qui  prétendent 
nt  l'angoisse  :  la  paralj'sie  ou  même  la  parésie 
ji  doit  se  vérifier  assez  facilement.  Eh  bien, 
ter  autre  chose  qu'un  léger  degré  d^aSaiblis- 
du  mouvement  volontaire  qui  disparaissait 
l'on  encourageait  le  sujet.  Lkb...  prétend 
ses  pendant  l'angoisse  ;  j'ai  pris  la  force  de 
omètre  de  Chéron-Verdin  d'abord  pendant 
nal,  puis  pendant  la  crise,  en  faisant  serrer 
-  et  en  prenant  la  moyenne.  Voici  la  série  des 
ïtat  normal  : 
21,  21,  2/j,  19,  22,  24,  23,  23,  23,   moyenne 

I,    22,    24,   21,   19,   19,   21,  21,  21,  moyenne 

également  à  l'état  normal  : 

24,  23,  23,  24,  24,  23,  24,  22,  25,    moyenne 

26,  23,  24,  23,  25,  25,  25,  25,  25,  moyenne 

•s,  11. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES     221 

Voici  maintenant  l'expérience  qui  a  pu  être  faite  une  fois  pen- 
dant Tétat  pathologique  : 

Main  droite  :  22,  25,  24,  22,  22,  28,  25,  23,  28,  25,  moyenne 
23,4  ; 

Main  gauche  :  21,  21,  21,  20,  21,  19,  20,  21,  19,  21,  moyenne 
20,4. 

L'expérience  n'est  malheureusement  pas  assez  répétée  pour 
donner  de  conclusions  bien  nettes,  on  peut  remarquer  que  même 
h  Tétat  normal  la  force  est  faible,  et  qu'il  n'y  a  pas  de  grandes 
variations  au  cours  des  dix  pressions  consécutives,  le  sujet  me 
parait  faire  peu  d'efforts  même  au  début  et  se  fatiguer  peu,  cela 
se  rattache  à  son  aboulie  générale.  Mais  ce  qui  est  frappant,  c'est 
le  peu  de  différence  entre  les  séries  obtenues  à  l'état  normal 
et  celles  qui  sont  obtenues  pendant  l'angoisse.  La  paralysie  dont 
se  plaint  cette  malade  n'est  pas  bien  facile  h  apprécier  objective- 
ment. J'arrive  au  même  résultat  chez  3  autres  malades  :  la  diffé- 
rence entre  les  moyennes  de  dix  pressions  faites  dans  l'état 
normal  et  les  moyennes  de  dix  pressions  pendant  l'angoisse  est 
insignifiante. 

Si  on  constate  difficilement  de  la  paralysie  véritable,  on  observe 
souvent  de  l'ataxie,  de  l'incoordination.  Les  mouvements  sont 
troublés  par  les  secousses  et  les  spasmes  et  ils  manquent  de  pré- 
cision. On  constate  que  les  actes  délicats  ne  peuvent  plus  être 
exécutés,  Nadia  cesse  de  pouvoir  jouer  du  piano  et  Jean  ne  peut 
plus  écrire.  Son  écriture  devient  déplorable  toutes  les  fois  qu'il 
est  troublé,  et  pendant  les  crises  d'angoisse  il  est  incapable  de 
tenir  une  plume.  En  dehors  des  phobies  de  la  parole  qui,  bien 
entendu,  rendent  le  langage  impossible,  dans  beaucoup  d'an- 
goisses la  parole  devient  saccadée,  hésitante,  embrouillée.  Cer- 
tains malades  ont  pendant  ces  crises  une  parole  tout  a  fait 
spéciale  qui  permet  de  reconnaître  leur  état. 

Si  nous  passons  aux  fonctions  viscérales  il  faut  rappeler  que 
les  angoisses  d'un  certain  nombre  de  malades  déterminent  des 
excitations  génitales.  Chez  les  uns  comme  chez  Jean,  ces  excita- 
tions et  les  érections  sont  en  rapport  avec  des  obsessions  erotiques 
et  l'on  peut  dire  que  ce  sont  les  rêveries  des  sujets  qui  ont  amené 
l'excitation. 

Mais  chez  d'autres  et  en  particulier  chez  Claire  et  chez  plu- 
sieurs autres  l'excitation  génitale  se  produit  la  première  comme 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

sorte  de  dérivation  de  Tangoisse  ou  de  Tagitation  motrice  et 
obsessions  erotiques  ne  viennent  qu'à  la  suite.  Hb...  (47)9 
me  de  4o  ans,  toujours  timorée  et  scrupuleuse,  est  restée 
;e  sa  vie  très  calme  au  point  de  vue  génital.  A  la  suite  de  la 
t  de  son  père,  elle  se  sent  seule  et  abandonnée,  elle  a  des 
es  de  désespoir.  A  ce  moment  elle  a  une  excitation  génitale, 
|ue-là  inconnue  et  ne  peut  résister  au  besoin  de  se  mastur- 
.  «  Après  Tavoir  fait  elle  se  sent  mieux,  moins  délaissée  et 
j    courageuse.    »    On  peut    rattacher  a    cette   excitation    des 

mes  génitaux  de  curieuses  exagérations  de  sécrétion.  Ku 

s  ses  angoisses  «  perd  de  Teau  par  le  vagin  comme  une  femme 
accouche  ».  Il  ne  s'agit  pas  d'une  sécrétion  purulente  qui  se 
ache  à  quelque  métrite,  c'est  une  sécrétion  aqueuse  réellement 
considérable  qui  n'existe  qu'au  moment  de  ces  excitations  et 
disparait  ensuite. 

es  troubles  gastro-intestinaux  en  rapport  avec  l'obsession  et 
poisse  doivent  être  importants  mais  ils  sont  didiciles  à  étii- 
.  En  effet  il  ne  faut  pas  oublier  que  tous  ces  malades  ont  au 
'ême  degré  l'état  neurasthénique  dans  lesquels  les  troubles 
estomac  et  de  l'intestin  sont  fondamentaux.  Presque  toujours 

alimentation,  leur  digestion  gastrique,  leurs  fonctions  intes- 
les  sont  très  défectueuses  et  cela  d'une  manière  constante. 
s  aurons  à  les  étudier  en  examinant  l'état  général  de  leur 
é  physique.  Mais  il  est  bien  difficile  de  constater  si  quelques- 
de  ces  troubles  digestifs  concordent  exactement  avec  la  crise 
goisse.  Chez  beaucoup  de  malades  il  n'en  est  pas  ainsi,  nous 
ms  même  à  signaler  chez  Lise,  par  exemple,   et   chez  Gisèle 

sorte  d'alternance  entre  les  troubles  psychiques  et  les 
blés  gastriques.  Il  faudrait  maintenant  constater  des  troubles 
(stifs  aigus  au  moment  de  l'angoisse.  Legrand  du  Saulle 
arquait  déjà  qu'ils  sont  rares  et  il  faisait  observer  que  les 
*aphobcs  ne  vomissent  pas,  ce  qui  les  distingue  des  autres 
igineux. 
ependant  on  constate  quelquefois  des  troubles  de  l'alimenta- 

et  de  la  digestion  qui  coïncident  avec  l'angoisse.  La  plupart 
malades  refusent  de  manger  pendant  leurs  angoisses.  Ku... 
'estée  six  semaines  presque  sans  alimentation,  et  il  ne  s'agis- 
pas  ici  d'un  refus  d'aliments  dépendant  d'une  obsession,  mais 
i  dégoût  en  rapport  avec  l'angoisse.  D'autres  ont  des  crises 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  -  LES  ANGOISSES     223 

de  boulimie  comme  Lkb...  (loo)  qui  à  ce  moment. voudrait  dévo- 
rer, mais  je  ne  suis  pas  sûr  que  cette  boulimie  dépende  unique- 
ment de  l'état  de  l'estomac  et  ne  soit  pas  en  rapport  avec  un  sen- 
timent général  de  faiblesse  que  nous  retrouverons  parmi  les 
troubles  moraux. 

Parmi  ceux  qui  continuent  h  manger,  un  grand  nombre 
comme  Gr...,Bu...,  Bx...(20o)  se  plaignent  de  nausées  pénibles, 
une  seule  malade  Claire  a  rendu  deux  ou  trois  fois  son  repas  au 
milieu  de  ses  contorsions.  Bien  entendu  nous  mettons  à  part  ceux 
qui  ont  des  tics  de  vomissements,  des  crises  d'efforts  de  vomisse- 
ments, des  phobies  de  la  digestion,  il  faudrait  tous  les  rappeler 
ici.  Ce  qui  est  plus  fréquent  c'est  que  les  malades  sans  tics  et 
sans  phobies  particulières  se  rapportant  à  la  digestion  souffrent 
cependant  de  la  digestion,  se  sentent  l'estomac  gonflé,  le  ventre 
serré,  qu'ils  ont  des  spasmes  de  l'œsophage,  qu'ils  sentent  la 
boule  qui  monte  h  la  gorge,  qu'ils  se  plaignent  d'avoir  la  bouche 
sèche,  pâteuse  et  amère.  Bx...  a  constamment  ce  mauvais  *goût 
dans  la  bouche  tout  le  temps  que  dure  la  période  de  phobie. 
Chez  quelques-uns  ces  troubles  vont  jusqu'à  l'indigestion,  quand 
la  crise  survient  peu  de  temps  après  un  repas. 

Il  faut  noter  aussi  les  crises  singulières  de  diarrhée  que  l'on 
observe  de  temps  en  temps.  Chez  Xo...  c'est  un  véritable  flux 
intestinal  répété  et  extrêmement  pénible.  Chez  Gisèle,  chez  I.ise 
c'est  un  état  lientérique  qui  s'établit  quand  elles  sont  angoissées 
et  les  aliments  sont  rendus  sans  aucune  digestion.  Chez  plusieurs, 
chez  Gs...  en  particulier  une  sécrétion  aqueuse  continue  à  flots 
même  quand  les  matières  sont  rendues  par  excitation  des  glandes 
de  rintestin.  11  y  a  une  hydrorrhée  intestinale  comme  une  hydror- 
rhée  utérine  et  nasale. 

Enfin  il  faut  noter  chez  plusieurs  de  la  pollakiurie  et  plus 
rarement  de  la  polyurie  vraie;  dans  une  demi-journée  d'angoisse 
Claire  rend  trois  litres  d'urine.  Plusieurs  autres  m'ont  indiqué  le 
même  fait  sans  l'avoir  mesuré. 

Avec  les  fonctions  de  la  circulation  nous  arrivons  à  des 
troubles  qui  sont  plus  nettement  en  rapport  avec  l'angoisse. 
Beaucoup  de  malades  se  plaignent  de  souffrir  au  cœur  à  ce  mo- 
ment et  ils  ont  à  ce  propos  comme  toujours  des  descriptions 
imagées  et  symboliques.  «  Je  ressens,  dit  Al...  (i5),  quelque 
chose  qui  me  resserre  et  me  gêne  à  gauche  et  qui  monte  jusqu'à 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

lime  un  caillot  qui  serait  dans  le  cœur  et  qui 
r  »,  «  je  souffre  horriblement,  dit  Mm...  (5), 
parce  que  le  cœur  déborde  et  que  ce  trop-plein 
id  tout  autour...,  le  cœur  baigne  dans  Tennui 
é  plongé  dans  un  vase  rempli  d'ennui.  »  On  ne 
nène  physiologique  qui  se  cache  sous  ces  méta- 

les  comme  Claire  prétendent  sentir  qu'elles 
r.  Ce  serait  un  phénomène  plus  facile  a  vérifier 
s  pu  constater  ces  arrêts  du  cœur  ni  même  de 
sements  du  pouls,  les  malades  disent  toujours 
en  syncope,  qu'ils  se  sentent  près  de  s'évanouir, 
s  observé  au  cours  de  Tangoisse  de  véritables 
es.  Les  pertes  de  conscience  sur  lesquelles  nos 
mt  de  tout  autre  nature. 

State  véritablement  et  cela  d'accord  avec  le  dire 
nt  des  palpitations  cardiaques  «  mon  cœur  est 
...,  il  bat  comme  si  Ton  retirait  le  balancier 
Brk...  parle  des  chocs  violents  de  son  cœur  et 
;ur  ce  sujet.  D'après  lui  son  cœur  a  non  seule- 
[its  précipités  mais  des  battements  énormes  qui 
locs  douloureux  sur  la  poitrine  et  que  l'on  doit 
ce  déclanchement  du  cœur,  comme  il  l'appelle 
['il  redoute  le  plus  au  maximum  de  l'angoisse» 

qu'il  fait  toutes  ces  opérations  de  rumination 
ies  battements  en  les  comptant  suivant  sa  manie 
l'ai  déjà  fait  remarquer  h  ce  propos  que  ce  compte 
^inaire.  Malgré  les  exagérations  relatives  ù  ces 
il  est  certain  à  l'auscultation  que  leur  cœur  bat 
t  très  vite.  Il  n'est  pas  rare  de  constater    loo, 

minute  et  plus,  surtout  chez  ceux  qui  s'agitent 
efois  comme  chez  Claire  ces  palpitations  se 
ine  journée  même  après  la  fin  de  la  crise  d'an- 

]  sang  dans  les  artères   est  beaucoup  étudiée 

îs  états  névropathiques  :  M.  de  Fleury  croit  que 

de  la  tension   au-dessus    ou    au-dessous  de  la 

grand  rôle  dans   la    neurasthénie*.   Je  trouve 

"ancls  symptômes  neurasthéniques,  1901,  p.  69 (Paris,  F.  Alcan). 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES     225 

pour  ma  part  ces  mesures  de  teusioa  du  sang  assez  diiliciles  a 
prendre  chez  Thomme.  Je  me  servais  au  début  de  l^appareil  de 
Chéron  et  j'ai  remarqué  que,  si  je  faisais  prendre  par  plusieurs 
personnes,  puis  par  moi-même,  la  tension  d'un  sujet  au  même 
moment,  nous  arrivions  à  des  résultats  absolument  discordants  et 
cette  contradiction  m'a  découragé.  Depuis,  je  me  suis  servi  de 
l'appareil  de  Potain  et  les  résultats  me  semblent  un  peu  plus 
précis,  je  ne  crois  cependant  pas  pouvoir  attribuer  à  ces  chiflres 
une  extrême  précision. 

Beaucoup  de  sujets  me  semblent  conserver  une  tension  à  peu 
près  normale,  Jean  qui  est  si  angoissé  m'a  présenté  le  plus  sou- 
vent i4,  i5  ou  16;  sur  trois  sujets  j'ai  observé  des  chiffres  de  19 
et  de  20,  c'est-à-dire  supérieurs  à  la  normale,  ce  sont  des  sujets 
qui  s'agitent;  chez  deux  autres:  Lise  et  Gisèle  les  chiffres  de 
9  et  de  II,  ce  sont  des  sujets  qui  semblent  plutôt  immobiles 
dans  leur  angoisse.  Une  seule  observation  m'a  laissé  une  impres- 
sion assez  nette:  Rk...  est  venu  me  trouver  un  matin  parce  qu'il 
avait  été  pris  dans  la  nuit,  à  trois  heures  du  matin,  d'une  de  ses 
obsessions  avec  manie  mentale  d'interrogation  qui  avait  peu  à 
peu  amené  une  angoisse.  La  figure  était  tout  à  fait  décomposée, 
cet  homme  de  l\o  ans  ordinairement  sanguin  était  blême,  il  avait 
la  peau  froide,  le  cœur  battait  60  pulsations  seulement  et  la  pres- 
sion mesurée  avec  le  sphigmomanomètre  de  Potain  me  paraissait 
nettement  très  basse,  9  où  10  au  plus.  J'ai  pu  le  remonter  par 
une  série  de  procédés,  que  j'indiquerai  plus  loin,  le  forcer  au 
travail  et  à  l'effort  et  je  vis  peu  à  peu  son  teint  changer,  la 
figure  se  colorer.  La  pression  que  j'ai  reprise  était  au  moins 
de  16.  Dans  ce  cas  l'angoisse  a  manifestement  coïncidé  avec  les 
symptômes  d'affaiblissement  cardiaque. 

Mais  j'hésiterais  beaucoup  à  généraliser  celte  observation. 
D'autres  auteurs,  en  particulier  MM.  Vaschide  et  Marchand*  ont 
constaté  une  augmentation  de  la  pression  artérielle  de  2  centi- 
mètre et  demi  en  moyenne.  La  pression  normale  de  leur  sujet  était 
de  i8,5  et  sous  l'influence  de  l'angoisse  (il  s'agissait  d'un  éreu- 
lophobe)  elle  s'élevait  à  21   centimètres.  J'ai  observé  moi-même 


I.  Vaschide  et  Marchand,  Contribulion  à  l'élude  de  la  psycho- physiologie  des 
émotions  à  propos  d'un  cas  d'éreutophobie.  Revue  de  Psychiatrie,  juillet  1900. 
Ufficio  che  le  condizioni  mentali  hanno  sulle  oiodiGcazioni  délia  respirazione  cl 
dolla  circulazione  periferica.  Rivista  sperimentale  di  freniatrioj  1900. 

LES  OBSESSIONS.  1.  —   l5 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

élévation  dans  certains  cas,  sans  compter  les  cas  plus  nom- 
K  encore  où  la  pression  a  été  trouvée  normale, 
s  troubles  des  vaso-moteurs  ont  été  également  présentés 
ne  essentiels.  M.  Ribot,  avec  Wundt  et  Mosso,  croit  que  le 
hement  momentané  de  Tinnervation  vaso-motrice  cause  la 
eur  du  visage  et  se  présente  comme  une  compensation  de 
aération  des  battements  du  cœur\  MM.  Pitres  et  Régis  font 
'  un  rôle  considérable  à  cette  dilatation  des  vaisseaux  cutanés 
ccompagne  Téreutophobie.  Je  fais  simplement  remarquer  ici 
3es  phénomènes  vaso-moteurs  sont  très  variables  dans  Tan- 
e  :  si  on  constate  la  rougeur  chez  quelques-uns,  on  observe 
d'autres  une  pâleur  livide  qui  même  me  semble  plus  frè- 
te. Il  y  a  quelquefois  des  alternatives  assez  rapides  de  rou- 
et de  pâleur;  enfin  chez  beaucoup  la  coloration  des  tégu- 
s  reste  tout  à  fait  normale. 

s  expériences  que  Ton  peut  faire  sur  Tétat  des  vaso-moteurs 

main  ne  doivent  pas  être  généralisées  trop  vite  :  il  n'est  pas 

in  que  la  circulation  du    reste  du  corps  et  surtout  du  cer- 

présente  les   mêmes   modifications.  J'ai  pu  appliquer  dans 

cas  le  plétismographe  de  MM.  Hallion  et  Comte  pendant  les 

isses  rendues  évidemment  plus  modérées  par  Texpérience. 

un  cas  le  tracé  de  la  circulation  capillaire  était   identique 

ui  que  j'avais  pris   pendant  l'état  normal.  Dans   l'autre  le 

des  pulsations  était  fort  réduit  tandis  qu'il  était  assez  fort  à 

normal  :  cela  indiquerait  un  certain  degré  de  constriction 

ilaire.  MM.  Yaschide  et  Marchand  dans  leurs  études  sur  un 

ophobe^  constatent  deux  formes  du  pouls  radial  et  du  pouls 

laire  suivant  que  l'émotion  et  l'angoisse  sont  faibles  ou  devien- 

plus  intenses,  «  à  la  première  correspond  un  pouls  rapide, 

Lin  dicrotisme  accentué  et  un  sommet  pointu  et  à  la  seconde, 

)uls  lent,  avec  une  pulsation  rapetissante  et  un  dicrotisme 

ement  atténué.  Le  pouls  capillaire  ne  présente  aucun  dicro- 

net;  sous  l'influence  d'une  émotion  de  la  première  catégo- 

l  est    rapide  et  la  ligne  graphique  devient  moins  ondulée. 

e    de  rougir  provoque   une    légère    vaso-dilatation,    tandis 

a  présence  d'une  personne  étrangère  est  accompagnée  d'une 

constriction  avec  effacement  considérable  de  la  pulsation,  le 

ibol,  Psychologie  des  sentiments,  477- 

aschide  et  Marchand,  op.  cit.,  les  tracés  qui  ne  sont   pas    publiés  dans  ]*ar- 

einçais  se  trouvent  dans  Fédition  italienne,  Biv.  sper.  d.  freniatria,  1900. 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DÏFKtJSES.  —  LES  ANGOISSES     22T 


Les  troubles  physiologiques  les  plus  visibles  et  les  incontes- 
tables  sont  toujours  les  troubles  des  mouvements  respiratoires. 
Tous  les  malades  qui  ont  des  angoisses  se  plaignent  de  ne  pas 
respirer,  d'étouffer  ;  Lkb...  se  plaint  d'avoir  des  resserrements  à 
la  poitrine,  des  gènes  de  la  respiration;  «  il  me  semble,  dit 
Bt...  (44),  que  je  m'arrête  de  respirer  ».  «  Je  sentais  que 
j'étouffais,*  dit  sans  cesse  Fy...,  je  sentais  que  rien  ne  remuait 
dans  ma  poitrine  et  il  me  semblait  que  les  autres  personnes  ne 
devaient  pas  respirer  non  plus  ;  alors  ce  devait  être  la  fin  du 
monde,  tout  le  monde  mourait  étouffé,  *  et  comme  mes  étouffe- 
ments  augmentaient  je  me  suis  traînée  chez  la  concierge  pour  lui 
demander  si  elle  étouffait  aussi  ». 

Ces  troubles  respiratoires  ne  sont  pas  purement  subjectifs  ;  on 
peut  facilement  les  constater.  MM.  Yaschide  et  Marchand,  dans 
le  travail  précédemment  cité  observent  que  la  seule  idée  de  rou- 
gir provoque  chez  leur  malade  une  accélération  de  la  respiration 
avec  augmentation  de  l'amplitude,  et  que  l'angoisse  plus  intense 
amène  un  ralentissement  avec  irrégularités  et  fausses  respira- 
tions en  saccades". 


I.  Vascbide  et  Marchand,  op.  cit.,  p.  ao^. 

a.   Hartenberg,  Les  timides  et  la  timidité,  p.  37. 

3.  Vaschide  et  Marchand,  op.  cit  ,  p.  ao3. 


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y^ 


pouls  se  ralentissant.  Dans  les  deux  cas,  le  sujet  rougit  et  pour- 
tant on  constate  tantôt  une  vaso-dilatation,  il  est  vrai,  légère, 
tantôt  une  vaso-constriction,  ce  qui  nous  fait  penser  qu'il  est 
prématuré  d'admettre  l'idée  de  vaso-dilatation  comme  synonyme  .     ',"$ 

de  la  rougeur*  ». 

Des  troubles  de  la  sécrétion  sudorale  s'ajoutent  à  ces  modifi- 
cations vaso-motrices,  beaucoup  de  ces  malades  sont  couverts  de 
sueur.  Ces  sueurs  sont  naturelles  chez  Claire,  car  elle  se  livre  à  une 
gymnastique  effrénée,  mais  d'autres  comme  Al...,  Dv...,  UI..., 
Lkb.  .,  etc.,  ont  la  figure  et  les  mains  couvertes  de  sueur  quoiqu'ils 
gardent  l'immobilité,  comme  la  peau  se  refroidit  par  vaso-constric- 
tion  en  même  temps  que  la  sueur  s'écoule,  celle-ci  parait  fréquem- 
ment froide'.  Un  malade  curieux Rul...,  homme  de  4o  ans,  qui  ne 
peut  rester  immobile  sur  une  chaise  et  que  nous  avons  présenté 
comme  un  cas  d'akathisie,  a  le  front  couvert  de  grosses  gouttes  de  ig 

sueur  si  on  le  force  à  rester  assis  plus  de  quelques  minutes.  '-û 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES     229 

mêmes  phénomènes  plus  accentués;  il  y  a  25  respirations  par  mi- 
nute et  elles  sont  beaucoup  plus  irrégulières  ;  la  respiration 
abdominale  est  à  peu  près  supprimée  et  remplacée  par  une  tré- 
mulation  désordonnée. 


FiG.   'i.  —  Uespiraliun  angoissée  de  Ul...  quand  elle  essajfc  de  regarder  quelqu'un  dans  les 
yeux.  20  respiraUons  par  minule. 

Dans  la  figure  5  la  polypnée  de  Lkb...  est  tout  à  fait  énorme, 
88  respirations  par  minute,  avec  de  grandes  irrégularités.  Un 
autre   type    de    respiration    dans   Tangoisse  est   celui  que   nous 


FiG.  5.  —  Respiration  aogoi»»ce  de  Lkb...  88  respirations  par  minute. 

voyons,  dans  la  figure  6  prise  sur  Sy...  ;  il  n'y  a  pas  de  polypnée, 
il  y  a  au  contraire  diminution  du  nombre  des  respirations,  lo  à 
peine  par  minute.  Mais  la  respiration  se  fait  par  soupirs  brusques, 
et  profonds.  Chaque  inspiration  est  une  sorte  de  mouvement 
convulsif  surtout  du  diaphragme.  Même  quand  la  malade  est  un 
peu  calmée  (figure  7)  elle  conserve  quelque  chose  de  cette  respira- 
tion brusque.  Ces  deux  troubles  principaux,  la  polypnée  et  les 
spasmes  inspiratoires,  se  combinent  le  plus  souvent  et  la  figure  8 
prise  sur  Rib...  (68)  doit  présenter  le  trouble  le  plus  commun:  la 


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SIO  LES  AGITATIONS  FORCÉES 


S, 

e 


S 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES.  —  LES  ANGOISSES     231 

respiration   très    irrégulière    surtout   au  diaphragme  est  entre- 
coupée de  grands  soupirs  convulsifs. 


FiG.  7.  —  Respiration  de  Sy...  (]uaDd  Tangoisse  diminue.  18  respirations  par  minute. 


Je  n*ai  pu  qu'une  seule  fois  mesurer  au  spiromètre  de  Verdin 
la  quantité  d'air  absorbé  et  je  l'ai  trouvée  malgré  la  polypnée 
très  inférieure  à  la  normale;  je  n'ai  pu,  comme  je  l'avais  fait 
pour  les  hystériques,  faire  l'analyse  des  gaz  de  la  respiration.  Il 
est  probable  que  l'on  verrait  là  d'autres  troubles  qui  s'ajouteraient 
aux  précédents. 


FiG.  8.  —  Respiration  angoissée  de  Rib...  a5  respirations  par  minute,  soupirs  et  polypnée, 
irrégularité  complète  de  la  respiration  abdominale.- 


Tels  sont  sommairement  résumés  les  principaux  troubles  phy- 
siologiques que  Ton  observe  dans  les  angoisses. 


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ES  AGITATIONS  FOf 

logiques  de  Vang 

>i8se  des  troubles 
st  même  probaL 
es  doivent  être  s 
'observer  et  surt 
ureuses  on  poui 
ues,  vaso-motri( 
L»  CCS  altérations 
(Ile  est  uniqucnie 
cations  organiqu 
'ves  à  faire, 
'a  reprise  h  prop< 
noment  il  suffit 
ore  et  souvent  b 
la  tète  et  de  gra 

remarquait  just( 
llectuelle,  c'est  i 
iiquc'  »,  sans  ail 
[ue  l'angoisse  n'e 
cérébrale  et  inte 
elte  seconde  pa 
Hit  même  subsist* 
qui  peut  se  tro 
itolie  et  qui  n'a 
qui  est  propre  a 
30up  d'importanc 
k^ent  tous  des  s 
s  la  tête  et  que 
Rucoup  sur  certî] 
ment  d'ordre  mci 
?s  dans  ces  momi 
ir  ma  raison.  »  Ih 
lit  la  tête  (Dob... 

tous  devenir  foi 
lient,  à  la  fois  un< 
B  m'a  saisie»  (Fy 

Jcs  l'obsession.  Arc/itt 


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LES  AGITATIONS  ÉMOTIONNELLES  DIFFUSES. 

drôles  tout  d'un  coup,  j'ai  ie  sentiment  fn 
folle  et  c'est  alors  que  j'ai  peur.  J'ai  envie  d 
je  deviens  folle  et  idiote  »  (Sy...). 

Un  autre  sentiment  très  bien  noté  par  ' 
mourir  «Je  perds  non  seulement  la  raison 
me  semble  que  je  meurs,  heureusement  que 
ont  aussi  le  sentiment  de  ne  plus  percevoi 
«  Vous  ne  pouvez  pas  comprendre  le  nuag 
sans  cesse  Jean,  qui  vous  tombe  sur  les  yeux 
ment-là.  »  «  Ce  qui  me  donne  Tanxiélé,  dit 
le  sentiment  de  ne  plus  comprendre  où  je 
j'ai  comme  un  froid  et  un  engourdissement 

Enfin  ils  ont  le  sentiment  de  perdre  leu 
comme  des  automates,  de  ne  plus  pouvoir 
actes  et  c'est  ce  qui  leur  donne  de  telles 
sottises.  «  Quel  moment,  écrit  Dob...,  no 
plus  une  parcelle  de  vglonté,  je  suis  comme 
les  flots  et  ma  tête  se  perd  parce  que  je  sei 
du  tout  maîtresse  de  moi.  » 

Ces  sentiments  me  paraissent  de  la  pli 
dans  l'angoisse,  ils  soulèvent  un  problème  c 
trompe,  n'a  encore  été  bien  entrevu  que  pa 
blême  des  troubles  psychologiques  qui  se  m 
crise  et  qui  existent  peut-être  perpétua 
moindre  chez  les  scrupuleux. 

Il  faut  analyser  ces  altérations  des  fonc 
avant  de  chercher  à  interpréter  le  mécanisi 
des  processus  irrésistibles.  Il  me  semble 
l'étude  des  troubles  psychologiques  penda 
mentale  de  celles  des  troubles  psychologiqu 
moins  constamment  chez  les  obsédés,  les 
exagérations  des  autres.  Aussi  les  étudieron 
sous  le  nom  de  stigmates  psychologiques 
dans  le  chapitre   suivant. 

Pour  le  moment,  contentons  nous  de  rési 
les  principales  formes  des  agitations  émoti 
d'être  étudiées. 


I.   Séglas,  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  mentales  e 
p.  ii8. 


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ATIONS  FORCÉES 


RCÉBS  ÉMOTIONNELLES 


de  la  poitrine, 

des  seins, 

de  la  peau, 
j  de  la  tète, 
îlgies.  .     .  /  des  dents,  de  la  langue, 
I  des  membres, 

des  organes  génitaux, 

de  la  vessie,  de  l'urètre, 

de  Tanus,  etc. 

des  mouvements  des  bras, 

de  récriture, 

de  la  marche, 
I  de  Talimentation, 
1  de  la  déglutition, 
«phobies     )  de  la  digestion, 
fonctions. .  \  de  la  défécation, 
I  de  la  respiration, 
'  de  la  parole, 

de  Todorat, 

de  l'ouïe, 

de  la  vue,  etc. 

des  objets  dangereux, 

des  objets  sales, 

des  objets  de  valeur, 

des  hommes  ou  des  femmes, 

des  animaux, 

des  instruments  professionnels,  etc. 

agoraphobie. 

phobie  des  endroits  élevés, 

claustrophobie,  etc. 

ércutophobie, 

dysmorphophobie, 

phobie  des  poils,  des  traits  de  la 
Bgure,  des  mouvements  du 
visage  ou  des  membres. 

phobies  des  domestiques, 
—      du  mariage,  etc. 

des  idées  religieuses, 

des  idées  morales, 

de  l'idée  de  mort, 

de  l'idée  de  maladie,  etc. 
i  digestives, 
[iques..     .  |  circulatoires, 
[  respiratoires. 


situations 
iiysiques 


situations 
iociales 


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UNITÉ  CLINIQUE  DES  AGITATIONS  FORCÉES 


QUATRIÈME  SECTION 
CARACTÈRES    GENERAUX    DBS    AGITATIONS    FORCÉES 


Cette  longue  analyse  de  toutes  sortes  d'opérations  forcées 
envahissent  l'esprit  des  malades,   avait  pour  but  non  seulem 
de  décrire  leurs  très  nombreuses  variétés  mais  encore   d'étal 
entre  elles  quelque   ordre  en   les  réunissant  par  classes,  en 
ramenant  à  quelques  types  principaux.   Nous  sommes  ainsi  [ 
venus  à  constater  trois  classes  ou   trois  types  principaux  de 
phénomènes  : 

1^*  Des    opérations     intellectuelles    que    nous    avons   réur 
sous  le  titre  de  manies  mentales  et  de  ruminations  mentales; 

1^  Des  mouvements  irrésistibles  que  nous  avons  réunis  soui 
nom  de  tics  et  de  crises  d'agitation  ; 

3°  Des  angoisses  viscérales  déterminées  par  des  troubles  or 
niques   surtout  de  la   circulation    et   de   la  respiration. 

Malgré  ces  distinctions  il  est  nécessaire  de  rechercher  les  car 
tcres  communs  appartenant  à  tous  ces  groupes. 


i.  —  Unité  clinique  des  agitations  forcées. 

En  général  l'enseignement  clinique  jusqu'à  ces  demie 
années  s'est  montré  disposé  à  séparer  ces  trois  groupes  de  syr 
tomes  et  à  les  considérer  comme  autant  de  maladies  distinci 
Le  groupe  des  mouvements  forcés  constituait  la  maladie  des 
que  l'on  plaçait  à  part,  les  ruminations  mentales  formaient  la/ 
du  doute  et  les  phénomènes  émotionnels  se  rangeaient  sous  le  ti 
de  du  délire  contact  ou  de  phobies. 

Les  premiers  auteurs  qui  ont  décrit  les  obsessions,  même  qui 
ils  ne  cédaient  pas  à  la  tentation  d'ériger  chaque  manie  en  m; 
die  indépendante  étaient  toujours  disposés  h  distinguer  formel 
ment  ces  divers  groupes  de  symptômes.    Griesinger,  en   i8 


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UNITÉ  CLINIQUE  1 

nions  analogues.  M.  Magnan 
nom  de  «  délire  des  dégénér 

Les  distinctions  complètes 
ces  trois  groupes  de  symptôn 
justifiées  en  clinique.  Un  ind 
qui  cligne  des  yeux,  tourne  I 
physionomie  bien  spéciale  qi 
troublés  par  un  autre  group 
mouvements  il  ne  nous  par 
le  gênent  beaucoup  moins 
loppés  que  ses  tics.  De  mon 
ruminations  abstraites  ne  re 
angoisses. 

Il  est  certain  par  exemple 
plètement  Lise  et  Dob...,  l'u 
ne  manifeste  aucun  trouble, 
agitations  et  ses  souffrances 
borne  à  d'interminables  rur 
femme  agitée,  pleurant  et  cr 
Heu  de  la  rue  et  qui  court  c 
elle  :  Taspect  clinique  est  év 
remarquer  aussi  un  fait  qui 
Legrand  du  Saulle  et  que  cet 
des  phénomènes  semble  jusq 
de  Tautre.  Plus  les  malades 
ments  d'agitation  et  même  ( 
agités  physiquement,  moins 
donc  juste  de  distinguer  ces 
nous  avons  fait  en  répartissar 
tinctes  :  la  prédominance  de 
trois  variétés  de  la  maladie. 

Il  est  impossible  d'aller  pi 
ruminations,  les  tics  et  les  an 
les  malades  passent  très  sou 
nombre  suivent  la  marche  ii 
vont  du  doute  aux  phobies:  Ch 

I .  Legrand  du  Saulle,  Folie  du  doi 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

S  crises  d'agitation,  ses  terreurs  devant  les  églises, 

les  bouteilles,  Ul...  a  eu  des  scrupules,  des  rurai- 
[)ien  et  le  mal  avant  d'être  une  agoraphobe.  On 
aussi  bien  énumérer  des  malades  qui  ont  suivi 
:  De...  avait  des  phobies  génitales  puis  elle  s'est 
»ger  sur  la  façon  dont  elle  était  faite,  sur  l'amour^ 
...  a  eu  longtemps  la  phobie  des  couteaux,  des 
s  elle  a  commencé  un  délire  d'interrogation  sur  la 

hommes  sont  faits,  sur  la  nature  du  monde.  Un 
ont  commencé  par  avoir  des  tics  puis  ont  évolué 

et  les  phobies,  Nu...  (112),  guérie  de  ses  tics  par 
sévère,  commence  les  manies  d'interrogation  ;  la 
)  se  rencontre  également.  Ces  évolutions  diverses 

au  point  de  vue  du  pronostic,  il  suffit  de  remar- 
is existent  toutes. 

er  en  second  lieu  que  ces  divers  phénomènes  se 
uns  les  autres  avec  la  plus  grande  facilité,  soit 
lu  cours  de  la  maladie,  soit  artificiellement  quand, 
itement,  on  cherche  à  supprimer  une  de  ces  agi- 
es  auteurs  ont  remarqué  que  la  résistance  à  la 
amène  l'angoisse.  Si  le  malade  s'efforce  de  ne  pas 
pas  recommencer,  de  ne  pas  compenser,  de  ne  pas 
suffocations  et  des  palpitations  cardiaques  :  au 
lalmesion  le  laisse  donner  libre  cours  à  ses  be- 
ition.  Jean  a  donné  la  main  à  sa  mère,  il  a  l'idée 
m  touchant  la  main  d'un  homme,    s'il   cède  et  s'il 

la  main  d'un  homme,  il  est  sans   doute  mécon- 

fait  une  absurdité,  mais  il  ne  souffre  pas.  Si  ce 
e  soir  quand  il  est  seul  avec  sa  mère  et  si  par 
le  peut  pas  satisfaire  sa  manie,  il  a  des  angoisses 
a  nuit  et  une  grande  agitation  motrice.  Si  Pn... 
ia  phrase  :  a  Allons  diner,  etc.  »  il  est  angoissé  et 

mieux  «  l'entendre  dire  ses  bêtises  plutôt  que  de 
îT  )>.  Dans  bien  des  cas,  les  tics,  les  agitations 
lasturbations  mêmes  viennent  à  la  place  de  rumi- 
n  veut  supprimer  et  inversement, 
lut  pas  oublier  les  sujets  comme  Jean  qui  sem- 
presque  tout  le  temps,  des  tics,  des  ruminations  et 
)  toute  espèce.  Chez  les  malades  sérieusement 
uve   souvent  ces    divers   symptômes   qui  évoluent 


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LES  CRISES  D»AGITATION  FORGÉE  239 

côte  à  côte  et  il  est  facile  de  remarquer  que  dans  les  études  pré- 
cédentes les  mêmes  malades  sont  cités  à  propos  des  diverses  agi- 
tations forcées. 

Je  ne  crois  donc  pas  que,  au  point  de  vue  clinique,  on  puisse 
admettre  une  séparation  complète  entre  ces  divers  groupes  de 
symptômes.  Leur  union  est  encore  vérifiée  par  Tidentité  profonde 
des  caractères  psychologiques  que  Ton  observe  dans  les  uns  et 
dans  les  autres. 


2.  —  Les  crises  d'agitation  forcée. 

Après  cette  longue  analyse  il  faut  essayer  de  dégager  les 
caractères  psychologiques  qui  se  retrouvent  d'une  manière  géné- 
rale dans  ces  ruminations,  dans  ces  agitations  motrices  et  dans 
ces  angoisses.  Je  ne  recherche  pas  encore  leur  interprétation,  je 
voudrais  seulement  ramener  à  quelques  faits  simples  cette  diver- 
sité énorme  de  manifestations  dans  laquelle  on  sent  tant  de  con- 
fusion. 

i.  —  Les  périodes  de  crise. 

Ces  singuliers  phénomènes  moraux  ne  semblent  pas  au  premier 
abord,  au  moins  chez  la  plupart  des  malades,  être  continuels,  ils 
se  présentent  par  crises  plus  ou  moins  fréquentes  et  plus  ou 
moins  longues.  C'est  là  un  caractère  essentiel  qu'il  faut  placer 
au  premier  rang. 

Ce  caractère  est  incontestable  pour  les  agitations  et  les  phobies 
avec  angoisses  viscérales,  il  est  bien  évident  que  Nadia  ne  bouscule 
pas  les  meubles  toute  la  journée  et  que  Claire  ne  fait  pas  conti- 
nuellement des  efforts  et  des  contorsions  ;  il  y  a  des  périodes 
d^agitations  et  des  périodes  de  repos  au  moins  relatif.  Quand 
nous  avons  pris  le  graphique  de  la  respiration  de  Sy...,  nous 
avons  mis  en  opposition  sa.  respiration  pendant  la  période  de 
suffocation  et  sa  respiration  pendant  la  période  de  calme.  Pour 
ces  deux  catégories  de  phénomènes  les  crises  sont  donc  bien 
marquées. 

Ce  caractère  peut  sembler  un  peu  moins  net  quand  il  s'agit  des 
ruminations  mentales.  Chez  beaucoup  de  sujets  les  phénomènes  se 
prolongent  d'une  manière  à  peu  près  indéfinie  :  c'est  le  cas  d'ail- 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

s  de  la  plupart  des  grands  malades.  Lise  prétend   qu'elle    ne 

plus  jamais  de  la  rumination  qui  accompagne  perpétuelle- 
t  toutes  les  actions  de  sa  vie.  A  côté  de  l'action  réelle,  par 
aple,  pendant  qu'elle    fait  travailler   ses  enfants,  ou  même  à 

de  la  pensée  réelle,  pendant  qu'elle  cherche  à  lire  et  à  com- 
idre  un  livre,  il  y  a  toujours  un  énorme  travail  imaginaire  qui 
e  sur  des  scrupules,  des  hésitations,  des  pactes,  des  préoccu- 
Dns  de  la  vie  future,  des  réponses,  des  formules  de  conjuration 
me  4»  3,  2,  et  cela  ne  cesse  à  peu  près  jamais.  Dans  les  périodes 
onne  santé  relative  la  rumination  s'éloigne  et  voilà  tout  ;  elle 
ît  plus  lointaine  «cela  devient  implicite,  comme  disait  Jean». 
»  la  malade  a  toujours  la  conscience  vague  que  ce  travail 
inue  à  se  faire  dans  sa  tète:  «  même  quand  je  vais  bien,  dit 
lie,  il  y  a  toujours  dans  ma  tête  un  petit  ronchonnement.  » 
aie  il  n'en  est  ainsi  que  chez  de  grands  malades  un  peu 
ptionnels.  Beaucoup  de  scrupuleux,  surtout  au  début  de  la 
idie  n'ont  que  des  ruminations  courtes,  quelquefois  d'une 
ine  de  minutes  à  peine.  Dans  la  plupart  des  cas,  chez  Lod..., 
la,  Zei...,  Zo...,  par  exemple,  les  ruminations  se  prolongent 
e  manière  grave  pendant  une  heure  ou  deux,  puis  s'apaisent 

ou  moins  complètement.  \Vo...  sent  très  bien  qu'elle  a  des 
;s   de    calcul    ou    de   perfectionnement   de   ses   prières  ;  elle 
même    reculer   une    crise,   la    remettre    à    plus   tard   et    la 
endre  pour  la  liquider. 

ème  chez  les  sujets  qui  semblent  avoir  la  rumination  conti- 
le,  il  y  a  visiblement  des  exacerbations  momentanées  qui  les 
;nt  à  rester  immobiles,  la    tête    tombant   sur    leurs   genoux, 

des  diminutions  pendant  lesquelles  le  «  petit  ronchonne- 
t  »  ne  les  empêche  pas  de  vaquer  à  peu  près  à  leurs  occu- 
)ns.  11  semble  que  chez  eux  les  crises  se  mêlent  l'une  avec 
re,  que  la  première  n'a  pas  le  temps  de  se  terminer  complè- 
int  avant  que  le  deuxième  ne  commence.  Les  tics  eux-mêmes 
[)nt  continuels  qu'en  apparence.  Non  seulement  ils  disparais- 

pendant  le  sommeil,  mais  pendant  de  longues  périodes  de 
Lirnée,  surtout  quand  le  sujet  est  seul  et  qu'on  ne  lui  demande 
,  ils  existent  à  peine. 

1  un  mot  aucune  de  ces  agitations  forcées  ne  constitue  un 
permanent  stable  du  sujet,  elles  se  développent  par  crises  en 
ort  avec  certaines  occasions. 


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LES  CRISES  D'AGITATION  FORCÉE 


2.  —  Point  de  départ  des  crises. 

Mais  quelles  sont  ces  occasions  qui  servent  de  point  de  de 
à  la  crise  :  on  ne  saurait  trop  y  insister,  car  c'est  là  un  des  pc 
essentiels  qu'il  est  nécessaire  de  bien  constater  avant  de  cher 
à  rinterpréter.  Je  ne  cherche  pas  en  ce  moment  les  condil 
physiques  ou  morales  qui  déterminent  le  début  de  la  maladi 
le  début  d'une  période  d^aggravation  pendant  laquelle  les  c 
sont  plus  fréquentes,  je  cherche  seulement  les  faits  qui 
l'occasion  à  propos  de  laquelle  paraissent  se  développer  les  Ci 
d'agitation  forcée. 

i^  Dans  un  premier  groupe  de  cas  la  réponse  est  parfaitei 
simple.  Ces  crises  commencent  toujours  à  l'occasion  d'une  a* 
volontaire,  11  suffit  de  passer  en  revue  tous  les  exemples  que 
cités  pour  voir  que  dans  un  grand  nombre  c'est  le  début 
acte,  c'est  le  désir  d'accomplir  un  acte  qui  amène  les  a, 
tions  et  les  angoisses.  La  crise  d'agitation  de  Nadia  dé 
quand  elle  essaye  de  me  jouer  un  morceau  de  piano,  les  c 
d'efforts  de  Claire  se  développent  quand  elle  veut  faire 
prières,  se  mettre  à  table  ou  simplement  aller  aux  cabinets, 
un  groupe  de  phobies,  celles  que  j'ai  appelées  phobies  des  ob 
ne  sont  en  somme  que  des  phobies  d'actes.  Je  crois  que  la 
mière  désignation  de  ces  phénomènes  sous  le  nom  de  «  délit 
contact  ))  a  été  tout  a  fait  fâcheuse  et  qu'elle  a  entraîné  lesol 
vateurs  dans  une  voie  fausse.  Ce  mot  semble  indiquer  que  le 
tact  et  l'objet  sont  ici  importants  et  on  a  imaginé  autac 
phobies  que  d'objets.  L'objet  n'est  ici  a  mon  avis  qu'une  occai 
ainsi  que  le  contact,  parce  que  l'on  n'agit  pas  sans  toucher  l 
objets,  mais  l'essentiel  c'est  l'acte.  La  malade  de  Legran 
Saulle  qui  a  la  phobie  des  objets  qui  servent  à  écrire  a  en  ré 
sa  crise  de  phobie  quand  elle  veut  écrire.  Mrc...  a  Tangi 
quand  il  fabrique  ou  veut  fabriquer  des  couteaux  pointus,  G 
quand  elle  veut  ranger  des  vêtements,  Pr...  quand  elle  veu 
purger.  Jean  a  des  tics,  ou  des  ruminations  ou  des  angoisses  qi 
il  veut  voyager,  envoyer  une  lettre,  se  moucher,  se  raser,  se  h 
traverser  une  place. 

11  y  a  certaines  catégories  d'actes  qui  donnent  souvent  i 
sance  à  des  phobies  ce  sont  les  actes  professionnels.  On  voit 
Lch...(78),  télégraphiste,   a  peur  du   télégraphe,  du   bureai 

LES   OBSESSIONS.  1.    —    l6 


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LÈS  AGITATIONS  FORCÉES 

ire  que  la  phobie  se  développe  parce  qu'il  voit, 
appareil  télégraphique?  Non,  c'est  quand  il  veut 
létier  :  ce  qui  le  prouve  c'est  qu'on  a  beau  modi- 
s,  on  ne  le  guérit  pas.  Comme  le  médecin  avait 
lie  du  contact  »  on  ne  lui  fit  plus  toucher  l'ap- 
lique,  on  le  fit  écrire,  recopier  des  bandes,  il 
es  bandes  ;  on  voulut  l'employer  à  tenir  des  re- 
a  phobie  des  registres,  du  bureau  de  poste,  etc. 
essionnel  qui  est  le  point  de  départ  essentiel, 
pe  important  de  phobies,  que  j'ai   désignées  sous 

de  phobies  du  corps,  donne  lieu  a  des  remar- 
ce  sont  des  actes  du  corps,  des  fonctions  corporel- 
înt  l'angoisse.  Remuer  un  membre,  remuer  le  petit 
surtout  dans  beaucoup  de  basophobies  et  même 
manger,  déglutir  comme  on  l'a  vu  chez  tous  les 
déglutition,  digérer,  uriner,  exercer  les  fonctions 

la  selle,  etc.,  voilà  les  fonctions  et  les  actes  qui 
lentiel.  Quand  il  s'agit  des  dysesthésies  des  sens, 
lirer,  l'acte  d'entendre,  l'acte  de  voir  qui  est  le 
de  la  crise. 

yme  pour  les  tics,  le  sourire  obsédant  survient 
trer  dans  un  salon,  parler  a  une  personne  peu 
un  mot  un  acte  diflicile.  Les  tics  avec  coprolalie 
hez  Qi...  que  si  elle  doit  se  lever  de  sa  chaise  et 
n;  c'est  quand  elle  vient  à  l'hôpital  me  demander 
che  qu'elle    est  forcée  de   crier    «  Salaud,  tu   me 

tics  deLod...,qui  fait  claquer  les  doigts,  qui 
.n  pensant  à  Dieu  commencent  quand  elle  doit 
no.  Un  grand  nombre  de  tiqueurs  ne  font  leurs  ~ 

Ul...  qu'au  moment  où  ils  doivent  s'adresser  à 
[ï  commencé  ses  tics  quand  elle  devait  «  voir  des 
cher  une  place...  »,  elle  les  a  maintenant  quand 
[ans  un  omnibus. 

la  même  remarque  ii  propos  des  ruminations,  ce 
li  les  provoquent  le  plus  souvent.  On  vient  de 
a  de  Ger...  commencer  quand  elle  veut  descendre 
illon  pour  le  diner.  Jean  commence  à  ruminer 
fiter  en  omnibus,  quand  il  veut  s'asseoir  à  table, 

etc..  Lise,  quand  elle  veut  écrire  une  lettre, 
I  ses  enfants.  Fi...,  un  notaire  de  ^8  ans,  quand 


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LES  CRISES  D'AGIÎATION  FORCÉE  2ii3 

il  doit  signer  un  acte,  hésite  et  se  met  à  ruminer.  C^est  le  cas  le 
plus  général  et  le  plus  simple.  On  ne  saurait  assez  insister  sur 
son  importance,  car  il  nous  fait  prévoir  qu'il  s'agit  d'une  maladie 
de  la  volonté  et  nous  y  reviendrons  quand  nous  discuterons  les 
phénomènes  d'aboulie  si  importants  dans  cette  maladie. 

Pour  avoir  cet  effet,  pour  devenir  ainsi  le  point  de  départ  de 
la  crise,  il  faut  que  l'acte  soit  volontaire  ;  une  action  involontaire, 
automatique,  exécutée  par  distraction  n'a  aucunement  cet  effet. 
Cela  est  bien  naturel,  car  autrement  les  malades  ne  pourraient 
jamais  bouger;  ils  remuent  cependant  et  ils  accomplissent  une 
foule  d'actions  qui  n'amènent  aucun  trouble  moral  parce  qu'elles 
ne  les  préoccupent  pas.  Legrand  du  Saulle  remarquait  déjà  que 
«  si  le  malade  est  très  préoccupé  et  s'il  a  l'esprit  tendu  il  traverse 
la  place  sans  ressentir  quoi  que  ce  soit^  ».  Lise  se  met  à  table  et 
mange  avec  une  parfaite  indifférence,  elle  s'habille  et  fait  des 
visites  sans  aucun  trouble;  Bu...  travaille  à  son  métier  habituel 
sans  avoir  de  phobies  ;  Jean  lui-même  peut  avoir  l'esprit  tran- 
quille au  milieu  des  actions  les  plus  graves  pour  lui  s'il  est 
distrait  ;  quand  il  va  dîner  en  ville,  il  donne  la  main  à  des 
dames  sans  faire  de  ruminations.  Le  fait  essentiel  c'est  donc 
que  l'action  soit  volontaire,  c'est-à-dire  qu'elle  soit  nouvelle 
dans  une  certaine  mesure  et  que  le  sujet  essaye  de  la  ratta- 
cher à  toute  sa  personnalité. 

Il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  peut  s'agir  d'actions  négatives 
aussi  bien  que  de  positives  :  prendre  la  résolution  de  ne  pas  faire 
une  action,  refuser  définitivement  quelque  chose  sera  l'occasion 
de  l'angoisse  et  delà  rumination  aussi  bien  que  l'effort  pour  faire 
Inaction  ou  pour  accepter  la  proposition.  On  se  souvient  qu'un 
grand  nombre  des  ruminations  ont  commencé  à  l'occasion  de  la 
pensée  d'un  acte  criminel  ou  désagréable  que  le  sujet  voulait 
repousserl  Ici  encore  la  même  remarque  trouve  sa  place,  si  c'est 
par  distraction  que  le  malade  s'écarte  d'une  situation  dange- 
reuse, il  n'y  aura  pas  de  rumination.  Claire  me  répète  qu'elle  ne 
peut  rien  faire  pour  soigner  sa  santé,  que  si  elle  veut  éviter  de  se 
mettre  dans  un  courant  d'air,  elle  va  immédiatement  discuter 
indé6niment;  au  même  moment  je  remarque  qu'elle  s'est  rassise 
et  qu'elle  refuse  de  sortir  parce  qu'elle  a  vu  qu'il  pleuvait.  C'est 


I.  Legrand  du  SauUe,  Agoraphobie,  p.  63. 


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ES  AGITATIONS  FORCÉES 

lire  sous  sa  forme  positive  ou  négative  qui 


lénomène  qui  joue  un  rôle  prépondérant 
irt  de  ces  crises,  c'est  V attention.  En  effet, 
s,  les  ruminations,  les  angoisses  commen- 
Ires  circonstances  quand  il  s'agit  simple- 
as  d'actes.  Je  remarque  alors  que  ces  idées 
lient  pour  être  comprises  un  certain  effort 
étaient  proposées  à  Tacceptation  ou  à  la 
;  pour  faire  attention  et  surtout  l'effort  pour 
mme  tout  à  l'heure  l'effort  pour  agir  qui 
e  ce  singulier  travail  mental, 
is,  Ho...,  est  forcée  de  faire  ses  tics  a  quand 
l'école  »  elle  se  secoue,  se  met  les  doigts 
ongles,  frotte  son  ventre,  pense  à  ses  poils 
la  dictée  est  difficile  ».  On  peut  observer 
nombre  d'enfants  et  la  maîtresse  d'école 
à  la  loi.  Elle  est  très  tranquille  pendant 
cligne  des  yeux  et  secoue  son  épaule  quand 
a  classe  et  surtout  «  quand  il  faut  faire  la 
)  qui  demande  plus  d'attention.  »  Renée  a 
it  lire  un  livre  et  le...  est  «  invinciblement 
iéfiniment  quand  il  se  met  à  sa  table  de 
devoirs.  »  Le  fait  est   banal   et    se   vérifie 

igoisses  peut  être  désigné  sous  le  nom  de 
ïs  naissent  à  propos  de  l'effort  d'attention 
usser  certaines  croyances.  Essayer  de  se 
la  religion,  sur  Dieu,  sur  le  démon,  sur 
Hermine  les  angoisses  de  Lise  et  de  bien 
Qgoisses  quand  il  essaye  de  faire  attention 
s  idée  philosophique  quelconque, 
jur  des  idées  morales  sur  le  devoir,  le  men- 
tons ces  malades  anxieux.  Mais  il  n'est  pas 
e  d'idée  morale  capable,  de  rappeler  leurs 
.  Une  attention  quelconque,  sur  une  lettre, 
iiine  des  phobies  et  des  ruminations  chez 
toute  application  d'esprit  )>  qui  amène  des 
Le  fait  négatif   a  la    même  valeur   que   le 


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LES  CRISES  D'AGITATION  FORCÉE  245 

fait    positif  :    un    effort    pour    nier   une   histoire  absurde    suffit 
pour  ramener  toutes  les  ruminations  de  Lise. 

Enfin  il  faut  encore  ici  faire  la  même  remarque  que  précédem- 
ment, il  ne  s'agit  pas  d'une  idée,  d'une  croyance  quelconque 
agissant  sur  notre  conduite  presque  à  notre  insu,  il  s'agit  d'une 
croyance  volontaire  et  attentive.  Cha...  ne  se  pose  pas  de  ques- 
tions quand  il  enseigne  la  musique.  Claire  a  beau  affirmer  qu'elle 
ne  peut  croire  à  rien,  il  est  évident  cependant  qu'elle  est  con- 
vaincue d'une  foule  de  choses  :  elle  croit  qu'il  fait  jour,  que  j'ha- 
bite à  Paris,  qu'elle  parle  français,  etc.  Toutes  ces  croyances  sont 
impliquées  dans  le  simple  fait  de  m'écrire  une  lettre,  mais  elle 
n'y  fait  pas  attention,  et  ces  croyances  ne  la  troublent  pas.  C'est 
en  somme  l'acte  d'attention  amenant  Tacceptation  ou  la  négation 
qui  a  une  influence  tout  naturellement  analogue  à  celle  de  la 
volonté. 

3*  Un  autre  phénomène  peut  devenir  le  point  de  départ  de 
certaines  ruminations  ou  de  certaines  phobies,  c'est  l'émotion  ou 
du  moins  un  certain  genre  d'émotion. 

Legrand  du  Saulle  *  cite  ce  fait  curieux  :  «  dès  qu'il  faisait  une 
tentative  de  coït,  ses  pensées  surgissaient  aussitôt  avec  la  plus 
grande  intensité  et  glaçaient  toute  disposition  à  la  rigidité  pé- 
nienne.  )>  Cette  observation  intéressante  est  tout  à  fait  banale  :  je 
ne  puis,  on  le  comprend,  raconter  en  détail  les  singulières  con- 
fessions que  m'ont  faites  un  grand  nombre  de  ces  malades  à  pro- 
pos de  leurs  émotions  génitales.  Mais  je  puis  relever  ce  fait 
principal  :  l'émotion  génitale  est  très  souvent  le  point  de  départ 
des  ruminations,  des  tics  et  des  angoisses.  Les  malades  ont  le 
désir,  ils  se  sentent  plus  ou  moins  excités,  et  à  ce  moment  com- 
mencent des  agitations,  des  angoisses  ou  d'interminables  rumi- 
nations mentales.  C'est  aussi  l'instant  où  plusieurs  d'entre  eux 
sont  saisis  par  un  invincible  besoin  d'uriner  ou  d'aller  à  la-selle 
ou  commencent  leurs  tics. 

Il  en  est  de  même  pour  la  douleur  physique  ou  morale.  Lise  a 
une  très  singulière  manière  de  ressentir  les  douleurs  de  l'accou- 
chement.  C'est  à  ce  moment  que  son  esprit  est  envahi  au  suprême 
degré  par  les  manies  du  serment,  des  pactes,  par  des  ruminations 
interminables   et   odieuses.   Les  douleurs  morales   ont   le  même 

I.  Legrand  du  Saulle,  Folie  du  doute,  16. 


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LES  AGITATIONS  FORGÉES 

t.  «  La  joie  OU  la  peine^  dit  Mm... ^  me  font  perdre  Téquilibre  et 

font  retomber  dans  mes  rêveries  ».  a  Les  situations  lugubres, 
Jean,  me  donnent  des  agitations  et  des  crises  de  fou-rire.  » 
ja  colère,  chez  Lise,  est  aussi  le  point  de  départ  de  rumina- 
is et  elle  redoute  même  à  ce  propos  le  plaisir  esthétique, 
[uand  je  jouais  du  piano,  j'y  prenais  plaisir,  je  m'y  donnais,  je 
imballais,  cela  me  faisait  perdre  Téquilibre,  me  faisait  retom- 

dans  toutes  mes  pensées  c'est  pourquoi  je  me  suis  mise  à 
er  toujours  froidement.  »  Il  est  singulier  de  constater  que  ce 
ail  se  retrouve  mot  à  mot  dans  l'observation  d'une  autre  malade 
1...,  c'est  au  moment  où  l'émotion  artistique  va  parvenir  à  son 
nble,  va  déterminer  une  jouissance,  que  se  déclanchent  ses 
urdes  raisonnements.  De  même  une  petite  émotion  qui  com- 
nce  détermine  chez  Cr...  les  crises  d'agitation  et  les  besoins 

marcher  pendant  plusieurs  heures.  Chez  un  bien  grand 
nbre  de  malades  comme  chez  Renée,  Qi...,  etc.,  on  détermine 
î  crise  de  tics  en  fermant  brusquement  une  porte,  en  déter- 
lant  chez  eux  le  début  d'une  surprise  ou  d'une  peur, 
e  crois  que  tout  un  groupe  de  phobies  rentrent  dans  ce  cas, 
les  qui  sont  déterminées  par  la  perception  d'une  situation,  par 
sentiment  et  dont  le  type  est  l'agoraphobie.  Les  ponts,  les 
ndes  places,  les  grandes  rues  font  naître  chez  bien  des  per- 
ines  une  petite  émotion  déterminée,  en  rapport  avec  le  senti- 
nt  de  la  grandeur,  de  l'espace,  de  l'isolement  et  c'est  cette 
ite  émotion  qui  dédanche  les  grands  phénomènes  de  la  rumi- 
ion  et  de  l'angoisse.  J'ai  vu  à  ce  propos  un  cas  d'agoraphobie 
n  curieux  que  l'on  pourrait  appeler  l'agoraphobie  admi- 
ive.  Qs...  ne  peut  se  promener  au  Trocadéro,  «  la  vue  de 
t  de  maisons  l'excite,  il  lui  semble  que  c'est  beau,  grandiose, 
nnant.  C'est  au  début  un  sentiment  agréable  d'admiration, 
s  cela  change.  Je  suis  forcé  de  me  demander  comment  pour- 
3-je  faire  moi-même  pour  bâtir  tant  de  maisons,  comment  les 
nmes  ont-ils  pu  amener  tant  de  pierres  ?  puis  mes  genoux 
mbient,  ma  poitrine  se  serre,  mon  cœur  bat,  j'étouffe  et  je  me 
ve  pour  rentrer.  »  D'autres  phobies  débutent  quand  le  malade 

en  public  devant  des  hommes,  parce  que  alors  se  développe 
notion  de  la  timidité  qui  est  suivie  par  l'angoisse,  chez  Ul..., 
b...,  Meu...,  par  exemple.  Enfin  dans  certains  cas  la  situation 
t  naturellement  faire  naître  chez  tout  homme  de  la  peur  et 
5t  cette  peur  qui  est  suivie  soit  de  rumination,  soit  d'angoisse. 


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LES  CRISES  D'AGITATION  FORCÉE  247 

Il  y  a  là  tout  un  rôle  curieux  de  Témotlon  qui  ne  nous  parait 
guère  connu  et  sur  lequel  il  faudra  revenir  ;  pour  le  moment 
nous  signalons  seulement  ce  fait  que  les  crises  d'agitation 
forcée  débutent  à  propos  des  émotions,  comme  à  propos  des 
actes  et  des  attentions. 

4**  Enfin  je  signale  avec  plus  d'hésitation  et  h  titre  de  curiosité 
une  autre  occasion  de  ces  crises  que  j'ai  observée  plusieurs  fois 
d'une  manière  incomplète  et  une  seule  fois  d'une  manière  tout 
à  fait  nette.  Du...  (^g),  femme  de  3o  ans,  qui  a  toujours  été 
une  scrupuleuse,  a  eu  des  ci^ises  d'agitation  et  d'angoisse  à  propos 
de  plusieurs  des  causes  précédentes,  surtout  a  propos  des  actes. 
Voici  maintenant  à  quel  propos  ces  mêmes  crises  se  déve- 
loppent. Elle  se  couche  pour  s'endormir  et  commence  à  s'as- 
soupir :  tant  que  l'assoupissement  est  léger,  tout  va  bien,  elle  reste 
tranquille  dans  son  lit.  Mais  le  sommeil  va  devenir  profond  ;  à  ce 
moment  elle  se  réveille  subitement  avec  une  énorme  angoisse, 
elle  se  sent  étouffer  et  ne  peut  s'empêcher  de  crier.  La  malade 
ne  perd  aucunement  connaissance,  elle  voudrait  ne  pas  crier  pour 
oe  pas  réveiller  ses  compagnes,  mais  sa  résistance  est  inutile  et 
ne  provoque  qu'une  lutte  plus  douloureuse. 

Il  faut  qu'elle  hurle  et  se  contorsionne  de  mille  manières,  c'est  à 
la  fois  une  crise  d'angoisse  et  une  crise  d'agitation  motrice  comme 
celles  de  Nadia.  Au  bout  de  cinq  à  dix  minutes  tout  se  calme  et 
la  malade  essaye  de  se  rendormir,  car  elle  en  éprouve  un  grand 
besoin  ;  de  nouveau  elle  reste  calme  dans  l'assoupissement  léger 
puis  dès  que  le  sommeil  devient  un  peu  plus  profond  la  crise 
recommence.  11  n'y  a  pas  ici  d'idée  fixe  relative  au  sommeil 
qui  explique  ce  réveil  par  un  rêve  comme  dans  l'observation  de 
Zy...*  et  il  n'est  pas  question  d'hystérie.  C'est  un  phénomène 
analogue  à  toutes  les  crises  précédentes,  il  se  développe  seu- 
lement dans  des  circonstances  singulières  à  propos  du  début  du 
sommeil  profond.  Ce  fait  se  rapproche  de  certaines  observations 
déjà  signalées  dans  lesquelles  l'agitation  forcée  commençait  à 
propos  d*un  début  d'une  fonction  physiologique,  à  propos  de  la 
déglutition  ou  de  la  digestion  par  exemple. 

En  résumé  je  constate  que  ces  crises  d'agitations  forcées,  qu'il 
s'agisse  de  tics,   d'excitations,   de   ruminations   ou   d'angoisses, 

I.  ^t'êvroses  et  Idées  fixes,  I,  p.  355. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

presque  toujours  à  propos  de  Tun  ou  de  Tautre  de 
Lénomènes  principaux,  l'acte  volontaire,  l'attention, 
flFort  pour  s'endormir  profondément.  Nous  pourrons 
ésigner  ces  phénomènes  provocateurs  sous  le  nom 
es  primairesy  tandis  que  les  agitations  forcées  qui 
n  suite    seront    considérés  comme    des  phénomènes 


ibstitution  des  phénomènes  secondaires 
aux  primaires. 

is  les  plus  nets,  cet  acte,  cette  croyance,  cette  émo- 
^tituent  le  phénomène  primaire,  loin  de  parvenir  à 
isparaissent  complètement,  c'est  là  à  mon  avis  le  fait 
rumination  de  l'agitation  et  de  l'angoisse.  On  consi- 
aire  ces  agitations  comme  des  phénomènes  positifs 
3ar  la  présence  d'un  grand  nombre  d'idées  ou  d'émo- 
'ahissent  l'esprit,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  ces 
t  aussi  et  avant  tout  des  phénomènes  négatifs,  carac- 
i  suppression  d'un  acte,  d'une  croyance,  d'une  émo- 
aient  dû  se  produire.  Nous  avons  vu  Ger...  se  lever 
nain  pour  aller  chercher  du  bouillon  chez  la  fruitière; 
s  de  remarquer  qu'elle  a  eu  pendant  deux  heures  sur 
belles  ruminations  à  propos  du  maigre  du  vendredi  ; 
3  oublier  ce  fait  au  moins  aussi  important  c'est  que  le 
pas  été  cherché  et  que  la  soupe  n'a  pas  été  faite,  11  en 
pour  les  croyances  :  un  problème  est  posé  à  l'attention, 
ti  mentale  commence  qui  devrait  aboutir  à  la  croyance 
ie  l'idée,  opération  qui  n'est  faite  en  réalité  que  si  le 
i  l'une  ou  à  l'autre.  Quand  la  rumination  survient 
sieurs  heures  ou  quand  les  angoisses  surviennent,  le 
re,  la  crise  terminée,  dans  le  même  état  qu'auparavant 
pas  s'il  croit  ou  s'il  ne  croît  pas,  eu  un  mot,  que 
l'a  pas  été  faite. 

important  de  constater  des  faits  analogues  à  propos 
ij  le  fait  que  je  me  borne  à  signaler  ici  se  confirmera 

plus  en  plus.  L'excitation  génitale  est  le  point  de 
lobies  ou  de  ruminations,  mais  il  faut  encore  ajouter 


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SUBSTITUTION  DES  PHÉNOMÈNES  SECONDAIRES  AUX  PRIMAIRES     249 

que  ces  phénomènes  secondaires  qui  s*y  ajoutent  ne  semblent 
pas  du  tout  favorables  au  développement  de  l'excitation.  Bien  au 
contraire  le  plus  souvent  ils  amènent  Tarrét  complet  de  toute 
Témotion.  Quand  Lise  a  d'épouvantables  ruminations  au  moment 
des  douleurs  de  Taccouchement,  elle  a  sans  doute  des  souffrances 
morales,  mais  elle  n'a  plus  les  souffrances  physiques  qu'elle  de- 
vrait avoir.  Elle  ne  gagne  pas  au  change,  car  ses  angoisses  morales 
sont  horribles  ;  mais  je  fais  remarquer  que  des  rêveries  sur  la 
damnation  des  enfants,  sur  l'éternité  des  peines  de  l'enfer,  des 
interrogations  sur  le  problème  de  savoir  si  elle  est  folle,  si  elle 
va  quitter  les  siens  pour  aller  demeurer  toujours  dans  une  mai- 
son de  fous,  que  tout  cela  est  très  pénible  sans  doute,  mais 
que  ce  n'est  pas  la  douleur  qu'une  femme  doit  ressentir  en 
accouchant. 

Le  plaisir  de  jouer  du  piano  disparaît  aussi  comme  l'admiration 
du  paysage,  quand  des  agitations  surviennent  a  propos  de  ces 
émotions.  Une  question  bien  plus  délicate  se  pose  à  propos  du 
sentiment  de  la  timidité  et  du  sentiment  de  la  peur.  Ces  senti- 
ments sont  très  souvent  le  début  des  phénomènes  forcés  et  plu- 
sieurs de  ceux-ci,  en  particulier  certaines  angoisses,  leur  ressem- 
blent beaucoup.  C'est  pourquoi  on  a  appelé  ces  phénomènes  des 
phobies  et  on  les  a  souvent  considérés  comme  le  développement, 
l'exagération  de  la  peur  ou  de  l'intimidation.  Je  ne  crois  pas  que 
ce  soit  tout  à  fait  juste  au  moins  dans  tous  les  cas.  Chez  beaucoup 
de  malades  la  peur  précise,  déterminée,  qu'ils  auraient  dans  cette 
circonstance  s'ils  se  portaient  bien,  disparaît,  elle  est  remplacée 
par  de  l'agitation  motrice  ou  de  la  rumination  qui  n'est  pas  de  la 
peur,  et  quand  la  phobie  survient  elle  prend  des  caractères  spé- 
ciaux qui  la  distinguent  de  la  peur  proprement  dite,  a  Je  vois 
des  squelettes  dans  le  musée,  cela  m'aurait  donné  autrefois  une 
vraie  peur,  maintenant  j'ai  des  angoisses  vagues  avec  le  senti- 
ment de  devenir  folle,  ce  n'est  pas  du  tout  la  même  chose.  »  La 
peur  semble  avoir  perdu  sa  précision,  son  rapport  avec  un 
objet  déterminé:  elle  est  devenue  plus  vague  et  plus  élémentaire. 

Dans  les  cas  les  plus  nets  l'on  observe  ainsi  la  suppression 
totale  des  phénomènes  primaires,  c'est-à-dire  de  l'acte,  de  l'at- 
tention, de  l'émotion  qui  était  le  point  de  départ  de  la  crise.  Dans 
les  cas  moins  nets  ces  phénomènes  primaires  ont  simplement 
diminué  et  présentent  des  altérations  que  nous  aurons  à  étudier 
dans  le  chapitre  suivant. 


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LES  AGITATIONS  FORCÉES 

e  ces  phénomènes  primaires  qui,  comme  nous 
s'accomplissent  pas  ou  s'accomplissent  d'une 
satisfait  pas  la  conscience  du  malade  et  à  la  place 
nés  se  développent  brusquement  dans  Tesprit 
iatégorie  d'opérations  que  Ton  peut  considérer 
res.  Tantôt  ce  sont  des  mouvements  variés,  des 
des  crises  d'agitation,  tantôt  ce  sont  des  troubles 
ilpitations,  des  suffocations,  des  angoisses,  tantôt 
ations  mentales,  des  ruminations, 
s  manies  de  perfectionnement  on  voit  que  le 
ajouter  quelque  chose  au  premier  acte,  dans  les 
ation  il  veut  effacer  le  premier  acte  par  quelque 
ans  les  manies  d'oscillation  il  ne  peut  pas  rester 
)remier  phénomène  et  il  passe  incessamment  à 
^n  un  mot  le  caractère  essentiel  de  toutes  ces  ma- 
occasion  du  premier  phénomène  insuffisant  ou 
de  ce  premier  phénomène  l'esprit  place  autre 
is  pas  en  rester  là,  disent-ils  tous,  il  me  semble 
ais  h  ce  premier  point  il  arriverait  des  choses 
et  tous  en  somme  obéissent  à  ce  besoin  en  sub- 
id  travail  au  premier. 

:;ond  travail  qui  constitue  essentiellement  la  rumi- 
n  ou  l'angoisse.  Au  premier  abord,  ces  phéno- 
'es  semblent  de  même  nature  que  les  primaires  ; 
des  actes  à  faire,  des  croyances  à  préciser,  des 
intir.  Cependant  les  phénomènes  sont  loin  d'être 

t  sont  pas  des  actes  réels,  c'est-à-dire  des  opéra- 
e  qui  apportent  un  changement  plus  ou  moins 
ou  moins  durable  dans  le  monde  extérieur.  Les 
e  le  malade  exécute  sont  en  général  insigni- 
ies  gesticulations,  des  secousses  des  bras,  de  la 
)les  prononcées  à  mi-voix  :  «  non,  non,  té,  té,  té, 
s  mouvements  semblent  plus  importants  dans  les 
eux  de  Claire  ou  dans  les  agitations  motrices 
)  Nadia.  Mais  ces  crises  ont  des  caractères  bien 
treignent  leur  importance.  Les  malades  n'accom- 
cte  vraiment  utile  ou  vraiment  répréhensible  :  ils 
t,  menacent  quelquefois  leurs  proches,  mais  en 
les  que  nous  étudions  ici  ne  font  jamais  de  mal  à 


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SUBSTITUTION  DES  PHÉNOMÈNES  SECONDAIRES  AUX  PRIMAIRES     251 

personne.  Quand  ils  s'en  prennent  aux  objets  et  menacent  de 
tout  briser  il  y  a  énormément  d'exagération  dans  leur  attitude. 
Ils  ne  cassent  que  des  objets  in signi (liants  auxquels  ils  ne  tien- 
nent pas.  Si  un  jour  Nadia  a  renversé  un  encrier,  je  crois  que 
c'est  tout  à  fait  par  hasard  et  qu'elle  a  été  la  première  très  dupe 
de  ce  résultat  de  ses  agitations  ;  le  plus  souvent  ces  actes  absurdes 
disparaissent  dès  qu'ils  pourraient  prendre  quelque  importance. 
I^es  malades  s'y  laissent  aller,  par  exemple  quand  ils  sont  seuls 
ou  devant  des  personnes  qui  les  connaissent  assez  pour  n'avoir 
plus  rien  à  apprendre  en  les  voyant,  mais  dès  qu'entrent  des 
étrangers  pour  lesquels  ces  grimaces  pourraient  être  révéla- 
trices, ils  se  reprennent  et  tout  s'arrête  au  moins  momentanément. 
Claire  est  remarquable  à  ce  point  de  vue  et  ne  consent  «  à  faire 
la  folle  »  que  devant  sa  mère,  sa  domestique  ou  son  médecin. 
Enfin,  on  a  déjà  vu,  en  étudiant  les  tics,  que  ce  sont  des  mou- 
vements simples,  maladroits,  souvent  symétriques,  comme  dans 
l'enfance,  en  un  mot  des  mouvements  d'ordre  très  inférieur. 

Dans  d'autres  cas  ces  phénomènes  semblent  plus  complexes 
puisqu'il  y  a  de  nombreuses  pensées.  Ce  que  vaut  cette  pensée 
est  bien  précisé  par  ce  mot  de  rumination  mentale,  c'est  une  opé- 
ration qui  reste  simplement  mentale,  intellectuelle  et  qui  n'arrive 
pas  à  devenir  réelle  sous  forme  de  croyance  ou  d'action.  Ce  sont 
des  images  légères,  incomplètes,  des  mots  surtout  exprimant 
des  idées  vagues  qui  surgissent  à  la  place  de  l'action  concrète 
que  le  sujet  n'exécute  pas.  Le  sujet  s'embrouille  au  milieu  d'in- 
nombrables idées  abstraites  qui  peuvent  être  rattachées  d'une 
manière  quelconque  à  la  pensée  primitive.  «  Il  me  semble,  dit 
Gisèle,  que  j'approfondis  l'idée  d'une  action  très  simple  que  je  ne 
fais  pas;  j'en  vois  tous  les  détails  même  des  détails  très  lointains 
qui  s'y  rattachent  à  peine  ;  je  me  fais  l'effet  d'être  entrée  dans 
l'idée,  elle  me  tient,  m'enserre  de  tous  côtés  et  je  ne  puis  plus 
en  sortir.  C'est  comme  si  j'avais  en  moi-même  un  second  moi 
détraqué  qui  voit  tout  ce  que  l'on  peut  penser  à  propos  de  la 
moindre  action.  » 

Il  est  trop  évident  qu'ils  n'inventent  rien  dans  leurs  rumina- 
tions :  de  ces  heures  de  méditation  si  profonde  il  ne  sort  jamais 
un  fragment  d'idée  à  peu  près  intéressante  ;  il  n'en  sort  pas  non 
plus  une  seule  croyance.  Il  est  facile  de  voir  que  le  malade  ne 
prend  pas  au  sérieux  toutes  les  sottises  qu'il  radote;  ses  menaces, 
ses  idées  de  culpabilité  ou  de  danger  restent  pour  lui  tout  à  fait 


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CITATIONS  FORCÉES 

met  jamais  ses  actions  en  rapport  avec 

manifestent  en  réalité  peu  d*intelli- 
stte  rumination  est  enfantine  et  qu'elle 
aucoup,  au  début  de  ces  études,  de  la 
ntre  les  ruminations  d'une  personne  et 
Àse  est  une  femme  instruite,  qui  a  lu 
/rages  philosophiques,  les  comprend 
^ersations  montre  un  esprit  assez  large, 
snt  aux  questions  obstinées  des  petits 

du  «  comment  »  et  du  «  pourquoi  ». 
^es  sont  remplis  par  les  plus  basses 
*  raisonnements  sur  le  diable  et  le  bon 
âges  avec  le  ciel  et  avec  l'enfer  dignes 
3  nègre.  La  malade  sait  fort  bien  que 
I  compte  que  c'est  de  beaucoup  au- 
ntal  habituel,  il  en  est  ainsi  chez  tous 
pensées  semblent  manifester  un  retour 
la  barbarie. 

)che  aussi  du  rêve  dont  elle  a  le  vague, 
l'incohérence.  Un  autre  caractère  du 
ces  ruminations  c'est  la  déclamation. 
fc  déclamateur  «  une  puce  me  pique,  dit 
)up  d'épée.»  De  même  dans  ces  rumi- 
ragique  ;  il  ne  s'agit  que  de  mort,  de 
fanticide,  de  pacte  avec  les  démons.  11 
entre  le  fait  et  l'expression  quand  on 
si  je  fais  une  seule  fausse  note  dans 
l'âme  de  ma  mère  que  j'irai  en  enfer 
.  »  La  déclamation  qui  est  un  grand 
ntales  domine  dans  le  délire  de  persé- 
se  prend  l'aspect  d'une  cruauté  inouïe, 

ces  ruminations  oii  tout  est  grandi 
ip  plus  que   le   sujet    ne   le  pense  en 

t  l'esprit  pendant  la  rumination  repré- 
n  autre  «ige,  des  idées  d'enfance,  des 
ancienne  et  inférieure  ou  d'un  milieu 
dées  analogues  au  rêve.  Ne  puis-je  pas 
sont  des  idées  inférieures  à  celles  que 


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CARACTÈRES  APPARENTS  DES  AGITATIONS  253 

le  sujet  devrait  normalement  avoir  dans  les  circonstances  où  il  se 
trouve  placé. 

Les  angoisses  paraissent  des  phénomènes  plus  importants  puis- 
qu'elles donnent  lieu  a  de  grandes  souffrances.  Mais  on  peut  remar- 
quer que  leur  importance  est  plus  apparente  que  réelle  :  ces  grands 
mouvements  viscéraux,  ces  palpitations  du  cœur,  ces  respira- 
tions rapides  sont  le  plus  souvent  sans  aucun  danger  et  amènent 
moins  de  syncopes,  moins  d'évanouissements,  moins  de  maladies 
sérieuses  que  les  émotions  réelles  et  moins  bruyantes.  On  connaît 
beaucoup  de  maladies  produites  par  des  émotions,  mais  il  est 
bien  rare  qu'on  les  observe  après  des  agoraphobies  ou  des  éreu- 
tophobies. 

Ces  émotions  pathologiques^  en  effet,  ne  sont  pas  des  émo- 
tions précises  en  rapport  avec  une  situation  réelle,  ce  sont  les 
émotions  les  plus  simples,  les  plus  élémentaires  et  les  plus 
abstraites  en  quelque  sorte.  Les  angoisses  se  rapprochent  de  la 
peur  qui  est  la  plus  élémentaire  des  émotions,  qui  existe  tout  à 
fait  au  début  de  l'évolution  des  sentiments.  Et  même,  comme 
on  Ta  vu,  l'angoisse  n'est  pas  précisément  de  la  peur,  c'est  une 
émotion  encore  plus  élémentaire  que  celle  de  la  peur.  En  réalité 
ce  sont  des  convulsions  viscérales  très  désordonnées,  comme  les 
mouvements  eux-mêmes  dans  les  agitations  motrices.  On  peut 
donc  les  considérer  comme  des  phénomènes  inférieurs  au-dessous 
des  émotions  qui  devraient  réellement  se  développer  à  ce  mo- 
ment. 

En  un  mot,  aux  phénomènes  primaires  qui  ne  sont  pas  exécutés 
ou  qui  sont  exécutés  avec  un  certain  trouble  se  substituent  des 
phénomènes  secondaires  qui  ont  comme  caractère  essentiel  d'être 
des  phénomènes  psychologiques  exagérés  sans  doute,  mais  élé- 
mentaires, inférieurs,  sans  rapport  avec  la  réalité  extérieure  et 
par  conséquent  tout  à  fait  inutiles. 


4.  —  Caractères  apparents  des  agitations. 

A  côté  de  ces  caractères  essentiels  de  la  crise  se  placent  certains 
caractères  apparents  qui  jouent  un  grand  rôle  dans  les  descrip- 
tions classiques  des  obsessions,  la  conservation  de  la  conscience 
pendant  la  crise^  Uirrésistibilité  de  ces  agitations  et  la  satisfaction 


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4  LES  AGITATIONS  FORCÉES 

nsécuti^e  à  la  fin  de  la  crise.  Ces  caractères  qui  sont  compris 
I  général  d'une  façon  très  vague  nous  semblent  beaucoup  moins 
iportnnts  que  ceux  qui  viennent  d'être  étudiés.  Il  suffit  de  les 
^naler  rapidement  ici  pour  montrer  qu'ils  rentrent  en  réalité 
ns  un  groupe  de  faits  beaucoup  plus  vaste,  celui  des  sentiments 
rouvés  par  le  sujet  pendant  les  crises  et  qu'ils  nous  amènent 
une  nouvelle  étude. 

En  premier  lieu,  le  caractère  insignifiant  des  opérations  secon- 
ires  est  jusqu'à  un  certain  point  apprécié  par  le  sujet  lui-même 
li  semble  se  rendre  assez  bien  compte  de  l'inutilité  et  de 
bsurdité  de  telles  opérations.  C'est  là  ce  qu'on  appelle  la 
nservalion  de  la  conscience  pendant  la  crise. 
Faut-il  entendre  par  là  que  le  sujet  sait  comme  nous  que  ces 
[)uvements,  ces  efforts,  ces  procédés  de  perfectionnement,  ces 
cherches  mentales  n'ont  aucun  sens  et  que  ce  sont  des  rêves 
lérils  ?  Evidemment  non,  car  alors  il  n'aurait  aucune  maladie; 
1  arrivait  à  la  négation  nette  et  définitive  sur  un  point,  il  aurait 
rminé  ce  premier  acte  qui  est  le  point  de  départ  de  tout  le 
ste  et  il  n'aurait  pas  de  rumination.  En  réalité  il  n'arrive 
mais  à  cette  négation,  car  il  nous  demande  toujours,  comme 
se  le  demande  à  lui-même  :  Est-ce  que  je  suis  maudit  à  cause 

mes  serments  ?  Est-ce  que  je  ne  dois  pas  chercher  à  faire 
[eux  ?  Est-ce  qu'il  n'y  a  pas  de  danger?  Ce  qu'on  appelle 
nscience  de  la  rumination   ne  doit  pas  être  pris  dans  le  sens 

négation  de  la  rumination. 

Faut-il  entendre  par  cette  conscience  de  l'obsession  que  les 
actions  psychologiques  restent  intactes  pendant  celte  période? 
)us  aurons  à  étudier  ce  problème  en  détail  dans  le  chapitre 
ivant,  mais  dès  maintenant  la  réponse  est  probable.  Peut-on 
nsidérer  comme  intact  l'état  mental  d'un  sujet  qui  ne  peut 
rvenir  au  terme  des  actes  volontaires,  des  croyances,  des 
lotions  qu'il  commence  et  qui  remplace  ces  actes  par  des  opé- 
tions  inutiles  et  absurdes?  Il  est  bien  probable  que  la  con- 
ience  dans  ce  sens  n'est  pas  conservée. 

La  conscience  que  le  malade  a  de  la  valeur  de  ses  phénomènes 
condaires  me  semble  consister  simplement  en  ce  fait,  qu'il  ne 
livre  pas  complètement  à  ces  opérations,  qu'il  n'est  pas  cora- 
ètement  envahi  par  l'agitation,  par  l'interrogation,  par  l'apr 
âsse.  L'opération  lui  semble  incomplète  et  il  ne  se  laisse  pas 
1er  à  un  véritable   délire.  Il  critique  ces  opérations,   il  en  est 


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CARACTÈRES  APPARENTS  DES  AGITATIONS  255 

mécontent  comme  il  était  mécontent  des  opérations  primaires  : 
il  applique  ses  manies  du  doute  à  ses  ruminations  elles-mêmes. 
Nous  retrouvons  ici  les  mêmes  sentiments  d'insuffisance  qui 
existent  partout  mais  qui  ici  rendent  service  au  malade  en  Tem- 
péchant  de  délirer  complètement. 

Un  autre  caractère  présenté  presque  toujours  en  second  lieu 
semble  avoir  plus  d'importance,  c'est  Yinésistibilité  du  processus 
mental  pathologique.  Ces  trois  opérations  secondaires  :  les  mou- 
vements, les  ruminations,  les  angoisses  sont  toujours  représentées 
comme  s'imposant  au  sujet  d'une  manière  irrésistible.  Zwangs- 
vorstellungen  disait  Westphal,  Zwangsprocessus  disait  M.  Mes- 
chede,  diathèse  d'incoercibilité  psychique,  disait  M.  Tanzi  \ 
M.  J.  Donath  de  Buda-Pest  *  avait  même  proposé  pour  réunir 
tous  ces  faits  le  nom  bizarre  d'anancasmes  (ovoy^^^). 

Ce  caractère  est  pourtant  moins  clair  qu'on  ne  se  l'imagine. 
Veut-on  dire  par  là  que  ces  phénomènes  sont  déterminés,  qu'étant 
données  certaines  circonstances  physiologiques  et  psychologiques 
qui  en  sont  les  conditions,  ils  ne  peuvent  pas  ne  pas  se  produire  ? 
Mais  c'est  là  simplement  l'expression  de  la  loi  générale  du  déter- 
minisnae  à  laquelle  sont  soumis  tous  les  phénomènes  sans  excep- 
tion qu'ils  soient  pathologiques  ou  non.  Pourquoi  ne  pas  dire 
aussi  que  le  syllogisme,  la  colère,  la  mélancolie  ou  la  démence 
sont  des  zwangsprocessus  ? 

Veut-on  dire  par  là  que  ce  sont  des  opérations  qui  amènent 
toujours  régulièrement  à  leur  suite  l'exécution  d'un  acte  auquel 
pense  le  sujet  ?  Si  l'on  parle  d'homicides,  de  suicides,  de  vols, 
d'actes  véritables,  c'est-à-dire  d'actions  qui  modifient  la  réalité 
donnée  peut-on  dire  que  les  obsédés  présentent  des  impulsions 
irrésistibles  ?  En  aucune  façon  :  ces  malades,  qui  n'arrivent  pas  à 
exécuter  les  choses  les  plus  simples,  exécutent  encore  bien  moins 
les  actions  complexes  et  invraisemblables  dont  ils  ont  l'idée. 
Nous  avons  vu  que  les  obsessions  des  scrupuleux  n'aboutissent 
jamais  ni  à  l'exécution  matérielle,  ni  à  la  croyance,  ni  à 
l'hallucination  ;  en  ce  sens  elles  ne  sont  donc  aucunement  irré- 
sistibles. 

Veut-on  dire  que  les  opérations  dont    l'exécution  est  régulière 


1.  Tanzi,  Archivio  Ualîano  per  le  malalie  nervosCy  1891. 

2.  J.  Donath,  Archiv  fUr  Psychiatrie,  1896. 


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PATIONS  FORCÉES 

érations  secondaires  et  inférieures, 
»rt6,  ruminations,  émotions  angois- 
1  peu  plus  juste,  car  ces  processus 
(Qet  assez  fréquemment  et  régulière- 
Lie  nous  avons  indiquées.  Est-ce  là 
it  absolue  qui  mérite  à  la  rumination 

qu'on  n'a  pas  l'habitude  d'appliquer 
ilepsie  ?  En  aucune  façon  :  ces  pro- 
r  les  uns  dans  les  autres,  si  je  m'op- 
le  mon  adresse  en  se  promenant  à 
ellement   son  travail,  mais  il  a    une 

n'est  pas  une  recherche  mentale, 
nt  eux-mêmes  tout  arrêter:  M.  Bris- 

montrer  que  les  tics  peuvent  être 
ar  la  volonté.  Nous  l'avons  déjà  véri- 
s  phénomènes,  Qi...,  quia  une  copro- 
al,  cesse  complètement  dans  les  rues 
*es,  Claire  suspend  ses  contorsions 
rer,  Wo...,  plongée  dans  ses  rumi- 
î,  remet  la  crise  à  plus  tard  parce 
et  qu'il  y  a  du  monde  ».  D'ailleurs 
arrêt  volontaire,  difficile  peut-être 
on  arrive  à  restreindre  ces  troubles 
t,  comme  je  l'ai  remarqué  dès  le 
ne  s'exécutent  pas  automatiquement 
iture  subconsciente  des  hystériques. 

y  participe  et  qu'il  doit  même  faire 
es  exécuter.  Tout  cela  constitue-t-il 

d'irrésistible  a  été  appliqué  à  ces 
irvant  du  dehors,  mais  par  le  malade 
iplement  un  sentiment  que  le  sujet 
kénomènes  secondaires.  Les  malades 
\i  leur  liberté,  leur  volonté  a  je  n'ai 
suis  emportée  par  une  force  étran- 
>,  etc.  )).  Ces  phrases  sont  perpé- 
Elles  expriment  un  fait  que  je  crois 
mentale  et  qui  joue  en  particulier 
de  persécution  :  la  perte  du  senti- 
iment  de  liberté  vrai  ou  faux,  peu 


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CARACTÈRES  APPARENTS  DES  AGITATIONS 

importe,  accompagne  chacun  de  nos  actes  volonta 
perd  dans  des  circonstances  pathologiques  qu'il  serai 
tant  de  pouvoir  bien  déterminer. 

Le  sentiment  de  la  perte  de  la  liberté  corresponc 
choses  :  d'abord  à  un  sentiment  d'incapacité  et  d'im] 
est  dû  à  ce  que  le  phénomène  primaire,  acte  volontai 
croyance,  émotion  supérieure  que  le  sujet  désirait, 
qu'il  avait  même  commencé  ne  se  produit  pas,  n'a 
terme  prévu  et  qu'il  y  a  une  déception,  puis  à  C( 
c'est  qu'à  la  place  du  phénomène  espéré  s'en  prot 
qui  est  inutile,  absurde  et  dans  certains  cas  doulou 
sistibilité  est  donc  un  sentiment  du  malade  qui  n 
catégorie  de  tous  ces  sentiments  de  mécontentement 
on  Ta  vu,  accompagnent  l'arrêt  des  actes  volontaires.  ] 
plus  complètement  nous  arrivons  à  cet  examen  d( 
mentales  chez  le  scrupuleux  dont  nous  avons  déjà  vu 

Enfin  le  troisième  caractère  que  Ton  attribue  d'or 
phénomènes,  c'est  la  satisfaction  qu'éprouve  le  mala 
obéi  à  l'impulsion  qui  le  pousse.  Cette  formule  qu( 
toujours  me  semble  comme  les  précédentes  très  vagi 
discutable. 

Le  malade  n'exécute  presque  jamais  une  action  h'u 
n'est  donc  point  dans  l'exécution    finale  d'une  imj 
éprouve  du  contentement.  Veut-on  dire  par  là  qu'il 
d'avoir  accompli  des  tics,  des  ruminations,   d'avoir 
angoisses  ?  H  éprouve  bien  un  certain  soulagement 
quand  cette  crise  pénible  est  finie,  mais  il  n'est  ni 
reux  d'avoir  de  nouveau  cédé  à  un   besoin  qu'il   troi 
Je  n'ai  guère  vu  les  malades  satisfaits  à  la  fin  de  le 
sont  fatigués    et   honteux  d'eux-mêmes.    MM.    Pitr( 
font  la  même  remarque  et  disent  qu'il  s'agit  plutôt 
ment  consécutif. 

Veut-on  dire  qu'il  y  a  un  état  de  satisfaction  penc 
même  de  l'opération  forcée.  M.  Roubinovitch  cite  \ 
malade  est  heureux  de  retourner  à  sa  rumination*.  C 


I.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  54- 

3.  Roabinovitch,  Etat  de  satisfaction  pendant  la  durée  même  â( 
linue.  Comjrhs  des  aliénistes  français ^  La  Rochelle»  1893. 

LES  OBSESSIONS.  } 


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258  LES  AGITATIONS  FORCÉES 

plus  juste,  mais  à  la  condition  de  faire  une  distinction  indispen- 
sable. De  ces  trois  opérations  forcées  il  y  en  a  une  qui  est  parti- 
culièrement douloureuse  c'est  Tangoisse,  tandis  que  l«s  deux 
autres  sont  moralement  pénibles,  mais  ne  sont  pas  physiquement 
douloureuses.  En  outre  cette  opération  pénible,  Tangoisse,  peut, 
au  moins  chez  certains  malades,  remplacer  les  agitations  motrices 
ou  les  ruminations,  si  celles-ci  sont  arrêtées  par  un  effort  de 
volonté.  Si  le  malade  supprime  ses  manies,  cesse  de  tiquer,  il 
aura  de  Tangoisse,  s'il  s'abandonne  de  nouveau  à  ses  manies 
d'expiation,  à  ses  tics,  il  sera  au  moins  débarrassé  de  l'angoisse. 
Comme  le  malade  a  fort  peu  d'énergie  et  de  courage,  il  aime 
mieux  se  laisser  aller  à  toutes  ses  sottises  plutôt  que  de  s'expo- 
ser à  des  suffocations  pénibles.  Cette  satisfaction  que  l'on  note 
chez  le  malade  qui  cède  à  certaines  impulsions  me  parait  être 
simplement  une  préférence  pour  certains  de  ses  phénomènes 
pathologiques  plutôt  que  pour  les  autres,  simplement  parce 
qu'ils  déterminent  moins  de  douleur  physique.  C'est  une  résigna- 
tion à  un  moindre  mal  plutôt  qu'une  satisfaction. 

En  un  mot,  ces  trois  caractères  de  la  conservation  de  la 
conscience,  de  l'irrésistibilité,  de  la  satisfaction  que  l'on  donne 
toujours  comme  les  caractères  essentiels  de  la  crise  d'agitation 
forcée  ne  sont  pas  des  caractères  psychologiques  objectifs  re- 
connus par  le  médecin.  Ce  §ont  des  caractères  subjectifs,  c'est- 
à-dire  des  sentiments  de  doute,  d'absence  de  liberté,  de  résigna- 
tion que  le  malade  exprime  iui-mème  a  propos  de  ses  crises. 
Pour  comprendre  ces  caractères  nous  sommes  donc  amenés  à 
étudier  les  sentiments  qu'éprouvent  les  psychasthéniques  h 
propos  de  leurs  crises,  leur  état  mental  pendant  la  crise  et  en 
dehors  de  la  crise. 

Si  nous  laissons  de  côté  ces  sentiments  subjectifs  pour  nous 
borner  à  résumer  ici  les  caractères  objectifs,  les  crises  d'agitation 
forcée  nous  paraissent  essentiellement  un  ensemble  d'opérations 
psychologiques,  des  pensées,  des  actes,  des  émotions  qui  sont 
inutiles  et  d'ordre  inférieur  et  qui  se  développent  d'une  manière 
exagérée  à  l'occasion  d'un  acte,  d'une  attention,  d'une  croyance, 
d'une  émotion  qui  n'ont  pas  pu  s'exécuter  ou  qui  ne  sont  exécutés 
que  d'une  manière  très  incomplète.  Pour  comprendre  cette  alté- 
ration du  phénomène  primaire  qui  est  l'occasion  du  déclanche- 
mcut   des    phénomènes  d'agitation    forcée   il    nous   faut    encore 


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CARACTÈRES  APPARÈNtS  DES  AGITATIONS 

examiner  Tétai   des    fonctions   psychologiques    du    sujet, 
volonté,  de  son  attention.  Ces  études  doivent  se  joindre  l 
des   sentiments  dont   je  viens  de  parler  et  nous  permettn 
nous  faire  une  idée  générale  de  ces  crises. 


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CHAPITRE  III 
STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 


leurs  qui   ont   décrit  des   obsessions    ont    été 
ce  fait   que    les  malades  ne   déliraient  pas    à 

Ceux-ci  n'arrivaient  jamais  à  être  convaincus 
antes,  ils  luttaient  contre  elles  et  se  montraient 
léclarer  fausses  et  ridicules.  Devant  ces  décla- 
teurs  concluaient  à  la  lucidité  de  Tesprit  et  à 
ions  psychologiques.  Legrand  du  Saulle  allait 
itelligence  restait  parfaite  et  la  liberté  morale 
crise.  La  conservation  de  la  conscience,  et  par 

Tintégrité  des  fonctions  psychologiques  aussi 
tion  exacte  de  la  valeur  des  idées,  était  deve- 
res  classiques  de  la  crise  d'obsession,  à  plus 
ne  ne  songeait  à  soupçonner  des  troubles  de 
ologiques  dans  Tintervalle  des  crises, 
les  premiers,  je  crois,  a  mis  en  doute  cette 
on  de  la  conscience  :  «  Est-il  bien  juste  de 
,  que  la  conservation  de  la  conscience  soit 
chez  r.obsédé,  avant,  pendant  et  après  les 
b  auteur  ne  croit  pas  que,  surtout  pendant 
s  aient  «  la  notion  complète  de  tous  les  élé- 
a  ce  moment  leur  personnalité.  La  synthèse 
!  et  même  efiace  la  conscience  principale.  » 
)endant  que  la  crise  il  y  avait  des  altérations 
ns  psychologiques,  quoique  elles  ne  fussent 
jagées  dans  l'obsession  elle-même, 
y  réfléchir,  ces  troubles  psychologiques  pen- 
(ssion,  et  j'ajouterai  même  en  dehors  de  la 
t  vraisemblables.  Est-il  possible  que  des  pen- 

•  les  maladies  mentales  et  nerveuses,  1896,  p.  118. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES  261 

sées  absurdes,  des  manies  inutiles  et  ridicules,  des  craintes 
injustifiées  viennent  remplir  un  esprit  pendant  plusieurs  heures 
s'il  est  parfaitement  sain  et  capable  de  leur  résister.  Cela  est 
tout  à  fait  contraire  à  tout  ce  que  nous  savons  déjà  sur  la  sugges- 
tion et  sur  les  idées  fixes  des  hystériques.  Les  phénomènes  ne 
sont  sans  doute  pas  absolument  comparables,  mais  il  y  a  une  ana- 
logie suflisante  pour  que  nous  supposions  chez  les  obsédés  comme 
chez  les  hystériques  une  certaine  insuflisance  de  résistance  qui 
permette  ce  développement  parasitaire.  Bien  plus,  toutes  ces 
manies  sont  au  fond  de  mauvaises  habitudes,  elles  ont  dû  naître 
et  grandir  avant  de  constituer  ces  crises  et  par  conséquent  même 
avant  les  crises,  même  dans  leur  intervalle,  l'esprit  qui  a  favorisé 
un  pareil  développement  ne  devait  pas  être  bien  normal.  En  un 
mot  il  serait  très  important,  pour  mieux  comprendre  les  obses- 
sions, de  savoir  sur  quel  terrain  elles  se  développent  et  de 
constater  les  altérations  fondamentales  des  fonctions  psycholo- 
giques qui  en  ont  probablement  été  le  point  de  départ. 

Ce  sont  ces  modifications  dans  le  fonctionnement  des  opéra- 
tions psychologiques  indépendamment  de  l'obsession  et  des  opé- 
rations forcées  que  je  désigne  sous  le  nom  de  stigmates  psychas^ 
théniquesy  analogues  à  ces  (c  stigmates  psychiques  des  tiqueurs  )> 
dont  parlait  déjà  Charcot  quand  il  concevait  bien  la  nécessité  de 
leur  étude  *. 

Malheureusement  Tétude  de  ces  stigmates  psychasthéniques 
est  encore  plus  diflicile  h  faire  que  celle  des  stigmates  hysté- 
riques. On  sait  quelle  difTiculté  apporte  k  l'étude  des  hystériques 
leur  suggestibilité  ;  il  est  toujours  très  difficile,  surtout  si  l'on 
veut  faire  des  expériences,  de  savoir  ce  qui  est  un  trouble  psycho- 
logique fondamental  et  ce  qui  a  été  ajouté  par  des  suggestions 
maladroites.  Ici,  les  obsessions  et  les  manies  mentales  des  sujets 
apportent  des  diflicultés  encore  plus  grandes.  Beaucoup  de  ces 
malades  sont  disposés  h  croire  que  leurs  facultés  sont  altérées,  soit 
en  vertu  d'obsessions  de  honte,  soit  en  vertu  d'obsessions  hypo- 
condriaques, peut-on  croire  à  leurs  appréciations  d'eux-mêmes  ? 
Far  exemple,  est-il  possible  de  se  faire  une  idée  exacte  de  l'état 
mental  de  Claire  en  l'interrogeant  sur  ses  propres  facultés  ?  Elle  a 
rhabitude  de  se  croire  complètement  idiote,    de  se    rabaisser  en 

I.  Charcot,  Leçons  du  mardi,  II,  16. 


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STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

VOUS  faire  une  description  fantastique  de  ses 

ime  si  elle  voulait  passer  pour  une  démente. 

ieu  d'interroger  les  sujets  on  examine  leur 

is  déterminés,  on  verra  qu'un  grand  nombre 

inhibés  par  des  manies   mentales  et  cepen- 

croîre  à  leur  suppression  :  si  Ton  rencontre 

le  long  d'un  mur  et  incapable  de  traverser 

as  en  conclure  qu'il  ne  sait  pas  marcher.  Ces 

ent  fournir  des  objections  perpétuelles  contre 

ent  de  décrire  les  stigmates  des  psychasthé- 

toujours  me  répondre  que  tel  trouble  de  la 

volonté  est  produit  par  une  idée  quelconque, 

tic   ou    une  angoisse  qui  a  arrêté    l'acte  au 

ïrvais. 

Tmates  doivent  exister  et  il  y  a  certainement 
tionnement  mental  qui  sont  antérieurs  logi- 
ogiquement  aux  idées  fixes  et  aux  manies, 
t  en  reconnaissant  ces  dangers,  je  crois  né- 
;ette  recherche  en  prenant  le  plus  de  pré- 
[)'abord,  sauf  dans  des  cas  assez  rares,  left 
[uées  me  semblent  à  peu  près  impossibles, 
ent  d'attirer  l'attention  du  sujet  et  de  provo- 
exions  et  ces  opérations  forcées  que  l'on 
de  l'observation  et  surtout  de  la  comparaison 
y  a  des  troubles  qui  sont  intéressants  par 
ité  et  qui  apparaissent  chez  les  sujets  ayant 
manies  mentales  ou  des  phobies  absolument 
nt  jamais  eu  l'esprit  dirigé  sur  ces  troubles, 
es  troubles  qui  se  développent  avant  la  nais- 
întales  et  des  obsessions,  que  nous  retrouvons 
amplement  neurasthéniques,  n'ayant  encore 
»rcée.  Enfin  le  raisonnement  peut  dans  une 
mer  les  remarques  précédentes,  quand  il  nous 
iblcs  psychologiques  ont  été  chez  le  malade 
et  non  la  conséquence  des  obsessions.  Mal- 
je  continue  h  croire  la  recherche  de  ces  trou- 
la  liste  que  j'en  donne  me  semble  devoir 
e. 

lologiques  ne  m'ont  pas  semblé  être  de  nature 
I  crise  ou  en  dehors  de  la  crise,  je  n'établirai 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES  263 

donc  pas  à  ce  point  de  vue  de  divisions,  il  suffit  de  se  rappeler 
que  les  troubles  les  plus  exagérés  se  présentent  pendant  la  crise 
et  quMls  existent  toujours  chez  les  grands  malades  à  un  degré 
plus  faible  pendant  les  intervalles  des  crises. 

Ces  troubles  se  présentent  à  Tobservateur  de  deux  manières, 
d*abord  d'une  manière  simplement  subjective  sous  la  forme  de 
sentiments  que  ressent  le  sujet  et  qu'il  exprime  plus  ou  moins 
bien,  f^a  conscience  est  un  réactif  plus  délicat  que  nos  appareils 
et  elle  accuse  des  troubles  que  nous  ne  serons  pas  capables  de 
mettre  en  évidence  d'une  manière  objective.  Cependant  dans  les 
cas  les  plus  nets  nous  po^ivons  constater  ces  troubles  par  la 
conduite  du  sujet  et  dans  des  cas  déterminés  indépendamment 
des  sentiments  qu'il  en  exprime.  J'étudierai  d'abord  ces  senti- 
ments subjectifs,  puis  je  chercherai  à  mettre  en  évidence  ces 
mêmes  troubles  sous  leur  aspect  objectif. 

EnGn  je  signalerai  plus  rapidement  dans  une  troisième  section 
des  troubles  des  fonctions  physiologiques  qui  sont  plus  connus, 
car  ils  se  retrouvent  plus  ou  moins  dans  toutes  les  névroses. 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS  L'ACTION 

autres  soirs,  que  Taddition  a  été  bien  faite  et  que  le 
inscrit  est  juste.  II  en  est  ainsi  bien  souvent  et,  à  premi 
nous  ne  constatons  dans  ces  actions  rien  d*anormal. 

Mais  le  sujet  n'est  pas  du  même  avis  que  Tobservate 
en  dehors  et  il  a  dans  l'esprit,  à  propos  de  cet  acte,  un  e 
de  phénomènes  très  curieux.  Ce  ne  sont  pas  des  idées,  c'e 
des  pensées  abstraites  et  générales  s'appliquant  à  cet  £ 
d'autres,  comme  il  en  aura  dans  les  obsessions,  ce  sont 
timents,  c'est-à-dire  un  phénomène  plus  concret  s'appl 
un  état  déterminé  et  à  un  seul.  Le  sentiment  pris  dans 
est  pour  la  connaissance  des  faits  internes  l'analogue  de 
ception  pour  la  connaissance  des  objets  extérieurs.  C 
connaissance  plus  complexe  que  la  simple  sensation,  une 
sance  formée  par  le  groupement  de  plusieurs  faits  élémt 
mais  s'appliquant  cependant  à  un  seul  fait  concret. 

En  général  l'attention  des  psychologues  n'a  pas  é 
samment  attirée  sur  ces  sentiments  qui  accompagnent  le 
pement  de  la  volonté.  Ils  n'ont  guère  analysé  avec  soi 
seul  d'entre  eux,  le  sentiment  de  V effort.  HôflFding  est. 
ceux  qui  ont  le  mieux  signalé  l'importance  d'autres  sei 
du  même  genre  :  dans  le  chapitre  vu  de  son  manuel  i 
sur  la  conscience  de  la  volonté,  sur  le  sentiment  de  la  rés 
Ces  sentiments  qui  accompagnent  les  opérations  de 
sont  à  mon  avis  particulièrement  importants  dans  la  pa 
mentale  et  serviront  un  jour  à  interpréter  une  foule  de  d 

Pour  le  moment  constatons  que  chez  le  scrupuleux  I 
volontaires  sont  l'occasion  d'une  foule  de  sentiments  an 
qui  peuvent  se  résumer  en  un  mot:  le  sujet  sent  que  l'act 
pas  bien  faite,  qu'elle  n'est  pas  faite  complètement,  ( 
manque  quelque  chose.  Dans  les  premières  manies  de  p< 
ce  sentiment  est  déjà  très  visible.  Souvent  il  prend  la  foi 
raie  :  l'acte  n'est  pas  bon  moralement,  c'est  ce  que  l'on  > 
la  manie  des  efforts.  Souvent  il  s'agit  simplement  du 
vue  pratique,  l'acte  n'est  pas  suffîsant  pour  arriver  à  so 
ne  semble  pas  capable  de  produire  la  satisfaction  cher 
là  toutes  les  recherches  du  mieux,  toutes  les  manies  des  p 
enfin  l'acte  ou  l'idée  ou  même  l'émotion  parait  manquer 
teté,  ne  pas  avoir  les  caractères  spécifiques  qui  lui  appart 
être  trop  vagues,  de  là  le  besoin  d'agir  lentement,  de 
mencer  et  toutes  les  manies  de  la  précision. 


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^'-^^ 


ifCHASTHÉNIQUES 

l  des  manies  de  réparation,  le 
propos  de  son  acte  ou  de  son 
te  n'est  pas  seulement  insufli- 
ici  encore  ce  n'est  pas  unique- 
ral,  c'est  dangereux  pour  la  vie, 
[adroit,  incapable  d'arriver  au 
out  ce  que  je  fais,  je  ne  fais  que 
cesse  tous  ces  malades,  ce  que 
i  bien  le  droit  de  vivre  comme 
nies  de  réparation  et  tous  les 
ttacher   à   ce    sentiment   fonda- 

;  sentiment  de  mécontentement 
î  pas  sur  une  seule  idée  que  l'on 
re,  il  porte  sur  toutes  les  idées 
cessivement  sans    être    satisfait 

propos  des  crises  d'agitation  et 
:;te  semble  impossible,  qu'il  y  a 
semble  imparfait,  qu'il  y  a  des 
s  se  rapprochent  des  peurs  et 
§veloppent,  l'acte  parait  au  sujet 

I  sentiment  de  mécontentement 
1  une  série  de  sentiments  plus 
îs  sentiments  n'existent  pas  seu- 
istent  souvent  et  dans  quelques 
)ropos  de  tous  les  actes  que  le 
des  symptômes  primordiaux  de 
t  que  les  ruminations,  les  an- 
ne  se  soient  développées. 

de  difficulté, 

s  sentiments  il  faut  suivre  l'acte 
r  la  suite  des  sentiments  engen- 

personnes  éprouvent  d'avance 
îée  qu'il  faudra  agir,  ils  redou- 

rêve,  comme  ils  le  disent  tous, 
lus  rien  à    faire.  «  Je  voudrais, 


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SENTIMENTS  DINGOMPLÉTUDE  DANS  L»ACTION  267 

disait  Fa...  (169),  une  chose  malheureusement  bien  diflicile,  je  vou- 
drais pouvoir  faire  toutes  les  actions  à  la  fois,  une  fois  pour  toutes 
et  ne  plus  avoir  jamais  rien  à  faire...  ce  désir  d'en  avoir  fini  me 
donne  quelquefois  dû  courage,  je  me  hâte  de  finir  pour  qu'on  ne 
me  parle  plus  de  faire  quelque  chose.  » 

Cette  horreur  de  l'action  volontaire  se  rattache  a  un  sentiment 
exagéré  de  la  didîcullé  de  l'acte,  le  sentiment  de  l'effort  et  sur- 
tout la  prévision  de  l'effort  qui  existe  chez  tout  homme  à  la  pen- 
sée d'un  acte  devient  ici  énorme.  «  Pas  une  seule  chose,  répète 
Jean  avec  désespoir,  qui  ne  présente  d'énormes  didicultés,  dès 
qu'il  s'agit  de  la  faire.  »  ((  Il  y  a  là,  me  dit  Fz.  •  -(Sg),  des  résolutions 
à  prendre,  il  faudrait  répondre  a  une  lettre,  il  faudrait  pour  cela 
penser  à  ce  que  je  dois  écrire,  avoir  la  conception  de  l'affaire. 
Oh,  je  suis  épuisé  rien  que  de  songer  à  tout  cela,  cela  va  faire 
marcher  l'orchestre  dans  ma  tête,  non  il  vaut  mieux  ne  pas  y 
songer  pour  le  moment.  » 

a  Je  me  demande,  dit  Nadia,  comment  je  puis  arriver  à  faire 
quelquefois  des  choses  comme  tout  le  monde.  C'est  tellement  dif- 
ficile, j'en  suis  tout  à  fait  découragée  d'avance.  Je  crois  que  j'ai 
de  la  volonté  au  fond,  si  je  ne  fais  pas  ce  que  vous  voulez,  c'est 
qu'il  y  a  des  difficultés  épouvantables  qui  m'enlèvent  toute  mon 
énergie.  »  Il  est  bon  de  remarquer  que  ces  paroles  ne  s'appli- 
quent aucunement  à  des  actions  en  rapport  avec  les  idées  obsé- 
dantes de  la  malade  et  que  je  ne  lui  demandais  ni  de  manger  ni 
de  sortir  ;  il  s'agissait  simplement  de  commencer  une  tapisserie 
pour  avoir  une  petite  occupation. 

Une  de  ces  diflficultés  qui  arrêtent  le  sujet  c'est  qu'il  se  reprér 
sente  d'avance  son  insuccès.  Il  sent  qu'il  va  faire  les  choses  très 
mal,  d'une  façon  immorale  et  ridicule  «  j'ai  une  appréhension 
pour  tout  ce  que  je  dois  entreprendre,  il  me  semble  que  si  je 
commence  je  vais  faire  des  horreurs  »,  il  est  bon  de  remarquer 
que  ce  malade  Bu...  est  simplement  un  agoraphobe  et  qu'il  ne 
'  s'agit  pas  d'actes  pouvant  éveiller  ses  phobies.  «  Je  me  connais, 
dit  Nadia,  il  suffît  qu'il  y  ait  une  mauvaise  action  à  côté  de  celle 
que  je  veux  faire,  je  ferai  la  mauvaise...  vous  voulez  que  je  me 
remette  à  jouer  du  piano,  mais  avec  mes  doigts  rouilles  je  vais 
très  mal  jouer,  j'ennuierai  toute  le  monde  en  recommençant, 
je  ne  peux  pas  me  décider  à  jouer  si  mal  que  cela,  ce  serait 
honteux.  » 

Un  sentiment  voisin  est  le  sentiment  de  Vinutilitc  de  l'action, 


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STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

de  valeur  relativement  aux  efforts  qu'elle  va 
aut  la  peine  d'être  commencé...  à  quoi  cela 
tant  de  mal  pour  aboutir  à  quoi...  autant  vaut 

—  Sentiment  d'incapacité, 

même  sentiment   nous  fournira  le  sentiment 

le  sentiment  d'incapacité  porte  sur  un  acte 
proche  un  peu  plus  des  obsessions  :  il  en  est 
De...,  a  qui  s'effraye  du  mariage,  qui  n'a  rien 
r  rendre  un  homme  heureux,  pour  élever  des 
Lin  ménage,  etc.  »  Mais  beaucoup  plus  souvent 
ipacité  est   général   «  je  n'ai  plus  de   goût  à 

force  de  faire  quoi  que  ce  soit  »  Dd...  (i8). 
dit  Lo...,  je  sens  que  je  ne  pourrai  rien  en 

et  ce  sera  le  sentiment  de  paralysie  comme 
ve  le  mouvement  demandé  «  presque  impos- 

à  ((  presque  impossible  »,  il  est  à  remarquer 
rrivent  jamais  à  une  idée  aussi  nette  que  celle 
bsolue. 

ent  de  faiblesse  énorme  h  la  pensée  de  faire  un 
ils  n'éprouvent  pas  quand  ils  ne  songent  pas  à 
liez  Lkb...,  femme  de  22  ans,  un  phénomène 
s  calme  sur  sa  chaise  et  ne  réclame  rien  tant 
le  aucun  effort  ;  si  je  l'encourage  à  agir,  à  tra- 
Témit  sur  la  difficulté  de  Tacte  a  chez  une  per- 
i  faible  »  et  la  voici  qui  commence  une  crise 
éclame  \\  manger  tout  de  suite,  sinon  elle  va 

«  elle  va  devenir  folle,  ou  enragée,  ou  s'éva- 
inge  pas  tout  de  suite  ».   On  peut  arrêter  ce 
lourriture,  non  en  lui  donnant  à  manger,  mais 
:   sur   l'action   h  accomplir.   Si  on  lui  déclare  • 
ble  pour  travailler,  qu'il  vaut  mieux  rester  à 

calme  et  ne  demande  plus  à  manger.  C'est 
aits  de  ce  genre  que  je  suis  disposé  à  croire 
sentiment  de  la  faiblesse  et  surtout  de  la  fai- 
iis  le  sentiment  de  la  faim.  On  voit  ici  que 
)lesse  et  d'incapacité  s'éveille  à  la  pensée  d'ac- 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDl 

Ce  sentiment  de  faiblesse,  d^impuiss 
jouer  un  rôle  dans  un  langage  bizarre 
sieurs.  Ils  font  toujours  appel  à  une 
les  débarrasserait  de  Faction  et  surtc 
situation  donnée.  «  Il  me  semble  qu 
avant  d*agir,  j'attends  qu'une  fée  ait  n 
de  baguette...  »  (Vk...)  ft  Je  compte  s 
ils  vont  tout  préparer  et  je  pourrai  aie 
si  un  miracle  me  permettait  de  faire  [ 
d'un  passé  lourd,  vous  verriez  que  j 
complexité  des  choses  me  tarabuste  ;  c 
ciel  ne  m'aide  pas.  » 

3.  —  Sentiment  d!ii 

Un  des  sentiments  essentiels  de  la 

de  la  résolution,  de  la  décision.  Ce  se 

ding,  nous  montre  qu'une  volition  a  i 

distingue  les  possibles  (le  souhait  et  1 

solution),  a  L'un  des    caractères  pari 

forme  la  plus  nette  de  la  volonté,  c'es 

ou  s'y  aiguise  en  regardant  l'action 

propre.  Avant  d'exécuter  réellement  F 

nous  le  percevons  comme  faisant  partii 

tons   ou   anticipons  sur    lui,   nous    c( 

achevé  ce  qui,  vu  du  dehors,  n'est  en 

lité.  Par  opposition  à  l'action  interne 

la  multitude  des  souhaits  et  des  ima^ 

que  de  pures  possibilités  ^  »  Il  y  a  dor 

lution  un  sentiment  d'unité  comme   i 

persisté,  un  sentiment  du  développen 

devient  plus  forte  qu'auparavant,  un 

puisque  l'action  est  adoptée  et  nous 

même,  un  certain    sentiment   de  pla 

d'une  lutte  et  l'exaltation  de  la  force. 

Aucun  de  ces  sentiments  ne  se  dé^ 

les  scrupuleux,  ils  n'ont  jamais  le   s( 


1.  H.   Hôffding.    Esquisse  d'une  psycholoyie 
L.  Poitevin,  1900*  p.  443. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNÎQUES 

)u  s'ils  Tont,  ils  le  sentent  faible  et  incomplet  et  ils 
nent  peur  de  le  perdre.  Ka...,  homme  de  67  ans, 
•is    précisément    parce   qu'il   n'a    pas    de    véritables 

vraies  obsessions,  veut  que  ses  actions  soient  faites 
»t  impatient  d'en  voir  Texécution  «  parce  qu'il  a  peur 
on  ne  se  maintienne  pas,  il  est  si  rare  qu'il  en  ait 
t...  (89),  femme  de  35  ans,  n'arrivant  jamais  au  sen- 
cision,  se  figure  qu'elle  n'ose  pas  prendre  un  parti. 

de  Tr. ..  est  amusante  sur  ce  point,  elle  nous 
ime  une  image  concrète  du  sentiment  d'indécision, 
fille  que  j'ai  déjà  citée  a  propos  des  manies  de  la 
a  comme  profession  le  modelage  des  fleurs  en  por- 

est  laissée  a  son  inspiration  pour  la  forme  et  la 
nte  des  pétales.  Le  premier  signe  de  sa  maladie 
^agne  moins  d'argent  dans  sa  journée,  parce  qu'elle 
ement  ses  pétales  de  roses  :  en  effet  elle  hésite  tou- 
leux  plis,  ou  deux  courbes  à  adopter  et  elle  ne  sent 
utrefois  que  pour  tel  pétale  donné  le  pli  est  définitif, 
ien  qu'ayant  le  pétale  en  main  même  quand  il  devrait 

elle  continue  à  se  représenter  deux  ou  trois  formes 
on  plus  une  seule  comme  autrefois:  ce  sentiment s'ac- 
ine  sorte  de  petite  douleur  à  la  place  du  petit  plaisir 
autrefois  à  terminer  un  pétale  et  à  le  trouver  joli. 
le  même  sentiment  envahit  d'autres  actes.  Ayant  un 
lies  elle  devait  employer  quelque  argent  à  s'acheter 
)ilettc.  «  Autrefois  j'aurais  su  choisir  et  le  choix  fait 

plaisir,  je  sens  que  je  n'ai  pas  choisi,  que  je  continue 
iter  plusieurs  objets  à  la  fois  et  même  si  j'en  prends 
pas  de  plaisir.  »  Qei...  remarque  très  bien  elle-même 
ons  et  les  choix  ne  se  terminent  pas  dans  son  esprit, 
st  fini  et  que  cela  est  pénible.  La  même  phrase  se 
out  «  pas  de  terminaison,  dit  Gisèle.  Je  ne  peux  tirer 
Lod...  Je  ne  puis  me  décider,  ni  prendre  un  parti, 
î  recommence  la  discussion,  c'est  parce  que  je  sens 
ux  idées  )).  T^on   seulement    Nadia    mais  toutes  les 

sa  famille  ont  ce  sentiment  d'hésiter  toujours, 
)eine  à  se  décider  :  «  j'ai  beaucoup  de  volonté  en 
S^adia,  mais  je  suis  trop  fatiguée  pour  avoir  l'air 
es  jeunes  filles  ont  la  singulière  habitude  de  prendre 
ns  contre  elles-mêmes  pour  rendre  leurs  décisions 


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SENTIMENTS  D'INGOMPLÉTUDE  DANS  L'ACTION 

irrévocables.  Quand  Tune  d'entre  elles  avait  pris  ou  à  m 
une  petite  décision  quelconque,  bien  insignifiante  d'aill 
la  couleur  d'un  ruban  ou  sur  une  lettre  à  écrire,  elle  ( 
notifier  à  chacune  de  ses  sœurs  ou  bien  l'écrire  sur  u 
afin  de  ne  plus  pouvoir  changer.  Y  a-t-il  bien  loin  de  cel 
tude  puérile  aux  serments  et  aux  pactes  ?  Quant  à  Jean,  c 
lui  la  douleur  d'une  indécision  perpétuelle:  bien  entendu 
reculé  jusqu'à  ses  dernières  limites  et  h  mesure  qu'appro( 
tant  où  la  décision  va  être  inévitable,  ses  souffrances  augi 
mais  ce  trouble  est  déjà  chez  lui  tout  à  fait  pathologique,  i 
une  manie  de  l'oscillation  plus  qu'un  des  troubles  des  ser 
Aussi  ces  malades  désirent-ils  toujours  qu'une  autre  ] 
ou  même  une  divinité  prenne  les  résolutions  pour  eux 
la  responsabilité  de  mes  actes,  que  je  ne  peux  pas  prei 
\Vo...,  je  demande  énormément  d'avis,  de  conseils,  et 
j'ai  une  opinion  personnelle,  je  finis  toujours  par  st 
conseils,  c'est  moins  pénible  que  de  me  décider  d'api 
même...  »  «  Ah  I  si  je  pouvais  être  toujours  simple  ma 
me  dit  un  artiste  Qsa...,  obéir  à  quelqu'un  qui  me  dis] 
de  choisir...  si  quelqu'un  me  donnait  toujours  le  plan, 
des  figures,  le  reste  irait  bien,  mais  la  décision,  c'est  at 
Je  rattacherai  aussi  à  ce  sentiment  une  disposition  curii 
représenter  un  changement  imprévu  des  décisions.  «  Eh  1 
c'est  décidé,  dit  Jean,  mais  s'il  arrive  des  circonstances 
je  ne  sais  pas  d'avance  lesquelles  qui  m'empêchent  de 
que  je  vous  ai  promis,  il  ne  faudra  pas  m'en  vouloir,  vous  st 
que  tout  peut  arriver.  »  Cette  observation  se  trouve  bi 
dans  un  roman  célèbre,  a  II  pensait  qu'à  tout  prendre  ce 
gements  n'étaient  que  de  la  pure  convention,  sans  sign 
précise,  et  que  d'ailleurs  personne  n'était  sûr  du  lende 
ne  pouvait  savoir  s'il  n'arriverait  pas  quelque  événement 
dinaire  qui  emporterait,  avec  la  vie,  l'honneur  et  le  désh 
Cette  façon  habituelle  de  raisonner  bouleverse  souvent 
cisions  en  apparence  les  plus  arrêtées  \  » 

4.  —  Sentiment  de  gêne  dans  V action. 
Si  le   sentiment  d'unité  de   la  décision  n'existe  pas, 

I.  Tolstoï,  La  (guerre  et  la  paix,  I,  p.  33. 


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3  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

S  ce  sentiment  de  facilité,  d'entraînement  qui 
ement  d'une  seule  tendance  persistante  :  il  est 
intiment  de  gêne,  de  résistance  dans  l'action . 
se  préciser  plus  tard  et  les  malades  vont  pré- 
Ue  ou  telle  manie,  telle  ou  telle  phobie,  telle 
s  gêne  pour  agir,  mais  il  est  visible  qu'au  début 
x-mêmes  ce  qui  les  gêne  ou  plutôt  que  cette 
înt  variable  et  produite  par  n'importe  laquelle 
définitivement  éliminées. 

let  chez  Byl...,  jeune  fille  de  21  ans.  Elle  finit 
>es  tellement  elle  est  agacée  par  ce  sentiment 

pour  tout  ce  qu'elle  veut  faire.  Claire,  Nadia 
s  décrivent  le  même  sentiment  au  début  de 
êne,  la  gêne  que  j'ai   ressentie   toute  ma  vie 

un  acte  quelconque,  quel  supplice!  »  (Meu...) 
pas  vivre  sans  être  gênée!  »  (Vol...)  k  Toute 
de  la  gêne,  jamais  un  acte  qui  se  soit  fait 
[Vk...)  «  Toujours  quelque  chose   qui  entrave 

(Jean)  Il  ne  faut  pas  se  figurer  que  ce  senti- 
ste  que  dans  l'émotion  d'intimidation,  il  existe 
il  s'agit  de  commencer  dans  son  cabinet  un 
rature  française,  aussi  bien  que  chez  Brk... 
mettre  à  coudre  une  robe  ;  chez  Vol...  quand 
»on  ménage,  c'est  le  sentiment  de  la  difficulté 
[uand  on    le   prépare  par  l'imagination,   mais 

on  ne  saurait  trop  insister  sur  l'importance 


—  Sentiment  d'automatisme, 

il  y  a,  comme  nous  l'avons  remarqué,  un  senti- 
1,  de  personnalité,  puisque  l'action  nous  semble 
lêmes;  on  ne  sera  pas  surpris  de  voir  ce  senti- 
ilement  chez  les  scrupuleux,  c'est  ce  qui  pro- 
t    d'automatisme  dont   l'importance   dans    les 

est,  h  mon  avis,  tout  à  fait  considérable.  Le 
rit  très  bien  cette  impression  «  dans  cet  état 
idant  que  j'agisse  comme  avant  sans  savoir 
chose  qui  ne  me  paraît  pas  résider  en  moi  me 

comme  avant  et  je  ne   puis  pas  me  rendre 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS  L'ACTION 

compte  que  j'agis  réellement,  tout  est  mécanique  en  moi  et  se 
inconsciemment*  ». 

Tous  nos  malades  tiennent  le  même  langage,  les  mots  «  i 
chines,  automates,  mécaniques  »  reviennent  constamment  d 
leur  langage  :  «  je  ne  suis  qu'une  machine,  dit  Lise,  et  je  ( 
faire  des  efforts  bien  pénibles  pour  rester  quelqu'un.  »  «  J*î 
toujours  en  rêve,  dit  Nadia,  comme  une  somnambule.  »  «  Je  i 
dans  mes  accès  un  automate,  dit  Dob...,  je  vois  mes  mains 
mes  pieds,  je  les  sens  faire  des  actions  sans  que  je  les  veui 
Pourquoi  ne  feraient-ils  pas  des  sottises  puisqu'ils  agissent  s 
moi  ?  Quand  je  suis  dans  un  chemin  de  fer  en  marche,  je  s 
mes  mains  qui  veulent  ouvrir  la  portière  de  la  même  façon  qu 
les  sens  dessiner  quand  je  travaille.  »  Même  pensée  chez  Daj 
«ce  n'est  pas  moi  qui  agis,  alors  pourquoi  mes  mains  ne  pc 
raient-elles  pas  me  faire  mal,  me  blesser  puisque  je  sens  dej 
longtemps  qu'elles  agissent  seules,  pourquoi  en  présence  d'éti 
gers  ne  me  laisserais-je  pas  aller  à  des  actes  de  grossièreté  puis 
je  ne  me  gouverne  pas.  »  Ce  sentiment  joue  un  rôle  dans  te 
la  maladie  de  Claire,  «  elle  s'exaspère  de  faire  les  choses  con 
une  machine,  elle  ne  peut  pas  s'y  résigner  »  et  elle  fait 
efforts  comiques  pour  essayer  d'échapper  à  ce  sentiment.  Qu 
on  la  pousse  trop  à  accomplir  une  action,  que  Ton  bouscule 
hésitation,  elle  a  une  façon  d'agir  assez  curieuse,  elle  cesse  bi 
quement  d'hésiter  et  fait  l'action  tout  de  suite  à  la  condil 
qu'elle  soit  simple.  Par  exemple  elle  se  roule  sur  son  faut 
depuis  une  demi-heure  sans  parvenir  à  me  remettre  une  le 
qu'elle  a  à  la  main,  je  finis  par  me  fâcher  ;  alors  elle  se  1 
et  me  donne  la  lettre  tout  de  suite.  Mais  elle  reste  dés< 
«  ce  n'est  pas  moi  qui  ai  fait  l'action,  ma  main  a  marché  U 
seule...  c'est  mon  corps,  ce  n'est  pas  ma  volonté...  je  vous 
dit  de  bouche  et  non  pas  de  cœur...  c'est  ma  machine  qui  a 
cela,  c'est  une  de  mes  autres  personnes  ».  On  voit  combien  le  i 
timent  d*automatisme  se  mêle  chez  ces  malades  à  toutes 
manies  précédemment  décrites. 

6.  —  Sentiment  de  domination. 
Un  degré  de  plus  dans  ce  sentiment  d'absence  d'action  pcrs 

1.  Bail,  Revue  scientifique,  1882,  II,  43. 

LES    OBSESSIO:«S.  I.    —    i8 


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LES  STIGMATES  PSYCHA 

,  d^autoiiiatisnic  et  les  malades  v< 
e  d'extérieur  qui  pèse  sur  eux,  < 
n  mot  ils  vont  attribuer  à  des 
qu'ils  ne  sentent  plus  dépendre 
..,  jeune  fille  de  19  ans,  qui  est  t 
aint  ainsi  :  a  depuis  quatre  mois 
,  il  me  semble  que  je  suis  obligée 
[u'un  me  fait  parler,   on  me  sugj 

pas  ma  faute  si  ma  bouche  marc 
s  que  ce  n'est  pas  moi  qui  agis, 
eusse,  dit  Dob...,  je  suis  comme 
me  retenir,  dit  Claire,  c'est  comn 
comme  si  on  m'enlevait  ma  liber 
lait  d'avoir  des  pensées  déshonn^ 
it  un  acte  mauvais  avec  ma  liberl 
ns  bonnes,  toujours  poussée  par 
I  comprend  bien  que  dans  cette  ^ 
^oir  d'autres  sentiments  bizarres 
s  dangereux  va  être  un  désir  fou 

liberté  qu'ils  croient  avoir  perd 
ment  que  comme  une  réaction  co 
n,  l'amour  singulier  de  la  libert( 
les.  On  est,  en  ellet,  surpris  d'ui 
inents.  Ils  ont  besoin  de  direction 
inscience  et  un  maître  et  cepend 
»  ;  ils  s'effarouchent  si  on  leur  ci 

parlent  sans  cesse  d^une  indépe 
j.  «  Ce  que  je  déteste  le  plus  an 
ir  à  quelqu'un,  si  je  fais  des  pro 
ent  des  autres,  je  veux  sentir  qu 
e  liberté...  »  Lise  se  plaint  toujo 

a  quelque  chose  qui  me  gène  dai 
e  ne  suis  jamais  libre...  c'est  cel 
ni.  »  Le  plus  curieux  est  Voz...,  je 
me  constamment  sur  la  liberté.  « 
V  fou  de  la  liberté...  il  faut  qu'on 
t  a  pour  moi  un  sens  précis  c'est 
ids  de  toutes  mes  forces.  » 
ulres  sentiments  et  d'autres  idé 
iortir  du  même  point  de   départ. 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDË  DANS  L'ACTION  275 

qu'il  est  trompé,  qu^il  est  dupé  par  des  gens  plus  habiles  que  lui. 
«  Je  suis  constamment  un  garçon  qu'on  roule  et  qui  s'en  rend 
compte...  »  Il  aime,  ou  il  croit  aimer  une  jeune  fille  et  il  inter- 
prète bien  singulièrement  son  amour  a  c'est  comme  si  la  belle- 
mère  m'avait  tendu  un  piège,  je  suis  furieux  de  m'êtrc  laissé 
rouler,  attraper». 

La  plupart  vont  avoir  simplement  le  sentiment  qu'on  leur  en 
veut,  qu'on  les  persécute  :  Voz...  est  persécuté  par  ses  profes- 
seurs, Rp...  par  ses  parents  qui  ont  dû  l'opprimer  dans  son 
enfance  et  qui  doivent  encore  avoir  la  patte  sur  lui  par  l'inter- 
inédiairc  de  juifs  puissants.  Le  délire  de  persécution  est  très  voi- 
sin du  délire  du  scrupule  et  je  m'étonne  qu'on  les  ait  aussi 
complètement  séparés  l'un  de  l'autre  ;  nous  aurons  à  étudier  ce 
rapprochement. 

Un  sentiment  fréquent  c'est  celui  d'une  domination  irrésistible 
et  mystérieuse  qui  dans  un  très  grand  nombre  de  cas  estcomparée 
à  Tobligation  morale  ou  religieuse.  «  11  me  semble  que  c'est 
immoral  d'agir  ainsi,  il  me  semble  qu'il  y  a  quelque  obligation 
morale,  quelque  devoir  sacré  qui  me  pousse  h  agir  ou  qui  m'em- 
pêche d^agir»,  c'est  là  un  langage  bien  fréquent  chez  des  malades 
qui  n'ont  pas  encore,  je  le  répète,  d'obsession  sacrilège  ou  d'ob- 
session criminelle. 

Mais  souvent  l'idée  d'obligation  mystérieuse  est  plus  nette 
encore  :  a  Quand  j'étais  petit,  dit  Rp...,  je  sentais  une  puissance 
mystérieuse  qui  me  poussait,  m'enlevait  ma  liberté,  je  croyais 
alors  que  c'était  la  sainte  Vierge,  maintenant  je  sens  la  même 
chose  et  je  me  demande  s'il  n'y  a  pas  un  sort  contre  moi.  w 
«  Cela  m'exaspère,  dit  Nadia,  de  sentir  toujours  quelque  chose 
de  mystérieux  qui  me  retient  en  arrière  et  m'empêche  de 
réussir  dans  mes  ambitions...  il  me  semble  qu'il  y  a  une  fatalité 
contre  moi  et  elle  ne  me  quittera  pas  tant  que  je  vivrai...  il  me 
semble  qu'il  y  a  une  fatalité  qui  plane  au-dessus  de  ma  tête  et 
qui  ne  me  quitte  jamais...  c'est  mon  destin  qui  amènera  ce  que  je 
redoute  le  plus  et  qui  me  fera  engraisser  afin  que  je  sois  encore 
plus  tourmentée...  il  y  a  une  force  qui  me  pousse  à  faire  des 
serments  idiots,  c'est  le  démon  qui  me  pousse.  »  «  J'ai  sans 
cesse,  dit  Gisèle,  le  sentiment  d'une  puissance  supérieure  qui 
m'étreint,  le  sentiment  que  je  lutte  contre  quelque  chose  de 
supérieur,  c'est  cette  puissance  que  j'ai  appelée  Dieu  et  que  j'ai 
aussi  envie  d'appeler  le  diable  »  et  Lise  parle   tout  le   temps  de 


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le; 

sen 
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jeux 
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SENTIMENTS  D'INGOMPLÉTUDE  DANS  L'ACTION  277 

Une  variété  intéressante  de  ce  sentiment  «st  l'impression  de 
mensonge,  de  fausseté,  de  comédie  que  Ton  retrouve  si  fréquem- 
ment chez  les  psychasthéniques.  Bien  des  tiqueurs  qui  ont  des 
torticolis  psychiques  ou  des  déviations  de  la  taille  connaissent 
mieux  que  leur  médecin  la  nature  de  leur  mal  :  «  Mon  médecin 
était  inquiet  et  se  demandait  si  je  n'avais  pas  une  coxalgie  tuber- 
culeuse, je  n'étais  pas  tourmentée  comme  lui,  car  je  sentais  bien 
que  c'était  une  comédie,  il  me  semblait  que  je  jouais  la  co- 
médie et  que  je  ne  pouvais  pas  faire  autrement.  »  Cette  impres- 
sion se  retrouve  même  quand  les  malades  n'ont  aucun  tic  et  ne 
trompent  en  réalité  personne.  «  Ne  croyez  pas  ce  que  je  viens 
de  vous  dire,  dit  Claire,  je  crois  que  j'ai  menti,  j'ai  toujours 
l^impression  que  je  ne  dis  pas  la  vérité.  »  «  Ma  vie  est  una 
comédie  perpétuelle,  dit  Gisèle,  il  me  semble  toujours  que  je 
joue  un  rôle  et  que  je  n'agis  pas  sincèrement.  »  On  verra  toute 
l'importance  de  ce  sentiment  en  le  rapprochant  dés  sentiments 
de  rêve  et  d'irréel  que  nous  allons  retrouver  à  chaque  instant. 

Une  autre  variété  va  être  le  sentiment  d'humililé,  de  honte  qui  se 
trouve  chez  quelques  malades.  Toq...  ne  se  croit  bon  a  rien,  il  se 
croit  au-dessous  de  tous  les  autres,  et  Jean  finit  par  se  croire  incapa- 
ble de  quoique  ce  soit  ;  il  ne  veut  plus  rien  essayer,  rien  tenter,  con- 
vaincu de  son  infériorité.  «  C'est  triste,  d'être  pour  tout  le  monde 
un  objet  de  risée  et  de  passer  à  mon  âge  pour  un  parfait  imbé- 
cile. »  La  moindre  des  choses  exaspère  ce  sentiment  d'infé- 
riorité. En  entrant  dans  une  réunion  il  a  déposé  sa  canne  au 
vestiaire  et  il  s'aperçoit  que  plusieurs  des  assistants  ont  conservé 
la  leur  ;  de  là  un  désespoir  car  il  se  sent  moins  queux  et  il  est 
plus  gêné  que  jamais. 

Le  sentiment  de  honte  se  retrouve  chez  une  foule  de  sujets 
qui  n'ont  pas  de  véritables  obsessions  de  honte,  ils  éprouvent 
ce  sentiment  d'une  manière  passagère  et  le  trouvent  eux-mêmes 
ridicule.  A  bien  plus  forte  raison  ce  sentiment  est-il  considérable 
chez  tous  les  malades  chez  qui  nous  avons  décrit  les  obsessions 
de  la  honte  du  soi  et  les  obsessions  de  la  honte  du  corps.  C'est 
un  des  sentiments  essentiels  des  scrupuleux,  mais  j'ai  insisté 
pour  montrer  qu'il  se  développait  à  la  suite  d'une  foule  de  senti- 
ments d'inachèvement  et  d'incomplétudé  de  l'action. 

M.  Mourre,  dans  une  étude  sur  l'aboulie,  a    montré  l'impor- 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS,  L*ACTION  279 

volontaire,  plus  il  a  chance  d'éveiller  tous  ces  sentiments  d'insudi- 
sance  de  la  volonté.  On  comprend  donc  que  ces  actes  soient 
variables  suivant  les  sujets,  les  uns,  et  ils  sont  nombreux,  sont 
surtout  préoccupés  d'actes  religieux  et  le  trouble  s'éveille  au 
début  dans  les  églises.  Tout  h  fait  au  début  Claire  ne  ressent  ce 
sentiment  de  difficulté,  ces  indécisions,  cet  automatisme  qu'au 
moment  de  faire  ses  prières  et  de  se  confesser.  Chez  d'autres 
l'acte  grave  va  être  l'acte  professionnel  :  envoyer  des  dépêches 
ou  rouler  des  pétales  de  rose  en  porcelaine,  etc. 

Mais  il  y  a  une  catégorie  d'actes  qui  ont  le  privilège  d'être 
difficiles  et  importants  pour  tout  le  monde  et  d'exiger  une  cer- 
taine somme  d'attention  volontaire,  ce  sont  les  actes  qui  doivent 
être  exécutés  en  public  devant  nos  semblables.  Je  ne  vois  pas 
dans  la  timidité  un  phénomène  spécial,  ce  n'est  h  mes  yeux  qu'un 
cas  de  tous  les  troubles  précédents.  Aussi  nous  ne  serons  pas 
étonnés  que  tous  ces  malades  soient  des  timides,  c'est-à-dire 
qu'ils  éprouvent  au  suprême  degré  les  troubles  précédents  quand 
ils  doivent  accomplir  des  actes  devant  des  témoins.  Mt...,  femme 
de  4i  ans,  est  surtout  gênée  dans  ses  actes  quand  sa  femme  de 
chambre  est  présente,  c'est  à  ce  moment  qu'elle  sent  son  action 
automatique  et  ridicule.  «  Je  suis  gênée,  dit  Fiç...,  quand  il  y  a 
deux  personnes  qui  me  regardent.  »  «Je  ressens  un  effet  étrange, 
dit  Ei...,  femme  de  4^  ans,  quand  il  y  a  du  monde  il  me  semble 
que  jagis  bêtement,  que  je  ne  suis  plus  libre  de  faire  ce  que  je 
fais,  je  retrouve  ma  liberté  quand  je  suis  seule.  »  On  retrouve- 
rait les  mêmes  sentiments  chez  Dob...,  chez  Jean,  et  surtout 
chez  Nadia.  Celle-ci  a,  comme  on  l'a  vu,  un  si  grand  besoin  d'af- 
fection qu'elle  voudrait  se  montrer  aimable  avec  tout  le  monde  et 
elle  fuit  plus  d'attention  que  jamais  à  sa  conduite  quand  elle  est 
avec  des  personnes  à  qui  elle  veut  plaire.  «Cela  me  gêne  de  dire 
des  choses  aimables  que  je  voudrais  bien  dire,  je  me  trouve  stu- 
pide,  je  suis  tout  à  fait  dégoûtée  de  moi  même.  »  Je  ne  discute 
pas  ici  le  rôle  des  phénomènes  émotifs  dans  les  phénomènes 
d'intimidation,  je  constate  seulement  que  les  sentiments  d'insuf- 
fisance de  l'action  se  montrent  souvent  dans  les  mêmes  circon- 
stances où  cette  émotion  prend  naissance. 

9.  —  Sentiments  de  récolte. 
Enfin  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  volonté    n'est   pas  toujours 


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L'INCOiMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         281 

par  Tétude  des  autres  sentiments  du  même  genre  qui  se  présen- 
tent à  propos  des  perceptions  et  des  émotions. 


2.  —  Sentiments  d'incomplétude  dans  les  opérations 
intellectuelles. 

Les  crises  précédentes  de  rumination,  d'agitation  ou  d'angoisse 
commencent  à  Toccasion  d'un  travail  intellectuel,  d'une  per- 
ception, d'un  eflTort  d'attention  comme  à  l'occasion  d'un  acte  vo- 
lontaire. On  retrouve  a  propos  de  cette  opération  intellectuelle 
les  mêmes  sentiments  que  nous  avons  constatés  a  propos  des 
actes  volontaires. 


I .  —  Sentiments  de  difficulté  des  opérations  intellectuelles. 

Ces  malades  prétendent  d'abord  que  le  travail  de  l'esprit  leur 
est  devenu  à  peu  près  impossible,  à  cause  des  difficultés  qu'il 
présente  et  des  souffrances  qu'il  leur  cause.  Tous  se  plaignent 
d'avoir  des  douleurs  dans  la  tête  quand  ils  veulent  appliquer  leur 
esprit  ;  nous  avons  vu  d'ailleurs  que  l'attention  est  très  souvent  le 
point  de  départ  des  agitations,  des  ruminations  et  des  angoisses. 
Aussi  Jean  a-t-il  une  grande  terreur  de  l'attention,  a  qui  va  lui 
donner  des  coups  à  l'estomac...  »,  il  faut  des  exhortations  et  des 
précautions  inouïes  pour  obtenir  quelques  instants  de  lecture. 
[^ise  également  se  plaint  des  fatigues  que  lui  cause  la  lecture,  des 
difficultés  qu'elle  éprouve  h  faire  un  petit  calcul.  Beaucoup  de 
sujets  comme  Vob...,  Ck...  s'épouvantent  et  se  mettent  en  colère 
si  on  essaye  de  fixer  leur  attention  ou  de  leur  faire  accepter  une 
occupation  régulière. 

Cette  résistance  s'explique  en  partie  par  le  sentiment  qu'ils  ont 
de  Vinsuffisance  de  leur  attention  :  ils  sentent  qu'elle  ne  se  fixe 
pas  et  n'arrive  pas  à  l'unité.  «  Quand  je  tiens  une  conversation, 
dit  Jui...,  je  voudrais  bien  pouvoir  penser  à  ce  que  je  dis.  )> 
Lise  sent  toujours  un  engourdissement,  un  état  vague,  une  gène 
énorme  de  la  pensée;  elle  n'a  jamais  la  disposition  de  l'esprit  tout 
entier,  elle  sent  qu'elle  ne  se  donne  jamais  complètement  h  ce 
qu'elle  fait  «  ce  que  je  lis,  même  ce  que  je  regarde,  n'est  pas  bien 


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I/INCOMPLÊTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         283 

abouliques  :  (c  Elle  assure  qu^elle  se  trouve  dans  la  situation  d'une 
personne  qui  n'est  ni  morte  ni  vivante,  qui  vivrait  dans  un  som- 
meil continuel,  h  qui  les  objets  apparaissent  comme  enveloppés 
d'un  nuage,  à  qui  les  personnes  semblent  se  mouvoir  comme  des 
ombres  et  les  paroles  venir  d'un  monde  lointain  *.  » 

Un  malade  de  Krishaber  expliquait  ainsi  d'une  manière  très  fine 
ce  sentiment  de  perception  incomplète  :  «  Il  se  faisait  comme  une 
atmosphère  obscure  autour  de  ma  personne,  je  voyais  cependant 
très  bien  qu'il  faisait  grand  jour.  Le  mot  «  obscur  »  ne  rend  pas 
exactement  ma  pensée;  il  faudrait  dire  «  dumpf  »  en  allemand 
qui  signifie  aussi  bien  lourd,  épais,  terne,  éteint.  Cette  sensation 
était  non  seulement  visuelle,  mais  cutanée.  L'atmosphère  dumpf 
m'enveloppait,  je  la  voyais,  je  la  sentais,  c'était  comme  une  couche, 
un  quelque  chose  mauvais  conducteur  qui  m'isolait  du  monde 
extérieur  '. . .  »  Il  est  inutile  d'ajouter  d'autres  exemples  qui  seraient 
absolument  semblables:  j'insiste  seulement  pour  rappeler  que  de 
tels  sentiments  ne  sont  pas  particuliers,  comme  le  croyait  Krishaber, 
il  une  névrose  spéciale,  mais  qu'ils  se  retrouvent  h  chaque  instant 
sous  la  forme  simple  «  du  voile,  du  nuage  »  ou  sous  des  formes 
plus  spéciales  chez  tous  les  psychasthéniques. 

L'une  de  ces  formes  spéciales  les  plus  curieuses  est  constituée 
par  le  sentiment  àe  jamais^s^u  et  d'étrange.  Dans  beaucoup  d'ob- 
servations, Krishaber  remarque  que  les  objets  semblent  étranges, 
qu'ils  deviennent  drôles,  qu'ils  sont  plats  et  qu'un  homme  appa- 
raît à  ces  malades  comme  une  image  découpée  et  sans  relief. 

Le  malade  de  Bail  vit  se  produire  un  changement  brusque, 
étrange  dans  Tapparence  des  objets  qui  ne  lui  paraissaient  plus  les 
mûmes  ;  il  ne  leur  trouvait  plus  de  relief,  c'est-à-dire  plus  d'appa- 
rence naturelle^.  Ces  expressions  se  trouvent  répétées  si  souvent 
par  nos  malades  qu'il  faut  se  borner  à  citer  brièvement  quelques 
exemples.  «  Les  choses  ne  me  paraissent  plus  de  la  même  façon 
qu'autrefois.  »  (Lap...)  u  Quand  je  suis  fatiguée,  mes  yeux  sont 
affectés  du  même  trouble  que  mes  oreilles,  tout  ce  que  je  vois,  les 
dessins  du  mur  de  ma  chambre  me  paraissent  étranges  comme  le 
son  de  mes  paroles.  »  (Dob...)   «  Le  monde   est   drôlement  fait, 


I.   Billod,  Ana.  méd.  psychol.,  18 '17. 

a.   Knshahcr  t  Xévropathie  eérrbrocantiaqtie,  1873. 

3.   Bail,  Hevue  scientifique,  1883,  II,  p.  ^3. 


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L'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLEC 

blement  qui  va  jouer  un  rôle  plus  iniportiinl  dans 
personnelle.  Dd...,  femme  de  24  ans,  après  une  t] 
sesse  a  le  sentiment  de  ne  pas  se  réveiller  bien,  de 
dans  UD  rêve,  elle  trouve  que  tout  est  étrange  «  c 
dit-elle,  je  voyais  tous  les  objets  doubles  ».  Fya... 
ans,  a  le  môme  sentiment  pendant  ses  crises  d'ang 
passe  un  voile  devant  les  yeux  et  il  me  sembh 
double  ».  Gisèle  a  des  doutes  sur  ce  qu'elle  voit  et 
elle  voit  double.  Il  est  curieux  de  remarquer  que  C( 
diplopie  ne  correspond  pas  à  un  trouble  précis  obj 
préciable.  Quand  on  leur  demande  la  place  de  la  secc 
rapporta  la  première,  en  un  mot,  quand  on  veut  pi 
plopie,  les  malades  ne  peuvent  plus  répondre  et  sont  o 
qu'ils  ne  voient  en  réalité  qu'un  seul  objet,  mais 
procure  un  sentiment  de  trouble  comme   s'ils  en  y 

Aux  troubles  précédents  de  la  perception  extérie 
un  petit  sentiment  bizarre  sur  lequel  mon  attentioi 
parce  que  trois  ou  quatre  malades  s'en  sont  plain 
de  la  même  manière,  le  sentiment  de  désorienta tl 
particulier,  dit  que  lorsqu'elle  est  très  mal,  elle  î 
peine  à  se  conduire  non  seulement  dans  la  vill* 
dans  son  appartement,  il  n'y  a  plus  de  coordination 
des  différents  objets  par  rapport  les  uns  aux  aut 
les  maisons,  les  portes  et  les  fenêtres  de  l'apparter 
*.  'avoir  perdu  leur  place  relative  et  la  malade  se  trou 
rientée.  Ppi...  me  parle  tout  à  fait  de  la  même 
qu'il  est  malade  il  ne  s'oriente  plus  consciemmer 
Il  ne  perd  pas  son  chemin,  car  il  connaît  la  vilK 
temps,  mais  c'est  en  quelque  sorte  inconsciemmer 
chez  lui  :  s'il  essaye  avant  de  partir  de  se  représen 
la  direction  de  la  place  de  Passy  par  rapport  au  (^ 
il  ne  peut  aucunement  y  parvenir;  il  se  souvient  c 
faisait  très  bien  cette  opération  avant  d'être  malac 
tends  pas  que  cette  désorientation  soit  un  caractt 
des  scrupuleux,  Jean  pousse  au  contraire  a  l'extrê 
la  direction  puisqu'il  y  a  certaines  directions  au 
peut  pas  tourner  le  dos  sans  recevoir  des  fluides  ; 
malades  qui  ont  des  troubles  nets  de  la  perceptio 
s'ajoute  aux  sentiments  de  nuage  et  d'étrange. 


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LES  STIGMATES  PSYGCIASTHÉNIQUES 

Tin,  ces  objets  perçus  vaguement,  étr«nnges,  dédoublés  parais- 
neore  bien  souvent  se  rapetisser  et  s*èloii^ner.  Ce  sentiment 
gnement  des  objets  se  complique  presque  toujours  d'un  sen- 
t  (V isolement,  puisque  le  sujet  se  sent  lui-même  loin  des 
s  et  séparé  d'elles.  «  Pour  beaucoup,  disait  Krishaber,  les 
;  paraissent  se  rapetisser  et  s'éloigner  à  rinfini.  Le  malade 
sonnait  plus  le  son  de  sa  voix;  elle  lui  semble  venir  de  très 
tt  se  perdre  dans  l'espace  sans  pouvoir  atteindre  Toreille  des 
Dcuteurs  dont  les  réponses  sont  difficilement  perçues...  » 
sa  thèse  sur  a  le  sentiment  dç  déjîi  vu  »,  M.  Bernard  Leroy 
que  souvent  que  la  fausse  reconnaissance  est  accompagnée 
5  sentiment  de  petitesse  et  d'éloignement  des  objets*, 
out  s'éloigne  de  moi  »  répètent  nombre  de  nos  malades, 
jets  sont  dans  le  lointain  et  ils  deviennent  petits,  petits...  » 
e,  Lise,  We...,  etc.).  Dans  quelques  cas  rares,  il  peut  se 
lire  ici  un  trouble  de  la  vision  analogue  aux  spasmes  d'ac- 
iodation  bien  connus  chez  les  hystériques,  mais  le  plus 
nt  il  n'en  est  rien.  Ces  malades  qui  prétendent  que  les 
i  sont  loin  et  petits  les  touchent  à  leur  place  et  font  des 
ements  corrects  pour  les  prendre  dès  qu'on  leur  demande 
faire  ;  ils  finissent  par  reconnaître  que  les  objets  sont  restes 
ables,   mais  qu'ils  leur  donnent  l'impression  d'être   loin  et 

petits.  M.  Bernard-Leroy  me  semble  bien  décrire  ce  phé- 
nc,  quand  il  dit  «  qu'il  s'agit  moins  d'un  éloignement  ma- 

que  d'un  éloignement  moral,  l'illusion  visuelle  se  trouve 
a  dépendance  de  l'impression  d'éloignement,  d'isolement, 
te  du  monde'  ». 

>  sujets  ne  reconnaissent  plus  le  monde  ordinaire,  ils  le 
ît  disparu,  éloigné  d'eux,  séparé  d'eux  par  une  barrière  in- 
3,  par  le  voile,  le  mur  dont  nous  avons  déjà  parlé,  et  ils 
sent  ce  sentiment  d'une  manière  symbolique  en  parlant 
gnement  matériel  et  de  petitesse. 

sentiment  peut  être  poussé  a  l'extrême  :  l'un  des  sujets  de 
rnard-Leroy  croyait  «   flotter  dans  les  espaces  interplané- 

et  se  croyait  séparé  de  tous  les  univers,  dans  une  sorte 
'ment  cosmique  ».  J'ar  vu  deux  malades  qui  avaient  des 
ions  de    ce    genre.    Gel...    répète   tout  le    temps  qu'il   lui 


.  Bernard  Leroy,  I^'illiision  de  fausse  reconiuiissimre,  1898  (Paris.  F.  Alcan). 
Brnard- Leroy,  Ih'vue  philosophique ^  1898,11,  160. 


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L'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         287 

semble  avoir  quilté  la  terre  et  cire  tombée  dans  une  autre  pla- 
nète, elle  voudrait  bien  revenir  sur  la  terre  où  sont  tous  les  siens. 
X...,  femme  de  3o  ans,  pendant  six  semaines,  après  une  fièvre 
typhoïde,  a  eu  l'impression  qu'elle  était  «  loin  de  la  terre  et  loin 
du  système  solaire  ».  L'Arc  de  Triomphe  qu'elle  voyait  de  ses 
fenêtres  était  une  copie  de  l'Arc  de  Triomphe  terrestre  «  qu'ils 
avaient  faite  dans  une  autre  planète  ».  On  voit  que  ces  interpré- 
tations délirantes  auxquelles  le  malade  croit  plus  ou  moins  viennent 
compliquer  le  sentiment  de  l'étrange  et  de  l'éloignement. 

3.  —  Sentiment  de  conception  imaginaire. 

A  un  degré  plus  avancé,  les  malades  n'ont  plus  seulement  le 
sentiment  que  leurs  perceptions  sont  mauvaises,  insulfisantes, 
bizarres;  mais  ils  ont  encore  le  sentiment  que  leur  opération  n'est 
plus  du  tout  une  perception  de  l'objet  extérieur,  mais  une  autre 
opération,  une  conception  plus  ou  moins  imaginaire.  Il  y  a  tou- 
jours quelque  difficulté,  ainsi  que  je  l'ai  indiqué  souvent,  à  distin- 
guer l'une  de  l'autre  une  perception  actuelle,  un  souvenir  ou  un 
rêve*.  Nos  malades  se  trompent  maintenant  tout  a  fait  et  ils  ont  à 
propos  d'une  perception  les  mômes  sentiments  qu'à  propos  du 
souvenir  ou  de  l'imagination. 

On  a  beaucoup  étudie  dans  ces  dernières  années  le  phénomène 
de  la  fausse  reconnaissance  ou  du  déjà  vu,  dans  lequel  le  sujet  a 
l'impression  que  tous  les  détails  de  sa  situation  actuelle  sont  la 
reproduction  d'une  situation  identique  déjà  vécue  par  lui  autre- 
fois. Les  descriptions  anciennes  de  Wigan,  i8/i4,  de  Jensen, 
18G8,  de  Sander,  1878,  de  Angel,  1877,  sont  tout  à  fait  classiques. 
«  C'est,  disait  un  malade  de  Wigan,  une  impression  soudaine 
que  la  scène  à  laquelle  nous  venons  d'assister  à  l'instant  (quoique 
étant  donnée  la  nature  même  des  circonstances  elle  n'ait  pas  été 
vue  antérieurement)  s'est  déjà  trouvée  sous  nos  yeux  autrefois  avec 
les  mêmes  personnes,  causant  entre  elles,  assises  exactement  dans 
les  mêmes  positions,  exprimant  les  mêmes  sentiments  dans  les 
mêmes  termes.  Les  poses,  les  expressions,  les  gestes,  tel  son  de 
voix,  il  semble  que  l'on  se  souvienne  de  tout  et  que  tout  cela  attire 
notre  attention  pour  la  seconde  fois^.  »  On  trouvera  bien  des  des- 


I.  Névroses  cl  idées  fixes.  II,  p.   1O8. 

a.   Wigan,  The  duality  of  Mind,  18 \\,  p.  8^. 


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L'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         289 

môme  à  des  interprétations,  sent  tout  simplement  que  les  phéno- 
mènes n'excitent  pas  en  lui  le  même  sentiment  que  des  choses 
présentes,  qu'ils  ressemblent  sur  ce  point  à  des  choses  passées. 
Il  y  a  presque  toujours  une  différence  importante  entre  «  le  déjà- 
vu  »  et  le  vrai  souvenir  du  passé.  Le  passé  a  le  caractère  d'être 
connu,  d'être  habituel,  il  ne  nous  étonne  pas;  au  contraire,  le 
«  déjà-vu  »  conserve  toujours  un  sentiment  de  vague,  d'étrange  ; 
il  se  rapproche  toujours  des  sentiments  précédents  du  voile,  de 
Tétrangeté  dont  il  n'est  en  réalité  qu'une  forme  particulière. 

Aussi  n'est-il  pas  surprenant  que  ce  sentiment  présente  des 
variétés  et  qu'il  ne  soit  pas  toujours  interprété  comme  un  senti- 
ment de  souvenir.  Dans  quelques  cas  assez  rares  d'ailleurs,  si  je 
ne  me  trompe,  le  sujet  sentant  toujours  que  le  fait  n'est  pas  pré- 
sent, car  c'est  là  le  fait  fondamental,  est  disposé  à  le  situer  dans 
l'avenir.  «  Il  me  semblait  que  ce  que  j'entendais  était  ce  qui  allait 
être  dit  ou  fait'.  »  Nadia  se  plaint  bien  souvent  de  ne  pas  être 
dans  le  présent,  de  ne  pas  se  rendre  compte  de  ce  qui  existe  dans  le 
présent.  «  J'ai,  dit-elle,  de  drôles  d'impressions,  il  me  semble  que 
les  choses  n'existent  pas  réellement,  mais  que  j'ai  des  pressenti- 
ments de  leur  existence.  Tout  à  l'heure  j'attendais  votre  visite  et 
je  me  la  représentais,  et  bien  maintenant  j'ai  envie  de  dire  que 
c'est  la  même  chose.  Ltes-vous  vraiment  là  ?  »  C'est  à  propos  de 
sentiments  de  ce  genre  que  quelques  auteurs  ont  parlé  de  sentiment 
de  pressentiment',  de  sentiment  de  «  promnésie^  ».  11  est  facile 
de  voir  que  ce  n'est  qu'une  variante  du  sentiment  précédent. 

Un  autre  sentiment  bien  plus  naturel  se  développera  fréquem- 
ment à  la  place  des  précédents,  c'est  le  sentiment  de  V imaginaire, 
de  l'irréel,  «  L'impression  du  déjà  vu,  disait  M.  Paul  Bourget*, 
s'accompagne  d'une  espèce  de  sentiment  impossible  à  analyser  que 
la  réalité  est  un  rêve.  »  On  trouvera  une  foule  d'exemples  de  ce 
sentiment  de  l'irréel  dans  les  observations  de  Krishaber.  «  Quand 
je  vois  mes  camarades  d'hôpital,  je  me  dis  à  moi-même:  ce  sont 
les  figures  d'un  rêve...  »  «  Même  en  touchant  et  en  voyant,  le 
monde  m'apparaît  comme  une  gigantesque  hallucination...  »  Ou 
retrouvera  ces  mêmes  paroles  chez  le  malade  de  Bail,  dans  les 

I.  Bernard  Leroy,  op.  cit.,  p.  211. 

a.  A.  Lalandc,  Les  paramnésies,  Revue  philosophiques,  1898,  II,  p.  4^5. 

3.  Fr.  W.  Myers,  Proceedings  of  ihe  society  for  psychical  Research,  i8()5.  p.  3i^4. 

4.  Bernard  Leroy,  op.  cit.,  ^.  169. 

LES    OBSESSIONS.  I.    —    TQ 


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2ÔÔ  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

observations  de  M.  Dugas,  de  M.  Bernard  Leroy,  etc.,  c'est  on 
des  sentiments  les  plus  fréquemment  observés.  A  mon  avis,  il  est 
beaucoup  plus  fréquent,  plus  caractéristique  et  plus  intéressant 
pour  la  psychologie  que  le  sentiment  du  «  déjà  vu  »  qui  a  été  trop 
souvent  étudié  d'une  manière  isolée. 

Pour  ma  part,  c'est  le  sentiment  que  j'ai  le  plus  souvent  observé 
chez  les  psychasthénîques.  Je  ne  puis  citer  que  quelques  expres- 
sions de  ce  sentiment  au  milieu  d'une  foule  d'autres.  «  Je  ne  vis 
plus  sur  terre,  dit  Pot...  dans  les  périodes  de  grave  maladie, 
puisque  je  ne  vois  plus  rien  qui  existe  réellement.  Je  ne  puis  pas 
me  mettre  dans  l'idée  que  vous  et  les  gens  qui  m'entourent  vous 
vivez  réellement,  vous  êtes  de  vraies  personnes.  »  Cette  malade 
est  intéressante  parce  que  dans  tous  les  intervalles  des  crises, 
quand  la  maladie  diminue,  elle  se  félicite  «  de  retrouver  enfin  des 
objets  réels  ».  D'autres,  comme  To...  ou  Mb...,  n'ont  ce  sentiment 
qu'à  propos  des  perceptions  visuelles  ou  auditives,  a  elles  ont 
besoin  de  toucher,  comme  saint  Thomas,  pour  se  rendre  un  peu 
compte  que  l'objet  existe...  ».  On  se  rappelle  l'obsession  «  delà 
véracité  des  sens,  de  la  priorité  du  toucher,  sens  direct  au  milieu 
des  sens  indirects...  «qui  s'est  développée  chez  Mb...  à  ce  propos. 

Une  expression  dont  les  malades  aiment  beaucoup  à  se  servir 
pour  désigner  ce  trouble  de  leurs  perceptions  est  celle  de  réi^e, 
quoique  ce  soit,  bien  entendu,  une  simple  métaphore  ainsi  que  le 
remarque  M.  Dugas,  car  il  n'est  pas  du  tout  certain  que  Ton  ait 
un  sentiment  semblable  dans  le  véritable  rêve.  Tous  répètent 
comme  Lo...  :  «  je  vis  dans  le  rêve,  dans  les  espaces,  je  ne  sens 
pas  les  choses  de  ce  monde.  »  «  Je  vois  tout  au  travers  d'un 
voile,  d'un  brouillard,  j'entends  parler  comme  si  j'étais  dans  un 
rêve  »  (Dd...).  «  Je  ne  distingue  vraiment  pas  bien  ce  que  j'ai 
vécu  et  ce  que  j'ai  rêvé  »  (Gisèle).  Pendant  de  longues  périodes 
Nadia  répète  «  qu'elle  se  sent  drôle,  qu'elle  se  sent  comme  dans 
un  rêve  perpétuel.  » 

Les  événements  les  plus  graves  ne  les  sortent  pas  toujours  de 
leur  étal  de  rêve.  On  a  commis  la  sottise  énorme  de  marier  Lo... 
elle  semble  n'avoir  rien  compris  à  ce   qui  s'est  passé,  elle  reste 
toute  surprise  qu'on  l'appelle  Madame  et  ne  peut  parvenir  à  com- 
prendre que  tout  cela  n'est  pas  un  simple  rêve. 

Il  y  a  même  des  malades  qui  vont  encore  plus  loin  dans  ces 
sentiments   d'incomplétude   de   la  perception   extérieure   et  qui 


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L'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         291 

ont  le  sentiment  d'avoir  perdu  tout  à  fait  certaines  perceptions. 
Btu...,  une  femme  de  56  ans,  dont  l'observation  est  tout  à  fait 
remarquable  pour  Tétude  de  la  maladie  de  Krishaber,  répète 
constamment  :  «  Je  suis  enfermée  dans  un  tombeau...  quelle 
horreur  que  l'isolement  absolu  !  Il  n'y  a  personne,  personne 
autour  de  moi.  Je  ne  vois  que  du  noir,  un  noir  d'encre,  même 
quand  il  y  a  du  soleil  je  ne  vois  rien,  rien  que  du  noir.  »  Il  est 
toujours  surprenant  en  examinant  de  tels  malades  de  constater 
qu'ils  n'ont  absolument  aucun  trouble  de  la  vision,  qu'ils  distin- 
guent tous  les  plus  petits  objets  et  les  reconnaissent  sans  hési- 
tation. Hot..,,  jeune  fille  de  17  ans,  arrive  en  se  plaignant  d'être 
aveugle.  «  Est-ce  que  je  pourrai  encore  voir  clair,  est-ce  que  je 
pourrai  guérir  et  voir  clair?  »  En  réalité  elle  lit  les  plus  petites 
lettres  du  tableau  de  Wecker  à  la  distance  de  5  mètres.  —  Ret... 
va  chez  tous  les  médecins  qui  traitent  les  oreilles  et  prétend  être 
sourde  quoique  on  ne  constate  aucune  surdité  objectivement.  Ce 
sont  déjà  des  obsessions  qui  se  développent  à  propos  des  sen- 
timents d'incomplétude  de  la  perception. 

4.  —  Sentiment  de  disparition  du  temps. 

A  côté  de  ce  trouble  de  la  perception  des  événements  dans  l'es- 
pace, il  est  juste  déplacer  un  fait  analoque  à  propos  du   temps. 

Les  études  sur  les  sentiments  des  malades  à  propos  du  temps 
pendant  lequel  se  déroulent  les  phénomènes  seraient  à  mon  avis 
des  plus  intéressantes  ;  elles  ont  été  très  rarement  faites  car  elles 
sont  fort  difficiles.  On  constate  au  premier  abord  les  faits  les  plus 
incohérents  chez  les  différents  malades  ou  chez  le  même  sujet.  Il 
faut,  je  crois  bien,  séparer  les  appréciations  qu'ils  portent  pendant 
qu'ils  sont  malades,  sur  leur  état  de  santé  antérieur  ou  sur  les 
phénomènes  de  leur  période  de  maladie. 

Quand  le  malade  songe  à  son  état  de  santé  antérieur  à  l'époque 
où  il  était  bien  portant,  où  il  avait  le  sentiment  du  réel,  il  me 
semble  disposé  à  le  reculer  énormément,  dans  le  temps,  à  avoir  à 
ce  propos  un  sentiment  exagéré  du  cours  du  temps.  Voici  comment 
s'exprime  un  malade  de  Krishaber  :  «  11  me  semblait  être  trans- 
porté extrêmement  loin  de  ce  monde  et  machinalement  je  pro- 
nonçais à  haute  voix  ces  paroles  :  je  suis  bien  loin,  bien  loin.  Je 
savais  très  bien  cependant  que  je  n'étais  pas  éloigné,  je  me  souve- 
nais très   distinctement  de   ce  qui  m'était  arrivé,  mais  entre  le 


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292  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

moment  qui  avait  précédé  et  celui  qui  avait  suivi  mon  attaque,  il 
^  avait  un  intervalle  immense  en  durée,  une  distance  comme  de  la 
terre  au  soleil...  »  Si  on  se  place  exactement  dans  la  même  situa- 
tion et  si  on  interroge  le  sujet  sur  le  temps  écoulé  depuis  son  état 
le  santé  jusqu'à  Tétat  actuel  de  maladie,  il  répond  comme  le 
naïade  de  Krishaber  :  «  Ma  jeunesse  heureuse  est  séparée  de  moi 
3ar  des  siècles,  dit  Claire.  »  «  Ma  crise  n'a  commencé  en  réalité 
|ue  depuis  trois  jours,  me  dit  Kl...,  mais  c'est  une  éternité,  il  y  a 
;i  longtenïps  que  je  suis  étonnée  de  me  souvenir  de  ce  que  je  faisais 
ivant  d'être  malade.  »  Est-ce  bien  là  un  sentiment  du  temps,  n'est- 
;e  pas  le  même  sentiment  d'éloignement  qui  poussait  le  sujet  à 
nettre  des  espaces  infinis  entre  lui  et  les  choses  réelles.  Il  se  sépare 
le  sa  vie  réelle  antérieure  par  des  siècles,  comme  tout  à  l'heure  il 
éparait  son  corps  de  la  terre  et  du  système  solaire. 

On  trouve  des  sentiments  qui  portent  plus  exactement  sur  le 
emps  quand  on  prend  la  précaution  de  ne  pas  sortir  de  la  période 
le  maladie  et  même  de  la  période  pendant  laquelle  la  maladie  est 
estée  la  même. 

J'ai  noté  ce  détail  avec  soin  dans  mon  observation  déjà  publiée 
le  Bei...  Cette  jeune  fille  atteinte  du  sentiment  de  dépersonnàlîsa- 
ion  se  plaignait  qu'elle  avait  perdu  le  sens  du  temps,  elle  ne  com- 
prenait pas  la  signification  des  mots  :  hier,  aujourd'hui,  demain; 
El  journée  s'écoulait  sans  qu^elle  eût  compris  comment,  elle 
royait  toujours  être  au  même  moment,  a  hier,  aujourd'hui, 
lemain  me  paraissent  la  même  chose,  comme  un  grand  vide,  » 
lie  pouvait  se  rendre  compte  de  ce  trouble  bizarre  en  le  compa* 
ant  à  ce  qu'elle  éprouvait  autrefois  quand  elle  faisait  correcte- 
rient  la  distinction  des  divers  moments  du  t«mpsV  Beaucoup  de 
lalades  soiit  du  même  genre.  Ver...,  PI...  (20)  et  par  moments 
ussi,  Nadia  :  il  est  clair  que  cette  dernière  ne  se  rend  pas  compte 
e  l'éloîgnement  des  années,  elle  reste  toujours  exactement  la 
lême  et  quoiqu'elle  ait  3o  ans,  elle  croit  être  restée  tout  à  fait 
Dmme  une  enfant. 

Lise  a  fait  sur  ce  point  des  remarques  plus  nettes  :  elle  est  sur- 

rise  de  la  façon  dont  le  temps  s'écoule  pendant  qu'elle  est  malade  : 

Les  heures  passent  tout  à  fait  sans  que  je  m'en  aperçoive,  je  reste 

ois  heures  à  méditer  et  quand  je  me  secoue  j'ai  le  sentiment  que 

\  ne  me  suis  laissée  aller  que  cinq  minutes  à  peine.  J'ai  été  très 

I.  iKévroses  et  Idées  fixes ^  II,  p.  63. 


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L'ÎNCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLECTUELLES         293 

malade  toute  cette  semaine  et  en  revenant  vous  voir  j^avais  Tim- 
pression  de  sortir  de  chez  vous,  je  ne  puis  pas  me  figurer  qu*il  y 
a  huit  jours  d^écoulés...  Pendant  mes  périodes  de  maladie,  le 
temps  est  toujours  très  court...  s'il  existe...  ou  plutôt  je  n'en  sais 
rien,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  plus  de  temps  quand  je  suis  très 
malade...  »  M.  Fouillée  disait  déjà  «  même  chez  l'homme,  il  y  a 
des  cas  maladifs  où  toute  notion  du  temps  semble  disparue,  où 
l'être  agit  par  vision  machinale  des  choses  dans  l'espace  sans 
distinction  du  passé  et  du  présent'  ». 

On  explique  ordinairement  ces  faits  en  disant  que  le  sujet 
s'absorbe  dans  le  sentiment  du  présent.  Quoiqu'il  soit  difTicile 
d'avancer  sur  ce  point  autre  chose  que  des  hypothèses  je  serai 
disposé  à  dire  que  mes  malades  perdent  la  notion  du  temps  d'une 
manière  bien  plus  complète,  parce  qu'ils  perdent  le  sentiment  du 
présent.  Pendant  la  durée  de  leur  crise,  quand  la  perception  ne 
donne  que  de  l'irréel  ou  du  passé,  ils  n'ont  point  le  sentiment  du 
présent,  c'est  du  moins  ce  qu'expriment  des  malades  comme  Bei. . . 
et  Lise  «  qui  sont  dans  un  rcve  et  ne  sentent  plus  le  temps  s'écou- 
ler ». 

Ces  modifications  du  sentiment  du  temps  prendront  plus  tard 
une  grande  importance,  nous  ne  pourrons  ici  que  les  signaler  et 
attirer  l'attention  sur  elles. 


5.  —  Sentiments  d'inintelligence. 

Les  modifications  de  l'attention  ne  déterminent  pas  seulement 
les  sentiments  précédents  à  propos  de  la  perception  extérieure,  ils 
déterminent  des  sentiments  du  même  genre  a  propos  de  toutes  les 
opérations  de  l'esprit,  de  toutes  les  conceptions,  de  toutes  les 
idées.  Les  souvenirs  et  les  idées  ont  le  même  caractère  de  vague  et 
d'irréel  que  le  monde  extérieur,  a  Ma  vie  passée,  dit  Claire,  me 
parait  appartenir  à  un  autre  monde,  qui  n'est  pas  réel,  tout  cela 
est  si  loin  de  moi,  je  ne  peux  pas  m'expliquer  bien  mes  idées,  je 
fais  des  efforts  pour  atteindre  une  idée  claire,  il  faudrait  pour  cela 
ouvrir  une  petite  porte  qui  est  dans  ma  tête,  l'idée  claire  est 
derrière  cette  porte  mais  je  ne  puis  parvenir  à  l'atteindre.  » 
Dob...  gémit  indéfiniment  sur  la  peine  qu'elle  a  à  exprimer  et 

I.  Fouillée,  Introduction  à  la  genèse  de  l'idée  de  Temps,  par  Gu)au,  i8()o  (Paris, 
F.  Alcan). 


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294  LES  STIGMATES  PSYCH  ASTHÉNIQUES 

à  comprendre  ses  idées,  elle  désespère  d'arriver  à  la  précision. 
Qi...  se  désole  parce  qu'elle  ne  peut  plus  comprendre  son  fils 
ni  se  faire  comprendre  par  lui  «  on  dirait  que  depuis  deux  ans 
notre  maison  se  transforme  en  une  Tour  de  Babel.  » 

Ce  vague  de  Tidée  provoque  certainement  divers  sentiments  se- 
condaires que  Ton  a  remarqués  chez  ces  malades,  d'abord  le  senti- 
ment du  mystère,  l'idée  qu'ils  sont  entourés  de  choses  profondé- 
ment incompréhensibles,  ensuite  le  besoin  de  chercher,  l'effort 
pour  se  débrouiller  au  milieu  de  toutes  ces  choses  qu'ils  ne  com- 
prennent pas.  «  Les  choses  mystiques  et  mystérieuses  me  font  du 
mal  et  m'attirent,  je  sens  si  bien  le  mystérieux  »  (Gisèle).  Chez 
Gat...  et  chez  Pot...  la  progression  est  bien  visible  :  au  début 
elles  ont  des  sentiments  douloureux  d'automatisme,  d'irréel,  d'obs- 
curité et  ce  n'est  qu'après  qu'elles  se  mettent  à  interroger. 
«  Pourquoi  ces  gens  qui  ont  l'air  drôles  sont-ils  sur  terre?  Pour- 
quoi vit-on  puisqu'on  doit  mourir  ?  »  Le  goût  des  questions  mé- 
taphysiques se  rattache  à  diverses  tendances,  nous  en  voyons  ici 
un  exemple. 

Les  malades  semblent  se  rendre  compte  que  cette  obscurité 
tient  à  quelque  chose,  à  une  opération  mentale  mal  faite,  ils  ont 
constamment  comme  Jo...  le  sentiment  qu'ils  ont  oublié  quelque 
chose,  qu'il  leur  manque  une  opération  mentale.  Ver...  de  même 
qu'il  se  plaint  d'avoir  perdu  sa  personne  se  plaint  d'avoir  perdu 
ses  idées  :  dans  son  langage  sans  précision  psychologique  il  dit 
sans  cesse  <(  qu'il  ne  se  fait  pas  d'idées  des  choses,  qu'il  ne  peut 
pas  poursuivre  ses  idées.  »  Il  a  été  à  l'enterrement  d'un  de  ses 
oncles  et  se  plaint  de  ne  pas  se  faire  l'idée  qu'il  est  mort.  «  Que 
voulez-vous,  dit-il  en  terminant,  la  vie  est  de  penser  et  je  ne  pense 
pas.  )> 

D'autres  se  rendent  mieux  compte  qu'ils  ont  des  idées  nom- 
breuses mais  qu'ils  ne  les  unifient  pas,  ne  les  coordonnent  pas  : 
((  mon  attention  est  sans  cesse  éparpillée,  dit  Lise.  )>  a  J'ai  trop 
d'idées  compliquées  à  la  fois,  dit  Nadia  »,  Xyb...  se  rend  compte 
qu'elle  ne  met  pas  les  choses  à  leur  place.  Elle  a  des  doutes  et 
des  scrupules  relativement  a  une  domestique^  a  je  ne  suis  pas 
naturelle  avec  elle,  il  faudrait  qu'elle  ait  sa  place  dans  mon  ima- 
gination comme  domestique,  les  places  des  idées  me  semblent 
changées.  Il  faudrait  que  les  choses  soient  équilibrées  de  nou- 
veau )).  Ppi...  se  sent  toujours  faible  dans  son  travail,  il  ne  peut 


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L'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  OPÉBATIONS  INTELLECTUELLES         295 

pas  avoir  de  vues  d'ensemble,  embrasser  une  étude,  «  il  me  faut 
indéfiniment  prendre  chaque  petit  coin  de  la  question  ». 

On  peut  rattacher  à  ce  sentiment  d'incoordination  certains  be- 
soins qu'éprouvent  les  sujets.  Ils  ont,  disent-ils,  une  soif  d'ap- 
prendre, ils  voudraient  qu'on  leur  (it  des  démonstrations,  qu'on  leur 
fit  comprendre  des  idées  générales  capables  de  mettre  de  l'ordre 
dans  leur  esprit.  Ce  désir  se  symbolise  dans  la  pensée  de  Jean  qui 
aspire  à  des  enseignements  d'une  simplicité  et  d'une  généralité 
inouïes.  Il  est  impossible  de  trouver  un  livre  qui  soit  de  son  goiH  : 
(c  Comment  peut-on  lui  faire  lire  des  détails  à  lui  qui  ne  sait 
rien  de  l'ensemble  ?»  A  32  ans,  il  ne  veut  lire  que  des  manuels 
et  des  manuels  très  généraux;  il  ne  peut  pas  lire  un  manuel 
d'histoire  de  France  avant  d'avoir  lu  un  manuel  d'histoire  uni- 
verselle et  avant  de  s'intéresser  à  une  notion  scientifique  quel- 
conque, le  voici  qui  veut  étudier  les  «  leçons  de  choses  »  qu'on 
donne  aux  petits  enfants.  Ces  goûts  correspondent  à  des  senti- 
ments bizarres  relatifs  a  la  clarté  de  la  méthode  déductive,  à  un 
besoin  ridicule  de  subordination  et  de  coordination  qui  se  rat- 
tache, si  je  ne  me  trompe,  à  la  souffrance  causée  par  la  lacune 
précédente. 

5.  —  Sentiment  de  doute. 

Nous  arrivons  au  sentiment  le  plus  connu  de  ces  malades,  celui 
que  l'on  prend  bien  trop  souvent  comme  représentant  de  tous  les 
autres.  Même  sur  ce  point  il  y  a  souvent  des  malentendus,  ainsi  on 
se  borne  à  dire  que  ces  malades  ont  la  manie  du  doute,  la  manie 
de  l'interrogation.  Ce  n'est  là  qu'une  des  formes  du  doute  qu'ils 
peuvent  présenter  :  à  côté  de  ces  manies  de  s'interroger  sur  un 
point  comme  sur  l'existence  de  Dieu,  ils  ont  un  doute  perpétuel 
qui  est  un  simple  sentiment  portant  plus  ou  moins  sur  tous  les 
actes  de  la  vie.  J'avais  insisté  sur  cette  distinction  dans  mes  an- 
ciennes études  sur  l'aboulie.  MM.  Raymond  et  Arnaud  la  font 
également  avec  netteté'.  C'est  pourquoi  après  avoir  décrit  les 
manies  de  recherches  nous  arrivons  maintenant  aux  sentiments 
du  doute. 

Les  malades  doutent  au  début  des  choses  qui  sont  évidemment 
les  plus  obscures  et  qu'ils  comprennent  le  moins,  c'est-à-dire  des 

I.  Raymond  et  Arnaud,  \nn.  mêd.  psych.,  1892,  lî,  aoa. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

eligieuses.  «  Quand  j'ai  commencé  à  être  malade,  dit 
ai  perdu  la  foi  de  mon  enfance,  je  ne  savais  pas  pour 
ison  je  ne  croyais  plus  et  j'ai  fait  tout  ce  que  j'ai  pu  pour 
r  la  foi,  mais  inutilement.  »  Claire  commença  par  sentir 
M  religieuse  s'en  allait  «  c'était  un  défaut  de  confiance  en 
clque  chose  qui  s'éteignait  en  moi  comme  une  lumière  qui 
it.  »  Son  éducation,  ses  désirs,  toutes  ses  idées  la  ratta- 

la  religion,  aussi  se  désolait-elle  du  doute  qui  l'envahis- 
5t  curieux  de  remarquer  que  cet  affaiblissement  de  la  foi 
i  causé  par  des  lectures,  des  discussions,  ne  dépend  pas 
snts.  Sa  raison,  si  on  peut  ainsi  dire,  n'a  pas  perdu  la  foi 
e  et  serait  incapable  de  formuler  la  moindre  objection. 
D  vieille  erreur  que  de  se  figurer  la  croyance  toujours  dé- 
:  par  des  raisons  et  le  doute  par  des  arguments  :  la  foi 
te  malade  se  perd  sans  raison  en  vertu  du  même  mé- 
qui  fait  paraître  le  monde  étrange  et  qui  amène  le  senti- 

dépersonnalisation. 

I  la  maladie  s'aggrave,  le  doute  commence  à  porter  sur 
Bs  qui  d'ordinaire  sont  crues  plus  facilement.  Les  ma- 
ndent confiance  dans  les  personnes  environnantes.  Claire 
plus  croire  ce  qu'on  lui  dit,  n*a  plus  de  confiance  dans 
ye  de  ses  parents.  Lod...  de  même  ne  croit  plus  qu'une 
rsonne,  c'est  sa  sœur,  aucune  autre  ne  peut  la  rassurer 
porte  quoi.  «  Je  sais  bien  que  l'on  a  raison,  dit  Lise,  je 
liais  je  ne  puis  pas  être  convaincue...  »  «  Je  sais  que  ce 
>  me  dites  est  vrai,  me  répond  Gisèle,  ma  raison  me  le 
te  ainsi,  mais  mon  impression  persiste...  impossible 
invaincue  dans  le  fond.  »  «  Je  veux  vous  croire,  je  me 
ue  je  vous  crois...  mais  ce  n'est  pas  ma  faute,  je  ne  le 
...  il  me  reste  quelque  chose,  un  doute,  un  vague,  un 
is  quoi...  »  (Claire,  Fik...,  etc.)  A  toute  autorité,  elles 
L  le  désir  d'une  autorité  plus  grande,  si  le  médecin  leur 
les  voudraient  le  prêtre  et  si  c'est  le  prêtre,  elles  lui  re- 
t  de   ne  pas   être  archevêque   ou  pape  «  et  encore  si  le 

parlait,  je  ne  le  croirais  pas,  car  il  se  pourrait  qu'il  m'ait 
prise  et  que  sa  réponse  infaillible  ne  s'applique  pas  à  la 

»  (Claire),  de  même  que  la  confiance  est  disparue  sans 
de  même  des  raisons  sont  tout  à  fait  incapables  de  la  ra- 
3i  ce  défaut  de  confiance  dans  les  personnes  s'exagère  et 
;omme  il  arrive  chez  Simone,  que  je  compte  étudier  dans 


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L'INCOMPLÊTUDE  DANS  LES  OPÉRATIONS  INTELLI 

un  autre  ouvrage  sur  la  psychologie  des  perséci 
rapprochera  de  la  persécution. 

Un  degré  de  plus  et  les  malades  vont  douter 
avenir  ou  de  leur  propre  passé.  L*absence  d 
sombre  qui  se  présente  comme  un  trou  noir  est  i 
tère  de  ces  malades.  Am...  ne  peut  rien  croire  de 
demain  et  malgré  toute  évidence  ne  sait  pas  où  c 
sera  réellement  sortie,  si  elle  saura  marcher  dans 
prend  même  une  terreur  folle  de  Tavenir,  elle  ne 
y  penser  et  n'essaye  pas  de  se  représenter  rien  a 
tant  présent.  D'autres  douteront  du  passé  et 
besoin  de  vérifier  leurs  souvenirs.  «  Est-ce  bien 
ceci  ou  cela  ?  » 

Enfin,  les  malades  se  mettent  à  douter  du  prés 
qu'ils  ne  sont  pas  sûres  de  ce  qu'ils  voient.  «  De] 
dit  un  malade  de  Legrand  du  Saulle,  j'avais  pris  Y 
parler  à  moi-même,  pour  être  sûr  que  j'étais  ici  o 
donner  des  preuves.  *  »  ce  Je  vois  bien  ceci,  dit  ' 
fond  je  n'en  suis  pas  plus  sûre  que  cela  etjeretoui 
dans  cette  chambre  pour  voir  si  l'objet  y  est  bie 
plus  sûre.  Vous  avez  beau  me  l'affirmer,  je  crois  ( 
vous  tromper.  »  On  voit  ici  comment  les  manies 
les  sentiofients  d'incomplétude.  Ce  doute  de  la  ré 
au  sentiment  de  l'étrange,  à  l'étonnement  que  ce 
comme  To...,  éprouvent  en  présence  des  choses 
de  l'irréel  que  nous  avons  déjà  étudié.  Tous  ces 
effet  dépendent  étroitement  les  uns  des  autres. 

A  ces  sentiments  de  doute  se  rattachent  aussi 
de  découragement  que  nous  avons  vus  à  propos  ( 
qui  peuvent  se  généraliser,  «  je  crois  que  tout  est 
Claire,  non  seulement  pour  moi,  mais  pour  tous  I 
sentiments  de  défiance,  des  soupçons.  Ces  malades 
rassurés  et  prennent  des  précautions  interminal 
ne  les  trompe  pas,  pour  qu'on  ne  livre  pas  leurs  se 
doute  va  donner  naissance  au  besoin  perpétuel  d 
étrangère  que  nous  retrouverons  dans  leurs  besoir 

Tous  ces  sentiments  relatifs  aux  fonctions  inte 
analogues  à  ceux  qui  ont  été  constatés   à  propos 

I.  Legrand  du  Saulle,  Folie  du  doute,  p.  47- 


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SS  STIGMATES  PSYCHASTHÊNIQUES 

nt  des  sentiments  d'inachèvemenl  :  «  Vous  pon- 
5,  dit  Lise,  je  n\irriverai  pas  à  délirer  complè- 
[^apable  de  penser  quelque  chose  complètement, 
»  Je  puis  donc  leur  appliquer  le  même  nom 
t  et  eu  faire  aussi  des  sentiments  d'incomplétude. 


nts  d'incomplétude  dans  les  émotions. 

s  crises  de  rumination,  d'agitation  ou  d'angoisse 
lées  par  des  émotions  :  c'est  la  un  fait  important 
jà  insisté.  Beaucoup  d'auteurs  en  ont  tiré  une 
rave,  c'est  que  Fémotion  détermine  la  crise  à 
ération  et  ils  ont  admis  sans  discussion  que  les 
;hasthéniques  étaient  trop  grandes,  trop  fortes, 
ins  cette  discussion,  je  remarquerai  seulement 
toujours  là  ce  que  pensent  les  malades  d'eux- 
>nt  de  tout  autres  sentiments  à  propos  de  leurs 


.  —  Sentiments  d'indifférence. 

té  autrefois  par  Esquirol,  s'exprimait  ainsi  : 
!!st  incomplète,  les  fonctions,  les  actes  de  la  vie 
it  restés,  mais  dans  chacun  d'eux  il  manque 
sai^oir  la  sensation  qui  leur  est  propre  et  la  joie 
Chacun  de  mes  sens,  chaque  partie  de  moi-même 
B  séparée  de  moi  et  ne  peut  plus  me  donner 
» 

ouvent,en  effet,  très  souvent  un  mécontentement 
ipos  de  leurs  émotions  et  surtout  à  propos  des 
jlent  déterminer  les  crises  d'agitations  forcées: 
émotion  génitale  ou  de  l'émotion  de  la  colère, 
Je  l'émotion  s'arrête  avant  de  devenir  complète 
sforme  en  une  autre  opération  mentale,  les  ru- 
5  et  les  angoisses.  «  Je  ne  peux  pas,  dit  Lise, 
me  émotion  ou  d'un  sentiment,  c'est  là  ce  qui 
rupules.  »   Cette  appréciation  des   émotions  et 


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SEiNTIMENTS  D'INCOMPLÉTUOE  DANS  LES  ÉMOTIONS  299 

des  sentiments  est  très  générale  et  comme  le  phénomène  a  son 
importance,  il  faut  en  rapporter  quelques  exemples. 

c<  Il  me  semble,  dit  Pot...,  que  je  ne  reverrai  plus  mes  enfants, 
lont  me  laisse  indifférente  et  froide...,  je  voudrais  pouvoir  me  dé- 
sespérer, crier  de  douleur,  je  sais  que  je  devrais  être  malheu- 
reuse, mais  je  n'arrive  pas  h  Tètre...,  je  n*ai  pas  plus  de  plaisir 
que  de  peine,  je  sais  qu'un  repas  est  bon,  mais  je  Favale  puisqu'il 
le  faut,  sans  y  trouver  le  plaisir  que  j'aurais  eu  autrefois.  Les  joies 
ont  fui,  les  peines  aussi,  je  vais  a  Tenterrement  de  mon  grand- 
père  et  je  n'ai  même  pas  une  crise  de  chagrin...  Il  y  a  une  épais- 
seur énorme  qui  m'empêche  de  ressentir  les  impressions  mo- 
rales, qui  m'empêche  de  sentir  même  de  la  peine.  »  On  retrouve 
ici  a  propos  des  émotions  les  mêmes  expressions  «  du  mur,  de 
Tépaisseur  »  qui  servaient  déjà  à  bien  des  malades  pour  carac- 
tériser le  trouble  de  la  perception  extérieure. 

Nem...  n'est  plus  la  même,  elle  nes'occupeplus  ni  de  son  mari  ni 
de  son  enfant.  «Je  voudrais  bien  essayer  de  penser  à  ma  petite  fille, 
mais  je  ne  peux  pas,  la  pensée  de  mon  enfant  me  traverse  à  peine 
l'esprit,  elle  passe  et  ne  me  laisse  aucun  sentiment  » .  «  Il  me  semble, 
dit  Brk...,  que  depuis  un  an  je  n'aime  plus  personne.  )>  «  Mes  en- 
fants me  gênent,  dit  Xyb...,  je  ne  suis  pas  pour  eux  ce  que  j'étais 
avant,  je  n'existe  plus  au  point  de  vue  maternel,  je  voudrais  bien 
m'y  intéresser,  mais  je  ne  veux  pas.  »  «  Autrefois  j'étais  peureuse, 
dit  Gay...  et  vous  n'auriez  pas  pu  me  faire  entrer  dans  cette 
salle  pleine  de  squelettes  (le  musée  de  la  Salpêtrière);  mainte- 
nant cela  ne  me  fait  rien  du  tout,  je  ne  me  sens  même  pas 
effrayée...  tout  m'est  égal.  »  u  Je  n'aime  plus  les  gens,  dit  Gisèle, 
il  ne  me  semble  pas  que  j'aime  comme  les  autres,  comme  j'aimais 
avant;  j'ai  l'impression  qu'ils  m'aiment  mieux  que  je  ne  les 
aime.  Je  vis  repliée  sur  moi-même  comme  une  égoïste  qui 
pourtant  se  détesterait.  Je  ne  me  fâche  plus  de  rien,  je  n'ai  plus 
peur  de  rien,  je  ne  m'intéresse  plus  à  rien,  tout  glisse  sur  moi 
comme  sur  une  toile  cirée,  tout  est  émoussé.  » 

Voici  les  remarques  de  Claire  sur  ses  propres  émotions  :  «  les 
émotions  s'arrêtent,  ne  se  développent  pas,  elles  se  perdent  et 
n'arrivent  pas  jusqu'à  moi,  une  chose  qui  aurait  dû  m'effrayer 
me  laisse  calme,  je  n'ai  pas  de  la  peur,  j'ai  trop  de  calme; 
j'éprouve  quand  même  les  joies  et  les  peines,  mais  affaiblies...  Il 
est  très  rare  que  je  puisse  rire,  je  souris  mais  je  ne  puis  rire  de 
bon  cœur,  une  joie  comme  une  peine  cela  reste  au  loin,  cela  reste 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS  LES  ÉMOTIONS  301 

et  elles  ne  rêvent  pas  toutes  la  même  chose  )>  aussi  continue-t-elle 
à  éprouver  la  même  Inquiétude  pendant  le  sommeil  que  pendant 
la  veille. 

Lise  a  le  sentiment  qu'elle  dort  à  moitié,  qu'elle  reste  à  rumi- 
ner comme  pendant  la  veille;  au  réveil  elle  a  le  sentiment  d'avoir 
dormi  d'une  manière  très  incomplète.  Qyand  elle  va  mieux,  elle 
se  réveille  en  sursaut,  étonnée  de  dormir  si  profondément,  d'une 
manière  qui  contraste  avec  son  sommeil  habituellement  si  incom- 
plet. 

2.  —  Sentiment  d'inquiétude, 

A  C(Hé  de  ce  sentiment  d'incomplétude  il  faut  décrire  un  état 
d'esprit  tout  à  fait  essentiel  chez  les  obsédés,  c'est  le  sentiment 
d'inquiétude.  «  Un  trait  caractéristique  qui  réunit  tous  ces  états  en 
apparence  si  divers,  c^est  l'inquiétude  intellectuelle,  qu'on  peut 
comparer  h  la  lypémanie  anxieuse  qui  correspond  à  une  inquié- 
tude affective^.  »  A  mon  avis  tous  ces  malades  ont  presque  per- 
pétuellement une  inquiétude  à  la  fois  intellectuelle  et  émotive. 

u  Je  suis  inquiet  »,  c'est  un  mot  que  tous  les  malades  ont  per- 
pétuellement h  la  bouche.  «  Inquiétudes  perpétuelles,  dit  Brk..,, 
telle  est  ma  vie  c'est  l'inquiétude  qui  me  mène  à  l'ahurissement.  » 
"  J'ai  toujours  un  esprit  inquiet,  tourmenté  comme  s'il  allait 
m'arriver  je  ne  sais  quel  grand  malheur.  »  (Kl...).  «  Ma  maladie, 
dit  Nadia,  c'est  d'avoir  l'esprit  inquiet,  je  guérirais  si  je  pouvais 
avoir  un  peu  de  sécurité.  »  «  Inquiétude,  tourment  constant,  répète 
Claire,  c'est  là  mon  grand  mal.  »  (c  En  somme  j'ai  toujours  une  mou- 
che qui  me  digonne,  je  suis  malade  d'inquiétude,  nous  dit  très  bien 
Gisèle,  malade  de  peur  dans  le  doute,  je  n'ai  pas  de  confiance  en 
moi,  ni  en  Dieu,  ni  en  rien;  je  n'ai  pas  la  paix;  je  fais  des  efforts 
surhumains  pour  avoir  cette  paix  et  mon  âme  est  toujours  emmail- 
lotée dans  l'inquiétude.  J'ai  peur  pour  mes  sentiments,  pour  mes 
actions,  j'ai  peur  pour  mes  idées,  peur  de  mon  cerveau  dont  je  ne 
me  sens  plus  la  maîtresse,  j'ai  peur  de  lutter,  peur  de  tout  enfin 
et  de  ne  je  sais  quoi,  et  au  fond  je  ne  sais  même  pas  si  j'ai 
peur.  C'est  une  inquiétude  poussée  à  un  degré  énorme  comme 
si  on  attendait  toujours  quelqu'un  de  très  cher  exposé  peut-être 
à  un  très  grand  danger,  on  ne  sait  lequel.  » 

Cette  inquiétude  ressemble  en  effet  beaucoup  à  la  peur  et  l'on 

I.  Bail,  Revue  scientifique,  i88a,  II,  4a- 


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LES  STIGMATES  PSYCI 

malades  emploient  soi 
ue  le  phénomène  soîl  t 
»lus  précis,  plus  dcterm 
ositives  et  qui  éveille  ( 
)n.  I/inquiétude  est  bea 
[)  cause  de  cet  état,  ni  le 
r  en  sortir  ne  sont  biei 
liflférence  chez  les  mala 

attention,  ils  reconnai 
r;  ((  il  vaudrait  mieux a> 
ins  pénible.  »  On  observ 

sont  très  diminuées  ou 
ladie  sont  devenus  inca 
[]ui  se  plaignait  de  ne 
es  ajoute  :  <c  je  n'ai  plu 
j  rien...  cependant  je 
>ur  ces  raisons,  je  croii 
s  scrupuleux,  n'est  pas 

aucune  autre  émotion  { 
ide  me  paraît  un  phénoi 
ieu  une  excitation  h  Ta 
citation  :  Tinquiet  sent 
de  son  état,  il  ne  sai 
nq  minutes  en  place.  L'i 
France,  un  état  deconsc 
p  le  sentiment  que  Téta 
iplet.  (1  y  a  une  inquiétu 

pas  terminée,  qu'il  rest 
tpas  prise.  Il  y  a  une  in 
l'attention  n'est  pas  fix( 
le  monde  a  un  aspect  é 
[>tionnelle,  quand  on  n< 
r  net,  de  souffrance  nel 

ne  donne  pas  d'inqui 
L»s  divers  états  sont  jus 
le  nom  de  sentiments  d 
ms  et  les  émotions.  L'in 
uée  par  les  sentiments 
entiment  de  maldise  et 
ir. 


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SENTIMENTS  DINCOMPLÉTUDE  DANS  LES  ÉMOTIONS  303 

L'observation  des  malades  démontre  cette  interprétation  ;  Fin- 
quiétude  a  commencé  chez  Claire  avec  les  premiers  doutes  reli- 
gieux vers  Tâge  de  i8  ans,  c'est-à-dire  avec  les  premiers  senti- 
ments d'incomplétude,  c'est  à  ce  moment  qu'elle  a  eu  des 
inquiétudes  pour  sa  foi,  pour  ses  confessions,  des  inquiétudes 
sur  <c  la  lumière  qui  s'en  allait  ».  Lobd...,  femme  de  35  ans,  nous 
dit  très  bien  :  «  Quand  je  suis  inquiète,  c'est  comme  si  je  n'avais 
pas  terminé  quelque  chose,  comme  s'il  restait  à  propos  de  tout 
quelque  chose  de  pressant  à  accomplir.  »  a  J'ai  un  besoin  de 
compléter  quelque  chose,  dit  Gisèle,  je  cherche  toujours  ce  que 
je  devrais  faire,  ce  que  je  devrais  surveiller,  ce  que  je  devrais 
chercher,  mon  esprit  ne  me  parait  jamais  assez  occupé,  assez 
émotionné,  il  cherche  toujours  ce  qu'il  aurait  à  faire,  à  sentir 
d'autre.  » 

Un  sentiment  de  ce  genre  peut  évidemment  être  la  conséquence 
de  certaines  idées  fixes.  Mais  il  faut  remarquer  qu'il  existe  chez 
tous  les  malades  quelles  que  soient  leurs  obsessions.  Il  ne  me 
semble  pas  certain  que  l'inquiétude  soit  réellement  déterminée 
par  le  motif  qu'invoque  le  sujet  pour  l'expliquer.  Si  on  retire  ce 
motif  il  en  prend  immédiatement  un  autre,  les  motifs  changent 
indéfiniment  et  l'inquiétude  reste  la  même.  Quand  les  malades 
vont  mieux  et  qu'ils  n'ont  plus  en  réalité  d'obsessions  précises,  ils 
restent  inquiets  pendant  quelque  temps  et  par  habitude,  disent-ils, 
ils  continuent  â  chercher  ce  qui  pourrait  bien  les  tourmenter. 
«<  C'est  un  fond  d'habitude,  dit  Lise,  qui  m'empêche  encore  de 
dormir  tranquille.  »  Chez  beaucoup  de  malades,  ces  inquiétudes 
existent  longtemps  avant  la  maladie  proprement  dite.  Mus..., 
Mb...,  Lise  reconnaissent  qu'elles  ont  été  ainsi  depuis  l'enfance. 
Jean  était  inquiet  au  lycée  à  cause  des  devoirs,  des  leçons,  des 
pensums;  il  devenait  malade  quand  il  y  avait  une  composition  de 
récitation  à  préparer,  comme  aujourd'hui  il  est  tourmenté  par  les 
femmes,  les  fluides,  les  omnibus  et  les  lettres  à  mettre  à  la 
poste.  L'inquiétude  me  semble  donc  être  un  sentiment  fonda- 
mental antérieur  aux  obsessions  par  lesquelles  le  malade  cherche 
souvent  à  la  justifier  :  c'est  la  forme  complexe  que  prennent  plu- 
sieurs de  ces  sentiments  d'incomplétude. 

3.  —  Le  besoin  d'excitation .  —  U ambition. 
Pour  sortir  de  cette  souffrance  inquiète  les  malades  cherchent 


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GMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

Q  chose  qui  pousse  plus  loin  leurs  senti- 
les  excite.  C'est  ce  besoin  que  nous  avons 
grossièrement  dans  le  besoin  de  poisons 
)manie,  dans  la  morphinomanie,  dans  la 
on  génitale  parfaite  chez  certains  éroto- 
>re  dans  «  le  besoin  de  faire  des  sottises 
>  ((  le  besoin  fou  de  sensations  nouvelles  ». 
re  sous  bien  des  formes  variées,  en  parti- 
»oins  de  direction  et  d'aflection. 
t  aussi  une  partie  active,  elle  excite  à  faire 
rque  est  vérifiée  par  Texistence  d'un  sen- 
nos  scrupuleux,  Yamhition,  Ils  sont  d'à- 
ncieux,  ils  s'eflopcent  de  faire  les  choses 
nent  parce  qu'elles  leur  paraissent  tou- 
in  était  un  élève  modèle  dans  sa  médio- 
I  malade  plutôt  que  de   ne    pas    faire  son 

prenait  toutes  les  précautions  possibles 
;nter  un  maître.  Encore  maintenant  Vor... 
îUe  a  une  conscience  ridicule  :  elle  se  forcé 
re  toutes  les  choses  pénibles  ;    quand  elle 

se  croit  obligée  de  le  lire  jusqu'au  bout 
même  si  le  livre  Tennuie.  Meu...  travaille 
e  permettre  aucun  repos,  «  il  me  semble 
cailler  un  moment  je  n'aurais  plus  le  droit 
Lvité  inquiète  dépasse  le  présent  :  «  il  faut 

je  pense  à  plus  tard,  que  je  cherche  ce 
,  que  je  dépasse  ce  travail,  que  j'aille  au 
avenir  une  manie  et  nous  Tavons  justement 
manie  de  l'au  delà,  mais  les  sujets  ont  ce 
lades,  ils  l'ont  toute  leur  vie  et  je  crois 
trait  de  caractère  en  rapport  avec  leur  per- 

ms  le  même  sens  et  l'on  comprend  com- 
e  sorte  d'ambition  insatiable.  Nadia  n'est 
içon  dont  elle  joue  du  piano,  elle  veut  ^Ire 
Je  artiste,...  moi,  je  suis  le  ver  de  terre, 
est  l'étoile  et  je  voudrais  devenir  plus  digne 
le  je  veux  toujours  devenir  l'égale  des  plus 
[{ue  je  sache  bien  que  je  n'ai  jamais  été 
Même  si  j'avais  pu  réussir  à  être  une  grande 


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SENTIMENTS  D^INGOMPLÉTUDE  DANS  LA  PERCEPTION  PERSONNELLE    305 

musicienDe  je  n'aurais  jamais  été  contente,  j'aurais  toujours  voulu 
g^rimper  plus  haut  encore...  Mon  ambition  n'a  pas  de  limites  ». 

Quelle  que  soit  la  situation  à  laquelle  ils  parviennent,  les  scru- 
puleux en  sont  toujours  mécontents,  ils  rêvent  toujours  mieux, 
toujours  autre  chose.  Il  est  bien  probable  que  ces  sentiments  bi- 
zarres sont  quelquefois  le  principe  d'une  activité  utile  et  qu'ils 
ont  inspiré  des  ambitions  généreuses  ;  mais  il  est  vrai  aussi  qu'ils 
peuvent  être  plus  souvent  le  point  de  départ  de  jalousies  mala- 
dives et  d^une  sorte  de  délire  des  grandeurs.  «  J'ai  l'ambition  de 
tout,  dit  Fa...,  cela  me  rend  jalouse  de  tout,  oh  !  si  j'étais  comme 
les  gens  qui  sont  dans  cette  voiture,  comme  cette  belle  dame,... 
je  voudrais  arriver  au  comble  de  la  fortune  et  de  la  gloire...  et 
je  ne  serais  peut-être  pas  encore  satisfaite.  » 

Tous  ces  sentiments  d'incomplétude  que  les  sujets  éprouvent 
à  propos  de  leurs  émotions  sont  bien  analogues  à  ceux  qui  ont 
été  constatés  à  propos  de  l'action  et  de  l'intelligence  et  ils  mé- 
ritent bien  le  même  nom. 


4.  —  Sentiments  d'incomplétude  dans  la  perception 

personnelle. 

M.  Séglas,  en  décrivant  la  crise  d'obsession,  signalait  quelques 
phénomènes  très  intéressants  qu'il  considérait  comme  l'indica- 
tion d'un  trouble  de  la  conscience  pendant  la  crise.  «  L'un  d'eux, 
dit-il,  un  agoraphobe,  s'exprime  ainsi  :  au  bout  de  quelques  pas, 
il  me  semble  que  je  me  dédouble,  je  perds  la  conscience  de  mon 
corps  qui  me  semble  être  en  avant  de  moi...  j'ai  bien  conscience 
que  je  dois  marcher;  mais  je  n'ai  pas  conscience  de  ma  propre 
identité,  que  c'est  bien  moi  qui  marche.  Je  fais  des  efforts  pour 
me  prouver  que  c'est  bien  moi  et  souvent  il  me  faut  interpeller 
un  passant,  entrer  dans  un  magasin,  pour  parler,  pour  demander 
quelque  chose  afin  de  me  donner  une  nouvelle  preuve  que  je  suis 
réellement  bien  moi...'  »  Un  autre  malade,  garçon  de  12  ans, 
tourmenté  par  des  obsessions,  des  manies  du  doute  et  du  toucher 
reste  un  instant  en  arrière  de  son  précepteur,  il  accourt  effaré 
en    s'écriant    qu'on    l'avait   abandonné   en    arrière,    qu'il    fallait 

I.  Séglas,  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  mentales,  1895,  p.  i3i. 

LES    OBSESSIONS.  1.    —    20 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS  L\  PERCEPTION  PERSONl 

moi  et  maintenant  non  seulement  je  ne  sais  ce  que  je  i 
je  ne  puis  me  rendre  compte  de  ce  qu'on  appelle  Fexiî 
réalité*.  » 

Ces  cas  sous  leur  forme  typique  sont  si  étranges  qu'ils 
tinué  à  attirer  l'attention.  Dans  un  article  publié  par 
phUosophique^  M.  Dugas  propose  de  désigner  le  phénon 
le  nom  de  sentiment  de  dé per sonna Usation,  il  observ 
sentiment  se  trouve  lié  avec  un  autre  phénomène  ci 
«  déjà  vu  »,  c'est-a-dire  que  le  sentiment  de  déperson 
s'associe  souvent  avec  la  fausse  reconnaissance.  «  Souvei 
atteint  de  fausse  reconnaissance  avait  conscience  d 
autre,  il  se  sentait  rester  le  même  en  devenant  deux, 
une  voix,  dit  un  malade,  comme  celle  d'une  personne  é 
mais  en  même  temps  je  la  reconnaissais  comme  mienn 
qui  parlait  me  faisait  l'effet  d'un  moi  perdu,  très  ancic 
dainement  retrouvé^.  »  Cette  impression  le  malade  i 
seulement  à  propos  de  sa  parole,  mais  il  l'a  aussi  à  ] 
ses  mouvements,  de  ses  actes  et  il  en  arrive  à  l'aliénati 
personne,  h  la  dépersonnalisation  ^. 

J'ai  eu  l'occasion  de  rapporter  deux  observations  U 
remarquables  du  même  genre,  celles  de  Bei...  et  celle  d 
Les  deux  malades  sont  identiques  dans  les  grands  traits 
d'émotions  ils  perdent  la  conscience  d'eux-mêmes,  ils  c 
cependant  \\  exécuter  d'une  façon  correcte  toutes  les  c 
psychologiques,  ils  sentent  tout,  se  souviennent  de  tout 
agissent,  d'une  façon  à  peu  près  normale  ;  mais  ils  répi 
jours  :  ce  n'est  pas  moi  qui  sens,  c'est  comme  si  ce  n'était  pi 
•  parle,  qui  mange,  comme  si  ce  n'était  pas  moi  qui  souffi 
si  ce  n'était  pas  moi  qui  dors,  a  Elle  voyait  clair,  enten 
sentait  correctement,  pouvait  se  mouvoir  sans  peine,  m; 
cherchait  elle-même  en  ayant  l'impression  qu'elle  n' 
la,  qu'elle  avait  disparu,  que  les  choses  présentes  n'avaii 
rapport  avec  sa  personnalité.  Depuis  ce  moment  elle  r< 
jours  la  même  chose  :  mais  où  suis-je?  que  suis-je  de^ 
n'est  pas  moi  qui  mange,  ce  n'est  pas  moi  qui  travaille, 
vois  pas  faire  ceci  ou  cela,  il  y  a  quelque  chose  qui  me  r 

I.  Bail.  Bévue  scientifique,  1888,  II,  p.  43. 

a.  Du f^s.  Revue  philosophique,  1898,  I,  5oi. 

3.  Id.,  ibid.,  5o3. 

4.  Raymond  et  Pierre  Janel,  Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  6a. 


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LES  STIGMATES  PSYGHASTIIÉNIQUES 

ni  M.  Bernard-Leroy,  qui  avait  déjà  publié,  a  propos 
une  discussion  sur  laquelle  je  reviendrai,  a  présenté 
de  psychologie  un  nouveau  cas  remarquable,  tout  à 
le  aux  précédents.  Il  s'agit  d'une  femme  de  4i  ans 
}ée  malade  graduellement  à  la  suite  d'émotions  vives 
îs.  Elle  s'agite  continuellement  et  se  livre  à  Texécu- 
rements  bizarres  et  compliqués,  elle  se  tâte  les  mains, 
imène  les  mains  sur  sa  tète  et  son  cou.  Elle  dégrafe 
orsage  pour  tâter  sa  poitrine,  elle  fait  claquer  ses 
je  tire  les  cheveux,  se  tire  le  pavillon  de  l'oreille... 
ille  ne  sent  plus  rien  ou  du  moins  ne  sent  plus  rien 
efois  et  que  dès  lors  c'est  plus  fort  qu'elle.  (C'est  là 
tie  des  manies  de  vérifications,  des  tics,  des  agita- 
es  que  nous  connaissons  chez  ces  malades), 
ju'elle  tâte.  C'est  insensible  tout  cela,  dit-elle  en  se 
ille.  Quand  je  me  peigne  je  ne  sens  pas  mes  cheveux, 
s  quand  je  me  lave,  ni  mes  lèvres  quand  j'embrasse, 
ilheureux  d'être  vivante  et  de  ne  pas  pouvoir  voir  les 
ils  sont  là.  Je  ne  vois  pas  du  tout  comme  avant,  je 
IS  comme  avant,  il  me  semble  ne  pas  entendre  le 
i  pas,  cela  me  gêne  pour  marcher,  je.  ne  me  rappelle 
I  ne  sais  plus  rien,  je  n'ai  plus  aucune  émotion...  » 
i  ne  constate  aucune  diminution  appréciable  d'aucune 
elle  semble  avoir  des  souvenirs  précis  quand  on 
t  elle  paraît  éprouver  les  émotions  normales  *. 

s  et  Régis,  en  rapportant  les  observations  de  M.  Séglas, 
r  que  dans  ces  cas  la  conscience  n'est  point  troublée 
jre  complète.  «  Si  on  entend  le  mot  conscience  au 
!  clinique  en  tant  que  perception  exacte  des  phéno- 
iiques  éprouvés,  il  est  évident  que  sauf  de  très  rares 
a  conscience  est  conservée  dans  l'obsession  ;  si  les 
statent  ce  dédoublement,  s'ils  l'analysent  si  correc- 
i  finement,  c'estqu'ils  en  ont  conscience  ^  »  Ces 
client  seulement  ici  ce  fait  important  que  Tapprécia- 
uelle  des  obsessions  est  conservée,  que  le  délire  de 

3roy,  Dépersonnalisalion.  Comptes-rendus  du  congrhs  de  psychologie 
légi»,  op.  cit.,  p.4o. 


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SENTIMENTS  DINCOMPLÉTUDE  DANS  LA  PERCEPTION  PERSONNELLE    309 

Tobsédé  est  locomplet  et  ne  détermine  ni  conviction,  ni  impulsion 
complète.  Mais  la  conservation  de  Tintelligence  proprement  dite, 
comme  faculté  de  critique  et  de  jugement  n'empêche  aucunement 
Taltération  d'autres  phénomènes  psychologiques  qui  entrent  dans  la 
conscience  personnelle.  Si  ces  observations  de  M.  Séglas  et  toutes 
les  autres  semblables,  car  je  les  crois  très  nombreuses,  ne  nous 
montrent  pas  un  trouble  du  jugement  critique  mais  simplement 
an  trouble  de  la  conscience  personnelle  elles  n'en  sont  pas 
moins  très  importantes  pour  l'interprétation  des  obsessions  elles- 
mêmes. 

MM.  Pitres  et  Régis  font  observer  ensuite  que  ces  observa- 
tions sur  le  sentiment  de  dédoublement  de  la  personnalité  ne  se 
rapportent  à  notre  étude  actuelle  sur  le  groupe  très  homogène 
des  psychasthéniques,  sur  la  maladie  des  obsessions.  «  Ces  faits, 
disent-ils,  forment  une  catégorie  spéciale  appartenant  à  l'automa- 
tisme psychique  au  moins  autant  qu'à  l'obsession,  les  malades 
qui  se  dédoublent  au  point  de  se  croire  en  avant  d'eux-mêmes  ou 
de  se  chercher  ailleurs  ont  autre  chose  que  de  l'obsession  simple, 
ils  éprouvent  un  phénomène  analogue  à  certains  effets  de  dualité 
hystérique*  ».  Je  ne  puis  pas  partager  cette  opinion,  le  dédouble- 
ment hystérique  peut  exceptionnellement  donner  naissance  à  des 
expressions  à  peu  près  semblables,  mais  en  règle  générale  il  ne 
se  présente  pas  du  tout  sous  cet  aspect.  Dans  l'hystérie  il  y  a 
subconscience  véritable,  les  phénomènes  psychologiques  forment 
deux  groupes  indépendants  qui  s'ignorent  réciproquement,  mais 
chacun  de  ces  groupes  conserve  sa  personnalité.  Ici  il  n'y  a  pas  de 
dédoublement  réel,  on  ne  constate  ni  anesthésie,  ni  amnésie,  on  ne 
peut  mettre  en  évidence  aucune  lacune  dans  le  groupe  principal 
des  phénomènes,  mais  il  y  a  un  sentiment  général  qui  porte  sur 
l'ensemble  de  tous  ces  faits  et  qui  les  représente  à  la  conscience 
comme  changés,  comme  insuffisamment  rattachés  à  la  personna- 
lité, c'est  la  un  fait  différent  de  l'hystérie  proprement  dite. 

M.  Bernard-Leroy  en  cherchant  le  diagnostic  de  ces  troubles  dit 
«  qu'il  a  éliminé  successivement  les  diagnostics  de  folie  du 
doute,  de  syndrome  des  négations,  de  mélancolie,  de  confusion 
mentale,  d'hypocondrie,  et  qu'il  range  ces  faits  dans  la  névropa- 
thie   cérébro-cardiaque    de  Krishaber*  ».   Qu'il    s'agisse    de   la 


I.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  4o. 

a.   Bernard  Leroy,  Comptes-rendus  du  congrhs  de  psychologie  de  1900,  p.  4^7. 


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LES  STIGMATES  P 

shaber,  cela  est  incontestable,  puisque  cette  mala- 
ituée  avec  netteté  que  par  cet  unique  symptAme  de 
isation.  Le  diagnostic  véritable  consiste  a  recher- 
el  des  groupes  morbides  aujourd'hui  reconnus 
vrose  de  Krishaber.  Il  est  également  facile  d^éli- 
Irome  des  négations,  la  mélancolie,  la  confusion 
je  ne  partage  plus  Topinion  de  Fauteur  quand  il 
du  doute,  rhypocondrie  et  probablement  aussi  les 
t  il  ne  parle  pas.  La  malade  même  qu*il  décrit  a 
;  a  même  des  manies  mentales  de  vériBcation  per- 
ttouchements  incessants  ne  sont  pas  autre  chose 
I  rapport  avec  des  manies  de  vérification.  Tous  les 
jemment  décrits  ceux  de  Krishaber,  ceux  de  Bail, 
glas,  celui  de  M.  Dugas  ont  en  même  temps  des 
anies  et  des  obsessions.  Il  est  intéressant  de  rap- 
»os  la  suite  de  Inobservation  de  Bei,  que  je  publiais 
es  18  mois  de  dépersonnalisation  pure  pendant 
iade  ne  se  préoccupait  que  de  la  perte  de  son  moi, 
nue  un  peu  plus  tranquille  sur  sa  personne,  elle 
rtie  le  sentiment  qu'elle  éprouvait  ;  mais  elle  s'est 
ter  des  crises  d'interrogation  à  propos  des  souve- 
l'elle  recherche  ce*  qu'elle  a  fait  la  veille,  si  elle 
y  a  huit  jours  ou  si  elle  n'y  a  pas  été,  etc.  Ce  sont 
riscs  de  rumination  caractéristiques  de  la  folie  du 
dire  de  l'une  des  formes  de  l'état  psychasthénique. 

observations  du  sentiment  de  dépersonnalisatiou 
i^ais  faire  allusion  tout  à  l'heure,  observations  qui 
>cs,  portent  toutes  sur  des  obsédés.  Enfin  chez  la 
)sédés,  des  maniaques,  des  phobiques  que  je  viens 

les  chapitres  précédents  on  trouve  au  moins  en 
imcnt  de  dépersonnalisation.  Je  suis  donc  disposé 
;  sentiment  de  dépersonnalisation  est  un  des  symp- 
t  psychasthénique  et  qu'il  y  a  lieu  de  le  rapprocher 
énomènes  précédemment  étudiés, 
rouvons  alors  en  présence  d'un  autre  problème,  de 
e  phénomènes  s'agit-il  dans  ces  cas  de  déperson- 
crois  que  bien  souvent  il  s'agit  de  véritables  idées 
3rtains  de  ces  malades  ont  fini  par  concevoir  une 
noins  générale  à  propos  des  troubles  de  leur  per- 
sont  obsédés  par  la  pensée  qu'ils  ont  perdu   leur 


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SENTIMENTS  DiNCOMPLÉTUDE  DANS  L\  PERCEPTION  PERSONNELLE    311 

moi,  comme  d'autres  par  la  pensée  qu'ils  ont  perdu  leur  mora- 
lité ;  c'est  une  obsession  qui  rentre  dans  la  catégorie  des  obses- 
sions de  la  honte  de  soi,  et  je  Tai  déjà  signalée  à  ce  propos. 

Dans  d'autres  cas  se  développent  h  ce  sujet  des  manies  men- 
tales d'interrogation  et  de  vérification  comme  on  vient  de  le  voir. 
Mais  dans  un  très  grand  nombre  de  cas,  je  pense  que,  surtout  au 
début,  quand  la  maladie  est  simple,  il  s'agit  d'un  sentiment  que 
le  malade  éprouve  h  propos  de  tous  ses  phénomènes  de  con- 
science. Tous  ces  malades  n'ont  pas  comme  Claire  la  manie  de 
se  rabaisser,  comment  se  seraient-ils  rencontrés  sur  une  idée 
vraiment  aussi  étrange  et  en  dehors  des  pensées  communes. 
Cette  idée  se  présente  brusquement  chez  Bei...,  chez  Ver..., 
chez  PI...  avant  toute  manie  mentale  qui  chez  Bei...  ne  com- 
mence que  2  ans  plus  tard.  Enfin  dans  une  discussion  très  impor- 
tante nous  aurons  à  comparer  ce  fait  avec  un  sentiment  qui  est 
décidément  très  fréquent  chez  les  épileptiques,  et  il  est  évident 
qu'il  ne  s'agisse  pas  chez  eux  d'idées  obsédantes.  Je  crois  donc 
que  ce  trouble  de  la  personnalité  est  souvent  une  altération 
psychologique  primitive  chez  le  scrupuleux  et  qu'il  révèle  une 
insudisance  de  la  perception  personnelle. 

Ainsi  entendus  les  sentiments  de  trouble  de  la  personnalité 
sont  très  fréquents  chez  nos  malades  et  présentent  divers 
degrés. 

I .  —  Sentiment  d*étrangeté  du  moi. 

D...  au  début  d'une  crise  de  dipsomanie  sent  un  trouble  dans 
sa  personne  v  il  me  semble  que  je  m'effondre,  .que  mon  être  tout 
entier  devient  confus  et  étrange^  c'est  un  état  intolérable  et 
j'éprouve  le  besoin  de  faire  des  folies  pour  en  sortir  ».  Vof..., 
femme  de  38  ans,  qui  a  été  mordue  par  un  chien,  le  premier  jour 
de  ses  règles,  en  conserve  une  vive  impression  ;  elle  n'est  pas  tout 
de  suite  tourmentée  par  l'obsession  du  chien  enragé  qui  ne 
viendra  que  plus  tard.  Pendant  plusieurs  mois  elle  reste  tour- 
mentée par  un  sentiment  qu'elle  exprime  de  la  manière  suivante: 
«  Il  me  semble  que  je  suis  humiliée  d'avoir  été  mordue,  c'est 
comme  si  cela  m'avait  flétrie,  je  ne  suis  pas  comme  j'étais  aupa- 
ravant, je  ne  suis  plus  la  même,  je  suis  une  personne  drôle,  infé- 
rieure, plus  basse  que  je  n'étais,  » 

Kl...,    pendant  les  périodes   d'abaissement    qui  précèdent  la 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

talions  forcées  comme  une  aura,  se  sent  drôle, 
;omme  enveloppée  par  quelque  chose  qui  n'est  pas 
;la  que  je  reconnais  que  je  vais  avoir  une  crise  et 
nterroger  sur  la  naissance  de  mon  enfant  ». 

sans  cesse  qu*  ((  elle  n'est  pas  elle-même  à  la  façon 
file  ne  veut  pas  être  un  être  à  part  et  qu'elle  fera 
tation  motrice)  pour   retrouver  sa  personne  natu- 

2.  — Sentiment  de  dédoublement, 

uble  du  sentiment  de  la  personnalité  déjà  plus  pro- 
sentiment de  division,  de  dédoublement  :  on  le 
5  communément.  Moreau  (de  Tours)  remarquait 
fréquent  dans  les  monomanies  ^  Krishaber  le  si- 
irs  reprises  :  «  Une  idée  des  plus  étranges  qui  s'im- 
Bsprit  malgré  moi,  dit  un  de  ses  malades,  c'est  de 
uble,  je  sens  un  moi  qui  pense  et  un  moi  qui 
Je  me  fais  l'effet  d'être  double,  je  sens  comme 
qui  se  combattent,  dit  également  un  malade  de 
'une  qui  est  bien  mienne,  qui  cherche  à  raisonner 
es,  l'autre  qui  me  serait  en  quelque  sorte  imposée 
s  toujours.  » 

un  sentiment  de  dédoublement  plus  ou  moins  ac- 
>rès  chez  tous  mes  malades  et  je  pourrais  présenter 
ic  d'exemples.  Je  signale  seulement  quelques  va- 
lénomène.  «  On  me  discute  en  dedans,  c'est  comme 
moi  deux  personnes.  »  (Pr...  210)  «  Je  renferme 
le  raisonnable  et  l'irraisonnable  qui  luttent  constam- 
tr©  l'autre.  »  (Za...  216)  «  Je  suis  comme  dédoublé, 
en  spectacle  à  moi-même.  »  (Nah...)  «  Pourquoi 
ble  »  (Ver...)  «  Depuis  la  fin  de  ma  grossesse,  tout 
nouveau  et  étrange  et  il  me  semblait  que  je  deve- 
»  (Dd...)  18)  ((  C'est  comme  s'il  y  avait  en  moi 
pense  sur  la  vie  un  tas  de  choses  auxquelles  je  ne 
,  l'autre  répète  :  pourquoi  faire  toutes  ces  bêtises  m 


Tours),  Psychologie  morbide,  iSSg.  p.  ao8. 
a  névropathie  cérébro-cardiaque,  observ.  6. 
is  cliniques  sur  les  maladies  mentales,  1896,  p.  ia5 


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SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  DANS  LA  PERCEPTION  PERSONNELLE    313 

Dob...  donne  de  ce  dédoublement  une  expression  matérielle 
qui  si  elle  était  générale  nous  conduirait  à  faire  jouer  un  rôle  à 
la  dualité  des  hémisphères.  «  J'éprouve  un  sentiment  qui  me  fait 
horreur,  je  marche  comme  dans  un  rcve,  ma  tête  me  semble 
nettement  divisée  en  deux  parties  Tune  tout  entière  plongée  dans 
rinertie  la  plus  profonde,  dans  une  sorte  de  rêve,  à  tel  point 
que  rœil  de  ce  côté  me  semble  fixe,  Tautre  partie  reste  lucide 
et  m'appartient  seule  ;  c'est  insupportable.  » 

Lise  se  sent  toujours  l'esprit  dédoublé  en  plusieurs  personnes 
et  elle  sent  toujours  en  elle-même  plusieurs  pensées  qui  se 
déroulent  simultanément  et  indépendamment.  «  Il  y  a  toujours, 
dit-elle,  une  partie  de  mon  cerveau  qui  est  libre  et  qui  fait  ce 
qu'elle  veut.  Je  ne  parle  jamais  sans  avoir  une  autre  idée  en  tête. 
J'ai  toujours  le  besoin  de  penser  à  trente-six  choses  h  la  fois,  une 
ne  me  suffît  pas.  »  Elle  va  jusqu'à  dire  que  la  nuit  elle  ne  dort 
jamais  complètement.  «  Quand  je  dors  tout  ne  dort  pas.  Il  y  a 
un  côté  qui  ne  dort  pas,  qui  ne  sait  à  quoi  penser  et  qui  s'ennuie. 
11  en  résulte  que  les  deux  côtés  de  la  tête  se  disputent.  Si  je 
pense  à  maudire  Dieu,  une  partie  de  l'esprit  l'accepte  et  l'autre 
pas  et  je  ne  sais  plus  laquelle  à  raison.  »  Quand  elle  va  mieux 
elle  est  tout  étonnée  de  ne  plus  avoir  deux  idées  à  la  fois  et  cela 
la  gêne.  Cela  est  si  vrai  et  si  curieux,  qu'elle  se  réveille  en  sur- 
saut la  nuit,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  sentant  qu'il  y  a  en 
elle  quelque  chose  d'anormal  parce  qu'elle  dort  tout  entière. 

Si  Lise  ne  parle  jamais  que  de  deux  personnes,  il  n'en  est  pas 
de  même  de  Claire.  Pour  elle  la  personne  d'autrefois  est  absolu- 
ment disparue,  elle  est  partie,  c'était  la  bonne.  «  11  me  semble 
qu'elle  n'existe  plus  en  moi,  qu'elle  pleure  à  côté  de  moi,  qu'elle 
est  en  délire,  ma  vraie  personne  n'arrive  plus  à  se  rendre 
compte  des  choses.  Pour  remplacer  cette  vraie  personne  il  en  est 
survenu  une  autre,  moins  bonne,  qui  a  cédé  le  pas  à  une  troi- 
sième, à  une  quatrième.  Il  s'est  formé  au  moins  six  personnes,  des 
bonnes  et  des  mauvaises  qui  se  présentent  simultanément  ou  suc- 
cessivement, qui  se  manifestent  par  des  voix,  qui  se  traitent  réci- 
proquement de  Judas.  »  Trois  de  ces  personnes  lui  paraissent 
assez  précises,  les  autres  sont  vagues,  on  ne  sait  ce  qu'elles 
pensent.  En  général  elles  se  disputent  et  ne  pensent  jamais 
toutes  la  même  chose.  Pour  accepter  complètement  une  action 
ou  une  idée  il  lui  faudrait  la  faire  accepter  par  les  six  personnes 
et  elle  se  répète  cette  idée  autant  de  fois  qu'il  y  a  de  personnes. 


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:S  PSYCFUSTHÉNIQUES 

le.  Elle  n'arrive  jamais  au  bout  parce 
intercalent,  a  C'est  pour  cela,  dit- 
ais  acceptée  complètement,  il  me 
s  personnes  qui  ne  Tont  pas  com- 
c  dédoublement  étrange  existe  aussi 
e  sommeil  il  y  a  moins  de  personnes,- 

mais  elles  rêvent  toutes  les  quatre 
t  le  rêve  est  si  loin  et  si  vide  qu'on 
e  autre  dont  le  rêve  est  vague  mais 
proche  :  c'est  la  plus  mauvaise.  » 

semble  qu'elle  remonte  en  suppri- 
récemment  formées,  c'est  ce  qu'elle 
les.  »  On  peut  les  «  passer  physi- 
ive  l'état  de  sensibilité  organique  qui 
j  personne  antérieure;  mais  il  est  bien 
moralement  »,  c'est-à-dire  d'unifier 
ujours  plusieurs  qui  se  disputent, 
nal,  quand  elle  descend,  elle  reprend 

j'avais  en  moi  deux  personnes  qui 
is,  maintenant  il  y  en  a  six  ou  huit.  » 
vation  très  complexe  on  remarque 
a  vraie  personne  pleure  à  côté  de 
raconte  immédiatement  une  foule  de 
si  sa  vraie  personne  en  dehors  d'elle, 
hors  ((  jolie,  aimable,  vive,  bonne, 
est  une  figure  si  différente  de  ce  que 

souvent  elle  se  voit  triste  :  sa  vraie 
;me.  Ces  hallucinations  bizarres  qui 
e  en  dehors  sont  fréquemment  citées 

dépersonnalisation.  Le  malade  ago- 
is  se  voyait  à  quelques  mètre  en 
rnard  Leroy  cite  une  malade  «  qui  se 
h  trois  ou  quatre  mètres...  en  même 
I  d'être  comme  transportée  en  dehors 
ui  semblait  qu'elle  assistait  comme 
it  de  ses  propres  états  de  conscience 
IX  d'une  personne  étrangère*.  »  J'ai 
isions  ce  que  je  pensais  des  halluci- 

\u]uc,  i8g8,  II,  p.  161. 


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SENTIMENTS  D'INGOMPLÉTUDE  DANS  LA  PERCEPTION  PERSONNELLE     315 

nations  du  scrupuleux,  elles  sont  incomplètes  et  manquent  de 
réalité.  Le  sujet  «  croit  se  voir  pleurer  en  dehors,  il  n'en  est 
pas  sûr  ;  il  lui  semble  qu'il  devrait  être  en  dehors  h  pleurer 
sur  lui-même  ».  Ces  images  sont  des  symboles  plus  ou  moins 
précis,  plus  ou  moins  vivement  colorés  que  le  sujet,  en  vertu  de 
ses  manies  de  précision  et  de  symbole,  s'efforce  de  concevoir 
pour  exprimer  ce  sentiment  de  dédoublement  :  le  sentiment  lui- 
même  reste  le  phénomène  essentiel. 

3.  —  Sentiment  de  dépersonnalisation  complète. 

Déjà  dans  bien  des  cas  précédents,  aux  sentiments  d'étrangeté 
du  moi,  de  dédoublement  de  la  personne,  se  joignait  un  sentiment 
de  dépersonnalisation  plus  ou  moins  complète.  Claire  nous  dit 
très  bien  que  sa  personne  actuelle  est  divisée,  dédoublée,  mais 
que  c'est  là  une  personne  déjà  artificielle  et  surajoutée,  la  vraie 
personne,  celle  d'autrefois,  est  complètement  partie,  elle  est  en 
dehors,  à  côté,  elle  pleure.  C'est  un  cas  tout  à  fait  identique  à 
ceux  dont  parlait  Taine  :  «  au  début,  la  personne  est  morte,  puis 
elle  devient  autre  ». 

Dans  des  cas  moins  complexes  on  trouvera  simplement  la  dis- 
parition, la  mort  de  la  personne  normale.  Aux  deux  cas,  que  j'ai 
déjà  étudiés,  ceux  de  Ver...  et  de  Bei...  *  j'ajoute  en  résumé 
quelques  cas  nouveaux.  PI...,  femme  de  28  ans,  commence  la 
dépersonnalisation  à  la  suite  d'une  grossesse,  elle  sent  qu'elle 
n'est  pas  naturelle,  qu'elle  ne  vit  pas  comme  elle  vivait  autrefois, 
elle  cherche  à  se  retrouver  en  se  regardant  dans  la  glace  et  elle 
ne  se  reconnaît  pas  «  il  est  bizarre  qu'elle  sente  encore  la  souf- 
france, puisqu'elle  n'est  plus  rien;  ses  bras  et  ses  jambes  mar- 
chent seuls  car  elle  n'existe  plus...  Je  raisonne  comme  tout  le 
monde  et  je  vous  assure  que  ce  n'est  plus  moi,  je  sens  bien  que 
je  mange  et  cependant  ce  n'est  pas  moi  qui  mange,  c'est  telle- 
ment drôle  que  je  ne  peux  pas  détourner  mon  esprit  de  cette 
maladie  ».  Cette  femme  en  même  temps  ne  peut  plus  agir  car 
quelque  chose  la  retient  et  la  force  à  répéter  indéfiniment  le  début 
d'un  acte.  Elle  répète  indéfiniment  des  efforts  qui  sont  des  tics 
et  des  petits  mouvements  convulsifs  «  car  elle  a  peur  de  mourir 
tout  à  fait  si  elle  ne  les  fait  pas  ».  Elle  a  donc  à  côté  du    senti- 

I.   Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  61  el  sq. 


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LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 

épersonnalisation  deux  manies  mentales  caractéris- 
ie  la  répétition  et  celle  des  efforts, 
ne  de  4i  ans  (obsession  amoureuse,  besoin  de  di- 
îssion  de  remords,  manie  de  la  recherche,  manie 
n),  ne  demande  qu'une  seule  chose  «  c'est  de 
pauvre  et  chétive  personnalité  ;  pourrai-je  re- 
is  ce  pauvre  moi  qui  depuis  trois  ans  me  semble 
bi  il  me  semble  que  c'est  moi  qui  souffre,  tantôt 
e  me  voir  devant  la  glace  pour  savoir  que  je  suis 
nème,  je  suis  obligée  de  faire  des  efforts  pour 
que  je  suis  morte   ». 

me  de  36  ans  (phobie  des  orages,  des  épingles,  de 
le  des  expiations):  «  je  ne  sais  où  je  suis,  je  ne  sais 
je  perds  l'idée  de  moi-même,  je  me  trouve  si  drôle 
ois  à  moitié  morte  et  à  moitié  vivante,  je  suis  tou- 
î  à  me  demander  si  j'existe  encore.  »  To...  (folie  du 
e  avec  manie  de  la  recherche)  se  demande  avec  an- 
est  encore  elle-même  «  ou  si  elle  est  un  meuble,  un 
)orc  que  l'on  saigne  ».  Dob...,  pendant  la  crise 
e,  est  effrayée  par  sa  propre  voix  «  ma  voix  a  une 
nge,  qui  me  fait  mal,  je  suis  convaincue  que  ce  n'est 
>arle,  je  ne  reconnais  plus  mes  membres,  j'ai  besoin 
et  de  me  retenir,  pour  ne  pas  aller  me  chercher 
ar  il  me  semble  que  je  suis  restée  en  arrière,  »  on 
-ci  parle  tout  à  fait  comme  la  malade  de  M.  Séglas. 
j'ai  bien  souvent  cité  déjà  les  obsessions  de  voca- 
les manies  mentales,  a  par  moment  des  peurs  ter- 
ï  que  tout  d'un  coup,  dit-elle,  il  me  semble  que  je  ne 
,  que  Je  viens  de  mourir^  et  cela  me  donne  le  senti- 
lie.  » 

)pellerai  l'observation  de  Pot...  qui  est  très  complète, 
de  32  ans,  toujours  scrupuleuse,  tombe  malade  après 
3  grossesse,  voici  ce  qu'elle  m'écrit  :  «  je  ne  com- 
la  vie,  ni  le  monde,  ni  moi-même,"  j'ai  perdu  toute 
e  mon  être.  Il  me  semble  que  je  ne  vis  plus  que 
nt,  que  mon  âme  est  séparée  de  mon  corps...  J'en 
emander  si  j'existe  d'aucune  manière...  Je  me  figure 
sur  terre,...  si  j'ai  une  vie  quelconque  c'est  dans  un 
...  Je  ne  puis  plus  me  mettre  dans  la  tête  que  moi  et 
us  sommes  vivants...  Je  suis  lasse  d'une  vie  pareille 


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SENTIMENTS  D*1NC0MPLÉTUDE  DANS  lA  PERCEPTION  PERSONNELLE    317 

qui  dure  indéfiniment  sans  que  je  puisse  ine  rendre  compte  de- 
puis combien  de  temps,  je  ne  la  comprends  plus.  Quand  ces  sen- 
timents me  prennent  j'éprouve  le  besoin  que  les  miens  me 
caressent  afin  de  me  persuader  que  je  suis  bien  auprès  d'eux  et 
je  leur  reproche  de  ne  pas  me  faire  sentir  que  je  ne  suis  pas 
morte.  »  Tous  les  troubles  de  la  perception  des  choses,  de  la 
perception  du  moi,  de  la  notion  du  temps,  du  besoin  d'être  aimé 
se  retrouvent  dans  cette  observation.  - 

Sans  chercher  ici  h  interpréter  ces  sentiments  de  dépersonna- 
lisation, je  voudrais  seulement*  relever  leurs  relations  avec  les 
phénomènes  précédents.  M.  Dugas  montrait  déjà  que  ce  sentiment 
de  dépersonnalisation  se  rapprochait  du  sentiment  de  fausse  recon- 
naissance du  «  déjà-vu  »,  il  parlait  aussi  très  justement  à  ce  propos 
du  sentiment  d*apathie,  d'atonie  morale.  Un  malade  de  Krishaber 
qu'il  cite  disait  qu'il  agit  par  une  impulsion  étrangère  à  lui-même, 
automatiquement  \  «  J'agis  comme  un  mécanisme  qui  fonctionne 
après  qu'on  a  retiré  la  clef,  qui  sert  à  le  remonter.  »  En  un  mot 
NI.  Dugas  se  montrait  disposé  à  réunir  en  un  groupe  les  senti- 
ments de  dépersonnalisalion,  de  déjh-vu,  d'apathie,  de  domina- 
tion. M.  Bernard  Leroy  veut  également  faire  rentrer  le  sentiment 
de  dépersonnalisation  dans  un  groupe  plus  vaste,  celui  des  sen- 
timents d'étrangeté.  (]es  sentiments  d'étrangeté  peuvent,  dit-il, 
se  présenter  sous  quatre  formes:  i°  le  sujet  a  sentiment  inana- 
lysable que  la  réalité  est  un  rêve  ;  2°  il  a  l'impression  d'éloigne- 
ment,  de  fuite  du  monde  extérieur  ;  S**  ce  sont  les  propres  actes 
du  sujet  qui  lui  apparaissent  avec  cette  couleur  d'étrangeté,  d'inat- 
tendu; il  traduit  alors  son  impression  en  disant  qu'il  lui  semble 
que  ce  soient  les  actes  d'un  autre  ;  /i"  enfin  survient  ce  que  Ton 
peut  appeler  la  forme  complète  de  l'impression  de  dépersonnali- 
sation lorsque  le  sujet  se  sent  étranger  à  toutes  ses  perceptions, 
actions,  souvenirs,  pris  en  bloc^. 

Ces  rapprochements  sont  très  intéressants  et  à  mon  avis  in- 
dispensable, depuis  longtemps  je  soutiens  qu'il  est  juste  de  les 
faire  plus  étendus  encore  ainsi  que  je  viens  de  le  dire  à  propos 
des  sentiments  d'étrangeté  de  la  perception  et  de  déjà-vu.    Dans 


1.  Dugas,  Revue  philosophique,  1898,  I,  5o3. 

2.  Bernard  Leroy,  Sur  Tillusion  dite  de  dépersonnalisation.  Revue  philosophique, 
1898,  II,  p.  j58. 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE    319 


DEUXIÈME  SECTION 


Les   INSUFFISANCES    PSYCHOLOGIQUES. 


Si  la  plupart  de  ces  sentiments  pathologiques  sont  des  phéno- 
mènes primitifs  et  non  des  idées  obsédantes,  il  faut  se  demander 
quelle  est  leur  signification.  Correspondent-ils  à  des  troubles 
dans  le  fonctionnement  mental  que  nous  puissions  apprécier  au- 
trement que  par  les  sentiments  conscients  du  sujet?  Comme  nos 
procédés  d'investigation  soit  psychologiques,  soit  physiologiques 
sont  encore  très  rudimentaires,  ce  problème  est  très  didicile  a 
résoudre  et  il  faut  bien  souvent  nous  borner  à  des  indications 
que  nous  donne  l'observation. 


i.  —  Les  symptômes  de  rétrécissement  du  champ  de 
la  conscience. 

Quand  on  examine  ces  malades  qui  se  plaignent  d'avoir- perdu 
leur  personnalité,  de  ne  plus  voir  les  choses  comme  elles  sont, 
de  ne  plus  pouvoir  agir,  ni  sentir  comme  autrefois,  la  première 
idée  qui  vient  à  l'esprit,  c'est  que  l'on  va  facilement  constater  en 
eux  des  suppressions  de  fonctions  psychologiques  connues  et  l'on 
songe  immédiatement  aux  troubles  qui  ont  été  souvent  décrits 
chez  les  sujets  hystériques.  Observe-t-on  chez  les  scrupuleux  des 
disparitions  de  sensations,  de  souvenirs,  de  mouvements  comme 
chez  les  hystériques  ? 

C'est  la  première  question  que  nous  avons  à  résoudre. 

I .  —  Les  anestkésies. 

L'existence  d'anesthésies,  en  particulier,  aurait  ici  une  très 
grande  importance  :  il  semble  qu'elle  expliquerait  assez  bien  cer- 
tains sentiments  de  privation,  d'incomplétude  que  Ton  rencontre 


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îTIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

îs  malades.  Je  me  suis  donc  beaucoup  préoc- 
la  sensibilité  chez  les  scrupuleux,  sans  être 
ouer  à  des  résultats  bien  nets. 
[)ntestable  qu'on  n*observe  jamais  chez  eux 
sies  des  hystériques.  Jamais  je  n'ai  trouvé 
ces  vastes  régions  du  corps,  de  ces  viscères 
isciente  parait  tout  a  fait  abolie  et  où  on  ne 
ersistance  d'une  certaine  sensation  que  par 
liers.  Jamais  on  n'observe  ces  pertes  du  sens 
ompagnent  de  paralysie  complète  ou  du  syn- 
(mouvement  les  yeux  ouverts,  paralysie  et 
mes,  etc.)  :  ce  premier  point  est  tout  à  fait  net 
)lus  grandes  crises  de  rumination  ou  d'an- 
ces  sujets  pendant  la  crise  la  plus  violente 
Tair,  il  se  retournera  toujours  et  ne  main- 
en  Tair. 

la  plupart  des  sujets  qui  ne  sont  pas  très 
ni  ne  le  sont  pas  depuis  très  longtemps,  soit 
3rès  normal,  soit  pendant  la  crise  on  ne  peut 
ivestigation  actuels  constater  aucune  altéra- 
sibilité.  Comme  ce  point  est  capital,  voici 
s  et  quelques  chiffres.  Chez  Bei...  et  Ver..., 
soutiennent  si  drôlement  qu'ils  ont  perdu 
i  répètent  sans  cesse  :  «  ce  n'est  plus  moi 
le,  qui  sent,  qui  vit,  qui  dort.  )>  L'état  de  la 
iculièrement  étudié.  «  Nous  étions  disposés 
ce  propos,  que  ces  sujets  ne  doivent  pas 
et  de  leurs  viscères  les  mêmes  sensations 
n  cherchant  à  constater  ces  troubles  de  la 
I  priori  nous  éprouvons  un  étonnement.  Chez 
le  anesthésie  :  Ticsthésiomètre  donne  2  à  5 
palmaire  des  doigts,  20  millimètres  à  droite 
face  inférieure  du  poignet.  (]es  sensations 
îurs,  ne  s'accompagnent  d'aucune  douleur, 
nt,  elles  sont  localisées  au  dos  de  la  main, 
ne  précision  de  2  h  3  millimètres,  elles  se 
t  comme  chez  l'homme  normal, 
mesurer  au  moins  d'une  manière  grossière 
du  sens  musculaire  ou  kinesthésique  »  qui 
r  ici  quelque  importance,  nous  nous  sommes 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE   LA  CONSCIENCE    321 

servis  de  la  méthode  des  poids.  Nous  faisons  soupeser  au  sujet 
des  petits  cylindres,  des  cartouches  de  fusil,  comme  Tavait  fait 
autrefois  Galton.  Ces  cartouches  sont  toutes  absolument  sem- 
blables en  apparence,  mais  elles  sont  remplies  de  plomb  de  ma- 
nière à  présenter  des  poids  inégaux  bien  déterminés,  et  le  sujet 
doit  en  prenant  ces  cartouches,  en  les  remuant,  en  les  soupesant, 
apprécier  la  différence  de  poids,  dire  laquelle  des  deux  cartouches 
qu*on  lui  présente  est  la  plus  lourde  ou  la  plus  légère.  Afin  de  rendre 
ces  expériences  comparables,  il  est  nécessaire  de  choisir  un  poids, 
toujours  le  même  pour  tous  les  sujets,  qui  serve  de  point  de  dé- 
part. Nous  avons  adopté  le  poids  de  lo  grammes  et  nous  exprimons 
les  réponses  du  sujet  et  le  résultat  de  cette  petite  expérience  par 
une  fraction.  Le  dénominateur  désigne  le  poids  pris  comme  point 
de  départ,  c'est-à-dire  lo  grammes,  le  numérateur  le  poids  addi- 
tionnel nécessaire  pour  que  le  malade  accuse  une  différence. 
En  admettant  cette  représentation,  la  sensibilité  musculaire  pour 
les  poids  sera  chez  Bei...  i  dixième  pour  la  main  droite  et  de  2 
dixièmes  pour  la  main  gauche.  Ce  sont  à  peu  près  les  chiffres 
que  Ton  obtient  chez  un  individu  normal  qui  n'est  pas  particu- 
lièrement éduqué  pour  ce  genre  de  recherches. 

Le  sens  auditif  a  été  examiné  par  M.  Gellé  qui  n'a  pu  constater 
aucune   modification.    Le    sens   visuel    n'est  aucunement  altéré, 


Fio.  9.  —  Champ  visuel  de  Bei... 

Tacuitéest  totale  pour  l'œil  droit  etde 9  dixièmes  pour  Tœil  gauche, 
le  champ  visuel  esttout  à  faitgrand(fig.  9).  Les  sensibilités  viscérales 
sontévidemmentdiflicilesà  mesurer  etnousneprétendons  rienaillr- 

LES  OBSESSIONS.  l.    —    'Jl 


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!  LES  STIGMATES  PSYGHASTl 

3r  :  mais  enfin  cette  jeune  fille  a  faim  e 
mge  de  très  bon  appétit,  digère  parf 
in  d'uriner  et  d'aller  à  la  selle;  elle  s 
*me  les  narines,  en  un  mot  elle  ne  s 
mme  les  hystériques  anorexiques  ave 
ipendant,  malgré  cette  conservation 
nsibilités,  elle  continue  à  dire  :  «  Je  i 
s,  c'est  rigolo,  je  ne  sens  rien,  c'est 
la.  n 

La  même  étude  a  été  refaite  sur  Ve 
m  :  ((  Il  n'y  a  pas  un  stigmate  d*anesl 
stingue  les  pointes  de   rîcsthésiomètr< 


FiG.    lo.  —  Champ  visuel  d( 

:e  inférieure  du  poignet  droit  ;  il  distin 
soulTre  dès  qu'on  le  pique;  le  goût, 
iiil  rien  d'altéré  ;  le  champ  visuel  es 
j.  lo).  S'agit-il  de  troubles  de  la  sens 
js  probables  encore  que  les  précédei 
le  un  grand  rôle  dans  la  personnalité. 
^s  ?  Il  a  la  faim,  la  soif,  le  besoin  d'uri 
[lie,  dislingue  les  goûts  comme  autr 
pendant  pas  décrire  les  anesthésies 
nstatons  aucun  indice.  Les  supposer,  < 
lophiques,  qui  rattachent  le  sentimei 
5  sensibilités  ce  serait  oublier  les  règl 
'vation  clinique.  » 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE   323 

Depuis  ces  études,  M.  Bernard  Leroy  a  eu  roccasion  de  refaire 
les  mêmes  recherches  sur  un  cas  tout  à  fait  semblable.  !I  arrive 
exactement  au  même  résultat,  c'est  qu'on  ne  peut  constater  expé- 
rimentalement aucune  espèce  de  troubles  de  la  sensibilité,  a  Je 
constate  d'abord,  dit-il,  que  le  malade  ne  présente  aucune  anes- 
thésie  tactile,  aucune  diminution  appréciable  de  la  sensibilité  ;  la 
localisation  des  sensations  se  fait  normalement  avec  précision.  La 
sensibilité  à  la  douleur  ne  me  parait  pas  diminuée  et  la  sensibi- 
lité thermique  non  plus.  La  vue  semble  également  n'avoir  rien 
perdu  de  son  acuité;  le  champ  visuel  est  de  dimensions  nor- 
males \    » 

Si  nous  passons  à  d'autres  malades  qui  ont  des  obsessions,  des 
manies,  des  angoisses  variées,  voici  quelques  chiffres  que  nous 
avons  relevés  :  Bu...,  grand  agoraphobe  examiné  au  milieu  d'une 
crise,  distingue  les  pointes  de  l'œsthésiomèlrc  au  bout  des  doigts 
quand  elles  sont  séparées  de  2  ou  3  milliniètres  ;  h  la  face  infé- 
rieure du  poignet  droit  il  les  distingue  quand  elles  sont  séparées 
(le  35  millimètres,  à  la  face  inférieure  du  poignet  gauche  il  les 
distingue  à  3o  millimètres  ;  le  champ  visuel  de  chaque  œil  s'étend 
ù  90**.  Ger. ..,  examinée  vers  la  (in  d'une  grande  crise  de  rumi- 
nation mentale,  a  partout  une  sensibilité  tactile  normale  :  l'a^s- 
thésiomètre  donne  3  millimètres  au  bout  des  doigts,  26  «h  la  face 
inférieure  du  poignet,  3o  sur  l'avant-bras  ;  le  sens  musculaire 
examiné  par  les  poids  donne  i/io.  Qei...,  qui  se  plaint  de  ne 
plus  sentir  le  plaisir  ni  la  douleur,  a  partout  une  sensibilité  tactile 
normale,  je  mesure  le  sens  de  la  douleur  avec  l'algésimètre  à 
ressort  (appareil  de  Chéron  pour  la  mesure  de  la  pression  san- 
guine transformé  par  l'addition  d'une  pointe  et  par  une  gradua- 
tion différente)  et  je  trouve  26  sur  le  dos  de  la  main,  ce  qui  est 
normal.  Les  mêmes  constatations  sont  faites  sur  Red...,  Vod..., 
Bor...,  Lod...  (œsth.  au  poignet  35,  algésimètre  sur  le  dos  de 
la  main  20,  champ  visuel  90).  Si  on  veut  observer  la  sensibilité 
au  plus  fort  d'une  crise  d'angoisse,  ce  qui  est  difficile,  comme 
on  Ta  vu  parce  que  la  mise  en  observation  arrête  la  crise,  on 
peut  se  trouver  en  présence  de  sujets  qui  ne  veulent  pas  se 
laisser  toucher,  qui  prennent  peur  de  l'instrument  et  on  peut 
avoir  beaucoup  de  peine  à  obtenir  une  réponse.  Quand  on  l'ob- 


I.    Bernard  I^croy,  De  rillusion  dite  de  la  dc|>crsoiinalisalion.  Comptes  rendus  du 
congrès  de  psycholoyie  de  190U,  p.  482. 


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LES  STIGMATES  PSYCIlASTHÉNIQUES 

e  est  normale,  tout  au  plus  indîque-t-elle  un  peu  de 
>n  en  rapport  avec  Tétai  de  distraction  du  sujet. 
Lit  rencontrer  une  dilficullé  spéciale  quand  on  expérimente 
Tands  douteurs  qui  hésitent  a  répondre  parce  qu'ils  ne 
ais  siirs  de  rien.  J'essaye  d'appliquer  raesthésiomètre  à 
pleine  crise  de  rumination  et  d'hésitation;  elle  prétend 
nais  sûre  s'il  y  a  une  pointe  ou  deux  pointes  et  il  faut 
ge  une  réponse,  même  si  elle  ne  se  sent  pas  certaine  de 
titude.  La  moyenne  de  ces  expériences  faites  dans  ces 
s  sur  la  face  inférieure  du  poignet  droit  donne  4o  :  ce 
mbie  indiquer  une  légère  diminution.  Cependant  étant 
les  innombrables  chances  d'erreur,  j'avais  admis  autre- 
fallait  au  moins  60  pour  admettre  une  hypoesthésie  hys- 
iniquement  intéressante  ;  le  chiffre  constaté  sur  Vi..., 
core  éloigné.  Il  est  vraisemblable  d'ailleurs  que  ce  chif- 
u  élevé  est  en  rapport  avec  le  besoin  de  certitude  du  su- 
inet  a  fort  bien  montré  que  le  chiffre  donné  par  Tirsthé- 
est  modifié  considérablement  par  le  degré  d'inlerpréta- 
fait  le  sujet  de  ses  sensations  tactiles  '  et  il  est  bien 
qu'il  est  élevé  par  le  besoin  de  précision,  par  le  désir 
isidérer  commes  doubles  que  des  sensations  réellement 
inctes.  On  peut  donc  dire  que  chez  la  plupart  de  ces 
3sychasthéniques  les  méthodes  actuelles  de  mesure  ne 
>as  en  évidence  d'anesthésie  appréciable. 

mettre  à  part  un  dernier  groupe  fort  intéressant  dans 
peut  relever  assez  nettement  des  diminutions  appré- 
î  la  sensibilité,  surtout  pendant  les  crises.  MM.  Buccola 
ont  remarqué  des  cas  où  la  sensibilité  était  diminuée-. 
»servé  aussi  quelques-uns. 

es  malades  emploient  d'abord  des  expressions  que  nous 
abitués  h  rencontrer  dans  la  bouche  des  anesthésiques. 
t  la  crise,  dit  Bal...,  mes  mains  me  semblent  être  dures 
»;  «  il  me  semble,  dit  Buq...,  que  j'ai  la  peau  engourdie 
ressens  comme  des  fourmis,  on  dirait  des  bestioles  qui 
it  sur  le  corps.  »  Mio...  (186)  se  plaint  de  sentir  le  cou 

!t.    Est-il  po<«sible  de  mesurer  la  sensibilité  tactile  d*une  personne  avec 
le  Wéber?  Communication  à  la  société  de  psjrchologie.  Bulletin  de  rinsli- 
Ique,  mai  1901,  p.  i45. 
Leçons  cliniques  sur  les  maladies  mentales,  1895,  p.  75. 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  SA  CONSCIENCE    325 

et  la  gorge  pleins  de  boutons.  Je  n'ai  pu  examiner  ces  deux 
malades  qu'en  dehors  des  crises  et  j'ai  dû  constater  que  malgré 
leur  dire  la  sensibilité  était  normale. 

Chez  d'autres  les  vérifications  donnent  quelques  résultats,  Qb... 
se  plaint  de  sentir  plus  confusément  du  côté  droit,  ce  côté  lui 
parait  plus  engourdi  et  plus  gros  que  l'autre,  c'est  là  le  langage 
de  quelques  hystériques  :  j'obtiens  h  l'oesthésiomètre  une  différence 
minime  mais  nettement  appréciable  :  5o  sous  le  poignet  droit  et 
3o  à  gauche. 

Tr...  se  plaint  qu'elle  perd  le  goût,  l'odorat  et  que  toute  la 
face  s'engourdit,  je  trouve  la  sensibilité  de  la  face  normale,  mais 
le  goût  est  réellement  diminué  et  l'odorat  est  presque  disparu. 
Il  est  vrai  qu'il  faut  ici  tenir,  compte  de  cette  sécheresse  des 
muqueuses  qui  existe  souvent  chez  ces  malades. 

Les  deux  malades  qui  m^ont  semblé  le  plus  intéressants  au 
point  de  vue  des  troubles  de  la  sensibilité  soat  Lise  et  Claire. 
Lise  a  noté  beaucoup  de  détails  qui  montrent  son  grand  engour- 
dissement. Pendant  une  crise  de  rumination  elle  s'est  coupé  la 
main  sans  s'en  apercevoir  ;  elle  devient  surtout  indifférente  à  la 
température,  il  lui  est  arrivé  en  s'habillant  d'être  absorbée  par  ses 
idées  et  de  rester  debout  une  demi-heure  à  demi  nue  dans  une 
pièce  très  froide  sans  en  être  incommodée  ;  elle  me  raconte  que 
donnant  un  jour  un  bain  à  son  enfant  tout  en  se  laissant  aller  à 
rêver  elle  l'a  brûlé  et  s'est  elle-même  brûlé  les  mains  sans  sentir 
que  le  bain  était  trop  chaud.  Elle  prétend  qu'au  moment  où  l'idée 
est  forte,  elle  voit  moins  et  elle  entend  a  peine. 

Les  expériences  de  vérifications  sont  comme  toujours  très  dif- 
6ciles  et  quand  l'attention  est  attirée  on  ne  constate  plus  d'aussi 
grandes  ane.sthésies.  Le  tact  proprement  dit  mesuré  à  l'aesthésio- 
mètre  n'est  que  peu  diminué,  la  vue  et  l'ouïe  sont  à  peine  modi- 
fiés, mais  j'ai  été  frappé  de  trouver  une  assez  sérieuse  diminution 
du  sens  de  la  douleur.  Une  injection  hypodermique  qui  est  dou- 
loureuse à  Tétat  normal  devient  tout  à  fait  indifférente  pendant  les 
périodes  de  rumination.  Les  mesures  de  la  sensibilité  doulou- 
reuse avec  l'algésimètre  donnent  des  différences  assez  nettes  pour 
que  l'on  puisse  les  résumer  dans  un  schéma.  On  constate  pendant 
les  crises  de  rumination  une  hypoalgésie  générale  surtout  carac- 
téristique à  droite  sur  la  poitrine  et  sur  l'épaule.  Les  chiffres 
sont  5o  et  même  85  et  io5,  tandis  que  quand  le  malade  va  bien, 
en    particulier  à  la  suite  de  séances    dont   nous  parlerons,   elle 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE    327 

bilité,  surtout  de  la  sensibilité  a  la  douleur.  En  considérant  cette 
figure  on  verra  qu'elle  ressemble  tout  à  fait  à  celle  que  nous  avons 
déjà  publiée  à  propos  d'hystériques  ayant  des  idées  fixes  génita- 
les*. On  sait  que  les  sensations  et  les  images  venant  de  certaines 
parties  <lu  corps  ayant  une  fonction  déterminée  et,  par  conséquent, 
ayant  une  certaine  qualité  commune,  se  groupent,  s'associent 
dans  certaines  émotions  de  manière  à  constituer  des  régions  psy- 
chologiques.  La  sensibilité  des  parties  génitales,  du  pubis,   des 


15    15 


Fie  13    —  État  delà  sensibilité  de  Lise  mesuré  de  la  mdme  manière  pendant  une  période 
plus  normale.  —  Sensibilité  à  la  douleur  à  peu  près  normale. 


seins  et  quelquefois  de  Tombilic  forme  un  système  qui  est  lié  à 
toutes  les  émotions  ou  idées  génitales  :  il  est  intéressant  de  re- 
marquer que  chez  une  scrupuleuse  ayant  depuis  une  douzaine 
d'années  des  obsessions  génitales  la  sensibilité  de  toutes  ces  ré- 
gions est  troublée  comme  elle  Test  dans  l'hystérie.  J*ai  déjà  rap- 
porté l'observation  d'un  homme  qui,  après  20  ans  de  méditation 
sur  des  obsessions  de  ce  genre,  en  arrive  aussi  à  une  hypoesthésie 

I.   Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  43^. 


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LES.  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

génitales  :  la  différence  avec  Thystérie  est  toujours  la 
ensibilité  est  très  incomplète  et  ne  porte  nettement 
louleur. 


i3.  — -  Schéma  de  la  répartition  do  Tliypoestliesie  chez  Claire 
X  Localisation  de  la  céphalalgie. 

S  nous  n'avons  rencontré  de  troubles  de  la  sensibilité 
que  dans  un  petit  nombre  de  cas  et  encore  ces  troii- 
-ils  presque  exclusivement  sur  la  sensibilité  h  la  dou- 
ndcnt-ils  étroitement  du  degré  de  Pattention.  Dans 
ajoritc  des  cas  il  n'y  avait  aucun  trouble  précis  des 
ictiles  et  des  sensibilités  spéciales,  enfin  dans  aucun 
vous  pu  noter  de  grandes  et  profondes  anesthésies. 

e  pas  sur  l'amnésie  et  sur  la  paralysie,  car  vraiment 
observé  chez  mes  malades  qui  rappelle  même  de  loin 
Dbserve  chez  les  hystériques  ;  il  n'y  a  guère  que  des 
ubjcctifs.  «  Bei...  soutient  qu'elle  n'a  aucune  mémoire, 
on  accident  elle  ne  se  souvient  de  rien.  Il  ne  faudrait 
nous*,  la  croire  sur  parole  et  nous  figurer  qu'elle  pré- 

!  idées  fixes,  II,  p. 65,  p.  7a. 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE  329 

sente  des  amnésie  réelles  et  étendues,  interrogez-la,  si  vous  vou- 
lez, nous  vous  mettons  au  défi  de  trouver  un  oubli  réel  ».  «  Ver... 
a  imaginé  de  dire  qu'il  avait  perdu  la  mémoire  et  il  voulait  même 
se  faire  dispenser  du  service  militaire  sous  prétexte  d'amnésie  : 
ce  je  ne  me  souviens  de  rien,  dit-il,  je  ne  puis  pas  tenir  une 
conversation,  car  je  ne  puis  suivre  aucune  idée  »  c'est  là  ce  qu'il 
décrit  mais  même  embarras  que  tout  à  l'heure,  si  vous  cherchez 
quelle  forme  d'amnésie  il  présente  vous  n'en  pourrez  trouver 
aucune.  Interrogez-le  sur  tout  ce  que  vous  voudrez,  il  vous  ré- 
pondra avec  des  détails  interminables  :  et  il  continue  h  dire  je 
n*ai  aucune  mémoire,  tandis  que  sa  parole  a  montré  tous  les  sou- 
venirs possibles.   » 

Claire  prétend  aussi  avoir  perdu  la  mémoire,  ne  plus  se  sou- 
venir du  passé  et  ne  pouvoir  apprendre  le  présent.  En  réalité  elle 
raconte  h  peu  près  tout  et  quand  j'ai  essayé  de  lui  faire  apprendre 
lo  syllabes  en  les  prononçant  devant  elle,  elle  y  est  arrivée  cor- 
rectement après  i3  auditions.  Cela  ne  montre  pas  une  grande 
puissance  d'attention,  mais  cela  n'est  pas  de  l'amnésie. 

Gisèle  se  plaint  d'avoir  par  moment  des  paralysies  complètes, 
je  ne  les  ai  jamais  constatées  :  cette  difficulté  que  la  malade  éprouve 
à  marcher  dans  certaines  circonstances  se  rattache  h  ces  sortes 
de  crises  de  fatigue  qui  surviennent  fréquemment  chez  ces  su- 
jets; ce  ne  sont  aucunement  de  véritables  paralysies. 

2.  —  Les  mouçements  subconscients. 

Un  autre  phénomène  que  l'on  est  tout  disposé  h  rechercher 
chez  les  scrupuleux  c'est  le  mouvement  involontaire  et  subcon- 
scient dont  le  type  idéal  est  l'écriture  automatique  des  médiums. 
Les  malades  parlent  comme  s'ils  constataient  sans  cesse  en  eux 
des  phénomènes  de  ce  genre  «  j'agis  sans  me  faire  d'idées  de  ce 
que  je  fais,  dit  Ver...,  mes  mains  s'occupent,  ce  n'est  pas  moi 
qui  m'occupe,  »  ces  malades  parlent  certainement  d'automatisme 
beaucoup  plus  que  les  médiums  eux-mêmes. 

Mais  la  vérification  expérimentale  ne  correspond  pas  du  tout  à 
cette  apparence,  j'ai  essayé  sur  un  grand  nombre  de  ces  sujets 
psychasthéniques  de  reproduire  les  expériences  classiques  qui 
consistent  h  deviner  le  nombre  qu'ils  pensent  par  le  mouvement 
de  leurs  doigts,  les  expériences  du  pendule  enregistreur,  de  l'écri- 
ture automatique  au  moyen  de  la  tablette,  etc.  :  dans  la  grande 


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riGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

résultats  sont  absolument  nuls.  Exception- 
uelques  gestes  suggérés  à  l'état  de  veille 
'oublie  pas  sa  main,  elle  la  sent  remuer  et 
)urs  l'arrêter  quand  elle  veut  et  il  y  a  beau- 
dans  son  obéissance.  Claire  dit  toujours 
rendre  compte;  mais  certainement  cela  ne 
e  veux  le  vérifier.  Elle  obéit  un  peu  aux 
;,  elle  y  a  quelques  mouvements  en  appa- 
i  doigt,  mais  comme  Lise  elle  peut  toujours 
3ndre  :  la  subconscience  n'est  jamais  cora- 
î  question  doit  être  généralisée  en  cher- 
int  chez  ces  malades  les  phénomènes  d'hyp- 
tion. 

-  Le  sommeil  hypnotique. 

étudier  cette  question  de  l'hypnotisme  chez 
{ue  soin,  car  la  plupart  des  malades  récla- 

suggestion  hypnotique  comme  le  remède 
t  ils   s'y  prêtaient   de  la    meilleure   foi   du 

désir  de  se  laisser  endormir;  sur  quelques- 
pu    prolonger  les  essais    pendant   trois   et 
linsi  dire  sans  interruption, 
meil  hypnotique?  Ici  il  faut  faire  attention 
,   les   scrupuleux  sont    des   individus  chez 

en  nuances  et  en  mesures.  Si  l'on  cherche 
le  véritable  et  complet,  un  somnambulisme 
îr  deux  choses  :  i°  pendant  l'état  de  som- 
nt  intellectuel  suffisant  pour  que  le  sujet 
Dins  comprendre  la  parole  et  agir  en  confor- 
n  sans  se  réveiller;   2°  un  oubli  complet  au 

le  les  obtient  jamais  chez  les  scrupuleux, 
les  plus  complètes  est  celle  de  Lise.  Les 
es  cinq  ans  tous  les  huit  jours,  nous  verrous 
î  raison.  Aujourd'hui  encore  elle  n'est  pas 
hénomcne  caractéristique  l'oubli  du  som- 
li  existe  un  peu,  les  souvenirs  sont  confus, 
l'elle  ne  fasse  aucun  effort  pour  les  recher- 
îrche,  ses  souvenirs  se  précisent  et  réappa- 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE   331 

raissent  fort  bien.  Et  encore  cet  oubli  léger  dont  elle  se  contente 
n'a  commencé  à  apparaître  qu'à  la  53*  séance. 

Quant  à  cette  hypnose  elle-même,  elle  consiste  simplement  en 
un  engourdissement  dans  lequel  le  sujet  a  de  la  peine  à  remuer, 
à  ouvrir  les  yeux.  Cet  état  ressemble  à  ce  que  Lise  éprouve  spon- 
tanément quand  elle  retombe  dans  une  idée  fixe,  dans  une  rumi- 
nation en  pensant  au  démon.  Mais  ce  qui  est  caractéristique,  c'est 
qu'elle  peut  triompher  de  cet  engourdissement;  si  elle  y  tient, 
elle  peut  faire  un  effort  volontaire  et  arriver  à  ouvrir  les  yeux  ; 
elle  peut  aussi  par  un  effort  remuer  et  parler.  Mais  alors  ces 
mouvements,  et  la  parole  surtout,  la  réveillent,  si  bien  qu'elle  se 
plaint  d'être  troublée,  si  je  veux  la  faire  parler  pendant  qu'elle 
dort.  Ajoutez  que  l'esprit  reste  lucide,  qu'elle  ne  perd  jamais  con- 
science et  continue  à  se  surveiller  pendant  l'hypnose. 

Dans  ce  cas  cependant  il  y  a  quelques  phénomènes  d'hypnose 
intéressants  obtenus  par  une  prolongation  extraordinaire  des 
essais  :  il  y  a  un  engourdissement  notable,  non  seulement  des 
mouvements  mais,  ce  qui  est  plus  curieux,  des  idées.  La  malade 
a  de  la  peine  à  retrouver  ses  idées  fixes  et  a  les  décrire,  il  y  a  des 
choses  qu'elle  ne  peut  pas  arriver  h  exprimer  dans  cet  état  et 
qu'elle  exprime  bien  étant  réveillée,  elle  conserve  même  quelques 
heures  après  la  séance  un  certain  engourdissement  et  une  légère 
envie  de  dormir.  Enfin  cet  état  est  devenu  chez  elle  assez  habi- 
tuel pour  se  reproduire  sur  un  signe,  par  exemple  quand  je  lui 
mets  la  main  sur  le  front. 

Chez  les  autres  malades  je  n'obtiens  même  pas  ce  résultat  in- 
complet. Lod...  a  à  peine  les  paupières  un  peu  tremblantes,  rien 
de  plus,  aucun  engourdissement  ni  des  mouvements,  ni  des  idées, 
bien  entendu  aucun  trouble  de  la  mémoire.  ChezWe...  petit  dé- 
but d'engourdissement  après  une  vingtaine  de  séances,  aucun 
oubli  après  la  séance.  Chez  On...,  chezTr...,  rien  de  plus.  Mb... 
s'endort  un  peu  plus,  mais  ne  présente  pas  d'oubli.  Kl...  arrive  à 
une  somnolence  très  incomplète  avec  persistance  des  souvenirs. 

Chez  Claire,  les  essais  sont  diiliciles,  elle  est  si  longue  à  faire 
aucun  acte,  qu'elle  est  interminable  a-vant  d'accepter  qu'on 
essaye  de  l'endormir;  elle  voudrait  me  parler  auparavant,  dire  ce 
qui  lui  charge  la  conscience  en  commençant  par  le  commencement. 
Ce  récit,  à  supposer  qu'elle  puisse  le  faire,  serait  interminable, 
puis  elle  a  des  craintes  sur  ce  qu'elle  dira  pendant  le  sommeil,  des 
scrupules  sur  l'hypnose  qui  retardent  les  essais.  Enfin  à   force  de 


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■^"mm 


LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 

;e  je  suis  parvenu  h  essayer  sérieusement  au  moins  3o 
5  qui  serait  largement  suflisant  pour  hypnotiser  complète- 
me  personne  un  peu  prédisposée  :  les  résultats  sont  insi- 
ts  :  tête  lourde,  quelques  tremblements  des  paupières,  un 

résolution  des  membres,  le  tout  cesse  dès  qu'elle  veut  se 
r,  même  sans  mon  ordre. 

insuccès  vraiment  considérable  dans  Thypnotisme  des 
leux  tient-il  uniquement  a  la  façon  dont  j'ai  dirigé  les  es- 
e  ne  puis  pas  le  croire,  quand  je  mets  en  face  de  ces 
îs  le  nombre  aujourd'hui  très  considérable  d'hystériques 
i  pu  amener  à  tous  les  degrés  possibles  du  somnambulisme, 
rait  donc  là  un  premier  fait,  c'est  que  le  même  auteur,  en 
ant  de  la  même  manière,  détermine  l'hypnotisme  comme  il 
;  chez  les  hystériques  en  quelques  séances,  très  souvent  en 
Lile,  et  qu'il  ne  parvient  h  rien  chez  les  scrupuleux  même  en 
)  cent  séances  comme  dans  le  cas  exceptionnel  de  Lise.  Mais 
)lus  à  dire,  le  hasard  a  fait  que  beaucoup  de  mes  malades 
ant,  soit  après  avoir  été  étudiés  par  moi,  ont  passé  entre  les 
de  plusieurs  de  mes  confrères  qui  ont  fait  les  même  tenta- 
^uelques-uns  ont  essayé  de  se  faire  illusion  en  appelant 
bisme  n'importe  quel  engourdissement,  mais  toutes  les 
lie  j'ai  pu  avoir  des  renseignements  précis,  j'ai  constaté 
un  d'eux  n'avait  rien  obtenu  de  plus  que  moi. 
r  ne  citer  qu'un  exemple  Jean  a  été  longtemps  soigné  par 
montpallier  qui  avec  une  grande  confiance  a  fait  tous  ses 
pour  l'hypnotiser  ;  après  des  essais  très  nombreux 
montpellier  a  été  obligé  de  dire  au  malade  a  qu'il  avait 
t  trop  vagabond  pour  arriver  au  sommeil  provoqué  ». 
marqué   aussi   que   les    auteurs    qui  ont  une  grande  pra- 

de  l'hypnotisme,  comme  M.  Bernheim,  se  montrent 
»  et  devinent  rien  qu'à  l'allure  et  au  récit  de  ces  malades 
ne  sont  pas  hypnotisabics.  Dans  quatre  de  mes  observations 
rnheini  a  habilement  refusé  de  tenter  un  traitement  par 
otisme  :  je  ne  dis  pas  qu'il  ait  eu  raison  au  point  de  vue 
eutique,  ces  essais  d'hypnotisation  peuvent  avoir,  comme 
e  verrons  plus  tard,  des  résultats  utiles  ;  mais  au  point  de 
ientifique  je  trouve  qu'il  a  complètement  raison  en  consi- 
.  ces  malades  comme  rebelles  au  sommeil  hypnotique. 

recherches  sur  ce  point,  je  suis  heureux  de  le  constater, 
>ut  à  fait  d'accord  avec  les  conclusions  auxquelles  MM.  Pitres 


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LES  SYMPTOMES  DE  RÉTRÉCISSEMENT  DU  CHAMP  DE  LA  CONSCIENCE    333 

et  Régis  sont  parvenus.  «  D'une  façon  générale  les  obsédés  pré- 
sentent cette  particularité  curieuse  que,  très  sensibles  à  l'action 
de  la  suggestion  ordinaire,  au  réconfort  moral  du  médecin,  ils 
sont  rebelles  à  la  suggestion  hypnotique  qui  n'a  pas  souvent  prise 
sur  eux.  Ils  ressemblent  encore  en  cela  aux  neurasthéniques  qui  se 
trouvent  momentanément  soulagés  et  même  guéris  de  leurs  maux 
par  une  simple  visite  du  médecin  et  qui  ne  sont  pas  d^habitude 
hypnotisables  ^    » 

Il  est  vrai  que  quelques  auteurs,  en  très  petit  nombre,  ont  pu- 
blié des  observations  de  sommeil  hypnotique  déterminé  chez  des 
agoraphobes  ou  des  obsédés.  M.  Bérillon  en  a  signalé^  plusieurs, 
M.  Auguste  Voisin  surtout  en  a  décrit  un  très  grand  nombre  au 
congrès  de  Psychologie  tenu  à  Munich  en  1896^:  «  Phobies  et 
manies  multiples,  habitudes  de  religiosité,  améliorations  par  la 
suggestion  hypnotique.  —  Manies  et  phobies  multiples,  craintes 
de  manquer  à  des  promesses,  sommeil  absolu  à  la  2°  séance,  gué- 
rison  à  la  /|**  séance.  —  Agoraphobie,  claustrophobie,  peur  des 
chemins  de  fer  et  des  voitures,  sommeil  hypnotique  en  une 
séance,  guérison  en  3  séances,  etc..  »  J'avoue  que  je  suis  resté 
très  étonné  en  entendant  ces  communications. 

Ces  opinions  opposées  ne  me  paraissent  pouvoir  s'expliquer 
que  de  deux  façons.  Ou  bien  les  auteurs,  uniquement  préoccupés 
du  point  de  vue  thérapeutique,  ne  se  sontpas  inquiétés  de  préciser 
le  diagnostic  de  l'état  qu'ils  ont  appelé  sommeil  hypnotique,  ou 
bien,  ils  ne  se  sont  préoccupés  que  du  contenu  de  l'obsession  et 
non  du  diagnostic  de  la  névrose  sous-jacente  et  ils  ont  eu  affaire 
à  des  idées  fixes  chez  des  hystériques.  Je  reste  disposé  à  croire 
que  l'un  des  grands  caractères  des  psychasthéniques  c'est  de  ne 
pas  pouvoir  présenter  l'état  de  somnambulisme  naturel  ou  pro- 
voqué qui,  au  contraire,  caractérise  les  hystériques. 


l\,  —  La  suggestion. 
Pendant  ces  états   hypnotiques  tout  à  fait  insuffisants  et   mal 


I.  Pitres  et  Hégîs,  op.  cit..,  p.  100. 

a.  Bérillon,  Société  de  médecine  et  de  chirunjie  pratiques,  8  juin  iSqS. 

.3.  A.  Voisin,  Dritter  inlernationaler  Congress  fâr  Psychologie  in  Munchen,  '^97» 
p.  38o,  et  Emploi  de  la  suggestion  hypnotique  dans  certaines  formes  d'aliénation 
mentale,  1897. 


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IGMATES  PSYC 

ant  essayé  d< 
[gestion, 
Ase  que  j'ai 
ayé  de  détc 
npies,  les  ait 
suggéré  que 
us  l'ouvrir.  / 
sultat  qui  se 
ïïitraeturé.  E 
int  semblé  a 
er  quelques 
n  Tair  ou  s 
Depuis  la  2^ 
ter  après  le  ! 
m  me  je  Tava 
pas  faire  d'ef' 
me  que  les  n 
»as  attention, 
en  apparenc 
actes  :  i®  Il 
exécution, 
e  la  volonté 
d'une  façon 
ïs,  mais    à   1; 

en  pensant 
les  supprime 
3nt  particulii 

h  un  mom 
i^ahissaient  t 
leil  la  raidii 
!  s'y  prêtât,  ! 
es  ou  si  je  lu 
presque  imi 
its  quelqucfo 
uer  que  jam 
là  de  celte  f( 
uggestion  de 
!  naître  de  ri 
quand  je  lui 
taine  fixité  d 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ 

rudîmentaire.  Dans  les  circonstances  les  plus  favor 
y  rêver,  mais  il  n'y  a  pas  d'illusion  et  jamais  elle 
en  dehors  d'elle-même.  Il  est  également  impossib 
56®  séance,  de  déterminer  de  Tanesthésie  véritable 
sentir  un  peu  moins  la  piqûre,  mais  elle  la  sent  to 
ne  laisse  pas  enfoncer  Tépingle  plus  profondémen 

Les  mêmes  résultats  de  la  suggestion  se  t*etrouv 
ques  autres  sujets  avec  cette  diflerence  que  les  p 
suggestion  sont  chex  eux  en  général  beaucoup  nu 
quelques  mouvements  automatiques  suggérés  che 
\Ve...,  chez  Claire  et  c'est  tout.  Les  autres  ma 
liqueurs,  phobiques  quand  ils  sont  bieh  des  psych 
non  des  hystériques  ne  sont  suggestibles  en  aucune 

Il  était  intéressant  de  mettre  en  évidence  par  di 
nombreuses  suilisamment  prolongées  le  peu  d'in 
mouvements  subconscients,  du  sommeil  hypnotiqu< 
tions  chez  les  psychasthéniques.  Ce  caractère  quoiq 
négatif  me  semble  avoir  une  certaine  importance  d 
tation  de  leur  état  mental. 


2.  —  Les  troubles  de  la  volont 

Si  l'on  ne  constate  pas  chez  les  scrupuleux  les  t 
et  assez  spéciaux  qui  caractérisent  les  hystériques, 
en  conclure  que  tous  leurs  sentiments  d'incomj 
erronés  et  qu'ils  n'aient  pas  des  troubles  fondameni 
à  leurs  propres  sentiments  et  surtout  h  leurs  id 
troubles  se  trouvent  surtout  dans  l'activité  volontai 
fondement  troublée  chez  ces  malades  bien  avant  qu 
leur  maladie  et  dans  beaucoup  de  cas,  si  je  ne  me  t 
l'enfance,  l-a  description  détaillée  de  ces  troubles 
serait  interminable,  je  l'ai  déjà  faite  si  souvent  da 
travaux  que  je  crois  pouvoir  me  borner  ici  a  uni 
rapide  des  principaux  symptômes  par  ordre  de 
santé. 

I.  —  L'indolence, 

Presque   toutes  ces  personnes  présentent  quelq 


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5  .   LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES 

ur  première  enfance  un  caractère  bien  reconnaissable  :  ce  sont 
!S  mous,  des  indolents,  des  paresseux.  Avec  des  termes  variables, 
5  familles  et  les  malades  eux-mêmes  décrivent  toujours  ce  même 
ractère  «  quelle  enfant  molle,  disait-on  de  Tr...,on  dirait  qu'il 
ut  la  battre  aussi  bien  pour  la  faire  jouer  que  pour  la  faire  tra- 
iller.  »  Claire  a  toujours  été,  sans  doute,  une  bonne  enfant,  elle 
étend  qu'elle  était  plus  active  autrefois  et  que  maintenant  les 
tes  sont  supprimés  par  les  idées  maladives  ;  mais  ce  n'est  pas 
ut  h  fait  exact,  elle  a  toujours  été  paresseuse,  elle  a  toujours  eu 
dégoût  du  travail  «  elle  se  souvient  qu'étant  jeune  elle  avait 
ïjà  besoin  de  s'exciter  au  travail  par  des  menaces  ou  des  pro- 
esses qu'elle  se  faisait  ii  elle-même  )>.  Notons  que  c'est  une 
une  (ille  qui  n'a  jamais  eu  la  manie  du  serment  et  que  cependant 
travail  ne  se  faisait  chez  elle  que  par  des  excitations  du  même 
înre. 

Sera-t-on  étonné  d'apprendre  que  Jean  a  toujours  été  a  'en- 
)rmi,  apathique,  indolent,  sans  énergie  ».  Quoique  doué  d'une 
telligence  plutôt  supérieure  à  la  moyenne  il  n'est  jamais  arrivé 
rien,  même  dans  sou  collège.  Cette  paresse  est  donc  fondamen- 
le,  bien  antérieure  aux  manies  et  aux  obsessions,  on  la  retrouve 
lez  tous  les  malades,  sinon  pendant  toute  la  vie  comme  chez 
s  précédents,  au  moins  pendant  toutes  les  périodes  maladives. 

2.  —  L*  irrésolution. 

Cette  mollesse  générale  peut  se  décomposer  en  un  certain 
>mbre  de  troubles  particuliers  de  l'action,  le  plus  frappant  est 
itérieur  à  l'acte  même,  c'est  une  indécision  perpétuelle  qui 
jste  à  mon  avis  en  fait,  bien  avant  que  le  malade  n'en  ait  le 
ntiment  et  qu'il  n'en  parle  bien,  avant  qu'il  n'ait  des  crises  de 
)ute  et  de  délibération.  Tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  des 
)sédés  et  des  douteurs  ont  bien  décrit  cette  indécision*.  Que 
exemples  on  pourrait  citer  de  cette  irrésolution,  choisis,  je 
répète,  tout  à  fait  en  dehors  des  crises  d'excitation  patho- 
gique.  Tod...,  tout  enfant,  passait  des  heures  interminables  à 
nger  son  tiroir  parce  qu'elle  «  ne  pouvait  jamais  décider  si 
1  objet  devait  être  a  droite  ou  a  gauche.  »  Bsn...,  une  femme 
li  a  actuellement  5i  ans,  raconte  en  riant  des  incidents  de  sa 

I.  Cf.  Raymond  cl  Arnaud,  Ann.  inéd.  psyeh.,  189a,  II.  199. 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  337 

jeunesse  :  a  elle  a  été  très  malheureuse  quand  on  a  voulu  la 
forcer  à  ranger  sa  chambre  elle-même,  car  elle  hésitait  indé- 
6niment  sur  la  place  d'un  bibelot.  »  Qei...  a  toujours  été  mal- 
heureuse quand  il  fallait  choisir  une  robe,  un  chapeau  ou  une 
distraction.  Min...  ne  sait  jamais  ce  qu'il  veut  faire,  il  lui  faut  des 
jours  et  des  jours  pour  savoir  s'il  veut  profiter  d'une  journée  de 
vacance  et  faire  une  promenade  «  ce  que  j'ai  toujours  aimé  le 
mieux,  dit-il,  c'est  qu'un  camarade  décidât  pour  moi:  son  opinion 
me  donnait  une  sorte  de  coup  de  fouet  »  aussi  ne  sortait-il  jamais 
seul  et  même  à  20  ans,  il  ne  quittait  pas  les  jupons  de  sa  mère. 
Bien  entendu  ces  hésitations  vont  devenir  curieuses  quand  les 
résolutions  à  prendre  sont  plus  graves  ;  il  est  intéressant  de  voir 
que  ces  personnes  hésitent  entre  des  actions  tout  k  fait  opposées, 
tellement  distantes  qu'au  premier  abord  la  comparaison  même 
semble  impossible.  Toutes  ces  femmespar  exemple,  comme  Fya..., 
hésitent  pour  se  marier  entre  plusieurs  jeunes  gens,  mais  Renée 
fait  mieux,  elle  passe  des  années  à  hésiter  entre  la  vie  religieuse 
et  la  vie  d'actrice  dans  un  petit  théâtre.  Cette  dernière  existence 
d'ailleurs  elle  se  la  représente  très  bien  comme  une  vie  de  dé- 
sordre. Mais  comme  elle  le  dit  dans  son  naïf  langage,  elle  est 
restée  des  années  h  se  demander  si  «  elle  voulait  faire  la  noce  ou 
être  une  sainte  ».  Si  la  décision  semble  être  prise,  elle  change  et 
disparait  pour  le  plus  léger  obstacle,  ces  personnes  aiment  les 
prétextes  et  renoncent  à  ce  qu'elles  avaient  décidé  pour  un 
nuage,  un  rayon  de  soleil  ou  une  migraine  plus  ou  moins  réelle. 

Ce  caractère  est  au  plus  haut  degré  chez  deux  de  mes  malades 
principales  :  Claire,  depuis  son  enfance,  et  à  plus  forte  raison  au 
cours  de  sa  maladie,  ne  se  décide  à  rien  d'une  manière  ferme,  elle 
change  sans  cesse  d'occupation,  laisse  une  chose,  la  reprend,  la 
laisse  de  nouveau  :  elle  a  voulu  être-  religieuse,  puis  elle  y  a  renoncé , 
ridée  revient  de  temps  en  temps  puis  disparait;  elle  ne  sait  pas 
si  elle  veut  ou  ne  veut  pas  se  marier.  Elle  oscille  pour  tout,  et 
cela  en  dehors,  je  le  répète,  de  tout  délire:  en  voici  un  exemple 
entre  mille  :  elle  a  écrit  une  lettre  pour  me  la  remettre,  il  lui 
a  fallu  un  grand  eflbrt  pour  l'écrire.  Elle  vient  chez  moi  et  cache 
sa  lettre  ne  voulant  plus  que  je  la  voie,  puis  un  quart  d'heure 
après  elle  me  dit  qu'elle  l'a  écrite  et  me  la  montre,  puis  elle  la 
remet  dans  sa  poche,  puis  elle  me  la  donne  et  la  voici  qui  se 
jette  sur  moi  pour  me  la  retirer  des  mains;  même  scène 
parce  qu'elle  veut  et  ne  veut  pas  qu'on  essaye  de  l'hypnotiser  etc. 
LES  0B8E8810KS.  I.  —  a  a 


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LES  STIGMATES  PSYCIlASTHÉNIQUES 

e  a  toujours  vécu  de  même,  elle  a  eu  des  hésitations  pour 
religieuse,  pour  le  mariage,  pour  presque  toutes  les  actions, 
rd'hui,  quand  elle  sort  dans  la  rue,  elle  ne  sait  plus  de 
côté  elle  veut  aller  et  il  lui  arrive  de  rentrer  au  bout  de 
Lies  pas  plutôt  que  de  choisir  entre  les  diverses  courses 
B  pourrait  avoir  à  faire. 

3.  —  La  lenteur  des  actes, 

ne  si  Faction  est  décidée,  elle  se  fait  très  lentement  et  cela 
qu'il  n'y  ait  des  manies  ou  des  ruminations  pour  l'arrêter, 
iteur  de  ces  personnes  pour  se  lever  du  lit  est  classique  :  il 
aut  des  heures  pour  savoir  si  elles  sont  réveillées  ou  non. 
enteur  à  faire  leur  toilette,  à  prendre  leurs  repas,  à  écrire 
ttre,  à  faire  en  général  une  action  quelconque  est  observée 
fait  dans  la  première  jeunesse.  Claire  devenait  exigeante 
point,  elle  voulait  qu'on  lui  laissât  des  heures  pour  écrire 
tit  mot,  pour  se  préparer  à  sortir,  pour  se  mettre  à  table. 
le  nous  l'avons  remarqué  autrefois  chez  les  hystériques, 
e  MM.  Raymond  et  Anaud  l'ont  décrit  chez  un  aboulique, 
lalades  fractionnent  l'acte,  ils  emploient  une  première 
je  h  chercher  du  papier  h  lettre,  une  seconde  à  prendre 
nveloppe  et  peut-être  qu'en  huit  jours  ils  arriveront  à 
une  lettre. 

4.  —  Les  retards, 

;e  conduite  amène  une  conséquence  inévitable,  c'est  qu'ils 
^ent  jamais  à  rien  en  même  temps  que  les  autres  personnes, 
ment  où  il  le  faudrait.  Lorsqu'ils  sont  intelligents  ils  gémis- 
ommeKa...  sur  ce  trait  de  caractère  qui  leur  a  nui  dans 
leur  carrière,  ils  ne  sont  jamais  prêts  à  temps  pour  saisir 
casion  quelconque,  «  je  laisse  toujours  passer  le  moment  et 
rrive  à  rien  ».  Ils  remettent  toujours  l'efiFort  au  dernier 
nt  possible  :  Claire  ne  me  parlera  un  peu  qu'à  la  fin  de  sa 
]uand  décidément  je  ne  puis  pas  la  garder  plus  longtemps  ; 
s  fera  quelques  efforts  pour  se  guérir  qu'à  la  fin  de  son 
à  Paris,  quand  elle  voit  qu'il  faut  rentrer  chez  elle, 
îaractère  curieux  qui  en  résulte,  c'est  l'absence  totale  de  la 
de  l'heure.  Il  n'y  a  rien  de  plus  terrible  que  d'avoir  des 
-vous  avec  des  scrupuleux  :  un  retard  d'une  heure  ou  deux, 


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LES  TROUBLES  DE  L.\  VOLONTÉ  339 

quand  ils  n*ont  pas  d'idée  fixe  sur  ce  point,  leur  parait  si  peu  de 
chose  et  si  insignifiant  qu'ils  croient  en  arrivant  mériter  des 
compliments.  On  m'a  fait  remarquer  que  ce  caractère  de  n'être 
jamais  à  l'heure,  qui  est  si  net  chez  Xyb...  (209),  Vk..,,  etc.,  est 
un  véritable  caractère  de  famille,  que  l'on  retrouve  chez  les 
parents,  les  frères  et  les  sœurs  des  malades. 


5.  —  La  faiblesse  des  efforts. 

11  est  bien  évident  que  ces  malades  auront  une  grande  faiblesse 
morale,  nous  avons  vu  qu'ils  abandonnent  l'action  pour  le 
moindre  prétexte.  11  me  semble  qu'ils  ont  encore  une  certaine 
faiblesse  physique  au  moins  dans  l'effort  instantané,  j'ai  fait  beau- 
coup de  mesures  dynamométriques,  espérant,  comme  je  l'ai  dit, 
trouver  la  preuve  d'une  certaine  paralysie  pendant  les  états  d'an- 
goisse. Comme  on  l'a  vu  dans  le  chapitre  précédent,  les  expé- 
riences sur  ce  point  n'ont  rien  de  décisif  :  mais  elles  me  laissent 
une  autre  impression.  Je  suis  étonné  de  la  faiblesse  des  chiffres 
que  Ton  trouve  comme  moyenne,  ainsi  Bu...,  homme  vigoureux 
de  42  ans,  a  comme  moyenne  de  10  expériences  avec  la  main 
droite,  3i.  Jean,  garçon  bien  musclé  de  32  ans,  a  comme 
moyenne  de  la  main  droite  28,5  et  de  la  main  gauche  28.  Qes..., 
une  forte  jeune  femme  de  26  ans,  moyenne  de  la  main  droite,  22,3, 
de  la  main  gauche  20,7.  Claire,  moyennedela  main  droite  25,5,  delà 
main  gauche  16,9.  Lise  moyenne  de  10  pressions  de  la  main  droite, 
dans  une  première  expérience  25, /|  de  la  main  gauche,  28,9  dans 
une  seconde  expérience  moyenne  de  la  main  droite  23,4  pour  la 
main  gauche  21,7.  Ces  chiffres  évidemment  ne  signifient  pas  une 
paralysie,  mais  ils  sont  faibles  et  indiquent  très  peu  d'efforts. 

Les  malades  cependant  se  figurent  qu'ils  font  sans  cesse  des 
efforts  physiques  et  moraux  énormes.  Lise  a  pour  le  moindre 
progrès  un  sentiment  d'effort,  de  raidissement  des  membres 
comme  si  elle  accomplissait  des  œuvres  extraordinaires,  il  en  est 
de  même  pour  Claire. 

6.  —  La  fatigue. 

Dès  qu'ils  ont  fait  le  moindre  effort  physique  ou  moral  les 
psychasthéniques  sont  épuisés  et  ressentent  un  horrible  senti- 
ment de  fatigue.  «  C'est  un  manteau  de  fatigue    qui    tombe   sur 


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LES  STIGMATES  PSYCHA^THÉNIQUES 

it  Lf. ..,  femme  de  46  ans,  ce  sentiment  s'accompagne  de 
aux  articulations  et  dans  les  muscles,  de  dérobement 
>es,  de  laisser  aller  de  tout  corps.  Jean  se  laisse  tomber 
ir  un  lit  et  ne  peut  plus  bouger. 

iment  on  observe  aussi  quMls  ne  peuvent  plus  suivre  une 
3  leur  attention  ne  se  fixe  plus  du  tout.  Wo...  fait  un 
ur  une  addition  :  «  J*ai  un  sentiment  de  courbature  hor- 
L  dépensé  un  gros  effort  qui  a  épuisé  mon  attention,  mon 
se  fixe  plus,  tout  papillote  devant  moi.  »  Jean  s'épuise 
lecture  de  quelques  lignes.  Il  faut  tenir  grand  compte 
fatigue  rapide  dans  le  traitement. 

6.  —  Le  désordre  des  actes. 

actère  semblera  curieux  chez  ces  personnes  qui  ont  la 

la  précision   et  de  l'ordre,  il  est  cependant  incontes- 

i  sait  qu'il  n'y    a  pas  de  chambre  plus   sale  que  celle 


FiG.   i4. 


Time   qui  a  la   manie   de    la   propreté:   U...,  qui   a  la 
;s  microbes,  était  arrivée  à  faire  de  sa  chambre  un  véri 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ 

table  fumier.  De  même  il  n'y  a  rien  de  plus  dés< 
chambre  et  la  table  d'une  personne  atteinte  (J 
Tordre  :  ces  personnes  rangent  avec  une  précau 
deux  ou  trois  objets  et  n'arrivent  pas  à  mettre  de 
reste.  Ce  caractère  du  désordre  dans  les  actes  se 
quefois  dans  Técriture  :  ce  fragment  d'une  let 
malades  qu'il  m'a  autorisé  à  reproduire  (fig.  i4) 
caractéristique.  Son  écriture  est  aussi  embrouill 
ses  pensées  et  il  est  aussi  incapable  de  la  rendr 
mettre  un  peu  de  suite  dans  sa  conduite.  On  | 
aussi  a  ce  sujet  que  son  écriture  devient  de  plus 
donnée  et  illisible  quand  on  avance  vers  la  fin 
cause  de  la  fatigue  rapide. 

Il  faut  rapprocher  de  ce  désordre  une  maladi 
vements  qui  me  paraît  très  intéressante.  Beaucoi 
des  ne  peuvent  toucher  aucun  objet  sans  le  cass 
vent  apprendre  aucun  travail  à  cause  de  leur  inhal 
J'ai  voulu  faire  faire  à  Jean  quelques  petit  travaux 
à  coudre  des  livres,  à  coller  des  papiers  :  on  r 
comme  il  déchire  et  salit  sans  aboutir  à  rien.  C 
caractère  n'est  pas  constant  et  n'existe  que  dans 
maladie.  Simone,  qui  veut  coller  une  constructic 
désole  d'être  devenue  si  sale  et  si  maladroite,  tu 
jeune  elle  faisait  ce  petit  travail  avec  une  pn 
leuse. 

7.  —  U  inachèvement. 

Dans  le  même  ordre  d'idées  quand  on  considèi 
qui  manifestent  un  léger  trouble  de  la  volonté  ant 
nies  et  aux  obsessions,  il  faut  insister  sur  un  détail 
par  la  famille  elle-même.  Ces  personnes  comme 
fois  des  actions  mais  ne  les  achèvent  jamais  :  ches 
tère  existe  à  son  insu  d'une  façon  tout  à  fait  curi 
la  moindre  idée  fixe  sur  ce  point,  il  ne  sait  m 
femme  a  constamment  observé  ce  trait  de  sa  conc 
assis  à  un  travail  ou  qu'il  commence  à  ratisser  u 
jardin  pour  se  distraire,  il  n'achève  jamais  ce  qu' 
il  en  est  dégoûté  un  peu  avant  la  fin.  Il  fait  de  mè 
et  n'achève  jamais    ce  qu'il  a  mis  dans  son  assiel 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

particulière  qui  lui  fait  prendre  en  dégoût  les 
les  approchent  de  leur  fin. 

se  retrouve  chez  tous  les  autres  malades  et  con- 
istabilité  caractéristique.  Cet  inachèvement  des 
d  au  doute  et  à  Toscillation  des  idées,  comme  Ta 
fois  Debs  dans  son  a  tableau  de  Tactivîté  volon- 
quable  pour  Tépoque  *  :  «  les  velléités  sont  dans 
itaire  ce  que  dans  Pintelligence  sont  les  conjec- 
s  douteux  auxquels  Tesprit  n'attache  qu'un  corn- 
ihésion  et  qu'il  abandonne  sans  effort  un  instant 
e  qu'il  y  a  tous  les  degrés^^Bb  croyance,  il  y  a 
I  et  la  résolution  parfaite  qui^fl^cve  un  nombre 
ns  différemment  énergiques.  » 

8.  —  L'absence  de  résistance. 

vent  comme  preuve  de  la  force  de  volonté  conservée 
leur  résistance  hTimpulsion.  ((  Il  n'est  pas  absolu- 
'e  comme  on  le  croit  généralement  que  la  volonté 
s  soit  très  amoindrie.  Beaucoup  sont  susceptibles 
'euves  d'uneénergie  peu  commune  etc'est  très  réelle- 
battent  leur  idée  fixe...*.»  Je  ne  suis  pas  certain  que 
\  résistance  h  l'impulsion  soit  une  preuve  d'éner- 
ne.  Ils  ont  des  manies  de  se  dire,  de  se  croire,  de 
)roie  à  des  tentations  et  ils  ont  des  manies  de  lut- 
ent  contre  une  impulsion  qu'ils  inventent.  Ce  qui 
ive  d'énergie  ce  serait  de  cesser  ce  combat  gro- 
nser  à  autre  chose  et  c'est  ce  qu'ils  ne  peuvent  pas 

l'avons  souvent  remarqué  la  faiblesse  n'existe  pas 
la  volonté  active,  mais  aussi  dans  la  volonté  qui  se 
p  passivement.  Ces  malades  qui  ne  font  rien  eux- 
:apables  de  résister  à  ceux  qui  veulent  faire  quel- 
le savent  ni  lutter,  ni  se  défendre  contre  ceux  qui 
et  les  tourmentent.  J'ai  été  très  frappé  de  ce  trait 
ans    l'enfance    de   tous  les  malades.    Ils  sont  très 

eau  de  l'activité  volontaire  pour  servir  à  la  science  de  l'êdacationj 
B,  op.  cit.,  p.  36. 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  343 

malheureux  dans  les  internats,  ils  deviennent  les  victimes,  les 
soufTre-douleurs  de  tous  leurs  camarades.  Dk...  (21 5)  a  toujours  été 
tourmenté  au  collège.  Jean  surtout  a  eu  sur  ce  point  une  jeunesse 
déplorable  :  à  12  ou  1 3  ans  il  était  la  victime  de  tous  les  élèves 
du  lycée.  Il  n'était  pas  de  farce  qu'on  essayât  de  lui  faire,  on  lui 
faisait  supporter  la  conséquence  de  toutes  les  fautes  de  ses  ca- 
marades et  on  tournait  constamment  en  ridicule  ses  qualités 
mêmes,  son  honnêteté  et  sa  bonté:  «  Je  savais  bien,  dit-il,  que 
j'aurais  dil  me  défendre,  je  savais  bien  que  j'étais  même  plus 
fort  que  beaucoup  de  ceux  qui  me  tourmentaient  le  plus,  mais  je 
ne  pouvais  supporter  la  pensée  de  me  battre,  au  moment  de  me 
défendre,  je  devenais  tremblant,  paralysé,  j'ai  toujours  été  un 
pauvre  être  sans  défense.  »  On  dira  certainement  ici  que  l'émo- 
tion paralysait  la  volonté,  nous  verrons  plus  tard  ce  qu'il  faut 
penser  de  cette  théorie.  Pour  le  moment  constatons  simplement 
le  fait  c'est  qu'ils  s'émotionnent  au  lieu  de  se  défendre,  et  qu'en 
fait  ils  ne  se  défendent  pas. 

Une  des  conséquences  singulières  de  cette  absence  de  lutte, 
c'est  que,  pour  avoir  la  paix,  ils  obéissent  à  tout  le  monde.  Quand 
on  parle  de  ces  malades,  on  dit  toujours  qu'ils  se  laissent 
conduire,  qu'on  leur  fait  faire  et  dire  tout  ce  qu'on  veut  et 
qu'ils  obéissent  au  premier  venu.  Bei...,*  Claire  cèdent  au  dernier 
qui  leur  parle  et  on  peut  les  amener  à  se  déjuger  à  peu  de 
moments  d'intervalle.  On  en  tire  comme  conclusion  que  ce  sont 
des  individus  très  suggestibles.  Cette  conclusion  serait  en  con- 
tradiction avec  les  expériences  que  je  viens  de  relater  à  propos 
de  l'hypnotisme  et  de  la  suggestion,  aussi  je  ne  la  crois  pas 
vraie.  Leur  obéissance  n'est  pas  du  tout  de  la  suggestion,  comme 
celle  des  hystériques. 

Une  hystérique  suggestionnée  adopte  l'acte,  se  laisse  envahir 
par  la  pensée  qui  est  semée  en  elle,  et  la  pousse  à  l'extrême,  elle 
croit  avoir  décidé  elle-même  l'action  et,  pour  peu  qu'on  insiste, 
elle  invente  même  les  motifs  de  sa  résolution,  en  un  mot  elle  se 
croit  libre  et  se  donne  tout  entière  à  l'acte.  Le  scupuleux  ne  fait 
qu'obéir,  il  le  fait  à  contre-cœur  en  se  sentant  humilié,  en  rai- 
sonnant fort  bien  et  en  trouvant  stupide  l'acte  qu'il  n'adopte  pas, 
il  ne  pousse  pas  cet  acte  à  l'extrême,  il  n'en  fait  que  le  moins 
possible  sans  y  mettre  de  croyance,    d'enthousiasme,  ni  de  senti- 

I.   Névroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  63. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

té.  Pourquoi  le  fait-il  alors?  Pour  deux  raisons,  d'a- 
u'il  faudrait  lutter  pour  résister  à  ceux  qui  com- 
insuite  parce  qu'il  faudrait  prendre  la  résolution  de 
;hose  :  deux  choses  qu'il  ne  peut  pas  faire.  C'est 
L  obéissance  n'est  pas  du  tout  la  même  que  celle  de 
jgestionné. 

9.  —  Le  misonéisme. 

ères  précédents  étaient  en  somme  assez  légers,  nous 
s  caractères  de  plus  en  plus  graves  qui  se  présentent 
ladie  avance  et  qui  d'ordinaire  accompagnent  alors 
t  des  obsessions,  quoique  à  mon  avis  ils  n^en  dépen- 

ésent  les  actes  étaient  mal  faits,  avec  hésitation,  len- 
e,  mais  ils  finissaient  par  être  faits  tout  de  même. 
!nant  certains  actes  qui  se  suppriment,  c'est-à-dire 
ions  que  le  sujet  ne  parvient  pas  à  faire  et  cela  au 
lavoir  pourquoi.  Nous  voyons  d'abord  disparaître  des 
elles,  toutes  celles  qui  demandent  une  adaptation  à 
nces  nouvelles.  J'ai  tant  insisté  autrefois  sur  ce  fait, 
Je  de  l'aboulie  qu'il  suffit  de  le  rappeler.  «  Tout  ce 
lau  me  fait  peur  )),  dit  Nadia  en  ne  se  rendant  pas 
le  donne  la  définition  du  misonéisme.  Tous  ces  scru- 
des  individus  routiniers  qui  recommenceront  indé- 
I  ennui  et  tristesse  la  même  existence  monotone  et 
pables  d'aucun  eflFort  pour  la  changer, 
re  précédent  il  faut  naturellement  rattacher  l'impos- 
rrompre  les  habitudes  une  fois  acquises,  ces  personnes 
e  énorme  à  s'accoutumer  k  une  situation  nouvelle, 
ux  que  l'on  observe  ces  individus  curieux  qui  «  ne 
s'habituer  k  leur  femme  »  quand  ils  se  marient 
une  fois  habitués  après  un  grand  nombre  d'années 
plus  s'en  passer.  C'est  parmi  eux  que  l'on  trouve 
manies  »  dans  le  sens  vulgaire  du  mot  avant  qu'il  n'y 
blés  manies  mentales  :  se  coucher  de  la  même  raa- 
la  même  place  à  table,    la  même  plume  et  le  même 

d,  etc.  «  Ce  qui  change  mes  habitudes  me  boule- 
rs,    dit  Lise.  »  Nous  verrons,  en  étudiant  l'évolution 

e,  comment  les   grands  changements,   changement 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ 

d'appartement  comme  changement  de  situation 
changement  du  mariage  provoquent  les  graves 


lo.  —  Les  aboulies  sociales^  la  tin 

Après  les  actes  nouveaux  il  y  a  une  catégor 
très  fréquemment  supprimés,  ce  sont  les  actes 
doivent  être  accomplis  devant  quelques  persoi 
leur  conception  impliquent  la  représentation  d 
nos  semblables. 

Cette  impuissance  à  agir  devant  les  homi 
sociale  me  paraît  constituer  Tessentiel  de  la  t 
auteurs  ont  déjà  insisté  sur  ces  troubles  de  la  ^ 
tion  dans  la  timidité;  «  La  timidité,  dit  M.  D 
mouvements  volontaires,  paralyse  la  volonté, 
souvent  les  mouvements  ordonnés  en  respectai 
instinctifs  et  ressemble  à  l'aboulie...  *  ,»  ce  cette 
qu'on  nomme  la  timidité,  disait  aussi  M.Lapie 
dans  son  étude  intéressante  sur  les  timides 
sur  l'aspect  émotif  que  prend  le  phénomène 
mais  il  note  bien  cependant  cette  suppressi 
appelle  une  abstention.  «  Eviter  les  occasic 
trer,  voila  le  soin  du  timide  ;  comme  ces  oc 
en  contacts  sociaux  il  en  résulte  une  tends 
l'isolement...  il  y  a  chez  lui  une  inhibition  qui 
tanément  la  volonté,  qui  retient  le  mot  su 
empêche  aussi  bien  le  timide  de  refuser  que  d'à 
pêche  même  d'exprimer  les  sentiments  de  rec( 
tendresse  ^.  » 

Cette  inhibition  ou  mieux  cette  disparition  d 
en  présence  des  hommes,  car  nous  aurons  à  voi 
inhibition,  joue  un  rôle  énorme  chez  presque 
psychasthéniques.  Il  en  est  bien  peu  qui  à  un 
existence  et  quelquefois  pendant  toute  leur  vie 
impuissants  par  la  timidité. 

Voici  un  bel  exemple  de  cette  timidité  :  «  ind 


I.  Dugas,  La  Timidité,  Revue  philosophique,  1896,  II,  p. 
a.  P.  Lapie,  Logique  de  la  volonté,  1902,  p.  39^.  (Paris,  " 
3.  Hartenberg,  Les  timides  et  la  timidité,  p.  89.  (Paris,  F. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

Dres  de  ma  famille,  dît  une  malade,  il  a  été  très  restreint  le 
re  des  personnes  avec  qui  je  n'ai  pas  été  gênée.  Devant  la 
rtj'étais  absolument  paralysée,  une  simple  addition  je  ne  pou- 
lasla  faire  devant  quelqu'un.  J'étais  obligée  d'être  fausse  pour 
uer  cette  impuissance,  de  chercherdes  prétextes,  de  casser  mon 
n,  d'aller  chercher  un  canif,  je  faisais  mon  addition  au  dehors, 
lérobéc.  J'avais  le  sentiment  que  si  j'accusais  cette  impuis- 
ce  serait  fini,  que  je  serais  perdue,  que  je  n'arriverais  plus 
{  )). 

pas  pouvoir  jouer  du  piano  devant  des  témoins,  ne  plus 
>ir  travailler  si  on  vous  regarde,  ne  plus  pouvoir  même 
1er  dans  un  salon  et  surtout  ne  plus  pouvoir  parler  devant 
u'un,  avoir  la  voix  rauque,  aiguë  ou  rester  aphone,  ne  plus 
er  une  seule  pensée  à  exprimer  quand  on  savait  si  bien  au- 
ant  ce  qu'il  fallait  dire,  c'est  le  sort  commun  de  toutes  ces 
unes,  c'est  l'histoire  banale  qu'ils  racontent  tous,  (c  Quand 
IX  jouer  un  morceau  de  piano  devant  quelqu'un,  dit  Nadia, 
;me  devant  vous  que  je  connais  beaucoup,  il  me  semble 
action  est  difficile,  qu'il  y  a  des  gênes  à  l'action  et,  si  je 
surmonter,  c'est  un  effort  extraordinaire,  j'ai  chaud  à  la 
|e  me  sens  perdue  et  je  voudrais  que  la  terre  s'ouvre  pour 
floutir.  »  Cat...,  un  homme  de  3o  ans,  se  sauve  dès  qu'il 
d  quelqu'un  entrer,  il  a  de  la  peine  a  faire  sa  classe  devant 
èves  ((  je  ne  ferais  réellement  bien  ma  classe  que  si  je  la 
i  tout  seul  sans  élèves  et  surtout  sans  directeur  ».  «  Je  vou- 
vous  parler,  disent  Dob...  ou  Claire,  et  je  ne  peux  pas,  cela 
te  dans  ma  gorge,  je  suis  une  heure  pour  demander  quelque 
d'insignifiant.  Je  ne  vous  parle  réellement  bien  que  si  je 
eule,  si  vous  n'êtes  pas  là.  »  Lev...  fait  bien  ses  comptes 
le  sous-sol  du  magasin,  mais  ne  peut  plus  écrire  un  chiffre, 
est  pris  par  la  crampe  des  écrivains,  quand  il  est  mis  au 
er  devant  le  public.  Tous  répètent  comme  Simone  :  (c  Je 
parfaite;  je  ferais  tout  si  je  pouvais  être  tout  à  fait  seule, 
e  une  sauvage  dans  une  île  déserte  ;  la  société  est  faite 
empêcher  les  gens  d'agir,  j'ai  de  la  volonté  pour  tout,  mais 
i  cette  volonté  que  si  je  suis  seule.  » 

admet  d'ordinaire  que  ces  troubles  de  la  timidité  sont  des 
►mènes  émotionnels.  Qu'il  y  ait  des  troubles  émotionnels, 
igoisses  chez  les  timides,  j'en  suis  convaincu  ;  il  y  a  aussi 
eux   de   l'agitation    motrice,  des  tics  et  même    de   la   ru- 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  3i7 

mination  mentale,  dont  on  ne  parle  pas  assez.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  qu'il  y  a  chez  ^ux  de  l'impuissance  volontaire.  M.  Har- 
tenberg,  qui  explique  tout  par  Témotion,  le  remarque  lui-même 
à  propos  d'Amiel  «  le  manque  de  foi  simple,  Tindécision  par 
dé6ance  de  moi,  remettent  presque  toujours  tout  en  question 
dans  ce  qui  ne  concerne  que  ma  vie  personnelle.  J'ai  peur  de 
la  vie  objective  et  recule  devant  toute  surprise,  demande  ou 
promesse  qui  me  réalise;  j'ai  la  terreur  de  l'action  et  ne  me 
sens  à  l'aise  que  dans  la  vie  impersonnelle,  désintéressée,  subjec- 
tive de  la  pensée.  Pourquoi  cela?  Par  timidité^  »,  et  M.  Harten- 
berg  ajoute  «  veut-il  dire  par  là  qu'au  moment  d'accomplir  un 
acte,  il  est  arrêté  brusquement  par  une  émotion  poignante  qui  le 
paralyse  ?  Non,  ce  qu'il  désigne  par  timidité,  c'est  la  peur  ins- 
tinctive d'agir,  c'est  aussi  la  peur  de  prendre  une  détermination 
avec  les  conséquences  utiles  ou  fâcheuses  qu'elle  comporte.  C'est 
sa  maladie  de  la  volonté  en  somme  qu'il  appelle  timidité*  ». 

Pourquoi  hésite-t-on  à  appliquer  cette  remarque  si  juste  aux 
autres  cas  de  timidité?  On  est  frappé  de  ce  fait  que  les  timides 
incapables  de  faire  une  action  en  public,  la  font  dans  la  perfection, 
quand  ils  sont  seuls.  Nadia  joue  du  piano  dans  la  perfection 
quand  elle  se  croit  seule,  et  Cat...  ferait  très  bien  sa  classe  s*il  n'y 
avait  pas  d'élèves,  on  en  conclut  qu'ils  ne  sont  pas  impuissants  à 
faire  l'acte  et  qu'il  faut  faire  appel  à  un  trouble  extérieur  à  l'acte 
lui-même  pour  expliquer  sa  disparition  dans  la  société. 

11  y  a  là  un  malentendu,  l'acte  de  faire  une  classe  imaginaire 
sans  élèves  et  Tacte  de  faire  une  classe  réelle  devant  des  élèves 
en  chair  et  en  os  ne  sont  pas  le  même  acte.  Le  second  est 
bien  plus  complexe  que  le  premier,  il  renferme  outre  l'énoncé 
des  mêmes  idées,  des  perceptions,  des  attentions  complexes  à  des 
objets  mouvants  et  variables,  des  adaptations  innombrables  à  des 
situations  nouvelles  et  inattendues,  qui  transforment  complète- 
ment l'action.  Pourquoi  un  individu  aboulique  peut-il  faire  le 
premier  acte  et  ne  peut- il  pas  faire  le  second?  Je  réponds  sim- 
plement, parce  que  le  second  est  bien  plus  difficile  que  le  premier, 
il  en  est  ainsi  dans  tous  les  actes  sociaux,  car  il  n'y  a  rien  de 
plus  complexe  pour  des  hommes  que  les  relations  avec  les  hommes. 
Que  des  émotions,  des  agitations  motrices,  des  crampes  des  écri- 


1.  kmiel.  Journal  intime,  II,  193. 

2.  Hartenbcrg,  Les  timides  et  la  timidité,  p.  106. 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES 

îs  viennent  s'ajouter,  ou  mieux  se  substituer  à  cet 
s'accomplit  pas,  c'est  un  grand  phénomène  secon- 
1  faudra  tenir  compte,  mais  le  fait  essentiel  c'est 
l'accomplir  l'acte  complexe  et  en  particulier  l'acte 

le  l'on  vérifie  par  l'examen  des  diverses  formes  de 
.  La  timidité  fait  le  grand  malheur  de  ces  personnes, 
sentiment  qui  les  pousse  à  désirer  l'affection,  à  se 
à  confier  leurs  tourments  et  elles  n'arrivent  pas  à 
nontrer  aimables,  à  pouvoir  même  parler.  Nadia 
îesse  :  «  je  crois  que  je  ne  serais  pas  devenue  si 
j'avais  eu  le  courage  de  confier  mes  tourments  h 
lais  malgré  moi  j'ai  toujours  été  très  renfermée.  » 
des  «  renfermés  »  qui  sentent  beaucoup,  mais  qui 
i  à  exprimer  et  surtout  qui  n'arrivent  pas  à  exprimer 

semblables  parce  que  l'expression  est  un  acte  et 
lOciale  un  acte  complexe  et  que  les  actes  complexes 
mt  impossibles. 

e  encore  une  contradiction,  ces  personnes  sont  pour- 
î  besoin  d'aimer  et  d'être  aimées,  ils  ne  songent  qu'à 
mis,  d'autre  part  ils  méritent  l'affection  :  extrême- 
Bs,  ayant  une  peur  terrible  de  froisser  quelqu'un, 
le  résistance  et  disposés  à  céder  sur  tous  les  ppints, 
-ils  pas  obtenir  très  facilement  les  amitiés  qjiïls 
'  Eh  bien  en  réalité  -ils  sont  sans  amis,  ce  sont  des 
rencontrent  de  sympathie  nulle  part  et  qui  sonf- 
nent  de  leur  isolement.  Comment  comprendre  cette 
?  C'est  que  pour  se  faire  des  amis  il  faut  agir,  par- 
5  h  propos.  Pour  attirer  l'attention  des  gens  et  se 
idrc  d'eux,  il  faut  saisir  le  moment  où  ils  doivent  vous 
et  faire  à  ce  moment  ce  qui  le  peut  mieux  nous  faire 
s  scrupuleux  sont  incapables  de  saisir  une  occasion, 
Rousseau,  ils  trouvent  dans  l'escalier  le  mot  qu'il 
au  salon.  Ont-ils  l'idée,  ils  ne  se  décident  pas  à 
s'ils  s'y  décident  comme  ce  pauvre  Jean,  ils  veulent 
ous  seuls  quand  il  n'y  a  personne,  mais  ne  peuvent 
ïs  qu'il  y  a  quelqu'un.    Pour  que    quelqu'un  s'inté- 

faut  qu'il  les  devine,  qu'il  fasse  tous  les  efforts 
re  à  l'aise,  pour  leur  faciliter  l'expression.  Alors  ils 
it  à  lui  avec  passion  et  prendront  des  affections  folles 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLO; 

dont  nous  aurons  à  parler.  Un  tel  bonheur 
et  presque  toujours  ils  le  paient  très  cher.  T 
timidité  et  de  leurs  relations  sociales  dépei 
aboulie  fondamendale  ;  la  diminution  ou  la 
sociaux  qui  se  manifestent  dans  la  timidité  e 
essentiels  de  Taboulie  du  psychasthénique. 

12.  —  Les  aboulies  professio 

Après  les  aboulies  sociales,  les  aboulies 
profession  se  présentent  très  souvent.  Nous 
phobies  professionnelles,  presque  toujours 
par  un  <c  dégoût  énorme  du  métier  qui  seml 
tout  autre,  ridicule,  honteux...  »  (An... 
M.  Bramwell  citent  un  prêtre  qui  ne  peut  me 
decin  qui  ne  peut  faire  une  ordonnance  \  Je  tn 
toutes  les  professions,  chez  Tecclésiastique, 
tuteur,  le  violoniste  à  Torchestre,  le  marée! 
C'est  que  le  métier  est  encore  Tensemble  ai 
sidérables  des  hommes  qui  agissent  peu. 
commence  à  se  faire  sentir. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  qu'une  d 
qui  ont  été  décrites,  celle  du  notaire  de  Bille 
fessionnelle,  ce  sont  les  actes  de  son  étude 
plus  signer?  ce  n'est  que  plus  tard  que  Tabo 
actes. 

i3.  —  L'aboulie  et  l'inhibii 

Nous  arrivons  aux  troubles  les  plus  gravei 
plus  souvent  dans  une  circonstance  bien  c 
de  ces  crises  de  «  phénomènes  forcés  »  d 
ces  agitations  motrices  ou  de  ces  angoii 
étudiées  dans  le  chapitre  précédent. 

D'ordinaire  on  ne  considère  ces  crises  qu'à 
au  point  de  vue  du  développement  anormal 
la  crise  les  phénomènes  secondaires  :  peu: 
émotions.  Si  l'on  veut  bien  y  faire  attention 

I.  Bramwell,  On  imperalivc  ideas.  Brain,  iSgS,  p.  3 
a.  Billod,  Maladies  de  la  volonté,  p.  177. 


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}  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

I  autre  phénomène  négatif,  celui-là,  mais  encore  plus  impor- 
nt  que  le  premier.  C'est  Tarrêt,  la  suppression  complète  de 
icte  volontaire  que  les  sujets  étaient  en  train  d'accomplir  quand 

crise  a  commencé. 

On  a  vu  en  effet  que  très  souvent  ces  crises  commençaient  à 
opos  d'action.  Ger...  descendait  chercher  du  bouillon,  Nadia 
ulait  me  jouer  un  morceau  de  piano,  Jean  voulait  mettre  une 
ttre  à  la  poste.  Or  non  seulement  ces  sujets  se  sont  mis  à 
lirer,  à  avoir  des  mouvements  incohérents  et  des  peurs 
lis  encore  l'acte  commencé  s'est  arrêté  et  n'a  pas  été  accompli. 
On  divise  souvent  les  obsessions  en  deux  groupes  distingués 
r  M.  Régis  et  acceptés  par  M.  Séglas.  D'un  côté  on  place  les 
sessions  impulsives  dans  lesquelles  le  sujet  est  poussé  à 
complir  malgré  lui  des  actes  inutiles  ou  absurdes  :  briser  tout, 
re  d'interminables  réflexions  ou  se  laisser  aller  à  des  émotions, 
î  l'autre  on  admet  les  obsessions  inhibitrices  qui  arrêtent  une 
tion,  suppriment  un  phénomène  en  train  de  s'accomplir.  Cette 
»tinction  peut  être  utile  dans  la  pratique  :  chez  quelques  malades 
ihibition  peut  être  plus  remarquée  et  chez  d'autres  l'impulsion 
l'acte  pathologique  peut  être  considérée  comme  plus  pénible  et 
se  en  premier  lieu.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des  différences  de 
int  de  vue.  A  mon  avis  ces  crises  présentent  simultanément 
ihibition  ou  même  l'arrêt  et  l'impulsion. 

II  y  a  un  phénomène  de  supprimé  et  un  autre  qui  prend  un 
veloppement  énorme  à  sa  place.  Voici  un  exemple  qui  montrera 
jn,  je  crois,  combien  cette  distinction  entre  l'obsession  inhi- 
ion  et  l'obsession  impulsion  est  en  réalité  peu  de  chose  et 
pend  d'un  accident  dans  l'appréciation  des  malades.  Le  hasard 
ait  que  j'aie  eu  deux  malades  ayant  exactement  le  même  acci- 
nt,  mais  qui  par  suite  du  milieu  où  elles  sont  placées  le  dési- 
aient  chacune  d'une  manière  différente.  Ces  deux  malades, 
b...  (209)  et  Vk...,  sont  toutes  deux  incapables  de  tenir  leur 
nage  ;  un  acte  en  particulier  est  devenu  impossible  et  pro- 
jue  de  grandes  crises  de  rumination,  c'est  l'acte  qui  consiste 
)ayer  les  dépenses  faites  par  la  bonne  :  ni  Tune  ni  l'autre  ne 
it  se  décider  à  régler  ces  comptes.  Quand  elles  commencent 
faire  ce  calcul,  les  hésitations  surviennent,  les  doutes  sur 
Idition,  les  recherches,  les  craintes  de  voler  la  bonne,  les 
poisses,  etc.,  et  la  crise  de  rumination  ou  d'angoisse  dure 
isieurs   heures.    Ce   dernier    fait   constitue,    si   l'on   veut,   un 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  351 

gros  phénomène  impulsif,  mais  ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier  c'est 
qu'il  y  a  à  côté  un  autre  phénomène  qui  consiste  en  ce  que  la 
bonne  n'a  pas  été  payée,  phénomène  que  Ton  peut  appeler  une 
inhibition.  L'une  de  ces  malades  est  seule  chez  elle  avec  des  enfants 
trop  jeunes  pour  tenir  le  ménage  à  sa  place,  ce  qui  fait  que  l'on 
remarque  principalement  le  phénomène  négatif.  La  malade  et  sa 
famille  se  plaignent  surtout  d'une  impuissance,  d'un  empêchement 
que  Xyb...  ressent  pour  payer  sa  bonne  et  on  fait  de  cette  ma- 
ladie une  obsession  inhibitrice.  Vk...,  au  contraire,  est  entourée 
de  jeunes  filles  assez  âgées  pour  avoir  pris  complètement  la  direc- 
tion du  ménage  à  la  place  de  leur  mère,  on  se  résigne  donc  h  ce 
que  celle-ci  ne  paye  pas  la  bonne  ;  mais  ce  qui  paraît  important, 
c'est  qu'elle  souffre  de  ses  ruminations  et  l'on  vient  dire  que  Vk... 
a  des  impulsions  à  compter,  à  s'interroger,  h  parler  toute  seule. 
En  un  mot,  la  maladie  apparaît  plutôt  chez  Tune  sous  son  aspect 
inhibitoire,  chez  l'autre  sous  son  aspect  impulsif,  quoiqu'elle 
soit  au  fond  exactement  la  même  dans  les  deux  cas. 

Ce  fait  de  l'arrêt  plus  ou  moins  complet  de  certains  actes  ou 
même  de  tous  les  actes  est  l'un  des  phénomènes  les  plus  essen- 
tiels de  l'état  mental  de  l'obsédé.  On  a  beau  dire  qu'il  a  conservé 
la  conscience  intacte,  il  y  a  toujours  une  lacune  considérable, 
c'est  qu'il  est  absolument  incapable  d'accomplir  un  certain  acte  h 
propos  duquel  a  commencé  la  crise.  Pendant  sa  crise  d'agitation 
Nadia  est  incapable  de  jouer  son  morceau  de  piano  ou  de  sortir  de 
sa  chambre,  ou  de  tourner  son  visage  a  la  lumière,  ou  de  manger 
son  déjeuner,  etc.  L'acte  supprimé  varie  suivant  l'action  que  le 
sujet  était  en  train  d'accomplir  au  moment  où  la  crise  a  com- 
mencé, mais  il  y  en  a  toujours  un  de  supprimé.  Il  en  est  de 
même  pour  Lise  :  «  Dès  que  celte  phrase  est  formée  dans  mon 
esprit,  dit-elle,  si  je  fais  cette  action,  je  donne  mes  enfants  au 
diable,  je  n'y  suis  plus,  ma  volonté  est  arrêtée...  »  Jean  veut 
commencer  à  uriner  quand  surgit  dans  son  esprit  la  pensée 
qu'il  n'est  pas  loin  d'une  administration  de  pompes  funèbres  et 
qu'il  a  failli  avoir  affaire  à  ces  tristes  maisons  à  cause  de  ses 
masturbations,  il  a  une  grande  crise  de  ruminations  et  de 
phobies,  mais  en  même  temps  c'est  fini  :  il  ne  peut  plus  ouvrir 
son  pantalon  et  il  ne  peut  plus  uriner.  Claire  est  ainsi  arrêtée 
dans  ses  prières,  dans  ses  repas,  dans  ses  promenades,  dans 
l'acte  même  d'aller  aux  cabinets,  etc.  «  Il  me  prend  des  gênes 
pour  agir,  tantôt  pour  une  action,  tantôt  pour  une  autre.  » 


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[ÎMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

!  disait  M.  Sautarel,  dans  une  thèse  sur 
que  le  sujet  essaye  vainement  de  transfor- 
icte,  que  sa  volonté  n'est  plus  suffisante 
tème  moteur;  les  efforts  qu'il  tente  à  cet 
1  augmenter  son  trouble  et  son  angoisse'», 
troubles  de  la  maladie,  quand  il  se  pré- 
alades,  il  s'associe  avec  les  autres  troubles 
Disse,  et  c'est  un  problème  important  de 
dérer  comme  la  conséquence  de  ces  agi- 
egarder  comme  un  trouble  primitif.  Pour 
ente  de  signaler  sa  fréquence  et  son  im- 
>ubles   de  la   volonté  que   présentent  ces 


es  fatigues  insurmontables, 

îtendre  et  supprimer  un  nombre  d'actes 
is  déterminer  en  même  temps  ces  crises 
n  phénomène  très  curieux  et  encore  assez 
;nt  souvent  ces  malades.  Ce  sont  des  crises 
ruées  d'un  sentiment  de  fatigue  tout  à  fait 

ent  de  fatigue  constant  il  y  a  chez  eux  de 
gue.  Ces  crises  surviennent  chez  Fz...  à  la 
èle  à  la  suite  de  grand  travail  pour  une 
1  la  suite  des  efforts  d'attention,  chez  la 
adia,  Lise,  Brk...  (24)  à  la  suite  des  efforts 
triompher  de  leurs  idées  obsédantes  :  c'est 
>n  est  exposé  à  déterminer  dans  le  traite- 
iC  sujet  se  sent  tout  à  fait  épuisé  :  «  c'est, 
fatigue,  a  croire  qu'on  va  tomber  évanoui, 
)ar  terre.  »  «  C'est  une  fatigue  à  m'en 
,  il  y  a  un  tel  poids  sur  mes  membres 
•  mon  estomac  que  je  deviens  incapable 
B&t  que  dans  ces  cas  les  malades  devien- 
n  faire,  ils  restent  couchés  ou  se  traî- 
pendant  des  heures  et  des  jours.  Nadia, 


l'élude  des  obsessions  et  en  particulier  de  l'inhibition 
^897,  p.  98. 


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LES  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  353 

Gisèle  ne  bougent  presque  plus  pendant  plusieurs  jours  et 
sentent  leurs  sens  engourdis  «  toutes  les  sensations  dans  du 
coton  (Gisèle)  ». 

Les  autres  Lise,  Brk...,  se  traînent  péniblement  et  n^ont  même 
plus  la  force  de  penser  à  leurs  obsessions,  elles  ne  pensent  à  rien. 
C'est  même  pour  Brk...  une  sorte  de  bonheur  que  cette  absence 
d'idées  a  après  tant  d'agitation  de  Fesprit  il  y  a  un  grand  bien-être 
à  ne  penser  à  rien  ».  le...  non  seulement  ne  pense  à  rien  mais  il 
trouve  du  plaisir  à  ne  pas  faire  le  plus  petit  mouvement.  «  Si  dans 
son  lit  une  position  fausse  ou  le  contact  d'un  objet  lui  est  pénible 
il  aime  mieux  supporter  cette  gêne  indéfiniment  plutôt  que  de  faire 
le  moindre  mouvement  pour  l'écarter.  » 

En  général  ces  crises  qui  sont  en  rapport  avec  un  effort  pré- 
cédent et  une  fatigue  durent  peu  et  le  malade  ne  tarde  pas  à  re- 
prendre plus  d'activité  et  en  même  temps  malheureusement  il 
retrouve  son  agitation  physique  et  morale. 

i5.  —  Les  inerties. 

Enfin  au  dernier  terme,  l'aboulie  s'étend  encore,  les  malades 
n'attendent  pas  que  l'acte  soit  rendu  impossible  par  une  inhibi- 
tion, une  crise  ou  une  fatigue,  ils  se  souviennent  de  la  difficulté 
qu'ils  ont  éprouvée  pour  agir,  ils  l'exagèrent  par  l'imagination  et 
en  arrivent  à  ne  plus  rien  faire  du  tout.  On  remarque  bien  vite 
que  tous  ces  malades  ne  savent  plus  rien  faire,  restent  des  jour- 
nées entières  sans  aucune  occupation  :  ((  je  n'ai  plus  de  goût  à 
rien...,  je  tiens  les  objets  en  main  sans  rien  faire...,  je  ne  puis 
plus  avoir  aucune  occupation...  »  (Ce...  (i24),  Cht...,  Mio...  (208), 
Vob...  (194). 

Ceux  qui  avaient  un  travail  finissent  par  le  cesser,  Sy...  ne 
peut  plus  coudre,  ni  même  s'occuper  à  lire.  Ver...  cesse  absolu- 
ment de  travailler  et  n'accepte  plus  aucune  occupation.  Cat... 
qui  était  instituteur  désire  rester  au  lit  sans  rien  faire;  si  on  le 
force  à  se  lever  il  reste  assis  sans  bouger.  Ce  désir  de  rester 
couché  se  retrouve  très  souvent,  il  caractérise  Chy...,  Za...  (216), 
Xyb...  (209),  etc.  Presque  tous  restent  immobiles  des  heures 
entières  et  passent  leur  vie  assis  dans  un  coin. 

Plus  la  maladie  se  prolonge,  plus  elle  s'aggrave  et  plus  on  voit 
augmenter  cette  inertie  caractéristique,  si  bien  qu'à  la  fin  les 
grands  malades  ne   peuvent  plus  quitter  leur  chambre,  ne  peu- 

LliS  OBSESSIONS.  L   33 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÊNÎQUES 

t  plus  recevoir  personne  et  achèvent  leur  vie  dans  l*isolement 
'immobilité. 

ia  volonté  active  s'est  montrée  troublée  dès  le  début  de  la  vie: 
QOtait  d'abord  l'indolence,  l'irrésolution,  la  lenteur,  les  retards, 
aiblesse  des  efforts,  le  désordre,  la  maladresse,  rinachèvement, 
iéfaut  de  résistance,  puis  on  a  vu  certains  actes  disparaître, 
t)ord  les  actes  nouveaux,  les  changements  de  conduite,  puis 
actes  sociaux  dans  la  timidité,  les  actes  professionnels,  des 
3s  quelconques  qui  sont  gênés,  puis  annulés  et  supprimés.  Les 
îts  ont  des  crises  d'épuisement,  puis  enfin  une  inertie  géné- 
5  et  constante.  Cet  ensemble  de  troubles  de  la  volonté  forme 
stigmate  essentiel  de  l'état  psychasthénique  et  il  est  essentiel 
n  tenir  compte  pour  chercher  les  rapports  qu'il  présente  avec 
autres  accidents. 


3.— Troubles  de  l'intelligence. 

jCS  troubles  de  l'intelligence  proprement  dite  sont  beaucoup 
îns  évidents,  beaucoup  plus  difficiles  à  constater  que  ceux  de 
tivité  volontaire.  C'est  un  point  qui  avait  déjà  frappé  les  pre- 
irs  observateurs  quand  ils  appelaient  cette  maladie  une  folie 
c  conscience,  avec  conservation  du  jugement  et  de  la  critique, 
n  de  paraître  inintelligents  les  scrupuleux  semblent  très  sou- 
t  avoir  une  intelligence  supérieure,  être  capables  de  tout  dans 
[omaine  de  l'esprit  pourvu  qu'on  ne  leur  demande  pas  d'ac- 
1.  C'est  ce  que  Amiel  note  déjà  très  bien  sur  Jiri-mème  : 
mer,  rêver,  sentir,  apprendre,  comprendre,  je  puis  toul  pourvu 
on  me  dispense  de  vouloir,  c'est  ma  pente,  mon  instinct,  mon 
aut,  mon  péché.  J'ai  une  sorte  d'horreur  primitive  pour  l'am- 
on,  pour  la  lutte,  pour  la  haine,  pour  tout  ce  qui  disperse  l'âme 
la  faisant  dépendre  des  choses  et  des  buts  extérieurs.  '  »• 
développement  intellectuel  n'est  pas  toujours  de  pure  appa- 
ce  :  j'ai  souvent  été  frappé  de  la  supériorité  intellectuelle  véri- 
le  d'un  grand  nombre  de  ces  malades. 

In   lisant  les  pages  précédentes   on  a  dû  remarquer  parmi  les 
ibreuses  paroles  des  sujets  que  j'ai  citées  une  foule  d'expres- 

Amiel,  Journal  intime,  I,  p.  i68. 


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TROUBLES  DE  L'INTELLIGENCE  355 

slons  pittoresques,  de  comparaisons  ingénieuses,  de  métaphores 
heureusement  venues.  Leur  conversation  en  est  émaillée,  il  y  en 
a  avec  qui  on  voudrait  tout  écrire  et  tout  conserver  :  Gisèle  en 
particulier  a  un  langage  extraordinaire  et  vraiment  tout  à  fait 
séduisant.  Sous  ce  brillant  des  mots,  il  y  a  beaucoup  d'observa- 
tions Bnes  et  justes  :  les  scrupuleux  sont  très  souvent  de  remar- 
quables psychologues.  Gisèle  fait  l'analyse  de  Tamour  aussi  bien 
qu'au  pays  du  tendre,  Jean  est  célèbre  pour  son  appréciation 
des  caractères  et  des  personnes,  il  dissèque  étonnamment  les 
motifs  de  conduite  et  il  n'est  bête  que  quand  il  parle  de  sa  ma- 
ladie. 

On  trouve  chez  eux  toutes  sortes  de  talents  et  de  connaissances, 
ils  sont  souvent  très  artistes:  Claire  dessine  très  bien,  beaucoup 
sont  des  musiciennes  hors  ligne  comme  Nadia.  On  trouve  parmi 
eux  des  littérateurs  délicats,  on  serait  surpris  de  voir  parmi  les 
malades  que  j'ai  cités  quelques  écrivains  connus.  Rk.. .,  traduit  des 
textes  grecs  en  vers  élégants  et  fait  ainsi  toute  une  anthologie  de 
poètes  grecs.  Les  idées  qu'ils  arrivent  à  concevoir  sont  souvent 
surprenantes  pour  leur  milieu  :  on  a  vu  les  réflexions  de  Vil...  sur 
rinGni  du  bonheur  et  du  malheur,  les  analyses  de  Mb...  sur  la  per- 
ception. Une  malade  de  l'hôpital  absolument  ignorante  de  toute 
étude  de  psychologie  m'exprimait  le  résultat  de  ses  réflexions  sur 
les  lois  des  associations  des  idées,  une  pauvre  femme  de  la  cam- 
pagne atteinte  du  doute  des  perceptions  en  arrivait  à  découvrir 
avec  étonnement  l'homologie  des  membres  chez  les  poissons,  les 
oiseaux,  les  mammifères,  l'homme.  Le  cas  le  plus  frappant  de  cette 
supériorité  intellectuelle  est  celui  de  Nadia.  Cette  jeune  fille  parle 
et  écrit  couramment  cinq  langues  :  l'anglais,  le  français,  l'alle- 
mand, l'italien,  le  russe.  J'ai  eu  l'occasion  de  la  mettre  en  rela- 
tion avec  une  jeune  fille  russe  qui  m'a  assuré  qu'elle  parlait  le 
russe  tout  à  fait  correctement,  comme  les  autres  langues.  Elle  lit 
énormément,  et  connaît  à  fond  la  littérature  de  ces  cinq  langues 
dont  elle  peut  parler  avec  une  mémoire  surprenante.  Elle  est 
surtout  très  artiste  ;  non  seulement  elle  a  une  virtuosité  remar- 
quable sur  le  piano  et  sur  le  violon  mais  elle  compose  de  la  mu- 
sique avec  une  connaissance  très  suffisante  de  l'harmonie,  ce  que 
j'ai  pu  faire  vérifier  en  donnant  h  lire  de  ses  morceaux  à  des 
personnes  compétentes.  Elle  à  un  goût  très  pur  dans  toutes  les 
choses  d'art,  et  peut  inventer,  dessiner  et  exécuter  toutes  sortes 
de  décorations.  Ce  serait  certainement  au  point  de  vue  du   goût 


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LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 

périeure.  Des  réflexions  de  ce  genre  pourraient  être 
rents  degrés  bien  entendu  pour  la  plupart  de  ces 
>rès  les  avoir  beaucoup  fréquentés  j*ai  Timpression 
ipe  est  supérieur  à  la  moyenne  intellectuelle  des 
L  pris  au  hasard. 

il  est  évident  que  leur  intelligence  n'est  pas  com- 
loit  y  avoir  des  lacunes  pour  permettre  le  dévelop- 
is  les  troubles  qu'il  présentent.  Il  faut  les  recher- 
nantles  facultés  qui  semblent  pouvoir  être  troublées. 

I.  —  Les  amnésies, 

que  je  viens  de  dire,  il  est  évident  que  les  troubles 
)nt  peu  parmi  les  phénomènes  intellectuels  abstraits; 
lents,  les  jugements,  la  généralisation  sont  tout  à 
urtout  quand  ces  opérations  s'exécutent  d'une  ma- 
taire  sans  que  les  malades  aient  à  fixer  leur  atten- 
ement. 

e  semble  bien  souvent  être  plutôt  exagérée,  Wo... 
le  dans  les  souvenirs,  elle  peut,  probablement  par 
ngue  habitude  de  cet  exercice,  se  remémorer  toutes 

qu'elle  a  éprouvées  d'un  moment  à  un  autre,  tous 
loncés  pendant  une  visite.  Lise  conserve  indéfini- 
enir  de  tous  les  plus  petits  incidents  de  sa  vie,  elle 
ne  pas  savoir  oublier;  la  mémoire  de  Jean,  on  l'a 
;he  à  l'invraisemblable.  Ces  souvenirs  sont  si  nets 
)  de  ces  malades,  comme  le  disait  Lowerfeld,  vivent 
passé  que  dans  le  présent. 

caractère  général  de  la  mémoire  des  psychasthé- 
Hirs  auteurs  ont  constaté  des  altérations  des  souve- 
rtaincs   circonstances    particulières.   M.   Séglas  re- 

Tévocation  des  souvenirs  est  quelquefois  pleine 
\  surtout  quand  il  s'agit  de  retrouver  le  souvenir 
jCs  malades  croient  également  avoir  une  très  mau- 
e  et  s'en  plaignent  bien  souvent.  Dans  les  cas  de 
iation,  ils  soutiennent  avoir  perdu  leurs  souvenirs 
sensations.  Bien  souvent  les  crises  d'interrogation 
par  l'incapacité  où  sont  les  sujets  de  retrouver  un 

ons  cliniques  sur  les  maladies  mentales,  p.  187. 


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TROUBLES  DE  L'INTELLIGENCE 

souvenir.  Bre...  (i4i)  en  est  un  exemple  remarquable 
qu'elle  a  perdu  son  mari,  elle  est  tourmentée  par  le 
d'avoir  oublié  sa  physionomie,  les  traits  de  son  visage, 
peut  évoquer  dans  son  imagination  cette  image  qu'elle  cl 
Aussi  passe-t-elle  ses  journées  à  rechercher  la  figure  de  s 
les  photographies  lui  semblent  insuffisantes,  elle  ne  les  r 
pas  suflfisamment,  il  faut  qu'elle  cherche  mieux  ;  à  force 
cher,  elle  sent  qu'elle  oublie  de  plus  en  plus  tout  ce  qui  a 
à  la  figure  du  mari.  Ainsi  elle  peut  évoquer,  dans  son  imaj 
des  fleurs,  des  monuments,  l'Arc  de  Triomphe,  des  fij 
femmes,  mais  non  des  figures  d'hommes,  et  surtout  pas  d( 
d'hommes  portant  des  moustaches.  Elle  oublie  la  voix  < 
ses  paroles,  son  métier  et  même  son  mariage.  Cette  mal 
semble  au  cas  célèbre  présenté  par  Charcot  comme  une 
la  représentation  visuelle,  elle  a  la  conception  logique  q 
mari  avait  des  yeux  noirs,  un  grand  nez  et  une  moustache 
mais  elle  ne  peut  pas  se  le  représenter  devant  les  yeux 
probable  que  le  malade  de  Charcot,  qui  pouvait  »  défini 
et  non  se  la  représenter  »,  était  un  scrupuleux  du  même  i 

Que  faut-il  penser  de  ces  amnésies  au  moins  apparei 
Séglas  remarque  justement  qu'elles  sont  paroxystiques, 
sentent  par  crise  avec  une  impulsion  violente  à  chercher, 
ne  retrouve  pas  dans  d'autres  amnésies  \ 

Même  dans  ces  moments  de  crise  ces  amnésies  sont-e 
jours  réelles  et  profondes?  On  remarque  facilement,  surt 
les  cas  de  dépersonnalisations,  que  les  sujets  n'ont  pas 
ment  ces  oublis.  Dès  qu'ils  veulent  bien  se  laisser  aller,  i 
tent  tout  ce  qu'on  leur  demande.  Il  n'est  pas  nécessaire  d 
des  souvenirs  subconscients  comme  chez  les  hystériques 
que  l'évocation  ne  soit  pas  volontaire.  Ce  qu'ils  font  mal 
c'est  l'évocation  volontaire,  ils  ont  comme  des  crampes  de 
tion  sur  un  point  et  ne  peuvent  la  mouvoir  pour  passer 
cation  de  faits  voisins  :  dès  qu'ils 'ne  se  surveillent  plus  i 
ment  facilement  tous  les  souvenirs.     ^ 

Cette  persistance  des  souvenirs  se  retrouve,  à  mon  avis, 
toujours  et  je  ne  suis  pas  tout  à  fait  d'accord  avec  M 
quand  il  admet  un  certain  degré  d'amnésie  des  périodes  < 
Cette  amnésie  serait  importante  car  elle  rapprocherait  C( 

I.  Séglas,  Troubles  du  langage  chez  les  aliénés,  p.  loo. 


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-iflr^ 


»8  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

u  somnambulisme  :  elle  ne  me  parait  pas  bien  nette.  La  plupart 
e  mes  sujets  m*ont  raconté  leurs  crises  de  rumination  et  d*an- 
oisse  avec  un  luxe  inouï  de  détails.  Jean  pourrait  raconter 
ombien  de  fois  son  cœur  a  fait  «  ploc  ploc  »  et  combien  ce  il  a 
û  soulever  de  poutres  en  nombre  répété  »,  il  n*a  pas  du  tout 
'amnésie  et  je  crois  qu'il  en  est  ainsi  de  presque  tous  les 
utres.  Les  malentendus  sur  ce  point  dépendent,  je  crois,  de 
eux  choses.  D'abord  il  ne  faut  pas  que  le  malade  fasse  trop 
'efiTorts  volontaires  pour  retrouver  le  souvenir  de  la  crise,  il  faut 
ttendre  que  le  récit  lui  vienne  à  Tesprit  spontanément,  ensuite 
1  faut  éviter  de  rechercher  ce  récit  trop  tôt  après  la  crise  elle- 
lême. 

Ces  malades  se  rappellent  d'autant  mieux  une  chose  qu'elle  est 
lus  ancienne,  ils  m*ont  semblé  avoir  souvent  un  certain  degré  de 
mémoire  retardante^  ».  Cela  s'accorde  d'ailleurs  avec  la  re- 
larque  précédente,  on  sait  que  l'évocation  volontaire  des  sou- 
enirs  est  d'autant  plus  difficile  que  le  souvenir  est  plus  récem- 
lent  acquis,  d'autant  plus  facile  qu'il  est  plus  ancien  :  il  est  tout 
laturel  qu'avec  une  puissance  d'attention  et  d'évocation  volontaire 
aible  la  mémoire  soit  retardante. 

Je  crois  cependant  que  l'on  peut  dans  certains  cas  constater 
près  les  crises  certains  oublis  quand  on  interroge  les  malades 
ion  sur  leurs  propres  idées  et  leurs  propres  sentiments,  mais  sur 
es  événements  qui  ont  eu  lieu  en  dehors  d'eux  pendant  cette 
fériode.  Claire  sait  bien  qu'elle  est  restée  a  genoux  aux  cabinets 
arce  qu'il  lui  semblait  qu'elle  avait  une  hostie  collée  à  l'anus  et 
[u'ellc  faisait  des  efforts  pour  «  passer  cette  idée  »  ;  elle  sait 
omment  l'idée  s'est  déroulée,  les  mouvements  qu'elle  a  faits.  Mais 
I  est  visible  qu'elle  ne  sait  pas  si  c'est  sa  mère  ou  sa  bonne  qui 
st  venue  la  chercher  et  l'a  forcée  k  cesser  ses  contorsions.  D'au- 
res  malades,  Gb...  ou  Sy...,  qui  ont  été  malades  toute  la  journée, 
le  savent  plus  où  elles  ont  été,  si  elles  ont  mangé  ou  non,  si  on 
eur  a  parlé.  Il  y  a  là  un  certain  degré  d'amnésie  continue  pour 
es  événements  extérieurs  en  rapport  évidemment  avec  un  état  de 
[istraction. 

D'ailleurs,  d'une  manière  générale,  les  troubles  de  la  mémoire 
3s  plus  nets  que  présentent  les  psychasthéniques  se  rattachent 
u   type   de   Vamnésie  continue.   Le   malade  semble  évidemment 

I.  Cf.  A'éurows  tfi  Idées  fixes,  I,  p.  lôa. 


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TROUBLES  DE  L'INTELLIGENCE  359 

distrait,  il  répèle  souvent  la  même  chorse,  il  radote,  il  oublie  qu'il 
vient  de  nous  raconter  tout  cela  et  quand  on  le  lui  fait  remarquer 
il  prétend  qu'il  n'a  pas  fait  ces  questions  et  qu'on  ne  lui  a  pas 
répondu.  «  Il  m'est  impossible  de  retenir  un  root,  disait  déjà  un 
malade  de  Baillarger,  après  avoir  lu  et  relu  une  lettre,  rien  ne 
me  reste,  à  mesure  que  je  lis,  j'oublie.  11  en  est  de  même  en  écri- 
vant, j'oublie  ce  que  je  viens  d'écrire*.  »  Chez  quelques  malades 
que  j'ai  déjà  décrits  dans  mon  étude  précédente  sur  «  l'amnésie 
continue  »,  en  particulier  dans  le  cas  de  Sch...  (observation  IV)*, 
qui  se  rattache  tout  à  fait  à  notre  groupe  des  psychasthéniques, 
on  trouve  une  amnésie  des  événements  récents  qui  se  développe 
d'une  manière  continue  à  mesure  que  la  vie  se  déroule  :  «  Elle  ne 
peut  faire  aucune  course,  aucune  commission,  car  aussitôt  dans  la 
rue  elle  perd  et  le  souvenir  des  adresses  et  le  souvenir  même  de 
ce  qu'elle  doit  faire.  Ou  bien,  au  contraire,  elle  fait  les  choses 
plusieurs  fois,  tout  étonnée  par  exemple  de  trouver  son  lit  déjà 
fait  ou  surprise  de  constater  que  sa  soupe  n'est  pas  mangeable  car 
elle  l'a  salée  dix  fois.  Ce  n'est  qu'en  raisonnant  sur  ses  occupa- 
tions habituelles  qu^elle  peut  supposer  assez  vaguement  ce 
qu'elle  a  fait  hier  ou  ce  matin.  Cet  oubli  n'est  pas  continuellement 
aussi  profond  et  aussi  rapide,  il  augmente  aux  anniversaires  de 
la  catastrophe,  il  diminue  dans  l'intervalle.  »  Les  autres  observa- 
tions de  cette  étude  sur  l'amnésie  continue  avaient  surtout  rapport 
à  des  hystériques  chez  lesquelles  d'ailleurs  le  symptôme  est  bien 
plus  accentué.  Mais  il  serait  facile  d'ajouter  ici  bien  des  cas  aussi 
nets  chez  des  psychasthéniques.  On  retrouve  l'amnésie  continue 
chez  des  tiqueurs  comme  Myl...  ou  As...  ou  Lrm...,  chez  des 
phobiques  comme  Ku...  ou  Dob...  «  qui  ne  sait  plus  à  quoi  elle 
a  employé  ses  journées  »,  chez  des  obsédés  comme  Bei...,  «  inca- 
pable de  se  rappeler  au  bout  de  deux  minutes  ce  qu'elle  vient 
de  faire  »,  chez  Claire  «  qui  oublie  tout  au  fur  et  à  mesure  ». 
Malgré  la  banalité  de  ce  symptôme  que  l'on  retrouvera  chez 
presque  tous  les  malades,  je  crois  cependant  qu'il  ne  faut  pas 
s'attendre  à  le  trouver  parfaitement  net  chez  les  psychasthéniques 
comme  chez  quelques  hystériques  ou  comme  dans  la  psychose 
polynévritique  de  Korsakof.  Très  souvent  les  souvenirs  réappa- 
raissent plus  ou  moins  complets  au  bout  d'un  certain  temps  quand 


I.  Baillarger,  Rechfrches  sur  les  maladies  mentales,  1890,  I,  p.  568. 
a.  Névroses  et  Idées  fixes,  I,  p.  ii5. 


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5  STIGMATES  PSYCHAÎTHÉNIQUES 

e  plus  à  les  évoquer  volontairement.  11  y  a 
^tardante  et  troubles  de  l'attention  dans  la  fixa- 
des  souvenirs. 

2.  —  Arrêt  de  l'instruction. 

manifestent  d'ailleurs  de  bien  des  manières, 
videmment  pas  profité  de  l'instruction  qu'ils 
uraieut  fait  des  individus  normaux.  Lo...  (2i3), 
cours  possibles,  ne  sait  en  réalité  pas  grand'- 
retard  sur  les  jeunes  femmes  de  son  Age  placées 
mditions.  Le  fait  est  encore  plus  manifeste  chez 
ates  les  classes  du  lycée,  il  a  été  aidé  et  dirigé 
e,  je  persiste.^  le  croire  intelligent  d'après  son 
dyses  psychologiques  et  morales.  Cependant  il 
iblement  à  des  examens  élémentaires,  il  n'a  pu 
du  droit  et  en  somme  il  ne  sait  presque  plus 
I  essayé  de  lui  apprendre.  J'ai  déjà  signalé  le 
qui  le  pousse  à  demander  des  idées  générales, 
correspond  a  quelque  chose  de  juste.  Il  a  une 
linaire  des  dates,  des  faits  bruts,  mais  il  n'a 
I  générale.  La  maladie  de  Red...  a  commencé 
ans,  ses  progrès  se  sont  arrêtés  à  ce  moment 
tifiques  qu'elle  suivait  parfaitement  auparavant 
p  difficiles  pour  elle. 

lanifestent  surtout  dans  les  exercices  qui  deman- 
m  et  de  la  composition.  On  pourrait  croire  que 
qui  veulent  toujours  compter  et  qui  recherchent 
cision  vont  avoir  des  dispositions  pour  les  ma- 
serait  une  grande  erreur  :  ils  ont  tous  horreur 
s  proprement  dites  et  sont  incapables  de  coni- 
•e  raisonnement  géométrique  ou  de  résoudre  un 
'ai  essayé  bien  souvent  de  faire  devant  eux  un 
ce  genre,  aucun  ne  m'a  même  laissé  aller  jus- 
évident  qu'ils  n'y  comprenaient  rien.  Un  exer- 
art  n'arrivent  pas  à  faire  davantage,  c'est  une 
écrit  sur  un  sujet  quelconque.  Ils  redoutent 
descriptifs  où  il  est  question  d'objets  réels;  ils 
iées,  surtout  les  idées  abstraites.  Gisèle  remarque 
l    mieux    les  idées  que    les    choses  concrètes. 


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TROUBLES  HE  L'INTELLIGENCE 

Wye...  veut  bien  s'occuper  de  psychologie  mais  non  de  pi 
logie,  c'est  là  un  fait  important  sur  lequel  nous  revienc 
Mais  ils  ne  peuvent  mettre  leurs  idées  en  ordre,  ils  veulent 
voir  en  parler  d'abondance,  à  tort  et  à  travers;  ils  ne  peuvei 
coordonner  une  composition  écrite.  C'est  une  des  raisons 
lesquelles  ils  ont  tant  de  peine  à  vous  écrire  et  quelquefois  i 
parler. 

Nous  retrouvons  ici  un  caractère  curieux  que  nous  avoi 
gnalé  dès  le  début  de  celte  étude  en  décrivant  l'attitude  de 
lades.  Leur  embarras,  leur  difficulté  pour  exprimer  leurs  tr( 
ne  dépendent  pas  seulement  de  leurs  idées,  de  leurs  senti 
de  gène,  mais  aussi  de  l'impuissance  de  leur  esprit  à  coord 
et  à  exprimer. 

3.  —  Inintelligence  des  perceptions. 

n  n'est  pas  facile  de  mettre  en  évidence  par  une  expé 
rapide  cette  incapacité  intellectuelle.  Presque  toujours  les  m 
sont  encore  capables  de  fixer  l'esprit  pendant  un  moment 
on  les  excite  :  ils  ne  se  comportent  pas  comme  certaines  hysté 
qui  lisent  tout  haut  quelques  lignes,  qui  les  récitent  même 
comprennent  absolument  rien  à  ce  qu'elles  ont  lu.  11  est 
saire  de  les  faire  lire  plus  longtemps  des  morceaux  un  pe 
sérieux,  il  est  bon  surtout  de  les  laisser  lire  seuls  quelques  ir 
et  de  les  interroger  ensuite  sur  ce  qu'ils  ont  lu.  J'ai  fait  s< 
cette  expérience  chez  Tr...,  chez  Lo...  et  chez  Claire  et  j'a 
vent  constaté  que  ces  sujets  avaient  très  mal  compris  leur  le 
Elles  me  priaient  toujours  de  les  laisser  recommencer  et 
plusieurs  fois  de  suite  le  même  morceau.  Ce  n'était  pas 
fait  une  manie  de  répétition  et  un  sentiment  faux  de  mécoi 
ment  :  l'intelligence  du  morceau  était  réellement  très  i 
santé. 

On  peut  quelquefois  constater  plus  encore  et  voir  qi 
malades  n'ont  pas  seulement  des  obsessions  conscientes,  ( 
on  les  appelle,  dont  ils  reconnaissent  bien  la  fausseté.  I 
des  idées  fausses  sur  leur  situation  et  sur  les  personnes 
environnent.  Ils  ne  se  rendent  pas  compte  de  l'opinion 
inspirent,  ils  croient  que  leur  situation  n'est  pas  grave  dî 
cas  les   plus  désespérés,   ils  continuent  à    croire    possibl 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

de  choses  impraticables.  Lo...  s'est  mariée,  a  quitté  ses 
ts,  a  habité  deux  mois  avec  son  mari  sans  prendre  cette  situa- 
u  sérieux  et  sans  la  comprendre;  elle  quitte  subitement  son 
»t  retourne  chez  ses  parents  ;  le  mari  demande  le  divorce, 
ien  de  tout  cela  n'interrompt  ses  rêves,  cette  jeune  femme 
5  en  souriant  qu'elle  est  toute  surprise  de  s'entendre  appeler 
ne,  qu'elle  ne  se  rend  pas  compte  d'avoir  réellement  été 
e.  Il  est  certain  que  cette  pauvre  femme  ne  sent  point  du 
a  gravité  de  sa  situation.  Xyb...  a  renvoyé  une  domestique 
îlle  l'a  reprise  quelque  temps  après.  En  dehors  de  ses  hési- 
s  et  de  ses  obsessions  elle  se  fait  sur  cet  acte  une  apprécia- 
Dut  a  fait  fausse.  Elle  croit  devoir  h  cette  domestique  des 
itions  extraordinaires,  elle  croit  que  les  «  rapports  ordinaires 
îtreà  domestique  n'existent  plus  entre  elles  deux,  cette  bonne 
us  sa  place  dans  mon  imagination  comme  domestique,  elle 
it  liée  vis-à-vis  de  sa  bonne  par  quelque  chose,  etc.  ».  J'in- 
»ur  ce  point,  les  malades  n'ont  pas  seulement  des  obsessions 
ientes,  ils  ont  des  idées  inexactes  qui  peuvent  facilement 
ir  des  idées  délirantes. 

défaut  de  l'intelligence  ne  se  manifeste  pas  d'ordinairedans 
iple  conversation,  on  n'observe  un  trouble  dans  les  percep- 

auditives  que  dans  deux  cas,  d\ibord  quand  les  malades 
u  milieu  d'une  crise  de  rumination  ou  d'angoisse  très  forte, 
nt  ils  ne  comprennent  plus  rien  à  ce  qu'on  leur  dit,  mais  ce 
le  ne  dure  en  général  que  peu  de  temps.  On  l'observe  aussi 
1  ils  essayent  d'écouter  pendant  assez  longtemps  une  con- 
ce  ou  un  sermon.  Claire  se  désolait  au  début  parce  qu'elle 
uvait  plus  comprendre  les  sermons,  elle  accusait  ses  senti- 
»  religieux;  en  réalité  elle  ne  pouvait  suivre  la  parole  du  pré 
^ur  que  pendant  peu  de  temps.  Jean  met  beaucoup  de  zèle 
Te  des  conférences  littéraires  mais  il  n'en  profite  guère,  car 

peut  écouter  le  professeur  plus  de  quelques   minutes,  son 

s'en   va    et   pense    à  autre  chose. 

4.  —  Troubles  de  l'attention, 

»  altérations  dans  le  résultat  du  travail  mental  révèlent  des 
les  assez  graves  de  l'attention.  C'est  en  effet  un  fait  d'ob- 
tion  vulgaire  que  l'état  de  distraction  perpétuelle  des  obsédés. 


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TROUBLES  DE  LINTELLIGENCE  363 

Baillarger  notait  déjà  «  la  lésion  de  l'attention  dans  la  monoma- 
nie*». Buccola  et  Tamburini  ont  insisté  sur  l'exagération  de 
l'attention  spontanée  et  Tafiaiblissement  de  l'attention  volon- 
taire. 

On  peut  dire  que  c'est  là  le  trouble  principal  qui  consiste  non 
dans  une  suppression  des  facultés  intellectuelles  mais  dans  une 
difficulté  de  fixer  l'attention.  Ils  ont  toujours  l'esprit  distrait 
par  quelque  préoccupation  vague  et  ne  se  donnent  jamais  entière- 
ment à  l'objet  qu'on  leur  propose.  11  résulte  de  celte  division  de 
l'esprit  qu'il  ne  donne  que  peu  de  force  pour  l'opération  prin- 
cipale. Ils  ont  de  la  peine  à  effectuer  les  opérations  mentales  dès 
qu'elles  devieiuient  un  peu  difficiles,  ils  comprennent  mal,  n'ont 
pas  de  vues  d'ensemble,  s'embrouillent  extrêmement  vite  dès  que 
l'objet  d*étude  est  un  peu  compliqué  :  Xyb...  avouequ'elle  perd  la 
tête  dès  qu'elle  a  plusieurs  opérations  à  faire  à  la  fois.  S'il  entre 
quelqu'un  pendant  qu'on  lui  parle  elle  ne  comprend  plus.  Elle  vou- 
drait comme  d'ailleurs  tous  les  autres  être  dans  le  plus  grand  calme 
pour  lire  une  phrase  ou  répondre  à  une  question.  «  Dès  que  je 
reçois  une  visite,  dit  Lib...  (117)  je  ne  puis  plus  fixer  mon  atten- 
tion même  sur  une  simple  broderie,  j'ai  la  tête  pleine  de  choses, 
il  faut  que  je  sois  absolument  seule  pour  me  fixer  un  peu  sur 
quelque  chose.  »  «  11  m'est  devenu  bien  difficile  d'être  présente, 
dit  \Vo...,  à  chaque  instant  les  gens  me  secouent  et  me  disent  : 
à  quoi  penses-tu  ?  Je  sens  surtout  cette  diiEcultc  quand  j'essaye 
de  jouer  de  la  musique  à  quatre  mains,  je  ne  puis  pourtant  pas 
dire  à  la  personne  qui  joue  avec  moi:  je  n'y  suis  pas,  attends- 
moi.  Il  me  faut  un  effort  énorme  pour  continuer  à  peu  près  et 
ne  pas  partir  sur  quelque  recherche.  » 

Même  quand  l'attention  se  fixe  un  peu  elle  a  toujours  un  autre 
défaut,  c'est  son  extrême  brièveté.  11  ne  faut  pas  maintenir  long- 
temps la  même  opération,  le  malade  cesse  vite  de  s'y  intéresser  : 
Jean  ne  peut  suivre  une  étude  que  quelques  minutes,  même  sans 
qu'il  ait  de  manies  à  ce  sujet  il  se  met  au  bout  de  trois  ou  quatre 
minutes  à  vous  faire  répéter  et  ne  comprend  plus,  il  en  est  de 
même  chez  Mm...  qui  ne  peut  pas  prolonger  une  conversation 
plus  d'un  quart  d'heure.  Claire  change  sans  cesse  d'occupation, 
elle  laisse  une  chose  et  la  recommence,  elle  s'agace  de  ne  pas 

I.  Baillarger,  De  la  lésion  de  Tattention  dans  la  monomanie.  Ann.  méd.  psych., 
i846.  11,  168. 


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364  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

pouvoir  fixer  Tattention  et  tombe  dans  ses  manies.  Lise  se  plaint 
de    ne    plus    pouvoir  aller  jusqu'au  bout  d'une   addition.   Chez 


FiG.  i5.  —  Courbe  des  temps  de  réaction  à  dos  excitations  tactiles  oftez  Bci.  —  Les  exci- 
tations tactiles  ont  lieu  sur  le  dos  de  la  main  gauche,  les  mouvements  sont  faits  par  la 
main  gauche.  —  Durée  de  Texpérience:   i5  minutes. 


Simone  le  fait  devient  grossier  :  je  réussis  h  Tarracher  à  ses  idées 
fixes  en  l'intéressant  à  l'analyse  botanique   d'une  fleur  :  tout  va 


FiG.  i6.  —  Courbe  des  temps  de  réaction  simple  à  des  excitations  tactiles  chez  Bel.  —  Ln 
excitations  tactiles  ont  lieu  sur  le  dos  de  la  main  droite.  —  L'expérience  a  une  durée  de 
3o  minutes.  —  En  A,  première  partie  du  graphique  pendant  les  ta  premières  minatw; 
en  B,  dernière  partie  pendant  les  la  dernières  minutes. 


très  bien  au  début  en  écoutant  avec  attention  elle  devient  aimable, 
elle  demande  ce  qu'elle  ne  comprend  pas  et  ne  manifeste  plus  de 


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TROUBLES  DE  L'INTELLIGENCE 


3G5 


délire.  Ces  belles  dispositions  ne  durent  pas  plus  de  quatre  ou 
cinq  minutes;  puis  je  vois  bien  que  sa  figure  change,  elle  se  bute 
et  ne  comprend  plus,  elle  se  frotte  le  front  comme  si  elle  y  souf- 


FiG.  17.  —  Courbe  des  temps  de 
réaction  simple  à  dos  excita- 
tions auditives  chez  Bei... 


FiG.  18.  —  Courbe  des  temps  de 
réaction  simple  à  des  excita- 
tions visuelles  chez  Bei... 


frait,   si  je  continue  elle  va  se  fâcher  et  tomber  dans  une  crise 
d'agitation  délirante. 


Fia.   19.  —  Courbe  des  temps  de  réaction  simple  à  des  excitations  tactiles  chez  Qes... 


On  observe  le  fait  inverse  quand  il  s'agit  d'une  association 
d'idées  qui  revient  mécaniquement.  Le  sujet  y  revient  sans  cesse, 
il  ne  peut  plus  parler  d'autre  chose.   «  Je  remarquais,  dit  Trélat, 


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%7^fff^ 


LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉMQLES 

)rsque  ses  idées  étaient  portées  sur  un  sujet,  il  ne  pensait  qu'à 
t  ne  parlait  plus  d*autre  chose  \  » 

irais  vivement  désiré  rendre   manifeste  cette  brièveté  de  l'ai- 
m  par  des  mesures  et  des  graphiques  et  vérifier  Tobservalion 

Buccola  sur  l'augmentation  des  temps  de  réaction.  Les  dif- 
^s  sont  très  grandes  :  les  grands  malades  ne  se  prêtent  pas 
Kpériences,  les  autres  sont  momentanément  modifiés  par  le 
sitif  même,  enfin  les  procédés  de  mesure  de  l'attention  sont 
e  insuilisants.  J'ai  cependant  essayé  d'obtenir  chez  quelques 
[es  le  graphique  des  temps  de  réaction  suivant  une  méthode 

été  discutée  dans  un  ouvrage  précédent^.  Les  graphiques 
itlenlion  par  la  courbe  des  temps  de  réaction,  pris  chez 
,  ne  sont  pas  très  caractéristiques.  Quand  il  s'agit  de  temps 
iclion  simple  à  des  excitations  tactiles  faites  sur  le  dos  de 
lin  gauche  ou  de  la  main  droite,  la  courbe  est  à  peine  au- 
s  de  la  normale,  et  elle  s'élève  fort  peu  sous  rinfluence  de 
gue,  comme  on  le  voit  dans  les  figures  i5  et  16  empruntées 
•e  livre  sur  les  névroses^  et  qui  représentent  une  expérience 
juart  d'heure  de  durée.  Dans  les  figures  17  et  18  qui  repré- 
nt  des  temps  de  réaction  à  des  excitations  auditives  et  à 
xcitations  visuelles  on  note  une  élévation  notablement  plus 
e  des  courbes  qui  nous  montre  mieux  la  diminution  de 
ition. 

deux  courbes  (figures  19  et  20)  obtenues  par  les  mêmes 
dés  sur  Qes...  sont  intéressantes  :  la  courbe  des  réactions  à 
xcitations  tactiles  et  celle  des  réactions  a  des  excitations 
les  sont  toutes  deux  beaucoup  trop  élevées.  Cette  élévation 
1  peu  moins  grande  dans  la  figure  21  qui  montre  la  courbe 
éactions  de  Oei...  îi  des  excitations  visuelles.  J'ai  déjà  fait 
quer  toutes  les  critiques  dont  est  passible  ce  mode  de  me- 
de  l'attention.  Ces  recherches  n'ajoutent  que  peu  à  nos 
nations  précédentes  sur  la  faiblesse  de  l'attention,  elles  ne 
[ue  les  confirmer. 


réiat,  Folie  lucide,  p.  57. 

évroses  et  Idées  Ji.rcs,  1,  chapitre  a,  La  mesure  de  Tatlenlion  et  le  graphique 

ips  de  réaction,  p.  69. 

évroses  et  Idées  fixes,  II,  p.  69. 


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S 

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368  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 


Fio.  ai.  —  Courbe  des  tempe  de  réaction  simple  à  des  excitations  Yi&uelles  chez  Gei... 

5.  —  Jtéiferie. 

De  cette  disparition  de  Tattention  il  résulte  que  leurs  pensées 
ressemblent  beaucoup  plus  à  un  état  de  rêve,  k  une  rêverie  per- 
pétuelle. Chaque  fait  provoque  des  associations  d'idées  qui  vont 
absolument  à  la  dérive  sans  que  le  malade  puisse  les  diriger. 
((  Mes  idées,  dit  Lise,  ne  sont  jamais  nettes  au  fond,  je  suis  inca- 
pable de  m'y  débrouiller.  Elles  viennent  subitement,  occupent 
Tesprit  une  demi-journée  et  puis  s'en  vont.  J'ai  une  paralysie 
dans  la  tête  qui  m'empêche  de  les  secouer,  n  We...  (170)  rêve 
toute  la  journée,  elle  remarque  elle-même  que  ses  idées  se  pré- 
sentent la  nuit  en  rêve  de  la  même  façon  que  dans  la  journée. 
Il  n'y  a  pas  pour  elle  une  grande  différence  entre  la  veille  et 
le  sommeil. 

Chez  Claire  la  rêverie  est  très  bien  décrite.  «  Je  rêve  toujours 
tant  de  choses  que  je  n^en  sais  même  pas  la  moitié.  »  Ce  ne 
sont  pas  toujours  des  idées  ayant  rapport  à  son  délire,  ce 
sont  des  choses  qu'elle  a  vues,  qui  viennent,  elle  ne  sait  d'où, 
qui  se  mêlent  confusément  et  elle  ne  peut  fixer  une  de  ses  idées 
sans  qu'il  en  vienne  une  foule  d'autres  tout  autour,  ce  Quand  je 
regarde  en  arrière  je  ne  sais  pas  comment  j'ai  vécu,  je  trouve  des 


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TROUBLES  DE  L'INTELLIGENCE  36» 

rêverîes  sans  fin  sur  tout.  Toutes  mes  pensées  se  tournent  en 
rêve  ;  quand  on  me  parle,  quand  on  me  touche,  on  me  fait  sursau- 
ter comme  si  je  n'y  étais  plus,  comme  si  j'étais  toujours  dans  un 
autre  monde.  » 

Gisèle  a  remarqué  qu'elle  n'est  jamais  entièrement  à  ce  qu'çUe 
fait  parce  qu'il  y  a  toujours  trois  vies  en  elle  :  la  vie  extérieure  en 
rapport  avec  les  choses  du  dehors,  c'est  la  moins  développée,  la 
vie  intérieure  des  réflexions,  la  plus  intéressante  et  la  plus  déve- 
loppée et  une  troisième  vie  dont  elle  se  rend  mal  compte  et 
qu'elle  sent  au  fond  d'elle-même  comme  si  quelque  chose  rêvait 
en  elle  encore  plus  profondément.  Ces  divisions  de  la  pensée 
qui  se  produisent  quand  diminue  l'efTort  de  l'attention  justi- 
fieraient ce  mot  bien  juste  de  M.  Espinas  «  une  conscience 
alTaiblie  c'est  une  conscience  dispersée  ».  On  ne  sera  plus  étonné 
de  la  rêverie  de  Lib...  que  j'ai  décrite  comme  un  accident  une 
agitation  mentale  diffuse  :  ce  n'est  que  l'exagération  d'un  stigmate 
que  nous  retrouvons  sous  une  forme  atténuée  chez  tous  les  autres 
malades. 

Dans  ces  conditions  il  semble  bien  difficile  que  ces  esprits 
puissent  arriver  à  une  conclusion  nette  sur  un  fait  ou  sur  un 
raisonnement.  Krafft-Ebing,  disait  justement  que  ce  qui  frappe 
immédiatement  c'est  l'impossibilité  d'amener  ces  malades  à  une 
conclusion*.  Ce  sentiment  de  doute  que  nous  avons  constaté  dans 
les  sentiments  d'incomplétude  est  l'expression  dans  la  conscience 
de  ce  travail  insuffisant  de  l'attention.  <(  C'est,  disait  M.  Ribot, 
un  état  d'hésitation  constante  pour  les  motifs  les  plus  vains  avec 
impuissance  d'arriver  à  un  résultat  définitif*.  » 


6.  —  Eclipses  mentales. 

Je  voudrais  signaler  à  propos  de  ces  troubles  de  l'attention  un 
phénomène  très  curieux  dont  on  verra  bientôt  toute  l'importance. 
Simone  vient  se  plaindre  d'éprouver  souvent  un  singulier  arrêt 
de  la  pensée.  Tout  d'un  coup  elle  s'arrête  au  milieu  d'une  con- 
versation et  reste  un  petit  moment  sans  parler  puis  elle  se 
retrouve,  quelquefois  elle  continue  sa  conversation  comme  si  rien 
n'était  arrivé  et  ses  parents  sont  seuls  à  avoir  remarqué  la  petite 

I.  Krafll-Ebing,  Psychiatrie,  traduct.  1897,  p.  544. 

a.  Ribot,  Le$  Maladies  de  la  volonté,  p.  69  (Paris,  F.  Alcan). 

LES  OBSESSIONS,  I.   34 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

uvent  elle  reste  un  peu  troublée  et  a  besoin  de 
pour  savoir  oii  elle  en  était.  Ce  fait  me  parait 
ieux  que  chez  cette  jeune  (ilie  il  a  précédé  de 
;  comme  annoncé  l'arrivée  de  grandes  obsessions 
s  qui  ont  pris  pendant  longtemps  un  assez  grand 
Le  même  fait  se  présente  chez  Gisèle,  grande 
vaut  son  expression  «  elle  perd  ses  idées»,  mais 
i*elle  prétend,  que  c'est  là  un  phénomène  fré- 
mille  et  que  ses  frères  ont  aussi  Thabitude  de 
en  temps  leurs  idées. 

de  l'attention  peut  donc  aller  chez  quelques-uns 
)ses  de  la  pensée  comme  la  diminution  de  la 
/inertie  complète. 


bles  des  émotions  et  des  sentiments. 

notions  et  des  sentiments  de  ces  malades  serait, 
ièrement  fructueuse,  parce  qu'elle  expliquerait 
)s  faits,  mais  on  trouve  toujours  la  même  diffi- 
3S  qui  se  présentent  et  qui  sont  incontestables 
tats  des  idées  absurdes  du  malade,  sont-ils  créés 
[  sont-ils  antérieurs  à  ce  délire  et  forment-ils  le 
a  maladie?  Bien  souvent  leé  malades  eux-mêmes 
uble  de  leurs  émotions  à  une  sorte  de  retenue 
presque  volontaire,  c'est  ce  que  font  souvent  les 
i  en  moi,  disait  AmieP,  une  raideur  secrète  à 
ne  émotion  vraie,  à  dire  ce  qui  peut  plaire,  à 
moment  présent,  sotte  retenue  que  j'ai  toujours 
agrin...  mon  cœur  n'ose  jamais  parler  sérieuse- 
oujours  avec  le  moment  qui  passe  et  j'ai  l'émo- 
:.  11  répugne  à  ma  nature  réfractaire  de  recoii- 
é  de  rheure  où  je  suis,  un  instinct  ironique 
ma  timidité  me  fait  toujours  glisser  légèrement 
sns  sous  prétexte  d'autre  chose  et  d'un  autre 
ir  de  l'entraînement  et  la  défiance  de  moi-même 
usque  dans  l'attendrissement.  »  Cet  arrêt  des 

ilime,  I,  p.  i5i. 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  371 

sentiments  est-il  vraiment  une  retenue  par  crainte  de  l'entraî- 
nement, ou  bien  au  contraire  «cette  prétendue  retenue  n'est-elle 
pas  inventée  pour  l'expliquer  ? 

Le  même  problème  se  pose  à  propos  des  idées  de  scrupule  qui 
semblent  être  la  raison  de  cet  arrêt  des  émotions.  Lod...  se  plaint 
d'une  chose  qui  l'énervé  au  plus  haut  point,  c'est  qu'elle  ne  peut 
plus  s'amuser,  se  réjouir,  prendre  du  plaisir  de  bon  cœur  à  quelque 
chose.  Quand  l'excitation  agréable  arrive  et  que  le  plaisir  va  surve- 
nir, elle  est  arrêtée,  ne  peut  plus  se  livrer  au  sentiment  quel  qu'il 
soit,  il  faut  qu'elle  pense  à  autre  chose  et  ses  idées  ordinaires, 
ses  problèmes  surgissent  :  il  faut  qu'elle  les  résolve  d'abord,  avant 
de  continuer  la  jouissance.  Un  chapeau  lui  plait-il,  aussitôt  surgit 
l'idée  que  c'est  une  satisfaction  égoïste.  Veut-elle  passer  outre, 
elle  a  des  remords  comme  si  «  elle  avait  l'idée  d'envoyer  la  reli- 
gion promener  ».  Écoute-t-elle  une  comédie  au  théâtre,  il  lui 
faut  «  remettre  droites  ses  idées  sur  Dieu  )>  avant  de  s'intéresser 
à  la  pièce.  Elle  ne  peut  prendre  plaisir  à  la  musique  qu'elle  joue,  il 
faudrait  d'abord  se  débarrasser  de  l'idée  qu'elle  pense  mal  de  Dieu. 
Elle  a  une  amie  qu'elle  aime  beaucoup  et  ne  peut  se  laisser  aller 
au  plaisir  de  l'affection,  au  simple  plaisir  de  l'embrasser,  car  il  lui 
vient  l'idée  qu'elle  aurait  bien  pu  l'embrasser  sur  les  lèvres  et  que 
ce  serait  contraire  à  la  pudeur. 

En  écoutant  ce  langage,  on  est  porté  à  penser  qu'elle  est  sur- 
tout délirante,  que  c'est  elle  qui  se  supprime  ses  plaisirs  à 
cause  des  scrupules  qui  la  persécutent,  et  on  est  tenté  de  lui  dire  : 
<c  Ne  pensez  plus  au  bon  Dieu  et  à  la  morale  et  vous  vous  amuserez.  > 

La  question  est  plus  délicate,  car  cet  arrêt  du  plaisir  se  re- 
trouve chez  beaucoup  de  malades  qui  n'ont  pas  précisément  des 
obsessions  ni  des  phobies  a  ce  sujet  et  dont  les  émotions  s'arrê- 
tent cependant  de  la  même  manière  sans  qu'il  y  ait  une  idée 
déterminée  ni  une  angoisse  pouvant  servir  de  prétexte  à  cet  arrêt. 
Chez  beaucoup  des  idées  surgissent  et  pullulent  après  cet  arrêt 
mais  sans  avoir  aucun  rapport  avec  l'émotion  antécédente,  chez 
d'autres  l'arrêt  de  l'émotion  n'est  suivi  d'aucun  trouble  particu- 
lier. Il  semble  donc  qu'il  existe  chez  ces  malades  un  trouble  fon- 
damental des  émotions  et  des  sentiments  indépendant  des  autres 
phénomènes  que  nous  venons  d'étudier. 

D'autre  part,  on  voit  se  développer  chez  beaucoup  de  ces  ma- 
lades un  grand  nombre  de  sentiments  spéciaux  que  l'on  ne  ren- 
contre pas  au  moins  au  même  degré  chez  les  individus  normaux. 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES 

Iques-uiis  ces  besoins  ou  ces  amours  bizarres  sont  ac- 
js  par  des  phénomènes  intellectuels,  des  obsessions  du 
ire,  mais  chez  beaucoup  il  n*en  est  pas  ainsi  et  les  sen- 
normaux  se  développent  en  dehors  des  réflexions  du 
que  à  son  insu.  Ces  sentiments  sont  voisins  des  senti- 
ncomplétude  qui  viennent  d'être  étudiés,  mais  ils  ne 
dentiques  à  ces  phénomènes  :  ce  sont  plutôt  des  alté- 
s  sentiments  naturels  qui  existent  chez  tous  les  hommes, 
rques  nous  conduisent  à  étudier  dans  les  paragraphes 
îcs  modifications  primitives  des  émotions  et  des  sen- 

I.  —  Indifférence, 

mettre  en  première  ligne  comme  modification  primitive 
Scation  très  importante  et  inattendue  des  émotions.  On 
rs  disposé  à  croire  que  ces  malades  sont  des  émotifs  et 
ire  qu'ils  ressentent  au  suprême  degré  toutes  les  émotions 

sentiments.  Il  y  a  peut-être  dans  cette  opinion  quelque 
)n  considère  les  émotions-chocs  qui  bouleversent  rapi- 
fquilibre  de  la  pensée  ;  mais  cette  opinion  est  certaine- 
exagérée  si  on  étudie  les  émotions-sentiments  qui  doi- 
olonger  un  certain  temps  et  qui  consistent  dans  la 
3  de  tendances  plus  ou  moins  développées. 
t,  il  est  essentiel  de  constater  que  la  plupart  des  mala- 
aignent  d'être  devenus  tout  à   fait  indifférents.  AI..., 

27  ans,  devenue  malade  après  un  mariage  absurde 
idividu  à  demi  aliéné  et  perverti  sexuel,  et  après  un 
mdaleux  de  plus  de  deux  ans  de  durée  remarque  très 
ngement  qui  s'est  fait  dans  son  caractère.  Au  commen- 
e  ses  aventures  elle  était  excitée,  en  colère,  très 
I  son  mariage,  de  son  procès,  en  un  mot  de  ses  mal- 
;lle  ressentait  vivement.  Très  souvent  elle  se  laissait  à 
de  désespoir,  elle  pleurait  et  se  lamentait.  Maintenant 
ange,  elle  ne  pleure  plus,  ne  se  désole  plus,  est  deve- 
rente  à  tout,  elle  pense  à  son  mari  sans  que   cela   lui 

«  je  n'ai  pas  de  désir,  dit-elle,  pas  de  regrets,  pas 
,  rien  n'est  mauvais,  rien  ne  me  gène,  rien  ne  me  con- 
\  ne  me  fait  plaisir.  »  Nadia  se  plaint  de  ne  pouvoir 
)nnée  et  de  ne  pouvoir  pleurer  sa  mère.  Kl...  et  Wks..., 

autrefois  très  vives  et  très  colères  sont  devenues  cal- 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  373 

tues  et  n'ont  plus  leurs  accès  d'irritation.  Vil...  est  indifférente 
à  la  réalité  et  ne  s'intéresse  qu'à  des  rêves.  Ce  qui  est  surtout 
atteint  par  Tindifférence  ce  sont  les  sentiments  affectueux  pour 
la  famille  et  pour  les  amis  et  cette  froideur  contraste  avec  l'amour 
qu'ils  ont  d'un  autre  c6té  pour  ceux  qu'ils  ont  choisis  comme 
directeurs  de  conscience. 

D'après  les  confidences  de  quelques  malades  on  peut  faire  des 
remarques  sur  une  émotion  qui  d'ordinaire  est  intense,  l'émotion 
génitale.  Il  est  curieux  de  remarquer  que  des  personnes  autrefois 
très  excitables  sur  ce  point  sont  devenues  presque  entièrement 
froides  et  ressentent  un  véritable  engourdissement  génital,  cette 
remarque  a  été  faite  sur  une  douzaine  de  sujets.  Chez  quelques- 
uns  cet  engourdissement  détermine  même  une  recherche  exagé- 
rée et  bizarre  de  l'excitation  sexuelle  qui  peut  se  transformer  en 
tin  véritable  délire,  comme  on  le  voit  dans  les  observations  de 
Loa...  et  de  Len...  Plusieurs  se  laissent  aller  à  la  masturbation, 
avec  une  sorte  de  frénésie  pour  w  arriver  jusqu'au  bout  »  de  l'émo- 
tion, ce  qu'ils  sont  devenus  incapables  de  faire. 

Chez  beaucoup  de  malades,  hommes  ou  femmes,  cet  arrêt  de 
i'émotion  génitale  n'est  accompagné  d'aucune  de  ces  manies  ni 
d'aucune  autre  obsession.  Leurs  troubles  intellectuels  ou  leurs 
phobies  portent  sur  de  tout  autres  questions  ;  ils  n'ont  aucune 
disposition  à  se  reprocher  l'acte  génital  accompli  dans  des  con- 
-ditions  normales  et  légitimes,  ils  n'ont  aucune  envie  de  le  trans- 
former ou  de  le  perfectionner.  Ils  constatent  seulement  qu'ils 
éprouvaient  autrefois  une  émotion  violente  qui  grandissait  jusqu'à 
un  maximum,  puis  s'arrêtait  brusquement  en  laissant  un  senti- 
ment de  satisfaction  et  d'apaisement  et  que  maintenant  les  choses 
sontchangées,quecetteémotion  commence,  qu'ellesedéveloppeim- 
parfaitement,  etqu'elle  n'arrive  jamais  au  maximum  suivi  d'apaise- 
ment. Bien  mieux,  quelques-uns  n'avaient  fait  aucune  attention  à  ce 
fait  et  sont  tout  surpris  quand  on  le  leur  fait  remarquer.  Il  y  a  donc, 
à  côté  du  sentiment  d'incomplétude  génitale  que  nous  avons 
signalé  et  qui  pouvait  être  plus  ou  moins  juste,  un  engourdisse- 
ment réel  qui  ne  semble  pas  dépendre  de  l'appréciation  du  sujet. 

Il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que  tous  ces  sentiments  soient  com- 
plètement disparus  et  que  nous  soyons  en  présence  de  cette  anesthé* 
«ie  morale  que  l'on  observe  chez  quelques  hystériques.  Les  ma- 
lades   ont    l'émotion    ou    du  moins    ils   commencent    à    l'avoir, 


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LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 

motions  commencées  s'arrêtent  rapidement,  cessent  de 
per  ou  se  transforment  en  ruminations  ou  en  angoisses. 

se  rend  compte  que  son  sentiment  n'est  pas  complet, 
ini  et  d'autre  part  il  redoute  ces  transformations  péni- 
vient  à  redouter  lui-même  ces  sentiments  insuffisants, 
saye  de  les  mener  plus  loin,  donnent  naissance  à  des 
oureuses  et  il  finit  par  ajouter  une  restriction  volontaire 
qui  survenait  d'abord  naturellement.  Depuis  qu'il  a  des 
On...  craint  les  colères,  les  émotions,  il  a  peur  de  l'exci- 
lelle,  peur  de  la  surprise,  «  peur  de  se  laisser  emballer 
[ue  ce  soit  ».   Il  se  rend  évidemment  plus  indifférent 

serait  spontanément. 

le  fait  me  parait  extrêmement  important  je  rapporte 

ce  point  l'observation  de  Lise  qui  confirme  toutes  les 

précédentes.  Cette  personne  semble  être  inacces- 
ute  émotion.  «  Il  y  a  longtemps  qu'elle  a  renoncé 
plaisir  à  quelque  chose  et  elle  ne  songe  même  pas  à 
re.  »  L'indifférence  est  notée  non  par  la  malade,  mais 
Ue  qui  la  constate  et  me  raconte  ces  détails.  Lise  n'a 

intime,  pas  de  désirs,  pas  de  caprices,  pas  de  craintes 
nême  quand  les  enfants  sont  malades,  pas  d'impatience 
un  mari  tout  h  fait  insupportable  :  elle  est  admirable  de 
s  raison.  Si  on  la  savait  raisonnable,  on  pourrait  admirer 
mais  comme  nous  savons  le  désordre  de  sou  esprit,  on 
mander  si  cette  sagesse  n'est  pas  un  symptôme  patho- 

m  cherche  l'origine  de  cette  indifférence,  on  est  dis- 
'emier  aborda  la  croire  volontaire.  On  remarque  qu'elle 
iffectueuse,  qu'elle  a  encore  quelquefois  une  grande  déli- 
sentiments  ;  elle  prétend  qu'elle  est  capable  de  se  mettre 
îomme  une  autre  personne  et  de  ressentir  la  douleur  et 
on.  Mais  tout  cela  n'existe  plus  qu'en  puissance  et  ne  se 
plus  jamais  ;  car  il  lui  semble  qu'elle  s'arrête  elle-même  : 
notions  se  développaient  jusqu'à  un  certain  point,  dit- 
dées,  mes  terribles  idées  sur  le  diable,  les  enfants  voués, 
raient  et  me  domineraient  d'une  manière  irrésistible.  Si  je 
aller  à  l'excitation  ou  à  la  colère  une  minute,  je  ne  suis 
esse  de  mes  idées,  elles  surgissent  avec  force  et  vont 
dngtemps  ».  Il  en  résulte  qu'elle  a  une  peur  affreuse  de 
aller  à  une  émotion,  elle  se  surveille  continuellement,  ne 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  375 

se  laisse  jamais  aller  à  un  état  émotif  complet;  même  au  milieu 
des  scènes  violentes  auxquelles  elle  assiste  elle  conserve  son  sang- 
froidy  il  y  a  toujours  une  partie  d'elle-même,  qui  n  y  prend  pas 
de  part.  Elle  a  également  peur  de  se  laisser  aller  à  une  émotion 
en  assistant  au  théâtre  ou  en  écoutant  de  la  musique  ;  en  un  mot 
elle  travaille  à  maintenir  en  elle  un  état  d'indifférence,  si  bien 
qu^elle   se  figure  que  c'est  elle-même  qui  arrête  les  émotions. 

Je  crois  que  sa  volonté  et  sa  prudence  contribuent  un  peu  à  dimi- 
nuer les  phénomènes  :  maisd'aprèsson  aveu  et  d'après  l'observation 
des  autres  malades,  ses  émotions  s'arrêteraient  toutes  seules  à  un 
degré  peut-être  un  peu  supérieur  et  se  transformeraient  contre  sa 
volonté  en  ruminations  et  en  angoisses.  Celles-ci  sont  évidemment 
des  phénomènes  d'une  autre  nature  que  les  émotions  de  joie,  d'affec- 
tion, de  plaisir  artistique  qui  avaient  commencé  à  se  développer. 
On  peut  noter  à  ce  propos  un  petit  détail  assez  démonstratif.  Lise 
a  supporté  pendant  dix  ans  sans  se  fâcher  et  sans  se  plaindre  les 
bizarreries  de  caractère  de  son  mari.  Quand  elle  commence  à  se 
guérir,  elle  ne  peut  plus  conserver  le  même  calme.  Quoiqu'elle 
désire  encore  arrêter  les  émotions  et  surtout  les  manifestations 
des  émotions  elle  n'y  parvient  plus  et  malgré  sa  volonté  elle  s'ir- 
rite et  elle  souffre  de  ce  mariage.  C'était  donc  bien  son  état  ma- 
ladif qui  l'empêchait  d'en  souffrir. 

Ces  observations  sont  tout  à  fait  concordantes,  elles  sont  fa- 
ciles à  vérifier  et  montrent  que  ces  malades  ont  beaucoup  moins 
de  sentiments  et  d'émotions  normales  qu'on  n'est  disposé  à  le 
croire. 


2.  —  Sentiments  mélancoliques. 

Les  sentiments  qui  subsistent  avec  une  certaine  acuité  sont 
des  sentiments  de  tristesse  analogues  à  ceux  que  l'on  rencontre 
chez  les  mélancoliques.  La  suppression  de  toute  émotion  vive 
jointe  h  la  dépression  de  toute  activité  donnent  naissance  à  un 
sentiment  perpétuel  d'ennui,  M.  Tissié  remarque  fort  bien  le  rôle 
du  sentiment  de  l'ennui  dans  toutes  les  fatigues.  «  Le  sentiment 
de  l'ennui  domine  toutes  les  psychoses  et  on  le  retrouve  toujours 
à  un  moment  donné  de  l'entraînement  intensif  chez  tous  les  su- 
jets les  plus  gais  et  les  mieux  équilibrés  *...  »  Il  n'est  pas  surpre- 

I.  Tvn\é.  Revue  scientifique^  1896,  II,  p. 64a. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÊNIQUES 

on  retrouve  ce  sentiment  chez  tous  nos  psychasthéni- 
tuellement  fatigués. 

k...,  Dd...,  etc.,  tous  d'ailleurs  répètent  qu'ils  ne  peu- 
re  leur  part  des  joies  de  la  vie  pas  plus  que  de  ses 
d^ailleurs  et  qu'ils  s'ennuient  incurablemcnt.  Lise. . .  pré- 
)  était  ainsi  dès  sa  première  enfance,  qu'elle  ne  s'amu- 
;omplètement  et  qu'elle  n'a  jamais  pu  se  laisser  aller  à  un 
une  émotion  quelconque  à  cause  d'un  fond  d'ennui 

pas  de  véritables  douleurs  mais  ils  ont  une  tristesse 
onsiste  plutôt  dans  l'absence  de  toute  joie  que  dans  un 
ent  de  chagrin,  c'est  une  nuance  de  l'ennui.  Qsa... 
ujours  morose  :  «  il  n'aime  pas  à  voir  des  gens  gais 
Tent,  il  sent  qu'il  pourrait  être  capable  de  gaité  si  sa 
le  séparait  pas  de  toutes  choses  ».  Claire  se  plaint  de 
Ile-même  continuellement  :  «  je  ne  m'aime  pas  moi- 
rée que  je  me  déteste...,  je  m'ennuie  et  m'attriste  de 
-même  ». 

ean,  Nadia  gémissent  sur  cette  existence  terne  à  la- 
ont  condamnés  «  j'ai  toujours  été  très  triste  même 
)ments  les  plus  heureux  de  ma  vie,  c'est  une  existence 
\e  ne  puis  même  pas  prendre  un  plaisir  pur  dans  la 
le  j'aime  tanl  ;  je  mêle  de  la  tristesse  à  tout,  j'ai  un 
eilleusement  organisé  pour  être  malheureux.  » 
lent  de  tristesse  donne  sa  nuance  à  toutes  les  percep- 
outes  les  idées.  Claire  étend  cet  ennui  et  cette  tris- 
l'univers  «  il  me  semble  que  tout  le  monde  doit  être 
et  tous  les  endroits  qui  me  plaisaient  autrefois  me 
ristes  comme  si  tout  ce  monde  qui  est  si  peu  réel 
rs  sur  le  point  de  mourir,  de  s'écrouler  ».  Jean  exa- 
i  comme  toujours  ces  dispositions  mélancoliques  :  à 
prises  il  est  envahi  à  propos  de  certaines  personnes 
ns  endroits  par  «  le  sentiment  de  la  fin  du  monde  ». 
Liitte  un  endroit  où  il  s'est  plu,  quand  il  apprend  la 
parent  qui  habitait  telle  région,  quand  il  a  dans  un 
)  émotion  triste,  déprimante,  il  est  envahi  par  un  senti- 
stesse  profonde,  par  un  sentiment  de  mort  qui  s'ap- 
uement  à  cet  endroit.  Nous  avons  déjà  vu  de  ces  sen- 
mourir  dans  les  angoisses  morales,  mais  ce  qu'il  y  a 
ier  dans  cette  observation  de  Jean  c'est  que  le  senti- 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS 

ment  s'associe  avec  la  pensée  d'une  région  «  dans  ce  { 
est  mort,  c'est  la  fin  du  monde  pour  ce  pays  ».  Bientôt 
de  généralisation  va   s'emparer   du  sentiment  et  toute 
aux  alentours,  tout  l'Ouest  de  la  France  va  être  mort.  Il 
de  voir  le  lien  de  tels  sentiments  avec  les  délires  mélanc 
chez  nos  malades,  ils  restent  à  l'état  de  sentiments  vaguei 
transformer  en  une  idée  nette  ici  surtout  en  une  idée  ac( 
crue  par  le  sujet. 

3.  —  Emotivité. 

On  rencontre  cependant  des  malades  qui   paraissent 
porter  autrement  et  d'après   lesquels   s'est  formée  cette 
commune  que  les  obsédés  sont  extrêmement  émotifs. 

Ce  sont  d'abord  les  timides,  presque  tous  nos  scrupu 
été  des  timides,  or  «  pour  être  timide,  dit  M.  Harter 
faut  d'abord  être  enclin  à  éprouver  une  certaine  émoti 
certaines  circonstances...  c'est  une  réaction  émotive  sp 
aveugle,  irrésistible  qui  survient  par  le  seul  fait  de  se  \ 
en  public,  comme  le  vertige  se  produit  a  la  vue  d'un  préc 
Ce  sont  ensuite  les  tiqueurs  «  qui  sont  tous  des 
atteints  d'une  affectivité  désordonnée'  ».  Puis  tous  les  pi 
dont  la  maladie  consiste  dans  une  tendance  irrésistib 
émotions  disproportionnées. 

Aussi  n'estil  pas  surprenant  que  beaucoup  de  nos  ma 
plaignent  de  leur  émotivité  excessive  :  par  exemple  Vr.. 
remarquent  que  chez  eux  la  moindre  impression  prend  ( 
portions  énormes,  une  surprise,  une  parole  adressée  1 
ment,  la  vue  d'un  accident  dans  la  rue  leur  donne  des  c\ 
la  tête,  des  palpitations  de  cœur,  des  suffocations,  des  res; 
en  soupir  pendant  plus  de  lo  minutes,  «  la  moindre  des 
riétés  dit  Za...,  devient  pour  moi  au  bout  de  quelqu 
la  cause  de  tremblements  nerveux,  de  secousses  dans 
membres  et  de  crises  de  larmes  tout  à  fait  absurdes  ». 
met  à  fondre  en  larmes  pour  la  moindre  des  choses.  Ces  ( 
exagérées  se  présentent  surtout  quand  il  s'agit  de  se  moi 
faire  un  acte  en  public:  quand  Ul...  est  devant  quelqu'u 
sent  serrée  à  la  gorge,  elle  sent  un  gros  poids   qui  lui 


I.  Harlenberg,  Les  timides  et  la  timidité,  p.  5,  p.  i66. 
a.  Mcige  el  Feindeï,  Progrès  médical,  7  sept.  1901. 


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LES  STIGMATES  PSYCHAST 

le,  elle  suffoqua,  elle  sent  com 
^s  muscles  de  la  face  et  des  ye 
,  on  la  trouverait  répétée  par  des 
ce  là  de  Témotion  complète  et  ce 
lent?  Dans  un  sens  oui,  c^est  une 
n  réalité  plus  ou  moins  complète 
«paraît,  et  ne    semble-t-il    pas    q 

à  tout  propos  c'est  être  un  ém( 
e  semble  cependant  qu'il  y  a  bien  d 
eémotivité.  Cette  émotion  présenti 
X  qui  mérite  d'attirer  Tattentio 
»spective  )>,  comme  disait  Amiel. 
arfaitement  calmes  devant  Tévéne 
r,  ils  se  comportent  comme  s'ils 
Les  réflexes  cardiaques  et  vaso 
s  de  Lange  et  de  James,  devraient 
l'événement,  antérieurement  à  toi 

ne  se  produisent  pas  du  tout.  ( 
lé  :  au  bout  de  quelques  heures 
in  travail  s'est  fait  dans  le  cerveai 
;t  les  malades  ont  des  palpitations 
les  comme  s'ils  étaient  violemmen 
inssa  réalité  présente,  a  semblé  pas 
nme  qui  s'est  blessé  en  cherchan 
incompréhensible  chez  une  jeune  1 
la  journée  ;  mais  elle  est  malade 
observation  dans  une  foule  de  c 
ean,  chez  Gisèle,  Dob...,  Kl...,  < 
ante  me  paraît  très  intéressant,  i 
action  retardante  qui  caractérise 
ire  retardante  sur  laquelle  je  vie 
certains  malades,  un  événement  n 
inomène  psychologique  en  appar< 
st  passé  depuis  un  certain  temps, 

autre  caractère  de  cette  émoti 
[u'elle  reste  une  émotion  vague,  in 
-dire  la  plus  basse  des  émotioi 
^e  à  l'événement  qui  la  détermine 

malades  eux-mêmes  remarque» 
ère  bizarre,  c'est  qu'elle  est  toujo 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET 

aussi  bien  à  propos  des  événements  q 
la  peur,  qu'à  propos  de  ceux  qui  devra 
ou  de  ceux  qui  devraient  faire  naître  c 
fier  très  bien  avec  Ul...  qui  a  les  mém< 
tien»  de  convulsions  de  la  face  et  des 
qu'elle  attend  ou  en  entrant  dans  un 
goisse  de  Cs...  semblent  être  en  rap] 
condriaque  et  débuter  quand  on  parle 
quand  elle  voit  une  fiole  de  pharmac 
exactement  semblables,  quand  elle  re 
rue  ou  quand  elle  reçoit  une  page  de  « 
garçon  qui  a  quatre  ans.  Lae...  expi 
émotion  d'une  manière  bizarre.  Il  a  et 
un  chien  enragé  à  Tâge  de  i5  ans  ;  de 
lement  une  angoisse  toute  spéciale 
«  Témotion  du  chien  enragé  »,  elle 
spéciaux,  tournoiement  dans  le  veni 
gauche  et  besoin  de  regarder,  de  tout 
ff  si  un  chien  ne  la  lèche  pas  »,  pour  é( 
ne  peut  plus  avoir  aucune  autre  émoti 
fort,  je  ne  peux  plus  être  amoureux,  si 
me  donne  uniquement  mon  émotion  d 
moi  je  détourne  la  tète  pour  voir  si  ur 
jambe  ou  ne  me  lèche  pas  le  pouce  ». 
Un  détail  curieux,  c'est  que  ces  cri 
présenter  chez  des  sujets  comme  chez' 
de  nous  répéter  et  de  nous  montrer  qi 
d'émotion.  Ils  ont  des  crises  qu'on  ap 
semblent  vaguement  à  de  la  peur  et  i 
plus  susceptibles  d'éprouver  la  peur  ;  ili 
qui  ressemblent  assez  vaguement  du  r 
de  la  colère  et  ils  se  plaignent  de  ne  j 
se  fâcher  :  c'est  que  ces  crises  ne  sont 
de  peur  ou  de  colère  et  qu'elles  se  suh 
maies  au  moment  ou  leur  développemen 
on  remarque  que  ces  malades  ont  d< 
pas  dire  qu'ils  sont  plus  susceptibles 
d'avoir  des  émotions  normales  et  comp 
disposés  sous  l'influence  du  moindre  c 
ses  d'agitation  motrice  ou  d'angoisse. 


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LES  STIGMATES  PSYCHAS 


4.  —  Emotions  su 

*our  être  complet  dans  ce  chapitre 
sentiments  et  les  émotions  qui  se  j 
!c,  je  dois  indiquer  une  émotion  1 
i  difficile  d'expliquer  complètcmei 
essaire  de  revenir  plus  tard  après  a\ 
iérales  sur  la  psychologie  de  ces 
étions  sur  une  dizaine  de  personnes 
iblables  pour  qu'elles  ne  me  paru: 
identels. 

)n  a  vu  que  d'ordinaire  et  pendant 
ces  malades  sont  déprimés,  tristes, 
es,  h  l'attention,  à  l'émotion  normal 
ilques-uns  d'entre  eux  se  produit  ui 
les  soulève  au-dessus  de  leur  niv< 
ir  un  moment  des  émotions  de  boi 
nts  d'activité  surhumaine,  d'intellij 
Lanteirës,  dans  sa  thèse*  sur  les  tro 
idité  signalait  déjà  un  peu  vaguei 
ouvent  tout  d'un  coup  «  une  sort 
sme  nerveux  avec  de  voluptueux  fri 
/oici  quelques  exemples  de  ce  fait 
nt  les  maisons  du  haut  du  Trocadi 
sme,  il  a  des  sentiments  d'admirati 
xr  un  instant  toutes  ses  misères  : 
p  beau,  trop  grandiose,  que  je  suis 
me;  sur  le  moment  cela  me  cause  u 
épuise,  me  fait  trembler  les  jamb< 
s  tomber  évanoui,  incapable  de  si 
?y...,  en  se  promenant  dans  la  camj 
*  le  grand  air  a  tout  me  parait  déli 
s  éclater  de  bonheur,  jamais  je  n'a\ 
)se  comme  un  rêve,  le  temps  marche 
pis.  Je  me  sens  meilleure  et  il  me  se 
chants  comme  dans  les  autres  pays. 


.  Lanteirés,  E5sai  descriptif  sur  les  troubles  p 
ise,  i885,  p.  44. 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  381 

pathiques  et  il  me  semble  que  je  suis  à  Tâge  d'or.  Les  expressions 
me  viennent  plus  facilement,  moi  qui  ne  peux  pas  ouvrir  la  bou- 
che quand  il  y  a  une  personne,  je  parlerais  devant  une  assemblée  ». 
Nadia  aussi  a  éprouvé  par  instants,  mais  incomplètement,  ces  sen- 
timents au  moment  de  son  amour  insensé  pour  un  grand  musicien. 
Nah...,  homme  de  21  ans,  sent  par  moment  «  une  stupéfaction 
sacrée  qui  cause  un  bonheur  infini  ».  Gv...,  homme  de  26  ans« 
«  se  sent  enlevé  au-dessus  de  sa  condition,  il  croit  marcher  sur 
une  autre  terre  où  Ton  est  meilleur  et  plus  fort  ».  L'un  des 
plus  curieux  sur  ce  point  c'est  Jean  qui  a  baptisé  ce  phénomène 
d'un  nom  que  je  conserve  en  partie  :  «  les  sensations  sublimes 
et  solennelles.  »  De  temps  en  temps,  mais  rarement,  il  est  pris  de 
cette  sensation  quand  il  rêve  à  une  occupation  intelligente  et  élevée 
qui  lui  plairait,  mais  qui  est  en  contradiction  complète  avec  son 
caractère  ;  par  exemple  quand  il  rêve  qu'il  est  député  à  la  Chambre 
et  que  devant  les  tribunes  bien  pleines  il  prononce  un  grand  dis- 
cours politique.  Il  ressent  alors  un  petit  frisson  par  tout  le  corps 
mais  qui  n'a  rien  des  fluides  pénibles,  il  sent  le  cœur  calme  et 
ralenti,  ses  muscles  sont  à  la  fois  forts  et  comme  détendus,  au 
lieu  de  sa  marche  humble  à  petits  pas,  la  tète  baissée,  il  se  redresse 
et  marche  à  grand  pas  d'un  air  important,  il  a  de  l'excitation  intel- 
lectuelle, il  comprend  bien  les  choses  et  ressent  la  soif  de  s'in- 
struire, enfin  et  surtoutil  a  un  sentiment  de  bonheur  qu'il  n'éprouve 
jamais.  «  Ce  sont  des  impressions  divines  qui  me  prouvent 
l'existence  de  l'âme  dans  le  corps,  » 

Ces  émotions  sublimes  durent  peu  d'ordinaire,  elles  sont  presque 
toujours  chèrement  payées  par  les  malades.  Gs...  tombe  bien  vite 
dans  une  rumination  pénible  sur  le  nombre  infini  des  maisons,  et 
recommence  les  questions  :  «  Comment  a-t-on  pu  les  construire  ? 
comment  a-t-on  pu  les  compter  ?»  Il  a  de  nouveau  un  horrible 
sentiment  de  dépression.  Fy...  (34)  termine  son  idylle  à  la  cam- 
pagne par  une  petite  crise  avec  perte  de  conscience  et  émission 
d'urine  dont  nous  aurons  ii  discuter  la  nature  et  le  pauvre  Jean 
retombe  piteusement  de  la  tribune;  l'excitation  s'est  propagée  aux 
organes  génitaux,  a  ramené  la  pensée  de  la  masturbation  et  toutes 
les  angoisses  plus  grandes  qu'auparavant. 

Je  trouve  ces  émotions  excessivement  curieuses  :  elles  forment 
un  contraste  avec  le  sentiment  ordinaire  de  chute  qui  carac- 
térise le  scrupuleux.  En  outre,  elles  établissent  une  liaison  très 
intéressante  avec   d'autres   malades    dont   je    ne    m'occupe  pas 


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LES  STIGMATES  PI 

jue  j'espère  pouvoir  et 
non  sans  quelque  ét( 
ues  ne  sont  pas  des  1 
lent,  mais  qu'ils  se  rat 
a.  En  les  étudiant  il  fi 
'ises  de  rumination,  c 
c  ;  il  est  intéressant  d 
ins  en  germe  des  cris 

5.  —  Le  besoi 

du  trouble  fondamenta 
;omplétudeet  probable 
scrupuleux  des  sentim 
tendances  spéciales  qi 
idividus  normaux,  Tun 
m, 

i  eu  l'occasion  d'insist< 
exagérations  patholog 
blés  morbides  ce  senti 
personnes  et  contribu 
]ui  arrive  au  plus  h^ 
e  côté  ici  ceux  qui  o 
il  désespoir  parce  qu'il 
éprends  des  maladetfqi 
es  autres  manies  et  je 
our  ainsi  dire  à  leur  ii 
lisir  à  obéir,  à  recev< 
ent  avoir,  les  décisio 
nt  ils  se  mettent  sous 
i  une  fois  effectuée  il 
ontrôler  ou  de  discute 
e,  les  jugements  qu'i 
r  montre,  ils  ne  veule 
nne. 

tère  est  décrit  par  toi 

\  a  le  besoin  d'être  ras 

aux  heures  les  plus  in 

du  SauUe,  Folie  du  doute,  p 


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s  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  ; 

3o  ans  qui  se  fait  diriger  par  un  petit  garçon  de  8  ansa  il  ne  m' 
Faut  pas  d^avantage,  dit-elle,  pour  que  j'évite  une  crise'  ».  Ba 
larger  remarque  chez  les  douteurs  «  ce  besoin  énorme  d'affirn 
tien  étrangère'  ».  «  Ils  ne  peuvent  agir  que  sous  l'impulsion  d 
autres,  disaient  MM.  Raymond  et  Arnaud  de  leurs  malades' 
Aux  cas  nombreux  que  j'ai  déjà  décrits*,  je  n'ajoute  que  quelqu 
exemples. 

Ps...,  jeune  fille  de  23  ans,  s'abandonne  ainsi  entre  les  mai 
d'une  religieuse  qu'elle  a  choisie  et  la  force  de  tout  décider  da 
sa  vie.  Bu...  (85)  appelle  sa  femme  tout  le  temps  et  ne  lève  p 
le  petit  doigt  sans  lui  en  demander  la  permission.  Dua...  (i3! 
femme  de  37  ans,  ne  peut  plus  faire  un  pas  sans  l'ordre  de  s 
médecin,  elle  éprouve  le  besoin  de  tout  lui  raconter,  de  I 
faire  des  confessions  entières  sous  des  prétextes  quelconque 
Elle  demande  conseil  sur  tout  même  à  propos  des  choses  1 
moins  médicales  et  obéit  minutieusement.  Mbo...  obéit  à 
sœur  et  Yi...  est  dirigée  par  son  enfant  qui  a  10  ans  à  peic 
Kl...  se  conduit  exactement  de  même:  sans  me  connaître,  el 
se  confie  complètement  et  se  met  à  ne  plus  penser  que  p 
moi.  Lise  se  rend  bien  compte  qu'elle  a  ce  besoin  d'une  faç< 
ridicule,  elle  a  essayé  à  plusieurs  reprises  de  le  satisfaire  avec  d 
amies,  avec  des  prêtres  et  elle  doit  résister  pour  ne  pas  trop  s 
laisser  aller.  Malgré  elle  elle  se  sent  inquiète  lorsqu'elle  est  lo 
de  moi  «  sentir  que  je  suis  libre  pendant  plusieurs  mois,  c\ 
comme  quelque  chose  de  terrible  ;  je  vais  être  très  mal  au  coi 
mencement,  puis  j'irai  mieux  à  la  fin  par  la  pensée  que  le  terc 
de  ma  liberté  approche  ».  Claire  a  tout  à  fait  le  même  caractèr 
elle  est  heureuse  quand  elle  est  comprise,  c'est-à-dire  quai 
quelqu'un  se  rend  compte  de  ses  pensées,  de  ses  besoins,  et  déci( 
pour  elle.  Au  bout  de  quelques  visites  à  peine  elle  s'accrocl 
désespérément  à  moi,  ne  veut  plus  me  quitter,  et  prétend  qu'el 
ne  pourra  plus  vivre  si  je  ne  lui  dicte  pas  «  mot  à  mot  tout  ( 
qu'elledoit  faire  et  penser  dans  la  journée.  »  Za...,Rk...,  m'éci 
vent  à  chaque  instant  des  lettres  suppliantes  pour  me  demand 
<c  de  répondre  immédiatement  ce  qu'ils  doivent  croire.  »  Xo...  d< 

I.  Legrand  du  Saulle,  ibid,,  p.  38. 

a.  Baillargcr,  Œuvres,  I,  p.  218.  Cf.  Gullerre,  Fronlihre  de  la  folie,  p.  70. 

3.  Raymond  elArDaud,  Ann.  méd.  psych.,  189a,  II,  199. 

4.  L'influence  somnambulicpe  elle  besoin  de  direction.  Revue  philosophique,  189 
Ii  p.  1 13  el  Névroses  et  Idées  fixes,  I,  p.  428. 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES 

ilttant  des  ordres  et  des  affirmations  par  écrit  et 
le  sur  la  perspective  de  venir  me  voir.  » 
lalades  n'ont  pas  à  leur  disposition  un  directeur 
[ui  leur  convienne,  il  n'est  pas  d'efforts  qu'ils  ne 
trouver  un.  «  Je  me  suis  mise  volontairement,  dit 
e  dépendance  morale,  j'ai  cherché  à  substituer 
•e  à  celle  qui  me  hante,  une  volonté  a  la  mienne^ 
it  qu'il  me  faut  à  tout  prix  obéir.  »  Elle  a  cherché 
in  prêtre.  Mais  elle  a  été  bien  vite  effrayée  en 
sentiment  de  dépendance  se  compliquait  de  senti- 

[uand  ils  ont  perdu  cette  direction  si  nécessaire,  ces 
t  dans  le  plus  complet  désordre.  Gri...  (82).  jeune 
s,  a  eu  depuis  Tàge  de  i5  ans  toutes  espèces  de 
lonté,  des  crises  d'agitation,  des  phobies,  etc.  ;  elle 
•  un  amant  qui  lui  impose  une  tenue  correcte,  qui 
lil  régulier  et  une  attention  suffisante.  Sous  cette 
ilade  oublie  tous  ses  troubles  et  se  porte  parfai* 

cinq  ans.  Depuis  que  cet  amant  l'a  quittée  elle 
le  plus  complet  désordre,  elle  est  tourmentée 
ions    et   surtout,    bien   entendu,    par   un    amour 

ce  directeur  perdu.  L'observation  de  Ck..., 
ée,  est  des  plus  amusante.  Cette  pauvre  femme 
es  avoir  eu  toutes  les  obsessions  et  les  pho- 
é  vers  Tàge  de  3o  ans  une  autre  pauvre  femme 
des  manies  de  propreté  qui  amenaient  pratique- 
e  saleté.  Ces  deux  infirmes  de  la  volonté  se  sont 
nues  et  reformées  mutuellement,  elles  ont  formé 
i  un  couple  admirable,  parfaitement  raisonnable, 
s  et  le  paralytique.  Une  aventure  lamentable  les 

domestique  renvoyée  à  tenu,  paraît-il,  un  propos 
ettre  en  doute  la  moralité  de  l'affection  mutuelle 
is  dames.  Celles-ci  sont  alors  troublées  par  un 
ir  amitié  et  croient  devoir  se  séparer.  On  verra 
itement,  que  l'obsédé  prend  ainsi  des  scrupules 
ilui  qui  le  traite  et  le  dirige  et  que  ces  scrupules 
érieux  de  rechute.  Dans  le  cas  présent  les  deux 
nencèrent  un  véritable  délire  avec  obsession  de 
bsessions  de  crime,  de  remords,  d'hypocondrie 
'aie  réussi  à  les  réunir  de  nouveau. 


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DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  385 

Rd  étudiant  des  cas  de  ce  genre  j'ai  montré  que  le  sentiment 
tlêpend  principalement  du  besoin  de  faire  faire  par  un  autre  Tacte 
<le  volonté  devenu  difficile.  ((  Le  malade,  disais-je  à  ce  propos  ^  n'a 
•en  réalité  aucune  résolution,  aucune  idée  dans  une  circonstance 
-donnée,  il  faut  que  le  directeur  fasse  lui-même  la  synthèse  que 
«on  sujet  ne  peut  pas  faire  et  lui  impose  la  résolution  toute  faite. 
C'est  là  très  souvent  ce  que  les  douleurs  viennent  demander  à 
ieur  médecin,  quand  ils  lui  racontent  leur  vie  et  leurs  incertitudes. 
<c  Faut-il  me  fâcher  avec  cette  personne  qui  m'a  regardé  de  tra- 
vers?—  Faut-il  faire  mon  ménage?  —  Faut-il  me  marier?  — 
Faut-il  acheter  une  robe? —  Faut-il  recevoir  mon  amant?  etc.  » 
Ce  sont  entre  mille  les  questions  que  m'ont  posées  les  malades, 
•questions  que  l'on  ne  peut  déclarer  insignifiantes  quand  on  les 
voit  déterminer  de  telles  souffrances  et  de  tels  délires.  Peu  leur 
importe  la  réponse  ;  pourvu  qu'elle  soit  nette  et  décisive,  ils  sont 
immédiatement  soulagés...  On  comprend  maintenant  le  rôle  du 
directeur  et  comment  il  doit  en  réalité  vouloir  pour  les  ma- 
lades.  » 

6.  —  Le  besoin  d'excitation. 

Le  besoin  de  direction  ne  se  présente  pas  toujours  sous  cette 
forme  simple  que  je  viens  de  rappeler.  Dans  bien  des  cas,  il  est 
évident  que  les  sujets  savent  ce  qu'ils  ont  à  faire  et  ne  deman- 
dent pas  d'indications  h  ce  sujet.  Ce  qu'ils  demandent,  c'est 
simplement  une  excitation  capable  d'enrichir  la  résolution  d'un 
cortège  d'émotions  qui  lui  manquent  afin  qu'elle  ait  la  force  de  se 
réaliser.  «  Dans  des  cas  plus  simples,  disais-je  autrefois  à  ce 
propos,  le  directeur  va  simplement  fortifier  la  résolution  que  le 
malade  avait  déjà  à  peu  près  formulée.  Il  la  fortifie  en  l'enrichis- 
sant, en  y  ajoutant  par  le  fait  même  des  circonstances  dans  les- 
quelles il  se  trouve  placé,  des  détails  et  des  émotions  qui  lui 
faisaient  défaut.  Le  confessionnal,  la  consultation,  le  titre  sacer- 
dotal ou  médical,  et  surtout  la  fameuse  ordonnance  médicale  dont 
tant  de  railleries  n'ont  pu  entamer  la  formidable  autorité,  rendent 
déjà  de  grands  services.  Mais  il  faut  souvent  que  le  directeur 
ajoute  plus  encore,  qu'il  use  de  la  menace,  de  l'ironie,  de  la  caresse, 
de  la  prière,  qu'il  s'adresse  à  tous  les  sentiments  qu'il  sait  exister 
encore  dans  le  cœur  du  sujet  et  qu'il  les  réveille  l'un  après  l'autre 

I.  Névroses  et  Idées  fixes t  I,  p.  470. 

LES  OBS£S8IO?(S.  I.   a5 


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LES  STIGMATES  PSYCIIASTHÉNIQUES 

cer  à  faire  cortège  à  Tidëe  chancelante.  —  Vous  raan- 
i  engagements  qui  maintenant  sont  publics,  vous  serez 
c  yeux  de  Monsieur  un  tel,  vous  affligerez  une  per- 
ous  aimez,  etc.  —  Que  de  fois  j'ai  dû  faire  jo«er  tous 
(  de  la  rhétorique,  pour  obtenir  qu'un  malade  boive 
['eau  ou  change  de  chemise,  comme  s'il  s'agissait 
s  résolutions  les  plus  graves  ^  » 

ides  que  j'ai  cités  dans  le  travail  précédent,  on  peut 
sn  ajouter  beaucoup  d'autres,  je  rappelle  seulement 
le  réclame  pas  seulement  un  directeur,  mais  «  quel- 
excite,  qui  la  remonte,  il  doit  me  secouer  pour  me  faire 
je  sais  bien  devoir  faire.  »  Le  pauvre  Bu...  a  besoin 
le  lui  donne  des  claques  sur  le  derrière,  a  cela  m'ha- 
i  voir  traité  comme  un  petit  enfant  et  cela  me  donne 
îrgie...  ». 

ucoup,  le  rôle  de  l'excitation  est  encore  plus  cunsidé- 
s'agit  plus  seulement  d'une  excitation  particulière  qui 
n  conseil,  afin  de  pousser  à  l'exécution  d'une  action, 
xcitation  quelconque  capable  de  pousser  le  sujet  jus- 
notion.  Ces  malades  éprouvent  très  difficilement  les 
mplètes  et  comme  on  le  verra,  ils  sont  beaucoup  mieux 
rrivent  h  les  éprouver.  Aussi  cherchent-ils  tous  les 
isibles  pour  se  procurer  ces  émotions  et  éprouvent-ils 
tressant  souvent  presque  irrésistible  de  retrouver  la 
îtte  excitation.  De  là  l'origine  du  goût  pour  l'alcool, 
phine,  pour  toutes  sortes  de  poisons.  De  là  ce  besoin 
bien  caractéristique  de  «  faire  des  sottises,  des  excen- 
nporte  quoi  d'étrange  qui  nous  sorte  de  notre  engour- 

jouvent  que  la  cause  de  l'excitation  émotionnante  est 
ne  déterminée   qui  arrive  à  exciter  physiquement  et 

ces  engourdis.  Il  en  résulte  une  passion  particulière 
personne  qui   se  rapproche   des  amours   précédents 

besoin  de  direction  mais  qui  se  développe  par  un  më- 
peu  différent.  Ainsi  la  passion  folle,  obsédante  de  Sim...- 
in  amant  ne  s'explique  guère  par  le  besoin  de  direc- 
;  amant  ne  la  dirige  en  aucune  manière,  mais  elle  s'ex- 
bien  par  la  diflérence  que  la  malade  remarque  entre 

H  Idées  fixes,  I,  p.  470. 


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ES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  387 

VIon  mari  ne  fait  pas  travailler  ma  tète  suf- 
fisamment, il  ne  sait  rien,  ne  m'apprend  rien,  ne  m'étonne  pas. 
J'ai  besoin  qu'on  me  donne  de  nouvelles  idées,  de  nouvelles  im- 
pressions, d'autres  émotions.  Il  ne  sait  pas  me  faire  souffrir  un 
peu  et  je  ne  peux  pr.s  aimer  quelqu'un  qui  ne  sait  pas  me  faire 
souffrir,  car  j'en  ai  besoin  de  temps  en  temps...  L'autre  m'étonne 
par  sa  froideur,  par  sa  cruauté,  par  son  absence  de  tout  senti- 
ment... Un  peu  de  remords,  de  crainte,  rendait  enfin  la  chose  plus 
pimentée  qu'avec  le  mari  et  c'est  là  ce  qui  me  faisait  du  bien.  » 
La  passion  également  maladive  de  Nadia  pour  le  musicien  X... 
serait  inexplicable  si  l'on  n'y  cherchait  que  le  besoin  de  direction, 
puisque  X...  ne  lui  a  jamais  parlé  et  ne  pouvait  aucunement  diri- 
ger son  esprit.  Mais  voici  un  fragment  de  lettre  qui  explique  très 
bien  cette  passion  :  «  Les  concerts  de  X...  ont  été  pour  moi  une 
révélation,  ils  m'ont  tellement  enthousiasmée  que  je  ne  me  suis 
jamais  remise  de  cette  émotion  :  je  ne  puis  pas  expliquer  l'effet 
que  cela  m'a  fait.  Quand  je  suis  sortie  de  la  salle  après  le  premier 
de  ces  concerts,  mes  jambes  et  tout  mon  corps  tremblaient  telle- 
ment que  je  ne  pouvais  plus  marcher  et  j'ai  passé  la  nuit  à  pleu- 
rer... Mais  je  ne  souffrais  pas;  bien  au  contraire  il  me  semblait 
que  je  sortais  d'un  rêve  qui  remplissait  ma  vie  auparavant,  que 
je  voyais  mieux  les  choses  comme  elles  sont,  que  j'étais  dans  un 
véritable  ciel  de  bonheur  (Eu  un  mot,  elle  éprouve  à  ces  concerts 
un  de  ces  sentiments  d'excitation  que  Jean  appelait  un  sentiment 
sublime,  elle  se  trouve  relevée  au-dessus  de  son  apathie  ordi- 
naire). Mon  seul  espoir  pendant  des  années  a  été  de  l'entendre 
de  nouveau  et  d'éprouver  les  mêmes  sentiments.  Je  crois,  en  effet» 
comme  on  me  l'a  tant  reproché,  que  j'ai  eu  une  passion  pour  lui, 
mais  ma  passion  n'est  pas  le  même  genre  de  passion  que  celle  des 
autres  personnes,  de  cela  je  suis  sûre.  Il  me  semblait  avoir  sur 
moi  une  influence  surnaturelle  et  pouvoir  seul  me  tirer  de  mon 
rêve  perpétuel.  »  Je  trouve  cette  lettre  très  intéressante  pour  ex- 
pliquer certains  amours  platoniques  souvent  signalées  chez  les 
obsédés,  il  s'agit  ici  d'une  excitation  artistique  que  la  malade 
aspire  à  retrouver. 

L'excitation  peut  ne  pas  être  produite  par  une  personne  réelle 
et  avoir  cependant  le  même  résultat.  «  J'ai  très  souvent  le  besoin, 
dit  Gisèle  d'aller  voir  la  statue  de  Notre-Dame  des  Victoires,  on 
dirait  que  c'est  chez  moi  une  manie,  c'est  que  cette  statue  a  une 
impression  spéciale  de  force,  cela  me  regrimpe  de  la  regarder.  » 


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388  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÊNIQUES 

Je  signale  à  sa  place  avec  ces  quelques  exemples  ce  singulier 
besoin  d'excitation,  nous  aurons  à  le  discuter  de  nouveau  à  propos 
des  interprétations  de  la  maladie  et  de  ses  traitements. 

7.  —  Le  besoin  d'aimer. 

De  pareils  sentiments  deviennent  facilement  voisins  de  Tamour. 
Quelques  malades  y  échappent,  ils  se  contentent  d'une  direction 
froide  ou  d'un  amour  paternel,  mais  on  comprend  bien  que  beau- 
coup de  ces  personnes  vont  transformer  ces  sentiments  en  senti- 
ments amoureux,  bien  entendu  en  comprenant  l'amour  dune 
certaine  manière.  Gisèle  le  sent  si  bien  qu'elle  médite  perpétuel- 
lement sur  l'amour,  elle  devine  très  bien  les  différentes  espèces 
d'amour:  «  l'amour  qui  donne,  c'est  celui  qui  dirige,  qui  protège 
et  l'amour  qui  se  donne,  c'est  le  besoin  de  s'incarner  en  un  au- 
tre, de  se  donner,  de  s'abandonner,  de  consolider  une  impres- 
sion de  faiblesse  qui  cherche  une  force,  c'est  un  sacrifice  de  sa 
personne  pour  vivre  en  quelque  chose  de  supérieur».  Or  elle 
avoue  très  bien  qu'elle  a  le  second  amour  et  non  le  premier,  car, 
suivant  une  jolie  expression  qu'elle  affectionne,  elle  a  toujours  eu 
«  le  besoin  de  se  blottir». 

On  constate  chez  elle  au  suprême  degré  ce  besoin  immodéré 
de  confession  qui  lui  fait  sans  nécessité  livrer  sa  vie  entière.  A 
plusieurs  reprises  elle  a  essayé  de  se  mettre  sous  la  dirjection  mo- 
rale et  sous  la  dépendance  de  quelqu'un,  le  mari  comme  toujours 
lui  a  semblé  insuffisant  pour  ce  rAle:  «  il  ne  me  comprend  pas  ». 
Son  rêve  «  de  rencontrer  une  volonté  droite  et  ferme  dont  on  peut 
jouir  sans  mal  »  a  semblé  un  moment  satisfait,  quand  elle  a  été 
dirigée  par  un  prêtre;  malheureusement  elle  mêlait  bien  vite  à  sa 
docilité  d'autres  sentiments  et  il  a  fallu  cesser.  C'est  le  malheur 
de  ces  femmes  qui  cherchent  une  direction  morale  et  qui  trouvent 
qu'elle  se  confond  trop  vite  avec  l'amour  physique.  J'ai  déjà  cité 
bien  des  cas  de  ces  personnes  qui  évidemment  ne  s'abandonnent 
que  pour  obtenir  un  maître.  L'histoire  de  Sim...  est  encore  typi- 
que sur  ce  point,  elle  aimait  tant  à  se  sentir  sous  sa  dépendance, 
elle  avait  tellement  besoin  d'un  maître  capable  de  l'exciter  qu'elle 
a  tout  fait  pour  lui  plaire,  sans  même  qu'il  exigeât  beaucoup,  tout 
simplement  parce  qu'elle  espérait  le  retenir  davantage. 

Il  est  curieux  de  remarquer  que  ces  malades  sont  quelquefois 
très  supérieurs   intellectuellement   aux  maîtres   qu'elles  se   don- 


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OTIONS  ET  DES  SE 

nent^elles  sentent  bien  que  c'est  un  imbécile 
si  doux  d'obéir  qu'elles  ne  veulent  pas  prend 
Nous  retrouvons  ce  même  besoin  de  directio 
New...,  chez  Bs...,  chez  Lod...  qui  a  ainsi 
pour  une  jeune  fille,  il  a  existé  chez  Nadia, 
passion  pour  un  grand  musicien  qui  était  d( 
dieu,  qui  représentait  pour  elle  tout  ce  qu'il 
noble,  de  grand  sur  cette  terre,  elle  faisait  t 
elle  consentait  même  à  manger.  Elle  aurait  t( 
voir  le  suivre,  pour  l'avoir  à  elle  toute  seul 
a  la  vie  n'est  rien  pour  moi  si  je  n'ai  pas  qu 
aimer,  à  écouter,  il  me  semble  que  celui  que 
bon  rocher  auquel  je  suis  attachée  au  milieu 
pête  » . 

Rk...  avoue  en  gémissant  ((qu'à4o  ans 
parfait  ami,  qui  dirige  et  qui  console,  < 
plus  que  tout,  un  frère  cadet  qui  ait  plus  de  t^ 
a  été  longtemps  un  amoureux  de  collège  \  il 
pour  plusieurs  de  ses  camarades  dont  il  voi 
très  bien-aimés  »,  encore  a  l'âge  de  4o  ans,  i 
et  à  rencontrer  l'amour.  Toujours  il  est  préc 
a  plu,  s'il  est  aimé;  il  ne  veut  travailler,  fain 
arriver  à  aimer. 

Ce  besoin  d'aimer  me  parait  complexe,  d'i 
comme  on  l'a  bien  vu,  au  besoin  de  directio 
tient  au  besoin  d'excitation.  L'objet  aimé  d 
sortir  de  leur  milieu  morne,  les  relever  pa 
Mais  il  doit  aussi  être  une  cause  d'excitatioi 
qu'il  réclame.  Ces  malades  ont  un  besoin  imr 
parce  qu'il  leur  faut  la  pensée  d'un  but  qui  < 
leur  émotion. 

8. —  Besoin  d*élve  aimé 

Il  me  semble  cependant  que  toutes  l 
malades  ne  s'expliquent  pas  uniquement  pai 
ter  h  autrui  une  direction  ou  une  excitation. 


I.  Sur  les  amours  de  collège,  \o\x  Marro,  Puberté ,  Ir 
qui  tient  grand  compte  du  côté  physique  de  ces  amours 
assez  sur  les  besoins  moraux  que  je  signale  ici. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

ntense  d'être  aîmée  par  son  concierge,  quand  elle 
terreur  à  une  brouille  possible  avec  ses  voisins  ou  à 
ndu  avec  sa  bonne,  il  ne  me  semble  pas  qu'elle 
ime  les  précédentes  demander  une  direction  ou  une 
son  concierge,  à  ses  voisins  ou  à  sa  bonne.  Beaucoup 
ides  comme  Kl...,  Bal...,  Voz...,  Qsa...,  parlent  sans 
îur  besoin  «  de  manières  affables  autour  d'eux,  d'un 
pathique,  »  ils  ont  des  inquiétudes  mortelles  à  la  pensée 
raient  bien  être  indifférents  ou  antipathiques  à  quel- 
mnes  de  leur  entourage  et  alors  ils  prennent  des 
i  inouïes  a  pour  ne  faire  de  la  peine  à  personne,  pour 
claire  à  quelqu'un,  pour  se  faire  pardonner  ce  qu'ils 
oir  de  déplaisant.  »  Wye...  se  demande  avec  angoisse 
jon  effet  sur  les  personnes  du  salon,  si  tout  le  monde 
limable,  il  serait  au  désespoir  d'avoir,  je  ne  dis  pas 
Iqu'un,  mais  d'avoir  déplu  à  quelqu'un.  «  Un  visage 
me  met  au  supplice  et  m'enlève  toutes  mes  forces.  » 
2)  avoue  «  qu'il  n'a  jamais  pu  supporter  la  pensée  que 
était  fâché  contre  lui,  il  voudrait  être  convaincu  de  la 
de  tous,  vivre  dans  une  atmosphère  de  sympathie.  » 
ment  n'est  évidemment  pas  identique  au  précédent, 
s  ne  demandent  rien  aux  personnes  qui  les  envi- 
mais  je  crois  qu'ils  craignent  quelque  chose.  Ils 
me  hostilité,  une  lutte  qui  exigerait  de  leur  part  des 
)ans  ce  besoin  de  sympathie  universelle,  me  disait  très 
,  un  jeune  homme  de  22  ans,  il  y  a  tout  simplement  la 
ir  à  se  battre,  n'est-ce  pas  horrible  de  sentir  qu'on  est 
ence  avec  quelqu'un.  » 

ment  se  manifeste  souvent  dans  les  rapports  des  maîtres 
>mestiques.  Un  très  grand  nombre  de  ces  malades  ont 
Lude  de  ne  jamais  parler  eux-mêmes  à  leurs  domesti- 
...  prend  toujours  sa  femme  comme  intermédiaire  pour 
)der  la  moindre  des  choses.  C'est  évidemment  la  peur 
rer  des  résistances,  d'avoir  à  commander,  à  lutter  qui 
dans  ces  cas. 

:endu  cette  crainte  de  la  lutte  peut  se  mêler  avec  tous 
ents  précédents  et  constituer  certains  «  besoins  d'être 
LIS  ou  moins  complexe.  Voici  l'expression  touchante 
s  sentiments  :  «  Mon  rêve,  dit  Qi...  femme  de  35  ans, 
e  une  jeune  fille  phtisique,  htre   poitrinaire,    que  ce 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  Dl 

serait  charmant!  On  donne  aux  poitrina 
on  les  gâte,  on  n'exige  rien  d'eux  ave 
voudrais  tant  être  aimée  ainsi,  et  surto 
le  temps,  qu'on  me  le  fasse  sentir,  qu 
c'est  bien  vrai.  » 


g.  —  La  crainte  de  l'a 

Un  autre  aspect  de  ces  mêmes  sentin 
l'isolement.  J'ajoute  seulement  quelque 
j'ai  déjà  signalés  dans  un  autre  travail.  D 
maladie  :  «  mes  souffrances  viennent  d'i 
du  cœur...  tous  les  actes  deviennent  fac 
de  soi  et  impossibles  quand  on  est  seul. 

Pou...  est  si  malheureuse  quand  elle  i 
manger  et  ne  mange  qu'en  société.  On 
une  série  de  ces  femmes  :  Lkb...,  Fy... 
gémissent  de  leur  isolement,  a  Leur  mai 
il  est  sombre,  il  ne  cause  pas  assez,  il  r 
le  craignais  un  peu,  cela  vaudrait  plutôt 
tant  pas  vivre  seule.  »  ce  Quand  je  suis  s 
dans  le  vague,  il  me  semble  que  je  n'î 
devient  drôle  et  j'ai  peur  de  tout  et  de 

Ce  que  ces  personnes  redoutent  qua 
seules  c'est  de  se  trouver  sans  direction 
protection. 

lo.  —  Le  retour  à  l'en 

Un  degré  de  plus  et  ces  sentiments  s 
ner  au  caractère  un  aspect  bien  singuli* 
une  sorte  de  comédie,  ils  se  font  petits, 
Tignorance  complète  et  aiment  à  passer 
C'est  qu'ils  veulent  être  dirigés  encore 
autres,  c'est  qu'ils  désirent  aussi  une 
amène  à  tous  les  actes,  à  tous  les  ph 
voies.  Ils  veulent  que  non  seulement  o 
à  faire,  mais  qu'on  les  amuse,  qu'on  les 
jouer  aussi  bien  que  travailler;  en  un  r 
traite  comme  des  petits  enfants  et  ils 
traitement. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTIIÉNIQUES 

I  ao  ans,  ne  quitte  pas  les  jupons  de  sa  mère  et  «  il  veut 
gronde  comme  son  bébé.  »  Ger...,  à  35  ans,  réclame 
ion  d'enfants,  c'est  là  qu'elle  serait  le  mieux  ».  Gisèle, 
aime  «  à  faire  Tenfant  avec  les  gens,  c'est  un  pli  qu'elle 
i  facilement».  Gr...,  femme  de4oans,  avoue  elle-même 
besoin  de  se  croire  h  Tage  de  i6  ans,  qu'il  lui  faut 
;es  parents  auprès  d'elle  comme  auprès  d'une  petite 
.  C...,  femme  de  25  ans,  voudrait  que  l'on  s'occupât 
tamment  comme  d'un  petit  enfant,  il  ne  lui  semble  pas 
grandi.  On  a  déjà  vu  ce  caractère  chez  Nadia  à  propos 
e  du  corps,  si  elle  a  peur  de  se  développer,  de  voir  sa 
'ossir,  ce  n'est  pas,  comme  on  le  croirait,  par  pudeur, 
le  a  peur  de  paraître  plus  âgée,  de  ne  plus  être  traitée 
petite  fille,  de  ne  plus  être  aimée  comme  une  enfant; 
8  ait  trente  ans,  elle  ne  peut  croire  qu'elle  ait  plus  de 

on  obtient  tout  d'elle  en  la  traitant  en  petit  enfant.  Au 
le  même  besoin  qui  existe  chez  Jean,  il  veut  non  seule- 
n  le  dirige,  mais  il  veut  qu'on  lui  dicte  tout  «  il  lui 
'il  serait  si  heureux  s'il  était  comme  un  petit  enfant 
îoux  d'une  grande  personne  ». 
.^ation  la  plus  remarquable  est  celle  de  Qi...(i88),  femme 

qui  est  poursuivie  par  le  désir  de  sauter  à  la  corde,  de 
i  cheveux  courts,  de  les  laisser  flotter  dans  le  dos  el 
l'être  appelée  «  Nénette  ».  Évidemment  il  y  a  là  une 
mais  elle  s'est  développée  sur  le  caractère  précé- 
>n  aime  un  enfant  pour  ses  espiègleries,  dit-elle  sans 
ir  son  bon  petit  cœur,  pour  ses  gentillesses,  et  que 
de-t-on  en  retour,  de  vous  aimer,  rien  de  plus.  C'est 
est  bon,  mais  je  ne  puis  pas  dire  cela  à  mon  mari,  il 
«prendrait  pas.  Tenez,  je  voudrais  tant  être  encore 
)ir  un  père  ou  une  mère  qui  me  tiendrait  sur  ses  ge- 

caresserait  les  cheveux...  mais,  non,  je  suis  Madanb, 
imille,  il  faut  tenir  son  intérieur,  être  sérieuse,  réflé- 
î   seule,   oh  quelle  vie  !  » 

II.  —  L'amour  de  l'honnêteté, 

s  sentiments  dérivent  de  ceux-ci.  Je  n'insiste  pas  dans 

sur  les  sentiments  mystiques,  car  je  compte  reprendre 

dans  un  travail  sur  les  extatiques.  On  comprend  que 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  313 

ce  besoin  de  direction  et  d'excitation  par  ce  qui  est  étrange,  mys- 
térieux conduise  aux  sentiments  religieux  amène  à  s'abandonner 
amoureusement  à  la  divinité.  On  retrouve  souvent  le  germe  de 
pareils  sentiments  chez  des  scrupuleux  bien  loin  de  l'état  exta- 
tique, nous  avons  vu  Gisèle  chercher  de  l'énergie  dans  la  contem- 
plation d'une  statue  de  la  Vierge.  Bal...,  Fy...  se  plaisent  dans 
la  pensée  de  la  mort  et  de  l'autre  vie  ce  où  le  bon  Dieu  recueille 
les  petites  âmes  ».  Ces  sentiments,  en  se  développant,  donnent 
à  la  maladie  un  caractère  un  peu  spécial. 

Dans  ce  travail  je  signale  surtout  les  sentiments  d'honnêteté 
parce  qu'ils  ont  un  rapport  plus  étroit  avec  les  obsessions  crimi- 
nelles qui  sont  l'objet  de  cette  étude.  On  est  frappé  de  constater 
chez  les  individus  de  ce  groupe  des  sentiments  moraux  extraordi- 
nairement  développés.  Ils  tiennent  énormément  à  être  très  sin- 
cères, Rk...,  Nadia  ont  l'horreur  du  mensonge  et  protestent  avec 
indignation  dès  qu'on  peut  les  soupçonner  d'une  petite  fausseté. 
11  est  évident  que  Nadia  ne  comprend  pas  les  complaisances  so- 
ciales qui  obligent  souvent  h  farder  la  vérité  :  elle  s'en  indigne 
outre  mesure.  On  est  frappé  de  l'honnêteté  de  Toq...,  de  Brk... 
a  Je  n'ai  pas  de  mérite  à  être  honnête,  dit  celle-ci,  si  quelque 
chose  dans  ma  conduite  déplaisait  h  ma  conscience  scrupuleuse 
je  serais  trop  malheureuse,  la  vie  me  serait  trop  pénible.  »  Kl..., 
Bal...  ont  pour  un  rien  le  sentiment  de  la  justice  violée.  Voz...  ne 
peut  pas  se  résigner  h  être  reçu  à  un  examen,' tandis  qu'un  autre 
de  ses  camarades  est  refusé,  parce  que  cela"  ne  lui  semble  pas  ab- 
solument juste.  Sur  ce  point  l'état  d'esprit  des  scrupuleux  justifie 
leur  nom. 

Que  faut-il  penser  de  ces  beaux  sentiments  de  justice  ?  Ne 
pourrait-on  pas  songer  que  la  justice  est  surtout  utile  aux  faibles 
et  que  Thonnêteté  est  surtout  nécessaire  à  ceux  qui  ne  veulent 
avoir  d'affaires  avec  personne?  N'est-ce  pas  trop  rabaisser  ces 
beaux  sentiments  que  de  remarquer  leur  rapport  étroit  avec  le 
besoin  d'être  protégé  et  la  crainte  de  la  lutte  ? 

12.  —  Le  besoin  d'autorité. 

Un  sentiment  plus  curieux  qui  semble  au  premier  abord  en 
contradiction  avec  les  précédents  c'est  le  besoin  excessif  d'auto- 
rité et  de  commandement.  Ce  sentiment  et  cette  tendance  carac- 
térise ce  qu'on  appelle  «  des  autoritaires  ».  Il  nous  semble  avoir 


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LES  STIGMATES  PSYGHASTHÉNIQUES 

ès  peu  analysé  et  être  en  général  très  mal  compris  par  les 
lologues. 

nstatons  d'abord  qu'il  existe  très  fréquemment  chez  les 
idus  névropathes,  plus  ou  moins  obsédés  et  qui  ont 
sèment  toutes  sortes  de  troubles  de  l'attention  et  de  la  vo- 
.  Nadia  dans  sa  famille  était  devenue  tout  à  fait  intolérable  : 
is  son  enfance  elle  se  vantait  de  n'obéir  à  personne  et  de 
obéir  tout  le  monde.  «  Personne  au  monde  ne  réussira  à 
de  l'influence  sur  moi,  je  suis  née  avec  un  caractère  très  do- 
teur.  »  Depuis  la  mort  de  sa  mère  qui  la  dirigeait  encore  un 
elle  tourmentait  affreusement  son  père  et  ses  sœurs,  elle 
ait  d'eux  une  obéissance  de  tous  les  instants  à  ses  caprices 
lies;  elle  avait  évidemment  une  tendance  h  leur  imposer  la 
5  vie  absurde  qu'elle  avait  adoptée  pour  elle-même.  Elle  ne 
ettait  pas  h  ses  sœurs  de  recevoir  une  visite,  de  s'habiller 
sortir  :  un  peu  plus  elle  leur  aurait  imposé  le  même  régime 
ntaire  qu'elle  avait  choisi.  Quand  on  lui  résistait  quelque 
elle  accusait  tout  le  monde  d'injustice,  de  cruauté  envers 
ît  se  livrait  à  des  scènes  de  violence.  Gisèle  et  Sim...  ont  la 
9  prétention  singulière,   c'est  de   dominer   absolument  leur 

de  lui  faire  faire  tout  ce  qu'elles  veulent,  de  régler  toute 
ison  conformément  à  leurs  caprices  :  elles  sont  convaincue^, 
a  tort  cependant,  que  le  mari  n'a  aucune  volonté,  aucune 
rie  et  qu'il  est  parfaitement  incapable  de  leur  résister.  D'ail- 

elles  montrent  dans  l'organisation  de  la  maison  une  activité 
*antc,  courant  partout,  s'occupant  de  tout,  dictant  à  chacun 
étions,  son  attitude,  jusqu'à  ses  idées.  «  Elle  ne  peut  pas 
Br,  me  disait  le  mari  de  l'une  d'elles,  chez  moi,  chez  ses 
its,  chez  aucune  des  personnes  qui  l'approchent  un  mot,  un 

qu'elle  n'ait  pas  dicté.  »  Je  retrouve  Ip  même  caractère 
Fy...  (34)  et  chez  beaucoup  d'autres.  J'ai  été  étonné  de  le 
>ntrer  sinon  chez  les  malades  elles-mêmes  au  moins  chez 
arents,  chez  la  mère  surtout  des  malades  à  un  tel  point  que 
hié  disposé  h  dire  :  «  nière  autoritaire,  fille  scrupuleuse  ». 
ère  de  Ku...,  de  Zo...,  de  Sim...  elle-même,  semblent  avoir 
sme  égoïsme  implacable  qui  commande  jusqu'aux  plus  petits 
Is  et  qui  en  même  temps  inspire  une  ardeur  infatigable  à 
uper  de  ces  petits  détails  qu'on  exige, 
ailleurs  ces  autoritaires  formeront  deux  groupes  dont  la  dis- 
ion  offre  ici   peu   d'intérêt  :    l'autoritaire  violent  qui  veut 


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TROUBLES  DES  ÉMOTIONS  ET  DES  SENTIMENTS  395 

imposer  ses  pensées  et  ses  caprices  par  la  force  et  l'autoritaire 
<loux  qui  exige  en  gémissant  au  nom  du  respect,  de  Taffection 
qu'on  lui  doit,  qui  déclare  à  chaque  instant  qu'on  le  fait  mourir 
•de  chagrin  si  on   montre  la  moindre  indépendance. 

Ce  caractère  a  beaucoup  attiré  mon  attention,  et  au  début  il  me 
paraissait  fort  inexplicable,  en  contradiction  avec  ce  que  je 
savais  de  la  volonté  faible  de  ces  malades,  avec  ces  innombrables 
besoins  de  direction,  besoins  d'être  aimé  qui  caractérisaient  les 
mêmes  scrupuleux.  Le  plus  étrange,  en  effet,  c'est  que  ces  deux 
besoins  en  apparence  contradictoires  coïncident  très  souvent 
chez  la  même  personne.  Chez  Sim...  et  chez  Gisèle  on  voit  cette 
folie  de  commander,  mais  en  même  temps  on  observe  un  besoin 
également  fou  d'être  aimé  par  tout  le  monde,  et  un  désespoir 
quand  les  personnes  tourmentées  par  elles  ne  manifestent  pas 
en  retour  une  grande  affection.  La  mère  de  Sim...  battait  ses 
enfants  si  elles  avaient  eu  quelque  indépendance  dans  un  minus-; 
cule  détail  et  l'instant  suivant  se  mettait  à  pleurer  parce  que  ses 
enfants  ne  paraissaient  pas  l'aimer  suffisamment. 

Bien  mieux,  ces  mêmes  malades  nous  ont  déjà  présenté  la 
folie  de  Tobéissance.  Nadia  quand  elle  m'eut  connu  quelque 
temps  me  fit  un  jour  un  compliment  qui  m'a  beaucoup  flatté  : 
«  Vous  êtes  une  personne  encore  plus  entêtée  que  moi,  je  n'au- 
rais pas  cru  que  cela  fût  possible.  »  Elle  est  enchantée  de  l'avoir 
trouvée  cette  personne,  non  seulement  elle  lui  obéit  mais  elle 
veut  lui  obéir  encore  plus  comme  un  petit  enfant,  tandis  qu'elle 
reste  extrêmement  exigeante  vis-à-vis  de  son  père  et  de  ses  sœurs. 
Sim...  se  donne  à  un  amant  pour  avoir  un  maître  et  elle  est 
enchantée  de  son  incroyable  dureté.  Nous  avons  vu  Gisèle 
chercher  un  maître  en  se  confiant  à  un  prêtre.  On  trouvera  simul- 
tanément chez  ces  personnes  un  autoritarisme  effréné  pour  une 
partie  de  leur  famille  et  une  soumission  ridicule  vis-à-vis  d'un 
fils  ou  d'un  étranger. 

Ces  caractères  nous  montrent  qu'il  ne  s'agit  pas  là  d'une  véri- 
table puissance  de  la  volonté.  Les  grands  volontaires  sont  des 
chefs,  et  ne  sont  pas  des  autoritaires  :  tout  le  monde  en  a  senti 
la  différence.  Ils  commandent  les  grandes  choses,  en  inspirant 
une  direction  générale  à  la  conduite  et  surtout  en  commandant 
d'une  façon  avantageuse  pour  leurs  subordonnés;  les  autoritaires 
commandent  dans  les   petites  choses  plus  que  dans  les  grandes. 


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STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

direction  générale  et  laissent  trop  voir  que  le 
ujours  pour  objet  leur  propre  intérêt  et  non 

commandement  ne  parait  être  exactement  la 
de  leur  obéissance  :  la  difficulté  de  leur  adap- 
1.   Ce  sont  des  gens  d'activité  mentale  faible^ 

nouveau  d'adaptation,  d'organisation  est  pe- 
int éprouvent    au    suprême  degré    le   besoin 

ordonnée.  Ils  veulent  que  les  autres  fassent 
moins  leur  facilitent  la  tâche.  Au  lieu  de  se 
eu  ambiant  comme  fait  l'être  qui  s'adapte,  ils 
leu  ambiant  se  modèle  sur  eux,  pour  qu'ils 
er.  Nous  avons  vu  que  le  milieu  le  plus  embar- 
ipuleux,  c'est  le  milieu  social  ;  les  variations 
usent  ses  timidités  et  toutes  ses  crises  d'an- 
leu  social  qu'il  veut  modeler  sur  lui-même  et 
rfaite  conformité  avec  ses   propres  manières 

;s  exagérés  qui  feront  comprendre  ma  pensée, 
on  bureau  et  essaye  de  fixep  son  attention 
voici  qui  entre  dans  une  crise  de  fureur  parce 
iomestique  qui  balaye  une  pièce  à  côté.  Le 
strait,  et  évoque  dans  son  esprit  des  images 
que  sa  lecture  et  en  raison  de  sa  faiblesse 
e  de  lire.  Il  veut  édicter  que  dans  la  maison 

lire  en  même  temps  que  lui.  Vk...  ne  peut 
iver  les  mains,  parce  que  de  sa  chambre  elle 
5  qui  fait  couler  de  l'eau  sur  l'évier:  «  que 
tte  eau  ?  Quelque  chose  de  sale  assurément, 
idées  d'eau  de  vaisselle,  de  graillon    et  vous 

cela  m'empêche  de  prendre  l'idée  que  mes 
.  Je  voudrais,  si  cela  était  possible,  que  touk 
z  la  maison  du  haut  en  bas  fasse  des  choses 
herche  à  me  laver  les  mains.  »  Ces  deux  cas 
p,  car  ils  me  semblent  expliquer  le  mécanisme 
Zes  faibles  d'esprit  ne  peuvent  pas  faire  une 
le  chose,  jouir  d'une  chose,  si  les  autres 
même  temps  quelque  autre,  en  croient  quelque 
mmes  ont  une  autre  jouissance.  De  là  ce  besoin 
ité  ;  de  là  aussi  ce  mélange  étrange  du  besoin 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 


TROISIÈME  SECTION 


LES    INSUFFISANCES    PHYSiOLOGIQUBS 


le  psychasthéniqiies  préoccupés  de  leurs  obsessions^ 
ies  mentales  ou  de  leurs  phobies  ne  se  plaignent  que 
i  psychologiques  et  Tobservateur  pourrait  être  dis- 
ier  abord  à  croire  simplement  a  une  maladie  de 
Eiins  malades,  au  moins  pendant  un  certain  temps, 
te  illusion.  Rk...  est  un  homme  de  4o  ans,  grand, 
frais,  sans  troubles  physiologiques  apparents,  il  n'a 
3ules  et  des  manies  de  recherche  qui  suflisent  à  le 
s  c'est  là  une  exception  très  rare  et  peut-être  plus 
3  réelle  ;  le  plus  souvent  un  examen  attentif  révélera 
troubles  physiologiques  qui  font  de  Tétat  psychas- 
5  maladie  de  tout  l'organisme. 

lit  trop  insister  sur  ce  point  essentiel  :  les  obsédés 
rdage,  par  la  description  interminable  de  leurs  pen- 
inaires  détournent  le  médecin  de  l'examen  organique 
jamais  être  négligé.  Leur  aspect  physique  est  pres- 

caractéristique  i  ils  sont  très  souvent  amaigris, 
et  ont  les  traits  tirés,  leur  peau  sèche  a  un  mauvais 
angue  est  saburrale,  leur  haleine  est  mauvaise  et 
urs  cet  aspect  physique  se  modifie  complètement  en 
qu'ils  retrouvent  le  calme  de  l'esprit.  En  un  mol, 
t  l'interprétation  que  l'on  donne  de  leur  état  men- 

pas  oublier  qu'ils  sont  surtout  et  avant  tout  des 


-  Troubles  des  fonctions  nerveuses. 

tous  les  troubles  précédemment  étudiés,  obsessions, 
isufGsances  psychologiques  étaient  en  rapport  avec 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  NERVEUSES  399 

des  troubles,  des  foDctions  cérébrales,  mais  ils  constituaient  sur- 
tout des  troubles  psychologiques.  Il  faut  placer  à  côté  des 
troubles  des  fonctions  physiologiques  du  système  nerveux,  trou- 
bles encore  peu  connus  mais  qui  serviront  sans  doute  plus  tard 
pour  interpréter  les  précédents. 

I.  —  Céphalalgies  et  rachialgies. 

Un  premier  fait,  des  plus  importants,  nous  montre  que  ces 
troubles  de  l'esprit  sont  en  rapport  avec  un  fonctionnement  anor- 
mal, une  altération  pathologique  du  cerveau.  Ce  sont  les  douleurs 
que  la  plupart  des  malades  ressentent  dans  la  tête. 

Ces  douleurs  sont  toujours  situées  par  eux  dans  la  tête,  mais  là 
s^iirréte  leur  accord  :  il  y  a  une  diversité  surprenante  dans  la  des- 
cription des  formes  ou  des  modalités  de  celte  douleur  et  dans  le 
siège  qu'ils  lui  attribuent.  Il  est  bien  probable  que  dans  ces  des- 
criptions imagées  il  y  a  beaucoup  de  choses  insignifiantes.  On 
s'en  rendra  compte  plus  tard,  quand  on  saura  la  véritable  raison 
de  ces  douleurs,  nous  en  sommes  encore  à  la  période  empirique 
des  anciens  médecins  qui  notaient  avec  précision  les  caractères  du 
pouls  capricant  et  du  pouls  duriuscule,  nous  sommes  obligés  de 
recueillir  telles  quelles  les  expressions  des  malades. 

Si  nous  nous  occupons  en  premier  lieu  de  la  forme,  des  modalités 
de  la  douleur  nous  avons  d'abord  ceux  qui  ont  peu  d'imagination 
et  qui  disent  simplement  qu'ils  ont  mal  à  la  tète,  qu'ils  ressentent 
une  gène,  une  douleur  plus  ou  moins  grave  dans  la  tête.  Nous  au- 
rons ensuite  ceux  qui  parlent  d'engourdissement  «  j'ai  la  cervelle 
paralysée»  (Bsn...  lo).  «  J'ai  la  tête  engourdie  »  (Claire)  «  il  y  a 
un  coin  de  ma  tète  qui  est  engourdi  et  qui  a  envie  de  dormir  » 
(Vod...  2o3),  a  j'éprouve  une  sorte  de  torpeur  (Dob...  86)  ». 

Un  certain  nombre  de  malades  se  plaignent  de  phénomènes  de 
mouvement  dans  la  tète  «  il  y  a  comme  des  corps  étrangers  qui 
courent  sous  la  peau  du  crâne,  et  a  l'intérieur  des  effets  bizarres, 
des  contractions,  des  torsions,  des  écartements  qui  poussés  à 
un  certain  point  sont  tout  à  fait  angoissants  »  (Gisèle).  Jean  sent 
«  comme  s'il  avait  des  objets  qui  tournent  dans  le  cerveau  sans 
qu'il  puisse  les  arrêter,  des  roues,  des  poulies,  des  ailes  de  mou- 
lin ;  il  ne  voit  rien,  il  n'entend  rien,  il  sent  qu'il  y  a  une  petite 
poulie  qui  tdlirne  ». 

D'autres  sensations  peuvent  être  comparées  à  des  démangeai* 


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LES  STIGMATES  PSYCliASTHÉNIQUES 

me  semble,  dit  Mt...  (12),  que  Ton  m'arrache  des  mu- 
le sommet  de  la  tète  ou  bien  je  sens  comme  des  four- 
tête.  »  Ck...  sent  des  tiraillements  au-dessus  du  crâne 
i  un  fil  invisible  le  coulissait  )). 

ivons  aux  malades  très  nombreux  qui  traduisent  leurs 
s  par  des  sensations  sonores  et  qui  ont  des  bruits,  des 
ts  dans  la  tête  (Lap...,  Qb...  i4),  des  crépitements 
observation  la  plus  intéressante  à  ce  point  de  vuese- 
e  Fr...  (69)  à  laquelle  je  renvoie  :  il  a  toujours  des 
i  la  tête  tantôt  très  forts  quand  il  a  subi  une  fatigue 
î,  siHlets  de  chemin  de  fer,  coups  de  pistolet,  cloches, 
uand  il  est  reposé  des  bruits  plus  faibles,  une  cas- 
,  le  train  qui  passe,  Teau  bouillante,  le  chant  de  la 
puis  4  ans  ces  bruits  n^ont  jamais  cessé.  Il  ne  faut 
Ire  ces  bruits  avec  les  bourdonnements  ou  les  sifBe- 
résultent  des  véritables  maladies  de  Toreille  et  surtout 
ise  de  l'oreille  moyenne,  car  ces  personnes  n'ont  aucun 
d'une  lésion  de  l'oreille.  J'ai  tenu  à  faire  examiner  avec 
le  dernier  malade  Fz...  par  M.  Gellé  qui  m'a  assuré 
e  était  intacte.  D'ailleurs  ces  bruits  ne  sont  pas  situés 
reilles  mais  dans  la  tète,  c'est  encore,  si  je  ne  me 
e  interprétation  analogue  aux  précédentes  des  mêmes 
s  cérébraux. 

e  aussi  les  impressions  de  froid  (Gisèle)  qui  dure  pen- 
ures  ou  celles  plus  fréquentes  de  chaleur  anormale, 
ssèche  le  cerveau  en  le  chaufiant  (Dob...).  » 
>  impressions  plus  fréquentes  encore  il  faut  noter  celle 
ir  :  <(  c'est  une  barre  pesante  sur  la  tête,  un  bandeau, 
me  de  plomb,  une  meurtrissure  par  un  poids,  une 
de  (Gisèle,  Dob...,  etc.),  une  brique  lourde  en  travers 
Lag...,  Qb...).  »  C'est,  en  un  mot,  le  casque  classique 
:héniques. 

intéressante  des  expressions,  celle  qu'on  retrouve  à 
hez  la  moitié  des  malades,  seule  ou  surajoutée  aux 
elle  de  vide.  «  Ma  tète  est  vidée»  (Al...  i5,  Day..., 
.  «  Ma  tète  est  vide,  dit  Ver...,  c'est  comme  si  je 
de  tête  ou  plutôt  rien  dans  la  tète.  »  Lise  prétend 
besoin  de  combler  ce  vide  avec  ses  idées  »  et  Claire 
le  «  la  tète  est  vide  et  en  même  temps  remplie  par 
pesant,  ce  sont  les  mauvaises  idées    qui  forment  ce 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  NERVEUSES  401 

caillou   au  milieu   du  vide  »,  on  remarque  l'analogie  entre  ces 
deux  malades. 

Après  la  forme  de  cette  douleur  ce  qui  est  très  intéressant 
à  relever  c'est  sa  localisation.  Remarquons  d'abord  qu^elle  est 
très  rarement  latérale  ;  je  n'ai  remarqué  qu'un  petit  nombre  de 
malades  prétendant  souffrir  plus  d'un  côté  que  de  l'autre  :  Vod... 
(2o3),  Claire,  Lise,  disent  quelquefois  qu'elles  souffrent,  qu'elles 
sont  engourdies,  qu'elles  ont  des  brûlures  surtout  a  droite.  Gisèle 
sent  un  liquide  qu'on  injecte  à  droite,  Fz..,  a  plus  de  bruits  à 
droite,  la  tète  semble  à  Lise  grossir  à  droite.  Deux  de  ces  mala- 
des :  Claire  et  Lise,  avaient  déjà  certains  troubles  légers  de  la 
sensation  cutanée  situés  également  à  droite,  on  ne  peut  donc  pas 
faire  intervenir  ici  le  croisement  des  hémisphères. 

Quelquefois  la  douleur  est  générale  dans  toute  la  tête,  souvent 
elle  est  plutôt  superficielle  Lise,  remarque  que  ce  n^est  pas  très 
profond,  il  lui  semble  que  cela  descend  à  mesure  qu'elle  est  plus 
malade.  Mais  la  plupart  des  localisations  dans  l'immense  majorité 
des  cas  se  font  sur  la  ligne  médiane. 

Nous  avons  d'abord  un  premier  groupe  de  malades  qui  situent 
cette  douleur  sur  le  front,  le  malade  de  Bail  disait  déjà  qu'il  avait 
une  gêne  sur  le  front,  entre  les -yeux,  au  haut  du  nez.  Fie...  a  une 
compressionau  milieu  du  front,  Brk. . .  (24)» Vod. . .  ont  un  poidsentre 
les  yeux  sur  la  racine  du  nez,  comme  un  frein  que  l'on  serre. 
Car...  (176)  une  brûlure  au  front,  au-dessus  des  sourcils,  elle 
croit  aussi  à  une  prédominance  h  droite. 

Une  localisation  déjà  beaucoup  plus  fréquente  c'est  celle  du 
vertex,  la  douleur  est  analogue  au  fameux  clou  des  hystériques. 
Lobd...  (22)  se  demande  si  sa  mère  ne  lui  a  pas  donné  des  coups  à 
cet  endroit  quand  elle  était  petite,  elle  a  remarqué  elle-même 
que  c'était  la  place  de  la  fontanelle  des  petits  enfants.  Vod..., 
Claire  ont  «  la  tête  tout  écalée  à  cet  endroit  »,  Lise  y  sent  comme 
une  grosseur,  etc.  On  pourrait  évidemment  citer  à  propos  de  la 
douleur  du  vertex  un  bon  tiers  des  malades. 

Nous  arrivons  à  la  localisation  de  beaucoup  la  plus  fréquente  : 
la  localisation  occipitale.  Tantôt  elle  est  vague,  a  je  souffre  en 
arrière  de  la  tête  »  (Brk. . .),  «  j'ai  une  calotte  de  plomb  en  arrière  » 
(Vi...)  «  c'est  le  derrière  de  la  tête  ma  région  mauvaise  où  il  y  a 
une  griffe,  un  poids  et  où  se  font  entendre  tous  mes  bruits  »  (Fr. . .). 
Ml...,  Jean,  Cs...,  Gisèle  localisent   leurs   phénomènes   bi/arres 

LES  OBSESSIONS.  I.   —    a6 


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LES  STIGMATES  PSVCIlASTHÉNIQUES 

à  rocciput.  Tantôt  la  localisation  occipitale  présente 
;  de  précision  ;  beaucoup  de  malades  comme  Gisèle, 
Rai...  désignent  avec  le  doigt  un  point  situé  sur  la  ligne 
[uelques  centimètres  au-dessus  de  la  bosse  occipitale 
arait  correspondre  au  point  lambda  des  anatomistes, 
rencontre  des  sutures  occipito-pariétales.  Fy...  pré- 
[ju'elle  a  eu  longtemps  comme  des  petits  boutons  h  ce 
...  prétend  que  ce  point  se  creuse  sous  les  coups  de 
elle  y  ressent  perpétuellement.  Cette  localisation  me 
les  scrupuleux  encore  plus  fréquente  que  les  prccé- 
crois  qu'elle  existe  dans  près  de  la  moitié  des  cas. 

ut  guère  avoir  la  prétention  d'expliquer  actuellement 
le  de  ces  douleurs  bizarres,  il  n'est  pas  vraisemblable 
des  apprécient  directement  par  des  sensations  l'état 
tance  cérébrale,  ils  ne  l'apprécient  qu'indirectement 
iencc  de  leurs  opérations  mentales,  ce  qui  fait  naître 
timents  anormaux  que  nous  avons  décrits.  Je  ne  crois 
puisse  expliquer  la  sensation  de  vide  par  la  perte 
i  sensations  produites  normalement  par  le  cerveau 
ur  Ver...  qui  présentait  cette  impression  au  suprême 
li  pu  constater  aucun  trouble  des  sensations  que  pro- 
aire  la  tête  :  il  n'y  a  aucune  anesthésie  des  téguments 
Il  ne  semble  pas  non  plus  avoir  des  troubles  des  sen- 
ids  de  la  tête.  Le  malade  sent  très  bien  un  poids  que 
sa  tête,  il  discerne  les  yeux  fermés  les  inclinaisons 
lunique  à  sa  tête.  Autant  que  l'on  peut  le  dire  il  me 
i,  qu'il  a  conservé  une  certaine  sensibilité  interne  : 
e  le  placer  pendant  quelque  temps  la  tête  en  bas,  il 
tout  le  monde  l'afflux  du  sang,  la  chaleur  et  la  pesan- 
e.  Pour  vérifier  davantage  la  sensibilité  de  la  surface 
audrait  lui  ouvrir  la  tête,  mais  ces  observations  sufli- 
e  l'on  puisse  considérer  comme  tout  à  fait  hypothé- 
prétation  qui  attribue  dans  ces  cas  ce  sentiment  de 
lesthésie  cérébrale  spéciale  :  il  ne  faut  pas  résoudre 
s  par  des  anesthésies  invérifiables  et  imaginaires. 
,  LI. . .  (226),  me  suggérait  sa  propre  explication  qui  m'a 
;antc  :  »  quand  nous  disons  que  la  tête  est  vide  ce  n'est 
;  sentions  quelque  chose  de  particulier  en  dedans, 
is  sentons  d'une  manière  douloureuse  les  enveloppes 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  NERVEUSES  403 

do  cerveau,  le  crâne  et  la  peau,  cette  sensation  anormale  du  crâne 
attire  Tattention  sur  la  périphérie  et  nous  fait  remarquer  le  vide 
en  dedans.  Quand  je  ne  sens  plus  mon  crâne,  je  n'ai  plus  Tidée  de 
vide.  »  L*explication  de  ce  malade  vaut  au  moins  autant  que  la 
plupart  de  celles  qui  ont  été  proposées. 

Il  semble  aujourd'hui  probable  que  la  sensibilité  intracrâ- 
nienne  n'existe  que  dans  les  méninges,  dans  le  périoste  et  dans 
les  os  du  crâne;  il  en  résulte  que  la  plupart  des  maux  de  tête 
sont  dus  à  des  modifications  qui  atteignent  les  méninges  et 
en  particulier,  comme  les  belles  études  de  M.  Sicard  viennent 
de  le  montrer,  a  des  modifications  dans  la  tension  du  liquide 
céphalo-rachidien.  Il  faut  donc  supposer  que,  soit  en  raison  de  trou- 
bles sécrétoires  ou  de  troubles  vaso-moteurs,  le  liquide  céphalo- 
rachidien  est  en  quantité  exagérée  ou  insuffisante  ;  cette  suppo- 
sition n'a  rien  d'absurde  si  on  songe  à  tous  les  troubles 
sécrétoires  et  vaso-moteurs  que  nous  allons  observer  da  côté  de  la 
peau,  des  muqueuses  et  surtout  de  l'estomac.  Pourquoi  les  petites 
glandes  récemment  découvertes  et  qui  sécrètent  le  liquide  céphalo-" 
rachidien  ne  seraient-elles  pas  également  troublées  ? 

Cette  modification  de  la  tension  du  liquide  céphalo-rachidien 
est  aussi  probablement  en  rapport  avec  des  troubles  circulatoires. 
Angel,  en  i884,  rapportait  les  vertiges  de  la  neurasthénie  à  des 
congestions  d'origine  vaso-motrice^  et  il  démontrait  la  surdis- 
tension du  sang  dans  le  cerveau,  par  l'étude  d'un  trouble  vaso- 
moteur  observé  à  la  périphérie  sur  lequel  nous  reviendrons  à 
propos  de  la  circulation.  L'afTaiblissement  du  tonus  artériel  amè- 
nerait des  dilatations  fréquentes  des  vaisseaux  cérébraux.  Cela 
expliquait  comment  l'écoulement  des  règles,  le  sommeil  qui  déter- 
mine l'anémie  peuvent  amener  souvent  la  diminution  de  ces  maux 
de  tête,  le  repos  agit  dans  le  même  sens  en  produisant  une  déri- 
vation et  en  relevant  le  tonus  artériel.  Le  travail  cérébral  augmente 
la  céphalée  en  déterminant  un  accroissement  de  la  congestion. 

M.  Auguste  Voisin^,  puis  plus  récemment   M.  Lubetzki^,    ont 


I.  Aogel,  Ex perîmen telle  zur  Pathologie  und  Thérapie  der  cerebralen  Neuras- 
Ihenia.  Arch.  f.  Psych.y  Berlin.  i884,  XV.  p.  6i8. 

a.  A.  Voisin,  Étude  sur  la  température  des  parois  du  crâne.  Congrhs  international 
dt  médecine  mentale.  Paris,  1878.  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  mentales,  i883, 
p.  109. 

3.  Lubetzki,  Recherches  cliniques  et  expérimentales  sur  la  cause  de  la  céphalée  neu 
rasthénique.  Thèse  Paris,  1899. 


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.ES  STIGMATES  PSYCHASTIIÉNIQUES 

er  ces  actions  par  des  études  de  thermoméirie 
mploi  d'un  thermomètre  de  surface  très  sensible, 
établir  les  points  suivants  :  i®  que  la  tempéra- 
[1  crâne  chez  les  neurasthéniques  à  céphalée  est 
i  élevée  que  celle  que  Ton  observe  chez  les  indi- 
tSy  cette  élévation  pouvait  atteindre  plus  de  a  de- 
les  neurasthéniques  sans  céphalée,  Télévation  de 
'est  pas  bien  appréciable  ;  3**  Qu'en  général  le 
ique  chez  le  même  individu  une  température 
ù  siège  le  maximum  de  la  céphalée.  4®  Que 
^e  diminue,  la  température  diminue  égalementV 
ces  mesures  sont  très  discutables,  M.  François 
jà  observer  il  y  a  quelques  années  qu'il  fallait 
n  énorme  de  la  température  cérébrale  pour 
bors  du  crâne  une  modification  appréciable  au 

ons  encore  isolées  étaient  confirmées,  elles  jus- 
nterprétation  générale  que  les  céphalées  sont 
ications  de  la  pression  du  liquide  céphalo-ra- 
nes  dépendantes  de  troubles  sécrétoires  et  cir- 
halées  resteraient  sans  doute  une  conséquence  de 
fonctionnel  des  centres  nerveux,  mais  une 
indirecte  et  non  une  sensation  immédiate  de  cet 


es  variées  que  le  malade  attribue  à  ses  douleurs 
?  sommes  pas  capables  de  les  expliquer,  complè- 
Qt  dépendre  du  degré  de  ces  modifications  de  la 
brale  et  d'une  foule  de  sensations  concomitantes, 
usculaires  de  tous  les  muscles  qui  s'insèrent  sur 
îrminent  des  douleurs  siégeant  dans  leurs  ten- 
de la  vue  ou  des  muscles  moteurs  de  l'œil,  des 
et  en  outre  des  sentiments  variés  d'incomplé- 
,  d'isolement,  viennent  se  joindre  dans  Tesprit 
tion  principale  de  douleur  et  déterminent  ces 
la  céphalée  qu'il  aime  à  exprimer  par  des  mé- 
nboles. 
sation  j'ai  déjà  eu  l'occasion  d'exprimer  quelle 

1899,  P-  33- 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  NERVEUSES  40r. 

était  mon  opinion  à  ce  sujet  ^  je  ne  puis  pas  croire  que  Thomme 
ait  conscience  de  la  place  de  ses  diverses  circonvolutions  et  qu'il 
ressente  une  douleur  à  la  place  de   la  circonvolution   qui    Fonc- 
tionne le  moins  bien.  Il  s'agit  là  d'une  localisation  beaucoup  moins 
importante  :  le  malade  sent  une  douleur  vague  qui  a  son  point  de 
départ  principal  dans  les  méninges  et  il  la  localise  vaguement  à 
Tendroit  du  crâne  qui  est  le  plus  en  rapport  avec   elles  et  qui  a 
conservé  la  plus  grande  sensibilité.  J'ai  eu  l'occasion  de  refaire  sur 
Ll...   (226)  qui  avait  un  beau  crâne  chauve,  une  expérience  que 
j'ai  déjà  décrite  qui  consiste  à  rechercher  centimètre   par  centi- 
mètre,   la   sensibilité  de  la  peau  du    crâne  à  la   douleur.  En  em- 
ployant mon  algésimètre  à  ressort,  j'ai  constaté  que  le  crâne  est 
en  général  peu   sensible,  il   faut  que  l'instrument   marque  de   25 
à  3o  pour  que  le  malade  reconnaisse  une  piqûre.   Or,  il  y  a  deux 
régions  assez  petites  qui  tranchent  très  nettement  sur  l'ensemble 
par  leur  sensibilité  ;  c'est  justement  le  vertex  et  le  point  lambda 
où  l'aiguille  ne  marque  plus  que  10  ou   i5.  Ces  deux  régions  sont 
celles  des  fontanelles   :  est-il  impossible  que   l'absence   de   tissu 
osseux  pendant  plusieurs  années  de  l'enfance,  le  petit  mouvement 
que  les  fontanelles  ont  pendant  la  respiration  de  l'enfant,  la  suture 
longtemps  incomplète  et  la  présence  du  périoste  conservent  à  ces 
endroits  cette  sensibilité  exagérée.  Ce  serait  en  raison  de  cette 
sensibilité   que  le  malade  localiserait  à  ce  point  une  douleur  res- 
sentie d'une  manière  vague. 

Bien  entendu  il  faut  tenir  compte  d'une  foule  de  circonstances 
accessoires  qui,   en  attirant  l'attention,  dé- 
terminent  la  localisation  à  un  point  plutôt  /^""H    ~^\ 
qu'à  un  autre.  E...,  garçon  de  i5  ans  (tics  et        / 
manies  mentales),  a  une  cicatrice  au  sommet       I 
du  front,  à  gauche,  résultat  d'une  petite  blés-      ^ 

sure  déterminée  par  une  chute  dans  la  pre-       ^ 

mière  enfance;   la  ligure  22   représente   un  \ 

schéma  dont  je  me  suis  souvent  servi  pour  \ 

noter  la   place   attribuée  par  les  malades  à 

leurs  céphalées,   la  croix  indique  reudroit   .J^^ord,  U^ïh^hlgiV 

de  cette  petite  cicatrice,  légère  d'ailleurs  et 

non  adhérente  à  l'os.  Le  malade  a  pris  l'habitude  de  localiser  à 

ce  point  anormal  tous  ses  maux  de  tête.  La  sécheresse  des  narines, 

1.  Névroses  et  Idées  fixes.  II,  p.  118,  3 19,  45a. 


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STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

*atioD,  des  crampes  du  muscle  frontal  ou  du 
des  muscles  de  la  nuque  déterminent  chez 
1  localisation  en  avant  et  en  arrière. 

'ébrales  il  faut  joindre  les  douleurs  dans  les 
,  la  rachialgie.  Ce  symptôme  ne  me  semblait 
ntérèt,  mais  j'ai  été  étonné  de  voir  que  quel- 
naient  une  certaine  importance  pour  diagnos- 
ie  de   ce  qu'ils   appelaient   la    névrose  d'an- 

rd  cette  question  de  diagnostic,  pour  le  mo- 
;ulenient  que  la  rachialgie  est  fréquente  chez 
►bservés,  quelle  que  soit  la  forme  de  leurs  trou- 
».  Wo...,  qui  a  des  manies  de  la  recherche  et 
ièges  ou  criminelles  la  présente  comme  Dob, 
[es  angoisses,  comme  Es...  qui  a  des  tics.  La 
;tre  un  peu  moins  fréquente  que  la  cépha- 
iste  dans  un  nombre  de  cas  assez  considé- 
ne  puisse  pas,  a  mon  avis,  faire  de  ce  symp- 
distinctif  des   neurasthéniques  sans  troubles 

larque  justement  que  la  rachialgie  est  sou- 
3  des  fatigues  ou  des  spasmes  des  muscles 
1  convaincu,  mais  je  ne  crois  pas  impossible 
ène  des  troubles  circulatoires  de  la  moelle  et 
e  la  pression  intrarachidiennes  ne  puissent 
e  dans  la  céphalalgie. 

1.  —  Troubles  du  sommeil. 

iommeil  est  si  grande  dans  les  névroses,  son 
)nté  et  l'attention  est  si  probable  qu'il  faut 
apide  sur  les^  modifications  du  sommeil  chez 

groupe,  le  sommeil  semble  peu  troublé,  au  con- 
plutcH  de  grands  dormeurs.  Lo...  (2i3)  depuis 
tôt  trop.  A  20  ans  il  lui  faut  encore  I2  heu- 
|our  et  encore  il   lui    arrive  de  se  rendormir 

ose  d'angoisse t  igoa  (Paris,  F.  Alcan). 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  NEIWEUSES  407 

dans  la  journée.  Ce  cas  est  assez  fréquent  et  un  bon  nombre  de 
ces  malades  ont  un  sommeil  lourd  et  prolongé.  Dans  ces  cas  il 
faut  noter  que  le  sommeil  n'est  pas  troublé  par  les  idées  qui 
tourmentent  la  veille.  Comme  on  Ta  remarqué  souvent,  les  rê- 
ves du  sommeil  profond  ne  reproduisent  pas  les  émotions  de  la 
journée. 

Chez  quelques  sujets  ce  sommeil  lourd  devient  par  moments 
tout  à  fait  excessif  et  pathologique  :  il  arrive  assez  souvent  que 
Bu...  (85)  dorme  24  heures  de  suite;  une  fois  il  est  resté  endormi 
deux  jours  et  une  nuit.  Lo...  a  des  sommeils  malgré  elle  au  mi- 
lieu de  la  journée,  il  en  est  de  même  chez  Vod...  Chez  Je...  ces 
sommeils  exagérés  surviennent  par  périodes  :  pendant  une  quin- 
zaine de  jours  elle  va  être  engourdie,  elle  va  être  prise  à  chaque 
instant  par  des  sommeils  qui  se  prolongent  plusieurs  heures. 
Pendant  cette  période  elle  n'a  plus  d'obsessions  et  n'est  plus 
tourmentée  par  ses  interrogations  et  ses  recherches  continuelles. 
Je  crois  que  ces  sommeils  exagérés  doivent  être  rapprochés  de 
ces  périodes  de  fatigues  énormes  que  nous  avons  étudiées  à 
propos  des  troubles  de  l'activité,  ce  sont  des  phénomènes  du 
même  genre. 

Dans  un  autre  groupe  de  malades  peut-être  plus  nombreux  que 
le  premier,  le  sommeil  est  troublé  :  il  est  devenu  plus  léger,  il  reste 
incomplet  et  il  est  traversé  par  des  rêves  pénibles.  Claire  est  tour- 
mentée la  nuit  comme  le  jour  quoique  h  un  degré  un  peu  moins 
fort.  Il  lui  semble  qu'elle  ne  dort  pas  tout  entière  «  il  y  a  toujours 
deux  ou  trois  de  mes  personnes  qui  ne  dorment  pas,  cependant 
j'ai  moins  de  personnes  pendant  le  sommeil,  il  y  en  a  quelques- 
unes  qui  dorment  un  peu.  Ces  personnes  ont  des  rêves  et  des  rê- 
ves qui  ne  sont  pas  les  mêmes  :  je  sens  qu'il  y  en  a  plusieurs  qui 
rêvent  à  d'autres  choses».  Ces  rêves  de  Claire  sont  presque  tous 
d'un  genre  bienconnu,  elle  poursuit  quelque  chose  qu'elle  ne  par- 
vient jamais  à  atteindre,  elle  se  perd  dans  d'interminables  cou- 
loirs, elle  ouvre  des  milliers  de  portes  et  elle  a  le  sentiment 
qu'elle  n'arrivera  jamais  au  bout.  Ce  rêve  «  du  labyrinthe  »  me 
parait  la  continuation  sous  une  forme  plus  imagée  des  recherches, 
des  efforts  interminables  et  infructueux  que  cette  personne  fait 
continuellement  pendant  la  veille,  c'est  le  même  état  d'esprit  qui 
continue  dans  les  deux  états  h  l'inverse  de  ce  qui  se  passait 
dans  les  sommeils  profonds. 

Beaucoup  d'autres  malades  Bei...,  Tr...,  etc.,  se  plaignent  de 


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LES  STIGMATES  PSYGH 

uvoir  pas  dormir  complètemei 
rult  et  le  matin  elle  a  le  senti 
e  est  restée  au  début  du  somme 
er  le  sommeil  qu'elle  ne  peut 
t  quelconque)).  Elle  dort  plut^ 
le  et  qu'elle  s'est  épuisée  toute 
Quand  elle  est  en  voie  d'amél 
;ement  de  son  sommeil  :  «  J'éi 
îre  bizarre  en  continuant  me 
ive  de  me  réveiller  en  sursa 
Ile  de  dormir  tranquille  ;  cela  i 
.  )>  En  un  mot  il  y  a  un  change 
eux,  et  ce  changement  la  troul 
st  souvent  juste  de  faire  intei 
leil  des  phénomènes  physiolog 
ont  paru  jouer  un  rôle  dans  I 
moteurs,  des  phénomènes  de  c< 
cpliquer  par  Angel,  par  Lubet: 
ï  Fleury  rattache  l'insomnie  à 
sanguine  :  le  sommeil  normal  e: 
k  12  centimètres  de  mercure  m( 
;  chiffre  on  observerait  des  i 
issous  des  insomnies  par  hypol 
^  a  quelque  vérité  dans  ces  ren 
ver,  comme  je  l'ai  montré  autr 
[>mène  mixte,  il  ne  dépend  pas 
ologiques  extracérébraux  pour 
céphalo-rachidienne,  mais  encc 
;s  qui  ont  lieu  dans  l'intimité  di 
est  un  acte,  il  demande  une  ce 
au  moment  opportun  et  pour 
nauvaises  habitudes,  les  tics,  le 
dans  le  sommeil  :  on  a  déjà  v 
laquelle  des  agitations  et  des  a 
ri  du  début  du  sommeil  comme 
bien  des  points  l'insomnie  de 
le  de  leur  aboulie. 


)c  Fleury,  Les  grands  symptômes  neurasthè 
Uigmates  mentaux  des  hystériques^  189a, 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS 


3.  —  Les  modifications 

A  tous  les  troubles  nerveux  déjà  signi 
modiBcations  des  réflexes.  II  faut  ren 
tions  sont  rares  et  peu  nettes  :  Tétat  pi 
demment  plus  sur  les  fonctions  super 
et  trouble  peu  les  fonctions  élémentai 
dant  chez  une  dizaine  de  personnes  je 
des  membres  inférieurs  sont  exagérés 
qu'il  s'agisse  uniquement  d'une  cxagé 
volontaire  et  en  rapport  avec  Tagitati 
crois  que  Ton  observe  quelquefois  chc 
véritable  exagération  des  réflexes  de 
semble  accompagner  Tengourdisseme 
leurs  ajouter  que  je  n'ai  observé  nette 
ni  le  phénomène  de  Babinskî,  même 
qui  ont  des  phobies  de  la  marche,  dei 
ou  des  crises  de  fatigue  portant  surt 
rieurs.  C'est  là  une  remarque  impoi 
diagnostic  souvent  très  diflicile  de  ce 
quelquefois  des  maladies  de  la  moelle 

J'insiste  surtout  sur  une  dilatation 
que  Ton  constate  chez  Claire,  chez  < 
autres;  il*  n'y  a  pas  suppression  con 
paresse  et  diminution  du  réflexe  lumir 
nue  quand  les  malades  sont  un  peu  m 
pour  suivre  leur  amélioration. 


2.  —  Troubles  des  tonctii 

Les  troubles  des  fonctions  de  la  nut 
nets,  plus  indépendants  de  Tétat  mer 
général  de  ceux-ci  est  presque  toujoui 
grès,  ont  un  mauvais  teint  et  changent 
façon  très  rapide  et  très  fréquente,  Jeî 
d'un  coup  des  aspects  extrêmement  mi 
sous  le  coup  d'une  grave  maladie. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTIIÊNIQUES 


I.  —  Troubles  gastriques. 

ble  physiologique  principal  qui  existe  chez  la  grande 
le  ces  personnes  est  constitué  par  les  troubles  de  la 
stomacale.  On  peut  dire  que  neuf  fois  sur  dix  on  a 
Bs  sujets  qui  digèrent  mal,  une  exception  extraordinaire 
ie  Jean  qui  semble  avoir  un  assez  bon  estomac  :  tous 
presque  sans  exception  ont  des  troubles  gastriques, 
t  nombre  de  ces  malades  présentent  une  exagération 
it  et  un  besoin  perpétuel  de  nourriture.  M.  J.  Roux, 
étude  intéressante  sur  la  faim,  rapporte  robservalion 
te  d'une  femme  atteinte  après  un  accouchement  d'une 
nuellc  *.  Elle  se  sent  perpétuellement  en  état  de  défail- 
le reprend  un  peu  d'énergie  qu'après  avoir  absorbé  un 
ourriture.  J'ai  observé  plusieurs  sujets  de  ce  genre  : 
jne  fille  de  25  ans,  obsédée,  phobique,  et  surtout 
,  demande  constamment  à  manger  et,  si  on  la  laisse 
)re  toute  la  journée.  «  Elle  a  besoin  de  revivre  et  pour 
nanger  continuellement...  elle  est  comme  morte  de 
le  devrait  manger  continuellement  sans  s'arrêter  et  si 
ait  pas  toujours  empêchée  de  manger,  sa  maladie  serait 
depuis  longtemps.  »  J'ai  déjà  signalé  le  cas  de  Lkb... 
réclame  à  manger  dès  qu'on  veut  obtenir  d'elle  le  plus 
rt.  Pi...  a  dans  sa  poche  un  morceau  de  pain  et  une 
e  jambon  et  il  «  les  mange  sur  l'escalier  avant  d'entrer 
ju'un  afin  de  se  donner  quelque  assurance  ».  Ce  sont  là 
amènes  analogues  aux  besoins  d'excitation  par  l'alcool 
rphine  en  rapport  avec  des  sentiments  de  faiblesse 
et  mentale.  On  le  remarque  très  bien  dans  l'observa- 
kb...  qui  oublie  sa  boulimie  quand  on  la  laisse  inerte, 
lans  ses  rêveries  et  qui  ne  réclame  à  manger  qu'au 
ù  la  difficulté  d'un  effort  lui  rappelle  son  sentiment  de 

agérations  de  l'appétit  sont  donc  tout  à  fait  acciden- 
1  général,  la  grande  majorité  des  psychasthéniques 
rt  peu.  Ces  malades  n'ont  aucun  appétit  et  ils  sont 
routés  de  toute  alimentation. 

X,  La  faim.  Elude  psycho-physiologique^  1^97»  P-  28. 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  DIGESTIVES 

Les  douleurs  commencent  presque  toujours  dès  qu 
ont  mangé,  Brk...,  Nadia,  Za...,  Mrc...,  etc.,  comme 
frir  aussitôt  et  se  plaignent  de  crampes  et  de  bri) 
ques-uns  (Claire,  Qs...)ont  des  vomissements,  mais  c 
n'est  pas  très  fréquent.  Ce  qui  est  constant,  c'est  c 
est  gonflé  et  pesant  ;  les  malades  étouffent,  o 
leraents,  sont  forcés  de  se  desserrer.  A  Texamer 
souvent  du  gonflement  épigastrique  et  on  constat( 
bruit  de  clapotement  déterminé  par  toute  secousse, 
fait  entendre  plus  ou  moins  bas  suivant  que  Testoma 
moins  distendu,  très  souvent  il  descend  jusqu^à 
quelquefois  bien  au-dessous.  La  digestion  est  lente, 
se  prolongent  jusqu'au  repas  suivant  et  les  malades 
ment  que  le  premier  repas  n'est  pas  digéré  quand  ilî 
second.  Ils  ont  des  brûlures,  du  pyrosis,  ils  ont  la  I 
raie,  ils  sentent  un  goût  infect  dans  la  bouche  et 
d'atroces  migraines  ne  tardent  pas  à  suivre  ces  mau 
tions  (Bal...,  Claire,  Gisèle,  etc.). 

Ce  tableau  peut  présenter  quelques  variétés,  Lise  d 
de  la  description  générale  en  ce  que  le  plus  souvent 
rien  pendant  la  digestion  et  ne  se  plaint  de  rien  ; 
disposé  à  croire  qu'elle  est  beaucoup  trop  absorbée 
pour  se  rendre  compte  de  ce  qu'elle  éprouve.  Elle 
façon  mécanique,  très  rapidement  sans  savoir  ce  ( 
elle  a  l'estomac  énormément  clapotant,  elle  a  souv 
gestions  suivies  de  vomissements  ou  des  diarrhée 
ment  après  le  repas  dans  lesquelles  elle  rend  les  alin 
intacts.  Cependant  elle  ne  souflVe  pas  de  l'estomac 
seulement  de  ressentir  une  fatigue  énorme  pendai 
digestive. 

Chez  Gisèle  également  il  y  a  lieu  de  remarquer  qt 
cularités  du  trouble  gastrique.  Elle  digère  toujours 
avec  du  gonflement  et  même  de  la  gène  du  cœur  par 
mais  par  périodes  elle  commence  de  grands  troubles  gi 
spéciaux.  Le  début  en  est  assez  brusque  :  elle  sent  \ 
de  la  gorge,  des  brûlures  dans  l'œsophage  et  dans 
langue  devient  blanche  brusquement  et  va  rester  ss 
dant  une  assez  longue  période,  la  digestion  est  pc 
supprimée,  les  aliments  sont  rendus  dans  une  diar 
immédiatement  après  avoir  été  absorbés.  Comme  la 


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ES  STIGMATES  PSYCHASTIIÉNIQUES 

Jus  qu'elle,  Gisèle  sent  dans  sa  tète  le  contre 
>le8  digestifs.  Dès  qu'elle  a  mangé  elle  éprouve 
eur  à  Tocciput  et  cette  douleur  est  telle  qu'elle 
se  ralimentation.  Il  en  résulte  que  pendant  ces 
s  de  Testomac,  durant  quelquefois  plusieurs 
emble  avoir  une  autre  obsession,  au  lieu  d'être 
es  remords  de  vocation,  elle  a  l'idée  fixe  de 
nts  ou    d'absorber    des    quantités   minimes  de 

i  se  présente  ici  est  un  des  phénomènes  les  plus 
sentent  les  troubles  de  l'estomac  chez  les  psychas- 
ne  vingtaine  de  malades,  avec  beaucoup  derégu- 

l'alternance  entre  les  troubles  psychiques  et  les 
3s  :  il  est  évideqt  que  Gisèle  est  moins  scrupu- 
dée  par  ses  remords  de  vocation  quand  elle  est 
ac.  Il  en  est  de  même  de  Lise,  quand  elle  est  très 
ige  bien  et  ne  parle  pas  de  son  estomac  ;  quand 
meilleur,  elle  se  plaint  de  fortes  crampes  d'esté- 
îs,  de  paralysie  abdominale.  Il  en  est  de  même 

Bal...,  et  chez  un  très  grand  nombre  d'autres 

ces  singulières  alternances  entre  les  troubles 
roubles  gastriques  j'avais  d'abord  supposé  que 
ue  était  à  peu  près  permanent  et  que  pendant 
trouble  mental  les  malades  cessaient  de  s'en 
e  de  l'excès  de  leurs   préoccupations  morales. 

me  semble  maintenant  insuffisante  au  moins 
cts.  Pendant  la  période  de  douleur  gastrique, 
ées  immédiatement  après  le  repas  et  elle  ne  les 
période  d'obsession  ;  dans  la  première  période 
is  qu'elle  engraisse  dans  la  seconde.  Il  est  pro- 
[lance  doit  être  plus  profonde  :  les  choses  se 
le  trouble  nerveux  portait  tantôt  sur  les  centres 
chiques,  tantôt  sur  les  centres  viscéraux, 
irident  que  ces  troubles  gastriques  ont  leur  point 
in  trouble  nerveux.  Je  ne  puis  reprendre  ici 
laladie  spéciale  de  l'estomac  neurasthénique  qui 
lalysée  dans  bien  des  ouvrages*.  La  plupart  de 

a   neurasthénie  ;    Levillaio,  Neurasthénie,  p.  9^  ;   Heim,  Di^s- 


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TROUBLES  DES  FONCTIO 

ces  troubles  se  rattachent  à  trois  phéi 
une  paralysie  motrice  de  l'estomac  q 
se  laisse  distendre  par  les  aliments,  I 
constate  le  défaut  de  sécrétion  des  gl 
du  liquide  sécrété  en  acide  chlorï 
plupart  des  analyses  de  suc  gastriqu 
conditions  montrent  un  état  d'hypoc 
ments  mal  digérés,  stagnants  dans  W 
fermentations  anormales,  donnent  r 
des  produits  toxiques  qui  modifient 
un  retentissement  sur  le  système  ner 
dans  les  migraines. 

Dans  quelques  cas  rares  il  s*agit 
gastrique,  suivant  le  mot  de  M.  Roi 
crétion  d'acide  chlorhydrique.  Ces 
cette  maladie  peut  indirectement  a 
central  et  déterminer  des  troubles 
tenir  compte  dans  le  traitement.  M 
exception  dans  la  psychasthénie  vrai 
crétions  gastriques  qui  se  présentent 
mentation  sont  un  feu  de  paille,  comm 
fondamental  reste  le  plus  souvent  ui 
toire.  Ces  troubles  gastriques  des  p{ 
comme  cela  peut  arriver  quelquefois 
ment  en  rapport  avec  une  idée.  M.  I 
exagérer  quand  il  dit  que  toute  dyspi 
de  la  suggestion.  Beaucoup  de  ces 
fixe  relative  à  leur  digestion.  Ce  n'( 
faiblesse  des  fonctions  cérébrales,  t 
Testomac. 

En  étudiant  les  circonstances  qui 
divers  sens,  on  verra  comment  une 
simplement   morale,  transforme   la 
adynamie  gastriques  est  en  rapport  a 
les  fonctions  nerveuses. 


pepsie  des  neurasthéniques.  Thèse,  Paris,  1898  ; 
Thèse,  Paris,  1898.  ;  A.  Mathieu,  La  nenraslh 
l'estomac,  1900  ;  De  Fleury,  op.  cit.,  1901,  p. 
I .  Dubois  (do  Berne),  Troubles  gastro-intesl 
cine,  10  juillet  1900. 


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LES  STIGMATES  PS 


3.  —  Troublsi 

modifications  abdominale 
e  toujours  ces  troubles  gi 
de  la  flacciclité  de  l'abdon 
On  note  chez  Lise,  chez 
I,  la  mollesse  de  la  paroi  q 
sment  viscéral,  le  ventre  er 
serve  que  les  deux  muscler 
tre  d'une  manière  tout  à  fa 
cidentellement  au  pinceme 
iC  Havre). 

on  constate  le  prolapsus, 
et  dans  quelques  cas  des 
:)ttant  (néphrophtose),  le  f 
(spléroptose),  etc.  Les  autr 
;esse  du  côlon,  le  boudin 
colique   transverse,  le   ba 

troubles  de  la  digestion  in 
•difications  de  la  statique  ab 
jui  succèdent  quelquefois 
lans  rimmense  majorité  de 
îlles  glaireuses,  de  temps  c 
esséchées  et  quelquefois  d'i 
148),  sont  des  types  rem 
le  délire  du  scrupule  et  la 
lière  malade  les  filaments 
ans  la  formation  de  Tobs 
ée  ». 

)lus  remarquable  exemple 
lur  soigner  cette  malade  il 
e  sa  constipation.   Il  s'agit 
3  verrons  en  parlant  des  c( 


.  Guéniot,  1879.  Gléiiard.  i885 
du  ventre,  entéroptosiqiies  et  dilatt 
s  médecine,  1887. 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  DIGESTIVES 


415 


rétentions  prolongées  des  matières  fécales  qui  déterminent  les  états 
les  plus  dangereux  et  dans  lesquels  il  faut  pratiquer  un  véritable 
curettage  de  la  fosse  rectale.  Ces  rétentions  produisent  des  phé- 
nomènes d^auto-infection  plus  ou  moins  graves  chez  les  divers 
malades  ;  chez  Nadia  ils  ont  été  accompagnés  par  des  états  de 
confusion  mentale  pendant  trois  mois  et  même  par  de  la  névrite 
périphérique,  mais  chez  tous  les  autres  sujets  ils  amènent  au 
moins  une  aggravation  de  Tétat  menlal. 

De  tels  troubles  ne  sont  pas  uniquement  mécaniques,  suivant 
la  théorie  de  M.  Glénard,  ni  uniquement  chimiques,  suivant  la 
théorie  de  M.  Bouchard,  ils  sont  évidemment  en  rapport  avec 
la  dépression  nerveuse  qui  se  manifestait  déjà  par  tant  d'autres 
signes.  M.  Brocchi  (de  Plombières)*  signalait  deux  observations 
d'entérocolite  muco-membraneuse,  survenues  à  la  suite  d'émo- 
tion. Nous  aurons  à  discuter  bien  des  faits  semblables. 


3.  —  Troubles  de  la  nutrition. 

Ces  troubles  de  la  digestion  retentissent  sur  la  nutrition  géné- 
rale. Sauf  des  cas  assez  rares  d'obésité,  les  malades  sont  maigres. 
Jean,  pendant  des  années,  présentait  une  maigreur  effrayante  ; 
malgré  une  alimentation  plus  que  suffisante  et  une  digestion 
presque  toujours  passable,  il  reste  étonnamment  maigre  et  garde 
un  teint  plutôt  mauvais.  Lise,  toujours  très  maigre,  maigrit  encore 
cl*une  façon  remarquable,  quand  elle  traverse  une  mauvaise  période 
mentale.  Elle  a  passé  de  54  kilogrammes  à  46  en  3  mois,  sous 
rinfluence  de  crises  répétées  de  ruminations  sur  le  démon.  Quand 
on  réussit  à  calmer  son  esprit,  elle  reprend  rapidement  du  poids 
et  augmente  de  près  de  5oo  grammes  par  semaine.  lo...,  dans  une 
crise  d'hypocondrie  qui  a  duré  lo  mois,  a  eu  tous  les  troubles 
digestifs  précédents  et  a  perdu  20  kilogrammes. 

Gisèle  pour  sa  taille  excessive  (i'°,82),  a  un  poids  très  petit  de 
57  kilogrammes.  Pendant  certaines  périodes  elle  maigrit  encore 
plus,  s'épuise  et  semble  dans  un  état  désespéré.  Comme  chez  la 
malade  précédente  le  poids  augmente  rapidement  dès  que  l'esprit 
se  calme.  J'ai  suivi  ainsi  une  vingtaine  de  malades  en  prenant  leur 


I.  A.  Brocchi  (de   Plombières),    A  propos  de  la   palhogénio  de    l'entéro-colite 
muco-membraneuse.  Presse  médicale,  28  août  lyoï. 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  DIGESTIVES  417 

tation  de  l'acide  urique  et  de  Tacide  phosphorique.  Je  constate  cette 
augmentation  de  i'indican  et  du  skatol,  de  ces  produits  en  rap- 
port avec  les  fermentations  intestinales,  qui  a  déjà  été  signalée  par 
M.  de  Fleury*,  mais  je  ne  suis  pas  frappé  comme  lui  par  l'augmen- 
tation du  chlorure  de  sodium  chez  ceux  qui  ont  des  troubles  gas- 
triques. Je  constate  le  plus  souvent  pour  les  24  heures  io^%20 
(Lise),  9*^5o  (Lise),  i3^,65o  (Bal...),  ii  grammes  (Dob...),  ce 
sont  des  chiffres  normaux,  la  moyenne  étant  de  lo  à  12^. 

Ce  qui  a  été  particulièrement  Tobjet  de  mes  études  c'est  l'aci- 
dité urinaire.  Frappé  de  l'importance  des  travaux  de  M.  Joulie 
sur  ce  point,  j'avais  essayé  de  les  vérifier  en  examinant  à  ce  point 
de  vue  les  urines  des  névropathes. Je  dois  tous  mes  remerciements 
à  M.  Lacroix,  interne  en  pharmacie  de  la  Salpêtrière  qui,  avec 
une  très  grande  complaisance,  a  bien  voulu  faire  pour  moi  un 
nombre  considérable  de  ces  analyses  suivant  la  méthode  de 
M.  Joulie. 

Je  laisse  ici  de  côté  les  analyses  très  nombreuses  faites  sur  des 
hystériques  et  je  ne  donne  que  les  résultats  obtenus  sur  des  psy- 
chasthéniques.  L'analyse  est  faite  sur  la  i'"  urine  du  matin  avec 
la  solution  de  sucrate  de  chaux  dont  le  titre  est  vérifié  très  fré- 
quemment. Le  chiffre  d'acidité  obtenu  et  calculé  en  SO^HO  est 
rapporté  à  l'excès  de  densité  de  l'urine  examinée  à  l'eau,  la  densité 
étant  ramenée  à  celle  du  liquide  à  i5^.Je  note  aussi  la  quantité  d'a- 
cide phosphorique  par  litre  et  le  rapport  de  cette  quantité  à  l'ex- 
cédent de  densité  calculée  de  la  même  manière.  La  plupart  de  ces 
malades  ont  été  soumis  au  traitement  proposé  par  M.  Joulie,  par 
l'acide  phosphorique.  Je  donnerai  plus  loin  à  propos  du  traite- 
ment et  les  analyses  des  urines  modifiées  par  cette  médication.  Je 
n'indique  ici  que  les  analyses  des  urines  antérieurement  à  tout 
traitement. 

Pour  apprécier  ces  chiffres  il  faut  se  souvenir  des  chiffres  don- 
nés par  M.  Joulie  comme  normaux. 

Densité  corrigée  à  i5° 10170,8 

Acidité  totale  en  SO^HO 0,8^9 

Acide  phosphorique  en  PhO* a,o83 

Rapport  de  Tacidité  à  l'excédent  de  densité.      ...  4t  55 

Rapport  de  l'acide  phosphorique  à  Texcédent  de  densité .  1 1  >  1 7 


1.  De  Fieury,  op.  cit.,  178. 

a.  Yvon.  Analyse  des  urines ^  1901,  p.  i63. 

LES  OBSESSIO?IS.  I.  37 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  DIGESTIVES 


Analyse  des  urines  faites  par  M.  TERRI  AL,  môme  m 


NOMS 

DBI    MALADE* 

et  n** 
des  anal jr  MB 


Kl. 


S.. 
Jean. 


DENSITÉ 

coaaiacx  a  i5' 


I  Ol5,6 
I  019,5 

I  o33,3 
I  026,8 


ACIDITÉ 

TOTALE 

en  SOaHO 


0,039 
0,503 

0,477 
0,379 


ACIDE 

phouphoriqvb 

en 

PhOs 

I 

,i57 

I 

,393 

5 

,838 

3 

.366 

RAPPOU 

DE     l'aCID 

i  l'cxc^dc 
de  dcnsi 


3.77 

a, 56 
i,4o 


Vie.    . 
Nadia  . 


Analyses  faites  par  M.  TVON,  môme  méthode. 


I  o33,3 
I  016 


1,17 
0,98 


5,37 
1,71 


3,5o 
6,1 


On  remarque  dans  ces  analyses  quelques  caractèi 
intéressants  par  leur  fréquence.  La  densité  n'offre  r 
quable,  elle  est  douze  fois  au-dessous  de  la  normale 
dessus,  ce  caractère  varie  suivant  le  régime  desboiss 
important  de  régler  chez  ces  dyspeptiques. 

Mais  ce  qui  est  frappant,  c'est  la  faiblesse  di 
Tacidité  à  l'excès  de  densité,  il  n'est  que  3  fois  su 
normale  et  il  est  3i  fois  inférieur.  Si  l'on  s'en  rappo 
lyses,  les  psychasthéniques  comme  la  plupart  des  né 
raient  des  hypoacides. 

Le  rapport  de  l'acide  phosphorique  à  l'excès  de  dei 
au-dessus  de  la  normale  eti3  fois  au-dessous. 

On  peut  tenir  compte  de  ces  remarques,  particul 
indications  relatives  à  Thyponcidité  très  fréquente 
vue  du  traitement.  Malheureusement  cette  méthc 
chimique  et  le  choix  exclusif  de  l'urine  du  matin  son 
encore  très  discutés  et  l'on  ne  peut  considérer  ces  r 
tout  ceux  relatifs  à  l'acidité,  comme  définitifs.  D'au 
comme  M.  Vigoureux,  ont  le  plus  souvent  trouvé  1 
neurasthéniques  hyperacides. 

11  faut  donc  se  borner  à  enregistrer  ces  analyses  d' 
des  documents  d'attente  sans  en  tirer  encore  des  conc 
raies  sur  l'état  de  la  nutrition  de  ces  malades. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉMQUES 


2.  —  Les  modifications  de  la  circulation. 

Je  u'insisterai  pas  sur  la  respiration  :  dans  les  crises  d*angois- 
6  se  présentent  des  troubles  mécaniques  que  j'ai  déjà  indiqués 
\  étudiant  quelques  graphiques.  Mais  en  dehors  de  ces  crises 
respiration  semble  à  peu  près  normale. 

On  peut  simplement  remarquer  qu'elle  est  en  général  faible, 
!U  profonde  et  un  peu  rapide.  Les  autres  troubles  de  la  respi- 
tion,  les  toux,  les  bruits  laryngés,  se  rattachent  aux  tics  et  aux 
[goisses  et  ont  déjà  été  décrits  dans  les  chapitres  précédents*.  Je 
ai  pas  eu  l'occasion  d'analyser  les  gaz  de  la  respiration  chez 
s  malades  comme  chez  les  hystériques  ;  il  est  probable  que 
»n  observerait  chez  plusieurs  une  diminution  de  l'acide  carbo- 
que  en  rapport  avec  le  ralentissement  de  l'activité  nutritive. 

Les  troubles  les  plus  frappants  de  la  circulation  se  produisent 
isi  au  moment  des  angoisses  où  nous  avons  noté  les  palpita- 
is, les  modifications  de  la  tension  sanguine,  les  troubles  vaso- 
>teurs.  II  est  intéressant  de  se  demander  si  quelques-uns  de  ces 
>ubles  ne  persistent  pas  en  dehors  des  périodes  d'angoisse. 
Le  nombre  des  pulsations  m'a  semblé  presque  toujours  normal 
du  moins  ne  présenter  que  des  variations  insigni&antes,  en 
pport  avec  les  émotions  du  moment. 

I.  —  Les  modifications  de  la  tension  sanguine. 

Plusieurs  auteurs,  AngeP  en  Allemagne,  Webber^  en  Amérique, 
t  admis  un  affaiblissement  du  tonus  artériel  dans  l'état  neuras- 
unique.  M.  Chéron  en  France,  et  M.  de  Fleury,  ont  donné 
e  très  grande  importance  à  ce  symptôme.  M.  de  Fleury 
met  un  petit  nombre  de  neurasthéniques  avec  hypertension  du 
uls,  et  rattache  leur  maladie  à  des  auto  intoxications  et  une 
ande  majorité  de  neurasthéniques  avec  hypotension  artérielle*. 

.  Cf.  Goulampis,  Les  troubles  respiratoires  dans  la  neurasthénie.  Thèse,  Paris,  iSgli. 

!.  Angel,  Experim.  zur  Pathologie  und  Thérapie  der  cerebralen  neurasthénie. 

hivfûrPsych.  Berlin,  i884,  XV,  p.  6i8. 

.  Webber,  Boston  med.  Journal,  3  mai  i888. 

.   De  Fleury,  Les  grands  symptômes  neurasthéniques,  1901,  p.  43,  67. 


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MODIFICATIONS  DE  LA  CIRCULATION 

Cette  baisse  de  la  pression  artérielle  résulterait  de  la  faibli 
de  propulsion  du  cœur  et  de  la  faiblesse  du  tonus  des  parois 
artères,  elle  déterminerait  un  appauvrissement  du  sang  en  héi 
globine,  une  diminution  apparente  du  nombre  des  globules 
augmentation  de  la  partie  liquide  du  sang,  tandis  que  d 
l'hypertension,  il  y  aurait  chasse  d'eau  dans  les  tissus  périp 
riques  par  resserrement  de  l'arbre  artériel  et  augmentation  ap 
rente  du  nombre  des  hématies.  Ces  observations  sont  intéi 
santés  et  probablement  justes  dans  bien  des  cas. 

Je  suis  tout  disposé  à  admettre  qu'il  y  a  une  hypotension  a: 
rielle  fréquente  en  rapport  avec  la  faiblesse  musculaire,  les  ptc 
viscérales  diverses  et  la  dépression  mentale.  Je  fais  seulement 
server  que  la  vérification  précise  expérimentale  du  fait  n'est 
toujours  facile. 

J'ai  pris  beaucoup  de  mesures  de  la  tension  artérielle  ave( 
sphigmomètre  de  Chéron  et  j'ai  été  amené  comme  je  l'ai  dit  à  pro 
des  angoisses  à  considérer  ces  chiffres  comme  douteux  et  inu 
sables.  Depuis  je  me  suis  servi  du  sphigmo-manomètre  de  Poti 
il  me  semble  d'un  emploi  plus  aisé  et  m'a  donné  des  résultats  ] 
concordants.  Cependant  je  ne  puis  m'empêcher  de  rester  éto 
de  la  précision  des  chiifres  donnés  par  quelques  auteurs,  quan^ 
mon  avis,  la  mesure  clinique  de  la  pression  du  sang  chez  l'hon 
est  encore  bien  imparfaite  et  sujette  à  beaucoup  d'erreurs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  chiffres  qui  m'ont  paru  les  j 
certains  chez  quelques-uns  des  malades  précédents  : 

Lpx,  en  dehors  des  crises  de  scrupule.  12. 

Ul.,  en  dehors  des  crises  d'angoisses    .  i4- 

Ul.  —  autre  mesure  i3. 

Meu.  —  10. 

Lise.  —  i5. 

Kl.  —  i5. 

—  —  autre  mesure.      .      .  i5. 

—  —  _  .      .  ,4. 

Pot.  —  i5. 

Chx.  —  18. 

—  —  autre  mesure      .      .      17. 

Lais.  —  i4. 

Claire.  —  12. 

—  —  12. 

—  —  i3. 


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MODIFICATIONS  DE  LA  CIRCULATION  423 

prétexte.  Je  note  chez  Claire  une  disposition  curieuse  aux  œdèmes 
qui  se  produisent  le  plus  souvent  aux  paupières,  aux  lèvres  et 
quelquefois  à  la  vulve.  Chez  quelques  malades  ces  œdèmes  se  re- 
produisent d'une  manière  expérimentale,  il  suffit  d'exercer  une 
pression  sur  la  peau  pour  les  voir  apparaître.  C'est  le  phénomène 
de  la  peau  dermographique  que  j'ai  observé  cinq  fois  chez  des 
obsédés  ou  des  phobiques  et  en  particulier  d'une  manière  remar- 
quable chezDn...  (Ag),  chez  Qi...  (i88),  qui  a  cette  curieuse  obses- 
sion de  vouloir  être  une  enfant,  il  y  a  constamment  des  poussées 
d'urticaire.  Chez  cette  dernière  malade  Qi...,  quand  elle  porte  un 
paquet  sous  le  bras,  quand  un  objet  dur  appuie  sur  une  partie  de  la 
peau,  il  apparaît  rapidement  à  cet  endroit  une  plaque  d'œdème  dur, 
blanchâtre.  Si  elle  coud,  il  y  a  de  l'œdème  au  bout  des  doigts,  si 
elle  se  frotte  les  paupières  celles-ci  restent  enflées  toute  une  jour- 
née, son  bras  reste  enflé,  si  elle  s'appuie  sur  le  rebord  d'une  fenêtre, 
les  cuisses  enflent  si  elle  restent  quelque  temps  assise,  etc.  J'in- 
siste sur  ces  troubles  vaso-moteurs,  car  ils  ont  joué  un  rôle  dans  la 
théorie  émotionnelle  des  obsessions.  Mais  il  ne  faudrait  pas  croire 
que  tous  les  psychasthéniques  présentent  ces  réactions  anormales. 
Beaucoup  n'ont  aucune  trace  de  dermographisme  et  leurs  vais- 
seaux semblent  réagir  aux  diverses  excitations  de  la  façon  la  plus 
normale. 

On  peut  rapprocher  des  phénomènes  précédents  certaines  ma- 
ladies de  la  peau  dans  lesquelles  les  troubles  nerveux  jouent  cer- 
tainement un  rôle;  j'ai  été  frappé  de  la  fréquence  de  l'eczéma 
chez  ces  malades;  je  le  retrouve  dans  une  vingtaine  de  cas,  l'ec- 
zéma de  la  face  est  particulièrement  tenace  chez  Lise  L'eczéma 
périnéal  a  été  le  point  de  départ  de  la  manie  urinaire  de  Yor... 
(i37). 

Enfin  il  faut  signaler  les  troubles  sécrétoires,  la  séche- 
resse de  la  peau  est  un  phénomène  banal  qui  s'aggrave  pendant 
les  mauvaises  périodes  de  la  maladie  mentale.  La  sécheresse 
du  nez,  l'absence  des  larmes  s'observent  fréquemment.  Beau- 
coup d'agoraphobes,  comme  R...,  se  plaignent  a  que  leur  nez 
est  sec,  comme  durci  en  dedans  »  soit  d'un  seul  côté,  soit  des 
deux. 

Par  opposition  il  y  a  des  crises  de  sécrétions  exagérées,  dans 
la  photophobie  de  Bry...,  il  y  a  œdème  des  paupières,  larmoie- 
ment   invraisemblable   u   à   tremper    quarante    mouchoirs  »    en 


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LES  STIGMATES  PSY 

née.  Après  la  crise  on  not 
s,  sur  le  nez  et  sur  la  bouc 
[nbreux  psychasthéniques 
si  bien  étudiées  récemmer 
le\  Chez  Mrc...,  femme  d 

couler  comme  une  fontai 
ly...  (26),  jeune  fille  de 
endemain  d'une  émotion  c 
e  se  réveille  avec  le  sentir 
ux  comme  au  début  d'un 
I  est  un  peu  épaisse  et  muqi 
tères  de  Thydrorrhée  :  c'es 
en  voulu  recueillir  pour  n 
ulait  du  nez  pendant  un  t 
'es  de  3o  centimètres  cub 
lu  en  faire  l'analyse  que  vo 
on  neutre. 

1res  9  grammes  3  par  litre 
phosphorique  (phosphates 

sulfates, 
n  (chorure  et  phosphate) 

potassium,  ni  chaux,  ni  r 

d'albumine. 

cholestérinc. 

în  somme  le  liquide  de  l'oe 
les  troubles  œdémateux  ] 
le  cet  ouvrage  à  propos  < 
dierons  les  interprétations 
I  est  à  peu  près  impossibl 
ette  jeune  fille  par  un  éi 
I  et  qu'il  s'agit  probablei 
glandes  qui  tapissent  les  < 
serve  un  cas  d'hydrorrh^ 
mme  chez  une  femme  qui 

la  pluie  intestinale»  de  ] 
ces  phénomènes. 


ittier,  La  rhinorrhée  exclusiveme 
let  1900  et  sq. 


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TROUBLES  DES  FONCTIONS  GÉNITALES  425 


3.  —  Les  troubles  des  fonctions  génitales. 

J*ai  déjà  parlé  du  trouble  des  fonctions  sexuelles  à  propos  des 
émotions,  car  le  trouble  est  plutôt  moral  que  physique.  La  sensi- 
bilité est  émoussée,  l'émotion  semble  incomplète,  inachevée,  et 
Texcitation,  surtout  chez  la  femme,  se  prolonge  indéfiniment 
sans  aboutir.  Cet  acte  incomplet  est  suivi  de  fatigue,  de  regret, 
de  mécontentement.  Quelquefois  il  y  a,  chez  la  femme  surtout,  un 
besoin  intense  de  parvenir  à  cette  sensation  qui  semble  fuir  et 
une  manie  de  la  perfection  en  cette  matière  tout  à  fait  singulière. 

Mais  a  côté  de  ces  troubles  moraux  se  placent  quelques 
troubles  physiques.  L'érection  insuffisante,  Téjaculation  pré- 
maturée, rinsuffisance  de  la  sécrétion,  se  constatent  très  fré- 
quemment ^ 

J'ai  cherché  à  réunir  quelques  renseignements  sur  les  fonctions 
menstruelles  chez  ces  femmes  scrupuleuses  et  je  n'ai  pu  arriver  à 
des  conclusions  bien  nettes  car  les  troubles  sont  très  variables. 
Presque  toujours  l'établissement  des  règles  est  tardif  et  ne  se  fait 
qu'à  i5  ou  17  ans  ;  comme  on  verra  en  étudiant  l'évolution  de  la 
maladie,  cet  établissement  tardif  de  la  puberté  est  pour  beaucoup 
la  date  du  début  des  accidents  mentaux.  J'ai  observé  un  fait 
curieux  et  assez  rare  chez  Gr...,  âgée  de  3o  ans,  c'est  que  cette 
femme  n'a  jamais  été  réglée,  je  viens  de  refaire  la  même  observa- 
tion sur  une  autre  malade.  Mw...  (i45),  âgée  de  28  ans,  a  eu  vers 
Tâge  de  i5  à  17  ans  des  saignements  de  nez  périodiques  pendant 
quelques  mois  ;  depuis  Tâge  de  20  ans  elle  a  des  malaises  et  des 
fatigues  qui  surviennent  tous  les  mois,  mais  elle  n'a  jamais  eu 
ses  règles.  C'est  une  scrupuleuse  typique  avec  manie  des  ser- 
ments, etc.  Le  plus  curieux  c'est  qu'elle  a  deux  sœurs  qui  sont 
semblables  en  ce  qu'elles  n'ont  pas  non  plus  été  jamais  réglées, 
mais  qui  sont  simplement  des  nerveuses  sans  avoir  la  même 
maladie  mentale. 

Chez  beaucoup  d'autres  nous  notons  des  retards,  des  irrégula- 
rités, des  pertes  blanches  et  quelquefois  des  hémorragies.  Très 
souvent  on  observe  la  suppression  des  règles  pendant  une  période 

1.  De  Fleury,  op.  cit. y  ao5. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

/  Sentiment  de  difficulté, 

—  d'insuffisance, 

—  d'instabilité, 

—  de  perception  incomplète,  de  nuage, 

—  d'étrange,  de  jamais  ^'u, 

—  de  dédoublement, 

,,.  1,.    1      I        1  —  de  desorientation, 

s  d  incompletude  dans  IcsJ  .,.    , 

.,,,,„  (  —  d  isolement, 

>ns  mt^Uectuelles.    .     .      .^  .    .  .  .    ,,,. 

—  de  faussa  reconnaissance,  de  déjà  vu, 

—  de  pressentiment, 

—  de  l'irréel,  de  l'imaginaire, 

—  du  rêve, 

—  de  disparition  du  temps, 

—  d'inintelligence,  d'obscurité, 

—  de  doute. 
Sentiment  d'indifférence, 

s  d'incomplétude  dans  les^  ennui, 

l  —  d'inquiétude, 

—  du  besoin  d'excitation, 

—  de  l'ambition. 

i  Sentiment  d'étrangeté  du  moi, 

—  de  dédoublement, 

—  de  dépersonnalisation, 

\^  —  de  mort. 


essaye  de  retrouver  et  .d'exprimer  ce  qu'il  y  a  de  commun 
is  les  sentiments  on  arrive  d'abord  à  cette  notion  deTina- 
3nt,  de  l'incomplet  que  les  malades  expriment  de  mille 
L  propos  de  tous  ces  sentiments  divers  «  le  pire  de  tout,  dit 
stque  je  n'arrive  au  bout,  au  fond  de  rien,  c'est  une  sorte 
ge  dès  que  je  dois  arriver  au  bout  de  quelque  chose  ». 
ésigné  ce  fait  remarquable  par  le  mot,  sentiment  d'incom- 
Les  psychasthéniques  sont  caractérisés  par  un  sentiment 
moins  général,  plus  ou  moins  profond,  plus  ou  moins 
ent  d'incomplétude  psychologique. 

t  dès  lors  très  important  de  se  rendre  compte  de  la  valeur, 
ortance  de  ce  sentiment.  Une  première  question  se  posait: 
ment  d'incomplétude  est-il  faux  ou  est-il  juste  ?  Est-ce  une 
sse,  une  obsession,  une  manie  mentale,  ou  correspond-il  à 
ictères  réels  des  opérations  psychologiques  elles-mêmes? 
lème  parait  très  simple,  il  est  en  réalité  extrêmement  diffi- 
s  malades  intelligents,  comme  Lise,  se  le  sont  posé  à  eux- 
et  ne  sont  pas  parvenus  à  répondre  d'une  manière  nette. 


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L'INCOMPLÈTUDE  MORALE  429 

Évidemment  il  y  a  de  nombreux  cas  où  ce  sentiment  est  devenu 
exagéré  et  ridicule.  Quand  Vor...  retourne  cinquante  fois  de  suite 
aux  cabinets  parce  qu'elle  a  le  sentiment  d'avoir  uriné  insuffisam- 
ment, il  est  clair  que  c'est  absurde.  Un  acte  comme  celui-là  nous 
semble  consister  simplement  à  vider  la  vessie  et  ne  demande  rien 
de  plus,  or  elle  l'a  vidée  suffisamment  puisque  la  première  fois 
elle  a  uriné  un  demi-litre,  par  conséquent  nous  pensons  qu'elle 
délire  en  sentant  que  l'acte  d'uriner  est  incomplet. 

Dans  d^autres  cas,  il  est  clair  aussi  que  si  l'acte  est  imparfait, 
c'est  le  malade  qui  l'a  rendu  tel,  précisément  en  le  perfection- 
nant. Certainement  Rai...  respire  d'une  manière  mauvaise,  en 
crachant  et  en  rotant  de  tous  les  côtés  ;  une  pareille  respiration 
est  très  défectueuse.  Mais  elle  est  devenue  irrégulière  à  cause 
des  procédés  employés  par  le  malade  et  ces  procédés  ne  sont 
survenus  que  parce  que  le  malade  la  jugeait  déjà  imparfaite.  Il  est 
donc  probable  que  cette  respiration  n'était  pas  mauvaise  au  début, 
en  tous  cas  elle  l'était  beaucoup  moins  qu'aujourd'hui. 

Mais  ces  cas  exagérés  ne  résolvent  pas  le  problème.  De  ce  que 
le  malade  se  trompe  évidemment  maintenant,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'il  ait  toujours  eu  tort.  Ne  se  pourrait-il  pas  qu'il  ait  généralisé 
à  tort  et  à  travers,  qu'il  ait  appliqué  à  un  acte  insignifiant  un  sen- 
timent déterminé  par  une  imperfection  psychologique  réelle  ? 
J'avoue  que,  malgré  la  difficulté,  c'est  vers  cette  opinion  que  je 
tendrais  et  pour  moi  le  problème  des  scrupuleux  consiste  à  trou- 
ver quelle  est  cette  imperfection  psychologique  qui,  comme  une 
épine,  les  tourmente  perpétuellement,  qui  détermine  leurs  exagé- 
rations et  leurs  divagations.  Ce  qui  m'incline  vers  cette  opinion, 
c'est  que  j'ai  retrouvé  des  sentiments  d'incomplétude  chez  beau- 
coup de  sujets  qui  n'avaient  pas  d'obsessions  d  humilité  ou 
d'auto-accusation,  qui  constataient  ces  sentiments  d'une  façon 
très  modérée  sans  y  attacher  d'importance,  sans  les  transformer 
en  manies  ou  eu  obsessions. 

La  seconde  raison  de  cette  opinion,  c'est  que  l'on  peut  observer 
chez  ces  malades  un  certain  nombre  de  troubles  psychologiques 
réels  et  indépendants  de  leur  propre  appréciation.  Tous  les 
auteurs  ont  constaté  chez  les  obsédés  et  les  phobiques  des  arrêts 
ou  des  retards  dans  le  développement  des  diverses  facultés  et 
surtout  un  développement  inégal,  un  manque  d'harmonie  et  d'é- 
quilibre entre  ces  facultés.  «  Ces  individus,  disait  M.  Séglas, 
sont  moralement  des  êtres  partiels,  incomplets,  déséquilibrés,  ils 


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^w^- 


LA  PERTE  DE  LA  FONCTION  DU  RJ 

/  L'indifférence, 
les  sentiments  mélanc 
l'émotivilé, 
les  émotions  sublimes 
le  besoin  de  direction 
Les   troubles    des    émotions  et   des!  {q  besoin  d'excitation, 

sentiments ]  le  besoin  d'aimer, 

I  le  besoin  d'être  aimé, 
la  crainte  de  l'isolemc 
le  retour  à  l'enfance, 
l'amour  exagéré  de  l'I 
le  besoin  d'autorité. 


Tous  ces  troubles  ont  une  certaine  importa 
considérable  suivant  les  cas,  ils  semblent  bie 
obsessions  et  des  manies. 

Il  en  résulte  que  Ton  peut  déjà  présenter 
tére  général  qui  résume  une  partie  considér 
psychasthéniques.  Les  malades  ont  le  sentime 
mentale  est  incomplète  et  d'autre  part  cette  a 
effet  un  certain  nombre  de  lacunes  qui  jusqu 
justifient  ce  sentiment  d'incomplétudc. 


2.  —  La  perte  de  la  fonction  d 

En  nous  plaçant  à  une  autre  point  de  vue 
dans  tous  ces  troubles  psychologiques  un  autre 
si  curieux  et  si  important  qu'il  est  essentiel  de 
Parmi  les  sentiments  les  plus  remarquables  q 
à  propos  des  actions,  à  propos  des  perceptio 
rieurs  et  à  propos  de  la  perception  de  lui-m( 
groupe  composé  par  les  sentiments  de  drôle,  d 
vu,  de  rêve,  que  Ton  peut  je  crois  ramener  à 
mun. 

Quand  le  sujet  répète  qu'il  ne  peut  pas  parvc 
que  cet  acte  est  devenu  impossible,  on  peut 
sent  plus  que  cet  acte  existe  ou  peut  exister  qi 
timent  de  la  réalité  de  cet  acte.  Quand  d'autres 
agissent  en  rêve  comme  des  somnambules,  qu'il 


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432  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

c*est  encore  la  réalité  de  Tacte  par  opposition  au  simulacre  de 
l'acte  dans  les  songes  et  les  comédies  qu'ils  sont  devenus  inca- 
pables d'apprécier. 

Dans  la  perception  extérieure  et  intérieure,  le  fait  est  si  curieux 
que  je  désire  en  donner  un  exemple  de  plus  à  ajouter  à  tous  les 
précédents.  Une  vieille  femme  de  58  ans,  Gou...,  admise  à  la  Sal- 
pétrière  vient  d'être  envoyée  à  l'infirmerie  parce  que  depuis  deux 
mois  elle  est  atteinte  d'un  délire  extraordinaire.  Elle  ne  veut  plus 
faire  aucun  travail  ni  s'occuper  à  quoi  que  ce  soit,  elle  reste  cons- 
tamment sur  sa  chaise  a  gémir  et  à  se  lamenter  :  «  Il  est  inutile 
de  rien  faire,  répète-t-elle,  puisque  tout  est  mort...  on  m'a  mise 
dans  un  tombeau  où  il  n'y  a  rien,  où  je  suis  absolument  seule  dans 
une  affreuse  obscurité...  Tout  est  noir  autour  de  moi,  d'un  noir 
d'encre...  tout  est  vide,  il  n'existe  plus  personne,  aucun  être 
vivant  ne  m'entoure,  c'estcommesi  j'étais  morte  moi  aussi,  etc..  » 
Comme  toujours  l'examen  habituel  des  sens  et  de  la  conduite 
nous  cause  le  même  étonnement,  on  ne  peut  constater  aucun 
trouble  même  le  plus  léger  d'aucune  sensibilité,  la  malade  voit 
très  bien  les  objets  et  les  couleurs  et  se  conduit  très.correctement. 
Au  moment  même  où  elle  déclare  que  tout  est  noir  et  que  tout 
est  mort,  elle  va  très  bien  demander  sa  tisane  à  la  surveillante. 

Les  principaux  sentiments  observés  dans  ce  cas  comme  dans 
les  précédents  sont  le  sentiment  d'absence  de  relief,  d'obscurité, 
de  noir,  de  drôle,  d'étrange,  de  dégoûtant,  de  jamais  vu,  de  faux, 
de  simulé,  de  rêve,  d'éloignement,  d'isolement,  de  mort.  Quel 
est  le  sentiment  auquel  se  rattachent  tous  les  autres,  on  a  dit  que 
c'était  le  sentiment  de  nouveau  et  d'étrangeté.  Je  crois  plutôt  que 
c'est  le  sentiment  de  non  réel,  le  sentiment  d'absence  de  réalité. 
C'est  le  sentiment  d'absence  de  réalité  psychologique  dans  les 
êtres  extérieurs  qui  leur  fait  dire  que  les  animaux  et  que  les 
personnes  placés  devant  eux  sont  des  morts.  C'est  le  même  senti- 
ment relatif  à  la  disparition  de  la  réalité  ordinaire  qui  se  trouve 
dans  les  sentiments  de  rêve,  de  simulé,  de  jamais  vu  et  d'étrange. 
En  un  mot  les  malades  continuent  a  avoir  la  sensation  et  la  per- 
ception du  monde  extérieur,  mais  ils  ont  perdu  le  sentiment  de 
réalité  qui  ordinairement  est  inséparable  de  ces  perceptions. 

Il  en  est  de  même  pour  la  perception  personnelle  :  quand  les 
malades  sentent  qu'ils  ont  perdu  leur  moi,  qu'ils  sont  à  moitié 
vivants,  qu'ils  sont  morts,  qu'ils  ne  vivent  plus  que  matériel- 
lementy  que  leur   âme  est    séparée  de    leur  corps,    qu'ils    sont 


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LA  PERTE  DE  LA  FONCTION  DU  RÉEL  433 

étraDges,  drôles,  comme  s'ils  avaient  une  vie  dans  un  autre  monde, 
c'est  encore,  à  mon  avis,  qu'ils  se  sentent  irréels.  Ils  ont  con- 
servé toutes  les  fonctions  psychologiques,  mais  ils  ont  perdu  le 
sentiment  que  nous  avons  toujours,  à  tort  ou  à  raison,  c'est  d'être 
réels,  de  faire  partie  de  la  réalité  du  monde. 

Ce  phénomène  très  remarquable  de  la  perte  du  réel  n'existe-t- 
il  que  dans  les  sentiments  subjectifs  des  malades  ?  Ne  peut-on  pas 
retrouver  dans  l'observation  extérieure  de  leurs  actions  et  des 
manifestations  de  leur  pensée,  des  preuves  qu'il  y  a  dans  leur 
esprit  un  trouble  particulier  ?  Ce  trouble  porterait  sur  les  fonctions 
psychologiques  dans  leur  rapport  avec  la  réalité  donnée,  sur  une 
fonction  spéciale  que  l'on  pourrait  appeler  la  fonction  du  réel. 

Il  me  semble,  en  effet,  nécessaire  pour  résumer  les  observations 
précédentes  de  distinguer  une  opération,  ou  si  Ton  préfère  une 
partie  des  opérations  psychologiques  que  les  descriptions  clas- 
siques ne  mettent  pas  à  part,  mais  que  la  maladie  semble  avoir 
analysée.  Une  opération  mentale,  un  souvenir,  une  attention  ou  un 
raisonnement  semblent  rester  de  même  nature  quel  que  soit  leur 
objet,  que  celui-ci  soit  constitué  par  des  représentations  tout  à 
fait  imaginaires  ou  que  son  objet  soit  formé  par  des  événements 
tout  à  fait  réels,  appartenant  au  monde  dans  lequel  nous  sommes 
plongés.  L'association  des  idées,  dit-on  souvent,  est  la  même  dans 
le  rêve  et  dans  l'expérience  de  la  vie.  Cette  affirmation  toujours 
acceptée  est-elle  bien  juste  ?  L'observation  de  nos  malades  pré- 
sente, en  effet,  un  fait  singulier  ;  c'est  que  leurs  opérations  men- 
tales ne  sont  point  troublées  quand  il  s'agit  seulement  de  l'ima- 
ginaire et  qu'elles  ne  présentent  du  désordre  qu'au  moment  où 
il  s'agit  de  les  appliquer  à  la  réalité. 

Tous  les  troubles  du  raisonnement,  de  l'attention,  de  l'appré- 
ciation des  situations  n'existent  pas  dans  les  ruminations  ni  dans 
les  rêveries,  le  malade  construit  dans  son  imagination  de^  petites 
histoires  très  cohérentes  et  très  logiques  :  c'est  quand  il  s'agit  de 
la  réalité  qu'il  n'est  plus  capable  de  faire  attention  ni  «de  com- 
prendre. Plusieurs  de  ces  malades  ont  quelque  talent  littéraire 
ou  musical  ;  quand  ils  inventent  des  histoires  ou  des  morceaux  de 
musique,  leur  esprit  fonctionne  parfaitement  bien,  ils  n'ont  ni 
hésitation  ni  doute.  L'hésitation  va  venir  si  Tœuvre  d'imagination 
doit  se  transformer  en  œuvre  réelle  et  être  donnée  au  libraire  ou 
au  commerçant.  «  Je  vis  dans  les  espaces,  dit  Lo...,  et  j'y  vis  très 

LES  OB8ESSIO?!S.  1.    —    a8 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQLES 

e  ne  peux  pas  jouir  des  choses  de  ce  monde,  je  ne 
•éel  et  ma  vie  est  imaginaire  et  factice...  ff  «  S'il  ne 
e  de  mon  goût  je  saurais  très  bien  terminer  mes  feuilles 

Tr...,  mais  quand  il  s'agit  de  donner  une  feuille  de 
)e  pour  qu'elle  soit  vendue,  j'hésite  indéfiniment.  )> 
que  les  fonctions  sont  correctes  dans  le  domaine  de 
,  elles  restent  parfaites  quand  il  s'agit  de  l'avenir  et 

y  a  chez  quelques  sujets  des  expériences  curieuses 

ce  caractère  en  évidence.  Wo...  a  d'épouvantables 
rupule  a  propos  des  comptes  du  ménage  et  surtout  des 
ïs  fournisseurs,  il  semble  que  son  attention  soit  fati- 
'elle  fait  une  addition  de  quelques  chiffres  et  qu'elle 
lus  arriver  h  la  certitude.  Si  on  la  prie  de  faire  une 
'  des  chiffres  imaginaires  sans  rapports  avec  sa  vie 
vail  se  fait  très  facilement,  aussi  longtemps  qu'on  le 
tigue  et  sans  hésitation.  Bien  plus,  la  malade  a  remnr- 
me  qu^un  de  ses  comptes  de  ménage  peut  être  fait 
té  à   la   condition  qu'il  soit  ancien,  qu'il  ait  rapport 

du  trimestre  précédent.  Elle  prend  spontanément 
e  laisser  les  comptes  attendre  pour  les  vérifier,  «  plus 
IX  plus  ils  se  calculent  aisément  ».  Il  est  visible  que 
mme  l'imaginaire,  est  un  élément  de  facilité,  c'est  le 
*ésent  qui  troublent  l'action. 

ous  les  troubles  que  nous  avons  constatés  se  ramènent 
et  au  réel,  les  émotions  sont  vagues  sans  adaptation 
constances  présentes  et  réelles.  «  Le  présent  me  fait 
ntrus,  disait  un  malade  de  M.  Dugas  '  ».  «  Il  y  a  pour 
formation  de  la  réalité,  dit  Gisèle,  et  je  ne  peux  pas 
'  au  monde  tel  qu'il  est,  ni  m'émotionner  pour  ce  qui 
au  [pndy  dit  Lise,  tous  mes  tourments  viennent  de 
une  mauvaise  appréciation  de  la  réalité  ». 
L)les  les  plus  accentués  se  rencontrent  dans  l'acte 
lans  la  perception  attentive  des  objets  présents,  dans 
>n  de  la  personnalité  réelle  parce  que  ce  sont  les 
es  plus  étroitement  en  rapport  avec  l'appréhension  de 
réel.  Leur  indécision,  leur  défaut  de  certitude,  leur 
actéristique   ne   sont  que  d'autres  aspects  du  même 

fondamental. 

evue  philosophique,  iS^it  II,  p.  4o. 


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LA  PERTE  DE  L\  FONCTION  DU  RÉEL  435 

Les  malades  agissent  bien  à  une  condition,  c'est  que  leur  action 
soit  insignifiante  y  c'est  ce  qui  fait  que  leurs  agitations,  leurs  im- 
pulsions sont  si  peu  dangereuses:  ils  peuvent  se  promener,  bavar- 
der, gémir  devant  des  intimes,  mais  dès  que  Faction  devient 
importante  et  par  conséquent  réelle,  ils  cessent  de  pouvoir  agir, 
ils  abandonnent  peu  à  peu  le  métier,  la  lutte  contre  les  autres, 
les  relations  sociales,  etc.  Quelques-uns  rattachent  ce  défaut 
d'action  réelle  à  la  timidité.  «  Moi,  dont  tout  l'être,  dit  Amiel, 
pensée  et  cœur  a  soif  de  s'absorber  dans  la  réalité,  dans  le  prochain, 
dans  la  nature  et  en  Dieu,  moi  que  la  solitude  dévore  et  détruit, 
je  m'enferme  dans  la  solitude  et  j'ai  l'air  de  ne  me  plaire  qu'avec 
moi-même.  La  fierté  et  la  pudeur  de  l'ume,  la  timidité  du  cœur 
m'ont  fait  violenter  tous  mes  instincts,  intervertir  absolument  toute 
ma  vie^  »  Il  faudrait  discuter  si,  comme  le  pense  Amiel,  cet  éloi- 
goement  du  réel  dépend  de  la  timidité  ou  si  ce  n'est  pas,  comme 
je  le  crois,  la  timidité  qui  résulte  de  cette  incapacité  d'affronter 
le  réel.  Mais  pour  le  moment  je  constate  seulement  combien  cet 
éloignement  de  la  réalité  existe  au  fond  de  tous  les  troubles  notés 
chez  les  scrupuleux.  D'autres  malades  ne  donnent  pas  l'interpré- 
tation d'Amiel,  «  ce  n'est  pas  l'action  elle-même  qui  m'est  difficile, 
dit  Claire,  c'est  de  prendre  l'action  réelle,  de  faire  l'action  pour 
le  monde  réel,  c'est  là  ce  qui  me  fait  prendre  pour  une  timide  ». 

Jean,  depuis  l'enfance,  a  une  existence  spéciale  :  ne  faisant  ni 
du  bien,  ni  du  mal,  parfaitement  insignifiant  à  tous  les  points  de 
vue,  ne  se  préoccupant  en  rien  du  monde  donné,  il  vit,  comme 
disaient  déjà  ses  maîtres  au  collège,  «  étranger  aux  choses,  étranger 
à  tout  ».  Il  n'a  jamais  pu  s'intéresser  a  quoi  que  ce  soit  de  la  réalité, 
il  n'a  acquis  aucune  habileté  manuelle  a  il  ne  sait  que  faire  de  ses 
dix  doigts  ».  C'est  en  vain  qu'on  a  voulu  lui  apprendre  à  jouer  de 
la  musique,  à  dessiner,  à  relier  des  livres,  à  travailler  un  peu  la 
terre  à  la  campagne,  il  n'a  rien  pu  comprendre  à  ces  divers  travaux 
pratiques.  Et,  en  effet,  quand  on  cherche  h  comprendre  cet  étrange 
garçon,  on  reconnaît  que  c'est  la  pratique  de  la  vie  qui  lui  manque 
d'une  manière  invraisemblable.  Quoiqu'il  ait  toujours  été  dans 
laisance,  il  ne  connaît  aucunement  la  valeur  de  l'argent,  de  la 
fortune;  il  a  vécu  dans  un  pays  agricole  et  il  ignore  tout  de 
l'agriculture.  Ce  garçon  de  3o  ans,  très  intelligent,  je  le  répète, 
est  au   désespoir  quand   il   lui  faut   trouver  son   dîner  dans   les 

1.  Amiel,  Journal  intime,  h  169.  Harl.  369. 


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436  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES 

rues  de  Paris.  Choisir  un  restaurant,  y  entrer,  commander  son 
dîner  lui  parait  une  opération  inouïe  :  il  ne  s'agit  pas  là  de  timi- 
dité ou  d^obsession,  c*est  l'acte  pratique  dont  il  n'a  pas  la  moindre 
notion.  Il  en  est  de  même  h  des  degrés  différents  pour  tous  nos 
sujets.  Il  faut  interroger  sur  ce  point,  non  les  malades,  mais  leur 
famille  et  j'ai  entendu  bien  des  gémissements  venant  des  mères, 
des  maris  ou  des  femmes  des  malades.  On  répète  toujours  que  le 
malade  n'a  jamais  été  pratique,  qu'il  dépensait  l'argent  à  tort  et  à 
travers,  qu'il  ne  se  rendait  pas  compte  de  sa  fortune,  de  sa  situa- 
tion réelle,  qu'il  ne  savait  rien  organiser,  rien  réussir.  L'entourage 
des  malades  insiste  aussi  sur  cette  absence  d'habileté  manuelle 
qui  est  souvent  chez  eux  un  signe  de  leur  défaut  de  sens  pratique. 

Les  malades  gardent  plus  d'activité  pour  les  choses  qui  sont  plus 
éloignées  de  la  réalité  matérielle,  ils  sont  plus  facilement  psycho- 
logues, Jean,  qui  ne  voit  rien  des  choses  matérielles,  fait  des  re- 
marques morales  sur  les  gens  et  ces  remarques  sont  souvent  fines. 
Ils  aiment  la  littérature  comme  Gisèle  et  tournent  au  bas  bleu,  ils 
aiment  surtout  la  philosophie  comme  Qsa...et  deviennent  de 
terribles  métaphysiciens  :  quand  on  a  vu  beaucoup  de  scrupuleux, 
on  en  arrive  à  se  demander  avec  tristesse  si  la  spéculation  philo- 
sophique n'est  pas  une  maladie  de  l'esprit  humain.  Ces  quelques 
remarques  et  ces  quelques  études  dont  quelques  malades  sont 
encore  capables  ne  font  que  confirmer  le  caractère  général  de 
leur  esprit  qui  est  toujours  l'éloignement  de  la  réalité  concrète. 

Une  conséquence  très  remarquable  et  un  peu  inattendue  de 
cet  éloîgnement  du  réel,  c'est  l'ascétisme.  Jean  ne  s'intéresse  à 
rien,  n'admire  rien,  n'aime  rien  ;  il  n'a  qu'une  préoccupation  en  de- 
hors de  ses  obsessions  c'est  de  faire  le  moins  d'efforts  possible 
dans  la  vie.  Comme  ces  efforts  amènent  des  délibérations,  des 
scrupules  interminables,  il  ne  tient  pas  assez  à  la  réalité  pour 
braver  ces  accidents:  aussi  en  arrive-t-il,peu  a  peu, à  se  passer  de 
tout,  à  renoncer  à  tout.  Il  a  une  vie  d'une  régularité,  d'une  sobriété, 
d'une  simplicité  invraisemblable  pour  la  situation  où  il  se  trouve: 
«  il  n'y  a  pas  de  mérite  à  cela,  me  répond-il  quand  je  lui  en  fais  la 
remarque,  les  choses  auxquelles  vous  tenez  ne  m'intéressent  pas 
et  ne  me  causent  aucun  plaisir  ;  je  suis  séparé  de  votre  vie  par 
un  fossé  ».  C'est  à  cet  ascétisme  qu'arrivent  tous  les  scrupuleux: 
Nadia  malgré  ses  qualités  brillantes  s'est  peu  à  peu  retirée  du 
monde,  elle  vit  depuis  cinq  ans  dans  un  petit  appartement  d'où 
elle  ne  sort  presque  jamais.  En    dehors  de    son    médecin  et   de 


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DE  LA  FONCTION  DU  RÉEL 

quelques  personnes  de  sa  famille  qu'elle  reçoit  de  t 
temps,  elle  ne  voit  absolument  personne  et  vit  aussi  rc 
monde  que  si  elle  était  dans  un  couvent.  Tous  en  arrivent  j 
à  peu  à  simplifier  leur  vie,  non  seulement  par  le  progr 
maladie,  par  suite  des  manies  et  des  phobies,  mais  par 
sont  au  fond  désintéressés  de  la  vie  réelle. 

Je  voudrais  rattacher  encore  à  cet  éloignement 
les  troubles  que  nous  avons  notés  précédemment  sur  le 
temps.  Bain  dit  que  «  pour  comprendre  la  conduite  de  1 
il  faut  toujours  tenir  grand  compte  de  la  puissance  ab 
du  présent*  ».  Cette  remarque  n'est  pas  exacte  pour  nos 
car  le  présent  n'est  pas  absorbant  pour  eux.  Il  me  sembh 
qu'ils  ne  mettent  pas  la  même  différence  que  nous  entre  le 
et  le  passé. 

Ils  accordent  une  importance  disproportionnée  au  pj 
l'avenir  et  surtout  au  passé.  Lôwenfeld,  comme  on  l'a  vi 
lait  un  malade  absorbé  par  le  passé^,  mais  nons  avons 
que  ce  caractère  à  des  degrés  divers  est  absolument  j 
«  Ils  ne  vivent  pas  dans  le  présent,  répètent  toujours  le 
ches  ;  ils  sont  toujours  en  train  de  se  raconter  à  eux-n 
d'arranger  dans  leur  imagination  quelques  faits  anciens 
sont  convaincus,  comme  disait  Xyb. . . ,  que  le  présent  ne  pei 
effacer  le  passé.  »  C'est  a  cause  de  ce  peu  d'intérêt  accorde 
sent  que  les  scrupuleux  n'ont  aucune  notion  de  Theure 
sont  toujours  en  retard.  C'est  également  pour  cela  qu'ils  o 
gulier  sentiment  que  nous  décrivaient  Ver...  et  Bei...  ces 
atteints  de  dépersonnalisation,  le  sentiment  de  ne  plusdi 
hier,  aujourd'hui  et  demain.  Aujourd'hui  se  distingue  pc 
par  un  coeflicient  plus  élevé  de  réalité  et  d'action  c'e 
qu'ils  sont  éloignés  du  réel  qu'ils  n'ont  plus  le  sens  du  pr 

Enfin  une  dernière  remarque  doit  être  ajoutée  aux  obsc 
précédentes,  c'est  qu'on  retrouve  un  trouble  analogue  mè 
les  phénomènes  pathologique  des  psychasthéniques,  dai 
hallucinations  et  dans  leurs  impulsions.  Comme  j'ai  essa 
démontrer,  ils  n'ont  que  des  pseudo-hàllucinations  qui 
les  caractères  de  l'hallucination  excepté  le  sentiment  de 


1.  Bain,  Les  émotions  et  la  volonté,  p.  5oi  (Paris,  F.  Alcan). 

2.  I^ôwenfeld.  Psychiatrische  Wochensehrift,  lo  juin  1899. 


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LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNÎQUES 

des  impulsions  qui  ont  tous  les  caractères  de  la  coer- 
le  sauf  le  pouvoir  de  déterminer  des  actions  réelles, 
rque  est  intéressante,  car  elle  me  paraît  ici  échapper 
Q  que  jusqu'à  présent  nous  faisions  constamment.  Si 
s,  les  sentiments,  les  actions  de  ces  malades  sont  in- 
loin  de  la  réalité,  disions-nous,  c'est  peut-être  parce 
ne  idée  fixe  d'imperfection  qui  les  arrête.  Eh  bien,  ces 
se  doutent  pas  que  l'hallucination  serait  à  notre  point 
hénomène  parfait.  Ils  ne  se  rendent  même  pas  compte 
res  d'une  vraie  hallucination  et  quand  ils  nous  décri- 
[lallucinations  si  imparfaites,  ils  ne  peuvent  y  mettre 
lilité. 

de  même  aucune  idée  sur  le  résultat  des  pratiques 
ne.  Ils  désirent  plutôt  le  sommeil  qu'ils  croient  utile 
;uérison.  Cependant  les  expériences  hypnotiques  long- 
rieusement  continuées  m'ont  montré  que  tant  que  les 
sont  très  malades  ils  ne  sont  ni  hypnotisables,  ni  sug- 
Pous  ces  phénomènes  d'impulsion,  de  suggestion  et 
tion  consistent  surtout  à  donner  au  sujet  l'illusion  de 
est  curieux  de  voir  que  les  scrupuleux  les  ont  perdus 
précédents.  Non  seulement  ils  n'ont  plus  l'appréhen- 
réalité  véritable,  mais  ils  n'arrivent  pas  non  plus  à 
î  la  réalité.  Ce  fait  suUirait  à  prouver,  s'il  en  était 
I  le  trouble  ne  consiste  pas  dans  une  action  insulTisante 
î  sur  le  sujet,  mais  dans  une  insuffisance  des  opérations 
ui  conduisent  soit  à  la  perception  de  la  réalité,  soit  à 
î  cette  perception. 

rait  donc  réunir  un  assez^'grand  nombre  de  leurs  Irou- 
^logiques  en  supposant  contrairement  h  l'opinon  com- 
la  réalité  présente  exige  une  complexité  spéciale  de 
psychologique  et  qu'il  y  ait  par  conséquent  une  fonc- 
le  que  l'on  pourrait  appeler  la  fonction  du  réel.  C'est 
clans  V appréhension  du  réel  par  la  perception  et  par 
i  résume  les  troubles  présentés  par  nos  malades  en 
leur  manies  et  de  leurs  obsessions. 

des  troubles  physiologiques  est   plus  simple  et  il  est 

de   les   résumer.  On  a  observé   des   douleurs  dans  la 

ation  probablement  avec  une  insuffisance  de  régulari- 

la  pression  intracéphalique  et  avec  des  troubles  vaso- 


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440  LES  STIGMATES  PS 

bien  probable  que  si  nos  malades 
faiblesse  de  pensée,  ils  ne  s'en 
et  ne  se  plaindraient  de  ne  pas 
tout  est  lointain,  que  tout  est  n 
s^appliquer  à  presque  tous  les  s 
stigmates  psychasthéniques  appai 
de  nature  transitoire,  comme  un< 

D'ailleurs  l'observation  est  sui 
sans  entrer  dans  l'étude  de  l'évoli 
consacrerai  un  chapitre  spécial, 
chez  tous  les  malades  sans  exce| 
l'état  psychasthénique  se  sont  prc 
seulement  que  dans  les  cas  grav 
très  longtemps. 

Dans  certains  cas  particulièrer 
très  précises  et  peuvent  ne  durei 
cas  on  peut  bien  noter  l'apparitioi 
leur  disparition.  Les  auteurs  qui  < 
M.  Magnan,  ont  bien  remarqué  le 
fusion  qui  précède  souvent  de  plu 
ment  dite*.  M.    Séglas  est   l'un 
chez  les  obsédés  l'apparition  de  ce 
comme  une  forme  atténuée  de  la 
dant  deux  ou  trois  jours  une  exag 
neurasthéniques...   Les    malades 
mêmes,  ne   se   trouvent  plus  con 
très  défectueuse,  difficile  h  fixer 
est  paresseuse  et  infidèle,  la  vol( 
motrice  et  Taboulie  se  traduit  pai 

Chez  beaucoup  de  nos  malades 
de  psychasthénie  qui  préparent 
choses  se  passent  ainsi  chez  Got. 
tout  comme  exemple  l'observatii 
autrefois  de  longues  périodes  i 
actuellement  les  périodes  sont 
quelques  jours  et  elles  cessent  < 
trouble   survient    en    général   qu 


1.  Magnan,  La  dipsomanie,  p.  98. 

2.  Séglas»  op.  cil.  p.  70. 


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LES  PÉRIODES  PSYCHASTIÎÉNIQUES  441 

règles,  il  a  été  préparé  par  diverses  émotions  dont  nous  étu- 
dierons rimportance,  il  s'annonce  presque  toujours  par  une 
modification  du  sommeil,  la  malade  dort  moins  bien  et  d'une 
manière  bizarre.  Il  lui  semble  qu'elle  dort  trop  profondément 
et  en  même  temps  qu'elle  ne  se  repose  pas.  Ceux  qui  ont  étudié 
le  sommeil  des  épileptiques  sont  habitués  à  cette  description. 
En  même  temps  Kl...  sent  que  son  sommeil  est  douloureux, 
qu'elle  a  tout  en  dormant  une  douleur  qui  se  forme  au-dessus 
de  la  tète  ;  c'est  ce  qu'elle  appelle  «  avoir  la  fièvre  dans  la 
tète  ».  Quand  elle  se  réveille  le  matin  en  se  souvenant  qu'elle 
a  eu  pendant  le  sommeil  la  fièvre  dans  la  tète  elle  est  cer- 
taine qu'elle  va  encore  être  malade.  En  effet,  elle  se  sent  dans 
cette  première  journée  mal  à  son  aise,  elle  est  fatiguée,  elle 
souffre  de  la  tète,  elle  n'a  aucun  appétit  ;  les  digestions  sont 
longues,  pénibles,  accompagnées  de  pesanteur  et  de  gonflement 
de  la  région  épigastriquc,  la  langue  est  devenue  immédiatement 
tout  à  fait  saburrale,  et  la  constipation  est  opiniâtre.  On  voit  que 
du  moins  chez  cette  malade  ce  sont  les  symptômes  physiques 
qui  semblent  apparaître  les  premiers. 

La  nuit  suivante  est  encore  plus  mauvaise  et  la  «  fièvre  de  tète  » 
plus  forte.  Quand  la  malade  se  réveille  elle  est  moralement  trou- 
blée :  ((  Je  sens  que  je  n'y  suis  plus,  j^ai  tout  a  fait  perdu  ma 
volonté,  on  peut  faire  de  moi  ce  que  l'on  veut,  puisque  je  suis  de- 
venue une  machine...  je  ne  peux  plus  lire  ni  comprendre...  les 
gens  me  paraissent  drôles  et  j'ai  envie  de  me  fâcher  contre  eux 
parce  qu'ils  ont  de  drôles  de  tètes...  je  deviens  étrange,  incom- 
préhensible a  moi-même  et  je  m'interroge  sur  une  foule  de 
choses.  »  Voici  donc  que  surviennent  nos  symptômes  psychasthé- 
niques  qui  forment  très  nettement  chez  cette  personne  une 
période  maladive.  Quand  ces  symptômes  ont  duré  en  s'aggravant, 
la  moindre  occasion,  un  effort  pour  retrouver  la  volonté  absente, 
un  effort  d'attention,  ou  une  petite  émotion  va  déterminer  le 
début  d'autres  phénomènes  que  nous  connaissons  bien  ;  la  malade 
va  avoir  une  crise  de  rumination  mentale  et  s'interroger  indéfini- 
ment sur  la  naissance  de  son  enfant,  n  La  petite  tache  qu'il  porte 
au  derrière  est-elle  la  preuve  qu'il  soit  de  son  mari,  peut-on 
concevoir  des  enfants  sans  avoir  eu  d'amants,  etc.  »  Ou  bien  si 
la  malade  veut  se  débarrasser  de  ces  questions  obsédantes,  elle  va 
avoir Jde  l'agitation  motrice  et  entrer  dans  de  véritables  crises 
d'excitation.    Si   la    période    se   prolonge    les    idées  obsédantes 


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CHAPITRE  PREMIER 

THÉORIES  PATHOGÉNIQUI 
LES  MODIFICATIONS  DE  LA  TENSION  PS 


Dans  l'ignorance  où  nous  sommes  des  Ton 
système  nerveux  et  des  causes  qui  détei 
tion  ou  la  diminution  des  opérations  cérébral 
géniques  des  troubles  de  l'esprit  ne  peuvei 
classifications  aussi  naturelles  que  possible  d 
vés.  Elles  doivent  se  borner  h  déterminer  q 
symptômes  que  Ton  considère  comme  pri 
essaye  de  rattacher  tous  les  autres  et  quels  i 
symptômes  que  l'on  considère  comme  sec( 
met  sous  la  dépendance  des  premiers.  Comn 
ici  essentiellement  des  phénomènes  psycho] 
ont  pour  but  de  rechercher  quels  sont,  à  i 
mènes  psychologiques  dominateurs  et  quels 
psychologiques   secondaires. 

A  côté  de  ces  théories  qui  classent  les  sy 
rapport  aux  autres,  il  faut  placer  d'autres  iY 
qui  cherchent  les  rapports  entre  cette  mal 
les  autres  maladies  mentales  ou  même  physi 
des  classifications  qui  établissent  les  rapp 
avec  les  autres.  Il  ne  faut  pas  confondre 
théories  :  la  théorie  de  Westphal  qui  rati 
tomes  à  l'obsession  intellectuelle  est  une  t 
du  premier  genre,  la  théorie  de  M.  Mî 
tous  ces  phénomènes  sans  exception  com 
dégénérescence  mentale  est  une  théorie 
genre  ;  il  ne  faudrait  pas  non  plus  oppos 
l'une  à  l'autre,  elles  peuvent  être  vraies 
répondent  ii   deux  questions  diileientes.  N 


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ÈORIES  INTELLECTUELLES 

emier  lieu,  Fauteur  observ 
;  jamais,  dlt-il,  Tobsessioi] 
;ar  les  malades  ne  Tasslm 

j. .es  aliénés  systématiques, 

reste  toujours  étrangère  au  moi  des  malades.  L'auteu 
suite  un  second  caractère  qu'il  croit  fondamental,  c'est 
sion  n'est  jamais  sous  la  dépendance  d'un  état  émotifou 
c'est  qu'elle  est  un  trouble  originel  de  l'idée.  Quand 
apparaît  pour  la  première  fols  le  malade  peut  être  dans 
tranquillité  parfaite,  d'indifférence,  sans  trace  d'émotio 
d'angoisse  n'apparaissent  que  plus  tard  et  sont  touj 
daires  :  jamais  on  ne  trouve  l'angoisse  primaire  comm 
très  psychoses,  la  mélancolie  ou  l'hypocondrie.  Si  on 
tater  l'angoisse  en  même  temps  que  l'obsession  c'est 
coïncidence. 

Cette  opinion  de  Westphal  qui  considère  les  obsess 
de  simples  troubles  intellectuels  semble  prévaloir  da 
vaux  de  Meynert,  1877,  de  Buccola,  1880,  de  Tambi 
de  Morselli,  i885,  de  Hack-Tuke,  1894  ^  Nous  re 
même  affirmation  dans  l'ouvrage  de  MM.  Magnan  etL< 
«  Les  phénomènes  de  l'émotion  ne  sont  que  des  réac 
daires...  si  le  sympathique  intervient  il  le  fait  second 
non  primitivement,  il  obéit  à  la  situation  mentale  au 
commander...  L'onomatomanie,  la  folie  du  doute,  U 
toucher,  l'écholalie  sont  sans  aucun  doute  des  trouble 
tionnement  de  Técorce.  Enfin,  rappelons  que  les 
émotionnels  ont  une  intensité  très  variable,  qu'ils  s 
réduits  à  peu  de  chose  et  que  dans  certains  cas  ils  disp 
Même  conception  également  dans  le  travail  de  Mickl< 
sont  les  troubles  de  l'idée  qui  prévalent  toujours.  «  L'i 
tive  est  le  grand  facteur,  les  troubles  émotifs  peuvent 
dérés  comme  secondaires  et  sont  dus  au  conflit  entre 
volonté  *.  » 

1.  VVe«tphal.  Berliner  klinische  Wochenschrijl,  1872,  p.  890.  U 
steUuntfen,  1877. 

2.  Meyuert,  Aborlive  Vemickheit.  Psych.  Centralbl.,  1877.  Buccol 
freniatria,  i88o.  Tamburini,  Sulla  pazzia  del  Dubbio.  Hev.  sper.  di  fi 
selli,  M  annale  di  semeiolica,  i885.  Hack-Tuke,  Brain,  1894. 

3.  Magnan  et  Lograin,  Les  déijênérés  (Bibl.  Cbarcot-Debove),  18 

4.  J-  Mickle,  Mental  Besetments  or  Obsessions.  Mental  Science,  oc 
Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  8. 

LBS    OB8E8SIO:«S.  I. 


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T'-v^ 


THÉORIES  PATHOr.ÉNlQUES 

laDS  la  dernière  édition  du  traité  de  psychiatrie  de 
ingy  Témotion  de  Tobsédé  est  considérée  comme  secon- 
mme  la  réaction  de  la  représentation  obsédante  sur  la 
ve  du  malade.  Tout  au  plus  Tauteur  convient-il  qu'il  y 
constituer  une  variété  où  Témotion  joue  un  assez  grand 
st  d'ailleurs  à  cette  conclusion  que  parvenaient  également 
li,  Luys,  J.  Falret. 


—  Discussion  des  théories  intellectuelles. 

opinion  cependant  ne  semble  pas  en  faveur  aujourd'hui, 
rtement  battue  en  brèche  dans  le  mémoire  de  MM.  Pitres 
pi  résumait  l'état  actuel  de  la  question,  et  je  suis  disposé 
r  l'opinion  de  ces  auteurs.  Je  remarquerai  d'abord  que 
>rie  dite  intellectuelle  de  l'obsession  est  excessivement 
le  nous  apprend  absolument  rien  sur  la  nature  de  ce 
itellectuel  ni  sur  son  mécanisme  :  elle  affirme  simple- 
les  troubles  intellectuels  sont  les  premiers  de  tous.  11 
pourtant  s'entendre  sur  ce  que  l'on  désigne  par  ces 
)ubles  intellectuels  »  qui  peuvent  avoir  ici  trois  signifi- 
°  ils  peuvent  désigner  l'obsession  proprement  dite,  cette 
renue  qui  s'impose  au  malade  et  lui  fait  penser  :  qu'il  a 
issassiné  une  vieille  femme  devant  une  église  ;  2"  ils 
ésigner  les  manies  mentales,  ces  mauvaises  habitudes  de 
ae  opération  psychologique  parfaitement  inutile  comme 
venir,  de  chercher,  de  compter,  de  jurer;  3°  on  peut 
par  troubles  intellectuels  les  sentiments  d'étrangeté, 
gence,  les  troubles  de  l'attention,  de  la  perception  per- 
etc.  Les  partisans  de  théories  intellectuelles  sont  bien 
ous  dire   avec   précision    lequel   de   ces   trois  sens  ils 

le  certain  que  les  auteurs  ne  parlent  pas  du  troisième 
)nt  ils  semblent  ne  pas  soupçonner  l'importance  ou  dont 
le  maladie  à  part,  quand  ils  sont  forcés  de  les  constater 
1  arrive  dans  la  névrose  cérébro-cardiaque  de  Krisha- 
mfondent  les  deux  premiers  groupes,  mais  ils  accordent 

Ebing,  Traité  de  psychiatrie^  Irad.  Laurent,  1897,  p.  545. 


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DISCUSSION  DES  THÉORIES  INTELLECTUELLES  451 

évidemmeDt  plus  d'importance  au  premier  et  en  somme  les  théo- 
ries intellectuelles  semblent  être  des  théories  qui,  d'une  manière 
il  est  vrai  fort  vague,  admettent  la  priorité  de  Tidée  obsédante. 
Pouvons-nous   partager   cette  opinion  ? 

Les  arguments  présentés  par  Westphal  et  par  les  auteurs 
iotellectunlistes  se  bornent  à  nous  montrer  qu'il  y  a  des  obses- 
sions sans  angoisses  et  sans  troubles  émotionnels  préalables.  La 
remarque  est  très  juste,  mais  elle  se  borne  à  contredire  les  théo- 
ries émotionnelles,  elle  ne  donne  pas  de  preuve  directe  de  la 
priorité  de  l'idée  obsédante.  D'autre  part  on  peut  objecter  bien 
des  arguments  contre  cette  priorité. 

L'observation  clinique  permet  déjà  de  faire  des  réserves  :  ces 
idées  obsédantes,  nettes,  déterminées  données  par  le  malade 
comme  une  interprétation  de  son  mal  ne  sont  pas  aussi  communes 
qu'on  le  croit.  Si  on  veut  bien  ne  pas  isoler  arbitrairement  les 
malades  qui  ont  des  véritables  obsessions,  si  l'on  réunit  en  un 
ensemble,  comme  j'ai  essayé  de  le  faire,  tous  ceux  qui  par  la 
grande  majorité  des  symptômes  psychologiques  et  par  l'évo- 
lution de  leur  maladie  sont  réellement  du  même  genre,  on  verra 
que  beaucoup  de  ces  sujets  ont  simplement  des  tics,  des  agi- 
tations mentales,  des  angoisses,  des  sentiments  variés  d'in- 
complétude  et  n'ont  pas  d'idées  obsédantes  proprement  dites. 
Dob...  a  des  grandes  angoisses  qui  se  produisent  dans  des  cir- 
constances particulières,  ce  qui  fait  qu'on  peut  les  nommer  des 
agoraphobies,  des  peurs  de  l'espace  ;  maisc'est  nous  qui  donnons 
ce  nom  et  cette  explication.  La  malade  répète  toujours  qu'elle  n'a 
aucune  idée  absurde  à  propos  des  grandes  places  ou  des  rues,  elle 
se  défend  d'avoir  des  idées  de  honte  ou  de  pudeur  exagérée,  elle 
dit  qu'une  crise  la  prend  dans  la  rue  sans  qu'elle  sache  pourquoi  *. 
En  somme  elle  a  des  crises  d'angoisse  physiologique  et  n'a  pas 
d'idée  obsédante  antérieure  à  ces  crises.  Mw...  est  tourmentée  par 
la  manie  des  serments,  c'est  déjà  plus  intellectuel,  mais  il  n'y  a 
pas  là  d'idée  déterminée,  elle  ne  fait  pas  ces  serments  par  prin- 
cipe en  vertu  d'une  théorie  de  la  vie  qu'elle  se  soit  faite.  Elle  ne 
sait  pas  pourquoi  elle  les  fait,  elle  ne  les  rattache  à  rien,  c'est  une 
habitude,  un  tic  de  l'esprit,  ce  n'est  pas  une  idée  ayant  un  objet 
déterminé  et  représentant  quelque  chose. 


I.  Même  remarque  sur  un  agoraphobe  dans  un  article  do  M.  Van  Eeden,  d'Am- 
sterdam, Les  ot)8ession8.  Revue  de  T  hypnotisme  y  1892,  p.  5. 


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EXPOSÉ  DES  THÉORIES  ÉMOTIONNELLES  453 


3.  —  Exposé  des  théories  émotionnelles. 

Dès  Torigine  de  ces  études,  une  autre  interprétation  s'est  oppo- 
sée aux  interprétations  intellectuelles  que  nous  venons  de  résu- 
mer. L'une  des  premières  descriptions  des  obsessions  a  été  don- 
née par  Morel  eu  1866  sous  le  nom  de  délire  émotif,  ce  qui  indique 
bien  le  point  de  vue  auquel  cet  auteur  se  plaçait.  Quand  West- 
phal  soutint  à  la  Société  médico-psychologique  de  Berlin  la  thèse 
intellectuelle  en  1877,  il  fut  vivement  combattu  par  Jastrowicz 
et  par  Sander*.  Berger,  de  Breslau,  fut  plus  aflTirmatif  encore 
puisqu'il  rangeait  sans  hésitation  les  obsessions  parmi  les  né- 
vroses émotionnelles  '. 

Cette  conception  de  la  nature  émotive  des  obsessions  qui  était 
en  somme  celle  de  Morel  est  reprise  parLegrand  du  SauUe  :  «  Le 
délire  émotif,  dit-il,  n'est  que  la  résultante  de  toutes  les  impres- 
sionnabilités  anxieuses  possibles,  tandis  que  la  peur  des  espaces 
se  limite  à  une  angoisse  pénible,  terrifiante  en  face  du  vide  ou 
dans  des  conditions  absolument  spéciales^.  »  Legrand  du  Saulle, 
comme  on  va  le  faire  plus  tard,  distingue  déjà  très  bien  les  émo- 
tions diffuses  et  les  émotions  systématisées.  Cette  doctrine  va  se 
retrouver  sans  grandes  modifications  chez  Brosius,  Wille,  1881, 
Wernicke,  Krafft-Ebing.  Les  mêmes  idées  semblent  se  préciser 
un  peu  avec  Friedenreich,  1887  S  Hans  Kaan,  Schuele;  ces  au- 
teurs examinent  de  préférence  un  phénomène  spécial,  la  crise 
d'angoisse,  ils  considèrent  cette  crise  d'angoisse  comme  le  symp- 
tôme principal  de  l'état  psychasthénique  et  comme  le  point  de 
départ  de  l'obsession.  M.  Féré,  1892**,  admet  que  les  idées  fixes 
ont  leur  origine  dans  Témotivité  morbide,  pour  M.  Dallemagne^ 
l'émotion  est  toujours  le  fait  primitif,  et  M.  Séglas  dit  de  même  que 
Tobsession  repose  toujours  sur  un  fond  d'émotivité  pathologique'. 


I.  Archiv.  far  Psych.,  Vlïl,  1878,  p.  78^,  760. 

a.  Berger,  Archiv.  fur  Psych.,  VI.  1876.  p.  217  ;  VU,  1878,  p.  6i6. 

3.  Legrand  du  Saulle,  Agoraphobie,  p.  46. 

4.  Friedenreich,  \eurologisch.  Centralblalt,  1887. 

5.  Ch.  Féré,  Pathologie  des  émotions,  1892.  p.  453  (Paris,  F.  Alcan). 

6.  Dallemagne,  Dégénérés  et  déséquilibrés,  1895,  p.  573. 

7.  Séglas,  Leçons  cliniques,  1896,  p.  81. 


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^JfT^^ 


THÉORIES  PATHOGÉMQUES 

ite  un  mot  de  plus  qui  me  parait  avoir  une  cer- 
:  il  place  les  obsessions  parmi  les  anomalies  de 
la  volonté  chez  les  dégénérés  ^  Je  ne  parle  pas 
t  du  mot  «  dégénérés  »  dont  à  mon  avis  on  a 
busé  dans  cette  question;  je  remarque  seulement 
;  se  borne  pas  comme  les  auteurs  précédents  à 
on  mais  qu'il  indique  au  moins  comme  problème 
a  volonté. 

Vienne,  précise  d'abord  la  notion  de  Tangoisse, 
précision  une  dizaine  de  formes  caractérisées  par 
ènes  physiologiques  prédominants,  il  nous  suffit 
itres  de  ces  variétés,  car  il  est  facile  de  voir  que 
i  elles  ont -été  décrites  quand  nous  avons  examiné 
physiologiques  de  Tattaque  d'angoisse  :  i®  Attaque 
doangine  de  poitrine).  2"  Attaque  respiratoire 
se,  faux  asthme).  3^  Attaque  de  sueurs  profuses, 
Bs.  ii°  Attaque  de  secousses  et  de  tremblements 
).  5®  Attaque  de  boulimie  (ce  dernier  phénomène 
nous  à  propos  des  troubles  psychologiques  :  chez 
ont  présenté  de  la  boulimie,  celle-ci  était  en 
s  sentiments  de  faiblesse,  de  fatigue,  d'aboulie 
îristiques).  6"  Attaque  de  diarrhée  ou  de  polyurie. 
-motrices.  8°  Attaques  de  paresthésies.  9®  Atta- 
nocturnes  avec  réveils  angoissants.  10°  Attaques 
r  cette  description  précise,  Freud  et  Hecker  ont 
rang  le  phénomène  de  Tangoisse,  ils  en  ont  fait 
incte  sous  le  nom  de  névrose  d'angoisse  (Angsl- 
VI.  Freud  a  été  plus  loin  et  a  voulu  donner  une 
n  avis  très  hypothétique  de  ces  angoisses  en  les 
urs  à  des  troubles  de  la  sensibilité  et  des  fonc- 
nous  aurons  à  revenir  sur  ce  point  en  étudiant 
maladie, 
ivaux  sur  le  rôle  de  Témotivité  morbide  dans  le 
•bsessions  sont  résumés,  coordonnés  et  complétés 
de  MM.  Pitres  et  Régis,  qui  a  été  présenté  au 
îdecine  de  Moscou  en    1897  comme   rapport  sur 

escence  mentale,  in   Traité  de   médecine  de  Charcot,  Bouchard, 

ogisch.    Ceniralhl.y  janvier   1895.   Hecker,   AUg.   Zeitschr.  /. 
p.  1167.  Freud,  Revue  neurologique  t  3o  janvier  1895. 


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EXPOSÉ  DES  THÉORIES  ÉMOTIONNELLES  4Jo 

l'état  actuel  du  problème  intéressant  de  Tobsession  \  Ce  rapport 
constitue  aujourd'hui  la  meilleure  expression  de  l'ancienne  thèse 
de  Morel  sur  l'origine  émotionnelle  des  obsessions. 

Voyons  donc  comment  ces  auteurs  interprètent  ce  problème. 
Après  quelques  réflexions  générales  sur  la  priorité  de  la  vie  affec- 
tive par  rapport  a  la  vie  intellectuelle  empruntées  à  Schopen- 
hauer  et  à  M.  Ribot,  les  auteurs  admettent  comme  un  fait  dé- 
montré la  théorie  de  Témotion  de  Lange  et  de  James,  «  l'émo- 
tion, disent-ils,  n'est  que  la  conscience  des  variations  neuro-vas- 
culaires  ».  Ainsi  entendue,  l'émotivité,  c'est-à-dire  l'aptitude  à 
produire  et  h  ressentir  les  variations  physiologiques  diverses 
et  surtout  les  variations  neuro-vasculaires  est  variable  suivant 
les  individus,  «  il  y  en  a  qui  sont  doués  h  cet  égard  d'une 
susceptibilité  particulière,  ce'  sont  les  émotifs  »,  cette  émotivité 
devient  excessive,  suivant  les  remarques  de  M.  Féré  quand  ces 
phénomènes  physiologiques  dépassent  l'intensité  normale,  se 
prolongent  outre  mesure,  se  produisent  sans  cause  déterminante 
suffisante.  Dans  un  premier  groupe  de  cas  cette  émotivité  est 
diffuse  et  produit  une  sorte  de  panophobie,  «  les  sujets  sont  dans 
un  état  permanent  de  tension  émotive  qui  éclate  brusquement 
par  paroxysmes  comme  une  c^écharge  de  fluide  émotionnel.  Un^ 
idée,  une  émotion,  une  sensation  quelconque  suffisent,  le  moment 
venu,  pour  provoquer  la  décharge  qui  peut  même  se  produire 
dans  le  sommeil  sous  la  forme  de  chocs  anxieux  (emotional  dis- 
charges de  Weir  Mitchell)  de  réveils  brusques  avec  angoisses 
respiratoires  (réveils  angoissants  de  Mac  Farlane)  *  ».  Ces  ma- 
lades vivent  dans  un  état  d'appréhension  continuelle,  ils  ont  peur 
d'avoir  peur,  c'est  l'attente  anxieuse  de  Freud;  <t  il  semble  qu'il 
y  ait  toujours  de  l'angoisse  à  l'état  libre  toujours  prête  à  se  mani- 
fester, la  forme  pouvant  varier  suivant  les  circonstances'  ». 

Dans  un  second  groupe  de  cas,  cette  émotivité  vague  et  diffuse 
se  précise,  se  systématise  :  l'attaque  d'angoisse  se  produit  dans 
des  circonstances  déterminées.  Tantôt  il  s'agit  de  phobies  cons- 
titutionnelles en  quelque  sorte  héréditaires  :  certaines  personnes 
ont  des  peurs  anxieuses  à  propos  du  velours,  de  certains  fruits,  du 

I .  Pitres  et  Régis,  Séméiologie  des  obsessions,  XII^  Congrès  de  médecine.  Moscou, 

1897. 

3.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  x6. 
3.  Id.,  ibid.,  p.  17. 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

lau,  des  hauteurs,  des  orages,  d'un  animal,  etc., 
s  cas,  il  s'agit  de  phobies  acquises,  «  traumati- 
Intre  trente  et  cinquante  ans  ces  malades  qui 
me  émotivité  diffuse,  après  une  période  d'affai- 
fatigues,  subissent  un  choc  moral,  a  c'est  très 
un  parent  ou  d'un  ami,  un  accident  grave,  une 
de  chemin  de  fer,  la  morsure  d'un  animal,  le 
a  malade  atteint  d'une  maladie  contagieuse,  une 
5  attaque,  une  syncope,  un  fort  vertige,  la  vue 
énenient  émouvant,  d'un  sinistre,  d'un  assassi- 
ne, en  un  mot  tout  ce  qui  peut  produire  un 
f  considérable...  »  à  partir  de  ce  moment  appa- 

rapport  avec  la  cause  originelle.  M.  Ribot  a 
;rit  cette  transformation  :  «  La  crainte  maladive 
at  de  la  transformation  occasionnelle  d'un  état 

en  une  forme  précise.  La  panophobie  serait  un 
;,  une  période  d'indifférenciation.  Le  hasard, 
lui  donne  une  orientation  et  la  fixe  (peur  d'une 
probes,  de  la  rage,  etc.).  C'est  le  passage  de 
s  a  l'état  intellectualisé,  c'est-à-dire  concentré 
le  idée  fixe  :  travail  analogue  à  celui  du  délire 
j  la  suspicion,  d'abord  vague,  s'attache  h  un 
che  plus*.  » 
ivons  au  troisième  degré  de  la  maladie,  l'état 

intellectuel  et  il  est  accompagné  d'une  idée 
moidéique.  Pour  MM.  Pitres  et  Régis,  l'obses- 
que  la  forme  aggravée  ou  intellectualisée  de  la 

phobie  systématisée  et  l'obsession,  il  n'y  a  pas, 
n  qu'on  le  croit  généralement...  que   faut-il,  en 

phobie  systématisée  tourne  à  l'obsession  ?  11 
[ue  cette  phobie,  au  lieu  de  se  manifester  par 
sses  intermittentes,  avec  calme  complet  dans 
nipe  plus  ou  moins,  dans  l'interparoxysme,  l'es- 
qui  arrive  dans  la  majorité  des  cas.    Et  c'est 

pente  toute  naturelle,  la  monophobie  tend  peu 
)idéisme  et  qu'on  a  si  souvent  affaire  dans  la 
3  phobies  systématisées  pures,  mais  à  des  cas 


;  pseudo-phobies.  Revue  de  f 'hypnotisme  y  1894»  p.  353. 
ychofogie  des  sentiments,  1896,  p.  a i4  (Paris,  F.  Alcan). 


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DISCUSSION  DES  THEORIES  ÉMOTIONNELLES  409 

MM.  Pitres  et  Régis  remarquaient  que  les  idées  obsédantes 
peuvent  changer  mais  que  Tétat  émotif  accompagnant  reste  beau- 
coup plus  stable,  cela  prouve  simplement,  répond  M.  Haskovec, 
que  le  domaine  de  Tintelligence  est  plus  riche  et  plus  varié  que 
celui  de  Témotivité,  mais  cela  ne  nous  montre  pas  laquelle  des 
deux  joue  le  rôle  essentiel  dans  le  phénomène  pathologique.  Ces 
auteurs  disent  encore  que  Témotion  ne  peut  être  secondaire, 
qu'elle  ne  peut  être  considérée  comme  une  simple  réaction  déter- 
minée par  ridée,  parce  que,  s'il  en  était  ainsi,  Témotion  devrait 
toujours  être  en  raison  de  Tintensité  de  Tidée,  ce  que  Ton  n'ob- 
serve pas.  La  conclusion  est  précipitée,  le  degré  d*émotivité  n'est 
pas  le  même  chez  tous  les  individus,  Témotion  dépend  de  bien 
d'autres  raisons  qui  peuvent  Tempècher  de  correspondre  exacte- 
ment à  rintensité  de  Tidée  fixe  quoique  elle  vienne  à  sa  suite. 

Enfin,  ce  qui  est  plus  grave,  MM.  Pitres  et  Régis  ont  tort  de 
tout  ramener  à  Témotion  et  surtout  à  une  seule  et  unique  émotion, 
à  cette  angoisse  spéciale  qu'on  observe  souvent  il  est  vrai  chez 
quelques-uns  de  ces  malades.  D'abord  ce  n'est  pas  toujours  cette 
émotion-là  qui  fait  le  fond  de  l'obsession,  M.  Haskovec  rapporte 
l'observation  intéressante  d'un  étudiant  obsédé  par  des  idées 
gaies  accompagnées  d'un  sentiment  de  joie.  Je  dois  avouer  que 
celte  observation  me  laisse  des  doutes  :  s'agit-il  bien  d'un  malade 
du  même  genre,  c'est  chez  les  hystériques  par  le  mécanisme  de  la 
suggestion  plutôt  que  chezlespsychasthéniquesque  l'on  observe  ces 
joies  obsédantes,  j'en  ai  rapporté  un  exemple  avec  M.  Raymond'  ; 
peut-être  aussi  s'agit-il  de  ces  sentiments  d'élévation  sublime,  de 
ces  enthousiasmes  que  présentent,  comme  nous  l'avons  vu,  les 
sujets  psychasthéniques,  mais  qui  ne  sont  pas  de  la  même  nature 
que  les  obsessions  et  les  angoisses. 

Ce  qui  est  plus  important  à  considérer  ce  sont  les  malades  qui 
tout  en  étant  des  obsédés  ne  présentent  pas  de  troubles  émo- 
tionnels. Il  y  a  bien  des  cas  de  ce  genre  cités  par  Westphal, 
Meschede,  Griesinger  et  M.  Haskovec  y  ajoute  d'autres  exemples 
où  les  lésions  intellectuelles  semblent  tout  à  fait  primaires. 
c(  MM.  Pitres  et  Régis  vont  trop  loin  quand  ils  disent  :  sup- 
primez par  la  pensée,  l'angoisse,  l'anxiété  qui  s'y  trouve  et  vous 


XIII*  Congrès  internat,  de  méd.  à  Paris  en  1900.  Comptes  rendus  de  la  section  de 
Psychiatrie,  p.  lai. 

1.  Raymond  et  P.  Janel,  Névroses  et  Idées  fixes,  11,  p.  353. 


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PATHOGÊNIQUES 

1  des  malades  sont  obsédés  jusqu'à 
Is  ne  restent  que  trop  indifférents  à 

présenté  des  critiques  contre  cette 
les  anciennes  théories  émotionnelles, 
[ans  une  étude  expérimentale  sur  un 
lonstaté  un  certain  nombre  de  modi- 
t  avec  Tangoisse.  Ces  modifications 
vagues  et  assez  banales,  comme  nous 
m  étudiant  les  symptômes  de  Tan- 
ment  observer  que  ces  modifications 
Je  déterminer  les  troubles  mentaux. 
3nscience  du  trouble  intellectuel  et 

la  réapparition  de  son  obsession 
ertain  temps  après  les  graphiques 
ions  circulatoires  et  respiratoires, 
[land  concluent-ils  ainsi  :  «  L'idéa- 
issociation  qui,  à  son  tour,  suggère 
été  et  d'angoisse  et  les  phénomènes 
ement  la  source  de  ces  changements 
faut  encore  ajouter  que  l'obsession 

loin  d'être  liée  avec  une  coloration 
)mène  qui  prédomine  est  bien  un 
el,    un  état   pour   ainsi    dire   intel- 

Jme  phénomène  de  l'éreutophobie, 
oduit  les  objections  de  MM.  Vaschide 
;  remarque  déjà  faite  par  M.  Régnier 
oduit  pas  d'angoisse  si  l'intelligence 
mment  développée  pour  avoir  souci 
es  remarques  à  cet  égard*  ».  Après 
;s  cas  le  trouble  vasculaire  peut  pré- 
gtemps  ou  suivre  le  trouble  moral, 
igeur  comme  telle  qui  provoque  cette 
3n  tant  qu'elle  est  une  infirmité,  en 
du  public  sur  celui  qui  y  est  sujet  » 

d'ère ulophobie.  Revue  de  Psychiatrie,  juillet 
ie  de  Bordeaux,  1896,  p.  Sa. 


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DISCUSSION  DES  TU 

et  il  se  montre  disposé  à  ratt 
dans  mon  étude  publiée  par  la  / 
aux  maladies  des  scrupules,  à 
Enfin,  dans  une  étude  prés< 
neurologistes  de  Limoges  en  19^ 
l'interprétation  émotionnelle  d< 
périphérique  qui  les  rattache  ex< 
cérales  et  vaso-motrices  essenti 
théorie,  dit-il,  attache  à  Pexpre 
périphériques  une  importance 
émotive  est  loin  d'être  toujours 
la  conscience,  il  y  a  dans  Venu 
à  faire  aux  idées,  à  la  brusqu 
existence,  ce  que  Ton  appelle 
tincte  mais  fait  partie  intégra 
théorie  n'explique  qu'une  pari 
l'accès  émotif.  Cet  accès  émoi 
doute,  mais  passager.  L'état  ( 
des  crises  ne  peut  être  expliqu 
que  et  passager.  L'anxiété  de 
intellectuelle,  il  y  a  un  grand  n 
dans  lesquelles  ne  se  retrouve  p 
nique  ni  d'un  trouble  vaso-mot( 

Ces  critiques  m'ont  intéressé 
je  l'ai  dit,  à  admettre  dans  se 
présentée  au  congrès  de  Mos< 
en  observant  les  malades  des 
émotionnelle  qui  consiste  à  ( 
par  l'angoisse  et  par  l'émotioi 
qu'elle  a  rendus,  devoir  être  pro 
trop  générale  et  en  même  tem; 

Cette  théorie  est  nécessairen 
ses  auteurs,  mais  à  cause  des 
la  nature  des  émotions.  Est-il  u 
l'émotion  en  général  et  que  celui 

1.  Claparède  (Genève),  L'obsession  d 
Suisse  romande,  avril  190a,  p.  3a3. 

a.  F.-L.  Arnaud  (de  Vanves),  Sur  li 
logie,  190a,  I,  p.  267. 


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IIÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

ents  ne  sont  pas  du  tout  de  la  même  nature, 
session  à  des  émotions  analogues  à  la  sur- 
à  des  émotions  analogues  à  Tamour,  à  la 
•éalité  des  théories  absolument  différentes, 
si  on  persiste  à  prendre  le  mot  «  émotion  » 
?nt  vague,  si  on  désigne  par  ce  mot  tous  les 
es  sentiments,  de  la  volonté,  de  la  conscience 
scussion  n'est  possible  et  du  moment  que 
théorie  purement  intellectuelle  on  se  ral- 
théories  émotionnelles.  Mais  cela  revient  à 
toute  explication. 

Pitres  et  Régis  ont  voulu  préciser  la  con- 
en  rappelant  la  théorie  célèbre  et  déjà 
le  James  et  en  aflirmant  très  brièvement  que 
icience  des  variations  neuro-vasculaires'  ». 
is  complet  le  rôle  des  modifications  cardia- 
;estives  et  nous  dirons  que  Témotion  est  alors 
iscience  de  certaines  modifications  viscérales 
ilquefois  les  phénomènes  de  conscience. 

facile  de  discuter  la  théorie  de  rémotion 
imes  et  de  démontrer  qu'il  y  a  dans  rémotion 
>e  de  spécial,  de  psychologique,  au  moins  de 
;t  qui  détermine  les  réactions  respiratoires 
Lir  l'étude  présente  cette  discussion  générale 
a  peu  d'importance.  L'angoisse,  l'émotion 
t,  comme  la  conscience  en  retour  de  ces 
eut-elle  précéder,  déterminer  et  par  con- 
;  les  phénomènes  observés  chez  les  psychas- 
suffisamment  précise  pour  caractériser  cette 
er  des  autres,  c'est  là  toute  la  question  que 
îr. 

e  la  théorie  émotionnelle  me  parait  rester 
vague  et  ne  pas  caractériser  le  phénomène 
définir.  Si  l'émotion  ne  consiste  que  dans 
ir,  les  respirations  irrégulières,  les  bouffées 
e  retrouver  exactement  la  même  dans  les 
t  dans  les  obsessions  pathologiques.  Un 
^nte  des  palpitations,  de  la  rougeur,  de  la  po- 


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DISCUSSION  DES  THÉORIES  ÉMOTIONNELLES  463 

lypnée,  un  homme  qui  a  peur  a  également  des  palpitations,  de  Tir- 
régularité  respiratoire, des  troubles  vaso-moteurs;  faut-il  conclure 
que  la  colère  normale,  la  peur  normale  sont  identiques  à  Tangoissc 
d'une  crise  d'obsession  ?  Cette  assimilation  me  parait  absolument 
fausse,  Tangoisse  du  psychasthénique,  j'ai  essayé  de  le  montrer, 
est  un  état  pathologique  tout  spécial,  ce  serait  une  grosse  erreur 
que  de  la  confondre  avec  une  émotion  normale.  Les  malades  sont 
les  premiers  à  nous  avertir  «  qu'ils  n'éprouvent  pas  une  peur 
naturelle,  que  leur  angoisse,  toujours  la  même,  supprime  et  rem- 
place la  peur  naturelle  ».  Comment  pourra-t-on  dans  cette  inter- 
prétation rendre  compte  de  cette  différence  psychologique  consi- 
dérable entre  l'émotion  normale  et  l'obsession  ? 

On  ne  peut  répondre  qu'en  alléguant  une  différence  de  quantité 
dans  ces  phénomènes  viscéraux  dont  le  contre-coup  détermine 
dans  la  conscience  les  émotions  et  les  angoisses.  C'est  leur  exagé- 
ration qui  leur  donne  leur  caractère  pathologique  et  qui  distingue 
l'obsession  de  la  colère  ou  de  la  peur.  Est-ce  là  une  distinction 
suffisante  ?  N'y  a-t-il  pas  des  grandes  colères,  des  élans  d'enthou- 
siasme, des  grandes  terreurs  qui  s'accompagnent  de  grandes 
raodiBcations  viscérales  et  qui  cependant  restent  des  colères,  des 
enthousiasmes,  des  peurs,  sans  se  transformer  en  phobies  et  en 
obsessions  ? 

Mais  admettons  cependant  que  cela  soit  vrai  et  que  l'on  puisse 
distinguer  l'angoisse  psychasthénique  de  l'émotion  normale 
uniquement  par  la  différence  dans  le  degré  d'intensité  des  réac- 
tions viscérales.  N'y  at-il  pas  infiniment  d'autres  états  patholo- 
giques qui  s'accompagnent  de  grandes  modifications  viscérales  du 
même  genre  sans  être  identiques  îi  des  crises  d'obsession  ?  Des 
phtisiques,  des  cardiaques  présentent  des  modifications  respira- 
toires et  circulatoires  du  même  genre  et  bien  plus  graves  sans  avoir 
aucunement  le  même  désespoir,  les  mêmes  obsessions  :  ils  suffo- 
quent, ils  asphyxient  réellement  et  ils  continuent  à  s'intéresser  à 
ce  qu'on  leur  dit,  à  suivre  même  une  conversation,  ils  disent  bien 
qu'ils  souffrent,  mais  ils  ne  se  lamentent  pas  ainsi,  ils  sont  loin 
d'avoir  le  même  trouble  mental.  Dans  d'autres  maladies  nerveuses 
on  constate  souvent  des  palpitations,  des  polypnées,  des  troubles 
vaso-moteurs  et  les  malades  restent  calmes:  Ar...,  par  exemple, 
un  homme  hystérique,  a  une  polypnée  de  88  respirations  par 
minute  et  il  attend  tranquillement  sur  sa  chaise  qu'on  l'examine, 
il  dit  en  souriant  qu'il  est  gêné  ponr  respirer,  mais  il  ne  sent  pas 


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DISCUSSION  DES  THÉOBIES  ÉMOTIONNELLES  405 

son  domaine  et  ne  plus  pouvoir  trouver  les  phénomènes  propre- 
ment cérébraux  qui  caractérisent  et  distinguent  les  maladies  les 
unes  des  autres. 

Si  cette  théorie  émotionnelle  se  montre  ainsi  trop  gêné- 
raie  et  trop  vague,  par  un  autre  côté  elle  me  parait  beau- 
coup trop  restreinte  et  je  crois  qu'elle  laisse  de  côté  bien  des 
phénomènes  essentiels  de  la  maladie.  Pour  que  cette  théorie  soit 
admissible,  il  faudrait  pouvoir  démontrer  que  les  réactions  viscé- 
rales exagérées,  considérées  comme  essentielles,  se  retrouvent 
comme  point  de  départ  dans  tous  les  symptômes  caractérisques 
de  Tétat  psychasthénique  et  les  accompagnent  tous.  En  est-il 
réellement  ainsi  ?  Pour  répondre  à  cette  question  il  suffît  de 
passer  en  revue  les  symptômes  énumérés  dans  les  trois  chapitres 
précédents. 

Si  Ton  considère  les  obsessions  proprement  dites,  il  est  cer- 
tain que  quelques-unes  se  sont  développées  à  la  suite  de  ces  agi- 
tations viscérales  sous  forme  systématique  ou  diffuse.  Les  idées 
obsédantes  de  Jean  sur  les  crimes  génitaux  ont  été  précédées 
d'algies  du  gland  qui  étaient  des  phénomènes  d'angoisse  systé- 
matique. On  pourrait  citer  bien  des  exemples  de  ce  genre,  cela 
est  incontestable.  Mais  en  est-il  ainsi  dans  tous  les  cas  ?  C'est  ce 
qui  me  paraît  insoutenable.  Beaucoup  d'obsessions  non  seulement 
sont  actuellement  des  phénomènes  intellectuels,  mais  se  sont  dé- 
veloppés à  la  suite  de  troubles  intellectuels  et  non  à  la  suite  de 
troubles  émotionnels.  Les  obsessions  métaphysiques  de  Lise  sur 
le  dualisme,  sur  la  puissance  du  diable  opposée  k  celle  de  Dieu, 
sont  la  conséquence,  le  développement  d'agitations  mentales  anté- 
rieures et  non  d'agitations  viscérales.  Ce  sont  les  manies  de  la 
recherche,  de  l'expiation,  du  pacte,  d'interminables  ruminations 
mentales  qui  ont  précédé  pendant  des  années  les  obsessions 
actuelles  ;  jamais  cette  malade  n'a  été  une  phobique  ou  une 
angoissée,  mais  elle  a  toujours  été  une  rêveuse.  On  pourrait 
citer  bien  des  exemples  de  ce  genre  :  des  obsessions  de  folie  ont 
pris  naissance  à  la  suite  de  manies  mentales  ou  des  sentiments 
d'insuffisance  intellectuelle  ;  des  obsessions  amoureuses  se  sont 
développées  à  la  suite  des  perturbations  des  sentiments,  du  besoin 
de  direction,  du  besoin  d'être  aimé  et  du  sentiment  de  l'aboulie, 
des  obsessions  d'indignité  et  de  honte  de  soi  ont  été  le  déve- 
loppement naturel  des  sentiments  d'incomplétude  intellectuelle, 

LES    OBSESSIONS.  1.    —   3o 


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i^HJ\j\J<3>JM\Ji^      V/\ 


^^  .liÉO 


l'angoisse  quelle  ne  connaissait  pi 
pour  arrêter  sa  rêverie  perpétuell 
en  disant  que  a  cela  lui  fait  mal 
rêter.  »  II. y  a  ainsi  toute  une  catég 
curieuse^  MM.  Pitres  et  Régis  ser 
sont  les  ruminations  mentales.  Di 
de  répétition,  de  retour  en  arriè 
etc.,  il  n^y  a  pas  une  idée  propren 
conçue  comme  explication  il  n'y 
systématique  ou  diffuse,  il  y  a 
avec  des  caractères  particuliers  qi 
malade. 

Observons  Lise,  quand  elle  n 
enfants  voués  au  diable,  sur  le  ci 
lument  immobile,  elle  ne  pense 
par  une  immobilité  de  plus  en  p 
s'incline  de  plus  en  plus  jusqu'à  1 
la  trouble  pas  elle  va  rester  de 
à  ce  moment  elle  respire  avec  le  pi 
tout  à  fait  régulièrement,  son  visa 
maie  et  les  troubles  vaso-moteurs  r 
Cependant  pendant  cette  période 
le  sentiment  de  perdre  la  tête,  d( 
me  semble  que  je  dégringole  dans 
je  perds  quelque  chose  de  mon  «xi 
angoisse  morale  qui  n'est  pas  d 
déterminée  par  le  sentiment  en  i 
Ce  même  phénomène  peut  s'obsc 
de  rumination  :  quand  Ger...  est  c 
demandant  si  elle  scandalisera  1 
tranquille  physiquement  et  physi 
que  moralement.  Il  suffit  de  parc 
que  j'ai  données  de  toutes  les  ( 
pour  voir  que  presque  toujours  C( 
pendante  de  l'angoisse  physique 
antagonisme  avec  elle. 

En  dehors  de  ces  phénomènes  < 
toute  une  grande  catégorie  de  faits 
me  semble  pas  tenir  assez  compte 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

les,  les  troubles  de  perception,  les  troubles  de  la  vo- 
Libles  de  Tattention.  Je  sais  bien  que  Ton  pourra  essayer 
ces  troubles  à  Témotion  en  disant  que  celle-ci  a  une  in- 
•itrice.  Mais  c'est  déjà  compliquer  la  théorie  de  Témo- 
'on  Tavait  présentée,  la  théorie  de  Témotion  simple 
es  réactions  viscérales,  c'est  déjà  introduire  dans  Té- 
Qodifications  cérébrales  d'une  tout  autre  nature.  Mais 
it-il  bien  suffisant  ?  Comment  se  fait-il  que  l'émotion 
années  ne  trouble  aucunement  l'action  ou  l'attention 

et  qu'à  partir  d'un  certain  moment  elle  les  rende 
'effectuer  ces  mêmes  opérations.  Il  faudrait  au  moins 

quoi  consiste  l'augmentation  d'émotivilé  et  de  quoi 

on  sera  donc  forcé  de  remonter  au  delà  de  l'émo- 

des  cas  où  cette  action  inhibitrice  de  l'émotion 
à  fait  incompréhensible.  Nous  avons  cité  des  jeunes 

suite  d'une  petite  émotion  se  sentent  étonnés  d'eux- 
3e  reconnaissent  plus,  disent  qu'ils  sont  changés, 
rdu  leur  personne  ou  bien  que  le  monde  est  tout 
u'il  n'a  plus  de  réalité.  Est-ce  là   un  effet  ordinaire 

simple  conscience  en  retour  des  réactions  viscérales, 
de  la  respiration  et  de  la  circulation  ?  En  outre  les 
nguliers  de  ces  sujets  se  prolongent  et  durent  des 
mt  lesquelles  ils  vont  répéter  qu'ils  n'ont  plus  de  moi 
ide  est  un  rêve  ?  Cela  est-il  d'accord  avec  la  concep- 
tion qui  est  par  essence  une  modification  brusque  de 

? 

t,  est-il  bien  certain  qu'il  y  ait  réellement  un  trouble 
réactions  viscérales  violentes  au  point  de  départ  de 
ïuflîsances  ?  Je  crains  qu'il  n'y  ait  ici  une  erreur  de 
leureusement  bien  commune  en  psychiatrie.  On  croit 
e  exige  la  présence  d'un  certain  phénomène  et  on 
phénomène  existe  sans  chercher  autrement  à  vérifier 
.  Si  la  théorie  exige  qu'une  hystérique  ait  une  anes- 
ile,  on  affirme  qu'elle  l'a  :  «  car,  sans  cela,  dit-on,  on 
rait  pas  les  altérations  de  sa  cœnesthésie  ».  En  réalité 
sie  viscérale  est  très  dillicile  à  vérifier  et  si  quel- 
ne  la  peine  de  faire  le  travail,  il  verra  souvent  qu'elle 
Je  suis  étonné  de  voir  que  dans  certains  travaux 
)n  on  parle  sans  cesse  d'énormes  réactions  viscé- 
bles  cardiaques,  respiratoires,  intestinaux.  J'ai  déjà 


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^  RÉSUMÉ  HISTORIQUE  DES  THÉORIES  PS^ 

appellations,  nous  désignerons  toutes  ces 
qui  leur  convient  bien,  nous  les  appell 
psrfrchasthéniques  \  »  Depuis  j'ai  souvent 
de  forme  hystérique  aux  obsessions  de  fo 
les  tics  de  forme  hystérique  aux  tics  de  foï 
C'est  pourquoi  je  conserve  ici  ce  mot  pou 
qui  prennent  pour  point  de  départ  les  p 
tiques  de  cet  aOaiblissement  spécial  de  1 
thénie. 


1.  —  Résumé  historique  des  tbéc 

niques.. 

Des  théories  de  ce  genre  ont  déjà  été  inc 
prises,  mais,  il  est  juste  de  le  remarquer, 
vement  vague.  Plusieurs  auteurs  choisissa 
ce  groupe,  le  plus  souvent  les  troubles  de 
tacher  tous  les  autres  accidents  de  la  mal; 

Bencdict  considérait  la  peur  des  espaces 
vertige  et  se  demandait  s'il  n'y  avait  pas  lie 
trouble   oculaire.    Cordes,   cité  par  Legra 
l'agoraphobie  un   symptôme    d'épuisemeni 
moteur  avec    perturbation    du  sens  musci 
Saulle  lui-même  en  fait  «  une  paralysie  fo 
tique  de  certaines  modiGcations   survenue 
traux  moteurs  et  capables  de  faire  naître  ei 
de  peur\  »  Hack-Tuke  disait  formellement 
saire  de  supposer  une  prédominance  dans 
d'admettre   que  les  plus  hautes  fonctions 
blies,  les  chevaux  sont  bons,  mais  le  coche 
cité  par  Hack-Tuke,  fait  entendre  d'une  ma 
s'agit  là  d'un   phénomène  de    régression 
veau  »,  il  n'y  a  pas  seulement  une  loi  d'évc 


I.  Accidents  mentaux  des  hystériques,  1894.  p.  agS. 

a.  Névroses  et  Idées  Jixes,  il.  p.  lag  et  i45  ;  p.  35a 

3.   liOprand  du  Saulle,  Agoraphobie,  p.  55. 

\.   1(1..  ibid.,  p.  (»3. 

5.   llack-Tuke,  Journal  0/  mental  Science,  Julj  i885 


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ORIES  PATHOGÉNIQUES 

le  loi  inverse  de  disvolution  qui  est  im- 
re  ces  désordres  mentaux  V  Pour  expli- 
Ebing  ne  fait  pas  seulement  appel  à  une 
l'émotivité  mais  à  une  augmentation  de 
1  et  à  une  diminution  »  de  l'énergie  de  la 
erveau  antérieur)  qui  sont  très  abaissés 
.  Levillain  se  demandait  si  les  phobies 
t  en  une  indécision  de  la  volonté^. 

anciens  sur  l'idée  fixe  en  1889,  en  1891, 
;oup  pour  montrer  dans  Tétat  aboulique 
\  obsessions.  MM.  Raymond  et  Arnaud, 
cas  de  délire  du  doute  et  du  toucher, 
crises  pour  montrer  que  le  phénomène 
ie  considérable,  qu'en  dehors  de  leurs 
»  sont  dans  l'impossibilité  de  se  fixer, 
*titude  perpétuelle.  Ils  adoptent  l'opinion 
lint  de  départ  du  délire,  il  y  a  un  trouble 

général  des   facultés  et  dans  l'état  des 

ormes  de  la  folie  du  doute,  Tune  qui  dé- 
e  et  qu'il  explique  ainsi  par  la  théorie 
[  dépend  «  de  l'aboulie,  c'est-à-dire  en 
)tivité  »..  C'est  là  une  explication  inverse 
se  rapproche  des  théories  psychasthé- 

;bcse  intéressante  sur  les  rapports  de  la 
ilancolie  résume  ainsi  la  pàthogénie  psy- 
ons  :  «  C'est  la  volonté,  expression  pre- 
par  suite  expression  de  la  personnalité 
ons  les  plus  apparentes  et  les  plus  im- 
itai des  déprimés.  Les  troubles  affectifs, 
irrivent  eux-mêmes  qu'en  seconde  ligne 
1  rapport  avec  l'aboulie  *.  » 
nnant  un  grand  rôle  à  l'émotivité  admet 


p.  19a. 

irad.,  1897,  P-  ^^^• 

i53. 
.  méd.  psych.,  189a,  II,  p.  69,  220. 
►ns,  189a,  p.  ^60.  (Paris,  F.  Alcan). 
lélancolie  dépressive.  Thèse,  Paris,  189^,  p.  78. 


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}\]E  DES  THÉORIES  PSYCHASTHÉNIQUES  473 

que  certaines  agoraphobies  ne  sont  que  «  des  obsessions  abou- 
liques pures*  »,  et  réclame  une  place, comme  on  Ta  vu,  pour  les 
troubles  de  la  perception  personnelle. 

M.  Dallemagne  admet  «  un  état  de  déséquilibre  de  la  systémati- 
sation psychique^  ».  J'ai  déjà  rappelé  l'opinion  de  M.  Ballet  qui 
rattache  les  obsessions  non  seulement  aux  troubles  de  l'émotion 
mais  aussi  à  ceux  de  la  volonté.  M.  Roubinovitch  dit  de  même 
que  ce  qui  est  lésé  chez  l'obsédé,  c'est  la  sphère  émotive  et  la 
volonté*.  Je  rappellerai  aussi  un  article  de  M.  F.  del  Greco  qui 
rattache  ces  états  psychopathiques  a  la  désagrégation  psycholo- 
gique et  h  la  décadence  de  la  volonté*. 

Tout  récemment,  M.  Arnaud  insistait  de  nouveau  sur  les  trou- 
bles moteurs  volontaires,  sur  le  défaut  d'impulsion  et  d'arrêt, 
sur  l'hésitation,  l'incertitude  et  concluait  «  que  l'état  antérieur 
est  une  lésion  de  la  volonté.  A  des  degrés  divers  les  obsédés 
sont  tous  des  hésitants,  des  perplexes,  des  abouliques,  incapables 
d'eflTorts  soutenus,  ils  ne  finissent  rien,  ils  n^aboutissent  pas  qu'il 
s'agisse  d'idées  ou  de  mouvements"  ». 

Une  des  expressions  les  plus  précises  de  ces  théories  se  trouve 
peut-être  dans  un  article  récent  de  M.  Edw.  B.  Angell  ;  cet  auteur 
considère  les  obsessions  comme  résultant  des  troubles  sous-ja- 
cents  des  fonctions  psychologiques,  a  Les  idées  impératives  dé- 
pendent d'un  état  de  faiblesse  mentale,  d'une  absence  de  céré- 
bration,  d'un  instabilité  de  la  synthèse  mentale...  le  recul  du 
champ  de  conscience  est  peut-être  le  caractère  le  plus  général. 
Le  sujet  trouve  que  la  vie  actuelle  n'est  pas  réelle,  le  rêve  remplace 
la  réalité*.  » 

On  voit  qu'un  grand  nombre  d'auteurs  tendent  à  supposer, 
en  dessous  de  l'émotivité  et  de  l'angoisse  un  trouble  plus  profond 
de  l'activité  mentale  qu'il  faut  essayer  de  déterminer  en  résumant 
les  nombreuses  observations  précédentes. 


1.  Séglas,  Leçons  sur  les  maladies  menlaleSt  1895,  p.  i3i. 

2.  Dallemagne,  Dégénérés  et  déséquilibrés,  1896. 

3.  Roubinovitch,  Bulletin  médical,  aa  juillet  1896. 

4.  F.  del  Greco.  Idée  fisse  e  disgregazione  psicologica.  Annali  di  nevrologia,  anno 
XVllI,  fasc.  3,  1900. 

5.  Arnaud,  Archives  de  neurologie,  190a,  I,  p.  a 68. 

6.  Edw.  B.  Angell,  Imporalive  ideas  in  the  sane.  Journal  of  nervous  and  mental 
disease,  août  1900. 


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LA  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLO( 

chais  ni  aux  théories  intellectualistes,  ni  aux  théori 
mais  je  cherchais  à  décrire  un  phénomène  plu 
ridée  ou  le  sentiment  tels  qu'on  les  observe  d'une 
ficielle. 

Je  voudrais  faire  un  travail  du  même  genre  à  pr 
dés  et  chercher  si  les  stigmates  psychasthéniques 
en    évidence  un    phénomène   psychologique  simp 
jouer  un    rôle   important  et    d'expliquer  par   ses 
troubles  de  la  volonté  et  de  l'émotion. 

Cette  section  sera  consacrée  a  la  description  de 
fondamental  que  l'on  peut  considérer  comme  le  réî 
stigmates  psychasthéniques  ;  la  section  suivante 
ment  en  prenant  pour  point  de  départ  ce  phé 
modifications,  on  peut  se  représenter  la  format 
troubles  des  obsédés. 

Dans  un  chapitre  précédent  nous  avons   consta 
ment  et  la    disparition    de  certaines    opérations 
chez  les  obsédés  ;  d'autre  part  nous  avions  vu  qu 
rations  étaient  bien  conservées  et  présentaient  p 
loppement  exagéré  ;  en  étudiant  cette  différence 
lement  conduit  à  supposer  que  toutes  les  opérât 
ne    présentent  pas  les   mêmes  degrés  de  facilité 
d*un  affaiblissement  des  fonctions  cérébrales  elle 
sent  pas  simultanément  mais  successivement  et  p 
en  raison  de  ces  degrés  inégaux  de  facilité.  En  un 
tions    mentales    semblent   se    disposer    en   une    h 
laquelle  les  degrés  supérieurs  sont  compliqués,  di 
dre  et  inaccessibles  pour  nos  malades,  tandis  que  1 
rieurs  sont  aisés  et  sont  restés  a  leur  disposition, 

Sans  doute  nous  avons  toujours  eu  vaguement 
de  ce  genre  à  propos  des  travaux  de  l'esprit  :  nou 
recherche  scientifique,  l'exécution  ou  l'appréciât 
d'art,  l'effort  p'our  atteindre  la  perfection  morale  i 
tions  supérieures  ;  nous  savions  que  pour  un  enfa 
faire  une  division  est  plus  difficile  que  d'appren 
que  pour  un  idiot  il  est  plus  difficile  de  parler  q 
Mais  cette  recherche  des  degrés  de  difficulté  n'éi 
point  de  vue  de  l'art  ou  de  l'instruction  et  pour  u 
d'opérations  seulement,  elle  n'était  pas  faite  d'une 


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L\  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES 

chasthéniques,  va  nous  permettre   de  compléter  ces  recherc 
sur  la  hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques. 

Si  nous  faisons  cet  examen  d*après  les  longues  observati 
précédentes,  il  nous  faudra  placer  au  premier  degré  con 
l'opération  mentale  la  plus  difficile,  puisque  c'est  elle  qui  dis 
raît  le  plus  vite  et  le  plus  souvent,  la  fonction  du  réel,  d 
fonction  qu'on  a  peu  Thabilude  de  distinguer  des  autres  et  i 
nous  avons  fait  connaître  en  résumant  les  insufiisances  p 
chologiques  consiste  dans  l'appréhension  de  la  réalité  s 
toutes  ses  formes.  Elle  constitue  «  celte  attention  à  la  vie  f 
sente  »  doqt  parle  M.  Bergson  dans  un  livre  de  métaphysi( 
qui  semble  souvent  prévoir  ces  observations  psychologique 
Voilà  ce  qui  semble  Topération  mentale  la  plus  parfaite  et  ci 
que    tous  les  obsédés  perdent  dès  le  début  de  leur  maladie. 

La  première  forme  de  cette  fonction  du  réel,  c'est  Faction 
nous  permet  d'agir  sur  les  objets  extérieurs  et  de  métan 
phoscr  la  réalité.  Cette  action  volontaire  présente  clle-mc 
différents  degrés  de  difliculté.  Au  point  de  vue  de  son 
jet,  il  semble  qu'elle  devient  plus  difTicile  quand  elle  est  sociî 
quand  elle  doit  s'exercer  non  seulement  sur  le  milieu  physiq 
mais  encore  sur  le  milieu  social  dans  lequel  nous  sommes  pi 

Elle  est  aussi  difficile  quand  elle  est  professionnelle,  c'esl 
dire  quand  il  s'agit  des  actes  d'un  métier  pratique,  qui  doit  rc 
lenient  aboutir  à  construire  des  choses  précises,  qui  doit  sa 
faire  une  clientèle  exigeante,  qui  doit  réellement  nous  fa 
gagner  notre  vie.  L'action  intéressée,  c'est-a-dire  l'action  la  p 
réelle  pour  nous  et  pour  les  autres,  semble  celle  qui  exige  le  p 
d'efforts  et  celle  qui  disparait  la  première. 

Au  point  de  vue  de  sa  forme,  l'action  est  d'autant  plus  difhc 
comme  je  l'ai  montré  autrefois,  qu'elle  est  plus  nouvelle  et  qu'c 
demande  davantage  une  nouvelle  adaptation  à  des  circonstances  i 
ont  changée  «  Rien  ne  me  rend  malheureuse  et  malade,  dit  Voz 
comme  la  nécessité  d'avoir  a  prendre  une  décision  nouvelle 
L'action  est  aussi  difficile  quand  elle  doit  avoir  à  nos  yeux  le 
ractère  de  liberté  et  de  personnalité,  c'est-à-dire  quand   la  s 

I.   Bergson,  Miiticre  et  mémoire,  1896,  (Paris,  F.  Alcan)  p.  190. 
3.   Névroses  et  idées  fixes,  I.   p.  la. 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

lentale  qui  la  détermine  doit  se  trouver  en  accord  avec  la 
de  nos  tendances  principales  nettement  coordonnées,  en 
quand  Faction  doit  être  coordonnée  non  seulement  avec 
nées  du  monde  extérieur  mais  encore  avec  Tensemble  de 
ersonnalité.  A  un  degré  un  peu  inférieur  nous  trouvons  de 
culte  dans  Tachèvement,  la  terminaison  complète  d'une 
commencée,  dans  la  rapidité,  la  précision,  Ténergie,  la  ré- 
î  aux  influences  étrangères,  qui  doivent  se  trouver  dans 
es  actions  volontaires. 

I,  nous  avons  vu  que  bien  souvent  le  fait  de  s^endormir 
irement  était  un  acte  et  un  acte  difficile.  Nous  sommes 
s  à  placer  cet  acte  du  sommeil  et  celui  du  réveil  à  une 
e  hauteur  dans  cette  hiérarchie  immédiatement  après  les 
olontaires  accompagnés  du  sentiment  de  personnalité  et  de 

ui  nous  détermine  à  placer  au  premier  rang  dans  cette 
hie  l'action  volontaire  qui  modifie  réellement  le  monde 
c*est  que  nous  avons  vu  cette  action  constamment  trou- 
ez bien  des  malades  et  des  le  début.  L^indolence,  la  pa- 
*irrésolution,  la  lenteur  des  actes,  les  retards,  la  faiblesse 
)rts,  le  désordre,  lu  maladresse,  Tinachèvemcnt,  Tabsence 
stance,  le  misonéisme,  la  continuation  indéfinie  caracté- 
lien  les  psychasthéniques.  La  timidité  excessive,  Taboulie 
ionnelle,  les  inhibitions,  les  arrêts,  les  fatigues  insurmon- 

les  inerties  complètes  surviennent  à  un  bien  plus  grand 
;hez  ceux  qui  ont  des  obsessions  ou  qui  vont  en  avoir  et 
itent  surtout  dans  la  période  qui  précède  les  crises  d'agi- 
orcée  et  que  nous  avons  comparée  à  une  aura. 
\  la  même  fonction  du  réel  mais  peut-être  à  un  degré  ud 
érieur  à  celui  de  l'action  volontaire  nous  trouvons  Tatten- 
li  nous  permet  de  percevoir  les  choses  réelles.  Son  degré 

élevé  toujours  au  point  de   vue   de  nos  malades   et   par 
uent  le  plus  fragile,  c'est   l'opération   qui  nous  donne  la 

du  réel,  c'est-à-dire  qui  détermine  la  certitude  et  la 
:;e.  Saisir  une  perception  ou  une  idée  avec  le  sentiment 
îst  bien  le  réel,  c'est-à-dire  coordonner  autour  de  cette 
tion  toutes  nos  tendances,  toutes  nos  activités,  c'est 
I  parfaite  de  l'attention, 
ancienne  conception  philosophique,   qui    remonte  à  Spi- 

à  Hume,  qui  a  été  admise  par  Spencer  et  par  Taine,  c'est 


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LA  IIIÊRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES  479 

que  la  croyance  accompagne  toujours  Tidée,  que  le  doute  résulte 
uniquement  de  la  lutte  entre  plusieurs  représentations  également 
claires.  Cette  conception  a  été  combattue  par  bien  des  philosophes 
qui  lui  opposaient  la  pensée  de  Descartes  sur  le  rôle  de  la  volonté 
dans  Fadirmation  et  dans  Terreur.  M.  Brochard,  dans  sa  thèse 
sur  l'erreur,  dans  ses  articles  sur  la  croyance  et  la  volonté,  estTun 
de  ceux  qui  ont  le  mieux  montré  cette  distinction  nécessaire 
entre  la  croyance  et  la  pensée  proprement  dite,  «  autre 
chose  est,  dit-il  très  bien,  la  nécessité  de  penser  ou  de  lier  des 
idées,  autre  chose  la  nécessité  de  croire,  c'est-à-dire  de  poser 
comme  vraies  absolument  les  synthèses  que  Tesprit  ne  peut 
pas  rompre  ;  à  la  rigueur  on  peut  comprendre  une  vérité  géo- 
métrique et  ne  pas  y  croire  *.  »  M.  Gayte  dans  son  livre  sur  la 
croyance  décrit  ainsi  le  sceptique  :  «  C'est  une  intelligence  tou- 
jours en  mouvement  qui  demande  a  la  pensée  elle-même  une 
décision  qu'elle  ne  saurait  lui  donner.  Il  ne  s'attache  à  aucune 
théorie  parce  qu'il  ne  sait  pas  vouloir,  il  délibère  toujours 
parce  qu'il  est  incapable  d'arrêter  sa  pensée  par  un  acte, 
il  ne  la  domine  pas,  il  se  laisse  dominer  par  elle''.  »  Parmi  les 
travaux  plus  récents  dans  le  même  sens,  je  signale  ceux  de  M.  W. 
Jérusalem',  ceux  de  M.  A. -J.  Balfour^  qui  insistent  «  sur  les  causes 
non  rationnelles  de  la  croyance  »  et  le  livre  de  M.  W.  James '^. 

Ces  théories  philosophiques  semblent  être  le  résumé  de 
l'observation  de  nos  malades.  Certainement,  dirons-nous  avec 
M.  Brochard,  on  peut  penser  et  ne  pas  croire,  puisque  nous  voyons 
tant  de  sujets  qui  perçoivent  très  bien,  qui  raisonnent  admirable- 
ment et  qui  ne  peuvent  pas  arriver  à  croire.  Il  faut  se  rendre  bien 
compte  de  ce  fait  que  la  croyance  est  un  degré  d'activité  céré- 
brale au  dessus  de  la  simple  intelligence.  Dans  la  hiérarchie  que 
nous  établissons,  la  croyance  fait  partie  des  fonctions  du  réel  et 
occupe  un  rang  élevé  a  côté  des  opérations  volontaires. 

En  dessous  de  cette  opération  de  croyance  à  l'existence  réelle 
des  objets,  l'attention  trouve  encore  des  difficultés  moins  graves 
peut-être  dans  la  perception  d'objets  nouveaux,  dans  la  com- 
plexité du  spectacle  offert   à  nos  sens,  dans  la  clarté  qu'il   faut 

U 

I.   Brochard,  Croyance  et  volonté.  Revue  philosophique,  i884,  II.  p.  i5. 
^     a.  Gajle,  La  croyance,  i884.  p-  io4. 
i     3.  W.  Jérusalem,  Psychological  Review,  1895,  p.  ao5. 
J     Ix.   A.-J.  Balfour,  The  foundation  of  belief.  New-York,  iSgS,  p.  2i4. 
i     5.  W.  James,  The  will  to  believe,  1897. 


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10  THEORIES'  PATHOGÉNIQUES 

li  donner,  dans  la  perception  Intelligente  de  la  lecture,  de  Taudi- 
on,  simplement  dans  la  perception  intelligente  d'une  situation 
onnée.  L'orientation,  c'est-à-dire  la  disposition  des  perceptions 
ar  rapport  à  notre  corps  et  à  nos  mouvements  possibles,  est 
[icore  une  opération  proche  de  la  croyance  et  de  l'action  qui 
i  rapproche  des  fonctions  du  réel. 

La  mémoire  ne  présente  réellement  des  difficultés  et  ne  se  rat- 
iche  aux  fonctions  du  réel  que  dans  une  partie  de  ses  opérations, 
a  fixation  du  souvenir  des  événements  présents  de  manière 
u'il  puisse  être  utilisé  plus  tard,  l'évocation  des  souvenirs  ré- 
?nts  encore  intimement  liés  à  la  réalité  présente,  enfin  l'évocation 
récise  des  souvenirs  passés  dans  la  mesure  exacte  où  ils  doivent 
mer  un  rôle  dans  la  perception  actuelle,  telles  sont  les  opéra- 
ons  supérieures  de  la  mémoire.  «  Fonder  des  souvenirs,  disait 
éjà  très  bien  Debs,  créer  par  un  seul  effort  d'attention  une  pré- 
isposition,  ou   ce  qui   est  synonyme,  une  habitude  nouvelle  est 

coup   sûr   une  des   plus  utiles  prérogatives  de  la  volonté'  ». 

Ce  qui  caractérise  l'homme  d'action,  disait  M.  Bergson, 
est  la  promptitude  avec  laquelle  il  appelle  au  secours  d'une 
tuation  donnée  tous  les  souvenirs  qui  s'y  rapportent,  mais  c'est 
issi  la  barrière  infranchissable  que  rencontrent  chez  lui  en  se 
résentant  au  seuil  de  la  conscience  les  souvenirs  inutiles  ou  in- 
ifférents*.  » 

La  fonction  du  réel  se  retrouve  aussi  dans  la  conscience  de  dos 
ats  intérieurs  et  dans  la  perception  de  notre  propre  personne. 

faut  savoir  nous  percevoir  nous-mêmes  comme  nous  sommes 
1  réalité  ;  nous  retrouvons  ici  la  difficulté  principale  qui  est  la 
îrception  avec  certitude,  avec  le  sentiment  de  la  réalité.  Nous  eu 
ouvons  aussi  une  autre  qui  prend  ici  plus  d'importance,  c'est  la 
^rception  de  notre  unité,  le  sentiment  que  l'esprit  est  réelle- 
ent  parvenu  a  une  synthèse  mentale  unique. 

Il  est  presque  inutile  de  rappeler  les  troubles  si  fréquents  de 
ittention  et  de  la  perception  chez  les  psychasthéniques  qui  nous 
>ligent  à  mettre  ainsi  ces  opérations  dans  le  premier  groupe,  le 
)ute  des  perceptions,  l'inintelligence  de  la  lecture,  de  Taudi- 
[)n,  rinstabilité  de  l'attention,  les  éclipses  mentales,  la  mémoire 


I.  Debs,    Tableau  de  Vaclwité  volontaire  pour  servir  à    la  science  de  l'éducation, 

m,  p.  i53. 

j.  Bergson,  Matière  et  mémoire^    1896,  p.  166. 


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L\  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES  481 

retardante,  l'amnésie  continue,  les  troubles  de  la  perception  per- 
sonnelle, etc. 

A  ces  opérations  de  la  volonté  et  de  l'attention  il  faut  rattacher 
certains  phénomènes  qui  tiennent  à  Témotion.  Celle-ci  est  en 
général,  comme  nous  le  verrons,  une  opération  mentale  très  facile 
et  très  différente  par  conséquent  des  opérations  de  ce  premier 
groupe,  mais  elle  prend  de  la  difficulté  quand  il  s'agit  d'une  émo- 
tion précise,  bien  adaptée  à  la  réalité  donnée,  surtout  quand  il 
s'agit  d'émotions  heureuses.  Savoir  jouir  complètement  du  pré- 
sent, de  ce  qu'il  y  a  de  beau  et  de  bon  dans  le  présent,  c'est  une 
opération  mentale  qui  semble  très  difficile  et  digne  d'être  rap- 
prochée sur  ce  point  de  l'action  et  de  l'attention  au  réel,  on  la  voit 
disparaître  bien  souvent  dans  l'indifférence  et  dans  l'ennui  que 
présentent  presque  toujours  ces  malades. 

Le  dernier  terme  de  cette  fonction  du  réel,  celui  qui  résume  pro- 
bablement tous  les  précédents  serait  une  opération  mentale  malheu- 
reusement très  peu  connue  :  la  constitution  du  temps,  la  formation 
dans  l'esprit  du  moment  présent.  Le  temps  n'est  pas  donné  à  l'es- 
prit toutfait;il  sufliraitpour  le  démontrer  d'étudier  les  illusionsdes 
enfants  et  des  malades  sur  le  temps.  Lemomentprésent  des  mathé- 
maticiens, ce  point  inaccessible  n'a  rien  à  voir  avec  Ie«  notions 
dont  nous  parlons  ici.  Le  présent  même  qu'étudie  la  psychomé- 
trie,  cette  pulsation  de  un  dixième  de  seconde,  n'est  pas  non 
plus  ce  que  nous  apprécions  comme  présent.  Le  présent  réel 
pour  nous,  c'est  un  acte  ou  un  état  d'une  certaine  complexité 
que  nous  embrassons  dans  un  seul  état  de  conscience,  malgré 
cette  complexité  et  malgré  sa  durée  réelle  qui  peut  être  plus  ou 
moins  longue.  Pour  les  gens  distraits,  indifférents  à  la  réalité, 
ce  présent  s'allonge  et  reste  vague,  pour  des  esprits  actifs  qui 
sont  toujours  à  la  minute,  ce  présent  se  resserre  et  devient  pré- 
cis. Il  y  a  une  faculté  mentale  que  l'on  pourrait,  en  forgeant  le 
mot,  appeler  la  présentification  et  qui  consiste  à  rendre  présent 
un  état  d'esprit  et  un  groupe  de  phénomène^.  11  ne  serait  pas  dif- 
ficile de  montrer  que  cette  opération  se  confond  en  réalité  avec 
les  précédentes,  c'est  l'action,  c'est  l'attention,  c'est  la  perception 
exacte  de  la  situation  donnée  avec  le  sentiment  de  sa  réalité  qui 
produit  la  présentification  ;  il  n'est  pas  non  plus  difficile  de  com- 
prendre que  cette  opération  n'est  qu'un  aspect  de  la  fonction  du 
réel  et  qu'elle  présente  par  conséquent  les  mêmes  difficultés  et 
les  mêmes  troubles. 

LES  OBSESSIONS.  I.  —   3l 


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482  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

Au-dessous  de  ce  premier  degré,  le  plus  parfait  et  le  plus  diffi- 
cile se  place  le  groupe  des  opérations  que  j'appellerai  désintéres- 
sées: ce  sont  les  mêmes  opérations  psychologiques  simplement  dé- 
pouillées de  ce  qui  faisait  leur  perfection,  c'est-à-dire  de  Faculté 
du  sentiment  réel.  Ce  sont  des  actions  sans  adaptation  exacte  aux 
faits  nouveaux,  sans  coordination  de  toutes  les  tendances  de  Tin- 
dividu,  des  perceptions  vagues  sans  certitude,  et  sans  jouissance 
du  présent.  C'est  ce  que  Ton  désigne  souvent  comme  des  actions 
et  des  perceptions  avec  distraction,  c'est  une  vie  en  apparence 
identique  à  la  vie  complète  mais  avec  indifférence  à  la  réalité. 

Nous  avons  déjà  noté  bien  des  fois  que  la  distraction  rendait  faci- 
les à  nos  malades  des  opérations  qu'ils  ne  pouvaient  plus  accom- 
plir avec  pleine  conscience.  Voici  des  exemples  nouveaux  de 
cette  remarque  importante. 

J'ai  eu  l'occasion  de  remarquer  bien  des  fois  un  trait  de  carac- 
tère assez  étrange  chez  beaucoup  de  scrupuleuses.  Ces  malades 
qui  sont  tout  à  fait  incapables  de  se  conduire  elles-mêmes,  qui 
hésitent  indéfiniment  à  propos  de  la  moindre  action  quand  il 
s'agit  de  leur  intérêt  où  de  leur  devoir  personnel,  deviennent 
sensées,  perspicaces  et  décidées,  quand  il  s'agit  de  donner  des 
conseils  à  quelque  autre  personne.  Je  ne  puis  m'expliquer  cette 
différence  qu'en  remarquant  combien  la  conduite  d'autrui  est  à 
nos  yeux  plus  indifférente,  plus  simple,  moins  réelle  que  notre 
propre  conduite.  On  a  vu  que  Wo...  fait  indéfiniment  et  fort  bien 
des  aditions  sur  des  chiffres  imaginaires,  elle  m'offre  même 
d'additionner  mes  propres  comptes,  mais  elle  ne  peut  plus 
fixer  son  attention  dès  qu'il  s'agit  des  comptes  de  son  propre 
,    manège. 

Quand  les  malades  seront  fortement  distraits  de  l'action  quils 
accomplissent,  ils  arrivent  de  même  à  cette  indifférence  qui  rend 
l'action  plus  facile.  Bei...,  quia  perdu  son  moi  quand  elle  cherche 
à  agir  ou  à  sentir  avec  conscience,  avec  attention,  a  n'a  plus  aucun 
trouble  pendant  l'état  de  distraction.  Quand  la  malade  est  entraî- 
née par  une  préoccupation,  ne  pense  pas  à  elle-même,  tout  va  par- 
faitement bien  et  elle  est  parfaitement  normale.  Le  trouble  revient 
quand  elle  essaye  de  faire  attention,  de  penser  à  elle-même,  de 
se    rendre  compte  de  ce  qu'elle  éprouve  *  ». 

Lod...,  Claire  agissent  normalement  quand  elles  sont  distraites 

I.  Névroses  et  idées  fixes ^  II,  p.  65. 


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LA  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES  483 

et  ne  se  préoccupent  pas  de  ce  qu'elles  font.  «  Pour  que  mon 
travail  marche  bien,  dit  Gisèle,  il  faut  que  je  n'y  sois  pas,  que  je 
le  fasse  sans  le  vouloir  et  presque  sans  le  savoir.  »  Nadia  finit 
par  préférer  les  périodes  où  elle  est  dans  un  état  de  rêve,  c'est 
à  ce  moment  qu'elle  fait  le  plus  facilement  les  choses  qui  étaient 
difficiles  auparavant.  Elle  aimait  à  fumer  non  pour  trouver  dans  le 
tabac  une  excitation,  mais  parce  que  cela  l'étourdissait  et  qu'elle 
pouvait  alors  agir  h  peu  près  comme  tout  le  monde  sans  trop 
savoir  ce  qu'elle  faisait,  «  et  si  dans  cet  état  de  rêve  il  m'arrive  de 
me  réveiller  un  peu  et  de  penser  que  c'est  la  réalité,  alors  je  me 
sens  tout  de  suite  paralysée  et  agitée  et  je  ne  peux  plus  rien 
faire  ». 

L'action  plus  ou  moins  vague  avec  distraction  et  peu  de  senti- 
ment du  réel  forme  donc  un  second  degré  moins  difficile  que  le  pre- 
mier. 11  ne  faudrait  pas  croire  que  ce  groupe  soit  constitué  unique- 
ment par  ce  que  j'appelais  autrefois  les  actions  automatiques.  Ces  f 
actes  tels  qu'on  les  observe  sous  leur  formé  parfaite  chez  les  hys- 
tériques sont  des  actes  inconscients  ou  subconscients  ignorés  par 
le  sujet  qui  les  accomplit.  Les  actes  que  je  place  ici  sont  con- 
scients, mais  ils  sont  accompagnés  d'une  conscience  moindre, 
qui  n'a  pas  la  précision,  la  concentration  de  la  conscience  qui 
accompagne  les  actions  du  premier  degré.  Sans  doute,  ce  groupe 
des  actions  désintéressées  contient  les  phénomènes  automatiques 
comme  une  de  ses  variétés  les  plus  intéressantes,  mais  il  s'étend 
au  delà,  car  il  contient  bien  des  formes  et  bien  des  degrés. 
Entre  la  fonction  du  réel  et  les  actions  tout  à  fait  subconscien-  ,' 
tes,  il  y  a  mille  degrés,  mille  nuances  d^actions  plus  ou  moins 
désintéressées.  La  connaissance  de  ces  nuances  est  essentielle 
pour  comprendre  comment  un  sujet  peut  exécuter  un  acte  et  ne 
peut  pas  en  exécuter  un  autre  qui  nous  paraît  tout  voisin,  com- 
ment de  légères  modifications  de  la  distraction  ou  de  l'attention 
facilitent    un  acte    ou  le  rendent  impossible. 

L'opinion  p'opulaire  plaçait  à  un  niveau  élevé  dans  la  hiérar- 
chie les  opérations  mentales  proprement  dites,  les  opérations  qui 
portent  sur  des  idées  et  non  sur  des  objets  réels,  mais  les  mora- 
listes ont  eu  déjà  bien  souvent  le  sentiment  que  cette  opinion 
était  erronée.  «  Vous  êtes  à  la  fleur  de  Tage,  disait  un  romancier 
très  psychologue,  vous  appréciez  au  delà  de  tout  l'intelligence 
humaine  ;  le  piquant  de  l'esprit  et  la  déduction  abstraite  de  la  rai- 


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'^'Tim 


484  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

son  vous  séduisent...  quelle  erreur  est  la  vôtre*.  »  «  Par  l'action 
nous  sommes  des  anges,  disait  déjà  Hamiet,  par  la  pensée  nous 
ne  sommes  que  des  hommes.  » 

Nos  observations  sur  les  psychasthéniques  confirment  grande- 
ment et  précisent  ces  anciennes  remarques.  On  remarque  tout  de 
suite  qu'ils  se  fixent  plus  facilement  sur  des  idées  que  sur  des 
objets,  qu'ils  suivent  assez  facilement  une  pièce  de  théâtre  ou  ud 
roman,  tandis  qu'ils  regardent  difficilement  un  musée.  Mais  il 
s'agit  encore  ici  d'observation  :  la  différence  s'accentue  quand  il 
s'agit  de  purs  raisonnements  intérieurs.  Il  nous  faut  pour  le  com- 
prendre lutter  contre  un  vieux  préjugé  d'enfance,  c'est  que  l'abs- 
trait nous  paraît  plus  difficile  que  le  concret.  Si  nous  avons  bien 
remarqué  commentées  malades  raisonnent  à  perte  de  vue,  com- 
ment ils  accumulent  les  divisions,  les  distinctions  et  les  hypothèses 
nous  comprendrons  que  le  raisonnement  est  une  opération  infé- 
rieure. Je  me  place  toujours  au  point  de  vue  de  nos  malades  et  je 
dis  que  chez  eux  le  raisonnement,  même  compliqué,  est  une 
opération  mentale  bien  plus  aisée  que  l'action  réelle. 

On  retrouve  la  même  facilité  si  l'on  considère  les  opérations 
représentatives  qui  portent  sur  les  images,  la  mémoire  et  l'ima- 
gination. La  mémoire  présentait  des  difficultés  qui  lui  donnaient 
une  place  au  premier  rang  quand  il  s'agissait  de  la  fixation  et  de 
l'évocation  des  souvenirs  d'une  manière  volontaire  et  utile.  Mais 
la  mémoire  perd  tout  à  fait  ces  caractères  de  la  fonction  du  réel 
quand  elle  est  simplement  représentative  et  qu'elle  se  borne  à 
évoquer  le  tableau  du  passé  sans  engager  ce  passé  d'une  manière 
effective  dans  l'action  présente.  Les  malades  abouliques  et  sans 
attention  présente,  incapables  d'évoquer  volontairement  un  sou- 
venir utile  ont  une  mémoire  inouïe  dans  leurs  ruminations  ab- 
surdes. Ce  sont  des  pages  entières  de  leur  vie  passée  que  Jean 
ou  Lise  peuvent  réciter  mot  à  mot;  le  passé  devient  chez  ces  ma- 
lades obsédant  et  semble  obnubiler  le  présent  (Lowenfeld),  c'est 
que  le  présent  offre  à  leur  esprit  infiniment  plus  de  difficultés  que  le 
passé.  On  observe  d'ailleurs  ce  même  développement  exagrré  de 
la  mémoire  chez  l'imbécile,  chez  le  sauvage,  chez  l'enfant  et  cette 
faculté  de  représentation  désintéressée  semble  diminuer  avec 
l'âge  adulte  et  avec  le  développement  intellectuel. 

Cette  représentation  des  images  devient  encore  plus  facile  quand 

I.  Dostoiewski,  Crime  et  châtiment,  II,  p.  78. 


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LA  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES  485 

celles-ci  ne  sont  même  plus  soumises  aux  règles  rigoureuses  de 
la  mémoire  et  qu'il  suffit  de  les  laisser  aller  à  la  dérive  suivant 
les  hasards  de  Tassociation  des  idées.  On  sait  la  place  qu'occupe 
la  rêverie  dans  la  maladie  que  nous  étudions,  le  développement 
énorme  qu'elle  peut  prendre.  Eilfin,  le  dernier  degré  de  facilité 
est  obtenu  quand  les  rêveries  cessent  même  d'être  originales  et 
se  répètent  les  unes  les  autres  avec  monotonie. 

Cette  facilité  plus  grande  des  raisonnements  abstraits  et  de  la 
représentation  des  images  rend  compte  d'un  caractère  souvent 
observé  et  qui  ne  me  parait  pas  toujours  avoir  été  bien  compris. 
Non  seulement  ces  individus  se  vantent  d'être  «  des  penseurs, 
des  analystes  »  mais  ils  montrent  un  goiU  prononcé  et  quelque- 
fois un  certain  talent  pour  Tobservation  psychologique  intérieure, 
pour  l'auto-observation*.  Cette  aptitude  à  l'introspection  psycho- 
logique me  parait  simplement  une  conséquence  de  la  faiblesse 
de  leur  esprit.  Entendons-nous  :  l'observation  psychologique 
bien  faite  et  surtout  l'observation  psychologique  objective  est 
extrêmement  difficile.  A  toutes  les  difficultés  dé  l'observation 
réelle  du  monde  physique  se  joignent  les  di^cirltés  des  phéno- 
mènes sociaux,  de  l'appréhension  d'une  conscience  étrangère  à 
la  nôtre.  Mais  l'introspection  qui  consiste  h  se  regarder  penser 
est  d'un  tout  autre  ordre.  Cousin  et  Jouffroy  avaient  déjà  remar- 
qué autrefois  qu'elle  ne  peut  s'exercer  pendant  l'acte  même  ou 
au  moment  de  l'émotion  elle-même,  que  par  conséquent  elle 
s'exerce  surtout  sur  des  images  et  des  souvenirs.  Ajoutons  que 
cette  introspection  peut  s'exercer  avec  autant  d'intérêt  sur  n'im- 
porte quelle  image  et  n'importe  quel  souvenir  et  qu'elle  ne 
demande  aucune  précision  à  l'esprit.  11  en  résulte  qu'elle  se  rap- 
proche de  la  rumination  et  de  la  rêverie.  Il  suffira  que  certaines 
curiosités  déterminées  par  les  sentiments  d'incomplétude  incli- 
nent le  sujet  vers  cette  introspection  pour  qu'il  s'y  plonge  avec 
délices  à  cause  de  son  extrême  facilité. 

Je  crois  que  l'on  peut  placer  au-dessous  de  ce  troisième  degré 
une  opération  mentale  encore  plus  basse,  c'est  le  développement 
de  l'émotion,  quand  cette  émotion   n'est  pas  exactement  en  rap- 


1.  N.  Vaschide  cl  CL  Vurpas,  Délire  par  introspection  mentale,  Nouvelle  Icono- 
graphie de  la  Salpétrihre,  1901,  p.  288.  Contribution  à  la  psychologie  de  la  genèse 
des  hallucinations  psycho-motrices,  Archives  de  neurologie,  1903,  p..  474- 


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LA  HIÉRARCHIE  DES  PHÉNOMÈNES  PSYCHOLOGIQUES 

verses  :  elles  agissaient  sur  le  réel,  le  transformaient,  U 
connaître  avec  plus  ou  moins  de  vérité,  peu  nous  irapoi 
moins  donnaient  au  sujet  l'impression,  le  sentiment  c 
lité.  Ce  caractère  a  diminué  dans  les  opérations  désii 
qui  restaient  encore  présentes,  mais  avec  moins  de 
vif  du  réel;  il  s'est  fortement  réduit  dans  le  troisième  { 
ne  se  trouve  plus  que  le  sentiment  du  passé,  de  Taveni 
l'imaginaire  ;  il  a  disparu  dans  les  derniers  groupes. 

Ce  caractère  essentiel  des  laits  de  l'esprit,  qui  consi 
sur  In  réalité  ou  à  la  faire  connaître  même  en  apparei 
donner  le  sentiment,  au  moins  à  lui  correspondre,  sui 
pression  de  Spencer,  pourrait  être  désigné  sous  le 
coefficient  de  réalité  d*un  fait  psychologique.  On  peut  £ 
ciser  ce  que  j'entends  par  cette  hiérarchie  des  phénomi 
chologiques  :  si  on  considère  l'ordre  de  fréquence  et  d 
avec  laquelle  se  perdent  les  fonctions  psychologigues 
malades,  on  constate  c\\x  elles  disparaissent  d'autant  plu 
leur  coefficient  de  réalité  est  plus  éle{>é  et  qu  elles  persisi 
tant  plus  longtemps  que  leur  coefficient  de  réalité  est 
J'en  conclus  que  ces  opérations  forment  une  série  de  di 
de  complexité  décroissantes  suivant  que  leur  relation  aç 
lité  au  point  de  sfue  de  Vactiouy  de  la  connaissance,  en  u 
la  correspondance  va  en  diminuant  et  c'est  à  cette  disp( 
série  que  je  donne  le  nom  de  hiérarchie  psychologique. 

Provisoirement,  et  simplement  à  titre  de  résumé,  on 
blir  le  tableau  hiérarchique  de  cette  manière  : 


Hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques. 


l   Taclion  elHcace  sur  la  réalité 
raction         | 

/  l'action  nouvelle  avec  sentiment 

I.  La    fonction     )  (   la  perception  avec  sentiment  de 

du  réel.  \  \  la  certitude,  la  croyance. 

/    Taltentiondans  <  la  perception  d'objets  nouveaux 

f  I  la  perception  de  l  avec  sentime 

y       la  [>ersonne      |  avec  sentime 

\    la  présentification,  la  perception  et  la  jouissance 


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L\  TENSION  PSYCHOLOGIQUE  489 

elle  ne  peut  être  admise  sans  interprétation.  En  effet,  un  fait 
fondamental  domine  la  psychologie  du  douteur,  c'est  qu'il  n'a 
pas  d'anesthésies  véritables.  Ces  sujets  qui  doutent  de  la  réalité, 
qui  doutent  de  ce  qu'ils  sentent  ou  de  ce  qu'ils  voient  sentent  et 
voient  cependant  aussi  bien  que  l'homme  qui  ne  doute  pas.  Leurs 
sensations  ne  sont  pas  diminuées  quantitativement,  on  ne  le  sent 
que  d'une  manière  insignifiante,  incapable  d'expliquer  leur  doute. 
En  réalité,  ils  ont  une  sensibilité  forte  dans  le  sens  ordinaire  du 
mot,  puisqu'ils  sentent  fort  bien  les  excitations  les  plus  minimes  ; 
ils  ont  une  vision  puissante  puisqu'ils  lisent  très  bien  les  plus 
petites  lettres  du  tableau  et  malgré  cette  force,  cette  acuité  de 
leurs  sens,  ils  n'ont  pas  le  sentiment  du  réel. 

Une  seconde  hypothèse  serait  bien  simple  et  bien  séduisante, 
elle  consisterait  à  rattacher  cette  différence  entre  le  réel  et  l'ima- 
ginaire à  l'intervention  du  mouvement.  Ce  qui  semble  le  plus 
difficile  dans  le  premier  groupe,  c'est  l'action  et  l'attention^ 
or  dans  l'une  et  l'autre  interviennent  les  fonctions  motrices. 
Ne  pourrait-on  pas  supposer  que  dans  cette  maladie  il  y  a 
un  engourdissement  des  centres  moteurs  corticaux  avec  conser- 
vations de  l'activité  des  centres  sensoriels  ?  Cela  n'expliquerait-il 
pas  cette  difficulté  de  l'action  et  cette  facilité  de  l'imagination. 

Une  conception  à  peu  près  semblable  à  celle-ci  forme  l'idée 
fondamentale  du  livre  de  M.  Bergson  auquel  je  faisais  allusion 
dans  un  passage  précédent  :  «  L'actualité  de  notre  perception, 
dit-il,  consiste  dans  son  activité,  dans  les  mouvements  qui  la 
prolongent  et  non  dans  sa  plus  grande  intensité,   le   passé    n'est 

qu'idée,    le   présent  est  idéo-moteur* C'est  justement   parce 

que  j'aurai  rendu  un  souvenir  actif  qu'il  sera  devenu  actuel,  c'est- 
à-dire  sensation   capable   de   provoquer  des  mouvements' Le 

sentiment  concret  que  nous  avons  de  la  réalité  présente  consiste- 
rait donc  dans  la  conscience  que  nous  prenons  des  mouvements 
effectifs  par  lesquels  notre  organisme  répond  naturellement  aux 
excitations,  de  sorte  que  là  où  ces  relations  se  détendent  ou  se 
gâtent  entre  sensations  et  mouvements,  le  sens  du  réel  s'affaiblit 
et  disparait'  ». 


I.  Bergson,  Matière  et  mémoire ,  1896,  p.  62. 
3.  Id.,  ibid.,  p.  166. 
3.  Id.,  ibid.,  p.  193. 


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THÉORIES  PATUOGÉNIQUES 

de  la  lettre,  cette  conception  diffère  moins  qu'on 
I  précédente.  Au  lieu  de  faire  dépendre  la  fonction 
insité  des  sensations,  elle  la  fait  dépendre  de  Tin- 
œmentsqui  ne  sont  connus  que  par  des  sensations, 
ns  doute  une  part  de  vérité,  mais  ne  peut  être  ad- 
ction,  car  il  ne  me  semble  pas  juste  de  dire  que  le 
lui-même,  en  tant  que  mouvement  de  notre  corps, 

le  sens  du  réel  et  à  constituer  le  groupe  des 
rcliologiques  supérieurs. 

n  h  cette  conception  est  semblable  à  la  précé- 
î  que  les  douleurs  ont  conservé  les  sensations,  ils 
;  réflexes,  les  mouvements  et  la  sensation  précise 
mts. 

;hez  eux  des  mouvements  qui  se  présentent  comme 
entaires  et  faciles.  Les  tics,  les  agitations  motri- 
onner  lieu  h  des  mouvements  considérables  el 
FjCS  phénomènes  d'émotion  nécessitent  aussi  la 
mouvements  et  s'accompagnent  souvent  d'une 
ne  :  cependant  malgré  ces  mouvements  les  mala- 
ins  le  doute,  loin  du  réel.  On  ne  peut  donc 
tout  mouvement  soit  difficile,  que  ce  qui  dé- 
ion  d'un  phénomène  dans  la  hiérarchie  ce  soit 
j  mouvement.  Il  ne  faut  pas  croire  qu'un  phéno- 
jique  soit  élevé,  demande  un  plus  grand  travail 
tuvement  physique  qui  le  manifeste  au  dehors  est 
3lus  violent.  Un  mouvement  violent  peut,  au  point 

occupe,  correspondre  à  un  phénomène  psycholo- 
il  hiérarchiquement  très  élémentaire. 
I  théorie  précédente   fera    un  progrès   si  au    mot 

comme  d'ailleurs  M.  Bergson  le  fait  souvent,  un 

«  action  »,  c'est-à-dire  si  Ton  remplace  le  raouve- 
\r  un  système  bien  coordonné  de  mouvements, 
re  chose,  disait  M.  Bergson,  entre  le  passé  et  le 
différence  de  degré.  Mon  présent  est  ce  qui 
qui  vit  pour  moi,  ce  qui  me  provoque  à  l'action 
ivent  h  l'action  utile  et  bien  adaptée)  au  lieu  que 
essentiellement  impuissant  ^  »  Mais  cela  n'est  pas 
,  car  ces  sujets  exécutent  des  actions  bien  réglées 

il.,  p.  i48. 


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LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE  491 

en  rapport  avec  les  ol)jels  qu'on  leur  montre  et  ils  se  plaignent 
«  qu'ils  ne  font  pas  eux-mêmes  Taction,  que  Taction  n'est  pas 
réelle».  L'automatisme  bien  réglé  se  montre  dans  les  tics  et  ne 
leur  donne  pas  aux  malades  le  sens  du  réel. 

Une  autre  hypothèse  plus  intéressante  consisterait  h  appliquer 
ici  mes  anciennes  études  sur  l'activité  de  synthèse  par  opposition 
à  l'activité  automatique.  I.a  synthèse  mentale  est  une  opération 
qui  réunit  en  un  composé  unique  et  nouveau  les  éléments  fournis 
h  chaque  moment  de  la  vie  par  les  sens  et  par  la  mémoire.  La 
construction  de  ce  système  nouveau  semble  être  l'opération  par- 
ticulièrement difficile,  celle  qui  disparait  la  première.  Je  crois  qu'il 
y  a  encore  ici  une  partie  de  la  vérité.  Dans  la  fonction  du 
réel  entre  pour  beaucoup  des  adaptations  à  la  réalité  changeante  et 
par  conséquent  des  systématisations  toujours  nouvelles  :  certaine- 
ment une  des  raisons  de  l'élévation  de  la  volonté  et  de  l'atten- 
tion dans  notre  hiérarchie,  tient  au  rôle  qu'y  jouent  les  opérations 
de  synthèse  mentale  perpétuellement  nouvelles,  et  inversement 
la  position  inférieure  de  la  rêverie  et  de  l'émotion  tient  à  ce 
fait  qu'une  partie  considérable  de  ces  opérations  est  purement 
automatique.  D'ailleurs  on  constate  aisément  chez  les  malades  qui 
ont  perdu  le  sens  du  réel,  l'aboulie,  l'aprosexie,  le  misonéisme, 
l'inintelligence  des  situations  nouvelles,  tous  les  caractères  qui 
indiquentla  diminution  des  synthèses  mentales,  du  pouvoir  d'adap- 
tation et  de  coordination. 

Cependant  j'ai  quelque  hésitation  a  considérer  cette  distinction 
comme  suffisante  dans  ce  cas.  D'une  part  il  ne  me  semble  pas 
qu'il  y  ait  une  proportionnalité  complète  entre  le  développement 
de  l'aboulie  et  la  perte  du  sens  réel.  Ces  malades  agissent  encore 
à  peu  près  correctement  et  ils  répètent  qu'ils  agissent  comme 
dans  un  rêve.  D'autre  part  il  n'est  pas  exact  de  dire  que  le  trou- 
ble existe  uniquement  dans  les  phénomènes  de  synthèse  mentale 
elque  les  phénomènesautomatiquessont  restés  intacts.  Enefiet,ilne 
fautpasoublierquenousavonsconstatélesmèmesdifficultés  non  seu- 
lement dans  les  fonctions  du  réel,  mais  encore  dans  les  opérations 
qui  se  bornent  à  imiter  ces  fonctions.  La  suggestion  et  l'halluci- 
nation se  présentent  chez  ces  malades  comme  aussi  difficiles  que 
l'action  réelle  ou  la  perception  de  la  réalité.  Or  dans  l'hallucina- 
tion, il  y  a  une  très  petite  part  de  synthèse  mentale  mais  beau- 
coup d'automatisme.   Si   elle  est  très  difficile    c'est  que  d'autres 


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492  THÉORIES  PATIIOGÉNIQUES 

difficultés    doivent   s'ajouter  à  celles   que    présente  la  synthèse 
mentale. 

L'étude  de  ces  derniers  faits,  Tétude  des  hallucinations  et  sur- 
tout des  hallucinations  suggérées  pourra  peut-être  nous  indiquer 
un  caractère  nouveau  qui  joue  un  rôle  important  dans  le  senti- 
ment de  la  réalité.  Les  hallucinations  en  effet  s'accompagnent  de 
ce  sentiment  à  un  haut  degré  et,  dans  l'expérimentation  au  moyen 
de  la  suggestion  hypnotique,  nous  pouvons  noter  à  quel  moment 
il  survient.  «  La  perception  réelle  ou  l'hallucination  d'un  chien, 
disais-je  autrefois  *,  est  un  ensemble  d'images  visuelles,  tactiles, 
auditives  même,  très  variées.  Pour  passer  de  l'idée  d'un  chien  h 
rimage  hallucinatoire  d'un  chien,  il  faut  non  pas  renforcer,  mais 
compléter  l'image.  Ce  serait  être  bien  maladroit,  en  face  d'un 
sujet  qui  voit  difficilement  les  hallucinations  que  de  répéter 
même  en  criant  très  fort  :  «  tu  vois  un  chien,  tu  vois  un  chien  »  : 
on  n'arriverait  à  rien.  Il  faut  préciser  et  compléter  l'image  :  «  Tu 
vois  ses  oreilles,  tu  vois  sa  queue,  tu  vois  ses  longs  poils  de  cou- 
leur jaune,  tu  entends  qu'il  aboie.  »  Ou  bien,  si  Ton  a  affaire  à  un 
sujet  qui  en  soit  capable,  il  faut  lui  laisser  le  temps  de  dévelop- 
per lui-même  son  image.  Si,  dans  une  conversation  rapide,  je  dis 
a  Léonie  qu'il  y  a  des  moutons  dans  la  prairie  au  bord  de  la 
rivière,  etc.,  j'éveille  par  chaque  mot  une  image  incomplète  et 
vague  qui  ne  sera  pas  une  hallucination.  Mais  si  après  avoir  dit: 
«  il  y  a  un  mouton  devant  toi,  »  je  m'arrête  brusquement  et  ne  lui 
parle  plus  ;  son  idée  se  développe  peu  à  peu,  elle  cherche  à  se 
représenter  des  détails  nouveaux,  à  sentir  la  toison,  à  entendre  le 
cri  et  elle  finit  par  dire  :  «  C'est  un  vrai  mouton.  »  C'est-à-dire 
un  mouton  complet  et  non  plus  une  image  de  mouton.  La  com- 
plexité de  l'image,  comme  le  montrait  M.  Souriau,  a  donné  nais- 
sance à  son  objectivité^  ».  Depuis  cette  époque,  j'ai  eu  l'occasion 
à  plusieurs  reprises  d'insister  sur  ce  rôle  de  la  complexité  et  du 
développement  de  l'image  dans  la  suggestion  et  dans  l'hallucina- 
tion*, et  je  considère  encore  comme  bien  vraisemblable  que  c'est 
au  nombre  et  à  la  richesse  des  images  évoquées  à  propos  d'une 


I.  Automatisme  psychologique,  1889.  p.   181. 

3.  Souriau.  Sensation  et  perception.  Revue  philosophique,  i883,  II,  75, 
3.  Accidents   mentaux  des  hystériques,    1894»    p.  a3.    Névroses  et    idées  fixes,  I 
p.  216.  II  ;  p.  i3i,  etc. 


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LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE  493 

même  idée  qu'est  dû  le  caractère  de  réalité  apparente  des  hallucina- 
tions hystériques. 

Si  nous  considérons  au  contraire  ces  psychasthéniques  qui 
n'arrivent  point  au  sentiment  du  réel  ni  dans  leurs  pseudo-hallu- 
cinations ni  même  dans  leurs  perceptions,  nous  voyons  quHIsont 
toujours  la  pensée  occupée  par  des  phénomènes  plus  simples, 
moins  riches.  Ils  ont  des  souvenirs  et  surtout  des  souvenirs  loin- 
tains, mais  de  tels  souvenirs  sont  simplifiés,  décolorés,  ils  ne  sont 
pas  aussi  complexes  que  le  spectacle  d'un  événement  réel.  Ils  ont 
surtout  des  raisonnements  abstraits,  des  bavardages,  dans  lesquels 
la  pensée  se  fait  au  moyen  de  substituts  qui  remplacent,  par  une 
image  simple,  un  groupe  de  phénomènes.  Quelquefois  ils  consta- 
tent eux-mêmes  cette  simplification  de  leur  pensée,  cette 
diminution  de  la  richesse  des  perceptions.  Jean  me  répète 
sans  cesse  «  qu'il  ne  saisit  pas  la  réalité  avec  la  force  nor- 
male ».  J'insiste  en  lui  demandant  ce  qu'il  entend  par  là,  com- 
ment il  se  rend  compte  de  ce  prétendu  changement,  puisque  je  ne 
puis  découvrir  en  lui  aucune  sensation  insuffisante  :  «  Voici,  me 
dit-il,  ce  que  je  crois  avoir  remarqué  :  dans  la  vision  normale, 
dans  la  vision  que  j'avais  autrefois,  un  objet  était  composé  d'une 
foule  de  détails  :  si  vous  voulez,  il  y  avait  dans  cette  surface  de 
l'objet  au  moins  trois  mille  petits  points  différents  que  je  voyais 
tous  à  la  fois,  maintenant  il  me  semble  qu'il  n'y  en  a  plus  que 
quinze  cents.  » 

Cet  ensemble  de  remarques  nous  montre  que  dans  la  consti- 
tution des  phénomènes  de  notre  premier  groupe,  dans  notre 
fonction  du  réel,  il  faut  faire  jouer  un  rôle  à  la  complexité  et 
à  la  richesse  des  phénomènes  psychologiques.  Dans  l'hallucination 
comme  dans  la  perception  du  réel  et  dans  l'action,  le  contenu  de 
la  conscience  à  propos  de  chaque  objet  est  non  seulement  syn- 
thétisé mais  il  est  riche  ;  le  nombre  de  sensations  et  des  images 
données  simultanément  est  considérable.  Au  contraire,  dans  les 
groupes  inférieurs,  dans  le  raisonnement  et  même  dans  la  rêve- 
rie, la  pensée  est  abstraite,  elle  se  fait  au  moyen  de  substituts  et 
elle  est  en  réalité  assez  pauvre  de  phénomènes  rentrant  simulta- 
nément dans  la  synthèse  mentale. 

Plusieurs  auteurs  semblent  avoir  senti  l'importance  qu'a  dans 
le  fonctionnement  de  l'esprit  le  nombre  des  phénomènes  psycho- 
logiques simultanés.  M.  Espinas,  à  propos  du  sommeil  chez  les 
hystériques,  a  parlé  de  l'importance  des  sensations  volumineuses 


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49i  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

qui  mettent  dans  la  conscience  un  grand  nombre  de  phénomènes 
simultanés\  M.  Stout,  à  propos  de  la  croyance,  remarque  a  que 
la  force  de  cohésion  entre  deux  idées  A  et  B  n'est  pas  seule- 
ment dans  les  idées  elles-mêmes  mais  dans  la  masse  des  éléments 
conscients  et  subconscients  qui  les  soutiennent^. 

M.  Manouvrier,  dans  un  article  intéressant  sur  la  volonté, 
exprime  des  idées  du  même  genre  :  «  quand  les  cellules  céré- 
brales sont  le  siège  d'une  nutrition  très  active,  quand  leur  com- 
position moléculaire  est  telle  que  la  quantité  d'énergie  mise  en 
liberté  par  leur  désintégration  est  à  son  maximum...  alors  les 
sensations  sont  vives  et  nombreuses  ;  il  y  a  des  délibérations 
larges  et  vives  parce  que  de  nombreux  groupes  cellulaires  asso- 
ciés sont  mis  en  jeu  et  fortement  excités  :  les  délibérations  sont 
largement  conscientes  parce  que  l'excitation  se  propage  jusqu'aux 
groupes  les  plus  nouvellement  formés  et  parce  que  la  désinté- 
gration moléculaire  d'où  résulte  la  conscience  est  très  active  :  la 
délibération  est  brève,  parce  que  cette  activité  même  entraine  la 
cohésion  rapide  de  plusieurs  désirs  ou  volontés  naissantes  d'où 
résulte  cette  désintégration  moléculaire  prépondérante  qui  cons- 
titue la  volonté.  Enfin,  cette  volonté  est  sûrement,  rapidement  et 
énergiquement  suivie  d'exécution  parce  que  le  courant  nerveux 
énergiquement  commencé  par  cette  désintégration  centrale  par- 
ticipe lui-même  de  la  vigueur  générale  que  l'on  peut  appeler 
neurosthénie  (oôivs;).  Dans  l'état  opposé  ou  neurasthénique 
(a,  ŒÔiv3ç),  la  volonté  au  contraire  est  affaiblie  comme  tous  les 
états  de  conscience  qui  la  précèdent.  Les  sensations  sont  faibles, 
les  images  éveillées  dans  le  processus  associatif  sont  excitées  fai- 
blement en  petit  nombre  et  successivement.  Les  premières  éveil- 
lées sont  déjà  éteintes  au  moment  où  l'excitation  parvient  au 
groupe  voisin,  de  sorte  que  les  coordinations  sont  pauvres  et  pré- 
caires ;  la  délibération  est  étroite  et  molle  par  suite  de  l'exi- 
guïté qualificative  et  numérique  des  motifs  cnis  en  jeu  ;  les  désirs 
sont  sans  énergie.  Il  peut  arriver  qu'aucun  d'eux  n'acquière  une 
intensité    suffisante  pour   constituer  la   volonté.  En  ce  cas,  c'est 

l'aboulie Ce    qui    me   parait    avoir    une    très    grande    portée 

psychologique,   ajoute  M.   Manouvrier  avec  beaucoup  de  profon- 


1.  M.  Espinas,  Du  sommeil  provoqué  chez  les  hyslé niques t  Essai  d'explication  de  ses 
causes  et  de  ses  effets.  Bordeaux,   iSS'i,  p.  i5. 

2.  Sloul.  Mind,  July-ocl.  1891. 


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LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE  495 

deur,  c'est  l'opposition  entre  la  neurosthénie  et  la  neurasthénie 
ou,  sî  l'on  veut,  entre  la  cérébrosthénie  et  la  cérébr asthénie, 
quant  aux  elTets  produits  par  ces  deux  états  sur  Tintensité  ou 
même  sur  la  forme  du  fonctionnement  mental*  ». 

C'est  la  même  notion  de  la  richesse  des  processus  mentaux 
que  je  retrouve  comme  élément  essentiel  des  véritables  halluci- 
nations et  qui  me  semble  jouer  un  grand  rôle  dans  toutes  les 
opérations  de  la  fonction  du  réel.  Cette  notion  a  l'avantage  de 
contenir  ce  qui  était  intéressant  dans  les  hypothèses  précédentes 
relatives  à  l'importance  des  sensations  et  surtout  des  sensations 
de  mouvement,  celles-ci  sont  évidemment  contenues  dans  ce  que 
j'appelle  la  richesse  du  contenu  de  la  pensée. 

Pourrait-on  aller  plus  loin  et  chercher  si  nous  pouvons  décou- 
vrir d'autres  caractères  psychologiques  auxquelles  soient  liés 
cette  concentration  et  cette  richesse  des  phénomènes.  Je  suis 
disposé  à  imaginer  que  la  rapidité  des  phénomènes  psycholo- 
giques ou  plutôt  des  éléments  de  ces. phénomènes  doit  intervenir 
ici.  Il  est  visible,  je  l'ai  montré  bien  souvent,  que  les  douteurs 
sont  des  lents  et  il  n'est  pas  impossible  de  supposer  qu'il  y  a  chez 
eux  un  ralentissement  de  ces  oscillations,  de  ces  vibrations  qui 
constituent  peut-être  les  éléments  de  la  conscience.  Mais  il  est 
trop  évident  que  ce  sont  là  des  hypothèses  actuellement  invéri- 
fiables que  nous  ne  pouvons  ajouter  sans  démonstration  aux  faits 
acquis. 

En  un  mot,  il  me  semble  que  deux  phénomènes  essentiels  ca- 
ractérisent les  premiers  degrés  de  cette  hiérarchie:  i®  l'unifica- 
tion, la  concentration,  surtout  importante  lorsqu'elle  est  nouvelle 
et  qu'elle  constitue  la  synthèse  mentale  ;  2**  le  nombre,  la  masse 
des  phénomènes  psychologiques  qui  doivent  faire  partie  de  cette 
synthèse.  La  réunion  de  ces  deux  phénomènes,  une  synthèse 
nouvelle,  une  forte  concentration  et  des  faits  de  conscience  très 
nombreux  constitue  un  caractère  qui  doit  être  essentiel  en  psy- 
chologie et  que  l'on  peut  appeler  par  convention  la  tension  psy- 
chologie. 

Maudsiey  a  déjà  parlé  des  divers  degrés  de  tension  que  pouvait 
prendre  l'énergie   cérébrale  '.    Spencer   exprime    des    idées   du 


I.  Manouvrier,  La  volonté.  Hevae  de  l'hypnotisme,  189^,  p.  aag,  a3a. 
a.  Maudsiey,  Physiologie  de  V esprit ^  p.  3oo  el  suiv. 


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496  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

même  genre  «  sur  les  diverses  tensions  ou  pressions  du  système 
nerveux,  et  sur  le  rôle  qu'elles  doivent  jouer  dans  la  conscience  *  ». 
HolTding  a  déjà  insisté  sur  cette  tension,  cette  concentration 
qu'il  considère  comme  essentielle  dans  la  volition.  u  A  Texpan- 
sion  de  la  recherche  des  motifs  doit  succéder  une  concentration. 
Il  s'agit  de  clore  tout  le  débat  conscient,  de  concentrer  l'énergie 
sur  un  seul  point  qui  puisse  servir  de  point  de  départ  pour  la 
réalisation  du  but  qu'on  s'est  proposé*.»  M.  Bergson  a  exprimé 
beaucoup  d'idées  philosophiques  dans  le  même  sens  quand  il 
dit  que  «  l'action  doit  concentrer  de  plus  en  plus  un  grand  nombre 
d'images  dans  un  moment  du  temps  de  plus  en  plus  court  \  «  Les 
divers  souvenirs  évoqués,  dit-il  encore,  répondent  à  divers  degrés 
de  tension  de  la  mémoire  ici  plus  rapprochée  de  l'image  pure 
(du  rêve),  la  plus  disposée  à  la  réplique  immédiate,  c'est-à-dire 
à  l'action*.  » 

Voici  donc  un  ensemble  de  recherches  qui  convergent  vers 
cette  idée  qu'il  y  a  des  degrés  de  tension  psychologique  et  qu'à 
ces  divers  degrés  correspondent  non  seulement  des  modifications 
d'intensité  mais  des  modifications  très  intéressantes  de  qualité  ou 
de  nature  dans  ces  phénomènes.  J'ai  essayé  de  les  préciser  en 
réunissant  ces  notions  relatives  à  la  tension  psychologique  avec  les 
faits  mis  en  évidence  dans  le  tableau  de  la  hiérarchie.  Le  degré  de 
la  tension  psychologique  y  ou  télés^ation  du  niveau  mental  se  mani- 
feste par  le  degré  qu  occupe  dans  la  hiérarchie  les  phénomènes  les 
plus  élevés  auxquels  le  sujet  peut  parvenir.  La  fonction  du  réel 
avec  Faction,  la  perception  de  la  réalité,  la  certitude  exigeant 
le  plus  haut  degré  de  tension,  ce  sont  des  phénomènes  de  haute 
tension;  la  rêverie,  l'agitation  motrice,  l'émotion  exigeant  des 
tensions  bien  inférieures,  on  peut  les  considérer  comme  des  phé- 
nomènes de  basse  tension  correspondants  à  un  niveau  mental 
inférieur. 

Bien  entendu  il  est  facile  de  traduire  ces  hypothèses  psycholo- 
giques en  hypothèses  physiologiques  :  comme  je  l'ai  dit  souvent, 
en  dehors  des  expériences  de  physiologie  et  des  recherches  his- 
tologiques  proprement  dites,  les  interprétations  physiologiques 
ne  sont  que  des   traductions  des    notions  psychologiques   en  un 

I.   S|>encer,  Principes  de  psychologie,  î,  p.  635  el  su iv.  (Paris,  F.  Alcan). 
a.   lloffding.  Manuel  de  psycholoyie,  chap.  vu. 

3.  Bergson,  Op.  cit.,  p.  a3i. 

4.  Id.  Ibid.     p.  i85. 


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ABAISSEMENT  DE  LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE 

autre  langage.  Il  est  bien  vraisemblable  que  cette  tension  ps 
logique  correspond  à  une  certaine  tension  physiologique  et 
sique  qui  existe  dans  le  système  nerveux  central.  On  connaît 
des  forces  physiques  présentant  des  degrés  de  tension  du  i 
genre  et  déterminant  des  phénomènes  différents  suivant 
degré  de  tension.  Quand  il  s'agit  du  courant  électrique  or 
très  bien  que  certains  phénomènes  ne  sont  possibles  que 
à  une  certaine  tension  du  courant.  Une  lampe  donnée  ne  s 
mera  que  si  le  courant  a  ii5  volts  ;  cela  ne  veut  pas  dire  < 
courant  de  go  volts  soit  un  courant  nul.  Ce  courant  inférieur 
être  capable  de  produire  d'autres  phénomènes,  de  port( 
rouge  un  fil  de  platine,  de  faire  marcher  un  moteur,  etc.  ; 
il  ne  peut  pas  allumer  la  lampe  précédente.  La  chaleur  pre 
des  degrés  de  tension  différents  suivant  la  température  à  lac 
elle  s'élève  :  à  33o°  elle  détermine  la  fusion  du  plomb,  à 
celle  du  platine.  II  doit  se  passer  quelque  chose  d'absolu 
semblable  au  point  de  vue  des  courants  nerveux. 

Malheureusement  nous  ne  savons  guère  aujourd'hui  de 
dépend  cette  tension  du  cerveau.  S'agit-il  d'une  certaine  v 
de  vibrations  encore  inconnues  ?  Y  a-t-il  un  organe  spécial  cl 
des  phénomènes  de  haute  tension,  tandis  que  d'autres  régio 
bornent  à  l'exécution  des  phénomènes  de  basse  tension  ?  E 
tout  le  cerveau  qui  change  de  tension  suivant  les  cas? 
provient  la  régulation  de  cette  tension  ?  il  faut  sur  tou 
points  avouer  notre  ignorance.  Tout  ce  que  nous  pouvons 
dure,  c'est  que  les  modifications  de  la  tension  du  cerveau 
avoir  une  importance  psychologique  énorme  s'il  est  vrai 
comme  nous  avons  été  amenés  à  le  supposer  dans  cette  prei 
hypothèse,  des  catégories  de  phénomènes  psychologiques 
lument  différents  correspondent  à  différentes  tensioi^s. 


2.  —  Abaissement  de  la  tension  psychologique 

Si  l'on  a  bien  conçu  la  notion  de  la  tension  psychologiqu 
doit  s'apercevoir  immédiatement  que  cette  tension  est  trè 
riable  non  seulement  chez  les  différents  êtres  mais  encor 
cours  de  la  vie  d'un  même  être.  Si  je  ne  me  trompe,  la  cor 
sance  de  ces  variations  de  la  tension  psychologique,  de  ces  os 

LES    OBSESSIONS.  I.    —    32 


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»  i98  THÉORIES  PATUOGÉNIQUES 

I 

I  lions  du  nweau  mental  jouera  plus  tard  un  rôle  de  premier  ordre 

I  dans  Tinterprétation  des  modifications  du  caractère,  de  Tévolu- 

I  tion  de  Tesprit,  des  modifications  produites  par  Témotion. 

I  II  suffit  de  rappeler  ici  quelques  exemples  bien  connus  de  cette 

I  oscillation    pour   pouvoir  appliquer  cette    notion    à    notre  pro- 

I  blême.  En  premier  lieu,  il    est   probable   que  ces  variations  de 

tension  psychologique  jouent  un  grand  rôle  dans  les  modifica- 
tions mentales  produites  par  Tâge.  La  puissance  d'adaptation  au 
réel,  très  petite  dans  l'enfance,  s'accroît  dans  la  jeunesse  et  baisse 
dans  la  vieillesse  :  on  connaît  Taboulie,  la  distraction,  Tamnésie 
continue  des  vieillards. 

En  second  lieu,  on  peut  signaler  les  modifications  psycholo- 
giques que  Ton  observe  pendant  le  sommeil.  Dans  mes  cours  de 
1901  sur  «  le  sommeil  et  les  états  hypnoïdes  »,  j'ai  constam- 
ment développé  cette  idée  que  la  veille  et  le  sommeil  nous  pré- 
sentaient un  des  plus  beaux  exemples  des  grandes  oscillations  du 
niveau  mental.  On  retrouve  dans  le  rêve  tous  les  troubles  carac- 
téristiques de  l'abaissement  de  la  tension  psychologique.  L'abou- 
lie, la  lenteur,  l'entêtement,  l'absence  d'adaptation  caractérisent 
l'action  des  rêveurs,  comme  la  distraction,  le  rétrécissement  du 
champ  de  la  conscience,  l'absence  de  comparaison  et  de  critique 
caractérisent  leur  attention.  Il  y  a  dans  le  rêve  de  l'amnésie  conti- 
nue qui  empêche  la  fixation  et  la  persistance  des  souvenirs,  il  y 
a  aussi,  chose  curieuse,  de  l'amnésie  rétrograde  ou  de  la  mé- 
moire retardante,  car  le  rêve  ne  porte  pas  sur  les  événements  de 
la  journée  mais  sur  les  faits  déjà  reculés  dans  le  passé.  On  re- 
marque facilement  dans  le  rêve  de  l'automatisme,  delà  répétition 
indéfinie,  de  la  déclamation,  des  illusions  dans  l'appréciation  du 
temps,  le  sentiment  de  drôle,  le  déjà-vu,  le  doute,  le  dédouble- 
ment, etc.  La  notion  de  l'abaissement  de  la  tension  psycholo- 
gique, comprise  avec  précision,  est  un  des  meilleurs  résumés 
que  l'on  puisse  donner  de   l'état  de  l'esprit  pendiint  le  rêve. 

On  peut  donc,  après  ces  remarques,  appliquer  notre  hypothèse 
de  la  hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques  ou  des  divers 
degrés  de  la  tension  psychologique  à  l'interprétation  des  états 
psychasthéniques.  Pour  y  parvenir  voici  de  quelle  manière  on 
pourrait  se  représenter  le  trouble  fondamental  de  la  maladie. 

A  partir  d'un  certain  moment  sous  des.  influences  diverses  que 
j'étudierai  plus  tard  survient  chez   ces  individus  un  abaissement 


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ABAISSKMENT  DE  LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE  49Ô 

de  la  tension  psychologique  et  nerveuse  telle  que  nous  l'avons 
comprise.  Chez  les  uns  cet  abaissement  une  fois  commencé  va 
rester  définitif  pendant  plus  ou  moins  longtemps,  chez  les  autres 
il  disparaîtra  rapidement  pour  réapparaître  bientôt  ;  il  faut  aussi 
remarquer  que  suivant  les  sujets  rabaissement  de  la  tension  sera 
plus  ou  moins  profond.  Ce  sont  des  variétés  que  Ton  peut  négliger 
pour  le  moment,  l'essentiel,  c'est  que  cet  abaissement  existe  chez 
tous  au  début  des  périodes  de  la  maladie  qu'elle  soit  courte  ou 
longue,  profonde  ou  légère.  Cela  veut  dire  d'après  les  études  pré- 
cédentes que  certains  phénomènes  supérieurs  fonction  du  réel, 
action  volontaire  avec  adaptation  nouvelle  avec  sentiment  de 
liberté  et  de  personnalité,  perception  de  la  réalité,  croyance, 
certitude,  douleur  et  jouissance  du  présent,  notion  exacte  du 
présent  vont  devenir  impossibles,  tandis,  que  les  autres  groupes 
d'opérations,  action  et  perception  désintéressée  ou  avec  distrac- 
tion, et  à  plus  forte  raison,  raisonnement,  rêverie  et  émotion 
mal  coordonnée  vont  rester  parfaitement  faciles.  Il  suffit  de  se 
reporter  à  tout  ce  que  nous  avons  dit  sur  l'insuffisance  psychor 
logique  pour  constater  que  c'est  bien  ainsi  que  les  choses  se 
passent. 

On  a  vu  en  effet  que  ces  personnes  ne  sont  pas  simplement 
des  émotifs  mais  que  ce  sont  des  malades  dont  toute  la  vitalité 
et  toute  la  nutrition  semble  altérée,  leur  amaigrissement  carac- 
téristique ne  me  paraît  pas  convenir  à  un  caractère  simplement 
émotif.  Il  y  a  là  un  abaissement  de  la  vitalité  qui  est  bien 
d'accord  avec  cet  abaissement  de  la  tension  nerveuse  que  nous 
supposons.  Plusieurs  auteurs  ont  ainsi  insisté  avec  juste  raison 
sur  ce  caractère  maladif  que  d'ordinaire  on  néglige  trop*. 

Il  est  inutile  de  reproduire  tous  les  faits  que  nous  avons  cités 
à  propos  de  ces  insuffisances  psychologiques  et  qui  démontrent 
bien  l'abaissement  de  la  tension  psychologique.  Je  rappelle  seu- 
lement certains  cas  caractéristiques  où  les  malades  débutent  par 
un  abaissement  tout  à  fait  visible.  Nous  avons  vu  des  cas  comme 
celui  de  Ver...  et  de  Bei...  où-brusquemen't  sans  obsession,  sans 
crises  d'angoisse  proprement  dite  les  malades  perdent  la  réalité 
de  leur  personne  ne  peuvent  plus  atteindre  à  la  perception  per- 
sonnelle attentive  et  réelle,   mais  continuent  à  avoir   toutes  les 


I.  Van.  Eedeii,  Les  obsessions.  Revue  de  l'hypnotisme,  1892,  p.  11.  Haskovec,  op. 
cit.,  124. 


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600  THÉORIES  PAT 

opérations  correctes  du  moment  < 
tion  et  qu'ils  n'essayeut  pas  de  les 
impossible.  Ces  mêmes  sujets  ne 
de  la  maladie  qu'un  an  ou  deux  a] 
parvenir  à  la  réalité  dans  la  perce 
que  de  Taboulie,  de  Tindécision, 
chèvement  des  actes,  ils  devîennei 
rendent  plus  bien  compte  de  ce  qu 
«  il  y  a  quelque  chose  de  travers 
toure  et  dont  je  ne  peux  plus  me  c 
n'ont  plus  leur  effet  complet  su 
devenue  faible,  écrit  Mm...,  et  ne 
vail...  je  deviens  d'une  distractioi 
tends  ce  qui  se  passe  autour  de  i 
absorbé,  je  ne  puis  me  débarrass 
langueur   indéBnissable.  » 

«  A  17  ans  je  suis  devenue  peu  i 
me  rendais  plus  compte  de  ce  que 
du  piano  je  me  demandais  si  j'étai 
que  le  piano  n'existait  pas.  ))  «  Ce 
moi,  ditLag...,je  ne  peux  plus 
plus,  je  ne  peux  plus  être  sur  terr 
dans  les  nuages.  »  «  II  me  semble 
s'est  cassé  dans  ma  tête,  je  ne  sui 
plus  posée  a  un  moment  du  temps 
C'est  un  état  crépusculaire  où  le 
que  dans  le  présent.  AI...  débute 
ne  comprend  plus  ce  qu'elle  lit  et 
nements  récents.  <c  II  me  semble 
mesure  comme  si  le  présent  n'ex 
rends  plus  compte  de  la  façon  dont 

Celle  qui  exprime  le  mieux  a 
mentales  au  début  c'est  Claire, 
cette  jeune  fille  vers  Tâge  de  18 
dissement,  d'incapacité  qui  a  d'al 
supérieures  et  qui  s'est  étendue  pe 
moi,  dit-elle,  c'était  comme  une  lun 
lentement,  mais  de  plus  en  plus.  J 
pourquoi,  un  manque  d'espoir,  de 
je  sentais  cela  jour  et  nuit.  J'ai  en 


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ABAISSEMENT  DE  LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE 

qui  s'en  allait,  mais  je  n'ai  jamais  pu  trouver  exaetemen 
me  manquait  :  je  disais  que  je  n'avais  plus  de  foi  comnr 
tenant  je  dis  que  je  n'ai  plus  de  cœur...  J'éprouvais  une  c 
pour  tout  ce  que  je  faisais  auparavant...  Il  y  avait  comme 
qui  s'étendait  sur  moi,  qui  m'empêchait  de  voir,  d'agir 
avant,  qui  m'empêchait,  par  exemple,  de  me  repentir  c< 
ma  foi  s'en  allait.  C'est  plus  tard  que  j'ai  senti  mes  autr< 
ments  diminuer,  j'ai  moins  senti  les  affections,  les  je 
peines,  il  me  semblait  que  j'étais  comme  endurcie... 
semblait  qu'on  m'enlevait  ma  liberté,  quand  j'agissais  c 
pas  moi  comme  autrefois;  mes  idées  se  succédaient  et  je 
vais  plus  les  arrêter...  ».  Puis  sont  survenus  chez  cette 
tous  les  troubles  de  l'insuffisance  psychologique.  Je  tû 
lement  à  faire  remarquer  que  cet  état  n'était  aucuneme 
elle  au  début  le  résultat  d'une  obsession,  celles-ci  ne 
développées  chez  Claire  que  plusieurs  années  après. 

Même  chez  les  malades  avancés  qui  ont  toutes  les  ob 
possibles,  il  y  a  des  moments  où  l'état  d'abaissement  se  ] 
seul  sans  angoisse  et  sans  idée.  C'est  ce  que  Jean  appelle 
implicite  «  un  état  vague  qui  revient  tout  d'un  coup,  ii 
sable  et  affreux,  c'est  comme  une  couche  qui  surplom 
Tesprit,  qui  l'empêche  de  s'élever  à  rien  ;  c'est  perpétue 
muable  sans  que  je  sache  aucunement  pourquoi,  sans  que  j< 
véritablement  et  sans  que  j'aie  aucune  idée  »,  c'est  l'état  \ 
Gisèle  :  «  Je  souffre  comme  si  j'avais  un  obsession  qui  m'e 
d'agir  et  de  penser,  mais  vraiment  je  ne  sais  pas  laquell 
crois  qu'il  n'y  en  a  pas.  » 

Il  y  a  donc  là  un  phénomène  primitif  et  essentiel  qui 
dans  la  disparition  de  certaines  opérations  psychologique 
rieures  d'après  notre  hiérarchie  avec  conservation  des  infé 
On  peut  donc  résumer  cet  état  en  disant  qu'il  y  a  un  abai 
de  la  tension  psychologique.  Si  cet  abaissement  est  rapid 
peu  de  durée  nous  dirons  que  c'est  une  chute  de  la  te) 
nous  pourrons  désigner  cette  crise  sous  le  nom  de  crise 
cholepsle.  M.  Meschede  (Kônigsberg)  a  déjà  employé  ( 
sens  analogue,  mais  non  identique,  le  mot  de  «  phénomèn 
noleptiquesS).  «Le  mot  de  phrénolepsie  est  formé,  dit  1 

1.  Meschede  (Kônigsberg)  sur  rÉcholalie  et  la  Phrénolepsie.  Allg, 
Psychiatrie.  LUI,  f.  4.  1897. 


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Ô02  THÉORIF.S  PATHOGÉNIQL'EvS 

par  analogie  avec  catalepsie,  épilepsie,  narcolepsie  et  exprime  bien 
rirrésistibilité  du  phénomène  qui  se  passe  dans  le  domaine  de 
ridéation.»  Tout  en  conservant  en  partie  le  mot  qui  me  semble 
heureux  et  le  sens  que  lui  donne  Tauteur,  je  crois,  par  les  études 
précédentes,  avoir  donné  plus  de  précision  à  la  notion  de  la 
psycholepsie.  Si  rabaissement  est  durable  il  constitue  cet  état 
psychologique  inférieur  permanent  que  j'ai  désigné  sous  le  nom 
de  psychasthénie. 


3.  —  Rapport  des  crises  de  psycholepsie  avec  les  accès 

épileptiques. 

Puisque  le  fait  de  rabaissement  de  la  tension  psychologique, 
la  crise  de  psycholepsie  est  pour  moi  le  fait  principal  de  la  maladie, 
l'origine  de  tous  les  autres,  il  faut  insister  sur  lui  en  montrant 
son  rapport  avec  des  phénomènes  pathologiques  bien  connus  et 
du  même  genre. 

Le  plus  intéressant  problème^  à  examiner  à  ce  propos  est  celui 
des  rapports  qui  existent  entre  ces  crises  de  psycholepsie  et  les 
accès  d'épilepsie  proprement  dite.  En  effet,  l'accès  épileptique 
avec  sa  perte  totale  de  conscience,  avec  ses  vertiges  et  ses  actions 
complètement  automatiques  est  bien  certainement  le  type  le  plus 
complet  d'abaissement  mental  et  d'oscillation  du  niveau  mental:  si 
les  crises  de  psycholepsie  méritent  leur  nom,  il  me  semble  difli- 
cile  qu'elles  n'aient  pas  quelque  rapport  avec  les  'accès  épilep- 
tiques. 

Griesinger  et  après  lui  Berger  signalaient  des  relations  possibles 
entre  l'épilepsie  et  la  maladie  des  obsessions,  mais  plus  tard  ce 
problème  sembla  bien  oublié  et  la  plupart  des  auteurs,  remarque 
M.  Haskovec*,  se  refusèrent  h  voir  ces  relations.  Cependant, 
d'après  une  citation  de  Legrand  du  Saulle  *,  je  crois  que  Westphal 
se  demande  s'il  n'y  a  pas  lieu  de  rapprocher  l'agoraphobie  de  l'é- 
pilepsie. Dans  le  même  passage,  pour  montrer  l'intérêt  qu'il  prend 
à  la  question,  Legrand  du  Saulle  cite  une  observation  d'un  épi- 

1.  Haskovec,  op.  cit.,  p.  ia5. 

2.  Legrand  du  Saulle,  Agoraphobie,  p.  60. 


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LES  CRISES  DE  PSYCHOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÉPILEPTIQUES        503 

leptique  agoraphobe.  Cependant,  en  général,  il  est  exact  que 
cette  relation  a  été  le  plus  souvent  complètement  niée  par  les 
observateurs,  qui  sont  beaucoup  plus  frappés  des  grandes  diffé- 
rences apparentes  que  des  ressemblances. 

C'est  ce  qui  est  très  net  dans  cette  discussion  de  M.  Mickle  dont 
MM.  Pitres  et  Régis  adoptent  complètement  les  conclusions.  «  I/é- 
mergence  soudaine  du  fin  fond  de  la  conscience  des  éléments  de 
Tobsession,  peut  rappeler  Tattaque  d*épilepsie,  cependant  ce  n'est 
pas  là  de  Tépilepsie  vraie;  ce  n'est  pas  non  plus  de  Tépilepsie  lar- 
vée... ces  états  d'obtusion  secondaire,  de  tourbillon  mental  diffé- 
rent absolument  de  Tabsencc  primaire,  du  voile  momentané  de 
rimperception  des  états  nuageux  de  Tépilepsie  ;  des  obsessions  chez 
les  épileptiques  n'existent  jamais  au  moment  précis  où  Tesprit  est 
sous  le  coup  d'une  attaque. . .  En  résumé,  dans  Tobsession,  il  y  a  con  • 
servationentièreoupresqueentièrede  la  conscience, d'ordinaire  par- 
faite, souvenirde  l'attaque,  anxiété  et  angoisse  concomitante,  inquié- 
tude du  malade  sur  son  état  mental,  dégoût  de  la  vie,  fréquemment 
stigmates  physiques  de  neurasthénie  cérébrale.  Dans  l'épilepsie, 
il  y  a  explosion  soudaine  de  l'attaque,  inconscience,  état  de  trouble 
ou  grande  obscurité  mentale  pendant  l'explosion,  perte  plus  ou 
moins  complète  du  souvenir  de  l'attaque,  souvent  ressemblance 
absolue  des  détails  entre  plusieurs  attaques  consécutives...  » 
MM.  Pitres  et  Régis  insistent  en  plus  sur  la  lutte  mentale  qui 
caractérise  l'obsession  au  lieu  de  la  soudaineté  irrésistible  de 
l'épilepsie,  ils  opposent  comme  exemple  la  dromomanie  de  l'ob- 
sédé a  l'automatisme  ambulatoire  de  Tépileptique*. 

Sans  contester  l'intérêt  de  ces  remarques  je  crois  que  nos 
études  précédentes  nous  permettent  de  ne  pas  les  considérer 
comme  absolument  définitives.  Ces  auteurs  insistent  beaucoup 
sur  celte  observation  que  Tobtusion  est  secondaire  chez  l'obsédé, 
qu'elle  est  consécutive  a  l'obsession  elle-même  ;  mais  c'est  un 
point  qui  me  paraît  très  contestable.  Il  y  a  chez  les  psychasthé- 
niques  tout  un  ensemble  d'insuffisances  psychologiques  qui  sont 
quelquefois  très  graves  et  qui  loin  de  dépendre  de  l'obsession 
en  sont  au  contraire  le  point  de  départ.  Il  est  faux  de  dire  que 
les  sentiments  de  dépersonnalisation,  d'automatisme,  de  voile, 
de  nuage,  de  défaut  d'émotion,  soient  la  suite  d^une  obsession,  à 
laquelle  songerait  tout  le  temps  le  malade  ;  on  les  observe  fré- 

i.  Pitres  et  Régis,  op.  cU.^  p.  96. 


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LES  CRISES  DE  PSYCHOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÈPILEPTtQUES         505 

quelques  heures,  quelques  jours,  des  mois,  des  années  et  consti- 
tuer alors  une  sorte  d'état  second...  cet  état  est  souvent  difficile 
à  distinguer  de  Tétat  somnambulique.  Lorsqu'il  dure  un  certain 
temps  il  peut  être  conscient,  c'est  une  sorte  d'élat  second  épilep- 
tiqne  dans  lequel  l'individu  a  conscience  de  ce  qu'il  fait,  s'en 
souvient  mais  agit  tout  autrement  qu'à  l'état  normal*.  »  Il  est 
facile  de  voir  que  cet  état  crépusculaire  peut  se  rapprocher  de 
notre  état  psychasthénique. 

Aussi  n'est-il  pas  surprenant  que  M.  Haskovec  au  dernier 
Congrès  de  médecine  ait  repris  l'ancienne  opinion  de  Griesinger 
et  montré  par  une  observation  remarquable  que  l'on  rencontre  par- 
fois chez  des  épileptiques  des  phénomènes  identiques  à  ceux  que 
présentent  les  obsédés.  «  Un  homme  de 36 ans,  J.  R...,  atteint  de- 
puis longtemps  de  mal  comitial  classique  se  trouvant  un  jour  au 
théâtre  sent  les  premiers  signes  d'un  accès  semblables  à  ceux  qu'il 
a  depuis  longtemps.  Il  résiste  de  toutes  ses  forces  et  arrive  à  arrêter 
l'accès.  Celui-ci  ne  se  produisit  pas,  mais  le  malade  entra  dans  un 
état  psychique  étrange.  Il  me  semblait,  dit-il,  que  je  rêvais  ;  je 
voyais  tout,  j'entendais  tout,  mais  tout  cela  me  semblait  étrange  ; 
il  me  semblait  que  ces  perceptions  n'arrivaient  pas  directement  à 
moi  que  je  n'avais  pas  des  impressions  réelles  mais  que  ce  n'était 
que  des  reproductions  de  choses  automatiques.  »  L'observation  de 
M.  Haskovec  ne  parut  pas  très  démonstrative  parce  qu'elle  portait 
en  réalité  uniquement  sur  le  sentiment  d'étrangeté,  de  déperson- 
nalisation dont  on  était  disposé  à  faire  une  maladie  indépendante 
sous  le  nom  de  névrose  de  Krishaber.  Mais  pour  nous  qui  avons 
beaucoup  insisté  pour  montrer  que  ce  sentiment  est  banal  chez  les 
obsédés,  qu'il  est  à  la  racine  de  leurs  obsessions,  le  fait  prend  une 
plus  grande  importance.  Pour  terminer  cette  incomplète  revue 
historique  des  auteurs  qui  ont  étudié  ces  relations  de  la  psychas- 
thénie  avec  l'obsession,  nous  rappellerons  seulement  que  depuis 
plus  de  quatre  ans  dans  les  leçons  cliniques  de  la  SalpêtrièreM.  le 
P'  Raymond  et  moi-même  avons  signalé  à  maintes  reprises  à 
propos  d'un  grand  nombre  d'observations  cliniques  analogues  à 
celle  de  M.  Haskovec  l'importance  de  ce  rapprochement  ^.  Nous 
pouvons  maintenant  passer  à  l'examen  clinique  des  faits. 


i*.  Haskovec,  op.  cil.,  p.  ia5. 

3.  Raymond,  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  du  système  nerveux,  5*  série,  1901, 
p.  ii5. 


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•>06  THÉORIES  PATIIOGKîStQUES 

Une  première  remarque  qui  a  une  certaine  importance  c'est  la 
coïncidence  assez  fréquente  de  l'épilepsie  vulgaire  avec  la  maladie 
des  obsessions.  Parmi  les  malades  que  j'ai  cités  dans  ce  travail  il 
y  en  a  12  qui  sont  de  véritables  épileptiques,  ayant  des  grands 
accès  classiques  et  des  vertiges.  Ce  nombre  a  déjà  quelque  inté- 
rêt, quand  on  songe  que,  si  je  ne  me  trompe,  la  coïncidence  de 
r hystérie  avec  la  maladie  du  doute  bien  nette  est  infiniment  plus 
rare.  Les  idées  fixes  existent  bien  entendu  très  souvent  dans 
rhystérie,  mais  elles  prennent  de  tout  autres  caractères.  L'idée 
fixe  hystérique  qui  se  développe  au  cours  d'un  somnambulisme 
sous  forme  d'actes  et  d'hallucinations  ne  ressemble  pas  do  tout 
à  mon  avis  à  l'obsession  qui  détermine  des  ruminations  intermi- 
nables et  des  angoisses  sans  jamais  se  développer  complètement 
dans  la  crise  de  psychasthénie. 

Cette  simultanéité  de  Tépilepsie  et  de  la  maladie  du  scrupule 
est-elle  une  simple  coïncidence  fortuite  ou  ces  deux  symptômes 
ont-ils  des  relations  entre  eux  ?  Si  nous  considérons  les  phéno- 
mènes rangés  sous  le  titre  d'insuffisances  psychologiques  et  de 
sentiments  d'incomplétude  que  présentent  constamment  les  obsé- 
dés nous  verrons  que  des  troubles  de  la  perception  extérieure  ou 
personnelle  tout  à  fait  identiques  sont  souvent  sous  la  dépen- 
dance immédiate  d'accidents  épileptiques.  Qes...  a  des  obsessions 
conscientes  avec  impulsion  à  tuer  sa  mère  ou  des  remords  obsé- 
dants de  l'avoir  tuée,  elle  se  figure  qu'elle  fera  du  mal  à  tout 
le  monde,  elle  veut  vivre  enfermée  dans  un  hôpital  parce  que  les 
fenêtres  sont  grillées  et  qu'elle  sera  empêchée  de  commettre  des 
crimes.  En  même  temps  elle  a  des  accès  épileptiques  complets 
et  des  vertiges.  Ceux-ci  sont  tout  à  fait  caractéristiques  :  sou- 
daineté, pâleur  de  la  face,  obnubilation  intellectuelle.  Souvent 
dans  ces  états  vertigineux  quand  ils  se  prolongent  un  peu  et 
qu'ils  ne  sont  pas  assez  complets  pour  supprimer  tout  souvenir 
consécutif  elle  éprouve  des  sentiments  bizarres,  elle  voit  les  objets 
les  plus  habituels  avec  une  sorte  d'étonnement,  elle  les  trouve 
étranges,  inattendus  comme  des  objets  qu'elle  n'aurait  jamais 
vus  et  qui  appartiendraient  à  un  monde  imaginaire.  Chez  cette 
malade  qui  est  à  la  fois  obsédée  et  épileptique,  les  sentiments 
d'étrangeté  dans  la  perception  extérieure  apparaissent  d'une  façon 
tout  à  fait  nette  au  cours  d'un  vertige  qui  a  tous  les  caractères 
d'un  vertige  épileptique. 

Une  autre  malade   me  paraît  fort  remarquable,   elle  reproduit 


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LES  CRISES  DE  PSYCHOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÉPILEPTIQUES         507 

exactement  l'observation  de  M.  Haskovec.  Is...  (28),  jeune  fille  de 
22  ans,  a  des  accès  épileptiques  francs  depuis  la  puberté,  elle  en 
a  deux  ou  trois  par  mois.  Il  y  a  quelque  temps  à  la  suite  d'un 
accès  avorté  dont  elle  a  seulement  senti  les  débuts,  elle  est  entrée 
dans  l'état  suivant  :  elle  voit  tout  et  entend  tout  comme  à  l'ordi- 
naire mais  elle  s'est  mise  à  douter  de  tout.  Elle  ne  sait  plus  si  ce 
qu'elle  voit  existe  ou  n'existe  pas  ;  en  regardant  sa  mère  elle  se 
met  à  dire  :  «  Je  voudrais  bien  que  cette  dame  soit  ma  mère,  mais 
je  ne  peux  pas  arriver  à  le  croire,  je  ne  peux  même  pas  me  mettre 
dans  la  tète  que  cette  dame  soit  vivante.  »  Elle  doute  aussi  d'elle- 
même:  «elle  a  peut-être  perdu  sa  personne,  elle  n'en  est  pas 
sure...  »  Elle  ne  croit  plus  rien  de  ce  qu'on  lui  dit,  elle  ne  fait 
plus  aucun  travail  et  ne  peut  plus  fixer  l'attention.  Cet  état  se 
prolonge  pendant  quatre  jours,  puis  il  semble  disparaître  en 
partie.  Le  cinquième,  la  malade  se  sent  un  peu  mieux,  h  peu 
près  normale,  sauf  qu'elle  ne  peut  pas  travailler.  Is...  revient  h 
la  réalité  et  elle  éprouve  à  ce  moment  des  sentiments  de  joie 
infinie,  des  envies  de  rire,  un  enthousiasme  analogue  à  celui  que 
j'ai  décrit  à  propos  des  «  sentiments  sublimes  »  de  Jean.  Mais 
le  sixième  jour  tout  recommence,  elle  se  sent  de  nouveau  rêver 
et  doute  de  tout.  Cette  fois  cet  état  anormal  l'impatiente,  elle 
se  sent  mal  h  l'aise,  étouffe,  se  sent  angoissée  ;  elle  fait  des  efforts 
impuissants  pour  arriver  à  la  réalité  et  commence  des  manies 
d'interrogations.  Si  l'état  s'était  prolongé  davantage,  elle  serait 
parvenue  à  la  maladie  complète  de  l'interrogation  et  de  l'angoisse. 
Mais  le  septième  jour  un  grand  accès  épileptique  est  venu 
simplifier  la  situation  :  après  l'accès  elle  s'est  retrouvée  dans 
l'état  normal.  Dans  toute  la  vie  de  la  malade  cet  état  bizarre  ne 
s'est  reproduit  que  trois  fois  et  le  sujet  est  resté  en  somme  une 
épileptique  à  grands  accès. 

Une  autre  malade  Hot...  (27),  jeune  fille  de  i5  ans,  a  des  accès 
épileptiques  et  des  vertiges  depuis  Tàge  de  8  ans  1/2.  Souvent 
ses  accès  sont  avortés  :  elle  frotte  son  estomac,  cligne  des  yeux, 
balbutie  quelques  mots,  pâlit  et  c'est  tout,  de  tels  phénomènes 
sont  bien  connus  chez  les  comitiaux.  Depuis  quelque  temps  à  la 
suite  de  ces  accès  avortés  elle  change  d'attitude.  Elle  reste  im- 
mobile sur  sa  chaise  en  refusant  tout  travail  et  toute  occupa- 
tion :  «  maman,  dit-elle  tout  doucement,  je  ne  demande  pas  mieux 
que  de  travailler,  mais  je  ne  vois  pas  clair,  je  ne  peux  pas  tra- 
vailler sans  voir  clair...  Est-ce  que  je  resterai  aveugle?»  Elle  est 


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LES  CRISES  DE  PSYCIIOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÉPILEPTIQUES         ô09 

La  malade  se  plaint  maintenant  beaucoup  plus  de  ce  qu'elle 
appelle  des  crises  d'idées  noires,  c'est  un  état  d'inquiétude  et 
d'angoisse  qui  s'empare  d'elle  surtout  le  soir.  Il  lui  semble  que 
son  cœur  se  serre  et  que  chez  elle  tout  est  mort,  il  lui  semble  que 
ses  viscères  disparaissent,  n'existent  plus  :  ce  sentiment  l'effraye 
beaucoup,  elle  croit  qu'elle  va  devenir  folle  et  ne  peut  plus  tolé- 
rer de  rester  seule  chez  elle.  D'après  son  opinion  cette  angoisse 
vient  uniquement  des  tourments  qu'elle  a  endurés  et  du  départ 
d'un  amant,  mais  en  réalité  cette  tristesse  prend  un  caractère 
spécial  à  cause  de  Tépilepsie  antérieure.  Si  on  en  doutait,  il  suf- 
firait d'examiner  la  façon  dont  s'est  terminée  une  de  ses  angoisses 
pour  en  être  convaincu.  Dans  un  de  ses  désespoirs  elle  est  sortie 
de  chez  elle  et  elle  ne  sait  pas  où  elle  a  été  :  en  réalité  elle  est 
tombée  dans  la  rue  en  proie  à  un  accès  épileptique  ainsi  que 
le  prouvent  la  plaie  qu'elle  a  encore  au  front  et  sa  langue  mordue. 

Une  autre  malade,  Fy...  (34),  femme  de  35  ans  est  épileptique 
depuis  l'enfance,  morsure  de  la  langue,  perte  d'urine,  etc.;  depuis 
que  ses  crises  s'écartent,  surtout  depuis  l'influence  du  traitement 
bromure,  elle  a  a  des  crises  d'inquiétude,  des  peurs  d'être  seule, 
il  lui  faudrait  un  maître  à  qui  se  dévouer,  elle  a  peur  de  voir  le 

monde  comme  il  est...  Tout  est  si  étrange  que  cela  l'angoisse 

Le  temps  est  drôle,  c'est  peut-être  la  fin  du  monde  et  elle  étouffe 
au  point  d'appeler  sans  cesse  au  secours.  »  C'est  comme  on  voit 
la  forme  de  Bechterew  :  épilepsie  d'abord  et  angoisse  ensuite, 
dans  le  dernier  cas  avec  troubles  de  perception. 

Il  y  a  aussi  la  forme  inverse  et  à  ce  propos  l'observation  sui- 
vante est  remarquable.  Gny...  (32),  homme  de  52  ans,  mécanicien 
de  chemin  de  fer,  d'un  esprit  intelligent  et  délicat  a  toujours  eu 
une  volonté  faible.  Depuis  Tage  de  12  ans,  il  a  des  préoccupations 
et  des  scrupules  qui  ont  pris  bientôt  la  forme  interrogative,  il 
lui  vient  en  tête  des  idées  singulières  qu'il  a  de  la  peine  à  expri- 
mer et  qu'il  comprend  mal  lui-même  :  «  pourquoi  les  hommes 
vivent-ils  ?  Comment  les  hommes  sont-ils  faits  ?  Pourquoi  les 
hommes  doivent-ils  mourir  ?  »  Ces  idées  l'ont  déjà  beaucoup  tour- 
menté. Au  même  moment  où  il  se  posait  ces  questions,  il  a  déjà 
éprouvé  depuis  longtemps  des  états  émotifs  tout  à  fait  spéciaux, 
il  avait  des  tremblements,  des  secousses,  des  sensations  de  froid 
dans  les  jambes,  des  troubles  de  respiration  et  des  palpitations 
de  cœur.  En  un  mot  depuis  sa  jeunesse  il  a  des  angoisses  en 
même  temps  que  des  idées  obsédantes  et  des  interrogations  scru- 


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TI1É( 

»  dernières  années,  les  angoisses  ont  beaucoup 
me  il  arrive  souvent  dans  ce  cas,  les  manies 
lué.  Cependant  il  restait  uniquement  un  psy- 
sur  et  angoissé,  personne  n'aurait  songé  à  faire 
"î.  Mais  voici  que  depuis  deux  ans  les  choses  en 
nblé  changer  de  caractère.  Le  malade  dans  ses 
erd  conscience  de  plus  en  plus  :  à  trois  reprises 
rre  de  tout  son  long,  il  a  perdu  conscience  et 
deux  minutes  «  qu'un  petit  grelottement  dans 
revenu  a  lui  très  hébété  et  engourdi  et  il  a  été 
l  profond  et  irrésistible  qui  a  duré  plusieurs 
e  ces  accès  il  a  mouillé  son  pantalon.  Ce  cas 
[irquable  pour  nous  montrer  la  transformation 
ns,  des  angoisses  en  accès  épileptiques. 
dans  l'observation  de  Gy...  (46),  femme  de 
ngoisse  qui  ont  commencé  à  la  pension  après 
sentiment  de  vertige  et  de  bourdonnement  de 
lent  dans  une  de  ces  crises  elle  a  marché  droit 
voir  ce  qu'elle  faisait,  puis  elle  est  tombée 
et  en  bavant,  l'accès  a  été  typique.  C'est  assez 
l'angoisse  psychasthénique  peut  se  transformer 
même  manière  que  l'épilepsie  en  angoisse. 

lernier  phénomène  dont  les  rapports  avec  Tépi- 
ement  intéressants,  c'est  la  rumination  nieu- 
I  intellectuelle  elle-même.  Tous  ceux  qui  ont 
[ues  ont  bien  noté  leurs  crises  psychiques.  Quel- 
crises  sont  tout  à  fait  identiques  à  des  rumina- 
îques.  M.  Cullcrre  décrit  chez  les  épileptiques 
,  les  impulsions  ii  compter,  à  combiner  d'une 
5  nombres  quelconques  et  plus  particulièrement 
portant  sur  les  divisions  du  temps,  les  secondes, 
ures,  les  jours,  les  mois,  les  années,  les  siècles'. 
[)ut  à  ce  propos  une  observation  très  intéres- 
i^al  qui  a  rapport,  il  est  vrai,  à  la  migraine 
on  sait  les  relations  avec  l'épilepsie.  11  s'agit 
a  une  migraine  ophtalmique  avec  hémianopsie 
lant  à  gauche  :  en  même  temps  que  le  trouble 

,  médic.  psychoL,  1890,  1,  p.  26. 


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LES  CRISES  DE  PSYGHOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÉPILEPTIQUES         51! 

visuel  elle  ressent  une  excitation  intellectuelle  bizarre,  une  pro- 
fusion d'idées  avec  afflux  obsédant  et  gênant  de  toutes  les  concep- 
tions qui  s'y  rattachent,  elle  se  sent  forcée  d'examiner  chacune 
de  ces  idées,  de  les  soupeser  et  de  répondre  par  «  oui  »  ou  par 
«  non  »  sur  tous  leurs  caractères.  Détail  bizarre  de  l'observation 
que  nous  ne  sommes  pas  capables  aujourd'hui  d'interpréter  quand 
l'hémianopsie  est  inverse  et  plus  accentuée  à  droite  il  n'y  a  rien 
de  mentaP.  J'observe  également  en  ce  moment  une  malade  qui 
a  des  crises  de  migraine  ophtalmique  avec  scotome  scintillant  à 
gauche  et  qui  est  une  scrupuleuse  obsédée,  mais  je  n'ai  pas  trouvé 
de  rapport  étroit  entre  les  crises  de  migraine  et  les  crises  de 
scrupule. 

Dans  un  article  intéressant  sur  l'action  inhibitoire  de  la  volonté 
dans  les  attaques  d'épilepsie  M.  Tissié  ^  décrit  un  épileptique 
dont  la  crise  est  précédée  par  «  une  mauvaise  idée  «.  C'est  une 
idée  banale  qui  traverse  son  esprit,  grossit  peu  à  peu,  devient  fixe 
et  chasse  toutes  les  autres  pensées,  le  malade  qui  connaît  cette 
mauvaise  idée  lutte  contre  elle  dès  qu'elle  apparaît  en  tâchant  de 
grossir  d'autres  idées.  Cette  observation  est  intéressante  à  bien 
des  points  de  vue.  Un  des  caractères  distinctifs  que  l'on  donne 
souvent  :  c'est  que  l'obsédé  lutte  contre  son  idée,  on  voit  ici  que 
l'épileptique  peut  lutter  également  ;  cette  observation  nous  montre 
aussi  la  rumination  au  début  de  la  crise  d'épilepsie. 

C'est  ce  que  nous  vérifierons  dans  l'observation  de  Jet...  (36), 
homme  de  25  ans,  accès  épileptiques  depuis  Tâge  de  7  ans.  a  Cela 
débute,  dit-il,  quand  je  pense  h  une  idée,  cette  idée  m'entortille  et 
je  ne  comprends  plus  rien.  »  Lesaccèsde  Sie...,  homme  de  17  ans, 
commencent  par  la  pensée  de  chercher  quelque  chose,  tout  le 
temps  il  rêve  qu'il  cherche  une  clé  qu'il  a  perdue,  il  s'absorbe 
dans  cette  recherche,  il  ne  reprend  conscience  qu'après  une  demi- 
heure  de  sommeil  et  se  réveille  la  langue  mordue.  Get...  tombe 
quand  elle  cherche  à  approfondir  quelque  chose,  Lug...,  Pax... 
(28),  présentent  des  phénomènes  semblables.  On  en  trouverait 
beaucoup  d'autres  exemples  dans  les  observations  que  j'avais  re- 
cueillies pour  la  leçon  de  M.  Raymond^  sur  les  équivalents  psy- 
chiques de  l'épilepsie. 

1.  Kéraval,  Idées  fixes.  Archiv.  de  neurologie,  1899,  II,  p.  83o. 

2.  Tissié,  Congres  des  aliénisles  et  neurologistes  français,  iS^b,ei  Revue  de  l'hypno- 
tisme, 1896,  p.  129. 

3.  F.  Raymond,  Leçons  sur  les  maladies  du  systhme  nerveux,  1901,  V,  p.  107. 


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LES  CRISES  DE  PSYGHOLEPSIE  ET  LES  ACCÈS  ÉPILEPTIQUES         513 

rappellerai  Tobservation  remarquable  de  Vil...,  que  j*ai  déjà  sou- 
venl  signalée.  Elle  a  rapport  à  ce  jeune  homme  qui  présentait 
de  si  singulières  obsessions  sur  Tinfini  du  temps  et  de  Tespace. 
On  a  déjà  vu  dans  Tétude  des  ruminations  comment  Tesprit  de 
ce  jeune  homme  s'égarait  à  la  poursuite  de  Tinfini  en  toutes 
choses,  comment  il  avait  des  méditations  forcées  sur  Tinfini  du 
temps  et  de  l'espace,  sur  Tinfini  du  bonheur  ou  sur  Tinfini  du 
malheur.  Il  m'avait  décrit  ses  ruminations  dans  une  lettre  où  il 
montrait  une  pleine  conscience  de  leur  absurdité,  d'après  cette 
description,  je  l'avais  considéré  éomme  un  obsédé  se  rattachant  à  la 
folie  du  doute  et  du  scrupule  et  je  l'avais  prié  de  venir  chez  moi 
m'expliquer  ce  qu'il  ressentait.  Quand  il  vint  me  voir  il  me  demanda 
de  ne  pas  insister  devant  lui  sur  ces  idées  d'infini  «  car  cela  me  cause, 
disait-il,  un  mal  étrange  ».  Croyant  provoquer  tout  au  plus  l'an- 
goisse du  scrupuleux,  j'insistai  sur  les  espaces  qui  s'ajoutent  indé- 
finiment aux  autres  espaces.  Le  malade  se  plaignit  de  ressentir 
«  des  impressions  de  perdre  la  tète,  de  descendre  »  que  nous 
connaissons  bien  ;  puis  brusquement  il  se  renversa  en  arrière  et 
pâlit,  les  globes  oculaires  se  convulsèrent,  il  y  eut  des  secousses 
rapides  dans  tous  les  membres.  Quelques  instants  après,  il  reprit 
connaissance,  mais  il  y  avait  une  grande  tache  d'urine  sur  le 
parquet  au-dessous  de  lui.  Le  malade  n'eut  aucun  souvenir  de  ce 
qui  lui  était  arrivé  et  reprit  sa  conversation  avec  une  certaine 
hébétude  et  de  l'amnésie  rétrograde.  11  était  évident  qu'il  venait 
d'avoir  un  accès  épileptique,  qui  avait  été  le  terme  de  l'angoisse 
déterminée  par  la  rumination  sur  l'infini.  Depuis  j'ai  eu  l'occa- 
sion d'observer  un  certain  nombre  de  faits  exactement  du  même 
genre. 

Tous  ces  faits  qu'il  serait  facile  de  multiplier  me  semblent 
démontrer  que  la  distinction  complète  établie  par  M.  Mikie, 
par  MM.  Pitres  et  Régis  entre  l'état  psychasthénique  et  le  mal 
comitial  est  un  peu  exagérée.  Je  n'ai  pas  la  pensée  de  les  identi- 
fier, je  dis  seulement  qu'il  y  a  dans  ces  deux  maladies  quelque 
chose  de  commun,  que  leurs  phénomènes  sont  voisins  et  peuvent 
aisément  se  transformer  les  uns  dans  les  autres.  Cet  élément 
commun  me  paraît  être  l'abaissement,  la  chute  de  la  tension  psy- 
chologique. Dans  l'épilepsie  vraie  cette  chute  est  énorme,  il  y  a  sup- 
pression complète  de  la  conscience,  toutes  les  forces  qui  devaient 
être  employées  à  produire  cette  conscience  amènent  la  décharge, 
se  dépensent  en  convulsions  de  tout  le    corps  ;  dans    l'état    psy- 

LES    OBSESSIONS.  L     —    33 


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MlÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

t  est  bien  moins  grande,  mais  il  y  a  tout  de 
conscience   qui  détermine   les    sentiments 
,  leurs  doutes  et  leurs  angoisses. 


\8  du  niveau  mental.  —  Influences 
terminent  l'abaissement 

léories  psychasthcniques  qui  considèrent  les 
ûsse,  de  rumination  comme  des  crises  de 
s  explique  par  un  abaissement  du  niveau 
r  davantage  qu'il  existe  chez  les  malades  des 
sprit  ou  d'une  manière  plus  générale  des 
u  mental  et  que  ces  oscillations  sont  en  rap- 
phénomènes  observés  dans  les  crises  et  sans 

faut  rechercher  dans  quelles  circonstances  se 
idie  des  psychasthéniques,  quelles  sont  les 
jelleselle  prend  naissance,  ou  dans  lesquelles 
ndes  augmentations  quand  elle  existe  déjà 
ne  s*agit  pas  ici  d'une  étude  clinique  sur 
idie,  étude  que  nous  tenterons  dans  le  cha- 
une  recherche  psychologique  sur  les  condi- 
pement. 


—  Influence  des  maladies, 

roupe  de  circonstances  causales  sur  lesquelles 
[iccord  et  qu'il  suiTit  de  signaler  ici.  Ce  sont 
ces  qui  déterminent  un  aflaiblissement  de 
ladies  infectieuses,  la  fièvre  typhoïde  surtout 
e  mes  observations,  Tinfluenza,  la  tubercu- 
)uches,  les  accouchements,  les  suites  de 
it  chez  Kl...,  Car...,  Xa...,  Vod...,  Cht... 
té  l'occasion  du  début  de  la  maladie  ou  de 
jrès  une  période  d'amélioration.  En  général 
prit  se  manifeste  après  l'accouchement,  après 
lériode  de  fatigue  et  de  convalescence,  11  se 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ABAISSEMENT  DU  NIVEAU  MENTAL      515 

manifeste  beaucoup  plus  rarement  pendant  la  grossesse  et  pen- 
dant les  fièvres. 

Toutes  les  circonstances  qui  déterminent  d'ordinaire  un 
engourdissement  physique  sont  mauvaises  pour  ces  malades.  La 
période  de  la  digestion  leur  est  fatale.  Wye...  remarque  qu'il  a 
toujours  perdu  sa  confiance  à  2  heures  et  qu'il  la  reprend  à 
5  heures.  La  matinée  pendant  laquelle  persiste  un  peu  l'engour- 
dissement de  sommeil  ramène  toutes  les  manies  et  toutes  les 
obsessions.  Il  n'y  a  rien  que  Dob...  redoute  autant  qu'un  demi- 
sommeil.  «  Ce  serait  la  cause  de  terribles  angoisses,  je  n'ose 
pas  me  laisser  aller  à  l'assoupissement  en  voiture,  en  chemin  de 
fer;  dès  que  mon  intelligence  ne  serait  plus  bien  en  éveil  je 
serais  reprise  d'angoisses.   » 


2.  — Influence  de  la  fatigue. 

Il  en  est  de  même  pour  les  surmenages  physiques  ou  moraux 
qui  semblent  avoir  déterminé  des  accidents  chez  Er...  (i74)> 
Ce...,  Nadia,  Mm...,  etc.  Legrand  du  Saulle  avait  déjà  insisté  sur 
le  rôle  des  troubles  dyspeptiques,  du  travail  intellectuel  exagéré, 
d'une  vie  dissolue  V  M.  Tissié  décrit  très  bien  les  phénomènes 
d'abaissement  psychologique  qui  suivent  chez  les  jeunes  gens  la 
fatigue  exagérée  :  a  Un  exercice  gymnastique  trop  violent,  trop 
prolongé,  trop  attentif,  une  marche  à  pied  trop  longue^  comme 
un  devoir  d'arithmétique,  l'audition  d'une  musique  trop  bruyante 
produisent  des  actes  impulsifs,  des  besoins  de  marcher,  des 
éructations,  des  expressions  ordurières,  du  mutisme,  de  la  bru- 
talité, de  l'entêtement,  des  miaulements,  des  répétitions  de  mots, 
de  l'inconscience  morale^.  »  MM.  Pitres  et  Régis  insistent 
beaucoup  sur  cette  influence  de  la  fatigue,  et  nous  aurons  à 
reprendre  cette  question  en  traitant  de  l'évolution  de  la  maladie. 

Cette  influence  de  la  fatigue  physique  et  morale  est  très  inté- 
ressante, il  y  a  des  malades  chez  qui  on  peut  déterminer  par  la 
fatigue  des  rechutes  nettes  d'une  manière  presque  expérimentale. 
Les  obsessions  de  Za...  deviennent  plus  violentes  à  la  moindre 
fatigue.  Claire  revient  d'une  ville  d'eau  où  elle  a  passé  l'été  avec  une 


1.  Legrand  du  SauUo,  Agoraphobie,  p.  56. 

2.  Tissié,  Hevue  scientifique,  1890.  II,  p.  643. 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  RABAISSEMENT  DU  NIVEAU  MENTAL      517 


3.  —  Influence  des  émotions. 

Le  problème  le  plus  intéressant  nous  est  posé  par  le  rôle 
pathogénique  que  jouent  les  émotions  et  surtout  certaines  émo- 
tions. Dans  les  cas  les  plus  connus  que  nous  aurons  à  étudier  plus 
tard  Témotion  semble  déterminer  la  nature  de  l'obsession,  mais 
ce  ne  sont  pas,  à  mon  avis,  les  cas  les  plus  fréquents  ni  les  plus 
intéressants. 

Il  Y  a  des  cas  très  nombreux  où  Tén^otion  qui  semble  le  début 
de  la  maladie  n'a  aucun  rapport  avec  les  phobies  ou  les  obses- 
sions qui  vont  suivre.  Lf...,  comme  on  vient  de  le  voir,  est  devenue 
malade  parce  qu'elle  a  ramassé  son  neveu  tombé  mourant  d'un 
échafaudage.  L'émotion  était  assez  intense  pour  amener  un  trou- 
ble et  le  sujet  semblait  antérieurement  bien  portant,  mais  ce  qui 
m'étonne  c'est  que  la  maladie  consécutive  est  simplement  l'ago- 
raphobie qui  semble  avoir  un  rapport  bien  lointain  avec  la  mort 
du  neveu.  Cat...,  instituteur,  change  de  poste  sur  sa  demande  : 
ce  changement,  la  vue  d'une  école  nouvelle  l'impressionne  ;  il 
est  atteint  d'une  obsession  criminelle  et  il  est  poursuivi  par  le 
remords  du  meurtre  d*un  enfant.  Chu...  a  des  contrariétés  de 
famille  et  se  dispute  avec  une  belle-sœur,  la  voici  qui  prend  la 
phobie  de  la  saleté  et  qui  éprouve  le  besoin  de  se  laver  les  mains 
dix  fois  de  suite.  J'ai  peine  à  voir  dans  ces  obsessions  ou  ces  ma- 
nies, et  on  en  pourrait  citer  cent  du  même  genre,  la  reproduc- 
tion de    Témotion    primitive. 

Dans  quelques  cas  Forigine  de  l'obsession  se  comprend  assez 
bien  ;  mais  on  voit  que  son  contenu  ne  dépend  en  aucune  façon  de 
l'émotion  qui  a  cependant  déterminé  la  maladie.  L'obsession  est 
la  reproduction  d'un  événement  ou  d'une  idée  très  antérieure  qui 
au  moment  de  son  apparition  n'avait  déterminé  aucun  trouble 
mais  qui  devient  pathologique  à  l'occasion  de  l'émotion  nouvelle. 
Les  faits  de  ce  genre  m'ont  toujours  intéressé  :  j'en  ai  décrit  de 
remarquables  à  propos  des  hystériques.  En  voici  un  que  je  rap- 
pelle parce  qu'il  est  typique.  Un  homme  âgé  de  29  ans,  mécani- 
cien de  locomotive,  est  blessé  grièvement  dans  un  tamponnement, 
il  a  une  plaie  grave  au  ventre  qui  n'est  guérie  qu'au  bout  de 
six  mois.  Cependant  il  ne  conserve  aucun  accident  névropathique, 
il  ne  reste  pas  impressionnable  et  il  reprend  son  service  sans 
aucune  difficulté.  Onze  ans  après,    à    Tâge   de   l\o  ans,  il   a  une 


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518  THÉORIES  PATHOGÉNIQUÊS 

grave  émotion  :  il  se  réveille  le  matin  près  du  cadavre  de  sa 
femme  morte  subitement  pendant  la  nuit.  Eh  bien  à  la  suite  de 
ce  bouleversement  il  commence  des  crises  d'hystérie,  dans 
lesquelles  il  voit  une  locomotive  se  précipiter  sur  lui,  dans 
laquelle  il  a  du  météorisme  abdominal  avec  une  énorme  hyperes- 
thésie  de  son  ancienne  cicatrice  indolente  pendant  onze  ans. 

On  observe  des  faits  tout  à  fait  semblables  chez  les  psychas- 
théniques.  Fé. . . ,  femme  de  ig  ans,  a  éprouvé  une  vive  contrariété  : 
la  fille  de  son  mari,  qu'elle  avait  élevée  comme  son  enfant,  s'est 
fait  enlever  par  un  amant,  et  n'a  plus  voulu  rentrer  chez  ses  pa- 
rents. Fé...  éprouve  de  Fennui  à  ce  sujet,  mais  ne  devient  aucu- 
nement obsédée  et   reprend  régulièrement  le   cours  de   sa  vie. 
8  mois  après  elle  doit  subir   une  opération  chirurgicale  grave, 
rhystérectomie  totale.   Cette  opération  lui   a  causé  de  grandes 
angoisses   et  de  grandes  fatigues.  Â  la  suite  de   cette   opération 
la   voici  obsédée    par  la  pensée  de  la   fugue   de  sa   belle-fille  : 
«  Cette  fille  s'en  est  allée  de  ma  maison,  tout  le  monde  le  sait, 
c'est  honteux  pour  moi.  C'est  moi  qui  suis  coupable...  etc.  »  et 
la  voici  qui  a  des  angoisses  à   la  pensée  de  rentrer  chez   elle. 
Lep...,  femme  de    Sg  ans,   perd  un  fils  de   i8   ans,  elle  paraît 
s'en  consoler,  et  reste  parfaitement  raisonnable.  lo  mois  après 
elte  fait  une  chute  de  voiture  et   en  est  très  émotionnée.   Elle 
reste  troublée,  se  plaint  de  ne  plus  voir  les  choses  de  la  même 
façon  et  se  tourmente  à   propos   de    la    mort  de   son  fils  :  te  si 
j'avais  cherché  un  autre  médecin,  si  je  l'avais  envoyé  à  la  cam- 
pagne, il  vivrait  encore,  c'est    moi   qui  suis  coupable,  je  devrais 
me  tuer,   etc.   »  Jui...,  homme  de  38  ans,  a   été   léché  par  un 
chien   dans  la  rue  quand  il  avait  Tâge  de  25  ans,   il   en  a  été 
ennuyé  car  il  était  déjà  peureux,  mais  il  a  bien   compris  que  ce 
n'était  rien.  A  3o  ans  il  se  marie  et  cet  événement  lui  détermine 
bien  des  émotions;  c'est  à  ce  moment  et  à  ce  moment  seulement 
qu'il  s'inquiète  sérieusement  à  propos  de  ce  chien  qui    l'a  léché 
il  y  a  cinq  ans  et  qu'il  est  pris  d'une  phobie  de  la  rage.  Il  guérit  an 
bout  de  quelques  mois.  A  33  ans  il  perd  un  enfant  et  ce  chagrin 
ramène  de  nouveau  la  phobie  de  la  rage,  depuis  il  a  eu  nombre  de 
crises  de  cette  même  phobie  toujours  à  propos  d'émotions  quel- 
conques n'ayant  aucun  rapport  avec  le  chien.  «  C'est  désolant,  je 
ne  puis  avoir  la  plus  petite  émotion,  même  pas  le  dépit  de  rater 
un  omnibus,  sans  que  cela  me  donne  l'idée  du    chien  enragé.  » 
J'avoue  que  dans  ces  cas  j'ai  de  la  peine  à  comprendre  comment 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ABAISSEMENT  DU  NIVEAU  MENTAL      519 

OU  peut  rattacher  directement  la  phobie  à  rémotion,   et    à  com- 
prendre le  rôle  de  Féraotion. 

Enfin  un  dernier  groupe  me  semble  plus  embari^assant  encore, 
c*est  le  groupe  des  cas  très  nombreux  où  Témotion  détermine  un 
trouble  qui  n*est  pas  du  tout  Tobsession  ou  la  phobie  mais  qui 
est  simplement  une  insuffisance  psychologique.  Dans  le  cas  le 
plus  simple  et  qui  se  rapproche  le  plus  des  précédents,  Témotion 
crée  simplement  Témotivité.  Des  personnes  qui  n'étaient  pas  im- 
pressionnables ou  qui  Tétaient  modérément  sont  transformés 
après  un  accident  qui  les  a  révolutionnés.  Dorénavant  elles  éprou- 
vent des  émotions  violentes  pour  la  moindre  des  choses,  elles  ont 
des  perturbations  physiologique  remarquables  avec  troubles 
cardiaques  et  respiratoires,  avec  de  grandes  angoisses  pour  des 
faits  insignifiants  qui  les  auraient  certainement  laissées  froides 
auparavant.  Morel,  Freud,  Pitres  et  Régis  ont  très  bien  décrit 
des  cas  de  ce  genre  sous  le  nom  d'anxiété  diffuse  ou  de  pano- 
phobie,  «  chaque  événement,  chaque  incident  de  la  vie  devenait 
ainsi  matière  à  décharge  pour  son  angoisse  momentanément 
spécialisée  par  le  hasard  *.  » 

J'ai  observé  un  grand  nombre  de  cas  de  ce  genre  que  j'ai  déjà 
cités  et  que  je  rappelle  brièvement.  Cs...  (4i)  a  accouché  à  Tâge 
de  3i  ans,  elle  se  porte  bien  et  se  remet  de  sa  fatigue  quand  trois 
jours  après  l'accouchement  la  garde  effrayée  d'une  grimace  de 
Tenfant  laisse  échapper  une  exclamation  des  plus  sottes  «  oh. 
Madame,  s'écric-telle,  le  bébé  a  des  convulsions,  je  crois  qu'il  va 
mourir  ».  L'enfant  n'avait  absolument  rien,  mais  la  mère  reste  bou- 
leversée, se  plaignant  de  beaucoup  souffrir  dans  la  tête  et  dans  les 
épaules,  gémissant  et  pleurant  sans  pouvoir  s'arrêter.  Depuis  son 
caractère  est  complètement  changé  :  elle  était  autrefois  vive, 
mais  suffisamment  calme  pour  avoir  dirigé  une  maison  de  com- 
merce avec  succès,  pour  avoir  surmonté  bien  des  difficultés. 
Maintenant  elle  a  à  propos  de  tous  les  faits  les  plus  insignifiants 
des  émotions  épouvantables  qui  lui  fout  perdre  la  tète.  Si  un  de 
ses  enfants  tousse,  si  elle-même  se  mouche,  si  elle  voit  une 
bouteille  de  pharmacie,  si  elle  lit  dans  le  journal  le  nom  d'une 
maladie,  la  voici  affolée,  souffrant  d'horribles  angoisses  errant  au 
hasard  dans  la  maison  pour  chercher  quelqu'un  qui  la  rassure.  Il 

1.   Pitres  cl  Régis»  op.  cit.,  p.  19,  79. 


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INFLUENCES  QUI  DETERMINENT  L'ABAISSEMENT  DU  NIVEAU  MENTAL      521 

sances  psychologiques,  je  remarque  seulement  ici  qu'il  a  été  le 
résultat  de  violentes  émotions. 

L'émotion  peut  faire  naître  de  même  tous  les  phénomènes  de 
raboulie;je  ne  parle  pas  d'une  aboulie  immédiatement  en  rapport 
avec  les  phénomènes  émotifs  et  que  l'on  pourrait  rattacher  à  l'in- 
hibition ;  mais  d'une  aboulie  qui  persiste  sans  que  l'émotion  se 
renouvelle.  AI...  dans  l'observation  précédente  est  énormément 
aboulique  en  même  temps  que  tout  à  fait  incapable  d'émotion. 
Cas...,  femme  de  52  ans  qui  a  vu  son  fils  tomber  a  l'eau,  se  sent 
la  tète  gênée,  ne  peut  plus  faire  aucune  action  ni  suivre  aucune 
idée,  en  même  temps  elle  a  cessé  «  d'être  impressionnable,  elle 
ne  sent  plus  les  joies,  ni  les  peines,  elle  est  indifférente  atout  ». 

Enfin  c'est  l'émotion  qui  est  la  source  principale  de  ces  états  d'in- 
quiétude, de  doute  et  de  tous  ces  3entiments  d'insuilisance  dont  j'ai 
déjà  rapporté  tantd'exemples.  C'està  la  suite  d'un  chagrin  d'amour 
que  Tr...  devient  aboulique  et  commence  à  ressentir  les  doutes 
et  les  hésitations  qui  la  caractérisent  ;  c'est  à  la  suite  d'une  con- 
fession que  Claire  se  sent  inquiète  qu'elle  sent  «  l'espoir  et  la 
confiance  s'en  aller  comme  une  lumière  qui  s'éloigne  ».  Nem... 
est  frappé  par  Taspect  effrayant  d'un  mendiant  qui  s'adresse  à 
elle,  elle  reste  impressionnée  et  depuis  elle  ne  retrouve  plus  la 
perception  normale,  elle  trouve  à  tous  les  objets  et  surtout  aux 
personnes  un  aspect  drôle,  étrange.  To...  est  bouleversée  par  une 
déclaration  obscène  que  lui  fait  un  petit  employé  et  depuis  elle 
doute  de  toutes  les  choses  présentes,  qui  lui  semblent  avoir 
perdu  leur  réalité. 

Le  sentiment  de  dépersonnalisation  si  remarquable  de  Ver... 
et  de  Bei...  a  commencé  chez  tous  les  deux  brusquement  à  la  suite 
d'une  émotion.  Ver...  a  été  menacé  par  son  patron  qui  tenait  à  la 
main  un  instrument  de  fer  et  Bei...  a  lu  dans  un  journal  une  his- 
toire d'amour  amenant  des  malheurs,  des  suicides  et  qui  lui 
semblait  identique  à  ses  propres  aventures.  Quand  chez  ces 
deux  malades  le  sentiment  pathologique  diminue  c'est  une  nou- 
velle émotion  qui  le  fait  réapparaître.  «  Ça  m'a  fait  un  effet  dans 
la  tête  et  après  ça  me  fait  comme  si  ce  n'était  pas  moi  *.  »  On 
pourrait  facilement  accumuler  des  exemples  de  tous  les  senti- 
ments d'insuffisance  psychologique  ayant  une  seipblable  origine. 
Ces  faits  se  rattachent  encore  moins  que  les  précédents  à  l'expli- 

I.  Névroses  et  Idées  fixes ,  1898,  II,  p.  62. 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ABAISSEMENT  DU  NIVEAU  MENTAL      523 

s'exercer  tout  d'un  coup  sur  un  groupe  de  souvenirs  déjà  consti- 
tué, déjà  rattaché  à  la  personnalité.  Le  plus  souvent  ces  souvenirs 
dissociés  par  l'émotion  seront  simplement  les  plus  récents  et 
Tamnésie  déterminée  par  l'émotion  prendra  la  forme  bien  connue 
de  l'amnésie  rétrograde*.  »  «  On  constate  des  faits  semblables 
à  propos  des  traitements  par  suggestion  et  par  direction  morale, 
une  éftiotion  supprime  tout  le  travail  de  restauration  qui  a  été 
accompli  pendant  la  séance,  fait  réapparaître  les  anesthésies, 
les  paralysies,  les  idées  fixes.  Le  travail  du  directeur  pendant  les 
séances  précédentes  a  été  un  travail  de  synthèse  :  il  a  organisé 
des  résolutions,  des  croyances,  des  émotions,  il  a  aidé  le  sujet  à 
rattacher  à  sa  personnalité  des  sensations  et  des  images.  Bien 
plus,  il  a  échafaudé  tout  ce  système  de  pensées  autour  d'un  centre 
spécial  qui  est  le  plus  souvent  son  nom  et  l'image  de  sa  personne. 
Le  sujet  a  emporté  dans  son  esprit  et  dans  son  cerveau  une  syn- 
thèse nouvelle,  passablement  artificielle  et  très  fragile,  sur  laquelle 
l'émotion  a  facilement  exercé  sa  puissance  désorganisatrice^.  » 

Cette  description  convenait  surtout  aux  hystériques,  elle  doit 
être  élargie  pour  pouvoir  s'appliquer  à  nos  malades  pyschasthéni- 
ques.  Un  des  phénomènes  de  l'émotion,  dirons-nous  maintenant, 
c'est  de  s'accompagner  d'un  abaissement  marqué  du  niveau  men- 
tal, en  entendant  le  niveau  et  la  hiérarchie  mentale  dans  le  sens 
oii  nous  l'avons  précédemment  défini.  Elle  ne  produit  pas  seule- 
ment la  perte  de  la  synthèse  et  la  réduction  à  l'automatisme  qui 
est  si  visible  chez  l'hystérique,  elle  supprime  graduellement  sui- 
vant sa  force  les  phénomènes  supérieurs  et  abaisse  la  tension  au 
seul  niveau  des  phénomènes  dits  inférieurs. 

C'est  pourquoi  dans  cette  hypothèse  tous  les  faits  précédents 
me  paraissent  s'expliquer  facilement.  Dans  l'émotion  nous 
voyons  disparaître  la  synthèse  mentale,  l'attention,  la  volonté, 
l'acquisition  des  souvenirs  nouveaux  ;  en  même  temps  nous 
voyons  diminuer  ou  disparaître  toutes  les  fonctions  du  réel,  le 
sentiment  et  le  plaisir  du  réel,  la  confiance,  la  certitude.  A  la 
place  nous  voyons  subsister  les  mouvements  automatiques,  les  rumi- 
nations et  surtout  les  manifestations  viscérales  élémentaires  que 
l'on  considère  beaucoup  trop  comme  la  cause  de  Témotion  et  qui 
n'en  sont  qu'une  conséquence. 


I.  Névroses  et  Idées  fixes,  1898,  I,  p.  i/i4- 
a.  /<f.,  1,  p.  475. 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENT 


I .  —  Les  ascensions  du  nweau  mental. 

Les  malades  présentent  en  effet  assez  souvent  des  amélioi 
remarquables  non  seulement  au  moment  de  la  guérison 
encore  au  cours  de  la  maladie.  II  est  rare  que  la  guérison  s 
d*une  manière  continue  et  graduelle  ;  presque  toujours  soi 
fluence  du  traitement,  ou  sous  Tinfluence  de  diverses  ci 
tances,  les  malades  changent  brusquement,  se  transformen 
dant  quelques  heures  ou  quelques  jours,  puis  retombent 
leur  état  habituel.  Ce  sont  ces  périodes  que  j'ai  déjà  eu  Toc 
d'appeler  des  instants  clairs^. 

Ces  périodes,  par  exemple,  sont  très  nettes  chez  Lise,  el 
très  intéressant  de  remarquer  ce  qui  les  caractérise.  La  r 
est  a  ce  moment  en  partie  débarrassée  de  ses  obsession 
n'arrive  jamais  à  s'en  débarrasser  complètement.  Les  idé< 
constituaient  sa  rumination  lui  semblent  s'éloigner,  quoi< 
les  sente  toujours  tout  près  d'elle  et  prêtes  à  réapparaîl 
premier  appel,  mais  en  somme  l'esprit  est  beaucoup  plus 
et  cesse  les  serments,  les  pactes,  les  discussions  perpétuell 
le  remplissaient  précédemment.  En  même  temps  je  ren 
chez  la  malade  tout  un  ensemble  d'autres  changements. 

Lise  a  sur  elle-même  des  sentiments  différents  :  elle  s 
moins  partagée,  moins  divisée  a  enfin,  dit-elle,  je  suis  plus  u 
plus  moi-même  »  comme  elle  se  rend  mieux  compte  d'elle-i 
elle  apprécie  mieux  ses  sensations,  elle  n'a  plus  cet  engoui 
ment,  cette  diminution  de  la  sensation  de  la  douleur  que 
avions  observée  sur  elle  et  elle  se  plaint  maintenant  d'une  sen 
de  fatigue  «  à  laquelle  elle  ne  faisait  pas  attention  aupara> 
Cette  sensibilité  ou  plutôt  cette  faculté  de  donner  plus  d'att 
aux  sensations  et  aux  perceptions  présentes  existe  aussi  au 
et  la  malade  paraît  changer  de  caractère.  Elle  devient  pli 
oeplible,  plus  impressionnable  et  supporte  moins  facilemei 
foule  d'ennuis  de  sa  situation,  qu'elle  ne  remarquai!  mên 
auparavant.  L'activité  également  a  augmenté,  ses  parent 
étonnés  de  la  trouver  plus  en  train,  plus  vivante,  moins  ter 
en  effet  la  voici  qui  peut  travailler,  s'occuper  de  l'éducation 
enfants,  lire  et  s'intéresser  à  sa  lecture,  etc.  Enfin  je  note  < 

1.  Revue  philosophique,  1891,  et  Névroses  el  Idées  fixes  y  1898,  I,  p.  49- 


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52G  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

sommeil  est  devenu  plus  profond  et  plus  calme,  quelquefois  elle 
se  réveille  en  sursaut  étonnée  de  ne  plus  dormir  à  sa  façon  ordi- 
naire et  de  se  laisser  aller  au  sommeil  profond  sans  rien  ruminer. 
Le  sommeil  hypnotique  même  et  la  suggestion  semblent  avoir 
augmenté  d'une  façon  sensible. 

Les  mêmes  observations  peuvent  être  faites  sur  Claire.  Il  y  a 
des  moments  où  elle  n*est  plus  au  fond  de  son  précipice  et  ne  se 
croit  plus  une  personne  aussi  indigne.  «Je  reconnais,  m'écrit-elle, 
que  depuis  trois  mois  j'ai  été  moins  tourmentée,  que  vous  avez 
secoué  mon  engourdissement  et  que  je  suis  remontée.  »  Elle  ne  nie 
plus  le  bien  qu'elle  peut  faire,  elle  a  un  sentiment  a  d'être  meilleure, 
de  revenir  dans  la  bonne  route,  de  traverser  un  mur  qui  la  gênait.  » 
La  confiance  en  Dieu  et  la  foi  dans  la  religion  reviennent.  Il  est 
très  intéressant  de  remarquer  à  ce  propos  que  la  croyance  revient 
Bans  que  le  sujet  ait  rien  lu,  rien  entendu  de  nouveau  sur  la  reli- 
gion. De  même  que  la  foi  est  partie  sans  qu'il  y  ait  eu  de  discus- 
sion, de  même  elle  revient  sans  qu'il  y  ait  eu  de  démonstration, 
tellement  les  raisons  proprement  intellectuelles  sont  pour  peu  de 
chose  dans  ces  croyances. 

Claire  signale  en  même  temps  d'autres  changements  :  les  idées 
sont  moins  vagues,  plus  précises,  moins  compliquées,  les  souvenirs 
sont  plus  nets,  «  j'ai  été  vraiment  mieux,  dit-elle,  extérieure- 
ment comme  au  dedans,  j'étais  plus  gaie,  plus  active,  c'est  que 
j'avais  passé  plusieurs  personnes,  j'avais  traversé  une  mauvaise 
personne  qui  me  faisait  peur,  j'avais  beaucoup  moins  de  person- 
nes en  moi,  mes  idées  s'enchaînaient  mieux,  j'avais  presque  l'unité 
de  l'esprit.  Je  me  suis  intéressée  davantage  à  ce  qui  se  passait 
autour  de  moi,  tout  me  paraissait  plus  réel  et  plus  facile,  oui 
j'étais  tout  près  de  la  réalité  et  aussi  de  la  religion,  il  me  sem- 
blait que  j'étais  plus  près  des  choses,  je  les  reconnaissais  mieux 
quoique  je  ne  les  avais  pas  vues  depuis  longtemps,  mon  sommeil 
même  était  plus  réel  et  mes  rêves  plus  nets,  car  j'en  avais  moins 
à  la  fois  )>. 

Ces  deux  exemples  sudisent  car  les  autres  seraient  analogues 
pour  nous  montrer  que  dans  ces  instants  clairs  tous  les  symptô- 
mes se  modifient  dans  le  même  sens.  Les  obsessions  s'éloignent, 
les  ruminations  et  les  phobies  diminuent,  mais  en  même  temps, 
les  sentiments  d'incomplétude  disparaissent  et  l'on  assiste  à  une 
restauration  des  phénomènes  psychologiques  supérieurs,  de  la 
volonté,  de  Tuttention,  des  fonctions  du   réel.   La  transformation 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  LÉLÉV/VTION  DU  NIVEAU  MENTAL    r.27 

atteint  même  les  fonctions  physiologiques,  les  digestions  sont 
meilleures;  «  quand  j'ai  de  l'excitation  cérébrale,  dit  Gisèle, 
quand  je  sens  du  plaisir  et  de  Tunité  dans  mon  esprit,  je  digère 
bien,  il  me  faut  une  petite  fièvre  d'enthousiasme  pour  m'aider  à 
digérer,  »  bien  mieux  des  malades  qui  ont  d'ordinaire  beaucoup 
de  pertes  blanches,  voient  se  tarir  ces  sécrétions  vaginales  pen- 
dant les  périodes  d'ascension  morale.  En  un  mot  la  plupart  des 
symptômes  neurasthéniques  qui  ont  été  énumérés,  se  modiBent 
favorablement  en  même  temps  que  l'esprit  lui-même. 

Il  en  résulte  que  ces  ascensions  nous  posent  un  problème 
comme  les  abaissements.  De  ces  différents  phénomènes  qui  se 
modifient  ensemble,  lequel  faut-il  considérer  comme  primitif? 
Quel  est  le  phénomène  qui  se  restaure  le  premier  et  qui  par  sa 
restauration  amène  la  modification  constatée  dans  tous  les  autres  ? 
Pour  le  savoir  il  faut  chercher  quelles  sont  les  conditions  qui 
déterminent  ces  améliorations  même  passagères  et  sur  quel  phé- 
nomène elles  ont  agi  primitivement. 

Je  ne  crois  guère  que  cette  modification  commence  par  les 
obsessions  proprement  dites.  Il  semble  bien  difficile  d'agir  direc- 
tement sur  ces  idées  qui  obsèdent  les  malades.  Une  des  choses 
qui  surprend  le  plus,  quand  on  examine  des  obsédés,  c'est  l'im- 
puissance du  raisonnement.  On  veut  tout  d'abord  démontrer  au 
malade  l'absurdité  de  l'idée  qui  le  tourmente  et  on  essaye  de  le 
convaincre  qu'il  est  inutile  de  s'en  préoccuper.  Claire  prétend 
en  gémissant  qu'elle  serait  guérie  si  elle  croyait  à  l'existence  de 
Dieu  et  Lise  promet  de  retrouver  la  tranquillité  si  elle  sait  que 
le  diable  n'existe  pas  :  on  se  laisse  entraîner  à  éprouver  la  force 
des  arguments  philosophiques.  Hélas  leur  résultat  est  bien  mé- 
diocre ;  les  malades  font  semblant  d'écouter,  ils  discutent  quel- 
quefois et  avec  finesse,  mais  on  peut  continuer  la  conversation 
pendant  des  heures  sans  modifier  en  rien  leur  état  d'esprit. 
Quand  on  les  voit  s'améliorer,  la  logique  n'y  a  été  pour  rien  ; 
Claire  retrouve  la  foi  en  Dieu  sans  avoir  trouvé  aucun  argument 
nouveau  et  Lise  renonce  à  se  préoccuper  du  démon  sans  avoir 
mieux  compris  les  arguments  contre  le  dualisme.  Leur  améliora- 
tion a  son  origine  dans  un  phénomène  plus  profond  que  les  idées 
de  la  raison. 

Quelquefois  surtout  au    début  ces    améliorations    surviennent 
sans  raison  bien  apparente.  Claire,  au  début  de  sa  maladie,  vers 


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INFLUENCES  QVl  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MËNTaL    b^ 

ces  malades,  Mb...  s'en  est  bien  trouvée  pendant  plusieurs  mois, 
Qsa...  continue  sa  digestion  tranquillement  et  arrête  sa  crise  des 
efforts  de  vomissements  après  une  piqûre  d'un  centigramme  de 
morphine.  Bien  entendu  ces  malades  finissent  par  ajouter  la 
morphinomanie  à  leurs  autres  misères.  Quelques-uns  se  bornent 
à  une  excitation  moins  dangereuse,  celle  de  Talimentation.  Ppi..., 
agoraphobe  et  timide,  a  toujours  dans  sa  poche  un  fort  morceau 
de  pain  et  de  jambon,  dont  Tingestion  faite  à  propos  lui  donnera 
l'assurance  nécessaire. 

D'autres  procédés  physiques  seront  également  utiles,  Bei..., 
Wye...  retrouvent  leur  personnalité  pour  un  moment  quand  elles 
prennent  une  douche  froide.  «  De  l'eau  bien  froide  sur  la  tête, 
dit  Jean,  et  pour  un  moment  l'on  saisit  le  monde  extérieur  un 
peu  plus  fortement  ».  Il  en  est  ainsi  chez  beaucoup  de  malades 
pour  un  temps  malheureusement  court.  Pour  quelques-uns  il 
suffit  «  d'une  belle  matinée  ou  d'un  beau  temps  »  pour  dis;3iper 
les  gênes  et  les  obsessions  a  que  le  soleil  me  rie  et  me  voilà 
honnête  homme  ».  On  verra  dans  l'étude  de  l'évolution  l'influence 
remarquable  de  certains  états  comme  la  grossesse  et  la  fièvre  : 
ce  sont  toujours  des  excitations  qui  déterminent  ces  instants  clairs. 

3.  —  Influence  du  changement. 

Si  nous  passons  maintenant  au  point  de  vue  moral,  nous  de- 
vons signaler  le  bon  effet  des  changements  :  Claire  va  mieux 
quand  elle  rentre  chez  elle  après  une  absence.  «  J'ai  été  mieux 
en  arrivant,  plus  heureuse,  plus  gaie,  et  moins  tourmentée, 
comme  la  dernière  fois,  je  voyais  les  choses  plus  nettement,  tout 
me  semblait  plus  facile,  moins  compliqué.  Je  me  suis  moins  aper- 
çue de  l'engourdissement  que  j'ai  d'ordinaire  ;  il  était  un  peu 
passé,  j'ai  été  certainement  plus  active,  plus  énergique.  Je  le  suis 
encore,  mais  cela  diminue  et  il  m'arrîve  de  nouveau  de  rêver,  je 
n'ai  été  bien  que  quelques  jours.  Ce  qui  m'ennuie  c'est  que  j'ai 
de  nouveau  des  images  (ses  pseudo  hallucinations  sacrilèges). 
Elles  s'étaient  calmées  au  commencement,  à  mon  retour  ;  elles 
reviennent  maintenant  davantage...  »  «  Lise  fait  les  mêmes  re- 
marques; je  suis  mieux  pendant  quelques  jours  quand  je  retourne 
à  la  campagne,  quand  je  change  de  séjour,  cela  me  fait  remonter 
de  voir  un  endroit  ou  des  personnes  que  je  n'ai  pas  vus  depuis 
longtemps.  »  On  peut  répéter  cette  observation  sur  Vi...  et  sur 

LES   OBSESSIONS.  l.  —  34 


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^30  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

la  plupart  des  malades  :  «  il  me  faut,  dit  Gisèle,  Tinédit,  le  sor- 
tant de  Tordinaire  pour  respirer  un  peu.  » 

Indépendamment  du  changement  certains  milieux  sont  plus 
favorables  aux  malades.  Je  croyais  à  une  opinion  individuelle  peu 
justifiée,  quand  Jean  me  répétait  qu'il  avait  besoin  de  vivre 
à  Paris  et  qu'il  était  beaucoup  plus  malade  et  malheureux  eu 
province  et  surtout  à  la  campagne.  Cette  opinion  me  parais- 
sait bizarre  dans  la  bouche  d'un  individu  phobique  qui  a  peur  des 
femmes,  peur  de  la  foule,  peur  des  voitures.  Mais  j'ai  remarqué 
que  la  même  affirmation  m'a  été  faite  d'une  manière  tout  à  fait 
indépendante  par  Za...,  par  On...,  par  Lise  et  par  plusieurs  autres 
et  j'observe  qu'ils  ont  raison.  Paris  leur  donne,  il  est  vrai,  plus 
d'occasion  de  phobies  et,  si  leur  maladie  n'était  que  de  l'émoti- 
vité,  ils  devraient  le  fuir.  Mais  Paris  leur  donne  en  même  temps 
des  occupations,  des  distractions,  en  un  mot  des  excitations. 
«  Cela  me  fouette,  me  fait  vivre,  me  fait  marcher  plus  vite.  »  Et 
comme  leur  émotivité  est,  si  je  ne  me  trompe,  la  conséquence  de 
leur  engourdissement,  ils  sont,  quoique  ce  soit  paradoxal,  moins 
émotifs  b  Paris.  Jean  a  plus  peur  des  femmes  dans  sa  campa- 
gne isolée  que  sur  les  boulevards. 

4.  —  Influence  du  mouvement  et  de  l'effort. 

En  dehors  des  circonstances  extérieures  il  y  a  évidemment  des 
actions,  des  modifications  morales  du  sujet  qui  ont  une  influence 
favorable,  par  exemple  le  mouvement,  l'agitation  physique  e?t 
plutôt  une  bonne  chose.  Lise  remarque  très  bien  que  le  mouve- 
ment diminue  ses  idées  et  que  l'immobilité  est  dangereuse.  Il  est 
vrai  que  le  mouvement  lui  devient  de  plus  en  plus  pénible,  quand 
les  idées  l'envahissent  et  que  dans  les  crises  graves  de  rumina- 
tion elle  va  être  réduite  à  une  immobilité  complète  ;  mais  elle 
peut  arrêter  une  crise  si  elle  se  lève,  si  elle  sort  assez  à  temps. 
Aussi  ne  faut-il  pas  dire  que  les  crises  d'efforts  de  Claire  soient 
complètement  maladives  ;  actuellement  ces  agitations  sont  deve- 
nues tout  à  fait  absurdes  et  sont  le  résultat  d'une  manie,  mais 
au  début  la  malade  sentait  une  amélioration  après  ces  séances 
de  contorsions  «  je  me  voyais  mieux,  je  me  rendais  mieux  compte 
de  mon  engourdissement,  c'était  bon  signe  ».  Après  des  séances 
véritablement  convulsives  qu'on  peut  exciter  chez  elle,  en  diri- 
geant ses  efforts   elle  est  comme  transformée,   elle  sort  et  elle 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L*ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENTAL    ^3t 

agit  le  reste  de  la  journée  sans  hésitation.  Lise  dit  souvent  qu'elle 
a  besoin  d'une  crise  de  nerfs  et  certaines  observations  me  font 
croire  qu'elle  a  en  partie  raison. 

II  en  résulte  certains  genres  de  traitement  bizarre  que  les  ma- 
lades réclament  eux-mêmes.  Quand  j'avais  essayé  d'hypnotiser 
Lise,  je  lui  avais  suggéré,  pour  vérifler  son  état,  des  contractures. 
J'ai  remarqué  bien  souvent  que  les  contractures  présentées  par 
elle  n'avaient  rien  de  réel  et  ne  ressemblaient  pas  aux  contrac- 
tures hystériques  provoquées  dans  les  mêmes  conditions  :  le  sujet 
restait  toujours  maître  de  défaire  ses  contractures  quand  il  le 
voulait  et  en  somme  il  ne  maintenait  la  position  du  bras  ou  de  la 
jambe  que  par  bonne  volonté,  par  désir  d'obéir  et  de  faire  réus- 
sir un  traitement.  J'étais  donc  disposé  à  considérer  ces  contrac- 
tures comme  insignifiantes,  je  fus  surpris  de  voir  que  la  malade 
les  réclamait  et  disait  s'en  trouver  fort  bien,  il  lui  fallait  des  con- 
tractures de  plus  en  plus  fortes,  de  plus  en  plus  générales.  En 
somme,  comme  je  suis  convaincu  qu'il  n'y  avait  là  presque  rien 
de  suggestif,  c'était  elle  qui  par  des  efforts  volontaires,  inouïs,  se 
raidissait  tout  le  corps  dans  des  positions  bizarres.  Elle  était 
couverte  de  sueur  et  visiblement  fatiguée  de  maintenir  ainsi  des 
attitudes  pénibles  :  après  de  pareils  travaux  qui  n'avaient  pour- 
tant aucun  rapport  à  ses  scrupules,  elle  se  sentait  beaucoup 
mieux,  l'esprit  plus  unifié,  elle  avait  une  meilleure  notion  de  sa 
personnalité  et  avait  la  tête  beaucoup  moins  encombrée.  Elle 
conserve  le  sentiment  que  ses  spasmes  ne  vont  jamais  jusqu'au 
bout  ce  qui  est  vrai  d'ailleurs,  mais  que  l'effort  pour  les  former 
relève  et  transforme  son  esprit.  On  peut  répéter  l'observation 
sur  Claire,  et  on  obtient  les  mêmes  résultats. 

5.  —  Influence  de  V attention. 

On  peut  faire  les  mêmes  remarques  à  propos  de  l'attention  qui 
demande  des  efforts  du  même  genre  :  Gisèle  dit  très  bien 
qu'elle  a  besoin  de  s'intéresser  à  quelque  chose  qui  excite  sa  cu- 
riosité par  le  mystère  et  qu'elle  va  bien  mieux  quand  elle  fait 
des  efforts  d'attention.  Une  idée  pénible  qui  la  force  à  penser 
modifie  non  seulement  ses  scrupules  mais  aussi  son  estomac  et 
Taide  à  digérer.  Pot...  me  disait  aussi  que  si  une  chose  attire  suffi- 
samment son  attention  elle  reprend  le  sentiment  de  la  réalité 
comme  autrefois  et  Claire  parvient  à  se  retrouver  par  l'attention. 


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ti32  THÉORIES  PATHOGÉNFQUES 

Elle  fixe  fortement  son  esprit  sur  une  idée  ou  un  sentiment  et  se 
fatigue  la  tête  pour  retrouver  cette  idée  ou  ce  sentiment  tels  qu'ils 
étaient  autrefois.  Elle  essaye  de  me  parler,  d'arriver  à  le  faire 
avec  précision,  elle  travaille  à  prier  en  se  donnant  tout  entière 
à  ce  qu'elle  faisait.  «  Je  rassemble  toutes  mes  forces  pour  trouver 
un  passage  dans  mon  esprit,  pour  arriver  à  un  instant  clair, 
pour  saisir  une  idée  et  quand  je  suis  arrivée  à  dire  quelques  mots 
en  les  pensant  moi-même  comme  autrefois,  je  retrouve  Tespoir, 
la  confiance  et  je  sais  très  bien  que  tous  mes  reproches  sont  ridi- 
cules. Seulement  cette  attention  est  de  plus  en  plus  difficile,  j*ai 
eu  besoin  de  faire  en  môme  temps  des  efforts  physiques  et  j'ai 
fini  par  répéter  mes  contorsions  pendant  des  heures  sans  tra- 
vailler réellement,  alors  elles  ne  servent  à  rien.  » 

Ce  travail  pour  éclaircir  les  idées  existe  chez  Lise  et  quelque- 
fois il  n'est  pas  mauvais,  il  ne  se  confond  pas  avec  une  manie  de 
recherche  ou  une  rumination  stérile  ;  elle  a  travaillé  pendant 
quatre  jours  pour  éclaircir  une  idée  et  elle  a  eu  ensuite  l'esprit 
beaucoup  plus  clair.  On  retrouve  ces  efforts  chez  Nadia,  quand 
on  l'a  forcée  à  faire  une  visite  à  son  père,  quand  elle  a  réussi  à 
écouter  la  conversation,  à  se  surveiller:  elle  reste  ensuite  infini- 
ment mieux.  On  les  retrouve  aussi  de  la  même  manière  chez 
Tr...  et  Vy. ..,  etc. 

Bien  entendu  j'ai  cherché  à  tirer  parti  de  ce  fait  au  point  de 
vue  thérapeutique  et  au  point  de  vue  expérimental,  j'ai  essayé  de 
forcer  ces  malades  a  fixer  leur  attention  sur  divers  points.  Ce 
n'est  pas  facile,  car  nous  avons  déjà  remarqué  la  difficulté,  la  mo- 
bilité de  leur  attention.  Lise  ne  comprend  rien  aux  raisonnements 
philosophiques  sur  les  sujets  qui  touchent  à  sou  idée  fixe,  mais 
on  peut  fixer  son  attention  sur  d'autres  points.  Une  difficulté  cu- 
rieuse que  l'on  rencontre  chez  elle,  c'est  qu'elle  est  très  habituée 
à  suivre  plusieurs  idées  à  la  fois  et  à  ne  donner  qu'une  petite 
partie  de  son  attention;  quand  on  réussit  à  la  fixer  tout  entière 
pendant  quelque  temps  elle  est  transformée.  «  C'est  un  manque 
de  vie, que  j'ai  dans  la  tête  et  quand  je  suis  parvenue  à  la  secouer 
un  peu  je  n'ai  plus  ce  besoin  bizarre  de  m'analyser,  de  me  sur- 
veiller. »  Nadia,  Lkb...,  etc.,  m'ont  présenté  les  mêmes  heureux 
résultats  de  ces  fixations  de  l'attention.  Chose  plus  curieuse,  Ver... 
etBei...,  qui  ont  toujours  perdu  leur  personnalité,  la  retrouvent 
quand  je  les  force  à  faire  une  extrême  attention  aux  sensations 
qu'ils  éprouvent.  Ver...  est  tout  étonné  de  constater  que  ses  mains 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENTAL    533 

sont  bien  ses  propres  mains.  «  Je  suis  changé  pour  quelques 
heures  en  vous  quittant  et  puis  cela  retombe.  » 

Cette  remarque  soulève  une  difficulté  assez  grave  :  dans  un 
chapitre  précédent  nous  avons  constaté  que  beaucoup  de  ces 
malades  présentaient  le  maximum  de  leurs  troubles  au  moment 
de  l'attention  et  qu'ils  semblaient  beaucoup  mieux  pendant  les 
états  de  distraction.  M.  Bernard  Leroy  a  remarqué  l'opposition 
de  ces  deux  faits  et  m'a  déjà  reproché  cette  contradiction  *,  je  ré- 
pondrai d'abord  que  la  contradiction  appartient  aux  malades  et 
non  à  moi  et  que  je  me  borne  h  constater  des  faits  que  notre 
ignorance  fait  paraître  contradictoires.  Je  crois  ensuite  que  ces 
faits  peuvent  se  comprendre. 

Dans  le  premier  cas,  il  y  a  chez  ces  malades  insuffisance  d'at- 
tention, les  phénomènes  psychologiques  supérieurs  s'accom- 
plissent insuffisamment,  il  en  résulte  que  le  trouble  se  produit 
surtout  quand  ils  essayent  d'exercer  ces  fonctions  qui  sont  in- 
suffisantes et  que  le  trouble  n'apparaît  pas  quand  ils  se  bornent 
aux  fonctions  inférieures  qui  ne  sont  pas  lésées. 

Dans  le  second  cas,  on  pousse  le  sujet  à  rétablir  momentané- 
ment son  attention,  à  augmenter  sa  tension  mentale.  Si  on  y 
réussit,  il  est  tout  naturel  que  l'on  ne  retrouve  plus  les  mêmes 
troubles  apportés  par  une  attention  défaillante.  En  un  mot,  il  n'y 
a  pas  de  contradiction  parce  que  dans  le  premier  cas  on  étudiait 
l'attention  malade,  et  que  dans  le  second  on  examine  l'attention 
momentanément  guérie. 

Quoi  qu'il  en  soit  il  résulte  des  faits  précédents  que  les  malades 
n'arrivent  à  un  état  meilleur,  ne  sont  débarrassés  de  leurs  senti- 
ments anormaux  et  de  leurs  obsessions  qu'en  se  maintenant  par 
des  efforts  de  volonté  et  d'attention  quelquefois  très  considé- 
rables. <c  Je  suis  bien,  dit  Gisèle,  dans  l'excitation  et  je  suis  mal 
dans  la  détente  et  il  faut  que  je  m'excite  tout  le  temps.  Il  faut 
que  je  cherche  des  travaux  difficiles  pour  me  tenir  en  haleine, 
que  je  sois  dans  un  effort  perpétuel.  »  On  devine  la  consé- 
quence, c'est  qu'une  guérison  pareille  est  horriblement  fatigante 
et  que  les  malades  vous  répètent  :  «  rien  n'est  si  pénible  que  de  se 
maintenir  ainsi  perpétuellement  tendu.  »    Claire  dit  qu'elle  par- 


1.   Bernard  Leroy,  L'illusion  de  dépersonnalisation.   Comptes  rendus  du  /!'•  Con- 
grès de  Psychologie  de  1900. 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  MVEAU  MENTAL    53o 


6.  —  Influence  de  V émotion. 

Nous  arrivons  à  une  autre  cause  de  ces  oscillations  ascendantes, 
bien  intéressante  et  qui  soulève  de  curieux  problèmes,  ce  sont  les 
sentiments  et  les  émotions. 

Il  est  d'observation  banale  que  Témotion  peut  relever  le  niveau 
mental  et  j'ai  été  frappé  par  cette  curieuse  observation  psycholo- 
gique finement  décrite  par  le  romancier  anglais  Rudyard  Ki- 
pling'. Son  héros  Kim,  après  une  grande  fatigue,  «sentit  sans 
pouvoir  l'exprimer  par  des  mots  que  son  âme  ne  s'engrenait 
plus  à  ce  qui  l'entourait,  roue  sans  rapport  avec  aucun  méca- 
nisme... )).  Après  quelques  émotions  heureuses  «  il  se  mit  h  pleu- 
rer et  il  sentit  avec  un  déclenchement  presque  imperceptible  les 
roues  de  son  être  remboîtées  de  nouveau  sur  le  monde  extérieur. 
Les  choses  qui  un  instant  auparavant  traversaient  le  globe  de  ses 
yeux  sans  rien  signifier  reprirent  leurs  proportions  conve- 
nables. Les  routes  étaient  faites  pour  y  marcher,  les  maisons  pour 
y  vivre,  le  bétail  pour  être  mené,  le  sol  pour  être  cultivé  et  les 
hommes  et  les  femmes  pour  leur  parler.  Ils  étaient  tous  réels,  sur 
leurs  pieds,  parfaitement  intelligibles,  argile  de  son  argile,  ni 
plus,  ni  moins  ». 

On  constate  d'abord  sans  trop  d'étonnement  que  certaines 
émotions  particulières  qui  sont  connues  comme  agréables  et 
excitantes,  que  l'on  appelait  déjà  sthéniques  sans  bien  com- 
prendre pourquoi,  puissent  produire  ce  bon  effet  et  aug- 
menter momentanément  la  tension  insuffisante,  (c  Les  émotions 
excitantes,  riistige,  sont  des  émotions  qui  font  entrer  dans  la 
conscience  un  quantum  de  représentation  réelle  plus  grand 
qu'elle  n'en  peut  ordinairement  contenir'  ».  Il  suffit  quelquefois 
a  Qsa...  d'entendre  de  la  musique  et  surtout  de  la  musique 
militaire  pour  qu'il  ressente  un  frisson  dans  tout  son  corps  et 
puisse  digérer  sans  phobie.  Le  plaisir  d'avoir  acheté  un  cheval 
le  fait  digérer  parfaitement  et  sans  la  moindre  émotion  un  fort 
déjeuner.  Jean  a  été  invité  à  un  dîner  où  il  devait  se  rendre  en 
habit.  Inutile  de  dire  avec  quelles  protestationsv  il  a  recueilli 
cette  proposition,  quelles  terreurs  l'ont  envahi  et  en  présence  de 


I.  Rudyard  Kipling,  Kim,  1901,  ch.  XV. 

a.   Ribol.  La  Psycholofjie  allemande  contemporaine,  p. 


a3. 


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530  THÉORIES  PA' 

quelles  indécisions,  de  quelles  s 
un  peu  par  curiosité,  je  me  suis 
Tascendant  possible  j'ai  exigé  q 
premier  pas  franchi,  tout  se  p 
Jean  redoutait  tellement  furent 
bien  obligé  de  constater  qu'il  c 
autre.  Le  résultat  de  cette  émo 
incroyable  :  Jean  fut  transformé 
il  oublia  Charlotte,  la  femme  c 
les  fluides,  etc.  Il  en  fut  ainsi  d: 
chaque  fois  que  Ton  parvenait  i 
succès. 

Lo...  a  présenté  une  résurrect 
d'une  émotion  heureuse  qui  a 
lamentables.  Cette  jeune  fille, 
années,  aboulique  et  étrangère  à 
vivement  recherchée  par  un  jeun 
recherchée,  la  joie  des  fiançailles 
extraordinaire.  Le  caractère  de\ 
naissable  :  gaie,  active,  pratique 
pour  la  première  fois  et  descei 
stupéfaite  de  son  enthousiasme 
entreprenait  une  vie  nouvelle.  L 
après  quelques  jours  de  mariag 
sion,  dégoût  de  la  vie,  incertil 
personnalité,  aboulie  et  ruminati 
et  quelques  semaines  après  une 

Une  émotion  en  particulier  ser 
manière  remarquable,  c'est  Véirn 
facilement  insister  sur  ce  point 
évident  par  toutes  les  confident 
d'excitations  quand  il  réussit  es 
amélioration  manifeste.  Quand 
excitation  complète  elles  retrou 
mentale.  Dans  tous  les  cas  de  ce 
a  augmenté  la  tension  mentale 
qu'elle  était  sthénique,  cela  n' 
beaucoup  se  déclarent  satisfaits. 

Les  choses  sont  loin  de  se  pn 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  LÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENTAL    537 

des  cas,  j'ai  pu  observer  que  le  même  effet  absolument  heureux 
était  déterminé  par  des  émotions  quelconques  et  même  par  des 
émotions  tristes  considérées  d'ordinaire  comme  dépressives. 

Voici  une  observation  qui  a  toute  la  valeur  d'une  expérience. 
Claire  vint  un  jour  me  voir  dans  un  état  lamentable  :  elle  se 
sentait  divisée  en  une  foule  de  personnes,  elle  se  sentait  auto- 
mate et  cependant  mauvaise,  elle  était  envahie  par  toutes  les 
obsessions  scrupuleuses  et  par  toutes  les  hallucinations  sacrilèges 
et  obscènes.  Je  ne  parvins  pas  à  fixer  son  attention,  par  aucun 
moyen  je  ne  pus  la  faire  remonter.  Le  même  jour,  je  fus  obligé 
d'aller  voir  sa  mère  qui  l'avait  accompagnée  à  Paris  et  qui  était 
malade  depuis  plusieurs  jours  d'une  affection  grippale.  Je  me 
suis  trouvé  en  présence  d'une  femme  âgée,  depuis  longtemps 
emphysémateuse  au  plus  haut  degré,  ayant  un  cœur  irrégulier  et 
qui  était  atteinte  de  broncho-pneumonie.  Je  ne  pus  m'empêcher 
de  dire  à  sa  fille  que  j'étais  inquiet  et  qu'il  fallait  prévenir  sa 
famille  d'une  maladie  très  sérieuse.  Claire  fut  très  impressionnée 
de  cette  nouvelle  a  laquelle  elle  ne  s'attendait  pas.  Mais  cette 
secousse  eut  un  effet  inattendu  celui  de  la  transformer  complète- 
ment. Il  ne  fut  plus  question  du  membre  viril  et  des  hosties,  les 
ruminations  et  les  angoisses  disparurent  comme  par  enchante- 
ment; devant  cette  émotion  réelle  l'esprit  retrouva  son  unité  et 
la  volonté  son  énergie.  Ce  fut  évidemment  peu  durable,  mais 
pendant  plusieurs  jours  la  restauration  de  l'esprit  fut  complète 
sous  l'influence  d'une  émotion  grave  et  évidemment  pénible. 

J'ai  recueilli  bien  des  exemples  de  ce  fait  sur  la  même  malade. 
Au  moment  de  la  mort  de  éon  père  elle  a  eu  urne  véritable  guéri- 
son  pendant  trois  mois,  a  J'avais  des  chagrins  réels,  mais  les  cha- 
grins réels  sont  beaucoup  moins  pénibles  que  les  reproches  ima- 
ginaires de  ma  conscience,  j'étais  plus  énergique,  j'avais  plus  de 
volonté,  ce  qui  m'a  étonnée  c'est  que  jamais  je  n'ai  si  bien  dormi, 
calme,  sans  rêves,  sans  cauchemars.  »  Frappé  de  ces  faits,  je  lui 
ai  demandé  de  s'observer  sur  ce  point  et  voici  ce  qu'elle  m'a 
écrit  :  «  Depuis  que  je  suis  malade,  les  émotions  me  font  revenir  ; 
au  commencement  elles  me  faisaient  revenir  tout  à  fait  ou  presque 
tout  à  fait;  quand  elles  étaient  fortes,  je  me  réveillais  comme 
d'un  rêve,  je  me  trouvais  absurde  et  j'espérais  de  nouveau...  Je 
sentais  que  je  m'engourdissais,  que  j'avais  besoin  d'émotion,  le 
calme  me  faisait  peur,  je  cherchais  les  peines,  les  joies,  les  peurs 
pour  me  retrouver  heureuse,  je  faisais  des  efforts  pour  que    ces 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

sent  complètes  et  claires.  Une  foîs  l'idée  d'un  mariage 
;ait  m'a  fait  remonter  tout  d'un  coup,  une  autre  fois 
cheval  emballé  m'a  fait  revenir  à  la  réalité  l'espace 
heures,  mais  le  souvenir  m'en  est  resté  longtemps,  il 
b  et  me  dirigeait  comme  une  lumière  qui  m'indiquait 

suivre...  Plus  j'ai  été,  moins  j'ai  senti  les  vraies 
I  sait  qu'elle  distingue  ainsi   les  émotions  réelles  en 

la  réalité  des  angoisses  pathologiques),  je  trouvais 
s  plus  de  cœur,  que  j'étais  endurcie,  que  je  n'aimais 

avant.  Aussi  j'ai  faim  d'émotions,  même  de  souf- 
ire  maintenant  quand  une  émotion  arrive  à  me  secouer 
remonter  mieux  que  tous  les  raisonnements.  »  H  est 
mfirmer  ces  remarques  :  la  première  visite  qu'elle 
re  à  son  retour,  une  menace  prise  au  sérieux,  une 
te  que  je  lui  fais  ont  des  résultats  remarquables.  Si  je 
faire  pleurer,  ses  obsessions  s'effacent  pendant  une 
jours. 

xactement  les  mêmes  observations  sur  Lise.  Quand 
ifants  malades,  ou  des  ennuis  sérieux,  elle  est  mieux 
ûeurs  jours  ;  sans  la  connaître,  elle  parle  exactement 
re  et  réclame  des  ennuis  pour  la  faire  revenir.  Il  est 
e  temps  en  temps  de  lui  faire  une  scène  et  surtout  de 
»érieusement  de  l'enfermer  comme  aliénée,  «Décidé- 
le,  il  n'y  a  que  la  peur  qui  me  fait  marcher.  » 
lus  de  scrupules  quand  son  mari  est  très  malade.  Ges... 
our  plusieurs  jours  parson  entrée  à  l'hôpital.  Bji..., 

l'idée  d'épouser  son  jardinier,  pour  s'abaisser  car 
indigne  de  tout,  est  momentanément  guérie  quand 
î  <c  l'émotion  m'a  remontée  et  rendue  plus  hardie  ». 
isformé  par  des  reproches  et  même  par  des  peurs, 
la  joie  de  ses  petits  succès,  et  Tr...  s'améliore  quand 
ne   scène   violente.   Enfin   ce  qui   semble   extraordi- 

scrupuleuse  obsédée  par  les  prières  et  par  les 
fait  nauTrage  au  cours  d'une  excursion  maritime, 
ent  elle  n'a  pas  été  troublée  par  cet  accident  très 
e  navire  s'étant  échoué  à  la  côte  pendant  la  nuit, 
est  montrée  très  courageuse  et  elle  s'est  très  bien 
lement  pendant  tout  le  mois  suivant, 
s  citer  beaucoup  d'autres  exemples,  le  fait  me  parait 
t  établi  :  les   émotions,  même  les  émotions  les  plus 


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W^Wf^Sr 


INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENTAL    539 

pénibles,  peuvent  déterminer  chez  ces  malades  des  oscillations 
ascendantes  du  niveau  mental  avec  augmentation  de  la  tension 
psychologique,  retour  des  phénomènes  supérieurs  et  disparition 
des  états  obsédants. 

Ce  fait  est  très  remarquable  parce  qu*il  se  trouve  en  contra- 
diction complète  avec  un  autre  fait  capital  sur  lequel  est  même 
fondée  la  théorie  émotionnelle  c'est  que  les  émotions  sont  le  point 
de  départ  de  la  maladie.  L'émotion,  avons-nous  constaté  cent  fois, 
a  déterminé  la  chute  de  la  tension  et  donné  naissance  aux  senti- 
ments pathologiques  et  aux  obsessions.  Je  constate  cette  contra- 
diction, je  la  regrette  car  je  la  trouve  plus  grave  que  la  contradic- 
tion précédente  à  propos  de  l'attention,  mais  je  ne  crois  pas 
devoir  chercher  à  la  dissimuler.  La  terreur  exagérée  de  la  contra- 
diction est  la  marque  d'un  esprit  de  système,  elle  n'a  pas  de  rai- 
son d'être  dans  de  semblables  études  :  il  est  bien  entendu  que  nos 
hypothèses  sont  tout  h  fait  provisoires  et  qu'elles  ne  donnent 
qu'une  synthèse  approximative  de  ces  phénomènes  encore  si 
mal  connus.  Tout  ce  que  nous  pouvons  leur  demander  c'est  de 
mettre  un  peu  d'ordre  dans  la  classification  de  phénomènes  trop 
nombreux  et  trop  confus,  il  ne  faut  pas  être  surpris  outre  mesure 
si  elles  laissent  subsister  çà  et  là  quelque  incohérence  et  quelque 
contradiction. 

Cette  difficulté  nous  montre  que  l'émotion  est  un  phénomène  in- 
finiment plus  complexe  qu'on  ne  le  suppose  et  dont  les  éléments 
ne  se  présentent  pas  toujours  de  la  même  façon  quand  les  circon- 
stances varient.  Il  y  a  évidemment  dans  l'émotion  deux  groupes  de 
phénomènes  :  i°  des  phénomènes  inférieurs,  évocation  d'images, 
réactions  viscérales  variées,  2°  il  doit  y  avoir  aussi  dans  l'émotion 
des  phénomènes  supérieurs,  spécialisation  de  l'émotion,  adapta- 
tion exacte  de  l'émotion  à  la  situation  réelle  et  actuelle.  Les  émo- 
tions sont  plus  basses  si  la  première  catégorie  de  phénomènes  y 
prédominent,  plus  élevées  dans  le  cas  contraire.  Si  les  émotions 
sont  très  inférieures,  elles  provoquent  une  dérivation  considéra- 
ble et  un  épuisement  à  la  suite  duquel  la  tension  nerveuse  peut 
rester  insuffisante.  Si  au  contraire  les  émotions  sont  surtout  ca- 
ractérisées par  leurs  phénomènes  supérieurs,  si  elles  surviennent 
à  un  moment  favorable  quand  l'esprit  n'a  besoin  que  d'une  exci- 
tation pour  s'élever  à  une  tension  supérieure,  on  peut  s'expliquer 
que  l'effet  d'une  émotion  soit  exactement  inverse  du  précédent. 


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:\rifm 


TIlÉOlllES  PAÏUOGÉNIQUES 

uelques  observations  relatives  à  Wo...,  celte  malade 
mental  est  relevé  par  un  naufrage,  qui  peuvent  non 
p  problème  mais  mettre  sur  la  voie  de  certaines  recher- 
.  J'ai  observé  que  cette  malade,  si  courageuse  en  face 
je,  succombe  devant  de  très  petites  émotions.  Elle  avait 
jiano  et  Tattendait  avec  impatience  :  en  traversant  Taotl- 
11e  est  surprise  de  voir  la  porte  d'entrée  de  Tappartenient 
Inerte  et  de  voir  apporter  son  piano.  C'est  là  une  émo- 
elle  semble  une  émotion  légère  et  plutôt  une  émotion 
thénique.  Cependant,  cette  émotion  bouleverse  complète- 
>rit  de  la  malade  :  Wo...  n'éprouve  pas  la  joie  qu'elle 
h  éprouver,  elle  est  horriblement  agitée.  Il  lui  semble 
pense  pas  librement,  qu'elle  est  dominée,  qu'elle  est 
faire  des  vœux,  des  pactes.  L'agitation  continue,  amène 
5  de  manie  mentale  ;  Wo...  s'interroge,  recherche 
îment  les  pensées  qu'elle  a  eues  en  voyant  entrer  le 
Lir  savoir  si  à  ce  moment  elle  a  fait  des  vœux  et  des 
le  devient  tout  à  fait  malade  pendant  quinze  jours, 
ui  est  singulier  :  une  femme  qui  supporte  très  bien 
d'un  naufrage  au  milieu  de  la  nuit,  tombe  malade 
n  lui  apporte  un  piano  qu'elle  <lésirait!  Sans  prétendre 
les  faits,  voici  les  quelques  remarques  que  j'ai  pu  faire 
.  Quand  le  danger  est  grave  soit  pour  le  sujet  lui- 
r  exemple  dans  le  naufrage  de  Wo...,soit  pour  une 
aimée,  par  exemple  dans  la  maladie  de  la  mère  de 
y  a  un  violent  effort,  déterminé  par  les  tendances 
lei  effort  amène  l'adaptation,  l'émotion  correcte  sans 
ni  mental.  Quand  la  situation  est  insignifiante,  il  n  y  a 
fort  et  l'émotion  prend  le  caractère  inférieur  et  dange- 
e  première  remarque  nous  ramène  aux  études  précéden- 
ifluence  de  l'effort  et  de  l'attention. 
Te  remarque  importante  m'est  suggérée  par  certaines 
[ue  je  retrouve  chez  Lise  et  surtout  chez  Wo...  Ces 
edoutent  surtout  l'émotion  rapide  et  brusque,  elles 
t  que  l'émotion  mette  un  certain  temps  à  se 
r  pour  qu'elles  aient  le  temps  de  s'y  adapter.  «  Je 
tis  été  malade,  répète  Wo...,  si  j'avais  vu  ou  entrevu  par 
la  voiture  qui  apportait  le  piano,  si  j'avais  pu  prévoir 
ait,  si  j'avais  eu  quelques  instants  pour  me  préparer  au 
le  voir  arriver...  C'est  ce  que  je  fais  toujours  avant  toute 


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INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU  MENTAL    541 

émotion,  quand  je  suis  un  peu  prévenue,  je  me  prépare  à  tel  ou 
tel  sentiment,  je  me  dis  :  il  faut  être  calme,  ne  pas  m'embrouiller, 
ne  pas  faire  de  vœu,  penser  uniquement  à  ceci  ou  à  cela...  Dans 
le  naufrage  j'ai  été  réveillée  par  mon  mari  qui  m'a  prévenue  qu*il 
se  passait  quelque  chose.  J'ai  eu  le  temps  de  me  dire  que  c'était 
grave,  qu'il  ne  fallait  pas  perdre  la  tète,  et  quand  je  suis  montée 
sur  le  ponty  j'étais  préparée  et  c'était  moi  la  plus  courageuse.  » 
Tout  cela  est  d'une  analyse  bien  intéressante  :  Ces  malades,  nous 
le  savons,  sont  des  esprits  lents,  il  leur  faut  du  temps  pour  la 
décision,  pour  l'attention,  pour  l'émotion  réelle,  surtout  quand 
l'événement  n'est  pas  très  grave  et  très  excitant  par  les  tendances 
qu'il  réveille.  11  en  résulte  qu'ils  adaptent  beaucoup  moins  bien 
leurs  émotions  aux  événements  insignifiants  et  qu'il  leur  faut  alors 
un  certain  temps  de  préparation  entre  le  signal  et  l'émotion  elle- 
même.  Quand  ce  temps  ne  leur  est  pas  laissé,  l'émotion  se  produit 
d'une  manière  incomplète  avec  prédominance  des  phénomènes 
inférieurs  et  elle  amène  à  sa  suite  une  dépression. 

Telles  sont  les  quelques  remarques  encore  très  incomplètes 
que  l'on  pourrait  faire  pour  expliquer  l'action  si  différente  de 
l'émotion  qui  est,  suivant  les  circonstances,  tantôt  déprimante, 
tantôt  excitante. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  explications  qui  sont  peu  importantes 
et  qui  montrent  simplement  la  complexité  des  émotions  et  notre 
ignorance,  les  malades  connaissent  bien  cet  effet  de  l'émotion  et 
il  en  résulte  chez  eux  une  recherche  de  l'émotion  excitante  qui 
est  un  trait  de  leur  caractère  :  «  Que  voulez-vous,  dit  Gisèle,  je 
suis  toujours  ardente  à  rechercher  ce  qui  m'enthousiasme  ;  j'en 
ai  tant  besoin,  j'éprouve  les  impressions  d'un  cœur  qui  a  faim, 
d'un  cerveau  qui  a  faim,  c'est  un  besoin  intense  de  sensations, 
d'émotions  extraordinaires  et  si  je  me  laisse  aller  à  ce  sentiment 
(un  amour  bizarre)  cela  me  fait  l'impression  du  grignoter  un  peu 
pour  ne  pas  mourir  de  faim.  »  J'ai  rencontré  des  jeunes  femmes  très 
curieuses  sur  ce  point:  Plo...  est  d'ordinaire  assez  calme,  puissous 
l'influence  d'une  fatigue  quelconque,  elle  ressent  un  horribleabaisse- 
ment  avec  dégoût  de  la  vie,  impuissance,  état  de  rêve,  etc.  «  Elle 
devine  que  pour  sortir  de  cet  état  il  lui  faut  une  excitation  émotive. 
Alors  malgré  elle  sa  tète  imagine  les  aventures  les  plus  baroques, 
les  expéditions  les  plus  aventureuses  et  les  plus  contraires  à  la  pu- 
deur commune  et  elle  a  des  tentations  inouïes  de  s'y  lancer  à  corps 


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^■^^ 


INFLUENCES  QUI  DÉTERMINENT  L'ÉLÉVATION  DU  NIVEAU 

vemeats  très  variés  du  biveau  mental.  Certains  malad 
très  facilement  dans  les  deux  sens,  comme  Gisèle  qi 
a  parce  qu^elle  a  regardé  la  figure  de  son  mari»  et  qui  a  es 
parce  qu'elle  a  regardé  la  statue  de  Notre-Dame  des 
D'autres  restent  abaissés  pendant  de  longues  période 
d'une  forte  dépression  et  remontent  lentement  ;  il  en 
grandes  variétés  que  nous  aurons  à  étudier  à  propos  de 

On  voit  d'après  ce  résumé  trop  bref  l'importance  di 
lations  du  niveau  mental  suivant  que  la  tension  psycl 
nerveuse  descend  ou  monte.  Les  oscillations,  que  j'avî 
notées  chez  les  hystériques,  caractérisées  par  l'augn 
la  diminution  de  leur  sensibilité,  de  leur  mémoire, 
lonté,  la  disparition  ou  le  retour  de  leur  suggestibilit 
contractures,  de  leurs  paralysies  n'étaient  qu'un  cas 
d'une  loi  beaucoup  plus  générale  relative  aux  variation 
sion  cérébrale  et  les  psychasthéniques  nous  ont  app 
connaître  la  hiérarchie  de  ces  phénomènes,  l'ordre  i 
parition  et  de  leur  réapparition. 

En  même  temps  l'étude  de  ces  oscillations  si  imp 
semble  apporter  une  confirmation  aux  hypothèses  ps 
ques.  Il  me  semble  bien  difficile  de  rattacher  tous  ces  f 
tivité  quand  on  voit  l'émotion  produire  tant  d'effet 
N'est-il  pas  vraisemblable  que  ces  oscillations  par  les 
qu'elles  déterminent,  par  les  dérivations  qu'elles 
jouent  un  rôle  capital  dans  une  maladie  surtout  caract 
doute,  l'oscillation  et  Tinstabilité. 


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o4i  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 


TROISIÈME  SECTION 


Interprétation  des  symptômes 


Après  avoir  cherché  h  comprendre  cette  notion  a  mon  avis  féconde, 
de  la  hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques,  des  ifariations  de 
la  tension  psychologique  sous  diverses  influences  déprimantes  ou 
excitantes,  il  faut  maintenant  chercher  à  appliquer  ces  idées  aux 
symptômes  de  la  maladie  que  nous  avons  décrits  dans  la  pre- 
mière partie  de  cet  ouvrage.  Pour  interpréter  ces  symptômes,  je 
me  préoccuperai  d*abord  de  leurs  caractères  généreux  tels  qu  ils 
ont  été  résumés  à  la  fin  de  chaque  chapitre.  Puis  j'étudierai  à 
part,  comme  un  dernier  problème,  la  spécialisation  de  ces  symp- 
tômes leur  application  particulière  à  tel  ou  tel  fait.  Ainsi,  je  me 
propose  de  rechercher  d'abord  d'une  manière  générale  pourquoi 
les  sujets  ont  des  sentiments  d'étrangeté  et  des  manies  de  re- 
cherche et  ensuite  pourquoi  ils  appliquent  ces  sentiments  et  ces 
manies  à  un  objet  ou  à  un  acte  déterminé. 


i.  —  Interprétation  des  sentiments  d'incomplétude. 

Le  premier  phénomène  que  nous  ayons  à  considérer  est  consti- 
tué par  les  sentiments  bizarres,  que  nous  avons  appelés  sentiments 
d'incomplétude,  ils  sont  extrêmement  variés  et  nombreux  et  por- 
tent sur  toutes  les  fonctions  de  l'esprit,  ils  se  rattachent  évidem- 
ment aux  insuffisances  réelles  qui  résultent  de  ce  fait  que  l'esprit 
ne  peut  plus  parvenir  aux  opérations  du  premier  degré. 

La  difliculté  qui  est  ici  plus  psychologique  que  clinique  con- 
siste à  savoir  comment  le  sujet  arrive  ii  se  rendre  compte  de 
cette  insuflisance  et  à  la  traduire  par  des  sentiments.  Il  n'est  pas 
probable  qu'il  y  ait  un  fait  de  conscience,  un  sentiment  directe- 
ment en  rapport  avec  le  degré  de  la  force  nerveuse;  du  moins 
jusqu'à  présent  les  sentiments  qu'on  a  voulu  rattacher  à  l'émission 


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INTERPRÉTATION  DES  SENTIMENTS  D'INCOMPLÉTUDE  545 

de  la  force  nerveuse,  h  Teffort  intérieur  n^ont  pas  été  démontrés. 
Mats  je  ne  crois  pa$  cependant  qu'il  faille  tout  de  suite  adopter  la 
thèse  de  M.  James  et  dire  que  nous  ne  sentons  que  le  résultat  physi- 
que de  nos  efforts,  Tinfluence  qu'ils  ont  sur  nos  muscles  et  sur 
nos  viscères.  Nous  sentons  aussi  les  résultats  psychologiques  de 
la  tension  nerveuse,  l'unité  et  la  complexité  de  nos  états  men- 
taux, l'impression  de  réalité,  de  personnalité  présente,  d'unité, 
de  liberté,  etc.  Nous  remarquons  bien  vite  que  ces  idées  et  ces 
sentiments  cessent  de  se  présenter  dans  les  circonstances  où  d'or- 
dinaire ils  survenaient.  C'est  exactement  ce  que  font  nos  ma- 
lades. Quand  Jean  vient  nous  dire  :  u  il  me  semble  que  je  ne 
saisis  pas,  que  je  ne  m'assimile  pas  les  choses  avec  la  force  nor- 
male, »  je  crois  qu'il  fait  simplement  une  observation  psychologi- 
que juste.  Ces  observations  qu'ils  font  eux-mêmes  sur  le  fonc- 
tionnement de  leur  esprit  sont  facilitées  par  la  disposition  que 
nous  leur  avons  reconnue  à  Tintrospection  psychologique. 

Il  y  a  ainsi  trois  grands  phénomènes  qui  jouent  un  rôle  dans 
la  formation  des  sentiments  d'incomplétude  :  i^  La  diminution  de 
la  synthèse  mentale  et  par  conséquent  la  diminution  de  la  systé- 
matisation, de  l'unité  des  éléments  réunis  dans  le  champ  de  la 
conscience.  2^  La  réduction  de  la  complexité  mentale,  du  nombre 
des  éléments,  sensations,  images,  mouvements,  émotions  qui 
remplissent  d'ordinaire  la  conscience  et  qui  nous  donnent  le 
sentiment  de  la  réalité  et  du  présent.  3®  Le  souvenir  de  la  manière 
dont  fonctionnait  autrefois  notre  pensée,  de  son  unité,  de  sa 
richesse,  les  comparaisons  entre  cet  état  passé  et  l'état  pré- 
sent et  les  interprétations  inévitables  qui  se  mêlent  à  ces 
comparaisons. 

i"  Un  certain  nombre  de  sentiments  d'incomplétude  sont  plus 
immédiatement  en  rapport  avec  le  premier  phénomène,  la  dimi- 
nution de  la  synthèse  mentale.  Ce  sont  par  exemple  les  sentiments 
d'incapacité  intellectuelle,  d'obscurité,  d'incoordination,  de  con- 
fusion, et  en  même  temps  les  sentiments  de  la  difficulté  de  l'acte 
volontaire,  de  la  difficulté,  de  l'attention,  de  la  distraction,  de 
l'instabilité. 

Bien  des  sentiments  de  vague,  de  mystère  qui  vont  donner 
naissance  à  des  tendances  mystiques  ou  orienter  le  délire  dans  un 
sens  particulier  dépendent  de  cette  difficulté  qu'éprouve  le  sujet 
à  unifier  ses  pensées,  même  quand  leur  nombre  est  réduit.  Le 
sentiment  de  dédoublement,  de  multiplicité,  qu'il  s'applique  aux 

LEH  OliSE8SIO?(8.  I.   35 


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5  i6  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

choses  ou  quUl  s*applique  à  Tesprit,  prend  aussi  son  point  de  départ 
dans  la  même  faiblesse  de  systématisation. 

Je  serais  disposé  à  croire  que  le  sentiment  si  important  d'auto- 
matisme, d'absence  de  liberté,  de  domination  se  rattache  aux 
précédents.  Notre  sentiment  de  liberté  est  surtout  un  sentiment 
d'unité.  L'accord  s'est  fait  entre  toutes  les  tendances  de  notre 
être,  entre  les  motifs  imposés  du  dehors  et  les  inspirations  de 
notre  caractère  tout  entier.  Faction  qui  se  fait  résume  en  un  seul 
système  tous  nos  phénomènes  psychologiques.  C'est  pourquoi  on 
ne  constate  jamais  de  plus  bedux  sentiments  de  liberté  que  ceux 
des  individus  suggestionnés  dont  le  champ  de  conscience  est 
réduit  sans  doute,  mais  très  unifié  et  rempli  complètement  par 
le  développement  d'une  seule  tendance. 

Chez  les  psychasthéniques  il  n'en  est  pas  ainsi  :  ils  agissent 
ou  ils  parlent,  pressés  par  les  nécessités  de  la  vie  sans  que  Tunité 
ait  été  faite  dans  leur  esprit,  quand  il  y  a  encore  dans  leur 
conscience  des  tendances,  des  habitudes,  des  caractères  en  oppo- 
sition avec  l'acte  qui  s'accomplit.  Ils  ne  parviennent  pas  à  ratta- 
cher davantage  leur  acte  k  toute  leur  personne.  C'est  ce  qui  se 
traduit  par  le  sentiment  d'automatisme,  de  domination,  c'est-à- 
dire  d'action  non  volontaire,  non  personnelle,  c'est  ce  qui  donne 
naissance  à  ce  sentiment  de  révolte  perpétuelle,  au  sentiment 
qu'ils  ne  peuvent  jamais  accepter  une  situation  donnée,  c'est-à-dire 
mettre  d'accord  tout  leur  caractère,  toutes  leurs  tendances  avec 
la  perception  de  cette  situation. 

2®  Si  le  défaut  de  synthèse  complète  joue  ainsi  un  rôle  consi- 
dérable, je  crois  que  le  défaut  de  complexité,  de  richesse  mentale 
a  une  importance  encore  plus  grande,  car  il  intervient  particuliè- 
rement dans  la  perte  du  sentiment  du  réel  et  dans  le  sentiment 
de  l'étrange,  ces  deux  phénomènes  fondamentaux.  M.  Bergson  qui 
fondait,  comme  on  l'a  vu,  le  sens  du  réel  sur  «  la  conscience  d'un 
accompagnement  moteur  bien  réglé  »  interprète  naturellement  le 
sentiment  de  l'irréel  et  de  l'étrange  par  la  perte  de  cette  associa- 
tion entre  la  sensation  et  le  mouvement,  a  Qu'on  lise,  dit-il,  les 
descriptions  données  par  certains  fous  de  leur  maladie  naissante, 
on  verra  qu'ils  éprouvent  souvent  un  sentiment  d'étrangeté  ou, 
comme  ils  disent,  de  «  non-réalité  »  comme  si  les  choses  perçues 
perdaient  pour  eux  de  leur  relief  et  de  leur  solidité.  Si  nos  ana- 
lyses sont  exactes,  le  sentiment  concret  que  nous  avons  de  la 


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INTERPRÉTATION  DES  SENTIMENTS  DINGOMPLÉTUDE  547 

réalité  présente  consisterait  en  effet  dans  la  conscience  que  nous 
prenons  des  mouvements  effectifs  par  lesquels  notre  organisme» 
répond  naturellement  aux  excitations  ;  de  sorte  que  là  où  ces 
relations  se  détendent  ou  se  gâtent  entre  sensations  et  mouve- 
ments, le  sens  du  réel  s'affaiblit  ou  disparait  ^   » 

11  y  a  là  une  grande  part  de  vérité,  les  sujets  qui  ont  le  senti- 
ment de  l'irréel  ont  peu  d'activité,  ils  ont  peu  de  disposition  à  se 
servir  de  l'objet  qu'on  leur  montre.  Mais  leur  sentiment  dépend- 
il  uniquement  de  cette  réduction  du  mouvement  ?  Remarquons 
d'abord  que  chez  eux  l'association  entre  l'objet  perçu  et  le  mou- 
vement n'est  pas  complètement  rompue.  Tout  en  disant  que  l'objet 
est  irréel,  ils  savent  encore  s'en  servir  et  reconnaissent  très  bien 
son  usage  :  je  n'ai  pas  vu  le  sentiment  de  l'irréel  associé  avec 
une  véritable  cécité  psychique  ni  avec  une  véritable  apraxie. 
D'autre  part,  les  malades  atteints  de  cécité  verbale,  ou  même  de 
cécité  psychique,  qui  ont  tout  à  fait  perdu  la  notion  des  mouve- 
ments de  la  parole  en  rapport  avec  le  mot  écrit  ou  des  mou- 
vements de  la  main  en  rapport  avec  la  vue  de  l'objet,  sont 
loin  d'avoir  toujours  en  même  temps  le  sentiment  de  l'irréalité 
de  l'objet.  Le  défaut  de  mouvement  n'est  qu'un  élément  dans 
le  sentiment  de  Tirréel. 

M.  W.  James  semble  disposé  à  dire  que  le  défaut  de  réalité 
dépend  d'une  absence  d'émotion,  d'une  indifférence  en  présence 
de  l'objet  perçu  '.  Cela  est  encore  en  partie  exact,  car  l'indiffé- 
rence de  ces  sujets  est  incontestable,  mais  l'apathie  peut  être 
complète,  chez  quelques  hystériques  par  exemple  sans  que  ce 
sentiment  prenne  naissance  et  d'autre  part  des  émotions  inférieu- 
res comme  l'angoisse  peuvent  accompagner  la  perception  de 
certains  objets  sans  les  rendre  plus  réels. 

M.  Dugas  a  raison  également  de  faire  intervenir  la  diminution 
de  la  synthèse  mentale,  Texagération  de  l'automatisme^.  Mais  ce 
n'est  pas  suffisant,  car  il  est  trop  évident  que  l'irréel  n'est  pas  la 
conséquence  de  tous  les  états  automatiques,  même  les  plus 
complets. 

Il  faut  réunir  toutes  ces  explications  et  dire  que  le  sentiment 
du  réel  et  du  présent  accompagne  un  certain  degré  élevé  d'acti* 


1.  Bergson,  Malihre  et  mémoire ,  1986,  p.  191. 

2.  W.  James,  The  will  lo  believe,  1897,  p.  3a2. 

3.  Dugas,  Revue  philosophique,  1898,  I,  5o6. 


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",  V 


548  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

vite  cérébrale  dans  lequel  les  sensations,  les  images,  les  mouve- 
ments, les  émotions  sont  nombreux,  complexes  et  riches.  Cette 
richesse  mentale  est  toute  relative  et  il  est  probable  qu'un  imbécile 
s'est  contenté  toute  sa  vie  d'une  pensée  peu  complexe  et  peu  riche 
qui  lui  suffit  pour  reconnaître  le  présent  et  le  réel.  Mais  quand 
l'esprit  a  été  accoutumé  à  un  certain  maximum  de  conscience,  il 
a  appelé  réel  ce  maximum  et  il  ne  reconnaît  plus  le  réel  et  le 
présent  quand  il  ne  peut  plus  atteindre  le  même  maximum. 

Les  phénomènes  auxquels  il  parvient  alor^  n'ont  pas  d'analogue 
exact  dans  une  expérience  passée  :  ils  réunissent  des  caractères 
contradictoires,  ils  paraissent  être  extérieurs  et  ils  ne  semblent 
pas  être  réels,  ils  ressemblent  à  des  images  de  la  mémoire  et 
cependant  ils  n'ont  pas  le  caractère  habituel,  connu,  familier 
des  souvenirs,  ils  présentent  le  dédoublement  qui  existe  dans  le 
jeu  et  dans  l'œuvre  d'art  et  cependant  ils  ne  sont  pas  accompa- 
gnés par  le  sentiment  de  liberté  qui  d'ordinaire  caractérise  le 
jeu  et  l'imagination  artistique,  comme  l'avait  bien  remarqué 
Schiller  \  Ces  caractères  plus  ou  moins  bien  analysés  par  le 
malade  font  qu'au  sentiment  de  l'irréel  s'ajoute  le  sentiment  de 
VétrangCy  que  l'on  trouve  presque  toujours  associé  avec  lui. 

Il  est  bien  probable  que  le  sentiment  du  c(  déjà  vu  »  n'est 
qu'un  sentiment  du  même  genre.  M.  Dugas  suppose  que  le  sujet, 
<c  sentant  que  les  impressions  lui  échappent,  les  rattache  à  lui  par 
un  lien  imaginaire;  n'ayant  plus  de  perceptions  il  croit  avoir  des 
souvenirs'».  Le  même  auteur  dit  ailleurs  très  bien  «c'est  un  recul 
dans  le  passé  à  cause  de  la  perte  des  caractères  du  présent,  cela 
parait  fuir  et  devenir  passé  ^  ».  Dans  mes  cours  sur  la  mémoire  j'ai 
essayé  de  montrer  que  tout  état  complexe  implique  une  partie 
d'activité  automatique  et  une  partie  d'activité  de  synthèse,  une 
action  de  ce  que  j'appelle  ici  la  fonction  du  réel  et  du  présent. 
Suivant  que  dans  notre  conscience  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux 
phénomènes  nous  paraît  prédominer,  l'état  est  classé  par  notre 
esprit  parmi  les  faits  passés  ou  parmi  les  faits  présents.  S'il  y  a 
abaissement  de  la  tension  psychologique,  diminution  de  l'activité  de 
synthèse,  de  la  concentration  et  de  la  complexité  présentes,  avec 
conservation,  et,  comme  on  le  verra,  développement  de  l'automa- 


I.  K.  Groos,  Les  jeux  des  animaux,  traduct.,  19Ô2,  p.  338.  (Paris,  F.  Alcan). 
a.  Dugas»  Hevue  philosophique  y  1898»  II,  4a4- 
3.  Id.,  ihid.,  1898,  I,  5oi-5o7. 


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INTERPRÉTATION  DES  SENTIMENTS  DUNCOMPLÉTUDE  549 

tisme,  Tétat  paraîtra  évidemment  passé.  Quant  à  le  reconnaître,  à 
le  localiser  à  une  ou  à  plusieurs  époques  plus  ou  moins  reculées 
du  passé,  ce  sont  des  détails  dus  à  l'interprétation  du  sujet. 

Ces  mêmes  sentiments  d'irréel,  d'étrangeté,  ces  sentiments 
que  le  phénomène  est  par  un  certain  côté  un  phénomène  de 
souvenir  sans  en  avoir  cependant  tous  les  caractères  troublent 
toutes  les  opérations  de  Tesprit,  ils  déterminent  la  gêne,  Tinquié- 
tude,  ils  rendent  Faction  et  l'attention  encore  plus  incomplètes 
qu'elles  n'étaient,  la  perception  encore  plus  insuffisante  ;  ils  se 
compliquent  par  des  sentiments  perpétuels  de  doute,  d'obscurité^ 
de  rêve,  de  découragement,  d'indécision. 

Si  ces  sentiments  sont  éveillés  a  propos  de  la  perception  exté- 
rieure, le  sujet  les  exprimera  à  sa  façon  suivant  sa  puissance  d'ob- 
servation intime  et  suivant  son  éducation  psychologique  et  il 
dira  que  tout  est  «  drôle,  étrange,  nouveau  pour  lui,  qu'il  est 
tombé  dans  un  autre  monde,  qu'il  est  loin  des  choses,  qu'elles 
sont  devenues  petites,  qu'il  est  dans  le  vide,  »  etc. 

Si  ces  sentiments  s'éveillent  à  propos  de  la  perception  per- 
sonnelle, les  malades  répéteront  comme  Pr...  qu'ils  se  sentent 
étranges,  drôles;  c'est  la  remarque  la  plus  simple  que  l'on  puisse 
faire  sur  un  état  semblable.  D'autres  trouvent  qu'ils  sont  faux, 
qu'ils  jouent  la  comédie  (Claire,  Gisèle).  Cela  correspond  assez 
bien  à  la  perte  de  la  fonction  du  réel  qui  est  l'essentiel. 

Le  troisième  fait  qui  joue  un  grand  rôle,  sinon  dans  la  consti- 
tution au  moins  dans  l'expression  des  sentiments  d*incompIétude^ 
c'est  le  souvenir  de  l'état  d'esprit  antérieur  à  la  maladie  ou  de 
l'état  d'esprit  qui  réapparaît  de  temps  en  temps  dans  les  instants 
clairs  dus  aux  oscillations  ascendantes  de  la  tension  nerveuse. 
Les  malades  font  involontairement  une  comparaison  perpétuelle 
entre  leur  état  présent  et  leur  état  antérieur. 

C'est  pourquoi  beaucoup  se  disent  changés,  soutiennent  qu'ils 
sont  devenus  une  autre  personne,  (Xyb...,  Pot...,  To...);  il  me 
semble  qu'ils  n'ont  pas  entièrement  tort,  car  il  est  certain  qu'ils 
ne  sont  plus  ce  qu'ils  étaient.  Enfin,  un  très  grand  nombre  em- 
ploient les  mots  :  «  descendre,  décadence,  »  ou  parlent  de  préci- 
pice :  c(  j'ai  le  sentiment  de  ma  décadence,  dit  Jean,  je  sens 
qu'elle  n'est  pas  de  naissance,  mais  acquise,  j'avais  une  certaine 
vivacité  d'esprit,  tout  cela  a  baissé.  Ce  que  je  voudrais  la 
pleine  possession  de  moi-même,   de  la   mesure  avec  laquelle  je 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

i  ne  puis  plus  supporter  ce  voile,  ce  nuage,  tout  ce  que 
rez  qui  me  sépare  de  la  réalité.  » 
*é  de  plus  et  les  malades  vont  avoir  le  sentiment  qu'ils 
leur  personne,  ou  du  moins  leur  personne  ancienne, 
3nt  plus  eux-mêmes.  Le  sentiment  de  dépersonnalisation 
jtre  chose  qu'une  sorte  de  perception  interne  du  trouble 
ction  du  réel.  C'est  une  forme  du  sentiment  d*étran- 
;omplet,  d'irréel  appliqué  à  la  personne  au  lieu  d'être 
lux  choses.  Le  malade  constate  qu'il  n'agit  plus  que 
ière  automatique,  qu'il  répète  le  passé  et  ne  s*adapte 
ésent,  il  sait  vaguement  qu'être  c'est  agir,  et  que  ne  plus 
mcentrer  ses  pensées,  ses  désirs  dans  une  action  pré- 
t  ne  plus  être  une  personne.  Ces  remarques  se  tradui- 

sentiment  de  non-existence  personnelle,  de  disparition 
onnalité  ancienne. 

as  en  arrive  également  à  dire  que  a  le  processus  de  la 
alisation  c'est  l'apathie,  la  dissolution  de  l'attention, 
\  liberté  de  l'activité  automatique  '  ».  Le  fait  fonda- 
st  l'abaissement  de  la  tension  psychologique  ainsi  que 
lie. 

est  bien  clair  que  toutes  sortes  d'autres  phénomènes 

mêler  avec  ces  sentiments  fondamentaux.  De  Tagita- 
3  manies  que  nous  allons  interpréter  dans  le  paragra- 
t  s'ajoutent  au  sentiment  d'incomplétude  pour  former 
le.  Dans  des  phénomènes  complexes  comme  diverses 
ns  le  besoin  d'être  aimé,  d'être  dirigé,  dans  l'ambition 

n'est  que  l'inquiétude  jamais  satisfaite  du  présent, 
sticisme  qui  est  le  défaut  d'appréhension  du  réel  joint 
aine  agitation  de  l'esprit  et  au  besoin  de  se  repaître 
'es,  l'influence  de  mille  conditions  et  même  Tinter- 
des  troubles  par  le  sujet  lui-même  devient  de  plus  en 
dérabie. 

V^of...,  après  avoir  été  mordue  par  un  chien,  vient  nous 
jis  humiliée  d'avoir  été  mordue,  c'est  comme  si  cette 
n'avait //é^/r/e,  je  ne  suis  plus  comme  les  autres,  je  suis 
nteuse  après  cette  morsure  »,  il  y  a  un  sentiment  très 
très  complexe.  La  vérité  c'est  qu'après  la  morsure,  il  Y 
sèment  de  la  tension  psychologique  et  diminution  des 

Revue  philosophique ,  1898,  I,  5o4. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FO 

fonctions  du  réel.  La  malade  s'est  sentie  ck 
Pourquoi  complîque-t-elle  cette  première  impr< 
morales  de  honte,  de  flétrissure,  d'humiliati 
évidemment  de  la  manière  dont  elle  sent  cet  al 
ignorance  relativement  à  la  faiblesse  mentale 
son  éducation  religieuse  et  morale,  de  ses  \ài 
le  vice  de  la  paresse,  sur  la  honte  de  Tiner 
d'intelligence  du  sujet  joue  ici  un  grand  rôle 
la  forme  de  ces  sentiments. 

Il  faut,  en  effet,  une  certaine  intelligence  p 
lacunes  du  fonctionnement  mental  ;  nous  avof 
cette  remarque,  c'est  que  les  scrupuleux  son 
gcnts.  Il  y  a  h  cela  plusieurs  raisons  :  en  voi 
avec  le  problème  actuel,  un  individu  d'esprit 
de  mémoire  et  peu  de  comparaison,  ne  remarqi 
que  son  esprit  a  perdu  la  fonction  du  réel, 
volonté  libre  ou  moins  d*unité. 

Il  y  aura  chez  lui  simple  abaissement  mental 
sera  plus  remarquée  par  les  autres  que  par 
avons  recueilli  de  très  nombreuses  observatic 
ques  indifférents  h  leur  état.  Au  contraire  un  esp 
pare  son  état  actuel  avec  son  état  passé  et  reman 
Mais  il  les  remarquera  dans  tel  ou  tel  sens  su 
son  éducation  ou  ses  besoins  :  celui  qui  est  pré 
parce  qu'il  doit  gagner  sa  vie,  se  faire  une  carri 
son  indécision  volontaire,  sa  faiblesse  et  il  parle 
domination,  celui  qui  agit  peu  mais  qui  s'intéi 
aux  spectacles,  va  remarquer  davantage  les  ti 
ception  et  dira  qu'il  trouve  tout  étrange.  Le  c 
va  jouer  aussi  un  grand  rôle  et  déterminera  cl 
ments  de  colère  et  de  révolte  et  chez  l'autre  de 
quiétude  et  de  honte.  Déjà  dans  la  formation  d< 
y  a'de  l'interprétation  qui  commence  et  quidir 
lade  dans  un  sens  déterminé. 


2.  —  Interprétation  des  agitation 
En  remontant  la  série  des    phénomènes   ps 


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552  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

nous  avons  analysés  nous  nous  trouvons  maintenant  en  présence 
de  ce  grand  groupe  des  agitations  forcées  qui  contient  les  agita- 
tions motrices  de  diverses  espèces,  les  crises  d'angoisse  et  les 
ruminations  mentales.  C'est  une  partie  essentielle  de  la  maladie  : 
pouvons-nous  chercher  à  la  rattacher  à  nos  théories  psychas- 
théniques  ? 

I .  —  Les  caractères  des  agitations  forcées. 

En  étudiant  les  crises  d'agitation  plus  ou  moins  irrésistible 
nous  sommes  parvenus  aux  conclusions  suivantes  que  je  me  borne 
h  rappeler,  la  démonstration  en  ayant  été  donnée  dans  le  troi- 
sième chapitre. 

Dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  crises  commencent  toujours 
a  l'occasion  d'une  action  volontaire.  C'est  le  début  d'un  acte  ou 
le  désir  d'accomplir  un  acte  qui  amène  des  agitations  et  des 
angoisses.  Tout  un  groupe  de  phobies,  celles  qui  ont  été  dési- 
gnées d'une  façon  assez  défectueuse  sous  le  nom  de  phobies  du 
contact  ne  sont  en  somme  que  des  phobies  d'actes  ;  beaucoup  de 
dysesthésies  également  ne  sont  que  des  phobies  déterminées  par 
les  fonctions,  les  actes  du  corps.  Nous  avions  également  remar- 
qué que  ces  accidents  ont  seulement  pour  point  de  départ  des 
actions  volontaires  que  le  sujet  voulait  accomplir  avec  attentioo. 

Les  agitations,  les  angoisses,  les  ruminations,  comme  nous 
l'avons  vu,  commencent  aussi  dans  d'autres  circonstances,  à  pro- 
pos des  idées  quand  le  sujet  essayait  de  les  examiner  avec 
attention  et  d'arriver  à  leur  égard  à  une  solution  nette,  affirmative 
ou  négative  :  en  un  mot  quand  il  se  proposait  un  problème  de 
croyance  ou  de  certitude. 

Enfin  nous  avions  remarqué  avec  intérêt  comme  un  phénomène 
foi^t  curieux  que  la  recherche  ou  le  désir  d'une  émotion  nette,  en 
rapport  avec  la  situation  présente,  était  bien  souvent  le  début 
d'une  crise. 

Une  deuxième  remarque  nous  avait  montré  que  ces  phénomènes 
initiaux  commencés  par  le  sujet  :  action  volontaire,  attention, 
croyance,  émotion  réelle,  n'aboutissaient  pas.  Dans  les  cas  les 
plus  simples,  ces  phénomènes  n'existaient  en  aucune  manière. 
L'acte  ne  se  faisait  pas,  le  sujet  ne  parvenait  ni  à  la  croyance,  nia 
la  négation,  l'émotion  restait  indistincte  et  ne  parvenait  ni  à  cette 
acuité  de  douleur,  ni  à  cette  fleur  de  plaisir  qui  achève  l'acte. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  55Ï 

DaDS  d'autres  cas  moins  nets,  les  phénomènes  semblaient  se  pro- 
duire au  moins  pour  un  témoin  extérieur,  mais  ils  ne  satisfai- 
saient pas  Fesprit  du  sujet,  ils  lui  semblaient  insuffisants,  impar- 
faits, incomplets  de  toute  manière. 

Ces  sentiments  d'incomplétude  nous  sont  maintenant  connus, 
nous  savons  qu'ils  correspondent  à  quelque  chose  de  vrai.  Le 
phénomène  n'a  pas  été  terminé,  il  n'a  ni  la  complexité,  ni  l'unité,, 
ni  l'adaptation  au  réel  qu'il  devrait  avoir.  Nous  voyons  mainte- 
nant au  début  des  crises  une  manifestation  remarquable  de  cette 
disparition  des  fonctions  psychologiques  supérieures  qui,  à  notre 
avis,  caractérise  la  maladie  tout  entière. 

Troisième  remarque  :  à  l'occasion  de  ces  phénomènes  supérieurs 
qui  ne  s'accomplissent  pas  ou  qui  s'accomplissent  d'une  manière 
insuffisante  se  développe  brusquement  dans  l'esprit  une  tout 
autre  catégorie  d'opérations  :  tantôt  ce  sont  des  mouvements 
variés,  des  tics,  des  efforts,  des  crises  d'agitation  ;  tantôt  ce  sont 
des  troubles  viscéraux,  des  palpitations,  des  suffocations,  des 
angoisses;  tantôt  il  s'agit  d'opérations  intellectuelles  intermi- 
nables et  extrêmement  variées  que  nous  avons  résumées  sous  le 
nom  de  rumination  mentale.  Toutes  ces  opérations  qui  se  substi- 
tuaient ainsi  aux  premières  nous  ont  paru  des  opérations  sans 
portée,  incoordonnées,  vagues  et  puériles,  dignes  d'un  âge  anté- 
rieur et  quelquefois  même  d'une  époque  historique  antérieure, 
en  un  mot,  des  phénomènes  d'un  ordre  plus  élémentaire. 

En  ajoutant  a  cette  observation  sur  le  peu  de  valeur  des  opé- 
rations secondaires  les  études  que  nous  venons  de  faire  sur  la 
hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques,  nous  remarquons 
facilement  que  toutes  ces  opérations  occupent  un  des  rangs  infé- 
rieurs du  tableau  :  les  ruminations  mentales  rentrent  toutes  dans 
ce  groupe  des  opérations  qui  portent  sur  des  images  ou  sur  des 
abstractions,  il  n'occupe  que  le  troisième  rang  bien  au-dessous 
de  la  fonction  du  réel  ou  même  des  opérations  désintéressées, 
les  angoisses  et  les  tics  rentrent  dans  les  quatrièmes  et  cin- 
quièmes groupes,  ceux  des  émotions  et  des  mouvements  inadap- 
tés au  présent. 

En  appliquant  les  notions  auxquelles  nous  sommes  parvenus 
par  l'étude  des  hypothèses  précédentes,  on  peut  donc  dire  en 
résumé  que  dans  ces  crises  le  sujet  a  baissé  de  plusieurs  degrés, 
et  qu'un  groupe  de  phénomènes  inférieurs  s'est  substitué  aux 
phénomènes  supérieurs  qui  ne  pouvaient  plus  s'accomplir. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  555 

déterminée  par  la  suppression  du  phénomène  supérieur  est  dou- 
loureuse et  qu^ils  cherchent  tout  naturellement  même  par  des 
efforts  et  des  agitations  prolongées  à  se  débarrasser  d'une  souf- 
france. 

On  pourrait  aussi  appliquer  à  cette  souffrance  une  remarque 
intéressante  et  juste  faite  par  M.  Dumas,  c'est  que,  dans  certains 
caSy  la  douleur  est  excitante  ^  Le  mélancolique  simplement 
déprimé,  sans  souffrance  morale,  présente  dans  tous  ses  phéno- 
mènes physiologiques  et  psychologiques  un  abaissement  considé- 
rable ;  le  mélancolique  en  apparence  plus  malade,  qui  souffre  et 
qui  délire  se  montre  beaucoup  moins  déprimé.  Il  y  a  chez  le 
second  une  excitation  déterminée  par  la  souffrance  elle-même. 
Dans  ce  cas  voici  comment  on  pourrait  se  représenter  les  choses  : 
le  scrupuleux,  étant  avant  tout  un  psychasthénique  qui  ne  peut 
s'élever  à  la  fonction  du  réel,  a  de  temps  en  temps  à  propos 
d'actes  volontaires  ou  de  croyances  des  insuffisances  psycholo- 
giques. Celles-ci  déterminent  des  sentiments  d'incomplétude  et 
une  douleur  qui  est- excitante,  qui  amène  dans  l'esprit  ou  dans 
les  viscères  tout  ce  travail  considérable  de  la  rumination  ou  de 
l'angoisse. 

Ces  explications  ne  me  paraissent  pas  suffisantes  pour  tous  les 
cas;  il  ne  me  semble  pas  que  l'insuffisance  du  premier  phénomène 
soit  toujours  sentie  assez  douloureusement  pour  déterminer  soit 
d^une  manière  presque  volontaire  soit  d'une  manière  automatique 
toute  l'agitation  consécutive. 

11  faut  compléter  notre  première  hypothèse  sur  Tinsuffisancede 
tension  et  la  suppression  des  phénomènes  supérieurs  par  une 
notion  qui  s'y  rattache  tout  naturellement,  celle  de  la  dérivation. 
Quand  une  force  primitivement  destinée  à  être  dépensée  pour  la 
production  d'un  certain  phénomène  reste  inutilisée  parce  que  ce 
phénomène  est  devenu  impossible,  il  se  produit  des  dérivations 
c'est-à-dire  que  cette  force  se  dépense  en  produisant  d'autres 
phénomènes  non  prévus  et  inutiles. 

Des  allusions  à  des  opérations  de  ce  genre  ont  déjà  souvent 
été  faites  par  les  psychologues.  Cabanis  considérait  déjà  <c  la 
sensibilité  comme  une  espèce  de  fluide,  si  elle  ne  peut  s'écouler 
d'un  côté,  disait-il,  elle  s'écoule  d'un  autre...  Les  travaux  et  les 

I.  G.  Dumas,  La  tristesse  et  la  joie,  1900,  p.  27,  95,  357.  (Paris,  F'.  Alcan). 


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556  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

exercices  du  corps  font  une  diversion  et  la  réflexion  ne  peut  pas 
naître  ^  ». 

Spencer  explique  de  cette  façon  les  expressions  de  la  physio- 
nomie qui  se  produisent  au  cours  de  certaines  émotions.  L'exci- 
tation incomplètement  utilisée  dans  la  production  des  phéno- 
mènes de  conscience  se  dépense  en  déterminant  la  contraction 
de  petits  muscles  peu  résistants^.  Le  rire  est  le  résultat  d'ane 
dérivation  de  la  force  nerveuse  vers  les  muscles  les  plus  faibles 
qui  se  meuvent  le  plus  habituellement.  Cette  dérivation  a  lieu 
parce  que  Témotion  commencée  se  trouve  en  contradiction  avec 
la  situation  donnée  et  qu'elle  ne  peut  pas  continuer  à  se  déve- 
lopper. Il  y  a  un  surplus  d'excitation  qui  doit  s'écouler;  la  dé- 
charge se  produit  par  le  canal  qu'elle  trouve  ouvert  et  produit 
le  rire.  L'irrascibilité,  dit  encore  Spencer,  se  produit  par  suite 
d'une  inactivité  relative  des  éléments  supérieurs,  la  décharge  se 
fait  d'une  manière  soudaine  par  des  plexus  inférieurs  qui  ajustent 
la  conduite  aux  impressions  pénibles'. 

Du  mont  explique  d'une  manière  analogue  les  caractères  de  la 
déception  :  «  Quand  nous  attendons  un  événement,  dit-il,  un 
ensemble  d'idées  et  de  tendances  sont  en  éveil,  la  déception 
supprime  brusquement  leur  emploi,  les  forces  inemployées  se 
dépensent  en  luttes  et  en  tristesses*.  »  Je  crois  que  l'on  pourrait 
compléter  la  remarque  très  juste  de  Dumont  par  une  étude  ana- 
logue sur  les  phénomènes  de  l'attente.  Pendant  l'attente  tout  un 
ensemble  de  forces  est  mis  en  mouvement,  est  préparé,  elles 
trouveront  leur  emploi  quand  le  signal  sera  donné  par  l'événe- 
ment, mais  en  l'attendant  elles  restent  sans  emploi.  On  observe 
alors  toutes  sortes  de  phénomènes  d'agitation  motrice  ou  mentale 
et  même  d'excitation  viscérale  qui  cessent  dès  que  l'attente  est 
terminée.  Voici  un  fait  que  j'ai  observé  bien  souvent  et  que  l'on 
peut  facilement  vérifier.  Des  jeunes  gens  sont  réunis  pour  un 
concours  et  attendent  que  l'on  dicte  le  sujet  de  la  composition. 
L'attente  du  sujet  du  travail  les  tient  dans  une  agitation  extrême: 
ils  ne  peuvent  tenir  en  place,  ils  ont  une  foule  de  pensées,  de 
craintes,  d'angoisses,  ils  ont  des  besoins  fréquents  d'uriner  par 

I.   Cabanis,  Rapports  de  physiqire  et  de  morale  IV,  p.  3i. 

a.  H.  Spencer,  Essais  sur  le  rire.  Cf.  Th.  Ribot,  La  psychologie  anglaise  contem- 
poraine, p.  3o3.  (Paris,  F.  Alcan). 

3.  H.  Spencer,  Principes  de  psychologie,  l,  p.  aôa.  (Paris,  F.  Alcan). 

^.  Dumont,  Théorie  scientifique  de  la  sensibilité^  1877,  p.  i48.  (Paris,  F.  Alcan). 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  557 

contraction  de  la  vessie  et  même  des  crises  de  diarrhée.  Le  sujet 
dicté,  tout  se  calme  ;  car,  le  barrage  étant  levé,  les  forces  prépa- 
rées se  dépensent  librement  dans  le  travail  attendu.  Les  dériva- 
tions sont  ici  très  nettes  et  très  démonstratives. 

M.  Ribot  se  rattache  à  ces  idées  quand  il  dit  <c  que  des  lois  gé- 
nérales président  à  la  répartition  de  Tactivité  nerveuse  dans  les 
différents  points  du  système  nerveux  comme  des  lois  mécaniques 
gouvernent  la  circulation  du  sang  dans  le  système  vasculaire^  ». 

Dans  son  étude  sur  la  puberté,  M.  Marro  donne  plusieurs 
exemples  de  dérivations  de  ce  genre  a  les  premières  manifesta- 
tions de  la  douleur  annoncent  que  la  réaction  psychique  est  en 
défaut,  à  la  réaction  dans  la  vie  de  relation  se  substitue  la  réac- 
tion organique  seule,  qui,  par  la  suite,  pourra  se  résoudre  en 
simples  actions  physiques  ou  chimiques*». 

Mantegazza  en  décrivant  des  sujets  en  proie  au  désespoir  qui 
se  mordent,  s'arrachent  les  cheveux,  se  frappent  la  tête  contre  les 
murs,  suppose  que  l'individu  s'impose  volontairement  ces  souf- 
frances pour  substituer  à  la  douleur  morale  une  douleur  artifi- 
cielle qui  serve  de  dérivatif.  Une  jeune  fille  décrite  par  M.  Tis- 
sié  avait  remarqué  qu'une  vive  douleur  physique  lui  était  néces- 
saire «  pour  dépenser  le  trop-plein  de  la  force  nerveuse»,  elle  s'était 
brûlé  deux  fois  la  poitrine  avec  un  fer  rouge  et  elle  avait  entretenu 
les  plaies  en  cachette  :  «  par  la  douleur  violente,  disait-elle,  elle 
arrivait  à  faire  diffuser  la  trop  grande  puissance  nerveuse^».  En 
un  mot  cette  notion  de  la  dérivation  est  assez  commune  dans  les 
études  psychologiques  :  quand  on  voit  une  femme  sans  enfants 
soigner  avec  dévouement  un  chien  ou  un  perroquet  on  est  tout 
disposé  à  dire  qu'il  s'agit  là  d'une  dérivation  de  l'amour  maternel. 
Je  suis  disposé  à  croire  que  l'on  devrait  faire  un  plus  grand 
usage  de  cette  notion  très  juste  et  très  importante. 

Plusieurs  auteurs  ont  essayé  d'appliquer  cette  notion  de  la 
dérivation  à  la  pathologie  mentale.  M.  H.  Jackson  fait  observer 
que  dans  la  psychiatrie  on  se  préoccupe  d'ordinaire  des  phéno- 
mènes négatifs,  c'est-à-dire  des  opérations  supprimées  par  la 
maladie,  mais  que  l'on  ne  tient  pas  assez  compte  des  phénomènes 

1.  Th.  Ribot,  Les  maladies  de  la  volonté^  p.  19.  (Paris,  F.  Alcan). 

2.  Marro,  La  puberté,  p.  ^18. 

3.  Mantegazza,  Physiologie  de  la  douleur,  p.  219,  cf.  G.  Dumas,  La  tristesse  cl 
la  joie,  p.  339. 

4.  TiBsié,  Revue  scientifique,  1896,  II,  p.  645. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  55» 

tension,    des     images    automatiquement     associées,     des     idées 
abstraites,  des  raisonnements,  etc. 

Ce  qu'il  est  le  plus  important  de  bien  comprendre,  c'est 
Forigine  de  la  dérivation.  Je  ne  puis  admettre  que  Torigine  de  la 
force  qui  va  dériver  provienne  uniquement  de  l'excitation  géni- 
tale inassouvie.  Cela  arrive  sans  doute  dans  certains  cas  et  j'ai 
montré  des  malades  qui  ont  des  crises  de  rumination  parce 
qu'elles  sont  incapables  de  parvenir  à  l'émotion  génitale  complète. 
Mais  nous  avons  observé  le  même  fait  après  des  émotions  artis- 
tiques, des  émotions  de  chagrin,  de  peur,  etc.,  qui  ne  parvenaient 
pas  non  plus  à  leur  terme,  nous  l'avons  vu  également  après  des 
efforts  d'attention  ou  de  croyance,  après  des  tentatives  d'actes, 
surtout  quand  ces  efforts  et  ces  tentatives  n'aboutissaient  pas.  En 
un  mot,  la  dérivation  peut  se  produire  toutes  les  fois  qu'un  phé- 
nomène supérieur  de  haute  tension  a  commencé  à  se  produire,  et 
qu'il  est  arrêté  dans  son  développement  par  cet  abaissement  du 
niveau  mental  qui  rend  impossibles  les  phénomènes  de  haute 
tension. 

Cette  conception  permet  de  résoudre  la  difficulté  qui  nous  avait 
arrêtés  dans  l'interprétation  des  crises  d'agitation  forcée.  Com- 
ment se  fait-il,  demandions-nous,  qu'au  phénomène  initial  sup- 
primé, qui  semblait  un  phénomène  unique  et  assez  petit,  se 
substitue  une  quantité  énorme  d'autres  phénomènes  secondaires 
qui  se  prolongent  pendant  longtemps  ? 

Je  crois  que  l'on  pourrait  répondre  par  un  développement  de 
notre  hypothèse  relative  à  la  hiérarchie  psychologique  et  aux  de- 
grés de  tension  des  phénomènes.  Quand  un  phénomène  psycho- 
logique est  très  supérieur  à  un  autre,  la  tension  qu'il  exige  pour 
se  produire  pourrait  être  suffisante,  si  on  l'employait  autrement, 
pour  produire  cent  fois  le  phénomène  inférieur.  Un  courant  électri- 
que de  iio  Volts  est  nécessaire  pour  allumer  une  lampe  électrique 
et  il  produit  ainsi  une  lumière  qui  ne  nous  paraît  avoir  rien  d'ex- 
cessif. Mais  si  on  appliquait  le  même  courant  k  des  sonnettes,  il  en 
ferait  marcher  des  quantités  et  produirait  un  vacarme.  Si  on  lui 
faisait  traverser  des  fils  métalliques  résistants,  il  les  ferait  rougir 
et  pourrait  déterminer  un  incendie.  Une  quantité  donnée  d'énergie 
calorique  doit  être  portée  à  1800^,  c'est-à-dire  à  un  degré  élevé  de 
tension  pour  fondre  une  quantité  minime  de  platine,  si  cette 
même  quantité  d'énergie  n'arrive  qu'à  la  tension  de  4oo^,  elle  ne 
pourra  plus  fondre  un  milligramme  de  platine,  mais  elle  pourra 


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^60  THÉOHIES  P/ 

facilement  fondre  des  kilogramn 

nés  à  admettre  de  même  que  lu  tension  psychologique  inemployée 
pour  les  phénomènes  supérieurs  qu'elle  ne  peut  plus  produire  se 
•dépense  en  phénomènes  inférieurs,  et  qu'elle  donne  alors  nais- 
sance à  une  véritable  explosion  de  phénomènes  infiniment  oom- 
i)reux  et  puissants,  mais  toujours  inférieurs  dans  la  hiérarchie. 
Eh  bien,  c'est  cette  conception  de  la  dérivation  ainsi  entendue 
<[ue  nous  devons  appliquer  à  l'interprétation  des  crises  d'agita- 
tion motrice,  d'angoisse  ou  de  rumination  mentale.  L'examen  de 
•<[uelques  faits  nouveaux  nous  montrera  que  cette  interprétation 
résume  d'une  manière  commode  un  certain  nombre  de  caractères 
•de  ces  crises. 


3.  —  La  dérwation  dans  les  agitations  et  les  angoisses. 

On  a  déjà  vu  bien  des  exemples  de  la  façon  dont  les  efforts 
d'attention  amenaient  des  agitations  motrices  et  des  tics.  La  timi- 
dité, par  exemple,  c'est-à-dire  l'aboulie  sociale,  l'impuissance 
pour  accomplir  complètement  les  actes  les  plus  complexes  qui 
sont  les  actes  sociaux,  ne  détermine  pas  uniquement  des  phé- 
nomènes émotionnels,  mais  elle  donne  aussi  naissance  à  des 
décharges  motrices.  X...  a  la  figure  parfaitement  calme  quand 
il  est  seul  et  il  parle  correctement  ;  s'il  vient  me  voir  et  s'il  veut 
me  demander  quelque  chose,  il  a  une  agitation  invraisemblable 
de  tout  le  corps  et  particulièrement  de  la  figure  et  il  bégaye 
horriblement.  La  dérivation  est  chez  lui  motrice  et  il  ne  ressent 
pas  d'angoisse,  c'est  en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue  que  M.  Scholz 
a  pu  ranger  la  timidité  dans  Tordre  des  émotions  impulsives  \ 

On  trouvera  des  faits  de  ce  genre  dans  tous  les  tics,  dans  toutes 
les  agitations  motrices  qui  surviennent,  comme  on  l'a  vu,  à  la 
suite  d'un  effort  de  volonté  ou  d'attention.  Une  preuve  intéres- 
sante du  rôle  que  joue  la  dérivation  dans  ces  phénomènes  secon- 
daires, c'est  leur  disparition  quand  on  supprime  Teffort  pour  ac- 
<;omplir  le  phénomène  primaire.  Ho...  a  des  tics  quand  elle  va  à 
l'école  et  fait  attention  ou  essaye  de  faire  attention  à  la  leçon  ; 
elle  a  beaucoup  moins  de  tics  les  jours  de  vacances.  Claire  avait 
des  crises  d'agitation  énorme  avant  chaque  repas  parce  qu'elle 
essayait  de  faire  une  prière  avec  attention  et  avec  foi.    Elle   est 

I.   Scholz,  Revue  de  rhypnotisme,  189a,  p.  7. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  561 

prise  de  découragement  en  voyant  :  «  que  la  lumière  s^éloigne  de 
plus  en  plus  et  que  décidément  elle  ne  peut  plus  prendre  la  pen- 
sée de  prier  ».  Elle  renonce  à  cette  prière  avant  le  repas,  et  elle 
n^a  plus  de  crises  d'agitation  à  ce  moment. 

Il  vaut  mieux  insister  sur  la  formation  de  Tangoisse  qui  a  pris 
dans  ces  études  une  grande  importance.  L*angoisse  comprend^ 
comme  on  Ta  vu,  deux  catégories  de  phénomènes,  des  sentiments 
intellectuels  qui  tous  se  rattachent  au  groupe  des  sentiments 
d'incomplétude,  sentiment  de  décadence,  de  chute,  de  folie,  de 
mort.  Ces  sentiments  sont  en  rapport  avec  rabaissement  vrai  du 
niveau  mental,  c'est  le  sentiment  de  la  psycholepsie  elle-même. 
Ils  accompagnent  l'incapacité  où  est  réellement  le  sujet  d'accom- 
plir les  phénomènes  supérieurs  de  haute  tension.  En  réalité  Tan- 
goissé  n'a  pas  fait  les  actes  ni  les  efforts  d'attention,  il  n'a  pas 
éprouvé  les  émotions  que  commandaient  les  circonstances,  il  en 
était  incapable  et  c^est  cette  incapacité,  en  rapport  avec  tout  un 
abaissement  de  l'esprit  qu'il  sent  d'une  façon  aigué. 

En  deuxième  lieu  l'angoisse  contient  des  sensations  de  troubles 
organiques,  ceux-ci  nous  apparaissent  comme  le  résultat  d'une 
décharge  intéressant  les  appareils  des  fonctions  organiques.  Cette 
décharge  est  en  rapport  avec  une  fuite  du  courant  inutilisé  par  les 
phénomènes  supérieurs. 

Des  fuites  de  ce  genre  sont  nombreuses  :  un  exemple  bien 
frappant  nous  est  donné  par  l'excitation  génitale  et  la  mastur- 
bation. Chez  Fy...,  chez  Claire  et  chez  plusieurs  autres,  l'effort 
pour  vouloir  et  pour  penser  amène  une  masturbation.  C'est  un 
tort,  a  mon  avis,  que  d'accuser  le  sujet  et  de  dire  «  la  mastur- 
bation est  venue  empêcher  son  travail  ».  C'est  là  renverser  les 
termes  :  en  réalité  c'est  parce  que  le  travail  ne  pouvait  pas  se 
faire  que  la  masturbation  se  produit  comme  une  décharge  de 
l'excitation  inutilement  accumulée.  Chez  Rk...,  le  phénomène 
est  bien  plus  saisissant  encore  car  il  n'y  a  aucun  mouvement  que 
l'on  puisse  accuser  d'être  volontaire.  Il  essaye  d'appliquer  son 
esprit  à  un  problème  de  mathématique,  il  lui  semble  qu'il  va 
comprendre,  mais  il  ne  réussit  pas  et  il  fait  un  plus  grand  effort 
d'attention.  A  ce  moment  une  érection  se  produit  sans  aucun  con- 
sentement de  sa  part,  suivie  d'une  éjaculation  :  c'est  ici  une  déri- 
vation viscérale  absolument  pure. 

La  décharge  peut  se  faire  sur  d'autres  organes  d'une  manière 

LES  OB8E88IO?(8.  I.  36 


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THÉO 

On  a  vu  plu 
e  coït  d'une 
'a  des  émotion 

leur    mésaventui'c  .   i«    v^c    uui   m  umucuiic    u  «ivuir    ue» 

rmaux  avec  ma  femme,  me  dit  un  homme  de  3o  ans, 
u  moment  où  le  désir  grandit,  il  me  prend  un  violent 
iner.  Je  ne  puis  y  résister  et  naturellement  tout  est 
^en...  commence  à  être  excitée,  mais  tout  d*un  coup 
ssoin  irrésistible  d'aller  à  la  selle  au  moment  où  elle 
Je  Témotion  complète.  Ici  encore  c'est  renverser  les 
d'expliquer  l'arrêt  du  coït  par  l'excitation  vésicale  ou 

l'impuissance  à  terminer  une  émotion  forte  et  précise 
el,  cette  impuissance  caractérisait  déjà  toute  la  con- 
ilade,  les  dérivations  sont  l'accessoire. 

décharge  se  fait  sur  la  poitrine,  sur  le  diaphragme, 
,  elle  produit  l'angoisse  vulgaire.  On  peut  en  trouver 
;s  intéressants  en  considérant  encore  une  fois  le  fait 
ible  de  la  timidité.  Il  y  a  à  mon  avis  un  malentendu 
prétation  des  phénomènes  de  la  timidité.  On  note 
s,  comme  le  remarque  très  bien  M.  Hartenberg, 
rmation  de  la  conduite  :  le  timide  prend  des  atti- 
ses, il  devient  bourru,  hautain,  agressif  même*,  les 
eux-mêmes  sont  arrêtés,  métamorphosés.  «  J'ai,  dit 
kirtseff,  des  pudeurs  qu'on  ne  s'expliquera  peut-être 

voudrais  pas  qu'on  me  surprît  aimant,  admirant 
ose,  enfin  j'ai  honte  d'être  surprise  manifestant 
it  sincère,  je  ne  puis  m'expliquer  cela.  »  On  attribue 
s  arrêts,  ces  métamorphoses  à  l'émotion  d'intimi- 
les  considère  comme  des  résultats  des  palpitations, 
nents,  etc.  Pourquoi  ne  pas  admettre  que  ces  phé- 
irrèt  psychique   sont  tout  naturels  au   moment  où  le 

devient  infiniment  plus  diflicile  h  cause  de  la  pré- 
émoins.  Avoir  une  émotion  sincère  devant  dix  per- 
in  acte  différent,  bien  plus  difficile  que  celui  d'avoir 
otion  quand  on  est  seul.  U  est  plus  complexe,  demande 
•ande  puissance  de  synthèse,  une  plus  haute  tension 
ue.  Il  suffit  d'admettre  que  l'individu,  pour  une  raison 
[uelconque,  est  déjà  un  psychasthénique,  et  on  com- 

rp,  LfS  timides  el  la  timidité,  p.  89, 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES 

prendra  cfu'il  ne  puisse  pas  parvenir  à  cet  acte,  à  cette  é 
supérieure.  C'est  alors  que  les  diverses  angoisses  intervie 
comme  de  simples  phénomènes  de  dérivation. 

Enfin  nous  retrouverons  ce  mécanisme  de  Tangoisse  d 
accidents  déterminés  par  Teffort  d'attention.  M.  Santé  de  I 
sous  ce  titre  :  <c  un  trouble  spécial  de  l'attention  chez  un  dégé 
fait  la  remarque  suivante  :  ce  Loin  de  rendre  la  perceptio 
distincte,  l'attention  rendait  la  perception  obscure,  confuse 
le  chaos  dans  l'esprit  du  sujet  et  amenait  une  grande  angoi 
Cette  observation  sur  l'effort  d'attention  qui  amène  l'ar 
peut  se  répéter  presque  expérimentalement  sur  une  diza 
nos  malades.  Mais  chez  tous,  on  observera  les  deux  faits  sui 
I*  L'angoisse  ne  se  développe  que  si  l'attention  est  impu 
et  n'arrive  à  constituer  aucune  idée  ni  aucune  croyance;  2 
aidant,  en  encourageant  le  sujet  on  le  pousse  h  dépasser  ce 
si  on  réussit  à  fixer  son  attention,  à  la  rendre  capable  de 
voir  le  réel,  l'angoisse  disparait  :  elle  n'était  qu'une  déri 
en  rapport  avec  l'insuffisance  des  phénomènes  supérieurs. 
Les  émotions  ont  un  effet  analogue  :  Dob...  parle  exact 
comme  Lise,  sauf  qu'il  s'agit  chez  elle  d'excitations  viscéri 
non  de  travail  mental  inférieur  :  «  c'est  toujours  à  propos 
petite  émotion,  dit-elle,  que  l'angoisse  devient  énorme.  Cette 
émotion  devrait  être  le  plaisir  d'une  rencontre,  une  surpris 
frayeur  même.  Mais  non,  mon  émotion  ne  se  développe  pa 
tout  de  suite  j'étouffe,  mon  cœur  bat,  mes  jambes  flageolle 
sens  ma  tête  s'égarer  et  je  suis  prise  par  cette  terreur  de  d 
folle,  qui  est  toujours  suspendue  au-dessus  de  moi  comm 
épée  de  Damoclès.  »  On  répéterait  les  mêmes  observations 
Ul...,  chez  qui  tout  effort  et  toute  émotion  se  transforma 
angoisse  et  chez  beaucoup  d'autres  dont  nous  avons  cil 
exemples. 

J'ai  insisté  sur  cette  interprétation  de  l'angoisse  et  j'ai 
de  nouveaux  exemples  de  ces  transformations  des  phénoi 
psychologiques  supérieurs  en  angoisses  h  tous  ceux  que  j'avai 
cités,  car  je  considère  cette  question  comme  très  intéressai 
psychiatrie.  On  fait  jouer  un  rôle  considérable  h  Vémotwité 
on  ne  parait  pas  se  rendre  bien  compte  de  ce   qu'est  l'émo 


I.  Santé  de  Sanctis,  BoUetino  délia  Soc.  lanciana  degli  Ospedali  di  Ronn 
1897,  p.  a. 


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561  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

Il  ne  faut  pas  se  borner  à  en  faire  une  exagération  de  l'émotion 
normale.  Car  il  en  résulterait  que  les  émotifs  ont  une  supério- 
rité sur  les  individus  bien  équilibrés,  qu^ils  sont  capables  de  plus 
de  finesse  et  de  délicatesse  dans  les  sentiments.  Or  cela  n'est  pas 
exact,  rindividu  considéré  au  point  de  vue  pathologique  comme 
un  émotif  n'a  pas  une  sensibilité  morale  plus  délicate,  il  a  au 
contraire  des  émotions  inférieures  et  plus  grossières.  Ce  qui  le 
caractérise,  c'est  qu'il  est  un  faible,  un  insuflisant,  non  seule- 
ment au  point  de  vue  de  la  volonté  et  de  l'attention  mais  sou- 
vent même  au  point  de  vue  de  la  sensibilité  morale,  de  l'émotion 
elle-même.  L'émotivité  n'est  chez  lui  qu'une  disposition  à  rem- 
placer les  phénomènes  supérieurs  par  de  grossières  excitations 
viscérales. 

4.  —  La  dérwation  dans  la  rumination  mentale. 

Les  mêmes  observations  peuvent  être  faites  ii  propos  de  la 
rumination  mentale  qui  n'est  qu'une  dérivation  vers  des  phéno- 
mènes mentaux  d'ordre  inférieur.  L'essentiel  de  la  rumination 
mentale,  c'est  ce  développement  de  pensées  sans  valeur  réelle, 
sans  rapport  à  l'action,  sans  certitude,  en  relation  avec  le  passé, 
l'avenir  ou  l'imaginaire  et  non  avec  le  présent.  Ces  pensées,  étran- 
gères à  notre  personne,  a  notre  présent,  à  notre  action,  semblent 
n'avoir  aucune  liberté,  être  imposées  du  dehors.  Elles  ont  donc 
tous  les  caractères  des  phénomènes  inférieurs  de  basse  tension. 

Cette  agitation  mentale  qui  remplace  «  l'attention  à  la  vie  » 
me  paraît  d'une  grande  importance  :  son  étude  permettra  de 
comprendre  bien  des  phénomènes  qui  excitent  h  tort  l'admiration. 
On  a  beaucoup  parlé  récemment  de  la  prétendue  excitation  men- 
tale des  mourants ^  de  leur  vue  panoramique  dupasse  et  on  en  a 
cherché  bien  des  explications.  Sans  pouvoir  insister  ici  sur  ce 
point,  je  signale  en  passant  cette  hypothèse  simple  :  cette  pré- 
tendue excitation  ne  survient-elle  pas  au  moment  où  par  le  choc, 
par  l'asphyxie,  la  conscience  est  très  abaissée,  au  moment  où  les 
î^fTorts  réels  pour  se  sauver  sont  impuissants  et  supprimés  et  ne 
3ourrait-elle  pas  être  un  fait  analogue  au  mentisme,  à  la  rumina- 
;ion,  c'est-à-dire  une  dérivation  de  l'activité  mentale  dont  la  ten- 
sion est  abaissée  vers  des  phénomènes  très  inférieurs  ? 

I.  Egger.  Revue  phihsophlgue,  i896.  I,  p.  a8. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORCÉES  Ô65 

C'est  surtout  dans  l'étude  de  no«  malades  que  l'agitation  men- 
die se  présente  comme  une  simple  dérivation.  Nous  le  const^^ 
tons  encore  chez  les  timides:  pourquoi  donc  M.  Hartenberg*  n'ad- 
met-il  pas  de  timidité  intellectuelle?  «  Il  faut,  dit-il,  qu'il  y  ait 
toujours  dans  la  timidité  une  émotion  objective  organique.  »  Ce 
n'est  point  mon  avis  :  Tessentiel  de  la  timidité,  ce  n'est  pas  la  forme 
•de  la  réaction  consécutive  h  la  suppression  de  l'acte,  c'est  l'aboulie 
sociale,  c'est-à-dire  la  suppression  ou  la  réduction  de  l'acte  quand 
il  doit  être  accompli  devant  des  hommes,  et  il  y  a  des  timides  à 
dérivation  intellectuelle.  «  Je  veux  être  bonne,  dit  Nadia,  je  veux 
être  aiçfiable,  être  polie,  et  je  ne  peux  pas.  Je  pense  toujours 
aux  conséquences,  c'est  ce  qui  me  paralyse  :  il  me  prend  des 
envies  de  rêver,  de  me  plaindre  vaguement  du  destin  toujours 
iîontre  moi;  je  me  mets  a  rechercher  si  j'ai  été  polie  la  dernière 
fois  avec  cette  personne.  Et  en  rêvant  à  tout  cela,  je  reste  aujour- 
d'hui devant  elle  sans  rien  dire,  glacée,  paralysée  et  très  impolie.  » 
La  même  personne  joue  très  bien  du  piano  quand  elle  est  seule, 
mais  elle  ne  peut  jouer  devant  quelqu'un  «  parce  que  son  esprit 
€st  distrait  de  la  musique  par  le  souvenir  d'une  foule  de  ser- 
ments et  de  promesses  ».  Mw...  ne  peut  pas  monter  a  bicyclette 
s'il  y  a  quelqu'un  d'étranger  avec  elle  «  parce  qu'elle  est  obligée 
de  faire  des  serments  à  chaque  arbre,  à  chaque  poteau  télégra- 
phique qu'elle  traverse  ».  On  retrouve  dans  ces  paroles  la  même 
interprétation  fausse  déjà  signalée  ;  c'est  l'acte  réel  qui  n'est  pas 
accompli,  dans  sa  plénitude  et  c'est  la  rumination  qui  vient  ensuite 
comme  dérivation. 

Il  en  est  de  même  si  on  examine  les  efforts  d'attention.  Jean  est 
au  travail  et  essaye  de  s'intéresser  à  ce  qu'il  lit,  il  fait  effort,  il  se 
tend  pour  ainsi  dire,  il  est  probable  que  la  tension  de  son  sys- 
tème nerveux  augmente,  il  va  comprendre  et  apprendre  quelque 
chose,  c'est  à  ce  moment  qu'il  se  produit  une  fuite  et  que  les 
•évocations  psychiques,  le  fou  rire  cérébral,  les  conjurations  con- 
tre le  mauvais  sort  se  déchaînent  d'une  manière  irrésistible. 
«  C'est  drôle,  dit  Red...,  depuis  quelque  temps  je  ne  peux 
plus  faire  attention  et  mes  idées  n'ont  aucune  suite.  Je  ne  suis 
tranquille  que  si  je  ne  cherche  pas  à  faire  attention.  A  l'église 
j'essaye  de  prier  avec  attention  et  conGance,  et  voici  que  ma  foi 
s'ébranle.  Je  me  demande  s'il  est  vrai  que  Dieu  voit  tout  ce  que 

I.   Harlcnberg,  Les  timides  et  la  timidité,  p.  i8i. 


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INTERPRÉTATION  DES  AGITATIONS  FORGÉES  567 

il  n'y  a  pas  de  rumination.  Vk«..  ne  peut  agir  que  lentement^  si 
on  veut  la  presser,  elle  n'agit  pas  et  tombe  dans  les  ruminations, 
si  elle  peut  agir  lentement,  elle  fera  Tacte  et  ne  rêvera  pas  du 
tout.  On  a  déjà  vu  que  Wo...  tombe  dans  les  manies  mentales  si 
Témotion  est  subite  et  par  conséquent  incomplète  et  qu'elle  n'y 
tombe  pas  si  elle  a  le  temps  de  préparer  et  par  conséquent  «  de 
réussir  son  émotion  ». 

Enfin,  on  est  souvent  frappé  de  la  facilité  avec  laquelle  un  de 
ces  phénomènes  secondaires  se  transforme  en  un  autre,  tandis 
qu'il  est  impossible  de  les  supprimer  tous  à  la  fois  tant  que  le 
sujet  reste  psychasthénique.  Si  on  empêche  le  sujet  de  ruminer 
ou  s'il  essaye  lui-même  de  ne  plus  s'interroger,  il  tombe  dans 
l'angoisse  comme  s'il  y  avait  là  une  excitation  qui  devait  se 
dépenser  d'une  manière  ou  d'une  autre.  Claire  remarque  elle- 
même  qu'elle  a  «  un  besoin  fou  de  se  tourmenter  par  une  manie 
quelconque,  je  me  demande  quel  tourment  je  pourrai  bien 
prendre,  je  suis  trop  gênée  quand  je  reste  tranquille  ».  Red... 
avait  des  angoisses  et  des  vomissements,  et  c'est  quand  ces  phé- 
nomènes ont  été  supprimés  qu'elle  a  pris  ses  manies  de  ru- 
mination mentale.  L'observation  la  plus  remarquable  à  ce  propos 
à  laquelle  je  renvoie  est  celle  de  Ku...  A  la  suite  d'une  émotion 
elle  tombe  dans  l'état  psychasthénique  avec  aboulie,  troubles 
de  la  perception  du  réel,  apathie,  etc.  Pendant  une  première 
période  de  plusieurs  mois,  elle  est  tourmentée  par  des  inter- 
rogations et  son  esprit  travaille  tout  le  temps,  puis  survient 
une  seconde  période  de  plus  d'un  an  sans  rumination  men- 
tale, mais  avec  des  contorsions  continuelles  et  des  crises 
d'agitation  que  Ton  prend  bien  à  tort  pour  des  crises  d'hystérie. 
Enfin  elle  passe  à  une  troisième  forme  de  la  maladie  quand  elle 
n'a  plus  de  crises  convulsives,  mais  des  troubles  cardiaques,  res- 
piratoires, digestifs,  une  trémulation  continuelle  du  diaphragme 
et  d'horribles  angoisses.  N'est-ce  pas  la  même  maladie  qui  a 
amené  la  dérivation  sous  les  trois  formes  ? 

Je  crois  donc  que  l'on  peut  considérer  ces  crises  d'agitations 
forcées  non  seulement  comme  une  sorte  de  réaction  du  sujet 
contré  la  douleur  produite  par  l'insuffisance  psychologique  du 
début,  mais  comme  une  dérivation  dans  laquelle  se  dépensent  les 
forces  qui  n*ont  pu  être  employées  par  la  volonté,  l'attention  ou 
l'émotion  initiale. 

Ces  crises  sont  donc  vraiment  caractérisées  par  l'abaissement. 


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568  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

(a  chute  de  la  iention  psychologique  qui  constitue  leur  début. 
Non  seulement  cette  chute  de  tension  détermine  !a  lacune  ini- 
tiale si  importante,  mais  elle  amène  encore  tout  le  développe- 
ment irrésistible  consécutif;  elles  méritent  bien  le  nom  de  crises 
de  psycho/epsie. 


3.  —  Interprétation  des  troubles  systématisés. 

Quelle  que  soit  l'importance  qu'on  accorde  à  ces  grands  phéno- 
mènes généraux  qui  remplissent  les  crises  de  psycholepsie,  les 
sentiments  d'iucomplétude,  et  les  agitations  forcées,  il  est  évi- 
dent que  l'interprétation  de  ces  faits  nous  laisse  assez  loin  de 
l'obsédé  et  du  phobique,  tel  qu'il  se  présente  le  plus  couramment 
quand  la  maladie  est  avancée. 

Les  phénomènes  précédents  ont  le  grand  caractère  d'être 
vagues  et  diffus,  ce  sont  des  affaiblissements  de  toute  la  pensée, 
une  faiblesse  générale  de  la  volonté  et  des  sentiments,  des  mou- 
vements exagérés  et  désordonnés,  des  rêveries  continues  et  in- 
nombrables, des  émotions  de  tout  l'organisme.  Or,  en  pratique 
un  très  grand  nombre  de  sujets  protestent  quand  on  interprète 
ainsi  leur  maladie  «  ils  ne  sont  pas,  disent-ils,  incapables  de 
toute  volonté,  ils  savent  agir  dans  beaucoup  de  cas  et  actuelle- 
ment encore  ils  exercent  une  profession  et  dirigent  leur  ménage, 
ils  n'ont  pas  dans  leurs  crises  des  agitations  physiques  ou  morales 
diffuses.  C'est  une  certaine  action  qui  leur  est  devenue  impos- 
sible, un  certain  mouvement  qui  se  transforme  en  tic,  une  cer- 
taine opération  mentale  qui  les  tourmente  par  sa  répétition,  un 
certain  objet  qui  provoque  leurs  angoisses  et  rien  que  lui.  »  En  un 
mot  à  la  forme  diffuse  de  la  maladie  se  surajoute  la  forme  précise 
et  systématique.  Bien  des  auteurs  sentent  parfaitement  que  la 
forme  systématisée  sort  de  la  forme  diffuse.  MM.  Pitres  et 
Régis  ont  beaucoup  insisté  sur  ce  point,  mais  la  plupart  se 
bornent  à  constater  la  transformation  et  cherchent  guère  à  ex- 
pliquer. 

Dans  cette  systématisattion  de  la  maladie  il  y  a  deux  aspects 
et  deux  formes  différentes  à  considérer.  Ce  qui  se  précise 
d'abord  c'est  le  phénomène  primaire,  point  de  départ  de  la  crise 
de   psycholepsie.   Ce  ne   sont  plus  tous  les  actes,  mais  uû  acte 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  569 

déterminé,  qui  est  insuffisant  et  amène  la  dérivation  ;  c'est  une 
certaine  attention,  une  certaine  croyance,  un  sentiment  parti- 
culier qui  s'arrêtent  plutôt  que  les  autres.  Nous  désignerons  ce 
fait  sous  le  nom  de  spécialisation  des  insuffisances  psycholoffiques. 
Ensuite  quand  la  dérivation  commence  elle  prend  une  forme 
déterminée,  une  manie  mentale  particulière  se  substitue  à  la  ru- 
mination générale,  un  tic  à  l'agitation  motrice,  une  phobie  à  l'an- 
goisse diffuse,  c'est  ce  que  nous  ^^^tWevous  la  systématisation  de 
la  dérivation, 

1.  —  La  spécialisation  des  insuffisances  psychologiques. 

Etudions  d'abord  le  premier  fait  :  comment  se  fait-il  quand  la 
volonté,  l'attention,  la  sensibilité  baissent  d^une  manière  géné- 
rale, qu'un  certain  acte  soit  le  seul  à  manifester  cet  abaisse- 
ment? Je  répondrai  d'une  manière  générale  que  c'est  tout 
simplement  parce  que  cet  acte  est  par  nature  ou  qu'il  est  devenu 
par  accident  le  plus  difficile  de  la    vie  du    malade. 

Pour  le  comprendre,  il  faut  se  souvenir  d'une  notion  générale 
aussi  importante  que  celle  de  la  hiérarchie  des  phénomènes,  c'est 
que  toutes  les  actions  ne  présentent  pas  toujours  la  même  diffi- 
culté et  n'exigent  pas  toutes  pour  être  suffisantes  le  même  degré 
de  tension.  L'homme  n'a  pas  besoin  de  dépenser  toujours  son 
maximum  d'effort,  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  atteigne  perpé- 
tuellement les  termes  les  plus  élevés  de  la  hiérarchie  mentale, 
même  quand  il  est  capable  de  le  faire.  Ce  que  nous  avons  dit 
de  l'acte  proprement  volontaire,  de  la  décision,  de  la  croyance, 
du  sentiment  profond  adapté  au  réel  est  vrai  de  certains  actes 
parfaits  et  non  pas  de  tous.  Nous  agissons  très  souvent  sans  avoir 
besoin  de  prendre  à  chaque  instant  des  résolutions  volontaires, 
des  décisions  nouvelles  qui  transforment  notre  vie  ;  nous  pensons 
sans  avoir  besoin  de  choisir  à  chaque  instant  entre  des  croyances 
et  des  négations.  11  en  est  ainsi  même  pour  la  perception  du  réel  : 
il  ne  faudrait  pas  croire  que  ce  travail  considérable,  tel  qu'il  a  été 
décrit,  s'effectue  à  chaque  instant  dès  que  nous  ouvrons  les  yeux. 
Il  se  fait  de  temps  en  temps  et  il  nous  laisse  un  souvenir  suffi- 
sant pour  que  l'impression  de  réalité  subsiste  malgré  une  per- 
ception réduite  à  des  traits  essentiels.  On  l'a  dit  bien  souvent, 
nous  percevons  par  symbole  :  un  signe,  une  image  nous  suffisent 
pour  reconnaître  une  personne  et  il  nous  suffit  de  savoir  vague- 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  571 

des  comme  Nadia,  Cui...,  ne  peuvent  plus  mangera  table,  mais  man- 
gent en  cachette.  On  a  été  très  surpris  de  voir  Vr. . .,  cette  femme  cou- 
chée sur  son  lit  depuis  un  an  à  cause  d'une  prétendue  douleur  à 
Tutérus,  se  lever  en  cachette  et  marcher  dans  sa  chambre  quand  elle 
croyait  qu'on  ne  la  voyait  pas.  Ces  faits  font  toujours  accuser  les 
malades  de  simulation,  ils  me  paraissent  pourtant  bien  simples  : 
jouer  à  Torchestre,  manger  avec  les  autres,  c'est  surmonter  une 
foule  de  gênes,  c'est  négliger  les  sentiments  qu'inspirent  les 
regards  braqués  sur  nous,  c'est  reconnaître  nettement  et  réelle- 
ment que  l'on  s'est  trompé  en  refusant  de  jouer  ou  de  manger 
depuis  six  mois.  Se  lever  de  son  lit  et  marcher  devant  des 
témoins,  c'est  avouer  ouvertement  que  l'on  n'a  aucune  maladie,  que 
l'on  peut  prendre  une  décision  demandée  depuis  longtemps,  c'est 
en  fait  se  résoudre  à  prendre  cette  décision.  Au  contraire,  pour 
jouer  seul,  manger  et  marcher  en  cachette,  on  peut  beaucoup  plus 
rester  dans  l'indécision,  on  se  dit  à  soi-même  quecesquelques  bou- 
chées et  ces  quelques  pas  ne  signifient  pas  grand'chose,  on  les 
accomplit  avec  beaucoup  moins  d'attention  en  leur  donnant  beau- 
coup moins  d'importance,  c'est-à-dire  beaucoup  moins  de  réa- 
lité; c'est  pourquoi  quand  la  tension  psychologique  est  abaissée 
on  peut  encore  faire  l'acte  seul  ou  en  cachette  et  on  ne  peut  plus 
le  faire  devant  des  témoins. 

Parmi  nos  différentes  actions,  celles  qui  sont  aussi  très  diffici- 
les sont  celles  qui  impliquent  l'isolement,  l'abandon  loin  de  nos 
protecteurs  naturels  et  surtout  celles  qui  impliquent  la  lutte 
contre  nos  semblables.  Faire  une  action  au  milieu  d'intimes,  de 
parents  et  d'amis  que  l'on  sait  tout  disposés  à  la  sympathie  et  à 
rindulgence,  en  qui  on  est  certain  de  trouver,  le  cas  échéant,  un 
point  d'appui  est  infiniment  plus  facile  que  de  faire  le  même  acte 
au  milieu  d'indifférents  et  à  plus  forte  raison  au  milieu  de  con- 
currents hostiles.  La  surveillance  de  nous-mêmes,  la  complexité 
de  l'acte,  le  degré  de  tension  est  absolument  différent.  Or,  il  y  a 
à  ce  propos  une  distinction  tout  à  fait  inévitable  dans  la  vie  des 
hommes,  c'est  Topposition  de  la  vie  en  famille,  chez  soi,  dans 
l'appartement  clos  dont  on  connaît  tous  les  coins  et  de  la  vie  au 
dehors,  en  public  dans  la  rue.  Un  individu  très  bien  portant, 
dont  la  force  psychologique  dépasse  de  beaucoup  la  tension  exi- 
gée par  les  actes  difficiles  ne  s'aperçoit  pas  de  cette  différence  : 
marcher  dans  sa  chambre,  fumer  une  cigarette  dans  sa  chambre, 


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^72  THÉOR 

OU  bien  marcher  dans  la  ru 

lument  équivalent;  il  ne  sent  même  pas  qu'il  y  a  un  peu  plus  d'at- 
tention, de  perception  d'objets  nouveaux,  de  surveillance  de  soi- 
même  dans  le  deuxième  acte  que  dans  le  premier.  Mais  nos  débi- 
les vont  le  sentir  tout  de  suite  :  Wya...  ne  peut  plus  fumer  quand 
il  est  dans  la  rue,  quoiqu'il  n'ait  pas  d'obsession  h  ce  sujet,  cela 
le  gêne  tout  simplement.  ï.a  rue  est  en  effet,  depuis  l'origine  de 
l'humanité,  le  lieu,  le  symbole  de  l'isolement  et  de  la  lutte, 
c'est  la  vie  publique  opposée  à  la  vie  privée.  Serons-nous  surpris 
alors  de  voir  que  les  actes,  les  attentions,  les  sentiments  dans  la 
rue  vont  être  le  point  de  départ  de  beaucoup  de  grandes  crises  de 
psycholepsîe. 

Les  uns  vont  être  frappés  par  le  sentiment  de  l'isolemenl: 
c'est  ce  qui  fait  qu'ils  veulent  dans  la  rue  un  soutien  quelconque, 
qu'ils  suivent  un  passant  pour  traverser  les  places,  qu'il  leur  faut 
avec  eux  un  enfant,  un  chien  ou  simplement  un  parapluie.  Les 
autres  vont  avoir  le  sentiment  de  la  lutte  :  c'est  dans  la  rue  qu'on 
les  regarde,  qu'on  les  surveille,  qu'on  les  critique  et  ils  consenti- 
ront à  marcher  la  nuit  et  non  le  jour.  D'autres  encore  auront  le 
sentiment  des  dangers  de  la  rue,  c'est  dans  la  rue  qu'on  est 
exposé  à  toutes  sortes  d'accidents  qui  n'arrivent  pas  chez  soi: 
W...,  Lf...  (92)  par  exemple,  ont  peur  des  voitures,  des  gens  qui 
tombent  du  haut  d'une  échelle,  des  sergents  de  ville  qui  arrê- 
tent si  on  fait  des  sottises,  etc.  Quand  on  observe  le  début  des 
agoraphobies,  on  voit  très  bien  cette  spécialisation  progressive 
des  insuffisances.  Dob...  (86)  est  une  enfant  timide,  qui  avait 
horreur  de  parler  à  quelqu'un:  au  début  c'était  une  timidité 
générale,  une  aboulie  sociale.  Son  premier  accès  est  survenu  a 
l'âge  de  onze  ans  quand  sa  mère  l'a  envoyée  faire  une  commis- 
sion dans  une  boutique:  elle  croyait  s'y  trouver  seule  avec  la 
patronne,  elle  y  a  rencontré  une  autre  cliente,  de  là  «  cette  émo- 
tion qui  lui  a  desséché  le  cerveau,  »  le  sentiment  d'abaissement, 
d'étrangeté,  d'angoisse  morale,  etc.  Plus  tard  l'accident  est  sur- 
venu, quand  elle  croisait  dans  la  rue  une  personne  un  peu  connue; 
et  enfin  il  survient  simplement  par  la  rue  elle-même.  C'est  l'abou- 
lie sociale  qui  est  le  point  de  départ  de  ces  différentes  formes 
d'agoraphobie. 

Si   nous   continuons   cette   étude,   nous   rencontrons   \Mt^  ^^'^ 
extrêmement    difficile     à     tous     les    points    de     vue,    c^^^^t  le 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS 

mariage  et  les  actes  génitaux.  Tout  se  mêle  ici  pour  fa 
phénomène  une  des  actions  les  plus  complexes  :  nouveaut< 
toujours  très  grande  de  la  personne  qu'on  épouse,  compl 
visages  et  des  caractères  d'une  famille  nouvelle,  gravité  de  T 
ses  conséquences,  préoccupation  de  l'avenir,  etc. ,  etc.  Les  p 
lesplus  normales  éprouventàce moment  des  sentiments d 
de  tension.  Est-il  surprenant  que  nos  abouliques  mani 
ce  moment  d'une  manière  remarquable  leur  faiblesse.  Oi 
énumérer  tous  les  cas  où  les  crises  de  folie  du  doute,  d'î 
d'agitation  commencent  avant  ou  après  le  mariage.  On  c 
malade  qui  se  demande  si  sa  fiancée  est  jolie,  si  elle  n'a  pa 
figure  un  trait  dur  auquel  il  ne  pourra  pas  s'habituer, 
fille  qui  a  la  manie  de  s'interroger  pour  savoir  si  elle  ai 
son  fiancé,  ceux  qui  ont  des  terreurs  en  songeant  aux 
de  la  famille,  qui  se  croient  incapables  de  les  remplir, 
craignent  de  n'avoir  aucune  ressource,  les  jeunes  ger 
jeunes  filles  qui  examinent  leurs  organes  génitaux^  qui  le 
insuflisants,  les  impuissants,  les  femmes  à  vaginisme,  et 
toute  une  légion  de  psychasthéniques  qui  spécialisent  le 
fisance  à  l'acte  du  mariage. 

On  ne  sera  pas  surpris  si  je  rapproche  l'acte  gé 
actes  sociaux.  Il  exige  pour  être  normal  la  présent 
autre  personne,  d'une  personne  différente,  il  fait  nj 
gènes  et  des  timidités,  il  est  fortement  émotionnant,  il 
gereux  par  ses  conséquences,  il  est  représenté  comme  i 
c'estassezpour  qu'il  devienne  extrêmement  complexe,  etq 
a  ce  moment  une  forte  tension  vers  le  réel.  Cette  tension  e 
plus  marquée  dans  l'orgasme  vénérien,  l'une  des  pi 
émotions  du  présent. 

Il  en  résulte  que  les  troubles  de  l'acte  génital  v 
innombrables  chez  ces  abouliques  :  la  masturbation  solit 
peut-être  qu'une  première  forme  des  aboulies  sociah 
puissance  à  l'acte  génital  normal,  la  chasteté  excess 
âge  avancé  chez  des  individus  qui  semblent  se  condv 
maternent  est  déjà  quelquefois  un  signe  de  psych 
M.  Guyon  signalait  le  début  tardif  des  rapports  génit; 
tous  les  rateurs.  Nous  ne  serons  pas  surpris  de  voir  se  dé 
toutes  sortes  de  phobies  et  d'algies  par  rapport  aux 
sexuels  associées  avec  un  acte  qui  est  si  souvent  incom] 
hyperesthésies  du  gland  chez  Jean,  la  terreur   des  odei 


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ES  I 

e  des  femmes,  etc.,  tout  ce  groupe  de 
nt  de  départ.  Si  l'acte  s'accomplit  tant 
is  jusqu'à  son  terme  psychologique,  le 
ns  toutes  les  manies  de  perfection  par 
lent  tant  de  femmes  et  qui  amènent 
;ution  contre  le  mari.  Il  y  a  dans  tous 
très  naturelle  de  la  psychasthénie. 

utre  groupe  nous  allons  retrouver  les 
['actions  toutes  différentes,  des  actions 
prenant  bien  entendu  les  attentions  et 
irofession.  Il  y  a  encore  à  ce  point  de 
opinion  commune  des  gens  bien  por- 
sion  est  la  partie  banale,  habituelle, 
lonté  se  dépense  bien  plus  en  dehors  ; 

les  cas  exceptionnels.  L'homme  du 
ixièmes  de  sa  force  dans  sa  profession. 
e  fait  plus  aucune  espèce  d'effort  et  il 
ir  comment  il  n'apprend  plus  rien, 
il  répète  les  mêmes plaisanteriesl>anales 
fient  h  un  véritable  automatisme,  dès 

exigé  par  son  métier.  C'est  dans 
'il  est  actif,  attentif,  qu'il  a  des  émotions 
concurrents,  qu'il  s'adapte  au  présent, 
s  affaiblissements  de  l'esprit  c'estracte 
difficile  pour  la  plupart  des  hommes  et 
premier.  Nous  avons  vu  bien  desabou- 

par  dérivation  des  phobies  profession- 
et  peur  des  ciseaux  chez Nem...  coutu- 

peur    du    rasoir  chez  Pt...,  barbier, 

du  télégraphe  chez  Lch...,  employé 
ns  le  métier  que  nous  avons  vu  les 
e  sorte  professionnelles,  l'aboulie  du 
cillation  chez  Tr...  qui  fabrique  des 
acité  de  tenir  des  comptes  et  la  manie 
î  de  l'argent  chez  Rob...,  caissière; 
ment  des  tics  comme  dérivation  de 
Le  plus  important  de  tous  est  la 
,  homme  de  44  ans,  «  est  dégoûté  de 
•ait  être  riche  pour  ne  rien  faire.  »  Si, 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  575 

par-dessus  le  marché,  il  a  un  ennui  au  bureau,  il  ne  peut  plus  du 
tout  écrire.  An...,  femme  de  35  ans,  n'a  plus  le  courage  de  se 
mettre  à  ses  copies,  «  ce  travail  lui  parait  ridicule  et  honteux  »:  c'est 
l'insuffisance  et  le  sentiment  d'incomplètude.  Elle  s'aperçoit 
qu'elle  ne  peut  plus  tenir  sa  plume  et  qu'elle  a  des  crampes  dans 
la  main  :  c'est  la  dérivation  sous  forme  motrice.  Ajoutons  chez 
Lov...  des  phénomènes  de  timidité  car  il  peut  écrire  quand  il  est 
seul  et  non  quand  il  est  à  la  caisse,  devant  le  public  et  nous  ver- 
rons comment  la  profession  est  dans  bien  cas  la  raison  d'être 
de  cette  spécialisation  des  insuffisances,  simplement  parce  que 
c'est  elle  qui  demande  le  plus  de  tension  psychologique  vers  la 
réalité. 

Aux  phénomènesdu  groupe  précédent  que  l'on  peut  d'ailleurs  faci- 
lement augmenter,  il  faut  joindre  des  actes,  des  attentions  et  des 
sentiments  tout  à  fait  différents.  Leur  difficulté  n'est  pas  natu- 
relle, elle  ne  résulte  pas  d'une  complexité  fondamentale  des  cho- 
ses ;  mais  leur  difficulté  est  en  quelque  sorte  artificielle,  elle  résulte 
du  sujet  lui-même  et  de  la  façon  dont  il  veut  que  cet  acte  soit  opéré. 
Nous  pouvons,  en  effet,  comme  je  l'ai  dit,  accomplir  les  actions  de 
diverses  manières,  soit  d'une  façon  élémentaire  sous  la  forme  des 
actions  désintéressées  et  par  conséquent  avec  peu  de  tension, 
soit  en  faisant  un  effort  pour  les  mener  à  la  perfection  psycho- 
hogique  à  la  fonction  du  réel,  et  par  suite  avec  une  haute  tension. 
Une  opération  qui  esttrès  facile,  accomplie  de  la  première  manière 
peut  devenir  extrêmement  difficile,  si  nous  voulons  absolument 
la  faire  de  la  seconde.  Un  enfant  récite  ses  prières  sans  aucune^' 
difficulté,  il  se  peut  même  qu'en  raison  de  l'éducation,  il  y  joigne 
un  certain  sentiment  religieux  sans  le  chercher  d'ailleurs  ; 
mais  se  représente-t-on  combien  cette  prière  deviendrait  difficile 
s'il  voulait  l'accomplir  avec  un  sentiment  de  foi  complète,  une 
conviction  à  la  fois  raisonnée  et  sentimentale  de  l'existence  de 
Dieu,  de  sa  providence,  etc.  Ce  serait  toute  une  philosophie, 
toute  une  religion,  qu'il  faudrait  condenser  dans  son  esprit  en 
quelques  instants. 

S'il  en  est  ainsi,  on  comprend  que  la  spécialisation  de  l'insuffi- 
sance psychologique  pourra  se  faire  d'une  manière  en  quelque 
sorte  artificielle,  si  pour  une  raison  quelconque  le  sujet  faible  est 
amené  à  vouloir  transformer  un  certain  acte  qui  se  faisait  facile- 
ment   d'une    manière    élémentaire   et    à    vouloir    le    faire    avec 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

maximum  de  perfection  psychologique.  Cela  va  arriver, 
ind  le  sujet  va  être  convaincu  de  l'importance  exceptionnelle 
cet  acte.  Comment  se  fait-il  que  les  trois  quarts  de  nos  ma- 
es  aient  débuté  par  une  crise  de  scrupule  religieux  au  moment 
la  première  communion  ?  Qu'il  y  ait  à  ce  moment  un  affaiblis- 
lent  de  l'organisme  par  la  puberté,  c'est  possible  ;  mais 
irquoi  l'aboulie  ne  se  manifeste-telle  si  souvent  que  par  Tim- 
ssance  à  accomplir  les  actes  religieux  ?  Pourquoi  ces  enfants 
tinuent-ils  à  pouvoir  travailler,  lire,  apprendre,  d'une  manière 
BU  près  convenable,  quand  ils  prétendent  ne  plus  être  capa- 
s  de  suivre  la  messe  ou  de  dire  une  prière  ?  C'est  qu'en 
lité  ils  ont  toujours  très  peu  d'attention,  que,  s'ils  vou- 
nt  bien  le  remarquer,  ils  n'arrivent  ni  à  la  conviction,  ni  au 
timent  du  réel  dans  aucune  opération.  Mais  cela  leur  est  in- 
erent,  ils  ne  remarquent  même  pas  que  leur  perception  est 
iblée,  parcequ'ils  se  contentent  du  souvenir  des  anciens  senti- 
its  de  réalité  qu'ils  avaient  eus  autrefois  ;  Ils  ne  cherchent  le 
timent  actuel  de  confiance,  de  foi,  de  réalité  que  dans  les 
is  religieux,  parce  que  toute  leur  éducation  à  ce  moment-là, 
a  conduits  à  n'accorder  d'importance  qu'à  ces  actes.  Il  en 
ilte  qu'ils  cherchent  au  moment  de  la  prière  et  à  ce  moment 
lement  une  tension  psychologique  qu'ils  ne  peuvent  pas  avoir. 
1  va  en  être  ainsi  toutes  les  fois  que  pour  une  raison  quelconque 
tention  du  sujet  sera  attirée  vers  un  certain  acte,  et  qu'il  cher- 
ra dans  cet  acte  une  perfection  psychologique  qu'il  ne  cherche 

dans  les  autres.  Wo...,  après  avoir  eu  des  scrupules  à  propos 
s  les  prières,  présente  des  crises  de  psycholepsie  à  propos  des 
iptes  de  ménage.  Ces  comptes  sont  d'ailleurs  la  terreur 
bien  des  femmes  (Kl...,  Xyb...,  etc.).  Cest  parce  que  «  elle 
it  de  son  devoir  de  faire  au  moins  cela  de  sérieux  dans  son 
lage,  qu'elle  craint  par   sa  distraction  maladive  de   faire  du 

aux  pauvres  fournisseurs)),  c'est  à  cause  de  cette  attention, 
îlle  a  des  crises  de  quarante-huit  heures  parce  qu'elle  a  peur 
oir  volé  deux  sous  au  Bon  Marché.  Elle  n'arrive  pas  à  la  certi- 
3  dans  les  additions  qui  ont  rapport  à  son  ménage,  pas  plus 
îUe  n'arrivait  à  la  conviction  dans  les  prières, 
fne  foule  de  mères  de  famille  ont  des  phobies  et  des  doutes 
tifs  à  leurs  enfants.  Elles  peuvent  tout  faire  sauf  de  les  soi- 
r  correctement,  c'est  à  ce  moment  qu'elles  se  sentent 
iflisantes  et  qu'elles  ont   des  dérivations.  C'est  que  pour  une 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  577 

jeune  mère  l'acte  de  soigner  un  petit  enfant  ne  se  présente  pas 
comme  une  opération  simple,  elle  y  joint  toutes  sortes  de  pré- 
occupations  imaginaires,  de  rêves  d'avenir,  de  dangers  possibles, 
de  responsabilités,  etc.  L'acte  n'est  pas  simplement  le  fait  de 
baigner  un  enfant,  c'est  un  acte  qui  devient  complexe  comme 
tes  actes  sociaux  par  toutes  les  idées  accessoires  qu'il  faut  coor- 
donner avec  lui.  Il  en  résulte  qu'il  devient  extrêmement  diflS- 
cile,  le  plus  difficile  au  milieu  de  la  vie  simple  de  ces  femmes, 
et  c'est  lui  seul  qui  manifeste  la  faiblesse.  Cette  insuffisance 
spécialisée  amène  comme  dérivation  des  troubles  émotionnels  et 
l'on  dira  trop  souvent  que  l'acte  est  difficile  parce  que  ces  fem- 
mes s'émotionnent.  C'est  le  renversement  des  termes  :  pourquoi 
s'émotionnent-elles  ainsi  sans  raison  toujours  à  propos  du  même 
acte,  s'il  n'y  avait  pas  une  impuissance  fondamentale  pour  un 
acte  devenu  difficile  qui  détermine  cette  dérivation  ? 

On  comprend  que  toutes  sortes  de  circonstances  puissent  ainsi 
attirer  l'attention  sur  certaines  parties  du  corps,  sur  certaines 
fonctions  du  corps  ou  sur  certaines  opérations  mentales.  Chez  un 
psychasthénique  avec  diminution  générale  de  toutes  les  fonctions, 
une  douleur  quelconque  va  attirer  l'attention  sur  un  organe  ou 
sur  une  fonction.  Immédiatement  cette  fonction  deviendra  plus 
difficile,  cessera  de  pouvoir  se  faire  et  ainsi  se  précisera  à  ce 
moment  cette  angoisse  qui  était  flottante.  Un  peu  de  pyrosis 
sera  le  point  de  départ  des  algies  de  l'estomac,  une  douleur 
intestinale  des  algies  du  ventre,  des  phobies  delà  défécation.  Les 
hémorroïdes  jouent  un  rôle  capital  dans  les  algies  de  l'anus.  La 
pharyngite  chronique  fait  naître  la  phobie  du  langage  chez  Bq...: 
une  broncho-pneumonie  donne  les  phobies  de  la  respiration,  une 
migraine  les  algies  de  la  tête,  le  fait  d'avaler  de  travers  ou  simple- 
ment de  voir  avaler  de  travers  va  amener  peu  h  peu  les  phobies  de 
déglutition.  Combien  de  tics  de  la  bouche  sont  dus  uniquement  à 
une  mauvaise  dentition,  et  combien  de  phobies  vésicales  et 
urétrales    sont  en  rapport  avec  une  malheureuse  blennorrhagie. 

Des  circonstances  ^térieures  peuvent  jouer  le  même  rôle, 
Mv...  a  la  phobie  d'être  aveugle  parce  qu'elle  a  vu  jouer  un  musi- 
cien aveugle,  Ot...  prend  la  terreur  des  petits  bruits  parce  qu'il  a 
entendu  sa  belle-mère  croquer  des  dragées. 

11  ne  faut  pas  oublier  que  ces  malades  par  le  fait  de  leur  insuf- 
fisance ont  déjà  un  état  mental  spécial,  et  qu'ils  ont,  comme  on  le 

LES  OBSESSIONS.  I.    —  37 


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578  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

verra,  des  manies  mentales  qui  ne  sont  que  la  systématisation  de 
Tagitation  de  leur  esprit.  Ces  manies  mentales  les  poussent  à 
donner  une  attention  excessive  à  certaines  choses  et  vont  con- 
tribuer à  leur  tour  à  spécialiser  les  actes,  les  croyances  et  les 
sentiments  qui  sont  le  point  de  départ  des  crises.  On  ne  peut 
guère  expliquer  autrement  le  fait  si  général  de  la  micromanie. 
Chez  un  grand  nombre  de  ces  malades  ce  ne  sont  pas  les  grandes 
choses  et  les  graves  actions  qui  déterminent  des  crises,  ce  sont 
les  petits  objets,  les  actes  insignifiants,  les  petites  taches  de 
graisse,  les  bouts  d'allumettes,  les  petits  mots  passés  dans  une 
prière,  les  petites  distractions  à  table.  Cette  spécialisation  de  l'in- 
suffisance à  propos  des  petites  choses  me  paraît  tenir  à  deux 
raisons.  C'est  d'abord  que  les  circonstances  graves  sont  chez  eux 
excitantes  et  relèvent  leur  niveau  mental,  tandis  que  les  petites 
les  laissent  dans  la  dépression.  C'est  aussi  que  leur  manie  delà 
précision  les  pousse  à  attacher  de  l'importance  à  toutes  ces  petites 
actions,  à  chercher  a  leur  propos  une  perfection  et  une  certitude 
qu'ils  sont  incapables  d'atteindre.  C'est  pour  la  même  raison  que 
les  chiffres  exercent  une  attraction  sur  eux,  ils  espèrent  y  trou- 
ver une  certitude  qu'ils  n'ont  pas  ailleurs,  et  leurs  efforts  à  ce 
propos  n'amènent  que  des  crises  nouvelles.  Il  ne  faut  pas  oublier 
leur  manie  d'association  sur  laquelle  j'ai  tant  insisté,  ils  cher- 
chent perpétuellement  les  phénomènes  qui  peuvent  se  rattacher 
à  leur  préoccupation  et  ainsi  ils  rendent  de  nouveau  ces  nouveaux 
phénomènes  plus  difficiles. 

Toutes  ces  études  nous  montrent  donc  que  l'aboulie,  le  défaut  de 
de  croyance,  la  fatigue  de  l'attention,  ne  sont  générales  qu'en 
théorie  ;  en  pratique  elles  se  manifestent  davantage  pour  les  opé- 
rations qui  sont  naturellement  ou  artificiellement  les  plus  diffici- 
les. Il  en  résulte  que  les  insuffisances  psychologiques  se  spéciali- 
sent à  ces  phénomènes  et  amènent  uniquement  à  la  suite  de  ces 
actions  déterminées  tous  les  accidents  qui  ont  été  considérés 
comme  des  dérivations. 

2.  —  La  systématisation  de  la  déris^ation. 

Le  principe  de  la  dérivation  nous  a  expliqué  d'une  manière  gé- 
nérale comment  les  diverses  agitations  de  l'esprit  et  du  corps, 
les  excitations  viscérales  qui  forment  les  angoisses  n'étaient  que 
des  dépenses,  des  dérivations  d'une  force  inemployée  à  cause  de 


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INTERPUÉTATIOX  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  579 

la  suppression  des  phénomènes  supérieurs.  Cela  ne  suffit  pas 
pour  rendre  compte  des  formes  toutes  particulières  que  pren- 
nent dans  chaque  cas   déterminé   ces   dérivations. 

Quelquefois  ces  dérivations  restent  vagues  et  diffuses,  on  a  vu 
la  fuite  des  pensées,  le  mentisme  qui  correspond  à  l'excitation 
diffuse  de  la  pensée,  l'agitation  motrice  indéterminée  et  Tan* 
goisse  diffuse,  mais  le  plus  souvent  des  manies  mentales,  des 
tics,  des  phobies  spéciales  remplacent  ces  agitations  diffuses. 
L'opération  qui  joue  le  rôle  de  dérivation  reste  inférieure,  mais 
elle  prend  une  apparence  systématique  toujours  la  même,  c'est 
ce  que  j'appellerai  la  systématisation  de  la  dérivation. 

Cette  systématisation  me  paraît  se  former  assez  facilement  par 
la  simple  évolution  de  la  maladie,  elle  résulte  de  trois  principes 
généraux  qui  déterminent  la  nature  des  phénomènes  du  psycha- 
sthénique. 

La  première  raison  de  cette  systématisation  me  paraît  être 
simplement  la  prédisposition  individuelle  :  chacun  de  ces  sujets 
réagit  à  la  maladie  d'une  manière  particulière  suivant  sa  nature 
et  son  éducation.  Ainsi  il  m'a  semblé  que  l'on  rencontrait  plus 
d'angoisses  et  de  phobies  chez  les  malades  de  Thôpital  ayant  peu 
d'éducation  intellectuelle  et  que  l'on  rencontrait  plus  de  manies 
mentales  chez  les  malades  de  la  ville  habitués  aux  exercices  de 
l'esprit.  De  même  on  rencontre  plus  de  tics  chez  les  sujets  jeunes 
que  chez  les  sujets  âgés. 

Le  second  principe  est  le  principe  de  l'habitude.  Bail  disait 
autrefois*:  «  La  folie  du  doute  est  essentiellement  caractérisée 
par  une  sorte  de  prurit  cérébral,  que  rien  ne  peut  satisfaire,  la 
répétition  des  mêmes  actes,  des  mêmes  questions  et  des  mêmes 
pensées  tient  h  un  phénomène  organique  qui  ramène  sans  cesse 
les  mêmes  impressions.  »  Cette  réflexion  est  très  juste  et  nous 
aurons  à  l'utiliser  encore  en  parlant  des  obsessions.  L'état  pé- 
nible déterminé  par  l'insufHsance  psychologique  est  toujours  le 
même,  et  chaque  fois  qu'il  se  représente  il  dispose  le  sujet  à  re- 
commencer exactement  les  mêmes  pensées.  Cela  est  d'autant  plus 
vrai  que.  le  psychasthénique,  dans  cet  état,  est  plus  que  jamais 
un  individu  sans  volonté,  incapable  de  modifier  son  état  mental 
et  d'échapper  à  la  tyrannie  des  impressions  qui  ramènent  les 
mêmes  idées.  Précisément  parce  qu'il  est  toujours  très  disposé  à 

I.  Bail,  Revue  seienlifique,  1883,  II,  p.  46. 


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580  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

céder  à  Thabitude  ;  il  y  obéit  plus  que  jamais  dans  les  dérivations 
et  quand  il  a  commencé  une  fois  une  crise  d'une  manière  il  y  a 
bien  des  chances  pour  qu'il  fasse  toutes  les  autres  sur  le  même 
modèle. 

Le  troisième  principe  sera  celui  de  la  meilleure  adaptation 
possible  :  il  est  nécessaire  de  l'expliquer  davantage.  Le  point  de 
départ  de  la  crise  est  une  action  insuffisante  et  cette  adaptation 
incomplète  s'accompagne  de  sentiments  d'incomplétude  extrême- 
ment pénibles.  Il  y  a  là  un  état  d'inquiétude  très  douloureux, 
qui  pousse  le  sujet  à  chercher  par  tous  les  moyens  possibles  à 
en  sortir.  Cette  douleur  ne  nous  a  pas  paru  être  suffisante  pour 
déterminer  à  elle  toute  seule  toute  la  dérivation  ;  mais  TagitatioD 
mentale  et  physique  existant  réellement,  cette  douleur  que  res- 
sent le  sujet  doit  jouer  un  rôle  pour  la  diriger  en  tel  ou  tel 
sens.  Le  sujet  est  mal  à  son  aise  et  en  même  temps  son  esprit  est 
agité,  se  remplit  de  pensées  de  toutes  espèces.  Dans  quel  sens 
vont  se  diriger  ses  pensées  ?  Les  pensées  vont  être  orientées  vers 
la  considération  de  ce  malaise  et  vers  la  recherche  des  moyens 
pour  en  sortir  ;  les  agitations  vont  être  dans  la  mesure  du  possible, 
un  effort  pour  parvenir  à  l'adaptation  complète.  Elles  n'arrivent 
pas  au  résultat  à  cause  de  l'insuffisance  mais  elles  vont  être 
aussi  près  que  possible  de  cette  adaptation. 

Il  en  résulte  que  sauf  dans  les  cas  de  grande  confusion,  les  dé- 
rivations vont  toujours  avoir  un  certain  rapport  avec  le  phéno- 
mène primaire  qui  n'a  pas  pu  être  achevé.  Si  le  point  de  départ 
est  un  acte  insuffisant,  il  y  aura  dans  la  dérivation  des  efforts 
intellectuels  et  physiques  en  rapport  avec  l'acte.  S'il  s'agit  d'une 
idée  sur  laquelle  la  certitude  a  été  impossible  il  y  aura  un  travail 
en  rapport  avec  la  recherche  de  la  certitude,  c'est  là  ce  qui  donne 
naissance  à  des  tics  et  à  des  manies  particulières. 

Le  premier  de  ces  principes  semble  déterminer  d'une  manière 
générale  la  disposition  aux  grandes  catégories  de  réaction.  Il  est 
bien  difficile  d'expliquer  autrement  que  par  des  dispositions  indi- 
viduelles la  manière  dont  un  homme  réagit  à  l'inquiétude,  soit 
par  des  agitations  physiques,  soit  par  des  angoisses  viscérales, 
soit  par  des  ruminations  mentales.  Nous  retrouverons  davantage 
l'application  des  deux  autres  principes  dans  les  formes  particu- 
lières que  prennent  chacune  des  réactions. 

Les  angoisses  présentent  peu  de  systématisation,  les  différences 


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INTERPRÉTATION  DES  TROUBLES  SYSTÉMATISÉS  581 

qu'elles  présentent  tiennent  plutôt  à  la  différence  des  objets  qui 
servent  de  point  de  départ  à  la  crise,  différence  que  nous  avons 
étudiée  sous  le  nom  de  spécialisation  de  l'insuffisance.  Ainsi,  les 
algies  forment  un  groupe  de  phénomènes  assez  distinct,  leur  ca- 
ractère distinctifn^est  pas  dû  hune  modification  deTangoisse  fon- 
damentale, mais  à  l'association  de  cette  angoisse  avec  les  sensa- 
tions provenant  d'une  partie  déterminée  du  corps.  Il  en  résulte 
que  les  algies  sont  ou  peuvent  être  plus  continues  que  les  autres 
phobies  puisque  leur  cause  est  toujours  présente.  On  peut  dire 
aussi  que  cette  intervention  d'une  partie  du  corps  détermine 
quelque  modi6cation  du  phénomène  :  les  angoisses  liées  avec  des 
sensations  cutanées  comme  dans  les  diverses  dermatophobies 
contiennent  plutôt  du  prurit,  celles  qui  sont  liées  avec  les  sen- 
sations fournies  par  la  poitrine  ou  par  le  cœur  donnent  une  place 
plus  importante  aux  étouffements,  celles  qui  sont  en  rapport  avec 
les  organes  sexuels  renferment  souvent  des  sensations  spéciales 
d'excitation,  comme  on  l'a  vu,  dans  la  maladie  de  Jean.  La  systé- 
matisation ici  se  rapproche  beaucoup  de  la  spécialisation. 

Dans  les  diverses  phobies  intervient  aussi  beaucoup  la  pensée 
de  l'acte  qui  sert  de  point  de  départ.  Quelquefois  il  y  a  au  début 
un  sentiment  particulier  d'incomplétude  qui  donne  à  l'angoisse 
une  nuance  spéciale,  les  agoraphobes  ont  souvent  avec  leurs  an- 
goisses le  sentiment  d'être  isolés,  d*être  absolument  seuls  au 
monde,  d'être  en  dehors  de  l'univers  (Cas...).  D'autres  sentiments 
d'humiliation  (Vof...),  de  crainte,  de  colère,  peuvent  modifier 
l'angoisse  fondamentale.  Je  remarque  en  effet  que  chez  quelques 
personnes  comme  Cos. ..  (177),  femme  de  txk  ans  et  Vod...,  proba- 
blement à  cause  d'un  caractère  irritable  antérieur,  l'angoisse  donne 
au  sujet  l'impression  qu'il  est  en  colère.  Ce  fait  est  loin  d'être  in- 
signifiant à  cause  des  obsessions  que  le  sujet  ne  va  pas  tarder  à  en 
tirer. 

Enfin  dans  certains  cas,  le  malade  prétend  éprouver  une  émo- 
tion tout  à  fait  spéciale.  Nous  avons  vu  la  description  singulière  de 
ce  que  Lae...  appelle  a  l'émotion  du  chien  enragé  »,  émotion  qui 
vient  remplacer  tous  les  sentiments  en  rapport  avec  la  réalité. 
L'analyse  de  cette  émotion  du  chien  enragé  nous  montre  cepen- 
dant les  mêmes  troubles  de  la  respiration  et  du  cœur  a  une  cris- 
pation des  nerfs,  un  petit  tournoiement  du  ventre  et  le  sentiment 
qu'un  chien  lèche  le  bout  des  doigts».  Il  n'y  a  guère  en  réalité 
que  cette   dernière  sensation  qui   soit   bien   spéciale.   C'est  une 


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INTERPRÉTATION  DE  L*IDÉE  OBSÉDANTE  583 

il  arrive  très  souvent  que  les  premières  crises  établissent  d'une 
manière  à  peu  près  définitive  la  forme  des  manies  et  que  plus  tard 
les  crises  nouvelles,  même  déterminées  dans  d'autres  conditions, 
conservent  sous  Tinfluence  de  Thabitude  la  forme  des  premières. 

Les  tics  sont  des  dérivations  motrices  systématisées,  ce  sont 
de  petits  mouvements  qui  reproduisent  en  les  réduisant  certains 
actes.  La  raison  principale  de  cette  systématisation  me  parait  être 
dans  les  manies  mentales  précédentes  qui  accompagnent  toujours 
au  moins  en  germe  le  développement  des  tics.  Le  premier  groupe, 
le  plus  simple,  est  celui  des  efforts,  ce  sont  des  crises  de  grande 
agitation  qui  ne  sont  que  légèrement  systématisées  par  une  idée 
directrice,  celle  de  faire  un  effort.  On  voit  là  ce  travail  pour  par- 
venir à  l'adaptation  sur  lequel  j'ai  insisté.  Nous  trouvons  ensuite 
les  tics  de  perfectionnement  qui  sont  tous  inspirés  par  les  manies 
de  précision,  comme  on  le  voit  dans  les  tics  de  setâter,  de  se  tou- 
cher le  corps,  de  remuer  les  yeux  pour  savoir  s'ils  sont  égarés 
(Ul...),  de  secouer  la  tête  pour  savoir  si  on  y  a  du  mal. 

D'autres  sont  en  rapport  avec  la  manie  du  Symbole  «  fermer  le 
poing  c'est  comme  si  je  disais  :  je  ne  crois  pas  en  Dieu  »  (Lod...), 
«  se  gratter  le  nez,  c'est  comme  si  on  se  laissait  aller  au  plaisir 
génital  »  (Jean).  Un  très  grand  nombre  de  tics  sont  en  rapport 
avec  la  manie  des  procédés  comme  les  éructations  de  Rai.,  qui 
veut  ainsi  mieux  respirer. 

Nous  avons  vu  ensuite  les  tics  de  défense,  les  mouvements  pour 
repousser,  le  petit  «  hem,  hem  »,  pour  cracher  une  épingle  de  la 
gorge,  l'écartement  des  jambes  de  Jean  pour  lutter  contre  la 
masturbation,  les  manies  de  compensation  et  de  réparation  y 
jouent  un  grand  rôle. 

On  pourra  facilement  appliquer  ces  quelques  principes  à  la 
description  des  nombreuses  manies  et  des  tics  que  nous  avons 
cités.  On  verra  toujours  comment  l'effort  du  sujet,  pour  échapper 
aux  sentiments  d'incomplétude,  se  combine  avec  la  situation  don- 
née  pour  former  cette  systématisation. 


4.  —  L'interprétation  de  Vidée  obsédante. 
Pour  terminer  l'étude   de  ces   théories  pathogéniques,    il  ne 


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bU  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

nous  reste  plus  qu'un  dernier  problème,  c'est  celui  de  l'idée 
même  qui  est  obsédante,  du  contenu  de  l'obsession  proprement 
dite.  Ce  n'est  plus  une  opération  mentale  qui  se  répète,  une  agi- 
tation motrice  ou  viscérale,  c'est  une  idée  bien  déterminée,  repré- 
sentant dans  Tesprit  du  sujet  un  objet  ou  un  fait  déterminé. 
Comment  les  malades  en  arrivent-ils  a  concevoir  cette  idée  dé- 
terminée et  comment  prend-elle  dans  leur  esprit  les  caractères  qui 
en  font  une  obsession  psychasthénique. 

I.  —  L'origine  endogène  du  contenu  des  idées  obsédantes. 

Les  théories  intellectuelles  et  émotionnelles  étaient  disposées  à 
rattacher  le  contenu  de  ces  idées  obsédantes  h  une  action  du 
monde  extérieur  sur  le  sujet,  à  les  considérer   comme  exogènes. 

Il  me  semble  que  ces  obsessioixs  ne  présentent  pas  une  diversité 
&u(Gsante  pour  que  Ton  puisse  les  rapporter  aux  événements  exté- 
rieurs qui  ont  pu  de  bien  des  manières  émotionner  les  sujets. 
Au  fond  toutes  ces  idées  se  ramènent  h  un  petit  nombre  d'ob- 
sessions fondamentales  que  j'ai  essayé  d'énumérer  au  début  sous 
ces  titres:  obsessions  de  sacrilège,  de  crime,  de  honte  de  soi,  de 
honte  du  corps,  de  maladie.  Ces  obsessions  fondamentales  con- 
tiennent toutes  des  pensées  relatives  à  la  personne,  aux  actes, 
aux  idées,  au  corps,  plutôt  que  la  représentation  d'objets  et  d'évé- 
nements extérieurs.  11  n'en  est  pas  du  tout  de  même  chez  les  in- 
dividus qui,  comme  les  hystériques,  ont  des  idées  obsédantes 
venant  du  dehors,  en  rapport  avec  des  suggestions  ou  des  causes 
émotionnantes.  Là  ce  sont  les  objets  et  les  événements  qui  pré- 
dominent, obsession  de  l'incendie,  de  l'amant,  de  la  figure  du 
père  ou  de  la  mère,  du  rat  dans  la  cuisine,  du  voleur,  etc.  Il  y  a 
là  une  différence  dans  le  contenu  qui  me  paraît  fort  appréciable. 

Les  obsessions  des  psychasthéniques  ont  aussi  dans  leur  con- 
tenu certains  caractères  généraux  fort  remarquables  :  ce  sont  des 
pensées  de  critique,  des  appréciations  mauvaises  sur  les  actes  et 
les  idées,  et  en  outre  des  pensées  extrêmes.  Le  crime  auquel 
l'obsédé  pense  est  toujours  le  crime  extrême  pour  lui,  étant 
donnés  son  sexe,  son  âge,  sa  condition.  Cela  n'existe  guère  dans 
les  idées  suggérées  par  les  spectacles  extérieurs  et  cela  ne  s  ex- 
plique pas  par  le  hasard  des  circonstances  émotionnelles. 

Je  suis  donc  disposé  à  croire  que  les  obsessions  psychasthéniques 
sortent  bien  plus  qu'on  ne  le  croit  du   fond  même  du  sujet,  qu^ 


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INTERPRÉTATION  DE  L'IDÉE  OBSÉDANTE  58i> 

l*on  peut  les  considérer  comme  endogènes,  par  opposition  aux 
idées  exogènes  qui  sont  déterminées  par  le  mécanisme  de  la  sug- 
gestion. Cette  conception  est  déjà  indiquée  par  les  auteurs  qui 
font  sortir  Tobsession  intellectuelle  de  la  phobie,  mais  je  pense 
qu'il  faut  aller  plus  loin  et  admettre  que  les  obsessions,,  comme 
les  phobies  elles-mêmes,  prennent  leurs  points  de  départ  dans  des 
phénomènes  pathologiques  plus  profonds  qui  sont  surtout  les  sen- 
timents  d'incomplétude  et  les  insuffisances  psychologiques. 

2.  — L'influence  des  sentiments  d'incomplétude  sur  le  contenu 
des  idées  obsédantes. 

L'obsession  est  le  résultat  d'un  travail  intellectuel  qui  s'opère 
pendant  les  crises  de  psycholepsie  et  qui  remplit  surtout  les  ru- 
minations mentales.  Le  besoin  de  précision,  d'explication,  de 
symbole,  conduit  les  malades  à  interpréter  eux-mêmes  leur  propre 
état  mental  et  à  découvrir  une  explication,  une  véritable  théorie 
de  leur  transformation.  L'idée  obsédante  est  une  interprétation 
des  troubles  psychologiques  élémentaires,  interprétation  faite 
suivant  les  lois  des  manies  mentales. 

Les  troubles  des  psychasthéniques  qui  peuvent  engendrer  des 
obsessions  sont,  à  mon  avis,  très  nombreux  et  ne  se  limitent 
point  aux  seuls  troubles  émotifs.  Dès  le  début,  l'abaissement  de 
la  tension  psychologique,  en  diminuant  l'action  et  la  perception 
du  réel,  favorise  la  méditation  ;  il  donne  aux  malades  une  ten- 
dance à  préférer  l'idéal  au  réeL  à  aimer  le  mystérieux,  le  vague, 
à  se  tourner  vers  les  choses  mystiques. 

LHnsuffisance  a-t-elle  donné  naissance  à  des  dérivations  men- 
tales, chacune  de  ces  manies  qui  constituent  la  rumination,  est 
une  grande  source  d'idées.  Les  manies  d'interrogation  perpé- 
tuelle amènent  à  concevoir  l'idée  de  mystère,  de  tromperie  : 
Hg...  (119)  après  avoir  pendant  des  mois  été  tourmentée  par 
des  interrogations  ;  «  qu'y  a-t-il  derrière  ce  mur,  d'où  le  mari 
vient-il,  à  qui  a-t-il  parlé  ?  »  devient  obsédée  par  l'idée  que  le  mari 
lui  cache  quelque  chose  et  qu'il  la  trompe. 

La  manie  du  symbole  qui  n'est  qu'une  manie  de  précision  exa- 
gérée est  l'origine  d'un  très  grand  nombre  de  ces  pensées.  Les 
idées  sacrilèges  sont  évidemment  dans  ce  cas  :  Claire  est  avant 
tout  une  psychasthénique,  avec  sentiment  d'incomplétude,  toutes 
nos  études  sur  ses  oscillations  l'ont  bien  démontré.  Elle  a  d'abord, 


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INTERPRÉTATION  DE  L'IDÉE  OBSÉDANTE  587 

tentement  de  la  conduite.  II  est  trop  évident  que  les  sentiments 
d*humilité,  de  honte  sont  le  point  de  départ  des  obsessions  de  la 
honte  de  soi  et  de  la  honte  de  corps. 

Les  idées  criminelles  ont  la  même  origine.  Dob...,  dans  un 
wagon  de  chemin  de  fer,  se  sent  si  peu  maîtresse  de  sa  volonté 
qu'elle  se  demande  si  sa  main  ne  va  pas  malgré  elle  ouvrir  la 
portière.  De  là  à  penser  que  Ton  est  capable  de  commettre  un 
crime  il  n'y  a  qu'un  pas.  Bien  souvent  les  malades  qui  prétendent 
être  poussés  à  Thoraicide  ou  au  suicide  expriment  simplement 
par  là  le  sentiment  qu'ils  ont  de  leur  faiblesse  de  volonté.  Bien 
entendu  la  manie  du  contraste  joue  un  rôle  et  les  crimes  inventés 
sont  ceux  qui  sont  les  plus  dangereux  dans  la  situation  du  malade; 
la  caissière  a  des  impulsions  à  voler,  le  musicien  «  à  faire  exprès 
des  fausses  notes  à  l'orchestre  de  l'Opéra  ». 

Très  souvent  le  malade  se  rend  compte  que  ce  crime  n'est  pas 
présent  et  par  les  manies  de  remémoration,  de  recherches  dans  le 
passé,  il  les  transforme  en  remords.  Il  cherche  avec  une  ardeur 
incroyable  où  et  comment  il  a  bien  pu  tuer  quelqu'un,  il  y  a 
quinze  jours,  ou  bien  il  invente  tout  un  délire  rétrospectif  dans 
lequel  ses  maîtres  auraient  abusé  de  lui  à  l'école  primaire. 
Rk...  va  plus  loin  encore  et  il  cherche  si  à  Tâge  de  quatre  ans, 
quand  il  venait  avec  sa  petite  sœur  de  un  au  moins  âgée  dans  le 
lit  de  son  père,  il  n'a  pas  attenté  à  la  pudeur  de  celle-ci. 
Déjà  dans  ces  cas  l'obsession  s'éloigne  un  peu  du  sentiment 
initial,  mais  ce  n'est  qu'une  apparence.  Quand  Kl...  est  obsédé 
par  la  pensée  que  son  enfant  n'est  pas  de  son  mari,  il  est  évi- 
dent qu'elle  dissimule  un  remords  génital,  c'est  comme  si  elle  se 
.  demandait  si  elle  a  trompé  son  mari,  et  cette  question  qu'elle  ne 
précise  pas  dans  son  esprit  résulte  du  sentiment  qu'elle  a  de  ne 
plus  être  maîtresse  de  sa  volonté. 

Les  sentiments  d'incomplétude  intellectuelle  qui  sont  si  nom- 
breux et  si  intéressants  deviennent  le  point  de  départ  d'une  foule 
d'obsessions  qui  semblent  tout  à  fait  incompréhensibles  si  on  ne  se 
reporte  pas  à  ce  début  ;  je  n'en  signalerai  que  quelques  exemples. 
Hm...  (i35),  femme  de  21  ans,  qui  vient  d'accoucher  il  y  a  trois 
mois,  est  obsédée  par  la  pensée  que  son  enfant  est  un  monstre; 
quand  elle  le  voit,  elle  constate  qu'il  est  normal,  mais,  dès  qu'elle 
le  quitte  des  yeux,  elle  pense  qu'il  présente  les  difformités  les  plus 
extraordinaires.  Fatiguée  par  la  grossesse,  elle  a  eu  des  troubles 


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INTERPRÉTATION  DE  L  IDÉE  OBSÉDANTE  580 

extérieure  joint  au  sentiment  de  dépersonnalisation  va  faire  naître 
l'obsession  si  remarquable  de  Btu../«  Je  suis  morte,  je  suis 
enterrée  dans  un  tombeau  tout  noir,  d'un  noir  d'encre.  » 

D'autres  formes  particulières  des  sentiments  d'incomplétude 
vont  simplement  se  transformer  en  idée,  en  obsession  correspon- 
dante. Le  sentiment  de  dépersonnalisation,  passager,  variable,  in- 
complet, va  faire  naître  une  idée  nette,  abstraite,  «  que  la  personna- 
lité est  toujours  perdue,  que  le  moi  est  supprimé  ou  transformé  ». 
Le  sentiment  passager  de  «  déjà-vu  »  va  donner  dans  le  cas  de 
M.  Arnaud  l'obsession  précise  et  perpétuelle  «  du  déjà-vu  il  y 
a  un  an  ».  «  La  continuité  de  l'illusion,  dit  très  bien  M.  Ar- 
naud, n'est  qu'apparente,  elle  est  le  résultat  d'une  sorte  d'entraî- 
nement, d'une  habitude  ayant  déterminé  un  faux  pli  de  l'esprit, 
un  véritable  délire  V  » 

Enfin  une  des  observations  les  plus  fréquentes,  tout-à-fait  ba- 
nale chez  ces  malades,  c'est  l'obsession  de  la  folie.  Plusieurs  au- 
teurs disent  que  cette  obsession  «  est  une  forme  objectivée 
de  l'angoisse  ».  Je  ne  comprends  pas  pourquoi  des  états  d'an- 
goisse doivent  s'objectiver  sous  forme  d'idée  de  folie  :  les  car- 
diaques qui  ont  de  l'angoisse  sont-ils  donc  obligés  de  se  croire 
fous?  S'ils  n'avaient  que  l'angoisse  pure  et  simple,  les psychasthé- 
niques  n'arriveraient  pas  non  plus  à  cette  idée  de  folie.  Elle  est 
pour  moi  l'expression  de  sentiments  plus  profonds  :  «  si  je  dis  que 
je  deviens  folle,  dit  Dep...,  femme  de  28  ans,  c'est  que  je  sens 
mon  esprit  vague,  engourdi,  drôle...  ».  «  Si  j'ai  peur  de  devenir 
folle,  dit  Zb...,  femme  de  82  ans,  c'est  parce  qu'il  me  semble  que 
je  ne  suis  pas  maîtresse  de  mes  actions,  que  je  suis  dans  un  cau- 
chemar et  parce  que  dans  les  cauchemars  on  fait  des  crimes  et 
des  folies  ».  «  C^est  parce  que  je  me  sens  comme  une  machine 
que  je  me  dis  fou  ».  (Lois...). 

Bien  des  obsessions  ne  sont  ainsi  que  l'expression  plus  logique 
et  plus  générale  des  sentiments  d'incomplétude. 

3.  —  L'influence  des  insuffisances  psychologiques  sur  le  contenu 
des  idées  obsédantes. 

Les  insuflfisances  des  sentiments,  les  apathies,  les  émotivités  et 
surtout  les  sentiments  anormaux  qui  se  développent  à  ce  propos, 

I.  F.-L.  Arnaud,  Ann.  médico-psych  ,  mai-juin  1896. 


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INTERPRÉTATION  DE  L*IDËE  OBSÉDANTE  591 

crainte  de  la  lutte,  sa  crainte  de  tous  les  dangers  possibles  Ta 
conduit  à  ne  plus  pouvoir  sortir  au  dehors  sans  angoisses.  Il 
ne  veut  pas  avouer  cette  faiblesse  ni  aux  autres,  ni  à  lui-même 
et  il  cherche  à  s'explique  sa  crainte  de  la  rue  par  la  préoccupation 
d'un  danger  réel.  Dix  ans  après  le  début  évident  de  l'agora- 
phobie, il  trouve  l'explication,  c'est  que  dans  son  enfance,  trente 
ans  auparavant,  il  a  été  mordu  par  un  chien  enragé  et  qu'une 
nouvelle  morsure  lui  donnerait  infailliblement  la  rage.  Ya-t-on 
soutenir  que  cette  obsession  du  chien  enragé  qui  s'exprime  à 
^o  ans  est  eu  rapport  avec  l'émotion  de  cette  morsure  subie  à 
Tâge  de  lo  ans  ?  Cette  obsession  est  simplement  une  interpré- 
tation rétrospective  de  son  trouble  fondamental  de  la  volonté,  et 
des  sentiments. 

Le  besoin  de  domination  chez  les  autoritaires  se  rattache 
comme  on  l'a  vu  à  leur  aboulie,  il  cause  bien  des  obsessions. 
La  microphonophobie  de  Bow...  n'est  pas  une  hyperesthésie 
de  l'ouïe,  c'est  une  obsession  en  rapport  avec  Pidée  que  les  autres 
personnes  le  dérangent  dans  son  travail  et  ses  pensées.  Ce  senti- 
ment des  autoritaires  joue  un  rôle  capital  dans  le  délire  de  per- 
sécution peut-être  plus  que  dans  le  délire  du  scrupule. 

Il  suffit  de  rappeler  toutes  les  obsessions  amoureuses  en  rap- 
port avec  le  besoin  d'être  dirigé,  le  besoin  d'aimer,  le  besoin 
d'être  aimé.  Je  ne  puis  insister  ici  que  sur  quelques  formes  parti- 
culières. Qi...  est  amusante  avec  son  obsession  d'être  petit  enfant, 
de  laisser  flotter  ses  cheveux  dans  le  dos  et  son  désir  fou  d'être 
appelée  «  Nénette  ».  Cr...,  femme  de  33  ans,  est  poursuivie  par 
l'obsession  qu'elle  veut  avoir  un  enfant,  elle  court  les  hôpitaux 
pour  demander  la  fécondation  artificielle,  et  regarde  sous  toutes 
les  portes  pour  trouver  un  enfant  abandonné  a  adopter  a  c'est 
parce  que  son  amant  l'épousera  si  elle  a  un  enfant.  C'est  aussi 
parce  que  cet  enfant  lui  fera  un  soutien  si  elle  est  seule».  Lour..., 
femme  de  44  ans,  a  des  obsessions  de  jalousie  qui  ne  sont  pas 
identiques  à  celles  de  Fa...  que  je  viens  de  citer.  «  Depuis  que  je 
me  sens  faible  il  me  semble  que  mon  mari  ne  s'occupe  pas  assez 
de  moi,  qu'il  me  laisse  isolée,  qu'il  ne  me  console  pas,  il  me 
semble  que  je  n'arrive  plus  à  le  comprendre,  à  le  croire,  et  j'en 
viens  à  penser  qu'il  n'est  plus  comme  il  devrait  être.  » 

On  pourrait  énumérer  bien  d'autres  obsessions  et  montrer 
qu'elles  sont  des  interprétations  plus  ou  moins  compliquées  por- 
tant sur  les  insuffisances  et  sur  les  sentiments  qui  en  dérivent. 


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■V    -^^ 


THÉOniES  PATIIOGÉMQUES 


L'influence  des  événements  extérieurs  sur  le  contenu 
de  l'obsession, 

u'il  en  soit,  Tobservation  nous  montre  que  les  événements 
s  ont,  eux  aussi,  une  action  et  qu'ils  déterminent  assez 
e  contenu  de  l'obsession  surtout  quand  ils  sont  Toccasion 
)lente  émotion.  La  maladie  de  Lf...  commence  quand 
lassé  son  neveu  tombé  mort  d'un  échafaudage,  celle  de 
arce  qu^elle  tenait  sa  belle-mère  pendant  un  évanouis- 
t  que  celle-ci  est  morte  dans  ses  bras;  celle  de  Cas..., 
'elle  a  vu  son  fils  tomber  à  l'eau.  Cette  dernière  malade 
s  guérie  a  eu,  dix  ans  après,  une  rechute  parce  qu'elle  a 
rusquement  que  sa  mère  était  devenue  folle  et  avait  été 
.  \Ve...  a  commencé  très  jeune  cette  maladie  quand  on 
embrasser  son  grand-père  qui  venait  de  mourir.  Je  note 
des  grandes  périodes  de  maladie,  chez  Lise  une  scène 
lari,  chez  Voz...  un  examen,  chezLo...  le  mariage, chez 
lorsure  par  un  chien,  chez  Mnd...  (179)  la  vue  d'une  folle, 
..  la  vue  d'un  morphinomane,  chez  Alx...  un  vertige 
LU  café,  etc. 

it  remarquer  que  certaines  émotions  semblent  jouer  un 
Dudérant.  Ce  sont  d'abord  les  émotions  religieuses,  sur- 
9  de  la  première  communion  et  plus  tard  des  confessions, 
ussi  les  émotions  génitales  qui  ont  joué  un  grand  rôle 
.,chezKi...,  chez  Jean,  c'est  de  cette  remarque  qu'est 
ion  de  Freud,  soutenue  par  Tamburini*  que  les  obses- 
Lvaient  toujours  d'un  trouble  des  sentiments  sexuels, 
s  déjà  eu  l'occasion  de  remarquer  l'exagération  de  cette 
l'en  est  pas  moins  évident  que  les  événements  extérieurs 
ninent  de  l'émotion  ont  une  action  certaine  sur  le  déve- 
t  de  la  maladie  des  obsessions. 

tte  action  est  extrêmement  complexe  :  On  a  vu  dans  les 
r  les  oscillations  du  niveau  mental  que  les  événements 
le  provoquer  de  fortes  émotions  peuvent  déjà  agir  en 
nt  un  abaissement  de  la  tension  psychologique  et  quel- 
une  manière   inverse  en  déterminant  une  élévation.  Il 


rini.  Obsessions  sexuelles  et  obsessions  du  suicide»  autosadisme,  Congrh 
de  Bruxelles,  1897. 


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INTERPRÉTATION  DE  L'IDÉE  OBSÉDANTE  593 

faut  constater  aussi  que  si  le  sujet  est  déjà  abaissé  par  quelqu'une 
des  causes  précédentes,  Tévénement  émotionnant  peut  encore 
jouer  un  autre  rôle,  il  peut  déterminer  le  contenu  de  l'obsession, 
la  nature  de  Tidée  qui  va  devenir  obsédante. 

Cela  ne  peut  arriver  à  mon  avis  que  si  le  sujet  était  antérieure- 
ment préparé  par  tous  les  troubles  précédents.  L'idée  fournie  par 
l'événement  ne  devient  obsession  que  si  elle  est  d'accord  avec  un 
état  antérieur  dont  le  sujet  avait  le  sentiment  depuis  quelque 
temps.  Cette  idée  qui  est  remarquée  par  le  sujet  devient  l'expres- 
sion qu'il  cherchait  de  son  état.  Claire  avait  depuis  longtemps  ses 
sentiments  d'abaissement,  de  mécontentement,  quand  elle  s'aper- 
çut qu'elle  avait  une  excitation  génitale  à  l'église  et  que  ses 
regards  se  portaient  avec  des  curiosités  malsaines  vers  la  statue  du 
Christ.  Cela  lui  parut  répugnant,  odieux  et  cette  idée  la  frappa 
que  c'était  peut-être  là  le  crime  contre  nature  qui  lui  causait  tant 
de  remords  inexpliqués.  Dur...  (54)  passe  une  soirée  à  la  fenêtre 
attendant  son  mari  qu'elle  soupçonne  de  la  tromper.  Cette  attente 
la  rend  furieuse,  elle  remarque  qu'elle  se  refroidit  et  qu'elle  se 
rend  malade  à  cause  du  mari.  Cette  idée  la  frappe  comme  le  ré- 
sumé et  le  symbole  de  longues  inquiétudes  antérieures  et  elle 
commence  à  ce  moment  une  obsession  singulière  qui  consiste  à 
répéter  que  son  mari  l'a  rendue  phtisique.  Cette  idée  ne  Ta 
frappée  que  parce  qu'elle  était  inquiète,  qu'elle  se  sentait  fati- 
guée, qu'elle  avait  le  besoin  d'une  direction  morale  perpétuelle 
et  qu'elle  se  croyait  abandonnée  si  son  mari  ne  s'occupait  pas 
sans  cesse  d'elle. 

VI...  a  grand  tort  de  rapporter  son  éreutophobie  à  une  con- 
sultation médicale  où  le  médecin  aurait  parlé  d'eczéma  du  nez  ; 
la  rougeur  du  nez  n'est  qu'un  prétexte  qu'elle  a  adopté  avec  en- 
thousiasme pour  résumer  son  aboulie  et  sa  timidité.  Toq...  rem- 
place successivement  sa  honte  des  moustaches  par  sa  honte  des 
joues  rouges,  Nadia  sa  honte  des  mollets  sous  sa  jupe  courte,  par 
sa  honte  des  pieds,  des  mains,  de  la  poitrine,  de  la  figure,  etc. 
L'événement  ne  détermine  que  la  nuance  particulière  de  l'ex- 
pression. 

Ce  besoin  d'une  préparation  antérieure  explique  un  petit  détail 
assez  curieux  de  la  genèse  des  obsessions,  j'avais  remarqué  ce 
petit  fait  depuis  longtemps  et  j'ai  été  heureux  d'apprendre  que 
M.  Arnaud  l'avait  remarqué  de  son  côté  ;  cela  montre  qu'il  a 
quelque  généralité.  Dans  leur  récit,  il  est  rare  que  les  sujets  rap- 

LES  OBSESSIONS.  1.    —  38 


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INTERPRÉTATION  DE  L'IDÉE  OBSÉDANTE  595 

faite  à  un  médecin.  Celui-ci  lui  aurait  déclaré  brutalement  qu*il 
était  phtisique:  «cela  m'a  frappé,  dit  le  malade  d'une  manière 
indigne,  je  passe  les  jours  et  les  nuits  sans  repos  à  attendre  la 
mort,  je  ne  vois  que  des  enterrements  et  des  morts,  rien  ne  peut 
me  distraire  et  je  suis  incapable  de  faire  le  moindre  travail.  )>  Si 
Mgi...  a  dit  vrai,  mais  je  me  défie  un  peu  sur  ce  point  des  dires 
des  malades,  une  seule  émotion  a  déterminé  à  la  fois  le  trouble 
et  l'interprétation.  Mais  ce  n'est  pas  la  forme  la  plus  commune, 
car  l'obsession  est  en  général  une  interprétation,  une  expres- 
sion, un  symbole  qui  résume  dans  Fespritdu  malade  des  troubles 
déjà  anciens  portant  sur  les  fonctions  psychologiques  supérieures 
et  déterminant  depuis  longtemps  des  ruminations  et  des  phobies. 

Enfin  le  contenu  des  obsessions  présente  certains  caractères  qui 
ont  été  mis  en  évidence  dans  les  chapitres  précédents.  Ces  carac- 
tères me  semblent  faciles  à  comprendre  si  on  considère  l'obsession 
comme  l'expression  d'un  état  pathologique  antérieur,  car  ils  ne 
sont  pas  autre  chose  que  les  caractères  de  cet  état  lui-même.  Ainsi 
les  obsessions  portent  le  plus  souvent  sur  les  actes  du  sujet,  elles 
portent  sur  des  actes  mauvais  que  le  sujet  voudrait  ne  pas  faire  : 
elles  constituent  surtout  un  délire  d'auto-accusation.  Cette  direc- 
tion générale  des  obsessions  se  rattache  simplement  à  leur  point  de 
départ.  Elles  se  sont  développées  dans  l'esprit  du  sujet  comme  des 
interprétations  d'un  état  d'impuissance  dans  lequel  aucune  pen- 
sée ne  pouvait  être  poussée  à  son  terme,  dans  lequel  le  trouble 
portait  surtout  sur  les  actions  et  les  croyances  ;  il  est  tout  naturel 
que  ces  interprétations  même  puériles  soient  en  rapport  avec 
les  sentiments  d'incomplétude  du  malade  et  expriment  surtout  la 
critique  des  actes  et  des  croyances.  En  un  mot  je  trouve  que  les 
obsessions  du  malade  sont  en  partie  justifiées  malgré  leur  appa- 
rence allégorique  et  symbolique. 

Si  nous  passons  à  d'autres  caractères  de  l'obsession  nous  avons 
remarqué  qu'elle  portait  sur  des  actes  extrêmes  et  que  le  sujet 
poussait  toujours  jusqu'au  dernier  terme  possible  son  idée  de 
crime  ou  de  sacrilège.  C'est  encore  la  conséquence  de  plusieurs 
caractères  qui  se  trouvent  déjà  dans  la  rumination  ;  la  généralisa- 
tion désordonnée,  le  passage  à  l'infini  ont  déjà  été  remarqués 
dans  ces  méditations  qui  restent  abstraites  et  sans  aucune  des 
limites  qu'impose  la  perception  de  la  réalité. 

L'étude   du  contenu  des  obsessions  me   semble  donc  vérifier 


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THÉORIES  PATHOGÉNÏQUES 

e  înterprétatioD  précédente  des  états  psychasthéniques  et 
e  hypothèse  qui  met  au  premier  rang  les  troubles  de  la  volonté 
s  TattentioD  ou  du  moins  les  troubles  de  cette  fonction  du  réel 
nous  a  paru  la  plus  élevée  des  fonctions  cérébrales. 

5.  —  L'interprétation  de  la  forme  de  l'obsession, 

nous  reste  à  montrer  que  cette  interprétation,  ou  plutôt  cette 
ésentation  d'ensemble  des  faits,  rend  encore  assez  bien  compte 
s  forme  que  prennent  les  obsessions  proprement  dites  dans 
rit  du  malade.  J'ai  insisté  au  début  de  cette  étude  pour  mon- 
que  les  obsessions  des  psychasthéniques  avaient  toujours  des 
itères  spéciaux  très  différents,  en  particulier,  de  ceux  que  pré- 
;nt  les  idées  fixes  des  hystériques.  Ces  caractères  se  trouvent- 
istifiés  par  une  conception  qui  cherche  le  point  de  départ  de 
ession  dans  Tétat  mental  sous-jacent,  dans  rabaissement  de 
nsion  psychologique  et  la  disparition  des  phénomènes  consi- 
s  comme  supérieurs,  ceux  de  la  fonction  du  réel  ? 

premier  caractère  des  obsessions  c'est  d'être  obsédantes^ 
-à-dire  de  se  prolonger  pendant  un  temps  extrêmement  long 
l'esprit  du  sujet,  de  réapparaître  perpétuellement  et  absolu- 
;  à  tout  propos.  Peut-on  mieux  expliquer  ce  caractère  qu'en 
îdérant  les  obsessions  comme  les  expressions  d'un  état  mental 
-jacent  qui  est  perpétuel.  Si  l'idée  de  crime,  de  honte  de 
lême,  de  folie,  de  maladie,  n'est  au  fond  qu'une  manière  de 
dire  que  l'esprit  est  abaissé,  qu'aucun  phénomène  ne  va  à  son 
e,  qu'il  y  a  un  sentiment  d'incomplétude,  ces  idées  dureront 
naturellement  autant  que  l'insuffisance  elle-même.  Or,  cette 
fisance  peut  se  prolonger  pendant  vingt  ou  trente  ans  en  res- 
toujours  exactement  la  même.  Il  n'est  donc  pas  très  surprenant 
le  sujet  ayant  adopté  une  fois  pour  toutes  une  manière  de 
rimer  ne  change  pas  cette  manière  et  conserve  la  même  idée 
iniment.  Ainsi  que  Bail  le  disait  très  bien  *  :  «  la  répétition  des 
es  questions  et  des  mêmes  pensées  tient  à  un  phénomène 
lique  qui  ramène  sans  cesse  les  mêmes  impressions.  C'est 
que  dans  un  rêve,  nous  nous  débattons  péniblement  dans 
ituation  dont  nous  ne  pouvons  sortir,  parce  que  la  répétition 
santé  des  mêmes  impressions  physiques  reproduit  la  même 

(ail,  Revue  scientifique,  i88a,  II,  p.  46. 


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INTERPRÉTATION  DE  L'IDÉE  OBSÉDANTE  697 

•série  d'idées.  Ce  n'est  qu'au  réveil  que  nous  sommes  délivrées  de 
<3ette  obsession.  »  Le  réveil,  ce  serait  pour  le  malade  la  dispari- 
tion de  son  abaissement  mental.  Si  cela  arrive,  s'il  y  a  une  ascen- 
sion de  la  tension,  nous  avons  vu  que  l'obsession  disparaît  tout 
de  suite  :  cela  prouve  bien  qu'elle  était  liée  avec  le  sentiment  de 
la  diminution  de  cette  même  tensjon. 

Nous  avons  remarqué  que  l'association  des  idées  jouait  un  rôle 
bizarre  dans  l'obsession  et  qu'il  y  avait  plutôt  une  sorte  de  manie 
•d'association  qui  pousse  le  sujet  à  unir  son  obsession  avec  tous  les 
autres  phénomènes  psychologiques  qu'il  éprouve.  Ce  caractère 
-se  rattache  très  simplement  à  la  manie  de  la  précision  et  à  l'in- 
quiétude. Le  malade,  qui  a  beaucoup  souffert  du  sentiment  d'in- 
complétude  éprouvé  à  propos  d'un  certain  acte,  reste  inquiet  et  il 
éprouve  le  besoin  de  vérifier  toutes  les  autres  actions,  toutes  les 
-croyances,  tous  les  sentiments  pour  voir  si  à  leur  tour  ils  ne  vont 
pas  lui  faire  défaut.  Bien  entendu,  comme  nous  le  savons,  cet 
«ffort  d'attention  va  simplement  rendre  difficiles  des  actions  qui 
se  faisaient  assez  bien  d'une  manière  désintéressée  :  celles-ci 
vont  de  nouveau  être  insuffisantes,  elles  vont  comme  les  précé- 
dentes donner  naissance  au  même  sentiment  d'incomplétude  et  le 
sujet  sera  amené  tout  naturellement  à  traduire  encore  une  fois  ce 
sentiment  par  la  même  obsession.  Il  vous  dira  donc  que  son  ob- 
session s'associe  avec  des  actions  et  des  idées  de  plus  en  plus 
nombreuses  et  vous  aurez  l'impression  qu'il  cherche  lui-même  à 
produire  cette  association.  En  réalité,  il  cherche  simplement  a 
éprouver  ses  actions  et  ses  croyances  et  en  les  éprouvant  il  met 
et)  évidence  la  même  insuffisance  et  retrouve  partout  la  même  ob- 
session. C'est  ainsi  que  le  malade  inquiet  a  une  tendance  h 
étendre  perpétuellement  son  obsession  comme  une  tache  d'huile 
Jusqu'à  ce  que  toute  sa  vie  en  soit  envahie. 

Les  obsessions  sont  impulsives,  mais  cette  impulsion,  comme 
nous  l'avons  vu,  consiste  en  une  sorte  de  manie  de  la  tentation 
et  de  l'impulsion.  On  dirait  que  le  malade  cherche  à  vérifier  à 
chaque  instant  s'il  est  réellement  bien  poussé  au  crime  ou  à  la 
folie  :  il  y  a  là  encore  un  résultat  de  l'inquiétude  fondamentale. 

L'obsession,  l'idée  d'être  poussé  au  crime  ou  l'idée  d'être  fou, 
est  une  sorte  d'explication  que  le  malade  aime  à  se  donner  à  lui- 
même  des  troubles  pénibles  qu'il  éprouve.  Cette  idée  lui  plaît  en 
quelque  sorte,  parce  qu'elle  éclaircit  un  peu  une  situation  inex- 
tricable et  parce   qu'elle  justifie   les  soins^  les  protections,   les 


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REPRÉSENTATION  ANATOMIQUE  DES  THÉORIES  599 

leur  terme  qui  est  Tacte  et  Thallucination.  Pour  moi  Tobsession 
exprimant  une  maladie  générale  de  l'esprit  participe  naturelle- 
ment au  caractère  de  cette  maladie.  Or  le  caractère  essentiel  de 
toute  la  maladie,  c'est  qu'elle  supprime  le  dernier  terme  des 
opérations  psychologiques,  qu'elle  rend  impossible  tout  ce  qui 
dépend  de  la  fonction  du  réel.  Le  malade  qui  d'une  manière  gé- 
nérale est  incapable  d'agir  et  de  croire  n'arrive  pas  plus  à  agir 
et  à   croire  dans  son  obsession. 

Enfin  ces  obsessions  sont  avant  tout  des  obsessions  conscientes, 
des  folies  lucides,  c'est-h-dire  que  le  sujet  garde  le  pouvoir  de  les 
critiquer  et  de  rire  de  lui-même.  Cela  revient  à  dire  tout  simple- 
ment que  ces  obsessions  restent  incomplètes  et  n'arrivent  pas 
jusqu'à  la  certitude.  Mais  la  maladie  est  justement  une  folie  du 
doute  qui  supprime  partout  les  croyances,  il  est  donc  tout  naturel 
qu'elle  les  supprime  aussi  dans  l'obsession  qui  la  résume.  Nous 
avons  vu  que  les  obsessions  des  psychasthéniques,  par  opposition 
aux  idées  fixes  des  hystériques,  sont  des  systèmes  d'images  avec 
développement  incomplet.  Ce  caractère  qui  résume  les  précé- 
dents résume  aussi  la  maladie  qui  est,  comme  on  l'a  vu,  une  im- 
puissance a  compléter  les  phénomènes  psychologiques.  Tous  les 
caractères  de  l'obsession  ne  sont  en  somme  que  les  caractères  de 
l'état  psychasthénique,  il  est  donc  tout  naturel  d'admettre  qu'elle 
en  dérive. 


5.  —  La  représentation  anatomique  des  théories. 

Beaucoup  d'auteurs  ont  essayé  de  donner  à  leurs  explications 
de  la  maladie  des  obsessions  une  couleur  anatomique,  il  faut  au 
moins  signaler  les  tentatives  qui  ont  été  faites  dans  ce  sens. 

Je  n'insiste  pas  sur  les  troubles  de  Testomac  et  des  divers  vis- 
cères qui  ont  déjà  été  signalés,  il  est  admis  à  peu  près  généra- 
lement que  ces  troubles  sont  secondaires.  Mais  il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  ces  troubles  donnent  naissance  à  des  auto-intoxications 
qui  ont  la  plus  grande  influence  sur  le  développement  de  la  ma- 
ladie. La  lésion  principale  est  peut-être  une  susceptibilité  spéciale 
des  cellules  cérébrales  pour  toutes  les  intoxications.  .Comme  le 
système  nerveux  altéré  n'excite  plus  suffisamment  les  fonctions 
gastro-intestinales,  il  en  résulte  de  nouvelles  fermentations  et  de 


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THÉORIES  PATHOGÉNIQUES 

ions.  Ce  cercle  vicieux  joue  un  rôle  consldé- 
est  pas  moins  vrai  que  le  trouble  gastrique  ne 
ul  pour  déterminer  toute  la  maladie  si  le  sys- 
sain. 

quels  on  a  attribué  le  plus  grand  rôle  sont  en- 
circulatoires.  J*ai  déjà  signalé  les  travaux  de 
le  Lubetzki  sur  le  rôle  de  la  congestion  et  des 
iirs  dans  les  céphalalgies  et  dans  les  douleurs 
î.  M.  de  Fleury  explique  les  angoisses  «  par  un 
Tarbre  circulatoire  s'accompagnant  probable- 
3tivité  fonctionnelle  du  cœur.  La  crosse  de 
sque  entièrement  élastique  et  dénué  de  fibres 
uve  prise  entre  deux  forces  contraires  qui  len- 
!  violemment,  le  lacis  nerveux  dont  elle  est  en- 
raillé  et  souffre  de  cette  douleur  rétrosternale 
nent  essentiel  de  Tangoisse*  ».  J'ai  déjà  si- 
et  auteur  fait  jouer  à  l'hypertension  et  surtout 
érielle. 

ui  a  le  plus  insisté  sur  l'origine  circulatoire  de 
t  M.  Auguste  Voisin.  Déjfi  dans  ses  leçons  cli- 
lit  disposé  à  rattacher  beaucoup  de  maladies 
e  cérébrale*.  Plus  tard  il  chercha  à  montrer 
délire  du  doute  avec  la  sthénie  et  l'asthénie 
Jteur  présentait  des  tracés  sphigmographiques 
action  de  certains  médicaments  comme  la  ca- 
le  sur  ces  troubles  vasculaires. 
tiennent  une  part  de  vérité"  car  les  troubles 
videmment  fréquents.  Mais  il  est  peu  probable 
ifs  :  tous  les  auteurs  sont  naturellement  ame- 
trouble  d'un  centre  circulatoire  ou  vaso-mo- 
uent  à  se  rapprocher  des  théories  nerveuses. 

il  faut  distinguer  d'abord  celles  qui  veulent 
e  à  des  organes  nerveux  en  dehors  du  ceneau 
)rel  et  Legrand  du  Saulle  parlaient  déjà  d'une 


symptômes  neurasthéniques,  1901,  p.  98  (Paris,   F.  Alcan) 
cliniques  sur  les  maladies  mentales,  1876. 

du  doute,  SCS   relations  pathogéniques  avec  la  sthcnie  et 
mon  médicale,  28  mars  1895. 

ê 


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REPRÉSENTATION  ANATOMIQUE  DES  THÉORIES  601 

névrose  du  système  nerveux  ganglionnaire  viscéral  *.  M.  Féré  remar- 
<}uait  le  grand  rôle  du  sympathique  au  moins  «  comme  organe 
périphérique  des  émotions  ».  M.  Ilartenberg  a  essayé  d'aller  plus 
loin  :  dans  une  communication  présentée  au  dernier  congrès  de  psy- 
chologie et  dans  son  travail  sur  la  névrose  d'angoisse  il  concevait 
les  obsessions  et  surtout  les  phobies  comme  une  névrose  du  sym-^ 
pathique.  Ces  auteurs,  j'en  suis  certain,  reconnaissent  eux-mêmes 
combien  tout  cela  est  aujourd'hui  hypothétique.  Quel  est  le  rôle 
exact  du  sympathique  dans  l'émotion  ?  Les  maladies  connues  des 
franglions  cœliaques  déterminent-elles  des  troubles  analogues  à  la 
folie  du  doute  et  aux  manies  du  serment  ?  N'est-il  pas  aujourd'hui 
bien  plus  vraisemblable  que  les  centres  corticaux  du  cerveau 
jouent  un  rôle  considérable  dans  les  émotions  et  dans  les  obses- 
:sions  ? 

M.  Dallemagne  semble  disposé  à  rattacher  ces  maladies  à  des 
troubles  émotionnels  et  ceux-ci  à  des  altérations  «  des  centres  ner- 
veux inférieurs...  qui  servent  comme  de  transition  entre  les 
fonctions  médullaires  automatiques  et  inconscientes  et  les  fonc- 
tions corticales  conscientes  et  d'apparence  spontanée^  ».  Il 
semble  peu  probable  que  les  angoisses  des  psychasthéniques 
-soient  assez  élémentaires  pour  être  rattachées  uniquement  à  des 
lésions  bulbaires.  Celles-ci  n'ont  guère  déterminé  des  troubles 
comparables  à  ceux  des  scrupuleux  et  tous  ces  auteurs  n'hésite- 
ront pas  à  ajouter  aux  troubles  des  organes  qu'ils  signalent  le 
rôle  prépondérant  des  troubles  du   cerveau. 

Les  théories  cérébrales  de  la  psychasthénie  sont  très  peu  nom- 
breuseSy  elles  se  ramènent  à  quelques  types  très  simples. 
Quelques  auteurs  font  allusion  à  des  centres  spéciaux,  par 
exemple  aux  centres  corticaux  de  la  rougeur  de  Bechterew  et 
Misslawski.  Peut-on,  après  toutes  les  observations  sur  la  honte 
du  corps,  rattacher  Téreutophobie  à  une  maladie  spéciale  d'un 
centre  déterminé,  celui  de  la  rougeur  du  visage.  Si  ce  centre 
existe,  son  trouble  me  parait  singulièrement  secondaire  à  des 
altérations  bien  plus  générales. 

Le  plus  souvent  on  explique  la  maladie  par  l'excitation  indé- 
pendante et  isolée  des  divers  centres  corticaux.  C'est  déjà  ce  que 
disait  Spencer  non  sans  quelque  naïveté  :  «  une  fonction  cérébrale 


Legrand  du  Sanlle,  Arjoraphobie^  p.  ^ 

Dallemagne.  Dégénérés  el  déséquilibrés,  1896,  p.  673. 


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REPRÉSENTATION  ANATOMIQUE  DES  THÉORIES  603 

telle  sphère  déterminée.  S*agit-il  de  la  sphère  cœnesthésique  on 
aura  les  obsessions  émotionnelles  ;  s'agit-il  de  la  sphère  sensi- 
tivo-sensorielle,  on  aura  les  obsessions  hallucinatoires  ;  s'agit-il 
de  la  sphère  motrice,  on  aura  les  obsessions  impulsives  ;  s'agit-il 
de  la  sphère  psychique,  on  aura  les  obsessions  intellectuelles  \  » 
Ce  langage  en  apparence  anatomique  ajoute-t-il  quelque  chose 
aux  descriptions  et  aux  classifications  cliniques  des  obsessions  ? 
J*avoue  que  je  n'en  suis  pas  convaincu.  Je  ne  vois  pas  bien  quel 
avantage  on  trouve  h  exprimer  les  conclusions  psychologique» 
dérivées  d'une  observation  qui  n'est  encore  et  qui  ne  peut  être 
que  psychologique  en  un  autre  langage  bien  plus  hypothétique. 
Pourquoi  mêler  le  problème  de  la  nature  des  centres  corticaux, 
de  leur  rôle  dana  la  pensée  avec  l'interprétation  des  obsessions  ? 
Sait-on  bien  s'il  y  a  un  centre  spécial  pour  chaque  idée,  et  chaque 
fonction  psychologique?  Sait-on  s'ils  ne  collaborent  pas  tous  dans 
chaque  pensée  ?  Que  de  problèmes  on  ajoute  inutilement  à  celui 
que  l'on  étudiait. 

Pour  moi,  je  ne  puis  croire  qu'il  soit  possible  d'expliquer 
aucune  des  obsessions  ou  des  impulsions  que  j'ai  décrites  dans 
cet  ouvrage  par  l'irritation  localisée  d'un  centre  cortical,  à  moins 
que  l'on  ne  transforme  complètement  le  sens  que  les  physiolo- 
gistes donnent  à  ce  mot,  centre  cortical^  et  que  l'on  n'entre  com- 
plètement dans  le  domaine  de  la  fantaisie.  Pour  prendre  un 
exemple  parmi  les  plus  simples,  l'éreutophobie  ne  peut  aucune- 
ment être  présentée  comme  une  maladie  du  centre  de  la  rougeur 
du  visage.  Imaginez  le  trouble  vaso-moteur  de  la  face  le  plus 
énorme,  se  produisant  par  suite  d'une  lésion  centrale  comme 
une  épilepsie  Jacksonienne,  ce  ne  sera  aucunement  de  l'éreuto- 
phobie. L'obsession  de  la  rougeur  est  une  pensée  qui  vient  dans 
l'esprit  du  sujet  pour  expliquer  au  moyen  d'un  trouble  plus  ou 
moins  réel  de  la  face,  d'innombrables  sentiments  de  gêne,  de 
difficulté,  d'arrêt,  de  honte,  qui  surviennent  en  lui  depuis  long- 
temps à  propos  des  actes  sociaux. 

Ce  qui  serait  peut-être  le  plus  troublé  chez  l'éreutophobe  ce 
serait  le  centre  des  mouvements  puisqu'il  y  a  une  aboulie  au  point 
de  départ.  Mais  il  ne  peut  s'agir  du  centre  des  mouvements  quel- 

I.  Vallon  et  Marie,  Contribution  à  l'étude  de  quelques  obsessions.  Xlh  Congrès 
de  médecine  de  Moscou,  1897. 


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REPRÉSENTATION  ANATOMIQUE  DES  THÉORIES  605 

les  lampes  sont  très  nombreuses  et  très  artistement  disposées;  s'il 
éclaire  mal,  si  les  lampes  s'échauflent,  s'il  se  produit  des  dériva- 
tions c'est  que  le  courant  fourni  par  le  secteur  n'a  pas  le  voltage 
suffisant.  Je  me  hâte  d'ajouter  d'ailleurs  que  l'on  ignore  complè- 
tement à  quoi  tient  cette  baisse  de  courant  du  cerveau,  s'il  y  a 
un  organe  spécial  qui  produit  cette  tension  et  qui  la  règle,  si 
cet  organe  est  dans  l'écorce  cérébrale,  dans  le  cervelet  ou  en 
dehors.  Ce  n'est  là  qu'une  représentation  vague  qui  est  bien  loin 
d'atteindre  la  précision  que  Ton  peut,  je  crois,  donner  à  des 
interprétations  purement  psychologiques. 

Il  est  évident  que  c'est  là  bien  peu  de  choses,  mais  c'est  tout 
ce  que  l'on  peut  dire  avec  quelque  vraisemblance.  S'il  «  faut 
toujours  penser  anatomiquement  »,  il  faut  se  résigner  à  ne  pas 
penser  du  tout  quand  il  s'agit  de  psychiatrie.  N'est-il  pas  plus 
raisonnable  et  plus  utile  même  de  constater  les  faits  de  la  ma- 
nière dont  ils  se  présentent  actuellement  à  l'observation  et  de  les 
exprimer  dans  le  langage  qui  leur  convient.  Ces  études  psycho- 
logiques, en  analysant  les  phénomènes,  en  les  réduisant  à  leurs 
éléments  essentiels,  préparent  les  voies  à  une  interprétation 
anatomique,  interprétation  qui  n'est  pas  encore  possible  à  notre 
époque. 


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L^HÉRÉDITÉ  607 


i.  —L'hérédité. 


Il  est  d'observation  ancienne  que  Thérédité  joue  un  rôle  consi- 
dérable dans  la  maladie  des  obsessions.  Legrand  du  Saulle  plaçait 
déjà  l'hérédité  en  premier  lieu  parmi  les  causes  prédisposantes  : 
«  La  folie  du  doute  va  de  préférence  recruter  ses  victimes  parmi 
les  descendants  des  névropathes,  ces  surnuméraires  obligés  de 
Faliénation'.»  Tous  les  observateurs  ont  reproduit  la  même  re- 
marque. M.  Saury'  reproduisant  l'enseignement  de  M.  Magnan^, 
appelle  «  cette  maladie  »  la  folie  héréditaire  et  écrit  en  parlant  des 
obsédés  :  «  qui  dit  folie  dit  hérédité,  c'est  le  principe  qu'il  faut 
admettre  en  thèse  générale.  » 

MM.  Pitres  et  Régis  établissent  à  ce  sujet  le  tableau  suivant 
très  démonstratif.  Ils  constatent  dans  les  4/5  des  cas  des  ascen- 
dants directs  ou  collatéraux  qui  sont  des  obsédés,  des  aliénés, 
des  alcooliques  ou  des  névrosés.  Sur  loo  observations  d'obsédés 
ayant  dans  leur  ascendance  des  tares  névropathiques,  ils  observent 

les  proportions  suivantes  : 

f  paiemelle 5 

/                          similaire..     .<  maternelle a'i 

(  collatérale lo 

Hérédité  <                                                 l  aliénés,  épileptiques  ou  hystériques.  i5 

ipère  ou  mère.]  alcooliques lt^ 

{  violents,  originaux i^ 
jl  j,             i  aliénés,  épileptiques,  hystériques,  al- 

*(       cooliques,  etc i8 

Je  n'ai  recueilli  quelques  renseignements  suffisamment  précîs 
sur  les  maladies  des  parents  que  dans  170  cas.  Voici  les  résul- 
tats de  ces  observations  en  ramenant  la  proportion  à  100  cas: 

Parents  sans  maladie  connue 8 

Tuberculeux,  syphilitiques lu 

Arthritiques,  goutte,  etc 7 

Hérédité        )    Alcoolisme i5 

dans   100  cas.  ]    Névropathiques 17 

/.,.,..      l  chez  les  parents i4 

f    Ahénation  î    1      ,      *^  „  »,  r 

(  chez  les  collatéraux i(> 

\    Psychaslhénie  similaire a8 

1.  Legrand  du  SauIIe,  Folie  du  doute,  p.  61. 

2.  Saury,  Les  dégénérés ,  étude  sur  la  folie  héréditaire,  1886. 

3.  Magnan,  Héréditaires  dégénérés.  Archives  de  neurol.,  189a,  I,  3o5. 


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L'HÉRÉDITÉ  GOÔ 

Ce  quî  parait  le  pluscurieux  c'estquedans/ly  cas, c'est-à-dire  28 
pour  100,  je  trouve  à  un  degré  plus  ou  moins  accentué  ce  que  I*on 
peut  appeler  une  hérédité  similaire  ;  dans  I3  de  cescas  l'hérédité  est 
absolument  semblable  et  la  maladie  se  répète  quelquefois  dans 
tous  ses  détails.  Le  père  de  Mb...  avait  une  manie  d'interrogation, 
de  vérification  qui  ressemble  tout  à  fait  aux  interrogations  que 
fait  maintenant  sa  fille  parvenue  au  même  âge  sur  la  valeur  des 
différents  sens.  L'obsession  du  suicide  que  j'observe  actuellement 
chez  Er...  existe  aussi  chez  sa  sœur,  elle  a  existé  chez  la  mère  et 
chez  la  grand'mère  de  ces  deux  jeunes  filles.  Dans  le  cas  de  Sol... 
la  mère  et  le  fils  présentent  en  même  temps  la  même  obsession 
qui  les  pousse  à  penser  constamment  avec  terreur  à  la  mort  su- 
bite. Dans  les  autres  cas  les  parents  ont  d'autres  obsessions, 
d'autres  manies  bien  caractérisées.  La  mère  de  Dob...  avait  des 
obsessions  de  jalousie,  et  Dob...  est  une  agoraphobe.  Bow^... 
nous  présente  la  microphonophobie,  son  fils  a  la  phobie  du  bé- 
gaiement. La  grand'mère  de  Gisèle  avait  des  craintes  de  dépen- 
ser de  l'argent,  de  le  voler  et  de  l'amour  fou  pour  les  bêtes.  La 
tille  de  cette  malade,  à  6 ans,  présente  des  manies  d'ordre  et  des 
remords  obsédants,  elle  sent  déjà  «  qu'elle  n'est  pas  comme  les 
autres  petites  filles  qui  savent 'avoir  des  idées  gaies  ».  Trousseau 
avait  déjà  remarqué  qu'il  y  a  des  familles  chez  qui  les  tics  sont 
héréditaires,  il  y  en  a  de  même  chez  qui  les  phobies  et  les  scru- 
pules se  transmettent  de  génération  en  génération  comme  les  traits 
du  visage.  Lise  et  sa  plus  jeune  sœur,  qui  ressemblent  à  leur 
père,  ont  des  scrupules  comme  lui;  son  frère,  qui  ressemble 
physiquement  à  la  mère,  échappe  à  la  maladie. 

Dans  beaucoup  d'observations,  où  j'ai  compté  les  parents  comme 
sains  ou  bien  comme  ne  présentant  que  de  l'arthritisme,  on  trouve 
cependant  chez  eux  des  troubles  psychologiques  extrêmement  inté- 
ressants. Ce  sont  des  gens  bizarres,  des  agités  ou  bien  des  mous 
et  des  inertes  ne  pouvant  se  décider  à  rien,  ou  bien  des  violents, 
des  entêtés  incapables  de  se  diriger  ou  de  se  contraindre.  La  mère 
de  Mm...  reste  absorbée  dans  ses  idées  :  elle  a  toujours  été  une 
rêveuse  ne  pouvant  jamais  se  décider  à  agir  mais  elle  n'a  jamais 
souffert  de  l'obsession,  sa  fille  a  le  même  caractère  rêveur  mais 
elle  souffre  de  ses  idées.  Le  père  de  Chv...  est  un  inquiet,  sans 
énergie  qui  s'est  tourmenté  toute  sa  vie  sans  motif,  sa  fille  est 
une  hypocondriaque  et  une    phobique.    La    mère  de   Lep...,    le 

LES   OBSESSIONS.  I.    —    Sq 


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LES  STIGMATES  PHYSIQUES  DE  DÉGÉNÉRESCENCE  6ll 

sent  pas  toujours  à  Tobsession  proprement  dite,  mais  que  plu- 
sieurs de  leurs  membres  dévient  dans  d'autres  directions  vers 
Tépilepsie,  l'hystérie  ou  d'autres  psychoses. 


2.  —  Les  Stigmates  physiques  de  dégénérescence. 

Cette  influence  de  l'hérédité  a  conduit  h  rechercher  chez  les 
obsédés  des  marques  physiques  dWganisation  incomplète  ou 
défectueuse,  les  stigmates  physiques  de  la  dégénérescence. 
Morel  signalait  déjà  ce  problème  ;  Legrand  du  Saulle  y  insiste 
dans  son  étude  clinique  sur  l'état  mental  de  Sandon,  1878'. 
Il  signale  les  malformations  du  crâne,  l'aplatissement  de  la  ré- 
gion postérieure  de  la  tête,  le  défaut  d'harmonie  du  front  et  de 
la  tête,  l'asymétrie,  le  strabisme,  le  nystagmus,  la  grandeur  de 
la  bouche,  l'épaisseur  de  la  lèvre  inférieure,  l'irrégularité  dentaire, 
la  décadence  rapide  et  précoce  de  la  dentition,  l'asymétrie  et 
l'étroitesse  de  la  voûte  du  palais,  l'asymétrie,  l'implantation  vi- 
cieuse, la  forme  anormale,  du  pavillon  de  Toreille,  l'arrêt  de 
développement  des  organes  génitaux,  etc. 

M.  Magnan  et  toute  son  école  ont  beaucoup  insisté  sur  l'im- 
portance de  ces  stigmates  physiques  dont  ils  se  servent  pour 
ranger  ces  malades  parmi  les  dégénérés  *.  Parmi  les  travaux  ré- 
cents on  peut  signaler  ceux  de  Binder  sur  l'oreille  de  Morel ', 
ceux  de  Metzger  sur  les  signes  delà  dégénérescence*,  cet  auteur 
remarque  justement  qu'il  ne  faut  accorder  de  l'importance  qu'au 
concours  de  plusieurs  de  ces  signes  associés  chez  le  même  indi- 
vidu, de  M.  Ladame^,  de  M.  Iscovesco'etc. 

I.  Legrand  du  Saulle,  Signes  physiques  des  folies  raisonnantes,  élude  clinique  sur 
l'état  mental  de  Sandon,  1878. 

a.  Magnan,  Journal  des  conseils  médicaux,  a6  novembre  1889.  Leçons  faites  à 
Sainte- Anne,  recueillies  par  Legrain.  Legrain,  Du  délire  chez  les  dégénérés,  i885. 
Magnan,  Des  signes  physiques,  intellectuels  et  moraux  de  la  folie  héréditaire, 
Ann.  méd  psych.,  janvier  1886,  p.  90.  Discussion.  Ann.  méd.  psych.,  i886,  p.  270, 
437,  ^à^.  Archives  de  neurologie,  1893,  II,  3o8. 

3.  Binder,  L'oreille  de  Morel.  Arch.  f.  Psych.,  XX,  3,  1890. 

4.  Melxger,  Étude  des  signes  de  la  dégénérescence.  Allg.  Zeitschr.  f.  Psych., 
XLV,  5,  1890. 

5.  Ladamc.  Uevue  de  l'hypnotisme,  1891,  p.  137. 

6.  Iscovesco,  Trois  cas  d'impulsion  chez  des  dégénérés.  Ann.  méd.^psych  ,  1898, 
II,  6a. 


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CI2  L'ÉVOLUTION 

MM.  Pitres  et  Régis  ont  cependant  fait  à  ce  propos  une  remar- 
que très  juste,  c'est  que  ces  tares  physiques  sont  loin  d'accom- 
pagner toujours  et  régulièrement  les  troubles  moraux  des  phobies 
et  des  obsessions.  «  La  plupart  des  obsédés  ont  le  crâne  bien  con- 
formé, les  dents  bien  implantées,  les  organes  génitaux  normale- 
ment développés,  ils  ne  présentent  même  pas  plus  souvent  que 
les  sujets  réputés  sains  les  petits  stigmates  auxquels  on  était 
porté  naguère  à  attacher  une  importance  fort  exagérée.  »  Ces 
auteurs  dans  une  enquête  sur  5o  sujets  ont  examiné  1  état  de 
la  voûte  palatine,  la  forme  des  oreilles,  Texistence  ou  Tabsence 
du  tremblement  des  mains  et  ils  n'ont  pas  obtenu  des  résultats 
différant  sensiblement  de  ceux  qu'on  obtient  d'ordinaire  chez  des 
sujets  normaux. 

Je  n'ai  pas  fait  la  même  enquête  aussi  systématiquement  ;  je 
constate  de  temps  en  temps  quelques-uns  de  ces  signes  qu'on 
est  convenu  d'appeler  stigmates  physiques  de  dégénérescence, j'ai 
noté  deux  cas  de  bec-de-lièvre,  douze  cas  d'asymétrie  faciale  très 
nette,  en  particulier  chez  Jean,  une  trentaine  de  fois  la  voûte  pala- 
tine ogivale,  quelques  implantations  des  dents  très  irrégulières, 
en  particulier  chez  Lo...  et  chez  Ver...,  l'oreille  de  Morel,  l'asy- 
métrie du  visage  et  du  corps,  des  plaques  de  vitiligo  sur  la  peau 
chez  Vk...,  le  gigantisme  chez  Gisèle,  femme  de  i°,86  et  le 
nanisme  chez  Far...,  homme  de  i,™38,  l'asymétrie  remarquable 
de  la  couleur  de  l'iris  dans  les  deux  yeux  chez  Fa...,  l'arrêt  de 
développement  des  seins  et  des  organes  génitaux  chez  Mw...  qui 
n'est  pas  encore  réglée  à  3o  ans,  etc. 

Cependant,  il  faut  observer  que  ces  déformations  sont  loin 
d'être  la  règle,  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'on  rencontre  des 
scrupuleux  qui  sont  de  très  beaux  hommes,  d'une  conformation 
irréprochable  comme  Rk...  Je  suis  disposé  à  conclure  comme 
MM.  Pitres  et  Régis  que  ces  malformations  sont  très  loin  d'avoir 
chez  les  obsédés  la  même  fréquence  et  la  même  importance  que 
chez  les  idiots  et  même  chez  les  épileptiques. 

Ce  que  l'on  observe  plus  souvent  ce  sont  ces  troubles  fonction- 
nels qui  se  manifestent  dès  l'enfance  et  qui  indiquent  une  résis- 
tance défectueuse  du  système  nerveux.  Dans  douze  cas  parmi  les 
antécédents  personnels  j'ai  noté  des  convulsions  infantiles.  Le 
fait  a  une  petit  importance  :  on  sait  que  ces  convulsions  sont 
très  rares  dans  les  antécédents  des  hystériques  et  qu'elles  sont 
au   contraire  très  fréquentes  dans  les  antécédents   des  épilepti- 


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LE  SEXE  ET  L'AGE  613 

ques,  or,  comme  on  Ta  vu,  je  suis  leaté  de  rapprocher  nos  psy- 
chasthéniques  des  épileptiques.  Dans  7  cas,  j'ai  noté  l'inconti- 
nence nocturne  infantile,  se  prolongeant  jusqu'à  10,  12  et  i5  ans, 
dans  trois  cas  du  bégaiement.  Dans  un  de  ces  cas  assez  curieux, 
le  bégaiement  a  guéri  vers  Tâge  de  2a  ans,  au  moment  où  a 
commencé  l'évolution  des  troubles  mentaux. 

Si  les  stigmates  physiques  de  la  dégénérescence  ne  sont  pas 
toujours  évidents,  il  y  a  cependant  une  faiblesse  du  système  ner- 
veux qui  se  manifeste  par  ces  troubles  fonctionnels  et  qui  sera 
encore  plus  évidente  quand  nous  considérerons  le  caractère  moral 
antérieur  à  la  maladie  proprement  dite. 


3.  —  Le  sexe  et  l'âge. 

En  outre  de  l'hérédité,  le  sexe  semble  jouer  un  certain  rôle 
comme  condition  prédisposante.  En  faisant  la  statistique  des 
observations  maintenant  assez  nombreuses  que  j'ai  recueillies  et 
qui  s'élèvent  au  nombre  de  325,  je  constate  qu'il  y  a  parmi  ces 
malades  96  hommes  et  280  femmes.  La  difiérence  est  considéra- 
ble puisque  le  nombre  des  femmes,  71  pour  100,  est  plus  de  trois 
fois  celui  des  hommes,  29  pour  100.  Quelques  remarques  peuvent 
peut-être  diminuer  cette  différence,  les  hommes  ont  moins  que  les 
femmes  le  temps  de  venir  se  plaindre  d'une  maladie  semblable  de 
Tesprit,  ils  s'occupent  moins  des  détails  de  leur  pensée.  Mais  cela 
même  confirme  qu'ils  sont  moins  susceptibles  de  devenir  des  scru- 
puleux. On  peut  admettre  en  résumé  qu'il  y  a  un  quart  d'hommes 
pour  trois  quarts  de  femmes  :  c'est  une  remarque  qui  a  déjà  été 
faite  à  propos  de  l'hystérie  et  en  général  à  propos  des  névroses. 

Elle  s'accorde  avec  cette  opinion  générale  peu  galante  mais 
assez  vraie:  c'est  que  la  femme  est  en  général  d'un  niveau  mental 
inférieur  à  celui  de  Thomme,  en  entendant  toujours  la  hiérarchie 
mentale  dans  le  sens  que  j'ai  indiqué,  qu'elle  a  plutôt  les  fonc- 
tions inférieures  de  la  rêverie  et  de  Témotivité  et  qu'elle  a  moins 
les  fonctions  supérieures  qui  agissent  sur  le  réel,  le  perçoivent 
et  le  modifient. 

Il  est  plus  difficile  de  déterminer  l'influence  de  l'âge  :  on  peut 
commencer  par  dresser  un  tableau  indiquant  l'âge  qu'avaient  les 


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LE  SEXE  ET  L*AGE  615 

Mais  il  est  certain  aussi  que  dans  l^enfance  et  Textréme  jeunesse 
les  cas  que  Ton  présente  au  médecin  sont  fort  rares,  de  même  à 
partir  de  5o  ans  on  note  dans  les  deux  tableaux  une  décroissance 
très  rapide.  Les  cas  d'obsession  dans  Tenfance  ou  dans  la  vieil- 
lesse sont  toujours  signalés  comme  des  raretés  cliniques  ^  La  pé- 
riode la  plus  favorable  au  développement  de  cette  maladie  semble 
être  entre  20  et  5o  ans,  c'est-à-dire  dans  Tage  adulte.  Enfin  par 
une  coïncidence  qui  ne  peut  pas  être  fortuite,  les  deux  tableaux 
nous  montrent  le  maximum  au  même  âge  entre  26  et  3o  ans, 
il  semble  bien  que  ce  soit  là  la  période  la  plus  active  de  la  ma- 
ladie si  on  veut  bien  admettre  que  la  gravité  de  la  maladie  est  en 
rapport  avec  l'activité  que  mettent  les  malades  à  rechercher  les 
soins  du  médecin. 

Une  statistique  qui  serait  beaucoup  plus  intéressante  nous  don- 
nerait non  plus  l'âge  où  les  malades  se  présentent  chez  le  méde- 
cin, mais  l'âge  où  la  maladie  a  débuté  ;  malheureusement  cette 
statistique  est  presque  impossible  à  établir.  La  maladie  des  obses- 
sions procède  souvent  par  rechutes  successives  séparées  par  des 
périodes  d'amélioration  relative.  Les  malades  sont  trop  portés  à 
donner  comme  le  début  de  leur  maladie  la  date  du  début  de 
leur  dernière  rechute  grave  et  laissent  de  côté  la  date  du  début 
véritable  quelquefois  très  éloignée.  Par  exemple  Vor...,  femme 
de  58  ans,  vous  dira  volontiers  que  sa  maladie  actuelle,  le  scrupule 
urinaire,  a  commencé  il  y  a  deux  ans  ;  ce  n'est  qu'incidemment 
qu'elle  raconte  avoir  été  soignée  par  Charcot  à  Tàge  de  18  ans, 
pour  une  crainte  bizarre  de  dire  des  mensonges  en  confes- 
sion. Elle  est  toute  surprise  quand  on  lui  fait  reconnaître  que 
c'est  toujours  la  même  maladie.  On  commet  ainsi,  en  prenant 
la  date  d'une  rechute  pour  la  date  du  début,  de  grossières 
erreurs. 

Mais  une  deuxième  difficulté  est  plus  grave  encore  ;  qu'est-ce 
qu'on  appelle  le  début  véritable  d'une  maladie  semblable  ?  Est-ce 
le  début  de  l'obsession  proprement  dite?  Mais  il  peut  y  avoir 
auparavant  des  crises  de  rumination,  de  phobie,  de  tics  qui 
sont,  comme  on  l'a  vu,  la  préparation  de  l'obsession;  admettra- 


1.  H.  Berger,  Obsession  et  impulsion  chez  un  enfant  de  10  ans.  Arch.  f.  Psy- 
chiatrie, XVllI,  3,  i8go.  J.  Séglas,  Neurasthénie  tardive  avec  idées  obsédantes  et 
folie  du  doulc  chez  un  homme  de  56  ans.  Société  médica-psych.,  a5  mai  1891. 


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LE  SEXE  ET  L'AGE 


617 


De    5 


TOTAL 

TOTAL 

AGE               HOMMES 

FBMMES 

POUR  186 

POUR  100 

5  à  lo  ans.  ...    3 

4 

7 

3.7 

II  à  i5  ans. 

6 

33- 

29 

i5,5 

i6  à  ao  ans. 

i3 

33 

46 

2^,3 

31  à  a5  ans. 

8 

30 

38 

l5.3 

36  à  3o  ans. 

5 

33 

38 

ao,4 

3i  à  35  ans. 

9 

3 

II 

5,9 

36  à  ^0  ans. 

3 

8 

11 

5.9 

f^l   à  /|5  ans. 

0 

6 

6 

3.3 

46  à  5o  ans. 

3 

4 

6 

3.3 

5i  à  55  ans. 

0 

0 

0 

0 

56  à  60  ans. 

0 

3 

3 

1.07 

61  à  65  ans. 

i 

l 

3 

1,07 

5o 

i36 

186 

100 

Ici  les  deux  tableaux  ne  sont  plus  aussi  concordants  que  tout 
à  Theure,  ils  montrent  bien  tous  les  deux  le  nombre  considéra- 
ble des  débuts  dans  la  jeunesse,  nombre  qui  va  en  diminuant  à 
mesure  que  Tage  avance.  Mais  dans  le  tableau  de  MM.  Pitres  et 
Régis  le  maximum  se  trouve  entre  11  et  i5  ans,  tandis  que  dans 
le  mien  le  maximun  se  trouve  un  peu  plus  tard  entre  16  et 
30.  Les  auteurs  précédents  concluent  leur  étude  en  disant  :  «  plus 
de  la  moitié  des  cas  commence  dans  Tenfance  avant  la  fin  de  la 
quinzième  année,  plus  des  trois  quarts  avant  la  trentième  ^  »  Mon 
tableau  ne  me  permet  pas  d'avoir  tout  a  faitla  même  formule  et  je 
dirai  :  à  peu  près  la  moitié  des  cas  commencent  avant  la  fin  de  la 
vingtième  année  et  plus  des  trois  quarts  avant  la  trentième. 

Cette  remarque  sur  Tage  du  début  le  plus  fréquent,  n'est  pas 
sans  intérêt.  Tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour  admettre  l'énorme 
influence  de  la  puberté.  Legrand  du  SauUe  disait  que  chez  des 
prédisposés  par  l'hérédité  Tâge  de  la  puberté  ne  va  pas  sans  ora- 
ges et  sans  périls.  M.  J.  Falret  ajoutait  qu'à  la  puberté,  il  se  fait 
comme  une  bifurcation,  les  uns  sont  frappés  d'un  arrêt  de  déve- 
loppement et  se  dirigent  vers  la  débilité  intellectuelle,  les  au- 
tres vers  les  phobies  raisonnantes.  «  J'ai  été  frappé  de  ce  fait, 
écrivait  Baillarger*,  que  presque  toujours  la  maladie  du  doute 
avait  débuté  à  l'époque  de  la  puberté.  »  M.  Marro  insiste  beau- 
coup sur  ces  dangers  de  la  puberté  :  l'activité  de  la  croissance. 


I.  Pitre»  et  Régis,  op.  cit.,  p.  70. 

3.  Baillarger,  Folie  du  doute.  Archives  cliniques  des  maladies  mentales  et  nerveuses. 
Paris.  1861. 


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LES  CONDITIONS  PHYSIQUES  DÉTERMINANTES  61 

il  est  évident  que  certaines  causes  déterminantes  jouent  un  rôl 
dans  l'éclosion  de  la  maladie.  Tous  les  auteurs  ont  noté  Fimpoi 
tance  des  fatigues,  des  excès,  des  traumatismes,  des  maladies  in 
fectieusesy  de  la  puerpéralité,  etc.^ 

On  a  rattaché  des  cas  d'une  manière  nette  à  des  maladies  d*es 
tomac',  à  des  lésions  cardiaques ',  à  Tinfluenza^,  etc.  MM.  Pitre 
et  Régis  ont  fait  une  statistique  de  4o  cas  où  les  causes  physique 
sem'blent  avoir  eu  une  grande  influence.  Ces  cas  se  décomposer 
ainsi  ^ 


5. 


Opérations  chirurgicales a 

Maladies  vénériennes  et  cutanées 8 

Surmenage 5 

Maladies  infectueuses la 

Accidents  nerveux 6 

Grossesses a 

Ménopause 5 

Dans  mes  observations  j*ai  noté  que   les  obsessions    sembler 

avoir  commencé  immédiatement  ou  quelque  temps  après  les  ph< 

nomènes   suivants    et  que  par  conséquent  ceux-ci  peuvent  avo 
eu  quelque  influence  sur  elles. 

Congestion  par  la  chaleur i  cas. 

Refroidissement  de  la  tète i 

Surmenage  physique 3 

Blessures  accidentelles 4 

Contusions  à  la  tète i 

Opérations  chirurgicales 5 

Eczéma  et  maladies  cutanées 3 

Uréthrite /| 

Métrite a 

Syphilis a 

Troubles  gastriques lo 

Choléra i 

Bronchite a 

Influenza 4 

Pleurésies  et  pneumonies 3 

Tuberculose a 


I.   Baillargcr,  Recherches  sur  les  maladies  mentales,  1890,  p.  a6a.  Séglas,  Maladi 
mentales,  p.  69,  etc. 

a.  Devay.  État  délirant  par  auto-intoxication.  Journal  méd.ct  de  chir.  prat.,  187 

p.  497- 

3.  Roubinovitch,  Phobie  dans  un  cas  d'insuffisance  mitrale.   Société  méd.-psych 

37  mai  1875. 

4.  Pailhas,  Obsessions  nerveuses  au  cours  d'une  atteinte  d'influenza.  Ann.  méà 
psych.,  1893,  II,  4a6. 

5.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  74. 


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LES  CONDITIONS  PHYSIQUES  DÉTERMINANTES  621 

L'accouchement,  surtout  lorsque,  comme  chez  F'ok...,  il  se 
complique  d'accidents  infectieux,  ebt  fréquemment  le  point  de 
départ  d'accidents  mentaux  graves,  quoique  la  prédisposition  ne 
fût  que  légère  auparavant. 

Un  problème  bien  plus  intéressant  et  plus  délicat  se  pose 
quand  on  considère  Tinfluence  de  Tonanisme  et  des  divers  trou- 
bles des  fonctions  sexuelles.  Un  grand  nombre  d'auteurs  ont 
attiré  l'attention  sur  l'influence  considérable  que  les  fonctions 
génitales  exercent  sur  les  fonctions  mentales.  Tous  les  anciens 
auteurs  et  en  particulier  Legrand  du  Saulle  avaient  déjà  signalé 
l'influence  de  l'onanisme.  Une  belle  observation  de  délire  du 
scrupule  qui  se  trouve  rapportée  dans  le  livre  curieux  de  Zim- 
mermann  «  la  Solitude  »  est  rattachée  par  l'auteur  (c  à  cette  habi- 
tude déplorable'  ».  Cette  influence  délétère  était  donc  communé- 
ment admise  mais  d'une  manière  un  peu  vague. 

M.  Freud,  de  Vienne,  a  essayé  de  montrer  que  les  névroses  et 
en  particulier  l'hystérie  et  la  névrose  d'angoisse  avaient  pour  ori- 
gine exclusive  des  troubles  des  fonctions  génitales^.  «  L'hystérie 
aurait  pour  origine  un  souvenir  inconscient  relatif  à  la  vie  sexuelle 
et  remontant  à  la  première  enfance,  la  neurasthénie  serait  due  au 
surmenage  génital  par  masturbation  excessive  et  pollutions  ré- 
pétées et  la  névrose  d'angoisse  proviendrait  de  la  satisfaction  in- 
complète du  besoin  sexuel'.  »  L'origine  de  la  maladie  qui  nous 
occupe  et  qui  est,  comme  on  l'a  vu,  bien  voisine  de  la  névrose 
d'angoisse  de  Freud  serait  bien  simple  :  «  Son  étiologie  spécifique 
est  l'accumulation  de  la  tension  génésique,  provoquée  par  l'absti- 
nence ou  l'irritation  génésique  fruste  (formule  générale  pour  indi- 
quer l'elTet  du  coït  réservé,  de  l'impuissance  relative  du  mari,  des 
excitations  des  fiancés,  de  l'abstinence  forcée,  etc.)  ».  Plusieurs 
auteurs  ont  publié  des  statistiques  curieuses  pour  montrer  le  bien 
fondé  de  cette  interprétation  :  les  plus  importantes  sont  celles  de 


I.  Zimmcrmann,  La  solitude,  p.  i54>  même  opinion  dans  lo  livre  de  M.  Dagonct, 
Maladies  mentales,  189^,  p.  43/|. 

a.  Freud  (de  Vienne),  Die  sexualiUt  in  der  Œtiologic  der  neurosen.  Wiener 
kl  in.  Hundschau,  1899,  a,  4f  5,  7. 

3.  Les  théories  de  M.  Freud  sur  ce  point  sont  clairement  résumées  dans  le  petit  his- 
torique de  la  névrose  d'angoisse  de  M.  Ilartcnbcrg,  p.  i4. 


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^'^^^^^1 


622  L'ÉVOLUTION 


M.  GatteP,  de  M.  Tournier',  de  M.  TschJsch^  de  M.  Kish*,  de 
M.  Féré',  etc. 

Cette  proposition  parait  au  premier  abord  singulière,  mais  une 
observation  désintéressée  montre  qu'elle  contient  certainement 
une  part  de  vérité.  Si  on  peut  avoir  des  renseignements,  des 
aveux  sur  la  vie  sexuelle  des  malades,  on  voit  qu'elle  est  presque 
toujours  troublée  et  qu'elle  est  bien  troublée  en  effet  dans  le 
sens  qu'indique  Freud.  Ces  personnes  ont  des  désirs,  souvent 
même  trop  fréquents,  ils  essayent  de  les  satisfaire,  mais  n'y  par- 
viennent que  très  incomplètement.  Les  uns  le  constatent  avec 
résignation,  les  autres  s'en  irritent  et  font  des  efforts  désespérés 
et  ridicules  pour  retrouver  ce  Paradis  perdu.  Chez  ceux-ci  et  à 
un  moindre  degré,  mais  d'une  manière  également  certaine,  des 
troubles  remarquables,  ruminations,  agitations,  angoisses  accom- 
pagnent ces  excitations  sexuelles  incomplètes.  On  peut  remarquer, 
comme  le  dit  très  bien  M.  Tournier,  que  le  même  trouble  existe 
dans  l'amour  moral  comme  dans  l'amour  physique  «  cette  névrose 
se  réalise,  dit-il,  chez  le  jeune  homme  par  besoin  sentimental  non 
satisfait,  par  aspiration  vers  l'amour  du  cœur...  »  Nous  avons  dé- 
crit longuement  ces  besoins  du  cœur  chez  les  psychasthéniqoes. 

J'admets  donc  le  fait  signalé  de  M.  Freud,  mais  je  crois  qu'il 
faut  l'interpréter.  M.  Freud  considère  le  trouble  sexuel,  la  satis- 
faction insuffisante  comme  un  fait  primitif  résultant  des  circons- 
tances extérieures  ou  de  la  conduite  volontaire  du  malade,  et  il 
admet  que  c'est  cette  insuffisance  accidentelle  des  excitations  gé- 
nitales qui  détermine  de  toutes  pièces  la  névrose  considérée 
comme  postérieure.  Divers  auteurs,  en  particulier  M.  Lowenfeld, 
de  Munich*,  et  M.  Hartenberg,  ont  fait  des  objections  très  justes. 
«  La  marche  de  l'affection,  dit  ce  dernier  auteur,  avec  ses  amé- 
liorations et  ses  rechutes,  ne  concorde  nullement  avec  les  diverses 
phases  de  la  vie  sexuelle^.  »  Cela  me  semble  incontestable:  même 


I .   Gallcl,  Ueber  die  Schueller  Ursache  dcr  Neurasthénie  und  Angslneurose. 
a.  Tournier,  Essai  de  classification  étîologique  des   névroses.   Archives  d'anthro- 
pologie criminelle.  Lyon,  i5  janvier  igoo. 

3.  Tschiscli,  Comptes  rendus  du  V7«  Conyrhs  de  la  Société  des  médecins  russes  de 
Kiew,  1896. 

4.  Kish,  Névrose  cardiaque  d'origine  sexuelle  chez  la  femme,  1897.  Cf.  Hartenberg, 
loc.  cit.,  p.  38. 

5.  Gh.  Féré,  L'instinct  sexuel t  1899  (Paris,  F.  Alcan). 

6.  Lôwenfcld  (Munich).  Munch.  med.  Wochenschrijt,  n**  i3,  iSgS. 

7.  Hartenberg,  Névrose  d'angoisse,  1901,  p.  27. 


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LES  CONDITIONS  PHYSIQUES  DÉTERMINANTES  623 

si  je  me  borne  à  considérer  les  malades  qui  présentent  unique- 
ment de  Tangoisse,  pour  ne  pas  sortir  du  groupe  étudié  par  M. 
Freud,  je  ne  vois  pas  que  les  circonstances  extérieures  aient  tou- 
jours déterminé  chez  eux  cette  insuffisance  du  coït  au  moment  de 
leurs  rechutes.  Bien  loin  de  là,  j*ai  eu  des  aveux  significatifs,  me 
démontrant  qu*ils  avaient  à  leur  disposition  les  moyens  d^une  sa- 
tisfaction largement  suffisante. 

Si  j'admets  les  faits  signalés  par  M.  Freud  et  M.  Tournier,  je 
suis  disposé  h  les  interpréter  d'une  tout  autre  façon.  Même  dans 
la  masturbation,  même  dans  le  coït  réservé,  et  à  plus  forte  raison 
dans  le  coït  normal,  ces  personnes  pourraient  trouver  une  satis- 
faction suffisante  si  elles  étaient  normales.  Mais  elles  ne  le  sont 
pas  et  ces  insuffisances  de  Fémotion  sexuelle  ne  sont  qu'une  ma- 
nifestation, un  cas  particulier  de  leurs  insuffisances  psychologi- 
ques. C'est  parce  qu'elles  deviennent  de  plus  en  plus  incapables  de 
pousser  un  phénomène  psychologique  jusqu'à  son  terme  qu'elles 
s'arrêtent  à  moitié  chemin  dans  cette  émotion  comme  dans  les 
autres. 

Il  se  pourrait  même  que,  du  moins  dans  certains  cas,  l'ona- 
nisme lui-même,  avec  son  isolement,  ses  restrictions,  soit  en  rap- 
port avec  les  premières  manifestations  de  la  maladie.  «  Il  ne  faut 
pas  oublier,  comme  Lasègue  aimait  à  le  rappeler,  que  l'onanisme 
est  souvent  le  symptôme  d'un  état  morbide,  d'une  névrose  céré- 
brale. Souvent  la  folie  n'est  pas  consécutive  à  l'onanisme,  mais  il 
existait  un  état  cérébral  qui  a  engendré  l'onanisme*.  »  Il  n'en  est 
pas  moins  vrai  que  dans  quelques  cas  les  pratiques  signalées  par 
M.  Freud  peuvent  favoriser  cet  arrêt  des  émotions,  développer 
l'habitude  des  phénomènes  d'incomplétude  et  par  conséquent  être 
fort  nuisibles. 

En  un  mot,  je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  faire  jouer  dans 
cette  maladie  un  rôle  spécial  aux  phénomènes  sexuels.  Il  suffit 
d'admettre  avec  M.  Marro,  MM.  Pitres  et  Régis,  M.  Haskovec, 
que  tous  les  troubles  de  la  sphère  génitale,  puberté,  âge  critique, 
menstruation,  lactation,  onanisme,  ont  une  influence  déprimante 
dans  cette  maladie  comme  d'ailleurs  dans  toutes  les  névroses  *. 
L'épuisement  déterminé  par  ces  troubles  génitaux  s'ajoute  sim- 


1.  Lasègue,  Études  médicales,  II,  p.  347- 

2.  Marro,  La  puberté,  p.  Sa.  Pitres  et  Hégis,  op.  cit.,  p.  3i.  Haskovec,  op.  cit., 
p.  126. 


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LES  CONDITIONS  MORALES  DÉTERMINANTES  625 

lentement  dans  le  même  sens  pendant  les  mois  ou  les  années  qui 
ont  précédé  la  maladie. 

Ce  caractère  est  facilement  reconnaissable,  il  est  constitué  par 
des  phénomènes  analogues  à  ceux  que  j'ai  décrits  à  propos  des 
insuffisances  psychologiques  et  des  crises  de  dérivation.  On  y  re- 
trouvera d'abord,  mais  a  un  degré  plus  faible,  toutes  les  formes 
de  Taboulie.  Ce  sont  des  individus  qui  ont  peu  ou  point  de  réso- 
lution et  d'activité  volontaire.  Ce  qui  leur  répugne  surtout,  c'est 
faction  sociale  et  ils  sont  avant  tout  des  timides,  incapables 
d'agir  et  de  parler  devant  les  autres  hommes.  Ils  ont  un  caractère 
renfermé,  car  ils  ne  peuvent  développer  leurs  pensées  et  leurs 
sentiments,  ils  ne  peuvent  les  amener  à  Pétat  de  précision  suscep- 
tible d'expression  quand  il  y  a  des  témoins.  Même  quand  ils  sont 
seuls  ils  n'aiment  pas  agir  et  ils  agissent  mal  ;  souvent  ils  ont  en 
horreur  les  exercices  physiques  et  surtout  ceux  où  il  faut  con- 
struire quelque  chose.  Ils  ont  toujours  été  d'une  maladresse  éton- 
nante et  ils  ne  savent  rien  faire  de  leurs  mains. 

Ils  sont  indécis,  ils  n'aiment  point  à  prendre  des  décisions,  ils 
redoutent  horriblement  les  responsabilités.  Aussi  ont-ils  pris 
l'habitude  de  ne  jamais  agir  personnellement,  ils  se  laissent  con- 
duire par  tout  le  monde  et  même  s'ils  se  rendent  compte,  car  ils 
sont  fort  intelligents,  qu'ils  sont  mal  conduits,  ils  ne  font  aucun 
effort  pour  échapper  à  la  direction  et  pour  se  diriger  seuls.  C'est 
qu'il  y  a  une  chose  encore  plus  pénible  pour  eux  que  la  décision 
personnelle,  c'est  la  lutte.  Ils  ont  horreur  de  lutter  contre  qui 
que  ce  soit  et  c'est  pour  cela  qu'ils  ont  la  réputation  d'avoir  un 
caractère  doux.  Jamais  leur  intérêt  compromis  ne  leur  paraît 
assez  considérable  pour  les  décider  à  entamer  une  lutte  si  péni- 
ble. Ils  aiment  infiniment  mieux  sacrifier  ce  qu'ils  voient  bien 
être  leur  intérêt  et  faire  ce  qu'on  leur  demande. 

Ce  sacrifice  d'ailleurs  ne  leur  est  pas  très  pénible,  car  ils  sont 
très  indifférents  à  leur  propre  intérêt,  surtout  s'il  est  un  peu  éloi- 
gné. Ils  sont  tout  à  fait  incapables  d'être  pratiques  et  cela  leur 
donne  un  aspect  désintéressé.  Ce  peu  de  souci  de  leur  intérêt  per- 
sonnel, joint  à  leur  horreur  de  la  lutte,  les  rend  extrêmement 
honnêtes.  Ils  ne  songent  à  léser  personne  et  ils  souhaitent  ar- 
demment que  les  autres  aient  autant  de  respect  pour  leurs  pro- 
pres droits.  Comme  ils  ont  le  mépris  du  terre  à  terre  de  la  prati- 
que, ils  conçoivent  un  monde  parfaitement  honnête  et  idéal.  En 
effet   ils   aiment  et  comprennent  mieux  les  idées.    Bien   qu'ils 

LES  OBSESSIONS.  I.   —   ^O 


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LES  CONDITIONS  MORALES  DÉTERMINANTES  627 

Ta  VU,  par  plusieurs  générations  évoluant  dans  le  même  sens 
s'ajoute  très  souvent  une  éducation  déplorable  qui  tend  h  déve- 
lopper les  tares  de  ces  esprits.  Cette  éducation  est  due  à  ce  fait 
que  les  parents,  sans  avoir  été  malades  à  proprement  parler  et 
par  conséquent  sans  avoir  ressenti  les  inconvénients  graves  de  cet 
abaissement  de  la  tension  mentale,  ont  eux-mêmes  un  caractère 
absolument  semblable.  Ils  semblent  faire  tous  leurs  efforts  pour 
enlever  à  leurs  enfants  les  occasions  d'agir,  ils  prennent  pour  eux 
toutes  les  décisions,  ils  les  empêchent  d'affronter  aucun  danger, 
d^entreprendre  aucune  lutte,  ils  ne  leur  donnent  que  des  leçons 
de  prudence  et  d'abstension.  Témoin  ce  pauvre  Jean  qu'une  bonne 
accompagne  au  lycée  alors  qu'il  avait  déjà  i8  ans,  de  peur  qu'il 
ne  se  refroidisse  ou  qu'il  ne  se  batte  avec  ses  camarades  (!!)  et  qui 
devient  la  risée  de  tout  le  collège. 

A  l'influence  des  parents  s'ajoute  l'éducation  absurde  des  jeu- 
nes Français  qu'on  laisse  pendant  d'interminables  heures  d'étude 
rêver  derrière  leurs  dictionnaires  et  à  qui  on  interdit  tout  mouve- 
ment et  tout  exercice  pratique.  Je  suis  frappé  de  voir  combien 
cette  éducation  des  jeunes  gens  et  même  des  jeunes  filles  en 
France  développe  chez  eux  le  tempérament  aboulique  et  comme 
elle  prépare  des  scrupuleux.  Je  me  suis  posé  à  ce  propos  une 
question  que  je  ne  peux  pas  résoudre  :  dans  les  pays  où  l'édu- 
cation est  tonte  différente,  dans  l'Angleterre  en  particulier,  est-ce 
que  cette  maladie  des  obsessions  est  aussi  répandue  qu'en 
France  ?  C'est  un  problème  qu'il  serait  intéressant  de  résoudre 
par  quelques  statistiques. 

Après  ces  conditions  générales  du  caractère  antérieur  et  de 
l'éducation,  quelles  sont  les  circonstances  morales  qui  jouent  un 
rôle  dans  l'éclosion  de  la  maladie  ? 

3.  —  Les  problèmes  de  la  i>ie. 

Je  signalerai  d'abord  les  problèmes  posés  par  la  vie.  Quelles 
que  soient  les  précautions  des  parents  pour  épargner  à  leurs  en- 
fants toute  difficulté  à  résoudre,  quelle  que  soit  la  prudence  du 
sujet  pour  n'engager  de  lutte  avec  personne  et  pour  ne  se  mêler 
de  rien,  il  est  impossible  d'éviter  qu'il  ne  se  présente  jamais  une 
décision  à  prendre,  un  problème  h  résoudre.  Très  souvent,  dans 
une  douzaine  de  mes  observations,  par  exemple,  l'accident  sur- 
vient à  propos  du  mariage.  Tout  a  été  si  bien  préparé  que  le 


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L'ÉVOLUTION 

sque  fait  tout  seul,  mais  cependant  il  arrive  un 
débile  doit  enfin  faire  quelque  chose  lui-même, 
mcer  le  «  oui  »  sacramentel.  Il  faut  se  décider, 
n  ou  (c  non  »  on  consent  à  ce  mariage  :  le  sujet 
îeut-être  pour  la  première  fois  de  sa  vie  qu*il 
lure  et  que  cela  a  quelque  importance, 
il  s'aperçoit  de  cette  nécessité  est  plus  ou  moins 
e  sont  les  plus  sages,  sentent  la  difficulté  avant 
i  autres,  toujours  heureux  de  retarder  une  dé- 
disent «  oui  »  aux  fiançailles  sans  réfléchir  et 
limplement,  suivant  leur  habitude,  pour  ne  pas 
pas  engager  de  lutte  :  ils  se  réservent  pour  plus 
de  la  décision  leur  apparaît  au  moment  du  ma- 
tendent  plus  tard  encore,  et  se  laissent  marier 
^ils  font,  puis  se  posent  la  question  au  moment 
ou  même  plus  tard  encore,  après  quelques  mois 
Is  se' demandent,  si  oui  ou  non,  ils  acceptent  ce 
l'il  en  soit,  de  ces  différentes  époques,  une  fois 
la  situation  est  toujours  la  même.  Le  malade  par 
nent  de  sa  tension  psychologique  est  incapable 
Bcision.  Ses  efforts  aboutissent  seulement  à  des 
lérivation,  ruminations  interminables,  folie  du 
etc..  J'ai  cité  déjà  trop  d'exemples  de  ces 
se  demandent  si  elles  aiment  ou  si  elles  dé- 
îés,  de  ces  hommes  qui  ne  savent  pas  s'ils  pour- 
leurs  femmes  pour  y  revenir  ici.  M.  Savage  a 
ns  de  ces  «  troubles  de  l'esprit  déterminés  à 
cailles  ».  Il  admet  que  «  ce  qui  produit  le  trou- 
itration  des  sentiments  et  des  émotions  vers  les 
roduction,  c'est  l'accumulation  des  désirs  et  des 
t  d'assouvissement*  ».  Si  j'admets  l'importance 
admettre  l'explication  :  l'incapacité  de  prendre 
3résence  d'une  situation  nouvelle  et  grave  me 
mportantc  qu'un  inassouvissement  génital  très 
illeurs  le  même  trouble,  comme  je  l'ai  dit,  sur- 
le  mariage  et  d'ailleurs  il  existe  dans  des  actes 


oubles  d'esprit  développés  à  Toccasion  des  fiançailles.  Journal 
irc  1888,  trad.  de  V.  Parant,  Encéphale,  1888. 


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LES  CONDITIONS  MORALES  DÉTERMINANTES  629 

Beaucoup  d*autres  circonstances  déterminent  le  début  du  mal 
par  un  mécanisme  analogue  à  celui  que  nous  venons  de  voir  dans 
le  mariage,  par  exemple,  les  changements  de  situation.  Un  pro- 
fesseur de  renseignement  secondaire  se  trouve  sur  le  point  d*étre 
chargé  d'un  cours  dans  l'enseignement  supérieur,  un  instituteur 
primaire  va  être  changé  de  classe  et  va  enseigner  dans  des  condi- 
tions légèrement  différentes  :  cela  suiBt  par  déterminer  des 
crises  terribles  de  doute  et  d^angoisse.  On  a  l'habitude  de  dési- 
gner ces  phénomènes  comme  des  émotions  et  de  dire  que  dans 
ces  cas  la  maladie  a  une  origine  émotionnelle.  L'émotion  me  paraît 
ici  secondaire,  la  question  essentielle  est  de  savoir  pourquoi  un 
changement  de  classe  est  émotionnel  :  il  ne  Test  que  parce  qu'il 
pose  au  sujet  un  problème,  qu'il  le  force  à  prendre  une  décision, 
à  faire  effort  pour  une  adaptation  nouvelle.  Des  faits  de  ce  genre 
se  présentent  assez  souvent  au  début  de  la  folie  du  doute. 

Voici  les  changements  qui,  chez  mes  malades,  ont  joué  le  plus 
souvent  un  rôle.  Le  fait  de  se  retirer  des  affaires  détermine  la 
maladie  dans  deux  cas,  la  nécessité  de  choisir  une  carrière  inter- 
vient dans  quatre  cas,  le  problème  de  la  vocation  religieuse, 
entrer  ou  non  au  couvent,  dans  huit  cas,  le  changement  de 
résidence  dans  trois  cas,  le  changement  de  fortune  dans  deux, 
un  héritage  embarrassé  et  des  procès  dans  trois,  l'introduction 
de  domestiques  nouveaux  dans  la  maison  ou  le  départ  de  do- 
mestiques anciens  dans  cinq.  Peut-être  peut-on  rattacher  au 
même  groupe  les  embarras  moraux  causés  par  un  enseignement 
nouveau  et  les  troubles  apportés  dans  les  anciennes  croyances 
par  des  lectures  nouvelles  :  c'est  ainsi  que  dans  deux  cas  la 
classe  de  philosophie  a  été  pour  des  jeunes  gens  le  point  de 
départ  des  obsessions. 

Un  fait  qui  a  une  très  grande  importance  au  point  de  vue  pa- 
thologique, c'est  la  première  communion  qui  pourrait  être  rangée 
à  la  fois  dans  ce  groupe  et  dans  les  suivants.  Cet  événement  impose 
un  effort  d'attention  qui  rend  l'acte  diflicile,  il  pose  des  problè- 
mes relatifs  a  la  croyance,  enfin  il  émotionne,  c'est  ainsi  qu'il  est 
si  souvent  le  point  de  départ  de  la  première  crise  d'angoisse  on 
de  scrupule. 

Dans  un  groupe  voisin  nous  placerons  les  circonstances  qui 
imposent  au  psychasthénique  un  effort,  une  lutte  qu'il  a  toujours 
évités.  Une  plaisanterie  obscène  dans  un  cas,  un  reproche  sérieux 
dans  trois  cas,  la  nécessité  de  cacher  l'inconduite  du   mari  dans 


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FORMES  DE  LA  PSYCHASTHÉNIE  CONSTITUTIONNELLE  ET  ACQUISE  631 

la  mort  d'un  chien  bien-aimé  ou  le  départ  d'un  chat  dans  6  cas, 
des  surprises  ou  des  mauvaises  nouvelles  dans  12  cas,  des  con- 
tacts répugnants  dans  4  cas,  des  blessures  accidentelles  avec  un 
rasoir  et  des  émotions  en  touchant  ces  rasoirs  ou  des  couteaux 
dans  4  cas. 

Faut-il  ajouter  l'histoire  singulière  de  Mb...  qui  allant,  un  soir, 
au  spectacle,  voit  jouer  le  Courrier  de  Lyon,  drame  dans  lequel 
un  individu  est  assassiné  sur  la  scène  avec  un  grand  couteau  et 
qui  rentre  avec  la  crainte  d'assassiner  et  la  phobie  des  couteaux? 
A  la  suite  de  cet  incident  qui  paraît  insignifiant,  la  phobie  a  duré 
3o  ans.  M.  Daguillon  cite  un  malade  qui  a  eu  des  impulsions  ho- 
micides après  la  lecture  du  livre  de  Zola,  la  Bète  humaine  ^ 

Dans  deux  cas  il  me  semble  qu'il  faut  faire  une  part  à  la  con- 
tagion de  l'exemple  ;  la  fatigue,  l'émotion  causées  par  les  soins  à 
donner  à  une  femme  phobique  ont  déterminé  chez  des  personnes 
de  leur  famille,  également  prédisposées  bien  entendu,  des  trou- 
bles du  même  genre.  On  peut  rappeler  à  ce  propos  les  observa- 
tions si  curieuses  de  M.  Féré  sur  des  chiens  qui  deviennent  ma- 
lades et  ont  des  peurs  angoissantes  quand  il  s'agit  de  traverser 
la  rue  parce  qu'ils  sont  restés  longtemps  auprès  d'une  maîtresse 
ajforaphobe*. 

Il  faut  observer  que  les  émotions  pénibles  longtemps  prolon- 
gées agisseïit  souvent  plus  que  les  émotions  brusques.  Une  sorte 
de  jalousie  que  Jean  conservait  malgré  lui  pendant  des  années 
contre  une  personne  adoptée  par  ses  parents  semblent  avoir  été  la 
raison  d'être  de  ses  obsessions  à  propos  de  Charlotte. 

Toutes  ces  diverses  influences  morales  s'ajoutent  aux  causes 
physiques  et  surtout  à  la  prédisposition  créée  par  le  caractère  et 
par  l'hérédité  pour  constituer  peu  à  peu  une  maladie  mentale  aussi 
complexe. 


6.  —  Les  deux  formes  de  la  psycbastbénie 
constitutionnelle  et  acquise. 

Si  l'on  jette  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  les  diverses  remar- 

I.   Daguillon,  Ann.  méd.  psych.,  juin  1894. 

a.  Féré,  Folie  communiquée  de  Thommeaux  animaux,  agoraphobie  chez  le  chien. 
Société  de  biologie,  1897. 


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FORMES  DE  LA  PSYCHASTHÉNÏE  CONSTITUTIONNELLE  ET  ACQUISE  6;;a 

d'observer  que  ces  deux  classes  sont  loin  d'avoir  une  importance 
égale  et  que  la  seconde  se  réduit  à  un  très  petit  nombre  de  cas. 
Tout  ce  que  l'on  peut  admettre  c'est  que  les  cas  sont  le  plus  sou- 
vent intermédiaires  entre  ces  deux  extrêmes,  le  malade  consti- 
tutionnel et  le  malade  tout  à  fait  accidentel,  et,  comme  on  va  le 
voir,  ils  seront  d'autant  plus  graves  ou  d'autant  plus  curables  qu'ils 
se  rapprocheront  plus  de  l'un  ou  de  l'autre. 


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LES  FORMES  DU  DÉBUT  635 

tnier  coup.  Un  certain  nombre  de  malades,  une  vingtaine,  pré- 
tendent avoir  ressenti  cette  douleur  de  la  tète  en  général  à 
l'occiput  et  être  entrés  tout  de  suite  dans  un  état  grave. 

Dans  des  cas  de  ce  genre  on  se  trouve  immédiatement  en  pré- 
sence de  symptômes  complets  tels  que  nous  les  avons  décrits,  il 
n'y  a  pas  de  remarques  particulières  à  faire  sur  le  début.  Mais  à 
mon  avis  ces  formes  sont  exceptionnelles  et  elles  deviendront  de 
plus  en  plus  rares,  à  mesure  que  l'on  fera  d'une  manière  plus  sé- 
rieuse l'analyse  du  caractère  antérieur  des  malades.  Presque  tou- 
jours il  y  a  un  état  psychologique  anormal  qui  se  développe 
depuis  très  longtemps  aVantque  n'apparaissent  sous  une  influence 
provocatrice  ces  états  aigus.  Ce  sont  ces  signes  précurseurs  qu'il 
faut  rechercher. 

Ce  sont  d'abord  à  un  degré  plus  ou  moins  accusé  tous  les  symp- 
tômes de  neurasthénie  ;  les  fatigues  excessives,  les  engourdisse- 
ments des  membres,  qui  paraissent  quelquefois  grossir  «  depuis 
longtemps,  dit  Qb...,  il  y  avait  un  côté  du  corps  qui  me  sem- 
blait devenir  plus  gros  que  l'autre  »,  indiquant  déjà  la  dimi- 
nution de  la  tension  nerveuse.  Toutes  les  sensations  anormales 
dans  la  tète  :  les  bruits,  les  vertiges,  le  sentiment  de  perdre  con- 
naissance, les  craquements,  le  vide,  les  étourdissements,  les 
vapeurs,  les  serrements  comme  dans  un  étau,  etc.,  sont  des 
phénomènes  du  même  genre. 

Il  faut  même  tenir  compte  des  symptômes  physiques,  la  fai- 
blesse, les  tremblements,  les  troubles  de  la  digestion,  l'amaigris- 
sement. Dans  huit  de  mes  observations,  la  maladie  a  débuté  dans 
l'enfance  par  des  faiblesses  et  des  amaigrissements  que  l'on  a  à 
tort  rattachés  à  de  simples  anémies.  En  un  mot  je  crois  qu'il  faut 
se  défier  du  diagnostic  banal  de  neurasthénie,  si  la  maladie  se 
borne  souvent  à  un  affaiblissement  nerveux  organique,  il  faut 
quelquefois  redouter  des  troubles  mentaux  plus  graves  qui  com- 
mencent très  souvent  sous  le  couvert  de  ces  symptômes  neuras- 
théniques. 


I.  —  Sentiments  pathologiques. 

Les  symptômes  moraux  sont  évidemment  plus  importants 
encore  :  les  sentiments  d'être  «  comme  endormi  »  (Dd...)  et 
tous  les  sentiments  d'insuffisance  psychologique  se  dévelop- 
pent souvent  des  années  avant  l'éclosion  apparente  de  la  maladie. 


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LES  FORMES  DU  DÉBUT  637 

qu^aucun  homme  ne  voulût  d'elle.  La  maladie  commence  aussî 
de  très  bonne  heure  par  des  inquiétudes  sous  forme  de  remords. 
A  12  ans  Leg...  s'inquiète  beaucoup,  par  crainte  d'avoir  dit  du 
mal  des  gens  et  Py...  par  crainte  de  n'avoir  pas  été  assez  res- 
pectueuse avec  le  curé. 

A  côté  de  l'inquiétude,  il  faut  placer  parmi  les  formes  du  début 
beaucoup  d'autres  sentiments,  l'ennui  perpétuel,  symptôme  de 
l'aboulie  et  prélude  des  névroses,  qu'on  observe  à  un  si  haut  de- 
gré chez  Dk...,  Zo...,  Ku...,  Van...,  etc.  Un  état  de  tristesse 
permanente  avec  manie  de  rechercher  les  pensées  qui  entretien- 
nent cette  tristesse  se  manifeste  chez  Vor...,  chez  Vk...,  chez  Na- 
dia dès  sa  jeunesse,  comme  chez  Mt...  à  4o  ans  après  l'opération 
qui  a  été  le  point  de  départ  des  troubles  nerveux.  On  note  chez 
d'autres  également  au  début  un  état  hypocondriaque  avec  dou- 
leurs vagues  disséminées  de  tous  côtés  Cs...,  Mor...,  Her...,Ml..., 
Mae... 

Une  timidité  bizarre,  excessive,  qui  rend  ces  personnes  tout  à 
fuit  paralysés,  se  développe  de  plus  en  plus  au  début  de  la  ma- 
ladie. Cette  timidité,  comme  on  l'a  vu,  s'accompagne  d'idées 
d'humilité,  a  je  ne  suis  pas  comme  les  autres,  je  suis  laide,  j'ai 
une  tête  de  chat,  je  suis  un  monstre,  tout  le  monde  se  retourne 
quand  je  passe».  (Byl...). 

Ces  mêmes  personnes  timides,  honteuses  d'elles-mêmes,  ont 
très  souvent  des  amours  tout  à  fait  excessifs  qui  ne  sont  nulle- 
ment en  rapport  avec  le  développement  des  passions  normales. 
Ce  sont  des  attachements  invraisemblables  pour  un  maître,  pour 
un  camarade.  Il  faut  avoir  présents  à  l'esprit  les  caractères  des 
besoins  d'aimer  et  d'être  aimé  propres  aux  scrupuleux  pour  re- 
connaître ce  signe  en  général  assez  précoce. 

Par  suite  de  cette  tristesse,  de  cette  timidité  et  de  leur  mala- 
dresse déjà  signalée,  ces  malades  ne  peuvent  plus  frayer  avec  le 
monde,  ils  perdent  ou  quittent  leurs  amis  et  on  les  voit  s'isoler 
de  plus  en  plus.  Ser...,  jeune  fille  de  i6  ans,  enfant  jusque-là  in- 
telligente, cesse  de  bien  travailler  et  ne  fait  plus  aucun  progrès, 
elle  cesse  de  jouer  avec  les  autres  enfants  de  l'école,  elle  déclare 
qu'elle  les  trouve  sales  et  s'isole  de  plus  en  plus  :  peu  de  temps 
après,  commencent  des  actions  en  rapport  avec  la  folie  du  doute. 
En  même  temps  que  ces  malades  s'isolent,  ils  prennent  ce  carac- 
tère renfermé  que  nous  avons  déjà  étudié  chez  les  scrupuleux, 
ils  ne  veulent  plus  et  bientôt  ne  peuvent  plus  exprimer  ce  qu'ils 


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LES  FORMES  DU  DÉBUT  639 

L'entêtement  sera  d'autant  plus  caractéristique  qu*il  portera 
sur  une  action  plus  particulière,  quand  les  malades,  par  exemple, 
refusent  de  manger  (Nadia),  de  toucher  un  certain  vêtement  (Vy..., 
Ger...),  de  toucher  à  de  l'argent  (Lkb...,  Rob...,  etc.).  Depuis  deux 
ans  malgré  toutes  les  objurgations  Xyb...  refuse  de  rendre  à  sa 
bonne  une  petite  somme  de  2g  francs  qu'elle  lui  doit.  Il  sera  éga- 
lement plus  net  si  le  malade  avoue  que  Tentêtement  est  en  rapport 
avec  certaines  idées,  certains  serments.  Mais  nous  retombons 
alors  dans  la  maladie  tout  à  fait  constituée. 

L'agitation  chez  plusieurs  malades  remplace  l'inertie  :  pas  plus 
que  les  précédents,  les  malades  agités  n'arrivent  à  exécuter 
quelque  chose,  mais  ils  ont  de  longues  périodes  où  ils  remuent, 
où  ils  crient,  pendant  lesquelles  ils  ne  peuvent  dormir.  Les  uns 
s'agitent  sans  trop  savoir  pourquoi  et  on  les  croit  atteints  de 
chorée  (Za...)  on  de  crises  d'hystérie  (Bai...,  Mb...,  Vod...). 
Le  plus  souvent  cette  agitation  accompagne  une  crise  de  doute 
une  rumination  interminable  (To...,  Cha...). 

3.  —  Les  tics. 

Une  des  formes  de  début  les  plus  remarquables  et  les  plus 
souvent  méconnues,  ce  sont  les  tics.  Je  compte  au  moins  i5  de 
mes  malades  qui  ont  débuté  par  une  période  de  tics  et  qui  en- 
suite ont  suivi  toute  l'évolution  de  la  psychasthénie  avec  les  sen- 
timents   d'insuffisance,  les  obsessions  et  les  phobies  variées. 

Je  rappelle  ici  quelques  exemples  de  cette  évolution  qui  est 
importante  et  mal  connue.  Gisèle,  à  l'âge  de  lo  ans,  a  eu  des 
secousses  de  la  tète  «  comme  si  elle  disait  oui  »  cela  a  duré  plus 
de  deux  ans  ;  puis  ce  tic  a  diminué,  quand  elle  a  eu  des  périodes 
d'inertie  semblables  à  des  sommeils,  mais  remplies  par  des  rêve- 
ries. A  quinze  ans  les  tics  et  les  sommeils  sont  entièrement  dis- 
parus, parce  que  la  malade  s'interroge  pour  savoir  si  elle  n'a 
pas  la  vocation  religieuse  ;  le  délire  du  doute  avec  les  grandes 
crises  de  rumination  qui  durent  encore  h  3o  ans  est  constitué. 
Nu...  a  eu  des  tics,  secousses  de  l'épaule  droite  et  grimaces 
depuis  l'âge  de  9  ans,  jusqu'à  Tâge  de  20  ans.  En  cherchant  à 
guérir  ce  tic,  elle  se  demande  si  elle  ne  fait  pas  des  grimaces 
exprès,  si  elle  n'est  pas  coupable  à  ce  propos,  etc.  Le  tic  diminue 
puis  disparait,  quand  les  crises  d'obsessions  sont  complètes.  Les 
observations  de  Mau...,  de  Fok...,  de  Fie...,  de  VI...,  de  Bab..., 


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L'ÉVOLUTION 

Vy...  sont  absolument  semblables  :  les  tics  semblent  avoir 
écédé  les    obsessions. 

Cependant  dans  les  cas  les  plus  fréquents,  Tobsession  se  déve- 
)pe  en  même  temps    que  le  tic.  Ser...,  âgée   de  i6  ans,  a  un 

qui  consiste  à  secouer  un  peu  la  tête  et  à  frapper  son  oreille 
5C  sa   main  gauche,  très  rapidement,    trois  fois  de   suite;  ce 

est  en  rapport  avec  une  manie  de  vérification.  Elle  est  forcée 

vérifier  si  sa  boucle  d'oreille  ne  tombe  pas.  On  lui  a  retiré 
\  boucles  d'oreilles,  mais  le  besoin  de  vérifier  et  le  tic  persiste, 
lilleurs  tout  un  délire  de  propreté  se  développe  chez  cette  ma- 
ie avec  manie  de  brosser  ses  vêtements,  de  se  laver  les  mains, 
;.  Il  est  intéressant  de  remarquer  que  la  mère  de  cette  malade, 
î  est  encore  une  scrupuleuse,  a  eu  fort  longtemps  des  tics  dans 
jeunesse  ;  elle  ne  se  souvient  plus  si  les  tics  ont  précédé  ses 
sessions  ou  les  ont  accompagnées  comme  chez  sa  fille.  Bé..., 
nme  de  4^  ans,  a  le  tic  de  se  frotter  sa  robe  à  droite,  si  bien 
e  toutes  ses  robes  sont  usées  à  cet  endroit.  C'est  une  obsédée 
i  a  des  angoisses  h  la  pensée  qu'elle  a  dans  le  ventre  un  «  ver 
lignée  ».  Rn...,  fillette  de  i3  ans,  a  le  tic  de  frapper  du  coude 
^it  sur  la  table,  sur  les  meubles  ou  contre  les  murs  elle  a  en 
ime  temps  la  manie  des  présages  et  la  manie  des  compensa- 
ns  «  si  je  ne  frappe  pas  du  coude  ou  si  je  ne  compte  pas  les 
Iles,..,  je  mourrai,  cela  portera  malheur  k  mes  parents  ». 
ri...,  garçon  de  i3  ans,  a  toutes  sortes  de  tics,  tous  en  rapport 
ic  des  idées  obsédantes,  il  secoue  la  tète  «  c'était  au  début 
ur  voir  si  elle  lui  faisait  mal,  s'il  y  avait  encore  un  grelot  de- 
as».  Il  lève  les  épaules  «  pour  voir  si  mon  col  me  gêne.»  Il 
vre  les  paupières  démesurément  «  potfr  voir  s'il  voit  clair», 
!.  En  même  temps  ce  pauvre  garçon  a  la  manie  de  répéter  cer- 
ns  mots  trois  fois  et  de  douter  de  tous  ses  actes  ;  il  a  la  phobie 

diable,  du  salon  rouge  et  de  la  lune.  Quelles  que  soient  les 
isions  que  l'on  se  fait  aujourd'hui  sur  la  guérison  facile  de  la 
Rendue  maladie  des  tics,  je  crains  bien  qu'il  ne  commence 
e  triste  carrière  d'obsédé.  On  retrouve  chez  lui  dès  le  début 
te  «  association  des  troubles  musculaires  et  des  troubles  psy- 
ques  »  que  signalait  récemment  M.  Joffroy*.  Déjà  Tétude 
rchologique  des  tics  nous  avait  amenés  à  les  rattacher  aux  phé- 


.  A.  Joffroy.  Association  des   troubles  musculaires  et   des    troubles  psycliiques, 
ue  neurologique,  i5  avril  1902,  p.  389. 


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LES  PRINCIPALES  VARIÉTÉS  CLINIQUES  641 

nomènes  de  dérivation  qui  résultent  de  rabaissement  de  la  volonté 
exactement  comme  les  autres  manies  mentales,  Tétude  de  l'évo- 
lution de  la  maladie  nous  amène  au  même  résultat,  il  faudra  en 
tenir  compte  dans  le  diagnostic. 

Aux  tics  doivent  se  rattacher  les  diverses  manies  mentales  qui 
sont  le  plus  communes  dans  les  débuts,  les  manies  de  propreté, 
la  manie  de  se  laver  les  mains  et  certaines  manies  de  conjuration 
qui  se  traduisent  par  des  gestes  ou  des  paroles  prononcées  à  demi 
voix.  Dans  une  dizaine  d'observations  les  parents  se  sont  avisés 
de  la  maladie  en  entendant  le  sujet  répéter  tout  bas  certaines  pa- 
roles toujours  les  mêmes:  «  non,  non,  ...je  ne  veux  pas,  ...un,  deux, 
trois»,  ce  sont  des  formules  de  conjuration  dont  on  a  vu  l'impor- 
tance. 

Tous  ces  phénomènes  caractérisent  les  débuts  delà  maladie;  il 
était  important  de  les  connaître  et  de  noter  leur  fréquence. 


2.  —  Les  principales  variétés  cliniques. 

L'état  psychasthénique  une  fois  constitué  se  prolonge  pendant 
un  temps  en  général  fort  long,  mais  il  présente  des  aspects  assez 
différents  suivant  la  variété  qui  se  développe  plus  particulière- 
ment. 

Sur  ce  point  la  psychasthénie  ressemble  à  l'hystérie  qui  est  au. 
fond  toujours  la  même  maladie,  quoique  l'aspect  d'une  malade  qui 
a  des  crises  de  temps  en  temps  ne  soit  pas  le  même  que  celui 
d'une  hémiplégique  ou  d'une  anorexique.  C'est  pourquoi  on  a 
souvent  essayé  d'établir  des  classifications  pour  distinguer  les  di- 
verses formes  de  troubles  psychasthéniques. 

Ces  classifications  sont  difficiles  parce  que  nous  sommes  loin 
de  connaître  bien  le  mécanisme  et  les  relations  mutuelles  de  ces 
divers  accidents.  Certains  auteurs  compliquent  inutilement  ces 
classifications  en  mélangeant  avec  les  états  psychasthéniques  d'au- 
tres maladies  où  l'on  rencontre  aussi  des  idées  fixes  à  mon  avis 
d'une  tout  autre  nature.  M.  Freud  admet  trois  classes  : 

i^  Les  obsessions  intenses,  images  d'événements  (hystérie  trau- 
matique)  ; 

2^  Les  obsessions  vraies,  idées  et  états  émotifs  associés  ; 

3®  Les  phobies. 

LES  0B8ESSI0:<S.  I.  ^I 


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L'ÉVOLUTION 

er  groupe  ayant  manifestement  rapport  à  Thystérie  où 
es  ont  de  tout  autres  lois,  il  ne  reste  qu'une  division 
*ties  :  obsessions  et  phobies  qui  est  un  peu  sommaire 
d  pas  à  la  multiplicité  des  cas. 

exactement  de  même  pour  la  classification  de  M.  Has- 
idmet  4  groupes'  : 

)ce  proprement  dite   (Griesinger,  Westphal,   phréno- 
eschede]  lésions  intellectuelles  primaires  ; 
passagers  de  phobie  curable,    qui   se  rattachent  à  la 
e  ; 

(ions  et  phobies  symptomatiques  de  la  neurasthénie, 
3,  du  Basedow,  des  intoxications,  etc.  ; 
>mes  des  psychoses.  Dans  cette  classification  un  peu 
^y  a  que  les  deux  premiers  groupes  qui  se  rapporteDt 
es  et  ils  ne  nous  donnent  que  la  même  division  en  ob- 
)hobies. 

îfications  les  plus  répandues  sont  plus  précises  :  elles 
nserver  un  souvenir  vague  des  anciennes  facultés  de 
Imettent  que  l'obsession  prend  trois  formes  suivant 
9  sur  rintelligence,  la  sensibilité  ou  la  volonté.  En 
imburini  admet  trois  groupes  : 

)bsédantes  intellectuelles  (interrogations,  doutes,  cal- 
u  doute,  folie  métaphysique,  folie  du  calcul)  ; 
accompagnées  d'un   sentiment  de   peur,  peur   d'être 
r  de  sortir  ; 
mpulsives*. 

eden  reproduit  exactement  la  même  division  :  i**  les 
obsédantes,  2°  les  émotions  obsédantes,  3*  les  împul- 
intes,  4**  les  idées  obsédantes  proprement  dites,  ob- 
ellectuelles  des  Français,  Grûbelsucht  de  Berger  et 
La  distinction  entre  les  groupes  i  et  4  n'est  pas  indi- 
neltement,  je  crois  qu'elle  correspond  à  ce  que  j'ai 
sion  et  phénomènes  de  rumination  intellectuelle,  je  la 
t  utile. 

fondait  d'abord  sa  classification  sur  les  lésions  de  la 
la  volonté  est  lésée  dans  sa  force  d'arrêt  (obsessions 


op.  cit.,  p.  i3i. 

i,  Riv.  sper.  d.  frenialria,  anno  VIII,  4»  i884. 
i.  Revue  de  l'hypnotisme,  1892,  p.  7. 


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LES  PRINCIPALES  VARIÉTÉS  CLINIQUES  6i3 

impulsives),  2*  la  volonté  est  lésée  dans  sa  force  d'action  (ob- 
session d'indécision,  folie  du  doute,  obsession-crainte,  agora- 
phobie). Le  point  de  départ  est  juste  car  les  lésions  de  la  volonté 
jouent  ici  un  rôle  considérable,  mais  la  volonté  me  parait  presque 
toujours  lésée  a  la  fois  dans  sa  force  d'arrêt  et  dans  sa  force  d'ac- 
tion, dans  la  folie  du  doute  :  il  y  a  arrêt  de  l'action  que  le  malade 
ne  fait  pas  et  en  même  temps  il  y  a  exagération  de  la  rumination. 
Pourquoi  séparer  cet  arrêt  de  l'aboulie  mise  dans  le  premier 
groupe?  Il  en  est  de  même  pour  l'agoraphobie  et  il  me  semble  dif- 
ficile de  ranger  un  cas  dans  le  premier  ou  dans  le  second  groupe. 

M.  Séglas  adopte  cette  classification  sans  la  discuter*,  il  de- 
mande seulement  d'ajouter  une  catégorie  spéciale  pour  les  obses- 
sions qui  ont  trait  à  des  phénomènes  de  sensibilité  (glossodynie, 
obsession  dentaire  de  Calippe,  algies  centrales  des  neurasthé- 
niques, topoalgies  de  Blocq,  etc.  Ce  groupe  des  algies,  dont 
parle  M.  Séglas  est  en  eBet  très  intéressant,  mais  je  ne  vois  pas 
de  raison  suffisante  pour  le  séparer  complètement  du  groupe  des 
phobies  avec  lequel  il  a  tant  d'analogies. 

Plus  tard  M.  Régis  reprenant  cette  question  avec  M.  Pitres 
laisse  de  côté  le  point  de  vue  des  lésions  de  la  volonté  auquel  il 
s'était  placé  d'abord  et  ne  se  préoccupe  plus  que  des  troubles  de 
l'émotion  ;  il  distingue  trois  formes  : 

i"  L'état  obsédant  à  anxiété  diffuse  ou  panophobique  ; 

2^  L'état  obsédant  à  anxiété  systématisée  ou  monophobique  ; 

3^  L'état  obsédant  à  idée  anxieuse  ou  monoidéique^. 

Il  y  a  dans  cette  classification  un  réel  progrès  en  particulier 
sur  les  classifications  en  phobies  et  obsessions  ;  MM.  Pitres  et 
Régis  montrent  bien  qu'il  y  a  un  état  primitif  et  vague  qui  sert 
de  point  de  départ  à  la  maladie  et  qu'il  faut  distinguer  des  ob- 
sessions constituées,  en  outre  ils  mettent  bien  k  la  fin  de  la  clas- 
sification, l'obsession  proprement  dite  qui  est  le  résultat  d'une 
interprétation  et  de  toute  une  évolution  maladive.  Je  regrette 
seulement  que  le  premier  état  soit  caractérisé  uniquement  par  de 
l'émotion  quand  il  contient  les  troubles  très  variées  de  l'abaisse- 
ment psychologique,  je  regrette  aussi  que  le  second  groupe  ne 
contienne  que  les  phobies,   ce  qui  laisse  de  côté  les  tics,  les  agi- 


I.  Séglas,  Leçons  sur  les  maladies  mentales,  p.  6o.  Conférence  faite  à  la  Saipi- 
trière.  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  a5  février  1894. 
a.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  i3. 


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LA  MARCHE  DE  LA  MALADIE  645 

d'un  cas  individuel  qui  passe  successivement  par  ces  trois  degrés. 
Voici  comment  Claire  résume  elle-même  sa  propre  maladie  :  <(  au 
commencement  j*ai  simplement  souffert  bien  cruellement  du  man- 
que de  confiance  et  de  ne  plus  pouvoir  croire.  Ensuite  j'ai  eu 
comme  une  fuite  des  idées,  il  me  venait  des  pensées,  des  ques- 
tions, de  véritables  calculs  que  je  faisais  malgré  moi,  que  je  ne 
pouvais  pas  plus  empêcher  que  mes  tics.  Enfin  j*ai  été  bien  plus 
malheureuse  quand  il  y  a  eu  des  hallucinations  (le  membre  viril 
et  Thostie)  qui  m'ont  montré  combien  j'étais  tombée  bas  et  quand 
j'ai  senti  que  je  ne  pourrais  jamais  remonter.  »  Traduisons  ce  lan- 
gage de  la  malade  :  elle  a  d'abord  le  trouble  des  fonctions  du  réel, 
c'est-à-dire  des  phénomènes  d'abaissement  et  d'insufSsance,  puis 
elle  a  des  tics  et  des  manies  mentales,  phénomènes  de  dérivation, 
enfin  elle  a  de  pseudo-hallucinations  qui  ne  sont  que  des  expres- 
sions de  l'obsession  intellectuelle  qui  s'est  formée  peu  à  peu. 

On  pourrait  montrer  bien  des  cas  où  les  choses  ont  évolué  de 
la  même  manière.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  quelquefois  l'évolu- 
tion se  fait  plus  ou  moins  vite  et  que  certains  sujets  traversent 
rapidement  les  premiers  degrés,  tandis  que  d'autres  restent  indé- 
finiment au  premier  ou  au  second. 

Des  variétés  moins  importantes  sont  constituées  par  le  mélange 
de  divers  groupes  de  caractères,  par  exemple  les  angoisses  et  les 
obsessions,  les  tics  et  les  manies  mentales,  les  sentiments  d'in- 
complétude  et  les  obsessions.  Enfin  il  faut  tenir  compte  aussi, 
pour  bien  préciser  la  situation  d'un  malade,  de  sa  disposition  plus 
ou  moins  grande  à  la  variabilité.  M.  Meige  a  remarqué  qu'il  y  a 
des  tics  qui  méritent  le  nom  de  variables  par  opposition  à  ceux 
qui  sont  fixés  ^  Il  en  est  absolument  de  même  pour  les  phobies, 
les  manies  mentales,  les  obsessions.  La  forme  variable  se  rap- 
proche de  la  forme  diffuse,  de  l'agitation  motrice,  de  Tangoisse, 
de  la  rumination.  Elle  est  en  général  moins  grave  que  la  forme 
systématique  devenue  stable  et  indique  en  général  une  évolution 
moins  avai^cée  de  la  maladie. 


3.  —  La  marche  de  la  maladie. 
La  psychasthénie  constitue    une  maladie  essentiellement  lon- 

I.   \feige.  Histoire  d*un  liqueur.   Journal  de  méd.  et  de  chir.  prat.,  26  aoiil  1901. 


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LA  MARCHE  DE  LA  MALADIE  647 

familiale,  qui  se  manifeste  par  un  caractère  spécial  et  qui,  sous  Tin- 
fluence  des  traumatismes  physiques  et  moraux,  présente  seulement 
des  exacerbations  plus  ou  moins  graves.  A  ce  point  de  vue  tous 
les  auteurs  sont  d^accord  pour  distinguer  trois  formes  principales, 
la  forme  intermittente ,  la  forme  rémittente  et  la  forme  continue. 

La  forme  continue  a  été  surtout  signalée  par  M.  Roubinovitch, 
en  I8g3^  Sans  doute  beaucoup  de  malades  présentent  Tétat  psy- 
chasthénique  d^une  manière  à  peu  près  continue,  pendant  des 
années,  Claire,  Lise,  Nadia,  Jean  sont  dans  cet  état  depuis  dix 
ou  vingt  ans.  On  peut  dire  que  pendant  cette  longue  période 
aucun  de  ces  malades  n*a  été  complètement  guéri,  c'est-à-dire 
n'est  entièrement  revenu  à  son  niveau  normal  d'attention,  de 
volonté,  de  fonction  du  réel. 

Mais  cependant  il  est  impossible  de  dire  que  leur  état  est 
resté  complètement  le  même.  Les  malades  eux-mêmes  n'ont  pas 
cette  impression  :  Claire  ne  dit  pas  qu'elle  est  tout  le  temps 
descendue,  elle  a  eu  comme  les  autres  des  périodes  plus  élevées 
et  d'autres  plus  basses.  Jamais  Tidée  obsédante  n'est  complètement 
disparue,  mais  elle  est  quelquefois  devenue  «  implicite,  latente  », 
les  ruminations  et  les  phobies  étant  presque  arrêtées.  La  forme 
dite  continue  ne  mérite  donc  pas  entièrement  ce  nom  dès  qu'on 
suit  les  sujet  pendant  un  temps  assez  long.  Il  ne  reste  en  somme 
que  deux  variétés  principales,  la  variété  intermittente  et  la  variété 
rémittente  ;  dans  la  première,  le  sujet  revient  par  intervalles 
assez  longs  à  un  état  tout  à  fait  normal  ou  presque  normal,  dans 
la  seconde,  le  sujet  s'améliore  un  peu  de  temps  en  temps  mais  ne 
revient  pas  aussi  complètement  à  la  santé  que  dans  la  variété 
précédente.  Ces  différences  peuvent  bien  se  comprendre  si  on  se 
reporte  à  nos  études  sur  les  modifications  du  niveau  mental. 
Ces  modifications  sont  des  oscillations  de  la  tension,  oscillations 
plus  grandes  qu'à  l'état  normal  et  qui  maintiennent  le  niveau  trop 
bas.  Tantôt  ces  oscillations  sont  grandes  et  font  remonter  le  niveau 
presque  jusqu'en  haut,  c'est  la  forme  rémittente,  tantôt  les  oscil- 
lations sont  petites  et  laissent  constamment  le  niveau  très  infé- 
rieur, c'est  la  forme  simplement  rémittente.  C'est  à  ce  point  de 
vue  en  considérant  la  rapidité  ou  la  grandeur  des  oscillations  que 
nous  comprendrons  ces  variétés  de  l'évolution. 


I.  Roubinovilch,   Obsessions  ot  iiiiinilsions  à   forme  continue.   /T^'  Congrès  des 
(iliénisies  f raturais  de  l.a  fiorhelle,   i8()3. 


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LA  MARCHE  DE  LA  MALADIE  649 

Les  individus  normaux  sentent  légèrement  cette  excitation,  les 
malades  dont  le  niveau  mental  est  d'ordinaire  au-dessous  de 
la  normale  profitent  de  cette  ascension  et  se  sentent  plus  près  de 
Tétat  normal.  Il  y  a  cependant  des  exceptions  surtout  chez  les 
malades  qui  dorment  très  bien  et  qui  se  reposent  bien  la  nuit. 
Qsa...  est  beaucoup  mieux  le  matin  que  l'après-midi  :  cette  forme 
reste  cependant  exceptionnelle. 

A  côté  de  ces  oscillations  il  en  faut  signaler  de  plus  lentes  qui 

occupent  l'intervalle  d'un  ou  de  plusieurs  mois,  Cos comme 

beaucoup  de  femmes  d'ailleurs,  a  une  rechute  de  son  obsession  au 
moment  des  règles,  puis  l'obsession  disparaît  dans  les  journées 
qui  suivent  leur  apparition.  C'est  là  la  règle  générale  et  il  faut 
s'attendre  à  des  aggravations  ou  des  rechutes  à  l'époque  des 
menstrues,  probablement  à  cause  des  modifications  de  la  tension 
vaso-motrice  et  de  la  fatigue  de  ces  périodes.  Cependant,  quel- 
ques femmes  (9  observations)  font  exception  à  cette  loi,  elles  se 
trouvent  plutôt  améliorées  au  moment  des  règles.  11  est  probable 
qu'il  faut  rattacher  cette  anomalie  aux  excitations  génitales  dont 
j'ai  déjà  signalé  l'effet  heureux. 

Des  périodes  d'amélioration  très  remarquable  qui  très  sou- 
vent interrompent  le  cours  de  la  maladiesontà  signaler  pendant  les 
grossesses.  J'ai  observé  le  fait  plus  de  3o  fois;  je  le  vérifie 
encore  en  ce  moment  chez  Bab...  et  Léo...  qui  arrivées  au  qua- 
trième mois  de  la  grossesse,  se  trouvent  transformées  et  oublient 
leur  obsession  de  la  folie.  Ce  fait  très  remarquable  existe  dans 
l'hystérie  comme  dans  la  psychasthénie  :  il  tient,  je  crois,  h  cette 
exaltation  de  la  vitalité  qui  caractérise  la  grossesse.  La  circula- 
tion, la  respiration,  la  nutrition  sont  exaltées,  il  n'est  pas  éton- 
nant qu'une  maladie  mentale,  qui  est  en  rapport  avec  la  dépres- 
sion de  la  tension  psychologique,  en  soit  favorablement  influencée. 
Bien  entendu,  il  y  a  quelques  cas,  surtout  quand  la  grossesse  est 
pénible,  où  la  fatigue  déterminée  par  cet  état  l'emporte  sur  l'ex- 
citation et  aggrave  la  maladie  :  mais  c'est  là  plutôt  une  exception. 
En  général,  en  présence  d'une  femme  psychasthénique  enceinte, 
on  peut  pronostiquer  que  son  état  mental  sera  très  fortement 
amélioré  pendant  toute  la  durée  de  la  grossesse,  puis  qu'il  y 
aura  probablement  une  rechute  sérieuse  peu  de  temps  après 
l'accouchement. 

Dans  quelques  cas,  certaines  oscillations  m'ont  semblé  être  en 
rapport  avec  les  saisons   Hb...,  Claire,  Bal...  ont    des  rechutes 


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LA  MARCHE  DE  LA  MALADIE  651 

blaitétre  à  peu  près  complète.  Mais  au  bout  de  quelques  mois  ou 
de  quelques  années,  à  Toccasion  d'une  cause  déprimante  plus  ou 
moins  sérieuse,  il  y  a  un  nouvel  abaissement  :  tantôt  Tobses- 
sion  reprend  avec  la  même  forme  que  précédemment,  tantôt  la 
nouvelle  occasion  a  fait  naître  une  phobie  ou  une  rumination  dif- 
férente. Souvent  ce  second  accès  est  plus  grave  que  le  premier 
et  se  prolonge  pendant  deux  ou  trois  ans,  puis  une  nouvelle  guéri- 
son  plus  ou  moins  réelle  est  péniblement  obtenue.  Un  troisième 
accès  survient  plus  ou  moins  tard,  en  général  avec  une  gravité 
croissante.  Il  y  fi  des  malades  qui  ont  ainsi  5  ou  lo  accès  plus  ou 
moins   espacés,  d'autres   n'en  ont  qu'un  plus  petit  nombre. 

On  trouvera  des  exemples  de  ces  différentes  formes  dans  les 
observations  suivantes,  En...,  homme  de  43  ans,  a  eu  des  scru- 
pules de  première  communion  à  12  ans,  une  phobie  du  choléra 
à  18  ans,  une  obsession  amoureuse  à  23  ans,  une  obsession  homi- 
cide contre  ses  beaux-parents  à  3i  ans,  la  phobie  du  chien  enragé 
à  36  ans  et  actuellement  depuis  l'âge  de  4o  ans,  il  rumine  constam- 
ment à  propos  du  testament  que  sa  mère  a  fait  contre  lui.  X..., 
femme  de  4o  ans,  a  été  obsédée  à  l'âge  de  i5  ans  à  propos  d'un 
chien  enragé  qui  a  été  tué  et  enterré  dans  le  jardin.  Elle  s'est 
guérie  de  l'obsession,  mais  voici  la  quinzième  fois  qu'elle  est 
reprise  de  la  même  phobie,  qui  chaque  fois  a  été  en  s'accroissant 
et  qui  est  devenu  maintenant  un  véritable  délire  du  contact.  Au 
contraire,  ces  autres  malades  n'ont  eu  qu'un  petit  nombre  d'accès: 
Cas...  présente  le  premier  accident  sérieux  à  3o  ans  en  voyant 
son  fils  tomber  à  l'eau,  obsession  de  mort,  d^homicide,  refus  de 
manger  pendant  18  mois;  la  rechute  n'a  eu  lieu  au  moins  d'une 
manière  visible  qu'à  5i  ans  à  la  nouvelle  que  sa  mère  est  devenue 
folle  :  elle  tombe  alors  dans  la  phobie  banale  de  la  folie.  Vor... 
a  eu  un  délire  de  scrupule  à  18  ans,  avec  manie  de  l'interrogation 
pour  chercher  si  elle  avait  dit  ou  fait  quelque  chose  de  défendu  ; 
elle  ne  présente  une  rechute  à  45  ans  seulement  quand  elle  a 
sa  curieuse  manie  de  perfection  urinaire.  Mio...  (186),  femme  de 
37  ans,  a  eu  une  première  crise  qui  a  duré  6  mois  quand  elle 
avait  vingt  ans  à  propos  d'un  locataire  de  la  maison  où  elle  était 
concierge,  qui  a  déménagé  sans  la  prévenir,  elle  a  eu  une  deuxième 
crise  à  27  ans,  a  propos  de  son  chat  qui  est  mort  et  maintenant 
elle  est  entrée  dans  une  troisième  crise  de  remords  effrayants 
à  37  ans,  parce  qu'elle  s'est  laissée  convaincre  et  a  abandonné 
une  de  ses  chattes. 


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LA  MARCHE  DE  LA  MALADIE  653. 

et  les  pactes  avec  le  diable;  à  vingt-six  ans,  elle  rumine  sur  les 
religions  dualistes  et  sur  la  puissance  du  démon.  Depuis  cinq  ans 
la  lutte  contre  la  maladie  a  simplement  enrayé  le  mouvement 
ascensionnel  et  ramené  pendant  de  longues  périodes  les  obses- 
sions «à  Tétat  implicite». 

Jean  était  probablement  depuis  renfance  un  insuffisant  psycho- 
logique :  il  prend  des  habitudes  de  masturbation  à  i^  ans,  ces 
habitudes  provoquent  à  Tâge  de  i5  ans  une  grande  terreur  avec 
chute  du  niveau  mental,  qui  depuis  ce  moment  jusqu'à  l'âge  de 
32  ans  ne  s'est  jamais  relevé.  Il  a  passé  par  une  série  d'obsessions 
étranges  dont  nous  avons  souvent  parlé,  il  a  eu  pendant  5  ans  des 
algies  et  des  phobies  relatives  au  pénis  et  au  gland,  il  n'a  jamais 
eu  en  somme  que  de  légères  rémissions. 

Gisèle  est  malade  depuis  Tâge  de  12  ans;  mais,  quoiqu'elle  n'ait 
pas  d'intermittence  vraie,  elle  présente  une  variété  curieuse, 
c'est  ralternance  du  délire  de  scrupule  et  des  troubles  de  l'es- 
tomac. Pendant  la  période  gastrique,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  elle 
n'est  plus  guère  obsédée  si  ce  n'est  par  la  pensée  qu'elle  ne  veut 
pas  manger;  quant  à  son  scrupule  sur  la  vocation  religieuse  il  est 
presque  disparu,  «  il  n'est  plus  que  dans  un  petit  coin  de  sa  tète.  » 
Il  est  vrai  que  l'obsession  de  vocation  va  réapparaître  après  l'a- 
mélioration de  l'état  gastrique. 

Nadia  est  curieuse  par  l'immutabilité  de  s6n  obsession;  cette 
honte  du  corps,  cette  crainte  d'engraisser  a  pris  différentes  for- 
mes ;  elle  était  enfantine  à  6  ans  avec  la  crainte  de  la  gourmandise^ 
elle  se  complique  à  16  ans  de  sentiment  de  pudeur  et  plus  tard 
de  peur  de  se  montrer,  mais  en  somme  jusqu'à  3o  ans  elle  n'a 
jamais  disparu.  D'ailleurs,  dans  ces  formes  chroniques,  l'obses- 
sion peut  persévérer  bien  plus  longtemps,  Leg...  a  commencé  la 
maladie  à  12  ans  par  la  peur  de  faire  du  mal  et  à  45  ans  elle 
reste  encore  immobile  sur  sa  chaise  «  de  peur  de  vous  empoison- 
ner par  les  poussières  ou  par  sa  salive  ».  Xa...,à  69  ans,  con- 
ser\'e  encore  sa  crainte  de  l'homicide  qui  a  commencé  à  22  ans. 
C'est  là  la  véritable  forme  grave  de  la  psychasthénie  vers  laquelle 
tendent  les  formes  intermittentes. 

Toutes  les  causes  qui  agissent  sur  les  oscillations  de  niveau^ 
toutes  les  conditions  qui  font  monter  ou  descendre  la  tension,, 
les  fatigues,  les  efforts,  les  émotions  déterminent  des  variations, 
des  rémissions  ou  des  rechutes  dans  ces  états,  qui,  pour  être  à 
peu  près  continus,  n'en  restent  pas  moins  éminemment  instables. 


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L\  MARCHE  DE  LA  MALADIE  655 

OÙ  les  souffrances  du  malade  le  forcent  à  parler,  à  rechercher  une 
direction  plus  précise.  Je  n'oserai  pas  dire  que  ce  momentcommence 
une  seconde  période  mais  il  est  certainement  très  important  et 
presque  toujours  il  est  le  point  de  départ  d'une  recrudescence  du 
mal.  Le  malade  faisait  des  efforts  pour  cacher  ce  qu'il  éprouvait, 
la  cessation  de  ces  efforts  lui  est  nuisible.  On  pourrait  même  di- 
viser en  deux  degrés  ce  changement  indiqué  par  Legrand  du 
Saulle  ;  il  y  a  un  premier  moment  où  le  malade  révèle  son  mal 
à  une  personne  déterminée,  à  un  parent,  à  un  prêtre  ou  à  un  mé- 
decin, mais  où  il  continue  à  le  cacher  aux  autres,  et  un  second 
moment  beaucoup  plus  tardif  où  il  éprouve  le  besoin  de  raconter 
ses  tourments  atout  le  monde  :  ce  deuxième  moment  est  le  signe 
d'une  aggravation  beaucoup  plus  considérable. 

Une  autre  loi  avait  été  signalée  par  M.  Séglas  «  dans  bon  nom- 
bre de  cas,  disait-il,  les  malades  débutent  par  une  phase  d'an- 
goisse vague  ».  M.  Dallemagne  ajoutait  que  lorsqu'ils  guérissent, 
ils  reviennent  également  à  cette  phase  d'angoisse  diffuse.  Cette 
remarque  me  parait  devenir  plus  juste  si  on  remplace  le  mot 
angoisse  par  le  terme  d'insuffisance  psychologique  ;  elle  corres- 
pond h  cette  évolution  que  j'ai  signalée  au  début  chez  certains 
malades  dont  l'évolution  est  lente  :  ils  présentent  une  phase 
d'insuffisance  psychologique  avant  les  ruminations  et  les  phobies 
et  quand  ils  guérissent,  ils  terminent  également  par  une  période 
psychasthénique  analogue  à  celle  du  début. 

Nous  avons  déjà  signalé  la  remarque  de  MM.  Pitres  et  Régis, 
sur  l'intellectualisation  progressive  de  ces  troubles,  cela  revient  à 
dire  que  le  malade  interprète  peu  à  peu  ce  qu'il  ressent  et  que  les 
véritables  obsessions  intellectuelles  sont  tardives,  mais  cette  ob- 
servation ne  s'applique  qu'aux  formes  modérées  de  la  maladie, 
nos  grands  malades  étaient  déjà  parvenus  à  l'obsession  du  scru- 
pule vers  12  ou  i3  ans. 

Une  loi  signalée  par  MM.  Raymond  et  Arnaud  est  encore 
très  importante,  c'est  la  généralisation  progressive  de  la  ma- 
ladie. «  Un  nombre  d'idées  toujours  plus  grand  entre  succes- 
sivement dans  la  sphère  du  doute,  l'incertitude  et  l'hésitation 
deviennent  la  caractéristique  de  toutes  les  réactions  intellec- 
tuelles ^  »  Cette  loi  est  très  vraie  et  très  importante  au  début  : 
l'insuffisance   psychologique,    le   trouble  de  la  fonction   du  réel, 

I.  Raymond  et  Arnaud.  Ann.  méd,  psjch.,  1893,  IT,  p.  aog. 


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LES  COMPLICATIONS  657 

recommence  et  au  lieu  d'être  une  obsédée  amoureuse  elle  devient 
une  dipsomane.  L'excitation  erotique  a  le  même  résultat,  c'est 
pourquoi  des  scrupuleuses  comme  Loa...  et  Len...  sont  conduites 
à  la  rechercher  et  deviennent  des  érotomanes. 

Ces  diverses  lois  commencent  à  nous  faire  connaître  les  pha- 
ses de  cette  évolution  dont  une  grande  partie  reste  encore  in- 
connue. 


4.  —  Les  complications. 

La  maladie  des  obsessions  psychasthéniques  présente  des  trou- 
bles physiques  et  des  troubles  moraux  mais  ceux-ci  semblent  res- 
ter compatibles  avec  la  conservation  de  la  raison  puisque  la  ma- 
lade garde  le  pouvoir  de  critiquer  ses  idées  fausses  et  ceux-là 
semblent  ne  pas  compromettre  la  vie,  puisque  les  troubles  neu- 
rasthéniques n'amènent  pas  directement  la  mort. 

Les  complications  de  la  maladie  sont  les  troubles  qui  s'y  sura- 
joutent de  manière  à  compromettre  la  vie  et  la  raison. 

I.  — Les  accidents  physiques. 

J'insisterai  peu  sur  les  complications  purement  organiques,  ce 
qui  serait  entrer  incidemment  dans  l'étude  de  tous  les  ralentisse- 
ments de  nutrition.  J'ai  signalé  chemin  faisant,  les  troubles  diges- 
tifs, les  troubles  circulatoires,  les  maladies  cutanées  comme  l'ec- 
zéma, le  rhumatisme  chronique  déformant  qui  coexistent  souvent 
avec  l'état  psychasthénique  et  qui  peuvent  dans  certains  cas  pren- 
dre un  grave  développement.  Ces  troubles  de  nutrition  peuvent 
comme  toujours  favoriser  toutes  les  infections  et  j'ai  malheureu- 
sement constaté  une  dizaine  de  fois  la  tuberculose  pulmonaire  qui 
venait  se  greffer  sur  ces  affaiblissements.  Il  faut  insister  un  peu 
plus  sur  \x\i  accident  bizarre  qui  est  plus  directement  en  rapport 
avec  l'engourdissement  des  fonctions. 

La  rétention  des  matières  fécales,  puis  la  stercorhémie  et  les 
accidents  toxiques  dus  à  cette  rétention  sont  assez  fréquents  et 
il  faut  être  prévenu  de  leur  extrême  gravité.  A  la  suite  d'une 
mauvaise  nouvelle  Nadia  a  présenté  un  engourdissement  de  ce 
genre,  avec  rétention  prolongée  des  matières  fécales.  Les  urines 

LES  OBSESSIONS.  I.   —  4^ 


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LES  COMPLICATIONS  659 

cerveaux  capables  de  présenter  ce  premier  trouble  n'en  au- 
raient-il  pas  d'autres  plus  considérables  ?  Pourquoi  rabaissement 
de  la  tension  qui  fait  perdre  à  nos  malades  les  fonctions  supé- 
rieures du  réel  ne  pourrait-il  pas  s'aggraver  et  troubler  des  fonc- 
tions plus  élémentaires.  Je  suis,  au  contraire,  pour  ma  part  assez 
surpris  de  ce  petit  nombre  d'aliénés,  il  faut  que  le  trouble  psy- 
chasthénique  soit  en  général  bien  léger  pour  qu'il  n'aboutisse  pas 
plus  vite  et  plus  souvent  à  des  délires. 

Les  formes  d'aliénation  dans  lesquelles  versent  les  obsédés  sont 
d'ordinaire  rattachées  à  la  mélancolie  anxieuse^  vers  laquelle  se 
dirigent  ceux  qui  ont  des  symptômes  surtout  émotionnels,  des 
phobies  et  aux  états  paranoiaques,  aux  délires  systématisés,  par- 
ticulièrement au  délire  de  persécution  vers  lequel  se  dirigeraient, 
selon  les  auteurs  précédents,  ceux  qui  ont  des  obsessions  intellec- 
tuelles. 

J'ai  observé  5  cas  de  mélancolie  anxieuse  survenant  chez  des 
obsédés,  dont  trois  ont  guéri,  au  moins  approximativement,  dans 
un  cas,  après  5  mois  d'asile,  dans  l'autre  après  lo  mois.  Une  des 
malades,  Brk...,  a  eu  trois  rechutes  de  cette  mélancolie.  Inver- 
sement quand  on  étudie  les  mélancoliques  délirants  on  constate 
très  souvent  qu'ils  ont  eu  avant  leur  dernier  accès  un  état  prévé- 
sanique  souvent  très  long  dans  lequel  ils  ont  présenté  des  symp- 
tômes de  la  maladie  des  obsessions.  Dans  la  thèse  de  M.  Bois- 
sier  sur  la  mélancolie  et  la  neurasthénie,  je  remarque  le 
malade  de  l'observation  I  qui  a  été  longtemps  aboulique,  scru- 
puleux, méticuleux  avant  ses  accès  de  mélancolie  avec  stupeur,  le 
malade  de  l'observation  VIII  qui  est  analogue,  le  malade  de  l'ob- 
servation XII,  agoraphobe  et  claustrophobe  avant  ses  accès  de 
mélancolie*. 

Les  délires  systématiques  ont  été  plus  fréquents  dans  mes  obser- 
vations, j'ai  eu  12  malades  qui  sont  devenus  des  persécutés.  Mais 
je  dois  dire  que  le  délire  de  persécution  me  semble  devoir  soulever 
bien  des  problèmes  psychologiques  et  qu'il  me  paraît  se  rappro- 
cher singulièrement  des  obsessions  des  scrupuleux.  Il  y  a  dans  ce 
délire  systématique  un  certain  nombre  de  symptômes  dont  il  se- 
rait nécessaire  de  faire  l'analyse  psychologique,  pour  voir  leurs 


1.  Cf.  Kraffl-Ebing,  P^yc/i/a/ne,  1897,  p.  546. 

2.  Fr.  Boissier.  Essai  sur  la  neurasthénie  et  la  mélancolie  dépressive  considérées  dans 
leurs  rapports  réciproques.  Thèse  1894,  p.  a3  et  sq. 


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LES  COMPLICATIONS  661 

gieuse  qui  est  un  rétrécissement  volontaire  ou  involontaire  de  la 
conscience  est  une  sorte  de  remède  aux  troubles  de  cette  insuffi- 
sance, je  ne  fais  que  signaler  le  problème  que  j'espère  reprendre 
d'une  façon  plus  complète  dans  Tétude  des  extatiques. 

Une  autre  maladie  mentale  me  parait  à  signaler  au  cours  des 
obsessions,  c'est  la  confusion  mentale  ou  la  stupeur  telle  que  Ta- 
vait  décrite  récemment  M.  Chaslin.  On  vient  de  voir  l'indication 
rapide  d'une  maladie  grave  qu'a  traversée  Nadia,  à  la  suite  d'une 
nouvelle  désagréable  pour  elle.  Au  cours  de  cette  maladie,  elle  est 
tombée  dans  un  état  de  tristesse  et  d'inertie  beaucoup  plus  grand 
qu'à  l'ordinaire,  elle  restait  des  heures  entières  immobile  sur  sa 
chaise,  les  yeux  vagues,  disant  qu'elle  n'était  plus  préoccupée 
par  ses  idées  et  qu'elle  ne  pensait  à  rien.  La  faiblesse  aug- 
mentant, elle  dût  s'aliter  et  elle  resta  trois  mois  à  peu  près 
sans  conscience  pouvant  h  peine  répondre  et  d'une  manière  peu 
correcte  à   quelques  questions  très  simples. 

J'étais  disposé  à  croire  que  dans  ce  cas  le  rétention  des  matiè- 
res fécales,  la  stercorhémie  avait  joué  le  rôle  principal  pour  pro- 
voquer la  confusion  mentale.  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  le  cas 
suivant:  Eu...,  jeune  fille  de  27  ans,  est  une  obsédée  scrupuleuse 
depuis  Tâge  de  10  ans,  scrupules  de  confession,  impulsion  au  sui- 
cide, etc.  Elle  a  appris  l'année  dernière  la  mort  de  sa  mère  et 
s'est  mise  en  tête  à  ce  propos  l'idée  obsédante  qu'elle  l'avait  tuée  ; 
de  là  des  regrets,  des  remords,  des  idées  de  suicide,  des  pseudo- 
hallucinations, elle  croyait  entendre  la  foule  qui  la  huait,  le  diable 
qui  lui  parlait  et  elle  murmurait  :  «va-t-en,  Satan».  Cependant 
elle  conservait  encore  sa  lucidité.  Trois  mois  après,  elle  refuse 
de  manger  et  ne  paraît  plus  comprendre,  elle  cesse  de  répondre 
aux  questions  et  on  l'amène  dans  un  état  de  stupeur  complet.  Je 
n'en  puis  tirer  aucune  explication  et  il  est  visible  qu'elle  ne  com- 
prend plus. 

Elle  demande  seulement  «où  suis-je,  qui  êtes-vous?»  et  ne 
comprend  pas  les  réponses  ;  elle  est  d'ailleurs  docile  comme  un 
enfant  et  se  laisse  maintenir  au  lit,  mais  elle  refuse  de  manger 
et  elle  gâte.  J'ai  dû  la  nourrir  à  la  sonde  pendant  2  mois;  préoc- 
cupé par  le  souvenir  du  cas  précédent,  j'ai  constamment  surveillé 
les  selles  qui  sont  toujours  restées  suffisantes.  La  malade  s'est  ré- 
tablie graduellement  :  elle  est  revenue  à  la  conscience  comme 
font  souvent  les  confus  avec  le  souvenir  net  des  scrupules  anté- 
rieurs mais  sans  aucune  notion  de  la  période  de  stupeur. 


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LES  TERMINAISONS  663 

si  l'on  songe  que  les  scrupules,  les  remords  interminables  decon- 
fession,  les  hontes  du  corps  si  fréquents  chez  les  jeunes  gens  peu- 
vent aboutir  à  la  confusion  des  hébéphréniques  dont  le  pronostic 
est  si  sombre  on  ne  sera  plus  disposé  à  considérer  ces  troubles  de 
l'esprit  comme  peu  dangereux  et  comme  si  éloignés  de  la  folie 
proprement  dite. 

Enfin  parmi  les  terminaisons  fatales  de  la  maladie,  il  ne  faut 
pas  oublier  de  signaler  la  terminaison  par  le  suicide  dont  M. 
Séglas  a  signalé  la  fréquence.  Je  n'ai  pas  eu  l'occasion  d'en  rele- 
ver des  exemples,  et  je  crois  le  fait  assez  rare  à  cause  de  Tabou- 
lie  de  ces  malades.  Mais  II  existe  cependant  et  doit  être  redouté, 
parmi   les  accidents   possibles  de  cette   maladie. 


5.  —  Les  terminaisons. 

En  dehors  de  ces  complications,  étrangères  en  réalité  à  la  ma- 
ladie proprement  dite,  il  est  intéressant  de  rechercher  comment 
se  termine  la  maladie  psychasthénique  quand  elle  garde  jusqu'au 
bout  ses  traits  caractéristiques  et  ne  se  transforme  pas  en  une  autre 
psychose. 

Les  premiers  observateurs  ont  été  frappés  de  ce  fait  que  les 
obsédés  n'arrivent  pas  au  délire  complet  et  que  la  maladie  n'aboutit 
pas  à  une  démence.  C'était  l'opinion  soutenue  dans  le  rapport  de 
M.  J.  Falret  en  1889.  C'était  également  la  thèse  soutenue  dans  le 
livre  de  MM.  Magnan  et  Legrain  :  «  C'est  un  fait  remarquable, 
disent-ils,  jamais  dans  ces  cas  on  n'observe  la  moindre  modifica- 
tion du  syndrome  qui  reste  toujours  semblable  h  lui-même.  Il 
n'évolue  pas,  il  ne  se  transforme  pas,  jamais  il  ne  devient  l'origine 
d'un  délire  proprement  dit,  comme  on  l'écrit  quelquefois  en 
confondant  l'idée  obsédante  avec  l'obsession  pure  ;  jamais  il  ne  se 
termine  par  la  démence*.  » 

D'autre  part,  quelques  auteurs  remarquent  justement  que  les 
troubles  vont  en  augmentant,  rendant  l'existence  de  plus  en  plus 
anormale;  MM.  Marie  etVigouroux  proposaient  de  considérer  cet 
état  terminal  «  comme  une  démence  spéciale*  ». 

I.  Magnan  et  Legrain,  1896.  p.  i65.  Cf.  Séglas,  Maladies  mentales,  p.  87. 
a.  Marie  et  Vigoiiroux.    Congrès  des  aliénistes  el  neurologistes  français.  Angers, 
août  1808. 


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LES  TERMINAISONS  665 

peu,  elle  reçoit  quelques  visites  assez  rares,  elle  semble  intelli- 
gente et  cependant  voici  cinq  ans  qu'elle  n'a  pas  quitté  la  chaise 
longue  et  qu'elle  passe  ses  jours  et  ses  nuits  à  avaler  lentement, 
goutte  à  goutte,  un  peu  dejauned'œuf.  Nadia,  à  trente,  ans  est  ar- 
rivée à  se  séquestrer  dans  un  petit  appartement  qu'il  est  devenu 
impossible  de  lui  faire  quitter,  elle  ne  reçoitjamais  qu'une  ou  deux 
personnes  et  rarement,  elle  n*a  plus  aucune  relation  avec  le  monde, 
mais  elle  a  encore  quelque  activité  puisqu'elle  se  livre  avec  grand 
succès  à  quelques  petits  travaux  artistiques.  Au  contraire,  Leg... 
à  45  ans  est  devenue  complètement  immobile,  elle  reste  toute  la' 
journée  sur  une  chaise,  ne  faisant  absolument  plus  rien  et  n'osant 
même  pas  remuer  ou  parler  de  peur  d'envoyer  des  microbes  et 
du  poison  sur  les  personnes  présentes.  Xa...  à  65  ans  ne  veut 
même  plus  s'asseoir,  elle  reste  debout  ou  accroupie  au  milieu  de 
sa  chambre,  son  dernier  fauteuil  ayant  été  contaminé  par  une  per- 
sonne qui  s'est  assise  dessus.  Elle  ne  voit  plus  personne  et  il  faut 
deux  gardes  pour  arriver  h  lui  faire  accomplir  les  actes  nécessaires 
à  la  conservation  d'une  aussi  pauvre  existence.  Sans  doute  ces 
malades  parlent  encore  raisonnablement  :  la  dernière  est  même 
capable,  depuis  que  je  suis  parvenu  à  la  faire  asseoir,  de  soute- 
nir une  conversation  et  de  rire  d'elle-même. 

Un  type  tout  à  fait  remarquable  a  ce  point  de  vue  est  Fik... 
(i58).  Cette  femme,  âgée  de  60  ans,  parfaitement  bien  portante, 
sans  aucune  infirmité,  intelligente  et  riche,  qui  pourrait  mener 
une  vie  tout  à  fait  raisonnable  et  agréable  en  est  arrivée  à  une 
existence  absurde  qui  la  met  au  désespoir.  Elle  ne  peut  plus 
accomplir  aucune  espèce  d'action,  elle  ne  peut  recevoir  personne, 
ni  aller  voir  personne.  Fille  peut  à  peine  sortir  dans  les  rues,  elle 
ne  peut  s'occuper  ni  de  toilette,  ni  de  religion,  ni  d'un  travail 
quelconque,  ni  d'une  lecture,  ni  de  quoi  que  ce  soit.  Elle  peut  ii 
peine  se  nourrir  d'une  manière  raisonnable  et  encore  faut-il 
qu'elle  mange  après  les  autres,  qu'elle  soit  seule  à  table.  Elle 
peut  difficilement  dormir  et  même  se  coucher  et  souvent  elle 
passées  heures  étendue  sur  un  fauteuil.  Toute  action,  ou  plutôt 
tout  commencement  d'une  action  car  elle  n'en  fait  aucune,  déter- 
mine des  ruminations,  des  phobies,  des  angoisses  interminables. 
Mais  tout  cela  ne  serait  rien  si  cette  pauvre  femme  n'avait  un 
caractère  épouvantable,  d'une  susceptibilité,  d'une  intolérance, 
d'un  autoritarisme  inouïs.  De  même  que  toute  action  lui  parait 
possible  quand  il  ne  s'agit  pas  de   l'action  présente,  toute  per- 


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LES  TERMINAISONS  667 

pas  fatales.  MM.  Pitres  et  Régis  ^  ont  fait  une  observation  très 
remarquable  à  propos  des  tables  statistiques  qu'ils  avaient  dressées 
sur  l'Age  de  leurs  malades  et  cette  remarque  peut  se  répéter  exac- 
tement sur  les  miennes.  Il  est  certain,  soit  pour  ces  auteurs,  soit 
pour  moi,  que  plus  des  3/4  de  nos  malades  en  traitement  sont 
jeunes,  au-dessous  de  3o  ans  et  que  le  nombre  des  malades  en 
traitement  diminue  très  rapidement  à  mesure  que  nous  considé- 
rons des  âges  plus  avancés.  Comment  expliquer  le  fait  ? 

On  peut  dire  d'abord  que  quelques-uns  des  malades  jeunes 
meurent;  mais  les  morts  sont  rares  chez  les  obsédés.  Quelques-uns 
doivent  se  dégoûter  des  traitements,  leur  nombre  ne  doit  pas  être 
grand,  quand  on  voit  combien  ces  malades  aiment  à  être  dirigés.  Il 
ne  reste  qu'une  explication  possible,  c'est  que  les  scrupuleux  sont 
en  réalité  de  moins  en  moins  nombreux  h  mesure  que  Tàge  s'avance 
et  qu'un  très  grand  nombre,  plus  de  la  moitié,  a  du  guérir 
avant  d'arriver  à  4o  ans.  Cette  notion  que  nous  apprend  le  rai- 
sonnement est  confirmée  par  l'observation.  On  voit  un  grand 
nombre  de  malades  s'améliorer  vers  la  fin  de  la  jeunesse.  II  en 
est  de  cette  maladie  exactement  comme  de  l'hystérie  qui  se  déve- 
loppe très  fréquemment,  chez  les  femmessurtout,  à  Tàge  de  la  pu- 
berté physique  ou  morale  et  qui  diminue  ou  disparaît  quand  cette 
double  évolution  est  bien  terminée,  c'est-à-dire  de  25  à  3o  ans, 
car  il  s'agit  de  sujets  dont  le  développement  est  lent  et  dont 
l'évolution  est  en  retard.  Bail  disait  déjà  que  les  malades  atteints 
à  l'époque  de  la  puberté  ont  des  chances  de  guérison,  parce  que 
l'évolution  progressive  de  l'organisme  peut  les  débarrasser  de 
cette  faiblesse.  Legrand  du  Saulle,  Kraflt-Ebing  parlent  aussi  de 
ces  guérisons,  j'en  ai  observé  un  très  grand  nombre. 

Quand  les  idées  fixes  diminuent,  les  malades  repassent  en 
sens  inverse  à  travers  la  série  des  phénomènes  qui  se  sont  déve- 
loppés au  début.  Ils  oublient  les  obsessions  proprement  dites 
mais  conservent  d'abord  des  manies,  des  tics,  des  phobies,  puis 
quand  ils  les  perdent,  ils  restent  simplement  abouliques,  enfin 
dans  les  cas  les  plus  heureux  l'aboulie  tend  à  disparaître  au  moins 
jusqu'à  l'époque  des  rechutes;  les  observations  de  Bor...,  de 
Toq...,  etc.,  sont  démonstratives  à  ce  point  de  vue.  D'autres  ma- 
lades qui  ont  dépassé  ce  terme  tardif  de  révolution  de  la  puberté 
guérissent  encore  aux  approches  de   la   maturité.    C'est  évidem- 

I.  Pitres  et  Régis,  op.  cit.,  p.  83. 


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LES  TERMINAISONS  669 

moins  difTicile,  l'organisme  est  construit  et  doit  tout  simplement 
s'entretenir,  la  carrière,  la  famille,  les  croyances  sont  organisées  : 
la  dépense  mentale  devient  infiniment  moindre.  Sans  doute  nos 
obsédés  ne  deviendront  pas  des  hommes  éminents,  ils  n'auront 
pas  de  forces  à  dépenser  pour  un  travail  supplémentaire,  mais  ils 
auront  une  force  suffisante  pour  la  perception  ordinaire  et  pour 
des  actions  devenues  en  grande  partie  automatiques.  Ces  percep- 
tions et  ces  actions  deviendront  alors  plus  réelles,  ne  donneront 
plus  naissance  au  sentiment  d'incomplétude,  les  dérivations  et  les 
obsessions  qui  résultaient  de  cette  faiblesse  de  tension  disparaî- 
tront graduellement.  La  guérison  au  moins  partielle  est  donc  une 
terminaison  que  Ton  peut  espérer  dans  un  bon  nombre  de  cas, 
et  le  traitement  doit  tendre  h  aider  les  bons  effets  du  progrès  de 
l'âge. 


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LE  DIAGNOSTIC  ET  LE  TRAITEMENT  671 

de  la  miction,  etc.,  on  peut  souvent  être  très  embarrassé  et  quel- 
quefois ce  n'est  que  l'évolution  qui  donnera  une  connaissance  plus 
nette  du  malade  et  permettra  d'arriver  à  une  opinion  précise.  Ce 
problème  du  diagnostic  me  parait  différent  suivant  le  groupe  des 
symptômes  prédominants  que  présente  le  malade.  Nous  avons 
admis  trois  groupes  de  symptômes,  les  insuffisances  psycholo- 
giques, les  phénomènes  de  dérivation  ou  les  crises  de  psycholepsie 
et  les  obsessions  proprement  dites  qui  se  surajoutent  aux  phéno- 
mènes précédents. 

Quand  les  malades  ne  présentent  que  le  premier  groupe  de 
symptômes,  qu'ils  sont  surtout  abouliques,  aprosexiques,  qu'ils 
ont  des  troubles  de  l'émotivité,  du  sommeil,  le  diagnostic  avec  la 
neurasthénie  semble  le  plus  difficile  à  faire.  Je  ne  suis  pas  con- 
vaincu qu'il  soit  important  de  chercher  à  l'établir.  La  neuras- 
thénie est  une  maladie  encore  très  vaguement  déterminée,  elle 
contient  probablement  un  grand  nombre  de  troubles  qui  sont 
simplement  des  débuts  d'autres  névroses  ou  d'autres  psychoses. 
Tant  que  la  maladie  n'est  pas  caractérisée,  il  n'y  a  pas  grand 
inconvénient  à  se  servir  de  ce  terme  vague  de  neurasthénie 
qui  est  accepté  volontiers  par  les  malades.  Il  suffit  de  ne  pas 
oublier  que  la  neurasthénie  peut,  en  évoluant,  donner  naissance 
à    des  états  psychasthéniques   plus   ou   moins   graves. 

Mais  peut-on  prévoir  quelles  sont  les  neurasthénies  dangereuses 
à  ce  point  de  vue  ou  peut-on  reconnaître  le  moment  où  elles  se 
transforment  et  méritent  de  prendre  un  autre  nom  ?Bien  entendu, 
les  neurasthéniques  dont  l'hérédité  est  chargée,  dont  la  maladie 
a  débuté  plus  insidieusement  pour  des  causes  physiques  ou  morales 
minimes  sont  les  plus  prédisposés  à  cette  évolution.  Il  faut  aussi 
tenir  compte  de  la  prédominance  des  symptômes  psychiques  sur 
les  symptômes  physiques.  Enfin,  à  propos  des  symptômes 
psychiques  on  peut  faire  la  remarque  suivante.  Certains  malades 
sont  très  abouliques,  ne  peuvent  plus  faire  attention  et  présentent 
de  Tamnésie  continue,  mais  ils  le  constatent  sans  s'en  inquiéter, 
ils  ont  très  peu  ces  sentiments  d'incomplétude  qui  caractérisent 
les  psychasthéniques  ;  chez  ceux-là  les  troubles  de  l'obsession  sont 
peu  à  redouter.  Au  contraire,  si  un  malade  ayant  les  symp- 
tômes de  neurasthénie  surtout  morale  se  plaint  ensuite  de  ne 
plus  se  reconnaître  lui-même,  de  trouver  le  monde  étrange,  de 
se  sentir  comme  dédoublé,  de  constater  lui-même  le   caractère 


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DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT  673 

fois  dans  udc  grande  hésitation.  Le  malade,  homme  de  45  ans, 
très  intelligent,  d'une  haute  situation,  venait  consulter  de  lui- 
même,  ce  qui  indiquait  la  conscience  des  troubles,  il  se  plaignait 
de  diminution  de  la  volonté,  de  l'attention  et  de  la  mémoire,  de 
sentiments  d'automatisme  et  d'un  état  permanent  d'inquiétude. 
Kn  même  temps  j'apprenais  par  la  famille  que  le  malade  avait  eu  à 
l'âge  de  3o  ans  une  grande  crise  d'idées  obsédantes  de  jalousie  et 
de  persécution.  D'autre  part  Tâge  déjà  avancé,  l'intégrité  intel- 
lectuelle et  la  haute  puissance  de  volonté  pendant  la  plus  grande 
partie  de  la  vie,  un  peu  de  tremblement  de  la  langue  et  des  lèvres, 
un  peu  d'inégalité  pupillaire  et  une  vérole  antérieure  me  firent 
hésiter  et  me  conduisirent  h  avertir  la  famille  d'un  diagnostic  de 
paralysie  générale.  Mon  diagnostic  fut  contesté  dans  une  con- 
sultation ;  malheureusement  l'avenir  me  donna  raison  et  deux 
ans  après  le  malade  mourut  dans  un  accès  épileptoïde.  On  se 
trouvera  rarement  dans  un  embarras  semblable:  les  signes  phy- 
siques de  la  paralysie  générale,  le  développement  de  la  démence  qui 
descend  plus  profondément  que  le  trouble  psychasthénique  per- 
mettront en  général  d'arriver  facilement  au  diagnostic. 

Sinousconsidéronslesecondgroupedesymptômes, les  agitations 
motrices,  les  phobies  et  les  ruminations  mentales,  les  deux  premiers 
phénomènes  surtout  donneront  naissance  h  des  problèmes  de  dia- 
gnostic. Le  premier  de  ces  problèmes  consiste  à  bien  reconnaître  le 
caractère  névropathique  des  phénomènes  et  h  ne  pas  les  rattacher 
aux  affections  organiques  qu'ils  simulent.  Les  phobies  détermi- 
nent des  troubles  de  l'alimentation,  de  la  déglutition,  de  la  défé- 
cation, de  la  miction,  de  la  marche,  de  l'écriture  et  surtout  des 
fonctions  génitales.  Il  est  essentiel  de  ne  pas  faire  de  tous  ces 
troubles  des  lésions  du  pharynx,  de  l'estomac,  de  l'intestin  ou  de 
la  moelle  épinière.  Cela  est  surtout  important  ici  car  un  faux  dia- 
gnostic confirme  le  malade  dans  ses  appréhensions  et  aggrave  la 
maladie  mentale.  On  se  souvient  de  ce  qui  arrive  aux  jeunes 
mariés  que  l'émotion  rend  insuffisants  et  à  qui  on  parle  de  maladie 
de  la  moelle  épinière.  Il  suffit  en  général  de  rechercher  avec  beau- 
coup de  précision  les  symptômes  de  la  maladie  organique  simulée 
et  de  les  rechercher  en  silence  sans  expliquer  au  malade  ce  que 
l'on  vérifie.  Sans  doute  la  suggestibilité  du  malade  n'est  pas  aussi 
redoutable  que  celle  des  hystériques,  mais  le  désir  d'être  pris 
pour  un  malade  sérieux,  la  crainte  de  s'entendre  appeler  «  hypo- 

LES  OB8ES8IOK9.  I.    —   ^3 


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DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT  675 

à  propos  des  refus  de  mouvement,  des  refus  d*aUments,  à  propos 
des  tics,  etc.  Théoriquement  le  diagnostic  devrait  être  fait  très 
facilement  grâce  à  la  recherche  des  stigmates  :  une  hystérique 
avec  hémianesthésie  nette  et  rétrécissement  du  champ  visuel  ne 
ressemble  pas  à  une  scrupuleuse  qui  n*a  que  des  troubles  de 
Tattention  ;  mais  d'une  part  nous  avons  vu  que  les  scrupuleuses 
dans  les  états  graves  comme  Claire  et  Lise  peuvent  présenter 
des  diminutions  de  la  sensibilité  et  d'autre  part  j'en  arrive  à 
croire  que  nous  avons  exagéré,  sinon  la  fréquence,  au  moins  la 
généralité  de  Tanesthésie  complète  chez  l'hystérique.  Dans  ce 
diagnostic  souvent  délicat  on  sera  guidé  par  les  antécédents,  il  y 
a  certains  faits  nettement  hystériques  :  les  contractures,  les  vraies 
paralysies,  les  somnambulismes  typiques  suivis  d'amnésie  qui 
n'existent  pas  chez  les  psychasthéniques  ;  on  pourra  se 
servir  de  quelques  expériences,  l'hypnotisme  vrai,  la  suggestion, 
les  actes  subconscients  n'existent  pas  davantage  chez  ces  malades. 
Le  véritable  diagnostic  doit  se  faire  par  l'examen  de  la  forme 
psychologique  que  prennent  les  troubles  principaux.  L'hystérie 
est  caractérisée  par  la  suppression  complète  de  certains  faits  et  par 
l'exagération  de  certains  autres.  Tandis  que  des  sensations,  des 
souvenirs,  des  images  motrices  sont  complètement  disparus  de  la 
conscience  personnelle,  ce  qui  constitue  des  anesthésies,  des 
amnésies,  des  paralysies,  etc.,  les  phénomènes  psychologiques 
conservés  vont  jusqu'à  leur  terme  extrême  :  on  constate  des 
Impulsions  à  des  actes  qui  s'exécutent  complètement  au  moins 
pendant  certaines  crises,  des  hallucinations  complètes,  avec  illu- 
sion de  la  réalité,  des  convictions  irrésistibles.  C'est  là  ce  qui 
constitue  chez  l'hystérique  le  rétrécissement  du  champ  de  la  con- 
science. Les  psychasthéniques  au  lieu  de  ce  rétrécissement  du 
champ  de  la  conscience  présentent  un  abaissement  de  la  conscience 
dans  sa  totalité.  Ils  ne  présentent  aucune  des  lacunes  complètes 
de  l'hystérique,  ni  ancsthésie,  ni  amnésie,  ni  paralysie,  ni  sub- 
conscience, ni  suggestion  qui  résulte  de  ce  rétrécissement  ;  ils  ne 
présentent  pas  non  plus  de  ces  conservations  complètes  ou  même 
de  ces  exagérations  de  certains  phénomènes  conservés  et  isolés 
des  autres.  Enfin  cet  abaissement  général  qui  n'est  pas  compensé 
par  un  rétrécissement  du  champ  de  la  conscience  leur  donne  des 
sentiments  d'incomplétude  bien  plus  accentués  qu'ils  ne  sont 
d'ordinaire  dans  l'hystérie.  Tandis  que  l'hystérique  a  tous  les 
sentiments  extrêmes,  vous  aime  ou  vous  déteste   avec  une   égale 


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DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT  677 

eo  un  même  groupe  le  délire  de  persécution  et  «  les  idées  for- 
cées »  des  obsédés.  Ici  encore  le  diagnostic  théorique  est  fort 
simple,  il  consiste  à  constater  Texistence  de  ces  signes  qui  sont 
adoptés  par  tous  les  auteurs  d'une  manière  classique  pour  établir 
la  différence  entre  Fidée  fixe  et  l'obsession.  «  L'idée  fixe,  disait 
M.  Roubinovitch,  est  une  conception  délirante,  inconsciente,  do* 
minant  toute  la  personnalité  psychique  ;  l'obsession  est  une  idée 
inutile  ou  nuisible,  reconnue  fausse  qui  occupe  l'esprit  du  malade 
contre  sa  volonté.  L'idée  fixe  est  permanente,  l'obsession  procède 
par  paroxysme  ;  chez  le  premier  malade  c'est  le  jugement,  la 
faculté  d'association  des  idées  qui  est  lésée,  c'est  chez  le  second 
la  sphère  émotive,  la  volonté  ^  »  Il  en  est  ainsi  sans  doute  dans 
les  cas  typiques  et  un  per^cuté  au  terme  de  son  délire  manifeste 
une  conviction  absolue,  en  exprimant  des  idées  de  persécution  et 
de  grandeur,  il  accomplit  des  actes  en  rapport  avec  ses  idées,  il 
entend  des  voix  hallucinatoires  et  il  ne  ressemble  aucunement  à  un 
obsédé  qui  s'interroge  indéfiniment  sur  son  scrupule  et  qui  n'a 
que  des  pseudo-hallucinations. 

Cependant  je  crois  qu'il  y  a  lieu  d'être  très  embarrassé  si  l'on 
considère  les  malades  à  leur  début.  M.  Marandon  de  Montiel, 
MM.  Vigouroux  et  Decasse  ont  montré  comment  les  idées  déli- 
rantes des  persécutés  se  rattachaient  également  chez  eux  à  des 
troubles  antérieurs  de  l'émotivité  et  de  la  cœnesthésie  *.  J'ai  été 
tout  surpris  d'observer  chez  les  persécutés  un  grand  nombre  des 
caractères  de  nos  psychasthéniques  :  on  constate  dans  le  dévelop- 
pement de  leur  maladie  la  même  influence  de  toutes  les  causes 
débilitantes,  des  maladies  infectieuses,  des  émotions,  les  mêmes 
oscillations  du  niveau  mental,  les  mêmes  troubles  de  l'insufli- 
sance  psychologique,  l'aboulie,  l'aprosexie,  le  besoin  de  direc- 
tion et  surtout  les  sentiments  d'automatisme.  «  Ce  n'est  plus  moi 
qui  lis,  on  lit  h  ma  place,  répètent-ils  souvent  ».  On  retrouve 
également  chez  les  persécutés  systématiques  les  sentiments 
de  dédoublement,  d'étrangeté  du  corps,  d'étrangeté  du  monde 
extérieur.  Inversement  on  peut  retrouver  chez  l'obsédé  le  plus 
typique  le  même  contenu  des  idées  que  dans  le  délire  systémati- 
que :  les  idées  obsédantes  mystiques  sont,  comme  on  l'a  vu,  fré- 

I.  Roubinovitch.  Bulletin  méd.,  aa  juillet  1896.  Cf.  Kéraval,  L'idée  fixe.  Archives 
de  neurologie,  1899,  11,  a^. 

a.  Marandon  de  Monliel,  De  la  genèse  des  conceptions  délirantes  et  des  halluci- 
nations dan»  le  délire  systématise.  Gazelle  des  hôpitaux,  5  juin  190U. 


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DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT  67» 

même  temps  interprétation  délirante  que  tous  ces  biens  lui  ont  été 
ravis  par  des  anarchistes  dont  son  mari  est  le  roi,  par  des  initiés 
qui  lui  lancent  des  poudres  pour  paralyser  sa  volonté.  Elle 
semble  croire  ce  qu'elle  affirme  puisqu'elle  a  commis  une  foule 
d'excentricités,  qui  l'ont  fait  enfermer;  mais  cependant  elle  ne 
peut  jamais  parler  des  initiés  ou  des  poudres  sans  se  tordre  de 
rire  exactement  comme  Lise  quand  elle  parle  du  démon. 

En  un  mot,  je  crois  qu'il  y  a  une  série  de  gros  problèmes 
psychologiques  à  résoudre  dans  l'étude  du  persécuté  :  il  faudrait 
expliquer  sa  manie  d'objectiver,  de  chercher  toujours  l'explica- 
tion en  dehors  de  lui  tandis  que  le  scrupuleux  cherche  le  plus 
souvent  cette  explication  en  lui-même,  il  faudrait  examiner  le 
degré  de  sa  conviction  qui,  si  je  ne  me  trompe,  n'est  pas  toujours 
absolue  et  varie  énormément  suivant  les  oscillations  du  niveau 
mental.  II  faudrait  étudier  ses  fameuses  hallucinations  de  Touïe 
et  expliquer  pourquoi  il  n'est  halluciné  que  de  l'ouïe,  ce  sens  du 
langage,  ce  sens  social  qui  se  trouble  plus  facilement  que  les 
autres  chez  les  individus  qui  ont  précisément  dePaboulie  sociale. 
Si  l'on  faisait  ces  études  on  verrait,  je  crois,  qu'il  y  a  au  début 
infiniment  de  phénomènes  communs  entre  les  psychasthéniques 
et  les  paranoiaques  et  l'on  pourrait  indiquer  avec  précision  le 
point  ou  s'effectue  la  séparation,  ce  qui  aujourd'hui  ne  peut  être 
fait  que  d'une  manière  assez  vague. 

Quoi  qu'il  en  soit  le  problème  consiste  actuellement  à  distinguer 
les  états  psychasthéniques  qui  ont  une  tendance  h  évoluer  vers  les 
délires  systématiques  et  ceux  qui  sont  destinés  à  se  borner  aux 
obsessions.  La  tendance  antérieure  du  caractère,  l'autophilie,  l'or- 
gueil, la  susceptibilité,  le  caractère  autoritaire  montrent  une  dispo- 
sition à  objectiver  les  troubles  psychologiques,  à  rendre  les  autres 
responsables  de  tous  les  phénomènes  de  l'insuffisance  psycholo- 
gique. En  outre  on  trouve  chez  ces  malades  une  tendance  à  sys- 
tématiser, moins  de  disposition  au  doute  quand  il  s'agit  de  l'in- 
terprétation délirante:  ces  caractères  doivent  faire  craindre  que 
l'état  psychasthénique  n'évolue  vers  cette  variété  particulièrement 
dangereuse  qui  est  le  délire  systématique  de  persécution.  Les 
caractères  inverses,  la  douceur,  l'humilité,  la  tendance  à  l'analyse 
subjective,  font  plutôt  prévoir  les  obsessions  du  doute  et  du  scru- 
pule. C'est  toujours  l'analyse  psychologique  des  divers  symptô- 
mes qui  permet  de  donner  quelque  précision  au  diagnostic. 


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LE  PRONOSTIC  681 

la  famille  il*y  a  déjà  des  obsédés,  il  est  bon  de  bien  connaître 
l'évolution  de  la  maladie  chez  eux,  car  cette  évolution  se  répète 
souvent  absolument  semblable.  Il  faut  aussi  tenir  grand  compte 
dans  la  recherche  de  l'hérédité  des  névroses  et  surtout,  à  mon 
avis,  de  Tépilepsie. 

A  côté  des  aliénés  et  des  névropathes  proprement  dits,  il  est  très 
important  de  s'enquérir  de  Texistence  dans  la  famille  de  ce  que  Ton 
appellecommunément  des  bizarres.  M.  Magnan  a  justement  remar- 
qué que  ces  individus  bizarres,  originaux,  excentriques,  ayant  des 
tics,  des  manies,  un  caractère  difficile,  autoritaire  à  Texcès,  sont 
précisémentceuxqui  laissent  le  plus  souventà  leurs  descendants  les 
*  tares  psychasthéniques.  Cela  se  comprend  facilement  si  Ton  songe 
que  ces  bizarreries  sont  déjà  des  marques  de  Tinsuffisance  de 
l'adaptation  sociale,  de  l'insuffisance  des  fonctions  du  réel,  et  de 
l'aboulie.  Parmi  ces  bizarreries,  j'insiste  sur  ce  genre  de  carac- 
tère que  l'on  voit  se  transmettre  pendant  plusieurs  générations 
en  se  perfectionnant  à  chacune  et  qui  consiste  dans  une  prudence 
allant  jusqu'à  la  poltronnerie,  dans  une  indécision  de  la  volonté, 
un  défaut  de  résistance,  une  gravité  allant  jusqu'à  la  tristesse.  On 
constate  en  même  temps  une  grande  délicatesse  des  sentiments  et 
une  tendance  à  préférer  la  vie  idéale  à  la  vie  réelle.  Ce  caractère 
qui  ne  laisse  pas  d'être  élevé  et  sympathique  à  ses  débuts  ne  tarde 
pas  à  aboutir  dans  les  générations  suivantes  à  l'aboulie,  à  l'inquié- 
tude permanente  et  donne  enfin  naissance  à  des  doutcurs,  des 
scrupuleux,  des  obsédés.  Il  est  bon  de  s'informer  de  ces  carac- 
tères surtout  chez  celui  des  parents  auquel  le  malade  ressemble 
le  plus.  Plus  ce  caractère  se  sera  développé  dans  plusieurs  géné- 
rations, plus  il  sera  difficile  de  remonter  ce  courant  et  plus  le 
pronostic  sera  sérieux. 

Après  l'hérédité,  Tâge  du  début  a  une  grande  importance,  je 
parle  du  début  réel  et  non  du  début  apparent,  de  l'époque  d'ap- 
parition des  phénomènes  d'insuffisance  psychologique  et  des  sen- 
timents d'incomplétude.  Plus  ce  début  est  précoce,  plus  il  a 
une  signification  grave,  les  phénomènes  qui  apparaissent  de 
bonne  heure  dans  le  développement  sont  ceux  qui  sont  le  plus 
fortement  héréditaires  qui  font  le  plus  partie  de  la  constitution.  Il 
faut  donc  se  défier  de  ces  enfants  qui  sont  déjà  des  sages,  des 
prudents,  des  réfléchis  à  cinq  ou  six  ans,  ce  caractère  devient 
vite  dangereux  quand  ils  sont  des  lents,  des  hésitants,  des  repen- 
tants. On  apprend  vite,  quand  on  interroge  bien  le  malade,  qu'à 


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LE  PRONOSTIC  68i 

obsessions  qui  montrent  que  le  malade  entre  dans  la  période  des 
interprétations  délirantes,  quoique  son  délire  conserve  les  carac- 
tères de  rhésitation  et  du  doute  qui  sont  les  troubles  fondamen- 
taux de  la  maladie. 

Quand  le  malade  est  parvenu  au  dernier  degré  et  que  la  maladie 
est  tout  à  fait  chronique  il  faut  pour  établir  le  pronostic  tenir  compte 
de  l'activité  que  conserve  encore  le  sujet,  du  nombre  de  relations 
que  Ton  peut  lui  garder,  des  travaux  que  Ton  peut  lui  faire  exécuter  : 
risolement  et  Tinertie  complète  étant  le  terme  le  plus  triste  des 
états  psychasthéniques. 

Je  ne  fais  que  signaler  Fimportance  du  point  de  vue  médico- 
légal  bien  discuté  dans  un  grand  nombre  d*études  ^  En  général 
ces  obsessions  ne  déterminent  pas  d'actions  véritables,  mais  une 
exécution  plus  ou  moins  incomplète  peut  survenir  à  Tinsu  du 
malade  et  au  cours  de  ses  manies  de  tentation  et  de  demi-exécution. 
L'impulsion  peut  être  plus  grave  et  le  pronostic  bien  plus  réservé 
quand  à  l'état  psychasthénique  proprement  dit  se  joignent 
Tépilepsie,  la  débilité  mentale,  l'alcoolisme  ou  d'autres  intoxi- 
cations. 

En  dehors  des  crimes  proprement  dits,  des  actes  absurdes  comme 
des  promesses  de  mariage,  des  fugues,  des  conduites  inconve- 
nantes peuvent  être  en  rapport  avec  les  obsessions  de  honte  ou 
les  besoins  d'excitation.  Non  seulement  il  faut  songer  à  mettre 
quelquefois  le  malade  hors  d'état  de  nuire  aux  autres,  mais  il 
faut  aussi  dans  certains  cas,  le  défendre  contre  lui-même. 

I.  En  particulier  dans  les  travaux  suivants  :  Renaudin,  Observations  médico- 
légales  sur  la  monomanie.  Ann.  méd.  psych.,  i85/|,  p.  a36.  Delasiauve,  Des  pseudo- 
monomanies  et  de  leur  importance  légale.  Ann.  méd.  psych.,  1859.  Motet.  Société  de 
médecine  légale  de  Paris,  i3  février  1890.  P.  Dénommé,  Des  impulsions  morbides 
au  point  de  vue  médico-légal.  Thhse,  Lyon,  1890.  Bérillon,  Les  phobies  neurasthé- 
niques au  point  de  vue  du  service  militaire.  Revue  de  l'hypnotisme,  189^*  p*  a^i* 
G.  Carrier  (de  Ljon),  Contribution  à  l'étude  des  obsessions  et  des  impulsions 
l'homicide  et  au  suicide  chez  les  dégénérés  au  point  de  vue  médico-légal,  1899. 


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LA  PROPHYLAXIE  685 

condition  interdisant  le  mariage,  mais  on  peut  en  tenir  compte 
dans  la  mesure  du  possible  par  la  remarque  suivante.  M.  Talbot, 
dans  un  article  récent  sur  la  dégénérescence  et  le  mariage*,  insiste 
sur  le  danger  des  unions  consanguines  qui  accentuent  les  carac- 
tères familiaux.  H  fait  remarquer  à  ce  propos  que  ce  danger 
n'existe  pas  seulement  dans  les  unions  entre  membres  d'une  même 
famille  ;  Il  observe  que  dans  les  mêmes  professions,  dans  les  mêmes 
milieux  se  développent  les  mêmes  tares,  les  mêmes  dégénérations 
à  un  degré  peut-être  plus  élevé  que  dans  les  mêmes  familles  et 
que  ces  tares  rendent  également  dangereuse  Tunlon  de  ces 
familles;  entre  elles.  J'ai  été  frappé  de  cette  remarque  en  voyant 
le  délire  du  scrupule  se  développer  dans  des  familles  universitaires, 
dans  des  familles  de  magistrats,  où  le  père  et  la  mère  appartien- 
nent au  même  milieu  depuis  plusieurs  générations.  Quand  cette 
tare  ps)^chasthénlque  commence  à  se  développer,  Il  serait  bon 
non  seulement  d'éviter  les  unions  consanguines,  mais  encore 
d'éviter  les  unions  dans  le  même  milieu  moral  et  de  croiser  non 
seulement  les  races,  mais  aussi  les  situations  et  les  éducations 
professionnelles.  Malheureusement  ces  précautions  sont  bien  diffi- 
ciles à  prendre,  par  une  sorte  de  fatalité  nos  futurs  psychasthénl- 
ques  sont  souvent  séduisants  surtout  pour  des  esprits  du  même 
ordre.  Leur  douceur,  leurhonnêteté  exagérée  par  l'absence  de  com- 
bativité, la  subtilité  de  leurs  sentiments  et  de  leurs  Idées,  les  ren- 
dent souvent  sympathiques  et  Ils  se  recherchent  entre  eux.  J'ai 
souvent  été  étonné  de  l'adresse  extraordinaire  que  déployait  un 
scrupuleux  pour  découvrir  une  femme  aussi  atteinte  que  lui  : 
faudra-t-ll  s'étonner  ensuite  si  les  enfants  sont  des  obsédés.  Il  est 
inutile  d'Insister  beaucoup  sur  ces  précautions  que  l'on  devrait 
prendre  pour  relever  l'énergie  de  la  race  et  éviter  la  chute  de  la 
tension  jusqu'à  l'insuffisance  ;  le  médecin  sera  bien  rarement 
consulté  sur  ce  premier  point  de  prophylaxie. 

Le  second  point  de  la  prophylaxie  doit  être  Thyglène  et  l'édu- 
cation d'un  enfant  pour  lequel  on  a  des  raisons  de  supposer  une 
prédisposition.  Ce  conseil  sera  demandé  plus  souvent  que  le  pré- 
cédent par  les  parents  qui  sont  eux-mêmes  atteints  de  troubles 
psychasthénlques  et  qui  s'effrayent  en  apercevant  les  premiers 
signes  de  la  maladie  chez  leurs  tout  jeunes  enfants. 


I.  D""  Talbot,   Dégénérescence  et  mariage.    The  alienist  and  neurohgUt,  janvier 
1899. 


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LA  PROPHYLAXIE  687 

Enfin  il  faut  chercher  dans  ces  exercices  et  ces  actions  un  au- 
tre caractère,  le  caractère  social.  De  très  bonne  heure  ces  enfants 
prédisposés  doivent  être  habitués  à  la  société  et  à  la  société  de  per- 
sonnes qu'ils  ne  connaissent  pas.  Cette  habitude  ne  s'acquiert 
pas  si  Tenfant  est  toujours  accompagné  par  ses  parents  ou  par  sa 
bonne.  Rien  ne  rend  un  enfant  timide  comme  la  présence  de  ses  pa- 
rents, parce  que  en  leur  présence  il  ne  sent  pas  la  nécessité  de 
faire  un  effort,  de  tendre  son  activité  mentale  et  qu'il  se  laisse 
aller  à  cette  aboulie  qui  est  la  source  de  Témotivité.  On  est  tout 
surpris  devoir  que  le  même  enfant  cesse  d'être  timide,  quand  il 
est  laissé  seul  dans  la  même  société.  Le  fait  d'être  abandonné  à  lui- 
même  suffit  pour  qu'il  se  tende  et  que  son  esprit  fonctionne  h  un 
niveausuperieur.il  n'est  pas  nécessaire  que  la  société  où  il  se  trouve 
ait  toujours  de  la  sympathie  pour  lui  comme  il  le  désire  :  il  est  bon 
qu'il  trouve  devant  lui  des  résistances,  des  jalousies,  des  compé- 
titions, en  un  mot  des  luttes.  Tout  à  l'opposé  de  ce  pauvre  père 
de  famille  qui  jusqu'à  la  fin  de  la  classe  de  philosophie  faisait 
accompagner  et  rechercher  par  une  domestique  son  fils  aux  classes 
du  lycée  «  pour  qu'il  ne  pût  jamais  se  battre  avec  ses  camarades» 
je  crois  qu'il  est  extrêmement  important  de  forcer  notre  jeune 
psychasthénique  à  se  battre.  S'il  réussit  à  le  faire  et  si  par  hasard 
il  triomphe,  ce  qui  est  fort  possible,  il  en  sera  transformé  et  le 
souci  de  son  avenir  vaut  bien  le  danger  de  quelques  horions. 

L'éducation  intellectuelle  ne  vient  qu'en  second  lieu  chez  ces 
personnes  :  elles  ne  sont  que  trop  disposées  au  développement  de 
l'intelligence  pure.  Il  faut  éviter  l'enseignement  abstrait  de  pure 
mémoire,  qui  n'est  que  trop  répandu  en  France.  Dans  l'état 
psychasthénique  l'esprit  semble  être  développé  en  étendue  et  non 
en  profondeur,  il  y  a  comme  une  dispersion  de  la  pensée.  C'est 
là  une  indication  dont  on  doit  tenir  compte,  le  grand  nombre 
des  études  diverses,  faites  d'une  manière  superficielle  est  pour 
ces  jeunes  gens  d'autant  plus  dangereux  qu'ils  réussissent  facile- 
ment à  acquérir  ainsi  quelques  notions  en  apparence  brillantes. 
Il  faut,  que  l'intelligence  soit  dirigée  avant  tout  vers  l'observation 
et  vers  l'obsession  physique  plus  que  vers  l'observation  morale.  Il 
faut  se  méfier  surtout  de  l'observation  subjective  dans  laquelle  ces 
individus  sont  passés  maîtres.  Cette  disposition  à  l'introspection 
chez  les  scrupuleux  dépend  en  partie  de  leur  inquiétude  et  en  grande 
partie  de  ce  fait  que  les  images  et  les  associations  d'images  sont 


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LE  TRAITEMENT  PHYSIQUE  689 

"(les  phobies  et  des  angoisses  continuelles  que  sa  famille  se  décide 
il  ramener  au  médecin.  Quelle  doit  être  alors  la  conduite  de 
•celui-ci,  quelles  sont  les  médications  ou  les  traitements  physiques 
ou  moraux  qui  peuvent  avoir  une  certaine  influence  et  préparer  la 
"terminaison  de  cette  crise  ? 

Il  est  important  que  le  médecin  fasse  vite  son  diagnostic,  car  il 
•doit  prendre  vis-à-vis  de  ces  malades  une  attitude  particulière 
<ti  toute  hésitation  serait  des  plus  fâcheuses.  Toutes  les  descrip- 
tions précédentes  permettent  de  reconnaître  vite  la  maladie  dont 
il  s'agit,  d'autant  plus  que  ces  malades  présentent  une  remar- 
•ciuable  uniformité  et  que  Ton  retrouvera  vite  les  formes  et  même 
les  expressions  que  Ton  connaît  comme  caractéristiques. 

Le  malade  arrive  avec  une  disposition  d'esprit  toute  particu- 
lière dont  il  faut  se  défier.  Sans  en  être  bien  certain,  car  il 
doute  de  tout,  il  est  disposé  à  croire  qu'il  n'est  pas  un  malade  ou 
du  moins  qu'il  n'a  pas  une  maladie  ordinaire.  Il  sent  bien  que  son 
«tat  n'est  pas  naturel,  mais  il  croit  que  c'est  un  état  extraordi- 
naire, unique  au  monde,  que  personne  n'a  jamais  vu  et  que  les 
médecins,  en  particulier,  ignorent  complètement.  Comme  il  ne 
-veut  faire  aucun  effort,  comme  il  sait  qu'il  n'a  fait  aucun  effort 
pour  se  guérir,  il  aime  à  penser  que  cette  maladie  exceptionnelle 
«st  absolument  incurable  et  qu'il  n'y  a  rien  h  faire.  Il  le  dit  en 
•entrant  :  «  c'est  sa  famille  qui  l'a  forcé  à  venir  voir  un  médecin, 
mais  il  sait  très  bien  que  c'est  inutile  et  que  son  état  est  tout  à 
fait  en  dehors  de  la  médecine.  » 

Si  le  médecin  hésite  sur  son  cas  et  semble  surpris  par  la  bizar- 
rerie des  symptômes  que  le  malade  d'ailleurs  exagère  à  plaisir,  le 
sujet  se  confirme  dans  son  opinion  et  en  profite  pour  se  laisser 
aller  encore  davantage.  Il  faut  que  le  médecin  puisse  montrer 
rapidement  une  grande  assurance  et  lui  donner  l'impression  que 
•sa  maladie  est  parfaitement  connue,  qu'elle  est  des  plus  banales, 
•et  que  le  traitement  curatif  est  tout  à  fait  stéréotypé. 

Pour  y  parvenir  le  médecin  doit  deviner  les  symptômes  au  lieu 
•de  s'en  étonner.  Dès  qne  le  malade  a  un  peu  expliqué  son  état, 
on  voit  facilement  dans  quelle  catégorie  il  se  range,  s'il  a  plus 
de  ruminations  ou  plus  de  phobies,  dans  quel  sens  sont  ses  obses- 
sions principales.  Il  suffit  alors  de  lui  énumérer  les  manies  de 
précision,  d'oscillation  ou  de  réparation ,  de  lui  parler  des  serments, 
des  pactes,  des  formules  de  conjuration,  des  angoisses  physiques 
ou  morales,  etc.  Il  est  bien  rare  que  l'on  ne  tombe  pas  juste  sur 

LES  OBSESSIONS.  I.   44 


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LE  TRAITEMENT  PHYSIQUE  691 

quand  le  trouble  est  plus  gastrique  qu'intestinal  je  n'hésite  pas  à 
faire  de  même  au  moins  pendant  une  ou  deux  semaines,  mais  en 
général  j'hésite  à  imposer  un  régime  aussi  sévère. 

Le  régime  lacté  intégral  est  débilitant,  ce  qui  est  ici  très  mau- 
vais, car  cela  favorise  les  sentiments  d^incomplétude,  il  n'est  pas 
toujours  très  bien  toléré  par  Testomac  des  malades,  a  Le  lait,  dit 
M..  Lépine,  ne  convient  pas  aux  estomacs  dilatés,  il  ne  stimule 
pas  le  système  nerveux  et  ne  donne  pas  la  sensation  de  force.  La 
vie,  a  dit  un  vieux  maître,  ne  se  soutient  que  par  les  excitants.  Si 
cette  proposition  est  vraie,  le  lait  ne  suffirait  pas  h  entretenir,  la 
vie^  »  J'ajoute  que  le  régime  lacté  est  surtout  contre-indiqué 
quand  il  y  a  un  certain  degré  d'entérite. 

Il  suffit  de  se  borner  d'ordinaire  à  supprimer  complètement  le 
vin  et  l'alcool,  les  sauces,  les  graisses,  les  viandes  faisandées,  les 
conserves,  à  réduire  assez  fortement  la  proportion  des  viandes 
dans  l'alimentation,  à  se  rapprocher  en  un  mot  du  régime  végé- 
tarien. Le  lait,  les  œufs,  les  farines  de  toute  espèce  et  surtout 
les  farines  de  céréales  en  abondance,  les  légumes  verts,  les  fruits 
cuits  avec  un  peu  de  viande  grillée  à  un  repas  seulement  me 
paraît  un  régime  suffisant  et  extrêmement  utile  dans  les  cas 
moyens.  Dans  les  cas  graves  d'atonie  gastrique,  je  me  suis  bien 
trouvé  en  laissant  les  malades  au  régime  exclusif  du  lait,  des  œufs 
et  des  bouillies  de  farines  comme  des  enfants  en  sevrage,  mais 
il  s'agit  alors  du  traitement  de  la  dyspepsie  hyposthénique  dont 
je  n'ai  pas  à  m'occuper  spécialement  ici.  Ces  régimes  végétariens 
ou  presque  végétariens  en  réduisant  les  toxines  qui  impression- 
nent le  système  nerveux  déterminent  souvent  chez  les  neurasthé- 
niques et  même  chez  les  psychasthéniques  des  améliorations  sur- 
prenantes. Les  aliments  doivent  être  pris  en  quantité  suffisante, 
a  des  intervalles  bien  réglés  et  en  général  assez  longs,  car  il  est 
essentiel  de  laisser  l'estomac  se  reposer  ;  il  faut  interdire  à  cer- 
tains malades  atteints  de  boulimie  de  manger  dans  l'intervalle 
des  repas.  Mais  il  sera  bon  pour  certains  estomacs  atones  et  di- 
latés de  faire  boire  très  peu  aux  repas  et  de  faire  boire  deux  tasses 
de  thé  très  léger  plusieurs  heures  après  le  repas,  de  manière  à  ne 
pas  diluer  le  suc  gastrique  pendant  la  digestion,  mais  a  donner 
cependant  au  malade  la  quantité  d'eau  indispensable.  Dans  l'ana- 
lyse des  urines  qu'a  conseillée  M.  Joulie,  il  y  a  une  indication 

1.  Lépine,  Semaine  médicale,  19  février  1903. 


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DIAGNOSTIC» ET  TRAITEMENT 

3t  de  surveiller  la  densité  des  urines  du  matin.  La 
me  doit  être  de  1018,  chez  beaucoup  de  neurasthé- 
it  bien  supérieure.  II  faut  alors,  en  augmentant  la 
oissons  prises  en  dehors  des  repas,  si  cela  est  né- 
mener  h  la  normale.  Ces  conseils  relatifs  au  régime 
s  neurasthéniques  se  retrouvent  chez  tous  ceux  qui 
malades,  ils  semblent  assez  bien  justifiés  par  Tex- 

is  de  l'intestin  sont  troublées  comme  celles  de  Tes- 
aut  se  préoccuper  d'un  état  de  constipation  très 
es  grave  qu'ils  présentent  presque  toujours.  Les 
testinales  doivent  être  obtenues  par  tous  les  moyens 
ne  saurait  trop  insister  sur  les  avantages  des  grands 
naux  avec  de  l'eau  légèrement  salée  10  pour  1000, 
profondément  avec  une  grande  sonde.  Dans  des  cas 

suis  servi  avec  avantage  des  grands  lavements 
ïs  avec  la  sonde,  gardés  le  plus  longtemps  possible 

lavement  d'eau  de  têtes  de  camomille.  Dans  un 
apporté  il  a  fallu  pratiquer  un  véritable  curettage 
ctale. 

>  moins  sérieux  il  suffit  d'user  régulièrement  des 
is  en  les  variant  de  temps  en  temps  à  cause  de 
e.  Tous  les  dix  ou  quinze  jours  une  petite  purge 
1  semblé  utile.  Dans  plusieurs  cas  j'ai  employé  avec 
mel  ou  les  sels  de  karisbad  qui  sont  avantageux 
îtions  du  foie  sont  engourdies.  On  est  souvent  sur- 
ioration  remarquable  que  l'on  constate  même  dans 
lentales  après  une  purge  de  ce  genre. 

entation  il  faut  régler  le  sommeil  et  le  repos.  Les 
ormir  constamment  et  resteraient  au  lit  toute  la 
res  s'agitent  sans  cesse,  ne  veulent  pas  se  coucher 
Luit  à  marcher  dans  leur  chambre.  Ils  sont  tous  des 
it  le  plus  grand  besoin  de  repos.  Le  traitement  de 
,  très  pratiqué  en  Amérique,  condamne  tous  les 
ss  à  un  repos  absolu  au  lit,  en  ne  leur  donnant  des 
le  par  des  massages  et  des  mobilisations  passives  des 
Oejerine  et  M.  Nattier,  dans  le  travail  que  j'ai  cité, 
noins  i5  heures  de  repos  au  lit  par  jour.  Il  se  peut 
lent,  dont  je  n'ai  pas  beaucoup  l'expérience,  soit 


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LE  TRAITEMENT  PHYSIQUE  em 

Utile  dans  quelques  cas  de  neurasthénie  simple,  j'avoue  que  je  le 
redoute  beaucoup  chez  les  psychasthéniques  qui  ont  des  troubles 
mentaux.  Plusieurs  de  ces  derniers  m'ont  raconté  qu'ils  avaient 
subi  auparavant,  et  quelques-uns  à  plusieurs  reprises,  le  traite- 
ment dit  de  Weir-Mitchell  sans  en  retirer  aucun  avantage.  Dans 
trois  cas  j'ai  vu  les  malades,  après  avoir  subi  un  traitement  de 
ce  genre,  tomber  dans  l'inertie  et  dans  la  malpropreté.  Ces  ma- 
lades ont  déjà  beaucoup  de  tendance  à  l'aboulie,  à  l'immobilité 
et  à  la  rêverie.  Il  ne  faudrait,  à  mon  avis,  les  laisser  au  lit 
qu'avec  une  grande  surveillance  et  en  évitant  l'inaction  absolue. 

Il  me  semble  préférable,  tout  en  laissant  au  malade  beaucoup 
de  repos,  de  régler  la  durée  du  séjour  au  lit  d'une  façon  qui  se 
rapproche  de  la  normale,  afin  de  ne  pas  déterminer  des  habitudes 
fâcheuses,  plus  tard  difficiles  à  rompre.  Ce  qui  est  essentiel,  c'est 
d'exiger  le  coucher  et  le  lever  à  des  heures  Gxes  et  de  maintenir 
une  grande  régularité. 

Il  faut  encore  surveiller  toute  l'hygiène  du  malade,  le  retirer 
s'il  y  a  lieu  d'un  milieu  malsain,  le  faire  vivre  une  partie  dé  la 
journée  au  grand  air,  supprimer,  s'il  ne  l'a  pas  déjà  fait  de  lui- 
même,  tout  travail  qui  serait  trop  fatigant  ou  malsain. 

Il  faut  traiter  avec  soin  toute  maladie  locale  ou  générale  qui 
coïnciderait  avec  l'état  psychasthénique  et  qui  Tentretiendrait. 
Les  infections  utérines,  les  suppurations  locales  jouent  en  parti- 
culier un  grand  rôle  et  doivent  être  autant  que  possible  suppri- 
mées. Il  ne  faut  cependant  pas  se  laisser  entraîner  à  faire  jouer 
un  trop  grand  rôle  à  des  troubles  locaux  et  rattacher  toute  la  ma- 
ladie à  un  déplacement  utérin  ou  à  une  chute  du  rein.  Il  faut 
beaucoup  se  méfier  des  opérations  que  ces  malades  supportent 
très  mal  et  qui  sont  souvent  le  point  de  départ  de  rechutes.  De 
même  des  traitements  excessifs  et  fatigants  comme  ceux  de  cer- 
taines villes  d'eaux  ont  eu  pour  les  malades  que  j'ai  suivis  des  ré- 
sultats déplorables.  Il  faut  donc  se  borner  aux  traitements  néces« 
saires  et  les  plus  simples. 

2.  —  La  médication  sédative. 

Le  traitement  médicamenteux  n'a  pas  chez  ces  malades  une 
grande  importance,  il  me  semble  cependant  exagéré  de  le  sup- 
primer tout  à  fait. 

Je  n'insiste  pas  sur  les  médicaments  en  rapport  avec  tel  ou  tel 


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LE  TRAITEMENT  PHYSIQUE  695 

est  détestable  ;  pratiquement  il  est  bien  difficile  de  ne  jamais  y  re- 
courir. On  ne  peut  guère  nier  que  de  petites  doses  de  ces  médi- 
caments n'aient  souvent  rendu  des  services.  Le  trional,  le  sul- 
fonal,  le  chloral,  le  bromidia  ne  sont  que  trop  connus  par  les 
malades,  il  faut  surtout  en  surveiller  et  en  réduire  l'emploi  le 
plus  possible. 

Dans  quelques  cas  assez  rares  j'ai  eu  recours  à  l'opium,  quel- 
ques centigrammes  d'extrait  thébaïque  me  semblent  tout  in- 
diqués pour  les  malades  angoissés  qui  ont  un  grand  état  de 
souffrance,  malheureusement  l'effet  constipant  de  l'opium  est  à 
redouter  chez  des  malades  dont  la  constipation  est  déjà  opi- 
niâtre. Quant  h  la  morphine  elle  demande  une  étude  toute  spé- 
ciale et  me  parait  jouer  aussi  bien  un  rôle  d'excitant  du  système 
nerveux  qu'un  rôle  de  calmant. 

3.  —  La  médication  tonique. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  cette  excitation  apparente  du  sujet 
est  toute  secondaire  et  qu'elle  est  la  manifestation  d'un  épuise- 
ment réel,  d'une  insuffisance  du  système  nerveux  central  qui  ne 
peut  plus  atteindre  la  tension  normale.  L'essentiel  serait  évidem- 
ment de  relever  la  force  du  système  nerveux,  c'est  le  problème 
général  des  états  neurasthéniques,  il  n'est  pas  dans  ce  cas  plus 
facile  à  résoudre  que  dans  les  autres.  Sans  doute  les  précautions 
d'hygiène  que  j'ai  mises  au  premier  rang  ont  sur  ce  point  une 
influence  incontestable.  Une  alimentation  convenable  que  le  ma- 
lade puisse  digérer,  la  suppression  des  toxines  que  produisaient 
les  alcools,  les  viandes  fermentées  insuffisamment  digérées,  etc., 
sont  pour  beaucoup  dans  le  relèvement  du  système  nerveux. 
Malheureusement  ces  précautions  sont  loin  de  suffire  toujours, 
d'ailleurs  la  mauvaise  digestion  dépend  elle-même  de  cette  insuf- 
fisance du  système  nerveux  et  l'on  tourne  dans  un  cercle  vicieux. 
Il  faut  donc  recourir  à  tous  les  toniques  nervins,  à  tous  les  re- 
constituants et  dans  notre  ignorance  il  faut  souvent  les  varier. 

Les  phosphates  occupent  une  grande  place  parmi  les  toniques 
nervins.  La  vogue  a  été  longtemps  aux  glycéro phosphates,  j'en  ai 
fait  prendre  à  tous  ces  malades  des  quantités  énormes  et  comme  un 
très  grande  nombre  sont  guéris  on  peut  supposer  que  ce  médi- 
cament a  eu  une  influence  favorable.  Aujourd'hui  la  mode  se 
tourne  davantage  vers    une   autre   forme   la    lécithine,  qui    m'a 


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LE  TRAITEMENT  PHYSIQUE  .   697 

et  ont  cédé  après  un  traîtement  de  quelques  mois.  Je  n'ai  pas 
revu  ce  malade  et  ne  sais  s'il  a  récidivé.  Cette  observation  qui 
m*a  frappé  montre  donc  que  dans  certains  cas,  assez  rares  peut- 
être,  des  troubles  analogues  à  ceux  du  myxœdènie  fruste  peuvent 
jouer  un  rôle  dans  la  psychasthénie.  Il  faudrait  donc  dans  des  cas 
semblables  songer  à  la  thyroïdine  et  dans  d^autres  peut-être 
voisins  à  Tovarine. 

Un  traitement  auquel  j'ai  eu  très  souvent  recours  ce  sont  les 
injections  sous-cutanées  d'une  solution  saline  concentrée  :  la  so- 
lution de  Chéron.  Ces  injections  qui  relèvent  la  pression  vas- 
culaire  et  déterminent  une  excitation  vitale  de  tout  l'organisme 
ont  eu  souvent  des  effets  fort  utiles. 

Je  ne  cite  que  pour  mémoire  les  grandes  injections  du  sérum 
de  Hayem  que  j'ai  faites  chez  Nadia  h  la  dose  de  5oo  grammes 
pendant  la  période  de  confusion  mentale  et  de  stercorhémie.  Ces 
injections  ont  certainement  contribué  a  sauver  la  malade  et  leur 
action  est  bien  connue.  J'ai  eu  souvent  recours  également  aux  in- 
jections de  strychnine  (de  i  à  5  centigrammes)  qui  ne  m'ont  pas 
paru  avoir  des  effets  plus  nets,  que  les  solutions  précédentes 
moins  dangereuses. 

Un  très  grave  problème  se  pose  a  propos  de  ces  traitements  par 
toniques  nervins,  c'est  celui  des  injections  de  morphine  :  On  sait 
que  M.  A.  Voisin  avait  fait  de  la  morphine  la  base  de  sa  théra- 
peutique des  maladies  mentales,  il  en  avait  obtenu  quelquefois 
des  résultats  remarquables.  Certains  faits  d'observation  m'ont 
montré  depuis  longtemps  que  cette  thérapeutique  reposait  sur  des 
observations  en  partie  exactes.  J'ai  vu  des  hystériques  anesthési- 
ques  qui  perdaient  tous  leurs  stigmates  après  des  injections  de 
morphine  ;  je  connais  des  obsédés  qui  ont  recouru  à  la  morphine 
et  qui  ont  été  guéris  au  moins  momentanément.  Ces  phénomènes 
se  comprennent  :  la  morphine  n'agit  pas  uniquement  comme  un 
anesthésique,  de  même  que  l'alcool  elle  détermine  une  excitation 
du  système  nerveux  qui  peut  augmenter  sa  tension  et  supprimer 
momentanément  les  résultats  de  son  insuffisance.  Cependant  j'ai 
longtemps  reculé  devant  l'emploi  de  cette  méthode  à  cause  des 
dangers  de  la  morphinomanie  chez  des  malades  si  disposés  à 
contracter  un  besoin  pathologique  et  une  impulsion.  Je  restais 
convaincu  que  chez  la  plupart  des  psychasthéniques,  les  dangers 
de  ce  médicament  dépassaient  ses  avantages. 

L'observation  de    certains   faits   me  rend  maintenant  un   peu 


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LE  TILUTEMENT  MORAL  699 

Régis  craignent  les  douches  froides  qui  surexcitent  ces  malades, 
ils  préfèrent  les  douches  tièdes,  les  bains,  les  affusions.  Ils  ont 
parfaitement  raison  s*il  ne  s'agit  que  de  calmer  une  surexcitation 
trop  grande.  C'est  en  me  plaçant  au  même  point  de  vue  que  je 
réclamais  Tusage  du  bromure.  Dans  beaucoup  de  cas  Thydrothé- 
rapie  froide  doit  être  supprimée  surtout  au  début  du  traitement 
«t  remplacée  par  les  douches  tièdes  ou  les  bains. 

Cependant,  si  les  malades  sont  déjà  un  peu  calmés,  s'il  s'agit 
de  personnes  jeunes,  vigoureuses,  si  le  traitement  a  lieu  en  été 
dans  de  bonnes  conditions,  je  ne  crois  pas  qu'il  faille  renoncer 
aux  effet  toniques  de  la  douche  froide.  Legrand  du  Saulle  soute- 
nait autrefois  avoir  vu  des  rémissions  absolues  après  un  traitement 
hydrothérapique,  bien  souvent  à  la  Salpêtrière  j'ai  vu  de  jeunes 
malades  terminer  une  crise  et  s'améliorer  visiblement  après  ce 
traitement. 

M.  Marro  dans  une  étude  sur  a  la  prophylaxie  des  émotions 
qui  amènent  la  dégénération  »,  explique  d'une  manière  intéres- 
sante les  bons  effets  de  l'hydrothérapie  froide.  «  Par  ces  applica- 
tions froides  graduelles  nous  tentons  d'éveiller  le  réflexe  vaso- 
dilatateur  cutané  qui  succède  à  la  première  constriction  vaso- 
capillaire  cutanée  et  qui  contraste  avec  les  réactions  désordonnées 
vaso-paralytiques  ou  vaso-dilatatrices  viscérales  dans  lesquelles 
se  résoud  l'action  morbifique  du  froid  lorsqu'il  devance  la  force 
de  résistance  de  l'organisme.  L'éducation  de  ce  réflexe  nous 
donne  un  premier  avantage  contre  les  impressions  peureuses 
dans  lesquelles  la  contraction  du  système  vasculaire  périphérique 
est  un  des  premiers  phénomènes.  L'hydrothérapie  froide  consti- 
tue une  véritable  hygiène  contre  les  causes  déprimantes  soit  phy- 
siques, soit  morales  *.  » 

Le  rôle  heureux  de  Télectrisation  statique  a  été  souvent  signalé, 
les  effets  toniques  des  courants  avec  alternances  très  rapides  sont 
encore  a  Tétude. 


2.  —  Le  traitement  moral. 

Malgré  l'importance  de  la  thérapeutique  physique,  il  est  incon- 
I.  A.  Marro.  Congrès  de  psychologie  de  1900.  Comptes  rendus,  1901,  p.  087. 


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LE  TR.\1TEMENT  MORAL  TOI 

tians  ces  cas  conseillera  la  famille  de  maintenir  les  fiançailles?  Le 
problème  est  souvent  extrêmement  délicat.  Sans  doute  'quand  la 
maladie  n'est  pas  grave,  quand  Tinsuffisance  de  la  volonté  n'a  pas 
des  racines  profondes  dans  Thérédité,  on  peut,  en  encourageant 
et  en  aidant  le  malade,  lui  faire  franchir  Tobstacle.  Mais  faut-il 
toujours  pousser  le  malade  h  accomplir  des  actes  compliqués  dont 
il  est  forcément  incapable  ?  M.  Savage  remarquait  déjà  qu'en  exi- 
geant le  mariage  dans  ces  cas  on  s'expose  a  un  double  risque  ce  celui 
de  l'impuissance  génitale  et  celui  d'une  violente  antipathie  contre 
laquelle  plus  tard  rien  ne  pourra  réagir...  des  mariages  forcés  de 
ce  genre  aboutissent  à  des  séparations,  à  des  délires  lypémaniques 
avec  internement*  ».  Je  ne  vois  guère  quel  intérêt  nous  pousserait 
à  courir  ces  risques.  Est-ce  donc  un  si  beau  mariage  que  celui 
d'un  psychopathe  qui  va  procréer  une  race  de  dégénérés?  La 
situation  matrimoniale  avec  toutes  ses  difficultés,  l'éducation  d*en- 
fants  probablement  malades  sont-elles  faites  pour  le  guérir  ?  II  est 
déjà  insuffisant  pour  sa  vie  de  célibataire,  est-il  raisonnable  de  lui 
en  imposer  une  plus  compliquée?  Dans  des  cas  semblables  il  est 
souvent  indispensable  de  faire  rompre  le  mariage  de  la  manière 
la  plus  complète,  la  plus  décisive  possible.  J'ai  eu  plusieurs  fois 
à  prendre  une  décision  de  ce  genre  et  je  ne  m'en  suis  pas  re- 
penti. Le  malade,  malgré  sa  déception,  s'en  trouve  fort  bien  et  il 
guérit  de  cette  crise  de  rumination,  tandis  qu'il  aurait  déliré  si  on 
l'avait  maintenu  dans  une  situation  trop  complexe  pour  lui. 

Il  y  a  de  même  bien  des  situations  morales  compliquées  que  l'on 
peut  aisément  simplifier  dans  l'intérêt  du  malade.  Bien  souvent 
la  vie  de  famille  dans  laquelle  il  se  trouve  placé  est  mauvaise  pour 
lui  ;  le  père  ou  la  mère  sont  déjà  des  psychasthéniques  avec  leurs 
obsessions,  leurs  manies,  leur  caractère  extrêmement  autoritaire. 
Tout  cela  crée  un  milieu  pénible  où  il  faut  lutter  sans  cesse,  avoir 
de  l'habileté  pour  éviter  les  scènes  et  les  délires.  Notre  malade 
même  faible  pourra  être  suffisant  ailleurs  tandis  qu'il  s'énerve  et 
succombe  ici.  Très  souvent  la  première  ordonnance  du  médecin  doit 
être  que  la  fille  ne  peut  pas  vivre  avec  la  mère. 

Il  y  a  de  même  des  professions  qui  font  naître  des  difficultés 
morales  particulières,  tel  individu  n'est  pas  capable  de  supporter 
la  profession  juridique  ou  la  profession  médicale  ou  la  direction 


1.  G.  Savage,  Troubles  d'esprit  à  propos  des  fiançailles.  Journal  of  mental  Science, 
octobre  1888.  Encéphale  1888. 


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LE  TRAITEMEXT  MORAL  Tt^ 

doit  avoir  un  rôle  remarquable  dans  une  maladie  où  les  idées 
prédominantes  semblent  au  premier  abord  Tessentiel. 

Aussi  dès  le  début  des  études  sur  la  thérapeutique  suggestive 
a-t-on  essayé  cette  méthode  chez  les  obsédés  et  a-t-on  soutenu 
qu'elle  était  la  plus  logique  et  la  plus  heureuse.  Je  ne  puis  que 
rappeler  quelques-unes  de  ces  opinions  :  M.  Ladame  conclut  son 
excellent  article  historique  sur  les  obsessions  en  indiquant  la 
suggestion  hypnotique  comme  le  principal  mode  de  traitement, 
dans  une  autre  étude  il  montre  qu'il  a  appliqué  heureusement 
ce  traitement  aux  buveurs  et  aux  dipsomanes  K  M.  Tissié  cite 
«  un  cas  d'obsession  intellectuelle  et  émotive  guéri  par  la  sug- 
gestion *.  M.  Bérillon  a  communiqué  en  i8g3  à  la  société  de  mé- 
decine et  de  chirurgie  pratiques  a  un  cas  d'agoraphobie  chez  un 
dégénéré  traité  avec  succès  par  la  suggestion  ».  M.  Mavroukakis 
communique  un  fait  semblable  à  la  société  d'hynologie.  M.  Goro- 
diche  décrit  un  cas  de  claustrophobie  chez  une  femme  de  38  ans 
guéri  par  la  suggestion  ^  M.  Milne  Bramwell  cite  quelques  cas  de 
phobies  guéris  par  l'hypnotisme^.  La  conclusion  de  la  thèse  de 
L.  Faure  sur  les  obsessions  est  que  la  «  psychothérapie  hypnoti- 
que est  le  seul  mode  de  traitement  applicable  avec  lequel  on 
puisse  obtenir  des  résultats  sérieux  et  durables  *  ».  Le  dernier 
travail  de  Bechterew  répète  encore  à  propos  des  obsessions  et  des 
illusions  importunes  que  la  suggestion  est  le  seul  traitement 
efficace*.  On  pourrait  trouver  dans  la  littérature  beaucoup 
d'autres  déclarations  du  même  genre. 

Cette  opinion  soulève  cependant  une  assez  grave  difficulté,  qui 
est  fort  bien  indiquée  par  MM.  Pitres  et  Régis,  c'est  que  les 
obsédés  véritables,  les  tiqueurs,  les  douteurs,  les  phobiques,  ne 
sont  pas  hypnotisables.  a  Depuis  de  longues  années,  disent  ces 
auteurs,  nous  avons  fait  à  cet  égard  de  nombreux  essais,  et  nous 
pouvons  dire  qu'en  dehors  des  cas  d'obsessions  se  rattachant  à  un 


I.  Ladame»  Berne  de  V hypnotisme,  1890,  II,  385,  et  Ibid.,  1888,  p.  lag. 
3.  Tissié.  Semaine  médicale,  1899,  p.  297.  » 

3.  Gorodiche.  Revue  de  l'hypnotisme,  1894,  p.  53. 
fi.  Milne  BramwelL  Revue  de  l'hypnotisme,  1897,  p.  49- 

5.  L.  Faure.  Thèse  de  Paris,  1898. 

6.  Bechterew,  Des  obsessions  et  des  illusions  importunes.  Obozrèniè  Psychiatryi, 
février  1899.  Cf.  J.  Douath,  de  Buda -Pesth. -4 rcAiw. /.  Psyc/w'afritf,  1896.  A.  Voisin. 
Emploi  de  la  suggestion  hypnotique  dans  certaines  formes  d'aliénation  mentale. 
Congrès  de  psychologie  de  Munich,  1896.  Stadelman  (de  Wurxburg),  Société  d'hypno- 
logie,  ao  mars  1900,  etc. 


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TRAITEMENT  MORAL  705 

vrai  que  beaucoup  d^obsédés  ont  été  sérieusement  améliorés  par 
lies  pratiques  analogues  k  celles  de  l'hypnotisme.  J'ai  observé  le 
fait  plusieurs  fois  d'une  manière  tout  à  fait  convaincante.  Claire 
4iprès  ces  essais  d'hypnose  reste  plusieurs  heures  «  la  tête  vide 
lie  mauvaises  pensées  »  ce  qui  est  très  remarquable  pour  elle. 
Xyb...,  Bhu...  (54),  se  trouvent  mieux  pendant  quelque  temps. 
Lkb...,U...  Jean  restent  dans  un  état  de  calme  qui  dure  plusieurs 
jours.  On  observe  le  même  fait  chez  Pn...  Bs...  On...  et  chez 
plusieurs  autres.  Cette  influence  se  prolonge  chez  Dob...  pen- 
dant une  dizaine  de  jours  et  cette  malade  qui  depuis  une 
vingtaine  d'années  est  incapable  de  faire  quelques  pas  seule  en 
dehors  de  son  appartement  fait  seule  des  excursions  de  plusieurs 
kilomètres  quand  elle  a  été  suggestionnée.  La  crise  d'obsessions 
sacrilèges  de  We...,  a  été  complètement  arrêtée  par  des  séances 
de  ce  prétendu  hypnotisme  :  les  croix  qu'elle  croyait  voir  et 
qu'elle  cherchait  à  voir  dans  le  ciel  s'effaçaient  quand  elle  pensait 
à  ce  que  je  lui  avais  dit  et  elles  ont  fini  par  disparaître.  La 
honte  du  corps  chez  Wye...  a  été  supprimée  depuis  plus  d'un 
an.  A  la  suite  d'un  traitement  par  les  essais  de  sommeil  hyp- 
notique, les  scrupules  urinaires  de  Vor...  ont  complètement 
disparu  et  n'ont  pas  recommencé  depuis  deux  ans.  Zo...  est 
débarrassé  de  sa  phobie  des  épingles  et  ce  sont  certainement  des 
séances  d'hypnotisme  qui  ont  permis  d'avoir  quelque  action  sur 
i'esprit  de  cette  jeune  fille.  Gisèle  conserve  certainement  son 
aboulie,  ses  dispositions  aux  rêveries  idéales,  quoiqu'elle  ait  fait 
de  grands  progrès  comme  activité  réelle,  mais  elle  a  perdu  sous 
l'influence  de  cette  suggestion  «  son  idée  principale  »  c'est-à-dire 
ses  remords  de  vocation  et  elle  peut  de  nouveau  vivre  avec  son 
mari  et  son  enfant.  Le  cas  le  plus  intéressant  est  celui  de  Lise,  car 
cette  malade  a  été  hypnotisée  régulièrement  depuis  cinq  ans. 
J'ai  montré  ailleurs  qu'elle  n'est  jamais  arrivée  à  un  état  hypno- 
tique complet  avec  amnésie.  Mais  cette  hypnose  incomplète  suffit 
pour  produire  un  grand  eflet  sur  ses  interminables  ruminations. 
Il  y  a  pendant  ce  sommeil  une  sorte  de  lutte  de  la  malade  contre 
ses  idées  :  au  début  elle  ne  tolérait  pas  que  je  lui  en  parle,  elle 
s'écartait  de  moi  avec  horreur  si  je  faisais  la  moindre  allusion  au 
diable,  elle  faisait  des  gestes  de  résistance  désespéré.  Puis  elle 
se  calma,  consentit  à  écouter  pendant  cet  état  la  contradiction 
et  sembla  mieux  comprendre.  Sous  cette  influence  les  idées  dimi- 
nuèrent, «  elles  restaient  vagues,  plus  loin  de  son  esprit,  comme 

LES    OB8B88IOr(8.  I.    ^0 


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TRAITEMENT  MORAL  707 

Malheureusement  elle  se  termine,  il  arrive  des  circonstances  qui 
séparent Fy...  ou  Tkm...  de  leurs  amants,  Bs...  de  sa  maîtresse. 
On  se  souvient  de  Taventure  arrivée  ii  Ck...  :  une  domestique 
renvoyée  a  fait  courir  dans  la  petite  ville  un  bruit  injurieux  sur 
les  relations  de  ces  deux  vieilles  (îlles  trop  inséparables,  et  il  a  fallu 
se  séparer.  D'autre  part  le  dirigé  s'inquiète  de  celte  direction 
qu'il  a  rendu  de  plus  en  plus  étroite,  il  se  fait  des  scrupules  si^r 
les  sentiments  qui  en  ont  été  la  conséquence  et  il  se  figure  qu'il 
peut  échapper  à)  la  tutelle.  Enfin  c*est  le  directeur  qui  se  fatigue 
du  métier  qu'il  a  accepté  au  début  sans  le  connaître  :  la  fatigue 
survient  d'autant  plus  vite  qu'il  vit  plus  près  du  malade  et  qu'il  est 
incessamment  soumis,  comme  disait  M.  J.  Falret,  au  supplice  de  la 
question.  En  un  mot  la  crise  existe  soit  parce  que  le  malade  n'a 
pas  trouvé  de  directeur,  soit  parce  qu'il  l'a  perdu. 

Il  faut  alors,  pour  suivre  cette  méthode  naturelle  de  guérison, 
offrir  au  psychasthénique  une  direction  en  quelque  sorte  profes- 
sionnelle et  transformer  en  un  métier  accepté  en  connaissance  de 
cause  la  direction  donnée  d'abord  au  hasard  par  des  amateurs  si 
on  peut  ainsi  dire.  Cette  profession  singulière  a  d'abord  et  tout 
naturellement  été  exercée  par  les  prêtres  des  différentes  reli- 
gions. Les  prêtres  ont  connu  la  maladie  du  scrupule  bien  avant  les 
médecins  et  la  confession  régulière  semble  avoir  été  inventée  par 
un  aliéniste  de  génie  qui  voulait  traiter  des  obsédés.  Grâce  à 
l'obligeance  de  M.  Piéron  qui  a  bien  voulu  faire  cette  recherche 
pour  moi,  j'ai  recueilli  un  grand  nombre  de  passages  des  lettres 
de  Bossuet  et  de  Fénelon  qui  se  rapportent  directement  à  notre 
étude  et  qui  montrent  avec  quelle  fermeté  ils  dirigeaient  leurs 
malades.  «  Je  vous  assure,  ma  fille,  écrit  Bossuet  à  M"*^  Albert 
de  Luynes,  que  votre  confession  est  très  bonne  et  très  suffisante, 
une  autre  plus  générale  serait  inutile  et  dangereuse  à  votre  état. 
Vous  ne  devez  pas  avoir  égard  à  ces  dispositions  où  vous  croyez 
avoir  rétracté  toutes  vos  résolutions  précédentes.  Toutes  les  fois 
que  cela  vous  arrivera,  il  n'y  a  qu'à  rejeter  cette  pensée  comme 
une  tentation  et  d'aller  toujours  votre  train.  Je  vous  défends  d'avoir 
de  l'inquiétude  de  vos  confessions  passées,  ni  à  la  vie,  ni  à  la  mort, 
ni  de  les  recommencer  en  tout  ou  en  partie,  à  qui  que  ce  soit, 
fussiez-vous  à  l'agonie.  Ce  ne  serait  qu'un  embarras  d'esprit  qui 
ne  ferait  qu'apporter  du  trouble  et  de  l'obstacle  à  des  actes  plus 
importants  et  plus  essentiels  qui  sont  l'abandon,  l'amour  de  Dieu 


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en  sa 
our 

ipuleuses  comme  la  votre  '.  » 
PéDeloD  sont  remplies  également  de  conseils  «  con- 
nraciné  dans  votre  cœur  depuis  votre  enfance  et 
:derniersexcès depuis  tantd'années'...  «Vousdevez 
licatesse  scrupuleuse  contre  vos  scrupules  mêmes, 
us  prétexte  de  rechercher  les  plus  légères  fautes 
linsi'...  Les  consciences  scrupuleuses  ont  besoin 
au  delà  de  leurs  bornes  comme  les  chevaux  rétifs 
Mus  vous  hésiterez  dans  vos  scrupules,  plus  vous 
crètement  ;  il  faut  les  gouverner  pour  les  guérir, 
lincrez,  plus  vous  serez  en  paix*...  Je  crois  que 
is  confesser  un  de  ces  jours-ci,  mais  à  la  condi- 
ornerez  votre  confession  à  dire  les  fautes  qui  se 
sans  peine  et  qu*après  les  avoir  dites  simplement 
que  vous  en  aurez  alors  vous  n'y  penserez  plus  "*... 
it  subtil  pour  vous  tourmenter  vous-même  est 
e  le  fruit  défendu.  Le  scrupule  ferme  a  Dieu  la 
œur*...  » 

Dbable  que  nombre  de  prêtres  remplissent  encore 
;  je  dois  dire  que  quelques  ecclésiastiques  aux- 
(Toyé  des  malades  avec  quelques  recommandations 
t  compris  le  rôle  que  je  leur  demandais  de  jouer, 
aussi  que  bien  des  prêtres  montrent  dans  leurs 
es  malades  une  ignorance  et  une  indélicatesse 
\  et  sont  assez  sots  pour  raconter  des  niaiseries 
les  pauvres  esprits  tourmentés  par  des  obsessions 
un  caractère  de  notre  temps  que  cette  œuvre  de 
)  revienne  quelquefois  au  médecin  qui  est  mainte- 


tes  de  Bossuetj  en  la  vol.  in-8,  édil.  Garnier,  t.  VIIl,  p.  ^22. 
nce  de  Bossuct  avec  cette  pénitente  roule  sur  la  même  question, 
iquiéludes  et  les  scrupules  ;  les  lettres  répètent  sans  cesse  les 
nme  il  convient  avec  ces  malades,  cf.  p.  3^9,  878,  43a,  4a7. 
56i,  570,  57a,  573,  etc. 
esj  éd.  in- 4,  i84i.  T.  IV,  Lettres  spirituelles,  p.  337. 

es,  p.  a58. 

)n   trouvera  beaucoup  de  passages  du   même  genre   dans  les 
.  337,  3a8,  335,  338,  348,  356,357,  358,  366,  379.  393,  etc. 


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TRAITEMENT  MORAL  709 

nant  souvent  chargé    de  ce   rôle  de  direction  morale  quand  le 
malade  ne  trouve  pas  assez  de  soutien  autour  de  lui. 

Le  médecin  peut  assez  facilement  réussir  dans  ce  rôle  :  il  a  au- 
près du  malade  une  grande  autorité,  il  peut  le  menacer,  lui  par- 
ler des  conséquences  cqpnues  de  sa  maladie,  de  l'isolement  qui 
la  termine  ou  de  l'internement  que  le  sujet  redoute,  il  peut  lui 
faire  espérer  un  traitement,  et  l'ordonnance  médicale  a  encore  du 
prestige.  Enfin  le  médecin  ne  vit  pas  d'ordinaire  auprès  du  ma- 
lade et  ne  peut  pas  être  harcelé  de  questions  continuellement^ 
aussi  son  autorité  et  son  influence  se  conservent-elles  plus  long 
temps. 

Pour  diriger  ainsi  ces  personnes,  le  médecin  doit  d'abord  leur 
faire  sentir  qu'il  s'intéresse  à  elles  et  qu'il  les  connaît.  Il  faut  les 
faire  parler  sur  les  détails  curieux  de  leur  maladie,  analyser  ces- 
détails  devant  eux  en  devinant  ce  qu'ils  n'ont  pas  dit,  leur  mon- 
trer doucement  que  leur  interprétation,  qui  constitue  leur  obses- 
sion, n'est  pas  juste,  etc.  Puis  quand  on  voit  qu'ils  sont  intéres- 
sés, qu'ils  sont  heureux  de  trouver  une  personne  capable  de  les 
comprendre  et  de  les  plaindre  sans  se  moquer  d'eux,  il  faut  leur 
commander  avec  beaucoup  de  netteté  et  sans  l'ombre  d'une  hési- 
tation et  il  ne  faut  jamais  revenir  sur  un  commandement,  fût-il 
absurde.  J'ai  vu  un  médecin,  avec  d'excellentes  intentions,  provo- 
quer une  grande  crise  chez  Jean  parce  qu'il  hésitait  entre  deux 
villes  d'eau  où  il  voulait  l'envoyer  et  qu'il  avait  fini  par  laisser  le 
choix  au  malade. 

((  Dans  la  thérapeutique  de  beaucoup  d'états  psychopathiques 
disait  déjà  Legrand  du  Saulle,  l'absolutisme  autoritaire  est  une 
nécessité  que  le  succès  couronne  fréquemment  et  qui  ne  peut 
nuire  à  personne  \  Le  malade  se  prête  d'ailleurs  très  bien  à 
cette  direction  autoritaire,  il  désire  être  dominé  et  cherche  lui- 
même  à  grandir  l'influence  que  l'on  prend  sur  lui,  «  je  cherche 
toujours,  me  disait  Gisèle  à  auréoler  un-  peu  celui  qui  me  parle 
pour  le  mieux  écouter  ».  Dans  ces  conditions,  il  n'est  pas  très 
difficile  de  réussir  au  moins  pendant  quelque  temps  à  devenir  le 
directeur  de  l'esprit  du  sujet.  Ce  n'est  pas  la  guérison  sans  doute, 
c'est  plutôt  l'utilisation  d'un  symptôme.  Mais  c'est  un  procédé  pal- 
liatif qui  est  souvent  fort  remarquable. 

I.  Legrand  du  SîkuWej. Agoraphobie,  p.  73. 


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DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT 

calmer  les  malades  par  ces  commandements  et 
u*oii  leur  impose,  il  y  a  une  certaine  difficulté 
iurmonter  et  en  même  temps  un  procédé  quMI 
re.  N'oublions  pas  que  le  psychasthénique  a 
agissante  et  la  croyance  mais  qu*il  est  loin 
tèlligence  proprement  dite.  Quand  il  vient  nous 
lie  circonstance  donnée  il  ne  sait  que  faire,  ni 
faut  pas  le  prendre  complètement  au  mot.  En 
est  intelligent,  il  sait  fort  bien  quelle  est  l'ac- 
^férable,  quelle  est  la  croyance  qui  serait  la  plus 
le  toujours  cette  préférence  intellectuelle;  mais 
>as  faire  c'est  réaliser  cette  préférence,  «  croire 
jir  son  acte  »  comme  me  disait  très  bien  Qsa... 
ne  faut  pas  faire  à  ces  malades  un  commandc- 
ou  leur  imposer  une  affirmation  quelconque.  Si 
nent  tombe  en  opposition  avec  le  désir  secret 
3ontradiction  ajoute  «h  ses  troubles  au  lieu  de  les 
)ute  on  peut  souvent  l'imposer  tout  de  même  à 
ît  je  crois  même  qu'il  ne  faut  pas  dans  ce  cas 
i.  On  perd  son  autorité  quand  on  modifie  ainsi 
its  et  on  donne  au  malade  l'exemple  pernicieux 
fais  il  est  évident  qu'il  vaut  mieux  éviter  cette 
nd  elle  n'est  pas  nécessaire,  a  Je  ne  veux  pas, 
js,  être  traité  comme  un  enfant  à  qui  on  impose 
tiens  pas  du  tout  à  ce  qu'on  me  contredise,  je 
5  à  agir  mon  acte,  qu'on  me  pousse  dans  le  sens 
.  Cela  est  très  juste  et  à  moins  de  nécessité,  le 
)nner  au  malade  l'acte  ou  la  croyance  que  celui- 
u  intellectuellement  comme  préférable, 
indation  parait  fort  simple  en  théorie,  elle  est 
ipplication  très  difficile,  car  le  malade  se  garde 
quer  quel  est  l'acte  ou  la  croyance  qu'il  préfère. 
i  au  médecin  pour  que  celui-ci  commande  de  le 
jà  choisir  cet  acte  efTectivement,  ce  serait  déjà  en 
(  agir  cet  acte  w  et  notre  psychasthénique  est  pres- 
pable  de  pousser  jusque-là  la  fonction  du  réel, 
chez  son  directeur  non  seulement  en  montrant 
a  volonté,  mais  en  simulant  une  indécisionn 
n'est  pas  dans  son  esprit.  Plus  il  aura  caché  son 
>lus  il  sera  heureux  de  le  voir  confirmé,  plus  il 


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TRAITEMENT  MORAL  711 

sera  entratné  à  agir  et  à  croire  par  une  affirmation  qu'il  croira 
spontanée.  Il  en  résulte  que  non  seulement,  le  médecin,  avant  de 
commander,  doit  rechercher  ce  qui  est  juste  dans  le  cas  donné, 
mais  qu'il  doit  encore  deviner  ce  que  pense  son  malade  et  déci- 
der en  conséquence.  Sauf  dans  des  cas  particuliers  où  le  sujet 
très  malade  n'a  aucune  idée  relative  à  l'action,  le  directeur  doit  se 
borner  à  préciser  l'idée  de  l'acte,  à  en  déduire  les  moyens  d'exé- 
cution, à  en  diriger  la  réalisation.  Il  doit  faire  en  un  mot  ce  que 
le  malade  ne  peut  pas  faire,  effectuer  le  passage  de  l'intelligible 
au  réel.  C'est  alors  surtout  que  son  autorité  sera  acceptée  avec 
reconnaissance  et  qu'elle  rendra  le  calme  au  malade  en  supprimant 
les  dérivations. 

Sans  doute,  dira-t-on,  ce  procédé  ne  peut  pas  réussir  toujours, 
et  l'influence  d'un  médecin  doit  finir  par  s'user.  Cette  remarque 
est  très  juste,  mais  qu'importe?  J'ai  déjà  vu  une  influence  de  ce 
genre  se  conserver  pendant  des  années,  pendant  cinq,  six  et  neuf 
ans  dans  certains  cas  et  si  l'on  procure  le  calme  au  malade  pen* 
dant  tout  ce  temps,  ce  n'est  pas  insignifiant.  Quand  l'influence  sera 
usée,  le  malade  trouvera  un  autre  directeur  de  conscience  et  arri- 
vera ainsi  à  traverser  les  périodes  dangereuses  de  sa  vie.  Il  est 
vrai  que  cette  direction  force  le  malade  à  revenir  régulièrement 
à  l'hôpital  :  une  infirmité  permanente  exige  un  traitement  per- 
manent. Nous  ne  sommes  pas  surpris  de  voir  des  malades  qui  ont 
besoin  d'être  sondés  ou  d'être  pansés  tous  les  jours  pendant 
des  années;  il  en  est  de  même  pour  l'esprit  et  il  vaut  mieux  se 
faire  gronder  et  commander  tous  les  quinze  jours  que  de  perdre 
la  raison*. 


4.  —  Le  relèsfement  de  la  tension  psfchofogique,   la  rééducation 

de  V émotion. 

Les  obsessions  des  psychasthéniques  ne  sont  pas  comme  les 
idées  fixes  des  hystériques  des  systèmes  isolés  qui  se  développent 
automatiquement  en  dehors  du  reste  de  la  conscience,  ce  sont  des 
symboles,  des  expressions  résumées  auxquelles  le  malade  s'at- 
tache d'une  manière  permanente  parce  qu'elles  expriment  un  état 


I .  J*ai  déjà  décrit  les  caractères  et  les  conséquences  de  cette  direction  permanente 
dans  un  travail  précédent:  Névroses  et  idées  fixes,  ï,  chapitre  \II,  le  besoin  de  direc- 
tion, p.  4a3. 


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7i2  DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT 

permanent.  Il  en  résulte  que  le  traitement  ne  peut  pa»  se  borner 
à  attaquer  Tidée  elle-même  qui  a  au  fond  peu  d'importance  et 
que  le  sujet  remplacera  facilement  par  une  autre  analogue,  c'est 
Tétat  sous-jacent  qu'il  faudrait  pouvoir  modifier.  Si  on  y  parve- 
nait, le  sujet  n*ayant  plus  rien  à  exprimer  renoncerait  de  lui- 
même  à  son  obsession,  le  traitement  précédent  ne  se  bornait 
pas  à  nier  Tobsession,  il  donnait  au  malade  sur  tous  les  points 
un  décision  et  une  croyance  ce  qui  supprimait  en  partie  Tincom- 
plétude  et  la  dérivation.  Le  succès  n'était  que  partiel  parce  que 
le  malade  sentait  bien  que  la  décision  ne  venait  pas  entièrement 
de  lui-même  et  qu'en  définitive  il  n'apprenait  pas  à  parvenir  lui- 
même  à  cette  décision. 

Pour  aller  plus  loin  dans  le  traitement,  pour  attaquer  le  mal  » 
la  racine  il  faudrait  apprendre  au  malade  à  retrouver  cette  fonctioD 
du  réel  qu'il  a  perdue.  Le  véritable  traitement  serait  une  réédu- 
cation de  la  fonction  du  réel.  Or,  la  perte  de  cette  fonction  est 
en  rapport  avec  un  abaissement  de  la  tension  psychologique ,  ce 
qu'il  faudrait  donc  en  définitive  ce  serait  relever  la  tension  du 
système  nerveux  central  et  par  conséquent  la  tension  psycholo- 
gique. Nous  ne  savons  pas  encore  relever  directement  cette  ten- 
sion ;  mais,  en  étudiant  les  oscillations  du  niveau  mental,  nous 
avons  vu  un  certain  nombre  de  conditions  qui  agissent  sur  elle 
d'une  manière  favorable.  Le  traitement  doit  s'efforcer  de  tirer 
parti  de  cette  observation  et  de  chercher  à  reproduire  artifi- 
ciellement ces  conditions  excitantes. 

Une  des  plus  intéressantes  de  ces  conditions  est  l'émotion,  non 
l'émotion  vague  et  élémentaire  qui  à  son  dernier  terme  constitue 
l'angoisse  de  la  phobie,  mais  Témotion  plus  précise  en  rapport  avec 
les  circonstances  et  bien  appréciée  consciemment  par  le  sujet. 
Parvenir  à  déterminer  des  émotions  de  ce  genre  chez  les  psychas- 
théhiques,  c'est  un  des  plus  remarquables  moyens  de  traitement. 
Déjà  la  première  visite  chez  le  médecin,  Texamen  fait  d'une  manière 
qui  étonne  le  sujet  en  lui  montrant  que  sa  maladie  est  bien  con- 
nue, la  démonstration  qu'on  lui  a  faite  que  son  état  est  une  ma- 
ladie et  non  un  état  diabolique  ou  un  remords  moral  et  que  cette 
maladie  est  en  général  curable,  tout  cela  a  déterminé  une  émo- 
tion heureuse  et  a  fait  remonter  le  niveau  mental.  C'est  pourquoi 
presque  toujours  le  malade  est  amélioré  pendant  les  jours  qui 
suivent  la  première  visite  chez  un  médecin  nouveau. 

Dans  les  succès  obtenus  par  les  séances  d'hypnotisme,  il   est 


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TRAITEMENT  MORAL  l\:i 

bien  proba'ble  qu'une  grande  part  doit  être  attribuée  à  la  même 
cause,  rémotion.  Le  sujet  désire  l'hypnotisme  et  il  en  a  peur  :  il 
se  figure  qu'il  va  se  passer  des  choses  extravagantes.  Il  lui  faut  du 
temps  et  des  préparatifs  pour  qu'il  se  décide  k  affronter  une  opéra- 
tion aussi  grave.  Si  le  médecin  par  ses  commandements  et  par  ses 
encouragements  est  arrivé  à  le  décider,  c'est  comme  s'il  l'avait 
amené  à  faire  une  action  très  difficile  et  le  sujet  a  en  plus  Témotion 
de  la  difficulté  vaincue.  Il  est  content  de  lui  pour  s'être  décidé  h 
commencer  un  traitement  aussi  sérieux,  de  là  une  oscillation  en 
hauteur  qu'il  est  inutile  de  rattachera  la  suggestion  hypnotique  et 
qui  s'explique  très  facilement  par  reff*et  excitant  de  l'émotion. 

Puisque  nous  connaissons  ce  mécanisme,  il  faut  en  tirer  le 
maximum  d'effet.  Quand  nous  voulons  hypnotiser  une  hystérique, 
nous  prenons  toutes  les  précautions  possibles  pour  lui  présenter 
l'hypnose  comme  très  insignifiante,  car  nous  ne  désirons  pas  l'ef- 
fet émotif  et  nous  redoutons  une  crise  convulsive.  Avec  le  psy- 
chasthénique  il  ne  faut  pas  trop  prendre  ces  précautions  ;  le 
malade  ne  verra  que  trop  tcU  combien  l'hypnotisme  est  chez  lui 
insignifiant,  il  faut  au  contraire  lui  montrer  ce  traitement  comme 
important  et  préparer  son  émotion. 

Quand  on  connaît  cette  valeur  de  l'émotion,  il  faut  chercher  à 
la  produire  de  toutes  manières  même  en  dehors  de  ces  séances 
d'hypnotisme.  Malheureusement  il  n'y  a  guère  pour  cela  de  pro- 
cédés techniques  à  indiquer  et  le  succès  dépend  beaucoup  de 
l'habileté  individuelle.  Il  faut  deviner  le  point  qui  est  encore 
resté  sensible  chez  le  malade  et  agir  sur  ce  point  pour  détermi- 
ner des  émotions  réelles.  Chez  les  uns  il  faut  se  servir  de  l'affec- 
tion, de  la  sympathie,  chez  les  autres  de  la  honte  ou  de  la 
crainte.  Lise  a  caché  sa  maladie  à  une  partie  de  sa  famille,  on 
obtient  beaucoup  en  lui  faisant  entrevoir  que  sa  maladie  mentale 
va  être  connue  de  tous,  en  lui  faisant  peur  de  l'asile  de  fous  : 
«  c'est  désolant,  dit-elle,  quand  elle  se  sent  transformée  par  ces 
menaces,  je  n'agis  que  par  la  peur  ».  Claire  est  sensible  à  l'affec- 
tion, il  faut  la  traiter  avec  douceur,  lui  montrer  qu'elle  n'est  pas 
aussi  isolée  qu'elle  le  croit  ;  si  on  parvient  à  la  faire  pleurer,  elle 
est  guérie  au  moins  pour  quinze  jours.  Erasme  Darwin  réclamait 
pour  les  malades  tourmentés  par  une  obsession  amoureuse  «  l'é- 
motion du  saut  de  Leucade*  »;  ce  serait  peut-être  un  peu  excessif, 

I.  Érasme  Darwin,  Zoonomie,  IV,  p.  92. 


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714  DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT 

mais  il  faut  leur  recommander  tout  ce  qui  les  excite  et  détermine 
chez  eux  une  émotion. 

On  peut  s'étonner  que  le  médecin  réussisse  par  son  attitude,  par 
sa  parole,  à  déterminer  des  émotions  intenses,  tandis  que  les 
événements  réels  qui  devraient  avoir  bien  plus  d'influence  sur  le 
malade  le  laissent  indifférent.  On  peut  demander  surtout  com- 
ment cette  émotion  déterminée  artificiellement  peut  être  utile  au 
malade,  tandis  qu'il  souffre  d'ordinaire  d'une  émotivité  excessive 
qui  rend  les  autres  émotions  dangereuses.  C'est  la  différence  de 
l'art  et  de  la  réalité,  fart  est  capable  de  déterminer  des  émotions 
plus  fortes  que  la  réalité  elle-même  et  surtout  des  émotions 
mieux  adaptées  et  plus  élevées.  Voici  une  observation  qui  m'a 
beaucoup  frappé  et  qui  me  parait  fort  instructive.  Af...,  jeune 
homme  de  28  ans,  déjà  neurasthénique  et  engourdi,  indifférent  à 
tout  si  ce  n'est  à  ses  préoccupations  hypocondriaques,  s'est 
trouvé  mêlé  h  une  triste  aventure.  Il  est  entré  le  premier  dans  la 
chambre  d'un  voisin  qui,  à  la  suite  d'un  délire^  venait  de  se 
pendre.  Af...  connaissait  le  désir  de  suicide  de  ce  voisin  et  sa 
triste  situation,  il  s'attendait  à  ce  suicide  comme  les  autres  per- 
sonnes de  la  maison,  aussi  resta-t-il  très  indifférent.  Il  coupa  la 
corde,  étendit  le  cadavre  sur  le  plancher  et  sortit  très  calme, 
sans  aucune  émotion.  Toute  la  journée  suivante,  il  continua  à  gé- 
mir sur  son  propre  sort  et  sur  ses  maladies  imaginaires  sans  se 
préoccuper  une  seule  fois  du  triste  spectacle  qu'il  avait  vu  le 
matin.  Le  lendemain,  il  lut  dans  le  Petit  Journal  le  récit  de  ce 
suicide  :  le  journaliste  avait  décrit  la  chambre  en  désordre,  la 
corde  fatale,  la  figure  convulsée  du  malheureux  et  son  récit  était 
très  dramatique.  Af...  fut  stupéfait  en  lisant  cet  article  :  a  Com- 
ment c'était  lîi  la  scène  à  laquelle  il  avait  assisté  la  veille  le  pre- 
mier de  tous,  il  ne  se  doutait  pas  que  ce  fût  si  affreux.  »  Cette 
lecture  Timpressionna  d'une  manière  très  vive,  lui  enleva  sa  tor- 
peur, le  rendit  plus  actif  et  lui  fit  oublier  pendant  plus  de  deux 
mois  son  hypocondrie.  Ce  petit  exemple  montre  d'une  manière 
saisissante  comment  les  psychasthéniques  ont  besoin  qu'on  les  aide 
pour  parvenir  a  l'émotion  précise  et  comment  il  est  possible  de 
les  aider  dans  ce  sens. 

Le  médecin  ne  se  borne  pas  à  exciter  l'émotion,  il  la  dirige 
et  la  développe  ;  il  en  surveille  les  manifestations  pour  arrêter  et 
empêcher  les  dérivations.  C'est  une  véritable  rééducation  de 
l'émotion  qui  cherche  h  substituer  aux  ruminations,   aux  agita- 


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TRAITEMENT  MORAL  7K» 

tions,  aux  angoisses  élémentaires  des  émotions  hiérarchiquement 
supérieures.  Le  malade  doit  se  prêter  à  ce  travail  et,  quoique  cela 
semble  singulier,  faire  des  efforts  pour  arriver  à  des  émotions 
précises. 


5.  —  La  direction  des  efforts ^   la  rééducation  de  l'attention. 

Je  viens  de  dire  que  le  malade  doit  faire  effort.  Il  ne  faut  pas 
se  6gurer,  en  effet,  comme  on  le  croit  trop  souvent  et  comme  les 
sujets  sont  les  premiers  à  le  croire,  que  la  volonté  personnelle 
du  malade  soit  sans  action  sur  ces  phénomènes  dont  on  a  très 
mal  compris  à  mon  avis  la  prétendue  irrésistibilité.  Les  obsé- 
dés ont  beaucoup  plus  d^action  sur  leur  maladie  que  n'en  ont 
les  hystériques  précisément  parce  qu'il  y  a  chez  eux  beau- 
coup moins  d'automatisme.  En  étudiant  les  oscillations  du  niveau 
mental  nous  avons  vu  cette  influence  considérable  des  efforts  de 
la  volonté  et  de  l'attention,  il  faut  encore  faire  servir  cette  in- 
fluence au  traitement. 

Dans  des  cas  particulièrement  heureux  et  rares,  il  suffit  de 
faire  comprendre  au  malade  quelle  est  au  fond  sa  maladie  et  com- 
ment il  peut  en  sortir.  La  guérison  de  Wy...,  jeune  homme  de 
ao  ans,  après  une  simple  indication  de  ce  genre,  m'a  causé  une 
réelle  surprise.  Ce  jeune  homme  est  venu  me  raconter  ses  mi- 
sères :  depuis  plus  de  cinq  ans  il  était  accablé  par  des  scrupules 
génitaux  insensés.  Tourmenté  par  la  pensée  des  organes  génitaux, 
il  croyait  les  voir  chez  les  hommes  et  chez  les  femmes,  il  s'ima- 
ginait assister  a  des  scènes  lubriques  même  dans  sa  famille  et  il 
prenait  en  horreur  son  père  et  sa  mère.  Effrayé  par  ses  propres 
organes,  il  leur  trouvait  une  grosseur,  une  odeur  toute  particu- 
lière que  tout  le  monde  devait  remarquer  ;  il  avait  pris  peu  à 
peu  une  foule  de  tics  qui  primitivement  avaient  pour  but  de 
dissimuler  ses  parties  et  qui  amenaient  des  contorsions  perpé- 
tuelles du  tronc  et  des  jambes.  Je  lui  expliquais  ce  que  je 
pensais  de  cette  maladie,  son  point  de  départ  dans  le  défaut 
d'énergie  de  Tattention  et  de  la  volonté,  la  perte  du  contact  avec 
le  réel,  la  rêverie  et  la  rumination,  l'inquiétude  et  le  méconten- 
tement, puis  une  interprétation  quelconque  qui  donnait  un  pré- 
texte aux  ruminations  et  auxangoisses.  Après  avoir  réfléchi,  il  finit 
par  me  dire  :  «  Il  y  a  longtemps  que  je  me  doutais  de  tout  cela, 
mais  j'ai  fini  par  écarter  cette  idée,  d'abord  parce  qu'on  m'a  répété 


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716  DIAGNOSTIC  ET  TRAITEMENT 

que  j'étais  neurasthénique  et  puisque  parce  que  cette  Idée  m'au- 
rait imposé  des  efforts  pénibles.  »  En  raison  de  sa  situation,  ce 
garçon  ne  pouvait  suivre  un  traitement  régulier  et  je  ne  l'ai  revu 
qu'un  an  après.  «  En  vous  quittant,  me  dit-il,  j'ai  voulu  guérir  et 
je  me  suis  mis  au  travail  :  cela  a  été  dur,  mais  j'ai  réussi  et  depuis 
plus  de  six  mois  je  ne  pense  plus  du  tout  à  mes  bêtises  ».  Il  se 
peut  qu'il  y  ait  plus  tard  des  rechutes,  c'est  même  probable  ;  mais 
cette  guérison  d'une  longue  crise  par  les  efiorts  du  malade  seul 
et  livré  à  lui-même  est  bien  remarquable. 

Le  plus  souvent,  il  nous  faut  diriger  et  exciter  perpétuelle- 
ment l'effort  du  malade,  dans  quel  sens  doit-on  le  diriger  ? 
D'abord,  je  ne  crois  pas  que  l'on  doive  pousser  le  sujet  à  lutter 
directement  contre  son  idée  fixe,  il  n'arriverait  qu'à  des  rumina- 
tions semblables  à  celles  qu'il  fait  depuis  longtemps.  11  faut 
redouter  énormément  les  efforts  faux^  les  crises  d'efforts  qui  ne 
sont  que  de  l'agitation  physique  et  morale  stérile,  qui  ne  sont  que 
des  dérivations,  et  non  de  la  véritable  tension  mentale.  Il  faut 
amener  le  sujet  à  faire  des  efforts  physiques  ou  moraux  quel- 
conques en  dehors  du  sujet  ordinaire  de  leurs  méditations,  en  ne 
se  proposant  qu'un  seul  but  qui  est  de  se  rapprocher  du  réel  au- 
tant que  possible. 

L'effort  pour  un  exercice  physique  est  excellent,  j'ai  déjà  si- 
gnalé quatre  malades  guéris  pendant  plusieurs  années  par  les 
exercices  militaires  aussi  bien  que  par  la  discipline  du  régiment. 
Le  jardinage,  la  bicyclette  chez  Bow...,  les  travaux  du  ménage 
chez  Al...,  la  gymnastique  chez  beaucoup  ont  eu  d'excellents 
effets  ;  voici  plus  de  dix  ans  que  j'ai  eu  l'occasion  de  guérir  des 
tics  physiques  aussi  bien  que  des  tics  moraux  en  forçant  le  ma- 
lade soit  à  maintenir  l'immobilité,  soit  à  faire  des  mouvements 
précis,  des  actes  physiques  énergiques  ou  délicats  avec  attention 
et  avec  effort.  Il  se  peut  comme  le  dit  M.  Lagrange,  que  la  gym- 
nastique permette  à  ces  malades  d'éliminer  leurs  toxines  *,  il  est 
possible  qu'elle  contribue  à  l'augmentation  du  tonus  muscu- 
laire, élément  important  de  la  cœnesthésie  comme  le  remarque 
M.  Hartcnberg*.  Mais  à  ces  influences  physiques  s'ajoute  une 
influence  morale  énorme,  qui  joue  un  rôle  infiniment  plus  consi- 


I.  Lagrange,   Les   mouvements  méthodiques  et   la  mécanothérapie^    1899,    p.   4i^ 
(Paris,  F.  Alcan). 

a.  llarlenberg.  Les  timides  et  la  Timidité,  p.  233  (Paris  F.  Alcan). 


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TRAITEMENT  MORAL  717 

dérable  et  qui  est  en  rapport  avec  Texerciee  de  Fattention,  avec 
le  sentiment  de  l'énergie  morale  dépensée  utilement,  avec  le  sen- 
timent du  danger  surmonté.  M.  C.  Th.Ewart  dans  un  article 
curieux  avait  déjà  remarqué  «  les  bons  effets  du  vélocipède  dans 
Taliénation  mentale^  ».  Mais  il  ne  parle  que  de  la  distraction 
que  cet  exercice  procure.  Quand  j'ai  remarqué  à  mon  tour  les 
bons  effets  de  l'exercice  de  la  bicyclette  chez  les  obsédés,  chez  les 
liqueurs  ou  les  angoissés,  j'ai  noté  que  ce  bon  effet  se  manifeste 
surtout  au  début,  quand  ils  commencent  cet  exercice  et  nV  sont 
pas  encore  trop  habitués  ;  je  crois  que  cet  exercice  vaut  surtout 
par  l'effort  d'attention  qu'il  exige,  par  la  difficulté  qu'il  faut 
vaincre  et  par  la  satisfaction  d'avoir  traversé  un  petit  danger  qu'il 
procure  à  ces  timorés. 

En  dehors  des  efforts  physiques  proprement  dits,  il  faut  exci- 
ter tous  les  efforts  moraux,  en  premier  lieu  il  faut  essayer  de  res- 
taurer graduellement  le  travail  et  surtout  le  travail  professionnel. 
M.  Marro  a  écrit  quelques  pages  remarquables  sur  l'influence  du 
travail  et  surtout  du  travail  rémunéré  chez  les  neurasthéniques 
dégénérés  *.  Arriver  à  leur  faire  gagner  quelque  chose  par  leur 
travail  personnel,  c'est  souvent  déterminer  chez  eux  une  excita- 
tion extraordinaire  de  la  volonté.  On  ne  se  figure  pas  ce  que  Ton 
peut  obtenir  de  Jean,  en  lui  faisant  faire,  pour  une  revue,  un 
petit  compte  rendu  payé  quelques  sous  :  il  est  si  heureux  de 
gagner   quelque  chose  qu'il  en  oublie  la  méningite  et  le  diabète. 

Un  autre  effort  essentiel  doit  être  dirigé  vers  les  actions  so- 
ciales, si  importantes  chez  les  abouliques.  Il  faut  arriver  à  faire 
parler  les  malades  renfermés,  les  habituer  à  exprimer  leurs  pen- 
sées et  surtout  à  démêler  leurs  sentiments  confus  pour  en  faire 
part  à  d'autres  personnes.  Plusieurs  auteurs  ont  justement  noté 
Tamélioration  que  présentent  les  malades  quand  ils  réussissent  à 
se  faire  comprendre:  M.  A.  de  Jong^,  M.  Tuczek*  remarquent 
combien  l'aveu  précis  est  pour  les  obsédés  un  soulagement, 
M.  Claparède^  est  étonné  de  voir  que  sa  malade  éreutophobe  guérit 


I.  C.-Th.  Ewart,    Le   vélocipède   dans  raliénation   mentale.    Journal  oj  mental 
Science  y  juillet  1890. 

3.  Marro,  La  puberté,  p.  4o3. 

3.  AriedcJong.  Comptes  rendus  du  Congrès  de  médecine  de  Moscou^  1887,  IV,  p.  gO. 

^.  Tuczek.  Berlin.  KUn.  Woschenschrift,  1869,  p.  119. 

5.  Claparèdc,  Archives  de  psychologie  de  la  Suisse  Romande,  1902,  p.  33o. 


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DIAGNOS 
a  raconté  son  h 

îS  auand   on    est    m nvc  «    ics   icmc    ucmci    iicLtciuciii..   Il 

e  cette  même  parole  ne  ferait  aacun  bien  à  Jean  qui 
•urs  indéfiniment,  tandis  qu'il  est  amélioré  par  un 
avail.  Il  faut  toujours  demander  au  malade  ce  qui  n'est 
i  un  phénomène  de  dérivation,  ce  qui  lui  est  difficile^ 
erminer  un  effort  qui  remonte  la  tension  morale, 
t  d'attention  joue  dans  cette  maladie  un  rôle  essentiel^ 

I  lui  que  Ton  doit  surtout  diriger  les  efforts  du  malade. 
.  Angell  le  remarque  bien  quand  il  dit  que  <(  le  traite- 
itre  avant  tout  dirigé*  de  manière  à  développer  le  pou- 
:ention  *  ».  Voici  bien  des  années  que  j'insiste  sur  cette 
i  de  l'attention  chez  les  hystériques  et  chez  les  psy- 
les. 

choisir  toute  espèce  de  travaux  intellectuels  suivant 
ituation  sociale  des  malades,  en  cherchant  toujours  à 
m  travail  qui  intéresse  au  moins  un  peu  et  qui  offre 
liflficulté  pour  qu^il  ne  soit  pas  fait  d'une  manière  au- 

II  ne  suffît  pas  de  faire  lire  le  journal  d'une  manière 
crois  nécessaire  au  moins  dans  ces  cas  graves  de  faire 

ans  cesse  cette  lecture  et  de  faire  interroger  le  ma- 
t  de  peu  d'instants  sur  ce  qu'il  vient  de  lire,  pour  le 
vre  et  à  comprendre  ce  qu'il  lit.  En  général,  dans  des 
renre,  il  ne  faut  pas  prolonger  les  premiers  efforts 
au  delà  de  quelques  minutes.  Kl...  dirigeait  son 
ir  la  musique  et  si  elle  parvenait  à  surmonter  Téner- 
e  la  musique  lui  causait  d'abord,  c'est-à-dire  si  elle 
supprimer  la  dérivation  qui  se  produisait  au  début  des 
ention,  elle  se  trouvait  ensuite  beaucoup  mieux.  Nadia 
enne  pour  faire  des  efforts  sur  son  piano  s'intéressa 
t  à  la  broderie  et  retrouva  souvent  le  calme  d'une  fa- 
en  apprenant  à  faire  des  travaux  difficiles  à  l'aiguille, 
t  la  peinture  ont  été  la  grande  ressource  de  Claire  et 
tude  des  langues  étrangères  ont  rendu  de  grands  ser- 
vie, à  Lise,  à  Bow...,  a  Pot...,  etc.  Ces  travaux  ne 
sent  en  général  d'une  manière  à  peu  près  correcte  que 
s  peu  de  temps,  puis  il  faut  que  le  médecin  parle  de 
sujet,  le  gronde,  l'encourage,   fixe   lui-même  Tatten- 

Angell.  Journal  of  nervous  and  mental  disease,  août  1900. 


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TRAITEMENT  MORAL  719 

tioD  sur  les  mouvements,  sur  les  sensations,  sur  le  souvenir  des 
choses  qui  viennent  d^ètre  étudiées,  maintienne  le  sujet  en  ha- 
leine et  le  remonte  :  l'expression  devient  ici  tout  à  fait  juste. 

Si  la  maladie  est  légère,  le  sujet  prend  l'habitude  d'être  ainsi 
remonté,  de  se  maintenir  à  un  niveau  plus  élevé  ;  rabaissement 
mental  disparait  et  avec  lui  les  agitations  et  les  obsessions.  Si 
la  maladie  est  constitutionnelle,  si  elle  est  grave,  le  sujet  se  fa- 
tigue de  cet  effort  perpétuel,  il  ne  peut  plus  le  faire  sans 
retomber  dans  ses  tics  et  ses  ruminations,  nous  avons  vu  com- 
ment Lise  est  fatiguée  d'aller  bien,  comment  elle  éprouve  des 
besoins  de  rechute  :  «  cela  me  fatigue  trop  de  lire,  sans  avoir  une 
autre  idée  en  tête,  je  ne  puis  plus  continuer  ».  Ces  sujets  ont 
toujours  besoin  d'être  remontés  par  des  excitations  diverses,  des 
émotionà  variées  et  le  rôle  du  médecin  se  rapproche  de  celui  du 
directeur  de  conscience  qui  se  borne  à  donner  les  solutions,  à 
suppléer  à  la  volonté  insuffisante.  Autant  que  possible,  il  ne  faut 
pas  se  contenter  de  ce  rôle,  il  faut,  en  répondant  aux  questions, 
en  dissipant  les  inquiétudes,  essayer  chaque  fois  d*exciter  l'acti- 
vité du  malade,  de  la  rapprocher  du  réel.  De  cette  façon,  on  le 
maintient  à  un  niveau  moyen  beaucoup  plus  élevé  que  celui  qu'il 
aurait  spontanément,  et  on  enraye  le  développement  de  la  ma- 
ladie dans  sa  tendance  la  plus  funeste,  celle  qui  entraine  vers 
l'inertie  et  l'isolement. 

Je  crois  que  c'est  à  cette  forme  de  traitement  que  se  rappor- 
tent, quelquefois  même  à  l'insu  des  auteurs,  la  plupart  des  pro- 
cédés thérapeutiques  qui  ont  eu  quelque  succès.  Nous  avons  vu 
que  la  séance  d'hypnotisme  agissait  au  début  chez  l'obsédé  par 
l'émotion  qu'elle  détermine  ;  elle  agit  ensuite  et  plus  encore  par 
l'effort  et  l'attention  qu'elle  demande.  On  exige  du  sujet  qu'il 
reste  immobile,  les  yeux  fermés  en  cherchant  le  sommeil  :  le  su- 
jet, qui  ne  s'endort  pas  du  tout  automatiquement  comme  l'hys- 
térique, fait  tout  cela  par  obéissance,  parce  qu'il  croit  au  traite- 
ment, c'est  pour  lui  un  gros  effort.  On  lui  demande  ensuite,  sous 
prétexte  de  suggestion,  des  mouvements,  des  attitudes  plus  ou 
moins  prolongées,  et  il  essaye  de  les  réaliser  :  l'attention  et  l'ef- 
fort sont  d'autant  plus  grands  qu'il  se  figure  faire  des  mouvement 
d'un  caractère  extraordinaire,  qu'il  surveille  ses  muscles  plus  que 
jamais.  Lise,  comme  je  l'ai  dit,  se  trouvait  fort  améliorée  par  des 
contractures  suggérées  :  en  réalité  ces  prétendues  contractures 


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DIAGN 

grands  efFoi-ts  < 

t  son  corps.   «  ( ^ , ,  j, ^ 

ggérez  des  tremblements  ou  des  contractures,  je  ne  puis 
;  mes  idées  (ruminations  sur  le  sacrilège),  elles  cessent 
irmenter,  tandis  que  pendant  mes  mouvements  ordi- 
s  continuent  toujours  ».  Bien  entendu,  ses  idées  cessaient 
elle  se  donnait  tout  entière  à  un  effort  gymnastique 
i  la  mettait  en  sueur,  parce  qu'elle  s'élevait  assez  aux  phé- 
upérieurs  pour  qu'il  n'y  eût  plus  de  dérivations.  On  sug- 
au  sujet  des  hallucinations,  des  rêves  et,  comme  ceux-ci 
pent  pas  tout  seuls,  il  faut  encore  un  eOort  intense  d'ima- 
,  surtout  d'attention  qui  amène  la  même  tension  et  relève 
le  l'esprit.  Lise  et  Claire  sont  transformées  par  les  efforts 
ntpour  avoir  Thallucination  d'une  rose,  c'est-à-dire  tout 
it  pour  se  la  représenter  d'une  manière  nette  et  réelle, 
dant  cette  prétendue  hypnose,  on  dirige  l'attention  sur 
et  l'on  force  le  sujet  à  les  comprendre  beaucoup  plus 

qu'à  l'ordinaire.  En  un  mot,  je  crois  que  le  mécanisme 
entpar  l'hypnose  dans  ces  cas  de  psychashénie  n'est  pas 
e  que  l'excitation  de  l'attention,  la  direction  et  la  réé- 
e  la  volonté  :  il  en  est  peut-être  quelquefois  de  même 
térie  mais  plus  rarement,  car  ici  d'autres  mécanismes 
a  celui-là. 

>  auteurs  proposent  un  traitement  qui,  au  premier 
une  un  peu.  M.  Tissiénous  dit  qu'il  guérit  des  obses- 
s  phobies  par  la  gymnastique  suédoise  *.  M.  Thulié  pro- 
justement  de  discipliner  les  jeunes  dégénérés  en  les 
à  la  gymnastique  d'ensemble^.  M.  Pitres  et  M.  Tîssié 
,  un  malade  psychasthénique  avec  des  tics  et  des  toux 
ues    guéri  par  la  gymnastique  médicale  respiratoire  ^ 

entendu  que  la  gymnastique  n'agit  pas  ici  directement 
ectement  par  les  influences  que  je  viens  d'indiquer, 
rétation  des  effets  thérapeutiques  a  semblé  quelquefois 

Traitement  de  quelques  phobies  par  la  gymnastique  suédoise.  Congres 

H  neurologistes.  Bordeaux,  août  1895. 

lié,  Le  dressage  des  jeunes  dégénérés  ou  orthophrénopédie,  1900  (Paris. 

Clinique  de  gymnastique  médicale  psychodynamique,  1899.  A.  Pitres,  Tics 
éralisés  (chorée  électrique  de  Bergeron-Hénoch,  Elecirolepsie  de  Tor- 
>sc  convulsive  rythmée  de  Guerlin),  traités  et  guéris  par  la  gymnastique 
Société  de  médecine  et  de  chirui'gie  de  Bordeaux,  ai  décembre   1900. 


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TRAITEMENT  MORAL  721 


Ma 


plus  délicate  à  propos  de  certaines  tentalives  très  intéressantes  de 
guérisons  des  tics.  Trousseau  proposait  pour  guérir  les  tics  «  une 
gymnastique  ordonnée  des  muscles  affectés  de  convulsions  ».  Char- 
cot^  parle  «  d*une  gymnastique  rationnelle  ».  M.  Letulle  réclame 
une  gymnastique  spéciale  en  remarquantd'ailleurs  «  qu'il  faut  main- 
tenir le  moral,  soutenir  le  courage  et  les  efforts  du  patient*  ». 

M.  Brissaud    dans    un    grand    nombre  de   travaux',    M.     Bom-  '^ 

paire  S  M.  Popoff\  M.  P.  Montaigne*  MM.  H.  Meige  et  E.  Fein- 
del  ^  ont  préconisé  un  traitement  en  apparence  plus  précis  par 
((  la  rééducation  de  Timmobilité  et  les  mouvements  antagonistes  ». 
Plusieurs  de  ces  auteurs  semblent  croire  que  ce  traitement  gym- 
nastique agit  directement  sur  le  tic  qu'il  s'agit  essentiellement 
d'un  traitement  des  muscles  ou  de  la  fonction  nerveuse  pro- 
prement motrice. 

M.  Dubois  (de  Saujon]  a  poursuivi  depuis  1896  avec  le  plus 
grand  soin  le  traitement  de  quelques  tiqueurs.  Il  dresse  ces  malades 
à  rester  absolument  immobiles  pendant  un  temps  déterminé",  il 
obtient  des  guérisons  remarquables  et  remarque  que  les  phobies 
s'améliorent  en  même  temps  que  les  tics.  M.  Dubois  ne  cherche 
pas  les  mouvements  antagonistes,  il  ne  cherche  que  l'effort  d'at- 
tention vers  «  l'image  du  repos,  de  l'immobilité  absolue,  mais  de 
rimmobilité  consentie,  çoulue  ».  Comme  l'auteur  le  remarque 
aimablement,  cette  interprétation  se  rattache  à  la  conception  que 
nous  soutenons  depuis  longtemps  de  l'importance  des  exercices 
de  l'attention  chez  les  névropathes.  A  mon  avis,  ces  traitements  des 
tics,  qu'il  s'agisse  de  la  gymnastique  générale,  d'un  exercice  des 
mouvements  antagonistes,    de  la    rééducation    de   l'immobilité, 


I.  Gharcot,  Leçons  du  mardi,  1888  89,  p.  469. 

a.  Letulle,  article  «  tics  »  du  Dictionnaire  de  Jaccoud. 

3.  Bnssaud,  Tics  et  spasmes  cloniques  de  la  face.  Leçons  à  la  Salpétrière,  8  dt?- 
cembre  1893.  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  a5  janvier  1894.  — 
Contre  le  traitement  chirurgical  du  torticolis  mental.  Hevue  neurologique,  3o  jan- 
vier 1897. 

4.  Bompaire,  Le  torticolis  mental.  Thèse,  Paris,  1894. 

5.  Popofl*.  Le  torticolis  psychique.  Revue  neurologique,  1900,  p.  29a. 

6.  P.  Montaigne,  Étude  sur  le  torticolis  mental  et  son  traitement.  Thèse,  Paris, 
1900. 

7.  E.  Feindel,  Le  torticolis  et  son  traitement.  Nouvelle  Iconographie  de  la  Salpé- 
trihre,  1897,  n"  6.  H.  Meige  et  E.  Feindel,  Traitement  des  tics.  Presse  médicale, 
16  mars  1901.  Gazette  des  hôpitaux,  11  juin  1901.  Journal  de  médecine  et  de 
chirurgie  pratiques,  a5  août  1901. 

8.  Dubois  (de  Saujon).  Société  de  thérapeutique,  27  mars  1901. 

LES  OBSESSIONS.  I.   46 


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TRAITEMENT  MORAL  723 

M.  Bernheim  appelait  très  bien  entraînement  suggestif  actif,  dy- 
namogénie psychique*  ;  ils  ne  sont  que  diverses  formes  de  cette 
thérapeutique  que  je  décris  depuis  une  dizaine  d'années  comme  la 
reconstitution  graduelle  des  fonctions  de  synthèse  mentale.  Je 
crois  Tavoir  encore  précisée  dans  ce  livre  par  les  études  sur  le 
rétablissement  de  la  tension  psychologique  suffisante.  Ajoutée  aux 
traitements  physiques  et  moraux  précédents,  combinée  avec 
une  direction  morale  qui  supprime  les  complications  et  qui  facilite 
la  tâche  du  malade,  cette  excitation  mentale  par  Témotion,  les 
efforts  de  volonté  et  Tattention  est  la  meilleure  thérapeutique  que 
nous  puissions  actuellement  diriger  contre  la  maladie  des  obses- 
sions. Elle  a  sans  doute  de  gros  inconvénients  :  elle  est  lente  et 
peut  durer  des  années,  elle  est  plutôt  une  éducation  qu'un  traite- 
ment médical,  elle  est  peu  précise  et  laisse  énormément  à  l'initia- 
tive du  médecin,  elle  exige  de  celui-ci  beaucoup  de  temps  et  un 
effort  énorme  d'énergie  que  ne  peuvent  s'imaginer  ceux  qui  n'ont 
pas  essayé  de  l'appliquer  eux-mêmes.  Mais  elle  est  la  seule  théra- 
peutique qui  puisse  aujourd'hui  modifier  d'une  façon  heureuse 
quelques-uns  de  ces  esprits  insuffisamment  adaptés  à  la  vie  prati- 
que. Il  faut  espérer  que  plus  tard  des  traitements  plus  efficaces 
pourront  agir  directement  sur  la  tension  nerveuse  insuffisante  dont 
nous  ne  savons  encore  aucunement  ni  le  mécanisme,  ni  les  con- 
ditions. 

j.   Bernheim,  Bévue  de  médecine j  1898. 


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PSY 

le  I 
léni 
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le*. 
ive  < 
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le   I 

^1,  ' 

le  A ..  r , 

nbreuses  et  11  faut  aussi  signaler  des   travaux 
e    Griesinger,    de   Westphall,    de   Cordes,   de 
grand  du  Salle,  puis  M.  Ritti  dans  un  article 
cyclopédique',  résument  les  travaux  de  ces  divers 
înt  la  période  contemporaine  dans  laquelle  ce 
connu  et  dans  laquelle  les   recherches  seront 
le  rinterprétation.  J'ai  déjà  étudié  les  diverses 
présentées,  la  théorie  intellectuelle,  la  théorie 
théorie  psychasthénique  ou  la  théorie  de  Tabais- 
>ion    psychologique.    Ce  que  je  désire  étudier 
es  auteurs,  ce  ne  sont  plus  les  interprétations 
pathogéniques,    ce    sont    les   interprétations 
;e  qu'ils  attribuent  à  ces  troubles  dans  la  patho- 
ce  point  de  vue  il  me  semble  que  ces  études 
phases  différentes  ou  plutôt  que  les  patholo- 
successivement  deux  problèmes  un  peu  diffé- 


.  />.svr/ï.,  1890,  II,  390.  Revue  de  Vhypnot.,  1891,  p.  I^. 
i838,  11.  p.  63;  I,  p.  36i. 


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L*UNITÉ  DU  SYNDROME  725 

rents.  Dans  une  première  période  on  envisage  d'abord  le  pro- 
blème de  Tunité  du  syndrome,  puis  dans  une  seconde  le  pro- 
blème de  sa  nature  au  point  de  vue  médical. 


i.  —  L'unité  du  syndrome. 

Dans  la  première  période  les  observations  recueillies  isolément 
semblent  des  curiosités  extrêmement  variées.  Les  observateurs* 
sont  surtout  frappés  par  les  énormes  différences  que  présentent 
^u  premier  abord  un  obsédé  qui  a  des  remords,  un  douteur  qui 
s'interroge  sur  la  raison  d'être  du  monde,  un  impulsif  homicide, 
un  agoraphobe  ou  un  éreutophobe.  C'est  la  période  de  la  multi- 
plicité, et  chaque  auteur  découvre  sa  manie  ou  sa  phobie  :  il  y 
«n  a  bientôt  un  nombre  invraisemblable  et  le  besoin  de  mettre 
quelque  unité  dans  ces  interminables  description  se  fait  sentir. 
Les  premières  tentatives  d'unification  sont  assez  incoordonnées  : 
on  établit  le  groupe  des  monomanies  pour  tous  les  symptômes  intel- 
lectuels, tantôt  on  les  réunit  avec  les  délires  systématisés  comme 
Marcé,  1862,  qui  confond  le  délire  du  toucher  avec  le  délire  de 
persécution,  tantôt  comme  Delasiauve,  i85g,  on  distingue  ces 
<(  pseudo- monomanies  »  des  folies  systématisées.  On  essaye, 
•comme  Parchappe,  i85i,  de  réunir  quelques-unes  des  phobies 
avec  le  groupe  vague  des  hypocondries.  Morel,  en  1861,  forme 
un  groupe  avec  tous  les  émotifs.  Berger,  Griesinger,  Falret, 
Legrand  du  Saulle  cherchent  à  constituer  un  groupe  en  réu- 
nissant la  folie  du  doute  avec  le  délire  du  toucher,  il  en  fait 
«  une  aliénation  partielle  avec  crainte  du  contact  des  objets 
extérieurs  »;  la  même  opinion  est  adoptée  par  Falret.  Cette  ten- 
tative était  particulièrement  intéressante,  car  elle  réunissait  les 
symptômes  intellectuels  de  l'obsession  et  les  symptômes  émo- 
tionnels de  la  phobie,  et  cherchait  même  avec  une  singulière 
exagération  à  établir  la  succession  régulière  des  phénomènes. 
Plus  tard  MM.  Ritli,  Kraflft-Ebing,  Wille,  Mendel  se  rattachent 
à  la  même  opinion.  Cependant  cette  unité  était  loin  d'être  admise 
par  tous  les  auteurs  et  loin  d'être  complète  :  bien  des  impulsions, 
des  manies  et  surtout  les  tics  restaient  en  dehors.  L'unification 
-était  d'autant  plus  difficile  que  l'on  ne  voyait  pas  le  lien  qui  rat- 
tachait tous  ces  symptômes  les  uns  aux  autres. 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  727 

mènes  et  de  voir  la  manière  dont  ils  dérivent  souvent  les  uns  des 
autres. 

J'ai  donc  essayé  de  continuer  et  de  préciser  cette  œuvre  de 
groupement  qui  peu  à  peu  a  réuni  en  un  syndrome  ces  troubles  si 
divers  et  au  premier  abord  si  disparates. 


2.  —  Interprétation  pathologique  du  syndrome. 

Dans  les  périodes  plus  récentes  se  pose  un  autre  problème, 
celui  de  l'interprétation  qu'il  faut  donner  à  ce  groupe  ainsi 
constitué,  de  la  place  qu'il  faut  lui  attribuer  dans  la  pathologie. 
Sur  ce  point  les  opinions  ont  été  des  plus  diverses.  «  La  folie  du 
doute  est  ainsi,  dit  M.  Ladame,  chez  les  auteurs  contemporains, 
tantôt  le  symptôme  des  affections  mentales  et  nerveuses  les  plus 
variées,  tantôt  un  épisode  psychopathique  de  la  dégénérescence 
héréditaire,  tantôt  une  forme  spéciale  de  psychose,  tantôt  enfin 
un  simple  trouble  psychique  élémentaire  qui  relève  de  la  patho- 
logie générale  de  l'aliénation  :  le  doute  n'est  pas  seulement  chez 
les  malades,  il  a  passé  dans  la  science*  ». 

Les  opinions  ne  me  semblent  pas  être  si  nombreuses  si  on  les 
rapproche  les  unes  des  autres  et  si  on  les  interprète  d'après  les 
études  précédentes.  Un  premier  groupe  d'auteurs  hésitent  un  peu 
à  considérer  ces  symptômes  psychasthéniques  comme  véritablement 
pathologiques.  Bail  quand  il  décrit  la  zone  frontière  qui  s'étend 
entre  la  raison  et  la  folie  *,  Azam,  quand  il  parle  des  tics  intel- 
lectuels, des  stigmates  psychiques^  remarquent  que  ce  sont  là 
souvent  des  bizarreries  de  caractères  compatibles  avec  la  raison. 
Scholz,  cité  par  M.  Ladame*,  ne  parle  des  obsessions  qu'à  propos 
des  troubles  élémentaires  de  l'intelligence  et  dit  qu^on  les  rencon- 
tre même  chez  les  hommes  sains  d'esprit.  M.  G.  Savage*  remarque 
que  ce  sont  là  des  prédispositions  héréditaires  très  fréquentes  chez 
tout  le  monde.  M.  Gélineau  qui  en  1894  décrivait  certaines  formes 
de  phobies   maladives   revient  à  plusieurs  reprises  sur  ce  qu'il 


1.  Ladame.  Conyrhs  de  Berlin,  1890.  Revue  de  Vhypnot.y  1891,  p.  i3i. 

a.  Bail.  Hevue  scientifique,  i883,  1,  p.  i. 

3.  Azam.  Revue  scientifique,  1891,  I,  p.  618. 

4.  Ladame,  op   cil,,  1891,  p.  i3o. 

5.  G. -H.  Savage,  On  imperalive  ideas.  Brain,  1896,  p.  3aa. 


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DE  LA  PSYGHASTHÉME  PARMI  LES  PSYCHO-NÉVROSES 

lobies  essentielles  ^  Ce  sont  des  craintes  bizarres 
certains  objets,  par  certains  animaux  ou  par  une  situa- 
ire  sur  un  lieu  élevé  ;  ce  sont  des  phénomènes 
rhent  du  vertige  ordinaire,  qui  existent  souvent  dès 
[ifance,  qui  peuvent  quelquefois  être  héréditaires  et 
lez  des  sujets  ne  présentant  aucune  autre  tare.  Ilack 
nquête  qu'il  a  commencée  dans  le  Brain,  «  tient  à 
ef  la  parfaite  innocuité  d'un  grand  nombre  d'idées 
ipératifs  chez  des  gens  très  sensés,  par  exemple 
^oirpas  bien  éteint  le  bec  de  gaz,  le  besoin  de  frap- 
avec  sa  canne,  le  soin  de  marcher  en  évitant  les 
dallage,  la  tendance  à  compter  un  certain  nombre 
d'accomplir  l'acte  le  plus  simple*  ».  Si  on  poussait 
I  tendance  indiquée  dans  quelques-uns  de  ces  tra- 
;  disposé  h  considérer  les  obsessions,  les  tics  et  les 
le  des  originalités  individuelles  qui  n'auraient  rien 
Je. 

»ion  analogue  a  eu  lieu  il  y  a  quelques  années  à 
'pnotisme,  quelques  auteurs  voulaient  bien  en  faire 
i  exceptionnel,  une  particularité  individuelle  anor- 
1  un  phénomène  pathologique.  C'est  là  une  querelle 
laladie  ne  peut  que  reproduire  en  les  déformant  des 
ui  ont  leur  origine  dans  l'état  normal,  on  retrou- 
s  l'état  normal  les  vestiges  de  tous  les  phénomènes 
.Pour  juger  de  la  nature  d'un  symptôme  il  faut  con- 
îgré  et  ses  conséquences  au  point  de  vue  de  la  vie 
;  de  la  vie  sociale.  S'il  y  a  à  peu  près  chez  tous  les 
labitudes,  des  manies  bizarres  résultat  de  souvenirs 
a  ne  supprime  pas  le  caractère  dangereux  des  véri- 
tions  ou  des  véritables  phobies,  puisque  celles-ci 
insî  qu'on  l'a  vu,  à  supprimer  toute  activité  de  l'in- 
etrancher  complètement  de  la  vie  sociale. 

me  opinion,  plus  importante,  ne  veut  pas  non  plus 

ome  psychasthénique  une  véritable  maladie,  c'est- 

ble  accidentel  surajouté  en  quelque  sorte  à  la  vie 

ils  le  considèrent   comme  un  trouble  ou  comme 


'Vue  de  l'hypnotisme,  1897.  p.  5i  et  1899,  p.  79. 
Brain,   189^.  p.  i84- 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  729 

la  manifestation  d'un  trouble  apporté  par  l'individu  dès  sa 
naissance  et  faisant  partie  de  sa  constitution  en  raison  de  ses 
antécédents  héréditaires.  Schùle  en  fait  une  folie  héréditaire 
-simple  dans  le  groupe  des  psychoses  dégénératives,  Krafft  Ebing 
rattache  aussi  la  folie  du  doute  aux  psychoses  dégénératives, 
Tamburini  en  fait  la  forme  la  plus  élémentaire  de  la  dégéné- 
rescence mentale,  Magnan  surtout  et  tous  les  aliénistes  qui  se 
rattachent  à  son  école  font  de  ces  phénomènes  un  symptôme  épi- 
sodique  de  la  folie  héréditaire  des  dégénérés*. 

11  y  a  dans  cet  enseignement  quelque  chose  de  très  juste  c'est  de 
montrer  l'importance  de  l'hérédité  dans  les  conditions  étiologiques 
de  ces  troubles;  en  outre  l'enseignement  de  M.  Magnan  a  beaucoup 
contribué  h  réunir  tous  ces  symptômes  en  un  seul  tout  et  h  faire 
cesser  la  création  des  innombrables  manies  et  phobies  distinctes. 
Mais  il  me  semble  que  l'on  prépare  des  confusions  si  on  consi- 
dère la  psychasthénie  comme  une  simple  dégénérescence  mentale. 

En  effet  si  on  prend  le  mot  dégénérescence  dans  son  sens  vague 
comme  signifiant  une  diminution,  un  moindre  fonctionnement 
d'un  organe,  cette  opinion  est  évidemment  juste  mais  elle  est  si 
vague  qu'elle  ne  permet  aucune  distinction  et  peut  s'appliquer  à 
tous  les  troubles  possibles.  MM.  Magnan  et  Legrain  ont  défini 
ainsi  la  dégénérescence  «  c'est  l'état  pathologique  de  l'être  qui 
comparativement  à  ses  générateurs  les  plus  immédiats  est  consti- 
tutionnellement  amoindri  dans  sa  résistance  psycho-physique  et 
ne  réalise  qu'incomplètement  les  conditions  de  la  lutte  héré- 
ditaire pour  la  vie  ».  M.  Magri  la  définissait  ainsi:  «  est  dégé- 
néré tout  organisme  qui  est  incapable  par  lui-même,  par  défaut 
organique  et  psychique,  d'affirmer  sa  propre  individualité  et  qui 
mène  une  vie  parasitaire,  improductive  et  nuisible  à  la  société^  ». 
De  cette  façon,  le  psychasthéniquequi  pour  nous  présente  une  moin- 
dre faculté  d'adaptation  à  la  réalité  est  évidemment  un  dégénéré. 
Mais  la  paralysie  générale  aussi  est  une  régression  de  l'activité 
cérébrale,  la  confusion  mentale,  l'idiotie  de  même  empêche  l'in- 
dividu de  s'adapter  à  la  réalité  et  on  ne  peut  pourtant  pas  con- 
fondre tous  les  troubles  cérébraux  à  cause  de  ce  caractère 
commun. 


I.  Magnan,    Leçon  sur  la  folie  héréditaire.  Ann.  méd.  psych  ,   novembre  i88(î, 
p.  454.  Cf.  Saury,  Syndromes  êpisodiques  des  dégénérés,  1886. 

3.  Fr.  Magri,  La  degencrazione  consîderala  nella  sue  causa.  Pise,  1891. 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  731 

mêmes  circonstances  fâcheuses  mais  plus  graves,  plus  prolongées 
produiront  le  même  effet  sur  des  individus  qui  apportaient  peu  de 
prédispositions  congénitales. 

Ces  caractères  sont  ceux  qui  appartiennent  à  toutes  les  mala- 
dies dans  lesquelles  les  prédispositions  héréditaires  jouent  un 
rôle.  Puisque  Ton  considère  Thystérie,  Tépilepsie,  le  délire  des 
persécutions  comme  des  maladies,  il  me  semble  juste  de  dire  de 
même  que  la  psychasthénie  n^est  pas  uniquement  une  bizarrerie  du 
caractère  ou  une  dégénérescence,  mais  que  c'est  une  maladie 
dont  il  reste  à  déterminer  le  caractère. 

Tout  en  faisant  de  la  psychasthénie  une  maladie,  beaucoup 
d'auteurs  hésitent  à  en  faire  une  maladie  spéciale  et  distincte  des 
autres,  ils  essayent  de  rattacher  ces  symptômes  a  d'autres  groupes 
pathologiques.  Voici  une  opinion  exprimée  autrefois  par  Bigot 
et  qui  est  encore  reproduite  souvent  d'une  manière  plus  ou  moins 
explicite  :  «  la  folie  raisonnante,  disait-il,  n'est  ni  un  genre, 
ni  une  espèce ,  mais  une  variété  de  la  période  transitoire 
de  la  raison  au  délire  qui  se  trouve  dans  tous  les  genres  et 
dans  toutes  les  espèces  d'aliénation  mentale  et  qui  même  ne  mé- 
rite ce  nom  de  variété  que  lorsque  le  caractère  équivoque  se  fait 
remarquer  par  une  trop  longue  durée,  qui  laisse  au  second  plan 
la  période  d'évidence  du  délire...,  c'est  une  sorte  de  phase  incer- 
taine mêlée  inégalement  de  délire  et  de  raison*.  »  Certainement 
beaucoup  de  maladies  mentales  ont  une  période  prodromique, 
dans  laquelle  il  y  a  de  la  confusion,  de  la  tristesse,  des  rêveries  et 
même  des  idées  Irrésistibles  dont  le  malade  ne  se  sent  pas  le 
maître.  Mais  si  on  veut  bien  faire  l'analyse  psychologique  de  ces 
prodromes,  on  n'y  verra  pas  les  caractères  de  rinsuflfisance  men- 
tale de  l'obsédé,  de  cette  insuffisance  si  particulière  qui  ne  porte 
que  sur  les  fonctions  du  réel  et  qui  laisse  intactes  les  opérations 
intellectuelles  proprement  dites.  Dans  les  prodromes  des 
maladies  mentales,  il  y  a  plutôt  de  la  confusion  mentale 
ce  qui  est  tout  autre  chose.  En  outre,  on  trouvera  dans  ces  pro* 
dromes  les  caractères  propres  à  la  maladie  mentale  qui  commence  : 
la  démence  spéciale  de  la  paralysie  générale,  la  douleur  morale 
de  la  mélancolie   n'appartiennent  pas  à  la  symptomatologle  des 


I.  V.  Bigot,  Des  périodes  raisonnantes  de  Taliénation  mentale.  Hevue  scientifique, 
1877,  ^»  P-  '3/|3. 


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DE  LA  PSYCHASTHÉME  PARMI  DES  PSYCHONÉVROSES 

ifîn  des  prodromes  ne  peuvent  pas  durer  dix  ans  et 
ensemble  des  symptômes  de  nos  malades  se  mainte- 
^me  sens  pendant  dix  et  vingt  ans. 
rai  donc  pas  non  plus  des  opinions  comme  celle  de 
rattache  les  obsessions  à  la  mélancolie  ^  perplexe. 
)cuvent  aboutir  à  la  mélancolie  anxieuse,  mais  c*est 
cation  de  leur  maladie  et  Ton  voit  bien  qu*ils  chan- 
caractère:  ils  n'ont  plus  de  véritables  ruminations, 
ogent  plus  véritablement,  ils  souffrent  et  gémissent 
ation  vague  qui   a  supprimé  les  caractères  spéciaux 

Ducoup  plus  embarrassé  en  présence  des  opinions 
lelle  de  M.  Arndt,  de  M.  Morselli  qui  appellent  cette 
anoia  rudimentaire  ».  On  peut  dire,  en  effet,  que  les 
>nt  très  voisines  des  délires  systématisés  en  parti- 
ra de  persécution  :  j'ai  déjà  fait  remarquer  ce  voi- 
3  est  pas  moins  vrai  que  l'évolution  d'un  délire  de 
vec  la  conviction  allant  jusqu'aux  actes,  la  systéma- 
ante,  les  hallucinations  auditives  est  loin  d'être  la 
le  de  la  maladie  des  obsessions.  Il  est  probable,  quand 
mieux  le  délire  de  persécution,  qu'on  lui  trouvera 
logue  à  celui  de  la  psychasthénie,  avec  une  certaine 
)sychologique  qui  lui  donne  une  autre  évolution  et 
iriété  distincte. 

les  maladies  dont  la  psychasthénie  se  rapproche  le 

des   névroses  dans   lesquelles  nous   observons  les 

ômes  d'épuisement  nerveux  et  un  état  mental  ana- 

disait  déjà   que  le   délire   émotif  est   plutôt   une 

ne   psychose,    Meynert*   admettait  que  cette  mala- 

t   au  complexus  de  l'hystérie  et  de   l'hypocondrie. 

remarquait    que    «    Tétiologie    et    la    pathogénie 

et  des   idées  fixes  étaient  les  mêmes  que  celles   de 

mpe  de   lésions  fonctionnelles   du  système  nerveux 

[gnons  sous  le  nom  de  névroses'  ».  Mais  il  est  admis 

ue  les  névroses  sont  en  majeure  partie  le  résultat 

eber  Zwangsvorslellungen.  Wien.  kUn.  Wochenschrift,  3  mai  1888. 
•p.  cit. y  p.  137. 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  73a 

de  troubles  fonctionnels  de  Técorce  cérébrale,  troubles  se  mani- 
festant par  des  perturbations  psycho-physiologiques,  on  ne  peut 
donc  pas  les  opposer  trop  complètement  comme  on  le  faisait 
autrefois  aux  psychoses.  Aussi  peut-on  dire  justement  avec 
MM.  Pitres  et  Régis  que  la  psychastbénie  se  rattache  aux  états 
mixtes,  que  c'est  une  psycho-névrose. 

Pour  préciser  maintenant  sa  place  parmi  les  psycho-névroses, 
il  faut  voir  ce  qui  la  rapproche  ou  la  distingue  des  formes 
voisines.  Je  ne  reprendrai  pas  ici  la  comparaison  des  névroses 
au  point  de  vue  du  diagnostic  qui  a  déjà  été  faite  dans  un  chapi- 
tre précédent,  j'insiste  seulement  sur  les  conceptions  générales 
que  Ton  peut  se  faire  de  ces  diverses  névroses  et  sur  les  relations 
que  présentent  entre  elles  ces  diverses  conceptions  générales. 

J'ai  déjà  montré  les  rapports  étroits  de  la  psychastbénie  avec 
Fépilepsie.  Je  crois  que  dans  les  deux  maladies  il  y  a  des  oscilla- 
tions considérables  du  niveau  mental  et  que  des  abaissements  ou 
des  chutes  de  la  tension  psychologique  ou  nerveuse  entendue 
comme  il  a  été  dit  jouent  dans  les  accidents  de  ces  deux  névroses 
lerôle  principal.  Mais  dans  Tépilepsie,  autant  que  nous  pouvons  le 
savair,  cette  chute  est  considérable  et  momentanée.  Elle  va  jus- 
qu'à la  perte  complète  de  conscience  pendant  un  temps  assez 
court,  ensuite  la  tension  se  relève  non  pas  sans  doute  d'une 
manière  complète,  mais  d'une  manière  suffisante  pour  que  le 
sujet  se  sente  à  peu  près  normal  et  ne  se  plaigne  pas  d'ordinaire 
de  ces  sentiments  d'incomplétude  qui  sont  si  caractéristiques  du 
psychasthénique.  Les  phénomènes  de  dérivation  se  retrouvent,  je 
crois,  dans  les  convulsions  de  l'accès:  ils  sont  violents  et  d'ordre 
très  élémentaire,  c'est-à-dire  que  la  dérivation  ne  se  fait  pas  sous 
forme  de  ruminations  mentales,  phénomène  conscient  et  relati- 
vement supérieur,  ni  sous  forme  d'états  émotifs  conscients,  ni 
sous  forme  de  ces  mouvements  encore  à  demi  intelligents  qui 
sont  les  tics,  mais  sous  la  forme  des  mouvements  les  plus  élémen- 
taires. Dès  que  ces  caractères  de  l'accès  épileptique  diminuent, 
dès  que  la  chute  de  tension  est  moins  grande,  mais  se  prolonge 
plus  longtemps,  quand  les  dérivations  sont  moins  élémentaires, 
on  voit  apparaître  des  délires  épileptiques  qui  se  rapprochent 
beaucoup  des  phénomènes  psychasthéniques.  Quelques-uns  d'en- 
tre eux  déterminent  des  sentiments  d'incomplétude,  des  doutes 
sur  la  réalité  de  la  personne  et  du  monde  extérieur  tout  à  fajt 
identiques  à  ce  qui  existe  chez  les  obsédés.  Sans  voir  dans  cette 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  735 

rhallucination  complète  et  il  suffit  d'une  suggestion  pour  que 
celte  hallucination  surgisse,  il  arrive  très  facilement  à  la  convic- 
tion extrême.  D'autre  part,  l'hystérique  pousse  aussi  à  l'extrême 
les  phénomènes  négatifs  et  il  présente  dans  son  esprit  de  vérita- 
bles lacunes  :  il  a  des  anesthésies,  des  amnésies,  des  paralysies, 
des  subconsciences  véritables.  Sans  doute  ces  lacunes  ne  portent 
d'ordinaire  que  sur  la  conscience  personnelle,  mais  cette  con- 
science même  présente  des  lacunes  qui  n'existent  pas  chez  l'ob- 
sédé. 

A  quoi  tiennent  ces  différences  remarquables,  à  un  fait  capitî^ 
que  présente  l'hystérique  et  qui  n'existe  pas  chez  le  psychasthéni- 
que,  au  rétrécissement  du  champ  de  la  conscience.  L'hystérique 
restreint  son  activité  mentale,  se  concentre  en  quelque  sorte  sur 
quelques  phénomènes,  il  en  résulte  que  les  phénomènes  conser- 
vés ne  sont  pas  abaissés,  incomplets,  mais  qu'ils  sont  plutôt  trop 
développés  et  que  les  phénomènes  négligés  s'effacent  de  plus  en 
plus  et  disparaissent  de  la  conscience  personnelle.  Ce  qui  carac- 
térise l'hystérie  c'est  ce  rétrécissement,  cette  localisation  sur 
certains  points  de  la  force  subsistante.  La  faiblesse  mentale  se 
manifeste  dans  cette  maladie  comme  faiblesse  de  synthèse,  tandis 
que  dans  la  psychasthénie  elle  se  manifeste  par  un  abaissement 
général  de  tension  et  par  la  simple  diminution  des  fonctions 
supérieures  ou  fonctions  du  réel  à  peu  près  sur  tous  les  points. 
Si  l'on  peut  ainsi  dire  la  réduction  de  la  conscience  semble  se 
faire  géométriquement  chez  le  premier,  en  réduisant  le  nombre 
des  fonctions  conservées,  dynamiquement  chez  le  second  en 
réduisant  la  force, .la  perfection  de  tous  les  phénomènes.  Sans 
doute  il  y  a  quelques  cas  de  transition  :  le  plus  curieux  me 
semble  constitué  par  l'état  d'esprit  de  certains  extatiques,  mais 
en  général  cette  différence  entre  les  deux  psycho-névroses  est 
très  nette. 

Beaucoup  d'auteurs  rapprochaient  les  obsessions,  la  folie  du 
doute,  les  phobies,  de  la  neurasthénie  (Westphal,  Krapelin, 
Krafft-Ebing,  Morselli,Ventra,  Bouveret,  Levillain,  Féré,  Mathieu, 
etc.)  Récemment  les  auteurs,  qui  ont  essayé  de  constituer  comme 
maladie  distincte  la  névrose  d'angoisse,  ont  voulu  la  séparer  de 
la  neurasthénie  et  même  l'y  opposer.  Les  conceptions  de  M.  Freud* 

I.  S.  Freud  (de  Vienne),  Sur  la  légitimité  de  séparer  de  la  neurasthénie  un  syn- 
drome défini  sous  le  nom  de  névrose  d'angoisse.  ,\euroî.  Centralblaltt  1896,  p.  2. 


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736      LA  PLAGE  DE  LA  PSYCHASTfiÉNIE  PARMI  LES  PSYCHO-NÉVROSES 

sur  ce  point  ont  été  très  bien   résumées   et    discutées   dans  le 
travail  de  M.  Hartenberg  sur  la  névrose  d'angoisse  ^ 

Le  premier  groupe  d'arguments  de  ces  derniers  auteurs  ne  me 
semble  pas  très  intéressant:  dans  la  névrose  d'angoisse,  disent-ils^ 
un  certain  nombre  de  symptômes  essentiels  de  la  neurasthénie  font 
toujours  défaut,  tels  sont  :1a  rachialgie,  l'obnubilation  psychique, 
l'asthénie  neuro-musculaire,  la  dyspepsie  et  l'insomnie  chronique. 
C'est  là,  si  je  ne  me  trompe  une  constatation  clinique  inexacte  :  les 
phobiques  et  les  douteurs  sont  si  préoccupés  de  leurs  angoisses 
et  de  leurs  obsessions  qu'ils  attachent  moins  d'importance  à  des 
troubles  constants  chez  eux,  mais  en  apparence  secondaires.  La 
rachialgie  est  très  fréquente  chez  eux,  depuis  que  j'ai  vu  ces  dis- 
cussions, je  l'ai  recherchée  et  retrouvée  dans  une  douzaine  de  cas  ; 
l'obnubilation    intellectuelle   avec    aprosexie,  amnésie  continue, 
troubles  de  perception,   diminution  des  fonctions  du  réel  est  un 
symptôme  essentiel  des  psychasthéniques  comme  des  neurasthé- 
niquesTTa^farbtesse,  la  fatigue,  la  dyspepsie,  l'insomnie  ont  été  lon- 
guement décrites  chez  eux.  Il  ne  me  semble,  en  un  mot  que  les 
angoissés  ont  bien  tous  les  symptômes  des  neurasthéniques  et  à 
ce  premier  point  de  vue  la  distinction  ne  me  parait  pas  légitime. 
Une    deuxième   remarque   est   plus    intéressante,  c'est  que  la 
neurasthénie  est  surtout  dépressive,  tandis  que  dans  la  névrose 
d'angoisse,  il  y  a  une  surexcitation,  une  tension  pénible  et  des 
décharges  paroxystiques  surtout  viscérales.   On  voulait  en  con- 
clure que  la  neurasthénie  serait  l'épuisement  nerveux  du  système 
cérébro-spinal,    tandis   que   la    névrose    d'angoisse    serait    plus 
particulièrement  l'épuisement  nerveux  du  sympathique  et  peut- 
être  du  vague*.  J'avoue  que  je  ne  suis  pas   aussi  frappé  par  ces 
différences:  beaucoup  de  neurasthéniques  ont,  à  un  degré  faible, 
une  agitation,  un  sentiment  d'inquiétude,  une  attente  angoissante. 
L'agitation  du  psychasthénique  n'est  à  mon  avis  qu'un  phénomène 
secondaire,  une  dérivation  qui  résulte  justement  de  l'impuissance 
primitive  et  qui  ne  s'y  oppose  pas.  M.  Hartenberg,    d'ailleurs, 
n'exagère  pas  cette  opposition,  il  se  rapproche  de  l'opinion  de 
Bouveret,  de  Hecker,  de  Kaen  qui  voient  «  dans  ces  deux  mala- 
dies deux  manifestations  diversement  localisées  d'un  même  épui- 
sement nerveux  ». 


I.   Hartenberg,  La  névrose  d'angoisse^  iQOi.  p.  67. 
a.  Hartenberg,  La  névrose  d'angoisse,  68. 


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INTERPRÉTATION  PATHOLOGIQUE  DU  SYNDROME  737 

AjoutoDS  qu'il  s'agit  de  deux  manifestations  de  degré  et  de 
gravité  différentes.  La  neurasthénie,  comme  disaient  M.  Deje- 
rine  et  M.  Mœbius,  est  «  la  forme  initiale  d^où  dérivent  les 
autres  névroses  comme  d'une  source  ».  «  La  folie  du  doute, 
dit  encore  M.  Kowalewsky  *,  peut  être  considérée  comme  une 
deuxième  période  de  la  neurasthénie.  »  Dans  la  neurasthénie 
Tépuisement  du  système  nerveux  central  est  encore  léger  et 
porte  surtout  sur  les  centres  des  viscères  ;  il  augmente,  il 
s^étend  à  tout  le  cerveau,  il  devient  plus  conscient,  et  détermine 
plus  de  phénomènes  de  dérivation  dans  la  psychasthénie. 


Ces  comparaisons  nous  permettent  de  résumer  la  conception 
de  la  maladie  des  obsessions  telle  qu'elle  résulte  de  ces  études 
cliniques  et  psychologiques.  Les  obsessions  proprement  dites  qui 
en  sont  le  caractère  le  plus  apparent  ne  sont  que  le  dernier  terme 
d'une  série  de  troubles  plus  profonds.  La  psychasthénie  est  une 
psycho-névrose  très  voisine  de  la  neurasthénie  et  peut-être  de 
certaines  formes  de  paranoias,  elle  se  place  entre  l'épilepsie  et 
l'hystérie.  Toutes  ces  psycho-névroses  sont  caractérisées  par  une 
insuffisance  du  fonctionnement  cérébral  qu'il  est  encore  aujourd'hui 
impossible  de  rattacher  à  des  lésions  anatomiques  ou  à  des  trou- 
bles physiologiques  autres  qu'un  état  vague  d'engourdissement 
ou  d'intoxication.  Cette  diminution  d'activité  est  en  rapport  avec 
l'hérédité,  avec  toutes  les  maladies  infectieuses,  les  fatigues  et 
les  émotions  qui  jouent  un  grand  rôle  dans  ces  oscillations  du 
niveau  mental.  Cet  épuisement  qui  a  des  caractères  physiologi- 
ques et  psychologiques  généraux  semblables  dans  toutes  les  psy- 
chonévroses se  manifeste  en  outre  par  des  troubles  mentaux  plus 
spéciaux  qui  les  distinguent  les  unes  des  autres.  Dans  la  psychas- 
thénie la  chute  de  la  tension  mentale  est  beaucoup  moins  brus- 
que, moins  profonde  et  plus  prolongée  que  dans  les  accès  épilep- 
tiques  ;  elle  n'amène  point  le  rétrécissement  du  champ  de  la 
conscience,  la  localisation  sur  certains  points  comme  dans 
l'hystérie;  elle  semble  dans  celte  psycho-névrose  rester  géné- 
rale et  déterminer  dans  toutes  les  opérations  de  l'esprit  une 
simple  diminution  de  la  perfection  et  de  la  puissance  d'adaptation 
à  la  réalité.  Les  fonctions  les  plus  troublées  sont  les  fonctions  qui 

I.  P.-J.  Kowalewsky.  The  Journal  of  mental  Science,  octobre  1887. 

LES  OBSESSIONS.  1.   —  ^7 


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INDEX  DES  AUTEURS  CITÉS 


Ameline,  i33. 

Amiel,  3oi,  3^7,  354»  370,  378,  435. 

Andkiami,  633. 

Angel,  287,  4o3,  4o8,  4ao,  ^32,  600. 

Angell  (Edw.  B.),  473,  718. 

Arie  de  Yong  (La  Haye),  452,  717. 

Arnaud  (Vanves),  29.  76,  86,  98,  ii4, 
i5o,  232,  288,  295,  336,  338,  383, 
46i,  472,  473,  589,  593,  655. 

Arndt,  732. 

AsCHAFFBNBURG,    l5o. 

AzAM,  106,  ii5,  166,  2o3,  722,  727. 

Babinski,  409. 

Baillarger,  359,  363,  383,  617,  619, 

724. 
Bain  (A.).  437- 
Balfour  (A.-J.),  479. 
Ball,  78,  79,  80,  i3i,  2o5,  2i3,  272, 

273,  283,  289,  3oi,  3o6,  307,  3io, 

579,  596,  597.  664,  667,  727. 
Ballet,  191,  454,  473. 
Baseduw,  642. 
Baskirtseff  (Marie  de),  562. 
Beard,  i85,  2o5. 
Bechterew,  170,  209,   5o8,  509,  528, 

601,  703. 
Bellst,  i44: 
Bénédict,  471. 
Berger  (de  Breslau),    453,  5o2,    6i5, 

642,  725. 
Bergeron,  179,  720. 
Bergson  (H.),  477,  48o,  489,  490,  496, 

546,  547. 
Bérillon,  201,  232,  349,  683,  703. 


Bernard   Leroy,   28,    286,   288,    289, 
290.  3o8,  309,  3i4,  317,  323,  533, 
566. 
r  Bernheim,  332,  723. 

Bigot,  73  i. 

Billod,  282,  283,  349. 

Binder,  611. 

Binet(A.).  324. 

Biswanger,  191. 

Blaise,  602. 

Blocq,  3,  186,  643. 

BoissiER  (Fr.),  472,  659. 

BOMPAIRE,   721. 
BOSSUET,   707,   708. 

Bouchard,  4i5. 

Boucher,  55, 207. 

BouLLocHE,  191. 

Bourdin,  77,  78,  161,  202,  602. 

BOURGET,    289. 

BOUVERET,    l85,  4l2,   422,   735,   736. 

Bra.mwell  (Milne),  21,  112,  i4i,  349, 

703. 
Briquet,  464- 
Brissaud,  81, 157,  162,  i63,  i65,  256, 

721. 
Bkocchi  (de  Plombières),  4i5. 
Bbochard  (V.),  479. 
Bkocq, 186. 
Brosius,  453. 

BuccoLA,  85,  324,  363,  366,  449. 
Cabanis,  555. 
Campagne,  67. 
Carrier,  683. 
Cartaz,  iq4. 


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740 


INDEX  DES  AUTEURS  CITÉS 


Gasper,  ao6. 
Gatsaràs,  86. 
Gazalis,  684. 

/Chambard,  84. 
Gharcot  (J.-B.),  igi. 
Gharcot  (J.-M.),  47,   ia4,   157,    i58, 

160.  i85.  261,  357,  6i5.  X2I. 
Ghaslim,  661. 
Ghastsuet,  aoo. 
Gbervin,  194. 
Glarapède  (de  Genève),  ao8,  46o,  46i, 

717- 
GOMTE»  3a6. 

G00MB8  Knapp  (Philip),  602. 
GoRDBs,  aoa,  471,  724. 

GOULAMPIS,   420. 

G0C8IN  (V.),  485. 

GOUTARET,  4l4- 

GVLLERRE,    l50,    198,    206,   236,  5lO. 

Dagouet,  621. 
Daguillon,  b3i. 

Dallemagne,  453,  473,  601.  655. 
Dana,  200. 
j/ Darwin  (Gh.),  ao6. 
Darwin  (Erasme),  713. 
Dbbove,  191. 
Debs,  34a,  48o. 
Dechambrs,  aoa. 

Decasse,  677.  y 

Déjbrins,  690,  692,  737. 
Delarue  (Paul),  46. 
Delabiauve,  448,  683,  734,  7a5. 
Delbœup,  76. 
Dkl  Greco  (F.).  473. 
Dénommé,  177,  683. 
Descartbs,  479. 
Devay,  619. 

DoNATH  (de  Buda-Pesth),  77,  io5.  a55, 
703. 

DoSTOIEWSKI,  484,  5 16. 

Doyen,  ao5. 

Dubois  (de  Berne),  4i3. 

Dubois   (de    Saujon),    16a,    i64,    179, 

a36,  721. 
DuBouRDiEu,  177. 
Duboux,  206. 
DuGAs,   a8,  a84,  290,  3oo,  307,  3io, 

317,  345,  434,  547,  548,  55o,  566. 


Dumas  (G.).  555. 

DUMONT,  556. 

DuMONT  (de  Monteux),  i55. 

DUMONTPALLIER,   33a. 

DupHAT,  a8a. 

Eeden  (Van),  iia,  i4i,  45 1,  499,64a, 

654. 
Eggbr  (V.).  564. 

ËMMINGHAUS,  658. 
Ë8PINA8,  369,   493,   494- 

EsQui^OL,  II,  199,  398,  7a4,  73 

EwART(G.-Th.),  717. 

Falret  (Jules).  X.  68,  85,  86.  95, 199. 

3i3,  45o,  472,  617,  653.  663,  707, 

734,  725. 
Farez,  117. 
Faure  (L.),  703. 
Feindbl,  i58,  162.  377,  731. 

FéNBLON,  707.  708. 

FÉRÉ,  ^,     180.  181.  199.  300.  453, 

455,  47a,  5o4.  601.  6o4.  610,  6aî, 
63i,  633,  735. 

Fleury  (De),  334.  4o6.  4o8.  4i3.  417, 

430.  435,  600,  6o4. 
Flournoy  (de  Genève),  11 5. 
Fouillée,  393. 
Franck  (François),  4o4. 
Francottb.  94. 
Freud,  i83.  3i4,  317,  218.  454,  455, 

456.  519,  558,  592.  621.  622.  6a3, 
64 1,  656,  735. 

Friedenreich,  453. 
Friedmann,  658. 
Galippe,  i85,  643. 
Gall,  6o4. 
Galton,  321. 
Gattel.  622. 
Gayte,  479. 
Gelineau,  456,  727,  728. 

GeLLÉ,  321. 

Gibert  (du  Havre),  4i4. 
Gilles  de  la  Tourette,  157, 
Ginestoux,  118. 
Glénard,  4x4,  4i5. 
Gorodiche,  7o3. 
Grasset,  106,  159,  191,  aoi. 
Griesinger,  126.  127,  235,  448,  469, 
5o2,  642,  734.  735, 


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INDEX  DES  AUTEURS  CITÉS 


741 


Groos  (K  ),  276,  546. 
GuérviOT,  4i4* 
GuERLiif,  179,  720. 
GuiNON  (G.),  167,  160,  i63. 

GCYAU,  293. 
GUTON,  48,  572. 

Hack  TuKE,  449.  471,  558,  6o4,  728. 

Hàlliok,  191»  226. 

Hammond,  200. 

Hanot,  668. 

Hartenberg,  162,  210,  218,  227,  345, 

347,  377,  ^57,  562,  565,  601,  621, 

622,  716,  722,  736. 
Haskovec,    191,   458,  459,  499»  5o2, 

5o5,  507.  5o8.  623,  642,  782. 
Uecker,  454,  736. 
Heim,  4i2. 
Hénoch,  179,  720. 

HiRSGHBERG,    187. 

HôFFDING,   92,   265,   269,   496. 

Huchard,  l85. 

HUGRES,   662. 

Hume,  478. 

huysmans,  62. 

Iscovesco,  611. 

Jackson  (H.),  557,  6o4. 

James  (WiU.),  43.  94,  378,  455,  462, 

479,  545.  547- 
Janet  (Jules),  48. 
Jastrowicz,  453. 
Jensen,  287. 
Jérusalem  (W.),  479. 
JoFFROY,  64o,  698. 

JOUFFROT,   485,  698. 
JOULIE,   417»   696. 

Kaak  (Hans).  453,  736. 
Ka.'idensky,  94. 
KéRAVAL,  3,  5io,  5ii,  677. 
Kipling  (Rudjard),  535. 
K18H,  622. 
K0R6AKOF,  359. 
kowalewsky,  737. 
/   Krœpelin,  658,  735. 

Krafft-Ebing,    236,    369,    45o,   453, 

472,  658,  664,  667,  725,  729,  735. 
Kribhaber,    28,   283,   286,   289,   291, 

292,  3o6,  309,  3io,  3i2,  317,  5o5, 

726. 


Lacroix,  4i7>  4i8,  424. 

Ladame,  79,  127,  i38,  236,  448,  611, 
703,  724,  727. 

Lagrange,  716. 

Lalande  (A.),  289,  566. 

Lalanne,  206. 
•^ange.  43,  378,  455,  462. 

Lanteir^s,  i42,  38o. 

Lapie  (P.),  276,  345. 

Larboussinie,  86,  87,  88. 

Lasegue,  35,1^24,  623. 

Laycock,  471,  6o4. 

Legrain,  449,  611,  663,  729. 

Legrand  du  Saulle,  5,  98,  ii3,  119, 
i3i,  i5o,  i85,  186,  198,  199,  202, 
2o3,  212,  2i3.  236,  237,  243,  245, 
260.  297.  382,  383,  453,  471,  5o2, 
5i5,  600,  607,  611,  617,  621,  652, 
654,  655.  664,  667.  709.  722.  724, 
725. 

Legroignac.  77.  84- 

Lépine,  87,  691. 

Letulle,  721. 

LsuRET.  i85,  202. 

Levillain,  4ia»  472.  735. 

LôwBNFELD  (de  Munich),  i25.  126,  253, 
437,  622. 

LuBETZKi.  4o3,  4o4,  4o8,  432,  600. 

LuYS,  84,  45o. 

Mac  Farlane,  2i4,  455. 

Magalhaes  (José  de),  457. 

Magnan,  i5,  124,  i33,  176,  2o3,  237, 
44o,  445,  449,  607,  611,  663,  681, 
726,  729. 

Magri,  729. 

Manouvrier,  494,  495. 

Mantegazza,  557. 

Maramdon  de  Montiel,  677. 

Marge,  724,  725. 

MARCHArtD,    225,  226,   227,   46o. 

Marie  (A.),  6oa.  6o3.  663.  666. 

Marinesco,  5o4- 

Marrkl,  184. 

Marro,  389,  524.  542.  557.  617,  618, 

623,  686,  699.  717. 
Martinet  (A.),  696. 
Mathieu.  4i3»  735. 
Maudslet,  i5,  495. 


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INDEX  DES  AUTEURS  CITÉS 


Sérieux  (P.),  5o4. 

ShAW,    200. 

Sholz,  737. 

SOUPAULT,   4l3. 

Souques,  81,  176. 

SouKiAu,  liga. 

Spencer  (Herbert),  478,  /I87,  495,  496, 

556,  601. 
Spinoza,  478. 

Stadelmann  (de  Wûrzbourg),  117,  708. 
Stefani,  85. 
Stout,  494. 
Sydeniiam,  4i* 
Taine.  a8,  3o6,  3i5,  478. 
Talbot,  685. 
Tamburini,   85,    199,   363,   449i  45o, 

59a,  642,  739. 
Tanzi,  255. 

Thibierge,  4a»  186,  ao8. 
TiioMSEN  (de  Bonn),  io4. 
TnoMso.N,  65o. 
Thulié,  67,  720. 
T1S81É,  177,  875,  5ii,  5i5,  557,  708, 

730. 
Tokarskt,  163. 
Tolstoï,  371. 
ToRDBus,  179,  730. 
tournier,  623,  633. 
Trastour,  4i4- 
Trélat,  199.  365,  366,  734. 
Trousseau,  157,  161,  199,  609,  731. 


TscHiscH,  633. 
TuczBCK,  658,  717. 
Valentin,  733. 
Vallon,  84,  603,  6o3. 
Vaschide,   306,   335,   336,   337, 

485. 
Ventra,  633,  735. 

VeRDIN,    330,    338,    381. 
VeRCA,   116,   300. 

Verneuil,  i85. 

ViGouRoux,  419»  663,  666,  677. 
Voisin  (A.),  333,  4o3,  600,   697. 
VuRPAS,  485. 

Wallet,  35. 

Wéber,  303.  734. 

Webber,  4ao. 

Wecker,  391. 

Weir  Mitchell,  3i4,  455,  693,  69 

Wernicke,  86,  453,  658. 

WeSTPHAL,     77,      303,     307,      3l3, 

445.  448,  449.  45i.  453,   459,  I 
643,  703,  734,  735. 

WlGAN,  387. 

Wille,  386,  453,  658,  735. 
William,  303, 
Wright  (E.),  558. 

WUNDT,   236. 
YVON,  419. 
ZiMMERMANN,    631. 

Zola,  63 i. 


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'S^l^f! 


INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Abaissement  de  la  tension  psychologi- 
que, 497,  499»  5oo; et  dériva- 
tion, 559. 

Abasib  hystérique,  46. 

Aboulie  sociale,  345,  347  *»  —  profes- 
sionnelle, 349  ;  —  et  inhibition,  349  > 
—  au  début  de  la  maladie,  638. 

Absolu.  Manie  de  T  — ,  i36. 

Abstrait.  Raisonnement  — ,  sa  place 
dans  la  hiérarchie  psjchologipue,  485. 

AcAROPHOBiE,  186. 

Acquis.  La  maladie  constitutionnelle  et 
la  maladie  —  63 1. 

Action.  Obsession  deT  — ,  57,  de  1*  — 
mauvaise,  59,  de  V  —  extrême,  61  ; 
tendance  à  T  —  dans  l'obsession,  75  ; 
troubles  de  V  —  dans  les  phobies,  201, 
au  début  des  crises  d'agitation,  a4i  ; 
sentiment  d'incomplétude  de  ï  — , 
a65,  de  l'inutilité  de  V  — ,  267,  de 
mécontentement  de  T  — ,  276  ;  peur 
de  r  — ,  266  ;  lenteur  des  — ,  338  ; 
fractionnement  des  — ,  338  ;  retards 
de  r  — ,  338  ;  désordre  des  — ,  34o  ; 
inachèvement  des  — ,  34 1  ;  difficulté 
des  actions  —  nouvelles,  344  ;  la  place 
de  r  —  dans  la  hiérarchie  psycholo- 
gique, 477  î  —  désintéressée,  482  ;  — 
automatique,  483  ;  rôle  de  V  —  dans 
la  tension  psychologique,  490  ;  diffi- 
culté de  r  —  sociale,  570  ;  difficulté  de 
r  —  dans  la  rue,  571  ;  difficulté  de 
r  —  du  mariage,  des  —  génitales, 
573  ;  suppression  de  toute  —  666. 


AsTBESioMÈTRE,  difficulté  de  son  emploi 
chez  les  douleurs,  324- 

Age.  Influence  de  l'âge  sur  la  maladie, 
6i3,  683;  ~  du  début,  6i5. 

Agitation  forcée,  io4  ;  tableau  des  — 
forcées,  io5  ;  —  mentale,  106,  i46, 
467;  —  motrice,  i56,  172  ;  —  émo- 
tionnelle, 182,  2i3  ;  caractères  de  V 
— ,  i55,  180,  235,  552  ;  crises  d'  — , 
172,  239  ;  succession  des  différentes 
formes  de  V  —,  216;  unité  clinique 
des  —  236  ;  les  phénomènes  secon- 
daires de  r  — ,  25o,  466  ;  la  place 
des  —  dans  la  hiérarchie  psychologi- 
que, 486  ;  interprétation  des  — ,  55i  ; 
—  et  dérivation,  56o,  567. 
Agoraphobie,  27, 202  ;  interprétation 
des  —  571. 

Aimer.  Besoin  d'  —  388  ;  besoin  d'être 
—,  32.  40-42,  389. 

Akathisie,  191. 

AkINESIA    ALGER  a,    I9O. 

Alcoolisme.  Impulsion  dans  1'  — ,  84. 

ALGÉsiMi:TRE  à  ressort,  4o5. 

Algie,  182,  i85;  —  avec  hypocondrie, 
52  ;  —  de  la  tète,  187  ;  des  organes 
génitaux,  188;  de  la  vessie,  189  ;  de 
l'anus,  190  ;  sensibilité  dans  les  — , 
196. 

Aliénation.  Danger  de  T  — ,  658. 

Alimentation.  Honte  de  1*  —,  38,  pho- 
bie de  r  — ,  192  ;  — des  malades,  690. 

Alternance  des  troubles  do  la  digestion 
et  des  troubles  cérébraux,  4ia- 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


PHOBIE,  ao5. 

ON.  Senti  ment  d'  — ,  3o3,  3o4. 
F  chez  les  psycbasthéniqiies,  3a8, 
—  continue,  358,  —  dans  la 
cdela  recherche,  ia3. 
de  la  liberté,  276;  —  de  Thon- 
p,  392  ;  —  de  la  justice,  SqS  ;  — 
llôge,  389  ;  obsession  d'  — ,   3o, 

•SIE,   325. 

SE  des  urines,  ^17. 

kSMF,  77,  io5. 

iiQUK.     Représentation    —     des 

•ies,  599-605. 

lÊKiK    chez  les   psychaslhcniques, 

320,  323,  32/5  ;  —  à  la  fatigue 
les  anorexiques,  35. 
SE,  3,  ^^t  47.    182  ;  —  dans  1rs 
s,  198  ;  —   dans   les   phobies  du 
ict,  199;  —  dans   les   agorapho- 

20^  ;  —  diffuse,  21/I  ;  diverses 
es  de   r  — ,   217;  tableau  des  — 

troubles  physiologiques  de  V  — , 

expériences  sur  V  — ,  2I9  :  agi- 
is  dans  1*  — ,  466  ;  paralysies  dans 
,  219  ;  excitation  génitale  dans 
,  221  ;  troubles  digestifs  dans  1' 
222  ;  diarrhées  dans  1'  —,  223  ; 
kiurie   dans  1*  — ,  2  23  ;  troubles 

circulation  dans  V  — ,  223,  22/1, 

troubles  des  sécrétions  dans  1* — , 
;  troubles  de  la  respiration  dans 
,  227  ;  —  physique  et  morale, 
,  troubles  psychologiques  dans  1' 
32  ;  timidité  cl  — ,  3^6  ;  —  et 
ge  épileptiquc,  509  ;  inlerpréta- 
de  r  — ,  56i  ;  —  par  dérivation, 

562  ;  systématisation  des  —  58o. 
KiE,  33.  34,  exagération  des  mou- 
;nts  dans  1*  — ,  35. 
i..  Étal  d'  —  diffuse,    2i4  ;  — 
taie.  232. 
lÉTiQiK.  Manie — ,  118. 

de  rinstruction,  36o  ;   —   des 
mcnls  et  des  émotions,  3oo,  370 
iQLKR.  Remords  — ,  25. 
«ION.    Image  de  1'  — ,  25  ;  —  du 
lu  mental,  3i4,  525-527;  —  par 


les  substances  excitantes,  5a8;  —  par 
le  changement,  529  ;  —  par  Teffort, 
53o  ;  —  par  Tattention,  53 1. 

Ascétisme.  Disposition  à  V  — ,  436. 

AssociATio.N.  Invocation  des  obsessions 
par  I*  —,  71  ;  manie  de  r  — ,  75,  117; 
généralisation  de  1*  — ,  72. 

Attac^ue  hystérique  et  agitation.    179. 

Attente.  Dérivation  dans  V  —  556. 

Attention.  Troubles  de  1*  — ,  344*362, 
363  ;  dédoublement  de  1'  — ,  369  ; 
graphiques  de  T  — ,  364  l  la  place  de 
r  —  dans  la  hiérarchie  psychologique, 
478  ;  rôle  de  1*  —  dans  la  psychasthé- 
nie,  532  ;  excitation  par  V  — ,  53i  ; 
dérivation  dans  les  efforts  d*  — ,  563, 
565  ;  rôle  de  1'  —  dans  la  systémati- 
sation des  troubles,  575,  677  ;  réédu- 
cation de  r  — ,  715. 

Attitude  des  malades,  6  ;  tics  d*  — ,  i65. 

Al'  DELA.  Manies  de  V  — ,  ii3 

Auditif.  Sens  — .  32 1. 

Aura  dans  les  périodes  psychasthéniques, 

44o,  443. 

Automatisme.  Sentiment  d'  —  272,  la 
place  des  actions  —  dans  la  hiérarchie 
psychologique,  483. 

Autoritaire.  Caractère  — ,  195,  393; 
—  et  volontaire,  395  —  dans  le  trai- 
tement. 709. 

Avenir.  Manie  de  1*  —,  126. 

Basuphorie,  190. 

Besoin  de  direction,  3i,  38a,  384;  — 
d'aimer,  388  ;  —  d'être  aimé,  32, 
389  ;  —  d'autorité,  393. 

Boulimie  cl  sentiment  de  faiblesse,  a68. 

Bruits  dans  la  tète,  4oo  ;  peur  dos  —, 
195. 

Caracière  des  scrupuleux,  6a5;  héré- 
dité de  ce  — ,  610;  influence  du  - 
antérieur,  624  ;  influence  du  —  sur  le 
pronostic,  682. 

Cardiaque.  Troubles  —  dans  l'an- 
goisse, 223. 

Cécité    Sentiment  de  — ,  291. 

Céphalalgie,  187,  399;  forme  des  — , 
399,  4o4  ;  localisation  des  — ,  4oi, 
4o5. 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


747 


GcPHALO-KACuiDiEN.  RAle  du  liquîdc  — 

dans  les  céphalalgies,  4o3. 
Cérébrax.  Théorie  —  de  la  psychasthë- 

nie,  6oi-6o5. 
Gérébrosthénib  etcérébrasthénie,  49^. 
GiioRÉB   et   tics,   ^i;  —   dans  la  crise 

d'excitation,  179. 
Chute  de  la  tension  psychologique,  5oi  ; 

—  produite  par  Téinotion,    5a 2  ;  — 
amène  les  dérivations,  569. 

Cicatrices.  Honte  des  —  du  visage,  /^a. 
Circulation.  Troubles  de  la  — ,  ^aa  ; 

—  —  dans   l'angoisse,   aa6  ;   théorie 
circulatoire  de  la  ps^rchaslhénie,  600. 

Classification  des  phobies,  i83  ;  — 
des  algies,  1 86  ;  —  des  variétés  de  la 
psychaslhénie,  643. 

Claustrophobie,  ao5. 

Collection.  Manie  de  la  — ,  ia5. 

Comédie.  Sentiment  déjouer  la  — ,  377. 

Compensation.  Manie  de  la  — ,  i38. 

Complications  de  la  maladie,  667. 

Confiance.  Perle  de  la  — ,  a96. . 

Confusion  mentale,  66,  658,  661,  — 
avec  excitation,  66a  ;  —  avec  démence 
précoce,  66a  ;  diagnostic  de  la  — ,  67a. 

Conjuration.  Manie  des  — ,  i43  ;  for- 
mules de  — ,  i45. 

Conscience  du  corps  et  de  ses  fonctions, 
34  ;  —  dans  l'obsession,  66,  97,  — 
dans  les  tics,  i6a  ;  —  dans  les  agita- 
tions, a 54  ;  troubles  de  la  —  person- 
nelle, 3o8  ;  rétrécissement  du  champ 
de  la  — ,  3 1 9  ;  —  dans  les  crises  de 
psycholepsie  et  dans  les  accès  épilepti- 
ques,  5o4. 

Constipation,  4i4;  —  avec  rétention, 
657  ;  traitement,  69a. 

Constitutionnel.  Maladie  — et  maladie 
acquise,  63 1. 

Contenu  dos  idées  obsédantes,  3,  4 >  54  ; 
interprétation  de  ee  contenu,  596. 

Contraste  dans  l'obsession,  a3,  60  ; 
dans  les  tics,  167  ;  manie  du  — ,  ii5. 

Cortical.  Théorie  —  de  l'obsession, 
60a. 

Crainte  de  la  lutte,  a43,  390  ;  —  de 
l'isolement,  391. 


Crampe  des  écrivains,  45,  190,  ■ 

et  manie  de  la  perfection,  i33;  inter- 
prétation do  la ,  574. 

Crépusculaire.  Etat  —  dans  l'épilcpsie 
et  dans  la  psychasthénie,  5o5-5o7. 

Crime.  Obsession  du  — ,  la.  i5. 

Crise  de  psycholepsio,  5oi  ;  —  d'agita- 
tion, 17a,  178,  —  des  efforts,  17a, 
les  —  de  marche  et  de  parole,  176  ; 
les  périodes  de. — ,  a39  ;  point  de  dé- 
part des — ,  a4i  ;  Faction  au  début  des 
— ,  a4i  ;  l'attention  au  début  des  — , 
344;  l'émotion  au  début  des  — ,  a45; 
les  —  de  fatigue  insurmontable,  35a. 

Critique  de  l'obsession,  67,  96-98. 

Croyance  à  l'obsession,  95-97  ;  troubles 
de  la  — ,  a 45;  place  de  la  —  dans  la 
hiérarchie  psychologique,  479. 

Début  de  la  maladie,  5,  61 5,  —  de  l'ex- 
pression des  idées,  5  ;  les  formes  du 
-,  634. 

Déclamation  dans  le  rêve  et  dans  la 
rumination,  a5a. 

Découragement.  Sentiment  de — ,  397. 

Dédoublement.  Sentiment  de  —  dans 
la  perception,  a84  ;  dans  la  personna- 
lité, 309,  3ia  ;  — de  l'attention,  369; 

—  chez  les  psychasthéniques  et  chez 
les  hystériques,  309. 

Défécation.  Troubles  de  la  — ,  4i4; 
phobie  delà  — ,  194. 

Dégénérescence.  Stigmates  de  ~ ,  61 1  ; 
maladie  de  — ,  63 1,  739. 

Déglutition.  Phobie  de  la  — ,  19a. 

Déja-vu.  Obsession  de  — ,  39  ;  senti- 
ment de  — ,  387,  3i7  ;  interprétation 
de  ce  sentiment,  548. 

Délibération.  Manie  de  — ,  109. 

Délire  mélancolique,  a5,  66,  659,  67a, 

—  des  (lancés,  a6,  6a8,  700,  —  du 
doute,  a6,  —  de  maigreur,  81  ;  — 
de  persécution,  659,  677,  679,  acci- 
dents de  — ,  66. 

Dkmence,  663  ;  —  spéciale,  666. 

Dépersonnalisation.  Obsession  de  — , 
a8,  3io,  3ii,  sentiment  de  — ,  3o5, 
3i5;  —  à  la  suite  d'émotions,  5a i; 
Interprétation  de  la  — ,  549- 


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748 


INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Dérivation.  Théorie  de  la  —  psycholo- 
gique, 554  ;  —  dans  le  rire,  555  ;  — 
dans  l'attente,  555  ;  —  dans  la  dou- 
leur, 556  ;  — dans  Tangoisse,  558, 56 1 , 
56a  ;  —  causée  par  rabaissement  psy- 
chologique, 559  ;  —  dans  les  émotions, 
563  ;  —  dans  l'attention,  56a  ;  — 
dans  la  rumination  mentale,  564. 

Dermatophobie,  186. 

Désintéressé.  Opérations  — ,  leur  place 
dans  la  hiérarchie  psychologique,  48a, 
fréquence  des  opérations  — ,  569. 

Désordre.  Le  —  des  actes.  34o. 

Désorientation.  Sentiment  de  — ,  a85. 

Développement  des  idées,  ici  ;  —  in- 
complet, io3. 

Diable.  Le  culte  du  — ,  11  ;  sentiment 
de  l'action  du  — ,  375. 

Diagnostic  de  la  sitieirgic  psychasthé- 
nique  et  de  l'anorexie  hystérique,  36, 

—  de  la  psychasthénic,  670  ;  —  de 
la  neurasthénie,  671  ;  —  de  la  confu- 
sion, 67a  ;  —  do  la  mélancolie,  67a  ; 

—  de  la  paralysie  générale,  67a  ;  — 
de  la  maladie  des  tics,  674  ;  —  de 
l'hystérie,  674-676  ;  —  des  délires 
systématisés,  676,  677. 

Diarrhées  dans  l'angoisse,  3a3. 

Dieu.  Le  blasphème  contre  — ,  ii  ;  sen- 
timent de  l'action  de  — ,  375. 

Difficulté.  Sentiment  de  — ,  a8i. 

Digestion.  Phobie  de  la  — ,  igS  ;  trou- 
bles de  la  —  dans  l'angoisse,  aaa  ; 
troubles  permanents  de  la  —,  4 10, 
4i4.  alternance  des  troubles  de  la  — 
et  des  troubles  cérébraux,  4i2  ;  abais- 
sement du  niveau  mental  par  la  — , 
5x5. 

Dipsomanie,  18,  80. 

Direction.  Besoin  de  — ,  3i,  38a  ;  — 
mutuelle,  384  *.  traitement  par  la  — , 
706,  707,  715. 

Distraction.   Action  avec — ,48a. 

Domination.  Sentiment  de  — ,  373,  375. 

Douleur.  Sensibilité  à  la  —  dans  les 
algies,  197  ;  diminution  de  la  —  chez 
les  psychasthcniques,  3a5,  douleurs  de 
la  tête,  399-405  ;  —  déterminée  par 


les  insu£Eisances,  554  ;  excitation  par 

la  -,  555. 
Doute,  36,   —  de  l'hallucination,  gS  ; 

—   de  l'obsession,  96-98  ;   sentiment 

de  —,  395,  397. 
Dromomamie,  18,  177. 
Durée  de  l'obsession,  68. 
Dysestuésie   viscérale,    86  ;  —  tactile, 

87. 

Dysmorphophobie,  309. 

Eclipses  mentales,  369. 

Ecriture.  Honte  de  l'  — ,  45  ;  désordre 
de  r  — ,  34o. 

Education,  636;  prophylaxie  par  l'  —, 
686. 

Effort  imaginaire,  i45  ;  la  crise  des  —, 
173  ;  —  de  vomissement,  175  ;  senti- 
ment d'  — ,  365  ;  sentiment  de  l'inuti- 
lité des  —  ,  378  ;  faiblesse  des  — ,  SSg; 
excitation  par  1'  — ,  53o  ;  —  intellec- 
tuel, 533  ;  dérivation  dans  les  — 
d'attention,  563,  565,  567  ;  direction 
des  — ,  715. 

Eloignement.  Sentiment  d*  —  dans  la 
perception,  a86. 

Emotion,  agitation  émotionnelle,  183; 
trouble  de  l'  —  au  début  des  crises, 
a 45  ;  —  d'admiration  au  début  des 
crises,  346  ;  sentiment  d'incomplélude 
dans  les  — ,  398;  sentiment  d'arrêt 
des  — ,  3oo;  difficulté  <le  rexpression 
des  — ,  348  ;  troubles  des  — ,370;  ar- 
rêt des  — ,  370  ;  —  retardante,  378, 
54 1  ;  —  sublimes,  38o  ;  troubles  viscé- 
raux dans  r  — ,  469  ;  —  slhénique, 
535  ;  besoin  de  préparation  dans  1*  — , 
54 1  ;  influence  de  l'  —  sur  l'anorexie, 
35  ;  influence  de  l'  —  sur  le  niveau  men- 
tal, 195,  517;  sur  l'insuffisance  psycho- 
logique, 5 19  ;  sur  l'obsession,  46o, 
465,5 18, 594, 63o  ;  influence  des  petites 
et  des  graves  — ,  578  ;  la  double  émo- 
tion à  l'origine  des  obsessions,  593  ; 
théorie  de  Lange-James  sur  l'  — ,  43  ; 
r  —  phénomène  mental,  533  ;  disso- 
ciation par  r  — ,  533  ;  r  —  et  l'ac- 
tion du  froid,  534  ;  excitation  par  l' 
— ,  536,  537,  543  ;  théories  émotion- 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


749 


nelles.  453.  455.458,46i,  462  ;  V  — 
présente,  sa  place  dans  la  hiérarchie, 
48i,  485  ;  complexité  de  V  — ,  589; 
dérivation  dans  V  — ,  56 1,  563  ; 
rééducation  de  V — ,  711. 

Emotivité,  877,  379,  455  ;  son  rapport 
avec  rémotion,  468,  5ao  ;  dérivation 
dans  r  —,  563,  564. 

ENDOctNE.  Origine  —  des  obsessions, 
64.  584. 

Enfant.  Obsession  d*étre  — ,  82,  4o  ; 
retour  àl'  — ,  891. 

Ennui.  Sentiment  d*  — ,  800,  875. 

Entêtement.  Crises  d*  —  au  début  de 
la  maladie,  638. 

Enthousiasme.  Sentiment  d'  — ,  246, 
880. 

Envie.  Obsession  de  1*  — ,  29. 

Epilspsie.  Impulsions  dans  r  — ,  84  ;  — 
et  photophobie,  196;  —  et  psycho- 
lepsic,  5o2-5i4  ;  —  et  obsession,  5o6, 
5ii,  5i2;  —  et  angoisse,  5o8;  —  et 
rumination,  5 10  ;  —  et  psychasthé- 
nie,  788. 

Estomac.  Troubles  de T  —,  4i2. 

Ereutophobie,  48,  206,  caractère  social 
de  r  — ,  208. 

Etiologie  de  la  maladie,  606  ;  influence 
des  conditions  physiques,  619  ;  in- 
fluence des  conditions  morales,  624  ; 
influence  de  l'éducation,  626  ;  in- 
fluence des  problèmes  de  la  vie,  627, 
628. 

Etonrement,  127. 

Etrange.  Sentiment  de  V  —  dans  la 
photophobie,  196; dans  la  per- 
ception, 288  ;  dans  la  conscience,  811; 
interprétation,  546. 

Euphorie  dans  Tanorexie,  85. 

Evolution  de  la  maladie,  66,  606,  684  ; 
les  variétés  de  l'  — ,  64 1»  645,  646, 
648,  652. 

Excitation.  Crises  d'  — ,  178;  besoin 
d*  — ,  3o3,  385  ;  diverses  excitations, 
528,  529,  58o,  58i,  584,  585,  542, 
555. 

Exécution  partielle  de  l'impulsion,  79, 
80,  82,  88. 


Exogène.  Théorie  —  des  obsessions, 
68. 

Expiation.  Manie  d'  — ,  189. 

Explication.  Manie  d*  — ,  126. 

Expression  des  idées  obsédantes,  4>  5  ; 
difficulté  de  V  —,  848  ;  début  de  1'  — 
des  idées  obsédantes,  684. 

Extatique.  Sentiments  sublimes  des  — , 
882  ;  étaU  —,  660. 

Extrême.  L'action  —  dans  l'obsession, 
61  ;  manie  de  1'  — ,  i85. 

Eczéma,  428. 

Faiblesse  des  efibrts,  889  ;  sentiment 
de  —,  268. 

Faim.  Perle  de  la  — ,  84  ;  exagération 
de  la  —,  268. 

Fanatisme  et  autoritarisme,  897. 

Fatigue.  Anesthésie  à  la  —  dans  l'ano- 
rexie, 35  ;  la  — des  psychasthéniques, 
889,  852  ;  influence  de  la  — ,  5i5. 

Fiancés.  Délire  des  — ,  26,  628,  700. 

Fièvre.  Influence  de  la  — ,  65o. 

Fixité.   Manie  de  la —  des  idées,  ii4. 

Folie.  Obsession  de  la  — ,  28  ;  —  de 
l'interrogation,  126,  —  métaphysique, 
126  ;  — du  doute  et  tics,  286. 

Fonction  du  réel,  43 1,  488;  sa  place 
dans  la  hiérarchie,  477. 

Fontanelles.  Localisation  de  la  cépha- 
lalgie aux  — ,  4o2. 

Forcé.  Caractère  —  des  agitations,  io4  ; 
action  —  dans  les  tics,  i64. 

Forme  dos  obsessions,  3,  65,  596  ;  — 
aiguë,  646;  chronique,  647;  chroni- 
que, 647  ;  intermittente,  648  ;  rémit- 
tente, 652. 

Fugues,  17  ;  —  et  crises  de  marche, 
177. 

Gêne  des  mouvements,  4i  ;  sentiment 
de  — ,  271. 

Généralisation  de  l'association,  72  ; 
manie  de  la  — ,  186  ;  —  de  la  mala- 
die, 655,  656. 

Génital.  Impulsion  — ,  16  ;  hypocon- 
drie — ,  5i,  52  ;  manies  — ,  1 85  ;  ex- 
citation —  dans  l'angoisse,  221  ;  en- 
gourdissement, 878,  425  ;  difficulté 
des  actes  — ,  578  ;  influence  des  trou- 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


blés  —,  6a 3;  excitation  parTémotioD 

Graphiques  de  l'attention,    36^,    365; 

de  la  respiration,  aa8. 
Gkossessr.  Influence  de  la  — ,  6/19. 
GuÉRisuN  naturelle  par  l'âge.  666,  667. 
Habitude.  DifHculté  de  l'acquisition  de 

r  — ,  S^i'i  ;  influence  de   V  —  sur  la 

systématisation,  579. 
Hallucination  hystérique,  56,  73,  86  ; 

—  psychasthénique,  10,  85  ;  —  viscé- 
rales, 86  ;  —  auditives,  87  ;  —  vi- 
suelles, 88  ;  —  du  précipice,  89  ;  — 
symboliques,  89,  9/1,  lao  ;  —  incom- 
plètes, 90,  91,  9a,  94  ;  —  de  la  per- 
sonne vue  au  dehors,  3i4  ;  —  sans 
réalité,  438  ;  la  tension  psychologique 
dans  r  — ,  49a- 

Hébéphuéme,  66a. 

Hérédité,  607,  610,  680. 

Hésitation.  Manie  de  1'  — ,  108,  337. 

Hiérarchie  des  phénomènes  psychologi- 
ques, 180,  487,  474- 

Honnêteté.  Amour  de  V  — ,  39a. 

Honte.  Obsession  de  — ,  aa,  a3  ;  —  du 
corps,  33-4o,  43,  44,  45,  46  ;  senti- 
ment de  — ,  a77. 

Hydrorrhée  dans  la  photophobie,  196; 

—  intestinale,  aa3,  4^4  ;  —  vaginale, 
424. 

Hydrothérapie,  539. 

Hygiène  du  psychasthénique,  690. 

H vPERMNÉsiE  apparente,  118. 

Hypnotique.  Sommeil  —  chez  les  psy- 
chasthéniques,  33o,  33 1,  33a  ;  traite- 
ment par  le  sommeil  — ,  7o3-7o5. 

Hypocondrie  urinaire,  48  ;  — génitale, 
5o-5a. 

Hystérique.  Anorexie  —,  34  ;  idées 
(lies  — ,  65,   99  ;  impulsions  — ,  84  ; 

—  hallucinations,  86,  9a  ;  somnam- 
H)ulisme  — ,    100  ;   attaques — ,  179; 

dédoublement  — ,  309  ;  diagnostic  de 
la  psychaslhénie  et  de  V  — ,  674,734. 

Idéalisme.  Obsession  de  1'  — ,  37. 

Idée.  Fuite  des  — ,  i55  ;  phobie  des — , 
a  10  ;  recherche  des  —  générales,  395. 

Imaginaire.  Sentiment  de  V  — ,  387-389. 


Imbécillité.  Impulsions  dans  1*  — ,  84- 

lM.MOBiLiTé,  comme  tic  d'altitude,  i64. 

Imperfection.  Sentiment  d'  — ,  34. 

Impulsion  criminelles,  i5  ;  —  néga- 
tives, 18  ;  —  dans  Tidée  obsédante, 
75  ;  —  dans  les  phobies,  les  hontes, 
77  ;  —  irrésistibles,  77  ;  résistance  à 
r  — ,  78  ;  exécution  de  1*  — ,  79.  84; 
manie  de  1'  — ,  85  ;  symbole  de  V  —, 
133  ;  r  —  dans  les  tics,  167;  inter- 
prétation del'  —  psychasthénique,  598. 

Inachèvement  des  actes,  34 1  ;  sentiment 
d'  —,  398. 

Incapacité.  Sentiment  d*  — ,  a68. 

Incomplétude  de  Faction,  163  ;  senti- 
ment d*  — ,    364,    380  ; dans 

rémotion,  398  ; dans  le  sommeil, 

3oo  ; et  inquiétude.  3o3  ; 

dans  la  perception  personnelle,  3o5  ; 
tableau  des  sentiments  d'  — ,  437;  in- 
fluence des  sentiments  d*  —  sur  les 
obsessions,  585  ;  interprétation  de  ces 
sentiments,  544,  545. 

Incoordination  dans  Tangoisse,  331  ; 
sentiment  d'  — ,  394. 

Indécision.  Sentiment  d*  — ,  369. 

Indépendance.  Obsession  d*  — ,  3o. 

Indifférence.  Sentiment  d*  — ,  398  ; 
eut  d'  -— ,  373,  374. 

Indolence,  335. 

Inertie  complète,  353,  664. 

Infectieux.  Influence  dei  maladies  — , 
5i4. 

I.NFÉRiEUR.  Caraclère  — des  phénomènes 
de  l'agitation,  a5i  ; des  émo- 
tions dans  Tangoisse,  353  ;  senti- 
raentd'  — ,  3ii. 

Infini.  Manie  deT — ,  i36;  rumination 
sur  r  —  et  épilepsie,  5i3. 

Inhibition  des  actes,  345  ;  aboulie  et — . 

349. 

Inquiétude.  Sentiment  d'  — ,  3oi  ;  — 
et  peur,  3oi  ;  —  et  incomplétude, 
3o3  ;  —  antérieure  à  Téreutophobie, 

44. 

Insomnie,  4o8. 

Instabilité.  Sentiment  d'  — ,  38a  ;  — 
de  l'attention,  363. 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


751 


Insuffisance  psychologique,  819,  ^3o  ; 

—  p8}xhologique,  898  ;  —  déterminée 
par  l'émotion,  621  ;  douleur  détermi- 
née par  r  — ,  554  ;  influence  des  — 
sur  Tobsession,  689. 

Intelligence.  Développement  de  V  — 
chez  les  scrupuleux,  35 ^  ;  sentiment 
d'incomplétude  de  1*  — ,  281,  298, 
36 1  ;  la  place  de  1*  —  dans  la  hiérar- 
chie psychologique,  484  ;  rôle  de  V  — 
dans  Tobsession,  55 1  ;  théories  intel- 
lectuelles de  Tobsession,  45o. 

Internement  des  psychasthéniques,  702. 

Interrogation,  besoin  d'  — ,  294  ;  ma- 
nie de  r  — ,  107  ;  du  sort,  iio. 

Intestinal,  troubles  — ,  4i4. 

Intimidation.  Sentiment  d*  — ,  278. 

Introspection  psychologique  chez  les 
psychasthéniques,  485. 

Inversion  sexuelle,  16,  49.  590. 

Isolement.  Crainte  de  1'  — ,  891  ;  rôle 
de  r  —  dan?  l'agoraphobie,  592. 

Irréel.  Sentiment  de  V  — ,  27,  289  ; 
dans  rhallucinalion,  98. 

Irrésistible.  Impulsion  — ,  77  ;  carac- 
tère —  des  agitations,  255  ;  sentiment 
de  domination  — ,  275. 

Isolement.  —  Sentiment  de  1'  — ,  208, 
28G  ;  crainte  de  1'  —,  891  ;  rôle  de 
r  —  dans  l'agoraphobie,    208,  592  ; 

—  terminal  du  malade,  664. 
Jalousie.  Obsession  de  — ,  590. 
Jamais  vu.  Sentiment  de  — ,  288. 
Jeu.  Excitation  par  le  — ,  542, 
Justice.  Amour  de  la  — ,  898. 
KiNESTHKsiQUE.  Sens  — ,  821. 
Langage.  Phobie  du  — ,  194. 

Légal.  Pronostic  médico ,  688. 

Lenteur.   Manie  de  la  — ,  180  ;  —  des 

actes,  888. 

Liberté.  Amour  de  la  — ,  274  ;  senti- 
ment de  perte  de  la  — ,  278,  275. 

Lutte.  Crise  de  — ,  174*,  crainte  de  la 
— ,  848,  890. 

Maladresse  des  mouvements,  84 1>  486. 

Manie  mentale,  106  ;  de  la  fixité  des 
idées,  70,  ii4  ;  de  l'association,  75  ; 
des  vomissements,  82  ;  de  l'impulsion, 


85  ;  du  symbole,  94,  lao  ;  de  l'hallu- 
cination, 95;  del'au  delà,  118  ;  delà 
précision,  ii3  ;  des  vérifications,  ii4  ; 
de  Tordre,  ii4  :  de  la  symétrie,  ii5; 
du  contraste,  ii5  ;  de  la  contradic- 
tion, 116;  de  Passociation  des  idées, 
117  ;  des  petites  choses,  117  ;  de  l'a- 
rithmétique, 118,  119  ;  de  la  recher- 
che, 122  ;  du  passé,  122  ;  de  Tavenir, 
126  ;  de  l'explication,  de  l'interroga- 
tion, 126;  des  précautions,  128;  de 
la  lenteur,  180  ;  de  la  propreté,  i3o  ; 
de  la  répétition,  181  ;  du  retour  en 
arrière,  182  ;  des  procédés,  i38  ;  delà 
perfection,  i84  ;  de  l'extrême  et  de 
l'infini,  61,  i35  ;  des  généralisations, 
186;  de  l'absolu,  186  ;  de  la  répara- 
tion, 188  ;  de  la  compensation,  188  ; 
de  Texpiation,  189;  des  pactes,  i4i  ; 
de  la  superstition,  i4i  ;  des  serments, 
i4i  ;  des  conjurations,  i48  ;  tableau 
des  —  mentales,  i47  ;  unité  clinique 
des  — ,  i47  ;  rôle  des  —  dans  les  tics, 
i65  :  systématisation  des  —  mentales, 
582. 

Marche.  Troubles  de  la  — ,  46  ;  impul- 
sion à  la  — ,  176. 

Mariage.  Difliculté  du  —  578  ;  in- 
fluence du  —  sur  le  développement  de 
la  maladie,  628  ;  précautions  à  pro- 
pos du  — ,  684t  700. 

Masse.  La  —  des  phénomènes  dans  la 
tension  psychologique,  494- 

Masturbation.  Impulsion  à  la  — ,  17, 
48  ;  son  rapport  avec  les  aboulies  so- 
ciales, 578  ;  influence  de  la  —  sur  le 
début  de  la  maladie,  621-628. 

Mécontentement.  Sentiment  de  — ,  22, 
26,  276. 

Médication  sédative,  698  ;  bromurée, 
694  ;  tonique,  695. 

Mélancolie.  Délire — ,25  ;  — anxieuse, 
66,  659  ;  sentiments  — ,  875  ;  dia- 
gnostic de  la  — ,  672. 

Mémoire.  Exagération  de  la  — ,  858  ; 
—  retardante,  858  ;  place  des  diverses 
formes  de  la  —  dans  la  hiérarchie, 
48o,  488, 


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752 


INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


MfeiNSOMGE.  Sentiment  de — ,  277. 
Mentisme,  100,  i55. 
Métaphysique.  Manie,  ia6,  ia8. 
MicROMAifiE,  117,  195. 
Miction.  Scrupule  de  la  — ,  48. 

MiSONÉISME,   344* 

Morphine.  Manie  de  la  —,  80  ;  influence 
de  la  — ,  5a9  ;  traitement  par  la  — , 

697- 

Mort.  Obsession  de  la  — ,  52  ;  senti- 
ment de  la  — ,  3 16,  377. 

Mouvement.  Exagération  du  — ,  35  ; 
honte  des  — ,  4i  ;  caractère  inférieur 
des  —  dans  les  tics,  181  ;  troubles  des 
—  dans  l'angoisse,  aao,  aai  ;  mala- 
dresse des  — ,  34 1  ;  — subconscients, 
a 29  ;  rôle  des  —  dans  la  tension  psy- 
chologique, 489  ;  excitation  par  le  — , 
53i. 

Musculaire.  Sensibilité  — ,  3a i  ;  sa 
mesure,  3a  i. 

Mystérieux.  Sentiment  du  — ,  a75,a94- 

Néologismes,  7. 

Neurasthénie  du  début,  635  ;  psychas- 
thénie  et  — ,  736. 

Névropathie  cérébro-cardiaque,  309  ; 
et  épilepsie,  5o5. 

Niveau  mental  défini  par  les  degrés  de 
la  tension  psychologique,  496  ;  oscilla- 
tion du ,  498  ;  inlluences  qui  dé- 
terminent rabaissement  du  —  — , 
5i4  ;  l'ascension  du ,  525. 

Nouveau.  La  place  de  l'action  —  dans 
la  hiérarchie,  477  î  difficulté  des  actes 
-.  344. 

Nutrition.  Troubles  de  la  — ,  4i5,  657. 

Obéissance,  343. 

Obligation.  Sentiment  d*  —  sacrée, 
275. 

Obsession  du  sacrilège,  9  ;  du  crime, 
12  ;  de  la  honte  de  soi,  aa  ;  de  la  fo- 
lie, a8,  589  ;  de  dépersonnalisation, 
28  ;  d'envie,  29  ;  d'indépendance,  3o  ; 

d'amour,  3o,  591  ;  d'être  un  enfant,  32  ; 
de  la  honte  du  corps,  33  ;  des  mou- 
vements, t^l  ;  du  faux  col,  4i  ;  des 
yeux,  4i  î  de  l'impotence  des  jambes, 
46  ;  viscérales,    46  ;    urinaires,    47  ; 


génitales,  48-52  ;  de  l'impuissance, 
49  ;  de  la  mort,  52  ;  des  maladies, 
52  ;  tableau  du  contenu  de  T  — ,  54  ; 
r  —  porte  sur  les  actes,  67,  58  ;  — 
d'origine  endogène,  64.  584  ;  forme 
des  — ,  65  ;  —  conscientes.  66,  67  ; 
permanence  et  évolution  del*  — ,  68  ; 
croyance  kl'  — ,  95,  97  ;  développe- 
ment incomplet  de  1*  — ,  io3  ;  V — et 
la  suggestion,  452  ;  —  et  émotion, 
465,  5 18  ;  —  et  épilepsie,  5 11,  5i2  ; 
interprétation  del*  — ,  583,  589  ;  in- 
fluence des  événements  extérieurs  sur 
r  — ,  592,  593  ;  la  double  émotion  à 
l'origine  des  — ^  593  ;  interprétation 
de  la  forme  des  — ,  595,  Sgô. 

Odorat.  Phobie  de  l'  — ,  194. 

ŒokMES,  433. 

Œil.  Gène  des  — ,  4i  ;  obsession  des 
-,  4i. 

Onomatomanie,  124»  i34. 

Ordre.  Manie  de  1'  — ,  ii4. 

Oscillation.  Manie  de  1' — ,  106;  — 
de  la  volonté,  337  *  —  de  la  tension 
psychologique,  498  ;  —  avec  abaisse- 
ment du  niveau  mental,  5i4  ;  — avec 
élévation,  524  ;  —  parle  changement, 
529  ;  — par  l'effort,  53o  ;  —  par  l'é- 
motion, 536  ;  —  de  la  maladie,  648- 
653  ;  —  entre  le  délire  du  scrupule 
et  le  délire  de  persécution,  678. 

Ouïe.  Phobie  de  1'  — ,  195. 

Pactes.  Manie  des  —,  i4i. 

Palpitations  dans  l'angoisse,  224- 

Paralysie  chez  les  psychasthéniques, 
328  ;  diagnostic  de  la  paralysie  géné- 
rale, 672. 

Paresse,  336. 

Parole,  intérieure,  ii4;  impulsion  à  la 

-,  177- 

Passé.  Manie  du  — ,  i25;  sentiment 
du  —,  288. 

Perception.  Trouble  des  —  dans  les 
phobies  des  situations,  20a  ;  troubles 
de  la  —  personnelle,  3o5  ;  inintelli- 
gence des  — ,  36 1. 

PaRFECTioN.  Manie  de  la  — ,  i34,  i35. 

Période  de  la  maladie,  65  ;  —  psychas- 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


753 


théniques,  439*443  ;  —  de  rémission, 
65i,  65a  ;  —  critiques,  654- 
PfiRsécuTioif .  Sentiment  de  — ,  276  ; 

—  dans  la  crise  de  lutte,  174  ;  idées 
de  — ,  590  ;  délire  de  — ,  659.  677, 

679- 

Personmel.  Sentiment  d 'incomplétude 
— ,  3o5  ;  d*étrangeté  — ,  3i  i  ;  d'infé- 
riorité — ,  3ii  ;  de  dédoublement  — , 
3i3  ;  hallucination  — ,  3i4  ;  senti- 
ment de  perte  de  la  personne,  3i5. 

Petitesse.  Sentiment  de  —  dans  la  per- 
ception, a  86. 

Peur  et  inquiétude,  3oi  ;  —  de  la 
lutte,  343. 

Phobie  d'engraisser,  37  ;  baso  — ,  46  ; 

—  des  pets,  47  ;  —  dans  les  obsessions, 
56;  —  des  chemins  de  fer,  i33,  182, 
i83  ;  classification  des  — ,  i83  ;  — 
des  fonctions  du  corps,  47»  190  ;  — 
des  mouvements  des  membres,  190  ; 

—  de  l'alimentation,  delà  déglutition, 
192  ;  —  de  la  digestion.  198  ;  —  du 
ventre,  193  ;  — de  la  défécation,  194  ; 

—  du  langage,  194  ;  —  de  Todorat, 

194  ;  —  de  l'ouïe,    195  ;  photo  —, 

195  ;  —  des  objets,  198  ;  —  du  con- 
tact, 199  ;  miso  — ,  rupo  — ,  200  ;  — 
professionnelle,  201  ;  —  des  situations 
physiques,  201  ;  agora  — ,  202  ; 
claustro  — ,  2o5  ;  érento  —,  42,  ao6  ; 
—-  des  situations  sociales,  ao6  ;  — 
sociale,  210  ;  —  du  mariage,  210  ;  — 
des  idées,  210  ;  —  de  la  folie,  211  ; 

—  de  la  mort,  212;  interprétation  des 

—  professionnelles,  574  ;  localisation 
des  — ,  569-577. 

Phrénolepsie.  Crises  de  — ,  5oi« 
Physiologique.  Insuffisance  — ,  398. 

PoLLAKIUltlE,    223. 
POLYP.^ÉE,    229. 
POLYURIE,   223. 

Pratique.  Défaut  de  — ,  436. 
Précautio:«s.    Manie  des  — ,   128  ;  — 

dans  les  tics,  169. 
Précipice.  Image  du  — ,  25,  121. 
Précision.  Manie  de  — ,  11 3. 
PRéPARAiiON  dans  l'émotion,  54i. 

LES  OBSESSIONS. 


Présage.  Manie  des — ,  iio. 

Présent.  EfTacement  du  — ,  125  ;  sen- 
timent du  — ,  288,  48 1  ;  présentifica- 
tion,  48 1  ;  troubles  dans  les  fonctions 
du  — ,  434,  437. 

Pressentiment,  289. 

Pression  artérielle  dans  l'angoisse,  225. 

Procédé.  Manie  des  — ,  i33. 

Procbssigrammes.  Graphiques  de  l'at- 
tention, 366. 

Professionnel.  Phobies — ,  201  ;  abou- 
lies — ♦  349  ;  l'action  — ,  477  ;  sa 
difficulté,  574. 

Pkomnésie,  289. 

Pronostic,  680. 

Prophylaxie,  684. 

Propreté    Manie  de — ,  117,  i3o,  169. 

Psychasthénique.  Diverses  désigna- 
tions des  — ,  viii  ;  difficulté  de  l'élude 
des  — ,  261  ;  impulsions  — ,  84  ;  stig- 
mates — ,  260  ;  troubles  de  la  con- 
science des  — ,  309  ;  périodes  — ,439- 
442  ;  abaissement  des  — ,  5o2  ;  —  et 
épilepsio,  5i3,  733  ;  —  constitution- 
nelle et  —  acquise,  63 1  ;  variétés  cli- 
niques des  — ,  64 1  ;  marche  de  la 
maladie  — ,  645  ;  —  et  hystérie,  675, 
734  ;  —  et  neurasthénie,  736  ;  —  et 
délire  de  persécution,  678  ;  les  dan- 
gers de  la  — ,  680  ;  unité  de  la  — , 
7a5  ;  interprétation  pathologique  de 
la  — ,  727  ;  définition  de  la  — ,  737. 

PsYCHOi.EPSiE.  Crises  de  — ,  5oi  ;  — et 
épilepsie,  5o2-5i4- 

Psychologique.  Régions  —  du  corps 
humain,  190,  327  ;  hiérarchie  — , 
474  ;  phénomènes  —  élémentaires, 
474. 

Psycho-névrose.  Place  de  la  psychas- 
thénie  parmi  les  — ,  732. 

Puberté.  Honte  de  la  — ,  39  ;  influence 
de  la  — ,  617  ;  —  morale,  618. 

Pudeur.  Exagération  de  la  — ,  4o. 

Pupilles.  Dilatation  des  — ,  409» 

Rachialgie,  4o6. 

Raisonnement,  sa  place  dans  la  hiérar- 
chie, 485. 
Recherche.  Manie  de  — ,  I23. 
1.  -  48 


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754 


INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Reconnaissance.    Sentiment  de  fausse 

-,  38-. 
Ri^:ÉDucATiON.  de  l'émotion  ,711  ;  —  de 

l'attention,  716. 
Rékl.    Le   sentiment  du    — ,  98,  ago, 

433,  435  ;  la  fonction  du  — ,  ix,  43 1  ; 

place  de  la  fonction  du  —  dans  la  hié- 
rarchie, 477  ;  coefficient  de  — ,  487  ; 

perte  de  la  fonction  du  — ,  43  a,  438, 

569  ;  interprétation  de  la  perte  de  la 

fonction  du  — ,  546.       , 
Ri^.FLEXES.  Modification  des  —,  409. 
Refus  d*alimcnts,  33-43. 
Régime  alimentaire,  690. 
Rf^GiONS  psychologiques,  190,  337. 
Règles.  Modifications  des  — ,  426,  4^6  ; 

influence  des — ,  G'ig. 
Religieuse.  Idées — ,  i3  ;  émotions — , 

629. 
Remémoration.  Manie  de  —,  I34- 
Rémission  de  la  maladie,  652. 
Remords.  Obsession  de  — ,  19,  31. 
Réparation.  Manie  de  — ,  i38  ;  --  dans 

les  tics,  170. 
Répétition.  Manie  de — ,  i3i. 
Repos.  Traitement  par  le  — ,  693. 
Représentation    imaginaire,     31   ;    sa 

place  dans  la  hiérarchie,  484. 
Respiration  dans  l'angoisse,  337. 
Responsabilité,    i4  ;    crainte   des   —, 

371. 
Retardant.  Action   — ,  338  ;  mémoiro 

— ,  358  ;  émotion  — ,  378. 
Retour  on  arrière,  Manie  du ,  i33  ; 

—  à  l'enfance,  391. 
Rétrécissement  du  champ  de  la   con- 
science, 319. 

Rêverie  forcée,    i53  ;   disposition    à  la 

—,  368. 
Rêve  et  rumination,  303  ;  sentiment  de 

—,  389,  390. 
Révolte.  Sentiment  de  — ,  379. 
Rhinorrhék,  434. 
Rire.  La  dérivation  dans  le  — ,  550. 
Rumination  mentale,    106,    149,   467  ; 

—  —   et  épilepsie,   5 10  ;  dérivation 
dans  la ,  564. 

Sache.  Sentiment  d'obligation  — ,  375. 


Sacrilège.  Obsession  du  — ,  9-12  ;  sen- 
timent de  — .  300. 

Satisfaction.  Sentiment  de  —  dans  les 
crises,  357. 

Scrupuleux.  Caractère  — ,  5,  57. 

Sécrétion.  Troubles  dos  — ,  237,  4^3. 

Sensibilité.  Troubles  de  la  — ,  320, 
333  ;  régions  de  —,  837 ;  —  du  crâne. 
4o5. 

Sentlment  de  mécontentement,  8,  376; 
d'imperfection,  3^1  ;  d'euphorie  dans 
l'anorexie,  35  ;  de  pudeur,  4o  ;  de  sa- 
crilège, 300  ;  d'isolement.  2o3  ;  de 
mort,  de  folie  dans  l'angoisse,  333  ; 
do  perte  de  la  liberté,  333  ;  d^irrésis- 
tibilité,  356  ;  de  satisfaction  dans  la 
crise  d'agitation,  357  ;  d'incomplé- 
tude,  364,  280,  3i3  ;  deTeffort,  3(35; 
de  la  difficulté,  366  ;  de  l'inutilité  de 
l'action,  367,  378  ;  d'incapacité,  368  ; 
d'indécision,  369  ;  de  gène  dans  l'ac- 
tion, 371  ;  d'automatisme,  373  ;  de 
domination,  I3i,  373*,  d'être  trompé, 
375  ;  de  persécution,  276  ;  d'obUga- 
tion  sacrée,  375  ;  do  mensonge,  de 
comédie,  377  ;  de  honte,  377  ;  d'inti- 
midation, 378  ;  de  révolte,  379  ;  de 
difficulté  do  l'attention,  381  ;  d'insta- 
bilité, 38a  ;  de  perception  incomplète, 
383  ;  d'étrangoté,  388  ;  de  jamais-\ii, 
383  ;  de  dédoublement,  384  ;  de  déso- 
rientation,  385  ;  de  petitesse,  d'éloi- 
gnemont,  386  ;  de  l'imaginaire,  387  ; 
de  déjà->'u,  de  fausse  reconnaissance, 
387,  3i7  ;  du  passé  et  du  présent, 
388  ;  de  pressentiment,  389  ;  de  rcve, 
389,  390  ;  de  cécité,  394  ;  de  dispari- 
tion .du  temps,  391  ;  d'inintelligence, 
393  ;  du  mystérieux,  394  ;  de  doute. 
395,  397  ;  de  découragement,  397  ; 
d'inachèvement,  398  ;  d'indifférence, 
398  ;  d'ennui,  3oo  ;  d'incomplétude 
du  sommeil,  3oo  ;  d'inquiétude,  3oi  ; 
du  besoin  d'excitation,  3a3  ;  d'ambi- 
tion, 3o4  ;  de  dépersonnalisation,  3o5, 
3ii,  3i5,  317;  d'étrangeté  du  moi, 
3ii  ;  de  dédoublement  du  moi,  3i3; 
de  mort,  3x6  ;  arrêt  des  — ,  870  ;  — 


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INDEX  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


755 


mélancoliques,  875  ;  —  d*ennui,  875  ; 
de  la  fin  du  monde,  877  ;  d'enlhou- 
siasmc,  38o  ;  do  vide  dans  la  tête,  4oo  ; 

—  du  réel,  433  ;  interprétation  des  — 
d'incomplctudo,  5^4,  5/» 5  ;  des  — 
d'étrange,  547  *  ^°  ^*^j^  ^"»  ^^^  »  *^®' 

—  de  dépersonnalisation,  5^9  ;  in- 
fluence des  —  d'incomplétude  sur  les 
obsessions,  585  ;  —  pathologiques  au 
début  de  la  maladie,  635. 

Serment.  Manie  du  — ,  i^i. 

Sexe.  Honte  du  —,  89;    influence  du 

—  sur  la  psychaslhénie,  61 3. 
Signification.  Obsession  de  — ,  588. 
Simplification  de  la  vie,  700. 
Social.  Troubles  de»  sentiments  —  dans 

réreutophobie,  208  ;  phobie  des  situa- 
tions — ,  a  10  :  trouble  de  Taclion  — 
au  début  de  l'agitation,  a^s  ;  les  abou- 
lies — ,  3'|5,  347  ;  l'action  —  dans  la 
hiérarchie  psychologique,  477  ;  diffi- 
culté de  Taclion  — ,  570  ;  facilité  de 
l'action  faite  seule,  571  ;  éducation  —, 
687. 

Sommeil.  Troubles  du  —  au  début  des 
crises,  a '17,  4o6,  407,  4o8  ;  rôle  de  la 
volonté  dans  le  — ,  4o8,  478  ;  senti- 
ment d'incomplétude  du  — ,  247. 

Somnambulisme  hjstérique,  100. 

SouRiKE  obsédant,  209.  • 

Spécialisation  des  insuffisances,  569. 

SPHIGMOMANOMkTRE,  4ai- 

Stigmates  psjcbasthéniques,  a6o  ;  — 
hj^stériques,  819,  3ao  ;  —  physiques 
de  dégénérescence,  611. 

Stratification  des  idées,  656. 

Stupei'r,  658,  661. 

Subconscient.  Mouvement  — ,  839. 

Sublime.  Émotion  — ,  38o. 

Substitution  d'une  manie  mentale  à 
une  autre,  149;  des  agitations,  238; 
des  phénomènes  secondaires  aux  pri- 
maires, 248  ;  des  obsessions,  656. 

Suggestion,  rôle  dans  l'obsession,  63, 
452  ;  —  hypnotique,  76,  102,  333, 
334  ;  obéissance  et  — ,  343  ;  traite- 
mont  par  la  — ,  702. 

Suicide.  Impulsion  au  —,  i5. 


Superstition.  Manie  des  —,  112, 'i4i' 
Surveillance  de  soi-môme,  129,  i3o. 
Symbolique.  Hallucination  —,  94,  109, 
lao  ;  manie  — ,  lao  ;  lutte  — ,  175  : 

—  dans  la  perception,  569  ;  influence 
de  la  manie  —  sur  les  obsessions,  585. 

Symétrie.  Manie  de  la  — ,  ii5. 

Synthèse  mentale  dans  la  tension  psy- 
chologique, 491* 

Systématisation  de  la  dérivation,  568, 
571,  578  ;  délires  — ,  659,  676. 

Tableau  des  obsessions,  54  ;  —  des  ma- 
nies mentales,  i  ^7  ;  —  des  agitations 
motrices,  181  ;  —  des  agitations  émo- 
iionneUes,  a34  ;  —  des  sentiments 
d'incomplétude,  4^7  i  —  des  insuffi- 
sances psychologiques,  43o  ;  de  la  hié- 
rarchie psychologique,  487. 

Taphéphobie,  21a. 

TfeMPs.  Sentiment  de  disparition  du  — , 
291. 

Tendance  à  l'action  dans  l'obsession,  75. 

Tension  sanguine,  4ao  ;  —  psycholo- 
gique, 445,  448,  494  ;  oscillations  de 
la ,  497,  498,  569.  668  ;  relève- 
ment thérapeutique  de  la  — ,  711. 

Terminaisons,  663,  669. 

Théories  des  obsessions,  445  ;  —  in- 
tellectuelle, 448,  45o  ;  —  émotion- 
nelle, 453,  458  ;  —  psychasthénique, 
470  ;  —  des  senlimei^ls  d'incomplé- 
tude, 544  ;  —  des  agitations  forcées, 
552,  567  ;  —  de  la  dérivation  psycho- 
logique, 554  ;  —  de  l'angoisse,  56 1  ; 

—  des  crises  de  psycholepsie,  567  ;  — 
des  troubles  systématisés,  568  ;  —  des 
agoraphobies,  571  ;  des  obsessions, 
598  ;  —  anatomiques,  599-602  ;  —  de 
l'unité  du  syndrome,  725  ;  —  de  la 
dégénérescence,  728. 

Tics  et  chorce,  4i  ;  caractères  des — , 
131,  157,  16 i  ;  les  —  des  divers  or- 
ganes, i58;  les  —  d'attitude,  159; 
classification  des  —,  i64  ;  —  de  per- 
fectionnement, i64  ;  —  de  défense, 
170  ;  —  la  dérivation  dans  les  — , 
56o  ;  la  systématisation  des  —,  583  ; 
les  —  au  début  de  la  psychasthénie. 


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'WWr^\ 


TABLE  DES  CHAPITRES 


Page». 

INTRODUCTION VU 

PREMIÈRE  PARTIE.  —  ANALYSE  DES  SYIVIPTOMES.  i 

CHAPITRE  I.  —  LES  IDÉES  OBSÉDANTES.     ...  3 

PREMIÈRE    SECTION.  —    LE    CONTENU    DES    IDÉES    OBSÉDANTES.        .  4 

1.  V Expression  des  idées  obsédantes 4 

2.  L'Obsession  du  sacrilège 9 

3.  L'Obsession  du  crime la 

4.  L'Obsession  de  la  honte  de  soi a  a 

5.  V Obsession  de  la  honte  du  corps 33 

6.  Les  Obsessions  hypocondriaques 5o 

7.  Les  caractères  communs  de  ces  obsessions 54 

DEUXIÈME    SECTION.  LA    FORME    DES    OBSESSIONS.    ...  65 

I.  La  permanence  et  l'évocation  de  V Obsession 68 

a.  La  tendance  à  l'action^  l'absence  d'exécution 75 

3.  La  tendance  à  la  représentation^  V hallucination  symbolique.    .     .  85 

4.  La  tendance  à  la  croyance  et  le  critique  de  l'Obsession gS 

5.  Le  développement  incomplet  de  l'idée  obsédante 99 

CHAPITRE  H.  —  LES  AGlTATIOxNS  FORCÉES..     .     .  io4 

PREMIÈRE    SECTION.  LES    AGITATIONS    MENTALES.     .               .  Io6 

i.  Les  manies  mentales  de  l'oscillation 106 

I.  La  manie  de  rinlerrogalion 107 

a.  Les  manies  de  riiésitalion,  de  la  délibération.  .......  108 

3.  Les  manies  du  présage  Ou  do  Pinterrogation  du  sort 110 

a.  Les  manies  de  l'au  delà ii3 

I.  Les  manies  de  la  précision ii3 


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TABLE  DES  CHAPITRES  759 

2.  Les  crises  d'agitation  forcée 289 

I.  Les  périodes  de  crise aSg 

a.  Le  point  de  départ  des  crises 24 1 

3.  La  substitution  des  phénomènes  secondaires  aux  primaires,     .     .  348 

4.  Les  caractères  apparents  des  agitations 253 

CHAPITRE  m.  -  LES  STIGMATES  PSYCHASTHÉNIQUES..  260 

PREMIÈRE    SECTION.  LES   SENTIMENTS    d'iXCOMPLIÇtUDE.     .       .  264 

1.  Les  sentiments  d*incomplétude  dans  l'action 2C4 

I.  Le  sentiment  de  difliculté 266 

—  d^incapacité 268 

—  d'indécision 269 

—  de  gène  dans  Faction 271 

—  d^automalisme 272 

—  de  domination 273 

—  de  mécontentement 276 

—  d'intimidation 278 

9.         —         de  révolte 279 

2.  Les  sentiments  d'incomplétude  dans  les  opérations  intellectuelles.  281 

1.  Le  sentiment  de  difficulté  des  opérations  intellectuelles 281 

2.  —         de  perception  incomplète 282 

3.  —         de  conception  imaginaire 287 

4.  —         de  disparition  du  temps 291 

5.  —         d'inintelligence 298 

6.  —         de  doute 296 

3.  Les  sentiments  d'incomplétude  dans  les  émotions 298 

i.  Le  sentiment  d'indifférence 298 

2.  —         d'inquiétude 3oi 

3.  Le  besoin  d'excitation,  l'ambition 3o3 

4.  Les  sentiments  d'incomplétude  dans  la  perception  personnelle..     .  3o5 

1.  Le  sentiment  d'étrangeté  du  moi 3ii 

2.  —         de  dédoublement 3 12 

3.  —         do  dépersonnalisa  lion  complète 3i5 

DEUXIÈME    SECTION.   —    LES    INSUFFISANCES    PSYCHOLOGIQUES..       .  3x9 

I.  Les  symptômes  de  rétrécissement  du  champ  de  la  conscience.  .     .  319 

1.  Les  anesthésies 819 

2.  Les  mouvements  subconscients • 829 

3.  Le  sommeil  hypnotique 33o 

4.  La  suggestion 333 


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TABLE  DES  CHAPITRES 

ubles  de  la  volonté 335 

'indolence 335 

'irrésolutioiT 336 

B  lenteur  des  actes 338 

es  retards 338 

B  faiblesse  des  efforts 339 

»  fatigue -   .       339 

B  désordre  des  actes 3^0 

'inachèvement 3^i 

absence  de  résistance 343 

c  misonéisme 344 

îs  aboulies  sociales,  la  timidité 345 

îs  aboulies  professionnelles 349 

aboulie  et  l'inhibition 349 

ÎS  fatigues  insurmontables 353 

is  inerties 353 

ibles  de  l'intelligence 354 

(S  amnésies 355 

arrêt  de  l'instruction 36o 

inintelligence  des  perceptions 36i 

IS  troubles  de  l'attention 36a 

rêverie 363 

s  éclipses  mentales 369 

ibles  des  émotions  et  des  sentiments 370 

indifférence 372 

s  sentiments  mélancoliques 375 

L'moiivité 377 

s  émotions  sublimes 38o 

besoin  de  direction 383 

besoin  d'excitation 385 

besoin  d'aimer 388 

besoin  d'être  aimé 389 

crainte  de  l'isolement 391 

retour  à  l'enfance 391 

imour  de  l'honnêteté 393 

besoin  d'autorité 393 

HOISIÈME  SECTION.  —  LES   I?(SUFFISA7tCES  PHYSIOLOGIQUES.  .       .  398 

ibles  des  fonctions  nerveuses 398 

B  céphalalgies  et  les  rachialgies 399 

i  troubles  du  sommeil 4o6 

i  modifications  des  réflexes 409 

blés  des  fonctions  digestives 409 

\  troubles  gastriques 4io 


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TABLE  DES  CHAPITRES  7t$l 

a.  Les  troubles  intestinaux 4iA 

3.  Les  troubles  de  la  nutrition tiib 

4.  Les  troubles  urinaires 4 16 

3.  Les  modifications  de  la  circulation 4ao 

I.  Les  modifications  de  la  tension  sanguine 4ao 

a.  Les  troubles  vaso-moteurs  et  sécrétoires ^aa 

4.  Les  troubles  des  fonctions  génitales 435 

QUATRIÀMB  SBCTION.   —    LES    CARACTtRES  GÉNÉRAUX  DE    L*ÉTAT    P8Y- 

CBASTHéNIQUB 4a  7 

I.  L'incomplétude  morale.*. 4^7 

a.  La  perte  de  la  fonction  du  réel 43 1 

3.  Les  périodes psyckasthéniques 439 


DEUXIÈME   PARTIE^    —   ÉTUDES    GÉNÉRALES    SUR 
L'ABAISSEMENT  DE  LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE.     443 


CHAPITRE  I.  —  LES  THÉORIES  PATHOGÉNIQUES. 

LES  MODIFICATIONS  DE   LA  TENSION  PSYCHOLOGIQUE.  445 

PREMliRS  SECTION.    —    THÉORIES    INTELLECTUELLES  ET  THÉORIES 

ÉMOTIONNELLES 44^ 

I.  L'exposé  des  théories  intellectuelles 448 

a.  La  discussion  des  théories  intellectuelles 45o 

3.  L'exposé  des  théories  émotionnelles 453 

4.  La  discussion  des  théories  émotionnelles 458 


DEUXIÈME  SECTION.  LE   PRINCIPE  DE  LA  THÉORIE  PSTCHASTHÉKIQUE.  470 

I.  Le  résumé  historique  des  théories  psychasthéniques 471 

a.  La  hiérarchie  des  phénomènes  psychologiques 474 

3.  La  tension  psychologique 488 

4.  L'abaissement  de  la  tension  psychologique 497 

5.  Le  rapport  des  crises  de  psycholepsie  avec  les  accès  épilepiiques.  5oa 

6.  L'oscillation  du  niveau  mental.  —  Les  influences  qui  déterminent 

l'abaissement 5i4 

I.  L'influence  des  maladies 5i4 

a.  L'influence  de  la  fatigue 5i5 

3.  L'influence  des  émotions 517 

LES    OBSESSIONS.  I.    49 


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TAl 

veoi 

I.  . 

niv< 

;itan 

inge 

>uvei 

tlenl.^ 

Qotion 535 

lOîc.  —  l'interprétation  des  symptômes.  .  544 

mtiments  d'incomplétude 544 

gUa  lions  forcées 55 1 

agitations  forcées 55a 

dérivation  psychologique.    .      .           ....  554 

5  les  agitations  et  les  angoisses 56o 

\  la  rumination  mentale.  .     .           564 

oubles  systématisés 568 

les  insuffisances  psychologiques 569 

de  la  dérivation 57$ 

dée  obsédante 583 

D  du  contenu  des  idées  obsédantes 584 

Dtiments  d'incomplétude  sur  le  contenu  des  idées 

585 

uffisances  psychologiques  sur  le  contenu  des  idées 

589 

nements  extérieurs  sur  le  contenu  de  Tobsession.  59a 

)  la  forme  de  l'obsession 596 

tomique  des  théories 599 


PITRE  n.  -  L'ÉVOLUTION 606 

tCTIOK.  LES  CONDITIONS    ÊTIOLOGIQUES.     .  6o6 

607 

es  de  dégénérescence 611 

6i3 

les  déterminantes.   .  618 

s  déterminantes 6a4 

6a4 

6a6 

la  vie 637 

nels 63o 


psychasthénie  constitutionnelle  et  acquise.      63 1 


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TABLE  DES  CHAPITRES  763 


DEUXIÈME    SECTION.  l'ÉVOLUTIOPÏ    DE    LA    MALADIE.  .       .  634 

I.  Les  formes  du  début 634 

I.  Les  sentiments  pathologiques 635 

a.  Les  aboulies 638 

3.  Les  tics ......  639 

a.  Les  principales  variétés  cliniques 64i 

3.  La  marche  de  la  maladie 645 

I.  La  forme  aiguë 646 

a.  La  forme  chronique 646 

3.  La  forme  intermittente 648 

4.  La  forme  rémittente 65a 

5.  Les  périodes  critiques 654 

4.  Les  complications 657 

I.   Les  accidents  phj^siques 657 

a.  L*aliénation 658 

5.  Les  terminaisons 663 

I .  L'inertie  et  Tisolement 664 

3.  La  guérison  relative 666 


CHAPITRE  ni.  -  LE  DIAGNOSTIC  ET  LE  TRAITEMENT.  .  670 

PREMIÈRE  SECTION.  —   LE  DIAGNOSTIC 67O 

DEUXIÈME    SECTION.   LE  PRONOSTIC.      ...  680 

TROISIÈME    SECTION.  LA    THÉRAPEUTIQUE 684 


1.  La  prophylaxie 684 

a.  Le  traitement  physique 688 

I.  L'alimentation  et  rhygiène 690 

a.   La  médication  sédative.  .  '. 693 

3.  La  médication  tonique ...  695 

4.  Le  traitement  par  les  agents  physiques 698 

a.  Le  traitement  moral 699 

I.   La  simplification  de  la  vie 700 

a.  Le  traitement  par  la  suggestion 70a 

3.  La  direction  morale*  la  réponse  à  la  question 706 

4.  Le  relèvement  de  la  tension  psychologique,  la  rééducation  de  Té- 

motion 711 

5.  La  direction  des  efforts,  la  rééducation  de  l'attention 715 


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