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Full text of "Les personnages des Rougon-Macquart, pour servir à la lecture et à l'étude de l'œuvre de Émile Zola"

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V  Les  rougôn-macqùart- 'V 


i 


LES  PERSONNAGES 

■■■'■"■    BES    '  .'■'.-■    -;     ■^•■ 


B  SERVIR  »  U  LECTDBE  Et  À  L'ÉTUDE  Ie  L'âuVRE  DB 

;  EMILE    ZOLA  :.t 


■  .\      PARIS-..'     ;.• 
'  BlBLlOTHÈQHE-CHAliPENTIER 


--v^..;: 


LES  PEIISONNAGES 

ROUGO.X-MACQLIART 


EUGÈNE  FASQUELIE,  ËDITEMR.   11,  ROI  DE  GRENELLE 


OUVRAGES  OU  MÊME  AUTKUK 

DANS    LA    BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER 
à  3  fr.  50  chaqu*  volun*. 

LES   ROUGON-MACQUART 

■  isTOine  5ATcnsLLi  rr  •uculb  d'oui  rAMiixt  •oct  ls  «bco^d  bupiri 

LA  FORTUNE  DES  ROUOON 35*  mUl*. 

LA  CURÉE AV  milU. 

LE  VENTRE  DE  PARIS 43*  milU. 

LACONOUtTE  DE  PLASSANS 37*  miUe. 

LA  FAUTE  DE  L'ABBÉ  MOURET h^  mille. 

SON  EXCELLENCE  EUOÈNE  ROUOON 32*  mille. 

!  L'ASSOMMOIR. 145*  mille. 

UNE  PAGE  D'AMOUR U4«  mille. 

i  NANA 103«  mille. 

!  POT-BOUILLE 9i*  mille. 

AU  BONHEUR  DES  DAMES 7â«  uUle. 

LA  JOIE  DE  VIVRE &4«  luille. 


;  GERMINAL. 110*  uille. 

'  L'ŒUVRE 60*  mUle. 

LA  TERRE • iâ9«  mille. 

LE  RtVE Ii0«  miUe. 

LA  BÊTE  HUMAINE 9l>*  mille. 

L'APCENT S9'  mille. 

i  LA  DÉBÂCLE âU7«  mille. 

LE  DOCTEUR  PASCAL 90-  mUle. 

LES   TROIS   VILLES 

LOURDES I5i*  mille. 

ROME. 106*  mille. 

PARIS 88*  mille. 

^    LES   QUATRE    ÉVANGILES 

FÉCONDITÉ 'Jl«  mille. 

TRAVAIL 77»  mille. 

ROMANS    ET    NOUVELLES 

CONTES  A  NINON.  Nouvelle  ëditioo 

NOUVEAUX  CONTES  A  NINON.  Nouvelle  édition 

LA  CONFESSION  DE  CLAUDE.  Nouvelle  édition 

THÉRÈSE  RAOUIN.  Nouvelle  édiUon 

MADELEINE  F ÉRAT.  Nouvelle  édition 

LE  VŒU   D'UNE  MORTE.  Nouvelle  édition 

LES  MYSTERES  DE  MARSEILLE.  Nouvelle  édition 

LE  CAPITAINE    BURLE.  Nouvelle  édition 

NAIS   MICOULIN.  Nouvelle  édition 

THÉÂTRE 

THÉRÈSE    RAOUIN.    ~  LES    HERITIERS   RABOURDIN.   — 

LE   BOUTON  DE  ROSE 

ŒUVRES    CRITIQUES 

VES  HAINES 

LE  ROMAN  EXPÉRIMENTAL 

LE    NATURALISME   AU    THÉÂTRE 

NOS  AUTEURS  DRAMATIQUES 

LES   ROMANCIERS   NATURALISTES 

DOCUMENTS   LITTÉRAIRES 

UNE  CAMPAGNE,   1880-1881 

NOUVELLE  CAMPAGNE.    1896 

LA   VFHIT^    EN    MARCHP 


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^    -       ...  .  ^    ,   , 
LES    ROUCON-MACQUART 


LES  PERSOANVGES 


EIVIILE  ZOLA 


PARIS 
BIBLIOTIIÈQUE-CIIADPENTIER 

EUeÈNE   FASQUELLE,  ÉDITEUR 

11,  nUE   DE  GnEKELI.E,    H 

1901 


PRÉFACE 


Eii  di-nombrnnl  1rs  douze  cenls  personnages  des  I 
Maci|uai'l,  en  ri-£uinant  leurs  faiu  et  ;jësIgs  i> 
vin^t  volumes,  l'uiiteur  n'a  pas  piTdu  de  vue  qu 
avoir  un  intért't  véritable,  son  livre  devait  respeL 
seuleuient  le  lond,  mais  la  forme  même  de  In 
L'onsidOruble  d'Éniite  Zola.  Aussi  Irouvera-l-on 
taincs  tournures  caractêristiqnes,  dt-s  phrases  ( 
jusfjn'à  des  alinéas  complets,  puisés  dans  le  t 
frand  écrivain.  Mais  toute  pensée  de  plagiat  d 
ÉcnrlOe,  puis']ue  riiuii|ue  et  très  mince  mérite 
prétende  l'auteur  consiste,  non  dans  l'évocation 
foule  vivante  et  agissante,  mais  dans  sa  simple 
ordre,  dans  son  classement  al|iliab:-tiqiio. 

Cojiru  il  y  a  trois  ans,  alors  (pic  Zola  proscrit, 
dans  les  siens,  presque  déchu  de  la  qualité  de 
français,  attendait  dans  un  silence  voulu  et  dcu 
l'heuru  Ol-  la  .jusli-'e,  ce  travail  n'élair  pas  desi 
publicité  :  il  devait  être  olfert  à  l'auteur  des  I 
Maeqitarl  en  un  exemplaire  uniipie,  comme  Tbi 
tout  persiiunel  d'un  passant,  d'un  admirateur  i 
Mais,  après  cxairien,  on  a  pensé  qne  le  puldic  et  li 


II  PRÉFACK 

analytique,  véritable  annexe  utile  à  tous  ceux  qui.  désor- 
mais, voudront  étudier  rationnellement  V  <  Histoire  natu- 
relle et  sociale  d*une  famille  sous  le  second  Empire  >.  Si, 
en  eiïet,  le  Docteur  Pascal  est  la  conclusion  scientifique 
de  cette  œuvre  immense,  s'il  résume  en  larges  traits  la 
vie  d'Adélaïde  Fouque  et  de  ses  descendants  jusqu'à  la 
quatrième  génération,  il  laisse  volontairement  de  côté  tout 
ce  qui  gravite  autour  d*eux,  les  mille  autres  personnages 
créés  par  Zola,  véritable  monde  où  s'agite  toute  l'huma- 
nité. 

Qu'on  lise  avec  soin  celle  nomenclature,  qui  commence 
à  la  petite  brunisseuse  Adèle  pour  finir  à  Zué  la  proxé- 
nète. On  y  trouvera  la  vie  contemporaine,  avec  ses  beautés, 
SCS  hontes  et  ses  angoisses.  Des  prêtres  comme  Faujas, 
des  juges  comme  Denizet  ou  Delcambre,  des  politiciens 
comme  Iluret  ou  le  baron  Gouraud,  des  fonctionnaires 
arrivistes  comme  Léon  Josserand  ou  sceptiques  comme 
Caiiiv-Lamotte,  des  militaires  comme  le  colonel  Jobelin 
eu  le  g«''néral  Bourgain-Desfeuilles,  justifient  par  leur 
ineulalilé  tout  le  trouble  où  s'enlize  noire  époque.  Si 
chacun  d'eux  n'est  qu'un  comparse,  ils  prennent  dans 
l'ensemble  un  aspect  redoutable,  ils  sont  la  vérité  même. 
Du  Poizat,  Mélanie  Correur,  Gilquin.  Kahn,  la  terrible 
bande  u'Eugène  Rougon,  toujours  affamée,  toujours  prête 
à  mordre,  expliquent  chez  les  ministres  du  jour  tant  de 
contradictions  el  de  palinodies.  El  quelle  saisissante 
!  enquête  sociale  que  ce  résumé  où  les  représentants  des 

I  vieille-  classes,  le  marquis  de  Bohain,  le  comte  de  Beau- 

i  villiers.  le   marquis  de   Chouard,  se   coudoient   avec   le 

\  banquier-roi  Gundermann,    Taclionnaire   Léon  Grégoire, 

\  rindu>lri»'l  Deneulin,  l'avoué  des  Jésuites  Théophile  Venol, 

Son  Allcsse  Royale  le   prince  d'Ecosse,  fulur   souverain 
;  élran;:or,  —  tous  ces  diri;îeanls  mélanjîés  aux  humbles. 


révollès  aussi,  le  logicien  Sigismoiul  Biisch,  l'insliluteiir 
Lequi?i]  L-l  le  plus  résolu  île  tous,  l'implac^ible  ennemi  îles 
l  Hclu'S  d'eu  bas  el  des  jouisseurs  d'en  haut,  Souvarine. 

L'i'ilifice  des  Rougon-Macquarl  a  élè  élevé  en  vingt 
aniiOes,  el  la  crilit|ue,  voloniters  aveugle  et  sourde,  a 
parfois  aiïecté  de  n'apercevoir  qu'un  lien  Trngile  entre  les 
vingt  ouvrages  qui  le  coinpiisunt.  La  publlcutinn  acluelle 
répond  à  cette  opinion;  elle  démontre  l'unité  de  l'ensemble. 
Les  bourgi'ois  provini^iaux  de  la  Conquête  de  Plassans  et 
le?  houliquicrs  parisiens  de  Pol-Boiiille,  les  ouvriers  de 
['Assoinmoire\.]es  mineurs  de  Germinal,  les ^ipres paysans 
de  la  Terre  el  les  boursiers  affairés  de  ['Argent,  les 
artistes  iiuiniels  de  VŒurre  el  les  soldats  démoralisas  do 
la  Drhùcle,  conçus  à  des  époques  diirérenles,  n'en  ont  pas 
moins  une  fralemilé  étroite.  D'un  volume  â  l'autre,  le 
jnédecin  Pascal  Uougon  tend  une  main  amie  au  romancier 
T'ierre  Sandoz;  Albine,  la  libre  fée  du  Panidou,  est  bien 
la  sœur  de  Marie  CliarLtegreil  et  de  la  petite  brodeuse 
Angélii]uc:  i'auliue  Qupuu,  Ili'nricile  Levasseur,  Mar- 
celle M ;iN gendre,  Denise  Baudu,  parrailes  créatures  de 
devoir,  de  dévouement  el  de  sacrifice,  sont  les  filles  leii- 
drenienl  unies,  lendrenient  aimées,  d'un  même  père;  la 
princesse  d'Orviedo,  qui  distribue  sa  Torlune  aux  pauvres 
et  s'enlerre  vivanle,  possède  un  lirait  commun,  la  purrîlê 
de  l'idéal,  avec  la  farouche  Aiinouchka,  qui  meurt  cnura- 
geusemenl  pour  sa  foi.  El  si  la  critique  est  en  veine  de 
découvertes,  elle  doit  apercevoir,  à  travers  les  rudesses  des 
Rougon-Macquarl,  toute  une  jdciade  d'adorables  femmes, 
telles  iiue  nul  auteur  réininisle  n'en  imagina  jamais. 
Si  elle  veut  faire  une  élude  sur  les  Femmes  dans  i'œtivre 
iTÊmiie  Zola,  elle  ajoutera  à  tous  ces  noms  ceux  de  Chris- 
tine Hallegrain,  de  madame  Caroline,  de  Clolilde  Ituugon  ; 


IV  IMîÉFACK 

I  Bijard,  à  Paimyrc  Boulcroue,  aux  filles  de  la  Mahetide, 

!  Alzire  la  petite  bossue  et  la  triste  Catherine,  à  la  Maheude 

surtout,  la  mère  crucifiée.  Quant  aux  réprouvées,  Renée 
I  Béraud  Du  Chàtel,  Séverine  Aubry,  Gervaise  Macquart, 

(  victimes  du  milieu  ou  de  la  tare  héréditaire,  elle  rendra 

justice  à  la  sollicitude,  à  la  tendresse  pitoyable  <|ui  s'af- 
firme chez  Zola  au  plus  vif  et  au  plus  précis  de  l'analyse. 

Dans  un  livre  où  l'histoire  des  Rougon-Macquarl  se 
condense  en  notices  individuelles,  il  était  difficile  de  Wvrc 
vivre  ces  foules  en  marche,  galopades  d'émeutes  ou 
courses  li'épopC-es,  qui  donnent  à  l'œuvre  du  maître  un 
soufllo  si  puissant".  On  a  lente  cependant  de  les  évoquer. 
Mii-'tte  défile,  échevelée,  niante  au  vent,  à  la  tête  de  la 
troupe  insurrectionnelle  qui  envahit  Plassans;  avec 
Hlienne  Lanlier,  les  grévistes  aflaniés  traversent  en  trombe 
tout  le  p.'iys  noir;  devant  tante  Phasie  immobile,  l'élerpel 
fiot  de  voyageurs  roule  sans  fin  sur  la  ligne  du  Havre.  El, 
à  Iheuro  où  l'Empire  s'effondre  dans  le  sang,  le  soldot 
I*icot  nou>  fait  revivre  Wissembourg.  son  camarade  Cou- 
lard  évoque  Frœschwiller  et  la  déroule,  le  docteur  Dali- 
champ  el  Tépicier  Simonnol  nous  monlrent  les  colonnes 
sellées  do  Bavarois  envahissant  Piaucourl;  el,  le  lendemain 
de  Sedan,  c'est  avec  Silvine  Monnge  (jue  nous  visitons  le 
champ  de  bataille,  plein  de  morts,  de  rôdeurs,  de  chevaux 
a  (loi  es. 

L'n  procédé  analogue  a  permis  de  mcllro  ici  quelques 
figures  Iiislori«;ues  ou  légendaires,  dont  Zola  nous  a  des- 
siné la  silhouette.  Kous  verrons  donc  passer  Aristide 
Saccaid,  afficiianl  madame  de  Jeuniont,  sous  l'œil  amusé 
du  comte  de  lîismarck;  le  peintre  Gagnière  fera  défiler 
devant  nous  les  maîtres  de  la  musi.jue,  depuis  Haydn  et 


PRÉFACE  V 

euvoléo  hors  du  réel  ;  avec  le  chasseur  d'Afrique  Prosper 
Sambuc,  nous  assisterons  à  la  mort  glorieuse  du  géitéral 
Margueritte.  Et,  à  plusieurs  reprises,  comme  en  un  fond 
nécessaire  au  tableau  colossal,  l'empereur  se  précisera  à 
nos  yeux,  d'abord  dans  tout  Téclat  d'un  bal  officiel  aux 
Tuileries  avec  Renée  Saccard,  puis  à  Compiègne  et  à 
Saint-Cloud  avec  Clorinde;  le  major  Bouroche  nous  le 
montrera  à  Reims,  la  face  très  pale,  les  yeux  vacillants; 
et,  dès  lors,  Napoléon  III,  incarnation  du  régime  où  se 
sont  développés  et  satisfaits  les  appétits  des  lioiigon- 
Macquart,  nous  suivra  comme  un  fantôme.  Nous  le  retrou- 
verons au  Chéne-Populeux,  chez  le  notaire  Desroches;  le 
fabricant  Dclaherche  noiera  sou  allure  silencieuse  et 
morne  à  la  ferme  de  Bavbel  cl  sur  la  roule  de  Balan;  la 
petite  Rose,  fille  du  concierge  de  la  sous-préfecture  de 
Sedan,  entendra  pendant  la  nuit  ses  plaintes  élouiïées; 
enfin,  après  l'irréparable  désastre,  c'est  encore  Delaherche 
qui  nous  fera  voir  le  souverain,  déchu  et  traînant  sa 
misère,  sur  la  route  de  Donchery. 

Mais  cet  ouvrage  aurait  été  incomplet,  si  «  tout  ce  qui 
traîne  et  tout  ce  qui  se  lamente  au-dessous  de  l'homme  » 
n'y  avait  trouvé  place.  L'immense  tendresse  de  Zola  pour 
les  animaux  donnait  à  ceux-ci  un  droit  de  cité.  Bataille, 
doyen  de  la  mine  du  Voreux,  et  le  pauvre  Trompette 
devaient  fraterniser  avec  Bonhomme,  le  vieux  cheval,  le 
vieil  ami  du  docteur  Pascal  ;  les  bons  cliiens  Mathieu  et 
Bertrand  méritaient  de  revivre  ensemble,  dans  un  niéme 
livre;  l'infortunée  Poloiine,  l'égoïste  Minouche,  le  joyeux 
Gédéon,  et  Alexandre,  et  l'autre  Mathieu,  toute  la  basse- 
cour  de  Désirée  Mourel,  aspiraient  à  se  rencontrer  avec 
César  et  la  Coliche.  Puis,  au-dessous  des  ajiimaux,  les 
élres  inanimés  voulaient,  eux  aussi,  venir  au  rendez-vous: 
Jacques  Lantier  et  Pecqueux  retrouvent  ici  leur  machine 


M  PHÉl'ACE 

aimée,  la  Lison,  douce  et  vigoureuse,  capricieuse  et 
cale  comme  une  femme.  Tous  n*apporlenl-ils  pas 
conlrilailion  à  renquête'universelle?  Celle  machine  < 
Irêe.  ces  bêtes  souffrantes  et  aimantes,  vieillies  et  s 
fiées,  sont  comme  les  ombres  douloureuses  de  tai 
vaincus  de  la  bataille  sociale,  le  maigre  Florent,  le 
chanceux  Henri  Deloncle,  et  le  petit  François  Quittai 
le  pore  Josserand,  et  le  remisier  Massias.  et  le  ' 
Donnemorl,  et  Pauvre-Enfant,  le  pâle  troupier  du  i 
ligne,  dont  Henrielle  AVeiss  berce  doucement  Tag 
CV^l  un  lamentable  concert  qui  adoucit  de  ses  san 
riiistoire  des  Rougon-Macquart,  hymne  à  la  vie,  œuv 
science,  de  justice  et  de  pilié  humaine. 

F.  C.  PaMOND. 


LES    PERSONNAGES 


ROUGON-MACQUART 


V  Adèle.  —  Sœur  de  la  grande  Virginie.  P^'JgJtrunisseuse 
demeiiriim  rue  des  Poisse miiers.  Manijuc  râtelier  deux  jours 
fur  Irois  [ii].  Devient  la  mailresse  d'Auguste  Latitier  et  va 
habiter  avec  lui  du  cûté  Je  la  Glacière  [^35].  (L'assommoir.) 

\l  Adèle.  —  Une  bonne  de  maison  bourgeoise.  Traits  accen- 
lues  de  DretoDue,  cheveuï  couleur  de  clianTre.  A  peine  déliar- 
quéc  de  son  pays,  elle  est  entrée  chez  les  Josseraiid,  des 
maîtres  qui  abusent  de  son  ignorance  et  d^  sa  saleté  pour  la 
mal  nourrir  [.32].  Adèle  est  le  soulTre^^^uleur  dus  autres 
bonnes  de  la  maison,  lajj^âle  sale  et  gauche  sur  laquelle  tout 
le  monde  lape.  Ce  sont  des  injures  conlinuelles,  à  travers 
l'étroite  cour  de  service,  boyau  noir  dont  la  puanteur  d'évier 
mal  tenu  est  comme  l'exhalaison  même  des  ordures  cachées 
des  familles  [136].  Trublol,  toujours  empressé  auprès  des  cui- 
sinières et  des  femmes  de  chambre,  devient  l'amant  de  la 
pouilleuse  Adèle  qui,  un  peu  plus  tard,  couchera  aussi  avec 
Uuveyrier,  n'osant  faire  une  impolitesse  au  propriétaire.  D'ail- 
leurs, la  fréquentation  des  hommes  cause  si  peu  de  plaisir  à 
cette  lille,  qu'elle  reste  sale  exprès,  afm  de  ne  pas  leur  donner 
des  idées  [340].  Peu  à  peu,  les  autres  domestiques  l'ont  dégour- 
die; elle  vole  des  pruneaux  et  répond  insolemment  au\ 
observations  de  madame  Jûsserand,  qui  n'ose  renvoyer  cette 
bonne,  si  dure  au  travail.  Devenue  enceinte,  Adèle,  prise  de 
terreur,  a  dissimulé  sa  grossesse  avec  des  ruses  de..sauvage; 
'  1 


1»  LtS  PERSONNAGES 

«•lie  accouche  clandestinement  dans  d*afrreu«cs  souffrances  [17^] 
el,  ne  voulant  pas  tuer  son  enfant,  va  le  d<*|io$er  «te  bon  matin 
dans  le  passage  Clioiseul,  sans  être  aperçue.  (Pot- Bout  lie.) 

Adè'e.  —  Demoiselle  de  boutique  chez  le  charcutier 
<juenu.  Peiitc,  fraîche,  rouge.  Après  la  mort  ùù  son  patron, 
olle  a  fait  apposer  les  scellés,  prévenu  le  notaire  et  continué  à 
tenir  la  boulique.  C'est  elle  qui  remet  Pauline  Ouenu  à  ma- 
dame Clianteau  [to].  (La  Joie  de  virre.) 

Adolphe.  —  Conducteur  d'artillerie,  incorporé  dans  la 
batterie  d'Honoré  Fouchard.  C*est  un  bel  homme  blond, 
large  de  poitrine,  très  grand,  avec  de  grosses  moustaches, 
vluns  son  visage  rouge.  11  monte  un  porteur  s»lide,  une  b^t'' 
al'.'zane.  Appareillé  depuis  trois  ans  avec  le  pui'ileur  Louis, 
selon  la  règle  établie  de  marier  un  hommti  à  cheval  et  un 
hoinmc  à  pied,  il  domine  son  camarade  et  fait  bon  nién;ige 
avec  lui,  sauf  lorsqu^on  mange:  Louis,  doué  d*un  gros  appétit, 
se  révolte  lorsque  Adolphe  veut  se  servir  en  m.iilre  [9.3]. 

Le  jour  de  Seilan,  devant  le  calvaire  d*lliy.  (îù  J*artillerie 
française  est  balayée  par  les  batteries  prussienn**s  de  Flei- 
^nfux,  les  conducteurs  alignés  restent  impassibles;  ils  ne 
battent  même  pas  des  yeux  à  regarder  les  obus  vt.'nir  droit  à 
ouN.  Pendant  la  maifœuvre  des  avant-trains,  une  furieuse  borâ^^e 
de  fer  s'abat  sur  Ja  pièce.  Adolphe  culbute,  lu  puitrine  fendue, 
les  bras  ouverts;  dans  une  dernière  convulsion,  il  a  pris  Louis, 
tué  (in  même  coup,  et  tous  deux  resteit  embrassés,  faroucht- 
mi-nt  toi  dus,  mariés  jusque  dans  la  mort  [313]-  (La  Débâcle.) 

Albine.  —  Nièce  de  Jeanbernat.  Elle  avait  neuf  ans,  quand 
son  père,  subitement  ruiné  dans  les  affaires,  s'est  suicidé,  Ja 
laissant  au  vieux  philosophe  du  Paradott.  Demoiselle  déjà, 
lisant,  brodiint,  l>avardajit,  tapant  sur  les  pianos,  elle  a  di\ 
«liiitlcr  la  pension  et  se  réfugier  chez  son  oncle,  i)ui  vit  loin  de 
titut,  fumant  sa  pipe  devant  ses  carrés  de  salade,  ignorant 
rinmiensL'  forêt  vierge  dont  il  est  ie  gardien.  Cftle  mer  de  ver- 
dure, roulant  sa  boule  de  feuilles  jusqu^à  l'horizon  [15H], 
.\li»iijc'  s'en  e>t  empan'e,  elle  y  vit,  elle  a  oublié  son  ancienne 
existence  de  pensionnaire  à  jupons  brodés,  elle  est  revenue  à 
la  libre  nature.  A  seize  ans,  c'est  une  étrange  fille  blonde,  au 
visa;rc  un  pnj  long,  aux  yeux  bleus,  aux  bras  mm  es,  nos  et 
dorés,  avec  de^  fleurs  sauvages  tressées  dans  ses  cheveux;  elle 
s'iialiillf  d  une  jupe  orange,  avec  un  grand  hchn  rou^^e  atta- 
ché derrière  la  taille,  ce  <|ui  lui  donne  un  air  de   bohémienne 


BES   IlOLGOX-MACmAIlT  3 

fOiliiiiaiicli.-.;  [:<ô\.  E'k  esl  l'Ame  itiidre  du  merveill<*uï  jar- 
ilin  oii  Serg<'  Mourrt,  cvailii  un  iiislant  lic  lu  in'vrox'  héi-cdi- 
[aire,  va  n'commcnrer  son  eiislciice,  iiuUre  itcins  le  soleil, 
s'our rir  II  la  iialiire,]>Ieurer  devant  Icsroses  et  deviner  leiUemciit 
l'aiiioiir.  AUtine  sera  l'innocealti  inilialrice,  puis  l'anianle  pas- 
sioiiJii'i'  qui  s'insurgera  roiilre  Dieu  même  et.  Heur  vivante  du 
Paradou,  voudra  mourir  parmi  les  llijurs  [il  7].  {Lu  Faute  de 
fabbé  Mouret.) 

Alexandre.  —  l'ort  au\  Halles.  Itenu  garçon  de  vin^-  ■ 
deux  ans,  rasi!',  ne  portant  que  de  petites  moustaches,  air 
gaillard  l-ii],  j>alure  fronehe,  pleine  de  sauté  cl  de  gaieté, 
■y est  un  liai)  ami  de  Claude  I.anlicr,  qui  ailiniro  en  peintre  sa 
belle  carriMv  [:;*1].  Il  fait  partie  du  groupe  Gavard  [13^]  el, 
cnniproniis  coninii:  un  grand  enfant  il.ins  l'adairc'  du  complut 
des  Ilalks,  il  se  fuit  eondainner  à  deux  ans  de  prison  [3ô5]. 
(/rf  Venlic  de  Paris.) 

Alexandre.  —  Gardien  à  l'Asile  d'aliénés  des  Tulettes. 

Grand  çatru iiipre,  tout  habillé  de  gris.  De  connivence  avec 

Antoine  ^!^ci]uarl,  il  assure  l'évasion  de  François  MuurelpG7]. 
(La  Conqiirt  ■  ih  Planaiis.) 

Alexandre.—  Ine  des  lu^lcs  favorites  de  liésir^c  Mou- 
ret. Granii  foi|  f.iuve  iiui  coniiiiaiide  la  liasie-cour  [71],  [Ui 
Faille  •lrl']i.bK  Moiiret.) 


Alexandre,   —  Gitrron  Jo  magasin  au  lioiilieur  des  Dames 

ll-\.  {Pul-tioiiille.) 

Amadieu.  —  Ilaliilué  de  la  Jioui-se.  Gros  mojjijeur  ù  figure 

rouge   el  rasée,   rjue  1rs    spéculateurs  vénèrent   depuis   son 

fameux   cuu|]  sur  lus  mines  de  Selsis,  les  aclioiis  acliel^'es  à 

ijuiiizt' fraiii'ï  en  nii  coup  .i  ■-ntèienieal  iniliécile,  et  revnnilues 

plus  tard  avu'c  un  lionéiiiL'   d'une  >)uinzain<!  de  millions,  sans 

iju'il  ail  liL'ii  prévu  ni  cal;:ulé,  au  hasard.  Cm  aile  (\a  brute 

ebauccuse  a  liou>sé  Amadieu  au  rang  des  vastes  cerv en ui  linan- 

ciers;  il  e-t  saUié,  consulté  parioul  [^1,  une  vérii.ible  cour  le 

snil,  làehanl  île  surprendre  ses  moindres  pni-oles,  jouant  dans 

le  sens  qu'elles  semblent  iutliqucr  [:'29].  Ijuaal  à  lui,  il  ae 

donne  plus  d'onlri-s,  comme  salisrait,  trônant  dii'ormais  dans 

son  coup  de  géiiiL-  unique  el  légendaire.  {L\lrgriit.) 

Amanda.—  r.hani-mse  de  ir^nre  nu  café-i'oucErl  du  boule- 

vard lîi'chccboiiarl  |:ji;i|.  [I.'.\3>ommoii\) 

i  LES  PERSONNAGES 

Amélie.  —  Grande  (^j^  logée  à  Thôtel  Vanneau,  tenu  par 
madame  Correur.  Couchait  avec  le  petit  Du  Poiz.il  et  le  jetait 
d'une  claque  à  In  porte,  quand  il  n'était  pas  sage  [107].  {Son 
Excellence  Eugène  Hougon.) 

Amélie.  —  Femme  de  l'ouvrier  menuisier  qui  habite  une 
y'  petite  chambre  du  cinquième,  dans  l'immeuble  Vabre,  rue  de 
^  Choiseul.  Elle  est  en  place  et  vient  passer  la  nuit  avec  son  mari 
une  fois  par  mois,  quand  ses  maîtres  le  permettent.  Les  Gourd 
s'indignent  contre  cette  intruse  et  font  donner  congé  à  l'ou- 
vrier [UTJ.  {Pot-Bouille.) 

Anatole.  —  Le  revolver  de  Gavard  [295].  {Le  Ventre  de 
Paris.) 

André  (Le  Père). —  Vieux  paysan  de  Chavanoz,  village  cl 
Miette  a  passé  son  enfance  [234].  {La  Fortune  des  Bougon.) 

Angèle  (Sœur).  —  Religieuse  attachée  à  Tinfirmerie  du  col- 
lège de  Plassans.  Une  figure  de  vierge  qui  révolutionne  la  cour 
des  grands.  Disparaît  un  beau  matin  avec  Hermeline,  un  élève 
de  rhétorique  [36].  {UOEuvre,) 

Angélique  Marie  (1).  —  Fille  non  reconnue  de  Sidonie 
Piougon.  Père  inconnu.  Elle  est  née  a  Paris,  le  22  janvier  I85i, 
quinze  mois  après  la  mort  du  mari  de  Sidonie.  Lasage-femmf 
Foucart  l'a  déposée  le  23  du  même  mois  aux  Enfants-Assistés 
de  la  Seine;  elle  y  a  été  inscrite  sous  le  numéro  matri- 
cule 1G34  et,  faute  de  nom,  a  reçu  les  prénoms  d'Angéliqui 
Marie.  Le  25  janvier,  l'enfant  a  été  confiée  à  la  nourrice  Fran- 
çoise Hamelin,  maman  Nini,  qui  Ta  emportée  dans  la  Nièvre, 
où  elle  a  grandi  en  pleine  campagne,  conduisant  la  Rousse 
aux  prés,  marchant  pieds  nus,  sur  la  route  plate  de  Soulanges. 
Au  bout  de  neuf  ans,  le  20  juin  1860,  comme  il  fallait  lui 
apprendre  un  élut,  elle  est  passée  aux  mains  d*une  ouvrière 
tlearisle,  Thérèse  Franchommc,  née  Rabier,  cousine  par  alliance 
de  maman  Nini.  Thérèse  est  morte  six  mois  après  chez  son 
frère,  un  tanneur  établi  à  Beaumont,  et  Angélique  Marie, 
adreusement  traitée  par  les  Rabier,  s'est  enfuie,  une  nuit  de 
décembre,  le  lendemain  de  Noël,  emportant  comme  un  trésor, 

(!)  Angélique  Rougorij  née  en  1851  ;  épouse  en    I8iv.)  Félicien  de 

IJautecœvr^  et  meurt  le  même  jour  d'un  mal  qui  n'a  pu  être  constaté 

[Innôité.  Aucune  ressemblance  avec  sa  mère  et  son  a^-ccndaiice.  Du 

cOt»'  du  père,  l<;s  documents  font  dOfHutj.   (Arbre  généalogique  des 

'  Tlou^jon-Macauart.) 


UES  noCGOS-HACtilAIlT  i. 

cachant  avec  ud  soin  jaloux  le  seul  bien  qu'elle  possédai,  son 
livret  d'enfant  assislû!  H.iliillêe  de  loques,  la  tète  enveloppée 
d'un  lambvau  de  foulard,  les  pieds  nus  dans  de  gros  soutiers 
d'homme,  elle  a  [lassé  la  nuit  sous  la  neige,  aJossée  à  un 
pilier  delà  cathcdr.ile  el  serrée  uonlre  la  sintue  de  sainte  Agnès, 
la  Viei-^e  martyre,  lîaucce  à  Jésus.  Au  mutin,  hi  ville  est 
couverte  d'uu  grand  linreul  lilanc,  toutes  les  Saintes  du 
portail  sont  lètues  de  neice  imm^iculée,  et  l'enfant  misérable, 
blanche  de  neige,  elle  aussi,  raidie  û  croire  <|u  elle  devienl  de 
pierre,  ne  se  distingue  [ilus  des  grandes  Vierges  [i]. 

Les  llolicri  larecueillent  loule  froide,  d'une  légèreté  de  petit 
oi»eau  tombé  du  nid  [9J.  C'est  une  gamine  blonde,  avec  des 
yeux  couleur  de  violette,  la  face  allongée,  le  col  surtout  très 
long,  d'une  élégance  de  lis  sur  des  épaules  tombantes  [û].  Son 
allure  est  celle  d'un  anifnal  qui  se  réveille,  pris  au  piège;  il  ; 
a  en  elle  un  orgueil  inipiiissanl,  la  passion  d'être  la  plus 
forte  [H],  on  lo  sent  cni-agée  de  fierté  soutirante,  avec  pour- 
tant de>  lèvres  avides  de  caresses  [17].  Elle  va,  pendant  une 
année,  déconcerter  les  Hubert  par  des  sautes  brusques;  après 
de*  journées  d'application  «emplaire  à  son  nouveau  métier  du 
brodeuse,  elle  deviendra  tout  à  coup  molle,  sournoise,  et,  si 
on  la  gronde,  elle  éclatera  en  mauvaises  réponses;  certain!! 
jours,  quand  on  voudra  ta  dompter,  elle  en  arrivera  à  des 
crises  de  fulie  orgueilleuse,  raidie,  tnpanl  des  pieds  et  des 
mains,  prêle  A  déchirer  et  à  mordre.  Mais  ces  affreuses  scènes 
se  terminent  toujours  par  le  même  déluge  de  larmt-s,  lu  même 
exallalion  de  repentir,  qui  la  jette  sur  le  carreau,  dans  une 
telle  soif  de  châtiment  qu'il  faut  bien  lui  pardonner  [25].  C'est 
la  lutte  de  l'Iiérédilé  et  du  milieu.  Hubertine  lui  a  enseigné  le 
renoncement  et  Toliéissance,  qu'elle  o|>pose  à  la  passion  et  à 
l'orgueil.  A  cliaque  révolte,  elle  lui  a  infligé  une  pénitence, 
quelque  basse  besogne  de  cuisine  qui  l'enrageait  d'abord  el 
finissait  par  la  vaincre.  Ce  qui  inquiète  encore,  uliez  celle 
enfant,  c'est  l'élan  el  la  violence  de  ses  caresses,  on  la  sur- 
prend se  baistinl  les  mains;  elle  s'enfièvre  pour  des  images, 
des  petites  gravures  de  sainteté  qu'elle  collectionne;  elle 
s'énerve,  les  yeux  fous,  les  joues  brûlantes. 

Angélique  est  une  Hougon,  aux  fougues  bérédîtaires,  et  elle 
vit  loin  du  monde,  comme  en  un  cloitre  oii  tout  conspire  à 
l'apaiser.  A  llienre  de  h  première  communion,  elle  a  appris  le 
mot  ii  mot  du  calccliisniu  dans  une  telle  ardeur  de  foi  qu'elle 


r.  LES  HEUSON.NAGES 

aiiore  la  lecture.  Li*  livre  qui  achèvera  de  former  son  âme  est 
la  Légende  dorée,  de  Jacques  de  Voragiue,  où  d*ahord  les 
vieilles  iin.ngps  naïves  Font  ravie,  et  dont  elle  s*est  accoutumée 
ù  déchiffrer  le  texte.  La  Légende  Ta  passionnée,  avec  ses 
Saints  et  ses  Sainios,  aux  aventures  merveilleuses  aussi  belles 
que  des  romans,  les  miracles  qu'ils  accomplissent,  leurs  faciles 
victoires  sur  Satan,  les  effroyables  supplices  des  persécutions, 
subis  le  sourire  aux  lèvres,  un  dégoût  de  la  chair  qui  aiguise 
la  douleur  d*unc  volupté  céleste,  taiitd*lii>toires  captivantes  où 
les  bètes  elles-mêmes  ont  leur  place,  le  lion  serviable,  le  loup 
frappé  de  contrition;  elle  ne  vit  plus  que  dans  ce  monde  tra- 
gique et  triomphant  du  prodige,  au  pays  surnaturel  de  toutes 
les  verlus,.rcçoinpensées  de  toutes  les  joies  [39].  Le  livre  lu. 
a  appris  la.chanlc;  c'est  un  emportement  de  bonté,  où  elle  se 
dôponille  d'abord  de  ses  menues  affaires,  commence  ensuite  à 
piller  la  maison  et  se  plait  à  donner  sans  discernement,  la 
inain  ouverte.  A  quatorze  ans,  elle  devient  femme,  et  quand 
elle  relit  la  Légende,  ses  oreilles  bourdonnent,  le  sang  bat 
dans  les  petites  veines  bleues  de  ses  tempes,  elle  s'est  prise 
d'une  tendresse  fraternelle  pour  les  Vierges.  Elisabeth  de 
Hongrie  lui  devient  un  continuel  enseignement;  à  chacun? 
dos  révoltes  de  son  orgueil,  lorsque  la  violence  l'emporte,  elle 
songe  à  ce  modèle  de  douceur  et  de  simplicité  [XZ]  et  la  gar- 
dienne de  son  corps  est  la  vierge-enfant,  Sainte  Agnès  [io]. 

A  quinze  ans,  Angélique  est  ainsi  une  adorable  tille  ;  elle  a 
grandi  sans  devenir  Ûuette,  le  cou  et  les  épaules  toujours  d'une 
^M-àce  fièrc,  la  gorge  ronde,  la  taille  souple  ;  et  gaie,  et  saine, 
une  beauté  rare,  d'un  charme  infini,  où  fleurissent  la  chair 
innocente  et  Tàme  chaste  [16].  Elle  est  devenue  une  brodeuse 
remarquable,  ({ui  donne  de  la  vie  aux  fleurs,  de  la  foi  aux  sym- 
boles ;  elle  a  le  don  du  dessin,  on  s'extasie  devant  s»^s  Vierges, 
comparables  aux  naïves  figures  des  Primitifs,  on  lui  conlie  tous 
lc>  travaux  de  grand  luxe,  des  merveilles  lui  passent  par  les 
mains.  Et  sa  peu-ée  s'envole,  elle  vil  dans  Tatlt-nte  d'un 
miracle,  au  point  qu'ayant  planté  un  églantier,  elle  croit  qu'il 
v;t  donner  des  roses.  A  seize  ans,  Angélique  s'enthousiasme 
pi.ur  les  ILiuieiœur,  en  qui  elle  voit  les  cousins  de  la  Vierge; 
.Ile  vouilrait  épouser  un  prince,  un  prince  qu'elle  n'aurait 
jîtinais  aperçu,  qui  viendrait  au  jour  tonjbanl  la  prendre  par 
la  ni'iin  et  la  mèn-rail  dans  un  palais;  il  serait  très  beau,  très 
riche,  le  plus  beau,  le  plus  riche  que  la  terre  eùl  jamais  porté. 
E»  ••lie  vo'.'-lrail  n\i'i\  Tainiâi  à  la  foli'».  î-lin  tll''-nii'ii^.f'  J.-  l'aiiiv'! 


l)F.s  1I0Lr.0N->lAr.(JL:AllT  7 

ouiniiie  une  fuik-,  el  ils  seraii;nl  Irùs  jeuucs,  liûs  |.urs  el  1res 
iioliles,  toujours,  loojours  [09].  C'est  ee  rtîve  qu'ulli:  va  [Jour- 
suirrEmaiiilL'iiniil. 

l,e  niiraclt:  naiira  de  son  imngiiialion  ét^haulTêe  île  faldes,  des 
i)^!>irs  iiK-Diisuienis  Je  $a  pulioMé.  Elle  s'esl  etialtée  dans  ia 
uotiti^mplHtioii  ilu  viirail  de  la  chapelle  Uauieuoeur  cKjuaDd, 
sous  le  raitici^  croissant  de  la  lune  nouvelle,  elle  eiilrevoit  une 
oiulire  iiniiiDbile,  un  homme  <}iii,  les  regards  levés,  ne  la  quitte 
|>ius.  il  lui  seiiilite  i|iie  Sninl  Georges  csl  descendu  de  soo 
vitrail  et  ii«nl  â  elle.  L'apparilion  se  précise,  rhoiitinc  est  un 
linntri'  verrier  (|ui  tn\i  un  travail  de  reslaiiralion  :  elle  sourit, 
dnus  une  absolue  caiiCiinne  va  son  révo  de  voyule  foiluoe. 
I^rsifue  l'incoiinn  pénétre  chez  le^  lluherl,  elle  peut  hîeii  jouer 
rindilTéi'euce,  la  femme  qui  est  en  elle  peut  obéir  k  u:i  obscur 
atavisme,  «e  réfugier  dans  la  méliance  et  le  meiisoiig<.' ;  Angé- 
lique, toalpré  ses  malice;  d'amoureuse,  ne  cesse  de  croire  à  sa 
Itrande  destinée,  elle  reste  certaine  que  l'élu  de  son  cœur  ne- 
saariiit  étr-:  que  le  plus  beau,  le  plus  riche,  le  plus  noble.  El  la 
révélalion  décisive,  l'humble  verrier  devenu  Félicien  VII  de 
liautecitur,  lii'rilier  d'une  illustre  famille,  rielic  comme  un  roi, 
beau  comiiir  un  dieu,  ne  parvient  pas  ti  l'étonner.  Sa  joie  est 
immenîe,  P'irfaile,  sans  souci  des  obstacles,  qu'elle  ne  pi-évoit 
pas.  Il  semble  û  .\ngélique  que  le  mariage  s'accomplira  di's  le 
lendemain,  avec  celle  aisance  des  miracles  de  la  Légende. 
Huherlrne  la  bouleverse  en  lui  montrant  la  dure  réalité,  \t\ 
puissant  évéqiie  ne  pouvant  marier  son  fiU  à  une  pauvressey 
Son  orgueil  tsi  aballu,  elle  retombe  â  lliuinililê  de  la  grâce. 
elle  se  cloître  même,  sans  chercher  à  revoir  Félicien  ;  mais  ellr- 
esi  certaine  ne  les  choses  se  réahseront  malgré  tout;  ellt- 
atiend  un  niicicle,  une  manifestation  de  l'invisible.  Dans  fan 
inlassable  confiaiioe,  sûre  que  si  monseigneur  refuse,  c'est  parce 
qu'il  ne  la  connaît  pas,  elle  se  présente  h  lui  au  seuil  de  la 
chapelle  lliiuii'cœur  et,  d'une  voix  pénétrante  de  cliamie,  peu 
fi  peu  vafTerniie,  elle  dêrend  sa  cause,  elle  se  confesse  toute, 
dans  un  élan  de  naïveté,  d'adoration  croissaute;  elle  dii  le  can- 
tique dt:  son  amour  el  elle  apparaît  comme  une  de  ces  vierges 
légendaires  des  anciens  missels,  aveu  quelque  cIiosh  de  frêle, 
d'élaiii'é  dans  'a  passion,  de  passionnément  pur  [3iT].  Au  refus 
de  l'évcque,  loulx  espérance  humaine  est  morte,  il  semble  que 
le  révo  tùit  â  jamais  abuli,  L'ne  coui-te  révolte  soulève  Angé- 
linue.  ell''  aime  eu  désesoêiée.  urêlc  â  fuir  nvec.  raiiianl  :  c'est 


8  LES  PERSONNAGES 

sort  de  ce  suprême  combat  touchée  définitivement  par  la  grâce, 
mais  une  langueur  l'épuisé,  c'est  un  évanouissement  de  tout 
son  être,  une  disparition  lente,  elle  n'est  plus  qu'une  flamme 
pure  el  très  belle  [^i]- 

Et  alors  le  miracle  s'accomplit.  'Monseigneur  a  cédé.  Angé- 
lique était  sans  connaissance,  les  paupières  closes,  les  mains 
raides,  pareille  aux  minces  et  rigides  fi^rures  de  pierre  couchées 
sur  les  tombeaux.  Le  :  c  Si  Dieu  veut,  je  veux  i  des  Hautecœur 
Ta  ressuscitée.  Plus  rien  des  révoltes  humaines  ne  vit  en  elle. 
Désormais  en  état  d'humilité  parfaite,  elle  remet  au  cher  sei- 
gneur qu'elle  va  épouser  son  livret  d'élève,  celte  pièce  admi- 
'  nistrative,  cet  écrou  où  il  n'y  a  qu'une  date  suivie  d'un  numéru 


et  qui  est  son  unique  parchemin.  Et  c'est  maintenant  la  pleii'i 
réalisation  de  son  rêve  ;  elle  laisse  tomber  sur  les  misérables 
un  Ijouve  de  richesses,  un  débordement  de  bien-être;  elle 
épouse  la  fortune,  la  beauté,  la  puissance,  au  delà  de  tout 
espoir  et,  toute  blanche  dans  sa  robe  de  moire  ornée  de  den- 
telles et  de  perles,  parvenue  au  sommet  du  bonheur,  elle 
meurt  en  mettant  un  baiser  sur  la  bouche  de  Félicien  [309]. 
{Le  néce.) 

Anglars  (Irma  d').  —  Une  noceuse  d'autrefois.  \  él»" 
célèljre  sous  le  premier  Empire.  Gaga,  qui  Ta  connue,  prétend 
qu'elle  vous  nettoyait  un  homnne  rien  qu'à  soufTler  dessus;  on 
l:x  dirait  dégoûtante  chez  elle,  mais  dans  sa  voiture,  elle  avait 
un  chic  extraordinaire.  Irma  possède  à  Chamonl  un  domaine 
d'une  tranquille  et  royale  majesté,  et  un  château  historique  où 
l'on  conserve  la  chambre  de  Henri  lY.  A  quatre-vingt-dix  ans, 
restée  droite  et  ayant  toujours  ses  yeux,  elle  est  très  simple 
et  très  grande,  avec  la  face  vénérable  d'une  vieille  marquise 
échappée  aux  horreurs  de  la  Révolution.  Tous  les  gens  de 
Chamonl  la  saluent  profondément;  c'est  une  reine  puissante, 
comblée  d'ans  et  d'honneurs  [218].  (Nana.) 

Annouchka.  —  Maîtresse  de  Souvarine,  affiliée  avec  lui  à 
un  complot  politique.  Déguisée  en  paysanne,  elle  apportait  du 
pain  tous  les  soirs  aux  conjurés  qui  minaient  la  voie  du  che- 
min de  fer  où  devait  passer  le  train  impérial.  Comme  un 
homin»^  aurait  pu  être  remarqué,  c'est  Annouchka  qui  a  allumé 
la  mèche.  Souvarine,  échappé  aux  recherches,  a  suivi  le  pro- 
cès de  sa  maîtresse  pendant  six  longs  jours;  deux  fois,  il  a 
eu  envie  de  crier,  de  s'élancer  par-dessus  les  têtes  pour  la 
r^inindro.  ?nais  un  homme  de  moins,  c'est  un  soldat  de  ?^")oins. 


DES  ROLGON-MACQUAUT  9 

et  Ânnouclika  disait  non,  de  ses  grands  yeux  fixes.  Il  a  vu 
pendre  )es  condamnés;  Texécuteur  perdait  la  tête,  dérangé 
par  la  pluie  battante;  Annouclika  a  dû  attendre  son  tour,  tout 
debout,  pendant  vingt  minutes  ;  elle  n'apercevait  pas  son 
amant,  elle  le  cberchaiten  vain  dans  la  foule,  puis  Souvarine  est 
monté  sur  une  borne,  elle  Ta  vu,  leurs  yeux  ne  se  sont  plus 
quittés.  Quand  elle  a  été  morte,  elle  le  regardait  toujours. 
Alors,  il  a  agité  son  chapeau  et  il  est  parti  [509].  {GerminaL) 

Antonia.  —  Femme  de  chambre  de  Clorinde.  Petite  Ita- 
lienne noire,  aux  yeux  pareils  à  deux  gouttes  d'encre,  mal 
coiffée,  velue  d'une  robe  jaune  en  loques  [65].  Elle  suce  des 
oranges  du  matin  au  soir.  Grande  familiarité  avec  sa  mat- 
tresse  [175].  {Son  Excellence  Eugène  Bougon,) 

Archang^ias  (Frère).  —  Frère  des  écoles  chrétiennes. 
Dirige  depuis  quinze  ans  l'école  des  Artaud.  Grand  corps 
maigre,  taillé  à  coups  de  hache,  dure  façe^dje  paysan  en  lame 
de  sabre,  nuque'  au  cuir  tanné  [32].  11  est  vêtiT  d'une  grande 
soutane  graisseuse,  avec  un  rabat  ^aifi^lissant  vers  l'épaule 
[34].  Frère  .\rchangias,  terrible  homme  toujours  mugissant, 
toujours  jetant  l'anathème,  pousse  le  dégoût  et  la  haine  de  la 
femme  jusqu'à  s'irriter  contre  la  dévotion  à  la  Vierge.  C*est 
une  brute  exaspérée  par  la  continence,  un  énergumène  qui 
répand  sa  fureur  sur  la  nature  entière,  arrachant  les  nids, 
exécrant  les  fleurs,  voyant  dans  toute  fécondité  immondices  et 
magie  du  diable.  Vis-à-vis  de  l'abbé  Mouret,  dont  il  a  surpris 
la  faute,  il  se  constitue  le  gendarme  de  Dieu  [31!2];  il  guette 
les  moindres  faiblesses  du  jeune  prêtre,  devine  à  la  clarté  de 
son  regard  les  pensées  tendres  et  les  écrase  d'une  parole, 
sans  pitié,  comme  des  bêtes  mauvaises  [313].  Le  vieux  Jean- 
bernât,  qui  l'avait  déjà  corrigé  dans  une  lutte  à  coups  de 
pierre  [317],  lui  coupe  une  oreille  devant  le  cercueil  d'.\lbine, 
la  petite  fée  du  Paradou  que  irère  Archangias  a  poursuivie  de 
ses  insultes  enragées.  {La  Faute  de  Vabbè  Mouret.) 

Aubertot  (Madame  Elisabeth).  —  Veuve  du  notaire  Auber- 
tot,  sœur  du  président  Héraud  Du  Cliàtel,  tante  de  Renée  et 
de  Christine.  Quand  madame  Béraud  Du  Châtcl  est  morte  en 
mettant  sa  seconde  Hlle  au  monde,  madame  Aubertot  a  recueilli 
Tentant;  devenue  veuve  quelques  années  après,  elle  a  ramené 
Christine  dans  la  maison  paternelle,  où  elle-même  s'est  instal- 
lée. C'est  une  petite  vieille  de  soixante  ans,  d'une  amabilité 
exquise  [22],  et  qui  aime  tendrement  ses  nièces.  Désespérée  de 


I«i  LES  PERSON.NAdES 

• 

la  grossesse  clandestine  de  Renée,  s'accusant  d'un  manque  de 

survcillaiice  et  voulant  atténuer  aux  yeux*  du  père  Ténormîté 

de  la  faute  commise,  elle  s*esl  laissé  suggérer   par  Sidonie 

Kougon  rid'ie  d*un  mariage  de  Renée  avec  Aristide  Saccard. 

A  celui-ci,  elle  fournit  un  apport  de  deux  cent  mille  francs; 

à  Renée,  elle  donne  de  vastes  terrains  situés  à  Charonne  [8]. 

Madame  Auberlot  meurt  en  1863,  quelques  mois  avant  Renée 

[3361.  {La  Curée.) 

Aubry  (Sévehixe).  —  Fille  cadette  d'un  jardinier  au  ser- 
vice des  Grandmorio.  Sa  mère  est  morte  en  couches,  et  Séve- 
rine entrait  dans  sa  treizième  année  lorsqu'elle  a  perdu  son 
pCrc.  Le  président  Grandroorin,  dont  elle  était  la  filleule,  est 
«Je venu  son  tuteur,  il  Ta  gardée  près  de  sa  fille  Berliie.  Lci 
deux  cotnpngncs  sont  allées  au  même  pensionnat  de  Roum, 
•  îles  î  as-aienl  leurs  vacances  au  château  de  Doinville  ;  c'est 
là  que,  docile  et  ignorante,  la  petite  Aubry  s'est  pliée  aux 
(îéîirs  honteux  du  vieux  président;  plus  lard,  simplement 
désireuse  d'nrrangcr  les  choses,  elle  s'est  laissé  marier  avec 
Houhaud;  un  employé  de  l'Ouest.  Dans  l'éclat  de  ses  vingt-cintj 
ans,  elle  semble  grande,  mince  et  souple,  grasse  pourtant 
avec  «Je  petits  os  ;  elle  n'est  point  jolie  d'abord,  la  faci 
loi..^u::,  la  bouche  forte,  éclairée  de  dents  admirables;  mais  à 
la  regarder,  elle  séduit  par  le  charme,  l'élrangc^lé  de  sis  longs 
yeux  Meiis,  des  yeux  de  pervenche,  sous  son  épaisse  chevelure 
jioire  ['].  Mariée  depuis  trois  ans,  Séverine  reste  une  grande 
enfant  passive,  d'une  affection  filiale,  où  l'amante  ne  s'est 
point  éveillée;  elle  aime  à  se  faire  cajoler  et  couvrir  de  bai- 
sers qu'elle  ne  rend  pas,  et  cette  femme,  qui  a  connu  les  lubri- 
cités a!ior;nal»;s  d'un  vieillard,  reste  sans  vice,  dans  sa  demi- 
inconscience  Je  fille  douce,  chaste  malgré  tout.  Un  instant 
d'oubli,  un  invig'niiiant  mensonge  qu'elle  u*a  pas  su  maintenir, 
révvle  tout  son  p  issé  à  Uoubaud,  et  Séverine  ne  comprend  rien 
à  la  <0J  laine  fureur  de  ce  jaloux  pour  qui  elle  n'a  qu'une  calme 
affeclio.i  de  c^niaraie;  elle  se  laisse  arracher  toute  la  vérité, 
des  détail-  aflolaiils  qui  jettent  l'homme  à  la  folie  du  sang;  et, 
comi'lèî'jineiii  dominée  par  son  mari,  instrument  d'amour 
de\eiiu  iii^ii'umenl  de  mort,  elle  accepte  la  complicité  d'un 
assassinai  :  Gramlmorin  est  attiré  dans  un  guet-apens,  et  c'est 
elle  qui.  do  tout  son  corps,  pèse  sur  les  jambes  de  la  victime, 
pendant  que  le  meurtrier  enfonce  le  couteau  [:255]. 

L-rs  s-ins  de  Séverine  ne  s'éveillent  que  plus  tard,  dans  les 


htS  iJOlGON-MACyUAnT  Jl 

hras  de  Jacques  Lauticr.  Comme  celui-ci  a  deviné  le  crime,  elle 
n'a  d'abord  eu  qu'une  pensée,  le  sentir  à  elle,  toui  à  elle,  faire 
de  lui  sa  chose  ))Our  n'avoir  plus  à  le  craindre  ^  puis,  elle  s'esl 
mise  à  Tainicr  de  tout  son  cœur  vierge.  C'est  l'horreur  du 
passé  qui  la  donne  à  Jacques,  dans  le  débir  de  disparaître  en 
lui,  d*étre  sa  servante.  Alors  elle  se  passionne,  elle  se  dégage 
de  cette  longue  virginité  froide,  dont  ni  les  pratiques  scniles 
du  président,  ni  les  brulaiitês  conjugales  n'ont  pu  la  tirer; 
elle  se  donne  sans  réserve  et  garde  du  plaisir  une  recon- 
naissance brûlante  [^i5].  Le  crime  a  rompu  tout  lien  entre 
Uoubaud,  réfugié  dans  la  passion  du  jeu,  et  Séverine,  devenue 
amoureuse  ;  la  vie  commune  n'est  plus  que  le  contact  obligé 
de  doux  êtres  liés  Tun  à  l'autre,  passant  ûes  journées  entières 
sans  échanger  une  parole,  allant  et  venant  côle  à  côte,  comme 
étrangers  désormais  [277].  Longtemps,  ils  ont  eu  peur;  la 
vérité,  que  le  juge  Ucnizet  avait  soupçonnée,  est  connue  de 
M.  Camy-Lamotte  ;  leur  destinée  a  dépendu  de  lui,  mais  dos 
considérations  politiques  ont  fait  classer  l'afTiiire,  nulle  crainte 
ne  subsistt^  les  meurtriers  sont  même  entrés  en  possession 
d'un  legs  de  leur  victime,  et  la  pensée  de  celte  petite  fortune, 
qui  lui  j)ermctlrail  d'aller  vivre  en  Améri(|ue  avec  Jacques, 
loin  des  souvenirs  sanglants,  achève  de  surexciter  Séverine 
Aubry.  Son  mari,  tombé  à  l'avachissement,  l'a  outrée  par  sa 
complaisance  devant  un  flagrant  délit;  il  Ta  écœurée  en  jetant 
au  jeu  les  dix  mille  frauos  lix)uvés  dans  le  portefeuille  de 
Grandmorin;  elle  linit  par  r^\ev  un  nouveau  crime  qui  la  ren- 
dra libre.  Mais  en  éveilbint  l'instinct  du  meurtre  <|ui  somno- 
lait en  Tàme  obscure  de  Jacques,  c'est  elle  seule  que  Séverine 
a  condamnée,  c'est  contre  clle-mén)c  qu'elle  a  déchaîné  la 
béte  humaine,  et  le  couteau  qui  devait  la  libérer,  le  couteau 
qui  a  déjà  servi  au  premier  criine,  lui  pénètre  de  toute  sa 
lame  dans  la  gorge,  la  luanl  de  la  même  blessure,  bâillante, 
affreuse,    qui   a    tué   Grandmorin  [373].  (La  Bête  humaine.) 

Auguste.  —  Marchand  de  vin  traiteur,  à  l'enseigne  du 
J/ou/m  (l'ai'fjcnt,  bouh*vard  de  la  Chopclln.  La  noce  de  Cou- 
peau  et  de  Gorvaise  a  lieu  chez  lui  [78].  {L'Assommoir.) 

Auguste.  —  Garçon  de  salle  au  café  des  Variétés  [:29]. 
(iVawfl.) 

Auguste.  —  P^it  porcher  de  la  DorJerie.  Garde  les  mou- 
tons avec  le  vieux  b'?rger  Soûlas  ['283].  iLa  Terre.) 


It  LKS  PKKSO.NNAGES 

Augustine.  —  Apprcnlie  blanchisseuse  chez  Gervaise 
Coupcau.  .\{rreuxj)elJjJouchon,  d'une  méchanceté  sournoise  de 
monstre  el^Je^souffre-douleur  [176].  (L Assommoir.) 

Augustine.  —  Ouvrière  fleuriste  chez  Tilreville,  rue  du 
Caire.  Grande  blonde  Jaide,  qui  n*aime  pas  les  vieux  [463]. 
(L'Assommoir).  *"" 

Aurélie  (Mademoiselle),  r—  A  vu  naître  .Madame  Deberle. 
Vieille  amie  pamre,  un  peu  gourmande,  un  peu  mauvaise 
langue,  qui  est  de  toutes  les  réceptions  chez  les  Deberle  et 
qu'on  relient  à  dinerle  samedi  [28],  {Une  Page  d'Amour.) 

Aurélie  (.Madame).  —  Première  du  rayon  de  confection,  au 
I  yi>onh-ur  des  Dames.  Son  père,  concierge  rue  Cuvier,  était  ui» 

I  ^  PêiiiJiliiL'^^^  alsacien.  Elle  a  épousé  Lliomme,  un  locatain  i' 

la  uiaison,  puis  elle  a  voulu  monter  un  atelier  de  confection  f' 
I  son  complo  et  scst  aigrie,  sans  cesse  traquée  par  la  mauvais^ 

chance,  exaspérée  de  se  sentir  des  épaules  à  porter  la  fortune 
I  et  de  n*al)Ouiir  qu*à  des  catastrophes.   Le  fîonlieur  des  Dames 

lui  a  enfin  donné  le  succès;  elle  a  fondé  dans  cette  maison  la 
dynastie  des  Lhomme,  poussant  son  mari  au  poste  de  premier 
oaisfier.  obtenant  une  caisse  pour  son  fils  Albert,  un  être 
incapable  cl  malfaisant  dont  on  n'avait  rien  pu  faire  jusque-là, 
*'El.  par  fierté,  elle  renie  pour  elle-même  le  nom  de  Lhomnic -, 
\2e  personn*ïl  doit  l'appeler  madame  .Vurélie.  Hors  du  magasin, 
la  femme,  le  mari,  le  fils  vivent  chacun  à  sa  guise. 

Très  forie  à  quarante-cinq  ans,  elle  est  sanglée  dans  une 
robe  de  soie  noire,  dont  le  corsage,  tendu  sur  la  rondeur 
massive  des  épaules  et  de  la  gorge,  luit  comme  une  armure. 
Elle  a,  sous  ses  bandeaux  sombres,  de  grands  yeux  immobiles, 
la  bouche  sévère,  les  joues  larges  et  un  peu  tombantes;  dans 
sa  majesté  de  ])remière,  son  visage  prend  l'enflure  d'un  masque 
empâté  Je  César  [6^].  Autoritaire  et  vaniteuse,  elle  est  bonne 
femme  uniijueinent  pour  les  demoiselles  souples  cl  cares- 
sanl''5,  qui  tombent  en  admiration  devant  ses  paroles  et  ses 
actes;  elle  se  montre  dure  pour  les  débutantes,  comme  la  vie 
s'est  d'abord  montrée  dure  pour  elle,  et  Denise  Baudu  lui 
paraissant  chélive  et  sans  défense,  elle  ne  lui  épargne  aucune 
humiliation.  Mais,  plate  devant  Octave  .Mourel,  lui  rendant  des 
services  délicats  qui  la  font  apprécier,  elle  ne  larde  pas  à 
deviner  les  intentions  du  maître;  elle  change  alors  d'attitude 
et  prend  Denise  sous  sa  protection  |.03*2]. 
Madame  Aurélie  possède  une  propriété  près  de  Rambouillel, 


UKS  r,OUGON-MAi;(JL'Alir  13 

\vf>  Itr^ùk'i,  aclieiûc  sur  ses  plumiers  cent  mille  francs  d'écoiio- 
iiiius:  |ilu-  l.tril,elle  acquiert  la  caiiipngnc  Jcs  Banilu.  Son  lioii- 
liciir  MTiiil  grand  si  Albert,  mêlé  à  une  affaire  ilc  vol,  ne  se 
(aisaii  renioycr.  Cotle  méfiiTEiilure  humilie  iirorandéinent  la 
première  des  coiireclions;  son  masque  d'empereur  romain 
Miiihle  avoir  inai^î  de  la  lionle  qui  entache  maintenant  la 
fiimille;  elle  alTccrc  de  s'en  aller  chaque  soir  au  liras  de  »ou 
mûri,  rapprochés  tous  deux  par  rinforlDue,  comprenant  que 
le  malheur  est  dû  ù  la  débandade  de  leur  intérieur.  Puis,  l'nge 
arrive,  Dourdoncle  commence  à  regarder  madame  Aurélic  de 
Irnveis  :  f  Trop  vieille  pour  la  vente!  »  ce  glas  va  sonner 
Irii'i.i'i.  '  iii''iliht  \ii  dyn;islie  des  Lhomme.  El  mainlcnanl, 
'lii:..-.  .  .  il.  (i.jur  Caire  sa  cour,  pour  reslcr  en  grâce, 
!<;'■     .    .  ;.  i'   [le  demande  f|u'ii  se  rueltre  aux  genoux 

ili-  li'i.i-  j'i       Ail  Bonheur  des  Daiiiti.) 

Aurigny  (Lalre  d').  —  Demi-mondaine  du  second  Em- 
pira. Très  lancée,  mais  erihlêe  de  délies,  elle  a  fait  un  habile 
traité  atec  Aristide  Saccard  qui,  â  la  même  époque,  avait 
besoin  de  rall'ermir  sa  propre  situation.  Grâce  à  une  renie  de 
diamuuUoiiil  achète,  à  grand  tapage,  pour  sa  femme,  les 
liîjoux  de  iii  demoiselle,  Saccard  saliafail  les  l'rénnciers  de 
l.auri-;  il  lire  celle-ci  d'adaire  et  feint  ensuite  d'être  son  gêné' 
i'eu\  aijtuiil.  Cette  eomhinaison,  i|ui  pose  .\ristidc  en  riche 
lin^iuciei',  leuiel  la  demoiselle  en  vue  cl  lui  fait  trouver  bienlût 
ini  lion  :i:iif  [-Ô'î],  le  jeune  dur  de  Itozan,  qni  dépense  avec 
elle  son  incniier  demi-million  [3i:i].  (La  Curée.) 


B 


Babel.  —  Jeune  pavsanne  des  Arlaud.  Bossue,  les  os  IropV 
r-j>\r.  {La  Faute  de  rabhc  Mouret.) 


I  '  » 


Bachelard  père.  —  Frère  de  Narcisse  Baclielai'd,  père 
..  madai^e  Josserand.  A  dirigé  pendant  quarante  ans  un  pen- 
<:M>nnat  Jo  la  rue  des  Fossés-Saint-Jacques,  l'institution  Ba- 
chelarJ  [o'].  Avait  une  seconfîe  lille  qui  s'est  sauvée  avec  un 
offkier.  (Pot 'Douille.) 

Bachelard  «ÉléonoreV  —  A  épousé  le  caissier  Josserand, 
!o!  i  elle  a  LU  deux  fils,  Léon  et  Saturnin,  et  deux  filles,  Hor- 

»5c  •  i  L<  riho.  C*est  une  femme  corpulente  et  superbe;  elle  a 
la  facv  carrée,  des  joues  tombantes,  un  nez  trop  fort.  Décolle- 
•'v.  I  lie  moiilrc  des  épaules  encore  belles,  pareilles  à  des 
wwi;isej  Juisanles  de  cavale.  Son  père  lui  avait  promis  une  dot 
df  trente  mille  francs  qu'il  n'a  jamais  payée  et,  lorsqu'il  est 
iii'jpt,  les  Josserand  ont  été  volés  dans  la  succession.  Ils  vivent 
des  a{*]»oint«fn)ei:ts  du  mari,  huit  mille  francs  par  an,  dans  une 
misère  vaniteuse  de  bourgeois,  le  pauvre  Josserand  s'exténuant 
à  des  travaux  supplémentaires  pour  grossir  les  ressources  du 
ni»Mia,e,  îa  femme  reprochant  à  Thomme  de  l'avoir  trompée 
sur  ses  cnpacit»'s.  La  morale  d'Éléonore  se  résume  en  quelques 
phrases  toutes  ftiies  :  «  Dans  la  vie,  il  n'y  a  que  les  plus  hon- 
teux iui  pcrJeril;  l'argent  i  l'argent;  moi,  lorsque  j'ai  eu 
viiigl  sous,  j'ai  toujours  dit  ;ue  j'en  avais  quarante;  il  vaut 
mieux  f:iire  envie  que  pitié;  je  porterais  plutôt  des  jupons  sales 
qu'ui:e  robe  dindienne;  mangez  des  pommes  de  terre,  mais 
.ivez  un  poulet  quand  vous  avez  du  monde  à  dîner  »  [43J.  Elle 
••si  convaincue  de  la  parfaite  infériorité  des  hommes,  dont 
luniq.ie  rôle  do  t  être  d'épouser  et  de  payer  [102].  Madame 
.lossriaiil  sr.ule  d'une  idée  à   une  autre   et  se  contredit  avec 


16  LES  PERSONNAGES 

ia  carrure  d'une  femme  qui  n*a  jamais  tort;  elle  agit  sans 
consulter  personne,  mais  si  les  choses  tournent  ma)»  c'est 
toujours  la  faute  des  autres  ;  elle  a  des  haussements  d'épaules 
écrasants  devant  son  mari,  gifle  ses  filles  quand  elle  est  à  bout 
d*arguments,  gaspille  l'argent  en  toilettes  et  en  réceptions  et 
rogne  tellement  sur  le  train  du  ménage  que  les  voleuses  elles- 
mêmes  refusent  de  rester  dans  cette  c  boite  >  où  les  morceaux 
de  sucre  sont  comptés  [32].  Son  mépris  pour  Thonnèteté  inca- 
pable de  Josserand  se  double  de  rancœur  devant  la  fortune 
gagnée  par  Narcisse  Bachelard,  son  frère,  un  homme  sans  prin- 
cipes, dont  les  crapuleuses:  ivresses  lui  soulèvent  le  cœur  et 
qu'elle  s'abaisse  à  dorloter  pour  en  tirer  de  l'argent.  Éléonore 
a  la  religion  du  succès  :  elle  commence  à  estimer  son  fils  Léon 
lorsqu'il  devient  Pâmant  d'une  vieille  dame  riche.  Dans  sa  rage 
de  ne  pas  trouver  de  gendre,  malgré  une  campagne  terrible  de 
trois  hivers,  elle  a  poussé  ses  filles  à  pécher  un  mari  par  tous 
les  moyens,  leur  enseignant  que  les  hommes  ne  sont  bons  qu'à 
être  fichus  dedans  [102].  Quand  Berthe,  stylée  par  elle,  se  fait 
enfin  épouser,  madame  Josserand  roule  les  Vabre  avec  un 
aplomb  superbe.  Ne  connaissant  aucun  scrupule,  elle  promet 
une  dot  sans  en  posséder  le  premier  sou  et,  pour  parer  aux 
dépenses  indispensables,  pour  masquer  sous  de  magnifiques  toi- 
lettes la  détresse  du  ménage,  elle  extorque  un  legs  fait  à  son 
fils  Saturnin,  demi-dément  dont  elle  a  peur  et  honte.  Plus 
tard,  Padullère  de  Berthe  révoltera  cette  mère  qui  n'y  voudra 
voir  d'ailleurs  qu'une  impardonnable  bêtise,  car,  selon  elle, 
le  fait  de  rester  honnête  confère  tous  les  droits  à  l'épouse, 
et  la  légitime  mauvaise  humeur  d'un  mari  ne  commence  qu'au 
flagrant  délit  de  la  femme  [307].  Mais  elle  conservera  la  plus 
entière  désinvoltuie  devant  son  gendre  outragé,  elle  saura  lui 
prouver  que  lui  seul  est  coupable  et,  tranquillement,  lui  remet- 
tra Berthe  sur  les  bras  sans  avoir  abdiqué  une  parcelle  de  son 
autorité.  Uevcnue  veuve,  madame  Josserand  vit  d'une  pension 
que  lui  font  les  anciens  patrons  de  son  mari  [477].  {Pot-Bouille.) 

Bachelard  (Narcis>ei.  —  Frère  d'Éléonore.  C'est  Tonde 
Bachelard,  un  homme  sans  mœurs,  qui  gagne  quatre-vingt 
mille  francs  par  an  dans  la  commission.  Couvert  de  bijoux, 
dégingandé,  il  est  énorme,  avec  sa  carrure  de  commerçant 
noceur  et  braillard^  qui  a  roulé  dans  tous  les  vices.  Il  a  des 
faussos  dents  trop  éclatantes,  une  face  ravagée,  un  grand  nez 
rouge  qui   flambe,  des  yeux  pâles  et  brouillés,  des  cheveux 


t)tS  ROUCOS-MACyUAIlT  17 

iiIciDcs  cou|it-s  rns  [-19].  Sa  maison  de  commi^siou  occupe  le 
sous-sol  cl  le  rei-dtf-diausséti  d'un  ra^le  immenhle  de  la  rue 
d'Eiigliien.  l'&ns  les  occnsions  de  plaisir,  Baclidard  agit  avec 
la  prodi^alilt-  enragée  d'un  homme  qui  ne  comple  plus  ;  il  est 
coinm  sur  [ouïe  la  ligne  des  grands  boulevards  pour  ses  dîners 
Taflueux,  des  dîners  à  (rois  cenU  fraocs  par  léie  rgu'il  offre  k 
ses  clients  de  l'InJe  ou  duBrésilet  dans  lesquels  il  soutient  noble- 
ment riioiineur  de  la  conimission  française  [âiO].  Mais  cette 
osloni;iiiû:i  ne  l'empècho  pas  de  ci'ii^pier;  dans  les  cafés,  il 
emiiorie  le  sucre;  en  Tamille,  il  esi  d'une  avarice  féroce. 
Co'iin^a  Its  Josferand  sont  à  genoux  devant  sa  fortune,  il  les 
\,>luj<;  pendant  quinze  ans,  enimenaut  clinque  semaine  le 
.■--•■I  l'.'isjïi'  Jeux  heures  dans  son  bureau  et  lui  faisant  vériTier 
^raiis  ses  écritures  pour  économiser  crnt  sous.  Il  accepte  les 
'..  .iialioi  ;  à  diiier,  laisse  entendre  à  sa  saur  qu'il  sera  géné- 
reux plus  lard,  impose  aux  Josserand  ses  habitudes  répu- 
p.ujiU'S,  ^e  f;ii(  iripoler  par  ses  nièces  ([ui  lui  arrachent  parfois 
Tingi  inincs  de  haulc  lutlc,  mais  il  n'offre  jamais  un  cadeau. 
Gavé  de  hoisson  el  de  nourriture,  Bachelard  a  beau  u'nvoir 
jamais  sa  raison,  il  ouvre  l'œil  dés  qu'on  lui  parle  d'argent  et, 
ç>rré  de  près,  sait  se  dérober  en  exagérant  son  air  de  noceur 
o-icux  [IJOj.  Il  n'est  prodigue  que  de  ronseils,  s'entcndanl  à 
demi-mot  avec  sa  sœur,  pour  marier   Dertbe  grâce  à  fappàt 

AU  l'uni,  ce  jfjuisâeur  éguWte  a  toujours  été  pour  l'idéal  ; 
fatigué  di'i  g-iieuses  qui  le  grugent,  Narcisse  Bachelard  a  clier- 
i-.ié  un  ccenr  ijui  le  comprit  et  il  s'est  mis  à  aimer  Fanuy 
Menu,  la  j'june  nil,  ime  innoct^nce  en  chiimbre,  de  la  chair  en 
boulon  qu'il  ^alil  dt  ses  anciens  vices  [âV5]  el  qui  ne  lui  coûte 
pas  plus  de  cinq  louis  par  mois.  Ouand  une  noce  l'attendrit,  t! 
ne  peut  se  tenir  de  mener  les  gens  ch«  Fili,  partagé  entre  la 
vanité  de  montrer  son  trésor  et  la  crainte  de  se  le  faire  voler 
[I6(j].  Uauj  ces  nioinents-là,  sa  voik:  de  vieil  ivrogne  tremble, 
des  larme?  gonflent  si:s  paupières  lourdes  ;  il  donne  des  détails 
sur  sa  mallr-jsje,  vine  peau  de  Oeur,  des  cuisses  rondes  et 
fermes  comme  des  pèches  [--ii].  Et  l'incvitalile  se  produit  : 
Bachelard  es;  trompé  nu  profil  de  Cueulin,  son  neveu  et  son 
compagnon  <l-:  plai-ir ;  mais  cette  itifoitune  achévo  d'exciter  sa 
sensibilité  ;  il  régularise  la  situation  en  mnriant  Gueulin  el 
Fifi,  el  il  leur  donne  généreusement,  en  bon  oncle,  les  cin- 
quante jidlle  francs  promis  depuis  si  longtemps  pour  la  dot  de 
sa  ni^'.-  l;.'ri('e.  iP'.UBonilItÀ 


1«  LES  PEUSONNAGLS 

Badeuil  (Cuaklesj.  —  Mari  de  Laurc  Fouan,  pure  d'Es- 
telle Vaucog^ne.  Ancien  tenancier  de  maison  publlifue.  Il  vivo- 
tait dans  un  petit  café  de  la  rue  d*Angoulêine,  à  (ihàteaudun, 
lorsqu'il  a  épousé  Laure  Fouan.  Hantés  par  le  désir  d'une  for- 
tune rapide,  les  époux  sont  allés  a  Chartres  et,  après  avoir 
tùté  de  plusieurs  commerces,  ont  eu  Theureuse  i'Iéc  d'acheter 
uo  établissement  de  la  rue  aux  Juifs,  tombé  en  déconfiture 
par  suite  de  mauvaise  gestion,  (jr&ce  au  bras  d'acier  de 
M.  Charles  et  à  Textraord inaire  activité  de  sa  femme,  le  19 
s'est  rapidement  relevé  de  ses  ruines.  En  moins  de  vingt-cinq 
années,  les  Dadeuil  ont  économisé  trois  cent  mille  francs,  ils 
ont  alors  voulu  contenter  le  rêve  de  leur  vie,  une  vieillesse 
idyllique  en  pleine  nature,  avec  des  arbres,  des  Qeurs,  des 
oiseaux,  et,  comme  Laure  Fouan  aspirait  à  unir  st.'S  jours  au 
pays  natal,  ils  se  sont  iixés  à  Hognes,  dans  la  charmante  pro- 
priété de  Roseblanche,  véritable  oasis  de  la  Deauce  pouilleuse, 
folie  d'un  riche  bourgeois  de  Cloyes,  qu'ils  ont  ac(|uise  à  un 
prix  dérisoire  [43].  M.  Charles  est  un  bel  homme  de  soixante- 
cinq  ans,  rasé,  aux  lourdes  paupières  sur  des  yeux  éteints,  à 
la  face  correcte,  grasse  et  jaune  de  magistrat  retirée  Chez  lui, 
on  le  trouve  avec  des  chaussons  fourrés  et  une  calotte  ecclé- 
siastique qu'il  porte  dignement.  11  a  un  grand  souci  des  bonnes 
manières,  s'indigne  contre  le  relâchement  des  mœurs  dans  les 
campagnes  et  montre  la  plus  grande  sévérité  à  Tt^'iard  de  ses 
bonnes  [183].  Tout  le  pays  respecte  les  DadcuiU  qui  ne  sont 
ni  des  fainéants  ni  des  bêtes,  puisqu'ils  ont  su  mettre  de  côté 
douze  mille  francs  de  rente;  les  paysans  de  la  famille,  à 
genoux  (levant  l'argent,  sont  extrêmement  flattés  -le  serrer  la 
mainqueM.  Charles  leur  tend  aveccondesccndancc.  Et  les  anciens 
tenanciers  du  10  vivent  là,  dans  un  bonheur  absolu,  qu'ils  con- 
sidèrent comme  la  récompense  légitime  de  leurs  trente  années 
de  travail,  tourmentés  seulement  du  sort  de  la  maison  de 
Charlrts,  qui  périclite  aux  mains  de  l'incapable  Vaucogne, 
mari  d'Eslclle.  {La  Terre.) 

Badeuil  (Madame  Chakles).  —  Fille  cadette  de  Joseph- 
Casimir  Foiiaii.Sœur  de  la  Crande,  du  père  Foujuni  de  Michel 
Fouan,  dit  Mouche.  Femme  de  M.  Charles.  IJevée  dans  la 
coulurr,  placée  à  Chàleaudun,  elle  avait  êié  laissécMMi  deliors  du 
paplagc  des  terres,  on  l'avait  indemnisée  en  aigeui.  Devenue 
maîtresse  d'une  maison  de  tolérance  àClKirlres,  elle  a  puissam- 
ment scLondê  son  mari,  ayant   l'œil   partout,  ne  laissant  rien 


DES  ROUGO.N-MACyCAnT  19 

|ienii'i'.  loui  en  sachant  accepter,  quand  il  le  fallait»  les  pelits 
voU  de>  clients  riches  [il].  Retirée  avec  son  mari  à  Rognes  après 
fortune  faite,  madame  Charles  est  une  dame  de  soixante*deux 
ans,  ù  l'air  respectable,  aux  bandeaux  d*un  blanc  de  neige;  elle 
a  le  masque  épais  et  à  gros  nez  des  Fouan,  mais  d'une  pâleur 
rosce,  'i'une  paix  et  d'une  douceur  de  cloître,  unô  chair  de 
vieille  religieuse  ayant  vécu  à  Tombre.  Elle  donne  le  bon  exem- 
ple en  allant  à  la  messe  et  soigne  attentivement  l'éducation 
(ie  sa  petite-fille  Élodie  Vaucogne,  ange  de  candeur  qui  ne  doit 
rien  connaître  des  basses  réalités.  Très  attachée  d'ailleurs  aux 
souvenirs  de  sa  vie  active,  madame  Charles  affectionne  un  vieux 
•.Lat  jau:ie  qui,  pendant  quinze  ans,  a  ronronné  sur  tous  les  lits 
:i:  l'S  k  chai  favori  qui  assistait  aux  choses  eu  muet  rêveur, 
voyant  tout  de  ses  prunelles  amincies  dans  leur  cercle  d'or 

Du  foad  de  sa  retraite  bourgeoise  pleine  de  soleil,  une  véri- 
iablc  nostalgie  ramène  la  vieille  dame  vers  son  ancienne  maison 
aux  Persiennes  toujours  closes.  Dans  les  moments  de  presse,  elle 
accourt  à  Chartres  pour  donner  un  coup  de  main  à  sa  fille 
Estelle,  qui  lui  a  succédé.  Et  elle  rapporte  à  Rognes  des  lots 
Je  vivux  linge  imprégné  d'une  persistante  odeur  de  musc,  des 
maps  f!.  loques,  des  chemises  fatiguées,  qu'elle  distribue  aux 
j»:iysari>  de  la  famille,  flattés  dans  leur  amour  du  linge,  la 
Taio  richesse  après  la  terre  [273].  Madame  Charles,  convaincue 
t{ue  sa  { elite-liile  ne  sait  rien  de  rien,  connaîtra  la  plus  douce 
émotion  de  sa  vie  lorsqu'elle  verra  Élodie  obéir  à  une  vocation 
irrésistible  et  perpétuer  la  race  des  Charles  en  reprenant  le  19 
et  en  sauvant  de  la  ruine  l'œuvre  glorieuse  des  grands  parents 
[i9l].  (La  Terre,) 

Badeuil  (Estelle).  —  Fille  des  Dadeuil.  Mère  d'Élodie 
Viiucogue.  Née  dans  la  première  année  du  mariage  de  ses 
parents,  elle  a  été  mise  chez  les  Sœurs  de  la  Visitation,  à  Chà- 
teauduD,  et  n*est  sortie  de  ce  pensionnat  dévot  qu'à  dix-huit 
ans,  pour  être  mariée  à  Hector  Vaucogne.  Mère  après  cinq  ans 
de  mari^.ge,  elle  a  vécu  jusqu'à  trente  ans  sans  soupçonner  le 
métier  ie  ses  parents  et,  instruite  seulement  à  répoque  où  ils 
songeaient  à  se  retirer,  elle  a  voulu  reprendre  leur  coiumerce, 
se  rêvéhint  du  premier  coup  comme  une  njaîircsse  de  maison 
supérieure,  suliisant  à  elle  «^eule  à  faire  marcher  le  19,  com- 
pensant heureusenjent  la  mollesse  de  son  mari  [12].  Mais,  mal 
^ir^-on-^'".  ►.•!'*  -e  don*^?  u;^  rî^a'  -ncrr'.*  pou'*  5  jutoiii"  !:   Ij'^nn'i 


eO  LES  PERSONNAGES 

répulation  de  l'établissement  et  finit  par  se  tuer  à  la  peine. 
L'enterrement  a  lieu  à  Chartres,  le  quartier  s'associe  à  la  dou- 
leur des  Badeuil,  les  cinq  femmes  de  la  maison  assistent  à  la 
cérémonie  en  robe  sombre,  l'air  comme  il  faut  [339].  (La 
Terre.) 

Baillehache.  —  Notaire  à  Cloyes,  né  en  1805.  Sa  charge 
esl  dans  la  famille  depuis  deux  cent  cinquante  ans;  les  Baille- 
hache  de  père  en  fils  se  sont  succédé,  d'antique  sang  beauce- 
ron, prenant  de  leur  clientèle  paysanne  la  pesanteur  réfléchie, 
la  circonspection  sournoise,  qui  noient  de  longs  silences  et  de 
paroles  inutiles  le  moindre  débat.  Baillehache,  frais  encore 
pour  ses  cinquante-cinq  ans,  a  les  lèvres  épaisses,  des  pau- 
pières bridées  dont  les  rides  font  rire  continuellement  son 
regard.  Il  porte  un  binocle  et  a  le  continuel  geste  maniaque  de 
tirer  les  longs  poils  grisonnants  de  ses  favoris  [15].  Dans  son 
étude,  située  rue  Grouaise,  on  contracte  des  assurances  contre 
la  conscription  [69].  Baillehache  assiste  avec  un  flegme  profes- 
sionnel aux  terribles  querelles  de  ses  clients  [389].  (La  Terre.) 

Baillehache  (Mademoiselle).  —  Sœur  ni  née  du  notaire 
de  Cloves,  née  en  1799.  Extrêmement  laide,  mais  douce.  Elle 
épouse  à  trente-deux  ans  .Mexandre  Hourdequin,  de  cinq  ans 
moins  âgé  qu'elle,  et  elle  lui  apporte  une  dot  de  cinquante 
mille  fr.'incs.  Deux  enfants,  un  fils  et  une  fille.  Elle  meurt  en 
iSr-ô,  pendant  la  moisson  [87].  (La  Terre.) 

Balbi  (Clorinde).  —  Voir  Clorinde. 

Balbi  (Comtesse  Lenora).  — Vieille  Italienne,  moitié  aven- 
turière, moitié  grande  dame,  sortie,  dit-on,  d'un  lit  royal.  Sa 
fille  Clorinde  est  née  deux  ans  après  la  mort  du  comte;  le 
nxMiage  Balbi  avait,  prétend-on,  passé  par  une  foule  d'excentri- 
cités, dans  des  débordenienls  parallèles  [63].  Lu  comtesse, 
fixée  à  Paris,  se  livre  ù  de  savantes  menées  politiques,  son 
salon  esl  le  refuge  des  Vénitiens  exilés,  elle  est  informée  des 
aifaires  d'iJalic  avant  le  légat  lui-même  [7^2],  et  agit  dans  le 
monde  politique  en  agent  secret  du  gouvernement  piémontais, 
secondée  par  les  séductions  de  Clorinde.  Lenora  Balbi  vit  allon- 
gée, croquant  des  pastilles  à  la  menthe,  recevant  les  hommages 
du  chevalier  Busconi,  et  se  faisant  soigner  par  le  domestique 
Flaminio,  un  grand  diable  d'Italien  à  figure  de  bandit.  (Son 
Excellence  Eugène  Rougon.) 

Balthazar.  —  Cheval  de  madamo  François.  Donne  vieille 


nt:s  iio'JcON-.ii\r.C!UART  ;i 

Ijêlc  Je  irail  faisant,  élu  r.omme  liiïer,  le  irajel  de  Niinlerrc  ;i 
Paris,  rt:iiisanl  rue  Moiilorgiieil.au  Com|ias  d'Or  [7].  {I.e  Veulre 

Bambousse  (Artaud,  dit).  —  Maire  des  Arlaud.  Le  {ilus 
riche  cultiraleur  du  pays,  gras,  suanl,  la  facti  ronde,  vieil 
jncrcduie  qui  reFuse  les  fonds  de  la  commune  pour  réparer 
l'église  e»  ruine  [iO].  Sa  fille  Ro&alie  ayant  été  culliulée  dans 
tes  Toins  par  roi-tunê  Rricliel,  lils  de  paysans  pauvres,  il  i-efuse 
d'aliord  iOD  conserittmeiil  au  mariage,  furieux  de  donner  son 
Lien  à  i-n  san^  le  sou  [i%'\,  puis  il  ci-de  après  l'accouchcmcnl 
de  FiDSuIii-  et  il  a  lu  crévu-cœur  do  voir  l'enfant  mourir  quel- 
ques jours  apPïi  le  mariage [-125].  {i,aFfli((e  de  l'abbé  Mouret.) 

Bambousse  (CATREniXE).  —  Fille  cadette  de  Bantliousse. 
Onz?  ar  j.  Iiéj^  vicieuse,  on  la  rencontre  dans  tous  les  coins  du 
;  r.y;  av  .■  Vino;nt  Dricliel  [33].  Vole  des  brandies  d'olivier  pour 
les    api'rjrler  au    mois    de    Marie  [9^].  (/-a   Faute  de   Vabbè 

Bambousse  (RoSAUe).  —  Pille  atnée  de  liambausse.  Dix- 
liuit  31.-,  Grande  fille  brune,  travailleuse  de  la  terre,  nuque 
rouî-it,  [-IiïVrtix  iintrs  plantés eomme  des  crins,  l'air  d'une  béte 
imj''jj!iLie  [o.j].  .Mîiitresse  de  Fortuné  Brifliet.  On  les  marie 
aprCs  !_'  venu-^  d'un  enfant  [381].  (La  Faute  de  l'abhé  Mouret.) 

Baptiste.  —  Valet  de  cliamlire  de  Saccard.  Homme  superbe, 
tôt;:  it  noir  l.aljillc,  jrand.  fort,  la  face  hlancbe.  avec  les  fa- 
voris cl'LTccIs  d'un  diplomate  anglais,  l'air  grave  ei  dig'no  d'un 
mayisi'al  l^''].  Parait  s'intéresser  beau''.oup  aux  chevaux.  Sa 
froiJeu-,  ses  regards  clairs  qui  ne  s'arrêtent  jamais  aux  belles 
épaule;  décolletées,  en  imposent  &  Renée  [206],  jusqu'au  jour 
ail  i^lie  apprend  que  ce  mépris  des  femmes  a  pour  cause  un 
trop  prariiJ  amour  pour  les  jeunes  garçons  d'écurie  [310]. 
Ch.-.isÉ  par  Saccard,  l'imposant  Baptiste  entre  au  service  du 
bar^ji  ^'.ourauJ  [314].  (Lu  Cnrée.) 

Baptistin.  —  Employé  de  Larsonneau.  Petit  jeune  homme 
Iou;lie.  Ie~  cheveux  pAles,  la  face  couverte  du  tnclies  de  rous- 
seur. 1  e;;  \i\tt  d'une  mauvaise  redingote  noire,  trop  grande 
et  iiOr.iblem^nt  râpée  [251].  Larsonneau  lui  fait  jouer  le  roiû 
prir.îi;  il  dans  une  comédie  de  chantage,  deslinée  à  intimider 
Arifti  >  Sacc-.rd.  (La  Curée.} 

Baquet  U  Mèiie),  —  Marchandi'  devin  a  La  Chapelle. 
V-.'.  1  .  i  vin  iOrléans  à  huit  sous  [^6i],  {L'Asiommnir.) 


a  I,KS  PKIlSONNAi.ES 

Barillot.  —  Averlissear  aa  théâtre  «les  Vari»*lés,  où  il  est 
depuis  trente  ans.  Cest  un  petit  vieillard  bléine,  à  la  voix 
grêle  [139].  (Xana,) 

Bastian.  —  Tambour  de  la  coinpng^nie  Benudoin,  du  106*  de 
ligne  (colonel  de  Vineuil).  L*n  gros  garçon  gai.  Dans  ta  retraite 
sur  la  place  de  Sedan,  le  i*'  septembre,  vers  «:iiiq  heures, 
lorsque  la  bataille  était  finie,  il  a  eu  Tiafortune  (Pal I râper  dans 
l'aine  une  halle  perdue  [o9G].  Le  malheureux  agonise  sur  la 
paille,  à  Tambulancc  Uelaherche,  et  meurt  pendant  la  distribu- 
tion du  trésor  du  ?•  corps.  Les  pièces  d*or  qu'un  sergent  a  mises 
dans  SCS  mains  déjà  froides  roulent  à  terre  et  sont  ramassées 
par  an  blessé  voisin,  un  petit  zouave  sec  et  noir,  qui  veut  avoir 
de  qnoi  se  payer  du  sirop  [?»01].  (Li  Débâcle.) 

Bataille.  —  l'n  cheval  blanc  qui  a  dix  ans  de  fond,  dans 
les  ^'iileries  du  Voreux.  Le  doyen  de  la  mine.  Depuis  dix  ans,  il 
vit  là,  occupant  un  même  coin  d'écurie,  faisant  la  même  tâche 
le  lonjr  des  parois,  sans  avoir  jamais  revu  le  jour.  Très  gai.  le 
poil  luisant,  l'air  bonhomme,  il  semble  coulet*  une  existence 
de  sage,  à  Tabri  des  malheurs  de  là-liaut.  D'ailleurs,  dans  les 
ténèbres,  il  est  devenu  d'une  grande  malignité.  La  voie  où  il 
travaille  a  Uni  par  lui  être  si  familière,  qu'il  pousse  de  la  tète 
les  portes  d'aérage,  et  se  baisse,  afin  de  ne  pas  se  cogner,  aux 
endroits  trop  bas.  Sans  doute  aussi,  il  compte  ses  tours,  car 
lorsqu'il  a  fait  le  nombre  réglementaire  de  voyages,  il  refuse 
d'eu  reeonuiiencer  un  autre,  ou  doit  le  reconduire  à  sa  man- 
g*»oire. 

.Maiiilerant,  l'âge  \ient,  ses  yeux  de  chat  se  voilent  parfois 
d'une  mélancolie.  Peut-être  Dataille  revoit-il  vaguenieul,  au 
tond  de  ses  rêvasseries  obscures,  le  moulin  où  il  est  né,  près 
de  Marchiennes,  un  moulin  planté  sur  le  borti  de  la  Scarpe, 
enlour»* de  laiges  verdures,  toujours  évcnlé  par  le  vent.  Quelque 
chose  ijiùle  en  l'air,  une  lampe  énorme,  doîit  le  souvenir 
exact  échappe  à  sa  mémoire  de  béte.  El  il  reste  la  tète  basse, 
tremblant  ^ur  ses  vieux  pieds,  faisant  d'inutiles  elTorls  pour  se 
rappeler  le  soleil  [Go].  Oiiî^nd  un  comiiagnon  lui  tombe  de  la 
terre,  il  le  flaire,  connue  s'il  trouvait  en  lui  la  bonne  odeur  du 
grand  air,  l'odeur  oubliée  du  soleil  dans  les  herbes,  et  il  éclate 
tout  â  «j'iup  d'un  hennissement  sonore,  d'une  musique  d'alié- 
jrresse,  où  Sfiiible  se  révéler  ratlcutlrisscmeni  d'un  sanglot 
|r»4].  11  s'est  pris  d'une  grande  tendresse  pour  son  caniaraie 
Tromp-^tle  ;  on  dirait  la  pitié  atreclueuse  d'un  vieux  philoso[die, 


htS  liOlCON-ïlACyDART 

désireux  de  sonlairer  un  jeune  uiui,  en  lui  doanani  sa  résh^t 
lion  cl  S3  |ia<l-tice  [ilO].  Mais  c'est  en  vain  qn'il  le  froite  ;ii 
calemeiil  de  fti  L-ôles.  (ju'il  lui  mordille  le  cou,  i'aulre  n^ 
morne,  san5  goili  i  la  heso^e,  comme  torluré  du  rcgrei  d-'  In 
lumière.  Tro  upeiie  ineurl  [1J6],  et  le  tour  de  Ualaille  vl 
peu  plus  lar'l  :  il  est  ussassinéparl'iiiondaliondeta  mine  I^r>.'j»] 
{GenHiiial.) 

Baudequin..— riessinalcur  Imbilant  la  maison  des  l.n- 
rilleux,  ru«  .le  la  IJouiie-d'Or.  C'est  un  grand  CECogrilTe  erili" 
de  dettes  [71  ].  (L'Atiommoir.) . 

Baudequin.  —  Ticnl   un  tatc  Imulevard   des  Batignolle 
nu  coin  de  iii  me  Darcel.  Là,  se  soni  réunis  réguliêrenteul 
'liTiiauL'Iie  £i>ir,  |>endaiil     plusieurs    années.   Claude   Lanlii; 
Pierre  S^in<<iiz,  ll'diuche,  ïliilioudeau  et  leurs  amis,  une  bam 
le  jeun-'S  ?•■»-  p.issionnéi  pour  leur  art  et  décidés  à  conqui^t 
Paris.  Audi-liiii,  l.-s  peintres  du  ijuanier  se  moutrenl  Cloudu 
.j  cliucliolaiil,  i-iMnme  s'ils  voruient  passer  le  chef  redouialjl<' 
d'une  iriliu  d.-  siiuvages  [95].  Plus  lard,  la  bande  se  noie  dans  h- 
ilol  dosnotneaiiN  venus,  on  est   peu  à  pi'u  submergé  par  l:i 

fine  <:i.iuJi:  ne  connaii  pas,  ii>;anenl  lui  serrer  la  main  [ùH'i]. 
l'uis  le  ic(iip>  siicoule,  les  léunions  cesscnl,  l'clablissenieni 
change  iruis  (oi-  de  propriéraire,  Claude  et  Sandoz  revenus,  ]iai' 
l:nsai'J,  au  seni)  de  ce  café,  donl  ils  disaient  aulrefoig,  eu 
riani,  qu'il  étuii  le  berceau  d'une  rérolulion,  ne  reconnabseni 
plus  la  salle,  >ii-posée  autrement;  leur  lalile  d'anlrefois,  au 
lond,  H  gaucin-,  n'est  plus  là;  de  nouvelles  coucbes  de  coii^odi- 
uialeui's  se  snni  succédé,  les  une~  recouvrant  les  autres,  si  bii.n 
i[uelesancienni-sonl  disparu  comme  des  jieuples  ensevelis  [l^Jiî]. 
iVOEin-rc.j 

Baudu.  —  M  iri  d'ÉlisalieiL  Haucbecoriie.  Père  de  Gene- 
viève. UnLle  'le  llfiiise,  Jean  et  l'êpé  Baudu.  Enn-é  eoninie 
simple  coniniis  i<u  Vieil  Ëlbeuf  :ivec  sept  francs  dans  sa  pailie, 
il  a  lini  p;ir<'|io'i&er  la  fille  dv  liane  lie  cor  ne,  le  patron,  à  qui  il  a 
succédi}.  Biius  l-'s  années  d';  prospérité,  le  ménage  Baudu  a 
élevé  six  «nr-rins  :  iruis  sont  morts  i  vingt  ans,  le  quatrième  .1 
maliourué,  le  lininitmeest  olDuer,  il  ne  reste  que  Geneviève. 
•  ielte  laniille  a  ci^uié  gros  et  Baudu  s'est  aciievé  en  aclielanl  à 
Uambûuillel  ui  e  i^raude  baïaque  de  uiaison,  une  antique  biiis^t- 
où  il  rêve  de  Sr-  iviirer  et  qu'on  est  forcé  de  réparer  continuel - 
k-ment  ;  fes  ^■<ii\s  passent  là,  il  n'a  eu  que  ce  vice,   dans  si 


U  LES  PEUSO.NNAGES 

probité  méticuleuse»  obstinée  aux  antiques  usages.  Le  Vieil 
Elbeuf  souffre  de  la  terrible  crise  déterminée  par  les  grands 
magasins.  La  boutique,  pleine  irhumidité,  est  écrasée  sous  un 
plafond  bas  et  enfumé  ;  elle  a  un  entresol  aux  baies  de  prison  et 
une  arrière-salle  qui  ouvre  sur  un  fond  de  puits;  c'est  une  odeur 
de  vieux,  un  demi-jour,  où  tout  l'ancien  commerce,  bonhomme 
et  simple,  semble  pleurer  d'abandon,  alors  que,  de  l'autre  côté 
de  la  rue,  le  Bonheur  des  Dames  donne  l'impression  d'une  ma- 
chine fonctionnant  à  haute  pression,  avec  ses  vitrines  échauf- 
fées et  comn>e  vibrantes  de  la  vie  intérieure  [18]. 

Daudu  est  un  gros  homme  à  cheveux  blancs  et  à  grande  face 
jaune  [6],  un  bilieux,  un  violent  aux  poings  toujours  serrés  [25]. 
Toute  une  aigreur  a  grandi  en  lui.  Les  étalages  du  Bonheur  des 
Dames  le  mettent  en  fureur,  il  a  le  sang  aux  yeux,  la  bouche 
contractée.  11  sindigne  contre  ces  grands  bazars  où  l'on  vend 
de  tout,  où  les  commis,  un  tas  de  godelureaux,  manœuvrent 
comme  dans  une  gare,  traitent  les  marchandises  et  les  clients 
comme  des  paquets,  lâchent  le  patron  ou  sont  lâchés  par  lui 
pour  un  mot,  sans  affection,  sans  mœurs,  sans  art  [26].  Moins 
atteint  que  d'autres  jusqu'ici,  parce  que  le  monstre  ne  tient 
pas  encore  tous  ses  articles,  il  prédit  avec  assurance  la  chute 
des  grands  magasins,  une  débâcle  qui  doit  rétablir  la  dignité 
du  commerce  compromise.  Dépuis  longtemps,  Daudu  projette 
de  marier  sa  fille  Geneviève  à  son  premier  commis  Colomban, 
comme  lui- môme  a  été  marié  à  la  fille  de  Ilauchecorne  ;  un 
scrupule  de  probité  lui  fait  retarder  cette  union  jusqu'à  la  fin 
de  la  crise,  pour  ne  point  passer  à  son  gendre  la  maison  moins 
prospère  qu'il  ne  Ta  reçue  lui-même.  Dans  tout  le  quartier,  les 
autres  spéciiilités  croulent. 

Laudu  a  fini  par  s'incliner  devant  les  faits  ;  mais,  s'il  a  perdu 
la  foi,  s'il  sent  même  la  peur  l'envahir,  son  intelligence  reste 
rebelle  à  l'évolution  logique  du  commerce;  jamais  le  Vieil 
Elbeuf  ne  fera  une  concession.  Dans  l'implacable  poussière  des 
agrandissements  du  Bonheur  des  Dames,  devant  le  chantier 
colossal  où  l'on  travaille  toute  la  nuit,  Daudu  sent  venir  la  mort 
lente,  sans  secousse,  par  un  ralentissement  continu  des  affaires, 
les  acheteuses  perdues  une  à  une.  Pour  durer  davantage,  il  se 
résigne  au  plus  cruel  des  sacrifices:  la  campagne  de  Ram- 
bouillet, quia  coûté  deux  cent  mille  francs,  est  vendue  soixante- 
dix  mille  francs  aux  Lhomme.  Maintenant,  le  Bonheur  tient 
tous  les  articles  de  la  maison,  les  velours  de  chasse,  les  livrées, 
les  flanelles  ;   des  sacrifices   sont   encore   nécessaires,  il  faut 


DES  liOL'GON-MACyUAIlT  W 

livjiotlii-iiuer  le  vieil  inuimiiblc  d'Ariïlide  Pinul.  Le  drapier  ne 
comprend  |ilus,  il  en  arrive  A  envoyer  violemracal  au  magasin 
rÎTal  les  clientes  qui  disculenl  ses  pm  [378].  La  riii  n'est  plus 
maintenant  qu'une   quoslion  de  jours,  l'émieliement  s'acbève 

(43'!].  Atterré  devani  la  défeclion  de  Colombnn,  achevé  par  la 
mort  de  s;i  lllle  et  de  sa  femme,  Baudu  vil  encore  pendant  quel- 
que temps  dans  sa  boutique  déserlêe  ;  il  marche  continucllemenl, 
cèJani  k  un  besoin  maladir,  à  de  véritables  crises  de  dénmbn- 
lalion.  conima  s'il  voulait  bercer  et  endorn^ir  sa  douleur  [iûlj]. 
11  a  refusé  le  secours  que  lui  apportait  sa  nièce  Denise  au  i>otn 
d'Ûclave  Mourel,  il  se  réfugie  dans  une  maison  de  retraite. 
Et  c'est  alors  le  triompbe  déûnilir  du  Bonheur  des  Dames,  dont 
.  iLiimense  afdche  jaune  s'étale,  comme  un  drapeau  planté  sur  un 
^'iie  conquis,  le  lon^'  des  volets  murés  du  Vieil  Elbeuf  [472]. 
<.iu  Bonheur  dfs Dames.) 

Baudu  (.\l.\ti.\wE}.  — -  Voir  Hauch écorne  (Élisabethj. 

3auâu  tCAPiTAtNe).  —  Fils  di's  drapiers  de  la  rue  de  h 
Miclioilièrc.  Est  parti  pour  le  Mexique,  comme  capitaine  [11]. 
{Au  Bonheur  des  Dames.) 

Baudu  (DEXt.'JE)  (1).  —  Nièce  du  drapier.  Sœur  de  Jean  et 
i^L  l'èj'é.  Tous  trois  vivaient  à  Valognes,  avec  leurs  parents, 
.ur^que  CL'uv-ci  sont  morts,  emportés  par  la  même  fièvre.  Le 
père  avait  mangé  jusqu'au  dernier  sou  dans  sa  teiniurerie. 
'  .^iy. neuf  ans,  Ucnise  est  restée  ainsi  le  seul  soutien,  la  mère 
des  deux  enfants,  mais  son  gain  chez  Cornaille  ne  suffit  point 
à  les  nourrir  tous  trois.  ,^u  bout  d'uu  an,  Jean  trouve  du  tra- 
vail à  Paris  et  comme  Denise,  dans  sa  tprrt'ur  maternelle,  ne 
veut  pas  laisser  ce  grand  garçon  venir  seul  à  Paris,  elle  quitte 
Valognes  en  un  coup  de  tête  ot  la  petite  famille  débarque  un 
matin  cbe^  l'oncle  Baudu.  La  jeune  fdle  est  chétive  pour  ses 
viugl  ans;  elle  a  un  visage  long  à  In  bouche  trop  grande,  le 
teint  fatigué  déjà;  sa  seule  beauté  est  dans  ses  cheveux  blond 
cendré,  ils  lui  lomlient  jusqu'aux  chevilles  et,  quand  elle  se 
coitTe,  ils  la  gênent  au  point  qu'elle  se  contente  de  les  rouler 
et  de  les  retenir  en  un  las,  sous  les  fortes  dents  d'un  peigne 
d-  corne  [108].  l'n  sourire  ia  transligure  ;  il  est  comme  un  épa- 
nouissement Ju  visage  entier,  ses  yeux  gris  prennent  une 
na:iimi'  tciidre,  ses  joues  se  creusent  d'adorables    fossettes,  ses 


th  LtS  l»tKiON.\ACE6 

pâles  cheveux  eui-mèaies  semblent  roler,  dans  la  gaieté  boane 
et  coarageusc  de  tout  son  éirc.  Alors,  elle  d»-vi«  iit  jolie  [67]. 
Sous  so:i  a>pect  tranquille  et  doux,  il  y  a  une  vo  onlé  têtue  de 
Normande. 

Rue  do  la  Michodière,  elle  Toit  le  Vieil  Elbeuf  enfumé  et 
noirâtre,  un  irou  glacial  où  sa  cousine  Genevièvr  s*êtiole  sous 
repaisse  indifférence  de  Oolomban,  un  commerce  TÎeiliot  et 
rétréci  où  il  n'y  a  pas  de  place  pour  elle;  en  fac»*,  resplendit  le 
Bonheur  des  Dames,  dont  elle  subit  aussitôt  la  teaiatioo.  Dans 
son  désir  d*y  pénétrer,  il  y  a  une  peur  ragoe,  qui  achèfe  de 
la  séduire;  cest  une  passion  de  la  vie  et  de  la  lumière.  Elle  y 
rêve  son  avenir,  beaucoup  de  travail  pour  éîever  les  enfants, 
avec  d'autres  choses  encore,  elle  ne  sait  quoi,  des  choses  loin> 
taines  dont  le  désir  et  la  crainte  lui  fout  peur  [3^].  On  I  ac- 
cepte au  rayon  des  confections.  Les  autres  venJtru?ês  Taccueil. 
lent  avec  la  sourde  hostilité  des  gens  à  table  qui  u*aiment  pas 
se  serrer  pour  faire  place  aux  faims  du  dehors  ;  elle  se  plie  à 
la  besogne  inférieure  des  débutantes,  ravalée  par  madame 
Aurclie  au  ran^  de  mannequin,  traitée  en  paria,  condamnée  à 
de  terribifs  fatigues  qui  la  brisent  et  la  jettent  le  soir,  dans  sa 
petite  chambre  malsaine,  sans  la  force  de  se  déchausser,  ivre 
de  fatigue  et  de  tristesse  [143].  Mais  elle  g3>ide  son  grand 
courage;  sous  les  crises  de  sa  sensibilité,  il  y  a  une  raison 
sans  cesse  agissante,  toute  une  bravoure  d*ètre  fuible.  s*obsti- 
nanl  gaicmeut  au  devoir  qu'elle  s'impose.  Elle  fait  peu  dv 
bruit,  va  devant  elle,  droit  à  son  but,  par-dessus  Its  obstacles; 
et  cela,  simpien:ent,  naturellement,  car  s'a  nature  même  est 
dans  cette  douceur  invincible. 

Ses  faibles  gains  sufGseni  à  peine  à  la  pension  de  Pépé  et  à 
Teutrelien  de  Jean;  celui-ci  exploite  son  bon  cœur;  c'est  la 
misère  noire.  Denise  en  est  réduite  à  racco m nioù or  elle-même 
ses  souliers  et  à  faire  des  lessives  dans  sa  cu\trUe;  elle  n'en 
résiste  pas  moins  aux  suggestions  de  Pauline  Cugnot,  qui 
l'engage  à  prendre  quelqu'un  pour  être  aidée  ;  ce  conseil  l.i 
géue  comme  une  pensée  qui  ne  lui  est  jamais  ve:iur:  et  dont  elk 
ne  \oi{  pas  l'avantage.  D'ailleurs,  elle  n'obéit  pas  à  des  idées, 
sa  raison  droite  et  sa  nature  saine  la  maintieuneut  sin^plemen* 
dans  TLonnéieté  où  elle  vit  [108].  Elle  gravit  ii^»ujours  son 
calvaire,  ayant  de  gros  soucis  nialèriels  causés  par  Jean, 
s'éreinlant  le  jour,  travaillant  la  nuit  à  des  i^ruds  de  cra- 
vate, souffrant  de  calomnies  oulra;reantes,  su  i^-aut  les  im- 
mondes tentaliTes  du  père  Jouve.  Neuf  mois  de  courage  souriant 


[IE*i  KOL'CiOS-JIACdllAr.T  il 

n'ani  dèjaniié  AMrune  hoslililé;  soD  renvoi  est  snlué  par  une 
joie  piDiraU  d.us  le  rayon  [215].  Mise  sur  le  païé  avec  vingt- 
cinq  irancs  ibi  >  fn  poclic,  elle  s'esi  réfugiée  avfc  l'épé  dans 
unedescliniiiliru  ia  père  Bourras,  »on  dênu«inRnle»l  complet, 
le  pain  rnaD'(>iif,  mai.*,  là  encore,  sous  la  menace  de  la  rainioe, 
elle  rcsiâie  nnv  lentations,  un  soulèvement  de  son  éire  pro- 
lesie,  iam  iiuli^-nalioa  contre  les  autres,  répugi'anl  uniquement 
aux  choses  SLilii^aï  les  el  déraisonnables,  se  faisant  de  la  vie 
Htie  idée  de  lo;'ii|ue,  de  sagesse  et  de  courage  [2^3]. 

Si  ell?  est  si  lirave,  c'est  qu'elle  a  une  tendresse  au  cœur. 
Ctlni  qu'elle  nîiie,  c'est  Oclave  Mour";!;  lerfgaid  de  celui-ci 
dès  la  première  rencontre  au  carreTour  Gaillon  l'avait  emplie 
(l'une  èmoiion  iingulière,  e'élail  un  coup  profond  jusqu'à  la 
n'  ur.  maii  d.ia-  ce  malaise,  il  n'y  avait  que  l'ignorance  effaiée 
oe  l'amour,  k  troulde  de  ses  tendresses  naissantes.  Rientôt, 
'^s-ïiiliia  |U%;ie  n'a  jai.'i;:is  atmè  que  Jlourel,  elle  l'aimail 
lorsqu'elle  lu  relouialt  comme  ua  mullre  sans  pîtii-,  elle  l'ai- 
..  :.'.',  lorsque  rbi,  cœur  éperdu,  inconscient,  céJani  à  un  besoin 
daffevliori,  rév.  it  du  commis  Ilutin  [2i7].  El  elle  vit  mainte- 
nant chez  le  h-.lliqueux  Itourras,  dans  l'olisession  du  Bonheur 
dt:  û>'i:u*:s,  Sf^iLiée  de  son  ancien  rayon  par  un  simple  mur, 
"II.;  suljii  lu  hrt:iie  de  la  lormidable  machine;  puis,  iiprês  un 
-O'-iTl  p:iis:i^ï  liirz  l'.obincau,  restée  du  lOte  avec  Ica  grands 
Lii3ga:i:i>  où  e:  e  voit  une  ëvoluiiou  naturelle  du  commerce, 
si'iitaiil  aiUrlr  i-ii  idées,  «Ile  rentre  enliu  uu  Bonheur  des 
--;ût=  iMiiieiiéi.-  celle  fois  par  Mouret,  étonnée  de  retrouver 
tout  le  monde  |'uli,  presque  respectueux. 

Eli-  i"l-^t  ;ifJi_';e,  in  jieau  blanche,  l'air  délicat  et  grave, sans 
dulre  )n\c  <|Ui;  sa  royale  chevelure  blonJe;  son  însigniQance 
d'aulr-jfois  e-l  ùr venue  un  charme  d'une  discrétion  ptinélraute 
l^iZ].  Sa  n:iinrf-  saine  el  sa  raison  droite  résistirout  âTamour 
conini-!  tlk--  OLI  vaincu  la  misère.  C'est  en  vain  quv  Mourut 
lui  prL-Ji^ue  '.uj  iivances;  elle  lui  opjiosc  une  force  de  volonté 
douce  et  i:.i.'\.ir;:  de,  s' écrasant  le  cœur,  non  pour  obéir  à  l'idée 
de  vertu,  uiu^s  ]  .r  un  instinct  de  bonheur,  pour  satisfaire  son 
hoioiti  d'^ii..-  Ml  ir.inquille.  Sa  dignité  semble  jusqu'au  bout 
cire  le  caU'A  ^ù. mt  d'une  femme  rompue  à  la  iaciii|ue  de  la 
[lassion,  ■.!  ciiii..';  on  l'accuse  en  sourdine  de  vouloir  se  taire 
■jpou^'.:',  ■  Ile  Si- révolte  contre  ce  jugenieni,  elle  veut  parlir. 
C'til  alors  que  'l<jurct  éperdu  lui  offre  le  niaiiase.  Denise  a 
voulu  ijir-;  ti..'  lui  un  brave  bommc;  dans  sa  lèie 
'1  avi>.-c  tie  .Nor,;iande  ont  poussé  toutes  sortes  de  projets, 


-28  LES  PERSONNAGES 

rêve  est  d*ainéliorer  ce  Bonheur  des  Dames  où  elle  a  longtemps 
iatlé  et  souffert  obscurément;  elle  y  Teit  l'immense  bazar  idéal, 
le  phalanstère  du  négoce,  où  chacun  aura  sa  part  exacte  des 
bénéGces,  selon  ses  mérites,  avec  la  certitude  du  lendemain, 
assurée  à  Taide  d'un  contrat  [i28J.  Si  Mouret  a  écrasé  tant  de 
gens,  s*il  a  semé  des  ruines  nécessaires,  il  a  du  moins  préparé 
Tavenir,  et  elle  l'aime  pour  la  grandeur  de  son  œu?re  [469]. 
<.4  u  Bonheur  des  Dames.) 

Madame  Denise  Mouret  a  deux  enfants,  une  fille  d'abord,  puis 
un  garçon.  Celui-ci  tient  d'elle  et  pousse  magnifique  [131].  {Le 
Docteur  Pascal.) 

Baudu  (Geneviève).  —  Fille  de  Baudu  et  d'Elisabeth  Hau- 
cliecorue.  En  elle,  la  dégénérescence  de  sa  mère  s*est  encore 
aggravée.  Elle  a  la  débilité  et  la  décoloration  d'une  plante 
poussée  à  Tombre.  Pourtant,  des  cheveux  noirs  magnifiques, 
épais  et  lourds,  venus  comme  par  miracle  dans  cette  chair 
pauvre,  lui  donnent  un  cliarme  triste  [10].  Encore  enfant,  elle 
a  été  promise  au  commis  Colomban.  Elle  s'est  accoutumée  à 
Taimer,  avec  la  gravité  de  sa  nature  contenue,  et  d*une  passion 
profonde  qu'elle  ignore  elle-même,  dans  son  existence  plate  et 
réglée  de  tous  les  jours;  au  fond  de  ce  rez-de-chaussée  du 
vieux  Paris,  sa  tendresse  a  poussé  comme  une  fleur  de 
cave  [16].  Geneviève  a  deviné  la  cruelle  indifférence  de  Colom- 
ban qu'hypnotise  le  Bonheur  des  Dames  ;  l'amour  du  commis 
pour  une  vendeuse  lui  fend  le  cœur  ;  c'est  une  sourde  agonie 
où  son  corps  de  fiancée  s'use  dans  le  chagrin  et  dans  Fatlente, 
retournant  à  l'enfance  gréle  des  premiers  ans  [ii^].  Et  elle 
meurt  épuisée,  première  victime  du  grand  magasin  d'Octave 
Mouret  [lio].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Baudu  (Jacqueline).  —  Voir  Sivrv  (Bunche  de). 

Baudu  (Jean).  —  Frère  de  Denise  et  de  Pépé.  A  travaillé 
à  Valognes  chez  un  ébéniste,  un  réparateur  de  meubles  an- 
ciens, qui  lui  a  appris  la  sculpture  sur  bois.  Comme  il  avait 
fait  une  tête  dans  un  morceau  d'ivoire,  un  monsieur  s'est  inté- 
ressé à  lui  et  lui  a  trouvé  une  place  à  Paris,  chez  un  ivoirier 
du  faubourg  du  Temple,  où  il  sera  logé  et  nourri.  Quand  les 
trois  orphelins  quittent  Valognes,  Jean  a  seize  ans,  il  a  la 
beauté  d'une  fille,  une  beauté  qu'il  semble  avoir  volée  à  sa 
sœur,  la  peau  éclatante,  les  cheveux  rou\  et  frisés,  les  lèvres 
et  les  yeux  mouillés  de  tendresse.   Le   départ  a  été  précipité 


DES  ROUCOS-MACQL'ART  : 

I)ar  une  escapade  amoureuse  du  jeune  homme,  des  k'iiri 
«criiesà  une  fillette  noble  de  la  ville,  dus  baisers  échange 
par-dessus  un  mur  [9].  A  Paris,  cet  enfant  si  beau  cl  si  ^a 
plein  d'insouciance,  ndoré  de  toutes  les  femmes,  exploitt  long 
temp^  l'exquise  bonté  de  Denise;  pour  piller  ses  petites  ict 
nomies,  il  raconte  des  aventures,  il  inrentc  des  dangers  eMri 
ordinaires.  Jean  se  range  à  vingl-trois  ans,  aimant  cetie  foi 
la  nièce  d'un  pâtissier  trâs  riche,  qui  n'accepte  pas  même  de 
bouquets  de  violettes  [419].  Denise  le  marie  et  fait  le?  !  ni 
d'inslallilion  du  ntûiiage.  A  celle  époque,  carré  des  épaule: 
dominaiit  sa  sœur  de  toute  la  tète,  il  garde  sa  lieaulë  de  femm 
avec  sa  chevelure  hloiide,  envolée  sous  le  coup  de  vent  dt 
ouvrier;  artistes  [188].  (An  Bonheur  des  Daines.) 

Baudu  O'ti't).  —  I.e  plus  jeune  frère  de  Di;nise;  cinq  an 
lorsqu'elle  en  avin^l.  Dlond,  d'un  blond  d'enfance,  il  est  câli 
>oni:n-?  un  petit  chat,  il  reste  muet  des  journées  entière; 
vivant  lie  caresses  [13].  A  Paris,  on  le  met  en  pension  che 
madame  Gras,  rue  des  Orties,  puis  au  collège.  Quand  il 
douze  ans,  il  dèp.-isse  déjà  sa  sceur,  plus  gros  qu'elle,  toujour 
sileoiieui:  et  d'une  douceur  câline,  dans  sa  tunique  de  collé 
t'i'.'n  li'i],  l'An  Bonheur  des  Dîmes.) 

Baudu  (TiiÉRÈSE).  —  Femme  de  Jean  Ikudu.  Petite  Pari 
sienne  d  un  vijige  tourmenté  et  chariuant[l88].  (AuBankeu 
des  Daiitef.) 

Baugé.  —  Un  vendeur  du  Uon  Marché.  Fils  cadet  du 
épicier  de  Dunkcrque,  il  a  presque  élé  chassé  par  son  père  e 
son  fi-i-re  qui  le  jugeaient  trop  bêle.  A  la  vérité,  il  est  slupid 
mai-i  très  lion  pour  la  vente  des  toiles,  les  femmes  le  trouveu 
gentil;  il  se  fait  trois  mille  cinq  cents  francs  [ICO].  Amani  d 
Pauline  Cugnol,  il  est  venu  habiter  rue  Saint-Roch  pour  s 
rappro.her  d'elle  [179].  Plus  tard,  il  l'épouse  et  quitte  le  Co 
Marthe  pour  l.i  rejoindre  dans  la  maison  d'Octave  Mouret  [I^OO^ 
{Au  Do.ih:'Hr  des  Ilame».) 

Baugé  01.\da>if.).  —  Voir  Cucnoi  (P.iULlNE). 

Bavoux  —  Venileur  du  rayon  de  mercerie,  au  lioiiheu 
dos  Ll»mc=.  Lesbobinardsonl  un  club,  le  Uobin-club,  clie 
un  niarcliând  Je  vins  delà  rue  Saint-Ilonoré, qui  leur  loue  un 
salle,  le  snme.ti;  le  petit  BavouT  lit  des  vers  [319].  Un  Boa 


ao  Lt>  l'EUSONNACES 

Bazouge.  —  Xïeua  croque- mon  toujours  pochard.  Habite 
ine  de  la  Gouttc-d*Or,  dans  la  maison  des  Lorilleux  [118].  Ses 
gaîlés  funclii-es  ont  d*abord  fait  peur  â  Gervaise  qui,  tombée 
peu  à  peu  dans  le  dégoût  de  TexisteDce,  finira  par  désirer 
ardemment  être  emportée  par  lui  [546].  Razouge  se  donne  le 
suruoin  de  Uibi-la-Gaieté,  dit  le  consolateur  des  dames  [569]- 
{L  Assommoir.) 

Beauchaxnp  (Flop.c;.  —  Un  petit  modèle  qui  habite  rue 
de  Lava!,  o2.  Assez  fraîche,  mais  trop  maigre  [55].  {LTEutre.) 

Beaudoin.' — Ami  des  Hainelin,  qui  Pont  connu  à  Beyrouth 
où  il  est  établi.  A  beaucoup  aimé  madame  Caroline,  promet- 
tant de  r  épouser  après  la  mort  du  ma  ri.  Mais,  las  sans  doute 
d'attendr'*,  il  obtient  la  main  d'une  demoiselle  très  jeune  et 
imiuer.sément  riche,  la  fille  d*un  consul  anglais  [64].  (LAr- 
gent.) 

Beaudoin.  —  Capitaine  au  106-  de  ligne  (colonel  de  Vi- 
neuil;.  Un  bel  officier,  d*allure  fine  et  correcte.  Sorti  de 
Saint- Crr,  appuyé  par  plusieurs  salons,  ayant  une  très  jolie 
Toixdeténorà  laquelle  il  doit  beaucoup  déjà,  bonapartiste 
convaincu,  le  capitaine  Beaudoin  est  promis  au  plus  bel  avan- 
cement. D'ailleurs,  il  n*e$t  pas  inintelligent,  bien  que  ne 
sachant  rien  de  son  métier  [-34].  11  n'a  pas  su  se  faire  aimer 
de  ses  hommes,  on  le  trouve  trop  jeune  et  trop  dur,  un  pète- 
sec  [Oi].  Rochas,  son  lieutenant,  sorti  du  rang,  ne  peut  le 
^ouflrir.  hans  la  marche  vers  la  Meuse,  le  convoi  s*est  égaré, 
lleauiloin  a  perdu  ses  bagages;  il  ne  dérage  pas,  les  lè\Tes 
pincées,  It;  visage  pâle,  bien  moins  indigné  de  ne  point  man- 
ger que  de  ne  pouvoir  changer  de  chemise  [Ii8].  Depuis  les 
premières  d*-faiies,  il  a  Fair  absolument  choqué,  le  désastre 
lui  Semble  surtout  inconvenant.  11  arrive  dans  Sedan  pitoyable, 
l'unifornie  souillé,  la  face  et  les  mains  noires. 

.Xulrefois,  en  garnison  à  Charleville,  il  avait  été  le  familier 
dt'  la  jolie  Gilberte  Maginot;  il  la  rctctuivc  mariée  à  Jules 
Delalierclie,  on  lui  fait  fêle,  les  anciens  amaiiis  p  «ssent  la  nuit 
ensemble  et.  le  lendemain,  au  petit  jour,  Ueaudoin  rejoint  sa 
compagnie  sur  le  plateau  de  Floing,  étonnant  toul  le  monde 
parla  correction  de  ^a  tenue,  son  unifoini»*  bl0^sé,  ses  chaus- 
sures cirte>,  toute  une  coquetterie,  un  \4ijrue  parfum  de  lilas 
de  Perse  [i>3].  Au  calvaire  d'Illy.  liés  ntr\eux,  remuant  sans 
cesse  malgré  les  sages  conseils  de  liocbas,  il  a  la  ja\nbe  droite 
fr;»cassce  nar  uv.  é.lal  irol»u>  01  il  .  r.lhule  sur  le  do^.  en  pous- 


DES  KOI'GO.N-MACQIAUT  31 

>aiit  uu  cri  aigu  de  femme  surprise.  Transporté  à  Tainbulance 
Delahercbc,  il  subit  courageusement  Tamputation,  mais 
rhémorragie  a  été  trop  forte,  il  ne  survivra  pas.  Et  si,  dans 
ses  yeux,  on  lit  alors  un  immense  regret  de  la  vie,  une  làcbeté 
de  s'en  aller  ainsi^  trop  jeune,  sans  avoir  épuisé  la  joie  d'être^ 
la  pensée  qu'il  va  mani|ucr  de  correction  lui  rend  sa  bravoure 
et  il  finit  par  montrer  un  grand  courage,  soucieux  avant  tout 
de  partir  en  bomme  de  bonne  compagnie  [346].  (La  Débâcle.) 

Beau-François  (F^e).  —  Cbef  de  la  bande  des  chaufl'eurs 
d'Orgères,  dont  les  terribles  exploits,  contés  à  la  veillée,  font 
•encore  frissonner  toute  la  Beauce  [67].  {La  Terre.) 

Beaurivage  (Duc  de).  —  Personnage  de  la  Petite  Du- 
cltessi',  jiéce  de  Faucbery  jouée  aux  Variétés.  Le  duc  trompe 
£.4  iemm-i  avec  une  étoile  d'opérelte,la  blonde  Géraldine.  C'est 
le  vieux  Dose  qui  joue  le  rôle  de  Beaurivage  [312].  {Xana.) 

Beauvilliers  (Comte  Charles  de;.  —  Un  débauché,  qui  a 
achevé  d'anéantir  l'immense  fortune  des  Beauvilliers,  assise 
jadis  sur  d*iiiinienses  domaines,  dans  le  Vendomois.  .Mort  d'un 
iccident  Je  chasse,  vengeance  probable  d'un  garde  jaloux,  le 
vomte  a  l.ii>sé  une  femme  et  deux  enfants  dans  la  gène.  On 
retrouvera  plus  tard  un  engagement  signé  de  lui,  en  1854,  et 
>'romelt.::it  dix  mille  francs  à  une  fille  l.éonic  Cron,  qu'il  a  sé- 
«idite  [dy^.  (L'Argent.) 

Beauvilliers  (Comtesse  de).  —  Femme  du  comte.  3Iére 
de  Ferdinand  et  d'Alice.  A  beaucoup  souffert  de  son  mari, 
dont  elle  ne  s'est  jamais  plainte.  C'est  une  grande  femme 
maigre  de  soixante  ans,  toute  blanche,  au  grand  nez  droit, 
aux  lèvr^rs  niiiices,  au  cou  particulièrement  long;  elle  a  Fair 
îi'un  cy^'Metrés  ancien,  d'une  douceur  désolée  [67].  Elle  occupe 
avec  sa  fille,  rue  Saint-Lazare,  une  ancienne  maison  de  plai- 
sance, lu  Folie-Beauvillicrs,  attenante  à  l'hôtel  ^l'Orvicdo; 
«.est,  a\>c  la  ferme  des  Aul)lets,  prés  de  Vendôme,  !..  lerniére 
«•pave  .lune  immense  fortune.  La  ferme  rapporte  environ 
quinze  r;.ilIo  francs  de  rente,  mais  la  maison  de  Paris,  écrasée 
J'hypoll.èques,  menacée  d'une  mise  en  vente  >i  l'on  ne  paie 
pas  les  iiilLTcU,  nian;;e  la  plus  grosse  part  du  revenu.  Aussi 
madaiiiC  d»*.  Beaux iiliers  doit-elle  rachelcr  par  de  sordnies  éco- 
nomies le  luxe  extérieur  auquel  la  condamne  l'orgueil  de  sa 
condition.  Soucieuse  de  se  tenir  debout  à  son  rang,  rêvant  de 
•'  ■         ■'■    ^  vr  h'"'vn)o  d'*'^^le  noblesse  *jt  de  faire  Je  son 


Zt  LES  PERSONNAGES 

lils  un  soldat,  elle  vit  dans  un  douloureux  et  puéril  héroïsme 
quotidien  [70].  Mais  un  grand  espoir  Ta  lui  venir. 

Membre  de  la  Commission  de  surveillance  de  l'Œuvre  du 
Travail,  fondée  par  la  princesse  d*Orviedo,  elle  est  mise  au 
courant  des  merveilleuses  promesses  de  la  Banque  Universelle 
et  mal^é  son  horreur  de  race  pour  les  spéculations  ûnanciéres, 
voulant  grossir  une  petite  dot  pénibieraenl  mise  de  côté  pour 
Alice,  elle  confie  quelques  fonds  à  .\ristide  Saccard,  puis 
devant  la  hausse  continue,  elle  risque  davantage,  elle  prend  de 
nouvelles  actions  à  chaque  augmentation  de  capital,  et,  comme 
le  financier  tentateur  lui  fait  entrevoir  le  gain  futur  du  million 
qui  serait  le  salut  définitif  pour  son  nom  et  pour  les  siens, 
comme  elle  s  est  enthousiasmée  devant  les  grandes  pensées 
catholiques  rattachées  à  TalTaire,  elle  vend  les  .\ublets,  elle 
met  dans  la  Banque  tout  ce  qu'elle  possède.  Et  c'est,  dans  la 
soudaine  catastrophe  de  Saccard,  une  indigence  brusque;  tout 
a  été  fondu,  emporté  du  coup  [38i].  L'hôtel  de  la  rue  Saint- 
Lazare  ne  paiera  pas  les  créanciers. 

La  comtesse  se  réfugie  avec  sa  fille,  dans  une  chambre,  rue 
de  la  Tour-des- Dames,  son  fils  est  mort  loin  d'elle  et  sans 
gloire,  ou  lui  ramone  Alice  blessée,  salie  par  un  bandit.  Et 
madame  de  Beauvilliers,  si  noble  na^'uore,  mince,  haute,  toute 
blanche,  avec  son  grand  air  suranné,  n'est  plus  qu'une  pauvre 
vieille  femme  détruite,  cassée  par  cette  dévastation  [il6]. 
L'épouvantable  déroule  est  achevée  par  un  immonde  chantage 
de  Busch,  la  résurrection  du  passé  du  comte,  une  gamine, 
Léonie  Croti,  séduite  par  lui  et  devenue  fille  publique;  et, 
dans  la  terreur  d'un  scandale,  la  malheureuse  femme  aban- 
donne à  Busch  les  derniers  bijoux  de  famille,  ceux  qu'elle 
avait  jrardés  au  lravci*s  des  plus  grandes  gènes,  comme  l'uni- 
que dot  de  sa  fille,  et  qui  restaient  à  cette  heure  sa  suprême 
ressource  [-il 3].  (L  Argent,) 

Beauvilliers  (Alice  de).  —  Fille  du  comte.  Ressemble  à 
sa  mère,  moins  raristocraliquc  noblesse.  Chclive,  le  cou  allongé 
jusqu'à  la  disgrâce,  n'ayant  plus  que  le  charme  pitoyable  d'une 
fin  de  grande  race,  elle  est,  à  vingt-cinq  ans,  si  appauvrie  qu'on 
la  prendrait  pour  une  fillette,  sans  le  teint  gâté  et  les  traits 
déjà  tirés  du  visage  [G7].  Avci*.  son  air  d'insignifiance  mélanco- 
lique, elle  n'est  point  sotte,  elle  aspire  ardemment  à  la  vie,  à  un 
homme  qui  l'aimerait,  à  du  bonheur,  mais  ne  voulant  pas  déso- 
ler sa  mère,  elle  feint  d'avoir  renonc-j  à  tout  [GO].  Pour  aider  au 


DES  ROUGON-MACQCART  33 

train  de  maison  réduit  à  un  décor  extérieur,  elle  peint  des 
aquarelles  bâclées  à  la  douzaine  et  vendues  en  cachette  [2i6]. 
£t  celte  vierge,  qu*émacie  Tattente  vaine  du  mariage,  retrouve 
soudain  une  jeunesse  dans  l'afTolement  de  la  Banque  Uni  ver- 
-selle,  elle  s'anime,  elle  est  vibrante  devant  le  droit  qui  s'ouvre 
pour  elle  d'avoir  un  mari  et  des  enfants,  cette  joie  que  se 
permet  la  dernière  pauvresse  des  rues  [âGO]. 

Mais  un  terrible  lendemain  anéantira  son  rêve.  A  l'heure  de 
la  débâcle  financière  qui  va  achever  la  ruine  des  Beauvilliers, 
un  enfant  naturel  de  Saccard,  Victor,  recueilli  à  TŒuvre  du 
Travail,  souille  la  malheureuse  enfant  avec  une  brutalité  im- 
monde [406].  Et,  dans  les  yeux  de  folle  d'Alice,  on  lit  la  mortelle 
douleur  de  son  dernier  orgueil,  sa  virginité  violentée  [il6]. 
XU  Argent.) 

Beauvilliers  (FEnniNAND  de).  —  Fils  du  comte.  A  d'abord 
causé  de  mortelles  inquiétudes  à  sa  mère,  à  la  suite  de  quel- 
j  ques  folies  de  jeunesse,  des  dettes  qu'on  a  dû  payer;  mais, 

averti  de  la  situation  en  un  solennel  entretien,  il  n'a  pas  recom- 
mencé, cœur  tendre  au  fond,  simplement  oisif  et  nul,  écarté  de 
tout  emploi,  sans  place  possible  dans  la  société  contemporaine 
[69].  Il  s*est  engagé  dans  les  zouaves  pontificaux,  à  la  suite  de 
la  bataille  de  Castelfidardo,  mais  manquant  de  santé,  délicat 
sous  son  apparence  tière,  de  sang  épuisé  et  pauvre,  il  est  dure- 
ment éprouvé  par  le  soleil  si  lourd  de  Uome  et  il  meurt  sans 
gloire,  emporté  par  les  fièvres  [408].  {U Argent.) 

Becker.  — Joaillier  parisien.  Fournit  une  parure  de  saphir 
pour  la  maîtresse  du  comte  Muffat  [363].  (Nana.) 

Bécot.  —  Un  épicier  de  la  rue  Monlorgueil.  Devenu  veuf, 
s'est  mis  à  coucher  avec  ses  bonnes,  très  raisonnablement,  pour 
éviter  de  courir  au  dehors;  mais  oela  lui  a  donné  le  goût  des 
femmes  :  il  lui  en  a  fallu  d'autres,  bientôt  il  s'est  lancé  dans 
une  telle  noce  que  l'épicerie  y  a  passé  peu  à  peu,  les  légumes 
secs,  les  bocaux,  les  tiroirs  aux  sucreries.  Bécot  meurt  d'un  coup 
de  sang  [93].  iL'Œacre.) 

Bécot  (Irma).  —  Fille  de  l'épicier.  A  suivi  jusqu'à  seize  ans 
les  cours  d'une  école  voisine.  Faisait  ses  devoirs  entre  deux 
sacs  de  lentilles,  et  achevait  son  éducation  de  plain-pied  avec 
la  rue,  vivant  sur  le  trottoir,  au  milieu  des  bouscula<les,  appre- 
nant la  vie  dans  les  continuels  commérages  des  cuisinières  en 
cheveux,  qui  Jéshahillaient  les  abominations  du  quartier,  pen- 


31  LES  PEUSOSNAGES 

«kiDl  qu'on  leur  pesail  cioq  sous  de  gruyère.  Allait  encore  à 
Técole,  lors«|iie,  uu  soir,  en  fennamt  la  boulii]ue,  un  garçon  Fa 
jetée  rn  travers  d'un  panier  de  figues.  Orplicline  six  mois  après, 
la  maison  mangée,  elle  se  réfugie  chez  une  lante  pauvre  qui  la 
bal,  se  sauTe  avec  un  jeune  homme  d*en  face,  revient  â  trois 
reprises,  pour  s'envoler  déîinilivemenl  un  li^au  jour  dans  tous 
les  ba>tnii<!ues  de  Montmartre  et  des  Batignolle^  [Ci3].  A- dix- 
huit  aiis,  c*esl  une  de  ces  galopines  de  Paris  qui  gardent  long- 
temps la  maigreur  du  fruit  vert;  on  dirait  un  chien  coiffé,  elle 
a  unt^  pluie  de   petits  cheveux  blonds  sur  un  nez  délicat,  une 
grande  bouche  rieuse  dans  un  museau  rose.  Ayaut  la  passion 
des  artisifS,  avec  le  regret  qu'ils  ne  soient  pas  assez  riches 
pour  se  payer  des  femmes  â  eux  tout  seuls,  jetant  sa  jeunesse 
aux  quatre  coins  des  ateliers,  elle  éprouve  des  caprices  succes- 
Mfs  pour  F.'igerolles,  Ga^nière,  beaucoup  «fautres,  et  s'étonne  de 
la  bciisc  de  ce  nigaud  de  Claude  Lanlier  qui  ne  veut  pas  d'elle. 
D'aillfur^y  fine,  intelligente,  elle  porte  déjà  sa  fortune,  dans 
le  dcbr.iil  é  de  sa  jeunesse  [135].  L-n  jeune  crétin  de  marquis 
lui  a  meublé  un  apparlement  très  chic  [155],  elle  occupe  ensuite 
un  p'-tit  hôtel  rue  de  Moscou,  avec  vingt  mille  francs  de  loyer, 
ijuaire  ans  ont  suffi  pour  la  tran>formir,  e:le  est  devenue  autre, 
la  tcie  faite  avec  un  art  de    cabotine,  le  front   diminué  par  la 
frisure  des  cheveux,  la  face  tirée  en  longueur,  grâce  à  an  effort 
de  sa  volonté  sans  doute,  rousse  ardente  de  blond  pâle  qu'elle 
étaii.  si  bien  qu'une  courtisane   du  Titien    semble   maintenant 
s'être  levée  du  petit  voyou  de  jadis;  c'est  ce  qu'elle  appelle  sa 
tête  pour  les  jobards.  On  fait  là  des  déjiMiners  corrects,  où  il 
n'est  queslion  que  du  prix  des  terrains  [^3i].  Et  Irma  finit  par 
réaliser  <on  rôve  d'un  liùtel  â  elle,  une  demeure  princière,  sur 
l'avenue  de  Viljjers  :  le  terrain  a  été  acheté  par  un  amant,  puis 
les  rinq  Cent  mille  francs  de  la  bâtisse,  les  trois  cent  mille  francs 
des  meubles  ont  été  foornis  par  d'autres,  au  petit  bonheur  des 
(uups  de  passion.  C'est  la   qu'elle  contente  un  jour  son  désir 
d'autrefois  et  qu'elle  p05>éde  Claude,  pre>que  malgré  lui  [33 i]. 
Lu  forlunr  n*a  pas  modifié  ses  goûts  ;  derrière   le  dos  des  mes- 
sieurs sérieux,  payant  en  maris,  elle  s'ollrc  la  distraction  dai- 
mcr  encore  la  peinture,  dans  la  personne  d'Henri   Fagcrolles, 
un  ^'aniin  de-  Paris  connue  elle,  d'é;r:»le  perver-ité,  cl  dentelle 
vide  les  porlies  pour  s'amuser  [30 ij.  (L'OCnirc) 

Bec  Salé  dit  Doit-sa>?-<uif.  —  Ouvrier  forgeron,  compa- 
pin^n  d'enclume  de  Goujet.  Petit,  desséché,   yeux  de    loup,  sa 


DKS  IlllL'GON-.MACgrUir  L!5 

figure  esl  emhroussnilli^e  J'unu  barbe  de  bouc.  Ijk  Iiouclii^ 
ouverie,  il  evlink' celle  odKard'akoôl  de;  Tieu\  lonnca->x  J'eaii- 
(tc-vie  (toni  on  a  pdIovi;  In.  bonde.  Il  tire  des  boniccs  avec  Hve- 
Boiies  et  Bibi-la->>rill;ki]e,  assurant  qu'il  a  besoin  d'cRu-dK-vif 
dans  les  veines  m  lir-u  de  sang[il3].  nec-Salé  est  l'amanl  d'une 
marclianJe  Jt'|iois?oii,  In  grosse  Eulalic  [iii].  [L'Assommoh:) 

Bécu.  —  Garde-t'hainpâlre  àc  Rogaes.  Le  conseil  muniupal 
l'a  logé  dans  la  cure,  &  nioilié  dèti-uile,  11  est  aussi  sonneur  de 
ctocbcs.  C'est  UD  {leiit  homme  de  cinquatUe  BUS,  ù  léle  canée 
et  tamiécde  virux  miliiaire,  arec  des  mousiBches  ei  une  bar- 
biciie  grises,  le  cou  raidi,  comme  éiraiiglé  i;oii[inu>-llcinenl  par 
dej  cols  ti'0)i  ijli'uits  [i9].  Dûcu  a  fait  les  canij^agnes  d'Afrique, 
aux  pi'c:ijer>  temps  de  la  conquête,  et  a  ra|iporté  du  >ervii:c  Jes 
..uliiliidc!  d'inleiiijK-raiiee.  Il  aie  lin  mauvais,  b  il-piUeur.  Hona- 
partisler.ii'oucb':,  il  adore  l'empereur  qu'il  priilcud  coniinjlre 
Jt'i].  linu  fraleruiié  d'uucïen  guerrier  ivrogne,  uu';  tendresse 
secrète  le  porte  vers  le  braconnier  Jésus-Christ,  mais  il  évite 
di;  le  reconnaître  quand  il  est  eu  Taclion,  sa  plaque  au  bras,  tou- 
jours sur  le  point  de  le  pmndre  en  Qagraut  délii,  combaltn 
loutre  son  deiojr  el  son  coeur.  A  jeun,  il  tolère i^ue  Jésus-Christ 
culbute  sn  femme,  mais  la  chose  1«  blesse  quand  il  t-st  ivre  [3i2]. 
i:éeu,  qi:i  rêve  lonjours  d'exterminer  les  Bédouins,  a  le  crève- 
service  miliinir.  [i7â].  (tfl  r*f.Te.) 

Bècu  (L.vi.  —  FeTMme  du  garde-cliampftre.  Longue,  noi- 
raude, tr<''s  sale,  d'une  maigreur  rouillée  de  vieille  aiguille, 
restée  a^st^z  reninic  cependant  pour  exciter  les  instincts  amou- 
reux de  ,lésns-CliriU.  Klle  s'amuse  à  jeter  Céline  Miiriiueron  et 
Flore  Leiigaigne  l'une  contre  l'autre,  sous  le  prétexte  de  les 
reconcilier  [Itl].  La  Bécu  n'est  pas  dévote,  mais  elle  supplie 
ardemment  le  <'i--l  du  réserver  un  lion  numéro  à  son  lils  et,  après 
le  tirage  nu  sort,  file  lournc  sa  colère  coiUre  le  bon  Dieu,  ^lui 
ne  l'n  pas  éjouiée  [iUO],  (La  Terre.) 

Bécu  (IlELrais).  —  Fils  du  garde-cbampéire  A  onze  ans, 
t-'e^l  un  ^iiilla'd  li^llé  et  solide  déjà,  aimant  la  terre.  I^cbant 
l'érolc  l'our  le  bibour  [50].  Il  a  une  tète  ronde  et  inculte  de 
petit  sauva,;D  et  nu  se  pbitt  qu'au  grjnd  air.  A  l'â^c  de  la 
conseriplion.  il  s'est  ép.iissi,  les  nicmlires  gourds,  In  léie  cuile 
sous  le  soleil,  f'ou^sé  en  force,  ainsi  qu'une  plante  du  sul.  Il  n 

mauvais  nuaiéro,  ii  se  [<iil  sauter  l'indeiL  de  h  main  droite,  se 


36  LES  PERSOiNNAGES 

mutilant  d*un  coup  de  hachette  pour  n'être  pas  arraché  à  la 
terre,  disant  que  les  lâches  n'en  feraient  pas  autant  [463].  (La- 
Terre.) 

Bécu  (Michel).  —  Oncle  de  Delphin.  Est  mort  à  Orléans 
[462].  (La  Terre.) 

Bédoré  et  sœur.  —  Bonneterie  de  la  rue  Gaillon.  Les 
preniicres  années  du  Bonheur  des  Dames  lui  ont  fait  perdre  la 
moitié  de  sa  clientèle  [28].  Bédoré  ne  tient  qu'en  mangeant  les 
rentes  amassées  jadis  [263].  Il  est  travaillé  de  soucis  qu'ag- 
grave sa  maladie  d'estomac  [462].  (Au  Bonheur  des  Dames,} 

Béjuin  (Léon).  —  Député.  Maire  de  Saint-Florent,  com- 
mune située  à  trois  lieues  de  Bourges,  où  il  possède  une  cristal- 
lerie. Petit  homme  maigre,  noir,  de  mine  silencieuse.  11  est  le 
lieutenant  de  Kahn  et  appartient  comme  lui  à  la  bande  du 
ministre  Bougon.  .\e  demande  jamais  rien,  mais  est  toujours 
là,  modeste,  attendant  les  miettes  et  ramassant  tout  [272]. 
Hougou  l'a  fait  nommer  chevalier  [82],  puis  officier  de  la  Légion, 
d'honneur;  il  lui  a  procuré  une  sinécure  de  six  mille  francs 
[281],  mais  Béjuin,  aussi  ingrat  que  le  reste  de  la  bande,  lâche 
son  prolecteur  quand  il  le  sent  près  de  sa  chute,  ne  voulant 
pas,  dit-il,  se  laisser  accaparer  [382],  courant  vers  ceux  qui 
vont  disposer  de  nouvelles  faveurs.  (Son  Excellence  Eugène 
Rougon.) 

Béjuin  (Madame).  —  Femme  du  député.  Un  paquet  [83]. 
(Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Bellombre.  —  Voisin  du  docteur  Pascal,  à  la  Souleiade. 
Grand  et  maigre  vieillard  de  soixante-dix  ans,  dur  et  avare,  à  la 
figure  longue,  tailladée  de  rides,  aux  gros  yeux  fixes.  C'est  un 
ancien  professeur  de  septième,  aujourd'hui  retraité,  vivant  dans 
sa  petite  maison  sans  autre  compagnie  que  celle  d'un  jardinier, 
muet  et  sourd,  plus  âgé  que  lui.  La  vue  de  l'égoïste  Bellombre 
est  un  perpétuel  sujet  d'irritation  pour  Pascal  [59].  (Le  Doc- 
teur Pascal,) 

Belloque  (Le  père).  —  Le  premier  maître  de  Claude  Lan- 
tier.  Un  ancien  capitaine  manchot,  qui,  depuis  un  quart  de 
siècle,  dans  une  salle  du  .Musée,  enseigne  les  belles  hachures 
aux  gamins  de  Plassans  [46].  (L* Œuvre,) 

Bénard  (Le  ménage).  —  A'oisins  d'escalier  des  Lorilleux, 
rue  de  la  Goutle-d'Or.  Le  mari  et  la  femme  s'assomment  tous 
les  jours  [71].  (L Assommoir,) 


BéraudDu  Châtel  — l'f-re.le  rictiùe  el  ileClirisline.FrOre 
il'>  iiiailai'ic  Aiilii'clal.  ['réf  iil«i}l  de  clmnibre  <'ii  1S51,  il  a  donne 
su  dèiiijrjiciii  Inrs  ilu  coup  d'Élat.  C'est  un  gr;inil  viciDurd  d« 
suîxiiiil'!  iiiis  [77],  ré|iulilicaiii  st-i-ère  et  prohe,  derrjîer  repn-- 
fcntaiil  (l'une  aiicii^iine  famille  de  la  grande  lioiirg'eoi^ie  peri- 
si<?niie.  Ln  Taule  de  Ueaée  a  élé  un  coup  (rn^'ique  pour  CH 
li'jninie  Ji;  verlu  li  haule.  Il  coiiseiil  nu  mnriag'«  i\ui  doit  eCTacci' 
la  liontp,  maij  refuse  lous  rapports  nvec  Arislidc  Saccnrd; 
|>l(-iii  il'uno  tristesse  hautaine,  il  s'cnferine  en  son  liûtut  pa- 
Iriiircal  de:  l'Ilo  Siiiiil-Louis.  O.i  Ciirce.) 

Béraud  Du  Chatel(Ciini5TiMi).  —  Stconde  HIIb  du  pré- 
sMi^iil  Di-ruiul  Du  ('Ji;\lcl.  Sa  môre  est  inorti;  en  la  mettant  uu 
luuiidi;.  liut-ueillie  |j;ii'  sa  tante,  madame  Auberlol,  et  ramenée 
;.  ipri'S  lie  ïon  père  ijuanil  madame  Anbertot  est  deveuiit:  vcus'e, 
tliri-tiii?i|ui  il  huit  aos  de  moins  'lue  Rcoée  f"7j  est  une  jeuni- 
:>ll>.'  liloriile.  ini>di'sle,  s'hahillant  «implemenl  [!2:£J.  Elle  épouse 
le  fils  d'un  avoué  for!  riche  [iiS].  {La  Carre.) 

Béraud  Du  Chfttel  (ISenke)  (11.  —  Fille  aînée  du  piv- 
siJcu!  !:■: -.i:!.!  Im  Cl.jt,  ]  l'.'niDie  ■l'AHsiiile  llougon.ilil  SaccarJ. 
>'éi^  ù  I'  ::  '     '      <   i'    :iv;iil  iiuil  ans  lorsque  Sa  mbre  est 

niorltf.n''  /c  uns  tiensioimaire  chczlciDamcs 

lie  la  ^.-ii.iii  :■;.  jvi;  ij.-.-iiiii  loin  du  fover  pnltrni.'l,  se  Taisniit 
une  riln  iiiiiiii  fiUiI^'itue,  pi.'rdaiit  peu  à  peu  les  TCrtus  de  sa 
race  i-l  ^■IJST'ant  à  <lci  désirs  iunvouables,  à  des  curiosités  vi- 
lieu^et  >iui,  vers  l'A^ede  dix-neuf  ans,  pendant  des  vacances, 
l'iiez  sn  l'inné  amie  Adeline,  la  livreront  sans  défense  à  un  viol 
lirutal  [T8].  Eile  Beveillera  pleine  di!  mépris  pour  elte-meme, 
perJuK  nu  hiea  et  disposée,  dans  un  amour  des  choses  logiques 
hérité  de  son  pi'ri',  à  aller  jusqu'au  bout  d'une  dépravation 
ii-niicoiip  plus  ['éréhrnle  ({ue  cliarn''llo,  à  satisfaire  tonjour 


itisaijahle 

i)e>oin   lie  savoir  et  de   sfnlir.  Pour  dissimuler  sa 

r,iutp,  on 

l'a  H\ar\é<:  avec  Aristide  SaccarJ  el  elle  se  trouve 

liii;iitùl  la 

ivL't.'  ilims  le  monde  interlop.;  du  second  Empire.  L'ne 

Lusse.. 1 

II.  li.'iiiu-.'   ,  sii[ipnmé  l'enfant  qu'on  reJoulail. 

■     ■.■■■.  r,,-...  fulle.  rienéu,   avec  ses  étranges 

i-liev.-U'.  ; 

<  1.  iiiL'  <le  garçon  impcrlinent{L],  s'étoui-- 

du  sn  .:. 

'  \i    .iii .'  .1'  :.  iai]:i^..-useji  elle   mangn  vite  sa  fortune 

•  h  l-.Hh 

f  Dr  aui  Du  Chilet.  iiMriét    oi    IBS:.  a  AriiUdt  /[oiijoji. 

■l-t  Saet,u 

/,-  iKCiirt  en  IS   1,  Mil'  fnfanU.   (.Ivfti'e  jîJiMJoji'/iie  </« 

Ii'<i0-'i-ll 

.■7».:,TJ 

38  LES  PEnbO.NNAGES 

personnelle,  est  entretenue  d'argent  par  son  mari,  qui  la  jette 
syslémaliquenient  aux  dissipations  éclatantes;  elle  a  des  amants 
successifs,  Kozan,  Simpson,  Chibray,  3Iussy,  pousse  même  la 
curiosité  jusqu'aux  passades  d*un  jour  [131],  devient  Tune  des 
beautés  les  plus  en  vue  du  règne  et  rencontre  sa  sensation  la 
plus  aiguë  un  soir  de  bal  aux  Tuileries,  lorsque  Tempereur, 
déjà  lourd,  la  face  dissoute,  les  reins  flottants,  s'arrête  quelques 
secondes  devant  elle  ci,  en  présence  de  toute  la  cour,  l'admire 
de  son  œil  plombé  [loi]. 

A  vingl-liuit  ans,  ayant  assouvi  tous  ses  désirs,  possédant 
tout  et  voulant  autre  chose,  horriblement  lasse,  elle  est  en 
quête  d'une  jouissance  rare,  inconnue,  cl,  par  un  entraînement 
où  tout  l'a  poussée,  elle  glisse  bientôt  à  un  inceste  avec  le  ûls 
de  son  mari,  le  joli  et  frêle  Maxime,  pimentant  cet  amour 
criminel  d'un  mélange  de  remords  bourgeois  et  d'extrême  vo- 
lupté, trouvant  enfin  le  frisson  nouveau  qu'elle  cherchait  [209]. 
Mais,  entre  la  passivité  du  llls  et  la  terrible  coquinerie  du  père, 
entre  Maxime  qui  la  délaisse  comme  une  loque  et  Aristide 
qui  profite  cyniquement  du  suprême  déshonneur  pour  édifier 
une  fortune  nouvelle,  la  jeune  femme  qui  s*était  crue  Phèdre, 
sent  brusquement  qu'elle  n*a  été  dans  la  vie  des  Saccard  qu'un 
jouot  misérable.  La  folie  monte  rapidement  en  son  cerveau 
détraqué.  Dans  l'éclat  flamboyant  de  l'aris  en  fête,  elle  achève 
d<:  goûter  à  tout,  joue,  essaye  de  boire;  c'est  la  fin  irrémédiable 
d'une  femme  et,  quelques  mois  après,  vieillie,  usée,  sanglotante 
devant  ses  souvenii*s  d'enfance,  elle  est  emportée  par  une  mé- 
ningite aiguë  [350].  (La  Curée.) 

Bergasse.  —  Revendeur  au  marché  de  Plassans.  Fournit 
les  vieux  meubles  achetés  par  madame  Faujas  [2GJ.  [La  CoH' 
quête  de  Plassans.) 

Bergeret  (M.\dame).  —  Concierge  de  la  maison  habitée  par 
Hélène  Grandjean,  k  Passy  [360].  {Une  Page  dWmour.) 

Berlingot.  —  Cheval  de  l'écurie  Méchain.  Gagne  le  prix 
d'ispahan  [394].  {Xaua.) 

Berloque,  dit  Chicot.  —  Un  havcur  tué  par  un  éboule- 
ment,  dans  la  fosse  du  Voreux  [:2ll].  Avait  trois  enfants,  sa 
femme  était  en  couches  [215].  (GenninaL) 

Bernheixn  (Les  FHÈnES).  —  Propriétaires  de  la  cristallerie 
de  Saint-Joseph.  Patrons  du  caissier  Josserand  [35].  {Pot- 
Bouille.) 


i)ES  lU^UCO^-MACQUAl!T  SJ 

Berthier  iLEb).  ~  Fajuille  nmie  des  Dcberle.  Madame 
lit'!'li)ii-i*,  liloiiile  dclii'ate,  jou^  la  comêilie  de  salon,  rûles  pleur- 
nicheurs [279].  Deu\  filles,  Blanclie  et  So|>liie,  et  un  petit 
gardon,  {l'nc  Page  d'Amoar.) 

Berthier  .  —  L'un  des  fondus  de  jjoiiToirs  de  rageul  de 
ciinnij'e  Mazaud  [81].  (/,■.■! rscNt.i 

Berthou.  —  Le  célèbre  peintre  de  Néron  au  Cirque,  k 
un  nlelier  que  Claude  Lantier  a  fréquenlé  pendant  sii  mois  et 
oi'i  il  s'est  livré  à  d'imbOciles  tâtonnements,  à  des  evercices 
niais,  snus  la  férule  d'un  bonhomme  dont  la  caboehe  différait 
df  la  sienne.  .\  vingt  reprises,  le  maître  a  répété  à  Claude  tu'il 
ne  ferait  jamais  rien  [4G].  {L'Œuvre.) 

Bertrand.  —  Le  chien  de  Sandoz.  Un  chien  énorme  qui 
til.'oie  fui'ieuïcmenl  à  chaque  visite  et  qui,  s'il  rer.omiall  uti  ami 
de  son  maiire,  s'en  va,  la  ijueae  haute,  en  sonnant  une  fanfare 
.!-allégje=!c[2i8].  (fŒMCC?.) 

Besnus  ^CL.\ttissE).  —  .V  été  ramenée,  comme  bonne, 
de  Sainl-Auhin-sur-Mer  par  une  dame  dont  le  mari  l'a  lancée. 
Est  maintenant  une  petite  f«mnie  des  Variétés.  Joue  le  rôle 
d'Iris  dans  la  Blonde  Vénus  et  Géraldine  dans  la  Pclile 
biicln'tie.  Maiiresse  d'Hector  de  La  Faloise,  elle  ne  se  fâthe 
pas  de  voir  iJnga  le  lui  prendre,  car  du  moment  où  deux  femmes 
S(^  irouvi^nl  onE<:mhle  avec  leurs  amants,  rien  ne  lui  semhle  plus 
naturel  qu'elle  se  les  fassent  [Mi].  {Sann.) 

Bessière.  —  Chef  de  station  â  tSarenlin.  .\  vu  les  Roubaud 
dans  l'express  du  HaTre,  le  soir  do  l'assassinat  du  président 
Granduioriii.  San  témoignage  confirme  leur  alihi  [107].  (La 
Bête  kuMniiie.) 

Beulin  d'Orchéres.  —  Frère  de  Véronii]ue.  Beau-frère 
d'Eu;:ène  lioujiuii.  II  a  une  mâchoire  de  dogue  el  une  forêt 
de  clieveu\  cv.-pus  où  pas  un  fil  hlanc  ne  se  montre,  malgré  ses 
cinquante  iins.  L'alioril  substitut  â  Montbrison,  puis  {ii'ocureur 
du  roi  à  Orléans,  avocat  général  à  Rouen,  meitilire  d'une  com- 
mission niiste  en  IBô:!,  consi^illcr  à  la  cour  d'appel  de  Paris, 
président  de  celte  cour  [1-3],  il  intrigue  pour  le  retour  de 
Rou^on  au  pouvoir  el  devient,  grâce  ù  lui,  premier  président. 
Mais  son  he<iu-frére  ne  mettant  .lucune  hàle  à  le  pousser  ii  la 
dignité  de  garde  des  sceaux  [271].  il  se  retourne  contre  lui  et 
participe  à  sa  ïliule  pour  entrer,  comme  ministre  de  ia  justice, 


4'i  Lt5  l»fcl;Si»N>ACtS 

Jan»  la  combinaison  Ueleslang  [ioOj.  {Son  Excellence  Euijcnc 
Ihjiifjon.) 

Beulin  d^Orchéres  (VÉm»MQ' e)  (I).  —  Fcm:nc  maigre, 
à  ligure  jaune,  liHliilant  avec  son  frère,  le  prê>i«ienl  CeuliD 
d'OrcluTcs,  un  liùlel  de  la  rue  Garaucière,  qu'ele  ne  quille 
guère  que  pour  assister  aux  messes  basses  de  Saint-Su!pice[l  19]. 
A  trente-six  ans,  elle  épouse  Eugène  Uougon.  Ceite  grande 
femme  laide,  à  face  grise  et  reposée  de  dévole,  >ail  rendre 
grave  la  uiaison  de  la  rue  Marbeuf,  qui.  grâce  à  elle,  sent  main- 
tcnaal  la  vie  honnête  [loi].  L*uniquc  souci  de  madame  Eugène 
Roujon  est  d'administrer  en  intendant  iidèle  la  fortune  dont  elle 
se  irouve  chargée.  {Son  Excellence  Eugène  Routjon.) 

Bibi-la- Grillade.  —  Ouvrier  fainéant,  toujours  ec  bombe 
avoc  .Mt's-Dottes  [il].  Il  a  été  témoin  de Coupeau  à  son  mariage 
[i^i\.  nsbi-la-GrUlade  irouvc  que  le  Prioce-Présidcnl  ressemble 
à  un  rous>in  [108].  {U Assommoir.) 

Bijard.  —  Ouvrier  serrurier,  alcoolique  danger^^ux,  qui  tue 
sa  fr;ni:ne  de  coups  lorsquM  a  bu.  Face  d'ivrogne  avec  une 
barbe  sale,  un  front  chauve  taché  de  grandes  pla*]ue§  rouges, 
et  d-s  veux  où  Talcool  allume  une  flamme  de  meurt n».  Les  rares 
jours  où  il  travaille,  Dijard  pose  un  litre  d'eau-de-vic  près  de 
son  ètau,  buvant  au  goulot  toutes  !•*>  demi-heures,  ne  se  sou- 
Irnant  plus  autrement  [:2iô].  Sa  femme  morte,  il  assomme  de 
«.'Oi![>s  la  petite  Lalie  et  raflinc  la  cruauté,  trouvimt  dans  sa 
cervelle  de  brute  des  idées  extraordinaires  de  férucitè.  (L\4.<- 
.^ontmoir.) 

Bijard  (Madame).  —  Maîtresse  laveuse.  Emploie  trois  ou- 
vrièrrs  au  lavoir  de  la  fiontlc-d'Or  |IT7].  Le  ména^'»*  habita  la 
mai-on  des  Loriilenx.  Madanie  bijard  est  U!ie  grande  femme 
usS'.use,  njarièe  à  un  alcoolique  dont  elle  subt  cour.igeusement 
les  violences  meurtrières.  Ell«^  linil  par  mourir  dun  coup  de 
pie]  dans  le  ventre  [o"23J.  {LWsaommoir.) 

Bijard  (EiLALir.).  —  Kill«;  ainêe  des  PnjnrJ.  A  deux  ans,  la 
P'Miîe  Lalie  a  déjà  de  la  raison  comine  une  femme:  on  peut  la 
liii-^er  si-ule,  elle  ne  pleure  pas.  elle  ne  joue  iam.is  avec  les 
ali:  iieli«'s  [1S:î].  a  quatre  ans,  elle  a  un  lari:e  regard  noir, 
dune  Ii\ilé  pleir.c  de  pensées,  devait  les  brulalitos  l'aternelle?, 

tj  Véro}iique  licnhn  dOnlièrc:,  iii-irire  en  ]S'»7  à  ntigcnf  1l*ju- 
gon.    Arbre  fjrnt'Ailofjifjue  -f-s  fltmijon-M irqwtrl. 


f   • 


DLS  liOlGOX-MACQUAHT  41 

et  elli'  lient  clans  «es  bras,  sans  une  larme,  comme  pour  la  pro- 
téger, «a  pt'liie  sœur  Henriette.  A  hiiil  ans,  quand  sa  mère  est 
morte  sous  l'*sciups,  elle  dirige  le  ménage  comme  une  grande 
personne,  l|r*nrieiic  et  le  petit  Jules  sont  devenus  ses  enfants, 
et  c'est  son  lonr  d'être  la  victime  de  ralcoolique  llijard.  Celle 
innocente  martyrisée  se  rulicnl  de  crier  pour  ne  pas  révolu- 
tioiiner  la  mai>on,elle  défend  son  père,  assurant  i|u*il  n'aurait 
pas  été  méchant  s'il  n'avail  pns  bu,  pardonnant  pnrce  qu'on 
doit  l'irùiaincr  aux  fous  [i^ô].  Elle  meurt  sous  les  mauvais 
trailenienîs  et  la  fatigue,  restant  jusqu'à  son  dernier  raie  la 
pclite  ina:n;i:i  de  tout  son  niO!»de  [51  S].  {L\A$sommoir,) 

Bijard  HIlniuette).  S»  conde  fille  des  lîijard.  Elle  a  cinq 
an?  à  ia  mort  de  sa  mère  1 1- #].  {L' Assommoir,) 

Bijard  ^Illes).  — Troisième  enfant  des  Dijard.  Quand  sa 
ni're  iiicuri.  1!  a  trois  ans.  il.Wssomïnoir.) 

Bijou.  —  Grilfon  éco>>ais,  le  petit  cbien  de  Nana.  11  lu 
révci-ie  i-n  lui  léchant  la  ligure;  c'est  alors  uii  joujou  de 
cinq  niiu  itcs,  des  courses  du  chien  à  travers  les  bras  et  les 
cuisies  de  sa  n)ait:esse.  Bijou  excite  la  jalousie  du  comte  Mulfat 

[:>.r)].  iS  :„  t.) 

Billecoq  <  Mademoiselle  n..iiMiME).  —  l'rotc^ée  de  madame 
Ctrr-  ;r.  Fuie  grande  et  mil. ce,  la  (igure  fade,  toute  salie 
de  !:i  !:os  d  •  ruusieur  [3^0].  Ancienne  élève  de  Saint-Denis, 
elle  :i  été  s  -luilc  par  un  ofiicier  qui  consentirait  à  l'épouser, 
si  qii'.'.qti-i  à'iie  honnôlc  voulait  bien  avancer  la  dot  réglcmen- 
laiiL-  J)^].  Le  ministre  Eugène  llougon,  sollicité  par  madame 
Coire  :r,  parle  à  des  dames  qui  fournissent  les  fonds  ['2^0], 
mais  roliikier  se  dérobe;  il  file  après  avoir  croqué  la  dot  [oSîî]. 
(^^  ;/<  EX'Cllt'uce  Eitf/ène  Bougon.) 

Blachet.  —  Député.  Sollicite  un  congé  [l].  {Son  Excel- 
lai V  En  JOUI»  llon'jon.) 

Blaisot.   —  lîan  plier   à  Paris.    S'est   fait     sauter  la    (  er- 

ve  le  J'M  .  «  L  AViji'iil.) 

Blanchette.  _   Vache  des  Mou.'hc  |llij.  Comme  elle    est 
1  dev»':,;:<^  M«q»  prasse  et  qu'elle  ne   vêle  plus,  on   la  vend  [Hî^j. 

'  ij.'i  T^rr\  » 

Elériot  tl)  ».  —  Préfet  des  l'onrbes-du-IUiône  en  ISÔI. 
r»::*i;:'-  Ir.  î<m:  îhli*  r»''prcssion  des  troubles  qui  suivent  le  coup 
d'Klai.    Iii<pL*rsaiil    les    bandes  insurrectionnelles,  il  passe  par 


4:*  LES  PEKSON.NAG£S 

la  ville  de  Plassans  le  lendemain  du  guet-apeiis  organisé  par 
Pierre  Rougon  ;  il  promet  à  celui-ci  de  faire  connaître  au  gou- 
vernement sa  belle  et  courageuse  conduite  [357].  {La  Fortune 
des  Rougon.) 

Bleuze.  —  Gorderie  à  Montsou,  ruinée  par  la  grève  des 
mineurs  [4^].  {Genninal.) 

Blond  (Maru).  —  Une  fillette  de  quinze  ans,  d'une  mai- 
greur et  d'un  vice  de  gamin,  poussée  sur  le  pavé  parisien  [111]. 
Vient  de  débuter  aux  Folies-Dramatiques  [87].  Fréquente  la 
table  a'hôte  de  Laure  Piédefer  [i81].  {Xana,) 

Boche.  —  Concierge  rue  des  Poissonniers,  puis  rue  de  la 
Goulte-d'Or,  dans  Timmeuble  habité  par  les  Coupeau,  et  les 
Lorilleux.  Exerce  la  profession  de  tailleur.  Témoin  de  Gervaise 
à  son  mariage  [80].  Très  plat  devant  le  propriétaire,  il  se 
donne, derrière  lui,  comme  le  maître  de  la  maison  [163].  Boche, 
de  tempérament  polisson  et  sournois,  est  très  gai  en  société;  il 
a  la  spécialité  des  chansons  comiques  [:2S4]  et  court  un  peu 
dans  le  quartier,  subtilisant  parfois  des  pièces  de  dix  francs  à 
sa  femme  pour  payer  des  lapins  aux  dames  aimables  [417]. 
(LWiiSommoir.) 

Boche  (Madame).  —  Femme  de  Boche.  Grosse  face,  avec 
des  veux  à  fleur  de  tête.  C'est  une  commère  très  bavarde,  dont 
la  loge  est  le  rendez-vous  de  tous  les  potins  du  quartier.  Elle 
aime  les  locataires  qui  ont  des  attentions  pour  elle  ;  quand 
Gervaise  la  comble  de  gentillesses,  elle  est  avec  elle  contre  les 
Lorilleux  et  se  met  avec  les  Lorilleux  lorsque  Gervaise  coupe 
court  aux  cadeaux  [108].  (U Assommoir,) 

Nana  annonce  à  Salin  que  la  mère  Boche  est  morte  [364]. 
{Sa  nu.) 

Boche  (Pauline).  —  Fille  des  concierges.  Rousse.  Le  même 
âge  qu'Anna  Coupeau,  dont  elle  est  l'amie.  Toutes  deux  font 
leur  première  communion  en  même  temps;  elles  courent  avec 
les  galopins  du  quartier.  Pauline  devient  apprentie  repasseuse 
[41^].  {L'Assommoir.) 

Bocquet  (Madame).  —  .Mère  de  Clarisse.  Devenue  veuve, 
a  été  recueillie  par  celle-ci.  avec  toute  la  famille,  une  bande  de 
camelots,  deux  sœurs,  uii  grand  voyou  de  frère,  jusqu'à  une 
tante  inlirme,  de  ces  tèles  qui  vendent  des  polichinelles  sur 
les  trottoirs  [3î)3].  [Pot-BouiUc.) 


i 


I)KS  ROCCOS-HACQUART  "   13 

Bocquet  (Clafiisi^e:).  —  Maîtresse  Je  Duveyner.  Ce;!  une 
surli'  lit'  ^Miiiiii  iiuii'  et  maigre,  avec  une  [fte  ê[>ourilTêe  ije 
caniche.  !«on  pOre  est  un  peiît  marchnud  de  jouets  derenu 
camelot  et  qui  eïploile  les  fêles  avec  sa  f«uiiii<i  et  toute  une 
bande  d'enlaiils  malpropres.  Clarisse  a  gardé  le  bagout  pari- 
sien, un  e^])^it  de  surface  e(  d'emprunt,  une  g;ile  de  drôlerie 
atlrajjéa  en  se  frolliinl  aux  liommes.  Pour  ne  pas  nfliclier  Du- 
veyrier,  elle  haliiie  un  luarlier  lointain,  rue  de  h  Cerisaie, 
mai;  elle  n^Mie  son  aninnl  bon  (rain  et  s'est  Tait  acheter  pour 
viii£!t-cin'|  mille  francs  de  meubles.  Malgré  un  instinct  de  bour- 
geoise .ijniit  la  passioa  du  comme  il  faul,  Clarisse  se  donne 
à  tous  les  amis  de  Duveyiier  reçus  dans  son  salon  ;  c'est  une 
!iabilud-;  anrieiine,  le  besoin  de  se  refaire  un  peu  derrière  les 
:n]o:is  Je  l'Iioinme  qui  paye  li'O].  El  celui-ci  ne  voit  rien 
ju<^u'au  jour  où  il  trouve  l'apparleinent  vide,  Clarisse  envolée, 
'  j'.it  loul  eiiiporlé,  même  les  pinnches  du  Ciihinet  de  loilelte; 
une  rêpul-ion  l'a  prise  pour  l'entrcteneur  au  sang  Acre,  dont  la 
..jjjre  esl  pleine  de  boulons,  et  elle  s'est  mise  avec  un  amaul 
sain  et  solide,  le  sculpteur  Payan,  qui  bientâl  l'abandonne  sans 
un  SDU.  Reirouvée  par  Duveyrier,  elle  se  laisse  inslatler 
richement  rue  d'Assas  et  c'est  alort  une  nouvelle  Clarisse, 
levenue  a^joininante,  engraissant,  tournant  ii  In  petite  mère, 
.iitc  des  i;-ills  bourgeois  grandis  jusqu'à  l'idée  fixe.  Elle  fait 
au  conseiller  un  inlérieur  morne,  d'où  sont  exclus  tous  les 
anci'.-ns  CD:iip.ignons  de  fête,,  elle  lui  impose  le  contact  de  toule 
la  fmaille  !Suci|iiet  el,  comme  il  a  la  musique  en  horreur,  elle 
se  met  à  rludier  le  piano,  rêve  inavoué  de  toute  sa  vie  [398]. 
Le^  pascales  de  celi'-  fille  avec  le  professeur  Théodore  sont 
subies  en  iil>;ncc  par  Uuveyrier  qui,  &  peu  près  ruiné,  se  fait 
clinsser  linalement  par  sa  maîtresse,  ati  prolit  d'un  vieux  très 
rirhe.  IPol-BuiiitU:) 

Bodin.  —  Vieux  médecin  de  quarlirr,  habite  rue  Vineuse, 
à  \',ii,i\  [l-ij.  Il  sui{,'ne  babilucllemenl  -l<iaiiue  Grandjcnn,  sans 
coiiiprenJri' grand'ehosB  à  sa  maladie.  {Une  Paye  d'Amour.) 

Bohain  iMafiquis  de).  —  Membre  du  conseil  d'administra- 
tion de  la  lS;<iique  Universelle.  C'est  un  beau  vieillard  de 
soixante  ?ns,  à  la  tête  très  petite  posée  sur  un  corps  Je  colosse, 
à  la  face  lilOme,  encadrée  d'une  pen-uque  brune,  du  plu?  grand 
air.  Ilabil'!  les  uiici>'nnes  dépendances  d'un  grand  bùtel,  lue  de 
Dnbylone.In^liJbilion  luxueuse,  ayant  une  belle  allure  d'.nrislo- 
craiit'c0'(uelie.  On  lie  loil  jamais  la  mari|uis<?elpourlunl.lcul  est 


4;  LtS  Ptr.SONNAGES 

à  elle;  il  loge  là  en  garni,  u'ayaul  à  lui  que  ses  cir«-ls,  sépare  île 
})iens  depuis  qu'il  vil  du  jeu.  l>ans  les  catastrophes,  il  refuse 
de  payrr,  on  passe  l'éponge,  car  il  a  un  nom  illustre,  il  est 
exlrèinemenl  décoratif  dans  les  grandes  Sociélés  financières  [105] 
et  c*est  à  ce  lilre  qi'il  appartient  €'\u  syndical  Daigremout. 
Compromis  à  fond  dans  une  histoire  de  pols-de-viu  frisant 
l'escrojjuerie,  sauvé  par  Aristide  Saccard,  îl  est  «levenu  son 
humhie  créaiur»',  sans  cesser  de  porter  haut  la  tête,  fleur  de 
ncbless»»,  le  plus  bel  ornement  du  conseil  [-7:2J.  Dés  le  premier 
crriqutMnenl  de  l'Universelle,  le  mar({uis  de  Ijihain  pa>se  sans 
scrupule  à  l'armée  triomphante  «Jeshaissiers  [3G7J.  {L'Argeni.) 

Bon  cœur.  —  Non)  de  l'hôtel  tenu  par  Marsouilier,  boule- 
vard do  la  Chapelle,  à  gauche  de  la  Jjarriére  l'oissonnière. 
Cest  une  masuro  de  deux  étages,  peinte  en  ron^'»i  lie  de  vin 
jusqu'au  second,  avec  dos  persiennes  pourriLS  par  la  pluie  [3]. 
{LWssoniinoir.) 

Bongi^aLcL.  —  Un  ^rand  peintre.  Fauteur  de  la  Xoo'  an 
Villiuje.  C'e>t  un  gros  homme  de  quarante-cini]  ans,  à  la  face 
lourni»  niée,  sous  de  longs  cheveux  gris.  11  vient  d'entrer  à 
riu>tiiut  et  porte  à  la  boutonnière  de  son  veston  la  rosette 
i'oîli .ij.r  de  la  Légion  d'honneur.  l'olit-lils  d'un  ft-rniier  beau- 
ceron, lils  d'un  père  bonrjjeois,  le  sang  paysan,  afiiné  par  une 
luère  très  artiste,  il  est  riche,  n'a  pas  hesoui  de  vendre  et 
g.u'Je  des  goùis  et  dt;s  opinions  de  bohème;  ses  n)eilleures 
esci'palos  sont  de  tomber  le  jeudi  chez  Saii-loz,  pour  fumer  une 
pipe,  au  milieu  de  ces  débutants,  dont  la  ilamme  le  réchauffe. 
Depuis  (jue  so:i  œuvre  la  plus  célèbre  est  au  Luxembourg,  ce 
tablojni  tourne  pour  lui  au  cauchemar;  c'est  ju-qu'ici  son  chef- 
d'œuvre,  il  a  exercé  une  action  parallèle  à  celle  de  Courbet, 
toute  la  jeune  école  se  réclame  de  son  art,  et  pourtant  Bon- 
grand  soulïre  dans  sa  chair  de  travailleur.  C'est  qu'il  ne  res- 
seuil  b'  guère  au  sculpteur  Chambouvard,  l'éternel  siitisfait  qui 
vil  d.ins  un  orgnell  de  dieu.  Aux  débutants  qui  croient  que  la 
su}Mè:ne  joie  e^t  d'être  salué  comme  lui  du  nom  d»*  maître,  il 
rép  -ni  tpie  sa  vie  est  une  vraie  torture,  que  lorsqu'on  est  en 
1:  i.'.  ce  sont  îles  tfi'nrts  >aiH  cesse  renaissants,  dans  la  crainte 
■  1  uéç^rinpoUr  trop  vile  [lOG],  que  cette  sacrée  peinture  est  un 
Uiélicr  du  lonitcrre  de  l»i»*u  [IW]  el  que  lui.  Hongraud,  a  beau 
ôîre  un  in.'ilin,  à  clique  œuvre  nouvelle,  c'est  un»*  ;:i"os>é  émo- 
tion, le  cci'iii-  ini  bat.  ime  angoissf^  qui  sèche  la  bouche,  enfm 
un  Irac  al»  <min.ibl«'  [-'îT  j. 


DES  noiT.O.N-M.VCQL'AUT  iô 

Dans  le  vasie  atelier  qu'il  occupe  depuis  vingt  ans,  boulevard 
de  Clicliy,  il  n'a  point  sacrifié  au  goût  du  jour,  à  cette  magnifi- 
cence de  tentures  et  d*;  bibelots  dont  s'entourent  les  jeunes 
peintres;  c'est  l'ancien  atelier  nu  et  gris,  où  il  garde,  de  sa 
jeunesse  romanlique,  rbaliilude  d'un  costume  de  travail  spé- 
cial, la  ctiiolie  flottante,  la  robe  nouée  d'une  cordelière,  le 
sommet  du  crâne  coiffe  d'une  calotte  ecclésiastique.  Une  énorme 
hilarité  le  secoue  devant  la  presse  d'informations,  qui  fait 
retentir  toutes  les  trompettes  de  la  publicité  en  l'honneur  du 
preini^ir  godelureau  sachant  camper  un  bonhomme  f^il].  Mais 
dans  sa  rai  il 'rie,  il  y  a  toute  une  souffrance  cachée,  la  peur 
sourie  d'une  lente  déchéance.  Depuis  la  Noce  au  Vi(htge,\\  n'a 
rien  fait  (^ui  vaille  ce  tableau  fameux;  après  s'être  maintenu 
dans  (fuelques  toiles,  iL  a  glissé  à  une  facture  plus  savante 
•n  plus  sêi  lie,  l'éclat  s'en  va.  A  soixante  ans,  la  haine  qu'il 
nourrit  contre  le  chef-d'œuvre  qui  a  écrasé  sa  vie  le  pousse  à 
choisir  lu  sujet  contraire  et  >wnétrique  :V Enterrement  (lu 
Villiigr,  cl  son  tableau  est  un  insuccès  morne,  une  de  ces 
chutes  sourdes  de  vieil  homme  qui  n'arrêtent  môme  pas  les 
passants  [l^Ss].  El  dans  l'amertume  de  la  vogue  immédiate, 
venue  saii5  eilort  à  ce  galopin  de  Fagerolles,  indigne  de  net- 
loyer  sa  palette,  Uongrand,  qui,  lui,  a  lutté  dix  ans  avant  d'être 
connu,  q'ii  loule  sa  vie  a  cherché  et  souffert,  acquiert  brus- 
quenjoiil  la  ceriitude  aiguë  de  sa  fin  [388].  {L^Œuvre.) 

Bonhomme.  —  Le  cheval  qui,  pendant  un  quart  de  siècle, 
a  mené  le  «lucteur  Pascal  à  ses  visites.  Dans  les  derniers  mois, 
le  vieux  Donhomme  devient  aveugle  et,  par  reconnaissance 
pour  ses  services,  par  tendresse  pour  sa  personne,  on  ne  le 
«{«■range  plus  guère  [i8].  En  lui,  Pascal  aime  l'animalité  en- 
ti»'ro,  tout  c  (|ni  traîne  et  tout  ce  qui  se  lamente  au-ilcssous  de 
l'hoiinie  [lijlîj  lîonhoinme,  complrtemenl  aveugle,  les  jambes 
paraly «•■•'.<,  meurt  un  matin  sur  sa  litière  et  son  niait i-c  le  baise 
une  dernière  fois  sur  les  naseaux  [32«'J].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Bonnaud.  —  .\ncien  chif  de  la  comptabilité  au  chemin  de 
fc.r  d;i  .\oril.  .\  marié  sa  fille  et  a  éprouvé  une  telle  joie  de  la 
c:iser  q'i'il  s't  st  conlenlé  de  renseignements  en  l'air,  malgré 
sa  ri^^ide  prulence  de  chef  comptable  méticuleux.  Quelque 
teniji^  après,  il  découvre  qne  son  gendre, un  homme  très  bien, 
e-t  un  ancien  chuvn  (jui  a  v»*cu  pendant  dix  ans  aux  crochets 
d'une  écuyère  [Gl].  (Vot-liontile.) 

Bonnehon  (M.U'AMt:).  —  S<éur   du  président  riianduiorin. 


40  LES  PEUSON'NACES 

Mariée  à  un  imiuslriel  qui  lui  n  apporté  une  grosse  fortune, 
déjà  fort  riche  par  elle-mùme,  elle  est  devenue  veuve  à  Tàge 
de  trente  ans.  Dans  le  château  de  Doinville  qui  lui  appartient, 
elle  a  mené  une  existence  aimable,  toute  pleine  de  coups  de 
cœur,  mais  si  correcte  et  si  franche  d'apparence,  qu'elle  est 
restée  Tarbitre  de  la  société  rouennaise.  On  Tadore  à  Doinville, 
elle  a  fait  du  château  un  lieu  de  délices  [U].  Par  occasion  et 
par  goût,  elle  a  aimé  dans  la  magistrature.  Grande,  forte,  avec 
de  magnifiques  cheveux  blonds,  belle  encore,  malgré  ses  cin- 
quante-cinq ans,  d'une  beauté  opulente  de  déesse  vieillie,  elle 
n'est  pas  encore  calmée.  On  lui  prête  une  tendresse  maternelle 
pour  le  jeune  substitut  Chaumette,  il  lui  reste  toujours  un 
vieil  ami,  le  conseiller  Dcsbazeilles,  et  elle  conserve  sa  roj'auté, 
par* sa  bonne  grâce,  malgré  la  vieillesse  menaçante.  Pourtant, 
il  vient  de  lui  naître  une  rivale  beaucoup  plus  jeune,  dans  la 
personne  de  madame  Leboucq,  et  cela  lui  donne  une  pointe  de 
mélancolie  [lU].  Madame  Bonnehon  a  une  excellente  opinion 
des  Pioubaud  et  la  rapacité  de  sa  nièce  Berthe  Grandmorin 
lui  semble  fort  blâmable  :  comme  elle  a  toujours  été  très 
riche,  elle  se  montre  d*ua  désintéressement  absolu,  affectant 
de  mettre  Tunique  raison  de  vivre  dans  la  beauté  et  dans 
Tamour  [116].  Pour  Thonneur  de  la  famille,  elle  souhaite  qu'on 
fasse  le  moins  de  bruit  possible  autour  de  l'assassinat  du 
président  [400].  {La  Bête  humaine.) 

Bonnexnort  —  De  son  vrai  nom  Vincent  Maheu.  Petit- 
ftls  de  Guillaume,  fils  de  Nicolas,  père  de  Toussaint.  Il  a 
aujourd'hui  cinqunnie-huit  ans  et  n'en  avait  pas  huit  lorsqu'il 
est  descendu  dans  la  mine.  M  a  été  d'abord  galibot,  puis 
hercheur  quand  il  a  eu  la  force  de  rouler,  puis  haveur 
jusqu*à  dix-huit  ans  ;  ensuite,  à  cause  de  ses  jainbe's,  on  l'a 
mis  Je  la  coupe  à  (erre,  rembKiyeur,  raccommodeur,  jusqu'au 
moment  où  l'on  a  dû  le  sortir  du  fond,  parce  que  le  médecin  n 
dit  qu'il  allait  y  rester,  .\lors,  après  quarante-cinq  années  de 
mine,  on  a  fait  de  lui  un  charretier,  il  travaille  de  nuit  depuis 
cinq  ans  à  la  fosse  du  Voreux  et  gagne  quarante  sous  ;  encore 
deux  ans,  et  il  pourra  prétendre  a  une  pension  de  cent  quatre- 
vingts  francs.  C'est  Guillaume,  son  grand-père,  qui  a  découvert 
à  Uéquillart  une  mine  de  charbon  gras;  son  père,  deux  de  ses 
oncles,  trois  de  ses  frères,  plus  tard,  y  ont  laissé  leur  peau  ; 
sou  fils  Toussaint  y  crève  maintenant,  et  ses  pelils-Hls,  et  tout 
son  monde.  Cent  six  ans  d'abalage  dans  la  famille,  les  mioches 


DES  nOUCOS-MACQUAIlT  -17 

nprès  les  vieux,  pour  le  mâine  pntroa.  Lui,  on  l'a  relire  trois 
loii  de  la  mine  en  morceaux, une  fois  avec  loul  le  poil  roussi, 
une  autre  mec  de  la  terre  jusque  dans  le  gésier,  la  troisième 
avec  le  venlre  poulie  d'eau  comme  une  grenouille;  alors, 
comme  il  ne  voulait  pas  crever,  on  l'a  appelé  Uonnemorl,  pour 
rire  [8]. 

Vétu  d'un  tricot  (le  laine  violeiie,  coiiïê  d'une  casi^uetle  eu 
poil  de  lapin,  il  est  petit,  il  a  une  grosse  léle,  aui  cheveux 
lilaucs  el  rares,  un  cou  énorme,  les  mollels  el  les  iHlens  eu 
dehors,  avec  de  longs  liras  dont  les  mains  carrées  tombent  ^'i 
ses  genoux;  sa  Tace  plate,  d'une  pâleur  livide,  maculée  de 
taches  bleuAlres,  semble  lalouée  de  liouille,  et,  comme  il  est 
nlteinl  d'une  lironcliile  noire,  il  a  l'air  de  craclier  une  boue  de 
charbon,  le  charbon  de  la  mine  qui  lui  est  resté  dans  la  car- 
casse l'J].  Horin^morl  n'a  plus  qu'un  ami,  un  vieux  de  son 
leiiips,  le  père  Mouqua  ;  les  deux  anciens  passent  tous  les  Jours 
une  demi-beure  ensemble,  ils  ne  parlent  guère,  échangent  ù 
|ii'ini<  ili\  paroles,  mais  cela  les  égayé  d'être  ainsi,  de  songer 
ii  de  vieilles  clioses,  qu'ils  remâchent  en  eomnmn.  sans  avoir 
be^ein  d'en  causer  [III.] 

Les  rbumatisineî  de  Bonncmorl  se  changent  peu  à  peu  un 
Iiydropiiie,  il  devient  iinpolenl,  il  revoit  sa  jeunesse,  tes  nn- 
cisinies  gri'ves  où  Ton  se  réunissait  dans  la  furèl  de  Vandame 
et  qui  aboulis^nient  toujours  aui:  niâmes  défaites,  quand  les  sol- 
dats  du  roi  arrivaient  avec  leurs  Tusils:  il  ne  croit  pas  que  le  sort 
li-ii  mineurs  puisse  être  jamais  amélioré,  r_n  n'a  jamais  bien 
marché,  ca  ne  marchera  jamais  bien  [323].  .Xprês  avoir  vécu 
en  brave  homme,  en  brule  obéissante,  contraire  aux  idées  nou- 
velles, il  n'a  une  inconsciente  révolte  que  le  jour  de  l'émeute 
d-  .Montiou:  ivre  de  faim,  sorti  brusquement  de  sa  longue 
résigiialion  d'un  demi-siècle,  ce  vieil  inllrme  qui,  jadis,  a  saut  é 
de  la  mort  une  douzaine  de  camarades,  risquant  ses  os  dans  .le 
grisou  et  dans  k-s  êboulements,  cède  â  une  subite  poussée  de 
rancune  et  lenlc  obscurément  d'étrangler  Cécile  Grégoire  [i08]. 
In  peu  jilus  lard,  au  Voreux,  le  jour  de  la  tuerie,  il  voit  les 
siens  niissacrès  pnr  la  troupe;  devant  ce  spectacle  tragique, 
il  croule,  sa  canne  en  morceaux,  aliatlu  comme  uu  vieil 
arbre  foudroyé  [''Jo]  et,  dos  lors,  le  père  Bonnemort  a  quelque 
chose  de  cassé  dans  la  cervelle  ;  il  vit  cloué  sur  une  chaise, 
devant  lîi  ch-niinée  iroide,  il  regarde  les  gens  d'un  air  imbé- 
cile, ses  yeuv  Inrges  et  li\es  ne  clignent  plus,  et  c'est  eux  qui, 
un  jour,  au  souvenir  des  terribles  seines  de  .Montsou,  fasoi- 


\i  LLS  PKKSOXNAGES 

lient  Céciio  et  la  jettent,  tremblante,  sous  lis  ^(ros  doigts 
du  vieillard,  brus(|uenient  acharnés  au  nieurtic  [51)31.  iGa'' 
minai.) 

Bonnet.  —  Voir  Mahelml  (De). 

Bordenave.  —  Directeur  des  Variétés.  [loinmc  épais,  ù  la 
large  fac:e  rasée.  Uiant,  crachant,  se  tap:uit  sur  les  cuisses, 
cynique,  ayant  un  esprit  de  gendarme,  il  traite  Icà  actrices  en 
garde-chiournie.  Quand  une  de  ses  petites  femmes  l'ennuie,  il 
lui  allonge  un  coup  de  pied  dans  le  derrière  [(!].  Cerveau  tou- 
jours fumant  de  quelrpie  réclame,  c'est  lui  qui  lance  Nana  dans 
la  lilonie  |V«tt5,  sorte  de  carnaval  des  dieux  où  l'Olympe  est 
traîné  dans  la  hout\  où  toute  une  religion,  toute  une  poésie 
sont  bafouées  [:2i].  Xana  chante  comme  une  serinjruc,elle  joue 
comme  un  pnquel,  mais  un  rut  monte  d'ell»*,  ainsi  que  d'une 
bêle  en  folie  [3']];  c'est  quelque  chose  qui  remplace  tout,  aux 
yeux  de  Dordenave.  Celui-ci  aime  les  situations  franches; 
quand  on  lui  parle  de  son  théâtre,  il  répond  :  Dilfs  mon  bor- 
del !  f  ij  C'est  avec  la  plus  parfaite  assurance  qu'il  fait  à 
S.  A.  r».  le  prince  d'Ecosse  les  honneurs  des  coulisses  et  des 
loges  d'actrices  ;  il  trouve  même  que  le  prince  est  un  peu 
inufe  [I79J.  (Sana.) 

Borgne-de-Jouy  (Lf).  —  Affilié  à  la  bande  des  chauf- 
feurs d  Orgères,  commandée  par  le  lioau  François.  .\  vendu  ses 
complices  [OS].  (La  Terre.} 

Bosc.  —  Un  vieil  acteur  dos  Variétés.  Joue  un  rôle  de 
Jupiter  imbécile  dans  la  Blonde  Venus  et  le  duc  de  Deaurivage 
dans  la  Pelile  Dnches^se.  Il  a  un  air  bonhomme,  avec  sa  face 
ravagée  et  bleuie  d'alcoolique  [150].  D'ordinaire,  Dose  traite 
les  femmes  de  chameaux.  L'iJée  qu'un  homme  peut  s'embar- 
rasser d'une  de  ces  s;«les  bêles  soulève  chez  lui  la  seule  indi- 
gnation dont  il  soit  capable,  dans  le  dédain  d'ivrogne  dont  il 
etiveloppe  le  monde  [2<»3).  (Xana.) 

Bouchard.  —  (^<hef  de  bureau  au  ministère  de  rintéricur. 
Soixante  ans.  Télé  toute  blanche,  œil  éteint,  face  connne  usée 
par  ses  longues  années  de  services  administratifs  ['n>].  11  a  le 
premier  accueilli  Eugène  Rougon  quan«l  celui-ci  est  arrivé  à 
Paris;  aussi  fait-il  partie  de  la  bande  du  gianJ  homme,  le 
poussant  et  se  faisant  pousser  par  lui,  mais  toujours  prêt  à 
déserter  si  les  faveurs  se  font  allenilre.  A  cinquante-quatre 
ans,  il  a  épousé  Adèle  Desvignes,  voulant  une  jeuui  fille  de 


]iru\iiicr.  luirc*"  '[ii'il  lieiil  à  l'honnâleli:.  HoiiKon,  qui  n  clé  sim 
li'iiiûiii  |*.l  |.  tu  fuii  nommu-L-  ortkfcr  Je  la  U-aiou  .l'iioiineiii'. 
pui^  vliti'  <li;  d'-'isioii  [âTO].  DoucliniJ  est  le  cousin  du  coloiu'i 
JolieliinSo«  ErceHtHce  Eugène  Itougon.) 

Bouchard  iMadaxie).  —  Voir  Desvignes  (Ai-éie). 

Bouland  (Madame).  —  Sagc-r.'mme  à  Verdjeniniit,  près  de 
lloiiiieviii".  tir^iiile  rûpululion  JeJier^-iu  c\  (1'Ii!i)ii1l'Il-  [37(iJ. 
l'élite  fi'iiMii'j  linuie,  nioigre,  jaune  c.-.hmi'  un  .■  \i--<,  rivec  uii' 
gi-an  J  lii-i  ilumi.ialeur.  Parle  fort,  a  il-  .  i  ■  ..■  ■  ■  i  jiits  lui 
la  font  vi^.i.!r.?r    les  pysaiis  [SSiJ.  Oi  ■■  ...  li.'iiieiLl 

de  l.ouir  ■  Clifliitcnu,  elle  rédauic  r.u.;.  u  un  h..  ■!■  .111,  l'eii- 
faiil  s.-  ]''.-saiir;'Tii  nul,  puis  elle  toopére  iieUv  1:1111:111  à  la  déti- 
ïraiii-..-.  ■Lu  Jû'-  de  vivre.) 

Boum        C'ieval  île  rértirie  Gasc.  Court  dans  le  Grand  Prii 

Bourdelais.  —  Sous-tli<if  de  liureau  nu  ministère  des 
liiiaiiOL-:*   :■:].  (.1(1  Bonheur  ih-f  bames.) 

Bourd&Iais  iMad.viie). —  IJiie  nmic  de  {iciision  de  madame 

llesrui-.'e-.  '■,■,■.-1  une  |ielili!  lilonJf  dt;  Ireiile  ari*,  li i  lin,  les 

veu:(  lit'.  D"  M-^ilk'  rLtiuille  liuur^'tuistt,  <;tlci  iiiéuif  son  iiiéiiag« 

l'iLijiiii  li-!  lii  ïi-  pritlii|uc  [72].  Les  grands  in:ig:<.siiii  ne  la 
niiiifiil  p  s;  ■■!  -  vn  droit  aux  occasious,  avec  une  iidie  adresse 
di;  lioiiiii:  iiié^tn.*>ire  qu'elle  y  ré3li;e  de  Tories  éi:oiiunjies  [95]. 
iAii  Uoiil'Cin'  il  i  Dames.) 

Bourdelais  (Les  lnfants).  —  Us  sont  trois,  Undtli-iiie 
(dj\  an;..  Khii-id  (liuit  ans),  Luci.:.L  (quatre  aiis't,  Aïee  son 
eijirir  de  j -11"  'eiiiine  pratique.  mada;ne  ljourdi;'ai>  les  mène 

Siieulaclu  ■.  Iii>i>  -wityll  [±C.I.   Mais,  forlc  punr  ellr-in,!ine.  elle 

^u\  il  d<:-  déiMuJies  il'aclials,  dont  elle  se  coiisule  en  coi:  lui- 
sant SI  |i''il'<  1.'.  :iille  au  buITet  et  en  la  ^orgeaul  graluileinenl 
lie  siro)'  _.;i''j.  '.in  ûoaliciir  dis  Damus.) 

Bourdeu  ll>:).  —  Aurien  prêret  de  la  llrûni",  mis  à  pied 
par  1.1  r.''v.>l:ii>  3  de  iSiU.  lUUUa  l'lassan»^,-rré'[u<.'iiii-  cliez  Ifs 
It^iiitoii  1-:  fui  ■'■:  roiqiosition  orK-aniste.  i"esl  nu  j,'niiij  vieil- 
Iwi  n.ai.-n-.  il  :-'diiigol.:  Imuloniii-c  et  iliapeiiu  pl:U   du-  diiciri- 


r.O  LKS  PKRSO.NNAGKS 

l'empire  pour  redevenir  préfet  [350].  {La  Conquête  de  Plas- 
sans.) 

Bourdoncle.  —  Un  des  intéressés  du  Bonheur  des  Dames. 
Jeune  homme  grand  et  maigre,  aux  lèvres  minces,  au  nez 
pointu,  très  correct  d'ailleurs,  avec  ses  cheveux  lisses,  où  des 
mèches  grises  se  montrent  déjà.  C'est  le  (ils  d'un  fermier 
pauvre  des  environs  de  Limoges.  11  a  débuté  jadis  au  Bonheur 
en  même  temps  qu'Octave  Mouret.  Très  intelligent,  très  actif,  il 
semblait  devoir  supplanter  aisément  son  camarade,  moins 
sérieux,  mais  il  n'apportait  pas  le  coup  de  génie  de  ce  Proven- 
çal passionné.  Par  un  instinct  d'homme  sage,  il  s'est  incliné 
devant  lui,  obéissant,  et  cela,  sans  lutte,  dès  le  commence- 
ment. Un  des  premiers,  il  a  suivi  le  conseil  de  Mouret  en  met- 
tant de  l'argent  dans  la  maison,  et  peu  a  peu  il  est  devenu  un 
des  lieutenants  du  patron,  le  plus  cher  et  le  plus  écouté  ;  parmi 
les  intéressés,  c^st  lui  qui  est  chargé  de  la  surveillance  géné- 
rale [38].  .Mouret,  qui  tient  à  sa  réputation  d'homme  aimable, 
lui  confie  volontiers  les  exécutions  ;  au  temps  de  la  morte- 
saison,  Dourdonde  est  célèbre  par  ses  c  passez  ù  la  caisse  >, 
qui  tombent  comme  un  coup  de  hache  et  déciment  les  ravons 
[185]. 

Très  différent  du  maître,  il  fait  profession  de  haïr  lesfemincs, 
ayant  au  dehors  des  rencontres  dont  il  ne  parle  pas,  tant  elles 
tiennent  peu  de  place  dans  sa  vie,  et  se  contentant  au  magasin 
d'exploiter  les  clientes,  avec  un  grand  mépris  pour  leur  frivo- 
lité ù  se  ruiner  en  chillons  imbéciles.  Net,  logique,  sans  pas- 
sion, sans  chute  possible,  il  ne  comprend  pas  le  côté  fille  du 
succès,  Paris  se  donnant  dans  un  baiser,  au  plus  hardi  [-10]. 
Les  femmes  se  vengeront  en  la  personne  de  Denise  Baudu, 
qu'il  a  toujours  persécutée  et  qui  saura  triompher  par  la  seule 
vertu  de  sa  douceur  et  de  sa  grâce,  inspirant  ainsi  à  l'impi- 
toyalile  Bourdoncle  la  terreur  sacrée  de  la  femme  [4:25].  (Au 
Bonheur  des  Dames.) 

Bourgain-Desfeuilles  (Génêiul).  —  Pendant  la  guerre 
de  1870,  il  est  ù  la  léle  d'une  brigade  d'infanterie  (7*  corps, 
commandé  par  Félix  Douay),  Le  lOG*  de  ligne,  colonel  de 
Vineuil,  appartient  à  celte  brigade.  Très  braillard,  le  général 
roule  son  gros  corps  sur  ses  courtes  jambes,  il  a  un  teint  fleuri 
de  bon  vivant  que  son  peu  de  cervelle  ne  gêne' point  [5].  Dans 
celle  campagne,  il  sera  comme  tant  d'autres  chefs  plus  bétes 
que  méchants,  ne  sachant  rien,  ne  prévoyant  rien,  n'ayant  ni 


nts  llUl'lj'J.N-MAC'Jl'AlST  51 

l'Inn,  ni  xHées,  ni  ici^urds  heureux  [I  Klj.  D'ailleurs,  nul  souci 
de  la  i]tsci|>tine  :  pour  ne  pas  atoir  à  sâvîr,  il  ferme  les  yeux 
devanl  le  pitlnge  d'une  ferme  [90]. 

Soucieux  de  confiirl,  quand  lu  général  prévoit  une  éliipu 
dure,  il  prL'nii  h  précaulion  Je  déjeuner  copieusement,  en  mau- 
gréant de  la  bousculade  [âT]  ;  maussade  dnns  les  journées  de 
faligue,  faisant  alors  aux  gens  un  accueil  furieux  [t39J,  il 
retrouve  sa  bonne  humeur  dès  qu'il  peut  s'installer  commodé- 
ment ;  son  premier  soin,  en  arrivant  à  Sedan  avec  sa  brigade 
cvlénui^e,  est  de  se  fourrer  entre  de  Uns  draps  blancs,,  à  l'hdtel 
de  la  C,roi\  d'Or  [180].  Pendant  la  marcbu  vers  la  Meuse,  le 
31  août,  il  n  parlé  librement,  en  toute  insouciance,  devant  un 
espion  déguisé  en  valet  de  ferme,  Goliath  Sicinberg;  il  l'a 
interrogé  sur  tes  roules  à  suivre,  nionlranl  une  grande  séré- 
nité d'ignorance,  croyant  que  la  Meuse  passe  à  Huzanry  [lOi]. 
Cinq  jours  après,  il  n'accorde  aucune  foi  aux  renseigne- 
ments du  franc-tireur  Sambuc,  qui  lui  prédit  la  surprise  de 
!l<.-aumDnl;  impossible  &-  son  avis  que  l'année  ait  si  prés 
d'elle  soixante  mille  ennemis,  car  on  le  saurait  [UO].  Plus 
lard,  pour  désigner  la  rivière-  qui  traverse  Sedan,  comme 
il  ignore  si  c'est  la  .Meuse  ou  la  Moselle,  il  dira  :  l'eau  qui  est 
IÙ1237]. 

liais  tout  soldat  de  cour  qu'il  soit,  uniquement  occupé  de 
lui-même  et  n'ayant  vu  dans  la  guerre  qu'un  moyen  rapide  de 
passer  général  de  division  [317],  il  n'en  trotte  pas  moins  insou- 
citmimenl,  pendant  la  balaille,  au  milieu  des  projectiles.  Entêté 
dans  sa  routine  d'.^frîque,  n'ayant  profité  d'aucune  lei,'ou,  il 
attend  tes  Prussiens  au  corps  à  corps,  alors  qu'ils  écrasent  ses 
régitiients  à  coups  de  canon  [Hô].  Puis,  pendant  la  déroule 
qui  refoule  l'infanterie  dans  Sedan,  sa  grosse  ligure  colorée  de 
bon  vivant  exprimi'  l'exaspération  où  le  jette  le  désastre  qu'il 
regarde  comme  une  inalchance  personnelle;  il  court  vers  les 
iléhris  de  sa  brigade,  très  capable  de  se  faire  tuer,  dans  sa 
colère  contre  ces  batteries  prussiennes  qui  balayent  l'Empire 
et  sa  fortune  d'oflJcier  aimé  des  Tuileries  ;  par  borreur  pour  la 
captivité,  il  voudrait  avec  cinquante  bons  bougres  percer  les 
lignes  ennemies  «1  filer  en  Belgique.  Seulement  puisqu'il  ignore 
le  cliemin  et  que  c'est  trop  tard,  il  va  se  coucher  [363];  et 
après  la  capitulation,  seul  de  tous  les  généraux,  il  prétexte  de 
ses  i'liun>alismes  pour  profiler  de  la  clause  qui  fait  les  ofllciers 

libres,  à  la  eondilion  de  s'engager  par  écrit  à  ne  plus  servir 
[\Z.'.].  {La  Dfliùcle.) 


^*» 


o-  LtS  PtnsONNACtS 

Bourguignon.  —  Entrepreneur  do  ploinb»»rie,  chez  qui 
C.oupeau  a  trouvé  dû  travail  [o30j.  (L'Assommoii'.) 

Bouroche. —  Médecin-major  au  iOG*  de  ligne  (colonel  de 
Vinouil).  Gros  lioinine  à  la  télé  puissante,  au  niulle  de  lion  [11^]. 
A  n«in)S,  le  "li  août,  rencontrant  l'empereur  entoure  d'une  bril- 
lante escorte,  il  a  vu  à  fond,  de  son  coup  d*œil  de  praticien, 
cette  face  très  pâle  et  déjà  tirée,  ces  yeux  vacillants,  comme 
troublés  et  pleins  d'eau,  et  d'un  mot  il  a  arrêté  son  diagnostic  : 
Foutu  [li].  Pendant  la  bataille  de  Sedan,  il  installe  son  ambu- 
lance dans  la  fabrique  Delalierche,  qui  s'encombre  bientôt  de 
blessés  ;  c'est  un  décliargemcnt  allVeux  de  pauvres  gens,  les 
uns  d'une  pâleur  verdâtre,  les  autres  violacés  de  congestion 
■3:26].  Li's  opérations  se  succèdent,  les  minces  couteaux  d'acier 
luisent,  les  scies  ont  à  peine  un  petit  bruit  de  râpe,  le  sang 
conli!  par  j«ts  brusques,  c'est  un  va-et-vient  rapitse  d'ampuiés 
[o'il].  Derrière  un  massif  de  cytises,  on  a  établi  le  charnier  où 
«ont  jetés  les  mort>,  raidis  dans  le  dernier  râle  ;  et  près  des  ca- 
davres, p«.*le-méle,  des  jambes  et  des  bras  coupés  s'entassent 
nussi,  tout  ce  qu'on  rogne,  tout  ce  qu'on  abat  sur  les  tables 
d'opération  [33G]. 

Plein  de  liàle  et  d'énergie,  les  durs  cheveux  hérissés  sur  sa 
tête  énorme,  le  major  souffle  de  lassitude;  c'est  un  solide,  il  a 
une  peau  dure  et  un  cœur  ferme,  pourtant  il  éprouve  une  im- 
mense désdalion.  il  est  paralysé  par  1*  cà  quoi  bon>,  par  le 
sontimenl  qu'il  ne  fera  jamais  tout  [310],  par  son  impuissance 
à  sauver  t  >us  les  pauvres  diables  en  bouillie  qu'on  lui  amène 
[3i7].  La  pratique  et  rimpérieuse  discipline  le  remettent 
d'aplomh,  il  0[»ère  toujours,  sans  môme  endormir  les  patients, 
maiiiienanl  qu'il  n*a  plus  de  chlorofonne  [3'J7]. 

l'entiaut  l'insurrection  de  Paris,  on  le  retrouve  à  l'armée  de 
V»^rsaillcs,  il  consent  à  soigner  un  de  ses  anciens  soldats, 
Maurice  Levasseui*,  mortellement  blessé  dans  les  rangs  de  la 
Commune  [(j'I'.)],  (La  Dcbdclc.) 

Bourras.  —  llouliqnier  de  la  rue  de  la  .Michodière.  Grand 
vieillard  âieie  de  prophêle,  chevelu  et  barbu,  avec  de>  yeux  per- 
rints  sous  de  *:ros  sourcils  embroussaillés.  Tient  un  commerce 
de  caniiea  et  de  parapluies,  fait  les  rarcoiiiiuoduges,  sculpte  les 
inancli»!s,  ce  «jui  lui  a  coinjuis  une  célébrile  dans  le  quartier. 
La  maison  e>l  uin»  masure  prise  enire  le  lionlieur  d(îs  Dames  et 
iliOlel  Diiviliard:  il  l'occupe  depuis  18i.j,  avec  un  loyer  annuel 
de  ilix-liuil   cents  franc<.  dont    mille   so'.U    rattrapés    par    la 


HHS    HOLT.nN-MAf.nHur  -V! 

location  ili-  i)ii:ili'i;  ilmmlirt^s  garnies.  Le  Uunlicurliii  a  pnr[i3  un 
rou|>  leiTiiil.-,  en  ciéaiil  un  rjiyon  depar!i]iliiies  et  tlomlirelles; 
la  cliviilùle  (liintimc  cl.  alors  qu'il  passe  des  ap^è^-lTIilli  soli- 
UiTL-ï,  Ea  lioiilii|iie  esi  seconée  par  la  trépitlalinii  de  la  Toulf 
(Iiii  s'ciTast  <li-  l'aolre  côlé  du  mur;  di'  j'ius,  Hourras  ^OlllTl■L■ 
dans  son  or^'ucil  d'iiriisle,  devant  raiili$^i'mi:ut  du  riiciier,  Itts 
mniiclies  (nln'iijU'^j  à  I  a  grosse.  l'alianJon  de  l'art.  Kl  coiniiii'  le 
llonlieiir  des  H-.mes  vent  le  supprimer  poiirs'agriindir,  il  u'iié- 
silu  pas  à  lui  Ji'  liirer  la  guerre;  à  l'ciilpndri;,  sa  Tidoire  ne 
fjîl  paç  un  iiOLiie.  il  tnanp'era  te  mea-itre  [927]. 

I.eE  oSt'is  'l'Octui^e  Moiiret  soot  repoussécs  avec  mî'pris, 
treille  iniliri  frjn.-s,  puis  ciuquaiitc.  puia  qualre-vingls,  puis 
ceiil  mille:  liourros  y  laissera  sa  ]ieau  ptuidl  que  de  céder. 
f.'l]i}U'l  Utivill.iid  est  dévoré  par  l'envahisseur,  In  mn-ure  est 
eiirourL-e  di  knHes  pnrts,  son  proprîi^iaire  la  verni  à  prix  d'or 
au  liûiiliL'ur  •h-i  IJjnn-ï.  le  vieux  marclniiid  de  parapluies  devient 
ainsi  l'iulimr  Ini'nlaire  du  puissant  Mourel;  peu  lui  iuiporle, 
leni|.u.-t;ur  uu-e  tous  SfS  canons  ne  le  délogera  pas  [228]. 
Comni"  on  il  vuulu  quand  mciue  éliminer  lobsiaule,  el  <|ue  l'ar- 
dtiiecie  0  en  f'tMe  an  percer  un  snuicrrnin  qui  <>cljè>c  l'invi^s- 
tiiseuitiil,  Ruui-ra'  snianie  un  long  procès  qu'il  u'^ignc  endeuï 
ans  et  >]ui  lu  iDiue.  Hardiment  il  prétend  bailre  li^  i:i)nlieiird<'s 
hiinies  sur  «o'i  )iroj>re  t<?rrain  el  il  fnit  alors  des  cmcesMOiis  au 
lu.ve  niûdern^,  co:isarrant  trois  niilln  francs,  sa  ressource  su- 
prême, il  d>'s  t^niliellissements  ;  il  cng^tgc  même  lu  lutte  sur  la- 
prix  [-13],  i''k»1  uue  suite  de  désastres,  mais  il  lient  toujours, 
sa  inaiion  est  là,  entélêe,  collée  aux  Oancs  des  supcrbi.'S  maga- 
sina, ccmme  une  verrue  désbonoraitle,  et  il  conlinac  à  nier  les 
faits,  il  r'^fu-e  de  comprendre,  superbe  et  siupide  comme  unn 
borne  [Hi^]. 

Pour  i^n  VL'iiir  à  bout,  le  colD^se  est  forcé  de  riieliulcr  des 
créaiirrs,  de  1-  faire  mettre  eu  faillite  et  de  l'e.tpidsev  par  ht 
force,  .^lia  à  la  rue,  rivé  au  trottoir,  il  voit  !es  dêm-'llsseurs 
comiiienccr  Irrir  œuvre  et  la  masure  s'ébouler  piioy.iblemeni 
SU1IS  lc$  prciiiirTs  coups  de  piocbe.  C'est  le  niouclierun  écrasé, 
lu  d'.TiK'^r  i!i.>mrilic  sur  l'oiislin.iliun  cuisante  de  l'inriaimenl 
pctil  l'.'-'i].  Mil-r-;  Fa  ïoi\  dmi'  .■!  se?  f.'eslcs  Ton',  le  pauvre 

EouJu  el  IV-i.",  i-  I  .    ■   .  .     ■  111=  lui, 


dér 


.  In 


51  LLS  l*ËRSONNAGb« 

Bourrette  (Abbé).  —  Premier  vicaire  à  Sainl-Saturuin. ca- 
thédrale de  Plassans.  Gros  homme,  au  hon  visage  crédule,  avec 
de  grands  yeux  d'enfant,  des  bras  trop  courts,  un  ventre  d'une 
rondeur  douce  et  luisante,  des  jambes  déjà  lourdes  [61].  Plein 
de  naîvclé,  il  fréquente  les  salons  sans  en  démêler  les  intri- 
gues ;  il  y  nicontc  d'un  air  ravi  de  petites  histoires  de  sainteté 
[^53];  il  croit  a  rinsigniûance  de  l'abbé  Faujas,  qu'il  a  logé 
dans  la  maison  de  François  Mouret  et  introduit  chez  Félicité 
Rougon.  Aspirant  à  la  cure  de  Saint-Saturnin,  il  ajoute  foi 
aux  coules  de  monseigneur  Rousselot,  se  laisse  toujours  évincer, 
et  pousse  la  bonhomie  jusqu*à  pleurer  à  chaudes  larmes  la 
mon  de  Faujas  [100].  {La  Conquête  de  Plassans.) 

Boutarel.  —  Médecin  de  Nana.  Bel  homme,  jeune  encore^ 
a  une  clientèle  superbe  dans  le  monde  galant.  Très  gai,  riant 
en  camarade  avec  ces  dames,  mais  ne  couchant  jamais,  il  se 
fiiit  payer  fort  cher  et  avec  la  plus  grande  exactitude.  Le  doc- 
teur se  dérange  au  moindre  appel,  il  guérit  les  bobos  de  ses 
clientes  en  les  amusant  de  commérages  et  d'histoires  folles 
[435].  (iVaiia.) 

• 

Boutarel.  —  Gros  homme  sanguin.  Ne  comprend  rien  aux 
essayages  des  grands  magasins,  où  les  dames  se  déshabillent 
dans  de  petits  salons,  sans  que  leur  mari  puisse  les  suivre  [493]. 
{An  Bonheur  des  Dames.) 

Boutarel  (Madame).  —  Une  grosse  femme  de  quarante- 
cinq  ans,  qui  débarque  de  loin  en  loin  à  Paris,  du  fond  d'un 
département  perdu.  Làbas,  pendant  des  mois,  entre  son  mari 
et  sa  fille,  elle  met  des  sous  de  côté,  puis,  à  peine  descendue 
de  wagon,  elle  tombe  au  Bonheur  des  Dames,  elle  dépense  tout. 
On  sait  seulement  qu'elle  se  nomme  madame  Boutarel  et 
qu'elle  demeure  à  Aibi  [lll].  [Au  Bonheur  des  Dames,) 

Bouteloup  (Louis).  —  Ouvrier  de  la  coupe  à  terre,  au 
Voreux.  Un  gros  garçon  de  trente-cinq  ans,  à  la  carrure  épaisse, 
à  Tair  placide  et  honnête,  sous  sa  grande  barbe  brune.  Il  est 
logé  au  coron  des  Deux  cent  quarante,  chez  les  Levaque  et 
couche  avec  la  femme,  du  consentement  du  mari  [:23]. 
{Germinal.) 

Bouteroue  (IIilarion).  —  Second  enfant  de  Vincent  Bou- 
teroue.  Pclit-Iils  de  Marianne  Fouan  (la  Grande).  Celle-ci  n'a 
jamais  pardonné  le  mariage  de  sa  fille  et  laisse  IIilarion  et 
Paimyre,  ses  pelils-cnfants,  crever  de  faim  sans  vouloir  qu'on 


lui  niii|ie]]<!  leur  existence  [3i].  U'une  liiilcur  bestiale  de  crétin, 
bancal,  la  liouclic  torilue  par  un  bec-iic-iièvre,  l'air  raiint  pour 
$cs  liDgl-ijuaire  ans,  Uilarion  est  si  b£le  que  peisoiitie  ne  veut 
le  faire  travailler.  Les  gamins  le  perséculenl.  Il  n'a  d'autre 
soutien  que  sa  sœur  Palmyre,  véritable  mère  qui  le  défend,  le 
nourrit  et  se  dévoue  jusqu'à  l'inceste.  Doué  d'une  grandeforce 
musculaire  dont  il  n'a  même  pas  conscience,  uet  innocenl,  cet 
inGrme  le  gorge  d'e:tu-de-vie,  vole  sa  soeur,  la  bal,  devienl 
franclienient  niauv;iis.  l'almyre  morte,  il  vil  de  la  charité  pu- 
blique et  eil  enQn  recu-illi  par  la  terrilile  Grande,  intéressée  à 
exploiter  celte  brute  iolide,  capable  des  plus  durs  travaux  et 
qui  a  peur  d'elle,  ta  regardant  en  animal  balln,  épouvanti^  el 
soumis  [iOtl].  .Mais  un  jour,  frémissant  sous  les  corvées  trop 
ruJe^,  les  membres  railis  par  des  chaleurs  de  sang,  Hilarion  se 
révolte,  jon  nplniisseiueul  se  change  en  une  rage  de  mâle 
n'ayant  conscience  ui  Je  la  parenté,  ni  del'Sge,  à  peine  du  sexe. 
il  se  jette  sur  l'aïeule  pour  la  violer  et  esl  abattu  par  elle,  d'un 
ïisiient  coup  de  cognée  au  crâne  [450].  {La  Terre  ) 

Bouteroue  (PAUlYCtE).  —  Sœur  d'il ilari on.  Grande  femme 
d'une  irenlaine  d'années,  qui  en  parait  bien  cinquiinie.  Elle  a 
le^  cbeti'u^  rares,  h\  face  plate,  molle,  j:iune  de  son,  une 
longue  I.tie  de  miaère,  flétrie  déjà,  hébétée  à  force  de  travail, 
où  il  n'y  a  plus  que  des  yeux  de  bonne  chienne,  au  dévouement 
clair  et  crorond.  La  sœur  et  le  frère  logent  dans  une  ancienne 
écurie  abandonnée,  en  parias,  en  êires  prés  de  la  terre,  doni 
personne  n'a  \ouiu.  Cassée,  épuisée  par  des  travaux  trop  pé- 
nible;, menant  une  vie  dolente,  sans  une  amitié,  sans  un 
amour,  une  existence  d'animal  traité  à  coups  de  fouet,  Palmyre 
a  pour  l'inGrine  des  soins  passionnés,  c'est  une  tendresse  de 
mère  qui  va  jusqu'à  l'incesto,  elle  esi  la  femme  irilJlarioD 
parcequi^  les  autres  lilles  le  rebutent  et  qu'après  lui  avoir  gagué 
dn  pain,  elle  peut  bieu  encore,  le  soir,  lui  donner  cb  régal  qui 
ne  coûte  rien  [137].  k  trente-cinq  ans,  celte  femme,  qui  porte 
des  fiirJeaux  à  se  rompre  les  reins,  a  un  visage  couleur  de 
cendre,  mangé  ain^i  qu'un  vieux  sou.  [lulenu  qui  l'emploii'  aux 
moissour,  l'eniiiiiucbe  à  la  tScbe  parce  qu'il  ne  la  trouve 
pins  assez  forte,  el  elle  s'éreinle  k  des  besognes  d'homme,  ache- 
vant de  laisser  boire  sa  vie  au  brillant  soleil,  dans  cet  efTorl 
désospéréde  labcte  de  somme  qui  va  choir  el  mourir.  Elle 
succombe  en  liant  des  gerbes,  foudroyée  par  une  insolation  ;  on 
la  trouve  allongée,  la  face  au  ciel,  les  bras  eu  croix,  cruciliée 


:.»•  LES  PERSONNAGES 

siircetl»*  lorrc  qni  Ta  usée  si  vilo  à  son  dur  labeur  cl  qui  Ta 
tué..'[2ir.].  {La  Terre.) 

Bouteroue  (Vincent).  —  l'rysan  pauvre,  que  la  fille  des 
Pécliard  s'est  obstinée  à  épouser,  malgré  Topposiiiim  mater- 
nelle. Tous  deux  ui**urent  de  .nii>cre,  laissant  deux  enfants, 
l'aboyreelIIilarion[.'î2].  (La  Terre.) 

Bouteroue  (.NLvdam^  ViNr.EXT).  —  Voir  pKcnAi;n  (.Made- 
moiselle). 

Bouthemont  père.  —  Marcband  de  nouveautés  à  Monl- 
i»ellier.  A  envoyé  son  lils  à  Paris  pour  y  apprendre  le  commerce 
et  n'a  pu  obtenir  qu'il  reprenne  son  petit  négoce  provincial.  Il 
s*indi^ne  de  voir  ce  simple  commis  parisien  gagnant  le  triple 
de  ce  qji'il  ^a^rne  lui-mémo,  occupant  une  situation  qui  grandit 
chaque  année  [i5J.  Débarqué  à  Paris,  il  suffoque  dr  stupeu.*  et 
d'indignation,  en  tombant  dans  le  hall  immense  où  règne  son 
tiîs  r^Uiî].  (.4//  iionhetir  des  Dames.) 

Bouthemont.  —  Fils  du  maichamld*;  nouvcaulé.>.  Avant 
réu<si  dans  le>  soies  à  Paris,  il  a  refusé  de  rttourner  auprès  de 
son  jiére,  plaisantant  la  routine  commerciale  de  la  province, 
faisant  à  chaque  passage  sonner  ses  gains,  qui  bouleversent 
Montpellier.  C'est  un  jeune  bomnie  à  fortes  épaules,  il  a  une 
lace  roîîd-*  de  joyeux  compère,  avec  une  barbe  d'un  noir  d'encre 
et  dr  beaux  y»«ux  marrons  [So].  Nocur,  braillard,  il  a  une  ama- 
bilité un  peu  grosse,  un  rite  bon  enfant  où  il  y  a  un  amour 
brutal  de  la  femme  [1-7].  Entré  au  Donlieur  des  Dames  comme 
premier  à  la  soierie,  médiocre  pour  l:i  vente,  mais  n'ayant  pas 
son  pareil  pour  Tuchat,  il  jouit  d*ui;e  liberté  absolue,  et  mène 
son  rayon  comme  il  l'entend,  pourvu  que  chaque  année  le 
chiffre  d'affaires  soit  augmenté  dans  une  proportion  fixée 
d'avnnce.  Pris  en  affection  p;ir  Octave  Mouret,  dev»  nu  le  con- 
lideiit  du  patron  et  d'Henriette  Deslorges,  il  sait  pi  lire  à  celle- 
ci  et.  dés  (ju'il  se  sent  miné  au  magasin,  il  obtient  son  concours 
j»our  une  connnandite  «lu  baron  Ilarl:nan:i  [C'JoJ. 

DoulbeiiKnK  fonde  aIor^  une  superbe  maison  près  «le  l'Opéra, 
avec  ren<eiî.'ne  :  Aux  Oualre  Saisou":,  rêvant  une  pipinlesque 
conrurren'-e  au  îio:ih»'ur  des  Dames.  Ce  boa  viva-jl  a  Tiiée 
géniale  de  fire  bénir  ses  locaux  parle  clergé  de  la  Madeleine, 
cérémonie  éiritinanle,  pompe  religieuse  i-ronicnée  dr  la  soierie 
à  la  ganterie,  Dieu  tombé  dans  les  p?»nî.iîon>  de  femme  et  dans 
I»f5  eorseli;  Cette  heureuse   inspiration  vaut  un   millioîî   «lan- 


l'Ks  iioui;i'^->iAO,HMi;r  :.7 

iinijcfs,  [i'll''iTieiit  le  coup  vsi  [lark-  sur  l.i  uliciilùle  inoiiilniDi'. 
D'ailleurs,  â  [leiiie  oiivei'ls  depuis  Irois  semniors.  Ii's  rrrands 
'iia^niiiis  ili-ï  Qua<r>>  î^aUons  soni  inccnrlicj  par  une  rxpla^inn 
Je  ^ax,  peiiii.iDi  lu  nuit,  les  ve'dcuses  se  sniivenl  en  rlicniUp. 
l'IiéroïSMie  'If  lloullicmont  en  saurc  rinq  sur  ses  épnuli's,  c'»l 
tiiiu  supci'liâ  rûdaiiiti  pour  l'arcnir  [^75]    (Ah  Boiilicur  dfs 

Boutigny.  —  Ancien  camarade  île  Lazare  Chniilcau  nu 
lycée  rie  tai-n  A  quille  le  loiin  en  qnalriéme.  s'esl  mis  dans 
It^  coniineree,  |iUice  des  ïins  [72].  RelrouTe  l.ai^ie  à  PariSi 
'•'intÎTi'Sie  li  S"a  projel  d'usioe  pour  l'explniuiioii  des  lierhes 
inariii>;s,  aiir'one  irenie  mille  francs  comme  associé  II  a  uue 
Ircntaîiied'atuiées.  c'est  un  peiil  homme  rouge  1res  commun,  on 
l'appelle  '  le  gros  Boiiligny  >.  E^iprit  essenliellcmcnt  pratique. 
il  lilùrne  Lnzari-  qni  veut  tnire  trop  va^ie  et,  aprcs  l'éclicc  de 
l'exploilB  ion.  il  rurhcle  à  lias  pri\  l'usine,  qu'il  aménage  pour 
In  fahrication  eu  {.'rnnd  île  la  soude  de  commerce  [10'2].  l'i'ouillé 
alors  uTec  Larme  (ju'il  menace  d'un  prorcs  [117],  et  devenu 
t  cette  ranaillc  du  Uoulifrnri,  il  fail  rapidemi-nt  l'orluno  et  il 
épouse  une  femme  qui  l'avait  suivi  à  Verchemont  el  dont  il  a 
ii'ols  enfjnis  \:U\].  ihi  Joie  ile  vicre.) 

Boutin.  —  L'ii  anden  modèle  qui  lieul  rue  de  la  Iluclieiu- 
un  ali'li.-r  l.lin  ,  fi-L-quenlé  par  f.lnude  Lniilier.  0"iai>d  celui-ci 

cl  il  s'ai.'li,iriiv.  M  y  perd  le  lioirc  el  le  manger,  hitiaui  san-s 
re|ios  aveu  l.i  u.ilure  [i7].  iL'f£iiire.) 

Boutin.  —  Vieil  é|ii1epliquc  soiginé  par  le  docleur  Pascal 
ù  l'Iassaus.  Meurt  d'une  crise  congeslîve  [II].  (Le  Docteur  P'(<- 

C"l., 

Boves   'i'.ii'Tf"    iiK).  —  Iri'peclt'ur  i^'énèiMl  des   haras.  Bi;l 


seutuiil  lie  la  vji'ill.'  Traiice,  .M^  de  Hâves  a  dt;s  ciiu|>a  île  l>'ii- 
drttss'.-  ijui  le  iI.Mnrciil  au  delior?;  comme  son  scnici'  l'appelle 


:»8  LES  FEUSONNAGES 

% 

des  Datignolles  quand  on  le  croit  à  Tnrbcs.  Sa  dernière  passion, 
madame  Guibal,  ]ui  coule  cher  et,  comme  des  accès  de  goutte 
le  retiennent  à  la  maison,  il  la  reçoit  chez  lui,  a?ec  la  tolérance 
de  sa  femme  qyi  préfère  celte  comliinaison  moins  coûteuse 
[47GJ.  (Au  Bonheur. des  Dames.) 

Boves  (Comtesse  de).  —  Femme  du  comte.  Vient  de  dépas- 
ser la  quarantaine.  C'est  une  femme  superbe,  à  encolure  de 
déesse,  avec  une  grande  face  régulière  el  de  larges  yeux  dor- 
mants. Elle  a  été  épousée  pour  elle-même,  n'apportant  à  son 
mari  que  sa  beauté  de  Junon  [81].  Serrée  d*argent,  toujours 
torturée  d*une  envie  trop  grosse,  elle  parcourt  les  grands  maga- 
sins, trouvant  une  joie  sensuelle  à  faire  sortir  des  cartons 
toutes  sortes  de  dentelles  pour  les  voir  et  les  toucher^  mettant 
des  doigts  tremblants  de  désir  dans  les  flots  montants  de  gui- 
pures, de  malines,  de  valenciennes,  de  chanlillys.  La  névrose  ties 
grands  bazars  fait  son  œuvre  en  la  poussant  au  vol,  même  sans 
besoin,  car  sa  complaisance  a  rendu  au  ménage  les  ressources 
que  le  mari  dépensait  au  dehors.  Maintenant,  elle  vole  pour 
voler,  comme  on  aime  pour  aimer,  sous  le  coup  de  fquet  du 
désir  [509].  Elle  est  prise  en  flagrant  délit  [506].  (Au  Bonheur 
des  Daines.) 

Boves  (Blanche  DE). —  Fille  du  comte  et  de  la  comtesse  de 
tioves.  Grande  et  forte,  elle  ressemble  à  sa  mère  ;  seulement, 
chez  elle,  le  masque  s'empâte  déjà,  les  traits  sont  gras,  soufflés 
d'une  mauvaise  graisse  [81].  On  la  marie  à>Paul  de  Vallagnosc 
[iTC].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Braxnah.  —  Cheval  anglais  (écurie  de  lord  Reading).  A 
gagné  le  GrandPrix  de  Paris  [389],  (Xana.) 

Braxnbilla.  —  Réfugié  vénitien.  Personnage  noir  que  ses  , 
malheurs  politiques  ont  rendu  silencieux  et  réfléchi.  Fréquente 
chez  la  comtesse  Daibi  [06].  (Son  Excellence  Eugène  Bougon.) 

Brétigny  (Comtesse  de). —  Auguste  Lantier,  lisant  dans 
un  journal  les  nouvelles  mondaines,  annonce  à  Mes-Bottes,  à 
Bec-Salé,  à  Bihi-ia-Grillade  el  à  Coupeau  que  la  comtesse  de 
Bréligny  marie  sa  tille  ainée  au  jeune  baron  de  Valençay,  aide 
de  camp  de  Sa  Majesté  [340].  {U Assommoir.) 

Breton-le- cul-sec.  —  L'un  des  chaufi'curs  de  la  bande  du 
iJeau-Frnnçois  [67].  {La  Terre.) 

Brichet  (AniAun,  dit).  —  Vieux  paysan  des  Artaud.  Petit, 


DES  iïtllXON-MACQCAllT  SJ 

ïf.liB  |iar  l'ùgc,  la  mine  humilie  [37].  (',0  Faute  de  i'abbcMou- 
•  H  ) 

Bricbet  (L\  mèke).  —  Feiume  Je  [tricliel.  Grande  |>aysaniie 
pltuniiclii'iise.  h  seule  dt-vole  du  villoge,  rûtiant  aulonr  Je  la 
cure  qunnd  elle  a  communié,  soulirani  à  l'abbé  des  aumûiies  en 
imiurc  [3Sj.  <,Lq  Faute  de  tabbé  Moaret.) 

Bricbet  (FoEiTL'NÉ).  —  Aîné  des  Brichel,  les  plus  pauvres 
paviaiis  des  Artaud.  Grand  garçon  de  vitigl-cinqnns, l'air  hardi, 
la  peau  dure  ûéjk  [37].  Quand  il  épouse  Itosalîe  liaiubouise,  sa 
maliresste  devenue  mère,  ou  dit  dans  le  village  i[u'il  a  gagné 
les  écus  du  père  fiamiiousse  dans  le  foin  [i9Q],  {La  Faute  de 
l'abhf  ilouiet.) 

Bricbet  (Vi.vcent).  —  Second  lils  des  Drichet.  Clu-rcux 
rouges  in  broussaïlle,  niiuce,  yi'ux  gris.  Eufant  de  cliieur  â 
ré,'li!e  des  .\riaud  [5].  Galopin  loujoiirs  en  marauJe,  lerranl 
déjà  de  prés  la  pelits  Catherine  Bumboussc.  {La  Faute  de 
Ca'jlic  Mcuret-i 

Briquet  (Les).  —  Paysans  ae  Kognci.  Leur  Ris  lire  le 
numéro  13  à  la  conscriplion  [157].  tl.a  Terre.) 

Bron  (M.vMMi:).  —  Concierge  des  Variclés.  Dans  sa  loge, 
au  Jéiorrire  de  soupente  mal  tenue,  des  messieurs  du  monde,  * 
gantés,  corrects,  allendenl,  l'air  patient  cl  soumis,  tes  réfionses 
des  demoiselles  du  théâtre.  .Madame  Itron  lient  une  buvette 
|jour  les  ligurauls  [I  tS].  (Nana.) 

Bru  ILe  péri;).  —  Ancien  ouvrier  peintre,  vieillard  de 
soixante-dix  ans,  qui  habile  la  même  maison  (jue  les  Conpeau, 
rue  de  la  Goulte-d'Ûr,  et  vit  dans  un  trou  sous  le  petit  escalier. 
Il  a  le  eorps  voùlé,  la  barbe  blanche,  la  face  ridée  comme  une 
vieille  l'onime,  un  air  hébété  [-iû].  Le  père  llru  a  perdu  ses 
trois  tils  en  Crimée  et  maintenant,  on  le  laisse  mourir  parce 
tgu'il  ne  peut  plus  tenir  un  outil.  Gervaise  a  élé  bonne  pour 
liû,  mais  lorsqu'elle  ue  peut  plus  rien,  le  pauvre  vieuï  n'a  pins 
qu'à  atleiiire  la  morl,  se  nourrissant  uniquement  de  lui-même, 
lewurnaut  à  la  taille  d'un  enfant  [il9].  (L'Assommoir.) 

Brûlé  (La).  —  MÙTa  de  la  Pierrouoe.  C'est  la  ^cuve  d'un 
liareur  mort  11  In  mine;  elle  a  juré  de  ne  jamais  donner  sa 
fille  à  un  charbonnier,  elle  l'a  envoyée  en  fabrique  et  ne  déco- 
lère plus  depuis  qu'elle  l'a  vue,  sur  le  lard,  épouser  l'ierroii. 
Tous  iroii  ïivenl  au  coron  di:s  l'eux  cent  quarante  ei,  d^ins  le 


itotilieur  ilii  iiiônngr,  la  Ijrùlc  liurle  avec  uu  enrii^eiuciU  de 
vieille  révoluliomnire.  îiNîuilà  vrii;:f;r  conlre  les  patrons  la 
monde  son  hosinnc  [IK^J.  Elle  est  lerrible,  avec  s«.*s  yeux  de 
chal-liuaiit,  son  nez  en  l)ecd'ai<:le  el  sa  bouche  serrée  comme 
la  bourse  d'un  avare  [70J.  Son  jrendr»i  Pindi/ne  par  sa  lâcheté 
devant  h'S  vliefs.  Cribîeuse  au  Vore.ix,  elle  est  une  des  plus 
acliarné«*s  pendant  la  grève  ;  devant  la  troupe,  elle  vomit  l'in- 
jure, Clic  donne  le  signai  de  la  lulle  à  coups  de  bri  pie  contre 
les  soldats  inipissibles  [ i«Sl]  et,  à  la  première  dérliaru-'^,  elle 
s'abat  toute  raide  et  cra«juaule  comme  un  fagot  de  bois 
sec,  en  iM^rayaMl  un  dernier  juron  dans  ie  gargouillement  du 
sang  [  IS7]   {(jcnniHal.) 

Brunet  iI'amillk).  —  lîourgeois  du  quartier  neuf,  à  Plas- 
saii>.  i  ilousès  par  madame  Pierre  liougon  [?t7)l].  {La  Fortuni 
t/i's  iiofijOn.) 

Budin  (LiiS).  —  Paysans  de  Rognes.  Leur  (illetle  a  été, 
dit-on.  guérie  de  la  lièvre  par  le  rebouleur  Snurdeau,  qui  a 
ouvert  m  deux  un  jùgeon  vivant  et  le  lui  a  appliqué  sur  la  tête 
I  »•*»."»].    ilji  Terre.) 

Buquiu-Lecoxnte.  —  Député  au  Corps  Législatif.  Solii- 
ciie  uii  congé  [IJ.  (Scn  Excellence  Eiujene  Uottyoïi.) 

Burgat.  —  Torgeiou  à  Alboize.  A  fait  partie  des  contingents 
insm-Kjcliunnels  lors  du    coup  d'État   [il S].  {Im   Fortune  des 

liO'lfjOil.} 

Buriie.  —  Jockey  anglais.  .Monte  Spirit  au  Graml  l'rix  de 
l*aiis  [  i  loj.  [Xaiia.) 

Busch  aîné.  —  \^n  juif  né  à  Nancy  de  [larents  allemands. 
<iros  bonnne,  large  face  plate,  gros  yeux  gris,  cheveux  pâles 
tombant  en  mèches  rares  et  rebelles  de  son  crâne  nu.  Loge 
rue  r«'ydeau,  au  cinquième  étage,  où  il  possède  un  étroit 
logi'ineat  coaiposé  de  <leux  pièces  et  d'une;  cui>ine.  11  porte 
toujou!  s  une  cravate  blanche  roulée  et  une  redingote  d'occa- 
sion, aîicionnomenl  sn|>erbe,  mais  extraordinaircment  râpée  et 
maru^'e  de  taches.  Son  chapeau,  roussi  par  le  soleil,  lavé  par 
les  aver-es,  n'a  plus  d'âge  [l(>].  Oatre  l'nsure  el  tout  un 
co.iiMieicc  caché  sur  les  bijoux  et  les  pierres  précieuses, 
[\i\>('\i  fiiit  le  trali»'  des  valeurs  dépréciées,  il  sert  d'intermé- 
Jiaire  entre  la  petite  IJourse  des  -  Piod^-llumides  «•  el  les 
baîiqncrouliers  qui  ont  des  trous  à  combler  dans  leur  bilan. 
Mais  il  s'occupe    surtcut    de  l'achat  <les  nJauvai^es  créances. 


ilKS  UOlGWN-VACiJlhlllT  II! 

]ijoie;s,iiil  que  loulu  valeur,  nié.iie  la  |ilus  uoiuin-oiiiia",  |ieul 
riii'ïi-iiir  Iwiiiie;  cV-sl  un  jeu  comuie  un  aulf;,  la  chasse  au 
iltliiieur.  cil  uuluj  qui  se  laii^se  prendre,  [layanl  pour  les  Jis- 
(■aruî.  Pïl  iiî.iii^'é  lie  frais  el  vidé  jusi|uau  sang  [il]. 

La  Mrcliain  est  le  principiil  collaborateur  tla  terrible  juif  ; 
i:  csi  i-lle  "iiii  lui  a  ap|iorté  l'alTaire  Vîcloi'  Saccard  [321,  Itràce 
»  iai{u«li';  11u5l1i  i-ssavcra  île  faire  chanter  le  directeur  ilc  l:i 
I«in()uo  fitivericlle  [-iH]  et,  pour  se  venger  de  son  t-chet, 
prtiiiiiliTa  la  ruine  du  iinancier  par  une  piainle  en  escroqup- 
ri<-  îoTli].  ISjfch  poursuit  ses  victimes  â  boult-ls  ronges,  il  per- 
si-i'ui.'  I<?  pvllt  ménage  Jordan  cl  organise  un  chanl»;^e  affreux 
coiilrr.'  lirî  J^iino;  de  l'enuvilti<-rs.  Mais  te  loup,  féroce  aus  débi- 
U'Ur^.  ir>/$  lapahle  de  vulcv  dix  sous  dans  le  saji^  d'un  homniL-, 
aJore  ji'U  i'aile[  Sigismand  d'une  passion  matenn'lle,  il  le  sert 
cu;iin.f  une  bonne  li:  tolère  oisif  et  lui  Jéfend  même  de  Ira- 
v:;:i;.r  '.:T,\  El  devant  le  corps  à  pn-iiie  fruid  de  Pigîsinoiid,  ce 
leir.i'lt.'  mangeur  d'or  hurle  d'unr- abominable  souirrance  [4tt]. 

Buscb  'Srr.rsiiOND).  —  FrÎTe  de  l'usurier.  Imberbe,  clie- 
l'-iv  tbr.  ninf,  longs  et  rares,  vaste  front  liossn.  C'est  une 
ii.iclli;.'iiïi:e.  11  a  élé  élevé  daiii  les  uniïersiiés  alleiiiiniles. 
|i^:ili'  |ili,sieiu'>  langues,  s'est  lié  avec  K.irl  Miirx  !■!  professe  le 
sii-ia  isii:>;  av'c  une  foi  ardente,  ayant  fait  le  don  de  sa  pcr- 
î'iiue  f  iiéie  à  l'idée  d'une  prochaine  réiiovaliou  sociale,  ijui 
d'<il  r.i.-urer  le  bonheur  des  pauvres  et  des  humbles.  C'est  uii 
g»ii<i  g.rron  <!istrail,  resté  enfant,  tellement  insoucieux  de  sa 
viï  mit'-rielle  <]u'il  mourrait  sàreraenl  de  faim  si  son  frère  ne 
ravLÙi  r..';ueiHi.  L'idée  de  charité  le  blesse,  il  n'admet  que  la 
juiiic-j  el  or^-.iu^se  la  sociélé  île  demain,  remuantdes  milliards, 
dt-pl:.''a:.t  l;i  fortune  universelle  et  cela,  dans  sa  cb.imhre  nue, 
sans -ju:  itiiiri- passion  que  son  rêve,  tcllcmc^il  absorbé  qu'il 
nt  >■  it  i.iènie  p:is  ce  que  fait  son  frère  dans  la  pièce  voisint, 
ii.nor,in'.  tout  de  rtlFroyable  négoce  [3G]. 

11  ctaMil  le  pian  délinilif  de  l'hunianilé  future,  avec  i'uni- 
qu'?  iiiiiiiî.fNi-înt  de  s'imBiiiner  les  plaisantes  ironies  de  la  non- 
ïrllr  juîiice  lii-iribuiive,  se  plaisant  à  contempler  ta  llourse. 
ipil  iIo:iiint  de  sa  fenêtre,  se  frottant  les  n)ains  devant  l'œuvre 
des  finsnciers  accapareurs,  parce  que  lonle  cciiiralisatioii 
n;-'-nt.'  ai:  ci>llcdivism<.-,  à  la  Ir.ins formation  des  capiiuux  privée 
■>:■  U-.  cipital  iOïial  unitaire.  Il  annonce  à  Aristiite  ;«i>ri::ird  l.t 
snpi-r'vj-ion  il^  l'argent   monnayé  (31  i]  el,  plein  de  son  révi  , 


C2  LES  PERSONNAGES 

ayant  achevé  en  sa  tête  la  construction  idéale  de  la  cité  de 
juslice  et  de  bonheur,  il  meurt  à  trente-huit  ans,  terrassé  par 
Ja  phtisie.  (L* Argent  ) 

Buteau.  —  Second  fils  du  père  Fouan.  Frère  de  Jésus- 
Christ  et  de  Fanny  Delhonime.  Cousin  et  mari  de  Lise  Mouche. 
Père  de  Jules  et  de  Laure.  Chez  lui,  le  grand  nez  des  Fouan 
s'est  aplati,  tandis  que  le  has  de  la  ligure,  les  maxillaires 
s'avancent  en  mâchoire  puissante  de  carnassier.  Les  tempes 
!  fuient,  tout  le  haut  de  la  léle  se  resserre,  et,  derrière  le  rire 

!  gaillard  de  ses  yeux  gris,  il  y  a,  dès  sa  jeunesse,  de  la  ruse  et 

I  de  la  violence.  11  tient  de  son  père  le  désir  brutal,  rentétement 

I  dans  la  possession,  aggravés  parTavarice  étroite  de  la  mère  [18j. 

!  Vif  et  gai  avec   les  camarades,  il  est  féroce  au  marché,  têtu, 

!  insolent,  menteur,  voleur  à   vendre  les  choses  trois  fois  leur 

,'  prix  et  à  se  faire  donner  tout  pour  rien.  Il  doit  le  surnoni  .le 

I  iSuleau  à  sa  mauvaise  tète,  continuellement  en  révolte,  s'obsli- 

nant  dans  des  idées  à  lui  qui  ne  sont  pas  celles  de  tout  le 
monde.  Même  gamin,  il  n'a  pu  sVnlcndre  avec  ses  parents. 
Plus  tard,  après  avoir  tiré  un  bon  numéro,  il  sVst  sauvé  de 
chez  eux  pour  se  louer  d'abord  à  la  Borderie,  où  il  a  connu 
Jean.  Macquiirt,  ensuite  à  la  Chamade. 

C'est  un  vrai  terrien,  ne  connaissant  qu'Orléans  Ki  Chartres, 
n'ayant  rien  vu  au  delà  du  plat  horizon  de  la  lîeauce.  11 
tire  un  orgueil  d'avoir  ainsi  poussé  dans  sa  terre,  il  a  les 
obstinations  bornées  d'un  éire  attaché  au  sol.  (juand  le  père 
Fouan  fait  le  partage  des  biens,  Buteau  refuse  violemment  sa 
part,  se  prétendant  volé,  et  il  conserve  cette  attitude  hostibt 
pendant  plus  de  deux  ans,  vivant  dans  une  rage  faite  de  désir 
et  de  rancune,  ne  cédant  enfin  que  lorsque  la  création  d'un 
chemin  donne  à  son  lot  une  grande  plus-value.  .Vmant  de  sa 
cousine  Lise,  il  l'avait  laissée  là,  le  ventre  gros,  dans  son 
égoïsmc  de  uiâle  brutal,  et  il  ne  consent  à  Tépousr  que  beau- 
coup plus  tard,  quand  Lise,  héritière  du  père  Mouche,  est 
devenue  un  bon  parti.  C'est  alors  Tivresse  de  la  terre  conquise, 
c'est  une  grande  passion  satisfaite  [191]. 

liuteau  n'a  qu'un  amour,  la  terre.  Quand  la  terre  souffre,  il 
est  d'humeur  exécrable  et  il  redevient  gentil,  conciliant  et 
goguenard  si  la  récolte  s'annonce  bien.  Voulant  du  blé  qui 
rapporte,  mais  pas  de  mioches  qui  coûtent,  il  est  furieux  des 
grossesses  de  sa  femme,  .\vare,  il  a  des  colères  devant  les 
contributions  à  payer,  se  révoltant  contre  le  percepteur,  dans 


DL6  ilOlGO.N-MACylAliï  G3 

une  haine  séculaire  contre  ces  feignants  de  bourgeois  [331].  11 
marchande  la  rente  du  père  Fouan  et,  dans  une  crise  de  rapa- 
cité, bouscule  si  rudement  sa  mère  qu'elle  tombe  pour  ne 
plus  se  relever.  Mais  un  danger  le  menace,  la  moitié  du  bien 
d*is  Mouche  appartient  a  Françoise,  la  jeune  sœur  de  Lise  ; 
ridée  d'un  partage  est  insupportable  à  But  eau,  rien  ne  Tar- 
rètera  pour  conserver  tout  riiérilage.  Il  voudra  d'abord  cou- 
cher avec  la  jeune  ûlle,  combinaison  qui  arrangerait  tout, 
car  il  posséderait  les  deux  femmes  et  la  totalité  du  bien. 
Devant  un  projet  de  mariage  qui  ruine  ses  espérances,  il 
devient  enragé.  Puis,  .-a  belle-sœur  mariée  à  Jean  Macquari, 
le  désir  du  mâle,  né  d'une  longue  poursuite  infruclueuse, 
s'exaspère  en  lui,  il  projette  confusément  des  violences,  des 
assassinais  que  la  terreur  des  gendarmes  l'empêche  seule  de 
commettre  [385].  Enlin,  la  grossesse  de  Françoise  achève  de 
raffoler,  car  l'enfant  qui  vient  abolirait  définitivement  l'espoir 
tenace  qu'il  nourrit  de  rentrer  en  possession  du  bien.  Et 
désormais  Buteau  est  mûr  pour  le  crime.  D'accord  avec  sa 
femme,  il  viole  Françoise  que  Lise  précipite  ensuite  sur 
une  pointe  de  faux.  Et  ils  héritent  d'elle.  Et  ils  chassent 
le  mari  d»'pouiiié.  Et  comme  le  père  Fouan,  pourtant  déchu  et 
déprimé,  a  vu  le  meurtre,  ils  le  tuent,  lui  aussi.  Et,  devant  la 
terre  reconijuise  par  le  sang,  toute  la  chair  de  Buteau  se  met 
à  treiiii)ior  de  joie,  comme  au  retour  d'une  femme  désirée  et 
qu'on  a  cru  perdue  [iSO.]  {La  Terre.) 

Buteau  (Madame).  —  Voir  Mouche  (Lise). 

Buteau  (Jcles).  —  L'aîné  de  Buteau  et  de  Lise  Mouche. 
Avait  prt^s  de  trois  ans  quand  ses  parents  se  sont  mariés.  11  est, 
à  neuf  aii?,  le  seul  ami  du  vieux  Fouan,  le  dernier  lien  qui 
rattache  h?  grand-père  à  la  vie  des  autres,  lien  fragile  d'ailleurs, 
car  bientôt  Jules  se  lasse  et  il  abandonne  le  vieillard  [-130].  (La 
Terre.) 

Buteau  (Laire).  —  Deuxième  enfant  de  Buteau  et  de  Lise 
Mouche.  A  quatre  ans,  elle  a  déjà  les  yeux  durs  de  la  famille, 
elle  e«l  hostile  au  grand-pére  Fouan,  se  dégageant  de  ses  bras, 
sournois-^,  rancunière,  comme  si  elle  condamnait  déjà  cette 
bouche  iLulile.  Et  par  jalousie,  elle  détache  de  lui  son  frère, 
meilleur  .ia'dle[i30].  {La  Terre.) 


c 


Gabasse.  —  Franc-lireur  des  bois  de  Dieulet.  Grand  et 
sec,  TiJce  noire,  long  nez  en  lame  de  couloau,  vivacilé  criarde 
de  Provençal.  Il  est  né  à  Toulon  ;  c'est  lui  ancien  ^'arçon  de 
café  vcnn  df  Marseille,  écliouê  à  Sedan  comme  placier  de  pro- 
duits du  MMi,  et  qui  a  failli  tàier  de  la  police  correctionnelle, 
toute  une  histoire  de  vol  restée  obscure.  Quoiqu*il  sa(  be  à  peine 
lire,  Cabasse  est  le  compagnon  préféré  de  Ducat,  un  leltré  qui 
cite  du  latin;  lous  deux,  lont  la  paire,  une  paire  inquiétante  de 
louches  ii.irures.  Avec  le  sergent  Guillaume  Sambuc,  ils  appar- 
tiennent ;.  une  de  ces  compMgnies  franches  qui,  pendant  la 
guerre  framo-allemande,  se  peuplèrent  de  déclassés,  In'ureux 
d'échapper  à  la  discipline,  de  battre  les  buissons  connue  des 
bandits  en  goguette,  dormant  et  «.'odaillant  au  hasard  des 
n»utes  [liîO].  (^allasse  participe  à  Texéculion  du  Prussien  Goliath 
Steinberg,  mais  il  blâme  le  simulacre  de  jugement  imaginé  par 
Sambuc,  car  ça  porte  malheur  de  plaisanter  avec  les  choses  de 
la  justice  |53i3].  (La  Dchàcle.) 

Gabin  (Madame).  —  Employée  au  Bonheur  des  Dames.  Est 
chargée  du  nclloyage  des  chambres  et  de  la  surve.llance  des 
vendeuses  [lOu].  Les  scrupules  ne  la  gênent  pas.  .Avec  un 
cadeau  de*  cin(|  francs,  ces  demoiselles  obtiennent  la  permission 
de  la  nuit  [r>i].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Gabirochs  (Simonne).  —  Petite  femme  d»*s  Variétés. 
Dionde  loutt-  mignonne,  tout-;  délicate.  C'est  la  liile  d'un  mar- 
rhand  de  meubifs  du  faubourg  Sainl-Aiitoine,  élevée  dans  un 
grand  pensionnat  pour  élre  institutrice  [111].  .lone  du  piano, 
par!»*  angl.îis.  bonlcnave  couche  avec  elle  et  la  bouscule  [lOi]. 
Simonne  joue  le  rôle  d'Isabelle  dan^  la  Petite  Dnchesac  [r»OG 


Elle  est  lancée  par  Sleiner  i-51ô].  (Xatia.) 

(1 


]• 


60  |LbS  l*£KSONNAGt;S 

Gabuche.  —  Carrier  à  Bécourt.  Un  gaillard  au  cou  puis- 
sant, aux  poings  énormes,  blond,  très  blanc  de  peau,  la  barbe 
rare,  à  peine  un  duvet  doré  qui  frise,  soyeux.  La  face  massive, 
le  front  bas  disent  la  violence  de  l'être  borné,  tout  à  la  sensa- 
tion immédiate;  mais  il  v  a  comme  un  besoin  de  soumission 
tendre,  dans  sa  bouche  large  et  dans  son  nez  carré  de  bon  chien 
[126].  Condamné  à  cinq  ans  de  prison  pour  avoir  tué,  dans  un 
cabaret,  un  homme  qui  avait  tapé  le  premier,  Cabuche  n'a  fait 
que  quatre  ans,  à  cause  de  sa  bonne  conduite;  quand  il  est 
revenu,  tout  le  monde  le  fuyait,  on  lui  aurait  jeté  des  pierres. 

La  petite  Louisette,  cadette  de  madame  Misard,  avait  alors 
quatorze  ans,  elle  le  rencontrait  toujours  dans  la  forêt;  seule 
de  tout  le  pays,  elle  s'approchait,  causait  et  c'est  ainsi  qu'ils 
sont  devenus  bons  amis,  se  tenant  par  la  main  pour  se  pro- 
mener, s'aimant  très  fort,  sans  que  rien  se  passe  entre  eux. 
La  petite  a  été  placée  au  château  de  Doinville,  chez  madame 
Bonnehon,  et  un  soir,  en  rentrant  de  la  carrière,  Cabuche  qui 
habitait  une  masure  en  pleine  forêt,  a  trouvé  devant  sa  porte 
Louisette,  à  moitié  folle,  si  abîmée  qu'elle  brûlait  de  fièvre. 
L'auteur  du  viol  était  le  vieux  président  Grandmorin,  et  Cabuche, 
dans  son  effroyable  colère,  a  dit  partout  qu'il  saignerait  ce 
cochon.  Tel  est  l'indice  qui  va  suflire  au  juge  Denizet  pour 
lui  attribuer  l'assassinat  commis  par  les  Roubaud  et  comme, 
plus  tard,  le  bon  colosse,  tout  tremblant  d'adoration  pour 
Séverine  Aubry,sera  trouvé  aux  pieds  delà  jeune  femme  égorgée 
par  Jacques  Lantier,  la  justice  le  condamnera  sans  hésitation  aux 
travaux  forcés  à  perpétuité,  pour  deux  crimes  dont  il  est  inno- 
cent [405].  {La  Bête  humaine.) 

Cadine.  —  Enfant  recueillie  à  deux  ans,  par  la  mère  Chan- 
teniesse,  sur  le  trottoir  de  la  rue  Saint-Denis,  au  coin  du 
marché  des  Innocents.  Est  élevée  rue  au  Lard,  en  plein  ventre 
de  Paris  [196].  Futée  et  mince,  avec  un  drôle  de  museau,  sous 
la  broussaille  noire  de  ses  cheveux  crépus  [28],  Cadine  est 
rinséparahle  amie  de  Marjolin  et  grandit  avec  lui  dans  les 
Halie>.  qu'ils  emplissent  de  leurs  amours  de  moineaux  insou- 
ciants [2U7].  Pleine  d'ingéniosité,  à  six  ans  elle  était  marchande 
au  petit  tas,  à  huit  ans  elle  vendait  des  citrons,  Tannée  suivante 
des  bonnets  h  neuf  sous,  puis  des  gâteaux,  puis  du  mouron. 
Cadine  entre  chez  une  Ueuriste  où  elle  est  comme  un  bouquet 
tiède  «ri  vivant  [-20^]  et  enfin,  à  treize  ans,  elle  s'établit  à  son 
compte,  vendant    des    violettes   sur   un   éventaire    [fî05].    A 


DES  UOUGON-MACQUAKT  67 

seize  ans,  c*est  une  fille  échappée,  une  bohémienne  noire  du 
pavé,  très  gourmandei  très  sensuelle  [^07].  Elle  reste  pleine 
d'affection  pour  Marjolin,  même  lorsqu'une  cliute  sur  la  télé  a 
rendu  ce  garçon  tout  à  fait  inconscient.  Ils  se  sont  liés  avec 
Léon,  Tapprenli  des  Quenu,  et  c*est,  dans  sa  petite  chambre, 
des  bombances  de  charcuterie  [2âl].  Claude  Lantier,  qui  admire 
Cadine  et  Marjolin,  ces  jeunes  bétes  heureuses  abandonnées  à 
l'instinct,  les  appelle  t  ses  deux  brutes  >.  {Le  Ventre  de  Paris.) 

Gaiiin  (Abbé).  —  Prédécesseur  de  l'abbé  Mouret  à  la  cure 
des  Artaud.  Était  originaire  de  Normandie;  avait  une  grosse 
figure  qui  semblait  toujours  rire  [286].  N'a  songé  qu'à  bien 
vivre,  dans  ce  coin  desséché  de  Provence  où  l'autorité  ecclésias- 
tique l'a  envoyé  en  disgrâce,  à  la  suite  d'une  vilaine  his- 
toire [301].  (La  Faute  de  l'abbé  Mouret.) 

Gaxnpardon  (Achille).  —  Architecte.  Il  a  vécu  d'abord  à 
Plassans,  puis  à  Paris  et  habite  rue  de  Choiseul,  dans  l'im- 
meuble Vabre,  au  troisième  sur  la  rue,  une  maison  pleine  de 
toutes  les  pourritures  bourgeoises.  Gros  monsieur  blond, 
quarante-deux  ans.  11  s*est  fait  une  tête  d'artiste,  les  cheveux 
en  coup  de  vent,  la  barbe  taillée  à  la  Henri  IV,  mais  il  a  le 
crâne  plat  et  la  mâchoire  carrée  d'un  bourgeois  d'esprit  borné, 
aux  appétits  voraces.  Tout  en  affectant  de  se  moquer  de  la 
morale,  il  s'est  sournoisement  poussé  par  les  prêtres,  il  a  su 
se  faire  nommer  architecte  diocésain  à  Evreux  pour  acquérir 
le  titre  d'architecte  du  gouvernement  et,  finalement,  a  obtenu 
une  grosse  commande  à  Saint-Roch.  11  est  décoré  un  peu  plus 
tard,  grâce  à  la  protection  de  Tabbé  Mauduit. 

Heureux  et  satisfait  dans  tous  ses  appétits,  Campardon  a 
fort  bien  arrangé  sa  vie  entre  sa  femme  malade  et  sa  maîtresse 
Gasparine,  les  installant  au  même  foyer.  Mais  il  blâme  hypo- 
critement l'inconduite  des  autres,  défendant  toujours  la  respec- 
tabilité de  la  maison,  avec  une  conviction  de  locataire  vani- 
teux, qui  semble  tirer  de  là  toute  une  honnêteté  personnelle 
[77].  Autrefois  libéral,  il  est  devenu  clérical  et  autoritaire; 
la  réussite  fait  de  lui  un  réactionnaire  féroce  [281].  {Pot- 
Bouille.) 

Campardon  (Madame  .Achille).  —  Voir  Domergue 
(Rose). 

Campardon  (Angèle).  — Fille  des  Campardon.  A  quatorze 
ans,  elle  est  longue  et  laide,  avec  des  cheveux  d'un  blond  fade. 
Pour  qu'elle  n'apprenne  pas  de  vilaines  choses  dans  les  peu- 


(iS  LES  PEPiSONNAGES 

sionnats.  on  l'élève  à  la  m«'\ison.  on  érarle  flVlly  jusqu'aux 
soijflles  (le  \i{  rue  et,  comnne  ses  paronls  tieiineiii  à  en  faire 
une  ft*mme  (rintêrieur,  elle  vit  beaucoup  avec  les  bounes. 
C'est  un  produit  de  réducation  dans  la  famille.  Ouand  elle  se 
sent  regardée,  elle  marche  les  yeux  à  terre  ;  tlie  a  un  air 
éni^ninti<)ue  de  fille  bien  élevée,  instruite  à  ne  rien  dire  et 
dont  on  ignore  les  pensées  vraies  [:220].  Pourtant,  griicc  à 
l'intimité  de  la  femme  de  chambre  Lisa.  Angèln  sait  beaucoup 
de  choses,  elle  snlistfait  aisément  ses  curiosités  de  tille  ma- 
ladive, troublée  j«ar  la  crise  de  la  puberté.  {Po(-Iio»tille.) 

CaxnpenoQ.  —  Un  imbécile  à  qui  M.  de  Marsy  accorde  un 
poste  de  préfet  qn^Eugène  Rougon  avait  promis  ù  Du  Poizat 
[121].  (Son  EjL'cchencc  Eugène  Hougon,) 

Caxnpion.  —  Chef  du  départ  au  fionheur  des  Diimes.  Un 
ancien  s»Tg«*nt  à  ligure  maigre  [i9].  (An  Bonheur  des  Dames,] 

Camy-Lamotte.  —  Secrétaire  général  du  ministère  de 
la  justice.  i>er.«ouiiage  considérable,  ayant  la  haute  main  sur  le 
personnel,  «hargé  des  nominations.  C'e^t  un  bel  homme,  parti 
de  l'emploi  de  substitut,  et  que  ses  relations  et  sa  femme  ont 
fait  nonnnep  député  et  grand  Qflîcier  de  la  Légion  d'honneur 
[101].  Il  a  une  figure  mince  et  sévère,  <|ue  ses  favoris  grison- 
nants élargissent  un  peu,  une  élégance  d'ancien  beau,  resté 
svcllc.  d'unv  di>tinction  que  Ton  sent  souriante,  sous  la  raideur 
vûuli.e  de  11  tenue  oflicielle.  Il  habite  rue  <lu  lloch-fr,  au  coin 
de  la  rnc  cîe  .Xaples.  Familier  des  Tuileries,  où  sa  fonction  le 
fjiit  mander  presque  journellement,  tout  aussi  puissant  que  le 
ministre,  employé  à  des  besognes  intimes,  il  a  une  insouciance 
e.\périnieul»}e  de  toutes  choses  et  veille  uniquemeut  au  décor 
du  régime  «ju'il  sert  [Ht], 

En  examinantles  papiers  du  président  Grandmorin,  M.  Camy- 
Lamolle  a  découvert  l'identité  des  assassins,  mai>  on  s'irrite, 
on  s'iiiqnièie  en  haut  lieu  du  scandale  mené  par  Topposilion 
autour d-  s  basses  débauches  de  la  victime;  le  Fecrclaire  général 
compreiid  «jue  son  devoir  de  haut  fonctionnaire  ùévoué  aux 
institutions  est  d'aplanir  les  difficulté?  politiques  ;  «I  autre  part, 
il  a  été  ga;:Mé  par  la  bravoure  et  le  charme  de  Séverine 
rioubaïui;  la  crin)rnellc  délicate,  aux  yeux  de  pervenche,  a  plu 
à  ce  'iésabiisé  |.o;ir  qui  rien  ne  vaut  la  fatigue  d  èlrc  juste. 
Aussi  arran.'c-i-il  raft'airC;  achetant  d'un  rul»au  roi  ge  et  d*uno 
promesse  d'.ivanrfi-eni  l'intelligent  concours  du  jugr*  d'instruc- 
tion Itenizet  [ijOT].  {La  Bcte  Immaine.) 


DES  IÎOlG0.N-.MA<:yUAKT  iVJ 

Ganivet.  —  Vieux  paysan  lienucerou,  donl  Zê()liynn  Lncolir 
annonce  la  niort  à  la  cuisinière  Uosalie  Pichou  [84].  (Vue  Paijv 
ttAinour.) 

Camavant  (Marquis  de).  —  Étail  vers  1700  un  jeune 
noble  du  quartier  Saint-Marc,  à  Plassans;  il  se  trouvait  lié  avec 
leniênagePuecheta  été  sans  doute  le  véritable  père  de  Félicité. 
En  1818,  c*esl  un  petit  lionime  de  soixante-quinze  ans,  maigre, 
actif [90]  Ruiné  parles  femmes,  il  vit  en  parasite  cbfz  un  pa- 
rent, le  comte  de  Valqueyras;  il  est  Tagent  actif  du  parti  légiti- 
miste, mais  sceptique  et  sentant  le  vent,  il  favorise,  tout  en  s'en 
mo(|uant,  les  manœuvres  bonapartistes  des  Piongon  et,  après  le 
cou{)  d*État,  va  se  faire  oublier  quelque  temps  dans  le  domaine 
de  Corbière  [370].  (La  Fortune  fies  Rouyon.) 

Caroline.  —  Ouvrière  fleuriste  chez  les  Tit reville,  rue  du 
Caire.  S'est  mise  avec  un  garçon  qui  venait  l'attendre  le  soir; 
elle  est  très  malheureuse  en  ménage  [400].  (IJ Assommoir.) 

Caroline  (Madame).  —  Sœur  de  Pingéniear  Georges  llame- 
liu.  Orpheline  à  dix-huit  ans,  elle  a  donne  des  leçons,  soutenant 
son  frère  entré  à  Polytechnique,  Padorant,  faisant  le  rêve  de  ne 
le  quitter  jamais.  I.a  bonne  grâce  et  rintelligence  de  la  jeune 
lille  ont  conquis  Hurieu.  un  brasseur  millionnaire  ;  il  l'a  épousée, 
iàiais  au  bout  de  quel(|U''S  années  de  mariage,  elle  a  dii  exiger 
une  séparation  pour  ne  pns  être  tuée  par  ce  mari  qui  buvait  et 
la  poui*suivail,  avec  un  couteau  à  la  main,  daus  des  crises  d'im- 
bécile jalousie.  Elle  avait  alors  vingt-six  ans  et  s'est  retrouvée 
pauvre,  n'ayant  voulu  recevoir  aucune  pension  de  l'homme 
qu'elle  quittait.  Uendue  ainsi  à  son  frère,  elle  est  partie  avec 
lui  pour  l'Egypte,  et  a  donné  des  leçons  à  Alexandrie  pendant 
qu'il  parcourait  la  contrée;  ils  .sont  allés  de  là  en  Syrie,  ont  vi- 
sité les  Lieux  Saints  et  sont  enfin  revenus  en  France,  lui  avec 
un  portefeuille  débordant  d'idées  et  de  plans,  elle  avec  des 
aquarelles  sans  prétention  où  elle  avait  fixé  des  vues  de  là-bas, 
tous  deux  frémissants  d'enthousiasme  pour  les  pays  traversés. 
Et  ils  se  déballent  à  l*,iris,  victimes  d'une  malchance  noire, 
échoués  d;ins  un  [»eiil  appartement  de  riiôtel  d'OrvieJo,  où  ils 
vont  se  lier  avec  Arislide  Saccard. 

Madame  Caroline  est  une  femme  d'une  taille  admirable. 
Grande,  solide,  la  d-imarche  franche  et  très  noble,  elle  a  des 
cheveux  blancs  superbes,  une  royale  couronne  de  cbeveux 
blancs,  d'un  sinp^ulier  effet  sur  ce  front  de  femme  jeune  encore, 
Agée  de  trente-six  ans.  hùs  vingt-cinq  ans,  elle  esl  ainsi  deve- 


7ij  LES  PERSONNAGES 

nue  loute  blanche.  Ses  sourcils,  restés  noirs  et  très  fournis^ 
donnent  une  jeunesse)  une  étrangeté  vive  à  son  visage  encadré 
d*hermine;  elle  n'a  jamais  été  jolie,  avec  son  menton  et  sonnez 
trop  forts,  sa  bouche  large  dont  les  grosses  lèvres  expriment 
une  bonté  exquise.  Mais  certainement,  cette  toison  blanche, 
cette  blanche  envolée  de  fins  cheveux  de  soie,  adoucit  sa  phy- 
sionomie un  peu  dure,  lui  prête  un  charme  souriant  de  grand'- 
mère,  dans  une  fraîcheur  et  une  force  de  belle  amoureuse. 
Madame  Caroline  a  échappé  à  sa  première  éducation  catholique 
par  une  lecture  immense,  par  toute  la  vaste  instruction  qu'elle 
s'est  donnée  à  côté  de  son  frère,  resté  profondénient  relig'reux. 
Elle  parle  quatre  langues,  a  lu  les  économistes,  les  philosophes, 
ei  a  rapporté  de  ses  voyages,  de  son  long  séjour  parmi  des  civi- 
lisations lointaines,  une  grande  tolérance,  un  bel  équilibre  de 
sagesse.  Elle  est  une  intelligence,  dans  sa  simplicité  et  sa  bon- 
homie [57].  C'est  la  femme  vaillante  qui  préfère  l'action  aux 
apitoiements  bavards  ;  dans  ses  plus  grandes  infortunes,  elle 
reste  vibrante  d'allégresse,  gonflée  d'un  espoir  immense, 
rêvant  des  choses  heureuses  ;  l'existence  la  reprend  toujours, 
il  semble  que  son  cas  soit  justement  celui  de  l'humanité,  qui 
vit,  certes,  dans  une  misère  affreuse,  mais  que  ragaillardit  la 
jeunesse  de  chaque  génération.  Elle  est  faite  pour  les  catas- 
trophes, lui  dit  son  frère  ;  elle  est  l'amour  de  la  vie  [73].  Quand 
elle  aura  touché  le  fond  du  désespoir,  l'espoir  renaîtra  de  nou- 
veau, brisé,  ensanglanté,  mais  vivace  quand  même,  plus  large 
de  minute  en  minute  [àio]. 

Telle  est  la  femme  qui  va  entrer  dans  la  vie  de  Saccard. 
D'abord  sou  intendante,  aimant  ce  prodigue  comme  on  aime 
les  enfants  mauvais  sujets  [63],  elle  devient  sa  maîtresse  par 
une  sorte  de  paralysie  de  sa  volonté,  un  jour  de  gros  chagrin 
où  elle  a  appris  la  défection  de  son  ami  Bcaudoin  [64];  c'esleulre 
elle  et  Saccard  un  ménage  de  raison,  où  elle  est  presque  ma- 
ternelle, d'une  affection  calmante  [175],  puis,  quand  la  douleur 
d'une  trahison  lui  révèle  qu'elle  l'aime  vraiment,  elle  veut  rester 
supérieure  à  Tangoisse  du  partage,  dégagée  de  l'égoîsme 
charnel  de  l'amour.  Et  si  elle  aime  Saccard,  ce  bandit  du  trot- 
loir  financier,  c'est  parce  qu'elle  le  voit,  actif  et  brave,  créer 
un  monde,  faire  de  la  vie  [2i9].  Son  amour  traverse  de  longues 
crises.  Elle  ne  veut  plus  juger  Saccard,  trouvant  qu'il  y  a  en 
lui  du  pire  et  du  meilleur  [174];  des  doutes  rassaillenl,  elle 
maudit  l'argent  pourrisseur,  empoisonneur,  qui  dessèche  les 
âmes,  en  chasse  la  bonté,  la  tendresse,  l'amour  des  autres  [239], 


DtS  KOU:iON-MACQL'ART  71 

puis,  elle  comprend  que  cet  argent  abominable  est  le  fumier 
par  lequel  poussent  les  grandes  entreprises  vivantes  et  fécondes. 
Saccard  l'épouvante  dans  ses  deux  fils,  Victor  tombé  à  la 
plus  affreuse  déchéance  [161]  et  le  joli  Maxime,  d*un  si  froid 
égoîsme,  qui  Tinitie  aux  hontes  du  passé  [i38].  Elle  est  sans 
cesse  lorlurée  dans  ses  instincts  d'équité  et  de  droiture.  Plus 
tard,  devant  les  désastres  accumulés  par  la  Banque  Universelle, 
sa  propre  ruine,  le  déshonneur  de  son  frère,  tant  de  fortunes 
effondrées,  tant  de  victimes  connues  et  inconnues  tombées  au 
ruisseau  ou  réfugiées  dans  la  mort,  elle  a  un  cri  d'exécr.i- 
tion  contre  Saccard.  Mais  réternelle  question  se  pose  en  elle  : 
Est-ce  un  coquin?  Est-ce  un  héros?  [4^8].  Sa  croyance  à  Tuli- 
lité  de  relfort  vaincra  jusqu'au  bout  et  elle  oubliera  les  saletés 
et  les  crimes  dont  l'argent  est  la  cause  ;  elle  en  acceptera  les 
hontes  inévitables,  comme  on  accepte  les  souillures  de  Tamour, 
nécessaires  pour  créer  la  vie.  (U Argent,) 

Garouble.  —  Boulangera  Montsou.  Son  commerce  périclite 
par  la  concurrence  de  Maigrat  [28i].  {GerminaL) 

Casimir.  —  Débit  de  boissons,  sur  la  route  de  Montsou  [  1 G9]. 
{GenninaL) 

Gassoute.  —  Terrassier  habitant  Plassans,  grand  gaillard 
de  peu  de  cervelle.  Il  fait  partie  du  groupe  d'insurgés  qui  ac- 
compagne Antoine  Macquart  chez  les  flougon;  on  le  laisse  en 
faction  pour  signaler  la  rentré"  de  Pierre  [183]  et,  renvoyé  par 
celui-ci  à  la  mairie,  il  s'y  laisse  arrêter  comme  un  mouton. 
[281].  (La  Fortune  des  Bougon,) 

Catherine.  —  Bonne  de  Granoux.  Elle  parlemente  long- 
temps avant  d'introduire  Pierre  Bougon  et  Boudier,  qui  vien- 
nent chercher  son -maître  pour  sauver  Plassans  [271].  (La  For- 
tune des  Rougon.) 

Gauche.  —  Commissaire  de  surveillance  administrative  à 
la  gai>;  du  Havre,  i^n  ancien  officier  qui  considère  son  emploi 
comme  une  retraite,  ne  parait  jamais  à  la  gare  avant  dix  heures, 
y  flâne  un  moment  et  retourne  au  café  [88].  C'est  un  vieux 
joueur,  que  son  beau  sang-froid  rend  redoutable.  Il  dit  ne 
jouer  que  pour  son  plaisir,  il  est  tenu  par  ses  fonctions  dt» 
ma^'istrat  à  garder  les  apparences  de  l'ancien  militaire,  resté 
garçon  et  vivant  au  café,  en  habitué  tranquille;  mais  souvent 
il  bat  les  cartes  la  soirée  entière  et  ramasse  tout  l'argent  des 
autres  [:i73].  La  petite  salle  du  café  du  Commerce  où  il  se  lient 


I 

t 

Ti  US  l»EHSON.NAGtS    .  î 


I 


au  premier  éta;;[e,  esl  ainsi  devenue  une  sorte  de  tripot  où  l'on 
rencontre  constamment  le  sous-chef  de  ^are  lioubaml,  queTami 
!  Oauchc  sera  bientôt  charf^é  d*emmcncr  en  prison  sous  l'incul- 

I  palion  d*assassinat  [3f^â].  (La  Bch  humaine,) 

\  Cazenove  (Docteur).  — Ancien  cliirurgien  de  marine.  Sec 

!  «.'t  vigoureux,  œil  clair.  Esprit  scienliri<]ue.  A  servi  trente  ans 

'.  |7]  et  s*est  retiré  à  Arromanches,  où  un  oncle  lui  a  laissé  une 

maison.  Ami  des  Chanteau,  depuis  qu'il  a  guéri  la  femme  d*une 

foulure  ini)uiétante  [il].  Dine  chez  eux  tous  les  samedis  avec 

I  l'aldié  Ilorleur.  Dès  le  début',  a  pénétré  le  caractère  de  Pauline, 

i  dont  il  dit  :  f  Voilà  une  gamine  qui  efrt  née  pour  les  autres  t 

i  I  lO).  Plus  tard,  il  cherche  à  l'éclairer,  à  la   défendre  contre 

l'exploilalion  dont  «'lie  e>t  la  victime  volontaire  [11^].  Lorsque 

Pauline  est  émancipée,  il  est  nomtné  curateur  et  continue  ses 

conseils  impuissants.    Ficslé  l'ami  des  Chanteau,  il  les  soigne 

;  lou>,  mémo  le  vieux  chien  Mathieu,  abandonné  par  le  vétéri- 

!  naire.  C'est  lui  qui  opère  le  laborieux  accouchement  de  Louise 

<lhanteau  [o83J.  {La  Joie  de  vivre) 

i  Cécile  (MADEMOISELLE!.   —  Fille  d'un  boucher  du  quartier 

'  des  Halles.  .Mademoiselle  Saget  dit  que  Cécile  est  une  enfant 

impossible  ù  marier,  parce  qu'elle  a  des  humeurs  froides  [311]. 

if  A'  Vcntiv  de  Paris,) 

,  Céleste.  —  Femme  de  chambre  de  Henée  Saccard.    Fill** 

très  éconoiuo,  ttés  honnête  et  à  laquelle  on  ne  connaît  pas 

;  d'amant    ['l'20].    Elle   assiste     tranquillement   à  l'inceste   d<'. 

i  .Maxime  et  de  Denéc,  allant  et  venant,  avec  sa  ligure  calme  d»* 

servante  et  son  cœur  glacé  [I90j.  Dès  son  entrée  en  service, 
elle  s'était  promis  de  retourner  au  pays  quand  elle  aurait 
cinq  mille  francs;  le  jour  où  ce  rêve  esl  réalisé,  elle  s'en  re- 
tourne, dans  un  parfait  détachement  de  tout,  laissant  ma'iame 
désemparé'.',  ne  pensant  qu'aux  deux  vaches  qu'elle  achètera 
[3:;9j.  (La  Curée.) 

Célestine.  —  I.  ne  amie  de  la  grauile  Clémence.  Vue  né- 
vrosée. Elle  avait  la  folie  des  poils  de  chat,  voyant  des  poils  de 
chat  partout,  lounianl  la  langue  parce  qu'elle  croyait  avoir  du 
poil  de  chai  plein  la  bouche  [ii39J.  {L\'{ssommoir,\ 

César.  —  Taureau  dv  la  ferme  de  la  Dorderio.  Ilollaniais 
noir  taché  de  blanc  [OJ.  Fran(;oi$e  Mouche  lui  amène  une  va  lie, 
la  Coliche,  et  elle  aide  à  la  saillie  [lOJ.  {La  Terre,) 

Chadeuil  (.Madame).  —  .Modiste  rue  Sainie-Anne.  Le  B..n- 


DES  nOUGON-MACQUAllT  73 

heur  d*»s  Dames  balayera  avant  deux  ans  ses  chapeaux,  pour- 
lanl  connus  [liT].  (.4*/  bonheur  des  Dames.) 

Chaîne.  —  Le  compagnon  du  sculpteur  Mahoudeau.  C*est 
un  gros  garçon  égaré  dans  la  peinture.  On  reconnaît  un  pay- 
san «1  ses  allures  lentes,  à  son  cou  de  taureau,  hàlé,  durci,  en 
cuir;  seul,  le  front.se  voit,  bombé  d'entêtement,  car  son  nez 
est  si  court  qu'il  disparaît  entre  les  joues  rouges,  et  une  barbe 
dure  cache  ses  fortes  mâchoires.  Chaîne  est  de  Saint-Firmin^à 
deux  lieues  de  Plassans,  un  village  où  il  a  gardé  les  troupeaux 
jusqu'à  son  tirage  au  sort.  Son  malheur  est  né  de  l'enthou- 
siasme d'un  bourgeois  du  voisinage,  pour  les  pommes  de  canne 
qu'il  sculptait  avec  son  couteau,  dans  les  racines;  dès  lors, 
devenu  le  paire  de  génie,  le  grand  homme  en  herbe  du  bour- 
geois amateur,  adulé,  détraqué  d'espérances,  il  a  tout  manqué 
successivcmenl,  les  études,  les  concours,  la  pension  de  la 
ville  ;  par  une  imbécillité  dernière,  les  conseils  de  son  protec- 
teur l'ont  jeté  dans  la  peinture,  malgré  Je  goût  véritable  qu'il 
montrait  à  tailler  le  bois. 

Très  sur  de  sa  valeur,  confiant  dans  le  succès  promis,  il  est 
parti  pour  Paris  avec  sa  part  anticipée  d'héritage,  mille  francs, 
qui  doivent  suffire  à  le  faire  vivre  un  an,  délai  suffisant,  croit- 
il,  pour  devenir  un  grand  homme.  Les  mille  francs  ont  duré 
dix-huit  mois,  puis,  à  ses  derniers  vingt  francs,  il  s'est  mis  en 
ménage  avec  son  compatriote  Mahoudeau,  dormant  tous  les 
deux  dans  le  même  lit,  au  fond  d'une  arrière-boutique  sombre 
de  la  rue  du  Cherche-Midi,  coupant  l'un  après  l'autre  au  même 
pain,  du  pain  dont  ils  achètent  une  provision  quinze  jours  d'a- 
vance, pour  qu'il  soit  plus  dur  et  qu'on  n'en  puisse  manger 
beaucoup.  Chaîne  peint  en  maçon,  gâchant  les  couleurs,  réus- 
sissant à  rendre  boueuses  les  plus  claires  et  les  plus  vibrantes; 
mais  son   triomphe  est  l'exactitude  dans  la  gaucherie,  il  a  les 
minuties  naïves  d'un  primitif,  le  souci  du  petit  détail,  où  se 
complaît  Fcnfancc  de  son  être,  à  peine  dégagé  de  la  terre.  Sa 
première  œuvre  est  le  poêle  de  Mahoudeau,  un  poêle  sec  et 
précis,  d'un  ton  lugubre  de  vase,  avec  une  perspective  de  guin- 
gois [81].  Il  expose  ensuite  au  Salon  des  Refusés  un  Christ  par- 
donnant à  la  femme  adultère,  de  sèches  ligures  qui  paraissent  en 
bois,  d'une  charpente  osseuse  violaçant  la  peau,  et  peintes  avec 
de  la  boue  fl.')S].  Il  fait  plus  tard  au  Louvre  la  copie  d'un  Man- 
tegna,  rendu  avec  une  sécheresse  d'exactitude  extraordinaire 
[2'24].  Devant  les  compliments  obligeants  de  Claude  Lantier  et 


74  LES  PEnSONNACES 

de  Sandoz,  il  a  dans  sa  barbe  un  rire  silencieux  de  gloire,  qui 
lui  éclaire  la  face  comme  d*un  coup  de  soleil  ;  il  a  des  :  c  Bien 
sûr!  >  qui  disent  sa  foi  tranquille  et  sa  vanité. 

La  commune  possession  de  Matbilde  Jabouillc  amène  un 
refroidissement  entre  Chaîne  et  Mahoudeau;  les  deux  hommes 
couchent  toujours  ensemble,  niais  ils  ont  cessé  de  se  parler, 
u'êrhnngeant  que  les  mots  indispensables,  qu*ils  écrivent  au 
fusain  sur  le  mur  de  l'atelier:  cJe  vais  acheter  du  tabac, 
remets  du  charbon  dans  le  poêle  >,  ou  :  c  Donne-moi  le  tabac 
que  tu  as  fourré  dans  ta  poche  >.  Comme  la  fortune  se  fait 
attendre,  Chaîne  se  lance  dans  un  petit  négoce  qui  doit  lui  per- 
m>;ltre  d'achever  ses  études  ;  il  se  fait  envoyer  de  Thuile  d'olive 
de  son  village,  puis  il  bat  le  pavé,  il  place  le  produit  dans  les 
riches  familles  provençales  qui  ont  des  positions  à  Paris  ;  mais, 
trop  rustre,  il  iinit  par  se  faire  mettre  à  la  porte  de  partout, 
et  une  jatte  d'huile  lui  reste,  une  jatte  dont  personne  ne  veut, 
qu'on  laisse  dans  le  coin  de  la  boutique,  et  où  les  deux  hommes 
tresnpent  leur  pain,  les  jours  où  ils  en  ont  [tii]. 

Plus  tard,  le  désespoir  de  ne  pas  vivre  de  ses  pinceaux  jette 
Chaîne  dans  une  afenture  commerciale;  il  fait  les  foires  de  la 
banlieue  de  Paris,  tenant  un  jeu  de  tournevire  pour  le  compte 
d'une  veuve  [i92J.  On  le  retrouve  longtemps  après  à  la  porte 
de  Ciignancourt,  où  se  tient  une  fêle  perpétuelle;  il  trône  au 
milieu  d'une  va>te  et  riche  baraque,  très  ornée,  où  sont  pendus, 
comme  en  un  tabernacle,  ses  trois  chefs-d'œuvre  d'autrefois, 
le  poêle  minutieux,  le  Christ  de  pain  d'épice,  le  Mantegna  qui 
a  l'air  d'une  image  d'Épiual  décolorée,  et  le  soir,  aux  lumières, 
quand  les  tournevires  ronflent  et  rayonnent  c jmme  des  astres, 
rien  n'est  plus  beau  que  ces  peintures,  dans  la  pourpre  sai- 
gnante des  étoffes.  Chaîne  est  là,  très  calme,  sans  orgueil  ni 
honte  de  sa  boutique,  n*ayant  pas  vieilli,  mais  malheureux  au 
fond,  car  il  n'a  jamais  mis  son  talent  en  doute,  sa  conviction  est 
que,  s'il  avait  eu  de  l'argent,  il  serait  arrivé  comme  les  autres. 
Il  a  hklié  la  partie,  parce  qu'elle  ne  nourrit  pas  son  homme, 
mais  il  reste  absolument  persuadé  que,  pour  faire  les  chefs- 
d'œuvre  du  Louvre,  ou  n'a  besoin  que  de  temps  [419], 
{LUEuvre,) 

Chambouvard.  —  Sculpteur  célèbre.  Un  gros  homme 
obèse,  campé  fortement  sur  ses  grosses  jambes.  La  tète  dans 
les  épaules,  il  a  une  face  épaisse  et  belle  d'idole  hindoue.  On 
le  dit  iiis  d'un  vétérinaire  des  environs  d'Amieui  ;  à  quarante- 


DES  lîOUCON-.MACQUAUT  75 

cinq  ans.  il  csl  déjà  raulour  tic  vingt  chefs-d'œuvre,  de  statues 
simples  et  vivantes,  à  la  cliair  bien  moderne,  pétrie  par  un 
ouvrier  de  génie,  sans  raffinement;  et  cela  au  hasard  de  la 
production,  donnant  ses  œuvres  comme  un  champ  donne  son 
herbe,  hon  un  jour,  mauvais  le  lendemain,  dans  rignorancc 
absolue  de  ce  qu'il  crée;  il  pousse  le  manque  de  sens  critique 
jnsqu*à  ne  pas  faire  de  distinction  entre  les  fiN  les  plus  glo- 
rieux de  ses  mains  et  les  déte>tahles  magots  qu'il  lui  aiTive  de 
lâcher  parfois.  Sans  fièvre  nerveuse,  sans  un  doute,  toujours 
solide  et  convaincu,  il  a  un  orgueil  de  dieu. 

Au  Salon,  ou  il  expose  un  admirable  Semeur,  il  traîne  une 
queue  de  jeunes  disriples  béants,  s'ébahit  devant  son  œuvre, 
semble  la  voir  pour  la  première  fois  et  répète  à  dix  reprises, 
en  dodelinant  de  l.i  tète:  c  f/est  comique...  c'est  comi(|ue...  >, 
ne  trouvant  rien  d'autre,  pour  dire  l'adoration  où  il  est  de  lui- 
même  [170].  l'ne  autre  année,  il  expose  une  iMoissonneuse 
exécrable,  une  figure  stupidement  ratée,  et  il  n'en  est  pas 
moins  rayonnant,  certain  d'un  chef-d'œuvre  de  plus,  prome- 
nant son  infaillibilité  sereine,  au  milieu  de  la  foule,  qu'il  n'en- 
tend pas  rire  [389].  (LŒuvre.) 

Champion.  —  Patron  chapelier  à  Monlroup:e.  .Auguste 
Lanlior  prclend  l'avoir  lâché  parce  qu'ils  n'ont  pas  les  mêmes 
idées  politiques  [30:î].  (UAssommoir.) 

Chanteau  père.  —  Venu  du  Midi.  A  battu  la  France 
comnio  simple  ouvrier  charpenlier.  Son  chef-d'œuvre,  un  pont 
en  charpente,  orne  la  salle  à  manger  des  Chanteau,  à  lionne- 
ville  [13].  A  créé  juilis,  à  Caen,  un  commerce  de  bois  du  Nord, 
qu'il  uienait  avec  les  coups  d'audace  d'une  télé  aventureuse,  et 
il  est  mort  laissant  la  maison  fort  compromise  ["11],  (La  Joie 
de  vivre.) 

Chanteau.  — Né  à  Caen.  Cousin  de  Quenu.  Marié  à  Eugénie 
de  La  Vignicre,  institutrice  rencontrée  dans  une  famille  amie. 
Il  a  un  fils  unique,  Lazare.  Chanteau  a  hérité  du  commerce  de 
son  père,'  mais,  étant  peu  actif,  d'une  prudence  routinière,  il 
vivoie  honnèlemeiil  sur  des  bénéfices  certain?  et  oppose  l'ineilie 
de  sa  nature  aux  volontés  dominalricrs  de  sa  femme  [:21].  Il  a 
soullert  de  la  goutte  dès  l'àge  de  quarante  ans.  A  cincjuante 
ans.  il  cède  pour  cent  mille  francs  sa  maison  au  sieur  Davoine, 
reçoit  la  moitié  d^*  cette  somme,  reste  commanditaire  pour 
l'autre  moitié  et  se  retire  à  lîonneville  ;  il  v  avait  acheté  une 
maison  deux  ans  auparavant,  occasion  péchée  dans  la  débâcle 


7'»  LES  PEIISONNAGES 

d'un  débiteur  insolvable  [22].  Cbanteau  devient  maire  du 
pays  [2V4].  Il  est  court  et  ventru,  teint  coloré,  gros  yeux  bleus  à 
lleur  de  télé,  cheveux  blancs  coupés  ras.  A  la  mort  du  cousin 
Quenu,  il  est  désigné  comme  tuteur  de  la  petite  Pauline,  qui 
possède  cent  cinquante  mille  francs,  et  dont  la  fortune  va  peu 
à  peu  s*émie(ter  et  s'engloutir,  gn^ce  aux  manœuvres  de  ma* 
dame  Cbanteau  et  aux  folles  entreprises  de  Lazare.  Les  ressour- 
ces du  ménage,  déjà  limitées,  ont  été  fort  diminuées  par  la 
déconfiture  de  Davoine  [98].  Le  goutteux  Cbanteau,  cloué  dans 
son  fauteuil,  assiste  indifférent  à  la  ruine  de  sa  pupille.  Gour- 
man:),  ne  sacbant  résister  à  une  tentation  de  table,  il  paye  ses 
excès  par  de  terribles  crises  qui  révolutionnent  la  maison  et  ne 
trouvent  de  soulagement  que  dans  les  tendres  soins  de  Pau- 
line. L'égoîsme,  la  jouissance  de  vivre  pour  soi  se  développent 
chez  Cbanteau  en  môme  temps  que  son  mal.  Si  les  choses  vont 
pour  son  plaisir,  il  les  trouve  bonnes  [300].  Nul  événement  n*a 
île  prise  sur  lui.  Lorsque  sa  femme  meurt  et  qu'on  le  prépare 
doucement  à  la  terrible  nouvelle,  il  se  borne  à  se  plaindre  de 
ses  jambes  [240].  Dans  le  drame  qui  l'entoure,  il  chante  la 
gaudriole  [263].  Tombé  enfin  à  l'ankylose  complète,  lamentable 
reste  d'homme  sans  pieds  ni  mains,  qu'il  faut  coucher  et  faire 
manger  comme  un  enfant,  il  se  révolte  à  la  pensée  d'un  dtner 
compronns,  d'une  joie  perdue  [447].  Le  suicide  de  la  vieille 
servant»;  Véronique  lui  inspire  seulement  ce  cri  exaspéré  : 
c  Faut-il  être  jjêle  pour  se  tuer  !  >  {La  Joie  de  vivre,) 

Jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  il  est  soigné  par  Pauline  [129].  {Le 
Docteur  Pascal,) 

Ghanteau  (.Madame).  —  Voir  La  Vignière  (Kugé.me  de). 

Chanteau  (Lazare).  —  Né  à  Caen.  Fils  des  Cbanteau. 
Filleul  du  banquier  Thibaudier,  dont  il  épouse  la  fille.  Père 
du  petit  Paul.  Avait  quatorze  ans  lorsque  ses  parents  ont  quitté 
Caen  pour  se  retirer  à  Boiineville.  Est  resté  au  lycée,  qu'il 
quitte  à  dix-huit  ans,  avec  son  baccalauréat.  Grand  garçon,  à 
front  large,  aux  yeux  très  clairs,  avec  un  fin  duvet  de  barbe 
châtaine,  qui  encadre  sa  face  longue.  Lors  de  Farrivée  de  sa 
cousine  Pauline  Quenu  à  Bonnevilie,  il  bat  les  falaises  depuis 
huit  mois,  ne  se  décidant  pas  à  choisir  une  occupation  [7]. 

C'est  un  névrosé  plein  de  l'ennui  sceptique  de  toute  sa  géné- 
ration [345].  incapable  de  s'intéresser  à  la  vie,  se  laissant,  au 
gré  des  suggestions  extérieures,  emballer  tour  à  tour  sur  la 
musique,  la  médecine,  la  chimie,  Findustrie  et  la  littérature. 


DES  ItOCllDN-MACUUAIlT 

Plein  li'cnlhousiasmei  soudains,  il  se  dégoûle  devaDt  les  réa 
salions  ;  il  voit  trop  grnnd  mais  il  a,  en  même  leinps,  le  mépi 
de  l'argent  [23];  liiinlè  d'une  peur  maladive  du  la  mort,  il  i 
pourtant  hrave  devant  les  agonies  et  se  jette  résolament  da 
un  incendie  pour  sauver  t'enfani  d'une  paysanne  [360]  ;  il 
soigné  avecle  plus  complet  dévouement  Pauline  en  danger 
mort  [154]  el  il  est  incapable  de  rendre  le  moindre  service  i\ 
mire  moribonde,  i[u'il  aimo.  tendrement  [9U].  Latare  est 
malade  en  qui  se  heurtent  toutes  les  uonlradiciions.  Esprit  (o 
dégagé  de  toute  croyance,  il  subit  des  suj>crslitioiis  rii 
cules  [2G0];  doué  d'une  vive  intelligence,  il  est  inapte  à  toi 
décision,  sa  volonté  est  toujours  vacillante.  Après  avoir  accei: 
le  mariage  avec  sa  cousine,  qu'il  aime  et  qu'il  a  failli  nictlrf 
mal  [112],  il  se  laisse  circonvenir  par  Louise  Tliibaudier.acct'i 
passtvcnieiil  tous  les  SBcrîlir.es  de  Pauline,  n'ayant  que 
courtes  révoltes,  puis,  rmalemenl,  épouse  Louise,  qu'il  s'i 
mis  à  désirer  [ollemenl,  Itii^-huit  mois  aprùs,  encore  une  t 
désillusionné,  il  est  repris  d'une  passion  charnelle  pour  sa  ce 
sine  [36i].  Au  fond,  derriôre  ses  emballements  de  jeunesse 
la  névrose  dont  il  souffre,  on  retrouve,  très  vif,  le  profo 
égoîâme  des  parents. 

Laznre  a  gaspillé  l'argent  de  Pauline  dans  des  tmintit 
industrielles,  dans  la  construction  d'une  eslacnde  qui  doit  sa 
ver  lionneville  des  fureurs  de  la  mer  ;  marié,  il  abandojiue  v 
un  emploi  que  son  beau-père  lui  avait  trouvé  dans  une  com| 
gnie  d'assurances,  et  c'est  alors  la  dot  de  Louise  qu'il  co 
nience  â  éparpiller  en  des  entreprises  téméraires.  'Tout  nyi 
échoué,  il  revient  à  Bonneville,  plus  impuissant  que  y.ims 
énervé  par  les  récriminations  de  sa  femme,  en  proie  â  t 
effroyable  peur  de  mourir,  qui  lui  enlève  un  peu  plus  chat] 
jour  le  goût  cl  la  force  de  vivre  [313].  (La  Joie  de  virrc.) 

Devenu  veuf,  il  laisse  son  fils  à  Pauline  Quenu  et  part 
.Amérique  pour  faire  fortune  [129].  (Le  Docteur  Paicai.) 

Chanteau  (Mai>a)ie  Lvz.\nE).  —  VoirTiiiBAUDiEn  (I.oli? 

Chanteau  (Pacl).  —  Fils  de  Lazare  et  de  Louise,  Ni 
HonneviUcaprÈs  huit  mois  seulement  de  gestation  [105].  Lai; 
pour  mon  npj'è^  un  terrible  accouchement,  il  n  été  raineni 
la  vie  par  Pauline  0ucnu[i08].  Il  est  son  filleul  [115].  U'abi 
i-bélif,  ayant  poussé  comme  à  regret,  il  lente  vaillnmuient 
premiers  pas  à  dix-huit  mois  et  Pauline  su  cliar^'e  d'en  fa 
un  homme  [^i5].  Sacrilînnl  les  deux  lier.<;  de  ce  qu'elle  |ios 


78  LES  PËUSONNAGES 

dait  encore,  elle  a  pris  sur  la  tête  de  Tenfant  une  assurance 
qui  donnera  à  Paul  cent  mille  francs  lejourdesa  majorité  [420]. 
{La  Joie  tie  vivre.) 

ChantecaiUe.  —  Un  pion  du  collèîre  de  Plassnns,  si  bon 
enfant  qu'il  Vmss*^  fumer  en  promenade  [37].  (LŒnxre.) 

Ghantegreil.  —  Père  de  Marie  Chanto^reil,  dite  Miette. 
C'était  un  brnconnier  de  Chivanoz,  il  a  été  envoyé  au  liagne  en 
iSiG  pour  avoir  tuA  d*un  coup  de  feu  un  {^end-irme,  alors  que 
ce  dtTnier  le  tennit  lui-niô  ne  nu  bout  de  son  fusil,  il  subit  sa 
peine  à  Toulon  [207].  (La  Fortune  des  Roiigon.) 

Ghantegreil  (M\niE). —  Voir  Miette. 

Ghantegreil  (Eulalie).  —  Sœur  de  Chanicprrei\  tante  de 
Miellé.  M;«rié«  à  Réhufat,  méjçer  du  Jas-Meffren.  Mère  de 
Justin  Rêhurai.  C'est  une  grande  diablesse  noire  et  volontaire, 
vigonivuse,  sobre  et  économe.  Malgré  les  grognements  de 
Iiêbnrtt,  elle  ri>cueille  Miette,  âgée  de  neuf  ans,  et  Faime 
comme  sa  propre  fille.  Elle  meurt  subitement  deux  ans  après 
[209].  {La  Fortune  des  Rougon,) 

Ghantexnesse  (La  mère).  —  Vendeuse  au  tas  [13].  Digne 
lemuje,  très  bourrue,  dépassant  soixante-dix  ans,  veuve  d'un 
aucir-n  cocher  de  fiacre  [202],  adore  les  enfants,  a  perdu  trois 
garçons  au  berceau  [196].  Elle  habite  depuis  quarante-trois  ans 
un  grand  gril»*las  délabré  de  la  rue  au  Lurd  [198].  Gagne 
encore  ses  quarante  sous  par  jour  Vers  la  soixantaine,  elle  avait 
fait  la  trouvaille  de  la  petite  Cadine,  près  du  raarcbê  des  Inno- 
cents, puis  elle  avait  recueilli  .Marjoiin  et  les  avait  élevés 
ensemble.  FMus  tard,  furieuse  des  polissonneries  des  deux 
enfant- [220],  elle  reste  impuissante  aies  corriger.  (Le  Ventre 
de  Pans.) 

Chantereau  (M.\d.\me). —  Femme  d'un  maître  de  forges, 
un  pe.i  cousine  des  Foup:eray  [80].  C'est  une  amie  d'S  MuCfat, 
un  legs  de  la  belie-maman;  avec  madame  Du  Joncquoy  et 
madame  Ihi^'on,  elle  donne  au  salon  de  la  comtesse  Sabine  un 
aspect  coliei-monté.  Elle  sera  plus  lard  choquée  des  nouvelles 
mœurs  de  la  maison  [445].  Son  mari  possède  une  usine  en 
Alsace,  on  v  craint  la  îjuerrect  madame  Cbantereau  fait  beau- 
coup  rire  ses  amies,  lorsqu'elle  assure  que  M.  de  Bismarck 
nous  fera  la  guerre  et  nous  battra  [95].  {Xana.) 

Gharbonnel.  —  .Ancien  marchand  d'huile  à  Plassans.  Il 
dispulu'  aux  sœurs  de  la  Sainte-Famille  cinq  cent  mille  francs, 


DES  KOUGON-MACnUAUT  79 

provenant  de  la  succession  d*un  pelit-cousin,  le  sieur  Chevassu. 
Protécrés  ]itiv  mndnnie  Félicité  Rougon,  lu  mère  du  ministre, 
les  Charhonnel  sont  venus  à  Paris  et  se  sont  iiisialiés  à  Thôlel 
du  PérigonI,  rue  Jacob,  poursuivre  de  près  raiïaire,qui  est  au 
Conseil  d'Ëial.  Ils  font  ainsi  partie  de  la  bande  d'Eugène 
Rougon,  attentifs  aux  changements  politi(|ues,  poussant  leur 
protecteur  à  reprendre  le  pouvoir  et,  lorsqu'ils  ont  enfin  gagné 
leur  procès,  criant  au  pillage,  excitant  le  ministre  à  ordonner 
une  visite  domicilliiirH  dans  le  couvent  des  sœurs  [iOl].  Pris  de 
peur  devant  les  conséquences  de  cet  acte  qu'ils  ont  provoqué, 
ils  s'empri'ssent  de  le  désavouer  hautement  [405].  (Son  Excel- 
lence Eugène  Bougon,) 

Gharbonnel  (Madame).  —  A  accompagné  son  mari  à  Paris, 
pour  suivre  Tairaire  Chevassu.  Elle  étale  au  ministère,  à  la 
Chambre,  un  châle  jaune  extravagant.  Sa  fureur  devant  la 
prétendue  caplation  est  telle  que,  quoique  dévote,  elle  va 
jusqu'à  conter  une  histoire  abominable  :  le  petit-cousin  Che- 
vassu serait  mort  de  peur,  après  avoir  écrit  son  teslam^'nt  sous 
la  dictée  d'un  prêtre,  qui  lui  avait  montré  le  diable,  au 
pied  de  son    lit  [i39].  [Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Charbotel  (Isioop.e). —  Artiste  peintre.  Son  nom  se  trouve 
sur  les  liches  du  vieux  Vabre  [238].  (Pot-Bouille.) 

Chardon  (Abbi:).  —  Candidat  du  grand  vicaire  Fenil  à  la 
cure  de  Saini-Silurnin,  cathédrale  de  Plassaus  [152].  (La 
Conquête  de  Plassans,) 

Chardon  (Mada.M£).  —  Protégée  de  madame  Mélanie  Cor- 
reur.  L'Etat  se  refusait  à  accepter  des  fournitures  soumission- 
nées par  elle  le  minisire  Rougou  arrange  rafTuire  ["iSO].  (Son 
Excellence  Eugène  Rougon.) 

Charles.  —  Garçon  du  café  Riche.  .Air  digne.  C'est  lui  qui 
sert  le  souper  de  Maxime  Saccard  et  de  Rt;née,  dans  le  salon 
blanc  [16-2].  (La  Curée.) 

Charles.  —  Garçon  du  lavoir  de  la  rue  Neuve  de  la  Goutte- 
d'Or  [ÎÎO].  Grand  gaillard  à  cou  éiionne  [33].  Refuse  de  séparer 
les  laveuses  qui  se  battent.  (LAssommoir.) 

Charles.  —  Roucher  delà  rue  Polonceau.  Fournisseur  des 
Coupeaij  [-03].  iLAsi>ommoi/\) 

Charles.  —  Cocher  de  Nana.  C'est   un  grand  gaillard  qui 


rf%  é  d\^ 


80  LES  PEItSONNAGES 

Nana,  après  une  affreuse  scène  où  il  Ta  traitée  de  salope  [i79]. 
(Nann.) 

Charles.  —  Cousin  du  petit  soldat  Jules,  de  Plogof  [431]. 
(Germinal.) 

Charles.  —  Cocher  de  Saccard,  h  qui  il  a  été  recommandé 
par  sa  bonne  amie  Clarisse,  femme  de  chambre  de  la  baronne 
Sandoriï.  Grand,  beau  garçon^  avec  la  face  et  le  cou  rasés,  il 
Se  dandine  de  l'air  assuré  et  fat  des  hommes  que  les  femmes 
paient.  Surpris  volant  sur  Tavoine,  il  est  congédié  par  Saccard 
et  dévoile  à  madame  Caroline  les  rendez-vous  du  financier  avec 
la  baronne  [^il]»  {L* Argent.) 

Charles  (MoNSicun  et  Madame).  —  Voir  Radeuil. 

Charpier.  —  Marchand  de  grains  à  Vendôme.  Prête  à  la 
petite  semaine.  11  a  fait  faillite,  ses  papiers  ont  été  rachetés 
par  Fayeux  pour  le  compte  de  Busch  et  celui-ci  trouve,  dans 
l'amas  des  dossiers,  une  reconnaissance  signée  par  le  comte  de 
Fieauvilliers  en  faveur  de  Léonie  Cron  [29].  {UArgeni). 

Charrier.  —  Gros  entrepreneur,  associé  de  Mignon.  Venus 
tous  deux  de  Langres.  Ce  sont  de  rusés  compères,  à  cerveau 
étroit,  à  conceptions  prudentes;  mais,  doués  d'une  invincible 
ténacité,  ils  savent  tirer  sagement  une  énorme  fortune  des 
alfaires   lancées  par   l'aventureux  Saccard  [12G].  (La  Curée.) 

Gharvet.  —  Professeur  libre.  Grand  garçon  osseux,  soi- 
gneusement rasé,  nez  maigre,  lèvres  minces,  cheveux  longs  et 
arrondis,  les  revers  de  sa  redingote  râpée  extrêmement  rabat- 
tus. Fait  partie  du  groupe  Gavard.  Est  hébertiste,  joue  au  con- 
ventionnel avec  un  flot  de  paroles  aigres,  une  érudition  si 
étrangement  hautaine  qu'il  bat  d'ordinaire  ses  adversaires 
[131].  Oracle  du  groupe  jusqu'à  l'arrivée  de  Florent  II  habite 
Tiie  Vavin,  derrière  le  Luxembourg,  et  vil  maritalement  avec 
Clémence,  sur  des  bases  débattues,  ne  réglant  que  ses  propres 
dépenses,  vexé  que  sa  maîtresse  gagne  plus  que  lui  [133]  et, 
plus  lard,  la  blaguant  d'avoir  perdu  sa  place  [21)9].  Par  jalousie 
sourde,  il  devient  l'adversaire  systématique  de  Florent  [176], 
raille  l'exil,  nie  Cayenue,  est  pris  d'une  rage  froide  contre  son 
rival  et,  quand  le  complot  s'affirme,  rompt  brusquement  [300], 
Toujours  accompagné  de  sa  maîtresse,  il  va  dès  lors  fréquenter 
u  le  brasserie  ùe  la  rue  Serpente,  où  il  trouve  un  auditoire 
attentif  de  très  jeunes  gens[30J].  (Le  Ventre  de  Paris.) 


DKS  UOK.O.N-MACQUART  81 

Ghassagne  (Docteur).  —  Directeur  de  l*Asiie  des  3Iouli- 
neaux  [I7GJ.  Ou  lui  a  confié  à  deux  reprises  Saturnin  Josserand. 
{Pot- bouille.) 

Chauxnette.  —  Conseiller  à  la  cour  de  Rouen  ;  à  cause  d^ 
son  fils,  il  est  comblé  d'invitations  et  de  prévenances  par 
madame  Bonnehon  [1 1-i].  Lors  du  procès  Roubaud,  Je  conseiller 
est  assesseur  aux  Assises  [400].  (La  Bête  humaine.) 

Chauxnette  fils.  ~  Substitut  à  Rouen.  11  est  la  dernière 
affection  de  la  belle  madame  Donnehon,  qui  travaille  à  son 
avancement  [1 1  i]  cl  le  fait  môme  protéger  plus  tard  par  sa 
rivale,  madame  Leboucq  [400].  {La  Bête  humaine.) 

GliavaiUe  ,(Rosaue)  (l).  —  Mère  de  Victor  Saccard.  Petite- 
cousine  de  madame  Méchain.  Habitait  à  seize  ans,  avec  sa 
mère,  un  petit  logement  au  sixième,  dans  une  maison  de  la 
rue  de  la  Harpe.  Consentante,  elle  a  été  culbutée  par  un  voi- 
sin, sur  les  marches  de  l'escalier,  et  le  monsieur  s*est  montré 
si  amoureux  que  la  pauvre  Rosalie,  renversée  d'une  main  trop 
prompte  contre  Tangle  d'une  marche,  a  eu  l'épaule  démise. 
La  mère  a  exigé,  pour  élouiïer  i'aflaire,  une  somme  de  six 
cents  francs,  répartie  en  douze  billets,  cinquante  francs  par 
mois,  que  l'Iiomme,  disparu  peu  après,  a  signé  Sicardot,  du 
nom  de  sa  femme.  .Mal  soignée,  les  muscles  du  bras  rétractés, 
devenue  intirme,  Rosalie  est  accouchée  d'un  garçon.  Elle  a 
perdu  sa  mère,  est  tombée  à  une  sale  vie,  à  une  misère  noire, 
puis,  ayant  traîné  les  rues  jusqu'à  vingt-six  ans,  échouée  à  la 
cité  de  Naples  chez  sa  petite-cousine,  elle  a  fini  par  mourir  des 
suites  d'une  bordée  plus  aventureuse  que  les  autres.  La  Mé- 
chain a  hérité  du  petit  Victor  et  des  douze  billets  impayés  [31]. 
{L Argent  ) 

ChavaL  —  Haveur  au  Voreux.  Est  venu  il  y  a  six  mois  du 
Pas-de-Calais  et  habile  Monlsou,  à  l'estaminet  Piquette.  C'est 
un  grand  maigre  de  vingt-cinq  ans,  osseux,  aux  traits  forts, 
avec  un  nez  en  bec  d'aigle,  des  moustaches  et  une  barbiche 
rouges.  Dès  la  première  rencontre,  une  haine  d'instinct  a 
flambé  entre  lui  et  Etienne  Laniier  [39].  Pour  empêcher  celui- 
ci  d'être  l'amant  de  Catherine  Maheu,  il  a  voulu  posséder  cette 


(1)  Rosalie  Cliavaille,  ouvrière;  compte  des  phtisiques  et  des  épi- 
îeptiqties  dans  son  ascendance]  maîtresse  d^Aristide  flougon^  dit 
Saccard.  [Arbre  généalogique  des  Rougon-Macquart.) 


82  LES  PERSONNAGES 

fille  non  encore  nubile'et  il  ne  tient  à  la  garder,  elle  ne  lui  est 
chère  qie  par  hostilité  jalouse  contre  Tautre.  Quand  Etienne 
devient  l'un  des  niaitres  du  coron,  Chaval  est  niordu  d*envie  ; 
pendant  la  grève,  la  nige  de  triompher  l'amène  à  surenchérir 
en  dcmaiulaul  du  sang,  mais,  surtout  vaniteux,  il  abandonne  la 
can>c  des  camarades,  il  sent  une  chaleur  d*orgueil  lui  monter 
à  la  face,  lorsque  Deneulin  lui  fait  entrevoir  un  avancement 
rapi  le  [338].  Sa  lâcheté  le  perdrait,  si  Catherine  ne  lui  épar- 
gnait la  mort,  en  se  jetant  au-devant  des  grévistes  furieux  [381]. 
Il  se  venge  d^ailleurs  en  dénonçant  Témeute  aux  gendarmes  et 
en  acceptant  de  diriger  une  équipe  de  Borains,  appelés  de  Bel- 
gique parla  Com|ingnie  des  mines  de  Mont<ou  [iôi]  Battu  par 
son  rival  sous  les  yeux  de  Catherine,  il  a  chassé  celle-ci,  mais 
il  restera  entre  eux  jusqu'au  bout.  Une  dernière  bataille  le 
jette  contre  Etienne  au  fond  de  la  mine,  dans  un  coin  de  galerie 
où  tous  Irriis  sont  cernés  par  l'inondation;  il  est  tué  dans  la 
lutte,  on  ji'tte  son  cadavre  au  puits,  mais  la  crue  le  pousse  peu 
à  peu  vers  les  douloureux  amants,  il  revient  entêté  dans  sa 
jalousie,  empoisonnant  Tair,  s*acharnant  jusque  dans  la  mort  à 
les  empêcher  d'être  ensemble  [ôlî],  (Germinal.) 

Chave  (Capitaine).  — Officier  en  retraite.  Frère  de  madame 
Maugeudre.  Figure  apoplectique,  au  cou  raidi  par  l'usage  du 
col  de  crin,  un  de  ces  types  de  petits  joueurs  au  comptant  qu'on 
est  certain  de  rencontrer  tous  les  jours,  d'une  heure  à  trois, 
autour  de  la  Bourse,  se  livrant  à  un  jeu  de  gagne-petit,  empor- 
tant chaijue  fois  un  gain  de  quinze  à  vingt  francs.  Il  ne  joue 
poiiit  i^ar  goût,  mais  la  pension  du  gouvernement  le  laiss^erait 
crev?r  de  faim  [19]  et,  de  plus,  il  a  des  vices.  Le  ca|»itaine 
Chave  haliile,  rue  Nollet,  une  seule  pièce  au  fond  d'un  jardin., 
où  st;  glissent  des  jupes,  et  les  petits  gains  de  Bourse  passent 
en  honhons  et  en  gâteaux  pour  ses  bonnes  amies  ["lOi].  Pendant 
toute  la  période  où  la  Banque  Universelle  affolait  Paris,  faisant  et 
défaisant  en  deux  heures  des  fortunes  géantes,  l'or  pleuvant  à 
pleins  seaux  parmi  les  coups  de  foudre,  Chave  a  échappé  à  la 
fièvre  générale.  Alors  que  son  beau-frère  M.ingendre  courait  à 
la  ruine,  il  n'a  pas  une  seule  fois  cessé  de  jouer  un  maigre  jeu, 
satisfait  d'emporter  son  petit  bénélire  chaque  soir,  ainsi  qu'un 
bon  employa  qui  a  bravement  rempli  sa  journée  [3.S7].  Et,  au 
jour  de  la  débâcle,  avec  une  cruauté  de  joueur  infime,  il  se 
réjouit  de  voir  les  gros  spéculateurs  se  casser  les  reins  [367J. 


DES  r.OlT.ON-MACQUART  83 

Ghavignat.  —  Employé  au  ministère  de  rinstruclion 
pablii|Uo.  Un  gros  dont  la  femme  esllnide  An  dire  des  PIcIton, 
le  mén:i$re  Cliaviguat  a  beaucoup  trop  d*enfants  [lii].  (Pot- 
Bouille.) 

Ghëdeville  (De).  —  Député  d'Eure-et-Loir  sous  TEmpire. 
C*est  un  vieux  beau,  la  Heur  du  rè^rne  de  Louis-lMiilippe. 
Grand,  élégant  encore,  le  bnste  sanglé  et  les  cheveux  li'ints, 
il  se  range,  nialgr»»  ses  yeux  de  braise  au  passage  du  dernier 
des  jupons  [1  li].  S'est  ruiné  avec  les  fenunes  et  ne  possède 
plus  que  la  ferme  de  la  Cbamade,  près  d'Orgères,  où  il  ne  rnet 
les  pieds  i{u*en  temps  d'élections.  11  a  gardé  an  fond  du  cœur 
des  tendrrs-ics  orléanislt'S,  mais  on  le  dit  ami  de  l'empereur  et 
cela  snifit  pour  as-ircr  son  succès.  Dans  >cs  tournées  électo- 
rales, il  sourit,  fait  le  délioimaire,  promet  loiijours  [\ôd]  .Mais, 
après  une  pr.-mière  législature,  sa  carrière  politique  e>l  arrêtée; 
il  a  déplu  en  haut  lieu,  on  croit  qu'il  a  scandalisé  les  Tuileries 
par  une  I)i>toire  gaillarde,  la  jeune  feumie  d'un  huissier  de  la 
Chambre,  folle  de  lui  malgré  son  âge.  il  ct-sse  d'èlre  candidat 
offioici  et,  niilgré  ses  opinions  protectionnistes,  se  fait  battre  par 
le  libre-échan^Mste  Dochefontaine,  candidat  du  préfet,  les  cam- 
pagnards It'nanl  avant  tout  à  rester  du  côté  du  gouvernement 
[3G0].  (La  Terre.) 

Ghermette  (Famille  de).  —  Amis  des  Debcrle.  ('ne  fille, 
Valentine.  toujours  costumée  en  Espagnole  dans  les  bals  d'en- 
fants; est  mariée  à  s^ize  ans  avec  un  amant  de  sa  mère,  un 
grand  blond. avec  qui  celle-ci  était  depuis  dix-huit  .mois  ['250]. 
(Une  Page  dWmour,) 

Chevassu.  —  Avoué  à  Faverolles.  Est  mort  en  laissant  une 
fortune  de  cin<t  cent  mille  francs  aux  sœurs  de  la  S  unie- Fa- 
mille. Son  te>t.iment  est  attaqué  parde^  petits-cousins,  les  (^har- 
bonnel,  devenus  les  seuls  parents  de  Ch*;va<su  par  le  décès  ré- 
cent de  son  frère  [3i].  (Son  Excellence  Eugène  Bougon.) 

Chezelles  (Madame  léonide  de).  —Une  amie  dt^  couvent 
de  la  comicsse  .Mull';a,  plus  j»*une  que  c»flle-ci  de  cinq  an»  [60]. 
Mince  et  har.lie  comme  un  garçon  [80].  Femme  d  un  magistrat 
à  Fair  gruv^*,  elle  le  trompe  sans  se  cacher,  mais  on  lui  par- 
donne, on  la  reçoit  quand  même,  parce  que,  dit-on.  elle  e>l  folle 
[GO].  Des  aventures  hardies  lui  snnl  attribuées.  Amoure  ised'un 
ténor,  elle  Fa  fiii  veniràMonlauban;  elle  habitait  le  château  de 
Deaurecueil,  deux  lieues  pins  loin,  et  elle  arrivait  tons  les  jmirs 
dans  une  calèche  attelée  de  deux  chevaux,  jiour  le  voir  au  Lion 


Xi  LBS  PEUSONNACES     ^ 

d*Or,  où  il  était  descendu;  la  voiture  amendait  à  la  porte.  Léo- 
nide  restait  des  heures,  pendant  que  le  monde  se  rassemblait 
et  regardait  les  chevaux  [81].  (Nana,) 

Chibray  (Comte  de).  —  Aide  de  camp  de  l'empereur,  bel 
homme  vaniteux.  A  été  le  troisième  amant  de  Renée  Saccard  et- 
Ta  ({uitiéc  avec  scandale,  aux  yeux  de  tout  Paris,  pour  se  mettre 
avec  la  duchesse  de  Sternich  [115].  (La  Curée.)  ' 

Chouard  (Marquis  de).  Père  de  la  comtesse  Sabine  .AIuiTat 
de  lieu  ville.  Conseiller  d*Etat.  11  a  une  haute  taille  de  vieillard, 
une  face  molle  et  blanche,  des  épaules  maigres  sur  lesquelles 
tombe  une  couronne  de  rares  cheveux  blancs  [50].  Quoique  ral- 
lié à  l'Empire,  le  marquis  a  conserve  des  relations  dans  leparti 
légitimiste;  il  est  connu  pour  sa  haute  piété,  aiïecle  d'avoir 
Je<  mœurs,  car  les  hautes  classes  doivent  donner  l'exemple,  et 
s*iiuligne  de  l'inconduite  de  son  gendre.  Mais  d'étranges  his- 
toiivs  courent  sur  son  compte.  Autrefois,  il  vivait  séparé  de  la 
niar({uisc;  dèf^  que  celle-ci  a  été  morte,  il  a  marié  sa  flile,  qui 
le  gênait  [75].  C'est  un  vieux  à  passions.  Sous  l'excitation  de  la 
femme,  ses  yeux  troubles  deviennent  deux  yeux  de  chat,  phos- 
phorescents, pailletésd'or  ;  son  nez,  très  gros  dans  sa  fnce  rasée, 
semble  la  boursouflure  d'un  mal  blanc,  sa  lèvre  inférieure  pend 
['Mf,  Clicz  Satin,  il  renifle  dans  tous  les  endroits  pas  propres, 
jusque  dans  les  pantoufles  [296].  Il  achète  à  Gaga  sa  fille  Amélie 
pour  trente  mille  francs  [i02].  Enfin, après  une  nuit  chez  Nana, 
•ians  un  lit  magnifique  où  fleurissent  les  roses  et  se  penchent 
les  iimours,  le  marquis  de  Chouard  est  soudain  frappé  d'imbécil- 
lilé.  il  tombe  en  enfance,  jeté  là  comme  une  lotfue  humaine, 
gùl4e  et  dissoute  par  soixante  ans  de  débauche  [494].  (Xana.) 

Chouard  (Sabine  DE).  —  Fille  du  marquis.  .Mariée  à  dix- 
S'ifpi  ans  avec  le  comte  Mufl'at  de  Beuville,  elle  a  mené  une  exis- 
tence cloîtrée  entre  un  mari  pieux  et  une  belle-mère  autoritai- 
re. Les  uns  la  disent  d'une  froideur  de  dévole,  les  autres  la 
p!ai;.'nent,  se  rappelant  ses  beaux  rires,  ses  grands  yeux  de 
llarnmc,  avant  qu'on  Tenfermàl  au  fond  du  vieil  hôtel  de  la  rue 
Miromesnil.  Elle  jouit  d'une  réputation  parfaite;  Fauchery  n'a 
na»j  le  vague  souvenir  d'une  confidence  reçue  d'un  oflicier  de 
srs  amis,  mort  récemment  au  Mexique,  une  de  ces  confidences 
brutales  que  les  hommes  les  plus  discrets  biissenl  échapper  à 
de  certains  moments  [73].  Sabine  n'a  rien  mis  d'elle  dans  Tan- 
cienue  demeure,  noire  d'humiililé;  c'est Muffat  qui  s'impose,  qui 
domine,  avec  son  éducation  religieuse,  ses  pénitences   et  ses 


DtS  UOUGON-MACQUART  85 

jeûnes  [76J.  Toutefois,  une  grande  chaise  de  soie  rouge  capi- 
tonnée, introduite  après  la  mort  de  la  maman  Mu(Tat,  détonne 
dans  ce  milieu  enfumé;  c'est  le  commencement  d'un  désir  et 
d'une  jouissance  [71)]. 

A  trente-quatre  ans,  la  comtesse  a  un  lin  proOl  de  brune  pote- 
lée où  la  bouche  seule,  un  peu  épaisse,  met  une  sorte  de  sen- 
sualité impérieuse;  elle  ne  parait  pas  son  âge,  elle  semble 
être  la  sœur  aînée  de  sa  fille  Estelle,  on  lui  donnerait  au 
plus  Tingl-huit  ans;  ses  yeux  noirs  gardent  une  flamme 
de  jeunesse,  que  de  longues  paupières  noient  d'une  ombre 
bleue.  A  la  joue  gauche,  elle  a  un  signe  près  de  la  bouche, 
absolument  le  même  signe  que  Nana,  avec  de  petits  poils  frisés 
[75].  Dans  son  salon  collet  monté,  refroidi  par  la  continuelle 
présence  d'un  saint  homme,  Théophile  Venot,  elle  semble  une 
chatte  qui  dort,  les  grifles  rentrées,  les  pattes  agitées  d*un  fris- 
son nerveux  \{)'2].  Elles*éveille  soudain,  lorsque  le  comte  Muffat, 
pris  par  Nana,  se  dérange  et  néglige  le  foyer.  Sabine  accepte 
alors  les  assiduités  de  Fauchery,  elle  devient  sa  maîtresse,  puis 
c'est  un  gâchis  de  dépenses  extraordinaires.  La  comtesse  a 
brusquement  montré  un  goût  de  luxe,  un  appétit  de  jouissances 
mondaines  qui  achèvent  de  compromettre  la  fortune  des  Muiïat. 
Ce  sont  des  caprices  ruineux,  tout  un  nouveau  train  de  maison, 
cinq  cenl  mille  francs  gaspillés  à  transformer  le  vieil  hôtel,  des 
toilettes  excessives,  des  sommes  considérables  disparues,  fon- 
dues, données  peul-élre  sans  que  Sabine  se  soucie  d'en  rendre 
compte.  Après  Fauchery,  elle  s'étourdit  à  d'autres  amours,  dans 
le  coup  de  lièvre  inquiet  de  la  quarantaine  [476].  Enfin,  c'est  le 
détraquement  suprême,  elle  s'enfuit  avec  un  chef  de  rayon  d'un 
grand  magasin  de  nouveautés,  puis,  après  des  aventures,  elle 
revient,  pardonnée  par  le  comte  qui  a  perdu  toute  sa  dignité 
d'honnne.  La  comtesse  mange  à  présent  les  restes  dédaignés  de 
Nana.  Gâtée  par  la  promiscuité  de  cette  fille,  poussée  à  tout, 
elle  est  devenue  reffondremcnt  final,  la  moisissure  même  du 
foyer  [i97].  (Xana.) 

Chouteau  (Les).  —  Vieillards  de  quatre-vingt-dix  ans, 
l'homme  et  In  femme.  Habitent  Ceaumont,  où  ils  occupent  une 
cave  de  la  rue  Magloire.  Ils  sont  secourus  par  Angélique  Marie 
et  par  Félicien  de  llautecœur  [110].  {Le  Ri've.) 

Chouteau.  —  Soldat  au  100' de  ligne  (colonel  de  Vineuil). 
.Appartient  à  l'escouade  du  caporal  Jean  Macquarl.  C'est  un 
peintre  en  bâtiments  de   Montmartre,  furieux  d'avoir  été  rap- 

s 


se  LES  PERSONNAGES 

pelé  pour  la  guerre,  son  temps  fini.  Bel  homme  et  révolution- 
naire, flâneur  et  noceur,  ayant  mal  digéré  les  bouts  de  discours 
entendus  dan^  les  réunions  publiques,  mêlant  des  &iii*ries  ré- 
voltHUlcs  aux  grande  principes  d*égalitéet  de  liberté,  il  endoctri- 
ne If^s  camarades  [iG|,  les  pousse  à  rindiscipline,  au  mépris  des 
chefs,  et  serait  le  maître  indiscuté,  si  la  crànerie  de  Jean  ne  le 
reniait  sourdement  respectueux  [76]. 

Ce  fainéant  qui  aime  ses  aises,  donne  le  signal  de  Taban- 
don  du  si{c  et  du  fusil  [30];  pendant  la  marche,  il  jette  les 
vivres  de  IVscouade  par  paresse  de  les  porter  [80];  sur  le 
plateau  de  Floing,  devant  Tennemi,  il  déclare  que  lors- 
qu'on ne  mange  pas,  on  ne  se  bat  pas  [:t^8] .  Le  sergent 
Sapin  ayant  été  grièvement  b'essé,  il  s'olfre  avec  L«oubet 
pour  le  transportera  Tambulancc  volante  ei  les  deux  hommes 
dispiraissfint  du  t  hamp  de  bataille;  on  ne  les  revoit  que  le  i^oir, 
dan>  une  auberge  du  Fond  de  Givonne,  ivres  etgogu*fnards[36i]. 
Prisonnier  à  Ij^es,  Chouieau  trouve  a;;réable  de  ne  plus  obéira 
personne,  de  flàn«'r  à  sa  fantaisie;  dans  la  disette  dont  souffre  le 
canjp,  il  est  d  un  é}(Oî<(me  sournois,  volant  ce  qu*il  peut,  ne  par- 
ta^'^int  pis  avec  ses  caïuar.iiies,  et  les  poussant  aux  pires  excès; 
cVst  lui  qui  passe  un  couteau  à  cette  pauvre  brute  de  Lapoulle, 
pour  saiirner  P.iche,  coupable  d*avoir  dissimulé  quelques  pro- 
visions [iiiOJ.  Emmené  en  captivité,  il  s*évade  de  la  colonne, 
prè^  lie  .Mouzon,et,  sur  le  point  d'être  pris,  se  déttarrasse  des 
Pru>sicn<  (|ui  le  poursuivent,  en  leur  jetant  traitreu^ement  son 
cacnrale  Loubet,  entraîné  par  lui  dans  la  bagarre  [i7i]. 

Pendant  la  Commune,  attaché  à  rétai-niajor  dun  ^'énéral 
fédéré  (|ni  ne  se  battait  pas,Chouteau  s'est  installéau  palais  de  la 
Lé;:ion  d'honneur;  il  y  vil  dans  une  bombance  continuelle, s'al- 
loi.^eanl  avec  ses  hottes  au  milieu  des  grands  lits  somptueux, 
ca>S'ini  les  griaces  à  coups  de  revolver,  pour  rire,  pendant  que, 
chaïue  matin,  sa  maîtresse  déménage,  en  voiture  de  gala,  des 
oijj'ls  volés.  Le  23  mai,  il  préside  à  la  destruf^tion  du  palais  et 
à  rinceniiie  des  maisons  de  la  rue  de  Lille  [597J.  Et  pondant  la 
saijglîuile  répression,  on  le  voit,  place  du  Tljéâlre-Français, 
derrière  les  soldats  de  Versailles,  sous  riionnéte  Jjlousf.  blanche 
d'u:»  ouvrier,  assistant  au  massacre,  avec  des  gestes  ap^roba- 
leura  [6'2^\.  (La  Débâcle.) 

Chuchu  (Mademoiselle).  —  Figurante  des  Variétés.  Une 
maiçMc  sauterelle  du  pavé  parisien,  la  lille  ensauvêe  d'une 
con:ierge  de  Montmartre,  amusante  avec  sa  figue  de  papier 


DES  nOl'GON-MACQUAUT  87 

mâché,  où  luisent  de  grands  yeux  bruns  admirables.  Sa  liaison 
avec  i\'mployé  Flory  a  commencé  par  (|ueli|ucs  parties  fines  à 
bon  marché  [8ô],  puis  on  s*est  mis  en  ménage,  rue  Coudorcet, 
et  Chuchu  est  d'jvenue  capricieuse  et  dévorante  [335],  poussant 
Flory  ù  la  dépense,  i  acculant  au  jeu  de  Bourse.  (L'Argeni.) 

Clarisse.  —  Femme  de  chambre  de  la  baronne  Sandorff. 
Chargée  du  petit  rez-de-chaussée  de  la  rue  Canmartin.  C'est 
une  maigre  fille  blonde  qui  a  épousé  la  rancune  de  son  bon  ami 
Charles,  le  cocher  renvoyé  par  Saccard,  et  qui  dénonce  à  Del- 
cambre  les  inlidélités  de  sa  maîtresse  [^28].  Elle  lui  fait 
constater,  moyennant  snluire  de  deux  cents  franc*:,  un  flagrant 
délit  anormal  entre  Saccard  et  la  haronne  [231].  (L Argent.) 

Clémence.  —  Grande  fille  brune,  trente  ans,  gros  yeux 
noirs.  Pair  très  pose.  Tableltiére  à  la  criée  aux  poissons,  où 
elle  écrit  les  doigts  allongés,  en  demoiselle  qui  a  reçu  de 
rinslruclioii  [1:21].  Vil  maritalement  avec  Charvet,  chacun 
réglant  s^s  propres  dépenses.  Vient  tous  les  soirs  chez  Lebigre, 
aux  réunioiis  du  î^ruupe  Gavard,  où  elle  se  fahrique  des  grogs 
pendant  que  son  anninl  moins  fortuné  prend  une  chope.  A  une 
façon  professorale  d'écouler  parler  politique;  au  fond,  se  croit 
beaucoup  plus  forte  que  tous  ces  messieurs.  Elle  lance  parfois 
une  phrase,  conihianl  d'un  mot,  rivant  son  clou  à  Charvet  lui- 
même.  N'a  de  respect  tpie  pour  le  silencieux  Robine  [178]. 
Elle  est  congédiée  par  Manoury,  le  facteur  aux  Halles,  parce 
qu'elle  sVst  anlusée  à  mettre  sur  les  tableaux  de  vente,  en 
face  des  limandes,  des  raies  et  des  maquereaux  adjugés,  les 
noms  dos  dames  et  des  messieurs  de  la  Cour  [298];  elle  vit  alors 
d'une  leçon  «le  français,  doit  renoncer  aux  grogs  H  se  bornera 
une  simple  chope  qu'elle  boit  en  toute  philosophie  [299].  Hompt 
en  même  lemps  que  Charvet  avec  le  groupe  Gavard  et  va  fré- 
quenter, en  compagnie  de  son  amant,  une  brasserie  de  la  rue 
Se  rp  en  le  ['JOIJ.  (Le  Ventre  de  Paris.) 

Clémence  (Mademoiseli.f.).  —  Ouvri«'^re  repasseuse,  voisine 
des  Lorilbiux  Travaille  chez  Gervaise.  C'est  une  belle  fille  à 
gorge  pui-sinte,  (\ii  adore  les  animaux  et  va  avec  tous  les 
hommes  [71].  Pas  une  ouvrière  ne  repasse  les  chemises 
d'homme  aussi  bien  qu'elle.  Les  lendemains  de  noce,  elle 
altri>te  toujours  les  gens  par  ses  idées  de  mort  [232].  (U As- 
sommoir.) 

Clémence.  —  Femme  de  chanil)re  de  madame  Dnveyrier, 
qui  tient  beaucoup  à  elle  parce  qu'elle  babille  très  bien.  Fille 


bS  LES  PERSONNAGES 

très  propre,  très  vive,  membres  menus,  l)Ouche  pincée.  Clé- 
mence est  la  maîtresse  du  valet  de  chambre  Hippolyte  [11^]. 
{Pot'BouUle.) 

Glorinde.  —  Fille  de  la  comtesse  Balbi.  Née  en  1835  à 
Florence.  Elle  habite  avec  sa  mère  un  petit  hôtel  de  Favenuc 
des  Champs-Elysées,  à  deux  pas  de  la  rue  Marbeuf.  C*est  une 
grande  fille  d*une  admirable  beauté,  s'habiliant  étrangement 
de  robes  mal  faites  [7].  Elle  a  un  mélange  de  mœurs  libres  et 
de  dévotion  outrée  [91],  et  vit  dans  un  incroyable  gâchis 
d*argent,  avec  des  acccs  brusques  d'avarice  honteuse  [174]. 
Très  intelligente,  très  séduisante,  très  ambitieuse,  elle  aide 
aux  intrigues  internationales  de  sa  mère,  vivant  dans  le  monde 
politique  l'oreille  tendue,  se  montrant  très  curieuse  de  la  vie 
des  autres,  usant  de  sa  beauté  pour  pénétrer  partout,  ache- 
tant de$  amitiés  par  le  don  de  ses  faveurs. 

Malgré  Tétrangeté  de  sa  vie,  elle  se  pousse  hardiment  vers 
un  grand  mariage  capable  de  satisfaire  son  orgueil  ;  elle  jette 
son  dévolu  sur  le  ministre  Bougon.  Mais  c'est  en  vain  qu'elle 
l'enveloppe  d'une  séduction  savante  et  qu'elle  l'excite  jusqu'au 
coup  de  sang  [95].  Roujon  se  dérobe,  faisant  à  cette  dange- 
reuse aventurière  TofTense  de  la  considérer  comme  inférieure 
à  lui  et  de  la  marier  avec  son  ami  Delestang,  un  imbécile 
solennel.  Clorinde  rêvera  dès  lors  une  vengeance  digne  d*elle 
et  ses  elTorts  vont  tendre  à  l'écroulement  de  Piougon.  Comme 
celui-ci  n'est  plus  aux  affaires,  elle  emploie  tout  son  génie  de 
rintrigue  à  lui  faire  rendre  le  pouvoir,  puis,  quand  il  est  à 
l'apogée  de  sa  puissance,  elle  travaille  à  le  culbuter,  ameutant 
Paris  contre  lui,  détachant  du  grand  homme  les  familiers  qui 
le  soutiennent,  faisant  la  conquête  de  l'impératrice  [338], 
allumant  Ternpereur  dont  elle  devient  la  maîtresse,  provoquant 
enfin  le  brusque  renvoi  du  ministre  et  raffinant  sa  vengeance 
jusqu'à  obtenir  pour  l'incapable  Delestang,  son  mari,  le  porte- 
feuille enlevé  à  Uougon. 

Elle  continue  ses  hautes  intrigues,  fait  vigoureusement  le 
jeu  de  Cavour  en  vue  d'une  alliance  contre  l'Autriche  [370]  et 
contribue  à  préparer  la  guerre  d'Italie  qui  modifiera  la  poli- 
tique intérieure  de  TEmpire  et,  conséquence  imprévue,  ramè- 
nera triomphalement  Rougon  au  pouvoir,  après  une  éclipse  de 
trois  ans.  La  belle  Clorinde  s'inclinera  alors  devant  rinconles- 
lable  force  de  ce  Rougon  qu'elle  avait  cru  abattre  [162].  (Son 
Excellence  Ettfjène  Bougon.) 


DES  nOCGON-MACQUART  89 

Clou.  —  Conseiller  municipal  et  maréchal  ferrant  à 
Rognes.  Grand,  sec  el  noir  [154].  Il  joue  du  trombone  aux 
offices  chantés.  [La  Terre.) 

Cœur  (Germaine).  —  Superbe  fille  de  vingt-cinq  ans,  un 
peu  indolente  et  molle,  dans  Topulence  de  sa  gorge.  A  tou- 
jours été  avec  des  boursiers,  et  toujours  au  mois,  ce  qui  est 
commode  pour  des  hommes  très  occupés,  la  tête  embarrassée 
de  chiffres,  payant  Tamour  comme  le  reste,  sans  trouver  lu 
temps  d'une  vraie  passion.  Elle  habite  un  petit  appartement 
de  la  rue  de  la  Michodière,  agitée  d*un  souci  unique,  celui 
d'éviter  des  rencontres  entre  les  messieurs  qui  peuvent  se 
connaître  [85].  Un  des  meilleurs  amis  de  Germaine  Cœur  est 
Gustave  Sédilte,  qui  finit  par  s'emballer  sur  elle  et  par  Tenlever 
à  l'agent  de  change  Jacoby  [316J.  (L'Argent.) 

Gognet.  —  Cantonnier  de  Rognes.  Vieil  ivrogne  qui 
rouait  sa  fille  de  coups  et  qu'on  voit  depuis  vingt  ans  casser 
des  cailloux  sur  les  roules  [89].  {La  Terre.) 

Gognet  (Jacqueline),  dite  La  Cognette.  — Fille  du  canton- 
nier. Est  entrée  à  la  Lorderie  à  l'âge  de  douze  ans,  pour  laver 
la  vaisselle.  Etait  si  desséchée,  si  minable,  qu'on  lui  voyait  les 
os  du  corps,  au  travers  de  ses  guenilles.  Elle  s'est  vite  dé- 
crassée, tous  les  valets  l'ont  culbutée  sur  la  paille,  depuis  le 
pore  Mathias,  un  vieux  bossu,  jusqu'au  petit  porcher  Guil- 
laume ;  Dut  eau,  Jean  Macqunrt,  tous  Tout  eue.  Mais  elle  a  su 
faire  sa  fortune  en  résistant  au  maître,  Alexandre  Hourdequin, 
en  le  laissant  désirer  ses  faveurs  pendant  six  mois,  (^ctte 
habileté  l'a  transformée  en  servante  maîtresse,  la  Cognette  a 
maintenant  une  bonne  qui  la  sert  et,  quand  le  maître  devient 
veuf,  elle  finit  par  obtenir  d'entrer  triomphante  dans  l'ancien 
lit  de  Madame  Hourdequin  [101]. 

De  petite  taille,  très  brune,  l'air  effronté  el  joli,  la  gorge 
dure,  les  membres  élastiques  et  forts  des  fausses  maigres, 
d'une  coquetterie  dépensière,  se  trempant  de  parfums  tout  en 
gardant  un  fond  de  malpropreté,  elle  excite  la  colère  des 
paysans  qui  ne  savent  pas  comprendre  que  cette  catin  est  leur 
vengeance,  la  revanche  du  misérable  ouvrier  de  la  glèbe  contre 
le  bourgeois  enrichi  [Hi)].  La  Cognette  rationne  Hourdequin, 
elle  le  fouelte  d'abstinences  et  le  trompe  avec  un  tranquille 
cynisme,  provoquant  sa  jalousie,  l'affolant  chaque  jour  davan- 
tage, manœuvrant  pour  éliminer  le  filsel  se  faire  avantager  sur 


90  LES  PERSONNAGES 

Le  v'ipux  berger  Soûlas  a,  par  vengeance,  dénoncé  ses  amours 
avec  Tron  ;  celui-ci,  chassé,  tue  Ilourdequinet  brûle  la  fermer 
et  la  Cognetle,  poursuivie  par  les  flammes,  se  sauve  dans  la 
campagne,  sorlanl  de  la  ferme  comme  elle  y  était  entrée,  avec 
une  chemise  sur  le  cul  [ôiC}].  {La  Terre.) 

Goliche  (La).  —  Grande  Tache  rousse  et  blanche  que  la 
petite  Françoise  Mouche  mène  au  taureau  [3].  Beaucoup  gâtée 
depuis  dix  ans  qu'elle  est  dans  la  maison,  a  fini  par  être  une 
personne  de  la  famille.  Les  Buteau  se  réfugient  prés  d*elle, 
I*hiver;  ils  n*ont  pas  d*autre  chaufTagc  que  l'exhalaison  chaude 
de  ses  flancs.  El  elle-même  se  montre  très  aflect  leuse,  surtout 
à  regard  de  Françoise.  Elle  la  lèche  de  sa  langue  rude,  à  la 
faire  saigner,  elle  lui  prend,  du  bout  des  dents,  des  morceaux 
de  sa  jnp»»,  pour  Fat  tirer  et  la  garder  toute  à  elle  [2i9].,  Un 
jour,  la  Coliche  fait  deux  vpaux,  dont  le  premier,  mai  placée  est 
sacrifié  par  le  vétérinaire  [258J.  {La  Terre.) 

Colin. — Notaire  au  Havre.  C'est  en  son  étude  que  les 
Rouhaud  se  font  une  donation  au  dernier  vivant,  après  être 
entrés  en  possession  de  la  maison  de  la  Croi.\-de-.VIaufras  [39ÛJ. 
(La  Uèlc  humaine.) 

Goloxnban  père.  —  Un  vétérinaire  connu  de  tout  Seine- 
et-Oise,  article  dans  sa  partie,  mais  tellement  porté  sur  sa 
bouche,  qu'il  ni.inge  tout  [15].  Il  court  la  gueuse  et  finit  par 
en  mourir  [439].  (Au  Bonheur  des  Dames,) 

Golomban.  —  Premier  commis  du  Vieil  Elbeuf,  origi- 
naire de  tlambouillet,  comme  les  llauchecorne,  avec  qui  il  a 
un  cousinage  éloigné.  C'est  un  gros  garçun  de  vingt-cinq  ans, 
lourd  et  madré;  sa  face  iionnéie,  à  la  grande  bouche  molle,  a 
des  yeux  de  ruse.  Depuis  dix  ans,  il  Irinie  dans  la  boutique  et 
a  gngiiê  ses  grades  rondement,  passant  par  les  diflerenies  étapes, 
petit  commis,  vendeur  appointé,  adniis  enfin  aux  confiienceset 
aux  }ilaisirs  de  la  famille,  le  tout  patiemment,  dans  une  vie 
d'horloge.  Daudu  Ta  élevé  à  la  bonne  école  du  conmierce,  il 
sait  de  quelle  façon  lente  et  sûre  on  arrive  aux  finesses,  aux 
roueries  du  métier;  Tari  n'est  pas  de  vendre  beaucoup,,  mais 
de  vendre  cher  [:20]. 

Dès  son  entrée  dans  la  maison,  Colomban  a  compté  sur  sou 
maria^'e  avec  Geneviève  Daudu; il  la  regarde  comme  une  aflaire 
excellente  et  honnête;  la  certitude  de  Tavoir  renipéc:he  de  la 
désirer  [IG].  Ll,  fixé  à  son  comptoir  obscur,  il  vit  en  extase 


DES  UOUGOX-MACQUAUT  91 

devaijl  un  rayon  du  Donbeur  des  Dames,  il  brûle  d*amour 
pour  Clara  Prunaire,  ne  f  e  doutant  même  pas  de  la  torture  que 
subit  Geneviève.  A  mesure  que  le  Vieil  Elbeuf  sombre  dans  la 
faillite,  la  passion  do  Colombnn  s'exaspère,  muette  et  sour- 
noise, le  détacbaut  cbaque  jour  de  sa  fiancée,  de  Daudu,  de 
tout  le  vieux  commerce,  où  on  l'a  élevé.  Lorsque  la  malfaisante 
Clara  s'amuse  a  satisfaire  son  amour,  il  ne  dit  rien  aux  Daudu, 
devient  le  chien  obéissant  de  cette  fille  et,  après  une  lettre 
d'adieu,  faite  avec  des  phrases  soiîj^nées  d'homme  qui  se  suicide, 
il  disparaît,  mêlant  son  amour  d'un  calcul  avisé,  ravi  au  fond 
de  renoncera  un  niuriagc  désastreux  [iSoJ.  {Au  Bonheur  des 
Dames.) 

Colombe  (Lt  i*ére').  —  Patron  de  l'Assommoir  de  la  rue 
des  I^oissonniers,  au  coin  du  boulevard  Rocliechouart  [39]. 
C'est  UM  «jMos  homme  de  quarante  ans,  à  gilet  à  nii riches,  à 
bras  énormes,  qui  verse  tranquillement  les  tournées  d'alcool, 
du  matin  jus«|u'au  soir  et,  l'heure  de  la  fermetui'e  arrivée, 
flanque  la  >0('iété  dehors,  sans  se  gêner,  en  un  tour  de  main 
[•ii8].  {LAssommoir,) 

Combelot  (De).  —  Mari  d'Henriette  Delestang.  Grand  bel 
homme,  trè^  hlaiic  de  peau,  avec  une  barbe  d'un  noir  d'encre 
qui  lui  vaut  de  vifs  succès  parmi  les  femmes.  C'est  un  cham- 
bellan (|ue  le  dépaitement  des  Landes  a  nommé  député,  sur  un 
désir  foriiirl  exprimé  par  l'empereur  [11].  11  n'a  pas  son  pareil 
pour  tourner  la  manivelle  du  piano,  dans  les  soirées  intimes  de 
Compiègne[2l  I].  {Son  Excellence  Eugène  Rougoii.) 

Combelot  (Madame  de).  —  Voir  Delestang  (Henriette). 

Combette.  —  Pharmacien  au  Chêne-Populeux.  Adjoint  au 
maire.  C'est  un  polit  homme  sec  et  remuant.  Les  réquisitions 
qu'il  reçoit  à  la  mairie,  dans  la  nuit  du  27  au  28  août  l^STO,  lui 
révèlent  l'irrémédiable  malheur  de  rannée  de  Chàlons,  con- 
damnée par  l'inlérêt  dynastique  à  reprendre  sa  marche  vers  le 
gouffre  [119].  (La  Débâcle.) 

Combette  (Madame).  —  Femme  du  pharmacien  [11  i]. 
C'est  elle  qui,  le  soir  du  27  août,  olfre  l'hospitalité  au  soldat 
3Iaurice  Levnsseur,  brisé  de  fatigue  et  blessé  au  pied  par  la 
marche.  (La  Débâcle.) 

Combeville  (Duchesse  de).  —  Mère  de  la  princesse  d'Or- 
viedo[47J.  (L'Argent,) 


9i  LES  PERSONNAGES 

Goxnborel  et  G'*.  —  Maison  de  transports  maritimes  pour 
rAlgérie  et  la  Tunisie.  Entre  dans  le  syndicat  de  la  Compagnie 
générale  des  Paquebots  réunis,  fondée  par  Aristide  Saccard 
[179].  (VArgent.) 

Goxnpan  (Abbé).  —  Curé  de  Saint-Saturnin.  En  guerre 
depuis  trente  ans  avec  Tabbé  Fenil,  vicaire  général  du  diocèse 
de  Plassans.  Meurt  comme  un  pestiféré,  aucun  prêtre,  sauf  son 
ami  d'enfance  Bourrette  qui  en  tremble,  n*osant  aller  le  voir  et 
braver  ainsi  la  colère  de  Fenil  [li8].  {La  ConqucU  de 
Plassans.) 

Gondamin  (De).  —  Conservateur  des  eaux  et  forêts,  à 
Plassans.  Del  homme  de  soixante  ans,  à  Tair  conservé,  fort  de 
teint.  Toujours  à  cheval,  ganté,  les  culottes  collantes  [il]. 
Originaire  de  Bourgogne,  il  a  fait  un  mariage  équivoque  et  a 
été  nommé  à  Plassans  à  la  veille  de  TEmpire  ;  il  laisse  toute 
liberté  d'allures  à  sa  femme  et  se  distrait  dans  de  vilaines 
aventures  de  fillettes  [^92].  Son  régal  est  de  raconter  les  his- 
toires scandaleuses  de  la  ville,  se  moquant  du  monde,  mentant, 
traversant  toutes  les  intrigues  avec  un  bel  air  cynique,  rappelé 
parfois  à  l'ordre  par  madame  de  Condamin,  qui  se  sert  habile- 
ment de  ce  dangereux  et  perfide  bavard  [293].  (La  Conquête 
de  Plassans) 

Gondamin  (Madame  Octavie  de).  —  Plus  jeune  de  trente 
ans  que  son  mari,  amenée  un  jour  à  Plassans  on  ne  sait  trop 
d*où  [78],  madame  de  Condamin,  très  élégante,  très  aimable, 
pleine  de  bonne  grâce,  est  aimée  de  toute  la  ville,  où  elle 
devient  bientôt  toute-puissante.  Elle  a  vécu  autrefois  rue  du 
Helder,  d'une  existence  louche,  ayant  entre  autres  amis  un 
puissant  personnage  qui  l'a  mariée  et  qui  lui  envoie  du  ruban 
rou^e  autant  qu'elle  en  demande  [3U].  Agent  occulte  du  mi- 
nistre, marchant  d'accord  avec  Félicité  Rougon  qui  s'eflace 
habilement,  elle  devient  ralliée  la  plus  active  de  l'abbé  Faujas, 
partant  en  campagne  chaque  matin,  agissant  sur  ses  amis  et 
les  amis  doses  amis,  distribuant  des  places,  apprivoisant  même 
les  Paloque,  apportant  à  la  conquête  de  la  ville  tout  son 
charme  de  jolie  femme.  (La  Conqucle  de  Plassans,) 

Gonin.  —  Papetier  au  coin  de  la  rue  Feydeau.  Fournit  de 
carnets  toute  la  Bourse,  depuis  qu  il  est  aidé  par  la  petite 
madame  Conin.  C'est  un  gros  homme  qui  ne  sort  jamais  de 
son  arriêre-boulique,  s'occupant  de  la  fabrication  ["lo],  (LMr- 


DES  nOUGO-*^-MACQUAnT  93 

Gonin  (Madame).  —  Femme  du  papetier.  Elle  sert  au 
comptoir  et  fuit  les  courses  nu  dehors.  Grasse,  blonde,  rose,  un 
vrai  petit  mouton  frisé,  avec  des  cheveux  de  soie  pAle,  très 
gracieuse,  très  câline,  et  d'une  continuelle  g^aieté.  Elle  aime 
bien  son  mari,  dit-on,  ce  qui  ne  Fempéche  pas,  quand  un  bour- 
sier de  la  clientèle  lui  plait,  d*ôlrc  tendre,  mais  pas  pour  de 
]*nrgent,  uniquement  pour  le  plaisir,  et  une  seule  fois,  dans  une 
maison  amie  du  voisinage,-  passage  des  Panoramas.  Les  heu- 
reux qu'eHe  fait  doivent  se  montrer  discrets  et  reconnaissants, 
car  elle  reste  adorée,  fêtée,  sans  un  vilain  bruit  autour  d'elle 
[56].  Saccard  lente  inutilement  de  l'avoir  [283].  (LWrgent.) 

Coquart  (Les).  —  Propriétaires  de  la  ferme  de  Saint- 
Juste,  le  père,  la  mère,  trois  (ils  et  deux  filles.  Culiivent  eux- 
mêmes  leur  ferme,  mais  réussissent  mal,  tant  la  terre  rapporte 
peu[lO-J].  Ils  sont  forcés  de  vendre  [iT;î].  (La  Terre.) 

Coquet  (Le  ménage).  —  Voisins  des  Lorilleux,  rue  de  la 
Goulte-d'Or.  S'enlétent  à  allumer  leur  fourneau  sur  le  carré, 
doivent  trois  termes  et  se  font  donner  congé  [71],  (L\4s50??i- 
moir,) 

Corbière  (Comte  de).  —  Propriétaire  du  Paradou.  Quand 
il  est  mort,  on  a  confié  ù  Jcanbernat,  son  frère  de  lait,  la  garde 
de  cette  sorte  de  parc  de  la  Belle  au  Bois  dormant  [52].  (La 
Faute  de  l'abbé  MourcL), 

Corbreuse  (Duc  df.).  ^  Propriétaire  d'une  écurie  de 
courses  [381].  (Sana.) 

Cornaille.  —  Le  premier  marchand  de  nouveautés  de 
Valognes.  C'est  chez  lui  que  Denise  Baudu  a  appris  le  com- 
merce [2],  (Au  Bonheur  des  Daines,) 

Cornemuse.  —  Cheval  de  courses.  Gagne  le  prix  de  la 
Ville  de  Paris  [398].  (Xana.) 

Cornille.  —  De  la  société  Cornille  et  Jenard,  qui  exploi- 
tait au  dix-huitième  siècle  la  concession  minière  de  Joiselle, 
réunie  en  17G0  à  deux  concessions  voisines,  celles  du  comte  de 
Cougny  et  du  baron  Desrumaux,  pour  former  la  Compagnie 
des  mines  de  Monisou  [83].  (Germinal,) 

Cornille  (AnnÉ).  —  Prêtre  de  la  cathédrale  de  Beaumonl 
[100].  Vn  bon  abbé  aimé  des  fidèles.  Il  marie  Félicien  de  Haute- 
cœur  et  Angélique  Marie.  (Le  lit've.) 


9i  LES  PEKSONNAGCS 

Gorreur  (Madame  Mélanie).  —  Une  des  plus  vieilles 
amies  ilu  ministre  Iîouj^oq.  Dame  fort  respectalile,  face  trop 
rose,  front  couvert  de  petits  frisons  de  poupée  lilonde,  cou  gras 
encore  1res  lieau,  malgr**  ses  quarante-buit  ans  [7].  C'est  une 
demoiselle  Mnrlineau,  d'une  bonne  famille  de  Coulonges,  en 
Vendée,  et  file  ne  s'explique  jamais  sur  son  nom  de  Correur. 
A  viii}!t-qualre  ans,  elle  s*est  enfuie  avec  un  garçon  boucher; 
depuis  ce  temps,  elle  est  morte  pour  sa  famille  [58].  On  la 
retrouve  tenant  Thôtel  Vaneau,  rue  Vaiieau  [33],  où  elle  a  eu 
des  faiblesses  pour  Eugène  Ilougon,  alors  à  ses  débuts.  Depuis 
que  le  grand  homme  est  arrivé  aux  honneurs,  elle  fait  partie 
de  sa  bande,  poussant  une  foule  de  protégés,  obtenant  des 
bureaux  de  tabac,  des  pensions,  des  faveurs  de  toute  nature» 
faisant  d'ailleurs  plusieurs  métiers  lucratifs,  avec  deux  appar- 
tements, un  rue  B'anche,  l'autre  rue  Mazarine,  où  les  fonction- 
naires iiiûacnis  trouvent  dt'S  femmes  aimables  [â2S].  Cette 
vieille  aventurière  qui  a  été  toute  la  jeunesse  du  charte  Rougon 
compromet  a  plaisir  cet  bomme  arrivé,  et,  pour  hériter  plus 
vite  d'un  frère  qui  ne  se  décide  pas  à  mourir,  elle  (init  par  enli- 
zer  le  ministre  dans  la  sale  affaire  Martineau.  une  abominable 
arrc>tation  qui  ressemble  à  un  assassinat  [360].  Madame  Cor- 
reur réalisera  bientôt  une  de  ses  idées  fixes,  qui  est  de  se 
montrer  à  Coulonges,  en  femme  cossue  et  respectée.  {Son 
Excellence  Eugène  Rougon,) 

Cosinus.  —  Cheval  de  courses.  Engagé  dans  le  Grand- 
Prix  de  Paris  [38'i].  (Nana,) 

Gossard  (le  père).  —  Souffieur  aux  Variétés.  Un  petit 
bossu  [301-].  (Xana.) 

Coudeloup  (Madame).  —  Boulangère  rue  des  Poissonniers 
[20'îJ^  Fournit  les  Coupeau  jusqu'au  jour  où  Lanlier  décide 
qu'on  aihèiera  du  pain  riche  à  la  boulangerie  viennoise  [316]. 
{L'Af>so}nuioi) ,) 

Couillot  (1-ES).  —  Paysans  de  Rognes.  Leur  fils  a  le 
nuniéro  llv  )  au  tirage  au  sort  [Aô^],  {La  Terre.) 

Cougny  (Comte  de).  —  Possédait  au  dix-huilièîne  siècle  la 
conce>sion  de  Cougny,  réunie  en  1760  à  celle  de  Juiselle  (Cor- 
nillc  et  Jen;ird)  et  à  celle  de  Montsou  (Desruniaux,  Fauquenoix 
et  C^').  pour  former  la  Compagnie  des  mines  de  Montsou  [83]. 
{Germinal,) 


DES  ROUGON-MACQUAUT  95 

Goupeau  (Maman). —  Mère  de  mndnme  Lerat.  de  madame 
Lorilleux  el  de  Coupeau.  Ancienne  gileiicre,  fail  des  ménages  à 
cause  de  ses  yeux  qui  s'en  voni  [52].  C'esl  une  grosse  femme 
dont  les  enfants  s'entendent  mal  et  qui  cherche  à  raccommoder 
tout  le  monde,  heureuse  de  irouver  cent  sous  chez  les  uns  et 
chez  les  outres  [138].  A  soixanle-sepl  ans,  ses  yeux  soiil  com- 
plètement perdus.  Gervaise  la  recueille  [tO^].  E  le  jiime  les 
bons  morceaux,  hoit  la  goutte  en  compagnie  de  sa  helle-fille, 
s'entend  bien  avec  elle,  puis^  hostile  au  fond,  file  en  dit  pis 
que  pendre,  se  plaint  constamment  aux  Lorilleux,  parvient 
à  faire  battre  toute  la  famille  [353],  assiste  à  la  déchéance  du 
ménage  Coupeau  et  se  charge  de  tout  porter  au  clou,  où  les 
employés  la  connaissent  sous  le  nom  de  la  mère  Quatre-Francs 
[3Gi].  Un  asihine  qui  la  met  au  lit  pendant  deux  ou  trois 
semaines  tons  les  ans  finit  par  l'emporter  ;  elle  meurt  une  nuit 
où  son  fils  HSt  rentré  ivre  mort  et  elle  est  ensevelie  par  Ger- 
vaise et  Lantier  [377].  (L'Assommoir.) 

Goupeau(i).—  Né  en  1824  à  Paris,  52,  rue  de  laGoult^-d'Or 
[53].  Fils  de  mamm  Coupeau,  frère  de  ma  lame  Lerat  el  de 
madame  Lorilh'ux.  Mari  de  Gervaise  Macquart.  I  ère  d'Anna 
Coupeau,  dite  »\ana.  Ouvrier  zingueur.  A  vingt-six  ans,  c'est  un 
garçon  très  propre,  à  la  mâchoire  inférieure  saillante,  au  nez 
légèrement  é'ra>é,  il  a  de  beaux  yeux  marrons,  la  face  d'un 
chien  j'^'veux  et  hon  enfant.  Sa  grosse  chevelure  frisée  >e  tient 
tout  debout  [40].  De  caractère  faible,  tremhlant  devant  les 
Loiilleux,  il  vit  sans  se  soucier  de  l'avenir,  il  a  une  drôlerie 
gouailleuse  d  ouvrier  parisien,  c*est  un  bon  sujet,  très  sobre,  on 
le  surnomme  C^del-Cassis  parce  qu'il  prend  génémleiueut  du 
cassis,  r)nnnd  les  camarades  le  mènent  de  fone  chez  le  mar- 
chand de  vin  [52].  Son  père,  ouvrier  zingueur  comme  lui,  s'est 
écrabouillé  la  tète  un  jour  de  ribolte  en  tombant  de  la  ^'out- 
tièrc  du  n®  25  de  la  rue  Coquenard  et  ce  souvenir  rend  sage 
toute  la  famille  [.l«]. 

Coiineau  hiibite  à  l'hôtel  Boncœur.  Il  y  rencontre  Gervaise 
Macquart,  qui  vient  d*éire  ahandonnér  par  Lantier  ;  il  en  ferait 
bien  sa  maîtresse,  mais  comme  elle  refuse,  il  ré|»oii>c.  Le 
ménage  travaille  courageusement  pendant  quatnî  ans.  le  mari 
ne  se  dérangeant  pas,   rapportant  ses  quinzaines  [liOJ;  une 


(I)  Coupeau,  ouvrier,  de  famille  alcooVtquey  marié  en  1802  à  Ger- 
vaisc  Macquart,  {Arbre  généalogique  des  liouyon-MacquarL) 


116  LES  PERSONNAGES 

fille  est  venue,  Anna  ;  on  a  mis  six  cents  francs  de  côté,  Ger- 
vnise  va  s'établir,  lorsqu'un  malheur  survient  [liG]  :  Coupeau 
tombe  du  toit  d'une  maison  de  trois  étages,  rue  de  la  Nation. 
Sa  convalescence  dure  quatre  longs  mois  ;  la  paresse  Ta  envahi, 
il  a  même  refusé  d'apprendre  à  lire  pendant  les  inlerniinables 
journées  où  il  restait  étendu,  à  ne  rien  faire.  Très  vexé  de  sa 
chute,  il  s'indigne  contre  cet  accident  qui  n'aurait  pas  dû  arri- 
ver à  un  homme  à  jeun  [153],  il  a  une  rancune  sourde  contre  le 
travail,  trouve  une  joie  à  ne  rien  faire,  va  bluguer  les  cama- 
rades au  chantier  et  se  met  à  boire. 

Gervaise  a  pu  s'établir  en  empruntant  de  l'argent.  Coupeau 
ne  travaille  plus  que  par  à-coups;  il  a  commencé^  par  ne 
prendre  que  du  vin,  il  rentre  éméché,  puis  les  cuitesVaccen- 
tuent,  il  vit  dans  un  perpétuel  mal  de  cheveux  qui  lui  enlève 
toute  énergie  et  le  tient  altéré,  rôdant  chez  tous  les  marchands 
de  vin  du  quartier  [193].  Les  Lorilleux  ont  repris  sur  lui  leur 
ancienne  influence  et  désunissent  sournoisement  le  ménage. 
Coupeau  ne  se  gène  plus  ;  du  vin  il  passe  à  Teau-de-vie,  il 
devient  un  lidèle  client  du  père  Colombe;  ce  sont  maintenant 
des  ivresses  blanches.  La  boisson  l'a  rendu  tout  à  fait  coulant 
sur  le  chapitre  de  la  fidélité  conjugale;  il  a  ramené  Lantier 
chez  lui,  l'a  réconcilié  avec  Gervaise  et  ce  sont  des  noces  à 
tout  casser  entre  les  deux  hommes,  une  promiscuité  où  Cou- 
peau achève  de  perdre  toute  dignité.  11  ne  touche  plus  aux 
outils,  mange  beaucoup,  prospère  dans  l'alcool.  11  a  engraissé, 
sa  face  d'ivrogne  se  culotte,  ses  cheveux  maintenant  poivre  et 
sel,  en  coup  de  vent,  flambent  en  brûlot.  Il  lui  faut  sa  pâtée 
malin  et  soir,  il  ne  s'inquiète  pas  d'où  elle  lui  tombe. 

Coupeau  assiste  indifférent  à  la  lente  déchéance  de  sa  femme; 
il  a  pleuré  comme  un  veau  devant  sa  mère  morte  [378],  mais 
rien  ne  jieul  plus  le  corriger,  les  ravages  de  l'alcool  s'accen- 
tuent, il  lui  faut  une  chopine  d'eau-de-vie  par  jour,  son  teint 
se  plombe,  ses  mains  se  mettent  a  trembler.  On  l'a  transporté 
à  Lariboisiére,  pour  une  fluxion  de  poitrine;  on  est  obligé  de 
l'envoyer  à  Sainte-Anne,  il  a  le  délire.  Sept  fois  en  trois  ans,  il 
subit  cet  internement  chez  les  fous,  ne  sortant  que  pour  voir 
Gervaise  de  plus  en  plus  avachie,  l'habituant  à  boire,  la  pous- 
sant à  lii  prostitution,  provoquant  par  ses  grossièretés  la  fuite 
de  Nana.  C'est  le  relâchement  complet,  ranéanlissemcnt  de  la 
famille.  A  celle  époque,  le  poison  achève  son  œuvre.  Le  corps 
du  malheureux,  imbibé  d'alcool,  commence  à  se  ratatiner.  Les 
joues  creuses,   les  yeux  dégoûtants,  l'ancien   zingueur   passe 


DES  ROUGON-MACQUAKT  97 

courbé,  vacillant,  vieux  comme  les  rues.  I)  est  devenu  sourd 
d'une  oreille  en  quelques  jours,  sa  vue  baisse,  puis  ce  sont  des 
paralysies  partielles  [500].  Agé  de  quarante-quatre  ans,  Cou- 
peau  finit  par  mourir  à  Tasile  Sainte-Anne,  dans  un  dernier 
accès  de  folie  alcoolique  [566]. 

Goupeau  (Madame).  —  Voir  Macquart  (Gervaise). 

Goupeau  (Anna).  —  Voir  Nana. 

Goupeau  (Louis).  —  Voir  Louiset. 

Gourajod.  —  Maître  paysagiste,  Tauieur  de  la  Mare  de 
Gagny,  ua  tableau  du  Luxembourg  [175].  C'est  un  vieil  artiste 
disparu  avant  sa  mort,  et  qui  se  survit,  retiré  dans  une  petite 
maison  de  la  rue  de  TAbreuvoir,  derrière  Montmartre,  au 
milieu  de  poules,  de  canards  et  de  chiens.  Ce  maître,  qui  a 
inventé  le  paysage  moderne,  vit  là,  inconnu,  lini,  terré  comme 
une  taupe  ;  ses  quatre-vingts  ans  l'ont  rapetissé  ù  la  taille  d*un 
gamin,  il  a  tout  oublié,  révocation  de  sa  gloire  par  Claude 
Lantier  lui  faii  peur,  il  la  repousse  par  des  paroles  sans  suite, 
mûcbounées  entre  ses  gencives,  un  zézaiement  de  vieillard 
retombé  en  enfance  [349],  (L'Œuvre.) 

Goutard.  —  Soldat  d'infanterie.  Appartient  à  la  deuxième 
division  du  !•'  corps,  battue  le  i  août  1870  à  Wissembourg.  11 
lavait  sa  chemise,  ses  camarades  faisaient  la  soupe,  quand  les 
obus  se  sont  mis  à  pleuvoir  sur  les  marmites.  Jusqu'à  onze 
heures,  on  s'est  cru  vainqueur,  mais  les  cinq  mille  hommes 
d'Abel  Douay  ont  été  assaillis  par  de  vraies  fourmilières  de 
soldats  ennemis,  des  files  de  fourmis  qui  submergaient  tout. 
On  s'est  retranché  sur  le  Geissberg,  on  a  tué  beaucoup  de 
Prussiens  ;  ils  sautaient  en  l'air,  ça  faisait  plaisir  de  les  voir 
retomber  sur  le  nez,  mais  il  en  arrivait  toujours,  dix  hommes 
contre  un,  du  canon  tant  qu'on  en  demandait.  11  a  bien  fallu 
déguerpir  [Giî].  Puis,  après  la  surprise  imbécile  de  Wissem- 
bourg, c'est  l'écrasement  de  Frœschwiller,  l'eifroyable  déroute, 
et  l'on  retrouve  quinze  jours  plus  tard,  près  de  Beims,  le  sol- 
dat Coulard  et  son  camarade  Picot,  du  1*  corps,  tous  deux  en 
loques,  couverts  de  boue,  pareils  à  des  bandits  las  de  rouler 
les  routes.  Ils  rallient  leur  régiment  le  22  août.  {La  Débâcle.) 

Crasse  (La).  —  Surnom  d'un  professeur  du  collège  de 
Plassans.  Les  élèves  l'ont  appelé  ainsi  parce  qu'il  teignait  les 
chaires  en  noir,  du  continuel  frotlemeni  de  sa  tète  [37 J. 
(L'Œuvre.) 

y 


08  LES  PERSONNAGES 

Grèvecœur.  —  Marchand  de  dentelles,  rue  du  Mail  Henri 
Dcloclte  quille  sa  maison  el  entre  au  Douheur  des  Dames,  le 
même  jour  que  Denise  Baudu  [G9].  (Au  Bothhenr  des  Dames.) 

Gron.  —  Charrelier  à  Vendôme.  P^re  de  Lêônie  Cron.  On 
l'afipe  le  Cron  le  eoeu  [ill]  (UArgent.) 

Gron  (Lêome).  —  Une  fiHc  de  Vendôme,  séduite  par  un 
noble  ruiné,  le  comte  de  Beauvilliers.  Est  restée  sans  un  sou  à 
la  moii  du  comic^avec  un  cliiiïon  de  papier  iunlile,  une  recon- 
naissanct'  de  dix  mille  francs,  payable  à  sa  majorité,  mais  léga- 
kiuenl  sans  valeur.  Dévorée  du  désir  de  venir  à  Paris,  clic  a, 
moyennant  une  somme  intime,  ce  lé  a  l'usurier  Charpier  cette 
reconnnissiince  qui  tombera  plus  tard  aux  mains  de  Cusch. 
Celni-ci  fait  reclierch^r  Léonie,  successivement  bonne  à  loul 
faire  rbez  un  hnissier,  un  boucher,  une  dame  galante,  un 
dtinli-lc,  cli:i>s-e  de  pirlout  pour  inronduite  iiotoire,  complèie- 
menl  disparue  [155],  puis  enfin,  après  dix  ans  de  prostilnlton, 
retrouvée  dans  un**  maison  publique  de  la  rue  Feydeau,où  elle 
porte  le  nom  de  Léonide.  C'est  une  grosse  fille,  aux  durs  che- 
veux noirs  tombant  sur  les  sourcils,  à  la  face  plate  et  molle, 
d'une  bassesse  imnumde  [3t8J.  Et,  moyennant  la  promesse  d'un 
don  de  mille  fraors,  elle  consent  à  être  Tinslrument  de  Busch 
dans  le  chantage  qu'il  prépare  contre  la  comtesse  de  Beauviliieis 
l'Ail  iVAryent.) 

Guche  (Famille).  —  Pêcheurs  habitant  Bonnevillc  el 
ruinés  par  um*  tempête  qui  a  d«qruit  leur  maison.  Cucbe  s*est 
réfugié  chez  se-^  cousins  Gonin  où  il  sera  bientôt  mailre  de  la 
maison,  la  paralysie  liu  mari  lui  livrant  la  femme  et  la  barque 
[1^8]  Il  vil  niurilaleinent  avec  sa  cousine,  la  femme  Gonin, 
rouant  de  coups  ie  mari  infirme,  provoquant  sans  doute  sa 
mort  [i-28]. 

La  trmmiî  Cnrhe  est  allée  s'installer  au  fond  d'un  poste  de 
douanitrs  tundjé  en  ruine  et,  malgré  sa  laideur  repoussante, 
elle  coudie  avec  tout  le  pays.  I/cnfant,  Agé  de  trois  ans,  a 
suivi  sa  more  et  vit  avec  elle  dans  une  affreuse  promiscuité. 
A  douze  ans,  c'est  un  galopin  eldanqné,  mai;jrc  de  vices  pré- 
coces [I-7J,  secouru  par  Pauline  Quenu  qui  fait  bc;jucoup  de 
bien  dans  le  piys.  A  dix-S'  pi  ans,  il  est  deverm  robuste,  mais 
refuse  ab-oluin»'nt  de  travailler,  par  haine  de  la  servitude.  Sa 
mère,  aujourd'hui  conlrefa  le  el  boitant  alTreusemenl,  se  prostitue 
à  tous  les  hommes  pour  trois  sous  ou  pour  uu  reste  de  lard 
[i272j.  Plus  tard,  enfin,  comme  elle  est  trop  vieille  et  que  les 


DES  UOLT.ON-MACQUAliT  9Ï> 

liomnios  non  veul«'iU  plus,  le  jeune  tluclic  hal  le  pays  pour  lui 
anienor  du  momie.  11  porie  pour  loul  vùhMncnl  une  vieille 
eulollc  et  un  moiveau  de  chemise  délo«|Uf*!éc.  P.iuline  lui  a 
trouvé  une  jilaee  d^liomme  tî'tMjuipe  sur  la  ligne  de  Cherbourg, 
mais  le  pclil  sauvage  préfère  ne  pas  mangiT  ei  resier  libre 
l'rlCf],  vivant  de  rapines  comme  un  loup.  {La  Jote  de  vivre.) 

Gudorge  (Mesdames).  —  La  mère  et  la  lille.  Marchrindes 
de  parapluies  rue  Nruve  de  la  Goulie-d'Or,  voi-ines  de  Ger- 
vaise.  Ne  se  montrent  jamais  [171].  (UAssounuoir.) 

Gugnot.  —  Meunier  de  Cbarlres.  Ruiiu'  par  un  procès,  il  a 
envoyé  sA  lille  faire  furtuiie  à  Paris,  avec  vingt  francs  dans  la 
poche  [loi].  (-1?/  Donitcnr  (Icfi  Dames.) 

Gugnot  (Pauline).  —  Fille  du  meunier.  A  débuté  à  Paris 
comme  v.ijdcuse,  d'abord  au  fond  d'un  magasin  des  Pialignolles. 
puis  au  lioiiheur  des  iKunes;  de  terribles  débuis,  t»>uies  lc> 
blessures  et  toutes  les  privations.  C'est  une  lille  à  ligure  large> 
l'air  agréable.  Vendeuse  du  rayon  de  la  lingerie,  elle  gagne 
deux  cents  francs  par  mois,  prend  des  plaisirs,  laisse  coulerses 
journées  dans  l'insouciance.  Son  premier  amant  fut  un  clerc 
d'avoué,  qu'elle  connut  dans  une  partie,  à  .Meudon  ;  elle  s'es 
mise  cnsuile  avec  un  employé  des  postes  el  mainteniint,  elle 
fréquente  un  vendeur  du  Bon  Marché,  fîaugé,  chez  qui  elle 
passe  toutes  ses  heures  libres.  Pauline  n'a  jamais  qu'un  amant 
à  la  fols,  sa  conviction  est  qne  b^s  femmes  vivmt  de  leur  travail 
ne  peuvent  se  suffire,  mais  comme  elle  est  honnête,  elle  s'indigne 
lorsqu'on  parle  «le  ces  Iilles  qui  se  donnent  au  premier  venu 
[157].  Se  rapprlanl  ce  qu'elle  a  soulîerl,  les  premiers  mois, 
dans  son  rayon,  elle  est  secourable  à  Denise  Diudn,  sans  rien 
comprendre  pourtant  aux  idées  de  la  jeune  lille  qui  résiste 
à  ses  conseils  pratiques  avec  un  incroyable  entêtement.  Pauline 
finit  par  se  marier  avec  Daugé,  coinpromettanl  ainsi  sa  poaition 
au  Bonheur  des  Dames,  où  l'on  n'aime  guère  les  ménages,  où 
l'on  traite  les  vendeuses  mariées  en  saliols,  en  femmes  per- 
dues pour  le  commerce  [o97J.  Devenue  enceinte,  elle  passerait 
sans  pitié  à  la  cai-se.  si  D^'nise,  dev«'nuf^  toute-puissant»^,  ne  hi 
sauvait  du  terrible  Bourdoncle  [431].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 


D 


Dabadie.  —  Chef  de  gare  au  Havre.  Bel  homme,  très  brun, 
bien  tenu,  ayant  les  allures  d'un  grand  commerçant  tout  à  ses 
affaires.  Se  désintéresse  volontiers  de  la  gare  des  voyageurs, 
se  consacrant  surtout  au  mouvement  des  bassins,  au  transit 
énorme  des  marchandises,  en  continuelles  relations  avec  le 
haut  commerce  du  Havre  et  du  monde  entier.  Veuf,  père  d'une 
grande  fille  toujours  en  pension,  il  serait  au  mieux,  dit-on, 
avec  mademoiselle  Guichon,  la  buraliste  [85J.  {La  Bête 
humaine.) 

Daguenet  (Paul).  —  Le  greluchon  de  Nana.  Son  père, 
très  estimé  de  Louis- Philippe,  a  occupé  jusqu'à  sa  mort  une 
préfecture.  Un  oncle,  grand  propriétaire,  doit  lui  laisser  sa 
lortune.  Quant  à  lui,  il  est  ruiné.  Il  a  mangé  en  dix-huit  mois 
trois  cent  mille  francs  avec  les  femmes  et  il  bibelote  à  la 
Bourse  pour  leur  payer  encore  des  bouquets  et  des  dîners  de 
temps  à  autre  [9].  Ses  grands  succès  auprès  de  ces  dames  sont 
dus  à  la  douceur  de  sa  voix,  une  voix  d'une  pureté  et  d'une 
souplesse  musicales,  qui  l'a  fait  surnommer  chez  les  filles 
Bouche-de-Velours.  Toutes  cèdent,  dans  la  caresse  sonore  dont 
il  les  enveloppe  [361].  La  dot  d'Estelle  MufTat  le  décide  à  faire 
une  fin.  Il  se  pousse  dans  la  famille  et,  après  s'être  maladroi- 
tement brouillé  avec  Nana,  se  réconcilie  pour  qu'elle  oblige  le 
comte  Muiïat  à  l'accepter  pour  gendre.  Comme  courtage,  il 
apporte  à  Nana,  le  jour  de  la  cérémonie,  l'élrennede  son  inno- 
cence [151].  Devenu  sérieux  après  le  mariage,  Daguenet  obéit 
au  vieux  Théophile  Venot  et  tremble  devant  Estelle  qui  s'est 
révélée  femme  énergique.  Maintenant,  il  l'accompagne  à  la 
messe,  converti,  furieux  contre  son  beau-père  qui  les  ruine 
pour  Nana,  redevenue  à  ses  yeux  une  simple  créature  [170]. 
{.\ann.) 


loi  LES  PEKSO.NNAGES 

Daguenet  (Madame).  —  Voir  Mukfat  de  Beuville 
(Estelle). 

Daigremont.  —  Spéculateur  très  connu,  Tliomme  heureux 
de  lous  les  symiicats  [83].  Agé  déjà  de  quarante-cinq  ans,  , 
luttant  contre  Tenibonpoint,  il  est  de  haute  taille,  très  élégant 
avec  sa  coiffure  soignée,  ne  portant  que  la  moustache  et  la 
barbiche,  en  fanatique  des  Tuileries.  Alfecte  une  grande  ama- 
bilité, d'une  confiance  absolue  en  lui,  certain  de  vaincre.  Habite 
rue  La  Itochefoucauld  un  des  derniers  grands  hôtels  du  quartier. 
II  mène  un  train  princier,  aussi  glorieux  de  son  écurie  de 
courses  que  de  sa  galerie  de  tableaux;  il  appartient  à  l'un  des 
grands  clubs,  afliche  les  femmes  les  plus  coûteuses,  a  loge  à 
l'Opéra,  chaise  à  rhùlel  Drouot  et  petit  banc  dans  les  lieux 
louches  a  la  mode.  Son  luxe  Oambaot  dans  une  apothéose  de 
caprice  et  d'art  est  uniquement  payé  par  la  spéculation  [100]. 
On  dit  que  Duigremonl  n'est  pas  très  sûr,  qu^il  abandonne 
volontiers  ses  antis  et  qu'un  engagement  de  lui  n*est  jamais 
définitif;  on  conte  à  son  sujet  des  histoires  extraordinaires, 
surtout  celle  de  l'Iladamantine  [109],  mais  comme  il  a  l'appui 
d*une  fortune  colossale,  toutes  les  adaires  viennent   s'oOrir. 

C'est  grâce  à  son  concours  qu'Aristide  Saccard  a  pu  fonder  la 
Banque  Universelle.  Dai;;remont  sait  s'attribuer  de  grosses 
primes  dans  Taffaire  [HO],  il  marche  longtemps  avec  Saccard, 
restant  charmant,  l'invitant  à  ses  fêtes,  signant  tout  sans  obser- 
vations, avec  sa  bonne  grâce  de  Parisien  sceptique  qui  trouve 
que  tout  va  bien,  tant  qu'il  gagne  [^73],  mais  il  garde  son 
indépendance  absolue  et,  au  jour  précis  du  danger,  malgré 
une  promesse  formelle,  il  abandonne  brusquement  la  bataille 
[358],  sans  un  geste  pour  sauver  d'une  défuite  décisive  la 
Banque  Universelle.  {UArgent.) 

Daigremont  (Madame).  —  Femme  du  financier.  Est 
célèbre  par  sa  beauié;  rcn^porte  dans  le  monde  de  vifs  succès 
de  cantatrice  [100].  (UArgent.) 

Dalichamp.  —  Médecin  à  Raucourf,  à  six  kilomètres  de 
Remilly.  Ilomiiie  court,  à  la  grosse  ié:e  ronde,  dont  le  collier 
de  barl)e  et  les  cheveux  grisonnent;  son  visage  coloré  s'est 
durci,  pareil  à  ceux  des  paysans,  dans  sa  contin«ielle  vie  au 
grand  air,  toujours  en  marche  pour  le  soulagement  de  quelque 
souffrance  ;  ses  yeux  vifs,  son  nez  lèlu,  ses  lèvres  bonnes 
disent  claireineni  son  existence  entière  de  brave  homme  cha- 
ritable, un  peu  braque  parfois,  médecin  sans  génie,  dont  une 


DES  l;Oi:CON-MACQUAnT  103 

longue  pratique  a  fait  un  excellent  guérisseur  [48i].  S'inté- 
ressant  aux  enfunls  des  malheureuses  qu*il  accouche,  il  a  placé 
la  petite  Siivine  Morange  chez  le  père  Fouchard,  pour  la  sauver 
de  la  dêbaii'.'he  de  l'usine. 

Dès  le  milieu  d*aoùt  1870,  il  a  installé  une  ambulance  dans 
la  grande  salle  de  la  mairie. de  Piaucourt.  Le  30  août,  derrière 
le  7'corfis.  en  marche  vers  la  Meuse  sous  la  canonnade  enne- 
mie, le  docteur  a  vu  arriver  les  Bavarois,  des  hommes  noirs, 
petits,  Tair   sale,  avec  de  grosses   télés  vilaines,  coiiïées  de 
casques  pareils  ù  ceux  de  nos  pompiers;  il  en  a  vu  des  milliers 
et  des  inillicri,  arrivant  de  partout  en  colonnes  serrées,  le  pays 
en  a  été  noir  tout  de  suite,  ces  hommes  marchaient  depuis 
i-  jo::rs    cl   venaient   de  battre   le  5*  corps  à  Beauraont. 
Ti>:né5,  ils  so  sont  j»ilcs  dans  les  maisons,  dans  les  boutiques, 
I  avalant   n'iniforle    quoi,    ce  qui   leur  tombait    sous  la  main. 

..  z  baliciia:!!!»,  l'un  d'eux,  un  gros,  mange  tout  le  savon;  un 
autre  boit  ;j-ou!ùment  un  litre  de  sirop  d'opium  qui  letue[168]. 
i  uraiit  1  occupation,  le  docteur  soigne  Jean  Macquart  chez  le 
père  Foucluiri.  D'un  courajre  et  d*une  bonté  extraordinaires,  il 
a  un  cœur  ardent  de  patriote,  qui  déborde  de  colère  et  de 
chap-rin  à  cba  nie  défaile:  c'est  par  lui  qu'Henriette  Weiss  et 
'?an  saveiil  Ivs  nouvelles  extérieures,  les  grand«*s  batailles 
iiuroiqces  <f)U<  'Sh-tz  [193],  puis  la  trahison  de  IJazaine  [506],  et 
euiiu  le  rêvei!  de  la  province,  les  armées  sorties  du  sol  dans 
'  iniomphilile  volonté  de  lutter  jusqu'au  dernier  sou  et  jusqu'à 
Je*  ucruicre  |:oiitte  de  sang  [508].  (La  Débâcle.) 

Dambreville.  —  Employé  de  ministère.  Pour  avoir  de 
J'avancemeut,  a  consenti  à  faire  un  mariage  douteux  [iiT]. 
{Pot'BotiiHc) 

Dambreville  (Madame).  —  Ancienne  pécheresse  qu*uu 
ami  haut  pla'.è  a  mariée  sur  le  tard  avec  un  chef  de  bureau. 
Madame  ham!. reville  habite  avec  son  mari  un  quatrième  de  la 
rue  de  liivoli.  au  coin  de  la  rue  de  l'Oratoire.  Très  forte  et 
encore  belle  à  ciiKiuante  ans  passés,  elle  fait  des  mariages, 
ayant  coii5.'r\é  partout  des  relations  utiles.  Elle  doit  marier 
Léon  JosseraiiJ,  jeune  homme  ambiiièux,  qui  est  devenu  son 
amant  et  qu'elle  gardera  le  plus  longtemps  possible  pour  son 
usage  personnel,  se  cramponnant  à  lui  comme  au  dernier 
homme,  dans  la  crise  ardente  du  retour  d'âge  [418].  [Pot- 
Bu  utile.) 

Dambreville  (  PiAYmonde).  —  Nièce  de  Dambreville.  Jeune 


I«>*  L£5  rEft5055A€ES 

créaie  fie  seiae  aos^  très  riche  ei  dTiiiie  beaaté  édatante,  dé- 
banpire  dutx  son  «de,  afrés  servir  pcrrfa  ma  père  aux  An- 
tiUs.  laifame  DuBbffmOey  brèiêe  ^  jsiloasie  devant  cette 
îleiir  aciorabie  de  jfnp^we,  retee  d^aWrd  de  la  donner  i 
Lêoa  losserand  [416],  pois  elle  init  par  cooseatir  an  mariage, 
à  la  cmditioa  ({ne  le  jesœ  aiéBage  slnstallera  chei  elle. 
\Poi-BeKtUg,) 

Itatsacrt.  —  Xaitre  porina  an  Toreox.  Un  Belge  à  face 
êpaisBer  2>K  ?nis  oez  sesnei  [56].  Homble  Jerant  tlngénieur 
N^grei,  il  est  bnital  avec  ks  «avriers.  Toal  le  coroo  des  Deux 
ceni  quarante  sait  qnli  est  Tannnl  de  la  Pierroone  et  que 
Pinrmn^  mari  cniBpftaîsanty  le  reosetgue  snr  la  marche  de  la 
grève  [3S3].  Le  jonr  de  fanèantissement  dn  Voreox.  fou  de 
peur  éevani  ie  caTelage  arevé,  Dansaert  finit  par  sauter  dans 
Tute  beriine.  laissant  dîes  hnmmes  an  fond  [3i5].  Cette  lâcheté, 
I«  scandale  de  ses  amonrs  aiec  In  Pîerronne,  le  désir  aossi  de 
Élire  nne  avance  dbcrète  anx  mineurs,  déterminent  la  Compagnie 
i  In  reuTojer  [338].  \6erwummlJ} 

0«5tn  (Maa^ve).  —  Femme  du  monde^  TÎTant  de  galan- 
terie. IVtite»  t<He  aoliciense.  Madame  de  Lanverens  lai  trouve 
des  aounrs  dans  le  beau  monde^  où  elle  est  cotée  comme  une 
valeur  à  la  ^urse  [i39].  Amie  des  Saccard.  (La  Curée.) 

Dauvergnn.  —  Chef  a^i^int  des  grandes  lignes  à  la  gare 
Siùnt^taxdre.  Habite  avec  ses  enfants,  Claire,  Henri  et  Sophie, 
une  ttiaisou  de  la  Compagnie  de  l^>uest,  impasse  dWmsterdam 

Dauvergnn  ^Cl.uaEK  —  Sceur  de  Sophie.  Ce  sont  deux 
blondes  adorables^  qui  mènent  le  ménage  avec  les  six  mille 
traucs  du  père  et  du  frère«  au  milieu  d*un  continuel  éclat  de 
gaieté.  Elles  jouent  du  piano,  rient  et  chantent»  pendant  qu'une 
wM^e«  l^eiue  dVîseaux  des  lies,  rivalise  de  roulades.  Claire  a 
siivhuit  ans  [à].  vLn  ènrU  ANmaiNf.) 

DatUT^rgnn  ^kMiiV  —  Conducteur  chef  a  la  Compagnie, 
de  l  Ouest,  l  ne  Ireulaine  d  années.  Il  aime  Séverine  Roubaud, 
.^  »ur^^i$  sa  liaison  avec  Jacques  et  se  dit  que  son  tour  viendra 
^utM^re  i:^M^  lUessè  dans  la  catastrophe  de  la  Croix-de- 
^anf^\4$»  traus|K»rte  chex  la  jeune  temme  el  soigné  par  elle,  il 
lui  i^  wue  une  gfvtude  tendresse,  sans  obtenir  autre  chose 
|u\tne  ptvmesse  vajjue  [Ik»8].  Dans  une  hallucination  de  malade, 
\\  A  vTU  vnteudrw  devant  sa  feiuMre.   Rouhauil   se  concertant 


^^ 


DES  nOCGON-MACQCART  105 

avec  Cabache  pour  Fassassinat  de  Séverine;  son  témoignage 
erroné  est  une  des  cliarges  capitales  de  l'accusation.  (La  Bête 
humaine.) 

Dauvergne  (Sophie).  —  1/atnée  des  deusp  sœurs.  Elle  a 
vingt  ans.  (La  Bête  humaine.) 

Davoine.  -^  Successeur  des  Chanteau,  dans  le  commerce 
des  bois  du  Nord,  à  Gaen.  A  fait  l'achat  du  fonds  pour  cent 
mille  francs,  dont  il  n'a  versé  que  la  moitié.  Chanteau  laisse 
cinquante  mille  francs  pour  devenir  associé  et  partager  les 
bénéfices  [tï].  Homme  d*une  intelligence  hardie,  Davoine  a 
inspiré  confiance  à  madame  Chanteau,  mais  les  affaires  vont 
^nl,  il  tente  des  spéculations  malheureuses,  les  hausses  attcn^ 
<)ues  sur  les  sapins  ne  se  produisent  pas,  les  inventaires 
deviennent  chaque  année  plus  désastreux.  Finalement,  il  tombe 
?n  failiile  et  les  Chanteau  sauvent  péniblement  de  la  débâcle 
une  douzaine  de  mille  francs  [98].  (La  Joie  de  vicre.) 

Deberle  (Henri).  —  Docteur  en  médecine.  Mari  de  Juliette 
Letellier.  Père  de  Lucien.  Trente-cinq  ans,  figure  rasée  un  peu 
longue,  œil  fin,  lèvres  minces  [13].  Riche  et  déjà  célèbre.  Son 
père,  que  tout  Passy  vénérait,  lui  a  laissé  un  million  et  demi  et 
une  clientèle  superbe.  Il  est  propriétaire  de  Fhôtel  qu*il  habite 
rue  Vineuse  et  de  la  maison  voisine,  dont  madame  Grandjean 
est  locataire;  l'abbé  Jouve  le  cite  comme  un  homme  d*un 
-aractère  droit,  d'un  cœur  charitable,  très  bon  père  et  très 
bon  mari,  donnant  les  meilleurs  exemples  [33].  Marié  à  une 
Parisienne  évaporée,  le  docteur  Deberle  est  séduit  par  la  sculp- 
turale beauté  d'Hélène  Grandjean.  C'est  une  crise  d'amour  qui 
naît  dès  la  première  rencontre  au  chevet  de  Jeanne,  s'accroît 
lors  des  visites  charitables  chez  la  mère  Fétu  et  se  développe 
dans  le  contact  quotidien;  c'est  un  coup  de  désir  irrésistible 
qui  entraine  vers  lui  madame  Grandjean  et  la  lui  livre  enfin, 
consentante,  dans  la  chambre  même  que  Malignon  avait  pré- 
parée pour  y  abriter  ses  propres  amours  avec  madame  Deberle. 
La  terrible  crise  de  jalousie  de  la  petite  Jeanne,  son  agonie, 
sa  mort,  séparent  à  jamais  les  amants  d'un  jour.  Deberle,  resté 
bon  mari,  va  oublier  ce  drame  en  Italie  avec  sa  femme,  qui  lui 
donne  bientôt  un  second  enfant,  une  petite  fille  rose  et  grasse 
[300].  (Une  Page  d'Amour.) 

Deberle  (Madame  Juliette,  née  Letellier).  —  Femme  du 
docteur  Deberle.  Mère  de  Lucien.  Sœur  de  Pauline  Letellier. 


100  LKS  PKIlSONNAGtS 

Pclite,  polelée,  cheveux  d'un  noir  d'encre  et  peau  d'une  blan- 
cheur de  lait,  avec  un  fronl  clroit  de  jolie  femme.  Elle  est  gra- 
cieuse et  se  plail  aux  caquclages  sans  fin,  parlant  toujours 
sans  écouter.  D'une  futilité  toute  mondaine,  elle  a  des  sautes 
brusques  de  tendresse  avec  un  perpétuel  besoin  d'agitation.  £n 
coquetterie  continuelle  avec  le  beau  Malignon,  poussée  peu  à 
peu  par  la  curiosité,  la  tête  vide  et  le  cœur  libre,  elle  glisse 
rapidement  à  un  adultère  médiocre  et  sans  conviction.  Au 
moment  où  elle  va  céder,  l'intervention  d'Hélène  la  sauve  et 
elle  sort  de  la  stupidc  aventure,  guérie,  riant  d'aise,  sentant 
bien  qu'elle  n'est  pas  faite  le  moins  du  monde  pour  ces 
machines-lù  [342].  {Une  Page  dWmour,) 

Deberle  (Lucien).  —  Fils  du  docteur  Deberle.  Sept  ans, 
gros  et  court,  yeux  bleus,  lèvres  fortes,  le  cou  dans  les  épaules, 
mis  avec  une  coquetterie  de  poupée  [:27].  Ami  de  Jeanne  Grand- 
jean,  qu'il  considère  comme  sa  petite  femme;  songe  dès  qu'elle 
est  morie  à  la  remplacer  par  Marguerite  Tissol  [360].  {Une 
Page  dWmonr.) 

Decker  (Baronne). —  Le  marquis  de  Chouard  passe  parfois 
plusieurs  jours  chez  elle,  à  Viroflay  [91].  {Nana.) 

Dédèle.  —  Une  masse  de  vingt  livres.  Pèse  une  demi-livre 
de  moins  que  Fifuie.  Ce  sont  deux  outils  de  l'atelier  de  Goujet 
[213].  (L'Assommoir.) 

Dejoie.  —  Garçon  de  bureau  au  journal  VEsperance,  Après 
son  service  militaire,  a  été  en  phice  chez  Durieu,  mari  de 
madame  Caroline,  puis  chez  Lamberihier,  enfin  chez  Blaisot, 
un  banquit*r  qui  a  sauté.  La  mauvaise  chance  de  sa  vie  est 
d'avoir  épousé  une  cuisinière  sans  jamais  réussir  à  se  placer 
dans  les  mcMues  maisons  qu'elle.  Dejoie  a  été  la  véritable  mère 
de  sa  fille  Naibalie,  l'élevant,  la  surveillant  avec  des  soins 
infinis,  le  cœur  débordant  d'une  adoration  grandissante  [135]. 
A  cinquante  ans,  il  est  veuf  et  sans  place,  possédant  pour  tout 
bien  une  somme  de  quatre  miPe  francs,  économies  de  sa 
femme,  qui  doivent  fructifier  pour  former  les  six  raille  francs 
nécessaires  à  la  dot  de  Nathalie. 

Grand  et  sec,  borné  mais  très  droit,  très  bon,  rompu  à  la 
discipline  militaire,  Dejoie  est  recommandé  par  ma«lame  Caro- 
line à  Saccîird,  qui  le  fait  entrer  comme  garçon  de  bureau  à 
VEspérance,  journal  catholique  racheté  par  la  Banque  Univer- 
selle. Le  brave  homme  a  placé  son  argent  dans  celle  aflaire, 


DES  ISOUGON-MACQUART  107 

il  est  dès  lors  mordu  d*un  âpre  désir  de  gain  et  ne  vit  bientôt 
que  pour  l'émotion  joyeuse  de  voir  monter  ses  actions,  écoulant 
aux  portes,  recueillant  les  moindres  mots  de  Saccard  comme 
des  paroles  d*oracle  [199].  Il  n*a  d'abord  songé  qu'au  bonheur 
de  sa  fille,  mais  devant  la  hausse  continue  des  titres,  devant  son 
petit  capital  douMé,  il  rôve  de  constituer  pour  lui-même  une 
modeste  rente  [262];  son  chiiïre  atteint,  il  garde  encore  les 
actions  pour  devenir  plus  riche,  il  vit  dans  un  rêve  doré;  puis, 
eu  une  terrible  tempête  de  Bourse,  la  Banque  s'effondre,  il  est 
ruiné.  C'est  tout  à  coup  la  noire  misère,  un  écrasement  total, 
achevé  par  le  brusque  abandon  de  Nathalie  partie  sans  même 
dire  aiii^'U.  .Mais  dans  celte  inlinie  détresse,  Dejoie  garde  encore 
sa  foi  anJeiUe  en  Saccard;  il  se  persuade  que  tout  serait  sauvé 
si  celui-ci  pouvait  sortir  de  prison  [383].  {Û Argent.) 

Dejoie  (Joséphinl).  —  Femme  de  Dejoie.  L'a  connu  lors- 
qu'elle était  cuisinière  chez  madame  Lévéque,  belle-sœur  du 
iirasseur  Darieu.  Joséphine  est  entrée  ensuite  chez  le  docteur 
lîenauilin,  puis  au  magasin  des  Troîs-Frcres,  rue  Rambuteau. 
F\is  une  seule  fois,  les  deux  époux  n'ont  pu  se  placer  ensemble, 
ils  r/ont  jamais  eu  une  chambre  à  tous  les  deux,  se  voyant 
chez  lesniarchauds  de  vin,  s'embrassant  derrière  les  portes  des 
i'ui>iiie<.  Joséphine  meurt  quand  sa  fille  a  quatorze  ans  [135]. 
{UArynit.) 

Dejoie  (Nathalie).  —  Fille  des  Dejoie.  C'est  une  fleur 
blonde  du  pavé  parisien,  de  grâce  chélive,  avec  de  larges  yeux 
sous  les  petits  frisons  de  ses  cheveux  pâles.  Elle  a  un  regard 
tranquille  et  froid,  d'une  extraordinaire  limpidité  d'égoïsme. 
L'enfant  s'est  lai:>sé  adorer  par  son  père,  eu  idole  heureuse, 
sage  encore  à  dix-huit  ans  parce  qu'elle  n'a  eu  aucun  intérêt 
à  ne  pas  Tétre  [135],  incapable  d'une  chute  sotte  tant  qu'elle  a 
espéré  une  dot,  un  mariage,  un  comptoir  dans  une  petite  bou- 
tique où  elle  trônerait.  Nathalie  doit  épouser  le  fils  d'un  car- 
tonnier.  Tiiéodore,  lorsque  le  jeu  de  Bourse  aura  complété  la 
petite  dot  qu'on  exige.  Comme  son  père,  elle  se  passionne  pour 
la  spécula! ion,  elle  caquette  ainsi  qu'une  pie  vaniteuse,  empô- 
chaiii  De,oie  de  vendre  quand  il  en  serait  lemp-,  rêvant  des 
rentes  ['i^'T].  Après  la  «lébàcle,  furieuse  de  son  mariage  manqué, 
ne  voulant  pas  continuer  une  existence  de  sans-Ie-sou,  elle 
pren  )  froi  Jement  ses  bottines  et  son  chapeau  et,  sans  rien 
dire,  Oie  avec  un  monsieur  d'en  face,  un  monsieur  très  bien, 
doul  eile  a  fait  la  connaissance  [38i].  (UArgent.) 


108.  LES  P£USU.NNAC£S 

Delaherche  (Madame).  —  Mère  de  Jules  Dclalierclie.  Son 
mari  êtnit  de  mœurs  gaillardes  et  Fa  rendue  très  malheureuse. 
Aussi,  devenue  veuve,  tremblant  de  voir  son  fils  recommencer 
les  mêmes  farces,  s*esl-elle  elTorcée  de  lui  imposer  une  tutelle. 
£lle  Ta  marié  avec  une  dévote  et  a  dirigé  le  ménage,  puis  la 
fcmnic  est  morle.  A  cinquante  ans,  Delaherche,  sevré  de  jeu- 
nesse, a  voulu  épouser  une  veuve  légère  et  gaie,  de  réputation 
douteuse;  c*est  en  vain  que  madame  Delaherche  a  prodigué  les 
remontrances  [181].  Maintenant,  elle  ne  vit  plus  que  comme  un 
blâme  muet,  elle  se  tient  enfermée  dans  sa  chambre.  Toujours 
debout  ù  Taube,  malgré  ses  soixante-dix-huit  ans,  toute 
blanche,  d*une  grande  rigidité  de  dévotion,  elle  a  un  nez  qui 
s'est  aminci  et  une  bouche  qui  ne  rit  plus,  dans  une  longue 
face  maigre  [183]. 

L'js  malheurs  de  la  guerre  la  frappent  cinicllemenl;  elle  est 
déjà  d'un  autre  âge,  de  cette  vieille  et  rude  bourgeoisie  des 
frontières,  si  ardente  autrefois  à  défendre  ses  villes  [385].  La 
grande  douleur  de  la  défaite  domine  ses  chagrins  domestiques. 
Sulluquée  par  l'adultère  de  sa  belle-lUle  avec  le  capitaine 
B^audoin,  elle  a  décidé  de  tout  dire  à  son  (ils,  mais  le  lende- 
main, devant  Deaudoin  rapporté  mourant  à  l'ambulance,  elle 
se  lait;  à  quoi  bon  désoler  la  maison,  puisque  la  mort  emporte 
la  faute  [346].  Plus  tard,  écrasée  sous  la  honte  de  croire  la 
jeune  femme  maîtresse  d'un  oflicier  ennemi  [5GU],  elle  trouve 
un  soulagement  à  la  surprendre  aux  bras  du  jeune  Edmond 
Lagarde;  celte  fois  encore,  elle  ne  parlera  pas;  elle  aura 
même  un  faible  sourire  devant  l'échec  du  Prussien,  elle  qui 
ne  s'est  pas  égayée  depuis  la  bonne  nouvelle  de  Coulmiers  [563]. 
Dès  le  lendemain  de  Toccupalion,  elle  s*csl  consacrée  à  son 
vieil  ami  blessé,  le  colonel  de  Vineuil;avec  lui,  elle  pleure  la 
patrie  agonisante.  Devant  le  désespoir  de  ce  soldat  trop  affaibli 
pour  détruire  son  épêe,  c'est  elle  qui  la  brise  d'un  coup  sec, 
sur  son  genou,  avec  une  force  extraordinaire,  dont  elle-même 
n'aurait  pas  cru  capables  ses  'pauvres  mains  [iOÛ].  Et  elle 
reste  enfermée  chez  le  colonel,  voulant  vivre  cloîtrée  avec  lui, 
tant  que  les  Prussiens  logeront  dans  la  maison  [5i-i].  (La 
Débâcle.) 

Delaherche  (Jules).  —  Mari  de  Gilberle  de  Vineuil,  en 
premières  noces  madame  Maginol.  Un  des  principaux  fabri- 
cants de  drap  de  Sedan.  Possède  rue  Maqua,  presque  au  coin 
<le  la  rue  au  lieurre,  une  fabrique  monumentale  construite  au 


DES  nOUGON-MACQUAUT  109 

wiii*  siècle  et  qui,  depuis  cent  soixante  ans,  n'est  point  sortie 
de  la  famille.  Trois  générations  de  Delaherche  ont  fait  là  des 
fortunes  considérables.  Le  père  du  propriétaire  actuel,  ayant 
hérité  des  biens  d'un  cousin,  mort  sans  enfant,  c'est  mainte- 
nant la  branche  cadette  qui  trône.  Jules,  marié  à  une  femme 
maussade  et  maigre,  a  été  tenu  par  sa  mère  dans  une  dépen- 
dance de  grand  garçon  sage.  Puis,  devenu  veuf  à  l'âge  mûr,  il 
s'est,  par  une  révolte  de  la  nature,  amouraché  d'une  jeune 
veuve  de  Charleville,  la  jolie  Gilberte  Maginot  et  Ta  épousée, 
dans  l'automne  de  1869,  malgré  l'opposition  maternelle.  Gil- 
berte est  la  nièce  du  colonel  de  Vineuit,  en  passe  de  devenir 
général,  et  cette  parenté,  cette  idée  qu'il  entrait  dans  une 
lamille  militaire,  a  beaucoup  flatté  le  fabricant  de  drap  [181]. 

Gros  et  grandie  teint  coloré,  le  nez  fort,  les  lèvres  épaisses, 
Delaherche  est  de  tempérament  expansif  ;  il  a  la  curiosité  gaie 
du  bourgeois  français  qui  aime  les  beaux  défilés  de  troupes;  à 
la  ferme  de  Daybel,  pendant  qu*on  se  battait  à  Beaumont,  il  a 
vu  l'empereur  souffrant  de  la  dysenterie,  affaissé  sur  un 
pliant,  ayant  Tair  d'un  petit  rentier  qui  chauffe  ses  douleurs 
au  soleil  [185].  L'empereur  a  failli  lui  parler,  il  en  est  fier. 
Lonapartiste  ardent  au  moment  du  plébiscite,  s'il  consent  à 
arouer  depuis  les  premières  défaites  qu'on  a  commis  des  fautes, 
il  plaint  surtout  Napoléon  lil  et  attribue  nos  désastres  aux 
députés  républicains  de  l'opposition,  qui  ont  entravé  l'organi- 
Silion  militaire  [186]. 

Deux  jours  après,  le  l***  septembre,  sur  la  route  de  Balan, 
il  croise  l'empereur  à  cheval,  allant  à  son  destin,  d'une  allure 
silencieuse  et  morne,  et  cherchant  inutilement  la  mort  [221]. 
Dès  ce  moment,  Delaherche  a  pressenti  le  désastre  qui  menace 
Sedan;  il  commence  à  trembler  pour  sa  fabrique  [271].  Armé 
d'une  forte  longue-vue,  il  a,  du  haut  de  sa  terrasse,  remarqué 
sur  les  coteaux  de  la  Marfée,  le  roi  Guillaume,  l'air  sec  et 
iiiince,  à  l'uniforme  sans  éclat,  à  peine  haut  comme  la  moitié 
du  doigt,  un  de  ces  minuscules  soldats  de  plomb  des  jouets 
d'enfant,  et  cet  infiniment  petit,  dont  la  face,  grosse  comme 
une  lentille,  ne  mettait  qu'un  point  blême  sous  le  vaste  ciel 
Lieu,  constatait  la  niarclie  mathématique,  inexorable  de  ses 
armées,  refermant  pas  à  pas,  autour  de  Sedan,  leur  mu- 
raille d'hommes  et   de  canons  [27-1]. 

Delah-îrche  éprouve  une  joie  involontaire  devant  l'ordre  de 
hisser  le  drapeau  blanc  sur  la  citadelle,  ce  plaisir  lui  parait 
d'abord  antipalriolique,  puis  la  peur  l'emporte,  il   s'exaspère 


110  LLb  I»ti;<ONNA<;tS 

liienlôt  devant  le  feu  qui  redouble  [342].  Sa  ferveur  bona- 
parliste  s*est  refroidie  sinj^ulièn'nient  ;  dans  un  coin  de  la 
sous-prêfeclurey  il  assiste  sans  trouble  a  Tagonie  de  Tempe- 
reur,  frappé  au  cœur  par  celte  bataille  qu'on  ne  ptful  arrêter, 
défaillant  dans  le  tonnerre  continu  de  la  canonnade,  atterré 
devant  toutes  ces  vies  bumaines  fauchées  par  sa  lauie  pU9].  Le 
fabricant  rayonne  enfin,  car  la  capituLation  est  cbose  faite,  il 
reprend  son  aplomb  de  riclie  industriel,  sa  bonbomie  <le  patron 
aimant  la  popularité,  sévère  seulement  à  rinsuccès;  Tempe- 
ceur  Ta  bien  trompé.  El  pendant  que  .Napoléon  111  traîne  sa 
misère  sur  la  ronle  do  Doncbery,  dans  une  pauvre  m  lison  de 
tisserands,  où  Bismarck  Tamusepour  retarder  son  nnlrevue  avec 
le  roi  tle  h*us<ic,  Dt^labercbe  ne  plaint  même  plus  celui  ijui  va 
devenir  Tbomme  de  Sedan,  il  le  cbar^'e  de  toutes  les  iniquités 
[102]. 

Plus  tard,  les  amertumes  de  l'occupation  sont  heureusement 
adoucies  pour  le  mari  de  Giiberte,  grâce  à  un  capitaine  de 
la  lauihvehr,  M.  de  Garllauben,  qui  loge  chez  lui  et  finit  par 
devenir  un  ami  véritable.  Ce  sont  des  soirées  cbannan tes,  où 
Delabercbe  traite  Ganibelta  de  fou  furieux.  11  vçiit  ardemment 
la  paix;  comme  toute  Taiicienne  bourgeoisie  plébiscitaire  et 
conservatrice,  il  éprouve  une  sourde  rancune  contre  Paris  qui 
s'entête  dans  sa  résistance;  M.  Tliiers  est  devenu  son  homme 
[500].  {La  Débâcle,) 

Delaherche  (Madame  Jcle?»).  —  Voir  ViNiaut  (Gilberte 
Di:). 

Delangre  —  Maire  de  Plassans.  Petit,  épaules  carrées, 
masque  ftiuiilé,  tournant  au  polichinelle;  parle  trop,  avec 
toute  une  fièvre  de  {restes  et  de  paroles  [S7].  Très  souple,  très 
cn|jable,  très  actif.  Fils  de  maçon,  arrivé  au  rang  d'avocat,  est 
devenu  Tamani  de  madame  Hastoil  qui  Ta  tiré  de  |a  misère. 
Marié  plus  tard,  trompé  par  sa  femme,  il  Ta  surprise  trois 
fois  en  lliigranl  délit;  pour  consentir  à  la  reprendre,  on  assure 
qu'il  s'est  fait  donner  chaque  fois  cenl  mille  francs  par  son 
beau-père.  L'îibbé  Faujas  le  fait  parvenir  à  la  députai  ion,  sûr 
que  ce  îraillarJ  sera  très  ulile  à  Paris  pour  certaines  besognes 
[Z'IH].  (La  Conquête  de  Plassans.) 

Delangre  (Madami:).  —  Femaie  «lu  maire  de  Plassans. 
Petite  personne  pà  c,  tl'uiie  douceur  de  jorvanle,  dont  les  débor- 
dements sont  restés  légeuiiaires  [1<'TJ.  Sa  iille  est,  dit-on,  d'un 
peintre  (jue  tout  Plassans  coiinaii[TÔj.  Madaiiie  Delangre  dcvieni 


I»KS  lîOn;ON-MA(X>UAnT  ttl 

Tune  il»»5  prcnnères  ilnines  patronnesses  de  HÈuvre  de  la  Vierge 
[1 1 1  j.  (La  Conquête  dv  Ptasmns.) 

Delangre  (Lucifn).  —  Fils  du  maire  de  Plassans.  Pctil 
de  taille,  œi)  vif,  léle  futée,  il  appartient  au  barreau  et,  des 
IVigc  dft  viiigi-i|u:ilre  ans,  plaide  avec  raploiiib  d'un  vieux  pra- 
liciei)  ^l'-J.  1/alibé  Faujas,  pour  rjui  il  éprouve  une  admi- 
ration Jo  liiscifiJe  [170],  Ta  placé  à  la  télé  du  Cerrle  de  la  Jeu- 
nesse, il  se  mariera  avec  Fainée  des  Itastoil,  Angéline,  qui 
pourrait  bien  être  sa  sœur,  car  elle  est  née  au  temps  des 
amours  de  ma<l:inje  Rastoil  avec  l'avocat  Delanjjre  [325].  {La 
Conqu'-lc  d*  Plassans.) 

Delarocque. —  Agent  de  change.  Un  chrétien  qui  a  épousé 
une  juive,  la  sa*ur  de  son  collègue  Jacoby,  et  qui  la  rend  mal- 
heureuse [12*2].  C'est  un  gros  homme  roux  et  trapu,  très 
dîauve.  à  la  voix  gullurale,  lancé  dans  le  nion.le  des  cercles. 
Daigremonl,  successivement  fâché  avec  Mazaud  et  Jacoby,  lui 
donne  5(»s  ordres  [Vj'M],  Delarocque  précipiie  la  ruine  de  la 
Banque  Lui  verse  Ile  en  prévenant  Daigreiuont  du  coup  que 
prépare  Gundt-rmaun  [358].  (L'Argent.) 

Delcaxnbre.  —  Procureur  général,  plus  tard  ministre  de 
l:\jnsti' e.  Grand  homme  jaune,  glacial  et  osseux,  à  la  haute 
taille  soleunc!l\  à  la  face  rase,  coupée  de  p'is  profonds,  d'une 
auslôre  sévériié.  Son  nez  dur,  en  bec  d'aigle,  semble  sans  dé- 
f  tiîlun  e  comuic  sans  pardon.  Mais,  derrière  le  masque  pro- 
ff?ssioiii;'fl,  il  y  a  en  lui  un  furieux  mâle  aux  appétits  d'ogre. 
Amant  d»»  l.i  baronne  Sandorff,  il  a  loué,  pour  la  posséder  à 
-on  aise,  un  [ifiit  rez-de-chaussée  de  la  rue  Caumartin,près  de 
Ja  rue  Siiiil-Sicolas,  et  il  fournit  à  cette  femfne  les  fonds  que 
lui  rt'ru>e  nu  mari  avare.  Peu  généreux  d'ailleurs,  il  ne  donne 
pas  iis-'^z  à  la  baronne  pour  payer  ses  différences  de  Course,  il 
est  lron.}Ȏ  au  profit  d'Aristide  Saccard,  surprend  les  amants 
irrà'.e  à  la  trahison  d'une  femme  de  chambre,  et  c'est,  entre 
Saocnrd  et  lui.  une  querelle  de  charretiers  ivres,  des  mots  abo- 
minabl'S  qu'ils  se  liuceut  comme  des  crachais,  avec  un  besoin 
croissait  *\c  l'ordure  [233].  Devenu  ministre,  D  Icambre  fera 
lour.JeiiKMit  S'^iilir  sa  rancune  à  Saccard,  surpris  en  marg»* 
du  i^oti",  datis  la  débâcle  de  la  Banque  Universelle  [377]. 
{L\\rtj:til.) 

Delestang.  —  Fils  d'un  marchand  de  Tin  de  Bercy  qui  lui 
a  lai>s-  cii.q  Uilllious.  Ancien  avoué,  conseiller  d'État,  propri»'- 


■ 


112  LES  PERSONNAGES 

taire  d'une  ferme  modèle  près  de  Saiiite-Menehould.  Habite 
rue  du  Colisée  un  hôtel  fort  élégant  [3â].  Il  a  une  tète  magni- 
fique, très  chauve.  Sa  face  rosée,  un  peu  carrée,  sans  un  poil 
de  barbe,  rappelle  ces  faces  correctes  et  pensives  que  les 
peintres  d'imagination  aiment  à  prêter  aux  grands  hommes 
politiques  [30].  Au  point  de  vue  àe  fintelligence,  Du  Poizat 
assure  qu'il  a  trop  fréquenté  les  bétes  [165]. 

Eugène  Rougon,  qui  a  sauvé  l'avenir  politique  de  cet  irobé- 
cile  à  l'heure  du  coup  d'Etat,  lui  fait  épouser  Clorinde  Ralbi.  De- 
lestang  devient  un  mari  passionné,  plein  de  confiance  et  de 
fatuité  [17-i];  il  se  laisse  guider  dans  ses  moindres  actions  par 
sa  femme,  obtient  grâce  à  elle  le  portefeuille  de  l'agriculture 
et  du  commerce  et  finit  par  remplacer  Rougon  au  ministère  de 
l'intérieur,  symbolisant  ainsi  Tapothcose  de  la  médiocrité  [43^]. 
{Son  Excellence  Eugène  Rongo)i.) 

Delestang  (Madame).  —  Voir  Clorinde. 

Delestang  (Henriette).  —  Sœur  du  ministre  Delestang. 
Mariée  à  M.  de  Combelot,  chambellan  de  Napoléon  111.  Elle  a 
une  grande  passion  pour  l'empereur  et  s'ofi're  inutilement. 
Clorinde  prétend  qu'elle  est  trop  maigre  [186].  {Son  Excellence 
Eugène  Bougon») 

Deleuze  aîné.  —  A  fondé  avec  son  frère,  en  1822,  le  Ron- 
heur  des  Dames,  magasin  de  nouveautés,  situé  carrefour  Cail- 
lou, au  coin  de  la  rue  Neuve-Saint-Augustin  et  de  la  rue  de  la 
Michodière.  Les  Deleuze  sont  apparentés  à  plusieurs  commer- 
çants du  quartier  [21].  A  la  mort  de  Deleuze  aine,  sa  fille 
unique,  Caroline,  devenue  madame  Hêdouin,  hérite  de  lui  et 
devient  copropriétaire  du  magasin.  {Pot-Bouille,) 

Les  débuts  du  Ronheur  des  Dames  ont  été  modestes.  En 
1822,  In  boutique  avait  seulement  une  vitrine  sur  la  rue  Neuve- 
Saint-Augustin,  un  vrai  placard,  où  deux  pièces  d'indienne 
s*êtounaieiit  avec  trois  pièces  de  calicot;  ou  ne  pouvait  se 
retourner  tant  c'était  petit.  A  cette  époque,  le  Vieil  Elbeuf, 
fondé  par  le  drapier  Aristide  Finet,  était  la  maison  la  plus 
forte,  la  plus  richement  achalandée  du  quartier  [30].  (A w  fion- 
heur  des  Dames.) 

Deleuze  (Oncle).  —  L'un  des  fondateurs  du  Donheur  des 
Dames.  Apres  la  mort  de  Deleuze  aine,  il  continue  le  commerce 
avec  sa  nièce  Caroline,  mariée  à  Charles  Hêdouin.  Mais  bien- 
tùl,  cloué  dans  un  fauteuil  par  ses  rhumatismes,  il  ne  s^occupe 


DES  nOL'GON-MACQUAHT  113 

plus  de  rien  et  laisse  iiux  liédouin  la  direclion  de  l'affaire  [17]. 
(Pot-Bouille,) 

Madame  Hcdouin,  devenue  veuve,  a  épousé  Octave  Mouret. 
Trois  mois  apn>s,  Tonde  meurt  sans  enfant,  laissant  toute  sa 
part  à  Caroline  [:25].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Deleuze  (Caroline) (1).  —  Fille  de  Deleuzeatné.  Mariée  au 
commis  Charles  Hédouin.  Dirige  '  e  Bonheur  des  Dames,  créé 
par  son  père  et  son  oncle.  Grande,  brune,  admirablement  belle 
avec  son  visage  régulier  et  ses  bandeaux  unis,  gravement  sou- 
riante, madame  liédouin  semble  Tâme  vive  et  équilibrée  de  la 
maison.  Cette  femme  superbe,  à  la  santé  vaillante,  à  la  beauté 
calme,  est  une  ancienne  amie  de  pension  de  Clolilde  Vabre; 
elle  fréquente  les  Duveyrier  et  regarde  finconduile  de  Valé- 
rie, leur  belle-sœur,  avec  Télonnement  d*une  femme  dont  l'hon- 
neur est  la  santé  même  [191].  Octave  Mouret,  entré  au  Bonheur 
des  Dames  par  Tentremise  Ùk  Campardon,  a  tenté  en  vain  une 
séduction  vulgaire.  Madame  Hédouin  Ta  repousse  simplement, 
sans  indi^^Miation,  ne  lui  opposant  que  de  tranquilles  arguments 
de  femme  pratique,  décidée  à  ne  pas  compliquer  sottement  sa 
vie.  Mais,  indifférente  aux  séductions  du  beau  vendeur,  elle  a 
peu  il  peu  conçu  pour  lui  une  véritable  estime  ;  gagnée  à  ses 
idées  larges,  à  ses  rêves  de  grands  comptoirs  modernes,  elle  a 
retrouvé  en  Octave  sa  propre  volonté,  le  fond  sérieux  et  pra- 
tique de  sou  caractère,  avec  une  flamme,  une  audace  qui  lui 
manquent  à  elle,  la  fantaisie  dans  le  commerce,  la  seule  fan- 
taisie qni  Tait  jamais  troublée  [^36].  Devenue  veuve,  elle  lui 
offre  paisiblement  sa  main,  dans  une  paix  souriante,  sans  la 
moindre  allusion  à  une  tendresse  possible,  disant  seulement 
que  les  choses  raisonnables  arrivent  toutes  seules  et  ne  voyant 
en  Mouret  qu*un  collaborateur  nécessaire.  (Pot- Bouille.) 

Son  second  mari  Ta  décidée  à  agrandir  le  magasin;  elle  a 
acheté  l'immeuble  de  gauche,  puis  celui  de  droite.  Un  matin,  en 
visitant  ies  travaux,  elle  tombe  dans  un  trou  et  meurt  trois 
jours  aprôs.  Les  petits  boutiquiers  voisins,  jaloux  de  Mouret, 
disent  qu'il  y  a  du  sang  de  madame  Hédouin  sous  les  pierres 
de  la  maison  [-21].  Mais  ces  malveillants  propos  n'empêchent 
pas  Octave  de  conserver  à  la  morte  un  souvenir  attendri;  il  se 


(1)  Madime   Hèdûuin,  mariée  en  18G5  a   Octave  Mouret.  {Arbre 
généalogique  des  Rougon-Macquart.) 

10 


lU  LES  PEnSONNAGES 

montre  reconnaissant  à  sa  mémoire  de  la  fortune  dont  elle  Ta 
comblé  en  répousant.  Désormais,  un  grand  portrait  de  Caro- 
line sera  le  seul  ornement  du  cabinet  directorial  et  présidera, 
de  son  air  souriant  et  bon.  aux  prodigieux  déwloppements  de  la 
maison  fondée  par  les  Deieuze  [37].  {Au  Bonheur  des  Daines.) 

Delhomme.  —  Mari  de  Fanny.  Gendre  du  père  Fouan. 
Ileau-frère  de  Jésus-Christ  et  de  Bateau.  A  trente-neuf  ans,  il 
est  rose  et  placide,  il  a  une  large  face  de  terre  cuite  rasée  soi- 
gneusement, trouée  de  deux  gros  yeux  bleu  faïence,  d'une 
lixité  de  bœuf  au  repos.  Se  laisse  conduire  en  tontes  choses  par 
sa  femme,  est  d'esprit  borné,  mais  si  calme,  si  droit,  que  sou- 
vent, à  Uognes,  on  le  prend  pour  arbitre.  Avec  ses  vingt  hec- 
tares de  biens,  ses  dix  arpents  de  vignes,  il  est  le  plus  riche 
du  pnys.  D'abord  conseiller  muiiicipnl.il  finit  par  devenir  maire. 
En  politique,  il  a  une  seule  idée,  celle  que  le  gouvernement 
soit  solide  fiour  faire  aller  les  affaires;  aQn  de  ne  pas  se  trom- 
per, le  mieux  a  î^on  avis  est  d'envoyer  à  Tempereur  le  député 
quMl  deiiiand»?  [3G9].  Delhomme  voit  d'un  bon  œil  son  fils  Né-, 
nesse  devenir  tenancier  d'une  maison  publique,  métier  qui  rap- . 
porte  gros.  {La  Terre.) 

Delhomme  (Madame),  née  Fanny  Fouan.  -—  Elle  a  été 
épou>ée  par  un  amoureux  honnête  et  riche,  sans  même  être 
♦?nccinte  [15],  chose  peu  commune  à  Rognes.  Fanny  est  très 
brune,  elle  a  des  mains  sèches  de  travailleuse,  des  yeux  vifs, 
une  figure  agréable  gâtée  par  un  grand  nez.  Chez  elle,  l'intelli- 
gence du  père  s'est  tournée  en  orgueil.  C'est  une  gaillarde 
active,  qui  gouverne  sa  maison  et  son  mari.  Elle  s'est  créé  un 
intérieur  net  et  froid,  d'une  propreté  méticuleuse,  où  le  car- 
reau est  usé  à  force  de  lavages.  Fanny  est  d'une  susceptibilité 
outrée,  elle  a  une  vanité  mélianle  de  paysanne  honnête  qui  se 
blesse  et  boude  an  moindre  mot  mal  compris.  Elle  a  recueilli 
son  père,  le  vieux  Fouan,  mais  ne  tolère  aucun  de  ses  défauts 
et  dit  que  quatre  vaches  seraient  plus  faciles  à  conduire  ['2113]. 
Elle  en  arrivai  à  une  vériiable  persécution,  des  paroles  cruelles 
sont  échangées,  Fouan  s'en  va,  Fanny  jure  de  ne  plus  lui  adres- 
ser la  parole  et,  lorsqu'il  meurt,  elle  ne  désarme  pas;  la  bles- 
sure de  son  amour-propre  saigne  toujours,  au  point  qu'elle 
demeure  l'œil  sec  devant  le  cadavre.  Siiurdemenl  envieuse  et 
de  nature  peu  sociable,  elle  s'est  fâchée  avec  tout  le  pays. 
Lorsque  son  mari  devient  maire,  elle  est  gondce  d'un  tel 
orgueil  qu'elle  en  claque  dajis  sa  peau  [ÔOX].  {La  Terre.) 


I>K>  IlOlGON-MACQlAnr  115 

Delhomxne  (Ernest),  dit  Nénesse.  — Fils  des  Delhomme. 
A  onze  an-,  blond,  mince  et  fainéant,  il  a  toujours  un  miroir  au 
fon.l  de  sa  poche  [50].  Jeune  homme,  tourmenté  d*un  besoin 
d^éiég'nnce  citadine,  fier  de  savoir  jouer  du  piston,  il  se  met 
romme  un  garçon  de  la  ville,  il  se  dandine  d*un  air  louche  de 
lille,  avec  son  rou  long,  sa  nuque  rasée,  ses  yeux  bleus,  sa 
face  molle  et  jolie.  Nénesse  a  toujours  eu  Thurreur  de  la  terre, 
il  part  pour  Cliarires  où  il  va  servir  chez  un  restaurateur  qui 
tient  un  bil  public  [â93].  Ses  parents  l'ayant  assuré  contre  la 
conscription,  il  ne  sera  pas  soldat;  il  tire  d'ailleurs  un  bon 
nun)éru,  le  ^21  i,  ce  qui  donne  à  sa  mère  le  profond  regret  des 
niilic  fraiics  versés  à  l'assurance.  A  vingt  cl  un  ans,  c'est  déjà 
un  petit  bourgeois  Habillé  par  un  tailleur  de  la  ville,  il  vient 
lairele  faraud  à  Rognes  et  plaisante  les  complets  de  Lambour- 
dicu,  dont  il  était  lier  autrefois.  Plein  de  la  volonté  de  parvenir, 
il  a  iniiigi.ié  de  reprendre  l'ancienne  maison  de  tolérance  de  sa 
grand'laiilc  liadeuil,  ce  qui,  dil-il,  vaut  mi<*ux  que  de  culliver 
la  terre  et  pcniiet  d'être  un  monsieur  tout  de  suite  [-461].  Il 
s'entend  r;v«  c  les  <!barles,  épousera  leur  petite-fille,  Élodie  Vau- 
cogne,  et  tiendra  le  19  avec  elle  [488].  (La  Terre.) 

Deloche  père.  —  Petit  huissier  nécessiteux,  établi  à 
Drijucbec.  L)\ine  jalousie  maladive,  il  rossait  son  (ils  en  le 
uailant  ù-i  bàlani,  exaspéré  de  sa  longue  ligure  pâle  et  de 
ses  cbevt  iix  de  chanvre,  qui,  disait-il,  n'étaient  pas  de  la 
famille  [ITOJ.  {An  Bonheur  des  Dames.) 

Deloche  (^^IIenri).  —  N'a  jamais  eu  de  chance;  chez  lui,  on 
le  battaii;  à  l'aris,  il  a  toujours  été  un  souffre-douleur.  C'est 
un  grand  g:irçon  blême  et  dégingandé.  Apres  avoir  débuté 
chez  Crêvecœur,  marchand  de  dentelles,  il  a  été  accepté  comme 
vendeur  au  Uoijlieur  des  Dames,  le  jour  même  où  Denise  Daudu 
y  entrait  Lu  lien  s'est  créé  entre  eux  par  la  fraternité  de  leur 
situation,  p  r  leur  naissance  en  un  même  coin  de  Normandie, 
et  la  sy!i;;i:illiic  d'Henri  Deloche  s'est  vite  transformée  en  un 
amour  s  ei  cieux  et  résigné,  auquel  Denise  n'a  pu  répondre 
(\U'i  p.ir  r.ie  amitié  loyale.  Les  meilleures  intentions  du  jeune 
lio:inne  !♦•  tr.ilii^senl  :  en  défendant  Denise  contre  les  abomi- 
naiions  ù-  Favi^T,  il  crée  une  légende  contre  elle;  par  ses 
coiiversalioiis  niélancoliiiues  dans  les  coins,  il  achève  de  la 
coinpronjeltre.El  le  ridicule  le  poursuit  partout;  au  réfectoire, 
on  se  ni'.que  de  son  appétit  excessif;  au  rayon,  il  reste  un 
v^f:]f]eu^    iéprécié,   éternellement  vaincu    dans    la    lutte.  Une 


116  LES  PEUSO.NNAGES 

cliente,  madame  de  Boves,  soustrait  des  dentelles,  et  c'est  à 
lui  qu'elle  s*esl  adressée,  devinant  sa  timidité  et  son  manque 
de  flair.  Malgré  Denise  qui  voudrait  le  sauver,  il  accepte  le 
renvoi,  s'obstinant  dans  sa  malchance,  tenant  à  disparaître 
devant  le  bonheur  de  celle  qu'il  aime  toujours,  ne  voulant  pas 
gêner  les  gens  heureux  [519].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Delorme.  —  Parent  des  Quenu.  A  l'instigation  de  madame 
Chanteau,  est  désigné  comme  membre  du  conseil  de  famille  de 
Pauline  Quenu  [^6].  Il  consent  à  rémancipation  [47].  {La  Joie 
de  vivre,) 

Deneulin.  —  Cousin  des  Grégoire.  Comme  eux,  il  a  eu  en 
héritage  un  denier  des  mines  de  Monisou;  mais,  tandis  que 
les  Grégoire  grignotaient  tranquillement  leurs  rentes,  lui, 
ingénieur  audacieux,  tourmenté  du  besoin  d'une  royale  for- 
tune, s'est  hâté  de  vendre  lorsque  la  valeur  du  denier  a  atteint 
le  million.  Sa  femme  tenait  d'un  oncle  la  petite  concession  des 
mines  de  Vandame,  avec  deux  fosses,  Jean-Bart  et  Gaston- 
Marie.  11  entreprend'  l'exploitation  de  cette  aflaire  qui  doit 
donner  de  l'or,  mais  qui  commence  par  engloutir  le  million, 
et,  à  l'heure  où  de  gros  bénéfices  devraient  se  produire,  il  est 
sans  ressources,  devant  une  crise  industrielle  qui  menace  de 
tout  emporter. 

Bien  qu*il  ait  dépassé  la  cinquantaine,  ses  cheveux  coupés 
ras  et  ses  grosses  moustaches  sont  d'un  noir  d'encre:  il  a  le 
verbe  hnut,  le  geste  vif,  avec  une  allure  d'ancien  officier  de 
cavalerie.  Mauvais  administrateur,  d'une  bonté  brusque  avec 
ses  ouvriers,  il  se  laisse  piller  depuis  la  mort  de  sa  femme, 
lâchant  aussi  la  bride  à  ses  filles.  Une  vieille  haine  existe 
entre  la  concession  de  Monisou  et  celle  de  Vandame;  malgré 
la  faible  importance  de  cette  dernière,  sa  puissante  voisine 
enrage  de  voir,  enclavée  dans  ses  soixante-sept  communes, 
celte  lieue  carrée  qui  ne  lui  appartient  pas:  après  avoir  essayé 
vainement  de  la  tuer,  elle  complote  de  l'acheter  à  bas  prix, 
lorsqu'elle  râlera.  Mais  Deneuhn  déclare  que,  lui  vivant, 
Monisou  n'aura  pas  Vandame;  il  déteste  les  gros  bonnels  de  la 
compagnie,  ces  marquis  et  ces  ducs,  ces  généraux  et  ces 
ministres,  des  brigands  qui  vous  enlèveraient  jusqu'à  votre 
chemise,  à  la  corne  d'un  bois  [90].  Lui  ne  trône  pas  au  loin, 
dans  un  tabernacle  ignoré;  il  n'est  pas  de  ces  actionnaires 
qui  payent  un  gérant  pour  tondre  le  mineur,  et  que  celui-ci 


DES  nOUGON-MACQUAUT  117 

n*a  jamais  vus;  il  est  ud  patron,  il  risque  autre  chose  que  son 
argent,  il  risque  son  intelligence,  sa  santé,  sa  vie  [336]. 

Mais  quand  la  grève  éclate,  il  a  beau  tenir  tête  aux  révoltés 
[109],  combaiire  Fémeute  en  autoritaire  courageux,  c'est  lui  qui 
paye  les  frais  de  la  guerre.  Acculé  à  la  ruine,  égorgé  par  les 
régisseurs  de  Montsou,  il  subit  la  puissance  invincible  des 
gros  capitaux,  si  forts  dans  la  bataille  qu'ils  s'engraissent  de 
la  défaite  en  mangeant  les  cadavres  des  petits,  tombés  à  leur 
côté  [4Î29].  C*est  à  peine  s*il  tire  de  la  cession  de  Vandame 
Targent  nécessaire  pour  payer  ses  créanciers  et  il  s'estime 
heureux  d'être  gardé,  sous  les  ordres  d*Hennebean,  à  litre  d'in- 
génieur divisionnaire,  se  résignant  ainsi  à  surveiller,  en  simple 
salarié,  ces  deux  fosses  où  il  a  englouti  sa  fortune.  C'est  le  glas 
j  at'S  petites  entreprises  personnelles,  la  disparition  prochaine 

<*.es  patrons,  mangés  un  à  .un  par  l'ogre  sans  cesse  affamé  du 
capital,  noyés  dans  le  flot  montant  des  grandes  compagnies [505]. 
Germinal.) 

Deneulin  (Jeanne).  —  La  seconde  fille  de  Deneulin.  Dix- 

j  neuf  ans  à  peine,  petite,  cheveux  dorés,  d'une  grâce  cares- 

j  santé  [330].   Ayant   perdu  leur  mère  très  jeunes,   les  deux 

1  ^œurs  se  sont  élevées  toutes  seules,  assez  mai,  gâtées  par  leur 

père.  .^•:fanne  esl  folle   de  peinture,  d'une  hardiesse  île  goût 

'ui  la  sin^rularise  ;  elle  s'est  déjà  fait  refuser  trois  paysages  au 

Salon.  Avec  sa  sœur,  elle  reste  rieuse  dans  la  débâcle;  la 

misère  menaçante  révèle  chez  ces  jeunes   filles  de  très  fines 

.ménagères  [f<'S].  iGenninaL) 

Deneulin  (Lucie).  —  La  fille  aînée  de  Deneulin.  Vingt- 
deux  ans.  grande,  brune,  l'air  superbe  [330].  Elle  cultive  sa 
voix  au  piano,  du  matin  au  soir,  et  parle  d'entrer  au  théâtre  [88]. 
Les  deux  sœurs  accueillent  la  ruine  sans  chagrin,  en  jolies 
filles  garçonnières,  dédaigneuses  de  l'argent  [505].  {Germinal) 

Denizet.  —  Juge  diiislruçlion  à  Rouen.  C'est  Iç  fils  d'un 
gros  éleveur  de  Normandie;  il  a  fait  son  droit  à  Caen,  est 
entré  a-sez  lard  dans  la  magistrature  et  n'a  obtenu  qu'un  avan- 
cemeni  Jiflicile,  grâce  à  son  origine  paysanne,  aggravée  par 
une  faillite  paternelle.  Substitut  à  Bernay,  à  Dieppe,  au  Havre, 
il  a  n  is  dix  ans  pour  devenir  procureur  impérial  à  Pont- 
AuJen.^.r.  Envoxé  à  Rouen  comme  substitut,  il  y  est  juge 
d'instruction  depuis  dix-huit  mois,  à  cinquante  ans  passés. 
C'est  nn  liomine  petit  et  assez  fort,  entièrement  rasé,  grison- 
nant 'i'^jù;   ios  joues  épaisses,  le  menton  carré,  le  nez  large, 


J18  LKS  PEIISONNAr.ES 

onl  une  immoliilifc  ljI«Mne,qu*nii^mentonl  encore  les  panpicres 
louril»*s,  ivionibanl  ù  ilemi  sur  de  ffros  y«tux  clairs;  mais  loulc 
la  sajracili'*,  lonle  Tailressc  (|u*il  croit  avoir,  sVsi  réfugiée  dans 
la  boutii»*,  une  de  c<*s  bouches  d«  romédien  jonanl  leurs  senli- 
Hients  à  la  villf,  d'une  niobiiiié  extrême*  et  qui  s'amincit,  dans 
les  minutes  où  il  devient  tnVs  lin;  la  finesse  b*  perd  le  plus 
souvent,  il  est  trop  pers|)icace,  il  ruse  trop  avec  la  vêrilc 
simple  et  bonne,  d'après  un  idéal  de  métier,  s'étaut  fait  de  sa 
fonction  un  type  d*anatonnsle  moral,  doué  de  si.'condc  vue, 
exlrônnmtMil  spirituel  [IU9]. 

Sans  fortune,  rnva*ré  de  besoins  rpie  ne  peuvent  contenter 
ses  maijrres  appointements,  il  vit  dans  ct'tte  dé|»endance  de  la 
mafri>tralnre  mal  pavée,  accefitée  seulement  des  médiocres,  et 
où  les  intelligents  se  dévorent,  en  attendant  de  se  vendre.  Lui, 
loin  d'être  un  sol,  est  d'une  intelligtince  très  vive,  très  déliée, 
bonnête  mém»?,  nyant  Tamour  de  son  métier,  grisé  de  sa  loute- 
puissanro,  qui  le  fait,  dans  son  cabinet  de  jupe,  maître  absolu 
de  la  liberté  des  autres  [100].  Son  intérêt  seul  corrige  sa  pas- 
sion et,  comme  il  a  un  cuisant  désir  d'être  décoré  et  de  passer 
à  Paris,  il  ne  se  laisse  emporter  par  l'amour  d»*  la  vérité  que 
dans  les  atTaires  où  son  avenir  n'e^t  pas  en  jeu.  Chargé  de 
découvrir  les  assassins  du  président  Grandmorin.  il  sait  faire 
aux  nécessités  gouvernementales  le  sacrifice  de  l'nlée  de  justice 
et  il  classe  l'aHaire,  sur  le  désir  exprimé  par  le  njinistèrc,  dans 
la  [)ersonne  du  secrétaire  général  llamy-Lamolte:  sa  complai- 
sance sera  réconqiensée  par  la  croix  au  15  août  et  une  nomi- 
nation de  conseillera  Paris,  dés  le  premier  jioste vacant  [150]. 
Plus  tard,  après  l'assassinat  de  Séverine  Aubry,  qui  remet  en 
question  l'aiïaire  Grandmorin,  on  lui  permet  de  dé|iloyer  enfin 
toutes  ses  liantes  qualités  de  perspicacité  et  d'énergie;  par  un 
clief-d'œuvre  de  Une  logiqu»*,  il  parvient  à  prouver  lumineuse- 
ment la  com[»li(tité  de  Cabucbe  et  de  lloubaud,  coniplicité  qui, 
d'ailleurs,- n'a  janiais  existé  et  dont  la  démonslnitiou  entraine 
une  double  erreur  judiciaire  [i05].  (La  Bête  hinmune.) 

Dequersonnière.  —  Le  professeur  de  Debuebe.  \j\\  ancien 
grand  piix,  anjonrd'bui  arcbiiecte  d<îs  bàlitnenl.>  civils,  officier 
de  la  Légion  d'bonnenr,  membre  de  rinstitnl.  Son  chef-d'œuvre 
est  Lé^^lise  Saint-.Matbieu,  (|ui  tient  du  moule  à  pâté  et  de  la 
pendule  Empire  [51)].  L'atelier  Lk*qucrsonniére  est  situé  rue  du 
Four,  au  fond  d  un  vieux  logis  lézuidé  [GTj.  (L'OLuvre.) 

Desbazeilles.  —  La  gloire  littéraire  de  la  Coiii-  de  Piouen, 


I)KS  ROrCON-MACQL'AUT  11» 

où  il  est  conseiller;  on  cite  ses  sonnets  finement  tournés.  C*est 
un  ce!  batair**,  un  bon  ami  de  madame  Uoniiehon,  aux  temps 
anciens.  Pendant  des  années,  il  a  eu  sa  cliamlire  au  cli&teau  de 
Doinvillo;  maintPiiaiit,  bien  qu'il  ait  dépassé  la  soixantaine,  il 
y  vient  dîner  toujours,  en  vieux  cumarude,  auquel  ses  rhuma- 
tismes ne  penneitent  plus  que  le  souvenir  [iU].  Lors  du  pro- 
cès r«on)ia.id,  c*eat  lui  qui  préside  la  Cour  d'assises  [400].  {La 
Bt'ie  humaine.) 

Desforges.  —  Un  homme  de  Bourse.  L'intimité  de  sa  jeune 
femniH  avec  le  grand  financier  Hartmann  a  clé  fort  utile  au  mé- 
nage, hesforgos  meurt,  laissant  une  fortune  niée  par  les  uns, 
cxîigéréc  par  les  autres  [71].  {Au  Bonite ur  des  Dames,) 

Desforges  (Madame  Henriette).  —  Fille  d'un  conseiller 
d'État.  .\  elé  mariée  à  un  homme  de  Bourse,  qui  utilisait  la 
précieuse  ainiiié  du  fîuancier  Hartmann.  Henrielte  a  été  recon- 
naissante au  liaron,  du  vivant  même  de  Desforges  et,  lt>rsqu*elle 
est  devenue  v«>uve,  la  liaison  a  continué  mais  toujours  discrè- 
tement ,  sans  une  imprudence,  sans  un  éclat.  Jamais  madame  Des- 
forges ne  s'aftiche,  on  la  reçoit  partout  dans  la  h;iute  bourgeoi- 
sie où  elle  e.-t  n>'e.  Mé  ne  lorsque  la  passion  du  banquier  ne 
lui  sufiit  plu>.  et  queie  baron  se  borne  paternellement  à  coin- 
niandiicr  ses  amis,  elle  apporte  dans  ses  coups  de  eœur  une 
mesure  et  un  tact  si  délicats,  une  science  du  monde  si  adroite- 
ment ai»|>ii<[uée,  que  les  apparences  restent  sauves  et  que  per- 
sonne ne  se  permettrait  de  mettre  tout  haut  son  honnêteté  en 
doute. 

C'est  une  brune  un  peu  forte,  avec  de  grands  yeux  jaloux,  très 
élégant'.  Elle  linhile  rue  de  IWvoIi,  au  coin  de  la  rue  d'.Alger, 
et  reçoit  beaucoup.  Goûtant  un  plaisir  de  veuve  à  marier  les 
gens,  il  liii  arrive,  après  avoir  pourvu  les  filles,  de  laisser  les 
pères  choisir  des  amies  dans  sa  société,  cela  uaLurellement,  en 
toute  Iii)ii.ie  ù-'à;3.  san<  que  le  monde  y  trouve  jamais  matière 
à  scau<la!e  [.>'2j.  C'est  dans  son  salon  qu'est  née  la  liaison  de  ma- 
dame (juib.il  avec  le  comte  de  Boves.  Madame  Desforj^es  est  la 
maîtresse  d  Octave  Mouret;  elle  s'est  donnée  à  lui,  comme  em- 
portée dans  \*:  brus(|ue  amour  dont  il  lattaquail  ;  elle  l'adore  avec 
la  violence  d'une  fennne  de  trente-cinq  ans  déjà,  qui  n'en  avoue 
que  vin;:t-nenf,  désespérée  de  le  sentir  plus  jeune,  tremblant 
iUi  le  nerlrt'.  Une  indiscrétion  de  Bouihemonl  la  renil  jalouse 
(le  bcni?e  liiuJu,  elle  s'aveugle  au  point  de  vouloir  ramener 
Ôilavc  t;i   liumilianl  la  jeune   fille,  mais,   prise  à  son  propre 


120  LtS  PERSONNAGES 

piège,  il  ne  lui  reste,  pour  tirer  vengeance,  qu'à  faire  comman- 
diter Bouthemonl  par  Hartmann,  comme  Hartmann  avait  déjà 
commandité  Mouret  [393].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Désir  (Veuve).  —  Tient  le  bal  du  fion-Joyeux.  C*est  une 
forte  mère  de  cinquante  ans,  d*une  rotondité  de  tonneau,  mais 
d'une  telle  verdeur,  qu'elle  a  encore  six  amoureux,  un  pour 
chaque  jour  de  la  semaine,  dit-elle,  et  les  six  à  la  fois  le 
dimanche.  Elle  appelle  tous  les  charbonniers  ses  enfants, 
attendrie  à  l'idée  du  fleuve  de  bière  qu'elle  leur  verse  depuis 
trente  années;  elle  se  vante  aussi  que  pas  une  hercheuse  ne 
devient  grosse,  sans  s'être  à  l'avance  dégourdi  les  jambes  chez 
elle  [17i].  Pour  elle,  toutes  les  autorités,  tous  les  patrons,  ce 
sont  des  gendarmes,  un  terme  de  mépris  général,  où  elle  enve- 
loppe les  ennemis  du  peuple  [265].  La  veuve  Désir  prête  sa 
salle  de  bal  à  des  mineurs  en  grève  et,  à  l'arrivée  du  com- 
missaire, elle  les  aide  à  s'esquiver  [281].  (Germinal.) 

Deslignières.  — -  Bimbelotier  de  la  rue  Saint-Roch.  Un 
gros  homme  sanguin,  menacé  par  Tapoplexie.  Il  ne  dérage  pas 
depuis  que  le  Bonheur  des  Dames  lui  fait  une  victorieuse  con- 
currence et  affiche  les  porte-monnaie  à  trente  pour  cent  de 
rabais  [261].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Desmarquay.  —  Agent  de  change,  rue  Saint-Lazare  [391]. 
Trublol  est  employé  chez  lui.  (Pot-Bouille.) 

Desroches.  —  Notaire  au  Chéne-Populeux.  Sa  petite  mai- 
son blanche,  d'aspect  bourgeois  et  calme,  à  deux  étages,  fait 
l'angle  de  la  rue  de  Vouziers  et  de  la  place.  Elle  a  été  réquisi- 
tionnée pour  Tempercur,  le  27  août  1870,  pendant  la  marche 
de  rarmée  deMac-Mahon.  Napoléon  111  habile  au  premier  une 
chambre  à  peine  éclairée.  Ce  qui  flambe  dans  la  maison,  c'est 
la  cuisine,  au  rez-de-chaussée,  une  vraie  fournaise  où  rôtit  et 
bout  le  diner  d'un  empereur;  il  y  a  trois  cuisiniers,  en  vestes 
blanches  éblouissantes,  s'agitant  devant  des  poulets  enfilés  dans 
une  immense  broche,  remuant  des  sauces  au  bout  d*énormes 
casseroles  dont  le  cuivre  reluit  comme  de  l'or  [llô].  Là-haut 
Tempcreur,  silencieux  et  las  devant  son  couvert,  porte  à  peine 
deux  bouchées  à  ses  lèvres  et  repousse  tout  le  reste  de  la  main, 
regardant  la  nappe  de  ses  yeux  vacillants,  troubles  et  pleins 
d'eau;  tandis  qu'au*dessous,  dans  le  braisillement  des  bougies 
et  la  fumée  des  plats,  on  voit  une  tablée  d'écuyers,  d'aides  de 
camp,  de  chambellans  en  train  de  vider  les  bouteilles  des  four- 


DES  ItOl'CO^-MACUUAnT 

lions,  d'cDçloutir  les  volailles  et  île  lorcher  les  sauces,  ; 
milieu  Je  grands  éclaU  de  voix;  la  certitude  erronée  de  I 
retraite  eccliante  tout  ce  monde,  qui  compte  bien  roucher  à1 
Paris,  dans  des  lits  propres,  avant  huit  jours  [118].  liais  c'csl 
pendant  ctlle  nuit  que  la  marche  vers  la  Ueuse,  abandonnée 
dans  un  instant  de  lucidité,  sera  reprise  pour  le  salut  du  régiiiiL' 
impérial;  c'est  la  nuit  du  crime, la  nuit  aliominable  d'un  assas- 
sinai de  naiion,  car  l'armée  dès  lors  se  trouvera  en  détresse, 
cent  mille  hommes  seront  envoyés  au  massacre  [120].  {La 
Débâcle.) 

Desroches  (Mad.'1>ie).  —  Mère  du  notaire,  ta  très  vieille 
et  1res  boiiHc  madame  Desroches,  dont  la  maison  touchait  celio 
lies  Levas:cur,  a  beaucoup  gâté  Maurice  lorsqu'il  était  enranl 
,  1 13].  Elle  a  ioivanie-dix  ans  passée  au  moment  de  la  guerre. 
Forcée  d'a'.'cr  coucher  sous  les  toits,  dans  un  litde  bonne,  pour 
.issurer  ui<  logis  convenable  aux  gens  de  .Napoléon  111,  t'.\<: 
aurait  donné  bien  volontiers  sa  maison  à  l'empereur,  mais  il  n 
avec  lui  des  iiersonnages  trop  mal  élevés,  prenant  tout, 
manquant  '.out  brûler  à  force  de  taire  du  Teu.  Elle  trous  e  au 
jiauvre  souverain  la  mine  d'un  déterré  [117].  {La  Débâcle.) 

Sesrumaux  (B.\noN).  —  Un  des  chercheurs  qui,  au 
■vni'  siècl'?,  ont  développé  l'industrie  de  la  houille  dans  le  noi-ii 
de  [a  France.  D'une  intelligence  héroïque,  il  s'est  débattu  sans 
fail/ir,  au  milieu  de  continuels  obstacles  :  premières  rechfr- 
lies  infructueuses,  fosses  nouvelles  abandonnées  au  bout  de 
longs  nioi^  de  travail,  ëboulements  qui  comblaient  les  trous, 
'nondatioiti  subites  qui  noyaient  les  ouvriers,  centaines  lie 
mille  francs  jetées  dans  la  terre  ;  puis,  les  tracas  de  l'adminis- 
tration, le^  paniques  des  actionnaires,  la  lutte  avec  les  seigneurs 
terriens,  résolus  à  ne  pas  reconnaître  les  concessions  royales. 
si  l'on  refasaii  dit  traiter  d'abord  avec  eux.  Il  a  fondé  la  société 
Desniurau\.  Tauquenoix  et  C*,  pour  exploiter  la  concession  lie 
Montsou;  'icu\  concessions  voisines,  celles  de  Cougny  et  île 
Joiiclle,  o.'il  été  réunies  à  cette  dernière  le  S5  août  1760  ei 
dès  lors,  la  Compagnie  des  mines  de  Montsou  s'est  trouvée 
créée,  tell':'  qu'elle  existe  encore  aujourd'hui.  Le  capital  a  é^é 
divisé  en  diux  cent  quatre-vingt-huit  deniers  de  dix  mille  francs 
chacun.  |i,.ns  le  jiurlage,  le  baron  Desrumaux  a  eu  soixanto- 
•]uinie  de;:iers  cl  en  a  fait  prundre  un  par  son  régisseur.  Honoré 
Grégoire  [^a].(C.m<.J .7/.) 

Desvignes  iXotit).  —  Mariée  à  Bouchard,  chef  de  bureau 


I2i  LES  i»EnSONNACES 

au  ministère  de  l'intérieur,  qui  Ta  épousée  pnrce  qu'il  tenait  à 
riionnètcté.  G*est  une  demoiselle  très  bien  élevée,  d*une  hono- 
rable famille  de  Ilambouillet.  Dlomle,  petite,  adorable,  avec  la 
naïveté  un  peu  fude  de  ses  yeux  bleus,  elle  en  est  à  son  troi- 
sième amant,  au  bout  de  quntrc  ans  de  mariage  [51].  Elle 
soigne  ravanccm^nl  de  son  mari,  en  compngrnie  de  Jules  d*Esco- 
railles,  secrétaire  du  ministre  llougon  [169].  Très  complaisante^ 
elle  paie  de  sa  personne  dans  les  manœuvres  de  madame  Cor- 
reur  ['l'IS]  et,  quand  elle  a  un  qunlriènie  amant,  Georges 
Ducbcsne,  commis  principal  dans  la  division  de  son  mari,  elle 
nMiésilc  pas  à  demander  pour  lui  une  place  de  sous-chef  à 
iîougon,  s'ofTrant  gentiment  à  celui-ci,  s'abaiidonnant  avec 
tranquilliié  [:282].  {Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Dide  (Tante).  —  Voir  Fououe  (Adélaïde). 

Dieudonné  (Madame).  —  Femme  du  méger  de  la  Ségui- 
ranne.  Elle  a  recueilli  sa  nièce  Sophie,  sauvée  de  la  phtisie  par 
Pascal  [ôîî].  {^Lc  Docteur  Pascal.) 

Domergue.  —  Ancien  conducteur  des  ponts  et  chaussées, 
à  IMassans.  l'ère  de  madame  Campardon  [il].  {Pot-Bouille,) 

Domergue  (Madame).  —  Femme  de  homeigne.  Vit  retirée 
ù  l*la<sans  avec  son  mari.  Elle  a  recommandé  OclaveMouretàsa 
lille  Kose  [13].  (Pot -Bouille:) 

Domergue  (IIose).  — A  vingt  ans,  elle  était  maigre  et  laide, 
chétive  comme  une  fille  qui  souiïrc  de  la  crise  de  sa  puberté. 
Mariéeavec  trente  mille  francs  de  dot  à  l'architecte  Campardon, 
elie  a  élé  mère  dès  la  première  année,  ses  couches  lui  ont  laissé 
une  maladie  incurable  et  elle  a,  dès  lors,  vécu  dans  une  chas- 
teté forcée.  Lorsque  sa  fille  Angèle  a  treize  ans,  Itose  est 
devenue  dodue,  elle  a  un  teint  clair  et  reposé  de  nonne,  avec 
des  yeux  tendres,  des  fossettes,  un  air  de  chatte  gourmande  [10]. 
C'est  un  épanouissement  tardif  de  blonde  indolente,  dans  une 
é^uïste  contemplation  de  soi-même.  Elle  consacre  chaque  jour 
de  longues  heures  à  sa  toiletle  et,  vêtue  de  soie,  noyant  sous 
des  deiileiles  la  délicatesse  de  son  cou  blanc,  elle  vil  dans  un 
lux'-'  ei  une  beauté  d'idole  sans  sexe  ['l'IO].  Elle  a  une  bonne 
odtMir  fraiche  de  fruit  d'automne.  Maternelle  avec  son  mari  ()ui 
la  berce  de  doux  noms,  satisfaite  de  sa  part  de  caresses,  elle  a 
accepté  les  amours  de  Campardon  et  de  Gasparine,  puis  elle 
exige  (jue  celle-ci  vienne  s'inslalb  r  auprès  d'elle  et,  dès-  lors, 
le  ménage  à  trois  prospère  dèceiiimcnl,  dans  une  paix  bour- 
geoise. (Pot-Bouillc.) 


DES  nOUGON-MACïjaUT  123 

Drouard  (Madame).  —  Vieille  actrice  des  Variétés.  Joue  le 
roie  de  Jution  dans  lu  Blonde  Vénus  [iC7].  {Nana.) 

Dubreuil.  —  Cousin  des  Lcvasscur.  .\  été  sous-directeur  de 
la  Uaflinerit;  ;jénérale,  au  Chêne-Populeux,  à  TépoqueoùWeiss 
y  était  ein|tioyé;  puis,  en  1868,  à  la  suite  d'un  héritage  fait 
par  sa  fen-.m»',  il  s'est  retiré  dans  une  belle  propriéié,  rErmilage, 
dont  les  ter^as^Ci  s'étendent  près  de  Sedan,  vers  le  Fond  de 
(jivonne.  La  veilit'.  de  la  bataille,  dans  la  certitude  du  désastre, 
Dubreuil  s*est  rési{?né  à  emmener  sa  femme  et  ses  enfants  à 
[Joui  Mua  [.GO].  I/Ermilage  est  complùtemcnt  saccagé  pendant 
la  lutte  [ilDj.  (La  Débâcle.) 

Dubruel.  —  Charcutier  à  Plassans,  enrôlé  dans  les  troupes 
He  l'orlre   pour  délivrer  la  mairie.  Plein  d'une  émotion  pol- 
tronne ei  dans  ^a  hAte  aveugle  d'en  Hnir,  il  décharge  son  arme 
en  l'air  [-S'J].  Trois  jours  après,  victime  de  ses  propres  amis,  il 
'  est  tué  dins  ic  guet-apens  organisé  par  Pierre  Hougon  contre 

le?  républicains  [oôlj.  {La  Fortune  des  Rougon.) 
j 
j  Dubuche  (Alice).  —  Fille  de  Louis  Dubuchc  et  de  Régine 

t  Margaillan.  Est  venue  avant  terme,  si  mal  linic  qu'elle  ne  mar- 

:  cbe  pr;?  ♦  ncore  à  six  ans.  Pour  développer  ses  muscles,  on  la 

met  au  trapi'ze,  se>  frêles  mains  de  cire  prennent  la  barre,  elle 
ne  dit  rien,  mais  dans  la  terreur  de  cet  exercice,  elle  a  de 
grands  }.  ux  pâles  et  sa  légèreté  pitoyable  est  telle  que  les  cor- 
des nv  Se  lt'nd'*nt  même  pas  [425],  {V Œuvre.) 

Dubuche  ('Jastox).  —  Le  premier  enfant  de  Louis  Dubuche 
et  de  rié;:iiic  M.ngaillan.  Un  pauvre  être  malinîrre  qui,  à  Tàge 
de  dix  an^  a  les  membres  mous  de  la  petite  enfance;  on  exerce 
ses  m'ambres  grêles  au  trapèze,  mais  il  ne  peut  se  hausser  sur 
les  poignets,  ei  le  moindre  elforl  suffit  pour  le  mettre  en  sueur 
[4-21].  il  Œuvre.) 

Dubuche  (Louis  i.  —  Fils  aîné  d'une  boulangère  de  Plassans. 
Camar.i.le  «i'enîaiice  de  Claude  Lautier  et  de  Pierre  Sandoz. 
Était  y-ensionnaire  au  collège;  il  avait  dès  celle  époque  les  jam- 
bes loLir.j  s,  la  eliair  endormie  du  bon  élève  piocheur.  Sa  mère, 
très  à]irt',  h  os  ambitieuse,  l'a  envoyé  à  Paris,  où  il  suit  les 
cours  dti  TE  o!c  comme  élève  architecte.  C'est  un  gros  gîirçon 
brun,  au  vi>ii;^e  correct  et  bouffi,  les  cheveux  ras,  la  moustache 
déjà  furl'\  Il  hifbiie  rue  Jacob,  au  sixième  étage  d'une  grande 
maison  froide  et  vit  chichement  des  dernières  pièces  de  cent 
sous  que  ses  parents  ont  placées  sur  lui  avec  une  obalinaiion  de 


121  LKS  PERSONNAGES 

juifs  (|ui  escomptent  ravenir  à  trois  cents  pour  cent.  Malgré 
quinze  mois  d\ipprentissage  chez  Dequersonnière,  malgré  son 
effort  de  gros  travailleur,  il  a  failli  être  retoqué  à  TËcole  ;  l'i- 
magination lui  manque,  il  n'est  ferré  que  sur  la  partie  scienti- 
fique. 

La  pondération  de  sa  nature,  son  respect  pour  les  formules 
établies  sont  bousculés  par  la  peinture  déréglée  de  Claude", 
mais  comme  ses  amis  le  plaisantent  et  le  traitent  de  sale  bour- 
geois, il  bat  eu  retraite  et  affecte  une  allure  très  révolution- 
naire. Lorsque  Claude  le  pousse  vers  une  nouvelle  formule  ar- 
chitecturale, TédiFice  où  la  démocratie  sera  chez  elle,  loin  des 
bijoux  d'art  de  la  Renaissance,  quelque  chose  d*immense  et  de 
fort,  disant  la  grandeur  de  nos  conquêtes,  il  ne  demande  que  le 
temps  d'arriver  et  il  promet  de  réaliser  des  merveilles  quand 
il  sera  libre.  En  attendant,  la  nécessité  de  vivre  Ta  poussé  vers 
de  basses  besognes,  en  dehors  de  ses  travaux  d'Ëcole;  il  gagne 
vingt-cinq  sous  de  l'heure  à  remettre  les  maisons  debout,  chez 
un  architecte  incapable  de  se  tirer  d'un  décalque,  et  qui  travaille 
pour  le  grand  entrepreneur  Margaillan.  Dès  lors,  sa  continuelle 
{ircoccupation  d'une  fortune  prompte  l'attire  auprès  de  ce 
dernier;  il  renonce  au  prix  de  Rome,  dans  la  certitude  d*ètre 
battu,  expose  un  projet  de  pavillon,  fortement  retouché  par 
Dequersonnière,  décroche  une  médaille,  grâce  à  la  carrure  tran- 
quille de  son  patron  qui  préside  le  jury,  et  comme  cette  récom- 
pense emballe  le  père  Margaillan,  vieux  parvenu  illettré  qui 
rôve  un  gendre  à  diplômes,  Dubucbe  devient  le  mari  de  la  pâle 
Régine,  réalisant  ainsi  son  ambition  de  grosse  richesse  [1^15]. 

Dès  ce  jour,  il  ne  vient  aux  jeudis  de  Sandoz  qu  avec  la  peur 
de  compromettre  sa  fortune  nouvelle,  évitant  de  parler  de  sa 
femme  pour  ne  pas  avoir  à  l'amener,  expliquant  Isntement  les 
tracas  de  son  installation,  le  travail  qui  l'accable,  depuis  qu'il 
s'occupe  des  constructions  de  son  beau-père,  toute  une  rue  à 
bâtir,  près  du  parc  Monceau  [200].  Mais  ce  bonheur  dure  peu. 
Après  une  invention  déplorable,  un  four  à  briques  où  deux 
cent  mille  francs  ont  été  engloutis,  Dubucbe  est  revenu  aux  cons- 
tructions, il  a  prétendu  appliquer  les  anciennes  théories  qu'il 
tenait  de  ses  camarades,  tout  un  ensemble  qui  doit  renouveler 
Tari  de  bâtir,  mais  mal  digéré,  appliqué  hors  de  propos,  sans 
flamme  créatrice.  C'est  une  suite  de  catastrophes  qui  mettent 
Margaillan  hors  de  lui,  un  désastre  lamentable  où  la  science  du 
gendre  est  battue  par  l'ignorance  du  beau-père,  où  l'École 
fait  banqueroute  devant  un   maçon.  Les  millions  ne  peuvent 


DES  ItOUGON-MACQUAUT  125 

pêrjcliter  plus  longlemps,  Duhucbe  est  reJégaé  à  la  Hichau- 
Jière,  ainsi  qu'un  invalide  de  la  vie. 

Épaissi  par  Targent,  gâté,  désorienté,  il  en  est  réduit  à  vivre 
dans  ramcriume  des  reproches  insultants  de  son  beau-père; 
roffice  et  Tanticliambre  le  traitent  en  mendiant  ;  il  est 
partagé  entre  It^s  potions  de  sa  femme  malade  et  les  soins  à 
donner  à  ses  deux  enfants,  fœtus  venus  avant  terme,  con- 
damnés à  la  scrofule  et  à  la  phtisie,  et  que  l'on  élève  sous  de 
Touate  [313].  Son  unique  satisfaction  est  d'avoir  rendu  à  ses, 
parents  ce  qu'ils  ont  avancé  pour  l'instruire;  il  a  fait  mettre 
pour  eux  une  rente  au  contrat.  Peu  d'années  ont  suffi  à  le 
vieillir:  son  visage  bouffi  s'est  ridé,  d'un  jaune  veiné  de  rouge, 
comme  si  la  bile  éclaboussait  la  peau,  tandis  que  les  cheveux 
et  les  moustaches  grisonnent  déjà  ;  le  corps  s'est  tassé,  une 
lassitude  amère  appesantit  chaque  geste.  C'est  la  défaite  de 
l'argent,  aussi  lourde  que  celles  de  l'art  [^25].  (L'Œuvre.) 

Dubuche  (Madame  Louis).  —  Voir  Margaillan  (Régine.) 

Ducat.  —  Franc-tireur  des  bois  de  Dieulet.  Petit  et  gros, 
blême,  les  cheveux  rares.  C'est  un  ancien  huissier  de  Blain- 
ville,  forcé  de  vendre  sa  charge  après  des  aventures  malpropres 
avec  des  petites  filles;  il  vient  encore  de  risquer  la  Cour  d'as- 
sises, pour  les  mêmes  ordures,  à  llaucourt,  où  il  était  comptable, 
dans  une  fabrique.  Ducat  émaille  son  discours  de  citations  latines. 
Compagnon  de  Cabasse  et  du  sergent  Guillaume  Sambuc,  c'est 
lui  qui.  par  dérision,  joue  le  rôle  du  défenseur  de  Goliath 
Steinberg,  dans  le  simulacre  de  conseil  de  guerre  qui  précède 
la  saignée  de  l'espion  [536].  {La  Débâcle,) 

Duchesne  (Georges).  — Commis  principal  au  ministère  de 
l'intérieur.  H  est  le  quatrième  amant  de  madame  Bouchard, 
femme  de  son  chef  de  division.  Grâce  à  elle,  il  deviendra  très 
vile  sous-chef  [i31].  (Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Ducloux  (La).  —  Une  vieille  femme  des  environs  de  la 
Croix- de-Maiifras,  ancienne  servante  d'auberge,  qui  vit  de  gains 
louches,  ninass/'s  autrefois  [352].  Misard  a  été  autorisé  à  la 
prendre  avec  lui  après  la  mort  de  Flore,  pour  garder  la  barrière, 
et  comme  il  est  devenu  veuf,  la  Ducloux,  travaillée  du  désir  de 
se  faire  épouser,  est  aux  petits  soins,  inquiète  de  ce  que 
jamais  pins  il  ne  ferme  l'œil  [35."»].  S'étanl  vite  aperçue,  à  le 
voir  fouiller  ilans  les  coins,  qu'il  doit  chercher  un  magot,  elle 
a  le  génie  de  se  faire  épouser  par  lui,  en  donnant  à  entendre 

11. 


L_ 


126  LES  PERSONNAGES 

<(u*e1Ie  connaît  la  cachette.  Devenue  la  seconde  madame  Misard, 
renseignée  sur  la  passionnante  recherclie,  elle  s*aPume  â  la 
contagion  etfouiiie  désormais  |)artoutavecson  homme,  désormais, 
aussi  enragée  que  lui  [408].  {La  Bêle  humaine,) 

Duxnonteil.  —  Un  riche  fabricant  de  soieries  de  Lyon.  A 
les  reins  assez  solides  pour  accepter  les  exigences  des  grands 
magasins,  se  contentant  d'alimenter  avec  eux  ses  métiers,  quitte 
à  chercher  en<uite  dos  bénctices  en  vendant  aux  maisons  moins 
importantes  [230].  G*est  lui  qui  fournit  au  Doiiheur  des  Dames, 
une  faille  à  lisière  bleu  et  argent,  le  fameux  Paris-Doiiheur,  qui 
révolutionne  la  place  de  Paris  [i5].(Ai(  Bonheur  des  Dames.) 

Du  Poizat  père.  —  Ancien  huissier  à  Coulonges,  petite 
ville  de  l'arrondissement  de  Niort.  C'est  un  vieillard  blême, 
extrêmement  avare,  qui  refuseront  argent  à  son  fils  et  a  même 
braqué  un  pistolet  sur  lui,  un  jour  où  Léopold  s*éiait  hasardé 
à  lui  demander  dix  mille  francs  pour  monter  une  affaire  superbe 
[180].  11  vit  comme  un  loup,  au  fond  d'une  vieille  maison 
en  ruine,  avec  des  fusils  chargés  dans  son  vestibule.  Son  fils, 
devenu  préfet  de  TEmpire  et  voulant  Tébiouir  par  ses  belles 
broderies,  cherche  à  forcer  sa  porte;  il  en  résulte  un  drame 
mystérieux  et  sans  témoin,  à  la  suite  duquel  on  trouve  le  vieil 
usurier  étendu  au  pied  de  son  escalier,  la  tête  fendue  [i06]. 
{Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Du  Poizat  (Léopold).  — Petit  homme  mince,  la  mine  cha- 
fouine, avec  lies  dents  très  blanches  mal  rangées  [32].  Appar- 
tient à  la  bande  du  ministre  Rougon,  qu'il  a  connu  autrefois  à 
rhôtei  Vaiieau,  chez  mtidnme  Correur,  sa  compatriote.  Du 
Poizat  faisait  alors  son  droit  à  Paris,  où  son  père  lui  servait  une 
maigre  pension  de  cent  francs  ])ar  mois  [33].  Ce  garçon  rageur 
et  cynique  a  été  utilisé  aux  premiers  temps  de  lu  propagande 
bonapartiste;  il  a  emporté  de  haute  lutte  Télection  de  Kougon 
à  Niort  et,  après  le  coup  d'État,  a  reçu  sa  récompense  en  de- 
venant sous-prefet  de  Dressuirc,  presque  chez  lui,  à  quelques 
lieues  de  son  père  dont  l'avarice  l'a  toujours  fait  souHrir  [34]. 
Quand  Pioupfon  tombe  en  disgrâce,  Du  Poizat  est  forcé  de  donner 
sa  démission  et  il  recomineiice  à  crever  de  faim  comme  en  I848 
[J8U].  Ecœuré  de  sa  mésaventure,  il  agile  ses  [»oings  chétifs 
d'enfant  nialaile,  traite  les  gens  des  Tuileries  de  cochons  [41] 
et  lravaill»f  la  presse,  le  monde, la  Bourse,  pour  ramener  Rou- 
gon au  pouvoir.  11  est  le  plus  acharné  de  la  bailli^.  Au  jour  du 
succès.  Du  Poizat  devient  préfet  des  Deux-Sèvres,  il  rêve  plus 


DtS  l!OUC.u.N-MAC(}Uiliî  t;; 

quejaniiiis  de  venger  son  enfance  [30i).  mais,  loujours  rKgeiit 
el  louj  >uri  eyiiji|ue,  il  pousse  trop  loin  l'arbitmire,  lurrons.-itil 
Niorl,  iin|iosniit  les  ba>ses  tyrunnies  dï  Gilijuin,  arréLaut  les 
gens  à  lort  et  à  traveri,  allunl  juaqn'i  provoquer  la  mort  du 
|ière  Du  l'utzal  dans  des  condilions  inexpliifuées  [406].  Quand 
SCS  lourdes  fuuiei  oui  précîpîlé  la  nourdie  cliule  de  son  pro- 
lecteur, il  s'empresse  Uunirer  dans  le  jeu  Je  Cloi  inde  ei  oIj- 
liciil  d'élre  seulement  déplacÉ  [13i].  (£911  Excellence  Eugène 
ROHgon.) 

Durieu.  —  L'n  brasseur  millîonnfttre.  Il  a  élé  sCvluit  par  le 
cbarnie  du  Cnroliiie  iUnielineira  épousée,  .liais  Duricu,  alcoo- 
lique iliiiigcreui:.  poursuit  sa  femme  aveu  un  couteau,  dans  des 
l'riies  de  j.iiousie  furieuse.  Aussi  une  sèpnrKiron  interriRiil-elle 
UurieuiNCurt  fou  dans  une  maison  désunie  [Gt].  {L'Argent.) 

Durieu  (Madame).  —  Voir  Caroline  (.Madajie). 

Durieu  (Le  pére).  —  Commissionnaire  à  l'iassaus.  Vieu 
Provenç-il  l;ieiturne  [31].  {Le  Docteur  l'ofcal.) 

Dutilleul.  —  Minuterie  de  Monisou,  du  cùtéd-laveineGuil- 
aunie.  I,a|,'r.'ve  des  mineurs  arrête  ses  meules  [WÔ].  {Germinil.} 

DaveyriercALPHONSE),  — Conseillera  laCourd'appL'l.  Issu 
d'une  vieille  fninille  bourpeoise,  fîls  dur  président  de  cour,  a 
été  aïtaL'tié  au  parquet  dès  sa  sortie  de  l'eiiale.  plus  lard  juge 
suppléant  à  l'arls,  décoré,  conseiller  avant  quaran lu-cinq  ans. 
Pas  plus  fort  qu'un  autre,  il  a  élé  poussé  par  (oui  le  monde- 
Iiuveyrier  est  gi-and  el  maigre.  Il  a  la  face  rusée,  un  menton 
poiniu  et  dus  veux  obliques;  sa  peau  est  marquée  de  larges 
plaques  rouges,  indiquant  un  sang  mauvais,  tuiitu  une  Arrêté 
brùUinl  à  11-urde  pe»u  [lOt].  Marié  à  CloKlde  Vabre  avec  qui 
il  hahilu  dans  la  maison  du  beau-père,  rue  du  Choiïcul,  ses  gros 
appéiit>  de  inà'eont  été  déçus  parle  dégoill  pbysiqne  qu'il  ins- 
pire à  siL  f  nimc.  .^ussi  a-l-il  toujours  quelque  uiallressu,  logée 
par  prL'tauiiun  dans  des  quartiers  lointains,  au  bout  dus  lignes 
d'ouHitlinâ,  L-i  cliet  qji  il  va  une  fois  par  semaine,  régulière- 
muni,  ainsi  qu'un  employé  se  rend  à  son  bi.reau  [I .  G]. 

La  d'TnK'ru  en  dali  est  Clarisse  D<iuquel,  qui  répond  sans 
djule  àuii  iiùal  lojigirmpscliercbé,  car  il  s'usl  lioleinmenl  épris 
d'elle  ;  il  [ilunie  en  lui  baisanl  les  paupières,  tout  secoué  d'iiis 
ses  ard'.'ur-  uiia' nulles  par  un  besoin  de  culiivcr  la  petite  Qeur 
hleue  dus  lom^mces,  D'est  chfZ  Clarisse  qu'il  reçoit  tus  amis  el, 
diins  ce  s;ilun  delà  rue  de  la  Cerisaie, lu  s'-nleiieieu.v  Dui>yrier. 
si  morne  tlitisa  femme,  retrouve  un  air  Je  jeunesse,  les  taches 


128  LES  PEHSONNACKS  DES  HOUGON-MACQUART 

saignantes  Je  son  front  tournent  au  rose,  ses  yeux  obliques  lui- 
sent d'une  gaieté  d'enfant  [169].  Les  visites  hebdomadaires  ne  lui 
suffisent  plus;  il  s'échappe  entre  deux  suspensions  d*audience, 
faisant  seulement  à  la  dignité  de  la  magistrature  la  concession 
de  retirer  son  ruban  rouge  quand  il  arrive  chez  sa  maltresse, 
il  croit  d'ailleurs  à  la  parfaite  vertu  de  Clarisse  qui»  pourtant, 
le  trompe  sans  scrupule,  et  il  reste  pétrifié  le  jour  où  elle  le 
lùche  brutalement.  C'est  pour  Duveyrier  une  immense  amertu- 
me, dont  il  est  à  peine  distrait  par  la  mort  du  vieux  Vabre  et  les 
manœuvres  à  accomplir,  de  connivence  avec  Cloiilde,  pour  spo- 
lier ses  deux  beaux-frères.  Dans  son  désarroi  de  mâle  aban- 
donné, il  couche  avec  Adèle,  la  bonne  des  Josserand,  mais  rien 
ne  remplace  Clarisse  et,  lorsqu'un  jour  le  hasard  la  lui  fait  ren- 
contrer sous  une  porte,  il  est  trop  heureux  de  la  reprendre,  de 
la  réinstaller  rue  d'Assas  dans  un  bel  appartement,  acceptant 
ses  nouvelles  conditions,  renonçant  à  l'amusant  intérieur  d'au- 
trefois, se  résignant,  lui  que  la  musique  horripile,  à  subir  la 
torture  d'un  pinno,  retrouvant  chez  sa  maîtresse  un  coin  de 
bourgeoisie  féroce  où  se  répètent  tous  les  ennuis  de  son 
ménage,  dans  de  l'ordure  et  du  vacarme  [897]. 

Mais  celte  secousse  l'a  profondément  atteint;  des  embarras 
d'urgent  lui  sont  venus,  il  baisse,  les  jeunes  avocats  le  regar- 
dent d'un  air  polisson,  ce  qui  le  gène  pour  rendre  la  justice  [450]- 
Jeté  dans  Tescalier  par  la  famille  de  Clarisse,  il  a  essayé  de  se 
suicider  et  cette  tentative  ratée  l'a  laissé,  la  mâchoire  de  tra- 
vers, déviée  à  gauche.  11  va  d'ailleurs  devenir  président  de 
chambre  et  ofiicier  de  la  Légion  d'honneur,  juste  récompense  de 
sa  férocité  de  magistrat.  Et  Duveyrier  remplacera  Clarisse  par 
une  nouvelle  maltresse  un  peu  mûre,  mais  romanesque,  l'âme 
élargie  par  cet  idéal  dont  il  a  besoin  pour  épurer  l'amour  [488]. 
(Pot-Bouille.) 

Duveyrier  (Madame  Alphonse).  — Voir  Vabre  (Clotilde). 

Duve3rrier  (Gustave).  —  Fils  du  conseiller  à  la  cour.  Fait 
?a  rhétorique  au  lycée  Bonaparte.  A  seize  ans,  il  est  mince  et 
précoce  ["202].  Gustave  couche  avec  la  cuisinière  de  ses  parents, 
Julie,  qui  contracte,  grâce  à  la  malpropreté  du  jeune  homme, 
une  mauvaise  maladie  [487].  {Pot-Douille.) 

Duvillard.  —  Possesseur  d'un  grand  hôtel  Louis  XIV,  atte- 
nant à  la  masure  de  Bourras,  rue  de  la  Michodiére.  Cet  hôtel 
est  acheté  par  Octave  Mouret  pour  les  agrandissements  de 
ses  magasins  [23].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 


Ecosse  (S.  A.  R.  le  prince  d*).  —  Fils  de  reine,  héritier 
d'un  trône.  Grand,  fort,  la  barbe  blonde,  la  peau  rose,  il  est 
d'une  distinction  de  viveur  solide;  ses  membres  carrés  s'indi- 
quent sous  la  coupe  irréprochable  de  la  redingote  [150].  C'est 
un  habitué  des  Variétés,  un  admirateur  de  Nana,  qu'il  voudrait 
entendre  chanter  à  Londres  [IGO].  Dans  la  loge  de  la  cabotine, 
ce  vrai  prince  boit  du  Champagne  avec  l'Amiral  suisse  et  le  roi 
Dngobert;  mettnnt  une  aimable  complaisance  à  accueillir  ces 
chienlits.  Plus  tard,  parlant  de  Son  Altesse  Royale,  Nana,  qui 
a  perdu  tout  respect,  l'appelle  Charles  Iput  court  et  dit  que 
c'est  un  prince,  mais  un  salaud  quand  même  [394].  (Nana,) 

Écrevisse  (L').  —  Demi-mondaine  du  second  Empire.  Cé- 
lébrité maigre,  rouge  de  cheveux  [135],  (La  Curée.) 

Empereur.  —  Un  des  chiens  du  berger  Soûlas,  une  héte 
lonible.  Comme  son  maître,   il  exècre  la  Cognetle  [luO].  (La 

T'H-e.) 

Ernestine.  —  L'ne  dame  qui  a  occupé  une  chambre  dans 
la  maison  de  Bourras,  et  qui  a  écrit  son  nom  en  promenant  sur 
le  plafond  la  flamme  d'une  chandelle  [2'21].  (.-Im  Bonheur  des 
Dawes.) 

Escorailles  (Marquis  d').  —  Père  de  Jules  d'Escorailles. 
Apparfj-nt  à  la  vieille  noblesse  du  (juarlier  Saint-Marc,  â  Plas- 
sans.  Depuis  la  chute  du  roi  Charles  X,  il  n'a  pas  remis  les 
jûeds  à  Paris.  Mais,  pour  assurer  l'avenir  de  son  fils,  il  l'aulo- 
rise  à  servir  TEmpire  et,  s'il  feint  de  le  renier  devant  le  monde, 
il  travaille  à  son  avancement  d'une  façon  sourde  et  continue, 
affectant  une  humble  attitude  devant  le  triomphant  Rougon 
qu'iH  condescend  à  traiter  d'ami  et  de  compatriote  [258],  rede- 
venant hautain,  plein   de  morgue  et  d'insolence,  aussitôt  qu'il 


I3n  LES  PERSONNAGES 

sent  I«i  (iisjrràcc  de  nounou  [ilO].  I)  poussn  le  manque  de  dignité 
jusqu  à  M  rilre  son  fils  aux  genoux  de  Clorinde  pour  obtenir 
une  sous-j»rêferlure[iol].  [Son  Excellence  Eugène  f(ougon,) 

Escorailles  (Marouise  d*).  —  Elle  accompîigne  son  mari 
dans  si*s  visites  à  lloujjon,  soulignant  ainsi  i'Iiuiuiliié  de  cette 
vit»ilhî  f.iniillf»  léj,nliinisi»*  devant  le  ;:ros  parvenu  de  l*Empire 
[*2'û].  {Son  Excellence  Eugène  îloufjnn.) 

Escorailles  (Jeles  d').  —  Enfant  gâté  d'Eugène  Rougon, 
qui  satisfait  on  lui  son  besoin  d*él>louir  les  nobles  de  Plassans. 
Haut  dignitaire  de  l'Empire,  Uougon  fait  de  ce  jeune  homme 
un  audiii'ur  au  ('onscil  d'Etal  [iO],  puis,  devenu  ministre,  il  le 
prend  comme  secrétaire  [:2V4].  1)  Escorailles,  qui  est  l'amant  de 
la  jolie  madame  Douciiard,  obtient  tout  ce  qu*il  veut  de  son 
patron;  mais,  comme  le  reste  de  la  bande,  il  est  ingrat  et,  au 
jour  de  la  chute,  il  n'hésite  pas  à  lâcher  liougon  pour  briguer 
les  fav»'urs  du  ministre  Delestang  [i31].  {Son  Excellence 
Enrjenc  liougon.) 

Espanet  (Marquis  d').  —  Mari  de  la  marquise  Adelinc. 
Nommé  aide  de  canif)  de  l'empereur,  s'est  rallié  bruyamment, 
au  scandale  de  la  vici'Ie  noblesse  boudeuse  |8].  N*accompagne 
jamais  sa  femme  dans  le  monde  [29j.  (Iji  Cuvée,) 

Espanet  (.MAnQUiSE  Adelixe  d').  —  Une  «les  plus  illustres 
nionilaincs  du  second  Empire  [8].  Petite,  mine  de  chatte,  voix 
flùlée,  nez  un  peu  de  travers.  Amie  de  pension  de  Renée  Héraud 
Du  Cluitcl  et  de  Suzanne  Ilaiïner,  elle  est  l'inséparable  de 
celle-ci;  de  vilaines  histoires  courent  sur  leur  compte  [116]. 
{La  Curée,) 

Eugénie  —  Cuisinière  de  Valérie  Vabre.  Grande  belle  fllle, 
une  Venus  qui  fait  la  conquête  de  tous  les  honmies.  Elle  part 
au  bout  d'un  mois,  ayant  communiqué  une  maladie  honteuse 
à  ceux  qu'elle  a  honorés  de  ses  faveurs  [3oS].  {Pot-Bouille,) 

Eugénie.  —  Enfant  enterrée  au  cimciièrc  de  Cayenne,  à 
Saini-Ou«'n,  où  Bongrand  et  Sandoz  lisent  Tinscrifilion  sur  une 
pauvre  croix,  sans  entourage,  plantée  de  biais  dans  une  allée  : 
Eur.tME.  Tiiois  jouns  [-iST].  {L'Œuvre.) 

Eulalie.  —  Ouvrière  repasseuse,  (iilquin  Ta  rencontrée  un 
soir,  à  la  sortie  de  l'Amliiîîu,  et  il  est  devenu  ^on  amant.  Eulalie 
habile  un  hôtel  meublé  de  la. rue  Montmartre,  près  de  son 
atelier,  riibiuin  surprend,  dans  une  chambre  voisine,  un  concilia- 


DLS  UOUGO.N-MACyUAUT  131 

liuie  culte  l'alit'iis  venus  à  P.iris  pour  assassiner  l'empereur 
[•J52].  [Son  E.iceilcuce  Eugène  liongon.) 

Eulalie.  —  Grosse  marchimle  de  poissons,  maîtresse  de 
lîec-SitI'.',  dil  Doit-sans-Soif.  Eiie  le  flaire  chez  les  niar«  liands 
u-^  vin,  tuut  «Ml  poussant  sa  voilure  le  long  des  IroMoirs  et, 
«l'ianl  (.lie  !  }»ince.  il  lui  arrive  de  lui  cnvoyorune  limande  par 
h;  fi^'ure,  pour  lui  apprendre  à  manquer  l'atelier  [44 i].  [L'As- 
somnioir.) 

Eulalie  iI.a  méhe).  —  Marcliande  de  légumes  au  panier,  à 
.Monlmarlro.  I.ocaiairc  de  madame  Mêtliaiii,  dans  la  cité  de 
>apl«*s.  <i\*>l  uii»î  énorme  fenjnicdc  quarante  ans.  Mala«le  depuis 
quinze  jjur<,  c!le  est  dans  son  lit,  nue  faute  de  chemise,  on 
«irait  u:."  outre  à  moilie  vi'ie,  tant  elle  est  niolle  et  coupée  de 
]«Iis.  Lî.  léic  n'est  point  laide,  fraichc  encore^  encmlrée  de  pc- 
liîs  cheveux  hloihls  frisés  [ICI].  Le  jeune  Viclor  Saocani,  âgé 
(i'-  ilonze  ::iis,  d'une  piccocilé  de  monstre,  couche  avec  la 
liiùrc  Eulalie  tt  l'appelle  sa  femme  [168j.  (LWrgoii.) 

Eusèbe.  —  Knfjml  de  chœur  à  Saint- Saturnin  de  Ptas>ans. 
\.c«>ii.j  .::ji,':-  Tahhé  Dourrelie  au  lit  de  mort  du  curé  Conipan 
:  I  î".'  .  «/.'/  Cohquéte  lie  Plassann.) 


F 


FageroUes  père.  —  Fabricant  de  zinc  d'art,  rue  Vieille- 
du-TeinpIe,  dans  une  antique  demeure  sombre,  qui  avance  sur 
les  autres.  C*est  un  gros  homme  blême.  Ses  ateliers  sont  au 
rez-de-chaussée;  pour  abandonner  aux  magasins  d'échantillons 
les  deux  grandes  pièces  du  premier  étage,  éclairées  sur  la  rue, 
il  occupe,  sur  la  cour,  un  petit  logement  obscur,  d'un  étouf- 
femenl  de  cave.  D'abord,  il  a  fait  de  son  fils  un  dessinateur 
d'ornements,  pour  l'usage  de  sa  fabrique;  puis,  lorsque  le 
gamin  s'est  révélé  avec  des  ambitions  plus  hautes,  s  attaquant 
à  la  peinture,  parlant  de  l'École,  il  y  a  eu  des  querelles,  des 
gifles,  une  série  de  brouilles  et  de  raccommodements.  3Iême 
lorsque  Henri  a  remporté  ses  premiers  succès,  son  père,  rési- 
gné à  le  laisser  libre,  l'a  traité  durement,  en  garçon  qui 
gâtait  sa  vie  [7i].  Plus  tard,  travaillé  du  désir  de  la  décoration, 
le  fabricant  oublie  son  opposition  de  jadis;  il  présente,  comme 
un  titre  de  plus,  son  lils  arrivé  à  la  notoriété  [258].  {LQEuire.) 

FageroUes  (Henri).  —  Fils  du  fabricant  de  zinc  d'art.  \ 
poussé  dans  le  petit  logement  paternel,  en  vraie  plante  du  pavé 
parisien,  au  bord  du  trottoir  mangé  par  les  roues,  trempé  par 
le  ruisseau,  en  face  d'une  boutique  à  images,  d'un  tripier  et 
d'un  coiffeur  [74].  C'est  un  garçon  mince  et  pâle,  dont  la  figure 
de  fille  est  éclairée  par  des  yeux  gris,  d'une  càlinerie  mo- 
queuse, où  passent  des  éclairs  d'acier.  Il  affecte  des  airs  de 
casseur  et  de  vovou.  Élève  de  l'École  des  Beaux-Arts,  mais 
affilié  à  Claude  Lantier,  à  Pierre  Sandoz  et  à  leur  bande,  il 
amuse  ses  amis  révolutionnaires  en  leur  racontant  des  his- 
toires désobligeantes  sur  les  bonzes  de  l'École;  il  se  fait 
adorer  par  sa  continuelle  lâcheté  de  gamin  llalleur  et  débineur 
[91].   Subissant    i'inllueiice    de  Claude,   il    ne   parle   que    de 

1-2 


\VA  LES  PtKSONNAGES 

peinture  grasse  et  solide,  que  de  morceaux  de  nature,  jetés 
sur  la  toile,  vivants,  grouillants,  tels  qu'ils  sont;  mais  il  con- 
tinue de  pcin<lre  avec  une  adresse  d*es(-amot»;ur  et,  dans 
d'autres  milieux,  il  blagne  les  peintres  du  plein  air,  en  les 
accusant  d'empaler  leurs  éludes  avec  une  cuiller  a  pot  [iOO]. 
Très  malin,  il  n  expose  pas,  de  peur  du  mécontenter  ses  maî- 
tres; il  tape  sur  le  Salon,  un  bazar  infect  où  la  bonne  peinture 
tourne  à  l'aigre  avec  la  mauvaise^  et  en  secret  il  rêve  le  prix 
de  Kome,  qu'il  plaisante  d'ailleurs  comme  le  reste  [103J. 

L'ambition  opère  une  transformation  en  lui,  le  terrible  far- 
ceur qu'il  est  n'affecte  plus  autant  des  allures  relâcbées,  il  est 
déjà  correctement  vfttu,  toujours  d'une  mo(|uerie  à  mordre  le 
monde,  mais  les  lèvres  désormais  pincées  en  une  moue  sé- 
rieuse de  garçon  qui  veut  arriver  [151].  Devant  le  Plein  Air 
de  Claude  Lautier,  il  a  longuement  étudié  un  public  mis  en 
révolte  par  la  rude  franchise  de  l'artiste;  avec  son  flair  de 
Purisien  et  sa  conscience  souple  de  gaillard  adroit,  il  s'est 
rendu  compte  du  malentendu  et  il  a  senti  vaguement  ce  qu'il 
faudrait  pour  que  cette  peinture  fit  la  conquête  de  tous, 
quoI(|ue5  tricberies  peut-être,  des  atténuations,  nn  arrange- 
mont  du  sujet,  un  adoucissement  de  la  facture  [165].  Après 
avoir  raté  le  prix  de  Rome,  il  expose  une  actrice  devant  sa 
glace,  faisant  sa  figure,  une  peinture  qui  joue  l'audace  de  la 
vie,  sans  une  seule  qualité  originale,  et  qui  a  du  succès,  car  les 
bourgeois  aiment  qu'on  les  chatouille,  en  ayant  l'air  de  les 
bousculer  [^14].  Une  reproduction  gravée  de  ce  tableau  a  un 
grand  succès  [--ii]. 

Très  élrigaut  maintenant,  pincé  dans  des  vêtements  de 
coupe  anglaise,  Fagerolles  a  une  tenue  d'homme  de  cercle, 
relevée  par  la  pointe  «le  débraillé  artiste  qu'il  garde.  Il  joue 
riiommc  excédé  par  le  succès  naissant.  C'e>t  toujours  In  même 
ligure  inquiéîanle  de  gueuse,  mais  un  certain  arrangement  des 
cheveux,  la  coupe  de  la  barbe,  lui  donnent  une  gravité.  Peu  à 
pL'U,  il  se  sépare  de  la  bande,  fréquentant  tous  les  lieux  de 
publicité  où  se  nouent  de?  connaissances  utiles;  il  sait  mettre 
les  femmes  de  deux  ou  trois  salons  dans  sa  cbauce,  non  pas  en 
iiiale  brutal  comme  son  ami  Jory,  mais  en  vicieux  supérieur  à 
>•}:•  liassions,  en  simple  chatouilleur  de  baronnes  sur  le  retour 
|-'.G|.  bi':<  lors,  tambouriné,  ailicbé,  célébré,  en  marche  pour 
lonies  les  for  tunes  et  tous  les  honneurs,  il  bénélicie  de  la  haine 
Muon  éprouve  pour  ses  amis  ;  on  comble  d'éloges  ses  toiles 
;t'ioucies,  pour  achever  de  tuer  leurs  œuvres  obstinément  vio- 


r  •  ■ — 


DES  ROUr.ON-MACQUAnr  135 

leiUes.  Son  beau  renom  est  mis  en  valeur  par  le  marchand  «le 
tableaux  Nauiiel.  ('.elui-ci  Tinstallc  avenue  de  Villiers,  dans  un 
petit  liùlfl  renaissance,  un  vrai  bijou  de  fille,  plein  d'un  luxe 
magnifique  et  bizarre  [301]. 

Décoré,  exigeant  dix  mille  francs  d'un  portrait,  accaparé  par 
Naudct  qui  ne  lâche  pas  un  de  ses  tableaux  à  moins  de  vingt, 
trente  ou  quarante  mille  francs, le  peintre  vit  en  pleine  gloire; 
pourtant, ce  luxe  étalé  sent  la  dette,  tout  Pargeiil  gagné  comme 
à  la  Rourse,  dans  des  coups  de  hausse,  lile  entre  les  doigts,  se 
dépense  sans  i(iron  en  retrouve  la  tnice.  FageroUes  ne  compte 
pas.  ne  s'inquiète  pas,  fort  de  l'espoir  de  vendre  toujours  de 
plus  en  plus  clit^r,  glorieux  de  la  grande  situation  qu'il  prend 
dans  l'art  coniemporain  [o61|.  Il  se  laisse  manger  par  Irma 
Récot,  la  gamine  d'autrefois,  l'enfant  du  même  trottoir  que  lui, 
parvenue  à  l;i  gloire  par  un  autre  moyen  et  qui  possède,  de 
Taulre  côié  de  Tavcnue,  un  hôtel  princier  [^iOO].  Élu  du  jury, 
le  quinzicuit^  sur  quarante,  de  cinq  places  avant  le  maître 
peintre  lîongraiid,  il  expose  Un  Di'jcuuci\  qui  est  Tiuipudent 
démarquage  du  Plein  A/r,  de  (Claude  Lantier,  avec  la  même 
note  blon  le,  la  njùme  fornmie  d'art,  mais  adoucie,  truquée, 
gâtée,  d*uii(*  élégance  dVpidcrme,  arrangée  avec  une  adresse 
infinie  pour  les  satisfactions  basses  du  public  ['îsri].  Et  dans 
son  apothéose,  caprice  nerveux  du  grand  Paris  détraqué  [o9'ij, 
fortune  d'une  saison  qui  s'effondrera  bientôt  dans  la  débâcle  de 
Naudet  [iUJ,  Tagerolles  se  donne  le  luxe  de  se  montrer  ser- 
viable  envers  Claude  Lantier,  le  maître  inavoué  de  sa  jeu- 
nesse, celui  <|ui  Ta  marqué  à  jamais  de  son  inlluence,  et  dont 
le  niut4  dédain  suflil  toujours  à  le  gêner.  Il  fait  recevoir  par 
charité  un  tableau  de  Claude,  l'E/z/^/w/  mort,  qu'on  n'aperçoit 
même  pas,  dans  le  déf)Oloir  où  il  est  relégué,  tandis  que  la 
foule,  conquise  par  l'habile  FageroUes,  s'étouITe,  extasiée, 
devant  sa  peinture  bien  parisienne  [38h].  (LŒncrc.) 

Fanny  (MAOF.MuitiELLt).  —  Grande  fille  en  cheveux,  une 
ouvrière  du(|uarlier,  envoyée  par  sa  patronne  au  Bonheur  des 
iJames,  pour  rassortir  du  mériiios  [1:2ù].  i^Au  Bonheur  de^ 
Du  mes.  \ 

Fauchery  (Léon).  —  Journaliste  et  auteur  dramatique. 
Publie  des  chronnjues  dans  le  Figaro.  A  écrit  une  pièce  pour 
les  Variéiés,  la  Petite  Duchesse.  Habile  rue  Tailboni,  au  coin 
de  la  rue  de  Provence.  H  est  grand,  avec  des  moustaches  noires. 
Au  dire  de  Lucy  blewart,  c'est  un  monsieur  malpropre,  qui  se 


13G  LES  l»ERSOX.NAGES 

colle  aux  femmes  pour  faire  sa  position  [117].  Fauchery  couche 
avec  des  actrices  qu'il  paye  en  publicité.  Encouragé  par  de 
vagues  confidences  reçues  d'un  familier  de  Saisine  Muflfat  de 
Ijeuville,  il  rêve  de  devenir  Tamant  de  la  comtesse' et  y  réussit 
quand  le  ménage  Muflfat  se  désagrège  sous  l'action  de  Nana.  Par 
contre-coup,  n'osant  tenir  tête  au  comte,  il  se  laisse  imposer 
l'actrice,  pour  le  rôle  principal  de  la  Petite  Duchesse,  qu'elle 
a  la  folle  prétention  de  jouer. 

La  liaison  de  Fauchery  avec  Rose  Mignon,  traversée  parles 
amours  du  journaliste  avec  Sabine  et  une  coûteuse  foucade 
pour  Nana,  finit  par  prendre  le  caractère  d'un  ménage  régulier, 
en  tiers  avec  le  mari  légitime.  Au  début,  Fauchery  déplaisait 
fort  ù  Mignon,  tous  deux  s'étaient  battus  dans  les  coulisses  des 
Variétés,  se  traitant  mutuellement  de  maquereaux  [164].  Us 
ont  fini  par  s'entendre.  Rose  use  de  Fauchery  comme  d'un 
mari  véritable,  Mignon  reste  simplement  le  majordome  de 
madame  [485].  Le  journaliste  se  montre  raisonnable,  sans 
jalousie  ridicule,  aussi  coulant  que  Mignon  lui-même  sur  les 
occasions  trouvées  par  Rose  [497].  (Nana.) 

Faucheur  (Le  père).  —  Tient  à  Bennecourt  une  auberge 
de  campagne,  fréquentée  par  les  peintres.  Un  petit  commerce 
d'épicerie  est  annexé  à  l'auberge;  il  y  a  une  grande  salle  qui 
sent  la  lessive,  une  vaste  cour  pleine  de  fumier,  où  barbotent 
des  canards  [18*2].  Après  la  mort  des  Faucheur,  l'auberge  est 
reprise  par  leur  nièce  Mélie  [428].  {UCEuvre) 

Faucheur  (La  MÈne).  —  Femme  de  l'aubergiste.  Fille  du 
père  Poirette  [18i].  (UŒuvre.) 

Fauconnier  (Madame).  —  Blanchisseuse,  rue  Neuve  de  la 
Goutte-d'Or.  Femme  grasse,  belle  encore  [85].  Elle  est  conviée 
au  luaringe  de  lîervaise  Macquart,  qu'elle  emploie  comme  ou- 
vrière jusqu'au  jour  où  Gervaise  s'établit.  Plus  tard,  celle-ci 
rentre  chez  madame  Fauconnier,  qui  est  une  très  bonne  femme 
pourvu  qu'on  la  flatte  [402].  (LWssommoir,) 

Fauconnier  (Victor).  —  Fils  de  la  blanchisseuse.  A  dix 
ans,  c  est  un  grand  dadais  qui  adore  galopiner  en  compagnie 
de  toutes  petites  lilles.  Plus  lard,  il  reste  le  grand  ami  de 
Nana,  qu'il  eml»rasse  dans  les  coins  noirs  de  la  maison  [455]. 
(J/Àssommoir.) 

Devenue  une  célébrité  de  la  galanterie,  Nana  qui  aime 
imposer  ses  souvenirs  d'enfance,  parle  de  Victor  avec  Salin, 


DES  ROUGOX-MACQUAnT  137 

devant  de  beaux  messieurs.  C*élait,  dit-elle,  un  gamin  vicieux 
qui  menait  les  petites  fdlcs  dans  les  caves  [36i].  (Nana,) 

Faujas  (Abbé  Ovide).  —  Prêtre  ambitieux,  intrigant  et 
brutal,  renvoyé  du  diocèse  de  Besançon  où  il  s'est  rendu  im- 
possible. Réfugié  à  Paris  dans  un  hôtel  garni,  lablié  Faujas  a 
offert  ses  services  au  ministre  qui  cherchait  justement  des 
prêtres  dévoués  [307]  et  qui,  pressentant  une  force  dans  ce 
grand  corps  à  la  raine  noire,  Ta  envoyé  faire  ses  preuves  à 
Plassans,  ville  passée  à  l'opposition  royaliste  et  que  le  gou- 
vernement veut  reconquérir.  Faujas  est  un  homme  grand  et 
fort,  face  carrée,  traits  larges,  teint  terreux  [10],  crû r-  rude 
de  soldat.  11  a  le  regard  clair,  des  yeux  d'un  gris  in;M(ie  qui 
s'allument  parfois  d'une  tlamme  [17],  une  voix  grave  d'une  grande 
douceur  dans  la  chute  des  phrases. 

Nommé  vicaire  à  Plassans,  il  y  arrive  en  1858,  sentant  la 
misère  noire,  vêtu  d'une  vieille^ soutane  râpée;  il  s'installe  dans 
la  maisof!  de  François  Mouret,  où  il  a  loué  au  second  étage 
deux  chnijilires  vides,  que  sa  mère,  amenée  par  lui,  garnit  avec 
quelques  vieux  meubles  achetés  chez  un  revendeur  [^7].  D'une 
sobriété  et  d'une  continence  absolues,  convaincu  que  les  hommes 
charte?  sont  les  seuls  forts,  méprisant  le  monde,  tout  à  son 
ambition,  il  se  donne  d'abord  l'allure  insignifiante  d'un  prêtre 
sans  moyens,  sans  arrière-pensée  aucune,  il  se  tient  à  l'écart, 
refuse  toutes  les  avances,  mais  sourdement,  patiemment,  se 
renseigne  sur  Plassans,  sur  les  groupes  qui  s'y  disputent  Tin- 
lluence  politique;  il  utilise  les  bavardages  de  François  et  les 
complaisances  de  l'abbé  Bourrelte,  il  prend  pied  chez  Félicité 
Rougon  qui  a  été  avisée  de  sa  mission  secrète  et  qui  lui  donne 
d'utiles  conseils  [81].  Faujas  développe  son  œuvre,  s'empa- 
rant  de  l'esprit  de  Marthe  Mouret,  dont  il  fera  sa  chose,  pous- 
sant Serge  vers  la  prêtrise,  créant  sans  se  mettre  en  avant 
ro-'uvre  (le  la  Vierge  qui  va  lui  concilier  les  femmes,  et  le 
Cercle  de  la  Jeunesse  qui  ralliera  les  jeunes  gens, circonvenant 
monseigneur  liousseiot  qui  jusquo-là  était  dominé  par  l'ultra- 
montain  Fenil.  Il  remporte  un  premier  succès  par  sa  nomination 
à  la  cure  de  Saint-Saturnin  [157].  L'adoration  de  Martho,  la 
faiblesse  de  Mouret  ont  lini  par  lui  livrer  la  maison;  il  y  a 
installé  les  Tronche,  terribles  parents  qu'il  n'ose  rudoyer  et 
qu'il  emploie  habilement  à  de  basses  besognes. 

Peu  à  peu,  il  gagne  toute  la  ville,  unissant  autour  de  lui  les 
sociétés  rivales,  utilisant  les  services  de  madame  de  Condamin, 

12. 


.I3îj  LES  Pi:iiSO.\.N.\r.KS 

a^'issant  )>ar  Trouclic  sur  les  faubourgs.  II  devient  second 
viccrire  gcnt^ral  et  linit  par  tenir  l*opiuion  dans  >a  ninin;  quand 
vienl  l'heure  de^  élections,  son  candidat  Delangre est  Idu  aune 
énorine  majorité;  TEinpirc  a  reconquis  Plassans  Mais  Tabbc 
Faujns  a  la  victoire  rude,  il  revient  aux  hrutidi  es  de  sa  nature, 
laissant  tomber  le  niasque  de  douceur  (|ue  Felicilè  lîongOQ  lui 
avait  attaché.  Exaspéré  des  poursuites  pas^ionuée5  de  Marthe 
Mouret,  ii  la  rudoie  si  terriblement  qu'elle  court  aux  Tulettcs 
où  son  mari  est  enfermé,  et  celte  démarche  provo  ^ue  Taffreuse 
tr.icréiiie  où  Faujus  va  trouver  la  mort.  (La  Conquête  de  Plas- 
sans.) 

Faujas  (Matiame).  —  Mcrc  de  Fabbé  Faujas.  à  qui  elle 
ressemble  beaucoup,  plus  petite,  l'air  plus  rude  [10]  Elle  a 
une  voix  brève,  au  tind)re  un  peu  rauquc.  Agée  d'environ 
soi.\aiite-cif»q  ans,  active  et  vigoureuse,  elle  est  la  servante  de 
son  ilis  qu'elle  aime  d*une  adoration  absolue,  le  regardant  d*un 
air  ifcxias",  montant  la  garde  autour  de  lui,  prête  à  écraser 
.  tout  obstacle  gênant.  Elle  porte  une  robe  de  coionn^ide,  serrée 

i  au  coisage  pur  un  fichu  jaune   noué  derrière  la  t^iille,  et  de 

!  gros  souliers  lacés  [17].  Dès  son  arrivée  ch«z  les  Mouret,  elle 

s'est  emparée  de  la  maison  par  des  regards  inquisileiirs,  des 
!  allongements  de  cou  dans  toutes  les  pièces.  Et  c'est  bientôt 

une  possession  effective,  qui  commence  par  lespartie?  de  piquet 
ave^  le  propriétaire  [92],  continue  à  la  cuis  ne  par  la  conquête 
j  de   Kose   [-•'^^]  et   s'aftirme    par   Fenvahiss'Mnent  du    rez-de- 

chaussée  ['^^îJ,  lent  travail   de  termite,  contrarié  un   in^tant 
i  par  les  manœuvres  parallèles  d*01ympe  Frouche  [*-it*],  et  qui 

aboutit  au  pillage  [338].  Cette  mère  vit  uniquement  pour  son 
i  fils;  tlle  lui  re>te  dévouée  jusqu'à  la  mort,  s'olfranl  aux   Ham- 

I  mes  pour  le  proié^'er,  éteignant  les  charbons  sous  ses  pieds 

!  nus  y>>^ô].  (La  Conquête  de  Plassans.) 

Faujas  (Olympe).  —  Sœur  de  l'abbé  Faujas.  Mariée  à 
TroL'clie.  ("Iraiide  lemmc  mince,  blonde,  fanée,  à  la  Tgure  plate 
et  ir.^ratc  [l-î8].  Elle  vient  à  Plassans  et  s'impos-  avec  son 
mai:  à  l'aljiH*,  dont  elle  jalouse  la  luospéritè  et  qui,  n'osant 
évii.  er  ces  parents  dan;^'ereux,  les  tient  le  plus  lossible  en 
tulei  e,  pui^  le>  utilise  et,  pour  prix  de  leur>  servie-  s  équivo- 
que?, ferme  les  yeux  sur  les  vices  du  coupb'.  Gor.: mande  et 
prirc-^>euse,  Olxmpe  soutire  de  l'arjrenl  à  .M.irilie  Mourcl  en 
e.vpl-ilaiil  son  afïection  pour  Faujas  [-il],  ell<î  racoi.ie  f  arlout 
que  i>i  mari   e^l  iou  ['281],  préparant  ainsi  l'interi-cment  du 


DES  HOUGON-MACQUAKT  139 

malheureux,  poursuivant  Tunique  but  de  chasser  les  proprié- 
taires pour  s*cn)|»arer  de  la  maison.  Elle  meurt,  un  soir  d'i- 
vresse, dans  Tincendie  allumé  par  François  Mouret  [384].  {La 
Conquête  de  Plassaus,) 

Fauquenoix.  •—  Associé  du  baron  Desrnmaux,  dans  la 
société  d'exploilaâon  des  mines  de  Monlsou  [83].  (Germinal.) 

Fauveile.  —  Sucrerie  de  Monlsou.  Souiïre  de  la  crise  créée 
par  la  grève  des  mineurs  [125].  {Germinal.) 

Favier.  —  Employé  à  la*  soierie,  au  Bonheur  des  Dames* 
Un  grand  garçon  sec  et  jaune,  qui .  est  né  a  Besançon  d'une 
famille  de  tisserands,  et  qui,  sans  grâce,  cncliu  sous  son  air 
froid  une  volonté  inquiétante  [56].  Simple  conmiis,  il  a  tra- 
vaillé au  renvoi  du  second*  Rohineau,  pour  faire  donner  la 
place  à  Hutin  et  avancer  lui-même;  puis,  voulant  à  son  tour 
devenir  second,  il  a  aidé  llutin  à  supplanter  le  premier,  Bou- 
themont.  Et  plus  tard,  il  mangera  llutin  aussi.  Maigre  et  froid, 
il  le  regarde  en  dessous,  la  bile  au  visnge,  comme  s'il  comptait 
les  bouchées  dans  ce  petit  homme  trapu  [313].  Le  départ  de 
Hutin  lui  donne  enfm  la  première  place  [490J.  {Au  Bonheur 
des  D a  111  PS.) 

Fayeux.  —  Receveur  de  rentes  à  Vendôme.  Est  en  rap- 
ports d'atlaires  avec  Busch  et  avec  la  iMéchain,  qui  dit  être  sa 
cousine  [2S].  A  pour  négoce  avoué  de  toucher  les  coupons  des 
petits  rentiers  du  pays,  mais,  dépositaire  de  fortes  sommes,  il 
joue  frénéii«]nemont  à  la  Bourse.  Ses  ordres  sont  donnés  à  la 
charge  Mazaud  [90].  Après  la  débâcle  de  la  Banque  Univer- 
selle, il  lève  le  pied  avec  les  quelques  centaines  de  mille  francs 
qui'se  trouvent  entre  ses  mains  [395].  {UArgent.) 

9 

Fenil  (Abbé).  —  Premier  grand  vicaire  de  l'archevêché  de 
Plassans.  Terrible  homme,  plat  et  pointu  comme  un  sabre. 
Grâce  à  la  faildesse  de  monseigneur  Bousselol,  il  est  le  vrai 
chef  du  diocèse,  dont  il  terrorise  les  prêtres  [148].  l'Itra- 
montain  déclaré,  n'obéissant  qu'au  mot  d'ordre  de  Rome,  il  a 
fait  marclier  son  clergé  à  fond  en  favt^ur  du  marquis  de  Lagri- 
foul,  déi'Ute  li'gitimiste,  hostile 'à  l'Empire.  Dès  l'arrivée  de 
l'abbé  Faujas,  envoyé  pour  reconquérir  Plassans,  cVsl  un  duel 
entre  c^s  deux  prêtres.  Fenil  battu  va  se  claqnemuier  dans 
sa  prop'iété  des  Tuletles  et  prépare  sourdement  avec  Antoine 
Macquarl  la  revanrhe  qui  doit  le  débarrasser  de  son  redou- 
table adversaire  [3G7J.  (La  Conquête  de  Plassans.) 


14(»  LES  PERSONNAGES 

Féraud-Giraud  frères.  —  Maison  de  transports  mari- 
limes,  pour  l*Italie,  Naples  et  les  villes  de  IWdriatique,  par 
Civita-Vecchia.  Adhère  au  syndicat  de  la  Compagnie  générale 
des  Paquebots  réunis  [179].  {L'Argent,) 

Femand.  —  Élève  en  pharmacie  chez  Combette,  au  Chéne- 
Populeux.  C'est  un  grand  garçon  blême,  Fair  poltron  [131],  à 
qui  la  peur  des  Prussiens  donne  la  fièvre.  {La  Débâcle), 

Fernande.  —  Figurante  des  Variétés.  Est  traitée  de  cha- 
meau par  liorJenave  [147].  {Xana.) 

Fétu  ^La  mère).  — >  Vieille  pauvresse,  protégée  de  Tabbé 
Jouve.  Toute  ronde  malgré  sa  misère,  visage  boufG,  petits  yeux 
noirs  pleins  de  finesse,  voix  pleurarde,  humilité  bruyante 
qu'elle  traduit  par  un  flot  de  paroles  [34].  Elle  habite  une 
mansarde  dans  le  passage  des  Eaux.  C*cstà  son  chevet  que  se 
rencontrent  Hélène  Grandjean  et  le  docteur  Deberle.  Pleine 
de  rouerie,  la  more  Fétu  exploite  la  situation  jusqu'au  bout, 
j  trouve  les  paroles  qu'il  faut  dire  pour  obtenir  des   aumônes 

I  plus  Itirges,  joue  vaguement  un  rôle  d*entremetleuse,    toujours 

J  geignarde  et  toujours  la  main  tendue.  {Une  Page  d*Àmour.) 

Fifi.  —  Voir  Menc  (Fanny). 

Fifine.  —  Une  niasse  de  vingt  livres,  outil  de  forgeron, 
(joujet  et  Dec-Salé,  dit  Doil-sans-Soif.  se  servent  de  Fifine  et 
de  bédèle  pour  lutter  de  force  et  d'habileté  au  travail,  sous 
les  yeux  de  Gervaise  [âi2].  {L* Assommoir,) 

I  Finet  (Aristide).   —  Fondateur  de   la  maison  du   Vieil 

I  Elbeuf,  draps  et  flanelles,  rue  de  la  Miohodière.  Deau-père  et 

I  prédécesseur  de  Hauchecorne  [15].  {An  Bonheur  des  Dames.) 

\  Finet  (Désirée).   —  Fille  d'Aristide.    Mariée  au  premier 

commis  de  son  père,  Hauchecorne,  qui    continue  le  commerce 
:  des  draps  [15].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Finet.  —  Médecin  de  campagne,  résidant  à  Cloyes.  Grand 
et  maigre,  !a  face  jaunie  par  des  ambitions  mortes.   11  déteste 
sa  clienièle  paysanne,  qu'il    accuse  de  la  médiocrité  de  sa  vie 
'  [lliî].  Les  gens  le  font  venir  toujours   trop  tard.   11    est  dur 

pour  eux,  ce  qui  augmente  leur  déférence,  malgré  le  continuel 
iloute  qu'ils  gardent  sur  l'efficacité  de  ses  potions  [406].  Et  son 
indilTèreiice  est  telle  que  devant  les  décès  les  plus  mystérieux, 
Rose  Maliverne  à  moitié  assommée  par  son  fils,  le  père  Fouan 


DKS  nOUGON-MACQUART  i41 

brûlé  vif,  il   n'iiésite  pas  à  conclure  à  une  mort  naturelle.  (Là 
Terre.) 

Firxnin.  —  Matlre  d*équipage  de  Pempereur,  à  Compiègne. 
C'est  lui  qui  donne  le  signal  de  la  curée  [â23j.  {Son  Excellence 
Eugène  Rougon.) 

Flaxninio.  —  Domestique  de  la  comtesse  Balbi  [73].  {Son 
Excellence  Eugène  Rougon,) 

Fleur  d'Épine.  —  Célèbre  chef  de  brigands;  a  précédé 
le  Beau-François  à  la  tête  des  chauffeurs  d*Orgères  [67],  {La 
Terre,) 

Fleurance.  —  Ilercheuse  au  Vorcux.  Travaillait  à  la  taille 
des  Mahcu.  On  Ta  trouvée  morte  sur  son  lit,  les  uns  disent  d*un 
décrochement  du  cœur,  les  autres  d'un  litre  de  genièvre  bu  trop 
vile.  Elle  est  remplacée  à  la  mine  par  Etienne  Ijintier  [30]. 
(Germinal.) 

Flore.  —  La  fille  aînée  de  madame  Misard  (tante  Phasie). 
Quand  sa  mère  est  devenue  impotente,  elle  Ta  remplacée 
comme  garde-barrière,  à  la  Croix-de-Maufras.  C'est  une  grande 
fille  de  dix-huit  ans,  blonde,  forte,  à  la  bouche  épaisse,  aux 
grands  yeux  verdâtres,  au  front  bas,  sous  de  lourds  cheveux 
[o7].  Les  hanches  solides,  les  bras  durs  d'un  garçon,  elle  n*est 
point  jolie,  mais  de  tout  son  être  robuste  et  souple,  monte 
nue  sauvage  énergie  de  volonté.  On  cite  d'elle  des  traits  de 
dévouement,  des  sauvetages,  de  rudes  besognes  accomplies 
sans  effort;  dédaigneuse  du  mâle,  ayant  presque  assommé  Tai- 
guilleur  Ozil,  qui  essayait  de  la  prendre,  elle  est  vierge  et 
guerrière.  On  lui  croit  la  tôle  dérangée  [13]. 

Lorsqu'elle  élait  toute  petite,  violente  et  volontaire  déjà,  c'est 
Jacques  Lanlier  qu'elle  aimait,  et  maintenant,  c'est  à  lui  seul 
qu'elle  veut  se  donner.  Mais  il  la  refuse  et  bientôt,  elle  lui 
connaît  une  autre  maîtresse,  Séverine  Roubaud.  Convaincue  de 
son  bon  droit  à  êlre  aimée,  puisqu'elle  est  plus  forte  et  plus 
belle  que  l'antre,  celte  sauvagesse  est  torturée  de  jalousie,  elle 
déborde  d'une  rancune  meurtrière  ef,  comme.il  lui  faut  subir, 
chaque  vendredi,  l'abominable  vision  de  l'express  emmenant 
les  deux  amants  vers  Paris,  un  impérieux  besoin  naît  en  elle 
de  culbuter  lout,  de  tuer  ces  gens  pour  qu'ils  ne  passent  plus, 
pour  qu'ils  n'aillent  plus  là-bas  ensemble.  Mais  c'est  en  vain 
qu'elle  provo(|Uc  une  affreuse  catastrophe,  elle  massacre  inuti- 
lement une  foule  d'inconnus;  Séverine  et  Jacques  sont  saufs, 


. 


14i  LKS  lȣnSONNACtS 

elle  a  tué  pour  rien  [339].  La  pensée  que  Jacques  a  surpris  le 
crime,  que  jamais  il  ne  pardonnera,  qu*il  aura  pour. elle  la 
ré[iu!siou  terri  liée  qu*on  a  pour  les  nionstri?s,  lui  rend  tout  à 
coup  la  vi»*  oïlieusc.  El  pour  mourir,  elle  cniri.'prend  une 
marche  d*ol)StinHtipn  héroïque,  sous  le  tunnel  de  Malaunay, 
au-devant  d'un  train  lancé  à  toute  vitesse  [344].  (La  Bête 
humaine,) 

Florence.  —  Petite  actrice  des  BouCTes.  Marsv  lui  offre  un 
hôtel  de  six  cent  mille  francs  [44].  {Son  Excelltnce  Ewjcne 
Uoufjon  ) 

Actrice  des  Variétés.  Pauline  Lelellier  Ta  rencontrée  sur  le 
boulevard,  ;tccouipagnée  du  beau  Malignon.  Juliette  Deberle, 
un  peu  jalouse,  assure  que  Florence  a  quarante  ans,  qu*eile  est 
laide  à  taire  peur  et  que  lout  Torchestre  la  tutoie  aux  premières 
rt.']»r«-5enta!ions  [ôO].  \Uixù  Page  (T Amour.) 

Florent.  —  Né  en  Provence,  avait  commencé  son  droit  à 
Pari>  lorsqu'il  a  perdu  sa  mère,  en  1841.  Vruve,  celle-ci  s'éUiit 
remariée  à  un  sieur  Qucnu,  originaire  d*Yvelot,  et  elle  a  laissé 
un  fils  du  Second  lit.  Sans  ressources,  Florent  abandonne  ses 
études  et  s'installe  rue  Royer-Collard,  avec  le  peiit  Qucnu, 
qu'il  «'lève  paternellement,  trouvant  des  douceurs  inQnies  à  se 
sacrifier  pour  son  cadet.  Entré  comme  profes>enr  dans  une  pen- 
sion de  la  rue  de  l'Eslrapade,  il  se  lie  avec  un  rùtis>eur  voisin, 
Gavan!,  rpii  apprendra  la  cuisine  à  Quenu.  Les  jeunes  gens  ont 
un  oncle  à  Paris,  un  frère  de  leur  mère,  le  ch.ireulier  Gradelle. 
Nature  t'iidre,  ne  guùtant  que  les  joies  ainères  du  dévouement, 
Florent  craiat  de  s'aigrir  dans  lessoulTrances  de  la  médiocrité; 
il  se  jette  en  pleine  bonté  idéale,  se  crée  un  refuge  de  justice 
et  de  vérité  al):»olues,  devient  républicain  [52]  et  rbi  bientôt  un 
de  ces  orateurs  illuminés  qui  prêchèrent  la  révolution  de  I8i8 
comme  une  religion  nouvelle,  toute  de  douceur  et  de  rédemp- 
tion. 

Au  coup  d'État,  dans  la  fusillade  des  boulevards,  bousculé 
par  la  foule,  il  est  tombé,  ayant  sur  lui  une  jeune  femme  en 
chaMean  rose,  morte,  la  gorge  trouée  de  deux  balles.  Ébranlé 
par  c  lie  horrible  >oène,  il  s'est  laissé  arrêter  le  soir  même  au 
pieil  d'une  barricade,  on  le  jette  dans  une  casemate  du  fort  de 
Hicètre,  il  est  cof^dainné  à  la  déportation  et  transporté  à 
Ca\eiMie  par  la  frépaie  le  Canada.  C'est  alors  sept  années 
d'alfreuses  soutfrances,  de  faim  continue,  qui  le  laissent  sec, 
restoiiiac  rétréci,  la  peau  collée  aux  os,  sept  années  qu'il  con- 


DLS  nOUGON-MACyCAUT  U3 

iMiue  ù  vivre  dans  son  rôve  de  fraternité  universelle.  Évadé  de 
File  du  Diable, ayant  rôdé  pendant  deux  ans  à  travers  la  Guyane 
hollandaise,  aiteint  delà  fièvre  jaune  et  grnéri  par  miracle,  il  a 
dû  faire  toutes  sonos  de  métiers;  puis,  cédant  à  Tenvie  folle  de 
revenir,  il  a  lini  par  économiser  l'argent  du  voyagn;  il  débarque 
au  Havre  avec  quinze  francs  dans  son  mouchoir,  achète  ù  Vernon 
ses  deux  derniers  sous  de  pain  et,  ramassé  mourant,  aux  portes 
de  Paris,  un  matin  de  septembre,  il  arrive  à  la  Pointe  Saint- 
Eustache,  éietplu  dans  la  voiture  maraîchère  de  niadanie  Fran- 
çois, gris  de  misère,  de  lassitude  et  de  faim. 

Maigre  comme  une  bianche  sèche,  il  a  de  grands  yeux  bruns, 
d'une  singulière  douceur,  dans  un  visage  dur  cl  toiirraenlé. 
Avec  son  ventre  vide,  les  Halles,  ^ébordanlesde  nourriture,  lui 
apparaissent  comme  une  tentation  surhumaine.  Il  a  retrouvé 
d'abord  son  vieil  ami  Gavard,  puis  Oueim  marié,  gras  et  pros- 
père, devenu  cliarculier  rue  Hambuteau,  après  avoir  hérité  de 
Toncle  Gradelle.  Il  s'installe  chez  lui,  dissimulé  à  la  police  grâce 
aux  pnpiors  de  Laquerrière,  pauvre  diable  mort  entre  ses  bras 
à  Surin.tm  et  qui,  par  une  heureuse  coïncidence,  portait  le 
prénom  de  Florent.  Il  passera  pour  le  cousin  de  sa  belle-sœur, 
la  planlareiise  Lisa  Macquarl.  Iiemis  à  neuf,  sentant  d*abord 
une  grande  alT'Ction  autour  de  lui,  il  a  refusé  sa  p:irt  dMiérilage 
dans  la  succession  de  Fonde  et  il  promène  son  corps  ravagé 
de  maigreur  dans  ce  milieu  gras  où  peu  à  peu  il  va  être 
importun.  Am«né  par  Lisa  à  suppléer  Verlaque,  inspecteur  à 
la  marée,  il  abandonne  à  son  prédécesseur  ma' heureux  la 
totalité  de  ses  appointements  et  il  vit,  en  proie  à  Tbostilite  des 
grasses  marchandes,  subissant  le  contre-coup  des  rivalités  de 
madame  Ouenu  et  de  la  Belle  Normande,  qui  se  réconcilieront 
plus  tard  sur  son  dos. 

Dans  celle  existence  pleine  de  souffrances  physiques  et 
morales,  Florent  caresse  le  rêve  de  venger  FHumanité  traitée  à 
coups  de  fDUcl  et  la  Justice  foulée  aux  pieds.  Il  revient  à  la 
politique  [159].  La  haine  Fa  pris  contre  ce  Paris  entripaillé, 
qui  cuve  sa  graisse  et  qui  appuie  sourdement  FEnifiire.  Et  il 
entre  alors  dans  le  groupe  Gavard,  une  réunion  d'amis  qui  se 
retrouvent  chaque  soir  chez  le  marchand  de  vin  Lehigre  et  où 
Fon  parle  carrément  du  grand  coup  de  balai.  L'agent  provoca- 
teur Logre  a  vile  fait  d'organiser  un  complot  dont  le  naïf 
Florent  se  voit  le  chef;  et  l'évadé  de  Cayenne  est  alors  parfai- 
tement h'jureux,  soulevé  par  celte  idée  intense  de  se  faire  le 
ji>licier  dos  maux  'pFil  a  vu  soud'i  ir.  Le  jour  uù  le  ministère  a 


U4  LES  PERSONNAGES 

besoin  d'enlever  par  la  peur  un  vole  au  Corps  législatif,  Flo- 
rent, qui  croyait  D*avoir  plus  qu'un  signe  à  transmettre  aux 
sections,  est  arrêté  dans  une  souricière,  organisée  avec  la 
complicité  de  tout  le  quartier,  la  belle  Lisa  en  tête.  11  passe  en 
jugement  à  c6té  de  ses  prétendus  affiliés  et  ce  doux  rêveur,  qui 
s*évanouissait  en  regardant  égorger  des  pigeons,  est  traité 
comme  un  buveur  de  sang.  On  le  condamne  à  la  déportation, 
c*esl-à-dire  à  la  mort,  pendant  que  les  députés  votent  d'enthou- 
siasme un  projet  d'impôt  impopulaire  dont  les  faubourgs  eux- 
mêmes  n'oseront  plus  se  plaindre,  dans  la  panique  qui  souffle 
sur  la  ville  [356].  (Le  Ventre  de  Paris,)  • 

Flory.  —  Commis  d'agent  de  change.  Est  né  à  Saintes, 
d'un  père  employé  à  l'enregistrement  ;  a  d'abord  été  commis  de 
banque  à  Bordeaux,  puis,  à  Paris,  est  entré  chez  Mazaud,  sans  i 

autre  avenir  que  d'y  doubler  peut-être  ses   appoiolenienls  en  j 

dix  années.  Uégulier  et  consciencieux  dans  les  premiers  temps, 
il  s'est  lié  avec  Gustave  Sédille,  qui  l'a  entraîné  vers  les  fem- 
mes. C*est  un  garçon  à  figure  tendre,  avec  un  nez  à  passions, 
une  bouche  aimable,  une  épaisse  barbe  châtaine  [85].  La  fôle 
a  commencé  par  de  joyeuses  parties  pas  chères  avec  mademoi- 
selle Chuchu,  on  s'est  ensuite  installé  dans  un  appartement  de  la 
rue  Condorcet,  où  la  jeune  personne  est  devenue  exigeante;  il 
lui  a  fallu  des  bijoux,  des  dentelles. 

Flory  a  risqué  quelques  petites  opérations,  marchant  dans  le 
sillage  de  Saccard  [212];  et  le  malheureux  garçon  a  été  perdu 
par  son  premier  gain  de  dix  mille  francs,  après  Sadowa,  cet 
argent  déplaisir,  si  vite  gagné,  si  vile  dépensé.  Dès  lors,  il  se 
met  à  jouer  éperdument,  sans  calcul  aucun  d'ailleurs,  tout  au 
jeu  de  Saccard,  qu'il  suit  avec  une  foi  aveugle  [335].  Et,  au 
jour  de  la  débâcle,  ayant  un  énorme  découvert,  allolé  par  la 
peur  d'une  exécution  immédiate,  il  imagine,  par  une  singulière 
lionnéleté,  de  voler  cent  quatre-vingt  millefrancs  àson patron, 
simplement  pour  payer  sa  dette  de  jeu  chez  un  autre  agent.  On 
l'arrête,  il  pleure  beaucoup  en  prison,  dans  un  affreux  réveil  de 
honte  et  de  désespoir,  et  sa  mère,  accourue  de  Sainies,  frappée 
de  désespoir  devant  cet  effondrement,  doit  s'aliter  chez  des 
amis  où  elle  est  descendue  [39G].  {L'Argent.) 

Fontan  (Achille).  —  Acteur  des  Variétés.  Une  tête  de 
faune  suant  le  vice;  c'est  un  comique  d'un  talent  canaille  et 
original,  un  mauvais  camarade  qui  casse  toujours  du  sucre  sur 
la  tête  des  autres.  Fontan  a  joué  un  Vulcain  déhanché  dans  la 


DES  ROCCOS-MACQL'AllT  115 

Blonde  Ki'nus  el  le  baron  de  Tardiveau  dans  la  PefitcDttcA»». 
Aui  répétitions,  il  semble  soumettre  Jk  l'auteur  des  idées  dont 
il  doute  lui'Onéme  el,  &  la  moindre  objection,  il  se  vexe  et  parle 
de  rendre  le  rôle  [331]. 

Naua  s'est  prise  pour  lui  de  la  loijuade  enragée  des  filles 
pour  la  laideur  grimaciers  des  comiques  (:i58|  ;  tous  deux 
s'installent  dunsun  petit  logement  de  la  rue  Véron,  à  Mont- 
martre, meltnnt  leurs  ressources  en  commun,  les  dix  niille 
Trancs  de  Naua  el  les  sept  mille  de  Fonian.  Mais  celui-ci  est 
avare,  el,  quand  les  fonds  de  sa  maîtresse  ont  Ole,  il  reprend  les 
liens  et  se  fuit  nourrir  ilés  lors  par  elle,  sans  s'inquiéter  d'où 
vient  l'argent.  A  force  d'exploiter  N,inn  et  de  la  battre,  sans 
lasser  son  dévouement  de  bêle  soumise,  Fonian  en  arrive  à  abu- 
ser. Paruue  perversion  de  ses  goûts  de  monstre,  il  éprouve  pour 
elle  une  haine  féroce,  au  point  de  ne  plus  tenir  compte  de  ses 
propres  inlérâls,  el  il  se  dél^arrasse  de  Nana  en  la  chassant 
grossiéreiiieni  [301].  (.Voua.) 

Fontenailles  (MADEMOlSEtJ.E  de).  —  Une  orpheline,  la  der- 
nière des  Fonlcnailles,  vieille  noblesse  du  Poitou.  U'.-barquéc 
sur  le  pavé  de  l'aris  avec  un  père  irrognc,  restée  honnélcdans 
celte  ijiforluiie,  d'une  éducation  trop  rudijiientaire  malheureu- 
sement pour  être  institutrice  ou  donner  des  leçons  Je  piano, 
elle  est  entrée  nu  bonheur  des  Dames,  sur  la  lecoramandaiion 
de  madame  Uesforges,  et  a  été  mise  au  service  des  échantil- 
lons. Deux  comtesses  et  une  baronne  sont  déjà  casées  au  ser- 
vice de  la  publicité,  où  elles  font  des  bandes  et  des  enveloppes. 
Mademoiselle  de  Fontenailles  boit  probablement  ;  sa  maigreur 
a  des  Icinlus  plombées,  cl  ses  mains  seules,  blanches  et  fines, 
disent  encore  la  distinction  de  sa  race  (:>55).  Ajant  un  salaire 
journalier  de  trois  francs,  qui  lui  permet  tout  juste  de  ne  pas 
mourir,  logée  en  une  petite  chambre  de  la  rue  d'Argcuteuil, 
elle  vil  dans  l'hObétement  de  sa  décliéancc.  Mariée  au  garçon 
de  niagasiu  Joiieph,  elle  a  obtenu  par  faveur  un  posle  d'auxi- 
liaire ;  elle  porte  une  grande  blouse  noire,  marquée  à  l'épaule 
d'un  cliilîre  en  laine  jaune  [i9li],  cl  cette  ancienne  marquise, 
recueillie  p.ircluiriié,  promène  dans  les  m.igasins  son  masque 
épais  et  terreux  de  servante  [103J.  (.-lu  Bonheur  des  Uamcs.) 

Fouan,  dit  Elte\u.  —  Voir  BoitAU. 
Fouan  (Fan.w).  —  Voir  Delhomme  (Mâdahe.) 
Fouan  (Hyacinthe).  Voir  Jésus-Christ. 


Ii6  L£S  PERSO.NNAGES 

• 

Fouan  (JosErB-CASiMin).  —  Père  de  Marianne,  de  Louis, 
de  Michel  el  de  Laure.  Est  né  en  1766.  Appartient  à  une  famille 
^ui  a  poussé  et  grandi,  depuis  des  siècles,  comme  une  végéta- 
tion entêtée  et  vivace,  en  un  coin  de  Beauce.  Anciens  serfs  des 
Rognes-Bouqueval,  les  Fouan  ont  dû  être  affranchis  sous  Phi- 
lippe le  Bel.  Ils  sont  devenus  propriétaires,  un  arpent,  deux 
peut-être,  achetés  au  seigneur  dans  l'embarras.  Puis,  en  une 
lutte  de  quatre  cents  ans,  ils  ont  défendu  et  arrondi  ce  bien 
dérisoire,  sans  cesse  remis  en  question,  écrasé  d'impôts.  De 
longues  générations  de  Fouan  ont  engraissé  le  sol  et,  lors  de 
la  révolution  de  89,  le  Fouan  d*alors,  Joseph-Casimir,  possède 
vingt  et  un  arpents,  conquis  en  quatre  siècles  sur  l'ancien  do- 
maine seigneurial.  Il  a  cent  écus  à  peine  de  côté  et,  trop  pru- 
dent pour  emprunter,  craignant  aussi  un  retour  des  nobles,  il 
ne  prend  aucune  part  h  ces  ventes  de  biens  nationaux  qui  de- 
vaient enrichir  tant  de  bourgeois.  Joseph-Casimir  reste  dès 
lors  inconsolable  d'avoir  vu  les  terres  des  Rognes-Bouqueval 
passer  aux  mains  du  citadin  Isidore  Hourdequin,  plus  auda- 
cieux que  lui.  Devenu  vieux,  il  partage  les  vingt  et  un  arpents 
entre  trois  de  ses  enfants,  restés  à  Rognes,  Marianne,  Louis  et 
Michel,  et  il  dédommage  en  argent  sa  fille  cadette,  Laiure  [31]. 
(La  Terre.) 

Fouan  (Laure).  —  Voir  Badeuil  (Madame  Charles). 

Fouan  (Louis),  dit  le  Père  Fouan.  —  Fils  de  Joseph-Casi- 
mir. Mari  de  Rose  .Maliverne.  Père  de  Jésus-Christ,  de  Buteau 
et  de  Fanny  Delhomme.  11  a  eu  en  partage  sept  arpents  de 
terre  et  a  épousé  Bose,  héritière  de  douze  arpents.  Il  a  cultivé 
ces  biens  avec  acharnement,  il  les  a  augmentés  lopins  à  lopins, 
au  prix  de  la  plus  sordide  avarice.  Telle  parcelle  représente  des 
mois  do  pain  et  de  fromage,  des  hivers  sans  feu,  des  étés  de 
travaux  brûlants,  sans  autre  soutien  que  quelques  gorgées  d'eau. 
Il  a  aimé  la  terre  en  femme  qui  tue  et  pour  qui  on  assassine. 
>'i  épouse,  ni  enfants,  ni  personne,  rien  d'humain:  la  terre! 
[-20]  Pendant  des  années,  tous,  la  femme,  les  enfants  ont  trem- 
blé sous  lui,  sous  ce  despotisme  rude  du  chef  de  la  famille 
paysanne  [:27].  Il  a  ainsi  vécu  jusqu'à  soixante-dix  ans. 

Sauf  SCS  jambes,  il  est  gaillard  encore,  bien  tenu;  il  a  de  pe- 
tits favoris  blancs,  en  pattes  de  lièvre  correctes  ;  le  long  nez 
de  la  famille  ai},'iise  sa  face  maigre,  aux  plans  de  cuir  coupés 
de  grands  plis.  .Mais,  jadis  très  robuste,  il  est  maintenant  des- 
séche el  rapetissé,  son  corps  se  courbe,  comme  pour  retourner 


DES  ROUGON-MACQUART  U7 

à  cette  terre,  si  violemment  désirée  et  possédée.  Et  riieure  est 
venue:  comme  le  père  Fouan  ne  peut  plus  cultiver  lui-même, 
qu*il  ne  vcutpas  introduire  chez  lui  des  étrangers  qui  pilleraient, 
que  son  cœur  se  fend  de  voir  la  bonne  terre  se  gâter  faute  de 
soin,  que  d*<iutre  part,  la  donation  entre  vifs  offre  aux  familles 
une  économie  sur  les  droits  d'héritage,  il  se  décide  à  céder 
le  bien  à  ses  fils,  comme  son  père  le  lui  a  cédé  à  lui-même, 
enragé  de  sa  vieillesse  impuissante.  La  maison  qu'il  habite  au 
bas  de  Rognes  vient  de  sa  femme  Rose  ;  ils  garderont  cette 
maison  et  le  jardin,  jouiront  de  redevances  en  nature,  et  cha- 
cun des  enfants  leur  servira  deux  cents  francs  de  rente  viagère. 
Fouan  pourrait  vivre  satisfait,  car  il  possède  un  magot,  trois 
cents  francs  de  rente,  que  nul  ne  connaît.  Mais  quinze  jours 
après  le  partage,  malade  de  n'avoir  plus  de  terre,  il  fait  la  sot- 
tise de  conclure  un  marché  de  dupe  avec  le  père  Saucisse, 
celui-ci  cédant,  après  sa  mort,  un  arpent  de  bien,  à  la 
condition  de  recevoir,  sa  vie  durant,  quinze  sous  chaque  matin. 
El  c'est  une  dernière  illusion,  où  le  pèreFouan  contente  vague- 
ment sa  passion  de  la  terre. 

Aujourd'hui,  il  connaît  le  supplice  de  Foisiveté,  plus  debétes, 
plus  de  travail,  ni  rien  qui  grouille,  dans  le  vide  des  bâtiments 
et  de  la  cour.  C'est  une  existence  morne,  ses  bras  se  détraquent 
dans  le  repos,  pareils  à  d'antiques  machines  jetées  aux  ferrail- 
les [132].  Et  comme  les  enfants,  devenus  rapaces  depuis  qu'ils 
possèdent,  font  mal  leur  devoir,  comme  les  redevances  en  na- 
ture sont  pitoyablement  acquittées,  que  Jésus-Christ  ne  paye 
pas  un  sou  de  sa  part,  que  Buteau  liarde,  les  anciens  doivent 
se  restreindre  et  même  tuer  leur  vieux  chien,  qui  coûte  trop  à 
nourrir.  C'est  le  premier  sacrifice.  Devenu  veuf,  le  père  Fouan 
vit  un  an,  silencieux  dans  la  maison  déserte.  Et  son  autorité 
peu  à  peu  morte  s'étant  réfugiée  dans  une  obstination  de  vieil 
homme,  même  contraire  à  son  bien-être,  il  refuse  longtemps 
d'aller  vivre  avec  ses  enfants.  Mais  Texistence  devient  intenable; 
Fouan  affaibli,  la  voix  cassée,  les  bras  débiles,  les  reins  courbés 
chaque  jour  davantage,  se  laisse  recueillir  par  les  Delhomme, 
qui  sont  Ins  d'être  seuls  à  payer  la  rente;  le  vieux  n'avait  plus 
de  terre,  il  n'aura  plus  de  maison  [231].  El  comme  Fanny, 
susceptible  et  maniaque,  lui  fait  la  vie  dure,  il  change  de 
logis,  accepte  tour  à  tour  l'hospitalité  de  ses  deux  fils,  Duteau 
qui  le  rudoie  et  Jésus-Christ  qui  le  pressure,  tous  deux  ayant 
deviné  le  magot  et  voulant  s'en  emparer  ;  c'est  une  sourde 
lutte,  d'où  Buteau  sortira  vainqueur. 


I  iS  LES  PERSONNAGES ' 

Fouan,  dêflnitivement  dépouillé,  mis  dehors  par  ses  enfants^ 
retombé  dans  le  mépris  de  tous,  erre  pendant  une  nuit  et  un 
jour  entier  autour  de  ses  anciennes  terres  ;  les  chiens  qui  ont 
un  toit  de  paille  lui  font  envie  [^17].  Et  tout  son  corps  tremble 
sous  la  violence  de  la  faim,  sa  tête  ne  commande  plus,  ses  jam- 
bes marchent  toutes  seules,  la  bête  le  ramène  chez  Buteau,  où 
il  vivra  désormais  isolé,  à  des  lieues,  restant  dans  son  silence 
comme  séparé  et  enseveli,  sans  un  regard,  sans  un  mot,  Tair 
d'un  aveugle  et  d'un  muet,  ombre  traînante  au   milieu   des 
vivants  [425].  Ce  n'est  plus  le  vieux  paysan  propret.  Sa  face 
s'est  amincie  et  décharnée,  son  grand  nez  osseux  s'allonge  vers 
la  terre,  ses  joues  sont  envahies  d'une  barbe  blanche,  longue  et 
sale  ;  et  il  va,  les  reins  cassés,  n'ayant  plus  qu'à  faire  la  culbute, 
finale  pour  tomber  dans  la  fosse  [-i-T].  ^fais  cette  Gn  normale 
lui  sera  refusée.  11  a  vu  le  viol  et  l'assassinat  de  sa  petite-fille 
Françoise  Mouche;  un  nouveau  crime  ne  coûte  rien  a  Duteau  ni 
à  Lise  pour  supprimer  ce  témoin  gênant,  qui  est  aussi  une 
bouche  inutile.  Le  père  Fouan  meurt  étouffé  dans  son  lit  et 
grillé  vif.  {La  Terre) 

Fouan  (Marianne).  —  Voir  Grande  (La). 

Fouan  (Michel).  —  Voir  Mouche  (Le  père). 

Fouan  ^Olympe).  —  Voir  Trouille  (La). 

Fouan  (La  mèhe).  —  Voir  Maliverne  (Rose). 

Foucarmont.  —  Officier  de  marine.  Dans  les  soupers,  il 
se  vante  d'avoir  bu  de  tous  les  vins  imaginables  à  travers  les 
cinq  parties  du  monde  et  de  ne  pouvoir  pas  se  griser  [118], 
mais  il  n'en  finit  pas  moins  par  être  ivre  mort  et  son  amie 
Louise  Violaine  doit  le  soigner  toute  la  nuit  [125].  Foucarmont 
a  amassa  en  dix  années  de  voyage  une  trentaine  de  mille  francs, 
qu'il  veiîl  risquer  aux  États-Unis.  Tombeaux  mains  de  Nana, 
il  se  ruirie  npidement,  il  donne  tout,  jusqu'à  des  signatures 
sur  des  billets  de  complaisance,  engageant  son  avenir.  Lorsque 
Nana  le  pousse  dehors,  il  est  nu.  Mais  elle  se  montre  très 
bonne  et  lui  conseille  de  retourner  sur  son  bateau  [185].  (Nana.) 

Foucart.  —  Heslaurant  à  vingt-cinq  sous,  fréquenté  par 
Jory,  Maiioudeau  et  leur  bande  [l'T].  (L'Œuvre.) 

Foucart  (Madame).  —  Sage-femme  à  Paris.  Demeurait  en 
iSo'»  niv  dvs  L)«.'ux-Écus.  \  connu  Sidonic  Rougon lorsque  celle- 
ci  l'.nail  un  commerce  de  produits  du  Midi,  rue  Saint-Honoré. 


DES  nOUGON-MACQUAIlT  149 

C'est  elle  qui  l'a  accouchée  et  qui  a  porté  Tenfant  ù  TAssis- 
tance  publique.  Dix  ans  plus  tard,  on  la  retrouve  rue  Gensier. 
C'est  une  femme  énorme,  tassée  sur  des  jambes  courtes  [50]. 
{U  Réte.) 

Fouchard.  —  Père  d'Honoré.  Oncle  maternel  d'Henriette 
et  de  Jlauricc  Lcvasseur.  Un  paysan  de  Remilly,  dercnu  bou- 
cher par  besoin  de  lucre  ;  il  promène  sa  riande  dans  vingt 
communes  des  environs.  C'est  un  grand  vieillard  en  blouse,  ù 
la  rude  chevelure  blanche,  à  la  face  carrée,  coupée  de  larges 
plis,  au  nez  fort,  aux  yeux  gros  et  pâles,  au  menton  volontaire 
[157].  D'une  avarice  noire,  d'une  impitoyable  dureté,  il  s*est 
opposé  au  mariage  d'Honoré  avec  la  petite  servante  Silvine 
Blorange,  mais  il  a  gardé  tranquillement  la  fille,  espérant  à 
tort  que  les  jeunes  gens  se  contenteraient  ensemble,  sans  se 
marier.  Après  dix-huit  mois  de  pHîience,  Honoré  a  rompu  avec 
son  père  et  s'est  engagé  par  un  coup  de  tète.  Fouchard  a  gardé 
la  servante,  dont  il  était  content,  et  l'a  vue,  avec  plaisir,  sé- 
duite par  Golinth  Steinberg,  ce  qui  avait  l'avantage  déterminer 
l'aventure  [00]. 

A  la  veille  du  passage  des  troupes  françaises,  en  marche 
vers  Sedan,  Fouchard  a  fait  disparaître  son  bétail,  les  quelques 
animaux  à  son  service,  ainsi  que  les  bétes  réservées  à  sa  bou- 
cherie, les  cachant  au  fond  de  quelque  carrière  abandonnée  ; 
il  a  passé  des  heures  à  tout  enfouir  chez  lui,  le  vin,  le  pain, 
les  moindres  provisions,  jusqu  à  la  farine  et  au  sel  ;  et  il  refuse 
de  donner  même  un  verre  d'eau  aux  soldats  français  [158], 
préférant  attendre  de  meilleures  occasions  ;  de  vagues  idées 
de  commerce  se  sont  ébauchées  dans  son  crâne  de  vieillard 
patient  et  rusé.  La  mort  de  son  fils,  tué  au  calvaire  d'illy,  lui 
arrache  quelques  larmes,  mais  il  se  console  vite  en  traitant 
de  bonnes  affaires;  il  achète  pour  quai-ante-cinq  francs  trois 
chevaux  d'officiers,  volés  sur  le  champ  de  bataille  [435]  ;  il 
accepte  Pros^er  Sambuc  comme  garçon  de  ferme,  parce  que 
le  soldat,  échappé  à  la  captivité,  rie  lui  coûtera  pas  de  gages 
[ii2]. 

Tandis  que  lâle  le  pays  entier,  saigné  aux  quatre  membres, 
Fouchard  trouve  le  moyen  d'élargir  tellement  son  commerce 
de  boucher  en  détail  qu'il  abat  ù  cette  heure  le  triple  et  le 
quadruple  de  itôtes  ;  il  a  fait  des  marchés  superbes  avec  l'en- 
nemi, haussant  les  épaules  devant  le  muet  reproche  des  voisins, 
disant  que  c'est  son  patriotisme,  à  lui,  de  ne  pas  donner  gratis, 

13. 


150  LES  PERSONNAGES 

aux  Prussiens,  de  la  nourriture  par-dessus  la  tète  [505J.  Et  ce 
paysan  goguenard  estime  qu'il  en  a  plus  tué  avec  ses  vaches 
malades  que  bien  des  soldats  avec  leur  chassepot.  Les  francs- 
tireurs  des  bois  de  Dieulet,  Guillaume  Sanibuc,  Cabasse, 
Ducat,  sont  ses  pourvoyeurs  de  bôles  crevées  [521].  Un  instant 
soupçonné  d'avoir  participé  à  l'exécution  de  Goliath  Steinberg, 
il  a  été  arrêté,  maison  le  relâche  peu  après,  grâce  à  l'interven- 
tion du  capitaine  de  Gartlauben,  ami  des  Delaherche.  Foucbard, 
d'ailleurs,  commence  à  en  avoir  assez  des  Prussiens,  qui  main- 
tenant le  chicanent  sur  la  qualité  de  ses  fournitures.  Gros 
monsieur  désormais,  il  ne  montrera  son  magot  qu'à  la  fin  de 
la  guerre  [565].  (La  Débâcle.) 

Fouchard  (Honoré).  —  Fils  unique  du  vieux  Fouchard.  \ 
vingt  ans,  en  1867,  il  a  tiré  un  bon  numéro,  ravi  de  pouvoi** 
épouser  la  petite  Silvine31orange,  servante  chez  son  père.  Mais 
devant  la  rude  opposition  de  ce  dernier,  il  s'engage  et  est  envoyé 
en  Afrique,  dans  l'artillerie.  Quand  il  a  su  l'aventure  de  sa 
chère  Silvine,  séduite  par  Steinberg  et  devenue  mère,  il  est 
reste  trois  mois  à  l'hôpital  et  n'a  jamais  voulu  profiter  d'un 
congé  pour  revenir  au  pays.  A  l'heure  de  la  guerre,  c'est  un 
maréchal  des  logis,  à  Pair  crâne  et  d'aplomb,  avec  ses  mous- 
taches et  sa  barbiche  brunes  [i].  Sur  les  routes  d'Alsace,  il 
délile,  campé  fièrement  sur  son  cheval,  à  la  gauche  de  sa 
pièce,  soignée,  astiquée,  éclatanteainsi  qu'un  soleil,  admirée  de 
tout  le  monde,  des  bétes  et  des  gens,  serrés  autour  d'elle,  dans 
une  discipline -et  une  tendresse  de  famille  brave  [35].  Honoré 
a  reçu  de  Silvine  une  lettre  disant  qu'elle  l'aime  toujours, 
qu'elle  n'a  jamais  aimé  que  lui  [97],  il  en  tremble  de  bonheur, 
et  lorsque,  de  passage  à  Remilly,  il  la  revoit,  c'est  pour  lui 
{•aràoitner  ;  il  l'épousera  dès  qu'il  sera  rentré  du  service,  on 
n'étranglera  pas  le  petit,  d'autres  pousseront,  on  fînira  par  ne 
plus  le   reconnaître   dans  le   tas  [173]. 

Sa  batterie  est  parmi  celles  qui,  dans  la  journée  du  1*'  sep- 
tembre, défendentun  instant  lecalvaired*llly;ellesyarrivenldans 
un  ordre  superbe,  on  les  dirait  àla  parade  [308],  mais  tandis  que 
leurs  obus  éclatent  en  l'air,  loin  du  but,  les  batteries  prussiennes, 
elles,  règlent  leur  tir  en  deux  coups  et  atteignent  aussitôt  les 
pièces  françaises,  qui  sont  rapidement  démontées,  malgré  leurs 
changements  de  position,  bravement  accomplis  sous  lefeu[312]. 
Fou  de  rage  de  voir  sa  pièce  blessée,  bouche  écornée  et  roue 
détruite.  Honoré  veut  la  sauver  comme  on  sauve  le  drapeau,  il 


j 

DES  ROUCON-MACQUART  151  ! 

i 
remplace  la  roue  sous  la  mitraille,  mais,  au  moment  de  la  re- 
traite définitive,  il  est  foudroyé,  le  bras  droit  arraché,  le  ûanc 
gauche  ouvert.  Tombé  sur  le  canony  il  y  reste  étendu,  comme 
sur  un  lit  d'honneur,  la  face  intacte  et  belle  de  colère,  cl  ses 
doigts  crispés  ont  retrouvé  la  lettre  de  Silvine.  que  son  sang 
tache  goutte  à  goutte  [315].  {La  Débâcle,) 

Fougeray  (Mademoiselle  de). —  Fille  aînée  de  la  baronne 
de  Fougeray.  Est  entrée  aux  Carmélites.  On  assure  quVIle  a 
aimé  un  jeune  homme  et  que  celui-ci  est  mort.  La  prise  de 
voile  de  cette  pauvre  enfant  intéresse  tout  Paris  et  défraye  les 
conversations  des  mardis  de  la  comtesse  Muflat  [82]  et  des  sou- 
pers d'actrices  [H^].  (Nana). 

Fouque  (Adélaïde),  dite  Tante  Dide  (1).—  Mère  et  aïeule 
des  BougoD-Macquart.  Elle  a  donné  naissance  à  la  branche 
légitime,  par  Pierre  Bougon,  et  aux  deux  branches  bâtardes, 
par  Ursule  et  Antoine  Macquart.  Adélaïde,  née  en  1768,  est 
orpheline  à  dix-huit  ans.  Père  mort  fou.  Elle  est  une  grande 
créature  mince,  pAle,  aux  regards  effarés,  aux  lèvres  charnues, 
bizarre  d*allures,  on  lui  croit  le  cerveau  fêlé.  Héritière  des 
plus  riches  maraîchers  du  pays,  elle  épouse  un  lourd  jardinier, 
Rougon,  qui  meurt  quinze  mois  après,  lui  laissant  un  fils, 
Pierre.  Avant  la  fin  de  son  deuil,  elle  est  la  maîtresse  du  con- 
trebandier Macquart,  qu'elle  aime  d*un  amour  de  louve,  et  elle 
en  a  deux  enfants,  Antoine  et  Ursule,  élevés  côte  à  côte  avec 
Pierre.  Dès  les  premières  couches,  elle  a  subi  des  crises  nerveu- 
ses qui  s*aggravent  lorsque  son  amant,  surpris  à  la  frontière 
pendant  qu*il  introduisait  de  la  marchandise  en  fraude,  est  tué 

par  le  fusil  d'un  Hnnaniftr.  J^^^  trniihlgs  hystftriqiiqs  (|',\jj^1nïHfe 

iajcltentjlaiisjjes  convulsions  terribles,  la  détraquent  complète- 
ment en  peu  d'années  [51]  et  la  livrent  sans  défense  aux  duretés 
de  son  fils  légitime.  Dès  quarante-deux  ans,  elle  a  des  airs 
vagues  de  vieille  femme  tombée  en  enfance.  Elle  s'est  retirée 


(1)  Aifélaide  Fouque,  dite  tante  Dide.  Xée  en  17C8;  mariée  en 
i78G,  à  Rougon^  lourd  et  placide  jardinier  ;  en  a  un  fils  en  1787; 
perd  son  mari  en  1788;  prend,  en  1789,  un  amante  Macquart,  désé- 
quilibré et  ivrogne,  contrebandier  ;  en  a  un  fils  en  1789  et  une  fdle 
en  1791;  devient  folle  et  entre  à  V Asile  d'aliénés  des  Tulettes,  en 
1851  ;  y  meurt  d'une  congeslion  cérébrale  en  1873,  à  Vâge  de 
lUo  ans.  [Névrose  criginellcl.  {Arbre  généalogique  des  Rougon- 
Macquart,) 


Iô2  LES  l'ERSON SAGES 

dans  la  masure  de  Macquarl  et  vit  d*uoe  pension  de  six  cents 
francs,  que  Pierre  lui  a  consentie  lorsqu'il  Ta  dé()ouiIiée  de  sa 
fortune  [64]  ;  elle  vieillit  dans  une  existence  monacale,  en  un 
renoncement  absolu,  aTec  des  accidents  nerveux  périodiques,  A 
soixante-quinze  ans,  'Adélaïde  a  la  face  blême,  un  masque 
vagrue,  le?  regards  éteints,  les  mains  agitées  d*un  tremblement 
sénile  [IG2].  Elle  recueille  son  pelit-ûls  Silvère  Mouret,  âgé  de 
six  ans,  qui  Tappellc  tante  Dide  et  pour  qui  elle  se  prend  d'une 
tendresse  ineffable  [163].  L'enfant  grandit  avec  elle,  la  soignant, 
raimant,  et  lorsqu'au  coup  d*Etat,  il  meurt  sous  ses  yeux, 
victime  des  haines  et  des  luttes  sanglantes  de  la  famille,  tué 
par  un  gendarme  comme  Ta  été  le  grand-père  Macquart,  tante 
Dide,  maudissant  ses  fils  criminels,  achève  de  devenir  foUft  <'j_ 
est  enfermée  dans  l'Asile  d'aliénés  desTuleUes.  [La  fortune  des^ 
Rougon,) 

Elle  est  toujours  internée  conrmie  folle  et  reste  une  des  plaies 
vives  de  la  famille.  La  petite  propriété  de  son  fils  Antoine 
Macquart  est  voisine  de  l'Asile.  Pierre  Rougon  semble  avoir 
posté  là  le  vieux  drôle  pour  veiller  sur  l'aïeule  [57].  Adélaïde 
n'a  jamais  donné  de  l'ennui  à  la  maison  :  elle  reste  assise,  h 
regarder  devant  elle  ;  depuis  douze  ans,  elle  n'a  pas  bouge 
[301].  {La  Conquête  de  Plassans.) 

A  cent  quatre  ans,  elle  vit  toujours,  ainsi  qu'une  oubliée,  une 
démente  calme,  au  cerveau  ossitié,  chez  qui  la  folie  peut  rester 
indéfmiment  stationnaire,  sans  amener  la  mort.  C'est  un  squelette 
jauni,  desséché,  tel  qu'un  arbre  séculaire,  dont  il  ne  reste  que 
récorce  [73].  Dans  son  mince  et  long  visage,  il  n'y  a  plus  que 
les  yeux  de  vivants,  des  yeux  d'eau  de  source,  vides  et  clairs, 
sans  pensée.  Immuable  en  son  fauteuil,  tante  Dide  est  là, 
comme  le  témoin  gênant  du  passé,  comme'un  spectre  de  l'at- 
tentt*  et  de  l'expiation  qui  évoque,  vivantes,  les  abominations 
de  1.1  famille  [^ti]  et  fait  peur  à  Félicité  Uougon.  Un  accident 
souilain  ,  le  petit  Charles  Saccard  atteint  d'une  hémorragie 
nast'il»^  le  lilet  de  sang  venant  former  une  flaque  aux  pieds  de 
la  folle,  réveille  ce  cervcHU  endormi  depuis  vingt  et  un  ans.  La 
vieille  rrieule  revoit  dans  un  éclair  le  gendarme  qui,  d'un  coup 
de  pistolet,  a  cassé  la  tète  de  Silvère,  elle  revoit  aussi  l'homme 
qui  a  fusillé,  comme  un  chien,  le  contrebandier  Macquart;  ce 
troisiênvi  choc  sanglant  achève  de  l'abattre  et  elle  meurt  le  len- 
demain, ûgée  de  cent  cinq  ans  trois  mois  et  sept  jours,  enlevée 
par  une  congestion  pulmonaire  [:2li].  (Le  Docteur  Pascal.) 


li  LES  PEnSONNACES 

nuits  à  la  Pointe  Saint-Euslache,  avec  sa  voilure  de  lé^'unies 
trainco  parDaUliaznr;«Ilcest  pleine  de  dédain  pour  Paris  et  le 
traite  en  ville  très  éloignée,  tout  à  fait  ridicule  et  méprisable, 
r/est  elle  (|ui  a  ramassé  Florent,  la  nuit  où,  exténué  et  mou- 
rant de  faim,  il  était  tombé  en  travers  de  l'avenue  de  Neuilly. 
Ouaud  il  la  revoit  plus  tard,  elle  lui  fait  Teflet  d^une  plante 
saine  et  robuste,  qu*il  oppose  en  sa  pensée  aux  belles  filles  des 
Halles,  chairs  suspectes,  parées  à  l'étalage  [2iG].  {Le  Ventre 
ii(  Paris,) 

Françoise.  —  Femme  de  chambre  de  madame  Théophile 
Valire.  Comme  elle  vient  d'être  congédiée  au  moment  où  le 
mari  découvre  une  lettre  compromettante  pour  sa  femme, 
Ti  uhlot  sugî^^ère  l'idée  d'attribuer  cette  lettre  à  un  amani  Je  iw. 
doîiicsiique  P02].  (Pot-Bouille.) 

Françoise.  —  La  servante  des  Sandoz,  dans  leur  petit 
pavillon  de  la  rue  Nollet  [io'2].  {L'Œuvre.) 

Frangipane.  ^—  Cheval  de  courses,  au  baron  Verdier, 
par  The  Truth  et  Lenore.  Un  grand  bai  engagé  dans  le  Grand 
Prix  de  Paris  et  qu'on  a  fourbu  à  l'entraînement  [388]. 
{X.tna.) 

Frédéric  (Madame).  —  Seconde  du  rayon  de  confeciiou:i. 
au  Doiiheur  des  Dames.  C'est  une  veuve  maigre  et  laide,  à  la 
mà.hoire  saillante  et  aux  cheveux  durs  [61].  Les  vendeuses  la 
plïiisantent,  lui  prêtent  des  relations  discrètes  avec  de  grandâ 
personnages.  .Mais  on  ne  sait  rien  de  ses  affaires  de  cœur;  elle 
disparaît  le  soir,  raidie  dans  sa  maussaderie  de  veuve,  l'air 
pressé,  sans  que  personne  puisse  dire  où  elle  court  si  fort  [159]. 
L'n  jour,  sans  avoir  prévenu,  au  grand  scandale  de  madame 
Aur/'Iie,  elle  donne  tranquiliement  son  con^ê,  passant 
à  la  caisse  pour  faire  régler  son  compte,  lâchant  le 
Hoiiheur  d'une  minute  à  l'autre,  comme  le  Bonheur  lui-iuéme 
làclie  SCS  employés.  On  la  soupçonne  d'avoir  quitté  les  nou- 
veanit's  pour  épouser  le  propriétaire  d'un  élahiisst*înent  de 
bain?,  du  côté  des  Malles  [309J.  {An  Bonheur  des  Dames.) 

Frimât.  —  Vieux  paysan  de  Piognes.  Un  voisin  des  Mouche. 
Ehi  -levemi  paralytique  [lOiJ.  (La  Terre.) 

Frimât  (La).  —  Femme  du  père  Frimât.  Elle  est  rêftutée 
au  vill.ige  pour  ses  connaissances,  on  a  recours  à  elle  dans  les 
cas  -iifliciies  afin  de  s'éviter  la  visite  du  vétérinaire.  C'est  une 
graiiJc  vieille  sèche,  osseuse,  qui  soigne   son  maii    et   le  lait 


DES  nOUGON-MACQUART  155 

vivre  en  cultivant  clle-môme,  avec  une  obstination  de  bête  de 
somme,  l'unique  arpent  qu'ils  possèdent  [lOi].  Sa  continuelle 
doiéance  est  le  manque  de  fumier,  elle  en  est  venue  à  se  servir 
de  tout  ce  que  son  vieux  et  elle  font,  de  cet  engrais  humain  si 
méprisé,  qui  soulève  le  dégoût,  même  dans  les  campagnes.  On 
rappelle  la  môre  Caca  [123];  ses  choux  et  ses  carottes  ont  beau 
être  superbes,  ils  subissent  une  défaveur  au  marché.  La  Frimai 
a  les  soins  les  plus  attentifs  pour  son  mari;  le  vieil  infirmé  est 
devenu  comme  son  enfant,  qu'elle  porte,  cbange,  gâte  de  frian- 
dises [410].  Elle  pleure  à  la  pensée  qu'il  va  mourir  [514].  {Lu 
Terre.) 


r 

Gabet  (La  mère).  —  Vieille  journalière  de  Deaumont.  On 
la  loue  tous  les  trois  mois  chez  les  Hubert  pour  la  lessive  [102]. 
Elle  dcineurc  rue  des  Orfèvres.  Atteinte  de  sciatique,  gardant 
io  ht,  réduite  au  plus  profond  déoùment,  la  mère  Gabet  est 
^..courue  par  Angélique  Marie  et  par  Félicien  de  Ilaute- 
cœur  [119].  (Le  Héve.) 

Gaga.  —  Une  vieille  garde.  A  fait  les  délices  des  premières 
années  du  règne  de  Louis-Philippe.  C'est  une  grosse  femme, 
sanglée  dans  son  corset,  une  ancienne  blonde  devenue  blanche 
•.:  teinte  en  jaune,  dont  la  figure  ronde,  rougie  par  le  fard»  se 
Ijoursoulle  sous  une  pluie  de  petits  frisons  enfantins  [12].  Elle 
.'(  des  paupières  bleuies,  aux  cils  brûlés.  Gaga,  qui  a  connu 
irina  d'Anglars,  une  ancienne  du  premier  Empire  [215],  tra- 
vaille encore,  elle  a  toujours  des  hommes,  surtout  de  très 
jounes,  dont  elle  pourrait  être  la  grand'mère  [110].  Traînant 
|iartout  sa  ûlle  Lili,  elle  allecte  de  vouloir  la  marier,  car  un 
bon  niénacre  doit  valoir  mieux  que  tout,  })uisqu'elle,  Gaga,  à 
son  ùge,  n*a  pas  mis  un  sou  de  côté;  elle  linit  néanmoins  par 
vendre  la  petite  au  marquis  de  Chouard  [102].  Gaga  est  vio- 
lemment bonapartiste.  Le  règne  de  la  branche  cadette  a  été 
une  époque  de  panés  et  de  grigous  ;  la  république  de  qua- 
rante-huit lui  a  fait  Telfet  d'n|ie  dé^oùtalion,  car  elle  y  a  crevé 
di  faim;  son  avi>  est  que  les  dames  devraient  se  mettre  à 
;:enoux  devant  Napoléon  III  qui  a  été  leur  père  [521].  Par  une 
rare  malchance,  elle  vient  d'achever  de  payer  sa  petite  maison 
de  Juvisy  lorsque  la  guerre  éclate;  si  les  Prussiens  viennent, 
ils  brûleront  tout  [51UJ.  (Xana.) 

Gagebois.  —  Verrerie  à  Monlsou.  La  grève  des  mineurs 
ramène  à  éteindre  ses  feux  [125].  {Germinal.) 


ir.>  LES  PEKSOiNNACES  ^ 

Gagnière.  —  Un  peintre,  de  Ja  bande  de  Claude  Lantier. 
Petit,  vague,  il  a  une  ligure  poupine  et  étonnée,  avec  des  yeux 
verts  et  une  légère  barbe  blonde.  Originaire  de  Melun,  fils  de 
gros  bourgeois  qui  lui  ont  laissé  là-bas  deux  maisons,  il  a 
appris  la  peinture  tout  seul  dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  il 
dessine  des  paysages  consciencieux,  d'intentions  excel- 
lentes [00].  Ses  scrupules  de  conscience  artistique  le  tiennent 
pendant  des  mois  sur  une  toile  grande  comme  la  main.  A  la 
suite  des  paysagistes  français,  ces  maîtres  qui  ont  Jes  pre- 
miers conquis  la  nature,  il  se  préoccupe  de  la  justesse  du  ton, 
de  l'exacte  observation  des  valeurs,  en  théoricien  dont  Thonné- 
teté  linit  par  alourdir  la  main;  et,  souvent,  il  n*ose  plus  risquer 
une  note  vibrante,  il  est  d'une  tristesse  grise  qui  étonne  [lOâ]. 

Sa  vraie  passion  est  la  musique,  une  folie  de  musique,  une 
flambée  cérébrale  qui  le  met  de  plain-pied  avec  les  plus  exas- 
pérés de  la  bande.  S'il  s'indigne  devant  la  foule  qui  bue  le 
Plein  Air  de  Claude  Lantier,  c'est  parce  qu'il  reconnaît  autour 
de  lui  les  imbéciles  qui  sifflent  Wagner  chaque  dimanche,  aux 
concerts  Pasdeloup  [165].  On  le  retrouve,  plus  tard,  enfoncé 
dans  la  théorie  des  couleurs  complémentaires,  intéressé  par  ce 
principe  mathématique,  qui  fait  entrer  la  science  dans  la  pein- 
ture; mais  il  reste  toujours  fou  de  musique,  ayant  des  sourires 
d'extase  devant  Haydn,  à  la  petite  voix  chevrotante  d'aîeule 
poudrée,  Mozart,  le  génie  précurseur  qui  a  donné  à  l'orchestre 
une  voix  individuelle,  Beethoven  que  ces  deux-là  ont  fait, 
l'iiéroïque  logicien  Beethoven,  le  pêtrisseur  de  cervelles,  le 
créateur  de  la  symphonie  avec  chœurs  d*oii  sont  partis  tous  les 
grands  d'aujourd'hui;  et  il  ne  tarit  pas  sur  les  romantiques 
Weber  et  Schubert,  sur  Rossini,  le  don  en  personne,  si  éton- 
nant par  l'abondance  de  son  invention,  sur  Meycrbeer,  le  maliu 
qui  a  proQté  des  trois  autres;  et  il  exalte  Berlioz,  le  Delacroix 
de  la  musique,  et  Chopin,  le  poète  envolé  des  névroses,  et 
Mendelssohn,  le  ciseleur  impeccable,  et  Schumann,  dont  le 
chant  plane  sur  les  ruines  du  monde,  et  enfin  Wagner,  le  dieu 
en  qui  s'incarnent  des  siècles  de  musique  [265]. 

Son  amour  pour  cet  art  qu'il  préfère  à  tout  l'a  poussé  à 
prendre  des  leçons  de  piano  chez  une  vieille  demoiselle  [213]. 
il  se  fixe  à  Me]un,où  il  habite  une  de  ses  deux  maisons,  en 
vivant  chichement  de  la  location  de  l'autre.  11  s'est  marié  avec 
sa  maîtresse  de  piano,  qui  lui  joue  du  Wagner  le  soir  [S^^i]. 
Deux  ou  trois  fois  par  mois,  Gagnière  vient  à  Paris,  tout  efl^aré, 
pour  un  concert  [411];  il  continue  à  exposer  tous  les  ans  un 


D£S  ROUGON-MACQUART  159 

))ord  de  Seine,  d*UD  joli  ton  gris,  consciencieux  et  si  discret 
que  le  public  ne  le  remarque  jamais.  D  ailleurs,  l'homme 
ne  change  pas,  il  blondit  en  vieillissant  [439],  mais  si  Tâge 
semble  le  rajeunir  au  physique,  son  moral  s^aigril,  le  succès 
des  autres  lui  allonge  les  dents;  d* accord  avec  Mahoudcau,  il 
massacre  les  Jory  et  les  Fagerolles,  dont  la  réussite  J'exaspère, 
et  il  s*achanie  sur  Claude,  qui  est  à  terre,  celùi-la,  et  qu'il 
regrette  d'avoir  fréquenté  [449].  {L'Œuvre.) 

Galissard.  —  Mercier  à  Plassans.  Marie  sa  fille  au  profes- 
seur Lalubie.  C'est  une  jolie  petite  blonde,  à  qui  Claude  Lan- 
lier  et  Sandoz  allaient  donner  des  sérénades  [36].  (LŒnvrc.) 

Garçonnet.  —  Maire  de  Plassans.  Légitimiste  placé 
en  181'  à  Ja  lèlé  delà  municipalité.  Fort  riche,  délicat, coquet, 
a  fait  installer  à  la  mairie,  derrière  son  cabinet  officiel,  un  élé- 
;'ant  réduit.  Il  est  très  lié  avec  le  clergé  et  voit  sans  enthou- 
siasme un  coup  d*Ëtal  bonapartiste;  néanmoins  il  fait  afficher 
les  dépêches  du  nouveau  gouvernement  [123]  et  est  arrêté  dans 
la  nuit  du  7  dt'ccmbre,  à  la  mairie,  par  les  insurgés  [187]  qui  le 
traitent  avec  douceur  [:256],  l'emmènent  comme  otage  et  ren- 
ferment dans  Tauberge  de  la  Mule  blanche,  à  Saint-Roure  [259]. 
Délivré  le  12  par  les  troupes  de  l'ordre  [2G7],  il  rentre  en 
carriole  à  Plassans  avec  les  autres  libérés  [361]  et  offre  un 
dinei*  d  apparat  au  préfet,  M.  de  Blériot,  et  au  colonel  Masson 
\^t*'2]  qui  viennent  de  noyer  l'insurrection  dans  le  sang.  {La 
Foriitiie  des  Rougon.) 

Gartlauben  (De).  —  Capitaine  de  la  landwehr.  Pendant 
roccupation  prussienne,  à  partir  de  la  seconde  quinzaine  de 
septembre,  il  loge  à  demeure  chez  les  Delaherche,  à  Sedan. 
Tonjours  sanglé  dans  son  uniforme,  grand  et  gros,  il  ment  sur 
son  âge,  désespéré  de  ses  quarante-cinq  ans.  Malgré  son  grade 
mod»?ste,  c'est  un  puissant  personnage,  car  il  a  pour  oncle  un 
gouverneur  général  installé  à  lîeims  et  qui  exerce  sur  toute  la 
région  un  pouvoir  absolu.  .Vvec  plus  d'intelligence,  le  capi- 
îriine  pourrait  être  terrible,  mais  sa  vanité  outrée  le  met  dans 
une  continuelle  satisfaction,  jamais  il  n'en  vient  à  supposer 
qu'on  veuille  se  moquer  de  lui  [oi6].  Séduit  par  la  grâce  de 
Gilberte.  il  a  Uni  par  tomber  amoureux  fou  de  la  jeune  femme, 
il  s-i  soigne  beaucoup,  déploie  une  co(|uetterie  outrée  et  se 
contenh^  de  la  moindre  faveur,  tourmenté  de  l'unique  souci 
de  n'être  pas  pris  pour  un  barbare,  pour  un  soldat  grossier, 
violentant  les  femmes  [551].  Il  rend  des  services  aux  Delà- 


.( 


iCO  LES  PEU  SUN  NAGES 

hcrche  ut  adoucit  pour  eux  les  rudesses  de  l'occupation.  {La 
Débâcle.) 

Gasc.  —  Propriétaire  d'une  érurie  de  cotirses.  Fait  courir 
le  Grand  Prix  de  Paris  par  Doum  [388],  (A'aîia.) 

Gasparine.  —  Cousine  de  Rose  Domergue.  Elles  ont  vécu 
leur  première  jeunesse  à  Plassans.  Gasparine  était  une  belle 
fille  pauvre,  grande  et  désirable  avec  ses  beaux  yeux.  L'ar- 
cbitccte  Campardon  Ta  aimée,  puis  abandonnée  pour  épouser 
Piose,  dont  la  dot  le  tentait,  et  Gasparine  s*est  réfugiée  à  Paris 
auprès  d'une  tante  couturière.  Plus  tard,  on  la  retrouve  pre- 
mière demoiselle  au  comptoir  de  lin^rerie  chez  les  Uédouin,où 
elle  gênera  pendant  quelque  temps  Octave  Mouret.  Séchéepeu 
à  peu,  elle  est  devenue  maigre,  anguleuse,  avec  la  mâchoire 
saillante  et  les  yeux  durs,  n'ayant  gardé  que  ses  grands  yeux 
superbes,  dans  son  visage  devenu  terreux.  Elle  a  un  front 
jaloux,  la  bouche  ardente  et  volontaire.  Campardon  est  son 
amant  ;  Hose,  devenue  impotente  à  la  suite  de  couches,  a  elle 
même  régularisé  le  partage.  Grâce  à- cette  tranquille  complai- 
sance et  au  large  égoïsme  de  Campardon,  Gasparine  s'est 
installée  dans  la  maison,  en  parente  pauvre  qui  s'incline  de- 
vant les  toiitittes  et  les  grâces  de  la  cousine  riche  [^09],  mais 
elle  a  pris  une  autorité  de  plus  en  plus  large,  domptant  les 
bonnes,  s*occupant  de  tout,  assurant  son  bonheur  matériel 
avec  celui  des  autres.  Les  amis  l'appellent  tranquillement 
l'autre  madame  Campardon.  {Pot-Douille.) 

Gaston.  —  Fils  d'un  général.  Il  a  l'âge  du  prince  impérial 
mais  il  est  déjà  beaucoup  plus  fort.  L'empereur  demande  des 
nouvelles  de  son  petit  ami  Gaston  [190].  (Son  Excellence  Eugène 
Bougon.) 

Gaude.  —  Clairon  au  106*  de  ligne,  compagnie  Beaudoin. 
Grand  garçon,  maigre  et  douloureux,  sans  un  poil  de  barbe, 
toujours  mue!,  soufflant  ses  sonneries  d'une  baleine  de  tem- 
pête [8].  Le  1*'' septembre,  pendant  la  défense  de  TErmitage, 
au-dessus  du  Fond  de  Givonne,  tout  en  sachant  que  sa  com- 
pagnie est  anéantie,  que  pas  un  homme  ne  peut  venir  à  son 
appel,  il  empoigne  son  clairon,  rembouche,  sonne  au  railie- 
menl,  d'une  telle  violence  qu'il  semble  vouloir  faire  dresser  les 
morts.  Cet  homme,  qui  a  eu  des  chagrins  dont  il  ne  parle 
jamais,  esl  pris  d'une  folie  héroïque.  Les  Prussiens  arrivent,  il 
ne  bouge  pas,  soufflant  plus  fort,  à  toute  fanfare.  Une  volée  de 


DES  l;OUGON-MACQUART  161 

bailes  linit  par  l'abattre,  son  dernier  souffle  s'envole  en  une 
note  (le  cuivre,  qui  emplit  le  ciel  d*un  frisson  [375].  {La  Dé' 
bâcle,) 

Gaudibert  (Isidore).  —  Maire  de  Barbeville  depuis  1852. 
Fait  des  odos  politiques  pleines  de  goût  [271].  Le  ministre 
Rougon  \c  décore,  malgré  ses  répugnances  pour  la  poésie. 
C'est  Isidore  Gaudibert  qui  a  comparé  Tempcreur  à  un  feu 
d'artifice.  (Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Gaudron.  —  Mari  de  madame  Gaudron.  Lourdeur  de  brute 
[S'5].  (LWs^ommoir.) 

Gaudron  (Madame).  —  Cardeuse  de  matelas.  Voisine  des 
Lcrilleux,  rue  de  la  Goutte-d'Or.  C'est  une  grosse  mère,  éta- 
lant constaminent  un  ventre  de  femme  enceinte.  Neuf  enfants. 
Eile  a  été  invitée  avec  son  mari  à  la  noce  des  Coupeau  [79], 
Ci  Mes-Iîoltes,  blagué  pour  son  appétit  excessif,  répond  à 
madame  Gaudron  qu'elle  en  a  avalé  plus  long  que  lui  [111]. 
(VAssomt/icIr.) 

Gaudron  fils.  —  L'aîné  des  Gaudron.  Ouvrier  menuisier; 
à  dix-sept  ans,  il  serre  de  près  la  petite  Pauline  Boche  [455]. 
{UAssommolr.) 

Gaujean.  —  Fa])ricant  de  soieries  à  Lyon.  Longtemps 
sirijple  coniniissionnaire,  il  n'a  des  métiers  à  lui  que  depuis 
cloq  ou  six  ans,  il  fait  travailler  beaucoup  de  façonniers 
auxquels  il  fournit  la  matière  première  et  qu'il  paye  tant  du 
mètre  ;  ce  système  hausse  les  prix  de  revient  et  ne  lui  permet 
pas  de  lutter  avec  Dumonteil  pour  la  fourniture  des  failles  du 
Donheur  dos  Dames.  Aussi  accuse-t-il  les  grands  magasins  de 
ruiner  la  faltrication  irançaise  ;  trois  ou  quatre  font  la  loi  et 
régnent  en  maîtres  sur  le  marché  ;  la  seule  façon  de  les  com- 
battre, à  son  avis,  est  de  favoriser  le  petit  commerce,  les  spé- 
cialités surtout,  auxquello  l'avenir  appartient.  Il  s'entend  avec 
plusieurs  confières  de  Lyon  pour  offrir  à  Robineau  des  crédits 
très  lar^'cs.  il  lui  apporte  une  soie  qui  doit  écraser  le  Paris- 
Bonheur  [-3."?].  Mais  après  une  éclatante  défaite,  il  se  rend 
compte  <|ne  la  fabrication  n'a  plus  qu'à  suivre  le  progrès,  par 
une  meilleure  organisation  et  des  procédés  nouveaux;  et  il  se 
sent  penlu,  s'il  ne  rentre  pas  en  grâce  auprès  d'Octave  Mouret 
[*61".  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Gavard.  —  Marchand  de  volailles  aux  Halles.  Petit,  carré, 
l'air  heureux,  les  cheveux  gris   et  taillés  en  brosse.  Beau-frère 


  t 


16i  LES  PERSONNAGES 

(le  madame  Iiecœurel  oncle  de  la  Sarriette.  Était  rôtisseur  me 
Saint-Jacques  quand  il  a  connu  Florent  et  son  frère  Quenu. 
Peu  après  le  coup  d*État,  il  a  perdu  sa  femme  et  a  gardé  la 
rôtisserie  jusqu*en  1856;  il  a  vécu  d*abord  de  ses  rentes,  arron- 
dies lors  de  la  guerre  de  Crimée  par  une  fourniture  militaire. 
Puis,  s*ennuyant,  il  est  venu  habiter  rue  de  la  Cossonnerie  et, 
séduit  par  les  Halles,  il  s*est  décidé  à  louer  une  place  au  pa- 
^illon  de  la  volaille,  uniquement  pour  se  distraire  parles  can- 
cans du  marché  [7i].  Il  est  profondément  détesté  de  sa  belle- 
sœur,  qui  avait  espéré  en  vain  se  faire  épouser. 

Homme  d'opposition,  Gavard  se  vante  d'avoir  dit  leur  fait 
à  quatre  gouvernements,  n'avoue  pas  qu'il  a  applaudi  au 
Deux-Décembre  et  regarde  maintenant  Napoléon  111  couime  un 
ennemi  personnel.  Il  se  pose  en  homme  dangereux  et  se 
nourrit  de  hâbleries,  avec  un  besoin  goguenard  de  tapage. 
Gavard  a  dépassé  la  cinquantaine  lors  du  retour  de  Florent, 
qu'il  rencontre  mourant  de  faim  et  qu'il  ramone  à  Quenu. 
Ravi  d'une  aventure  qui  met  sous  sa  main  un  camarade  réel- 
lement compromis,  il  s'amuse  a  prendre  des  allures  de  conspi- 
rateur. II  a  obtenu  pour  Florent  une  place  aux  Halles,  s'ima- 
ginant  ainsi  embêter  l'Empire  qui  donnera  son  argent  à  un 
échappé  de  Cayenne.  Bientôt,  il  l'entraîne  chez  Lebigre,  où  se 
réunissent  avec  lui  des  amis  politiques,  Logre,  Bobine,  La- 
caille,  Alexandre,  Charvet  et  Clémence,  tous  ennemis  du  gou- 
vernement impérial.  De  là  sort  le  complot  des  Halles,  machiné 
par  Logre.  Gavard,  heureux  d'acquérir  de  l'importance,  se 
compromet  à  plaisir,  montre  partout  un  revolver  qu'il  appelle 
Anatole,  pousse  l'enfantillage  jusqu'à  vendre  des  titres  pour 
avoir  chez  lui  dix  mille  francs  en  or,  prêts  à  toute  éventualité. 
Finalement,  il  se  fait  prendre  dans  la  souricière  organisée  chez 
Ouenu,  et  il  jette  sa  clé  à  la  Sarriette  et  à  madame  Lecœur  qui, 
flanquées  de  mademoiselle  Saget  et  de  la  concierge,  madame 
Léonce,  courent  voler  son  or  et  omettent  de  brûler  les  papiers 
compromettants.  Traduit  en  justice  avec  Florent  et  les  autres 
conspirateurs,  il  est  conda<mné  à  la  déportation,  payant  cher  sa 
verve  opposante  de  boutiquier  parisien  [355].  {Le  Ventre  de 
Paris.) 

Gavaudan  (Joséphine)  (I).  —  Connue  de  tout  Plassans 

(I  Joséphine  Gavaudan,  marcliande  à  la  Ilalley  rigoureuse,  ira- 
vailleu!i€f  mais  intempérant e^  mariée  en  ISi'J  à  Antoine  Macqiiarl. 
{Arbre  généalogique  des  liougon-Macquart.) 


DES  ROUGOX-MACQCART  iC3 

SOUS  le  diminutif  de  Fine,  elle  est  en  i829  une  grosse  et 
grande  gaillarde  d'une  trentaine  d'années.  Face  carrée,  d'une 
ampleur  masculine,  larges  épaules,  bras  énormes,  poil  au 
menton  et  aux  lèvres.  Malgré  son  air  terrible,  Fine  est  d'une 
douceur  de  mouton  et  possède  une  petite  voix  d'enfant,  douce 
et  claire.  Elle  habite  près  de  la  Halle,  rue  Civadière.  Adorant 
les  liqueurs  et  souvent  rapportée  ivre  à  la  maison  le  dimanche 
soir,  elle  travaille  comme  un  cheval,  vendant  à  la  Halle,  fai- 
sant des  ménages  et  rempaillant  des  chaises  [117].  Antoine 
Macquart  l'épouse  en  1829  et  se  fait  entretenir  par  elle.  Exis- 
tence de  paresse  pour  l'homme,  de  dur  travail  pour  la  femme, 
arec  des  soûleries  et  des  batailles  continues.  Ils  ont  un  fils, 
Jean,  et  deux  lilles,  Lisa  et  Gervaise  ;  celle-ci,  devenue  grande, 
boit  avec  sa  mère.  Joséphine  Gavaudan  meurt  d'une  fluxion 
de  poitrine,  dans  les  premiers  jours  de  1850  [179J.  {La 
Fortune  des  Rougon.) 

Gautier  (Le  père).  —  Propriétaire  et  vigneron,  à  Saint- 
Eutrope.  François  Mouret,  dans  sa  folie,  se  souvient  d'avoir 
acheté  au  père  Gautier  trente  inilleroles  de  gros  vin.  [361]. 
(La  Conquête  de  Plassans.) 

Gédéon.  —  L'âne  des  Mouche.  Gros,  vigoureux,  de  couleur 
rousse,  la  grande  croix  grise  sur  l'échinc.  C'est  un  animal 
farceur,  plein  de  malignité  :  il  soulève  très  bien  les  loquets 
avec  sa  bouche,  il  entre  chercher  du  pain  dans  la  cuisine,  et. 
à  la  façon  dont  il  remue  ses  longues  oreilles,  quand  on  lui  re- 
proche ses  vices,  on  sent  qu'il  comprend.  Commandé  par  deux 
femmes,  Lise  et  Françoise,  depuis  la  mort  du  maître,  il  a 
conçu  d'elles  le  plus  complet  mépris  [121].  Le  plus  beau  trait 
de  la  vie  de  Gédéon  est  une  énorme  soûlerie,  vingt  litres  de 
vin  trouvés  duns  un  baquet  pendant  les  vendanges  et  pompés 
avec  tranquillité  [353].  {La  Terre.) 

Georges.  — Jeune  employé  qui  a  rencontré  Renée  Saccard 
sur  le  quai  Saint-Paul,  l'a  suivie  et  a  obtenu  ses  faveurs  dans 
le  petit  entresol  de  Sidonie  Hougon.  Celte  passade  s'est  renou- 
velée, sans  que  Renée  ail  jamais  demandé  à  l'employé  son  nom 
de  famille  [131].  (La  Curée.) 

Géraldine.  —  Personnage  de  la  Petite  Duchesse^  pièce  de 
Fauchery,  jouée  aux  Variétés,  lue  blonde  étoile  d'opérette 
pour  (jui  le  duc  de  Reauvisagc  trompe  sa  femme  ;  elle  fait  une 
querelle  de  charretier  au  duc,  très  souple,  Pair  enchanté  [312]. 


la  LES  PERSONNAGES 

Ce  rôle,  destiné  d'abord  ù  Nana,  est  joué  par  Clarisse  Besnus. 
{Nana.) 

Gilquin  (Théodore).  —  Terrible  ami  du  ministre  Rougon, 
qu'il  a  connu  quand  tous  deux  étaient  locataires  de  madame 
Correur  et  qu'ils  crevaient  de  faim  sur  le  même  palier  [107] 
C'est  un  garçon  qui  a  contribué  conmie  les  autres  à  faire  FEm 
pire  ;  il  est  précieux  à  l'occasion,  mais  d'un  débraillé  compro- 
mettant. Il  vit  dans  une  ivresse  perpétuelle,  changeant  cons- 
tamment de  quartier,  allant  de  Grenelle,  rue  Virginie^  i7,  aux 
Balignolles,  passage  Guttin,  puis  au  faubourg  Saint-Germain, 
rue  Guisarde,  et  enfin  à  la  Chapelle,  rue  du  Don-Puits,  25. 
Plusieurs  fois  arrêté  pour  tapage  et  cris  séditieux,  il  se  fait  ré- 
clamer par  Eugène  Ûougon,  qui  continue  à  l'employer  à  de 
louches  besognes.  C'est  Gilquin  qui,  mis  au  courant  par  hasard, 
dénonce  nu  grand  homme  l'attentat  de  la  rue  Le  Peletier. 

Quand  Du  Poizat,  autre  ami  des  anciens  temps,  devient 
préfet  des  Deux-Sèvres,  il  nomme  Gilquin  commissaire  central 
à  Niort  ;  le  bohème,  devenu  fonctionnaire  à  poigne,  commence 
par  incarcérer  les  gens  en  homme  du  monde  [3i!2],  fait  la  roue 
devant  les  dames,  séduit  la  femme  du  proviseur,  mais  bientôt  il 
accumule  les  gaffes,  arrêtant  le  moribond  Martineau  qu'il  em- 
porte comme  un  mort  [33â],  se  faisant  donner  de  Targent 
pour  exempter  les  conscrits,  obligeant  enfin  son  protecteur  Du 
Poizat  ù  le  casser  pour  se  couvrir  (i06).  Seul  de  la  bande  qui 
ne  soit  arrivé  ù  rien,  il  reste  seul  fidèle  à  Bougon,  mais  il  con- 
tinue à  le  compromettre  par  son  intempérance  et  par  ses  cris 
frondeurs  de:  Vive  la  République!  [438].  {Son  Excellence 
Eugène  Bougon.) 

Giraud  (Tata).  —  Tient  à  Plassans  un  pensionnat  de 
mioches,  où  le  sculpteur  Mahoudeau  a  connu  Pierre  Sandoz  et 
d'autres  camarades,  retrouvés  plus  tard  à  Paris  [1^].  {L'Œuvre.) 

Godard  (Abbé).  —  Curé  de  I)azoches-le-Doyen.  Dessert 
rancienne  paroisse  de  Rognes  qui,  plus  importante  autrefois  et 
réduite  aujourd'hui  à  une  population  de  trois  cents  habitants 
à  peine,  n'a  pas  de  cure  depuis  des  années.  11  fait  chaque 
dimanche  à  pied  les  trois  kilomètres  qui  séparent  les  deux 
communes.  Gros  et  court,  la  nuque  rouge,  il  a  une  face  apo- 
plectique où  la  graisse  a  noyé  le  petit  nez  camard  et  les  petits 
yeux  gris.  Sa  tête  est  embroussaillée  d'épais  cheveux  roux  gri- 
sonnants [47].  L'éloquence  est  son  côté  faible  ;  au  prône,  les 


DES  ROUGON-MACQUAnT  165 

mots  ne  viennent  pas.  ce  qui  explique  pourquoi  monseigneur 
l'oublie  depuis  vingt-cinq  ans  dans  sa  petite  cnre  [5^]. 

A  Rognes.  Tabbé  Godard  s'en  tient  à  son  devoir  strict;  de 
perpétuels  scandales  le  découragent,  aucune  procession  n*a 
lieu  sans  qu'une  Dlle  de  la  Vierge  soit  enceinte,  le  conseil 
municipal  laisse  tomber  Téglise  en  ruine,  Tabbé  se  beurte  à  la 
parfaite  indifférence  de  ses  ouailles,  qui  ne  craignent  plusson 
Dieu  de  colère  et  de  châtiment,  rient  à  Tidée  du  diable  et  ont 
cessé  de  croire  le  vent,  la  grêle,  la  tempête  aux  mains  d*un 
maître  vendeur  [313],  Aussi  ne  décolère-l-il  pas,  surtout  après 
rêcbec  de  l'abbé  Madeline,  venu  d'Auvergne  pour  tenir  la  cure, 
cl  tué  par  rirréligion  des  paysans. 

jiuis  le  terrible  grognon,  toujours  emporté  dans  un  mouve- 
r.jcnt  de  vinjer.ce,  a  beau  être  sur  que  les  damnés  de  Rognes 
iront  rOlir  »*u  enfer,  il  ne  veut  pas  les  laisser  trop  souffrir  dans 
AU  vie  [ôl-;.  11  a  la  passion  des  misérables,  leur  donnant 
tout,  son  argent,  son  linge,  ses  habits,  à  ce  point  qu'on  ne 
trouverait  pas  en  Deauce  un  prêtre  ayant  une  soutane  plus 
roUçC  et  pins  reprisée  [ôi].  {La  Terre.) 

Godebœuf.  —  Marchand  d'herbes  cuites  rue  Pirouette, 
ùaus    la   bouti<{ue  de  l'ancienne   charcuterie   Gradelle   [^0]. 
.-'.  Veiitre  de  Paris.) 

Godemard.  —  Élève  de  l'atelier  Dequersonnière.    Voir 

Goxnard.  —  Marchand  de  vin,  rue  de  la  Femme-sans-Tôte, 
1  l'enseigne  :  Au  Chien  de  Montargis.  C'est  là  que  Claude 
Lanlier  prend  ses  repas,  parmi  les  maçons  en  blouse  de  travail, 
éclaboussés  d^  plâtre  [72].  (L'Œuvre.) 

Gonin  «Famille).  —  Pêcheurs  habitant  Ronneville.  La  fa- 
millîs-'  c<'mi  jse  du  mari,  de  la  femme  et  d'une  (illette  [29]. 
Très  à  leur  aise,  ils  recueillent  Cucbe  lorsque  la  maison  de 
celui-ci  es\  ù  'truite  par  la  mer.  Cousin  de  la  femme  Gonin, 
r.uciie  ùevien:  bientôt  son  amant,  tandis  que  Gonin  tombé  en 
paralysie,  roué  de  coups  par  l'un  et  par  l'autre,  passe  les  jours 
et  les  raiits  ians  un  vieux  coffre  à  bois  [12^].  La  petite  Gonin. 
geDtille  Ijlon  linelle,  secourue  par  Pauline  Quenu,  traîne  avec 
les  cramins  il;;  navs  et  accouche  à  treize  ans  et  demi  d'un 
enfant  qu'on  croit  être  «lu  fils  Cuchc  [333],  La  jeune  mère  est 
si  frêle,  si  p*  u  formée,  qu'elle  semble  une  sœur^aînée  prome- 
nant s'ieadeli-:'.  La  femme  Gonin  et  Cucbe  tombent  sur  elle  et  la 


106  LKS  PEIlSONNAObS 

brutalisent,  disant  que,  quand  on  fait  la  vie,  ça  doit  rapporter 
au  lieu  de  coûter.  Quant  au  vieil  infirme,  il  meurt  un  matin 
dans  son  coffre  à  charbon,  si  noir  de  coups  que  la  police  parle 
de  s'en  mêler  [128].  (La  Joie  de  vivre.) 

Gorju.  —  Élève  de  Tatelier  Dequersonniore.  Un  futur 
architecte.  Sur  un  des  murs  de  râtelier,  couvert  de  charges, 
on  lit  à  la  plus  belle  phice,  ce  procès-verbal  laconique  :  c  Le 
7  juin.  Gorju  a  dit  qu'il  se  foutait  de  Home:  Signé:  Godemard» 
[68].  (LŒuvre.) 

Goujet  (Madame).  —  Voisine  de  palier  des  Coupcau,  dans 
leur  premier  domicile  de  la  rue  Neuve  de  la  Goutte-il'Or.  Tou- 
jours vôiue  de  noir,  le  front  encadré  d'une  coiffe  monacale, 
elle  a  une  face  blanche  et  reposée  de  matrone.  .Madame  Goujet 
raccommode  \e^  dentelles;  elle  est  venue  du  département  du 
Nord  avec  son  fils,  à  la  suite  d'un  drame:  le  père  Goujet,  un 
soir  d'ivresse  furieuse,  a  assommé  un  camarade  à  coups  de 
barre  de  fer,  puis  s'est  étranglé,  dans  sa  prison,  avec  son  mou- 
choir. La  mère  et  le  fils  rachètent  leur  malheur  par  une 
honnêteté  stricte,  une  douceur  et  un  courage  inaltérables  [133]. 
Maternelle  pour  Gervaise,  dont  elle  apprécie  les  qualités, 
madame  Goujet  permet  k  son  fils  de  lui  prêter  de  l'argent, 
mais  elle  voit  avec  tristesse  l'avilissement  progressif  des 
Coupeau,  et  tente  en  vain  par  un  mariage,  d'arracher  son  fils  à 
un  amour  sans  issue  honorable;  elle  meurt  d'un  rhumatisme 
aigu  [510].  (V Assommoir.) 

Gou]et.  —  Fils  de  madame  Goujet.  Forgeron.  Travaille  rue 
Marcadet,  dans  une  fabrique  de  boulons  [^05].  C'est  un  colosse 
de  vingt-trois  ans,  superbe,  le  visage  rose,  les  yeux  bleus  ;  il 
est  d'une  force  herculéenne.  A  l'atelier,  les  camarades  l'appel- 
lent la  Gueule  d'or,  à  cause  de  sa  belle  barbe  jaune.  C'est  un 
grand  enfant  très  poli,  très  sobre  ;  sa  chair  est  alourdie  par  le 
dur  travail  du  marteau  ;  il  est  dur  d'intelligence,  bon  tout  de 
nichic.  Goujet.  quoique  républicain,  a  refusé  de  se  battre  au 
Deux-Décembre,  parce  que  les  ouvriers  sont  las  de  tirer  les 
marrons  du  feu  pour  les  bourgeois,  mais  il  a  sauvé  Coupeau 
qui  avait  failli  se  faire  prendre  à  une  barricade  où  il  était 
descendu  bêlcmenl  pour  voir  l'émeute  [136].  .Attendri  devant  le 
courage  et  de  dévouement  de  Gervaise,  Goujet  s'est  pris  pour 
elle  d'une  vive  tendresse  ;  il  ruime  silencieusement,  passant 
des  heures  à  la  contempler,  dans  la  boutique  de  blanchisseuse 
qu'elle  a  pu  louer  grâce  à  un  prêt  d'argent  qu'il  lui  a  fait  [192]. 


DES  nOUCON-MACQUART  1G7 

Ost  une  grande  afTection  qui  remplit  sa  vie,  le  délourne 
d  un  mariage  rùvé  par  sa  mère,  et  survit  à  la  lente  déchéance 
de  i.iervaise,  à  son  écroulement  dans  la  boue  [54:2].  (UAssoni" 
moir.) 

Gouraud  (Baron).  —  Sénateur  du  second  Empire.  Étant 
fournisseur  de  la  grande  armée,  a  été  fait  baron  par  Napo- 
léon h-,  puis  il  est  devenu  pair  de  France  sous  la  Restauratio*! 
et  sous  la  monarchie  de  Juillet,  et  a  été  mis  au  Sénat  par 
Napoléon  lll.  \  soixante-dix-huit  ans,  cet  adorateur  du  trône  a 
un  ventre  énorme,  une  face  de  bœuf^une  allure  d*éléphant  [96]  ; 
déjà  coquin  à  Vépoque  où  il  nourrissait  de  vivres  avariés  les 
t"''«upes  impériales,  il  met  la  main  dans  toutes  les  grandes 
affaires  et  vend  majestueusement  son  influence.  Ce  vieillard,  à 
qui  aucune  infamie  n*est  étrangère,  se  plaît  à  de  monstrueuses 
iJl^auches  qui  Font  mis  en  relations  avec  Sidonie  Rougon. 
C'est  par  celle-ci  qu'Aristide  Saccard  parvient  à  Gouraud  et 
rir.icresse  à  son  jeu.  Uans  les  dernières  années,  le  vieux  baron 
ilwicnl  [«oJagre  ['279].  {La  Curée.) 

Gourd.  —  Concierge  de  Timmeuble  Vabre,  rue  de  Choi- 
seul.  llo'jinie  digne,  à  longue  face  rasée  de  diplomate.  C'est 
1  nurien  valet  de  chambre  du  duc  de  Vaugelade,  il  possède  une 
niTiison  à-  campagne  à  Morl-la-Ville  et  attend  d'avoir  trois 
mille  frai. es  de  rente  pour  s'y  retirer.  Coiffé  d'une  calotte  de 
vr.ours  e:  chaussé  de  pantoufles  bleu  ciel,  il  est  plein  de  dignité, 
surveillant  la  moralité  de  la  maison,  ne  tolérant  ni  chiens,  ni 
femmes  enceintes,  méprisant  les  gens  du  second  qui  ne  fré- 
quentent personne,  mais  estimant  beaucoup  le  monsieur  du 
troisième,  un  locataire  à  rendez-vous  clandestins  qui  le  paye 
bien  et  «i  :il  il  rince  les  cuvettes,  de  son  air  froid  de  mngislral 
retiré  [oi''j\.  Gourd  fait  exécuter  les  gros  nettoyages  de  la 
maison  )•  r  une  vieille  femme,  la  mère  Pérou,  la  traitant  avec 
l'esprit  de  domination  brutale,  le  besoin  enragé  de  revanche 
ài'S  anciris  domestiques  qui  se  font  servira  leur  tour  [126].  Il 
es:  la  leireur  dts  bonnes,  qui  n'arrivent  h  le  réduire  au  silence 
que  par  celte  seule  injure:  c  Va  donc  vider  les  pots  de  chambre 
li-  nions]. ur  le  duc  !  >  11  hait  surtout  les  gens  du  peuple.  (Po^ 
iJouillc.) 

Gourd  (Madame).  —  Femme  du  concierge.  C'est  la  veuve 
d'un  peti'  huissier  de  Morl-la-Ville.  Ses  jambes  enflées  l'empé- 
cient  dclltr  Jusqu'au  trottoir.  Très  grasse,  coifl'ée  de  rubans 
j2:;nes,  elle  aime  à  vivre  dans  un  fauteuil,  les  mains  joinies,  à 


168  LES  PERSONNAGES 

De  rien  faire  [3];  elle  surveille  seulement  les  allées  et  venue 
suspectes.  {Pot-Bouillc.) 

Gradelle.  —  Frère  de  madame  Quenu  mère,  oncle  de  Flo- 
rent et  de  Quenu.  Élabli  charcutier  rue  Pirouette.  Gros  avare, 
homme  brutal,  qui  a  reçu  ses  neveux  comme  des  meurt-de- 
faim  [51].  A  dépassé  soixante  ans  au  moment  du  coup  d'État  ; 
il  refuse  de  faire  des  démarches  pour  sauver  Florent  et  utilise 
dans  son  commerce  les  talents  culinaires  de  Quenu,  lui  donnant 
chai]ue  mois  six  francs  pour  ses  menus  plaisirs.  Lorsque  Gra- 
delle devient  veuf,  il  prend  une  fille  de  boutique,  Lisa  Mac- 
quart,  qui  fait  rapidement  la  conquête  de  tout  le  monde  et 
règne  bientôt  sur  la  boutique.  Un  an  après,  Gradelle  est  fou- 
droyé par  une  attaque  d'apoplexie,  en  préparant  une  galan- 
tine [58].  On  trouve  son  trésor,  une  somme  de  quatre-vingt- 
cinq  mille  francs  enfouie  dans  la  cave,  au  fond  d'un  saloir. 
Quenu,  seul  héritier  en  l'absence  de  Florent,  épousera  Lisa  et 
succédera  à  son  oncle  sous  la  raison  sociale  Quenu-Gradelle. 
(Le  Ventre  de  Paris.) 

Grand-Dragon  (Le).  —  L'un  des  chauffeurs  de  la  bande 
du  Deau-François  [67].  (La  Terre.) 

Grande  (La).  —  Fille  aînée  de  Joseph-Casimir  Fouan. 
Sœur  du  père  Fouan,  de  Michel  Mouche  et  de  Laure  Dadeuil. 
Mariée  à  un  voisin,  Antoine  Pécliard,  elle  lui  apporta  en 
mariage  sept  arpents  de  terre,  contre  dix-huit  possédés  par  lui. 
Restée  veuve  de  bonne  heure,  elle  a  chassé  sa  fille  unique, 
parce  que  celle-ci  a  voulu  épouser  contre  son  gré  un  garçon 
pauvre,  Vincent  Bouteroue.  La  fille  et  le  gendre  sont  morts  de 
misère,  laissant  deux  enfants,  Palmyre  et  Hilarion,  que  la 
granu'mcre  a  refusé  de  connaître.  A  quatre-vingts  ans,  res- 
pectée et  crainte  dans  la  famille,  non  pour  sa  vieillesse,  mais 
pour  sa  fortune,  exigeant  des  égards  en  reine  riche  et  redou- 
tée, elle  dirige  encore  elle-même  la  culture  de  ses  terres; 
elle  a  trois  vaches,  un  cochon  et  un  valet  qu'elle  nourrit  à 
Tauge  commune,  obéie  par  tous  dans  un  aplatissement  de 
terreur. 

Encore  très  droite,  très  haute,  maigre  et  dure,  avec  de  gros 
os,  elle  a  la  tète  décharnée  d'un  oiseau  de  proie,  sur  un  cou 
long  et  flétri  couleur  de  sang.  Le  nez  de  la  famille,  chez  elle, 
se  recourbe  en  bec  terrible  ;  des  yeux  ronds  et  fixes,  plus  un 
cheveu   sous  le  foulard  jaune  qu'elle  porte  et,  au  contraire. 


DES  ROIGON-MACQLAUT  169 

toutes  scsdents,  des  mâchoires  à  vivre  de  cailloux.  Elle  marche 
le  bâton  levé  et  ne  sort  jamais  sans  sa  canne  d*épine,  dont 
elle  se  sert  uniquement  pour  taper  sur  les  bêtes  et  le  monde  [32]. 
La  Grandt*,  furieuse  contre  le  ciel  qui  envoie  la  grôle,  lui  lance 
des  cailloux  pour  le  crever.  Elle  ne  croit  pas  à  Tenfer.  Et  le 
village  tout  entier  admire  sa  dureté,  son  avarice,  son  entête- 
ment à  posséder  et  à  vivre.  Quand  les  terres  de  Louis  Fouan 
ont  été  partagées,  elle  a  blâmé  son  frère,  trouvant  qu*il  faut 
être  béte  et  tâche  pour  renoncer  à  son  bien,  tant  qu'on  est 
debout;  les  turpitudes  qui  vont  suivre,  le  long  calvaire  du  père 
Fouan,  le  drame  des  Buteau,  la  trouveront  hostile  à  tous, 
satisfaite  de  leurs  maux,  surexcitant  les  cupidités,  ne  s*interpo- 
sant  que  pour  envenimer  les  querelles.  A  quatre-vingt-huit  ans, 
elle  ne  se  préoccupe  de  sa  mort  que  pour  laissera  ses  héritiers, 
?vec  sa  fortune,  le  tracas  de  procès  sans  fin,  une  complication 
ae  testament  extraordinaire,  embrouillée  par  plaisir,  où  sous  le 
'Prétexte  de  ne  faire  du  tort  à  personne,  elle  les  forcera  de  se 
dévorer  tous  [377 J.  (La  Terre.) 

Grandguillot.  —  Notaire  à  Plassans.  Il  s'enfuit  en  Suisse 
avec  deux  in:iilresses,  ayant  mis  ses  propriétés  à  un  autre 
:iom  [-oJ].  La  fortune  du  docteur  Pascal  a  été  en  partie  eu- 
jjiouiie  dans  le  désastre.  (Le  Docteur  PascaL) 

Grandjean  (1). —  Marié  à  Hélène  Mouret.  Pore  de  Jeanne 
ZîuinJjean.  Ne  à  .Marseille  en  1818,  de  santé  délicate,  apparte- 
nant à  une  riche  famille  de  rafiîneurs,  il  s'est  pris  d'un  vio- 
lent amour  pour  Hélène  Mouret,  rencontrée  par  hasard  un 
matin  de  marché  [G7].  H  Fépouseen  18il,  malgré  l'opposition 
formelle  des  GranJjean,  outrés  de  la  pauvreté  d'Hélène  et 
tlécidés  à  rompre  plutôt  que  de  céder.  Le  jeune  ménage  vit 
d'une  façon  précaire  jusqu'au  jour  où  un  oncle  h'gue  dix  mille 
irancs  de  renie  à  Grandjean  qui,  nourrissant  une  haine  contre 
la  Provence,  quitte  aussitôt  Marseille  et  vient  s'installer  à  Paris 
avec  sa  femme  et  sa  fillette.  Descendu  à  Phôlel  du  Var,  rue  de 
Uichelieu,  il  est  atteint,  dans  la  huitaine  de  son  arrivée,  d'une 
ilu.\ion  de  poitrine  qui  l'emporte  presque  subitement  [21J. 
{Une  Page  d'A/tiour,) 

Grandjean  (Madame).  —  Voir  Mouhet  (Hélène). 

(\)  Graji'ljcan,   chélif  et  prédUposé  à   la  phtisie  ^  marié  en  1841  d 
//(i/e/ie  Mouret.  {Arbre  gcnéjlugique  île;  Rougon-Macquarl.] 

i:> 


17»  LES  PEnSONNACES 

Grandjean  (Jeanne)  (1).  — Fille  de  Grandjean  et  d'Hélène 
Mouret.  Née  en  1842.  Petite-fille  d*Ursule  Macquarl,  morte  tout 
d*un  coup  d'une  phtisie  aiguë  après  une  vie  d'affolements  et 
de  crises  nerveuses,  arrière-petite-nile  d*Adélaîde  Fouque, 
enfermée  dans  une  maison  d'aliénés.  Est  atteinte  d'une  de  ces 
affections  chloro-anémiques  qui  favorisent  le  développement  de 
tant  de  maladies  cruelles  [207].  Les  convulsions  de  sa  pre- 
mière enfance  reparaissent  à  onze  ans  et  demi.  C'est  une 
enfant  délicate,  au  fin  visage  d'un  o\ale  adorable,  un  peu 
allongé,  d'une  grâce  et  d'une  finesse  de  chèvre.  Elle  a  de 
grandes  paupières  ]>leuàtres  et  transparentes,  un  nez  mince, 
une  bouche  un  peu  grande,  des  cheveux  d'un  noir  d'encre  [11]. 
Tellement  nerveuse  qu'il  a  fallu  renoncer  à  lui  apprendre  la 
musique,  rendue  folle  par  l'éther,  adorant  se  balancer,  mais 
s'évanouissant  dans  la  sensation  du  vide,  atteinte  d'une  terrible 
crise  après  les  émotions  d*un  mois  de  Marie  rempli  de  fleurs  et 
d'encens,  elle  anime  quelquefois  la  maison  d'une  joie  bruyante, 
puis  tout  à  coup  elle  a  des  noirs,  des  accès  de  colère  aveugle. 
Par  moments,  cette  enfant  de  onze  ans  a  des  regards  où  luit 
toute  la  vie  de  passion  d'une  femme. 

Elle  aime  sa  mère  avec  une  jalousie  d'amoureuse  instinctive, 
qui  la  fait  sangloter  quand  madame  Grandjean  caresse  une 
autre  enfant,  elle  veut  l'avoir  toute  à  elle,  n'acceptant  aucune 
affection  rivale.  D'abord  amie  de  Rambaud,  elle  se  fâche  aussitôt 
qu'elle  devine  son  projet  de  mariage,  elle  le  prend  en  horreur, 
rapproche  môme  sa  mère  du  docteur  Deberle,  les  veut  toujours 
ensemble  [181],  puis,  dès  qu'elle  surprend  leur  amour,  c'est 
une  saule  brusque,  sa  haine  va  vers  Deberle,  elle  subit  un 
martyre  d'adoration  trompée,  la  nécrose  dont  elle  souflVe  lui 
donne  une  seronde  vue.  A  l'heure  où  sa  mère  cède  à  Henri, 
olle  se  juge  abandonnée  à  jamais  et,  s'enlélant  sous  une  pluie 
froide,  elle  contracte  la  phtisie  aiguë  qui  va  l'enlever  en  trois 
semaines.  C'est  une  agonie  fermée,  une  mort  siltincieuse  et 
haineuse,  sans  pardon.  Jeanne  Grandjean  meurt  en  1855  et 
restera  seule  là-haut,  sous  les  cyprès  du  muet  cimetière  de 
Pa>sy.  devant  le  Paris  éternel.  (Une  Page  d* Amour.) 


(Ij  Jeaiiue  Grandjean,  née  en  18^i2;  meurl  en  1855,  à  la  suite 
d'accidcnls  nerveux,  lllérédilc  en  retour,  sautant  deux  générali«»n*. 
nosseinblaiice  piiysiquc  el  morale  d'Adélaïde  Fouque].  {Arbre 
généalogique  des  fîoufjon-Macquart.) 


DES  ROl'GOX-MACQUAHT  171 

Grandmorin  (I.e  président).  —  Membre  du  conseil  (l*ad- 
ministrntion  lie  la  Compagnie  de  TOucst.  Né  en  1801,  substitut 
à  higne  nu  lendemain  de  1830,  puis  à  Fontainebleau,  puis  à 
Paris,  ensuite  procureur  à  Troycs,  avocat  général  à  Hennés, 
enfm  premier  président  a  Rouen,  nommé,  le  jour  ménrie  de  sa 
retraite,  commandeur  de  la  Légion  d'honneur.  Une  des  plus 
belles  carrières  de  la  magistrature.  Riche  à  plusieurs  millions, 
le  président  fait  partie  du  conseil  général  de  la  Seine-Inférieure 
depuis  1855.  Il  possède  un  hôtel  à  Paris,  rue  du  Rocher,  et 
réside  souvent  chez  sa  sœur,  madame  Bonnehon,  au  château 
de  Doinville. 

Trapu  et  solid»*,  blanc  de  bonne  heure,  d'un  blanc  doré 
u  ancien  blond,  îes  ch-'.veux  en  brosse,  le  collier  de  barbe 
coupé  ras,  sans  moustaches,  avec  une  face  carrée  que  les  yeux 
d'un  bleu  «lur  cl  le  nez  gros  rendent  sévère,  il  a  l'abord  rude,  . 
•  îtii  tout  treinlilcr  autour  de  lui  [II]  Le  président  Grand- 
morin est  adonné  aux  pires  débauches,  il  a  un  goût  prononcé 
pour  les  ^lll^'ttes  gentilles,  comme  Louisette,  la  seconde  fille 
de  madame  MisarJ.  Parrain  et  tuteur  de  Séverine  Aubrv,  il  Ta 
initiée  à  ses  pratiques  séniles  et  Ta  plus  tard  mariée  avec 
Piouhaud,  continuant  à  rechercher  la  femme  et  accordant  su 
i^roteclion  au  mari.  Ce  dernier,  mis  au  courant  trois  ans  après, 
1  assassine  dnns  lexpressdu  Havre, entre  Malaunayet  Barentin, 
à  hauteur  de  la  Croix-de-Maufras,  endroit  même  où  Grand- 
morin avait  abusé  de  sa  jeune  pupille  [250].  Le  président  laisse 
une  fortune  de  trois  millions  sept  cent  mille  francs,  dont  presque 
la  moitié  consacrée  à  des  legs  équivoques  [liO].  11  donne  no- 
tamment à  Séverine  Aubry  la  maison  de  la  Croix-de-.Maufras. 
(La  BéU  humaine,) 

Grandmorin  (Dtr.THE).  —  Fille  du  président.  Mariée  à 
un  magistrat,  M.  de  Lachesnaye.  C'est  une  blonde  chétive, 
laide,  à  l'ail"  désa^Téable.  Elle  garde  une  pruderie  de  bour- 
geoise honiiéle  qui  n'aura  jamais  une  faute  à  se  reprocher,  et 
qui  met  sa  gloire  à  être  une  des  vertus  les  plus  incontestables 
de  Rouen,  saluée  et  reçue  partout  [112].  Elle  est  suffoquée 
lorsque,  d^n-ant  elle,  on  parle  des  maîtresses  de  son  père 
[117].  En  quelques  mois  de  ménage,  la  mauvaise  grâce,  la 
sécheresse  de  lîerthe  et  de  son  mari  se  sont  communiquées  et 
exagérées;  ils  se  gâtent  ensemble.  Quand  le  président  est 
assassiné  et  que  Je  vaguos  soupçons  planent  sur  les  Roubaud, 
c'est  Lachesnaye  qui  jette  sa  femme  sur  Séverine, au  point  que. 


■••- 


172  LES  PERSONNAGES 

pour  ravoir  la  maison  de  la  Croix-Jc-Maufras,  elle  ferait  arrêter 
sur  rheure  son  ancienne  amie  d'enfance  [111].  (La  Pète 
humaine.) 

Grandsire.  —  Juge  de  paix  du  canton  nord  de  Beaumoni, 
cousin  d'Hubertine  [17].  Il  agit  auprès  de  TAssislance  publique 
pour  que  les  Hubert  obtiennent  la  tutelle  ofilcieuse  d'Angé- 
lique Marie  [^7].  {Le  Rêve.) 

Granoux  (Isidore).  —  Rentier  à  Plassans,  ancien  mar- 
chand d*amandes,  membre  le  plus  influent  du  conseil  muni- 
cipal. Court  et  chauve,  yeux  ronds,  air  à  la  fois  satisfait  et 
ahuri,  bouche  en  bec-de-licvre,  fendue  à  cinq  ou  six  centi- 
mètres du  nez.  Parle  peu,  ne  pouvant  pas  trouver  ses  mots. 
Surexcité  contre  les  républicains  qu'il  considère  tous  comme 
des  pillards  [118],  il  fait  partie  du  groupe  réactionnaire  qui  se 
réunit  chez  Eugène  Rougon.  Au  coup  d'État,  affolé  par  les 
troubles,  il  se  terre  dans  sa  maison  place  des  Récollets  [270], 
puis, entraîné  parles  autres  bourgeois,  il  occupe  la  mairie  avec 
eux,  entre  comme  secrétaire  dans  la  commission  municipale 
[2S6],  pousse  Théroïsme  jusqu'à  sonner  lui-même  le  tocsin  à 
l'aide  d'un  marteau,  le  battant  de  cloche  ayant  été  enlevé  [340] 
et,  pour  ce  haut  fait  dont  M.  le  préfet  le  félicite  [358],  il  espère 
obtenir  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  [371].  (La  Fortune 
des  Bougon,) 

Gras  (Madame).  —  Une  vieille  dame  qui  habite  un  rez-de- 
chausscc,  rue  des  Orties,  oi!i  elle  prend  en  pension  complète 
des  enfants  jeunes,  moyennant  quarante  francs  par  mois. 
Denise  Haudu  place  chez  elle  le  petit  Pépé  [12].  {Au  Bonheur 
des  Dames.) 

Grégoire  (Cécile).  —  Fille  de  Léon  Grégoire,  Elle  n'est 
pas  jolie,  trop  saine,  trop  bien  portante,  inûre  à  dix-huit  ans, 
mais  elle  a  une  chair  superbe,  une  fraîcheur  de  lait,  avec  ses 
cheveux  châtains,  sa  face  ronde  au  petit  nez  volontaire,  noyé 
entre  les  joues  [82],  Ses  parents  ne  trouvent  rien  de  trop  beau 
pour  elle  [85].  Elle  a  été  élevée  à  la  Piolaine,  dans  une  igno- 
rance heureuse,  dans  des  caprices  d'enfant,  ayant  une  maî- 
tresse de  piano  et  des  professeurs,  mais  jetant  le  livre  par  la 
fenêtre,  dès  qu'une  question  l'ennuie.  Les  Grégoire  la  char- 
gent de  leurs  aumônes  ;  cela  rentre  dans  leur  idée  d'une  belle 
éducation.  Il  faut  être  charitable,  ils  disent  eux-mêmes  que 
leur  maison  est  la  maison  du  bon  Dieu.   Du  reste,  ils  se  flat- 


DES  UOUGON-MACQl'AIlT  173 

tent  de  faire  la  charité  avec  intelligence  et,  pour  ne  pas 
encourager  le  vice,  ils  ne  donnent  jamais  d'argent,  leurs 
aumônes  sont  toujours  en  nature,  car  c'est  un  fait  connu,  dès 
qu'un  pauvre  a  deux  sous,  il  les  boit  [100]. 

Quand  la  grève  éclate  à  Montsou,  Cécile  sourit  à  celte  idée 
du  chômage,  .qui  lui  rappelle  des  visites  et  des  distributions 
d'aumùnes  dans  les  corons  [228].  Et  cette  fille  de  riche,  long- 
tenips  désirée  par  ses  parents,  comblée  ensuite  de  tous  leurs 
biens,  ne  comprend  rien  aux  révoltes  des  pauvres,  à  la  fureur 
qui  jette  contre  sa  robe  de  soie,  contre  son  manteau  de  four- 
rure, contre  la  plume  blanche  de  son  chapeau,  les  femmes  de 
grévisies,  en  guenilles  et  affamées.  Au  milieu  des  furies,  elle 
grelotte,  les  jambes  paralysées,  elle  est  sans  force  contre  leur 
acharnement,  c'est  le  hasard  d'une  diversion  qui  la  sauve,  ce 
jour-] A,  des  mains  de  la  Brûlé  et  des  doigts  du  père  Donne- 
mort  [^408],  Un  peu  plus  tard,  elle  n'échappe  pas  à  l'incon- 
scientf  représaille;  elle  retrouve  l'homme  à  la  face  carrée, 
livid'?«  tatouée  de  charbon  ;  c'est  comme  une  fascination  entre 
le  vieux  mineur,  gonflé  d'eau,  d'une  laideur  lamentable  de 
bète  fourbue,  détruit  de  père  en  fils  par  cent  années  de  travail 
et  Je  faim,  et  la  belle  et  saine  Cécile,  grasse  et  fraîche  des 
longues  pnresses  et  du  bien-être  repu  de  sa  race.  Les  mains 
noires  de  Bonnemort  sont  attirées  par  le  cou  blanc  de  la  jeune 
fill-?  et  elles  le  serrent  jusqu'à  l'étranglement  [553J.  {Ger- 
minal.) 

Grégoire  (Eugène).  —  Grand-père  de  Léon  Grégoire.  A 
héiiié  du  denier  des  mines  de  Montsou,  que  le  chef  de  la 
famille.  Honoré,  avait  acheté  sans  confiance.  11  touche  des 
dividendes  fort  minces  et,  comme  il  s'est  mis  bourgeois  et 
qu'il  a  eu  la  sottise  de  manger  dans  une  association  désas- 
treuse les  quarante  autres  mille  francs  ^ht  l'héritage  paternel, 
il  vil  as5:'z  chichement  [Si],  Le  denier  passe  à  son  fils  Félicien. 
{G  nu  in  ai) 

Grégoire  (Félicien).  —  Père  de  Léon  Grégoire.  C'est  avec 
lui  que  la  fortune  commence.  Les  intérêts  du  denier  ont  monté 
peu  à  peu,  Félicien  peut  réaliser  un  rêve  dont  son  grand-père 
Honoré,  l'ai  cien  régisseur,  a  bercé  son  enfance  :  l'achat  de  la 
Piolaine  démembrée  qu'il  acquiert,  comme  bien  national,  pour 
ur.e  somme  dérisoire.  Cependant,  les  années  qui  suivent  sont 
mauvaises,  il  faut  attendre  le  dénouement  des  catastrophes 
révolutionnaires,  puis  la  chute  sanglante  de  Napoléon  [8i].  La 

4ï; 


174  LES  PERSOXXAGtS 

petite  fortune  de  Félicien  Grégoire  passe  à  son  fils  Léon  [8i]. 
{GcnninaL) 

Grégoire  (Honoré).  —  Disaïeul  de  Léon  Grégoire.  Origi- 
naire de  Picardie.  Était  en  17G0  régisseur  de  la  Piolaine,  pro- 
priété appartenant  an  baron  Desrumaux.  Lors  du  traité  insti- 
tuant la  Compagnie  des  mines  de  Montsou,  Honoré,  qui  cachait 
dans  un  bas  une  cinquantaine  de  mille  francs  d'économies,  céda 
en  tremblant  à  la  foi  inébranlable  de  son  maître.  Il  sortit  dix 
mille  livres  de  beaux  écus,  il  prit  un  denier,  avec  la  terreur 
de  voler  ses  enfants  de  celte  somme  [84].  Lorsqu'il  mourut,  le 
denier  passa  à  son  fils  Eugène.  (Germinal.) 

Grégoire  (Léon).  —  Arrière-petit-fils  d'Honoré  Grégoire. 
Après  trois  générations,  c'est  lui  qui  bénéficie,  dans  une  pro- 
gression stupéfiante,  du  placement  timide  et  inquiet  de  son 
bisaïeul.  Ces  pauvres  dix  mille  francs  du  denier  de  Montsou 
grossissent,  s*élargissent  avec  la  prospérité  de  la  Compagnie. 
En  1820,  ils  rapportent  cent  pour  cent,  dix  mille  francs.  En 
18i4JIs  en  produisent  vingt  mille;  en  1850,  quarante  mille. 
Il  y  a  deux  ans  enfin,  le  dividende  est  monté  au  chifi're  prodi- 
gieux de  cinquante  mille  francs  :  la  valeur  du  denier,  coté  à  la 
Bourse  de  Lille  un  million,  a  centuplé  en  un  siècle.  Aussi, 
malgré  quelques  lluctuaiions  dues  à  une  crise  industrielle,  les 
Grégoire  ont-ils  maintenant  une  foi  obstinée  en  leur  mine;  û 
cette  croyance  religieuse  se  mêle  une  profonde  gratitude  pour 
une  valeur  qui,  depuis  un  siècle,  nourrit  la  famille  à  ne  rien 
faire  ;  c'est  comme  une  divinité  à  eux,  que  leur  égoïsme  entoure 
d'un  culte,  la  bienfaitrice  du  fover.  Ils  n'ambitionnent  aucune 
Spéculation,  préférant  voir  le  million  du  denier  dans  la  terre, 
d'où  un  peuple  de  mineurs,  des  générations  d'afl'amés  l'extraient 


DES  ROUGON-MACQUART  175 

de  meurt-de-fuim.  Dans  son  coin  de  bonheur  bourgeois,  à  l'air 
alourdi  de  bien-être,  M.  Grégoire  trouve  que  les  mineurs  ne 
sont  guère  sages,  puisque  au  lieu  de  mettre  des  sous  de  côté, 
ils  boivent,  font  des  dettes  et  finissent  par  n*a\oir  plus  de  quoi 
nourrir  leur  famille  [10:2].  Et  on  le  met  hors  de  lui,  lorsqu'on 
assimile  sa  fortune  à  de  l'argent  volé;  est-ce  que  son  bisaïeul 
n'a  pas  gagné,  et  durement,  la  somme  placée  autrefois?  [234]. 
11  s'étonne  qu'il  n'y  ait  pas  des  lois  pour  défendre  aux 
ouvriers  de  quitter  le  travail  [250].  La  grève,  en  somme,  ne 
l'inquiète  pas,  il  hausse  les  épaules  d'un  air  placide,  il  a  une 
entière  confiance  dans  la  résignation  séculaire  des  charbon- 
niers [395].  Devant  le  torrent  humain  qui  bat  les  maisons 
bourgeoises  de  Montsou,  il  se  refuse  à  admettre  un  danger 
quelconque;  les  grévistes  n'ont  pas  de  malice,  au  fond;  lors- 
p'-'ils  auront  bien  crié,  ils  iront  souper  avec  plus  d'appétit. 
Lue  vague  compréhension  ne  lui  vient  que  devant  sa  fille  bru- 
tnMsée  et  sa  maison  attaquée  d'un  coup  de  pierre;  c'est  donc 
vrai  que  rcs  gens  lui  en  veulent  parce  qu'il  vit  en  brave  homme 
de  leur  travail  [ilO].  c'est  donc  vrai  qu'ils  méconnaissent  son 
ciprh  charitable,  qu'ils  oublient  les  aumônes  en  nature,  les 
vloments  chauds  qu'il  distribue  l'hiver  pour  faire  la  part  du 

Mais  il  ne  leur  garde  pas  rancune.  .\près  la  grève,  il  tient  à 
.'iflirmer  la  largeur  de  ses  vues,  son  désir  d'oubli  et  de  conoi- 
..  lion;  avec  sa  femme  et  sa  fille,  il  va  secourir  les  Maheu,  une 
famille  de  fortes  létes,  où  plusieurs  sont  morts,  le  père  d'une 
^.  lie  tirée  )>ar  un  soldai,  le  fils  aine  d'un  coup  de  grisou,  la 
fille  Catherine  dans  une  catastrophe  qui  Ta  ensevelie  vivante 
sous  la  terre,  une  lamentable  famille  où  la  petite  AIzire  est 
morte  de  faim,  où  Jeanlin  est  sorti  boiteux  d'un  éboulement, 
où  la  mère  tragique,  enfin,  resiée  seule  avec  trois  petits  et  le 
grand-père  infirme,  va  être  à  quarante  ans  forcée  d'aller  cher- 
cher les  trente  sous  du  pain  quotidien  dans  l'enfer  de  la  mine. 
Les  Grégoire  donnent  aux  Maheu  un  pot-au-feu  et  deux  bou- 
teilles de  vin;  ils  ont  aussi  pensé  au  père  Donnemort  qui  ne 
]teut  plus  se  mouvoir,  ils  lui  apportent  une  paire  de  souliers. 
Mais  voici  que,  dans  un  coup  de  démence,  le  plus  vieux  des 
Maheu,  hébété  par  sa  longue  misère  d'un  demi-siècle,  étrangle 
de  ses  grosses  mains  froides  et  noueuses  rhérilière  des  Gré- 
goire, la  ilorissanle  Cécile  que  ses  heureux  parents  ne  trou- 
vaient jamais  assez  bien  nourrie,  jamais  assez  grasse  [553].  Et 
ce  lon'ible  coup  est  reffondrement  de  leur  vie.  (Germinal.) 


170  LES  PEnSONXAGtS 

Grégoire  (Madame  Léon).  —  Fille  d'un  pharmacien  de 
llarchiennes,  une  demoiselle  laide,  sans  un  sou,  que  Léon  Gré- 
goire adorait.  Elle  s*est  enfermée  dans  son  ménage,  extasiée 
devant  son  mari,  n'ayant  d'autre  volonté  que  la  sienne;  jamais 
des  goûts  différents  ne  les  ont  séparés,  un  même  idéal  de  bien- 
cire  a  confondu  leurs  désirs,  et  ils  vivent  ainsi  depuis  quarante 
ans,  de  tendresses  et  de  petits  soins  réciproques  [85].  Agée  de 
cinquante-liuit  ans,  madame  Grégoire  est  courte  et  grasse;  elle 
garde  une  grosse  figure  poupine  et  étonnée,  sous  la  blancheur 
éclatante  de  ses  cheveux  [80].  {Gei  minai.) 

Gresham.  —  Un  jockey  qui,  dit-on,  a  la  guigne.  Il  monte 
Lusignau  dans  le  Grand  Prix  de  Paris  [389].  (Nana,) 

Grognet.  —  Une  victime  du  Bonheur  des  Dames.  Il  est 
parfumeur  rue  de  Grammonl  [447],  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Grosbois.  —  Arpenteur  juré.  C'est  un  paysan  de  Magnolles, 
petit  village  voisin  de  Rognes.  Appelé  de  tous  côtés,  entre 
Orgères  et  Bcaugency  pour  l'arpentage  des  terres,  il  laisse  le 
bien  aux  mains  de  sa  femme  et  prend  dans  ses  continuelles 
courses  de  telles  habitudes  d'ivrognerie  qu'il  ne  dessoûle  plus. 
Très  gros,  très  gaillard  pour  ses  cinquante  ans,  il  a  une  large 
face  rouge,  toute  fleurie  de  bourgeons  violAtres  et  coiffée  d'un 
chapeau  noir .  tourné  au  roux,  monumental,  qu'il  trimballe 
depuis  dix  ans,  sous  la  pluie  et  le  soleil.  Plus  Grosbois  est  ivre, 
plus  il  voit  clair.  On  l'écoute  et  on  Thonore,  car  il  a  une 
grande  réputation  de  malignité  [3 i].  {La  Terre.) 

Guende  (Madame  de).  —  Grande  mondaine  du  second 
Empire.  Femme  admirablement  faite,  mais  tellement  béte 
qu'ayant  pour  amants  trois  officiers  supérieurs  à  la  fois,  elle 
ne  peut,  dit-on,  les  distinguer  â  cause  de  leur  uniforme  iden- 
tique [2-iO].  C'est  une  amie  des  Saccard.  {La  Curée.) 

Gueulin.  —  Neveu  de  Narcisse  Bachelard.  Petite  figure 
blême,  cheveux  et  favoris  roux.  Employé  dans  une  compagnie 
d'assurances.  11  est  le  compagnon  de  fêle  de  Bachelard  et  rit 
des  farces  de  l'oncle  avec  un  bruit  de  poulie  mal  gi*aissée. 
Gueulin  joue  de  la  flûte  eu  amateur  dans  les  maisons  où  on  le 
met  à  son  aise  [53].  Par  théorie,  il  refuse  les  femmes,  non  pas 
qu'il  les  dédaigne,  mais  parce  qu'il  redoute  les  lendemains  du 
bonheur.  En  dépit  de  ce  sage  principe,  Gueulin  se  fait  sur- 
prendre  entre  les  bras   de  Fili,   par  l'oncle  Bachelard  qui, 


DES  ROUGON-MACQUAUT  177 

plein  de  mansuétude,  accorde  un  généreux  pardon  aux  amants 
et  les  mari'?  avec  une  jolie  dot.  (Pot-Douille,) 

Guibal.  —  Avocat  connu  au  palais.  Mène  la  vie  libre,  tout 
à  ses  dossiers  et  à  ses  plaisirs  [73].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Guibal  (Madame).  —  Femme  de  Tàvocat.  Grande  et  mince, 
cheveux  roux,  visage  noyé  d'indifférence,  où  ses  yeux  gris  met- 
tent par  moments,  sous  son  air  détaché,  les  terribles  faims  de 
l'égolsmc.  De  mœurs  peu  farouches,  elle  ne  sort  jamais  avec 
son  mari  [73].  Elle  se  promène  des  heures  au  Bonheur  des 
Dames,  sans  jamais  faire  une  emplette,  heureuse  et  satisfaite 
de  donner  un  simple  régal  à  ses  yeux  [95].  Elle  pratique  les 
c  rendus  >  avec  un  parfait  sans-gène;  quand  une  robe  lui 
plaît,  elle  se  la  fait  envoyer,  en  prend  le  patron,  puis  la  rend 
[01  o~.  Elle  utilise  aussi  les  grands  magasins  en  donnant  ses 
rend-'Z-voiis  d'amour  dans  le  salon  de  lecture.  Devenue  la 
njaitresse  du  comte  de  Boves,  qu'elle  a  allumé  chez  une  amie 
commune,  madame  Desroches,  elle  le  mène  à  coups  de  fouet, 
ainsi  qu'un  vieux  cheval  dont  on  use  les  dernières  forces  [389]. 
(A  H  Bon  h  eu  r  des  Da  mes .) 

Guichon  (Mademoiselle).  —  Buraliste  à  la  gare  du  Havre 
[7r.  C'est  une  blonde  de  trente  ans,  déjà  fanée,  silencieuse  et 
min:e,  dune  souplesse  de  couleuvre.  A  dû  être  vaguement 
institutrice  [S'»].  Elle  doit  son  poste  au  chef  de  gare,  .M.  Da- 
badie,  et  l'on  croit  généralement  qu'ils  se  rejoignent  la  nuit. 
Néanmoins,  madame  Lebleu,  logée  sur  le  même  corridor,  n'a 
jamais  pu  les  surprendre.  {La  Bête  humaine,) 

Guignard  (Famille).  —  Paysans  ]»eaucerons  du  même 
villare  quo  le  soldat  Zéphyrin  Lacour.  Veulent  vendre  leur  mai- 
son, que  Zéphyrin  et  Rosalie  rêvent  d'acheter  [3iO].  {Une  Page 
d'Amour.) 

Guillaume.  —  Paysan  de  Rognes.  Possède  une  pièce  de 
l?rrc  à  cûié  de  la  cahute  de  Jésus-Christ  [2Î18].  {La  Terre.) 

Guillaume.  —  Petit  porcher  h  la  ferme  de  la  Borderie.  A 
poss4dri  la  Cognelle.  Est  maintenant  soldat  [288].  (La  Terre.) 

Guiraud  Les  de).  —  Amis  des  Deberle.  Monsieur  de  Gui- 
rani  est  un  petit  homme  diauve,  un  magistrat,  qui  laisse  tom- 
)>er  les  phrases  sentencieuses  sur  la  nécessité  d'endiguer  le 
vice  à  Paris  ['251].  Madame  de  Guiraud  est  une  brune  très  forte' 
qui  'oue  ag^réablement  la  comédie  de  salon  ;  elle  a  une  sœur 
sépr.rée  de  son  mari  et  appréciée  comme  chanteuse  mondaine. 


J78  LES  l'ElîSONNAGtS 

Les  Guiraud  ont  un  fils,  petit  bambin  de  deux  ans  et  demi 
[1-25].  {Vue  Page  dWmour.) 

Guiraude.  —  Mère  de  Sophie  cl  de  Val  en  tin,  soignés  par 
le  docicur  I^ascal.  Son  mari  est  mort  phtisique.  Elle  est  mince, 
épuisée,  fnippée  ellt*-méme  d'une  lente  décomposition  du  sang 
[5f].  Guiraude  habile  rue  Canquoin,  à  Plassans.  Elle  meurt 
quelque  temps  après  avoir  perdu  son  (ils  Valentin  '[268]. 
{Le  Docteur  Pascal.) 

m 

Gunderxnann.  —  Le  roi  de  la  banque  juive,  le  maître  de 
la  Uourse  et  du  monde.  C'est  un  homme  de  soixante  ans,  dont 
rénorme  télé  chauve,  au  nez  épais,  aux  yeux  ronds  à  fleur  de 
tète,  exprime  un  entêtement  et  une  fatigue  énormes.  Occupe 
ruo  de  Provence  un  immense  bôlel,  tout  juste  assez  grand 
pour  son  innombrable  famille.  Quand  sa  descendance,  enfants 
cl  pelits-enfants,  est  réunie  au  repas  du  soir,  ils  sont,  en  les 
comptant,  sa  femme  et  lui,  trente  et  un  û  table.  En  moins  d'un 
siècle,  la  monstrueuse  fortune  d*un  milliard  est  née,  a  poussé 
et  débordé  dans  cette  famille,  par  l'épargne,  par  Theureux  con- 
cours aussi  des  évéiiements.  11  y  a  là  comme  une  prédestina- 
lion,  aidée  d'une  intelligence  vive,  d'un  travail  acharné,  d'un 
eiïort  prudent  et  invincible,  continuellement  tendu  vers  le 
même  but.  Tous  les  fleuves  de  l'or  vont  à  cette  mer  [92]. 

Levé  dès  cin({  heures,  le  banquier  roi  est  au  travail  lorsque 
Paris  dort  encore  et  quand,  vers  neuf  heures,  la  bousculade  des 
appéiits  se  rue  devant  lui,  sa  journée  est  déjà  faite.  L'air 
impassible  et  morne,  les  yeux  glauques,  il  reçoit  durant 
des  heures,  jusqu'au  déjeuner,  tout  un  délilé  de  coulissiers, 
de  marrbands  de  curiosités,  de  dnmcs  louches  produisant 
de  jolies  filles,  d'inventeurs,  d'étrangers  venus  de  parlout, 
foule  varice  ahernnnt  avec  toute  une  série  de  remisiers 
qui  présentent  mécaniquement  la  cote.  Dans  celte  pièce, 
jiuhliqne  comme  une  place,  emplie  d'un  vacarme  d'enfants, 
des  ambassadeurs  sont  reçus  debout.  Gundermann  trafique  de 
son  milliard  en  commerçant  rusé  et  prudent,  en  maître  absolu, 
obéi  sur  un  coup  d'œil,  voulant  tout  entendre,  tout  voir,  tout 
faire  par  lui-même.  Ce  n'est  plus  la  figure  de  l'avare  classique 
qui  thésaurise,  c'est  l'ouvrier  impeccable,  sans  besoin  de  chair, 
devenu  comme  abstrait  dans  sa  vieillesse  souITreteuse,  qui 
continue  à  édifier  obstinément  sa  tour  de  millions,  avec 
l'unique  rêve  de  la  léguer  aux  siens,  pour  qu'ils  la  grandissent 
encore  jusqu'à  ce  qu'elle  domine  la  terre  [98].  Et  cet  homme 


DES  ROUCON-MACQUAUT  179 

souffre  depuis  vingt  ans  d'une   maladie  d'estomac,  il  ne  se 
nourrit  absolument  que  de  lait. 

Sobre  cl  de  froide  logique,  il  n*a  jamais  pu  s*entendre  avec 
Saccard,  passionné  et  jouisseur.'  11  assiste  sans  émoi  à  la 
création  de  la  Banque  Universelle,  qui  va  syndiquer  les  inté- 
rêts catholiques,  et  se  dresser  comme  une  menace  devant  la 
haute  banque  juive.  11  s*émeut  à  peine  d'un  coup  de  Bourse  où 
ce  cassecou  de  Saccard  Ta  battu  ;  il  attend  patiemment,  sûr  de 
la  revanche,  sachant  que  rédifice  du  spéculateur,  édiûé  sans 
bases  solides,  développé  sans  mesure,  se  lézardera  vite  et 
pourra  être  jeté  par  terre  d'un  coup  d'épaule  [220].  L'heure 
venue,  il  mène  une  rude  campagne  à  l:i  baisse,  subit  sans  sour- 
ciller des  liquidations  désastreuses  et  fait  avancer  chaque  fois  ses 
grosses  réserves  d'écus.  Aucun  sacrifice  ne  lui  coûte  pour  rester 
maître  absolu  du  marché  [348]. Et  il  <>fipose  aux  extravagances 
de  Saccard  une  froide  obstination  qui  lui  donnera  la  victoire  le 
jour  où.  connaissant  par  la  baronne  SandorfT,  passée  sans  profit 
à  son  service,  la  position  exacte  de  la  Banque  Universelle,  il 
décidera  brusquement  d'en  finir  [354].  D'ailleurs,  après  la 
ruine  de  Saccard,  il  est  le  premier  a  s'offrir  pour  éviter  Fim- 
médiate  déclaration  de  failhte  et  empêcher  un  ébranlement 
trop  général.  11  est  au-dessus  de  la  rancune,  n'ayant  d'autre 
gloire  que  de  rester  le  premier  marchand  d'argent  du  monde, 
le  plus  riche  et  le  plus  avisé,  ayant  réussi  à  sacrifier  toutes 
ses  passions  à  l'accroissement  continu  de  sa  fortune  [374]. 
{L'Argent.) 

Gunther  (Otto).  —  Capitaine  dans  la  garde  prussienne. 
C'est  un  cousin  germain  de  Weiss,  par  les  femmes.  Sa  mère, 
originaire  de  Mulhouse,  s'est  mariée  à  Berlin  [15].  Et  à  l'heure 
de  la  guerre,  il  vient  en  France  c(\mme  un  justicier,  avec  l'in- 
loléraiicc  et  la  morgue  de  Tennemi  héréditaire,  grandi  dans  la 
haine  de  la  race  qu'il  châtie  [457].  Le  1"  septembre,  près  du 
Fond  de  Givonne,  il  s'est  trouvé  en  face  du  soldat  français 
MauricL'  Levasseur,  son  allié  par  Henriette  Weiss  ;  la  distance 
était  si  faible,  deux  cents  mètres  â  peine,  qu'on  le  distinguait 
très  netlenient,  la  taille  mince,  le  visage  rose  et  dur,  avec  de 
petites  moustaches  blondes.  Henriette,  débordée  d'horreur  par 
l'abomination  <Jc  cette  lutte  entre  parents,  l'a  sauvé  de  la  mort 
en  empêchant  Maurice  de  tirer  sur  lui  et,  plus  lard,  dans  les 
derniers  jours  de  mai  1871,  elle  le  retrouve  en  garnison  à 
Saînl-Dcnis,  avec  son  air  sec  de   bel  officier  bien  tenu.  Devant 


1^0  LES  l'tnSO.NNAGtS  DES  KOUGON-MACQCAKT 

Paris  en  flammes,  il  est  insullaiit  par  son  calme,  par  son  demi- 
sourire.  Toutes  SCS  rancunes  de  Germain  sonl  satisfaites,  il 
semble  vengé  de  la  longueur  démesurée  du  siège,  des  froids 
terribles,  des  difiicullés  sans  cesse  rejiaissantes,  dont  TAlle- 
ma^nc  garde  encore  Tirritation.  Pour  ce  froid  et  dur  prolestant 
militaire,  qui  cite  des  versets  de  la  Dible,  Paris  brûle  en  puni- 
tion de  ses  siècles  de  vie  mauvaise,  du  long  amas  de  ses  crimes 
et  de  ses  débauches  [006].  (La  Débâcle.) 

Gustave.  —  Perruquier  de  Maxime  Saccard.  Celui-ci  pré- 
tend qu<3  son  coifl'eur  ressemble  à  deux  amants  de  Renée, 
MM.  de  Rozan  et  de  Cbibray  [13ti].  (La  Curée.) 

Gutxnann.  —  Un  soldat  de  liazeilles.  Bavarois  trapu,  à 
l'énonne  icle  embroussaillée  de  barbe  et  de  cheveux  roux, 
sous  lesquels  on  ne  distingue  qu'un  long  nez  carré  et  de  gros 
yeux  bleus.  Vers  la  fm  de  la  bataille,  il  est  souillé  de  sang, 
ellroyable,  tel  qu'un  de  ces  ours  des  cavernes,  une  de  ces 
bctes  poilues,  toutes  rouges  de  la  proie  dont  elles  viennent  de 
faire  craquer  les  os  [25].  C'est  lui  qui  arrache  violemment 
Henriette  Weiss  des  bras  de  son  mari,  devant  le  peloton  d*exé- 
cution. 

Ht!nriette  le  retrouve  plus  tard  à  l'ambulance  de  Remilly.  Il 
ne  peut  parler,  une  balle,  entrée  par  la  nuque,  lui  a  enlevé  la 
moi  11-  de  la  langue.  L'ancien  monstre  aux  prunelles  chavirées 
de  ra{:e  est  maintenant  un  malheureux,  à  l'air  bonhomme  et 
docil'.',  au  milieu  de  ses  atroces  souiTrances.  On  n*est  pas  bien 
sûr  qu'il  se  nomme  Gulmann,  on  l'appelle  ain<i  parce  que 
ruincjue  son  qu'il  arrive  à  proférer  est  un  grognement  de  deux 
syllabes  qui  fait  à  peu  près  ce  nom.  Quant  au  reste,  on  croit 
seulement  qu'il  esi  marié  et  qu'il  a  des  enfants  [503].  Il  meurt 
dans  les  premiers  jours  de  novembre,  après  avoir  râlé  deux 
jours,  llcuriclle  a  passé  les  dernières  heures  à  son  chevet,  tant 
il  la  regardait  d'un  air  suppliant.  De  ses  yeux  en  larmes,  il 
disait  poul-ètre  son  vrai  nom,  le  nom  du  village  lointain  où 
une  femme  et  des  enfants  l'allendaienl.  Elle  est  seule  àraccom- 
pa;,'iier  au  cimetière  [500].  {La  Débâcle.) 

Guyot  (AciiÊ).  —  Prélre  à  Saint-Eulrope.  A  remplacé  pro- 
visoirement aux  Artaud  l'abbé  Mourel  malade  [300].  {La  Faute 
de  l'abbé  Mouret.) 

Guyot-Laplanche.  —  Homme  considérable  du  second 
Emjiire,  que  Clorinde  a  gagné  à  la  cause  d'Eugène  Rougon 
[-201].  {Son  Excellence  EugèAe  Rougon,) 


H 


Haffner.  —  Fameux  industriel  de  Colmar,  à  large  face 
alsacienne  [â9],  vingt  fois  millionnaire  et  devenu  homme  poli- 
tique grâce  au  second  Empire  [8].  Mari  de  Suzanne,  {f.a 
Curée.) 

Haffner  (Madame  Suzanne).  —  Amie  de  pension  de  Renée 
Saccard  et  de  la  marquise  dTspanet.  Cette  Allemande  blonde 
et  langoureuse,  qui  tient  tète  aux  hommes  avec  une  effronterie 
provocante  [i2],  est  Tinséparable  compagne  de  la  marquise, 
avec  qui  la  chronique  lui  attribue  des  mœurs  trop  tendres  [116]. 
(La  Curée.) 

Hallegrain  (Capitaine  Jacques).  —  Père  de  Christine.  Un 
Gascon  de  Montauhan.  Il  a  dû  prendre  sa  retraite  d'officier,  à 
cause  d'une  paralysie  des  jambes  [2^].  Est  resté  à  Clermont, 
entre  sa  femme  et  sa  fille,  et,  un  jour  qu'elles  étaient  à  l'église, 
il  est  mort  d'une  dernière  attaque.  Christine  se  rappelle  l'af- 
freuse nuit,  le  capitaine  très  gros,  très  fort,  allongé  sur  un 
matelas,  avec  sa  mâchoire  inférieure  qui  avançait;  si  bien  que, 
dans  sa  mémoire  de  gamine,  elle  ne  peut  le  revoir  autrement 
[118].  iLŒuvre.) 

^  Hallegrain  (Madame). —  Femme  du  capitaine.  Une  Pari- 
sienne. A  survécu  cinq  ans  à  son  mari,  vivant  là-bas,  en  pro- 
vince, ménageant  sa  maigre  pension,  travaillant,  peignant  des 
éventails,  pour  achever  d'élever  sa  011e  en  demoiselle  [22],  Si 
loin  que  Christine  puisse  remonter,  elle  la  trouve  devant  la. 
même  fentMre,  petite,  fluette,  lavant  sans  bruit  ses  aquarelles, 
avec  »ios  yeux  doux,  tout  ce  qu'elle  lient  d'elle  aujourd'hui. 
Pe:iJaiit  rinq  ans,  madame  Hallegrain  a  pâli  et  maigri,  s'en  est 
allée  un  peu  chaque  jour,  jusqu'à  n'ôire  plus  qu'une  ombre  ;  un 
malin,   elle  n'a   pu   se    lever,  et  elle    est  morte,    regardant 

IC 


18i  LES  PERSONNAGES 

Ciiristine,  la  voix  éteinte,  les  yeux  remplis  de  grosses  larmes 
[119].  (L'Œuvre.) 

Hallegrain(Ciini>TiNE)  (1).  —  Fille  ilu  capitaine.  Femme  de 
Claude  Lanlier.  Mère  de  Jacques-Louis.  £lle  est  née  à  Stras- 
bourg, par  hasard,  entre  deux  changements  de  garnison  de  son 
père.  Ses  parents  Font  gâtée,  elle  a  eu  des  professeurs  de  tout, 
mais  elle  a  profilé  fort  peu,  ii*écourant  pas,  toujours  à  rire,  le 
sang  ù  la  tête;  des  crampes  lui  tordaient  les  bras  au  piano; 
elle  n'avait  de  goût  que  pour  les  soins  bas  du  ménage.  Chris- 
tine a  perdu  son  père  ù  douze  ans;  a  seize  ans  et  demi,  elle  a 
été  seule  au  monde,  sans  un  sou,  avec  runi({ue  amitié  d'une 
religieuse  de  Clerniont,  la  supérieure  des  sœurs  de  la  Visitation, 
qui  lui  a  trouvé,  à  ses  dix-huit  ans,  une  place  de  lectrice  à  Paris, 
chez  madame  Vanzade.  Le  soir  de  son  arrivée,  peidue  au  sortir 
de  la  gare,  terrillée  par  un  cocher  maraudeur,  noyée  dans  la 
trombe  d'un  gros  orage,  elle  a  été  recueillie  par  le  peintre 
Claude  Lantier,  qui  lui  a  cédé  son  lit  sans  rien  demander  en 
échange;  au  ntatin,  dans  Taccablante  chaleur  de  juillet,  la 
gorge  de  la  jeune  illlc  s'est  découverle  et  le  peintre,  abdiquant 
toute  curiosité  charnelle,  s'est  enthousiasmé  en  artiste  pour 
Celte  chair  dorée,  d'une  finesse  de  soie,  le  printemps  de  la 
chair,  deux  petits  seins  rigides,  gonflrs  de  sève,  où  pointaient 
deux  roses  pâles  [12];  l'esquisse  qu'il  en  a  faite  a  été  inter- 
rompue par  le  réveil  subit  de  Christine,  par  sa  révolte  éperdue 
devant  ce  garçon  qui  la  mangeait  des  yeux  ;  elle  a  senti  un 
véritable  effroi  à  la  vue  de  la  terrible  peinture  qui  emplissait 
l'atelier,  une  peinture  rugueuse,  éclatante,  d'une  extraordi- 
naire violence  «le  tons. 

Chez  madame  Vanzade,  en  cette  demeure  somnolente  où 
Chrislin/  meurt  d'ennui,  elle  a  éprouvé  une  véritable  obses- 
sion au  souvenir  de  Claude,  si  respectueux,  si  timide,  sous 
rou  air  Ijrulal.  et  après  six  semaines  d'hésitation,  elle  s'est 
décidée  à  venir  le  rc;iiercicr.  Grande  tt  belle,  avec  ses  lourds 
cheveux  noirs,  elle  a  un  air  de  trauquple  décision;  le  haut  du 
visiige  est  d'une  grande  bonté,  d'une  grande  douceur,  le  front 
limpide,  uni  coiniue  un  clair  miroir,  le  nez  petit  aux  linesaiit^s 
nerveuse^;  le  sourire  des  veux  illumine  toute  la  face;  le  bas 


(j^  C.ltii^lin!'  IJiitIc'irdin,  dont  le  j>ere  clitil  parapl'ig  (jue,  vj>0'ise 
tn  18  ■-"»  Cl  'U'Ie  Lanficr.  aout  elle  csl  la  )uiiilrei;sc  (/t-yw/j  st.r  ahs. 
\:\:b'e  (jciHulo'ji jae  lU^  ItOiifjon-Mocq  "irl.} 


DES  nOUCON-MiCtiVART  18:: 

du  visage  gite  ce  rayonnement  de  lendrcsse,  la  n)jlclin:rt 
nvancc,  t"«  lËvres  tra[>  Tories  saigiiciil,  monirnnt  des  de.iis 
solJJcs  l'i  blanches  ;  c'est  un  roup  de  passion,  la  puberté  gron- 
dante et  <|ui  s'ignore,  dans  ces  traits  noyés,  d'une  délicaicsse 
enr^ntinc  [I  l].  [YMidant  sa  visilu,  elle  est  glacée  cominc  h  pi-e- 
mière  Toi^  par  la  peinture  téroce,  les  11  ani  boy  an  les  esquisses 
du  Midi,  l'analomie  si  vjolemnienl  exacte  des  éludes;  elle  se 
scnl  une  liaine  contre  cette  peinture,  h  haine  instinctive  d'il  ne 
ennemie  [lli]-  Ensuite,  ce  sont  d'autres  visites,  espad'es 
d'abord,  puis  à  jour  Cve,  des  promenades  d'un  cliarme  infini 
autour  d-  lilc  Siiint-Lonis  e[  !e  long  de  la  Seine  jusqu'au  pont 
Royal,  dr.ns  des  couitjcrs  de  soleil  empourprés  [i3l^];  \ii\i- 
i-nlc  iiiili  lion  s-i  f;ùt,  Christine  Hnit  par  éprouver  de  l'inlér-'l 
itour  ces  toiles  abominai  des,  en  voyant  quelle  place  elles 
tiennent  dnns  l'vxist'iuce  du  peintre  ;  Claude  lui  semble  si  hou, 
,ie  l'aii^it.'  tant,  qu'après  l'aroir  excusé  <ie  barbouiller  ik 
pareilles  liorreurs,  elle  en  vient  à  leur  trouver  des  qualités  pour 
:ls  ninii;r  aussi  un  peu  [138].  Cette  rage  de  travail,  ce  don 
absolu  de  tout  nu  élrc,  l'attendi-it,  elle  trouve  n.-iturel  de  se 
mettre  de  rnoiliù  dans  l'cITort  de  l'artiste  et,  comme  à  ses  ycu\ 
'l'ardent'^  i>riére.  elle  a  compris  qu'il  a  besoin  d'elle  pvur 
«on  œuvi'L-.  elle  s'olTre,  sans  un  mol,  à  poser  devant  lui,  nue  et 
.ierge  [Ui]-  Mais  le  tableau  qui  peu  à  peu  les  a  unis,  elle 
le  voit  au  <alon,  bafoué  par  la  foule;  il  lui  semble  que  c'est 
sur  sa  niidilé  <iue  crachent  les  gens,  elle  se  sauve,  puis 
..e  songe  j-lus  qu'à  Claude,  bouleversée  par  l'idée  du  chagrin 
qu'il  doit  avoir,  grossissant  l'amertume  de  cet  échec  de  tonte 
s.i   sensibilité    de   femme,  débordant  d'un   besoin  de  charité 

Et  le  soir  même,  dans  le  crépuscule  qui  les  enveloppe,  sous 
l'embaume  Mcnt  des  lilas,  parmi  les  parcelles  dorées  envolées 
du  cadre,  elle  pose  aux  lèvres  de  Claude  un  baiser  ardent, 
irréfléchi;  'lie  se  donne  la  première, dans  un  emportement  de 
passion  [ISJ].  bi<  lors,  une  femme  nail  de  la  jeune  ftllc.  Elle 
ne  peut  r.slci'  plus  longtemps  chez  madame  Vanzade,  qui 
pourtant  h  traite  avec  douceur,  semble  chaque  jour  éprou'er 
pour  elle  '^ne  tendresse  plus  grande,  l'appelle  même  sa  CUe, 
A|>ri'S  un  nauve;m  mois  de  tourment  dans  cette  maison  pieuse 
oii  elle  ètoulfe,  elle  quille  brulaleinont  sa  maîtresse,  emportant 
sa  malie,  méprisant  tout  calcul,  toute  à  son  amour.  Elle  se 
révèle  ce  igu'cllr.'  doit  être,  malgré  sa  lougue  bonnëtuté  :  une 
thair  de  passion,  une  de  ces  ciiairs  sensuelles,  si  iroubianies 


184  LES  PERSONNAGES 

quand  elles  se  dégagent  de  la  pudeur  où  elles  dorment.  A  Ben- 
necourt,  où  ils  ont  fui,  ce  sont  des  mois  de  félicité  adorable  ; 
toute  la  tendresse  de  Claude  pour  la  chair  de  la  femme,  cette 
tendresse  dont  il  épuisait  autrefois  le  désir  dans  ses  œuvres, 
le  brûle  maintenant  pour  le  corps  de  Tamante,  ce  corps  vivant, 
souple  et  tiède, qui  est  son  bien.  Christine  l'engage  à  travailler, 
mais  comme  il  résiste,  elle  est  fière  de  sa  puissance,  elle  croit 
avoir  tué  la  peinture  et,  heureuse  d'être  sans  rivale,  elle  pro- 
longe les  noces  [191]. 

Un  enfant  naît,  Jean-Louis,  sans  que  la  maternité  pousse 
en  elle,  elle  donnerait  vingt  fois  le  (lis  pour  l'époux;  mais  des 
soins  la  réclament,  Claude  a  des  heures  désœuvrées  où  il  se 
remet  à  peindre  et  dès  lors,  c'en  est  fait,  l'art  est  rentré  dans 
leur  vie.  Lorsque  le  quatrième  été  s'achève,  Christine  sent  bien 
que  rien  ne  retient  plus  à  Bennecourt  son  grand  enfant,  son 
cher  homme,  avide  de  reprendre  sa  vie  de  production  ardente. 
A  Paris,  elle  partage  ses  espoirs,  très  brave,  égayant  l'atelier  de 
son  activité  de  ménagère,  puis  elle  souffre,  elle  s'assoit  décou- 
ragée quand  elle  voit  Claude  sans  force,  elle  montre  une  dou- 
leur plus  viveàchaque  tableau  refusé,  épousantles  passions  de 
Tartisle,  cédant  devant  la  peinture  qui,  chaque  jour,  lui  prend 
son  amant  davantage.  Son  cœur  s'ouvre  alors  plus  large,  il 
s'attendrit  d'une  pitié  vague  et  infinie,  il  accorde  de  continuels 
pardons.  Au  fond  d*elle,  l'insatiable  amour  gronde  toujours, 
elle  demeure  la  chair  de  passion,  la  sensuelle  aux  lèvres  fortes 
dans  la  saillie  têtue  des  mâchoires,  et  pourtant  elle  n'a  plus  de 
Claude  que  ces  caresses  d'habitude,  données  ainsi  qu'une  aumône 
aux  femmes  dont  on  se  détache  ;  il  a  un  air  d*ennui  dans  les 
étreintes  ardentes  dont  elle  l'étouiTe  toujours.  Elle  doit  se 
résigner,  après  les  chagrins  secrets  de  la  nuit,  à  n'être  plus 
qu'une  mère  jusqu'au  soir,  goûtant  une  dernière  et  pâle  jouis- 
sance dans  sa  bonté,  dans  le  bonheur  qu'elle  tâche  de  lui  faire, 
au  milieu  de  leur  vie  gâtée  maintenant  [276]. 

Des  années  de  misère  se  succèdent,  un  court  instant  de  joie  est 
venu  pour  Christine,  lorsque  Claude  a  décidé  de  l'épouser, 
mais  la  froide  cérémonie  n'a  fait  qu'accentuer  leur  séparation, 
celte  formalité  semble  avoir  tué  l'amour  [305].  Et  c'est  main- 
tenant la  marche  envahissante  du  mal.  Dans  Talelier  de  la  rue 
Tourlaque,  où  Claude  s*acharne  à  une  œuvre  décisive,  Chris- 
tine se  fait  sa  servante,  heureuse  de  se  rabaisser  à  des  travaux 
de  manœuvre,  pour  le  reprendre  à  cet  art  cruel  qui  le  lui  a 
pris  ;  elle  Tadmire  maintenant,  cette  peinture  qui  la  choquait 


DES  ROUGON-MACQUART  185 

autrefois,  elle  la  voit  puissante  et  la  traite  en  rivale  dont  on  ne 
peut  plus  rire  ;  c'est  une  lutte  sourde  et  humiliante  ;  elle  en 
arrive  à  accepter  le  métier  de  modèle,  elle  veut  vivre  nue  sous 
les  regards  de  Claude,  et  le  reconquérir  ainsi,  et  remporter 
lorsqu'il  tombera  dans  ses  bras  ;  mais  une  certitude  se  fait,  ce 
corps  couvert  partout  des  baisers  de  Tamant,  il  ne  le  regarde 
plus,  il  ne  Tadore  plus  qu'en  artiste  ;  il  n'aime  plus  en  elle 
que  son  art,  la  nature,  la  vie;  elle  est  vaincue  [325]. 

D'autres  amertumes  surviennent  ;  Claude  passe  une  nuit 
chez  Irma  Bécot,  et  cette  escapade,  Christine  la  pardonne 
aisément,  car  elle  exècre  la  peinture  au  point  de  le  jeter  plu- 
tôt à  une  autre  femme;  elle  espère  qu'il  lui  reviendra,  puisqu'il 
est  allé  chez  une  autre  [337]..  Maintenant,  il  a  rinconsciente 
cruauté  de  la  comparer  à  elle-même,  de  l'accabler  avec  sa  jeu- 
nesse, iixée  sur  le  tableau  d'autrefois,  et  à  jamais  perdue; 
puis,  c'est  le  suprême  outrage,  Claude  lui  dit  que,  lorsqu'on 
veut  poser,  il  ne  faut  pas  avoir  d'enfant.  Et  elle  pardonne 
encore,  elle  excuse  le  père,  sentant  une  colère  sourde  contre 
son  fils,  contre  le  pauvre  être  pour  qui  sa  maternité  ne  s'est 
jamais  éveillée,  ce  Jacques-Louis  à  la  tête  informe,  qui  va 
bientôt  mourir. 

La  vie  de  Christine  s'écoule  dans  un  affaissement  de  femme 
délaissée,  les  gestes  las,  la  parole  lente,  une  insouciance  de 
tout,  hors  la  passion  dont  elle  brûle.  Elle  a  le  sentiment  de 
la  (In  procli.iine  de  Claude,  elle  vit  dans  l'effroi  d'un  malheur 
dont  elle  ne  parie  pas.  Puis,  une  suprême  révolte  contre  la 
peinture  assassine  qui  a  empoisonné  sa  vie,  une  dernitre 
bataille  de  sa  passion,  lui  livre  Claude  éperdu,  bégayant;  ollc 
le  croit  guéri,  mais  au  réveil  d'une  nuit  d'amour  où  ils  ont 
éprouvé  les  anciennes  ivresses,  elle  le  retrouve  mort,  pendu 
à  la  grande  échelle,  devant  son  œuvre  manquéc.  Et  elle-même 
tombe  à  terre,  comme  morte,  pareille  à  une  loque  blanche, 
misérable  et  finie,  écrasée  sous  la  souveraineté  farouche  de 
l'art  [476].  (L'Œuvre.) 

Hamelin  (Georges).  —  Fils  d'un  médecin  de  .Montpellier, 
savant  remarquable,  catholique  pratiquant,  et  qui  n'a  pas 
laissé  (le  fortune.  Entrait  à  rÉcole  polytechnique  lorsque  son 
père  est  mort;  il  a  pu  y  rester,  grâce  à  sa  sœur  Caroline  qui 
l'a  enlrolenu  d'argent  de  poche,  pendant  les  deux  années  de 
cours.  Sorti  dans  un  mauvais  rang,  il  a  longtemps  attendu  une 
situation,   est  parti  enfîn  pour  l'Egypte  avec  la  commission 

16. 


186  LES  PËUSO.NNAOES 

char$r«îe  des  premières  études  du  canal  de  Suez,  est  allé  de  là 
en  Syrie,  a  vu  Bcyrout  cl  les  gor^^es  du  Liban,  exploré  lo 
Carniel,  traversé  le  Taurus.  Partout,  il  était  accompagné  de  sa 
sœur,  animée  d'un  fraternel  dévouement  pour  ce  jeune  savant, 
si  plein  d'ardeur  et  de  simplicité.  Plus  âgé  d*uu  an,  il  res- 
semble beaucoup  pbysiquement  à  Caroline,  en  ]dus  pâle.  Hame- 
lin  est  revenu  dWsie  Mineure  avec  tout  un  monde  d'idées, 
mais,  trop  modeste,  peu  bavard,  il  n*a  pu  communi({uer  sa 
foi  à  personne  et,  pendant  quinze  mois,  la  vie  a  été  dure  dans 
le  petit  appartement  de  riiôtel  d'Orviedo  où  le  frère  et  la  sœur 
se  sont  installés,  liamclin  a  des  facultés  de  travail  rares,  mais 
il  s'absorbe  dans  ses  études.  Cet  ancien  pioclieur  de  Polytech- 
nique, aux  conceptions  savantes,  d'un  zèle  si  vif  pour  tout  ce 
qu'il  entreprend,  montre  parfois  une  telle  naïveté  qu'on  le 
jugerait  un  peu  sot. 

Élevé  dans  le  c;Ubolicisme  le  plus  étroit,  il  a  gardé  sa  reli- 
gion d'enfant,  il  pratique,  très  convaincu  [57].  Ce  qui  le  pas- 
sionne le  plus  dans  les  hardies  conceptions  rapportées 
d'Orient,  c'est  le  triomphe  qu'elles  préparent  à  la  chrétienté, 
tout  un  programme  secret,  la  Paleàtine  sauvée  du  joug  des 
Turcs,  Jérusalem  libre  avec  JaÛa  comme  port  de  mer,  les 
Lieax  Saints  rendus  à  la  foi,  le  pape  échappant  aux  révoltantes 
humiliations  qui  se  préparent  à  Home  et  venant  restaurer  le 
trône  du  Christ  sur  la  terre  même  où  le  Christ  a  parlé.  En 
attendant  ce  couronnement  de  l'édilice,  le  projet  de  formation 
d'une  Compagnie  générale  des  Paquebots  réunis,  destinée  à 
s'assurer  la  royauté  de  la  Méditerranée,  les  études  sur  les 
mines  d'argent  du  Carmel  et  les  chemins  de  fer  d'Asie  Mi- 
neure, tout  ce  travail  soumis  à  Aristide  Saccard  va  provoquer 
chez  cet  extraordinaire  brasseur  d'affaires  l'idée  de  créer  la 
Banque  Universelle. 

Hanulin  accepte  à  son  corps  défendant  la  présidence  du  con- 
seil d'administration,  poste  honorifique  où  il  partagera,  malgré 
son  éclatante  probité  et  son  désintéressement  d'apôtre,  les  ter- 
ribles responsabilités  linancières  de  Saccard.  Sa  besogne  est 
en  Orient,  il  y  vivra  désormais,  ne  faisant  que  de  courtes  appa- 
ritions il  Paris,  où  il  est  suppléé  par  le  vice-président  liobin- 
Cliagol;  il  reviendra  chaque  fois  d-î  là-bas  avec  un  nouvel 
enthousiasme,  l'affaire  des  Paquebots  en  pleine  réussite,  la 
[•alesliuc  s'évcillanl  à  la  vie  en  u;je  sorte  de  résurrection, 
toutes  les  grandes  choses  futures  seniées  désormais.  îrerinanl, 
prêtes   à  faire  un  monde  nouveau.  Et   pendant  ce  temps,  la 


DES  UOUCON-MACQUART  187 

Banque  Universelle  se  développe,  en  une  prospérité  sans 
exemple;  Saccard,  lui  aussi,  fait  des  merveilles,  ses  spécula- 
tions vont  féconder  et  rendre  vivantes  les  grandes  entreprises 
d'Hamelin.  Mais,  tandis  que  le  savant  étudie  froidement  la  mise 
en  œuvre  de  ses  conceptions,  le  fmancier,  lui,  se  giise  de  la 
poésie  des  résultats,  il  surchauffe  la  machine,  il  accumule  les 
irrég^ularités,  fait  la  folie  de  lancer  l'affaire  comme  un  bélier 
contre  les  murailles  de  la  haute  banque  juive  et  détermine  une 
catastrophe  qui  va  semer  partout  le  déshonneur  et  la  ruine. 

Ilamelin  est  resté  pur  de  tout  trafic,  tout  s*est  fait  malgré 
lui,  il  s'est  strictement  tenu  dans  sou  rôle  d'homme  de  science 
qui  amène  Teau  au  moulin  [!271];  il  aurait  pu,  à  l'heure  de  la 
débâcle,  rester  à  l'étranger,  et  pourtant  il  est  revenu  en  hàle, 
il  s'est  dépouillé,  en  faveur  de  l'actif,  de  tout  ce  qu'il  possédait, 
mais  le  sort  de  Saccard  sera  le  sien.  11  subit  la  honte  de  la 
l>rison.  Et  il  trouve  la  résignation  et  la  tranquillité  d'àme  dans 
sa  foi  un  peu  simple  de  catholique  fervent,  il  n'a  de  tristesse 
que  devant  l'arrêt  désastreux  de  ses  grands  travaux  [-i22];  par- 
donnant à  Saccard,  il  a  même  la  tendresse  pitoyable  d'envoyer 
vers  lui  madame  (Caroline  [^^i].  Condamné  à  cinq  ans  de  pri- 
son et  à  trois  mille  francs  d'amende,  il  passe  à  l'étranger  [43 i] 
cl  va  recommencer  son  existence  à  Uome  [445],  {L'Argent,) 

Haxnelin  (Caroline).  —  Voir  Cauglixe  (Madame.) 

Hamelin  (Françoise).  —  Femme  d'un  cultivateur  de  la 
commune  de  Soulanges,  arrondissement  de  Nevcrs.  Cousine  de 
Louis  Franchomme.  Elle  a  reçu,  le  25  janvier  1851,  de  l'As- 
sistance publique,  une  enfant  trouvée,  .\ngélique  .Marie,  lille 
non  déclarée  de  Sidonie  llougon.  L'enfant  l'appelle  maman 
'Sun  [14].  Plus  lard,  Angélique  sera  confiée  aux  Franchomme, 
pour  apprendre  un  étal.  {Le  Rêve,) 

Hardy.  —  Percepteur  de  Cloycs.  Habite  rue  Beaudonnière 
une  ]»clile  niaiiûu  gaie,  entre  cour  et  jardin.  Gros  homme 
coloré  el  jovial,  à  la  bar])e  noire  bien  peignée,  redouté  des 
p;\ysans  nui  récliunenl  en  vain  contre  les  conlribulioîis  et  qui 
l'accusent  de  Its  êlourdir  avec  des  histoires  [3^9J.  (La  Terre.) 

Kartmann  (nAiiox;.  —  Directeur  du  Crédit  Immobilier^ 
Lu  vieil  ami  lie  niadame  llennelle  Desforges,  doiit  il  était 
déjà  rai.iiiiiL  du  vivant  du  mari.  11  a  soixante  ans.  C'est  un 
homme  sceptique  el  tiD.  dont  la  )uission  est  devenue  une  simple 
alieclion  paleruolic  el  qui  tolère  aujourd'hui  les  amants  de  la 


m  LES  PERSONNAGES 

jeune  femme  [71].  Petit  et  vigoureux,  il  a  une  grosse  tète 
alsacienne,  une  face  épaisse  qui  s'éclaire  d*une  flamme  d'in- 
telligence, au  moindre  pli  de  la  bouche,  au  plus  léger  cligne- 
ment des  paupières.  Devant  Octave  .Mouret,  le  troisième  ami 
que  lui  pré<:ente  madame  Desforges,  il  a  le  rire  discret  d'un 
protecteur  riche  qui,  s*il  veut  bien  se  montrer  charmant,  ne 
consent  pas  à  être  dupe  [83].  Mais  la  chaude  éloquence  de 
Mourct,  sa  conception  galante  du  commerce,  son  invention 
d'une  mécanique  à  manger  les  femmes,  ont  vite  fait  d'amuser 
et  de  convaincre  le  baron;  il  apporte  un  appui  décisif  aux 
développements  du  Bonheur  des  Dames.  Plus  tard,  dans  la 
personne  de  Bouthemont,  il  commandite  le  quatrième  garçon 
de  génie  découvert  par  Henriette.  En  fondant  les  Quatre- 
Saisons,  il  n'est  pas  fâché  de  faire  naître  une  rivalité  aux 
magasins  de  Mouret;  il  a  déjà  inventé,  en  matière  de  banque, 
de  se  créer  ainsi  des  concurrences,  pour  en  dégoûter  les 
autres  [393].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Hasard.  —  Cheval  de  l'écurie  .Méchain.  Court  dans  le 
Grand  Prix  de  Paris.  C'est  le  plus  défectueux  de  tous  les  chevaux 
engagés,  personne  n'en  veut  [388].  {Xana.) 

Hauchecorne.  —  Premier  commis  au  Vieil  Eibeuf,  chez 
Aristide  Finet,  rue  delà  Michodière.  A  épousé  la  fille  du  patron, 
Désirée,  et  a  succédé  à  son  beau-père.  Hauchecorne  est  origi- 
naire de  Hambouillel  [15].  11  cède  plus  tard  le  fonds  à  son 
g'.ndre  Baudu.  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Hauchecorne  (Madame).  —  Voir  Finet  (Désirée.) 

Hauchecorne  (Elisabeth).  —  Petite-fille  d'Aristide  Finet. 
Fille  unique  des  Hauchecorne.  Son  père  l'a  mariée  au  premier 
commis  Baudu,  qui,  en  même  temps,  reprenait  la  maison. 
Eli$«ibeth  est  née,  a  grandi  et  vécu  au  Vieil  Elbcuf,  qui  existe 
depuis  plus  de  suixante  ans  et  qui  n'a  pas  bougé,  alors  qu'en 
face,  de  Tautre  côté  de  la  rue,  le  Bonheur  des  Dames,  d'abord 
insignifiante  boutique,  s'agrandissait  peu  à  peu  et  en  arrivait 
à  cnvaliir  le  quartier.  C'est  une  petite  femme  mangée  d'anémie, 
touto  blanche,  les  cheveux  blancs,  les  yeux  blancs,  les  lèvres 
blanches  [10].  Elle  aime  jusqu'aux  pierres  humides  de  son 
magasin,  elle  ne  vit  que  pour  lui  et  par  lui.  xMais,  autrefois 
glorieuse  de  cette  maison,  la  plus  forte,  la  plus  richement 
achalandée  du  quartier  et  peu  à  peu  écrasée  par  les  grands 
magasins,  elle  se  meurt  de  l'humiliation  du  Vieil  Eibeuf;  si 


DES  ROUGON-MACviUART  l^J 

elle  vît  encore,  ainsi  que  lui,  par  la  force  de  Timpulsion,  elle 
sent  bien  que  l'agonie  de  la  houtique  sera  la  sienne  et  qu*elie 
n  aura  qu*à  s'éteindre  le  jour  où  la  maison  fermera  [30].  Après 
la  mort  de  sa  fille  Geneviève,  première  victime  du  colosse,  elle 
vit  dans  une  stupeur  blême;  le  Bonheur  des  Dames  lui  a  tout 
pris,  sa  maison,  sa  fille.  Elle  meurt  deux  mois  après  Geneviève, 
s'en  allant  avec  le  Vieil  Elbeuf  clos  désormais;  elle  a  perdu 
de  sa  vie  à  mesure  qu'il  perdait  de  sa  clientèle  [462].  (Au 
Bonheur  des  Dames.) 

Hautecœur  (Les).  — Vieille  famille  noble,  dont  l'origine 
remonte  au  onzième  siècle.  Le  chef  de  cette  maison  a  été 
Norbert  1",  cadet  de  Normandie.  Il  a  reçu  en  fief  une  forteresse 
jadis  élevée  par  un  successeur  de  saint  Remy,  l'archevêque 
Séverin,  pour  défendre  le  pays  contre  les  Normands;  c'était  la 
forteresse  de  Hautecœur,  à  deux  lieues  en  aval  de  Beaumont. 
sur  le  Ligncul,  affluent  de  l'Oise.  La  descendance  de  Norbert  I*' 
emplit  rhistoire.  Hervé  IV,  excommunié  deux  fois  pour  ses  vols 
de  biens  ecclésiastiques,  bandit  de  grandes  routes  qui  a  égorgé 
de  sa  main  plus  de  trente  bourgeois  d'un  coup,  a  sa  tour 
rasée  par  Louis  le  Gros,  auquel  il  a  osé  faire  la  guerre. 
Raoul  1-',  qui  s'est  croisé  avec  Philippe-Auguste,  péril  devant 
Saint-Jeaii-d'Acre,  d'un  coup  de  lance  au  cœur.  Jean  V  le  Grand, 
en  1:2:20,  rebâtit  la  forteresse;  il  élève  en  moins  de  cinq  années 
ce  redoutable  château  de  Hautecœur,  à  l'abri  duquel  il  rêvera 
un  moment  le  trône  de  France;  c'est  lui  qui  donne  les  fonds 
nécessaires  pour  l'achèvement  de  l'église  de  Beaumont,  où  une 
chapelle  consacrée  à  saint  Georges  se  nommera  désormais  la 
chapelle  Hautecœur  et  recevra  les  restes  de  Jean  V  et  de  ses 
descendants  [6i];  ceseigneur,  devenu  beau-frère  du  roi  d'Ecosse, 
meurt  dans  son  lit  après  avoir  échappé  aux  massacres  de  vingt 
batailles.  Félicien  III,  prévenu  qu'une  maladie  empêche 
Philippe  le  Bel  de  se  rendre  en  Palestine,  y  va  pour  lui,  pieds 
nus,  un  cierge  au  poing,  ce  qui  lui  fait  octroyer  un  quartier 
des  arme?  de  Jérusalem  [88],  Hervé  VII  revendique  ses  droits 
au  IrOne  d  Ecosse.  Jean  IX,  sousMazarin,a  la  douleur  d'assister 
au  dêmanlèlement  du  château  [62]. 

Les  marquis  de  Hautecœur  et  le  clergé  de  Beaumont  ont 
rempli  les  siècles  de  leurs  démêlés,  le  château  a  mis  en  continuel 
péril  \ts  franchises  de  Beaumont;  sans  cesse  des  hostilités  ont 
éclaté  sur  des  questions  de  tribut  et  de  préséance.  Et  le  déman- 
tèlement du  château  a  été  le  triomphe  de  l'église.  Plus  tard, 


190  LES  PERSONNAGES 

la  branche  ainée  éteinte,  un  Ifautecœur  de  la  branche  cadette, 
Jean  XII,  revient  comme  évêque  à  lîeaumont,  et  va  commander 
a  ce  clergé,  toujours  debout,  qui,  après  quatre  cents  ans  de 
lutte,  a  vaincu  ses  ancêtres  [6i].  Il  préside  chaque  année  la 
procession  du  .Miracle,  qui  date  de  sou  grand  aïeul  Jean  V.  La 
légende  assure  qu'une  peste  aiïreuse  ayant  ravagé  la  ville, 
Jean  V  de  llnutecœur  aurait  combattu  le  llcau  et  guéri  les 
malades  en  les  baisant  sur  la  bouche  et  en  disant  :  c  Si  Dieu 
veut,  je  veux  »  ;  formule  qui  est  restée  la  devise  desHautecœur  : 
SI  DIEU  VOLT  lE  VUEIL,  inscrite  sur  leur  blason  [08]. 

On  prétend  aussi  que,  dans  la  famille,  les  femmes  meurent 
jeunes,  en  i^lein  bonheur;  deux,  trois  générations  sont  épar- 
gnées, puis  la  mort  reparait,  souriante,  avec  des  mains  douces, 
et  emporte  la  femme  ou  la  fille  d*uu  llautecœur,  les  plus  vieilles 
à  vingt  ans,  au  moment  de  quelque  grande  félicité  d'amour.  La 
légende  les  appelle  les  Mortes  heureuses.  Laurette,  fîlle  de 
Raoul  l",  le  soir  de  ses  fiançailles  avec  son  cousin  Piichard, 
croit  marcher  dans  un  rayon  de  lune  et  se  brise  au  pied  des 
tours.  Dalhine,  femme  de  Henri  VII,  meurt  de  joie  en  voyant 
revenir  son  mari,  qu'elle  a,  pendant  six  mois,  cru  tué  à  la 
guerre.  Ysabeau,  Gudule,  Yvonne,  Austreberthe  ont  été  enlevées 
dans  le  ravissement  de  leur  premier  bonheur.  Ou  lit  encore,  sur 
de  vieilles  pierres  tombales,  encastrées  dans  les  murs  de  la 
chapelle,  les  noms  de  Laurette  et  de  Dalbine.  £l  toutes  ces 
Mortes  heureuses  reviennent,  dit-on,  la  nuit,  peuplant  les  ruines 
du  château,  ainsi  qu'un  vol  de  colombes  [89].  {Le  Rèvc) 

Hautecœur  (Monseigneur  de).  — Jean  XII  de  llautecœur, 
mari  de  Paule  de  Valençay,  père  de  Félicien  VII.  11  a  été  capi- 
taine à  vingt  et  un  ans,  sous  Charles  X.  En  1830,  à  vingt-quatre 
ans,  il  donne  sa  démission  et,  jusqu'à  la  quarantaine,  il  mène 
une  vie  dissipée,  des  voyages,  des  aventures,  des  duels.  Puis, 
un  soir,  chez  des  amis,  il  rencontre  la  fille  du  comte  de  Valençay, 
Paule,  qui  a  dix-neuf  ans,  vingt-deux  de  moins  que  lui;  il 
l'aime  à  en  être  fou,  elle  l'adore,  on  doit  hâter  le  mariage. 
Jean  XII  rachète  alors  les  ruines  de  Hautecœur, dans  l'intention 
de  réparer  le  château  où  il  rêve  de  s'installer  avec  sa  femme. 
Pendant  neuf  mois,  ils  ont  vécu  cachés  au  fond  d'une  vieille 
propriété  de  TAnjou,  refusant  de  voir  personne,  trouvant  les 
heures  trop  courtes.  Paule  lui  donne  un  lils,  Félicien,  et  meurt 
en  couches.  Huit  jours  après,  Jean  MI  entre  dans  ics  ordres; 
plus  tard,  il  devient  évéque  de  lieauuionl. 


DlS  ROUGON-MACQUART  191 

A  soixante  ans,  il  a  la  laiDe  haute,  mince  et  noble,  d*une 
jeunesse  superbe.  Ses  yeux  d'.iigle  luisent,  son  nez  un  peu  fort 
acceniue  l'aulorilc  souveraine  de  sa  face,  allénuée  par  sa  che- 
velure blanclu',  en  boucles  épaisses  [178].  Inconsolé,  il  a  long- 
temps refusé  de  voir  Félicien,  Tenfant  qui  en  naissant  a  coûté 
la  vie  à  sa  mère;  il  l'a  confié  à  un  oncle  de  celle-ci, s'obslinant 
à  nVn  pas  recevoir  de  nouvelles,tùchantd'oublier  son  existence. 
Le  jeune  hoinine  a  vingt  ans  quand  son  père,  soucienx  de  la 
fougue  qu'il  montre  et  craignant  des  sottises  de  cœur,  se 
décide  ei:fin  à  l'appeler  à  lui,  après  avoir  réglé  à  l'avance  un 
mariage  av.*c  Claire  de  Voincourt.  Mais,  depuis  que  Félicien 
est  là,  r'jvéïjue  vit  dans  le  trouble.  Cet  enfant  est  le  vivant 
portrait  de  celle  qu'il  pleure;  il  a  son  âge,  la  grâce  blonde  de 
de  sa  i»oauté.  Vingt  ans  de  prières  n'ont  pas  tué  l'homme 
ancien  et  il  suffit  que  ce  fils  de  sa  chair,  cette  chair  de  la 
femme  îidorée,  se  dresse,  avec  le  rire  de  ses  yeux  bleus,  pour 
que  son  cœur  batte  à  se  rompre,  en  croyant  que  la  morte  res- 
suscite. 11  passe  des  nuits  de  combat,  ce  sont  des  larmes,  des 
plaiiiies,  dont  la  violence,  étouffée  par  les  tentures,  effraye 
l'Êvé  ;ia.  La  torture  a  recommencé,  saignante  comme  au  len- 
demain iio  la  mort  de  la  femme  à  jamais  pleurée.  Aussi,  lorsque 
Félicien  lui  avoue  Tardent  amour  qui  l'ecnporte  vers  la  petite 
brodtiise  Angélique,  le  père  crucifié  sent-il  en  lui  l'absolue 
voloiiîé,  le  devoir  ruJe  de  soustraire  ce  fils  au  mal  dont  lui- 
nièui-^  souffre  tant.  Il  veut  tuer  la  passion  dans  son  fils  comme 
il  veut  la  tuor  en  lui-même  et,  à  Fardcnte  prière  de  l'amant,  il 
répo:-.]  d'un  seul  mol  :  Jamai>  î  [219]. 

Aiiçéliiue,  éloquente  et  pure,  n'o jtient,  elle  aussi,  qu'une 
réponse  inexorable  [-30],  mais  sans  qu'il  veuille  l'admettre, 
celte  jeune  lille  l'a  touché,  une  nouvelle  lutte  le  déchire  et,  la 
grûc'j  euirant  en  lui  comme  un  remords,  il  se  rappelle,  devant 
Atig'-iiqae  a;iOiiisanle,  les  miracles  qui  ont  illustré  les  siens,  ce 
pouvoir  <(U(.'  le  ciel  leur  a  donné  de  guérir.  Pareil  à  son  ancèlre 
.leaii  V.  allant  prier  au  chovel  des  pestiférés  et  leur  donnant 
un  l.  is-r  '\k\  les  r«'s-u-cite,  il  prie  le  ciel,  b.-iisr  la  niouranie 
sui-  L.  li^>U'*iieei  liil  :  o  Si  Dieu  veut,  je  \eux  »  [■2'.I0].  Kl  «ievanl  le 
protil^  •  accjuijili,  monseigneur  permet  enlin  la  réalisation  du 
rêve  d  r.i^'-Ii'jue,  cc  merveilleux  mariage  qui  va  donner  à 
rillii?iî<j  IVuiiille  de  llautecceur  une  Morte  heureuse  de  plus. 
(Le  L  ■'>•,:} 

Hru*v£cœur  (Maholise  Jean  XII  Dr.).  —  Voir  Vailncay 
O'A'-Li:  Li:.) 


lOâ  LES  PERSONNAGES 

Hautecœur  (Angélique  de).  —  Voir  Angélique  Marie. 

Hautecœur  (FÉLICIEN  VII  de)  (1).  —  Fils  de  Jean  XII  de 
llaulecœur,  depuis  évéque  de  Beaumont,  et  de  Paule  de  Va- 
lençay.  11  a  perdu  sa  mère  en  naissant.  Un  oncle  de  celle-ci, 
un  vieil  abbé,  Ta  recueilli,  son  père  ne  roulant  pas  le  voir, 
faisant  tout  pour  oublier  son  existence.  On  l'a  élevé  dans 
rignorance  de  sa  famille,  durement,  comme  s'il  avait  été  un 
enfant  pauvre.  Plus  tard,  le  père  a  décidé  d'en  faire  un  prélrc, 
mais  le  vieil  abbé  n'a  pas  voulu,  le  petit  manquant  tout  à  fait 
de  vocation.  El  le  Ois  de  Paule  de  Valençay  n*a  su  la  vérité  que 
très  tard,  à  dix-huit  ans.  Il  a  connu  alors  son  ascendance  illustre, 
ce  long  cortège  de  seigneurs  dont  les  noms  emplissent  Thistoire 
et  dont  il  est  le  dernier  rejeton  ;  Tobscur  neveu  du  vieil  abbé 
est  brusquement  devenu  Félicien  VII  de  Hautecœur,  et  ce  jeune 
homme  qui,  épris  d'un  art  manuel,  devait  gagner  sa  vie  dans 
les  vitraux  d*égiise,  a  vu  toute  une  fortune  s'écrouler  sur  lui  ; 
les  cinq  millions  laissés  par  sa  mère  ont  été  décuplés  par  des 
placements  en  acliats  de  terrains  à  Paris,  ils  représentent  au- 
jourd'hui cinquante  millions  [66].  Un  des  grands  chagrins  de 
révéque  est  la  fougue  du  jeune  homme,  sur  laquelle  l'oncle 
lui  fournit  des  rapports  inquiétants,  ce  ne  sera  jamais  qu'un 
passionné,  un  artiste.  Et,  craignant  les  sottises  du  cœur,  il  l'a 
fait  venir  près  de  lui,  à  Beaumont,  réglant  à  l'avance  un  mariage 
pour  prévenir  tout  danger  [207]. 

A  celte  époque,  Félicien  VII  a  vingt  ans.  Blond,  grand  et 
mince,  il  ressemble  au  saint  Georges  de  la  cathédrale,  à  un 
Jésus  superbe,  avec  ses  cheveux  bouclés,  sa  barbe  légère,  son 
nez  droit,  un  peu  fort,  ses  yeux  noirs  d'une  douceur  hautaine.  Et 
malgré  ces  yeux  de  bataille,  il  est  timide;  à  la  moindre  émotion, 
colère  ou  tendresse,  le  sang  de  ses  veines  lui  monte  à  la  face 
[lUG].  Le  (ils  de  Jean  XII  de  Hautecœur  habile  un  pavillon  dans 
le  jiarc  de  l'évèché,  séparé  par  le  clos  Marie  de  la  fraîche 
maison  des  Hubert  où  vit  Angélique.  11  aime  la  petite  brodeuse 
depuis  un  soir  qu'il  l'a  aperçue  a  sa  fenOtre;  elle  n'était  alors 
qu'une  blancheur  vague;  il  distinguait  à  peine  son  visage  et 
pourtant,  il  la  voyait,  il  la  devinait  telle  qu'elle  était.  Et  comme 
il  avait  très  peur,  il  a  rôdé  pendant  des  nuits  sans  trouver  le 
courage  de  la  rencontrer  en  plein  jour.  Plus  tard,  il  a  su  qui 


{I;  Félicien  (le  Hautecœur,  maiié  en  18G9  à  Anfjélique  Rougon. 
(Arbre  aêuèuloaiaue  des  RounoH'Macauarl .) 


DES  ROUGON-MACQUAnT  193 

I 

i  était  cette  jeune  fille  ;  c*est  alors  que  la  fièvre  a  commencé, 

I  grandissant  à  chaque  rencontre  ;  il  s*est  senti  très  gauche  la 

première  fois,  ensuite  il  a  continué  à  être  très  maladroit  en 
poursuivant  Angélique  jusque  chez  ses  pauvres  ;  il  a  cessé  d'être 

i  le  maître  de  sa  volonté,  faisant  des  choses  avec  Tétonnement 

et  la  crainte  de  les  faire,  et  lorsqu'il  s*est  présenté  chez  les 
Hubert  pour  la  commande  d'une  mitre,  c'est  une  force  qui  Ta 
poussé  [159].  Longtemps  il  a  cru  qu'on  ne  l'aimait  pas,  il  a 
erré  en  rase  campagne,  il  a  marché  la  nuit,  le  tourment  galo- 
pant aussi  vile  que  lui  et  lo  dévorant.  Mais  lorsqu'il  reçoit 
l'aveu  d'Angélique,  sa  jeunesse  vibre  dans  la  pensée  d'aimer 
et  d'être  aimé. 

Il  est  la  passion  même,  la  passion  dont  sa  mère  est  morte,  la 
passion  qui  l'a  jeté  à  ce  premier  amour,  éclos  du  mystère  [197]. 
Angélique  connaît  maintenant  son  grand  nom,  il  est  le  fier 
st'igneur  dont  les  Saintes  lui  ont  annoncé  la  venue,  mais  la  sage 
llubertine,  inaccessible  aux  mirages  du  rêve,  a  exigé  de  Féli- 
cien le  serment  de  ne  plus  reparaître,  tant  qu'il  n'aura  pas 
Tâssentinient  de  monseigneur  [215].  Le  soir  même,  il  s'est 
confessé  à  son  père,  qui,  le  cœur  déchiré  par  sa  passion 
ancienne,  a  formelicment  condamné  en  son  fils  cette  passion 
nouvelle,  grosse  de  peines;  la  parole  de  l'évéque  est  d'ailleurs 
eiigagée  aux  Voincourt,  jamais  il  ne  la  reprendra.  Et  Félicien 
s'en  est  allé,  se  sentant  envahir  d'une  rage,  dans  la  crainte  du 
Hot  de  sang  dont  ses  joues  s'empourprent,  le  Ûot  de  sang  des 
llautecœur,  qui  le  jetterait  au  sacrilège  d'une  révolte  ou- 
verte [-219]. 

II  s'eulièvre,  il  écrit  à  Angélique  des  lettres  que  les  parents 
iniercepicni,  il  voudrait  partir  avec  elle,  conquérir  le  bonheur 
qu'on  leur  refuse,  mais  la  pure  enfant  est  défendue  par  les 
vierges  de  la  Légende  [:iG9].  Cette  fois,  Félicien  se  révolte  contre 
l'iijipiloyable  évéque,  perdant  tout  ménagement,  parlant  de  sa 
mère  re>susci(ée  en  lui  pour  réclamer  les  droits  de  la  passion. 
Enlin.  devant  Angélique  mourante,  l'évéque  a  fléchi;  il  accomplit 
le  miracle  de  la  faire  revivre, elle  deviendra  sa  fille,  Félicien  Vil 
de  llaulecœur  sera  uni, en  une  cérémoni.pompeuse,  à  l'humble 
crcalure  qui,  pour  tous  parchemins,  po.^sède  un  livret  d'enfant 
assisté  [z%]. 

El  Félî  ien  achète  derrière  rÉvéché,rue  Magloire,iMi  ancien 
hûiel,  qu'on  installe  somptueusement.  Ce  sont  de  grandes 
pi'.:es,  ornées  d'admirables  tentures,  emplies  des  meubles  les 
plus  précieux,  un  salon  en  vieilles  tapisseries,  un  boudoir 

17 


ÎIU  LES  PERSONNAGES 

bleu,  d*une  douceur  de  ciel  matinal,  une  chanobre  à  coucher 
surtout,  un  nid  de  soie  blanclie  et  de  dentelle  blanche,  rien 
que  du  blanc,  léger,  envolé,  le  frisson  même  de  la  lumière  [298]. 
Mais  Angélique  ne  connaîtra  pas  cet  hôtel  princier,  plein  de 
bijoux  et  de  toilettes  de  reine.  An  sortir  de  la  cathédrale, 
parmi  Tencens  et  le  chant  des  orgues,  elle  s*éteint  dans  un 
baiser  et  Félicien  ne  tient  plus  qu'un  rien  très  doux  et  très 
tendre,  cette  robe  de  mariée,  toute  de  dentelles  et  de  perles, 
la  poignée  de  plumes  légères,  tièdes  encore,  d*un  oiseau  [310]. 
(Le  Ri've.) 

Hédouin  (Charles).  —  Ancien  commis  du  Bonheur  des 
Dames,  devenu  associé,  à  la  suite  de  son  mariage  avec  Ca- 
rolinel)eleuze,  fille  d'un  des  patrons.  Est  sans  cefse  aux  quatre 
coins  de  la  France  pour  ses  achats  [1 13].  .\tteint  d'une  maladie 
d'estomac,  il  va  faire  une  saison  aux  eaux  de  Vichy  [211]. 
Hédouin  meurt,  laissant  le  Honiieur  des  Dames  dans  une 
situation  prospère  [316].  (Pot-Douille.) 

Hédouin  (Madame).  —  Voir  Delecze  (Caroline). 

Hélène  (Duchesse).  —  Principal  personnage  de  la  Petite 
Duchesse^  pièce  de  Fauchery  jouée  aux  Variétés.  Trompée  par 
son  mari  pour  la  blonde  Géraldine,  une  étoile  d*opérette,  elle 
vient  un  soir  de  bal  masque  chez  l'actrice  pour  apprendre  par 
quel  majrique  pouvoir  ces  dames  conquièrent  et  retiennent  les 
maris  [;:II2J.  Ce  rôle,  d'abord  distribué  à  Uose  Mignon,  est  joué 
par  ^ana,  qui  s'y  montre  atrocement  mauvaise  [338].  (iVaiia). 

Héloîse.  —  Petite  actrice  des  Folies.  Déte  comme  une  oie, 
maib  très  drôle  [39].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Hennebeau.  —  Directeur  général  de  la  Compagnie  des 
mines  de  Monlsou,  comprenant  dix-neuf  fosses,  dont  treize 
pour  Texploilalion,  le  Voreux,  la  Victoire,  Crévecœur,  Mirou, 
Sainl-Tlionias,  Madeleine,  Feutry-Cantel,  d'autres  encore,  et 
six  j.our  l'épuisement  et  l'aérage,  comme  Réquillart, 
dix  niillti  ouvriers,  des  concessions  qui  s'étendent  sur  soixante- 
scj.l  communes,  une  extraction  de  cinq  niille  tonnes  par  jour, 
un  cheiuia  de  fer  reliant  toutes  les  fosses  [il].  Le  tout  appar- 
tient à  des  actionnaires,  des  gens  que  les  mineurs  n'ont  jamais 
vus.  No  dans  les  Ardcnnes,  M.  lleunebeau  a  eu  les  commen- 
cements dilliciles  d'un  garçon  pauvre,  jeté  orphelin  sur  le  pavé 
de  l'aris.  Après  avoir  suivi  [»éniblen,ent  les  cours  de  l'Ecole  des 
mines,  il  est  à  vingt-quatre  ans  parti  pour  la  Grand'Combe, 


DES  ROUCON-MACQUART  l'Xi 

comme  ingénieur  du  puits  Sainte-Barbe;  trois  ans  plus  tard, 
il  devient  ingénieur  divisionnaire  dans  le  Pas-de-Calais,  aux 
fosses  de  Maries,  et  c*est  là  qu'il  se  marie.  Le  ménage  habite 
la  même  petite  ville  de  proAnnce  pendant  quinze  ans;  un  désac- 
cord physique  et  moral  a  grandi  entre  les  époux,  lleuncbeau 
adore  sa  ff^mine  qui  le  dédaigne.  Après  avoir  ignoré  le  premier 
amant,  il  obtient  un  poste  à  Paris,  croyant  reconauérir  ainsi 
répDUse,  mais  Parts  achève  la  séparation  ;  les  dix  ans  que 
madame  Ih^nnebeau  y  passe,  dans  la  luxueuse  folie  de  Tépoque, 
sont  emplis  par  une  grande  passion  devant  laquelle  le  mari  se 
résigne,  désiirmé  par  la  tranquille  inconscience  de  celte  femme 
qui  prend  son  bonheur  où  elle  le  trouve.  Purs,  quand  Tamanl 
disparait,  laissant  sa  maitresse  malade  de  chagrin,  llennebeau 
accepte  la  direolion  des  mines  de  Montsou;  il  espère  encore  la 
corriger  là-bas,  dans  ce  désert  des  pays  noirs  [2:2 i]. 

Très  brun  de  peau,  le  visage  autoritaire  et  correct,  le  direc- 
teur inspire  une  crainte  hiérarchique  à  ses  dix  mille  ouvriers; 
i!  n'admet  pas  que  ceux-ci  se  plaignent,  il  leur  reproche  d'avoir 
été  gâtés  par  les  années  heureuses,  de  ne  pas  savoir  revenir 
à  leur  frugalité  ancienne,  maintenant  que  leur  salaire  de  six 
francs  est  réduit  de  moitié  [231].  D'ailleurs,  mal  renseigné,  il 
est  convaincu  que  la  grève  durera  une  semaine,  une  quinzaine 
viu  plus,  que  les  mineurs  vont  rouler  les  cabarets  et  retourne- 
ront aux  fosses,  quand  ils  auront  trop  faim.  Dans  ses  longues 
promenadtîsà  cheval,  à  travers  le  pays  en  grève,  il  ne  rencontre 
que  des  hommes  silencieux,  lents  à  saluer;  il  tombe  le  plus 
souvent  sur  des  amoureux  qui  se  moquent  de  la  politique  et  se 
bourrent  de  plaisir  dans  les  coins;  alors,  son  cœur,  toujours 
plein  de  la  fe:nnie  qui  ne  veut  pas  de  lui,  se  gonfle  d*un  besoin 
inassouvi,  à  travers  cette  goinfrerie  des  amours  libres  [299]. 
Volontiers,  il  crèverait  îif  faim  comme  ses  ouvriers,  s*il  pouvait 
recommencer  rexisteiicc  avec  une  amoureuse  qui  se  donnerait 
à  lui  sur  des  cailloux,  de  tous  ses  reins  et  de  tout  son  cœur 
[•^il  1].  A  riicurc  le  la  révolte  qui  va  ensanglanter  Montsou,  il 
découvre  un  nouvel  adultère,  c'est  maintenant  son  neveu, 
presque  son  îils,  le  petit  ingénieur  Négrel,  qui  est  l'amant  de 
madame  Ilenueboau.  et  pendant  qu'une  amertume  affreuse  lui 
empoisonne  la  bouche,  pendant  qu'il  est  hanté  par  réternellc 
douleur  de  l'exi^lence,  par  la  honte  de  lui-même  qui  désire 
toujours  cette  fe:inne,  il  entend  les  grévistes  l'injuriera  propos 
lie  ses  qn.iraiile  mille  francs  d'appointements,  le  traiter  de 
fainêauL  et  de  vt-ulru,  de  sale  cochon  qui  se  fout  des  indiges- 


lOG  lis  PEUSON.NAGES 

tions  de  bonnes  choses,  quand  Fouvrier  crève  de  faim  [397]. 
Devant  ce  nouveau  désastre  de  son  existence,  il  se  réfugie  dans 
la  stricte  exécution  des  ordres  reçus,  il  fait  de  la  discipline 
militaire  où  il  vit  sa  part  réduite  de  bonheur  [iil]. 

La  conQance  des  régisseurs  de  Montsou  semblait  ébranlée; 
il  a  regagné  leurs  bonnes  grâces  en  laissant  gâter  les  choses, 
en  n'évitant  pas  la  bagarre  qui  doit  provoquer  une  répression 
énergique  et  mettre  les  révoltés  à  la  raison.  Et  il  rentre  défini* 
tivement  en  faveur  par  son  habileté  à  dépouiller  Deneulin,  à 
livrer  à  la  Compagnie  de  Montsou  la  belle  proie  de  Vandame, 
guettée  si  longtemps  [501].  Après  la  grève,  il  reçoit  la  rosette 
d'officier  de  la  Légion  d'honneur,  il  continue  sa  vie  ravagée, 
acceptant  la  honte  du  ménage  à  trois  avec  Négrel  pour  éviter 
une  honte  plus  grande,  préférant  garder  son  neveu,  dans  la 
crainte  de  son  cocher  [55i].  {Germinal.) 

Hennebeau  (Madame^.  —  Femme  du  directeur  des  mines 
de  .Montsou.  C'est  la  fille  d'un  riche  filateur  d*Arras.  Élevée 
dans  le  respect  de  Targent,  elle  méprise  ce  mari  qui,  dans  les 
premières  années,  gagnait  des  appointements  médiocres  et 
dont  elle  n*a  tiré  aucune  des  satisfactions  vaniteuses,  rêvées  en 
pension.  D*une  sensualité  de  blonde  gourmande,  mais  froide 
avec  son  mari,  elle  a  eu  des  amants;  les  dix  ans  qu'elle  a 
passés  à  Paris  ont  été  emplis  par  une  grande  passion,  une  liaison 
publique  avec  un  homme,  dont  Tahandon  a  failli  la  tuer  [â2i]. 
A  .Montsou,  elle  tombe  en  une  langueur  d'ennui  et  se  fait 
consoler  par  le  neveu  de  son  mari,  Tingénieur  Paul  Négrel,  à 
qui  elle  se  livre  et  qu'elle  s'amuse  à  vouloir  marier;  dans  ses 
rapports  avec  lui,  elle  ne  voit  qu'un  joujou  de  récréation,  elle  y 
met  ses  tendresses  dernières  de  femme  oisive  et  finie  [226]. 

Madame  Hennebeau  est' une  grande  personne  blonde,  un  peu 
alourdie  dans  la  maturité  superbe  de  la  quarantaine.  Elle 
s'étonne  toujours  en  entendant  parler  de  la  misère  des  mineurs; 
est-ce  qu'ils  ne  sont  pas  très  heureux,  des  gens  logés,  chauffés, 
soignés  aux  frais  de  la  Compagnie.  Dans  son  indifférence  pour 
ce  troupeau,  elle  ne  sait  de  lui  que  la  leçon  apprise,  dont  elle 
émerveille  les  Parisiens  en  visite  dans  les  corons,  et  elle  a  fini 
par  y  croire  [234].  Pendant  l'émeute  de  Montsou  qui  gêne 
l'arrivée  de  victuailles  attendues,  elle  s'exaspère  contre  ces 
sales  ouvriers  qui,  pour  se  révolter,  choisissent  un  jour  où  elle 
a  du  monde  [39i].  (Germinal) 

Héquet  (Caroline).  —  Une  demoiselle  très  lancée.  Elle  est 


DES  nOUGON-MACgUAnT  197 

Dec  ù  Cordeaux,  d'un  petit  employé  mort  de  houte;  moins  sen- 
sible aux  préjugés,  sa  mère  tient  la  maison.  Caroline  a  TÎngt-cinq 
ans,  tîlle  est  très  froide  et  passe  pour  line  des  plus  belles  fem- 
mes qu'on  pui«se  avoir,  à  un  prix  qui  ne  varie  pas  [111].  Elle 
achète  à  un  prix  ridicule  la  Mi^nolte,  mise  en  vente  après  la 
fugue  de  Naiia  [262].  Pendant  la  guerre,  Caroline  Héquet  va 
s'installor  a  Londres  [518].  (Nana.) 

Héquet  (Madamk).  —  Mère  clo  CaroHtie.  Très  digne,  Tair 
empaillé  [8J.  C'est  une  femme  de  tôle  qui,  après  avoir  maudit 
sa  fille  tombée  dans  l'inconduite,  s*est  remise  avec  elle,  au 
bout  d'un  au  de  réflexion,  voulant  au  moins  lui  sauver  une  for- 
tune [III].  Pleine  d'ordre,  madame  Héqtict  tient  les  livres  de 
Caroline,  une  comptabilité  sévère  des  recettes  et  des  dépenses; 
elle  habile  à  deux  étages  nu-dessus  de  sa  fille,  un  étroit  logement 
où  elle  a  inMalIé  un  atelier  de  couturières,  pour  les  robes  et  le 
linge.  {Sana.) 

Herbelin.  —  Illustre  chimiste  dont  les  découvertes  révolu- 
t'.oauent  la  science.  Lazare  Chameau  est  préparateur  dans  son 
htboraloire  [70]  et  s'inspire  des  découvertes  du  savant  pourcon- 
C'fvoir  une  exploitation  en  grand  des  algues  marines  Lorsque 
Tasinc  tonclionne,  Herbelin  a  Tobligeance  de  se  détourner  d'un 
voya^TH  pour  visiter  les  appareils;  il  constate  l'échec  [101].  (La 
Joie  tic  vivre.) 

Herznellne.  —  Elève  de  rhétorique  au  collège  de  Plassans. 
Amoureux  de  sœur  Angèle,  il  se  fait  sur  les  mains  des  entailles 
au  canif,  pour  monter  à  l'infirmerie,  où  la  religieuse  lui  pose 
d-is  baii'Jes  de  talfetas  d'Angleterre.  L'élève  et  la  sœur  finissent 
par  s'enfuir  ensemble  [3G].  (LŒucre,) 

Hippol3rte.  —  Valel  de  chambre  des  Duveyrier.  Gaillard  os- 
seux, ù  la  ligure  plate,  aux  mains  humides,  grand,  fort,  la  mine 
tleurie.  Il  est  l'ainaul  de  Clémence,  qu*il  ne  peut  épouser  étant 
marié  ailleurs  [iOOJ.  Celte  liaison  connue  et  acceptée  des  maî- 
tres n'empêche  pas  Ilippolyte  de  coucher  avec  la  bonne  de  ma- 
dame Juzeiir,  une  enfant  de  quinze  ans  nommée  Louise  [337]. 
iPot-Bonilic.) 

Hippolyte.  —  Valet  de  chambre  des  Hennebeau.  Tremble 
devant  rêineiile  [102].  (Germinal.) 

Homme  noir  (L').  —  Une  légende  qui  fait  frémir  les  her- 
clieuses.  L'homme  noir  est  un  vieux  mineur  qui  revient  dans 
la  foss«;  et  qui  lord  le  cou  aux  vilaines  filles  [51].  (Germinal.) 

ri. 


198  LES  PERSONNAGES 

Honorine.  —  Femme  de  chambre  des  Grégoire.  Fille  d*une 
vingtaine  d*années,  qui  a  été  recueillie  enfanl  el  élevée  à  la 
maison  [80].  {Germinal.) 

Honorine.  —  Donne  des  Badeuil.  Chétive,  maigrichonne, 
l'air  pauvre  el  honteux.  Surprise  aux  brasd'un  homme  el  chassée 
par  M.  Charles,  elle  se  révolte  et  devient  insolente  [18^].  (La 
Terre.) 

Horn  (LÉA  de).  —  Une  jolie  fille,  poussée  sur  le  pavé  pari- 
sien [111].  Elle  a  un  snlon  politique,  où  d*anciens  ministres  de 
Louis  riiiiippe  se  livrent  à  de  fines  épigrammes.  Sous  TinHuen- 
ce  du  milieu,  Léa  trouve  que  la  guerre  de  Prusse  est  une  faute, 
une  folie  sanglante  [ôW],  (Nana») 

Horteur  (Abbé).  —  Curé  de  Bonne  ville.  Homme  trapu,  à 
grosse  encolure,  cheveux  roux,  nuque  brûlée  du  soleil,  gros 
souliers.  Payé  à  peine,  sans  casuel  dans  cette  petite  paroisse 
perdue,  il  mourrait  de  faim  s*il  ne  faisait  pousser  quelques  lé- 
gumes [25-1].  11  possède,  devant  l'église,  sur  le  terrain  du  cime- 
tière, un  potager  qu'il  cultive  lui-même,  vêtu  d'une  blouse  grise, 
chaussé  de  sabots  et  fumant  une  grosse  pipe.  L'ubbé  Hor- 
teur dine  tous  les  samedis  chez  Chanteau  et  se  livre  avec  lui  à 
d'interminables  parties  de  dames. 

Intelligence  bornée,  fils  de  paysans  au  crâne  dur  [.jO],  il  parle 
rarement  de  Dieu,  l'ayant  réservé  pour  son  salut  personnel  [256] 
et  se  souciant  fort  peu  du  salut  des  autres.  Ses  ouailles  lui  in- 
spirent un  profond  mépris.  11  les  a  menacées  de  l'abandon  de 
Dieu  et  les  malheurs  qui  accablent  le  village  le  laissent  insen- 
sible, car  il  n'y  voit  que  l'accomplissement  de  ses  prédictions. 
Pratijuant  lourdement  sa  religion,  il  éloigne  Pauline  du  confes- 
sionnal par  des  questions  et  des  commentaires  déplacés  [87]. 
Dérangé  un  soir  chez  les  Chanteau,  il  va  administrer  un  malade, 
le  trouve  mort  et  revient  tranquillement  achever  son  petit  verre 
['loi']-  {La  Joie  de  vivre.) 

Hoton.  —  Sucrerie  à  Montsou,  atteinte  dans  sa  prospérité 
parla  grève  des  mineurs [liÔ].  {Germinal.) 

Hourdec[uin  (Alexandre).  —  Fils  unique  d'Isidore.  .Né 
en  ISO».  Commence  d'exécrables  études  au  collège  de  Château- 
duii.  La  terre  le  passionne.  A  la  mon  de  son  père,  il  a  vingt-sept 
ans  et  devient  maître  de  la  Dorderie.  Alexandre  est  pour  les  mé- 
thodes nouvelles,  qui  exigent  des  caj'ilaux.  Aussi,  en  se  mariant, 
clicrohe-t-il  de  l'argent  el  non  du  bien.  Il  épouse  une  sœur  du 


DES  ROUGON-MACQUAKT  WJ 

notaire  Baillehache,  qui  lui  apporte  cinquante  mille  francs. 
Carre  des  épaules,  Iar*,'e  face  haute  en  couleur,  n*ayaut  gardé 
que  des  mains  petites  de  son  afûnement  de  bourprcois,  il  aime 
la  terre  d'une  passion  où  n'entre  pas  seulement  Tàprc  avarice 
du  paysan  ;  c'est  une  passion  sentimentale,  intellectuelle  presque, 
car  celte  terre,  il  la  sent  la  mère  commune,  qui  lui  a  donné  sa 
vie,  sa  substance,  et  où  il  retournera  [99J.  11  lui  apporte  son  ar- 
gent, son  existence  entière,  ainsi  qu'à  une  femme  bonne  et  fer- 
tile et  c'est  pour  la  mieux  féconder  qu'il  se  lance  dans  les  inno- 
vations, les  machines  que  ses  serviteurs  détraquent,  les  engrais 
chimiques  que  fraude  le  commerce. 

De  grands  mécomptes  intimes  l'ont  assailli,  il  a  vu  son  ûls 
Léon  s'engager,  il  a  perdu  sa  femme  et  sa  fille  et  s'est  trouvé 
brusquemtMii  seul,  Tavonir  fermé,  sans  l'encouragement  désor- 
mais de  travailler  pour  sa  race.  Mais  il  reste  debout,  violent  et 
autoritaire,  il  s'obstine  devant  les  paysans  qui  ricanent  de  ses 
inventions  et  souhaitent  la  ruine  de  ce  bourgeois  assez  auda- 
cieux pour  làter  de  leur  métier.  Il  mèno  une  vie  laige  de  gros 
bomn)e  sanguin,  décidé  à  ne  jamais  rester  sur  ses  appétits;  de 
tout  temps,  il  a  été  un  niùle  despotique  pour  ses  s(*rvantt'S,  et 
l'une  d'elles,  Jacqueline  Cognet,  a  fini  par  se  l'attacher,  le  pre- 
nant dans  sa  chair,  lui  mspirant  un  besoin  physique  irrésistible. 
.Mais,  au-dessus  de  cet  amour  où  il  s'acoquine,  dont  il  souffrira 
et  dont  il  mourra,  Alexandre  Hourdequin  garde  toujours  la 
passion  de  la  terre,  il  lutte  contre  le  libre-échange  qui  ruine- 
rait les  campagnes,  rêve  toujours  d'engrais  supérieurs,  adopte 
de  nouvelles  machines,  toute  sa  fortune  y  passe,  bientôt  la 
Dordcrie  ne  lui  donnera  plus  de  quoi  manger,  tant  l'agriculture 
soulTre.  Maire  de  llognes,  il  ne  rencontre  qu'hostilité  chez  les 
petits  agriculteurs,  il  doit  abandonner  son  écharpe,  et  il  pressent 
la  caUistroplie  qui  terminera  Tantagonisme  séculaire  de  la  pe- 
tite propriété  et  de  la  grande,  en  les  tuant  toutes  les  deux  [il'o]. 
Il  mciiil  dans  un  accident  provoqué  parTron,  un  de  ses  valets, 
ainaiilde  Jacijueliiie  [i81].  (Lrt  Terre.) 

Hourdequin  (Madame). —  Voir  Baillehache  (Mademoi- 

SELLC). 

Hourdequin  (Isidoue).  —  Bourgeois  de  Chàtcaudun,  né 
en  ITuT.  11  (itsceiid  d'une  ancienne  famille  de  paysans  de  ('Joyes, 
afiiiiûe  el  luonlce  à  la  bourgeoisie,  au  seizième  siècle.  Employé 
aux  ;îaîjjlîe%  orphelin  de  bonne  heure,  possédant  une  soixan- 
taine de  niiile  francs,  il  a  été  privé  de  sa  place  parla  liévolulion 


i!)0  LES  PEIISONNACES 

i't  n  SU  fiiire  fortune  dans  les  biens  nationaux.  Il  a  payé  trente 
mille  francs,  le  cinquième  de  leur  valeur,  les  cent  cinquante 
hectares  de  la  Borderie,  ancien  domaine  des  Hognes-Bouqueval, 
pas  un  paysan  n*ayant  osé  risquer  ses  écus.  Isidore  avait  seule- 
ment rêve  une  spéculation,  mais  la  dépréciation  de  la  terre  ne 
cessant  pas,  il  a  gardé  le  bien  et  s*est  marié  avec  la  fille  d'un 
fermier  voisin,  qui  lui  apportait  cinquante  hectares  ;  il  est 
défiuilivemenl  revenu  à  la  culture,  abandonnée  depuis  trois 
siècles  par  sa  famille;  maii  il  s*est  consacré  à  la  grande  culture, 
l'aristocratie  du  sol,  qui  remplace  Tancienne  toute-puissance 
féodale  [87J.  Il  meurt  en  I83i.  {La  Terre  ) 

Hourdequin  (Léon).  — Fils  dWlcxandreHounlequin.  S'est 
cng^ngé  par  haine  de  la  terre  et  a  été  fait  capitaine,  après  Solfe- 
rino  [87J.  Ne  se  montre  même  pas  une  fois  pur  an.  Ayant  surpris 
le  iiiaiiAge  de  Jacqueline  Cognet,  qui  fait  du  maître  la  risée  de 
la  ferme,  i!  veut  tenter  le  jeu  classique  de  se  laisser  surprendre 
avec  la  fille  pour  obtenir  qu'elle  soit  chassée.  Mais  cette  fme 
mouche  sait  lui  résister  et  elle  brouille  irrémédiablement  le  père 
et  le  fils  [i38].  (La  Terre,) 

Hourdequin  (Mademoiselle).— Deuxième  enfant  dWlexan- 
dre  Hourdequin.  Jeune  fille  délicate  et  charmante,  tendrement 
aimée  de  son  père.  Elle  sera  héritière  de  la  Borderie,  puisque 
Tainé  a  voulu  courir  les  aventures.  Mais  elle  meurt  jeune,  peu 
de  temps  après  sa  mère  [S7J.  {La  Terre.) 

Houtelard  (Famille).  —  Pécheurs  de  Bonneville.  Famille 
aisée,  possédant  la  plus  grande  barque  du  pays  [i26J.  .\ varice 
épouvantable,  dans  une  saleté  sans  nom.  Houtelard,  après  avoir 
tue  sa  femme  de  coups,  a  épousé  sa  bonne,  une  affreuse  fille 
plus  dure  que  lui  [127].  Le  gamin,  battu  par  eux,  va  chez  Pau- 
liiK.'  Quenu  mendier  chaque  semaine  des  secours  et  des  médica- 
ments. Au  lendemain  de  Tenlerrement  de  madame  Chanteau,  une 
tempête  détruit  la  maison  des  Houtelard  [2iU],  qui  s'installent 
alors  dans  une  vieille  grange  vingt  mètres  en  arrière  [269]  et 
vivent  dans  un  cloaque  en  se  vengeant  sur  le  petit  ['271].  Hou- 
ttflard,  parti  en  mer  un  soir  de  gros  temps,  est  englouti  avec 
sa  barque  et  son  matelot.  Le  fils,  maintenant  âgé  de  vingt  ans, 
d'allure  triste  et  peureuse  tournée  à  de  la  sournoiserie,  vit 
ouvertement  avec  sa  belle-mère  |423].  {La  Joie  de  vivre,) 

Hubert.  —  A  recueilli  Angélique  Marie,  fille  non  déclarée 
de  Sidonie  Bougon.  Il  possède  à  Beaumont  une  étroite  maison  à 


DES  ROUGON-MACQUAKi  201 

un  seul  étage,  très  ancienne,  bâtie  vers  la  fin  du  xv*  siècle,  et 
qui  touche  au  transept  nord  de  la  cathédrale.  La  lignée  des 
Hubert  habite  cette  maison  depuis  quatre  cents  ans.  L'Hubert 
actuel  y  brode  des  chasubles,  comme  tous  ceux  de  sa  race.  A  la 
vingtième  année,  il  s'est  épris  d'une  jeune  Glle  de  seize  ans, 
Ilubertine,  et  Ta  aimée  d*une  telle  passion  que,  sur  le  refus  de 
la  mère,  il  Ta  enlevéei  puis  épousée.  Mais  ce  mariage  furtif  a 
été  frappé  de  stt'^ilité,  comme  en  punition  de  la  faute  origi- 
nelle. Depuis,  le  grand  amour  des  Hubert  semble  s'être  élargi 
dans  un  incurable  remords.  Lui  passe  les  jours  à  tâcher  d'ef- 
facer de  sa  mémoire,  à  elle,  l'injure  qu'il  lui  a  faite  en  la  pre- 
nant sans  le  consentement  maternel,  et  l'unique  désir  d'Hubert 
est  d'obtenir  un  fils,  l'enfant  du  pardon.  11  vit  aux  pieds  de  sa 
femme  dans  un  culte,  une  de  ces  passions  conjugales,  ardentes 
et  chastes  comme  de  continuelles  fiançailles  [:27]. 

C'est  là,  dans  cette  fraîche  maison,  toute  pleine  do  tendresse 
et  d'amour,  frileusement  enclavée  entre  deux  contreforts  de 
l'église  colossale,  que  sera  élevée  Angélique,  trouvée  un  matin 
sous  la  neige,  d»irrière  le  pilier  de  sainte  .Agnès.  Agé  dequa- 
rante^cinq  ans,  Hubert  a  un  visage  tourmenté,  le  nez  en  bec 
d'aigle,  le  front  bossu  couronné  de  cheveux  épais  et  blancs 
déjà  ;  il  a  une  grande  bouche  tendre.  C'est,  au  fond,  un  pas- 
sionné ;  il  écoule  .Angélique  lire  les  légendes,  il  frémit  avec 
elle,  une  fièvre  de  l'au-delà  l'emporte  aisément,  lui  aussi,  au 
moindre  souffl:;  [-31].  Mais  la  saine  raison  d'Hubertine  le 
ramène  toujours  sur  la  terre;  comme  sa  femme,  il  se  soumet  à 
l'implacable  destin  et,  comme  elle,  récompensé,  il  connaîtra 
l'immense  bonheur  delà  rédemption  [301].  (Le  liéve.) 

Hubertine.  —  Femme  de  Hubert.  A  seize  ans,  d'une 
beauté  merveilleuse,  elle  a  clé  aimée  de  lui  et,  comme  sa  mère 
veuve  d'un  magistrat,  refusait  de  In  donner,  elle  s'est  laissé 
enlever.  Huit  mois  plus  tard,  mariée  et  enceinte,  elle  est  venue 
au  lit  de  mort  de  sa  mère,  celle-ci  l'a  déshéritée  et  maudite, 
si  bien  que  l'enfant,  né  avant  terme  le  même  soir,  est  mort. 
El  depuis,  au  cimetière,  l'entélée  bourgeoise  n'a  pas  pardonné, 
car  le  ménage  n'a  plus  eu  d'enfant,  malgré  son  ardent  désir. 
Après  viiigl-qualre  années,  les  Hubert  pleurent  encore  le  fils 
({u'ils  ont  perdu,  ils  désespèrent  maintenant  de  jamais  fléchir 
la  morte  [7]. 

Hubertine,  à  quarante  ans,  est  toujours  très  belle,  c'est  une 
brune  forte,  au  calme  visage.    D'un  tendre  accord   avec  son 


20*  LES  PEUSONNAGE^ 

mari,  elle  a  recueilli  Angélique  àgte  d«î  neuf  ans.  Pour  éviter 
les  mauvaises  fréquenlations  de  Técule,  elle  se  cliarpre  de  com- 
plélt'r  l'éducation  de  Tenfanl,  prali(]uant  d'ailleurs  celte  opinion 
ancienne  qu'une  femme  en  sait  assez  long  quand  elle  met  Torlho- 
graphc  el  qu'elle  connaît  les  quatre  règles  [-2*].  Peu  à  pt3U,  elle 
prend  de  Tautorité  sur  Angélique,  âme  fanlasqu*  pleine  de 
sursauts  brusques,  d'orgueilleuses  colères  suivies  di  repentirs 
cxallés.  llubertine  est  faite  pour  cette  éJucalion,  avec  la  bon- 
homie de  son  âme,  son  grand  air  fort  et  doux,  son  '.sprit  droit, 
d'un  parfait  équilibre  [25],  A  chaque  révolte  de  rcnfant,  en  qui 
bouillonne  l'ardeur  héréditaire,  ellelui  appr«'nd  l'h:. milité. Rai- 
sonnnbli:,  elle  condamne  Texagération,  même  dam  les  bonnes 
cho-es  [.'»1»|.  Inquiète  des  vagues  son,«'f*ries  d'Angélique,  qui 
voudrait  épouser  un  prince  [60],  elle  s'est  éu)ue  «Je  la  voir 
aimer  le  lils  de  nïonseigneur,  elle  lui  montre  rirrénlisable  de 
sa  chimère  [i^Ui]  et  lui  conte,  d'un  joufile  trembla;.:,  la  triste 
histuire  de  sa  propre  union,  montrant  qu'il  ne  faut  rien  mettre 
dans  son  existence  dont  on  puisse  soulïrir  plus  tard  [-200],  El 
pour  enterrer  le  mariage  impossible,  elle  sépare  Angélique  el 
Félicien  f»ar  des  mensonges  ;  devant  cette  vierge  q'ii  agonise, 
elle  est  pleine  de  douleur  et,  cependant,  ne  regretter  rien,  pré- 
fèraiii  l'enfant  morte  à  l'enfant  révoltée  [^Ti], 

3Iais  un  double  miracle  va  s'accomplir.  Lorsque  monseigneur 
a  rer.du  la  vie  à  Angélique,  quand  s'est  réalisée  i  impossible 
chimère,  llubertine,  dans  une  suprême  visite  à  la  to:j;be  maler- 
iielle.  après  avoir  longtemps  supplié,  seul  en  elle  un  choc  sou- 
dain. Du  fond  de  la  terre,  après  trente-ctns,  la  morte  obstinée 
pardonne;  elle  envoie  aux  Hubert  l'enfant  du  pardon,  si  ardem- 
ment ilésiré  et  attendu.  Et  c'est  la  r'^comp^nse  de  la  charité, 
de  celle  pauvre  créature  de  misère,  recueillie,  un  jour  de  neige, 
à  la  porte  de  la  cathédrale,  aujourd'hui  mariée  à  un  prince, 
dans  toute  la  pompe  des  grandes  cérémonies  [301].  'Le  llihe,) 

Hue.  —  In  amateur  de  peinture,  ancien  chef  de  bureau,  un 
:1e  ce^  bourgeois  détestés  qui  ont  des  âm-s  d'artistes,  dans  les 
liabilu  les  maniaques  où  ils  s'enferni»MU.  Pas  assez  riche  pour 
achel'T  toujours,  il  ne  peut  que  sela:iicnler  sur  rav»;uglem«='nl 
du  })ublic,  qui,  dans  la  personne  de  Clan  ic  Lnnlier.  laisse  une 
lois  de  plus  le  génie  mourir  de  faim,  i^onvain-ni,  frar:»è  dès  le 
premier  coup  d'œil,  il  a  choisi  les  n.-uvres  les  plus  rudes  de 
larliste  et  b'S  a  pendue>  à  côté  de  ses  D-^iacroix,  en  leur  pro- 
}»hélisani  une  fortune  égale  ['278].  {L'Œuvre.) 


DES  UOUGON-MACQUART  203 

Hugon  ^Madame). — Mère  Je  Philippe  et  de  Georges  Hugon. 
£11-.*  c>l  veuve  d'un  notaire,  vit  retirée  aux  Fondeltes,  une  an- 
cienne propriété  de  sa  fuiniile,  près  d'Orléans,  et  a  conservé  un 
pie<l-à-lcrre  à  Paris,  dans  une  maison  qu'elle  possède  rue  de  Ui- 
chclieu.  Autrefois  grande  amie  de  la  marquise  de  Cliouard,elie  a 
vu  naître  l:i  comtesse  Sabine  et  elle  la  tutoie.  Madame  Hugon  a 
une  figure  maternelle,  éclairée  d*un  bon  sourire,  entre  ses 
larg'es  bandeaux  de  cheveux  blancs  [79].  Ame  irréprochable  et 
pieuse,  esprit  tolérant,  elle  estime  qu'on  doit  pardonner  beau- 
coup aux  autres  lorsqu'on  veut  soi-même  être  digne  de  pardon 
[îii].  et  ce  beau  sentiment  d'honnête  femme  fait  contraste  avec 
le  rif  orismo  afîecté  du  vieux  marquis  de  Chouard,  perdu  de 
vicias  lioiiicux.  Pourtant,  madame  Hugon  s'exaspère  devant  les 
excentricités  «le  Nana,  sa  voisine  de  campagne;  elle  sent  vague- 
ment le  malheur  que  va  lui  apporter  cette  fille,  acculant  Phi- 
lippe au  déshonneur  [IGOJ  et  Georges  au  suicide  [170].  {Nana.) 

Hugon  (Georges).  —  Fils  cadet  de  madame  Hugon.  Un 
jeune  Iiomme  de  dix-sept  ans,  aux  beaux  yeux  de  chérubin.  Il 
est  joli,  «an^  un  poil  de  barbe.  La  vue  de  Nana  presque  nue, 
dans  son  rôle  de  la  Blonde*  Vénus,  Ta  enflammé;  il  se  présenle 
chez  tile.  Tainuse  par  sa  figure  gamine  et  son  ardeur  précoce  et 
se  met  à  vivre  ilans  Tombre  de  la  jolie  fille.  Elle  rappelle  Zizi. 
Un  jour  ra'il  est  venu  la  rejoindre  à  la  Mignolte  et  que,  trempé 
jusqu'aux  os.  il  a  dû  revêtir  une  chemis»?,  un  pantalon  et  un  pei- 
gnoir Je  l'actrice  [102],  leur  jeu  ressemble  à  celui  de  deux  amies 
qui  se  lajuiiient  et,  sans  presque  s'en  apercevoir,  Nana  devient 
sa  m  ilresse.  Le  hasard  malheureux  dune  rencontre  a  appris 
à  ma  Ijiiie  Hugon  Tinconduite  de  son  fils,  elle  Ta  enfermé  aux 
Fonfl"tle<,  ii]ai<  quelques  mois  de  réclusion  ne  font  qu'exaspé- 
rer le>  s.:is  'Je  Georges;  il  se  soulage  chaque  semaine  dans  des 
paire?  1m  lUu.les,  auxquelles  Nana  répond  par  la  plume  de  Fon- 
ta:i  =  û"<'2\ 

Le  vice  cît.»  Zizi  se  trempe  d'une  tendresse  infinie,  d'une 
aioratio.i  s.nsr.elle  où  tout  son  êire  se  donne.  Si  la  présence 
des  aiiiaiiis  ï-^ririux,  Sieincr,  Muilat,  Vandcuvres  laisse  indilïé- 
rent  ce  ^ar<  on  qui  n'a  même  pas  un  sou  pour  acheter  des  bou- 
quets, il  s'eur  i^c  de  jalousie  contre  son  frère  Philippe.  t]elui-ci 
a  |»ro.»0;é  à  Nana  de  l'épouser;  afl'olé,  Georges  fait  la  uiénic 
o:iro  •'!,  couine  la  courtisane  se  reluse  jusqu'au  bout  à  le 
prcu-ire  au  -'Mieux,  comme  elle  le  traite  en  gamin  néglijjeable, 
il  s'ei.ionco  résolument  des  ciseaux  dans  la  poitrine.  Emporté 


eOi  LES  PERSONNAGES 

par  sa  mère,  il  a  laissé  sur  le  tapis  une  tache  de  sang  qui,  au 
dire  de  Nana,  s'en  ira  sous  les  pieds  [i73j.  Et  peu  de  mois 
après,  Zizi  meurt;  les  uns  parlent  d'une  blessure  rouverte, 
les  autres  racontent  un  suicidfi,  un  plongeon  du  petit  dans  un 
bassin  des  Fondettes  [501].  (Nana.) 

Hugon  (Philippe).  —  L'aîné  de  madame  Hugon.  Un  grand 
gaillard  qui,  après  s'être  engagé  par  un  coup  de  tête,  est  arrivé 
très  vite  au  grade  de  lieutenant  [78].  Il  est  très  grand,  très 
fort,  gni,  un  peu  brutal  [348].  D'abord  en  garnison  à  Bourges, 
puis  à  Vincennes,  il  a  été  imprudemment  chargé  par  sa  mère 
d'aller  reprendre  son  jeune  frère  Georges,  englué  chez  Nana. 
Celle-ci  séduit  immédiatement  Philippe,  qui  en  arrive  bientôt 
aux  pires  folies.  Tout  en  étant  pour  lui  une  maîtresse  désinté- 
ressée, ne  demandant  jamais  de  fonds,  elle  lui  vide  les  poches 
à  chaque  visite,  car  la  maison  est  constamment  à  court  (i*argent. 
Ce  sont  de  petits  prêts  qui  s'accumulent,  et  comme  madame 
Hu^'on,  pour  obliger  ses  fils  à  la  vertu,  tient  sa  bourse  fermée, 
comme  Philippe  est  devenu  capitaine-trésorier,  il  puise  dans 
la  caisse  du  régiment.  Dès  ce  moment,  il  maigrit,  il  est  distrait, 
il  a  une  ombre  de  tristesse  sur  la  face,  mais  un  regard  de  Nana 
suflit  à  le  transfigurer,  dans  une  sorte  d'extase  sensuelle  [457]. 
Longtemps,  ses  fraudes  ont  réussi  grâce  aux  négligences  du 
conseil  d'administration;  il  finit  cependant  par  être  arrêté, 
ajMvs  avoir  volé  douze  mille  francs  à  l'État  [461].  Quelques 
mois  après,  à  jamais  déshonoré,  il  sort  de  prison  et  retrouve 
sa  mère  an  lit  de  mort  du  pauvre  Georges,  autre  victime  de  l'in- 
souciante  Mouche  d'Or.  (Nana.) 

Huguenin.  —  Occupait  une  sinécure  de  six  mille  francs  au 
ministère  de  l'intérieur.  Lorsqu'il  meurt  [270],  le  ministre 
Ilongon  donne  son  emploi  d'inspecteur  à  Léon  Béjuin.  (Son 
Excellence  Eugène  Bougon.) 

Hupel  de  La  Noue.  —  Préfet  du  second  Empire,  très 
mondain,  passant  huit  muis  de  l'année  à  Paris  [:29].  11  conte  les 
liiïluires  scabreuses  d'une  façon  très  piquante  [SCJ,  se  mêle  de 
littérature  aimable  et  a  composé  un  poème  en  trois  tableaux, 
les  Amours  du  beau  Narcisse  et  de  la  nymphe  Écho,  qu'on 
représente  chez  Saccard  et  que  l'auteur  a  mis  en  tableaux 
vivants  pour  ne  pas  alourdir  par  des  vers  un  sujet  si  noble 
[•274] .  Ce  préfet  aimé  des  dames  a  déployé  dans  sou  départe- 
ment une    telle   vigueur   pour    Télection  de  Mareuil  que  les 


DES  ROUGON-MACQUART  SOS 

autres  candidats  n*ont  pu  même  afficher  leur  profession  de 
foi  ni  distribuer  leurs  bulletins  [243].  {La  Curée.) 

Huret.  —  Député  au  Corps  législatif.  C'est  un  Normand  à 
figure  épaisse  et  large  de  paysan  rusé,  qui  joue  l'homme  simple. 
Cré«iture  d*Eugéne  Rougon,  à  qui  il  doit  sa  candidature  oflicielle, 
son  élection,  sa  situation  de  domestique  bon  à  tout  faire,  vivant 
des  miettes  de  la  faveur  du  maître,  il  arrondît  à  ce  métier  ses 
vastes  terres  du  Calvados,  avec  la  pensée  d*y  retourner  et  d'y 
trôner  après  la  débâcle  du  régime  [103].  Il  est  Tami  d'Eugène 
Rougon  et  d'Aristide  Saccard,  l'intermédiaire  entre  les  deux 
frères,  et,  tirnnt  de  là  sa  fortune,  il  ne  voudrait  se  fâcher  avec 
aucun  dVux.  Chargé  d'agir  sur  Rougon  pour  la  création  de  la 
Banque  Universelle,  il  lui  prête  des  mots  favorables  el,  sommé 
plus  tard  d'obtenir  des  confidences  utiles  aux  coups  de  Hourse, 
il  fouille  tranquillement  dans  les  papiers  diplomatiques  secrets 
[200].  D'ailleurs,  aux  jours  difficiles,  Huret  saura  lâcher 
Saccard  et  rentrer  en  grâce  auprès  de  Rougon.  Il  aura  royale- 
ment rempli  ses  poches  d'entremetteur.  (L'Argent,) 

Hutin.  —  Employé  à  la  soierie,  au  Bonheur  des  Dames. 
Petit,  aimable  et  gras,  il  joue  la  bonhomie.  C'est  le  fils  d*un 
cafetier  d  Yvetot;  il  a  su  en  dix-huit  mois  devenir  un  des  pre- 
miers venieurs,  par  une  souplesse  de  nature,  une  continuelle 
caresse  de  flatterie  qui  cache  un  appétit  furieux,  mangeant  tout, 
dévorant  le  monde,  même  sans  faim,  pour  le  plaisir  [56].  Dans 
la  bataille  de  la  vente,  il  se  promène  devant  les  comptoirs,  les 
dents  longues,  voulant  sa  part,  jalousant  le  voisin.  Bon  étala- 
giste, hâté  de  parvenir,  il  rêve  de  supplanter  le  second,  Robi- 
neau;  opérant  de  son  air  aimable,  il  le  mine  sourdement  et 
parvient  à  ameuter  contre  lui  le  rayon  entier;  il  le  chasse  ainsi 
à  force  de  mauvais  vouloirs  et  de  vexations.  Plus  tard  le  bilieux 
Favier,  qu'il  a  beaucoup  mis  eu  avant  pour  cette  besogne,  le 
mangera  à  son  tour. 

Hutin  Canote  et  entretient  des  chanteuses  de  cufé-concert. 
Entre  lui  et  le  gantier  Mignot,  il  y  a  une  rivalité  de  jolis  iiommos 
qui  se  vai.tenl  de  bonnes  fortunes  dans  la  clientèle;  mais  le 
soyeux  n'a  «.onquis  véritablement  qu'une  passementière,  lasse  de 
traîner  dans  les  Lôtels  louches  du  quartier  [120].  Il  afi'ecte  de 
mépriser  l^'S  vendeuses  ;  sans  un  mol  maladroit  d'Henri  Deloche, 
il  aurait  toujours  ignoré  l'amitié  na'ive  que  lui  a  vouée  jadis 
Denise  llaudu.  Devenu  second,  Hutin  se  révèle  terrible,  d'une 
sévérité  hargneuse:  le  rayon  se  ligue  maintenant  pour  pousser 


toij  LES  PERSONNAGES  DES  ItOUGON-MACQUART 

l'avicr  contre  lui,  tandis  que  lui-même  dévore  soui 
Jjoulliemont,  dans  le  Lut  obstiné  de  prendre  sa  place  { 
a  quille  riiôlel  de  Smvme,  rue  Sainle-Anne,  pour  pre 
apparUMucnl  de  trois  pièces;  il  a  lâché  les  chanleuses  e 
niaiiilonanl  des  inslitulrices  [3i'i].  Pretnier  au  départ  i 
lliemont,  sentant  que  Favier,  plus  fort  que  lui,rélimin< 
il  a  le  lalenl  de  se  faire  enlever  au  Donheur  des  Uai 
madame  Dcsfor;;;^es.  qui  va  le  placer  aux  Qua Ire-Saison 
{Au  Bonheur  des  Dames.) 

Kutin  (Madame).  —  Habile  le  quartier  des  Halles, 
une  ft^miiie  n'échappe  à  l'œil  pénéirant  de  mademoisell 
Au  dire  de  celle-ci,  madame  Hutin  est  une  pauvre  petite 
c]ue  son  mari  néglige  [311].  {Le  Ventre  de  Paris.) 


Isabelle.  —  Personnage  de  la  Petite  Marquise,  pièce  de 
rauchery,  jouée  aux  Variélés.  Le  rôle  est  distribue  à  Simonne 
Cal.lrochc  [307].  (Nana.) 


J 


Jabouille.  —  Herboriste  rue  du  Cherche-Midi.  Un  petit 
homme  )>àlol,en  train  de  cracher  ses  poumons  [77J.  Étant  veuf, 
il  s*est  remarié  avec  Mathiide,  et  son  herboristerie,  autrefois 
prospère,  grâce  à  la  clientèle  pieuse  du  quartier,  s'est  mise  à 
péricliter  en  même  temps  que  lui  [83].  Mahoudeau  et  Chaîne  le 
tuent  sAns  le  vouloir  :  un  soir  que  ce  cocu  phtisique  a  une 
syncope,  sa  femme  les  appelle  et  les  deux  hommes  se  mettent 
a  le  frictionner  si  dur,  qu'il  leur  reste  dans  les  mains  [213]. 
(LŒucrc) 

Jabouille  (Matiiilùe).  —  Femme  de  l'herboriste.  On  la 
nomme  familièrement  Malhilde.  Elle  a  trente  ans,  elle  est 
brune,  la  figure  plate,  ravagée  de  maigreur,  avec  des  yeux  de 
passion,  aux  paupières  violAlres  et  meurtries.  Sou  rire  montre 
les  trous  noirs  de  sa  bouche,  où  manquent  plusieurs  dents,  et 
elle  est  ainsi  laide  à  inquiéter,  dévastée  déjà,  la  peau  cuite, 
collée  sur  les  os.  Une  senteur  fqrte  s*exhale  d'elle,  la  senteur 
des  simples  dont  sa  robe  se  trouve  imprégnée  et  qu'elle  apporte 
dans  sa  chevelure  grasse,  défrisée  toujours  ;  il  semble  que  son 
haleine  souffle  la  flamme  de  la  menthe  poivrée.  Ce  sont  les 
prêtres,  dit-on,  qui  l'ont  mariée  au  petit  Jabouille.  Ou  aperçoit 
parfois  de  vagues  ombres  de  soutanes,  traversant  le  mystère  de 
la  boutique;  il  y  règne  une  discrétion  de  cloître,  une  onction 
de  sacristie,  dans  la  vente  des  canules;  et  les  dévotes  chu- 
chotent là  comme  au  confessionnal,  glissent  des  injecteurs  au 
fond  de  leur  sac,  puis  s'en  vont,  les  yeux  baissés.  Par  malheur, 
des  bruits  d'avortement  ont  couru.  Bien  que  Mathilde  ait  de  la 
religion,  la  clientèle  pieuse  l'abandonne  peu  à  peu,  Irouvpnt 
qu'elle  s'affiche  trop  avec  des  jeunes  gens,  maintenant  que 
Jabouille  tousse  à  rendre  l'âme,  réduit  à  rien,  la  chair 
finie  [81]. 

18 


21}  LES  PEKSONNACtS 

C^'tle  femme  ardente  se  partage  entre  Mahoudeau  et  Chaîne; 
on  la  rencontre  souvent  dans  leur  atelier,  où  elle  s'oiïre  ù  tous 
los  honnnes.  C'est  là  que  Jory  la  tente  pour  la  piemicre  fois, 
avec  sa  fraîcheur  de  poulet  gras  et  son  grand  nez  rose  qui 
prouet.  Après  la  mort  de  Jahouille,  elle  relonihe  à  la  dévo- 
tion, ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  scandaliser  le  quartier. 
L'htrrhoristerie  glisse  alors  à  un  abandon  de  ruines;  Mathildene 
paye  plus  personne,  elle  en  arrive  à  s'économiser  les  frais  d'un 
ouviier,  en  confiant  à  Chaîne  la  réparation  des  injecleurs  et 
des  seringues  que  les  dévoles  lui  rapportent,  soigneusement 
dissimulés  dans  des  journaux.  Elle  a  maigri  encore,  la  face 
éck;]>oussée  de  sang  sous  la  peau,  avec  ses  yeux  de  llamrae,  la 
bouciie  élargie  par  la  perte  de  deux  autres  dents;  ses  odeurs 
d'aruniatcs  ont  ranci.  Ce  n'est  plus  seulement  Chaîne  et  Ma- 
bouleau,  c'est  Jory,  Gagniére,  toute  la  bande  qui  défile  chez 
elle,  chacun  à  son  tour,  plusieurs  même  à  la  fois  si  Ton  trouve 
ça  )'!us  drôle  et, derrière  le  rempart  des  bandages  et  des  clyso- 
poii.ies,  sous  les  fleurs  à  tisane  qui  tombent  du  plafond, 
de  vrais  horreurs  se  passent,  des  choses  épatantes,  renouve- 
lées lies  Piomains  [227]. 

.M  ihilde  s'envole  brusquement,  enlevée  par  Jory,  cachée 
par  lui  au  fond  d'un  logement  discret.  Elle  le  nourrit  à  crever 
de  petits  plats,  Tubétit  de  caresses  amoureuses,  le  gorge  de 
tout  'jc  qu'il  aimeet  finit  parle  tenir  cloîtré,  despotiquemenl  [3i2]. 
néduit  à  une  obéissance  peureuse  de  petit  garçon,  Jory  devenu 
riclic  la  supplie  de  se  laisser  épouser,  elle  refuse  fièrement 
penù  <nt  six  mois  et  condescend  enfin  à  lui  donner  sa  main. 
Dès  iors,  une  épouse  autoritaire,  affamée  de  respect,  dévorée 
d'aiiiidtion  et  de  lucre,  se  dégage  de  l'ancienne  gou!e  impu- 
dique; elle  ne  le  trompe  même  pas,  d'une  vertu  aigre  de 
femijie  honnête,  oublieuse  des  pratiques  d'autrefois,  qu'elle  a 
gardées  avec  lui  seul,  pour  en  faire  l'instrument  conjugal  de  sa 
l'iiiïsance  [4O8].  El  Jovy  la  produit  dans  le  monde. 

El.e  est  devenue  1res  grasse,  ronde  et  blonde,  de  maigre  et 
liiùie  qu'elle  était.  Sa  laideur  inquiétante  de  fille  ss  fond 
ùau-  une  enflure  bourgeoise  de  la  face,  sa  bouche  aux  trous 
i.oii.-  iDonlre  maintenant  des  dents  trop  blanches,  quand  elle 
veut  bien  sourire,  d'un  retroussemenl  dédaigneux  des  lèvres. 
Et  Ks  amis  de  jadis  ricanent  en  regardant  celle  bouche  si 
ii'e:  ijjeublêe  aujourd'hui,  et  qui  jadis  ne  pouvait  pas  mordre, 
hcui  jusemciil  [140].  Mathilde  est  respectable  avec  exagération, 
se?    jaiaiitc-cinq  ans  lui  donnent  du  poids,  à  eûié  lie  son  mari 


DES  UOUGON-MACQUAKT  iW 

plus  jeune,  qui  semble  ôtre  son  neveu.  La  seule  chose  rpi'elle 
garde  esl  une  violence  de  parfums,  elle  se  noie  des  essences  les 
plus  fortes»  comme  si  elle  tentait  d*arracher  de  sa  peau  les 
odeurs  dont  Therboristerie  Tavait  imprégnée  [43S].  Elle  affecte 
une  familiarité  mondaine  avec  Henriette  Sandoz,  salue  d*un 
petit  geste  sec  Christine  Lantier  dont  le  passé  lui  parait  dou- 
teux, dine  sans  sourciller  à  côté  des  anciens  habitués  de  son 
arriére-boutique,  et  cette  farceuse  sur  le  retour,  cette  vieille 
gaupe  engraissée,  parle  musique  avec  langueur,  roucoulant  et 
se  chatouillant  avec  du  Beethoven  et  du  Schumann  [i53]. 
{IJ  Œuvre.) 

Jacoby.  —  Agent  de  change,  beau-frère  de  son  collègue 
Delarocque.  C'est  un  juif  de  Bordeaux,  un  grand  gaillard  de 
soixante  ans,  à  large  figure  gaie,  dont  la  voix  mugissante  est 
célèbre,  et  qui,  en  vieillissant,  devient  lourd,  empâté.  Ancien 
fondé  de  pouvoir,  à  qui  des  commanditaires  ont  enfin  permis 
d  acheter  la  charge  de  son  patron,  il  est  d'une  pratique  et 
d*une  ruse  extraordinaires,  mais  se  per*!  malheureusement  par 
sa  passion  du  jeu,  toujours  à  la  veille  dune  catastrophe,  mal- 
gré des  gains  considérables.  Germaine  Cœur,  qu^il  entretient 
au  mois  et  qu*il  remplacera  plus  tard  par  une  écuyère  de 
rHi|ipodronii',  ne  lui  coûte  que  quelques  billets  de  mille  francs. 
On  ne  voit  jamais  sa  femme  [89].  A  la  Bourse  où  une  rivalité 
s'est  posée  entre  lui  et  Mazaud,  il  est  l'ugent  des  baissiers 
contre  la  Banque  Universelle  [337].  {VArgeni.) 

Jalaguier  (Madame).  —  Protégée  de  madame  Correur. 
Grâce  à  l'appui  de  celle-ci  auprès  du  ministre  Bougon,  la  pen- 
sion de  madame  JaLiguier  est  portée  à  dix-huit  cents  francs  [280]. 
{Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Jalaguier  fils.  —  Bladame  Correur  le  protège  auprès 
d'Eugène  Rougon  et  sollicite  pour  lui  une  bourse  d'études  [212]. 
(.Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Jantrou.  —  U'idacteur  en  chef  de  YEspérance,  C'est  un 
ancien  proft'sseur,  venu  de  Bordeaux  à  Paris,  obligé  de  quitter 
ri'niversil»*»,  à  la  suiie  d'une  histoire  louche.  Beau  garçon, 
avec  sa  large  barbe  noire  et  sa  calvitie  précoce,  d'ailleurs 
intelligent  et  aimable,  il  est  débarqué  à  la  liourse  vers  vingt- 
huit  ans,  s  y  est  traîné  et  sali  pendant  dix  ans  conimc  remisier, 
n'y  gagnant  guère  que  l'argent  nécessaire  à  ses  vices,  essuyant 
les  rebuffades  des  clients,  traité  à  coups  de  pied  par  le  comte 


»A.— , 


t\i  LES  PERSONNAGES 

de  Ladricourt.  Plus  tard,  tout  à  fait  chauve,  se  désolant  ainsi 
qu*une  fille  dont  les  rides  menacent  le  gagne-pain,  attendant 
toujours  Toccasion  qui  doit  le  lancer  au  succès,  à  la  fortune, 
Jantrou  répète  qu*il  faut  être  un  coquin  pour  réussir  à  la 
Bourse  et  il  met  dans  cette  parole  la  rancune  d*un  homme  qui 
n*a  pas  eu  la  coquinerie  chanceuse  [31]. 

Il  porte  beau  malgré  tout,  la  barbe  en  éventail,  cynique  et 
lettré,  lâchant  de  temps  à  autre  une  phrase  fleurie  d  ancien 
universitaire  [124].  C'est  lui  qui  donne  à  Saccard  Tidée  d'ache- 
ter VEspérancCf  feuille  catholique  dont  les  bureaux  sont  situés 
rue  Saint-Joseph  et  que  Jantrou  dirigera  pour  le  compte  de  la 
Banque  Universelle.  Il  y  écrit  des  articles  politiques  d*une 
forme  soignée  que  ses  adversaires  eux-mêmes  reconnaissent 
du  plus  pur  atticisme,  mais  au  fond,  il  ne  s*intéresse  qu*aux 
annonces  financières.  Dans  le  journal  et  hors  du  journal,  il 
or^^anise  toute  une  vaste  publicité  autour  de  TUniverselle,  il 
est  fécond  en  idées  de  réclames,  on  le  rencontre  maintenant 
tout  flambant  neuf,  serré  dans  une  élégante  redingote  ornée 
dVne  rosette  aux  couleurs  vives,  soignant  surtout  sa  coiffure, 
portant  des  chapeaux  irréprochables  et,  malgré  tout,  laissant  la 
vague  impression  d'une  malpropreté  persistante  en  dessous. 
Il  gagne  cent  mille  francs  par  an  et  en  mange  le  double,  on 
ne  sait  à  quoi.  L'absinthe  continue  à  le  dévorer,  fauchant  ses 
derniers  cheveux,  lui  plombant  le  crâne  et  la  face  [189]. 

Après  la  débâcle  de  la  Banque  et  du  journal,  Jantrou  est 
fiai,  trois  années  de  prospérité  Tont  dévoré,  dans  un  monstrueux 
abus  de  tout  ce  qui  s'achète,  pareil  à  ces  meurt-dé- faim  qui 
crèvent  d'indigestion  le  jour  où  ils  s'attablent.  Et  il  entraîne 
dans  sa  déchéance  la  baronne  SandorfT  tombée  jusqu'à  lui  [389]. 
(U  Argent.) 

Jeanbernat.  —  Intendant  du  Paradou,  où  Font  installé 
jadis  les  héritiers  du  comte  de  t^orbière,  son  frère  de  lait. 
Depuis  vin^M  années,  le  vieux  Jeanbernat  vit  loin  de  tout, 
fumant  tranquillement  sa  pipe  et  regardant  pousser  ses 
K-gumes.  C'est  un  solitaire  couturé  de  rides,  à  la  face  de 
brique  cuite,  aux  membres  séchés  et  tordus  comme  des  pa- 
quets de  cordes;  il  semble  porter  ses  quatre-vingts  ans  avec 
ut)  déJain  ironique  de  la  vie  [51].  Des  milliers  de  livres  sauvés 
jadis  de  Tincendie  du  château,  un  tas  de  bouquins  sur  la  reli- 
p^ion,  tous  les  philosophes  du  dix-huitième  siècle  lus  et  médités 
à  loisir,  ont  fait  de  lui  un  matérialiste  qui  nie  tranquillement 


DLS  ROJCON-MACQUAUT  213 

Dieu,  se  désintéresse  de  tout  et  limite  Tunivers  à  ses  carrés 
de  salade. 

II  a  recueilli  une  jeune  nièce,  Âlbine,  qui  vit,  librement 
lâchée  à  travers  Timmense  Paradou,  et  Jeanbernat  laisse  agir 
la  nature,  disant  qu'il  ne  faut  pas  empêcher  les  arbres  de 
pousser  à  leur  gré  [58].  Sa  haine  contre  la  soutane  s'exaspère 
au  contact  de  frère  Archangias,  qui  poursuit  de  ses  anathèmes 
furibonds  les  habitants  du  Paradou.  Le  jour  même  où  Ton 
enterre  Alhine,  Jeanbernat  vient  exprès  au  cimetière  pour 
couper  une  oreille  à  frère  Archangias  [-126].  (La  Faute  de 
Vabbé  Mourel). 

Jenard.  —  De  la  société  Cornille  et  Jenard,  qui  exploitait 
au  dix-huitième  siècle  la  concession  minière  de  Joiselle  [83]. 
{Gej^iinaL) 

Jésus-Christ.  —  Fils  aîné  du  pore  Fouan  et  de  Rose  Mali- 
▼erne.  Frère  de  Buteau  et  de  Fanny  Delhommc.  Père  d'Olympe 
Fouan,  dite  la  Trouille.  Un  ancien  soldat  qui  a  fait  les  cam- 
pagnes d'Afrique  et  qui,  paresseux  et  ivrogne,  s'est  mis,  dès 
son  retour,  à  battre  les  champs,  refusant  tout  travail  régulier, 
vivant  de  braconnage  et  de  maraude,  comme  s'il  rançonnait 
encore  un  peuple  tremblant  de  Bédouins.  A  quarante  ans,  c'est 
un  grand  gaillard,  d'une  belle  force  musculaire,  les  cheveux 
bouclés,  la  barbe  en  pointe,  longue  et  inculte,  avec  une  face 
de  Christ  ravagé,  un  Christ  soûlard,  violeur  de  filles,  dé- 
trousseur de  grandes  routes.  Au  fond  de  ses  beaux  yeux  noyés 
d'une  perpétuelle  ivresse,  il  y  a  de  la  goguenardise  pas  mé- 
chante, le  cœur  ouvert  d'une  bonne  crapule  [16].  H  habite  le 
château,  coin  rocheux  qui  appartient  à  la  commune  de  Rognes 
et  où  il  s'est  réfugié  à  la  suite  d'une  querelle  avec  son  père [40]. 

Terrible  chenapan  à  jeun,  il  s'attendrit  davantage  à  chaque 
verre  de  vin,  il  devient  d'une  douceur  et  d'une  bonhomie  d'a- 
pôtre intempérant.  Très  venteux,  répudiant  les  bruits  timides, 
étouffés  entre  deux  cuirs,  il  n'a  que  des  détonations  franches, 
d'une  solidité  et  d'une  ampleur  de  coups  de  canon  [314];  il  bat 
au  jeu  de  la  chandelle.  Sabot,  le  vigneron  de  Brinqucville,  qui 
a  moins  de  souffle  que  lui  [332].  En  politique,  Jésus-Christ  est 
un  rouge,  il  se  vante  d'avoir  à  Cloyes,  en  février,  fait  danser  le 
rigodon  aux  bourgeoises;  dans  son  pêle-mêle  baroque  d'opi- 
nions, idées  d'ancien  troupier  d'Algérie,  de  routeur  de  villes, 
de  politique  de  marchand  de  vin,  ce  qui  surnage,  c*est  Thomme 
de  48,  le.  communiste  humanitaire,  resté  à  genoux  devant  la 


214  LES  PERSONNAGES 

formule  liberté,  égalité,  fraternité,  qui  excite  les  railleries  de 
son  ami  Lcroi,  dit  Canon. 

Il  ifest  sévère  que  sur  un  point,  la  morale;  il  ne  veut  pas 
que  sa  fille  le  déshonore  et  il  la  corrige  à  coups  de  fouet  [218]. 
Ouanl  au  reste,  il  n*a  aucun  préjugé.  Lorsque  le  père  Fooan  a 
partagé  ses  terres,  Jésus-Christ  n'a  brûlé  que  d'un  désir,  avoir 
sa  part  pour  battre  monnaie  [23],  il  a  bu  son  bien  en  l'hypo- 
ibc'piant  morceau  à  morceau  [133],  il  n'a  jamais  versé  un  sou 
de  la  renie,  trouvant  même  le  moyen  de  carotter  des  pièces  de 
cent  sous  à  ses  parents,  jouant  le  grand  jeu,  beuglant  à  rendre 
son  {lère  fou^  se  traînant  par  terre,  menaçant  de  se  percer  le 
cœtir  d'un  coutelas  et,  dès  qu^il  a  obtenu  de  Targent.  courant  le 
boire  avec  son  vieux  frère  d'armes,  le  garde  champêtre  Cécu, 
dont  il  possède  la  femme  tout  en  la  traitant  de  vieille  peau  [332]. 
Il  a  chambré  le  père  Fouan  pour  s'emparer  du  mngot,  il  a  eu 
les  titres  en  mains,  mais  n'a  pas  osé  s'en  empaier,  car  il 
man'jue  d'envergure,  n'ayant  ni  la  froide  rapacité  de  sa  sœur 
FaiHiy,  ni  les  instincts  meurtriers  de  son  frèreDuieau.  Cen*est, 
au  fond,  qu'un  simple  jeannot  dans  sa  gueuserie  [511].  {La 
Terre.) 

Jeumont  (De).  —  Homme  correct,  qui  n'a  d'autre  rôle  que 
d'èli"'.*  le  mari  de  sa  femme.  L'empereur  Ta  décoré,  après  une 
nuit  passée  avec  madame  de  Jeumont  [281].  {UAvg'^nt.) 

Jeumont  (Madame  de).  —  Sa  grande  réputation  mondaine 
vient  de  ce  que  l'empereur  lui  a  paye  une  nuit  cent  mille  francs, 
sans  compter  la  Légion  d'honneur  pour  son  mari.  Elle  est  en- 
core fort  belle  à  trente-six  ans,  d'une  beauté  régulière  et  grave 
de  Junon.  Les  deux  époux  vivent  largement,  vont  partout,  dans 
les  ministères,  à  la  cour,  alimentés  par  des  marchés  rares  et 
choisis  ;  trois  ou  quatre  nuits  par  an  leur  sufilsent.  On  sait  dans 
le  monde  que  ça  coûte  horriblement  cher,  aussi  est-ce  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  distingue.  Les  Jeumont  ont  d'abord  fait  la 
moue  devant  Aristide  Saccard,  le  trouvant  trop  mince  person- 
nage et  d'une  immoralité  compromettante.  Mais  l'otrre  de  deux 
cent  mille  francs  supprime  toute  difficulté  [28:î].  {V Argent.) 

Jobelin  (Colonel).  —  Porte  une  redingote  bleu  Lncé,  qu'il 
a  aù.'plêe  comme  uniforme  civil,  depuis  sa  retraite  [i].  Il 
appa:  lient  à  la  bande  du  ministre  Rougon,  qu'il  a  connu  chez 
son  cousin  llouchard  [51].  Jobelin  postule  pour  la  cravate  de 
conm.ùndeur  et  pousse  en  même  temps  son  fils,  sollicitant 
consiamnienl  les  laveurs  ministérielles,    devenant  orléaniste 


DES  ROUGON-MACQUAUT  2I5 

lorsqu'elles  se  font  allendrc,  affectant  alors  de  raconter  îe 
combat  de  la  Mouznîa  où  il  a  fait  le  coup  de  feu  à  côté  du  duc 
d*Auraale[IGi].  Comme  toute  la  bande,  il  travaille*  à  la  rentrée 
de  Fiougon,  tire  de  lui  tout  ce  qu'il  peut  et,  au  jour  de  la  dé- 
faite, passe  comme  les  autres  à  Tennemi  [371],  comptant  sur 
Clorinde  et  Deleslang  pour  de  nouveaux*  avantages.  {Son  Excel- 
lence Eugène  Bougon.) 

Jobelin  (Auguste).  —  Fils  du  colonel.  Jeune  cancre  qui 
s'est  fait  refuser  à  tous  les  examens  et  qui,  au  sortir  du  lycée 
Louis-le-Grand,  obtient  par  Eugène  Rougon  un  emploi  au 
ministère,  quoiqu'il  ne  soit  pas  bachelier.  Son  père  assure  que, 
s'il  a  échoué  au  baccalauréat,  c'est  parce  qu'il  a  une  intelligence 
trop  vive,  allant  toujours  au  delà  des  questions  des  profes- 
seurs, ce  (jui  mécontente  ces  messieurs  ["249].  (Son  Excellence 
Euf/i'ne  lion  g  on.) 

Joire  (AcnÉ).  —  Curé  de  Montsou.  Doux,  afTèctant  de  ne 
s'occuper  de  rien,  pour  ne  fàr.her  ni  les  ouvriers  ni  les  patrons, 
il  passe  sur  les  roules  en  retroussant  sa  soutane,  avec  des  déli- 
catesses de  gros  chai  bien  nourri,  qui  craint  de  souiller  sa 
robe  [O.i].  Pendant  la  grève,  l'iibbé  fait  ses  courses  à  la  nuit, 
pour  ne  pas  se  compromettre  au  milieu  des  mineurs  [295].  Il 
obtient  (le  l'avancement  et  esl  remplacé  par  l'abbé  Uanvier. 
(Genninal.) 

Joncquier.  —  Un  monsieur  sérieux.  Etant  avec  Rose  Mi- 
gnon, dos  Variétés,  il  a  eu  un  béguin  pour  la  grande  Laure.  Le 
mari  de  Rose  a  proeuré  Laure  à  Joncquier,  qu'il  a  ensuite 
ramcjîé  bras  dessus  bras  dessous  chez  Rose,  comme  un  époux 
auquel  on  vient  de  permettre  une  fredaine  [117].  (Nana.) 

Joncqiioy  (Madame  du).  —  Une  vieille  amie  des  Muffat.  A 
dû  être  liés  bien  autrefois.  En  musique,  elle  n'ainie  queWeber 
[84].  Un  de  ses  frères  est  diplomate  en  Orient.  H  y  a  longtemps, 
elle  a  d<Vieuné  avec  lui  chez  le  conite  de  Rismarck,  dont  elle  ne 
comprend  guère  les  derniers  succès;  il  a  l'air  brutal  et  mal 
élevé.  Ell«î  le  trouve  stupide  [71].  (Nana,) 

Jordan  (Paul).  —  Journaliste  et  homme  île  lettres.  Mari 
de  Marc»  lie  MaugenJre.  Fils  d'un  banquier  de  Marseille  qui 
s'est  aulrefois  suicidé  à  la  suite  d'opérations  désastreuses,  il  a 
battu  di\  îins  le  pavé  de  Paris,  enragé  de  littérature,  dans  une 
lutte  brave  contre  la  misère  noire.  11  s'est  marié  avec  une  petite 
amie  d'enfance,  dont  la  famille,  riche  pourtant,  a   coupé   tout 


216  LES  PERSO.NNAGES 

subside  pour  ne  pas  aider  un  sans-le-sou  ;  leur  petit  ménage 
est  installé  à  un  cinquième  de  l'avenue  deClicliy,  ils  s*adorent. 
Jordan  a  un  projet  de  roman,  ne  trouve  pas  le  temps  de 
récrire  et  est  entré  forcément  dans  le  journalisme,  où  il 
bâcle  tout  ce  qui  concerne  son  état,  depuis  des  cbroniques 
jusqu'à  des  comptes  rendus  de  tribunaux  et  même  des  faits 
divers  [19]. 

Recommandé  à  Saccard  par  un  cousin  installé  à  Plassans,  il 
devient  rédacteur  de  VEspérance,  feuille  catholique  et  llnan- 
cière  où  tout  le  monde,  du  directeur  au  garçon  de  bureau,  le 
personnel  entier,  excepté  Jordan,  spécule  à  la  Course.  Il  reste 
dans  une  gène  atroce,  ses  appointements  sont  frappés  d'arrêts 
à  cause  d'anciennes  dettes,  l'usurier  Busch  le  persécute  pour 
des  billets  souscrits  à  un  tailleur,  aux  jours  de  misère;  c'est  une 
lutte  noire  où  Jordan,  incapable  de  lutter  contre  les  huissiers, 
est  soutenu  par  la  vaillance  de  sa  jeune  femme.  Après  la 
débâcle  de  la  Banque  Universelle,  la  chance  tourne  pour  l'écri- 
vain. Son  premier  roman,  publié  d'abord  dans  un  journal,  lancé 
ensuite  par  un  éditeur,  prend  brusquement  l'allure  d'un  gros 
succès,  il  se  trouve  riche  de  quelques  milliers  de  francs,  toutes 
les  portes  ouvertes  devant  lui  désormais,  et  il  brûle  de  se 
remettre  au  travail,  certain  de  la  fortune  et  de  la  gloire  [387]. 

Il  donne  à  Marcelle  la  joie  de  secourir  ses  parents,  tombés 
dans  la  misère  grâce  aux  folles  opérations  de  Saccard,  ce 
Saccard  que  le  jeune  ménage  persiste  à  aimer,  pour  Taide 
apportée  aux  jours  mauvais  [390].  {L* Argent.) 

Jordan  (Madame).  —  Voir  Maugendre  (Marcelle.) 

Jory  (Élouard).  —  Critique  d'art.  C'est  un  beau  garçon 
hiond,  avec  un  grand  nez  rose  et  de  gros  yeux  bleus  de 
myope.  Fils  d'un  magistral  de  Plassans,  qu'il  désespérait  par 
ses  aventures  de  beau  niâle,  il  a  comblé  la  mesure  de  ses  dé- 
bordtMnents,  en  se  sauvant  avec  une  chanteuse  de  café-concert, 
sous  le  pn'îtexte  d'aller  à  Paris  faire  de  la  littérature.  Pendant 
six  mois,  ils  ont  campé  ensemble  dans  un  hôtel  borgne  du 
qriaitier  Liitin,  celle  lille  lécorchant  vif,  chaque  fois  qu'il  la 
tr;iliis5ail  pour  le  premier  jupon  crotté,  suivi  sur  un  Iroitoir. 
[1  a  reirouvé  la  bande  de  Plassans,  Claude  Lanlier,  Sandoz, 
Diiliuche.  Malioudeau,et  il  s'est  fait  crilique  d'art,  donnait  pour 
vivre  des  articles  à  vingt  francs,  dans  un  petit  journal  tapageur, 
le  Tambour.  Du  premier  coup,  il  a  soulevé  un  scandale  énorme, 
en  sa'Tlliant  à  Claude  les  peintres  c  aimés  du  public  »  et  en  le 


DES  ROUGON-MACQUART  âl7 

posant  comme  chef  d*unc  école  nouvelle,  Técole  du  plein  air. 
Au  fondy  très  pratique,  il  se  moque  de  tout  ce  qui  n'est  pas 
sa  jouissance,  il  répèle  simplement  les  théories  entendues  dans 
le  groupe. 

Jory  montre  une  hérédité  d'avarice,  dont  on  s'amuse  fort;  il 
ne  paye  pas  les  femmes,  il  arrive  à  mener  sa  vie  désordonnée, 
sans  argent  et  sans  dettes;  et  cette  science  innée  de  jouir 
pour  rien  s'allie  en  lui  à  une  duplicité  continuelle,  à  une  habi- 
tude de  mensonge  qu*il  a  contractée  dans  le  milieu  dévot  de  sa 
famille,  où  le  souci  de  cacher  ses  vices  le  faisait  liientir  sur 
tout,  à  toute  heure,  même  inutilement  [83].  Après  sa  rupture 
avec  la  chanteuse  qui  lui  dépouillait  la  face  à  coups  d'ongle, 
c'est  un  furieux  galop  de  femmes  traversant  son  existence,  les 
femmes  les  plus  extravagantes,  les  plus  inattendues:  la  cuisr- 
nière  d'une  maison  bourgeoise  où  il  diue  ;  Tépousc  légitime 
d'un  sergent  de  ville  dont  il  doit  guetter  les  heures  de  faction; 
la  jeune  employée  d*iin  dentiste,  qui  gagne  soixante  francs  par 
mois  à  se  laisser  endormir,  puis  réveiller,  devant  chaque  client, 
pour  donner  confiance  ;  d'autres,  toutes  celles  qui  veulent  bien, 
les  jolies,  les  laides,  les  jeunes,  les  vieilles,  sans  choix,  unique- 
ment pour  la  satisfaction  de  ses  gros  appétits  de  mâle,  sacri- 
fiant lu  qualité  à  la  quantité. 

'  Il  est  enchanté  de  la  vie.  11  a  uni  par  faire  son  trou  comme 
chroniqueur  et  comme  critique  d'art,  il  collabore  à  des  jour- 
naux très  lus,  gagne  sept  ou  huit  mille  francs  par  an  et,  tra- 
vaillé de  sa  ladrerie  héréditaire,  place  déjà  de  Targent  chaque 
mois;  les  matins  de  grande  largesse,  il  ne  paye  qu'une  tasse 
de  chocolat  aux  femmes  dont  il  est  très  content  [â30].  Tout  en 
restant  au  fond  le  jouisseur  sceptique,  l'adorateur  du  succès 
quand  même,  il  prend  une  importance  bourgeoise  et  commence 
à  rendre  des  arrêts.  Sa  prétention  est  d'avoir  fait  Fagerolles 
)ar  ses  articles,  comme  il  prétendait  jadis  avoir  fait  Claude 
:^6].  D*ailleurs,  il  n'écrit  rien  sur  ses  anciens  amis,  les  révo- 
utionnaires  de  l'art,  qui  se  font  exécrer,  il  se  plaint  de  n'avoir 
pas  à  lui  un  journal  où  il  pourrait  les  défendre  [259];  mais 
devenu  directeur  d'une  grande  revue  d'art,  gagnant  trente 
mille  francs,  sans  compter  tout  un  obscur  trafic  dans  les  ventes 
de  collections,  il  garde  le  même  silence,  sous  le  prétexte  de  ne 
pas  perdre  ses  abonnés;  il  pousse  même  le  lâchage  jusqu'à 
faire  passer  sournoisement  un  éreintement  de  Sandoz  [439]. 
Jory  est  maintenant  un  terrible  monsieur  saignant  à  blanc  les 
artistes  et  les  amateurs  qui  lui  tombent  sous  la  main. 

19 


•218  LES  PERSONNAGES 

Mais  ce  journaliste  qui  traite  les  autres  de  ratés,  ce  bâclear 
d'articles,  tombé  dans  rexploitation  de  In  bêtise  publique,  sera 
mangé  à  son  tour  par  Blatliilde  Jabouille.  Ouand  il  Ta  rencon* 
trée  chez  Mahoudeau,  il  a  affirmé  qu'elle  était  affreuse,  qu'elle 
pourrait  être  leur  mère  à  tous,  que  sa  gueule  de  vieille  chienne 
ifavait  plus  de  crocs,  qu'elle  empoisonnait  la  pharmacie  [8G]. 
Plus  tard,  pris  par  son  Tice,  il  Ta  déclarée  ensorcelante,  une 
de  ces  femmes  qu'on  affecte  de  ne  pas  ramasser  avec  des  pin- 
cettes et  pour  qui  on  fait  des  bêtises  à  en  crever  [S^S].  Ensuite, 
ron.pant  avec  toutes  ses  habitudes  de  prudence  eld^avarice, 
souifrant  du  partage  de  Mathilde  avec  ses  amis,  il  l'a  enlevée 
de  l'herboristerie,  il  a  glissé  au  ménage  avec  celte  goule  [301], 
et  lui  qui,  pour  ne  pas  payer,  vivait  autrefois  des  raccrocs  de 
l:i  rue,  il  s'est  ravalé  à  une  domesticité  de  chien  fidèle,  don- 
iint.t  les  clefs  de  son  argent,  n'ayant  en  poche  de  quoi  acheter 
uo  tigare  que  les  jours  seulement  où  elle  consentait  à  lui  laisser 
vingt  sous;  elle  le  jette  même  dans  la  religion;  elle  lui  parle  de 
!a  n:urt,dont  il  a  une  peur  atroce  [3 13].  Plein  de  sérénité,  il 
finit  par  se  marier  légitimement  avec  elle  [107].  {L'Œuvre.) 

Jory  (Madame).  —  Voir  Jabouille  (^Mathilde). 

Joseph.  —  Maître  d''hôtel  de  Nana,  à  la  Mignottc.  .A  servi 
l'évv'iue  d'Orléans  [205].  (Nana,) 

Joseph.  —  Garçon  de  magasin  au  Bonheur  des  Dames. 
Api  irtient  à  la  dynastie  des  Lhomme,  car  il  est  le  frère  de  lait 
d'Albert  et  doit  sa  place  à  madame  Aurélie.  11  porte  une  bar- 
I  iil.^  f{ui  allonge  son  visage  couturé  d'ancien  soldat  [52]. 
Josf  ph  s'est  épris  peu  à  peu  d'une  employée  à  l'échantillonnage, 
maâ-niùiselle  de  Fontenailles  ;  à  la  rencontrer  l'air  triste,  vêtue 
pauvrement,  son  cœur  de  tempérament  tendre  a  Uni  par  être 
louthé  {}jM].  11  se  marie  avec  elle,  au  grand  scandale  de 
madame  Desforges,  qui  accuse  Octave  .Mouret  d'unir  ses 
lionane>  de  peine  avec  des  ûlles  nobles,  uniquement  pour  écra- 
ser les  gens  du  monde  [477].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Joseph  (Madame).  —  Concierge  de  Claude  Lanlier,  au  quai 
Uou:  1)011  [5].  Fait  le  ménage  du  peintre,  sans  que  celui-ci  lui 
periiictte  de  balayer,  de  peur  que  la  poussière  ne  couvre  ses 
toiles  fraîches  [1-23].  {L'Œuvre.) 

Josse  (Mademoiselle).  —  Tient  une  petite  pension  de  jeunes 
onfaiits  rue  Polonceau.  Anna  Coupeau  est  son  élève  et  se  rend 
>i  iLlolciable  que,  deux  fois,  mademoiselle  Josse  h   met  à  la 


DES  ROUGON-MACQUAUT  219 

porte,  puis  la  reprend   pour  ne    pas  perdre   les  six   francs 
mensuels  [195J.  {L'Assommoir.) 

Nana,  devenue  femme  galante,  échange  ses  souvenirs  sur  la 
mère  Josse  avec  Salin,  ancienne  élève  comme  elle  du  pen- 
sionnat de  la  rue  Polonceau  [301].  {Nana.) 

Josserand  père.  —  Grand-père  de  Léon,  Saturnin,  llor- 
tense  et  Derthc  Josserand.  A  été  avoué  à  Clermont.  Apres  avoir 
vendu  son  étude,  il  s'est  laissé  ruiner  par  une  bonne.  Courait 
encore  la  gueuse  à  soixante-dix  ans  passés  [?>G].  Une  de  ses 
filles,  fixée  maintenant  aux  Andelys,  s'est  sauvée  jadis  avec  un 
oflicicr  qui,  plus  tard,  Ta  épousée  [37].  (Pot-Bouille,) 

Josserand.  —  Mari  d*Élconore  llachclard.  Père  de  Léon, 
Saturnin,  Hortense  et  I>ertlie.  Gros  yeux  bleus  aux  regards 
éteints,  boucles  de  cheveux  grisonnants,  voix  lente  et  fatiguée, 
visage  comme  trempé  et  effacé  par  trente-cinq  ans  de  bureau. 
Josserand  est  un  vieil  honnête  homme  qui  s'impose  une  vie  de 
martyre  pour  satisfaire  aux  exigences  dépensières  de  sa  femme. 
Caissier  des  frères  Jîernheim,  A  la  cristallerie  Saint-Josepti, 
avec  appointements  de  huit  mille  francs  par  an,  il  p<')sse  les 
nuits  à  faire  des  bandes  à  trois  francs  le  mille,  pendant  que  sa 
femme  et  ses  filles  battent  les  salons  avec  des  fleurs  dans  les 
cheveux  [31].  Ëléonore  le  domine,  il  subit  le  chapitre  intaris- 
sable de  ses  es[)oirs  brisés,  consent  par  faiblesse  à  des  capi- 
tulations de  conscience  qui  remplissent  d'angoisse,  marie  sa 
fille  Derlhe  sous  la  promesse  illusoire  d'une  dot  inexistante  et 
subit  ensuite  le  déchirement  de  voir  le  ménage  de  la  jeune 
femme  gâché  comme  le  sien.  Vue  décomposition  du  sang  l'em- 
porte bientôt,  il  agonise  devant  les  Apres  querelles  de  sa  femme 
et  de  ses  filles,  étranglé  par  la  tranquille  inconscience  des 
seules  créatures  qu'il  ait  aimées  [i52].  {Pot-Bouille.) 

Josserand  (Madame).  —  A''oir  Dachelaud  (ÉLÊo.\onE). 

Josserand  (HEHniE).  —  La  dernière  fille  des  Josserand. 
Elle  garde  à  vin^j^l  ei  un  ans  toute  une  grâce  d'enfance,  avec  les 
mômes  traits  que  sa  ^œur,  mais  plus  fins,  éclatants  de  blan- 
cheur. Mine  ehiironiiée,  cheveux  châtains  dorés  de  reOels 
blonds,  menacée  seulement  vers  la  cinquantaine  du  masque 
épais  de  sa  mère  ;  elle  a  une  grâce  hardie  et  un  charnic  facile 
de  Parisienne,  avec  (juehjucs  talents  de  musicienne  cl  de 
peintre  qui  consiilumi  toute  sa  dot.  Pour  la  marier,  c'est  pen- 
dant trois  hivers  une  véritable  chasse  à  l'homme,  des    garçons 


l'iO  LES  PERSONNAGES 

de  tous  poils  aux  bras  de  qui  on  la  jette,  une  offre  continue 
(le  son  corps  sur  les  trottoirs  autorisés  des  salons  bourgeois; 
puis,  ce  que  les  mères  enseignent  aux  Clles  sans  fortune,  tout 
un  cours  de  prostitution  décente  et  permise,  les  attouchements 
de  la  danse,  les  mains  abandonnées  derrière  une  porte,  les 
impudeurs  spéculant  sur  les  appétits  des  niais  ;  enfin»  le  mari 
levé  un  beau  soir,  comme  un  homme  est  fait  par  une  gueuse, 
le  mari  raccroché  sous  un  rideau,  excité  et  tombant  au  piège, 
dans  la  fièvre  de  son  désir  [429]. 

Stylée  ainsi,  Berthe  a  trouvé  un  époux  dans  la  personne  du 
chétif  Auguste  Vabre,  qu'elle  a  su  habilement  compromettre. 
Et  dès  le  mariage,  cette  jeune  fille  poussée  dans  la  serre 
chaude  du  faux  luxe  parisien,  corrompue  par  une  éducation  de 
)»oupée,  s^affirme  en  enfant  égoïste  et  gâcheur  qui  saccagera 
l'existence  pour  en  mieux  jouir.  Se  désintéressant  du  commerce 
entrepris  par  son  mari,  elle  vit  dans  un  perpétuel  besoin  de 
mouvement,  avec  le  goût  des  riches  toilettes  et  le  dédain  du 
linge  qu'on  ne  voit  pas;  elle  a  vite  conquis  la  carrure  de  sa 
mère,  dont  elle  répète  les  phrases,  recommençant  pour  son 
compte  les  querelles  qui  ont  bercé  sa  jeunesse  ;  elle  éprouve 
un  désir  grandissant  de  liberté  et  de  plaisir,  un  amour  de 
Targent,  toute  cette  religion  de  Targent  dont  elle  a  appris  le 
culte  dans  la  famille  [311].  Et,  entravée  par  l'avarice  de 
Vabre,  elle  fait  des  dettes,  accepte  les  .dons  d^Octave  Mouret  et 
glisse,  sans  même  y  penser,  à  un  adultère  sans  plaisir,  dont 
elle  sera  bientôt  lasse,  car  c'est  une  nature  froide,  d'un 
égoïsnie  rebelle  aux  tracas  de  la  passion.  Elle  a  subi  Octave 
sans  bonheur,  le  trouvant  trop  exigeant  pour  ce  qu'il  donne  et 
arrivant  très  vite  à  faire  à  son  amant  l'éternelle  querelle  d'ar- 
gent dont  elle  poursuit  son  mari.  Chassée  par  celui-ci,  puis 
reprise,  restée  inconsciente  de  sa  faute,  elle  a  rompu  avec 
Octave,  mais  elle  est  au  mieux  avec  le  nouvel  associé  de 
Vaiire,  un  petit  blond  très  coquet  qui  la  comble  de  cadeaux 
[iNO].  {Pot-Bouille,) 

La  concurrence  du  Bonheur  des  Dames  a  fini  par  tuer  le 
magasin  de  Vabre.  Les  dépenses  de  Berthe  ont  précipité  cette 
•lébàcle  [20].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Josserand  (Hofitense).  —  De  deux  ans  plus  âgée  que 
r.erihe,  elle  a  vingt-trois  ans,  mais  en  parait  vin^l-huit.  Hor- 
tensc  a  le  teint  jaune,  son  visage  est  gâté  par  le  nez  de  sa 
mère,  qui  lui  donne  un  air  d'obstination   dédaigneuse  [29]. 


DES  ROUGON-MACQUART  221 

Pourvue  du  brevet  de  capacité,  elle  se  montre  fille  de  léte, 
prétendant  se  marier  sans  le  concours  de  ses  parents,  faisant 
ses  affaires  toute  seule,  ayant  jeté  son  dévolu  sur  Yerdier,  un 
avocat  de  quarante  an;;  qui  vit  avec  une  vieille  maîtresse  et 
dont  la  liaison  s* éternise.  Hortense,  bien  tnnnquille  pour  son 
compte,  a  aidé  sa  sœur  à  conquérir  Augusfc  Vabre,  elle  attend 
que  Yerdier  soit  libre  et  vit,  indépendante,  sans  plier  devant 
sa  mère  qui  la  craint.  Et  lorsque  Berthe,  chassée  pour  adul- 
tère, revient  à  la  maison,  Hortense  la  pousse  presque  aussitôt 
à  implorer  le  pardon  de  son  mari,  ayant  assez  d'elle  déjà  et 
craignant  de  lui  donner  asile  trop  longtemps  [iii].  {Pot- 
Bouille.) 

Josserand  (Léon).  —  Fils  aine  des  Josserand.  A  fait  son 
droit  et  a  quitté  jeune  la  maison  paternelle,  s*effaçant  devant 
ses  sœurs,  ne  comptant  que  sur  lui-même  [38].  Pendant  deux 
ans,  il  a  promené  sur  les  trottoirs  du  quartier  latin  une  déma- 
gogie féroce  ;  il  est  devenu  secrétaire  d'un  avocat  célèbre, 
député  de  la  gauche,  puis  très  décidé  à  parvenir,  il  s'est  poussé 
auprès  de  la  vieille  madame  Dambreville,  bien  placée  pour  Fai  • 
der.  Elle  est  sa  maîtresse.  Léon  Josserand  est  un  jeune  homme 
correct,  à  Pair  sérieux.  Ses  opinions  se  sont  calmées,  il  a 
tourne  au  républicain  doctrinaire,  gardant  seulement  dans  les 
discussions  une  voix  rogue  de  jeune  démocrate.  Ses  convictions 
se  refroidissent  à  mesure  que  madame  Dambreville  le  répand 
davantage,  il  devient  auditeur  au  Conseil  d'État,  puis  maître 
des  requêtes  el  se  rallie  définitivement  à  l'Empire.  Entre  temps, 
il  a  su  tirer  parti  de  la  passion  de  la  vieille  dame  en  se  faisant 
marier  avec  une  riche  et  jolie  créole,  nièce  de  Dambreville, 
ce  qui  ne  l'empêchera  pas  de  revenir  aux  bras  de  la  tante, 
dont  il  a  encore  besoin  [^78].  La  jeune  madame  Josserand 
garde  la  maison,  Léon  continue  à  aller  dans  le  monde  avec 
madame  Dambreville  et  raccompagne  même  chaque  dimanche 
à  la  messe  de  neuf  heures  [iSl].  (P^ot- Douille.) 

Josserand  (Saturnin).  —  Second  fils  des  Josserand.  Grand 
garçon  de  vingt-cinq  ans,  dégingandé,  aux  yeux  étranges,  resté 
enfant  à  la  suite  d'une  fièvre  cérébrale.  Sans  être  fou,  il  terri- 
fie la  maison  par  des  crises  de  violence  aveugle,  lorsqu'on  le 
contrarie.  Seule,  Derlhe  le  dompte,  il  s'est  pris  pour  elle  d'une 
adoration  où  il  entre  de  tous  les  amours  [46];  sa  sœur  est  une 
idole  qu'il  entoure  d'un  culte  jaloux.  Des  fureurs  l'agitent  lors- 
qu'il comprend  qu'on  veut  la  marier,  on  doit  par  prudence  le 

!0 


tti  LES  PERSONNAGES 

mettre  à  l'Asile  des  Moulineaux  où  il  accepte  de  partir,  leiianl 
la  main  de  Berthe  et  croyant  faire  une  partie  de  campagne. 
Avec  la  mèrae  docilité,  il  s*est  laissé  dépouiller  d'une  somme  de 
trois  mille  francs,  léguée  par  une  tante  et  qui  sert  aux  frais  de 
Jn  noce.  Renvoyé  de  l'Asile  un  peu  plus  tard  parce  que  sa  folie 
n'est  pas  assez  caractérisée,  il  a  été  recueilli  par  Berthe,  dont 
il  devieut  le  garde  du  corps,  poursuivant  le  mari  d'une  haine 
féroce  d'amunt  conti*arié  [305],  s'éprenaut  d'Octave  Mourelpar 
hostilité  pour  Vabrc,  se  Xàchaut  contre  Octave  qui  semble  tour- 
ner autour  d'autres  femmes,  ne  rêvant  toujours  que  le  bonheur 
de  Berthe  et  semblant  goi]iter  Tamour  dans  cette  chair  de 
femme  qu'il  sent  sienne,  sous  la  poussée  de  l'instinct  [303]. 
{Pot'Bouille.) 

Jouve  (Abdê).  —  Vicaire  à  Notre-Dame-de-Gràce  à  Passy. 
Petit  homme  sec  avec  une  grosse  tète,  les  yeux  pleins  d'une 
belle  lumière  de  tendresse  ;  il  est  d'une  allure  sans  gràoe, 
habillé  à  la  diable,  très  sobre.  Sa  charité  fait  de  lui  le  prêtre 
le  plus  aimé  et  le  plus  écoulé  du  quartier.  Avec  Uambaud,  sou 
frèrt;  d'un  second  lit,  J'abbé  Jouve  est  la  seule  relation  pari- 
sieLue  des  Grandjean,  qu'il  a  connus  à  .Marseille.  Les  deux 
frères  ont  installé  Hélène  à  Passy  et  dînent  choz  elle  une  fois 
par  semaine.  Pleui  de  tolérance,  l'abbé  ne  parle  jamais  de 
religion,  il  intéresse  seulement  madame  Grandjean  à  ses 
pauvres.  11  prévoit  la  crise  passionnelle  dont  elle  est  menacée, 
voudrait  la  marier  a  Rambaud,  se  montre  plein  de  tendresse  et 
de  pardon  devant  la  chute  et,  quand  la  mort  de  Jeanne  laisse 
la  niallieureuse  mère  abandonnée,  écrasée  de  désespoir,  il 
met  simplement,  sans  parler,  la  main  d'Hélène  dans  celle  de 
UarubauJ.  L'abbé  Jouve  meurt  quelques  mois  avant  le  mariage 
iju'il  a  préparé  [401].  {Une  Page  d'Amour.) 

Jouve.  —  Inspecteur  au  Bonheur  des  Dames,  Un  ancien 
rapiiaiiie,  décoré  à  Constanline,  encore  bel  homme  avec  sou 
jrraiid  nez  sensuel,  ses  grandes  moustaches  grises  et  sa  calvitie 
niDJOilueuse.  Aux  jours  solennels  d'exposition,  il  se  tient  à  l'une 
des  l'orlcs,  en  redingote  et  en  cravate  blanche,  avec  sa  déco- 
ration, comme  une  enseigne  de  vieille  probité  [lOlj.  Certains 
veniivurs  le  traitent  de  c  vieux  ramolli  i  et  sont  d'ailleurs  con- 
gédiés iiumédialement  [65].  Ouant  aux  vendeuses  timides,  eHes 
doiv-nl  acheter  sa  bienveillance  ;  au  magasin,  il  se  contente 
de  petites  privautés,  claquant  doucement  de  ses  doigts  eflilés 
les    ioues    des   demoiselles   complaisantes,   leur   prenant    les 


DES  nOUCON  MACQUAKT  2^3 

mains,  puis  les  gardant,  comme  s'il  les  oubliait  dans  les 
siennes;  cela  reste  paternel.  Ses  appétits  de  taureau  ne  se 
déchaînent  que  dehors,  lorsqu*on  veut  bien  accepter  des  tar- 
tines de  hcurrc,  chez  lui,  rue  des  Moineaux  [208].  Denise  i!au- 
du,  qui  a  repoussé  ses  répugnantes  avances,  est  congédiée  sur 
un  faux  rapport  et  plus  tard,  quand  elle  rentre  dans  la  maison, 
rappelée  par  Mouret,  Jouve,  embarrassé,  plie  Téchine  devant 
elle  [287].  (Au  Bonheur  des  Dames,) 

Juillerat« — Vieux  médecin  de  quartier,  homme  médiocre, 
mais  devenu  à  la  longue  bon  praticien. Est  maigre  et  nerveux. 
S'occupe  spécialement  des  maladies  de  femmes,  ce  qui  le  fait, 
le  soir,  rechercher  des  maris  en  quête  d'une  consultation  gra- 
tuite, dans  un  coin  de  salon  [Ci],  Lié  aux  Vabre,aux  Duveyrier, 
aux  Josserand,  il  a  accouche  toutes  ces  dames  et  soigné  toutes 
ces  demoiselles.  L'expérience  iui  a  fourni  des  vues  très  justes 
sur  les  dessous  bourgeois  et  il  en  parle  quelquefois,  mêlant  à 
ses  observations  des  tendances  humanitaires  et  républicaines 
que  sa  cliente!»;  tolère,  parce  qu'il  s'est  fait  très  heureusement 
une  réputation  d'originalité.  (Pot-Bouille.) 

Jules.  —  Porteur  aux  Halles,  né  k  Ménilmonlanl  [TOj. 
Devenu  l'amant  de  la  Sarriette  et  vivant  avec  elle  rue  Vau- 
villiers,  au  troisième  étîige  d'une  grande  maison,  il  se  soigne 
les  mains,  ne  porte  plus  que  des  blouses  propres  et  une  cas- 
quette de  velours;  pendant  que  la  Sarriette  travaille,  il  l'ait  la 
grasse  matinée  et  (init  bieniôt  par  tourner  au  souteneur,  avec, 
à  la  naissance  des  fa\oris,  deuxnàches  collées  contre  les  joues 
en  accroche-i  œur.  11  règne  sur  une  bande  de  porteurs,  de  mes- 
sieurs à  blouse  blanche,  auxquels  il  donne  le  ton.  Jules  aime 
l'Empire  et  voudrait  flanquer  dans  la  Seine  tous  ceux  qui  en 
disent  du  mal.  Son  idéal  est  .Morny,  comme  il  le  nomme  tout 
court  [303].  Dans  le  dossier  de  police  de  Florent,  on  trouve 
une  dénonciation  écrite  sur  papier  glacé  orné  d'une  pensée 
jaune  et  couvert  du  grilïonnage  de  la  Sarriette  et  de  mon- 
sieur Jules  [318j.  (Le  Ventre  de  Paris.) 

Jules.  —  Un  des  soldats  envoyés  à  Montsou  pendant  la 
grève.  Etienne  Lanlicr  tente  en  vain  d'endoctriner  ce  jeune 
fantassin  qui  a  encore,  dans  sa  capote,  l'embarras  d'une 
recrue.  f*elil,  très  blond,  avec  u-ie  douce  figure  pâle,  criblée 
de  taches  de  rousseur,  Jules  est  de  Plogof,  en  IJrelagne,  il 
n'en  sait  pas  davantage.  Il  a  sa  mère  et  sa  sœur  qui  rallendcnt. 
Quand  il  est  pnrli,  elles  l'ont  accompagné  juscju'à  Ponl-l'.Abbé 


•l'ii  LES  PERSONNAGES 

on  avait  pris  le  cheval  aux  Lepalmec,  il  a  failli  se  casser  les 
ji'jiibes  eti  bas  de  la  descente  d'Audierne.  Le  cousin  Charles 
les  atlen  lait  avec  des  saucisses,  mais  les  femmes  pleuraient 
trop,  ça  leur  resUil  dans  la  gorge.  La  lande  déserte  de 
l'iogof,  cette  sauvage  pointe  du  Uaz  battue  des  tempêtes,  lui 
il  [•parait  dans  un  éblouissement  de  soleil,  à  la  saison  rose 
d^3  bruyères.  S'il  n'a  pas  de  punition,  on  lui  donnera  peut-être 
u!;e  permission  d'un  mois  dans  deux  ans  [i31].  Il  est  assassiné 
par  Jeanlin  Malicu,  une  nuit  de  faction  ;  Jeanlin  et  Etienne 
Lantier  transportent  son  corps  dans  une  galerie  de  mine,  sous 
une  roche  ébouleuse  qui^l'écrase  [469].  (Germinal.) 

Jules  (Madame).  —  L'habilleuse  de  Nana,  aux  Variétés. 
.\voc  ses  yeux  vides  et  clairs,  son  visage  parcheminé,  ses  traits 
immobiles  de  vieille  fille  que  personne  n'a  connue  jeune,  elle 
n*;:  plusùùgc.  Elle  s'est  desséchée  dans  l'air  embrasé  des  loges, 
au  jnilieu  des  cuisses  et  des  gorges  les  plus  célèbres  de  Paris. 
Madame  Jules  porte  une  éternelle  robe  noire  déteinte  et,  sur 
son  corsugeplat  et  sans  sexe,  une  forêt  d'épingles  sont  piquées 
à  kl  place  du  cœur  [154].  (A'ana.) 

Julie.  —  Cuisinière  des  Duvcyrier.  Grande  Bourguignonne 
de  quaraiiie  ans,  au  large  visage  troué  de  petite  vérole,  mais 
<jui,  ail  dire  de  Trublot,  a  un  corps  de  femme  superbe  [130]. 
Devient  Ja  maîtresse  du  jeune  Gustave  Duveyrier  [33G]  et, 
toi.ibée  i.;alade,  se  laisse  congédier  sans  récriminer,  son 
?e:.re  n'cianl  pas  de  se  quereller  avec  les  maîtres  [487]. 
ipof'JUoKille.) 

Julien.  —  Maître  d'hôtel  de  Nana,  lorsqu'elle  s'est  installée 
avenue  de  Villiers.  Un  petit  homme  tout  frisé,  l'air  souriant 
^o4;'.j.  11  'juiite  la  maison  avec  une  grosse  somme,  le  comte 
Miulat  ayant   voulu  se  débarrasser  de  lui  par  jalousie  [479]. 

Jusselin  (hEnr.E-FuANçois).  —  Créature  de  M.  de  Marsy. 
I  P.ou.i'on  refuse  de  le  nommer  officier  de  la  Légion  d'honneur 

j  A  ■  «nne  à  Iléjuin  la  rosette  ({ui  lui  était  destinée  ['27^].  {Son 

Etc-.Hcm:'.  Eugène  Rouyon.) 

Juzeur  (Madame).  —  Locataire  de  l'immeuble  Vabre,  rue 
<lr  rJioiscu..  Habite  un  appartement  au  troisième  sur  la  cour. 
Ce.-:  une  v^-uve  de  trente-deux  ans.  une  dévote  aux  veux  ciairs, 
î  'Ui'.  plei:;-  de  rélicences  et  de  sous-entendus;  elle  sourit  avec 
une  tloueeiT  angèliquc  aux  histoires  gaillardes,  bon  mari  l'a 


DES  liOUGON-MACQUART 


225 


quittée  après  dix  jours  de  mariage  et,  dans  son  infortune,  elle 
a  la  passion  de  travailler  à  la  félicité  des  autres  femmes,  s'oc- 
cupant  de  toutes  les  histoires  tendres  de  la  maison,  rôdant 
autour  des  intrigues  amoureuses  en  petite  femme  discrète, 
confessant  les  amants  et  se  frôlant  à  eux.  Madame  Juzeur,  qui 
respecte  les  prescriptions  de  l'église,  se  refuse  toujours  au  seul 
acte  défendu,  mais  elle  permet  les  caresses  les  plus  vives  et 
les  plus  secrètes,  mettant  Tlionneur  et  Testime  de  soi-même  en 
un  seul  point,  ayant  la  coquetterie  de  tenir  toujours  les  hommes 
et  ne  les  satisfaisant  jamais,  éprouvant  une  savante  jouissance 
personnelle  à  se  faire  manger  de  baisers  partout,  sans  le  coup 
de  bâton  de  l'assouvissement  iinal  [^Ti].  Et  le  moment  venu, 
elle  sait  se  dégager  d'un  brusque  mouvement  de  vigueur  ner- 
veuse, trouvant  ça  meilleur,  s*y  entêtant,  prétendant  ainsi 
rester  honncle,  puisque  pas  un  homme  ne  peut  se  flatter  de 
l'avoir  eue,  depuis  le  lâche  abandon  de  son  mari.  C'est 
madame  Toul-cf-que-vous-voudrez-mais-pas-ça  [273].  {Pot- 
Boulllc.) 


K 


Kahn.  —  l)}|»ulê  des  Deux-Sèvres  sous  le  second  Empire, 
i'i^'ure  nux  traits  forts,  grand  nez  bien  fait  trahissant  une  ori- 
ii'inc  juive,  rude  collier  de  barbe  grisonnante  [2J.  Sous  Louis- 
l'i.ilippo,  il  sir^'^'ait  au  centre  droit;  en  1818,  il  est  passé  au 
centre  gauche;  sous  l'Empire,  il  revient  au  centre  droit, 
toujours  égalomvnl  dévoué  aux  gouvernements  qui  se  succè- 
d:;!it.  Fiis  d*un  banquier  juif  de  Bordeaux,  il  dirige  des  hauts 
lourneaux  près  de  Hressuire,  s'est  taillé  une  spécialité  dans 
leî  questions  linancières  et  industrielles  et  vil  médiocrement 
0:1  altetidunl  la  groise  fortune  qu*il  fera  un  jour.  Officier  de 
l;t  i.égioii  d'iionneur  [8*2].  Il  appartient  à  la  bande  d'Eugène 
llougon  (lotit  il  est  Tun  des  plus  actifs  partisans,  et  il  perd  son 
>:c-'e  lie  dé|iul«î  quand  le  ministre  tombe  en  disgrAce  :  M.  de 
)i.ir>y  lui  a  reiiié  par  pure  vengeance  :^n  titre  de  candidat 
ni.iciel  |160J.  Kahn  intrigue  ferme  pour  amener  le  retour  de 
iioMgon,  duiit  il  a  besoin  pour  obtenir  une  importante  conces- 
siu!i  de  voies  !•  nées  ;  mais,  arrivé  à  ses  fins,  il  compromet 
>c.i  protf'Cleur  à  plaisir  et,  comme  lîougon  veut  temporiser 
)io.:r  le  rachat  du  chemin  de  fer  par  la  Compagnie  de  l'Ouest, 
Kaiin  le  lâche  carrément  et  entre  en  combinaison  avec  M.  de 
M  îsy  [i*.;!].  (So,i  ExceUcncc  Eugène  Rouyon.) 

Kahn  «Madame).  —  Femme  du  député.  Vit  à  Paris  très 
relire»'  |N'JJ.  [i^utt  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Kçller  (Le>).  —  .Mondains  de  Paris,  chez  qui  la  baronne 
S.::JurlVa  paif<.»is  rencontré  Gundermann  [202J.  {U Argent,) 

Kolb.  —  Hai  '|uier  rue  Vivienne.  Homme  petit,  brun,  dont 
1/  :n.*z  eu  hec  li'nigle  sort  d*une  grande  barbe.  S'occupe  sur- 
toiil  irarbilra*:es  sur  l'or,  achetant  he  numéraire  dans  les 
Kî.as  où  il  est  à  bas  cours,  puis  le  fondant,  pour  vendre  les 


L 


Labordette.   —   L'ami   des    femmes.    Elles    aiment    sa 
socitHë.  on   peut   l'avoir  seul  avec   soi,   n'import»;    où,    sans 


craindre  des  jjèiises  [GH" 
mille   services,  en  bibe 


Il  se  fait  des  renies  en  leur  rendant 
otant  leurs  petites  affaires,  et  il  ne 
couche  jimais.  On  prétend  (jue  Labordette  est  le  fils  d'un  mar- 
chand de  chevaux,  d'autres  disent  le  bàlard  d'une  comtesse 
[l^].  *Vci\  un  grand  garçon  à  belle  chevelure  blonde,  d'une 
tenue  irréprochable  [\i].  Comme,  à  deux  reprises,  il  s'est 
battu  en  duel,  on  le  >alue.'  on  l'admet  partout.  Par  ses 
relations  dans  le  monde  des  entraîneurs  et  des  jockeys, 
il  a  des  renseignements  particuliers  sur  les  courses  [384]. 
C'est  ré:ernel  intermédiaire.  11  s'est  entremis  entre  Nana 
et  Bordenave,  entre  Bordenave  et  Muffat.  Plus  tard, 
il  se  reni  très  utile  à  Nana  pour  l'installation  de  ses  écuries  et 
le  recrutement  de  ses  domestiques  [343].  {Nana») 

Lacaille. —  Marchand  des  quatre  saisons.  Déjà  grisonnant, 
courbaturé  chaque  soir  ['ar  son  voyage  continu  dans  les  rues 
de  Paris,  un  peu  ivrogne.  Achète  en  râlant,  attendant  quelque- 
fois le  dernier  coup  de  cloche  pour  acquérir  quatre  sous  de 
marchan lises  [17).  Toujours  besoigneux,  est  exploité  par 
Lehi^^re  qui  lui  prête  à  la  journée.  Fait  partit  du  groupe 
Gavari  où,  endoctriné  d'abord  par  le  théoricien  Charvet,  il 
préfère  liienlôl  les  idées  humanitaires  de  Florent.  Impliqué 
dans  le  coniplol  des  Halles,  il  est  acquitté  [355].  {Le  Ventre  de 

Lacamp.  —  Marchand  d'huile  à  Plassans,  sous  la  raison 
social'-  Puech  et  Lacamp.  La  maison  presque  en  faillite  [831  ^st 
relevée  par  le  mariage  de  Félicité  Puech  avec  Pierre  Bou- 
gon. Lacamp  reste  encore  associé   pendant  cinq  ans  et,  après 


ryu  LES  PEUSO.NNAGES 

(]uelqu€s  spôciilnlious  heureuses,  il  se  retire  en  mùine  temps 
que  Puecli,  contents  tous  deux  des  quelques  sous  qu'ils 
viennent  de  gagner,  mordus  par  ramljilion  de  mourir  rentiers 
[68].  {La  Fortune  des  liotigon.) 

Lacassagne.  —  Marchand  de  plumes  et  fleurs,  rue 
Sainte-Anne.  Le  Bonheur  des  Dames  lui  fait  une  concurrence 
désastreuse  [ilTJ.  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Lachesnaye  (De).  —  Conseillera  la  Cour  de  Rouen.  DIond 
et  malingre.  A  épousé  la  fille  du  président  Grandmorin.  Avec 
sa  dureté  et  son  avarice,  il  semble  fait  pour  déteindre  sur  sa 
femme  et  la  rendre  mauvaise.  Ce  petit  homme  sec  et  jaune,  con- 
seiller à  l'âge  do  trente-six  ans,  a  été  décoré  grâce  à  l'influence 
de  son  heau-père  et  aux  services  que  son  fière,  également 
magistrat,  a  rendus  autrefois  dans  les  commissions  mixtes.  11  est 
délesté  du  juge  Denizet;  aux  yeux  de  ce  fonctionnaire  besoi- 
;:neux,  il  représente  la  magistrature  de  faveur,  la  magistrature 
riche,  les  médiocres  qui  s'installent,  assurés  d'un  chemin  rapide, 
par  leur  parenté  et  leur  fortune.  Lachesnaye  s'irrite  contre  le 
teslam-inl  de  son  heau-père,  chargé  de  legs  à  des  femmes  de 
toutes  classes,  où  il  y  a  jusquù  une  petite  marchande  de  vio- 
l 'ttes,  établie  sous  une  porte  de  la  rue  du  Rocher.  Deux 
iniliicMis  ne  lui  suffisent  pas  ;  lise  désole,  les  dents  serrées, 
montrant  le  sot  qu*il  est,  le  provincial  à  passions  têtues,  enfoncé 
d ms  l'avorice  [110].  (La  Bète  humaine.) 

Lachesnaye  (>Ud.\me  de).  — Voir  CnANOMORiN  <BEnTHE). 

Lacour  (Zti'HYRiN).  —  Soldat  d'infanterie,  compagnon' 
d'enfance  et  liancé  de  Rosalie  Pichon.  Petite  face  toute  ronde 
couverte  de  son,  percée  de  deux  yeux  minces  comme  des  trous 
do  vrille,  cheveux  roux,  tondus  très  ras,  sans  un  poil  de  barbe 
|79].  Paysan  beauceron.  Doit  épouser  Rosalie  quand  il  aura 
lini  son  temps.  Longues  fiançailles  honnêtes,  agrémentées  de 
pincenit'uts  à  la  taille  et  de  claques  sonores.  (Une  Page 
d*  Amour.) 

Ladicourt  (Baronne  dk).  —  Habite  Vouzicrs.  Elle  reçoit 
à  déjeuner  le  capitaine  Beaudoin,  du  lOG"  de  ligne,  le  :2<»  août 
I87U,  à  l'heure  ou  le  7^'  corps  prend  ses  positions  de 
combat  [IOC»J.  (La  Débâcle.) 

Ladricourt  (Comte  de).  —  Père  de  la  baronne  SandoriT. 
l.'n  ancêtre  de  sa  famille  a  pris  Antioche  [1:21)J.  Le  comte  est 
un  enragé  joueur,  d'une  brutalité   révoltante.    Il  a  battu  un 


bï.i  ItOUGON-MACQL'AtIT  i3l 

jour  Jantrou,  qui  allait  preodre  sn  ordres  chaque  malin. 
Meiiri  il'un  coup  Je  sang,  ruiné,  ft  la  suite  d'une  série  de 
liquiUaiioiis  lamenlaliles  [fi].  {L'Argent.) 

La  Faloiss  Hector  de).  —  Un  jeune  provincint  venu  à 
Paris  pour  y  achever  son  éducation.  11  a  une  lon^'ue  ligure 
maii;re  [i].  l'ar  son  cousin  Fauchory,  il  a  pénétré  dans  les 
coulisses  cl  dans  le  monde  de  la  gulanterie.  C'est  un  raseur 
doni  ri;nir{uc  préoccupation  consiste  à  être  très  parisien. 
AnianE  d'une  petite  femme  des  Yariétûs,  Clarisse  Oesnus,  puis 
Je  la  vieill.;  Giifa  qu'il  trouvait  encore  1res  bien,  il  a  fini  par 
se  to'iu^r  Je  >ona,  rêvant  d'êlrc  lancé  par  une  femme  û  la 
mode.  .\  ce  moment,  il  est  devenu  très  riche;  grâce  à  la  mort 
d'un  oncK-  :  il  est  d'un  chic  e.'ilrnoi'diuaire,  avec  son  cou 
mai^'rc  entre  les  pointes  rabattues  de  son  faux  col,  sa  taille 
cassL-e  f  JUS  un  veston  trop  court,  ses  dandinements,  ses  e.\cla- 
maiioni  d'-  perruche  ol  ses  lassitudes  afTeLlées  de  pantin  de 
liois.  H  i'os-:  au  jeune  homme  ayant  abusé  de  tout  ei  ne  trou- 
vant |>Iu4  rii-n  digne  d'être  pris  nu  sérieux  [441].  >'ana  lui  fait 
l'honueur  d>:  If  ruiner  très  rapidement,  et  comme  il  l'agace, 
elle  >'a:iiuîe  à  le  battre,  l'appelant  son  tiroir  à  claques.  Il 
assiste  i  sa  |irnpru  déchéance  avec  un  rire  idiot,  en  suçant  la 
pomme  Je  sa  canne,  el,  coniplêtement  à  sec.  se  ré[ugie  en 
|irovinc':,  t!ii;z  un  vieux  'parent  maniaque,  dont  il  couri  la 
cliance  J'éjiouscr  la  fille,  1res  laide  et  1res  dévoie  [-IST]. 
{yana.; 

Lafouasse.  —  Cabarelier  établi  dans  la  banlieue  de  Flas- 
Fnns.  ei.lre  l'ancien  t'aradou  el  le  village  des  Artaud.  Grand 
et  foi'l,  lu  visage  enflammé  sous  le  llamlioieraent  de  ses 
cheveux  ronges.  C'est  un  ataxique  soigné  pai«  le  docteur 
l'.-i.=c,[l  'Jj'i'.  A  la  suite  d'une  injection  mal  faite,  il  meurt 
d'un^  cn;l".lie  [Ui].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Lagarâe  (F.diujnu).  —  Sergent  au  5'  de  ligne.  A  peine 
h^K  de  t^D^-t-truis  ans  et  n'en  paraissant  guère  que  dix-huit, 
il  a  pris  part  :i  la  balaille  de  Sedan  el  a  fait  le  coup  de  feu  en 
hùro-,  a'.i-c  mi  tel  acharncmenl  (|ii'il  a  eu  le  bras  gauche  cassé 
pnr  v.:f:  Ici  .lerniT-res  balles,  vers  cinq  heures,  à  la  j-orle  du 
Mi'iiil.  Gt.i\..\\  a  Taris,  dans  la  petite  boutique  de  nouveautés 
Je  son  |-rt.-.  client  de  Deiahercbe,  il  a  été  transporté  chez  \k 
fabricai::.  -*y  tsl  guéri  et,  oublié  pnr  les  aulorilés  jinissi-n- 
nes,  a  I^it  bientôt  partie  de  la  famille,  mangeant,  couchani, 
vivaiil  I;.,  >.ri:ml  de  secrétaire  à  Uclaherche,  en  altendani  de 


232  LES  PEUSON.NAGtS 

pouvoir  rentrer  ù  Paris.  Il  est  blond,  avec  des  yeux  bleus, 
joli  conimo  une  femme,  d^ailleurs  d'une  timidité  si  délicate, 
qu'il  rougit  au  moindre  mot.  C'est  un  chérubin  blessé,  que 
l'aimaUlc  Gilberte  a  soigné  en  camarade  [5i5],  et  dont  elle 
devient  la  maîtresse  [560].  {La  Débâcle.) 

Lagriloul  (Marquis  de).  ^  Député  de  Plassans,  vieux 
«j^entilhomme  légitimiste,  d'une  intelligence  médiocre,  élu  en 
1857  grâce  à  une  coalition  d'opposants  [47].  Il  habite  La  Palud 
ci,  quand  il  vient  à  Plassnns,  est  hébergé  par  un  de  ses  parents, 
le  comte  de  Valqueyras  [309].  Battu  d'avance  aux  élections  géné- 
rales, il  retire  sa  candidature  avant  le  scrutin  [32i].  {La 
.Conquête  de  Plassans,) 

La  jolie  dame.  —  Une  cliente  du  Bonheur  des  Dames, 
une  adorable  blonde  que  les  vendeurs  appellent  entre  eux 
«  la  jolie  dame  »,  ne  sachant  rien  d'elle,  pas  môme  son  nom. 
Elle  achète  beaucoup,  fait  porter  dans  sa  voiture,  puis  dis- 
parait. Grande,  élégante,  mise  avec  un  charme  exquis,  elle 
semble  fort  riche  et  du  meilleur  monde.  \  chacune  de  ses 
apparitions,  on  se  livre  à  des  hypothèses,  simplement  pour 
causer.  Le  vendeur  qui  ne  l'a  pas  servie  prétend  que  c'est  une 
cocotte,  celui  qui  a  fait  la  vente  assure  qu'elle  a  l'air  trop 
comme  il  faut,  ça  doit  être  la  femme  d'un  boursier  ou  d'un 
médecin  [117].  Elle  est  venue  un  jour  avec  un  petit  garçon  de 
({uatre  ou  cinq  ans;  l'un  pense  qu'elle  est  mariée,  l'autre  dit 
que  le  mioche  ne  prouve  rien,  car  il  peut  être  à  une  amie  ; 
ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  qu'elle  doit  avoir  pleuré,  car  elle  est 
triste  et  elle  a  les  yeux  rouges;  son  mari  lui  a  peut-être 
allongé  des  gifles,  à  moins  que  ce  ne  soit  son  amant  qui  l'ait 
plantée  là  [192].  Comme  elle  vient  une  autre  fois  en  grand 
deuil,  on  ne  pense  pas  qu'elle  ait  perdu  son  père,  car  elle 
serait  plus  triste  ;  c'est  plutôt  son  mari,  alors  elle  n'est  pas 
une  cocotte  véritable  ;  pourtant,  il  se  peut  qu'elle  soit  en  deuil 
de  sa  mère  [303].  Et  les  appréciations  gratuites  vont  leur 
train  :  elle  maigrit,  elle  engraisse,  elle  a  bien  dormi  ou  elle  s'est 
couchée  tard  la  veille,  et  si  elle  paraît  très  gaie,  on  suppose 
<|u*elle  se  remarie  ou  qu'elle  a  gagné  de  l'argent  à  la  Bourse 
1499].  (Au  Bonheur  des  Dames,) 

Lalubie.  —  Professeur  de  sixième  au  collège  de  Plassans. 
A  trouvé  un  jour  son  armoire  transformée  en  chapelle  ardente, 
grâce  à  des  chandelles  allumées  par  Télève  Pouillaud.  Sa 
terreur  passée,    il  a  infli^^é  cinq  cents  vers  à  toute  la  classe. 


DES  ROUGON-MâCQUART  S33 

l.aluhic  épouse  la  fille  du  mercier  Galissard.  Ses  anciens 
élèves  ne  parlt;nt  de  lui  qu*en  le  traitant  de  crétin  et  de  vieille 
rosse  [3'3].  (LŒuvrc.) 

Lamb.  —  Étalon  de  courses.  Lusignan,  de  Técurie  Van- 
deuvres,  est  par  Lamb  et  Princess  [388].  (Nana,) 

Laxnberthier.  —  Facteur  à  la  Halle.  Joséphine  Dejoie  a 
été  cuisinière  chez  lui  [134].  (L'Argent.) 

Laxnberthon  (de).  —  Député  au  Corps  législatif.  A  pincé  sa 
femme  en  flagrant  délit  [i].  (Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Laxnbourdieu.  —  Petit  homme  court.  C'est  un  gros  bou- 
tiquier de  Cloyes,  à  l'enseigne  des  Nouveautés  parisiennes,  il 
proniènt-  tout  un  bazar  de  village  en  village,  dans  un  rayon  de 
cinq  ou  six  lieues  [120].  (La  Terre.) 

Landois  ^Auguste).  —  Garçon  charcutier  chez  Quenu. 
Venu  Je  Troycs,  il  a  Tambition  de  s'établir  à  Paris,  avec 
l'héritage  de  sa  mère,  déposé  chez  un  notaire,  en  Champagne. 
A  fait  a  cepler  comme  fille  de  boutique  sa  cousine  Augustine 
Landoisj  qu'il  doit  épouser.  Vingt-huit  ans,  gras  d'une  mau- 
vaise graisse,  blafanl,  tète  trop  grosse  et  déjà  chauve.  C'est 
un  Quei:u  blÙLae  [7"2],  habile  à  la  confection  du  boudin.  Avait 
(l'abord  accepté  le  maigre  Florent,  venait  le  voir  dans  sa 
chambrr ,  bavardait,  ress  Jssait  son  rêve  d'une  charcuterie  à 
Plaisance.  Puis,  son  instinct  de  gras  l'éloigné  du  ténébreux 
conspirateur  dont  la  présence  ajourne  ses  projets  et  il  le 
dénonce  à  la  préfecture,  sur  une  facture  à  en-téte  de  la 
maison  Oucnu-Gradelle  [319].  Landois  finit  par  épouser  .Au- 
gustine et  va  s'établir  à  -Monlrouge.  (Le  Ventre  de  Paris.) 

Landois  Augustine).  —  Fille  de  boutique  chez  Quenu. 
Venue  de  Troyes  pour  apprendre  le  commerce  et  se  marier 
avec  son  cousin  .Auguste  Landois.  Grosse  fille  puérile,  aux  durs 
cheveux  châla::is.  C'est  une  Lisa  pas  mûre  [7i].  Couche  dans  un 
cabinet  au  premier  étage,  ayant  cédé  à  Florent  sa  mansarde 
du  «injuième,  ornée  d'un  portrait  des  deux  cousins,  d'un 
paroissi»;ii,  dun  exemplaire  maculé  de  la  Clé  des  Songes  et 
d'un  grenadier  en  caisse  que  le  c  galérien  >  Florent  soigne 
consciencicus-rment.  Piéalise  son  rêve  en  épousant  Auguste  et 
en  devenant  (.barculière.  (Le  Ventre  de  Paris.) 

• 

Langlade  (de).  —  Préfet  des  Deux-Sèvres.  On  l'accuse 
de  mœurs   dissolues  ;    il    serait  au    mieux   avec    la   femme 


.11. 


231  LES  PEKSONNACES 

du  nouveau  député  de  Niort  [tGO].  C'est  un  garçon  à  bonnes 
fortunes,  Idond  comme  une  fille  [30 i].  Il  est  remplacé  par 
Du  Poizat.  {Son  Excellence  Eugène  liouijon.) 

Lantier  (Auguste)  (I).  —  Né  en  i82i.  Ouvrier  tanneur  à 
Plassans.  Devient  à  dix-huit  ans  Tamant  de  Gervaise  Macquart 
et  a  d'elle  trois  eniants,  Claude,  Jac()ucs,  Etienne,  qui  sont 
recueillis  par  madame  I.anticr  mère.  Quand  celle-ci  meurt,  il 
emmène  Gervaise  à  Paris  avec  deux  des  enfants  [179].  (La  For- 
(une  des  Uougon.) 

C'est  un  garçon  de  vingt-six  ans,  petil,  très  brun,  d'une 
jolie  figure,  avec  de  menues  moustaches,  qu'il  frise  toujours 
d'un  mouvement  machinal  de  la  main.  11  porte  une  cotte 
d'ouvrier,  une  vieille  redingote  tachée  qu'il  pince  à  la  taille  ; 
il  a,  en  parlant,  un  accent  provençal  très  accentué  [8].  Sa 
mère  lui  avait  laissé  un  petit  héritage  de  dix  sept  cents  francs, 
il  mange  cet  argent  en  deux  mois,  au  lieu  de  s'établir  comme 
il  Tuvait  promis  [10].  Le  ménage,  descendu  d'abord  à  Thôtel 
Montmartre,  rue  Montmartre,  se  réfugie  à  rhôtel  Doncœur, 
barrière  des  Poissonniers,  où,  quinze  jours  après,  toutes  les 
ressources  étant  épuisées,  Lantier  délaisse  Gervaise  et  les 
enfants.  H  est  allé  se  fixer  à  la  Glacière,  avec  une  brunisseuse, 
la  petite  Adèle,  et  il  vit  à  ses  crochets,  la  battant  quand  elle 
ne  marche  pas  droit  [:235].  Pendant  sept  ans,  on  ne  le  revoit 
pas  et,  brusquement,  il  reparait  a  la  Chapelle,  on  l'aperçoit 
autour  de  la  boutique  de  Gervaise,  ramené  sans  doute  par  Ja 
grande  Virginie.  Coupeau,  déjà  alcoolique,  fait  de  lui  son  ami 
et  riiilroduit  à  la  maison  [!293].  A  celte  époque,  Lantier  s'est 
épaissi,  il  est  gras  et  rond,  les  jambes  et  les  bras  lourds,  à 
cause  de  sa  petite  taille  ;  mais  sa  figure  garde  de  jolis  traits, 
sous  la  bouflissure  d'une  vie  de  fainéantise  et,  comme  il  soigne 
beaucoup  ses  moustaches,  on  ne  lui  donne  pas  plus  que  son 
à^e.  Il  porte  un  pantalon  gris,  un  paletot  gros  bleu  et  un 
chapeau  rond  [300].  Si  on  l'en  croit,  il  a  dirigé  longtemps  une 
fabrique  de  chapeaux  et  s'est  retiré  parce  que  son  associé 
man^'cait  la  maison  avec  des  femmes.  Aussi  se  donne-t-îl  des 
allures  de  patron,  sans  cesse  sur  le  point  de  conclure  des 
alTaires  superbes;  mais  en  réalité,  il  ne  fait  rien.    Sa  grande 


(1)  Lanlier,  dovl  l'ascendance  compte  des  pamlutiqucfi.  e</  Vamant 
de  Gervaise  Macfjuarly  V emmené  à  Paris  et  V\i  abandonne.  {Arbre 
gcncaiogi'jue  des  Itougon-Macquarl,) 


DES  lîUUGOX-MACyUMiT  235 

prcoccu|ialion  csl  de  s*insinucr  dans  le  ménage  des  Coupeau 
où    il    va    bientôt    faire    la  loi,    prenant    possession    de   la 
maison,    ne    donnant    plus   un   sou,    empruntant   même   de 
rangent  à  la  ienimc  pour  faire  la  noce  avec  le  mari.   Toujours 
poli,  fieau  parieur  et  de  bonnes  manières,  il  a  commencé  par 
conquérir  le  ({uartier,  il  a  même  séduit  les  Lorilleux  [303].  A 
présent,    il  désigne  lui-même    les  fournisseurs,  exige  qu'on 
respecte  son  goût  de  Provençal  jiour  la  cuisine  à  Fbuile,  joue 
le  rôle  de  grand  arbitre  dans  la  famille,  se  cbarge  de  Tédu- 
cation  de  ^ana,  et,  finalement,  redevient  Tamant  de  Gcrvaise 
qu'il  mène  au  doi;.'t  et  à  Tœil   p)G7].    Lorsque,   plus  lard,  il 
flaire  la   patme,    il  tourne   ses   batteries   vers    les    Poisson, 
amène  Vjririiiie  à  reprendre  la  boutique  des  Coupeau,   règne 
entre    la    poli  le    blonde  et  la   ^^ande   brune,    se  bourre  de 
sucrerie?  et  nettoie  tranquillement  le  petit  commerce  de  Vir- 
ginie comme  il  avait  nettoyé  celui  de  Gervaisr.  II  tourne  alors 
autour  de  la  fille  du  restaurant  d'à  côté,  nu*  femme  magni- 
fique, qui  a  parlé,  de  s'établir  tripière  [5G0j.  (IJAt^Sùmmoir,) 

Lantier  i(!laude)  (1).  —  Fils  de  Gervai^e  Macquart  et 
d'Auguste  Liiiiier.  Père  de  Jacques-Louis.  Né  à  Plassans  en 
18 12,  Claude  v  été  recueilli  par  sa  grand'mère  paternelle  [151]. 
nuanJ  celle-ci  meurt,  en  1851,  il  est  emmené  à  Paris  par  ses 
parents  [IT'M.  {La  Fortune  des  Bougon,) 

Il  vil  ptMidant  quelque  temps  avec  sa  mère,  que  Lantier  a 
abandonnée  et  qui  s'est  mariée  avec  Coupeau.  Par  bonbeur,un 
vieux  monsieur  de  Plassans,  séduit  par  les  ânes  et  les  bonnes 
femmes  (jue  Claude  dessinait,  s'est  imaginé  de  le  redemander 
à  sa  mère  et  l'a  mis  au  collège  [l'21].  (L'Assommoir.) 

Plus  tard,  rexcellenl  bomme  est  mort  en  lui  laissant  mille 
francs  de  renie,  ce  qui  Tempéche  de  mourir  de  faim  dans  la 
rude  carrière  qu'il  a  entreprise.  Claude  est  peintre;  c'est  un 
garçon  uiaiiTre,  avec  de  gros  os,  une  grosse  tète,  barbu,  le  nez 


i\)  Chtiul''  Lantici\  ué  en  I84i,  t-pouse  en  UOb  Chrisliue  IJalie- 
grain,  dout  /  j'crc  était  parapicfjtque,  inaitresse  avec  laquelle  il  vil 
depuis  5/j  un-  ci  ilonl  il  a  un  fih,  Jacques,  lujé  de  cinq  ans;  perd  ce 
fila  en  t^«'J.  t»  lui-même  se  pend  en  1870.  [Mélange  fusion,  l'rédo- 
ininancc  nui.. le  et  ressemblance  pliysi-pie  de  la  mère.  Uérédilé 
d'une  név;os.-  5e  lournaul  en  génie  .  Peintre.  {Arbre  ijéntalogique 
des  liou'jon-M  :<.quarl.) 


^{j  LES  PERSONNAGES 

très  fin,  les  ycuv  minces  et  clairs.  Il  porte  un  chapeau  de  feutre 
noir,  roussi,  déforme,  et  il  se  boutonne  au  fond  d'un  immense 
paletot  déteint.  Ayant  la  haine  du  romantisme  et  de  la  peinture 
à  idées,  il  se  plail  aux  Halles,  qa*il  admire  en  artiste,  cherchant 
des  natures  mortes  colossales;  c'est  un  moderne  qui  aime  son 
époque  et  voudrait  mettre  Cadine  et  Marjolin  dans  un  tableau 
énorme,  assis  sur  leur  lit  de  nourriture,  échangeant  le  baiser 
idyllique,  synthétisant  l'art  contemporain  tout  expérimental  et 
tout  matérialiste  [!212].  Logé  au  fond  de  rimpas>e  des  Bour- 
donnais, il  passe  sa  vie  aux  Halles,  le  ventre  creux,  mais  ayant 
un  grand  amour  pour  cet  amoncellement  de  vivres  qui  monte 
au  beau  milieu  de  Paris  chaque  matin.  Claude  résiste  à  Flo- 
rent, qui  cherche  a  rentrainer  dans  son  rêve  politique  [301]; 
il  partage  pourtant,  en  artiste  sincère  et  laborieux,  sa  colère 
contre  les  bourgeois  repus  [355]  et,  révolté  par  le  cruel 
égoîsme  de.  sa  tante  Lisa  Quenu,  il  trouve  ce  cri  écœuré  : 
c  (Juels  gredins  que  les  honnêtes  gens  !  »  (Le  Ventre  de  Paris,) 

Claude  est  désigné  comme  membre  du  conseil  de  famille  de 
sa  cousine  Pauline  Quenu  [26].  {La  Joie  de  vivre.) 

II  a  quitté  par  économie  l'impasse  des  Dourdonnais  et  s'est 
installé  un  atelier  dans  les  combles  de  l'ancien  hôtel  du  Martoy,  à 
l'angle  du  quai  de  Bourbon  et  de  la  rue  de  la  Femme-sans-Téte. 
Là,  il  vit  en  sauvage,  dans  un  absolu  dédain  pour  tout  ce  qui 
n'est  pas  la  peinture.  D'une  timidité  souffrante  qu'il  cache  sous 
une  fanfaronnade  de  brutalité,  il  traite  toutes  les  (illes  en  garçon 
qui  les  ignore;  ses  amis,  Pierre  Sandoz  et  les  autres,  sont 
d'anciens  condisciples  du  collège  de  Plassans,  retrouvés  à  Paris 
et  devenus  comme  lui  des  révolutionnaires  de  Tart.  Claude 
s*e?l  vite  dégoûté  des  exercices  d'école  chez  le  peintre  Berihou, 
il  déclame  contre  le  travail  au  Louvre,  où  Tœil  se  gâte  à 
des  copies  qui  encrassent  pour  toujours  la  vision  du  monde  où 
Ion  vit;  pour  lui,. il  n'y  pas  en  art  autre  chose  que  de  donner 
ce  qu'on  a  dans  le  ventre,  tout  se  réduit  à  planter  une  bonne 
femme  devant  soi,  puis  à  la  rendre  comme  on  la  sent;  il  se 
€Outeiito  d'aller  peindre  chez  Boulin,  un  atelier  libre  où  l'on 
trouve  du  nu  à  volonté. 

Plein  d'admiration  pour  Delacroix,  le  vieux  lion  romantique, 
et  pour  Courbet,  un  rude  ouvrier  dont  le  fameux  réalisme  n'est 
guère  que  dans  les  sujets,  tandis  que  la  vision  reste  celle  des 
vieux  maîtres,  Claude,  tourmenté  d'un  besoin  de  créer,  aspire 
à  une  peinture   claire  et  jeune,   les   choses  et    les  êtres  tels 


DES  ROUCON-MACgUART  237 

qu*ils  se  romporlent  dans  de  la  Traie  lumière;  il  rêve  de  rendre 
la  vie  telle  qu'^flle  passe  dans  les  rues,  la  vie  des  pauvres  et 
celle  des  riches,  toute  la  vie  moderne  [51].  En  son  atelier,  il  y  a 
quelques  études,  des  esquisses  flamboyantes  rapportées  du 
Midi,  des  anatoniies  terriblement  exactes,  d*admirab1es  mor- 
ceaux qui  annoncent  un  grand  peintre,  doué  admirablement, 
entravé  par  des  impuissances  soudaines  et  inexpliquées.  Son 
malheur  est  de  ne  pouvoir  jamais  lâcher  à  temps  la  besogne; 
il  se  grise  de  travail,  dans  le  besoin  d'avoir  une  certitude 
immédiate,  de  se  prouver  qu*il  tient  enfin  son  chef-d'œuvre; 
puis,  tout  :\  coup,  rien  de  clair  et  de  vivant  ne  vient  plus  sous 
ses  doigts,  ur.e  lésion  de  ses  yeux  semble  Tempécher  de  voir 
juste,  ses  mains  cessent  d'être  à  lui,  et  il  s'aflfole  davantage,  en 
s'irritant  le  cet  inconnu  héréditaire,  qui  parfois  lui  rend  la 
création  si  heureuse  et  qui  d'autres  fois  l'abêtit  de  stérilité 
[59]. 

Pour  son  Plein  Air,  tableau  fameux  d'où  va  naître  une 
école,  il  s'épuise  à  chercher  un  modèle  digne  de  la  figure  qu'il 
rêve  :  une  femme  nue,  couchée  dans  l'herbe,  sous  une  ondée 
de  soleil,  une  femme  les  paupières  closes,  souriante  dans  la 
pluie  d'or  qui  la  baigne;  tandis  qu'au  fond  deu\  autres  petites 
femmes,  une  brune  et  une  blonde,  également  nues,  luttent  en 
riant,  dét  chant  deux  adorables  notes  de  chair  p'armi  les  verts 
de  la  foré!,  et  qu'au  premier  plan,  pour  faire  une  opposition 
noire,  un  uionsieur  est  assis,  tournant  le  dos,  ne  montrant  que 
son  vestoa  de  velours  [32].  Claude  a  une  passion  de  chaste 
pour  la  cl.air  de  la  femme,  un  amour  fou  des  nudités  désirées 
et  jamais  posséJées  [56].  La  figure  qu'il  a  inutilement  cher- 
chée pour  son  tableau,  il  la  trouve  en  Christine  Hallegrain, 
recueilli'^  une  nuit  d'orage,  et  dont  la  nudité  entrevue,  un  peu 
mince,  u:.  peu  ^réle  d'enfance,  mais  souple,  d'une  jeunesse 
fraîche,  avec  des  seins  déjà  mûrs,  fait  naître  en  lui  un  émer- 
veillemei.l  d'artiste.  Ei  alors  que  Christine  se  prend  d'amour 
au  point  ie  sacrilier  toute  sa  pudeur  de  lille  chaste  et  de  poser 
nue  deva:.i  le  peintre  suppliant,  Claude,  lui,  ne  se  grise  que 
de  son  îrl.  II  achève  son  tableau  dans  un  viril  effort,  un 
tableau  en  lui  vaudra,  au  Salon  des  Refusés,  des  railleries  et 
des  outrait  s,  toutes  les  àneries,  les  réflexions  saugrenues,  les 
ricanemt':ils  slupides  et  mauvais,  que  la  vue  d'une  œuvre  ori- 
ginale \hA  tirer  à  l'imbécillité  bourgeoise  [161];  pourtant,  la 
feninK'  c.ucliée  dans  l'herbe  est  resplendissante  de  vie,  les 
maladresses  de  l'œuvre  n'empêchent  pas  le  joli  ion  général,  le 


238  LES  PEKSONNAGLS 

coup  de  lumière,  une  lumière  gris  d'argent,  fine,  diffuse, 
égayée  de  tous  les  reflets  dansants  du  plein  air  [i66]. 

l^une  sensibilité  de  femme,  au  milieu  de  ses  rudesses  révo- 
lutionnaires, s'attendant  toujours  au  martyre  et  toujours  sai- 
gnant, toujours  slupéfait  d'être  repoussé,  Claude  a  senti  un 
grand  froid  de  glace  devant  la  foule  hostile  et,  dans  le  désarroi 
de  son  idéal,  il  se  donne  a  Christine,  il  fuit  avec  elle  h  Benne- 
court,  vers  le  grand  repos  de  la  bonne  nature,  enveloppé  par 
son  amante  d'une  haleine  do  flamuje  où  s*évanouissent  ses 
volontés  d'artiste  [191].  C'est  un  heureux  temps  de  flâneries 
sans  fin,  de  parties  de  canot  à  traversées  !les  semées  au  fil  de 
Tcau.  Puis,  après  quelques  saiisons  d'entier  oubli,  où  Sandoz 
même,  l'ami  de  toujours,  a  été  délaissé,  Claude  commence  à  se 
désespérer  de  sa  solitude.  H  adore  encore  Christine,  il  la 
possède  avec  l'emportement  éperdu  d'un  amant  qui  demande  à 
l'amour  l'oubli  de  tout,  la  joie  unique,  mais  comme  on  ne  peut 
aller  au  delà  du  baiser,  l'amante  ne  suffit  plus.  Son  autre  maî- 
tresse, la  peinture.  Ta  repris.  Et  c'est  alors  le  retour  à  Paris, 
l'installation  dans  un  petit  atelier  rue  de  Douai,  près  du  bou- 
levard de  Clichy,  trois  années  où  Claude  ne  doute  plus,  une 
certitude  d'incarner  enfin  la  formule  nouvelle.  Il  peint  d'abord, 
derrière  la  butte  Montmartre,  un  fond  de  misère,  avec  des 
masures  basses,  dominées  par  des  cheminées  d'usines,  et  au 
premier  plan,  dans  la  neige,  une  fillette  et  un  voyou  en  loques, 
dévorant  des  pommes  volées;  c'est  ensuite  un  bout  du  square 
des  Batignolles,  en  mai,  des  bonnes  et  des  petits  bourgeois  du 
quartier,  regardant  trois  gamines  en  train  de  faire  des  pâtés 
de  sni)]e;  puis,  c'est  le  plein  soleil  Je  la  place  du  Carrousel,  à 
une  heure,  lorsque  le  soleil  tape  d'aplomb.  Malgré  leurs  oppo- 
sitions, toutes  ces  toiles  sont  chaque  fois  refusées  par  le  jury, 
résolu  à  étrangler  un  artiste  original,  et  Claude  retombe  à  ses 
doulcs,  les  crises  se  multiplient,  il  recommence  à  vivre  des 
semaines  abominables,  se  dévorant,  tour  à  tour  emporté  et 
abailu,  éternellement  secoué  de  l'incertitude  à  l'espérance.  Son 
unique  soutien  est  le  rêve  consolateur  de  l'œuvre  future,  celle 
où  il  se  satisfera  enfin,  où  ses  mains  se  délieront  pour  la 
création  ;  ce  qu'il  fera  plus  lard,  il  le  voit  superbe  et  héroïque, 
inatl.'iquiible,  indestructible  [27 S]. 

Après  avoir  longuement  c  lerché  un  sujet,  tourmenté  par  des 
superslilions  de  femme  nerveuse,  il  le  trouve  au  pont  des 
Saints-Pères,  avec  le  port  Saint-Nicolas  et  son  peuple  de  débar- 
deurs, au  premier  plan,  puis  le  pont   des  Arts,  d'une  légèreté 


DtS  KOUGON-MACUUAni  230 

rie  dentelle  noire,  les  vieilles  arches  du  Pont-Neuf,  Filôtel  de 
Ville,  le  eloLlier  carré  de  Saint-Gervais  et,  au  centre  de  Tiin- 
inens-  tahleau,  la  Cité,  cette  proue  de  Tantique  navire,  éler- 
nelK-uient  dorée  par  le  couchant,  surmontée  de  deux  flèches, 
lelloî  dt:  N»..tre-l)ame  et  de  la  Sainte-Chapelle,  toutes  deux 
d'une  élé^ar.re  si  fine  qu'elles  semblent  frémir  à  la  brise,  hau- 
taine mâ'uredu  vaisseau  séculaire,  plonj^eant  dans  la  clarté  en 
plein  ciel  [H'i'Xl.  C'est  à  cette  œuvre  qu'il  va  tout  sacrifier,  la 
rente  qui  le  faisait  vivre  et  dont  le  capital,  réalisé,  sera  vite 
eu^'louti.  son  eiifaûl  qu'il  ne  verra  même  pas  dépérir,  sa  femme 
qu'il  réduira  au  misérable  métier  de  modèle,  qu'il  outra- 
ji^era  inccnscien^nient,  qu'il  ne  connaîtra  même  plus.  11  a  loué 
ni^  Tout. uqjc  un  grand  hangar  où  il  vit  des  années  sur  sa 
toile,  n'ryant  d'entrailles  que  pour  elle,  tantôt  ravi  délicieuse- 
ment par  dv?  j  jies  folles,  tantôt  retombé  à  terre,  si  misérable, 
.  :  dtclii!-.' ii'.'  'ioutes,  que  les  moribonds  râlant  dans  les  lits 
d'liô{>itau\  son^  plus  heureux  que  lui  [311].  Sa  claire  vision 
ralKiudoiine.  il  côie  à  un  symbolisme  secret  en  supprimant  la 
barque  .oi-luite  par  un  marinier,  et  en  lui  substituant  une 
autre  ba!'q::e  très  grande,  tenant  le  milieu  de  la  composition, 
»'l  que  trois  feinines  occupent,  dont  une  entièrement  nue  et 
']ui  raye  ji*:  h'<  comme  un  soleil;  en  celte  nudité,  il  incarne  la 
chair  ni  '.n^  «le  Paris,  la  ville  nue  et  passionnée,  resplendis- 
sante d'   lie  beauté  de  femme  [315]. 

Mais  4'in:|)ui5sance  le  poursuit,  il  reste  un  génie  incomplet, 
dans  le  ile:4(|jilihremeut  des  nerfs  dont  il  souffre,  le  détra- 
quement li«^réiitaire  qui,  pour  quelques  grammes  de  substance 
L'u  plus  fi  «iu  moins,  au  Heu  de  faire  un  grand  homme,  va 
faire  un  lou  [-'-T].  Comme  il  voit  tout  à  coup  que  son  tcibleau 
est  raté,  il  .xf^ose  VEnfnnt  mort,  son  malheureux  Jean-Louis 
qui  vien:  d^:X|  irer  et  qui  n'est  plus  pour  lui  qu'un  modèle  pas» 
sionnan:.  El  l'indifférence  de  la  foule  devant  ce  petit  chef- 
d'œuvre  ù.  carte  et  de  puissance  achève  l'affolement  du 
peintre:  c'-sl  iui  pourtant,  le  véritable  triomphateur  du  Salon, 
car  ces:  lui  .juti  tous  pillent,  c'est  son  Plein  Air  d'autrefois, 
«jue  1  lKi.jiIcr  Fa^erolles  a-  truqué.  Mais  il  ne  se  résigne  pas  à 
être  le  r  ré  jrf-.ur  qui  sème  l'idée  sans  récolter  la  îjloire,  il  se 
désole  Ci  st  voir  volé,  dévoré  par  les  bàcleurs  de  besogne,  et 
dès  lorf.  riiéc  de  suicide  germe  en  lui,  ses  yeux  restent  fous, 
on  y  voi'.  e'junne  une  mort  de  la  lumière,  quand  ils  se  lixenl 
sur  l'œuvre  manqiiée  de  sa  vie  [413];  rien  ne  lui  est  épar- 
pné.   il   a   la  rancœur  d'entendre  .Mahoudeau,  ^^Gagnière,  ses 


240  LES  PERSONNAGES 

anciensdisciples,  enragés  contre  lui  depuis  qu'il  esta  terre  [450]. 
Une  dernière  crise  le  ramène  à  son  tableau,  la  nuit,  et  dans 
un  élan  exaspéré  de  créateur,  une  bougie  à  la  main,  il  se  met 
à  travailler  à  la  Femme  nue,  lui  peignant  le  ventre  el  les 
cuisses  en  visionnaire  aflblé  [463],  fleurissant  son  sexe  d'une 
rose  mystique.  Et  la  passionnée  Christine  a  beau  l'éveiller  de 
son  rêve,  le  reprendre,  lui  donner  une  griserie  de  volupté, 
Claude  retourne  à  la  fatalité  de  son  destin,  il  se  pend,  il  meurt 
devant  l'idole  peinte  [476].  Cet  artiste  génial  est  accompagné 
par  Sandoz  et  Congrand  au  cimetière  de  Cayenne,  à  Saint- 
Ouen,  un  grand  cimetière  plat,  tiré  au  cordeau,  dominé  par 
le  talus  du  chemin  de  fer,  el  on  Finhume  en  face  du  carré  des 
enfants  [488].  (L'Œuvre.) 

Lantier  (Madame  Cl\ude).  —  Voir  HALixcriAiN  (Christine). 

Lantier  (Etienne)  (I).  —  Troisième  fils  de  Gervaise  Mac- 
quart  et  d\\uguste  Lantier.Né  à  Plassans,  en  1846,  Etienne  est 
recueilli  par  sa  grand'mère  paternelle  [151].  Quand  celle-ci 
meurt,  en  1851,  il. est  emmené  à  Paris  par  ses  parents  [179]. 
{La  Fortune  des  Rougon.) 

A  huit  ans,  on  le  met  dans  une  petite  pension  de  la  rue  de 
Chartres,  où  sa  mère  paye  cinq  francs  par  mois  [135].  Gervaise, 
abandonnée  par  Lantier,  s*esi  mariée  avec  le  zingueur  Cou- 
peau,  qui  maltraite  souvent  Tenfant  [155].  Quand  Etienne  a 
douze  ans,  Goujel  l'accepte  comme  apprenti  [194];  on  Tappelle 
le  petit  Zouzou,  parce  qu'il  a  les  cheveux  coupés  ras,  pareils  à 
ceux  d'un  zouave  [209].  II  est  ensuite  envoyé  en  apprentissage 
à  Lille  [314]  et  devient  mécanicien  [5i8].  (L'Assommoir.) 

A  vingt  el  un  ans,  c'est  un  joli  homme,  au  visage  fin,  a  l'air 
fort,  maillé  ses  membres  menus.  Quand  il  boit,  cela  le  rend 
fou,  il  ne  peut  avaler  deux  petits  verres  sans  avoir  le  besoin  de 
manger  un  homme;  il  a  la  haine  de  Teau-de-vic,  la  haine  du 
dernier  enfant  d'une  race  d'ivrognes,  qui  souflre  dans  sa  chair 
de  toute  celte  ascendance  trempée  et  détraquée  d'alcool  [48]. 
Étant  à  Lille  dans  un  atelier  de  chemin  de  fer,  il  a  été  chassé 
pour  avoir  giflé  son  chef.  Une  crise  industrielle  sévit;  il  fait 


(1)  Élienve  Lantier^  né  en  1846.  [Mélange  dissémination.  Ressem- 
blance |ihysijue  de  la  mère,  puis  du  père].  Mineur.  Vit  encore  à 
Mtiuméa,  déporté.  Marié  là-bas,  dit-on,  et  a  des  enfants,  peut-être, 
qu^on  ne  peut  classer.  (Arbre  généalogique  des  Hougon-Macquarl.) 


DES  nOUCON-MACQUART  241 

des  courses  inutiles  pendant  huit  jours,  aucun  travail  à  Mar- 
cliie!!nes,  plus  un  sou,  pas  même  une  croûte.  Au  travers  de  la 
campagne  nue,  le  vent  de  mars  roule  un  cri  de  famine.  Après 
une  marche  de  nuit,  Etienne  arrive  tout  grelottant  à  la  fosse 
du  Voreux,  tassée  au  fond  d*un  creux  à  deux  kilomètres  de 
Montsou;  avec  ses  constructions  trapues  de  hriques  et  sa  che- 
minée dressée  comme  une  corne  menaçante,  la  fosse  a  un  air 
mauvais  de  héte  jalouse,  accroupie  là  pour  manger  le  monde. 
Toussaint  Mnheu  embauche  Etienne  comme  hercheur;  il  va 
gagner  trente  sous  par  jour,  à  un  rude  travail  de  manœuvre. 
Mais  il  ne  partage  point  la  résignation  du  troupeau  qui  vit  et 
souifre  dans  la  mine  ;  dès  le  premier  jour,  il  partirait,  il  repren- 
drait sa  course  affamée  le  long  des  routes,  s*il  n'était  retenu 
par  les  veux  clairs  de  Catherine  Maheu.  A  son  inconscient  amour 
pour  la  hercheuse,  que  le  grand  Chaval  va  prendre  sous  ses 
;  2u\  et  lui  disputera  jusque  dans  la  mort,  se  mêle  un  souffle 
lie  colère  devant  la  besogne  trop  dure,  devant  Thumiliation 
ù'étre,  sous  la  terre,  une  béte  qu'on  aveugle  et  qu'on  écrase. 
II  restera  pour  peiner  et  se  battre. 

Est-il  possible  que  des  hommes  se  tueni  a  un  si  rude  métier, 
<ians  cette  i.uit  mortelle,  et  qu*ils  n'y  gagnent  môme  pas  les 
quelques  sous  du  pain  quotidien?  Il  songe  violemment  à  ces 
actionnaires  anonymes  qui  possèdent  la  fosse,  à  ce  dieu  repu, 
auqutrl  dix  mille  allâmes  donnent  leur  chair  sans  le  connaître 
r78].  Une  pr^^disposition  de  révolte  le  jette  à  la  lutte  du  travail 
contre  le  capital  el,  comniç  il  est  resté  en  correspondance  avec 
son  ancien  conire-maître  Pluchart,  il  veut  créer  à  Montsou  une 
.-jciion  de  Tlnternationale,  pour  dicter  des  lois  aux  patrons 
s'ils  font  les  méchants  [157].  C'est  un  fonds  d'idées  obscures, 
endormies  e:i  lui,  qui  s'agite  et  s'élargit.  Il  méprise  la  boisson 
et  les  filles,  il  donnerait  tout  pour  la  justice,  une  seule  chose 
lui  chaude  h-  co^ur.  c'est  l'idée  qu'on  va  balayer  les  bourgeois. 
Plus  instruit  que  ses  nouveaux  camarades,  il  grandit  dans 
l'estime  de  tous,  son  influence  se  développe,  il  fonde  une  caisse 
de  prévoyaiice,  arme  précieuse  en  cas  de  grève.  Pour  résoudre 
la  question  sociale,  il  se  met  à  l'élude,  il  s'affole  de  science, 
dos  lectures  mal  digérées  achèvent  de  Texalter,  il  mêle  en  son 
esprit  les  revr^idicalions  pratiques  de  Hassencur  et  les  violences 
destructives  de  Souvarine,  confondant  tous  les  svsièmes,  em- 
prunlanl  des  ia:i)heaux  d'idées  à  Proudlion,  à  Lassallc,  à  Karl 
Marx,  et  n'éirail  sûr  que  d'une  chose,  c'est  i\\ie  la  vieille  société 
n'en  a  plus  que  pour  quelques  mois. 

21 


il['2  LES  l'tKSO.NNACKS 

11  endoctrine  les  Maheu.  On  n'est  plus  au  temps  du  pcre- 
r>onneniort.  où  le  mineur  vivait  dans  la  mine  comme  une  brute, 
comme  une  machine  à  extraire  la  houille,  toujours  sous  la 
l'irre,  les  oreilles  et  les  yeux  bouchés  aux  événements  du 
dehors;  ù  présent,  le  mineur  s*évcille,  il  germe  dans  la  terre 
ainsi  qu'une  vraie  graine,  et  Ton  verra»  un  clair  mutin,  pousser 
au  beau  milieu  des  champs,  une  armée  d*hommes  qui  rétabli- 
ront la  justice  [180].  On  Técouic,  on  croit  à  des  solutions  mira- 
culeuses, ses  auditeurs  ont  la  fui  aveugle  des  nouveaux  croyants, 
pareils  à  ces  chrétiens  des  premiers  temps  de  TÉglise,  qui 
aitcndaionl  la  venue  d'une  société  parfaite,  sur  le  fumier  du 
monde  anti(|ue  [100].  Et  depuis  qu'il  se  sent  penser,  un  orgueil 
lai  est  venu;  c'est  une  transformation  lente;  des  instincts  de 
i'0({uelterie  et  de  bien-être,  endormis  dans  sa  pauvreté,  se 
I éveillent,  il  a  des  satisfactions  d'amour-propre  délicieuses, 
lout  un  affinenient  extérieur,  des  vêtements  de  drap,  des  bot- 
tines fines,  il  se  grise  des  premières  jouissances  de  la  popula- 
rité, il  agrandit  son.  rêve  d'une  révolution  prochaine  où  il 
jouera  un  rôle  [192]. 

La  grève  déclarée,  il  en  devient  le  chef  incontesté,  il  préco- 
nise le  calme,  impose  une  discipline,  rend  des  oracles  et  tranche 
t'n  toutes  choses.  C'est  un  continuel  gonOement  de  vanité.  Si 
la  conscience  de  son  manque  d'instruction  lui  laisse  encore 
à  certaines  heures  une  inquiétude  sur  sa  mission,  ce  malaise 
(.*st  fugitif;  sa  vision  de  chef  populaire  le  remet  d'aplomb,  il 
aperçoit  Montsou  à  ses  pieds,  Paris  dans  un  lointain  brouillard, 
la  députation  un  jour,  la  tribune  d'une  salie  riche  où  il  ira  fou- 
droyer les  bourgeois  du  premier  discours  prononcé  par  un 
ouvrier  dans  un  Parlement  [tôô].  11  disait  autrefois  qu'on  doit 
bannir  h  politique  de  la  question  sociale,  aujourd'hui  il  veut 
•ju'on  s'empare  du  gouvernement  avant  tout  [2G9].  Les  afTecta- 
lioiis  de  prudence  de  Rassenour  l'ont  poussé  à  une  exagération 
sectaire,  l'emportant  malgré  lui  au  delà  de  ses  idées  vraies, 
dans  ces  fatalités  des  rôles  qu'on  n-i  choisit  pas  soi-même.  Ses 
instincts  de  race  le  détournent  de  la  sombre  conception  de 
Souvaritie,  l'extermination  du  monde,  fauché  comme  ua  champ 
de  seigle,  à  ras  de  terre;  il  n\i\  est  qu'à  la  destruction  de 
l'État,  à  la  refonte  totale  de  la  société  pourrie.  Pour  que  la 
grève  soit  victorieuse,  il  faut  agir  révolutionnairement,  sans 
attentera  la  vie  des  personnes  |oô'^].  Mais  dans  la  marche  au 
travers  des  fosses,  Etienne  soullre  d'abord  en  son  orgueil  de 
chef,  quand  il  voit  la  bande  échapper  à  son  autorité,  s'enrager 


DES  ROIT.ON-MACQIAIJT  iW 

en  dehors  de  la  froide  exécution  des  volontés  du  peuple,  telle 
qu'il  Ta  prévue  [361];  malgré  lui,  les  grévistes  coupent  les 
câbles,  éteignent  les  feux,  vident  les  chaudières.  Peu  à  peu 
cette  fringale  de  destruction  le  prend  à  son  tour.  11  ne  se  sou- 
tenait depuis  le  matin  que  par  du  genièvre;  à  présent,  une 
ivresse  mauvaise,  Tivresse  des  afTamés,  ensanglante  ses  yeux, 
fait  saillir  des  dents  de  loup  entre  ses  lèvres  pâlies  [377];  c'est 
lui  qui  lance  ses  hommes  contre  la  fosse  Gaston-Marie,  qu  il 
avait  sauvée  le  malin;  il  s'exalte  de  leur  fureur  et,  de  vio- 
lence en  violence,  les  mène  dans  Montsou,  à  l'assaut  de 
la  maison  de  Maigrat  [408]. 

L'heure  de  la  répression  va  venir;  caché  en  une  galerie  du 
PiéquiliarJ,  dans  la  caverne  de  Jeanlin  Maheu,  il  achève  de  se 
dés;ifr».'Clionner  de  sa  vie  d'ouvrier,  il  voudrait  lâcher  la  mine, 
travailler  uniquement  à  la  politique,  mais  loin  des  -promis- 
•:uilés  du  coron,  seul  dans  une  chambre  propre,  car  les  travaux 
Je  tête  absorbent  la  vie  entière  et  demandent  beaucoup  de 
calme  ;  i'2î].  11  ne  désire  pas  la  Un  de  la  grève,  qui  serait  aussi 
lu  lin  tle  son  rôle  et,  d'ailleurs,  il  recule  devant  Tenragement 
qui  est  son  œuvre,  i!  n'ose  pas  conseiller  la  soumission,  il  se 
réconforle  on  pensant  aux  brèches  ouvertes  dans  les  dividendes 
iJe>  aciioiinaiies.  il  fait  un  impossible  rêve,  les  soldats  frater- 
nisant avt'C  Iti  peuple  [-132].  Enlin,  ton!  s'écroule,  les  mineurs, 
qui  vivaient  dans  l'attente  religieuse  du  miracle,  sont  fauchés  à 
coups  lie  lu<il.  C'est  aussitôt  le  revirement  des  lendemains  de 
déîaile.  le  revers  fatal  de  la  popularité;  les  convaincus  d'hier 
lapide:il  Klienne  à  coups  do  brique  et,  dans  le  désespoir  tra- 
;ji«|uc  de  son  aml)ition  perdue,  il  a  l'amertume  de  trouver  un 
relugc  chez  Uassenenr,  son  adversaire  politique  [501]. 

.Mais  un  dernier  drame  l'attend  «nu  Voreux,  où  l'a  ramené 
son  amour  pour  Cailiorine;  avec  celle-ci,  avec  Chaval,  il  est  pri- 
sonnier lie  l'inondation;  une  rancune  s'est  amassée  en  lui 
contre  son  oïlif-ux  rival,  leur  destinée  veut  qu'ils  se  disputent 
la  peiiit  berclieuse  ji:squ'au  bout  et  la  bataille  de  là-haut 
recom:neiice  dans  rétroile  cnve  où  ils  agonisent.  C'est  une 
poiissve  lie  la  îésion  héréditaire  qui  fait  d'Etienne  un  meur- 
trier; il  tue  Ciiaval,  Catherine  est  à  lui,  leur  triste  union 
s'acco'ijpiii  dans  l'angoisse  de  In  mort.  El  après  de  longs  jours 
d'ensevelissement,  Etienne  survit  seul  à  la  catastrophe  de 
la  mil.  ;.  ii  rcpar;iit  au  jour,  décharné,  les  cheveux  tout  blancs 
[ÔTTJ;  -i\  sriuaiîios  d'hôpital  )••  remettent  debout  et  il  s'en  va 
un  malin  vers  Taris,  parcourant  une  dernière  fois  le  pays  noir, 


241  LES  PEKSONNAGES 

la  contrée  domptée  et  toute  frémissante  encore,  où  pousse  dans 
le  sol  toute  la  germination  des  révoltes  futures.  (GerminaL) 

A  Paris,  plus  tard,  il  s*est  compromis  dans  Tinsurrection  de 
la  Commune.  Condamné  a  mort,  puis  gracié  et  déporté,  il  vit  à 
Nouméa,  s*y  marie  et  devient  père  d*une  petite  fille  [1:29],  qui 
paraît  bien  portante  [385].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Lantier  (Jacques)  (1).  —  Second  fils  de  Gervaise  Macquart 
et  d'Auguste  Lantier.  11  avait  six  ans  quand  ses  parents  ont 
quitté  Piassans  avec  Claude  et  Etienne,  le  laissant  à  sa  mar- 
raine, tante  Pliasie,  qui  lui  a  fait  suivre  les  cours  de  Técole 
des  Arts  et  Métiers.  Apres  deux  ans  passés  au  chemin  de  fer 
d'Orléans,  il  est  devenu  mécanicien  de  première  classe  à  la 
Compagnie  de  TOucst,  gagnant  avec  le  ûxe  et  les  primes  plus 
de  quatre  mille  francs,  ne  rêvant  rien  au  delà.  A  vingt-six  ans, 
il  est  grand,  très  brun,  beau  garçon,  avec  un  visage  rond  et 
régulier,  que  gâtent  des  mâchoires  trop  fortes  ;  il  a  des  yeux 
larges  et  noirs  ;  ses  cheveux  plantés  dru  frisent,  ainsi  que  ses 
moustaches,  si  épaisses,  si  brunes,  qu'elles  augmentent  la  pâ- 
leur de  son  teint;  on  dirait  un  monsieur,  à  sa  peau  iine,  bien 
rosée  sur  les  joues,  si  Ton  ne  trouvait  d'autre  pan  l'empreinte 
indélébile  du  métier,  les  graisses  qui  jaunissent  déjà  ses  mains 
de  mécanicien,  des  mains  pourtant  restées  petites  et  souples. 

Dès  renfancc,  il  a  souffert  d'un  mal  auquel  le  docteur  ne 
comprenait  rien,  une  douleur  qui  lui  trouait  le  crâne,  derrière 
les  oreilles,  des  coups  de  fièvre  brusques,  des  accès  de  tris- 
tesse qui  le  faisaient  se  cacher  comme  une  bête  au  fond  d'un 
trou.  Sa  mère  l'a  eu  très  jeune,  à  quinze  ans  et  demi,  d'un 
père  gamin  comme  elle  ;  peut-être  sa  souffrance  vient-elle  de 
là.  D'ailleurs,  la  famille  n'est  guère  d'aplomb,  ses  frères  ont 
chacun  leur  tare; lui,  à  certaines  heures,  la  sent  bien,  la  fêlure 
héréditaire,  non  qu'il  soit  d'une  santé  mauvaise,  mais  c'est, 
dans  son  être,  de  subites  perles  d'équilibre,  comme  des  cas- 
sures, des  trous  par  lesquels  son  moi  lui  échappe,  il  ne  s'ap- 
partient plus,  il  obéit  à  ses  muscles,  à  la  bête  enragée.  L'abo- 
minable désir  dont  ilsouff^re  alors  est  celui  de  tuer  une  femme; 


(I)  Jacques  Lantier,  né  en  I8lt;  meurt  en  iSlO d'accident.  [Élection 
de  la  mère.  Kesjeinblance  physique  du  père.  Hérédilé  de  ralcoolisme 
se  louniant  en  folie  homicide.  Élal  de  crime] .  Mécmicien,  {Arbre 
yénéalogique  des  llougon-Macquarl.) 


DES  ROUCON-MACQUAUT  Îi5 

H  était  h^è  de  seize  ans  à  peine,  quand  ce  mal  lui  a  pris;  sous 
réveil  «le  la  puberté,  les  autres  rêvent  de  posséder  une  femme, 
lui  s>sl  enragé  à  Tidée  d'en  tuer  une.  Sans  doute,  ne  buvant 
pas,  payc-t-il  pour  les  autres,  les  pères,  les  grands-pères,  qui 
ont  bu,  les  générations  d*ivrognes  dont  il  a  le  snng  gâté,  un 
Ie*nt  empoisonnement,  une  sauvagerie  qui  le  ramène  avec  les 
loups  man^'eurs  de  femmes,  au  fonddcs  bois.  Chaque  fois,  c'est 
comme  une  soudaine  crise  de  rage  aveugle,  une  soif  toujours 
renaissante  de  venger  des  offenses  très  anciennes,  dont  il  au- 
rait perJu  Texa-:  le  mémoire;  c'est  peut-être  la  rancune  amassée 
de  niâl-i  en  mâle,  depuis  la  première  tromperie  dans  les  ca- 
vernes: peut-être  aussi  une  nécessité  de  bataille  pour  conquérir 
la  fem-rlle  et  la  dompter,  le  besoin  perverti  de  la  jeter  morte 
sur  so:.  dos»  ainsi  qu'une  proie  qu'on  arrache  aux  autres,  à 
jamais  '59\  Mais  en  lui,  toujours,  l'épouvante  s*éveille  avec  le 
désir.  lia  retrouvé  à  la  Croix-de-.Maufras,  sa  marraine  remariée 
à  .Misarl,  cl  avec  elle  sa  cousine  Flore,  dont  il  est  aimé 
depuis  Tenfance.  Comme  Flore  se  donnait  à  lui,  les  seins  nus, 
il  a  failli  la  tuer,  mais  la  peur  du  sang  Ta  fait  fuir,  et  c'est 
toujours  ainsi.  \  Paris,  il  se  réfugie  dans  sa  petite  chambre 
de  la  rue  Cardinet  ;  au  Havre,  il  use  tout  seul  son  matelas  de 
la  rue  Trançois-Mazeline,  il  évite  les  femmes,  au  point  d*élre 
plaisait''  sur  son  excès  de  bonne  conduite.  Et  il  vit  solitaire, 
dans  l'unique  amour  de  sa  machine,  de  la  Lison;  il  Faime 
comm*::  une  maîtresse  apaisante,  dont  il  n'attend  que  du  bon- 
heur ['?)], 

Soudain,  il  va  se  croire  guéri.  Un  hasard  lui  a  montré  l'assas- 
sinat du  vieux  président  Grandmorin,  en  une  vision  si  rapide 
qu'elle  est  demeurée  comme  sans  forme,  abstraite,  en  son 
souvenir  [121];  puis,  les  Roubaud  lui  ont  fait  soupçonner  la 
vérilé  par  l'exagération  de  leurs  prévenances,  il  a  eu  ensuite 
une  ceniluJe  brusque  dans  le  cabinet  du  juge  Denizet  et  enfin 
Séveri:  •  s'est  confessée  à  lui,  se  donnant  toute  dans  cet 
aveu  [î.r.  La  certitude  qu'elle  a  tué  la  lui  montre  différente, 
graniii  ,à  r-irt;  elle  lui  semble  sacrée,  il  pourra  l'aimer,  celle- 
là  [157  ;  i:  la  voii  violente  dans  sa  faiblesse,  couverte  du  sang 
d'ui.  licnn.e,  qui  lui  fait  comme  une  cuirasse  d'hoi*rcur  [192]. 
Et  i!  est  pî-iiieniL-nt  heureux,  jusqu'au  jour  où  les  détails  de 
l'asscis/naî.  révélés  par  sa  maîtresse  dans  un  besoin  de  tout 
dire,  rvciilcMl  en  lui  le  terrible  inconnu;  c'est  une  onde 
faroucl.o  q  li  monte  de.  ses  entrailles  et  envahit  sa  léle  d'une 
vision  rou^e;  son  désir  renaît  sous  l'évocation  du  meurtre,  il 


la  cODlrée  domptée '( 

le  wl  loule  la  geni^ 

A  Puis,  plus  tur  ' 


:  l'..i 


I  jom 


Zrfuitier  . 

et  d'August 
quille  Pla. 

■lei  Ar: 

d'Orl.'_ 
Coim- 

ilr,; 


_-  ■•-..ri,  t'ii  iiU'lc  ili' 
'  _!  :-.i'lL>uniu-nlilL-l'idéeli: 
-;-■.-  •::  mal  eu  liiani  liouhniii 
..  .  7.  :.  :':al  riiisiiiicl  df  mordr 
,  : .:.:::.  vd  la  jinfsion  (jul  iléchii 
-  t.M-iïr.i.  ■■Vst  lu  vie  ilc  m  inn 
:.  j:.  leaî   In  posséder  juïi|uVi 


v-;:irt  df  l'ëi 


i  du   I 


-.  .-  *-  jnctii,  lei  habiles  di^positioi 

_,.>.,  E^rti,  t'esi  Séverine  qu'il  tue,  c'e 

:.!«.*.  folie  homicide.  Alors,  une  jo 

-.-^■..\  ;  orme  le  soulève,  dans  le  plein  coi 
_.^.-  i-rrZ-'oTiJ.  I.a  guérisoii  esi-elle  veni 
;^  ^-.  ir.itrê  de  son  liesoiu  monsirueu) 
:  f~  i-r:  fuiioniène  Sauvagnnt,  deux  fois 

it  t.i.'int.  saus  un   frisson;  puis,  sous 

M  rrvcti  liouliaud  où,  très  calme,  tn 
'<  1-i  il-îoloe  inconscience,  il  a  vu  atlribui 

:  uvi  Xf.  la  crise  ren.iit  plus  aiguë,  il  redi 
„-:!^  nui  rvenire  tes  funiclles  [41(ij  cl  il  fu 
!rv-j<eutali(«.  Mais  sou  chauffeur,  le  violci 
■.:;.\,  .1  surpris  les  rendez-vous  avec  l'hil 
vt.  cuire  les  deux  lioiiinies,  sur  la  plat 
i:!ue.  ua  hrusifue  tJuul  qui  lesJeMe  dans 

(,>us  deux  sous  les  roues  [lli|.    {La  lié 


i.i-..;-t>-I.oiist  (l).—l'ilsde  Claude  Lanlicr  cl  d 
.V"-'"-  l'Ileut  .1.-  herrc  Sandoi  {i[t\.  A  é 
::,:jique  où  i.lirisliiie  »Vsl  livrée  à  Claude,  i\\\ 
vu*  îe  rre|iuïi'uie  navré  qui  noyail  l'alelier  i 
era  iVnf.inl  Je  la  soufftuiire  et  de  la  pitié  [lOû 
vii'urC.  il  s'élève  iiii  peu  à  l'aventure,  dans  l'ii 
ses  parents.  I»  mère  restée  amante.  le  père  toi 
:  on  le  met  iiu  comme  un  petit  saint  Jean  dcvai 


-,  «.■  e«  l^t;■^  htiJrviviiiu 

l.'-Kmllanev  plijji.pic   ilii 


Di:S  r.OUr.ON-MACQlJAKT  247 

,•  t:..':v.;it  t  fialcrnel,  el  Cinuile  s'exaspère  contre  ce  polisson 
fiui  I  f  veu:  [»as  garder  rimmobilité  de  la  pose  f199].  Il  vil  à  la 
c;.n)!  .iLTiii'  Jusqu'à  deux  ans  et  demi  et  s*v  trouve  admirable- 
ineit:;  à  l'aris,  il  est  sucrifié,  n*aynnt  a  lable  que  les  seconds 
rnor':»'aii.\,  la  ineilieure  place  près  du  poêle  n'étant  pas  pour 
sa  f'Uiie  chaise,  sans  cesse  relégué,  supprimé,  invité  à  se 
tciro  parc»'  qu'il  fatigue  son  père,  à  ne  pas  remuer  parce  que 
son  l'ère  travaille  [270].  Il  ne  pousse  plus  que  chétif,  scri«^ux 
coninie  un  petit  homme;  h  cinq  ans,  sa  tête  grossit  démesuré- 
încui  el,  à  mesure  que  le  crâne  augmente,  Tiulelligence 
diminue.  Très  doux,  craintif,  Fenfant  s*absorbe  pendant  des 
beurtfs,  sans  savoir  répondre,  Tesprit  eu  fuite  [277].  Sa  tète 
seule  continue  de  grossir,  on  ne  peut  Fenvoyer  plus  de  huit 
jours  de  suite  à  Tècole,  d'où  il  revient  hébété,  malade  d'avoir 
voulu  a[»prendre  [MO].  Enfin,  débilité  de  mauvaise  nourriture, 
le  pauvre  «  tre  meurt  et  sa  mère,  s'éveillanl  d'un  lourd  som- 
n.eil  qui  la  enpourdie  près  de  lui,  le  retrouve  sur  le  dos, 
cêjâ  d'un  iVoi  1  de  glace,  avec  sa  tète  trop  grosse  d'enfant 
ùa  génie,  o.vagércc  jusqu'à  l'enflarc  des  crétins  [356]. 

Lapoulle.  —  Soldai  au  106*  de  ligne  (colonel  «le  Vincuil). 
Arq  irlit-ni  à  l'escouade  du  caporal  Jean  Macquart.  C'est  une 
brui^  poussée  dans  les  marais  de  la  Sologne,  si  ignorant  de 
tout  qUH,  Iv  jour  de  son  arrivée  au  régiment,  il  a  demandé  à 
voir  le  roi  [îî-i].  Sous  le  prétexte  qu'il  est  le  plus  fort,  avec  sa 
t:iille  d."  colosse,  on  le  charge  des  ustensiles  communs  à  l'es- 
couade, il  accepte  même  la  pelle  de  la  compagnie,  convaincu 
«{ue  c'est  un  honn»-ur  [78].  Sur  le  plateau  de  l'Algérie,  pendant 
la  bataille  de  Sedan,  il  est  pris  d'un  bouleversement  d'entrailles 
qui  ne  lui  laisse  pas  le  temps  de  gagner  la  baie  voisine;  on  le 
hue.  on  jette  <ics  poignées  de  terre  à  sa  nudité,  étalée  ainsi 
aux  balles  et  aux  obus;  et  beaucoup  d'autres  sont  pris  de  la 
iorte,  il>  se  soulugenl,  au  milieu  d'énormes  plaisanteries,  qui 
rendent  du  courage  à  tous  [2-191.  l^î^ns  l'après-midi,  éreinlé, 
épuisé  ie  :aitn  et  de  soif,  il  se  laisse  entraîner  dans  une  au- 
berge <iu  Fond  de  Givonne,  où  Chouteau  fuit  l'action  depuis  le 
malin  [3'iô", . 

Lans  le  Camp  de  la  Misère  (presqu'île  d'Iges),  où  règne  la 
famine  pîTnii  les  prisonniers,  l.apoulle  assomme  un  cheval 
malade,  partage  la  chair  avec  ses  camarades  et  y  gagne  une 
iilTreuse  dysenterie  [iÔl].  La  disette  persiste,  le  seul  espoir 
Je  manger  le  rend  fou,  au  point  qu'il  essaye  de  mâcher  de 


us  LES  PEKSONNACES 

riierbe.  A  jeun  depuis  deux  jours,  devenu  meurtrier  à  Tins- 
tigalion  de  Chouteau,  il  tue  Pache  pour  lui  prendre  un  pain 
[iGÛ]  et,  resté  accroupi  sur  sa  Tictime,  il  dévore  le  pain, 
éclaboussé  de  gouttes  rouges.  Quand  la  nuit  est  venue,  l'irré- 
sistible besoin  de  fuir  rentrpine  vers  la  Meuse  qu'il  veut 
traverser  à  la  nage  et  il  est  tué  par  la  balle  d*uoe  sentinelle 
prussienne  [162].  {La  Débâcle,) 

Laquerrière  (Florent).  —  Pauvre  diable,  mort  de  la 
fièvre  jaune  à  Surinam  (Guyane  hollandaise)  entre  les  bras 
de  Florent.  N'a  laissé  à  Paris  qu'une  cousine,  à  qui  Ton  a 
annoncé  sa  mort.  C'est  grâce  à  ses  papiers  que  Florent, 
évadé  de  Cayenne,  peut  rentrer  en  France  et  dissimuler  à  la 
police  son  véritable  état  civil  [69].  (Le  Ventre  de  Paris.) 

Lardenois.  —  Il  existe  au  ministère  de  l'intérieur  un 
dossier  Lardenois  contre  M.  de  Marsy.  Eugène  Rougon  refuse 
de  s'en  servir,  étant  l'ennemi  des  petits  moyens  [45].  (Son 
Excellence  Eugène  Rougon.) 

La  Rouquette.  —  Frère  de  madame  de  LIorentz,  à  qui  il 
doitson  siège  de  député.  Tout  jeune,  vingt-huit  ans  au  plus,  blond 
et  adonible,  gaieté  perlée  de  jolie  femme  [4],  ligure  poupine 
[6j.  11  fréquente  chez  Clorinde,  sert  Rougon  et  Tespionne  tour 
à  tour,  se  donnant  beaucoup  de  mal  pour  être  pris  au  sérieux. 
(Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

La  Rouquette  (Mademoiselle  de).  —  Voir  Llorentz 
(Madame  de). 

Larsonneau.  —  Usurier  mondain,  grand  bellâtre  à  gants 
jaunes.  Il  a  débuté  comme  employé  de  l'Hôtel  de  Ville,  fure- 
tant dans  les  coins,  à  l'affût  des  bonnes  affaires,  mais,  surpris 
le  nez  dans  les  tiroirs  du  préfet,  il  a  été  congédié.  Etabli 
agent  d  affaires  rue  Saint-Jacques,  il  est  d'abord  l'homme  de 
paille  d'Aristide  Saccard  [92],  contre  qui  il  a  le  soin,  dès  la 
première  affaire,  de  garder  une  arme  dangereuse  [101].  Il 
s'installe  rue  de  Rivoli,  prend  le  titre  d'agent  d'expropriation, 
gagne  de  l'argent  dans  les  percements  de  voies  nouvelles 
et  devient  un  viveur  élégant  [18G],  connu  dans  le  monde 
interlope  sous  le  nom  amical  de  c  grand  Lar  >,  s'abouchant 
avec  les  mangeuses  de  fortunes  et  offrant  ses  coùleux  services 
aux  fils  de  famille.  Resté  le  complice  de  Saccard,  de  qui  il  tire 
trente  mille  francs  par  un  chantage  [:253],  il  devient  riche 
après  l'affaire  des  terrains  de  Charoune  et  ouvre  une  maison 


DES  KOUGON-MACQUART  Si9 

« 
de  banque,  ayant  su,  dit-il,  ramasser  les  pièces  de  cent  sous 
que  son  maître  Aristide  était  si  fort  à  faire  pleuvoir  [336].  (La 
Curée,) 

Est  devenu  millionnaire.  C'est  par  lui  que  Busch  connaît  le 
passé  dWristide  Saccard  [33].  (L^ Argent.) 

Laure.  —  Une  actrice  pour  qui  le  petit  Joncquier  a  eu  un 
béguin  [117].  {Xana.) 

Laure.  —  Forte  chanteuse  dans  un  beuglant  de  Mont- 
martre. La  dernière  conquête  du  calicot  llutin.  Avec  son  ami 
Liénard,  Hutin  appuie  le  talent  de  Laure  de  si  vigoureux  coups 
de  canne  sur  le  plancher  et  de  telles  clameurs,  qu*à  deux 
reprises  déjà  la  police  a  dû  intervenir  [164].  {Au  Bonheur 
des  Dames.) 

Laurent.  —  Paysan  aisé  du  quartier  des  Figuières,  aux 
Artaud.  Le  père  Dainbousse  le  voulait  pour  gendre  [28i].  (La 
Faute  de  iabbé  Mouret,) 

Laurent.-  Greffier  du  juge  d'instruction  Denizet,  au  palais 
de  Rouen,  liléme,  osseux.  Sait  éplucherles  interrogatoires  dé- 
licats, pour  en  supprimer  les  mots  inutiles  et  compromettants 
[120].  [La  Bêle  humaine.) 

Laurent.  —  Garçon  jardinier  à  Bazeilles.  Grand  garçon 
maigre,  à;?é  d^une  trentaine  d'années  et  qui  a  perdu  récem- 
ment sa  mère  et  sa  femme,  emportées  par  la  même  mauvaise 
fièvre.  Pendant  la  bataille  du  1*' septembre,  vêtu  d'un  pantalon 
et  d'une  veste  de  toile  bleue,  il  a  ramassé  un  fusil  à  côté  du 
cadavre  d'un  soldat  et  il  va  participer  à  la  défense  de  la 
maison  Weiss.  N'ayant  que  sa  carcasse,  il  veut  la  donner  et, 
l'Oinme  il  ne  tire  pas  mal,  il  trouve  drôle  de  démolir  un  Prus- 
sien à  (  ha(}ue  coup  [286].  Â  genoux,  le  canon  de  son  chassepot 
appuyé  dai;s  l'élroile  fente  d'une  meurtrière,  comme  à  l'affût, 
il  ne  làchtj  la  détente  qu'en  toute  certitude,  annonçant  même 
le  résultai  ù  Favauce,  continuant  paisiblement,  sans  se  bâter, 
ayant  de  quoi  faire,  dit-il,  car  il  lui  faudrait  du  temps  pour  les 
tuer  tous  de  la  sorte,  un  à  un  [288].  El  quand  les  Bavarois, 
désespérant  de  venir  à  bout  de  cette  poiîfnée  d'enragés  qui  les 
retardent  dans  leur  marche,  amènent  de  l'arlilleric  et  font  à 
la  maison  Wt.iss,  où  ne  survivent  que  six  combattants,  les 
honneurs  de  la  canonnade,  Laurent,  toujours  agenouillé,  vise 
avec  soin  les  artilleurs,  tuant  son  homme  chaque  fois,  si 
bien  que  le  service  de  la  pièce  n'arrive  pas  à  se  faire  et  qu'il  se 


250  LES  PERSONNAl.KS 

)assc  cinq  ou  six  minutes  avant  que  le  premier  coup  soit  tiré 
^9!].  nés  que  les  assiégés  n*onl  plus  de  cartouches,  l'ennemi 
urieux  envahit  la  maison,  Laurent  est  ciiarrié  jusqu'au  mur 
(l'en  face,  parmi  de  telles  vociférations  que  la  voix  des  chefs  ne 
s*cntcnd  plus.  Devant  le  peloton  d'exécution,  son  calme  ne  Ta 
pas  nhandonné;  les  mains  dans  les  poches,  plein  de  dégoût 
pour  ces  sauvages  qui  vont  tuer  Weiss  sous  les  yeux  de  sa 
femme,  il  les  dévisage  avec  mépris,  les  traite  de  sales  cochons 
et,  atteint  par  les  halles,  tomhe  comme  une  masse,  la  face 
contre  terre  [290].  {La  Débâcle.) 

Lauwerens  (De).  —  Homme  de  la  haute  finance,  qui  a  le 
tort  de  refuser  à  sa  femme  le  payement  des  mémoires  de  mo- 
diste et  de  tailleur  [132].  Ses  bureaux  sont  situés  rue  de 
Provence,  au-dessous  de  ses  appartements.  {La  Curée.) 

Lauvrerens  (Madame  de).  —  Belle  mondaine  de  vingt-six 
ans,  fort  intelligente,  appartenant  aune  très  ancienne  famille. 
Mariée  à  un  financier  riche  et  avare,  elle  bat  monnaie  en 
exerçant  un  élégant  métier  d'entremetteuse  moderne,  fournis- 
sant aux  hommes  du  monde  un  achalandage  complet  d'amies 
qu'elle  groupe  dans  son  bel  appartement  delà  rue  de  Provenre. 
Elle  conserve  sa  haute  situation  dans  le  monde,  gardant  une 
sagesse  absolue  et  se  bornant  à  tirer  profit  de  la  chute  des 
autres.  C'est  elle  qui  a  procuré  à  son  amie  Renée  Saccard 
un  premier  amant  [133].  {La  Curée,) 

Lavignière.  —  Est,  avec  Piousseau,  commissaire-censeur 
de  la  Danque  Universelle,  fonction  délicate  autant  qu*inutile. 
Grand,  blund,  très  poli,  ^Lavignière  approuve  toujours,  dévoré 
de  l'envie  d'entrer  plus  tard  dans  le  conseil  d'administration, 
lorsqu'on  sera  content  de  ses  services  [139].  {VArgeut.) 

La  Vignière  (Cuevalier  de).  —  Aïeul  de  madame  Chan- 
teau.  Cité  par  elle  à  Louise  Thibaudier  pour  Téblouir  :  c  Mon 
aïeul,  le  chevalier  de  La  Vignière,  avait  la  peau  si  blanche, 
qu'il  se  décolletait  comme  une  femme,  dans  les  bals  masqués 
de  son  temps  »  [173].  {La  Joie  de  vivre.) 

La  Vignière  (Eugénie  de).  —  Orpheline  de  hobereaux 
du  Coleniin,  complètement  ruinés.  Éiail  institutrice  à  Cacn, 
courait  le  cachet,  quand  elle  épousa  Chiuiteau. 

Piéduito  par  la  misère  de  sa  condition  à  s'unir  à  un  fils  d'ou- 
vrier, elle  voulut  d'abord  le  pousser  aux  vastes  entreprises  ; 
ses  volontés  dominatrices  ont  échoué  devant  Tinerlie  de  Chan- 


DES  IlOUGOX-MACQLART  251' 

leau.  Elle  reporte  alors  sur  Lazare,  son  (ils,  l'espoir  qui  la 
liante  ;  mais  ce  rêve  est  contrarié  par  de  gros  revers  d*ar- 
î^ent  [i\].  Le  jeune  homme  ne  lui  donne,  d'ailleurs,  aucune 
satisfaction  ;  sorii  du  lycée,  il  n*a  aucune  ambition,  il.se  grise 
lie  musique.  Madame  Chanteau,  tourmentée  par  ses  idées  de 
grandeur,  mt;ne  une  existence  aigrie  entre  uu  mari  incapable 
cl  un  fils  névrosé. 

A  cinquante  ans,  elle  est  petite  et  maigre,  les  cheveux*  en- 
core très  noirs,  le  visage  agréable,  g:\te  par  un  grand  nez  d'am- 
bitieuse [8].  Quand  le  cousin  Quenu  est  mort,  elle  a  liquidé  la 
succession  tambour  battant  et  amené  à  Bonneville  la  petite 
Pauline,  dont  elle  va  commencer  aussitôt  Texploitation,  en  lui 
laissant  U  souci  de  soigner  et  de  consoler  Chanleau  dans  ses 
terribles  crises  de  goutte.  Elle  utilise  la  naissante  inHuence  de 
l'enfant  sur  Lazare  pour  le  décider  à  entreprendre  la  méde- 
cine. A  c»î  nj«»  nent,  Pauline  est  une  petite  fée  qui  les  récom- 
pense bien  de  l'avoir  prise  avec  eux  [50].  Plus  tarJ,  quand 
Lazare,  dégoûté  de  la  médecine,  voudra  se  lancer  dans  de^ 
entreprises  industrielles,  madame  Chanteau  cherchera  des 
fonds  pour  son  fils  et  jettera  son  dévolu  sur  la  fortune  de  Pau- 
line. L'a:;(('.nt,  dévoré  par  les  opérations  de  Lazare,  sert  en 
même  temps  aux  besoins  journaliers  du  ménage,  tombé  dans 
une  grande  gène,  et.  en  peu  d'années,  cent  mille  francs  sont 
engloutis.  Par  une  habile  manœuvre,  madame  Chanteau  s'est 
délivrée  des  menaces  du  subrogé-tuteur  Jraccard  et,  pour  cou- 
ronner son  ouvrage,  elle  cherche  à  évincer  sourdement  Pauline, 
liancée  à  Lazare,  et  à  la  remplacer  par  Louise  Thibaudier, 
une  hériliérc  qui  doit  apporter  deux  cent  mille  francs  de  dot. 
Quand  Pauline  chasse  Louise  trouvée  dans  les  bras  du  jeune 
homme,  madame  Chanleau  se  décide  à  lever  le  masque  [103]; 
mais  une  attaque  d'hydropi.sie  va  l'enlever  en  quelques  jours. 

Elle  a  une  agonie  bavarde,  qui  dure  vingl-qualre  heures. 
C'est  une  confession  involontaire,  qui  revient  à  la  surface  dans 
le  travail  raéiue  de  la  mort  [233].  Cette  femme,  restée  âpre  et 
conibattive  jusqu'à  la  fin,  succombe  pleine  de  fureur  devant  la 
lendre  l'auline,  qu'elle  accuse  de  vouloir  l'empoisonner,  et  elle 
quitte  ainsi  la  vie,  les  poings  serrés  comme  pour  une  lutte 
corps  à  co!  i»s  [ioS].  {La  Joie  de  vivre.) 

La  Villardière  (D£).  —  Député  au  Corps  législatif  pour 
le  déparlcmen:  de  la  Côle-d'Or.  Ami  de  LaRouquetlc[.li5].  {Son 
Excellence  Eugène  Bougon.) 


2oî  LES  PERSONNAGES 


Léa.  —  Une  soupeuse  du  Café  Anglais.  Elle  raconte  son 
voyage  en  Égyple  [232].  (Nana,) 

Lebeau.  —  Personnage  influent  du  second  Empire,  que 
Clorinde  .a  gagné  à  la  cause  du  ministre  Rougon  [^01].  {Son 
Excellence  Eugène  Hougon,) 

Lebleu  —  Caissier  du  chemin  de  fer  de  TOuest  ù  la  gare 
du  Havre  [70].  {La  Béte  humaine.) 

Lebleu  (Madame).  —  Femme  du  caissier.  Quarante-cinq 
ans,  mal  portante,  si  énorme  qu'elle  étouffe  sans  cesse.  Entre 
elle  et  Séverine  Roubaud  existe  de  longue  date  une  rivalité, 
née  d'une  question  de  logement,  les  Lebleu  occupant  celui  qui, 
de  droit,  devrait  appartenir  aux  Rouhaud,  et  ceux-ci  étant,  par 
suite  d*une  complaisance  de  leur  prédécesseur,  relégués  dans 
un  logement  triste  comme  une  prison  ;  le  caissier  et  sa  femme, 
par  contre,  jouissent  de  la  vue  de  la  cour  de  la  gare,  plantée 
d'arbres,  et  de  l'admirable  panorama dingouville.  Or,  madame 
Lebleu  a  le  tort  d'espionner  constamment  les  allées  et  venues 
de  la  buraliste,  mademoiselle  Gùicbon,  qu'elle  soupçonne  d'une 
intrigue  avec  le  chef  de  gare  [84].  Elle  (init  par  les  irriter  tel- 
lement tous  deux  qu'on  lui  enlève  le  logement  [304],  et,  comme 
elle  Tavait  prédit,  la  perte  de  sa  belle  vue  lui  est  fatale  :  elle 
meurt,  au  bout  de  quatre  mois,  dansTaffreux  logement  du  fond, 
où  Ton  ne  voit  que  le  faîtage  en  zinc  et  les  vitres  sales  de  la 
marquise  de  la  gare  [381].  {La  Béte  humaine,) 

Lebigre.  —  Marchand  de  vin,  rue  Rambuteau,  au  coin  de  la 
rue  Pirouette.  Grosse  figure  régulière,  barbe  en  collier,  bel 
homme  [^2].  Loue  des  voitures  aux  marchands  des  quatre-sai- 
sons  et  leur  fait  des  prêts  à  la  journée  en  exigeant  des  intérêts 
scandaleux.  Lebigre  cause  peu  et  paraît  bêta,  mais  il  a  dit 
un  jour  qu'il  s'était  battu  en  48;  cela  suflit  pour  inspirer  con- 
fiance au  groupe  Gavard,  qui  accapare  le  cabinet  du  fond,  où 
les  conciliabules  les  plus  ardents  n'ont  aucun  secret  pour 
Lebigre  [128].  Celui-ci  est,  comme  Logre,  affilié  à  la  préfecture 
de  police  et  la  tient  au  courant  des  phases  du  complot.  Il 
couche  avec  la  petite  Rose,  sa  fille  de  comptoir.  Très  galant 
envers  Louise  Méhudin,  la  belle  Normande,  dont  il  flaire  la 
do>,  il  lui  offre  le  mariage,  est  d'abord  repoussé  [28f)],  puis, 
après  l'arrestation  de  Florent,  comme  il  a,  grâce  aux  grands 
services  rendus,  obtenu  de  joindre  à  son  commerce  un  bureau 
de  tabac,  rêve  de  sa  vie,  il  obtient  la  main  de  la  Normande, 
qui  sera  superbe  au  comptoir  [357].  {Le  Venire  de  Paris.) 


DES  KOCCON-MACgUART  253 

Lebi^e  (Madame).  Voir  Mehudin  (Louise). 

Leboucq.  —  Conseiller  à  la  Cour  de  Rouen.  Esl  assesseur 
aux  .\ssi>es  où  se  ju^e  le  procès  Uoubaud  [400].  {La  Bêle 
humaine.) 

Leboucq  (Madame).  —  Femme  du  conseiller  à  la  Cour  de 
Rouen.  Une  ^^rande  brune  de  trente-quatre  ans,  vraiment  très 
bien.  La  magistrature  commence  à  aller  beaucoup  chez  elle, 
désertanl  le  salon  de  madame  Donnchon  [tl5].  C'est  une 
royauté  nouvelle  qui  se  lève.  On  attribue  l'issue  du  procès 
Roiibaud,  peu  favorable  à  h  famille  du  président  Grandmorin, 
à  Finfluence  de  madame  Leboucq  sur  quelques  jurés  [406].  (La 
Bête  humaine,) 

Lecœur  (31adame).  —  Marchande  de  fromages,  beurre  et 
œufs  aux  liall^is.  Grande  et  sèche.  Veuve  un  an  avant  la  mort 
de  ma  iaroe  Gavard,  sa  sœur,  elle  a  espéré  se  faire  épouser  pa** 
son  beau-frère  ;  mais  Gavard  déteste  les  femmes  mai2:res  [76]. 
Madame  Lecœur,  furieuse  de  voir  les  pièces  de  cent  sous  du 
rôtisseur  lui  échapper,  amasse  contre  lui  une  mortelle  ran- 
cune*. Elle  se  frappe  tellement  Tesprit  qu'elle  finit  par  perdre 
sa  clientêie  et  faire  de  mauvaises  affaires.  Après  avoir  long- 
temps vr}ru  avec  une  nièce,  la  Sarriette,  elle  s'est  brouillée 
avec  cejle-ci,  achevant  de  s'aigrir  ;  puis  la  réconciliation  s'est 
faite  contre  Gavard.  Chauffée  à  blanc  par  mademoiselle  Saget, 
madam-  Lecœar  propage  les  pires  racontars,  écrit  à  la  préfec- 
ture pour  dénoncer  les  réunions  subversives  chez  Lebigre  [319], 
et,  lorsque  Gavard  est  arrêté  sous  ses  yeux,  va  piller  chez  lui, 
se  gardant  bien  de  détruire  les  papiers  dangereux  [3i5].  (Le 
Ventre  de  Paris.) 

Lecomte  «Mahame).  —  Connaissance  des  Debcrle  [!25]. 
(Une  Pa'je  d'Amour,) 

Lefévre  iMadamf-).  —  Femme  d'un  fabricant  établi  à  Rau- 
courl,  ch-jf-iieu  de  canton  pillé  par  l'ennemi  après  la  batai'le 
de  Beaumont.  Madime  Lefèvre  est  une  belle  dame,  dont  es 
chemises  garnies  de  dentelle  sont  prises  par  les  Bavarois  pour 
se  faire  *les  cliausselles  [169].  (La  Débâcle.) 

Leg^ou^eux.  —  L'n  mineur  de  Joiselle,  affilié  à  Pluchart 

[•270].  (Gcnninal.) 

Legrain  (GiiNÉriAL).  —  Député  au  Corps  législatif.  Dévoué 
ù  la  ùyni.îlie,  il  surmonte  une  grosse  attaque   de  goutte  et  se 

03 


^i  LES  PCKSONNâGES 

fait  apporter  par  son  domestique  pour  voter  les  crédits  du 
baptême  du  prince  impérial  [6J.  {Son  Excellence  Eugène  Rou* 
goH.) 

Lehongre  (Les).  —  Épiciers  rue  Neuve  de  la  Goulte-d'Or. 
Madame  Lehongre  couche  avec  son  beau-frère  [351].  {L'Assom- 
moir.) 

Léhudier.  —  Enfant  à  qui  Charvet  donne  des  leçons,  payées 
le  5  de  chaque  mois  [179].  {Le  Ventre  de  Paris,) 

Lelorrain.  —  Notaire,  rue  Saiute-.\nne.  f^'acle  de  société 
de  la  Banque  L'niverselle,  fondée  par  Saccard,  est  reçu  chez  lui 
[138].  {LArgcnt.) 

Lexnballeuse  (Les).  —  Une  nichée  de  pauvresses  qui  se 
terrent  dans  les  décombres  d*un  vieux  moulin,  au  clos-Marie, 
derrière  la  cathédrale  de  Beaumont.  Il  n'y  a  que  des  femmes, 
la  mère  Lemballeuse,  une  vieille  couturée  de  rides,  Tiennette, 
la  fille  aillée,  une  grande  sauvagesse  de  vingt  ans,  ses  deux  pe- 
tites sœurs,  Rose  et  Jeanne,  les  yeux  hardis  déjà,  sous  leur 
tignasse  rousse.  Toutes  quatre  mendient  par  les  routes,  le  long 
des  fossés.  Elles  sont  secourues  par  Angélique  Marie  et  par 
Félicien  de  Ilaulecœur  [122].  {Le  Rêve.) 

Lenfant.  —  Tient  un  estaminet  à  Monlsou  [169].  {Ger- 
DiinaL) 

Lengaigne.  —  Débitant  de  tabac  et  cabaretier  à  Rognes. 
Très  long,  Tair  figé,  ayant  une  petite  tète  de  chouette  sur  de 
larges  épaules  osseuses,  il  cultive  ses  terres  pendant  que  sa 
femme  pèse  le  tabac  et  descend  a  la  cave.  Ce  qui  donne  une 
iiiiporiaiice  à  Lengaigne,  c*est  qu'il  rase  le  village  et  coupe  les 
cheveux,  nn  métier  rapporté  du  régiment  [55].  Il  est  libre  pen- 
Sf.ur  et  va^ruemenl  républicain,  mais  sa  situation  de  buraliste 
lui  ferme  la  bouche,  il  se  borne  à  gronder  dans  les  coins  contre 
bjb  bourgeois  d'aujourd'hui  qui  ont  tout  gardé  dans  le  partage, 
ne  font  les  lois  que  pour  eux  et  vivent  de  la  misère  du  pauvre 
monde.  II  exprime  ainsi  le  sentiment  de  tout  le  village,  la 
haine  sécnlaire  indomptable,  du  paysan  contre  les  possesseurs 
«iii  sol  ['iT].  Mais  la  vraie  colère  de  Lengaigne  est  contre  Mac- 
qu'MOii,  le  cabaretier  voisin  ;  une  vieille  rivalité  les  sépare  ; 
rjunnd  l'un  a  de  la  chance,  Taulre  est  ulcéré;  ils  s'exècrent  au 
point  de  soullVir  d'une  mitoyenneté  future,  dans  le  cimetière  de 
l'io-ncs  \'oV.\\,(La  Terre.) 


DES  ROUGON-MACQUART  255 

Lengaigne  (Madame  Flore).  —  Femme  du  buralisle  de 
Rognes.  Grosse  mère;  geignarde,  molle  et  douce  [50].  Toujours 
en  'juerel.e  avec  Cœlina  Macqueron.  (La  Terre,) 

Lengaigne  (Suzanne).  —  Fille  des  Lengaigne.  Blonde, 
laiJe,  elirontée.  A  été  mise  en  apprentissage  chez  une  coutu- 
rière de  Chàteaudun  et  s'est  envolée  au  bout  de  six  mois  à 
Chartres,  puis  a  Paris,  pour  faire  la  noce.  On  dit  qu'avant  son 
dêpirl  drr  Rognes,  un  oncle  à  elle  l'avait  eue  déjà,  un  jour 
qu'ils  épl'ichaient  ensemble  des  carottes  [129].  Après  trois  ans 
de  folle  existence,  Suzanne  risque  brusquement  une  réappari- 
tion au  village,  pendant  les  vendanges,  et  elle  produit  une 
sensation  extraordinaire,  avec  sa  robe  de  soie  dont  le  bleu 
riclie  tue  le  bleu  du  ciel.  Cet  ancien  laideron  apparaît  en  une 
splendeur,  nippée  chèrement,  grasse,  avec  une  figure  de  pros- 
périté [3^7].  Les  gens  du  pays  Tadmirenl,  ses  parents  sont  fiers 
d*ciie.  Pluâ  tard,  de  sales  noces  la  conduisent  à  l'hdpital;  alors, 
pour  les  siens,  elle  n'est  plus  que  cette  pourrie  de  Suzanne 
[465].  (La  Terre.) 

Lengaigne  (Victor).  —  Frère  de  Suzanne.  .Avant  le  tirage 
au  sort,  c'était  uu  grand  garçon  gauche.  Il  a  été  en  garnison  à 
Li!.:;,  un  :ays  dont  il  ne  trouve  rien  a  dire,  sinon  que  le  vin  y 
est  cher  [ii2â].  A  son  retour  du  service,  il  est  crâne  et  blagueur, 
personne  ne  le  reconnaît,  avec  ses  moustaches  et  sa  barbiche, 
son  air  d.;  se  tichcr  du  monde,  sous  le  bonnet  de  police  qu'il 
ailt^te  dé  porter  encore  [346].  Il  crâne  devant  les  conscrits, 
braillant  plus  haut  qu'eux,  les  poussant  à  des  paris  imbéciles 
[ie;].  [Le  Terre.) 

Lenore.  —  Jument  de  courses.  Frangipane,  au  baron 
Ve.-Jier,  est  }»ar  The  Truth  et  Lenore  [388].  (Nana,) 

Léon.  —  Apprenti  charcutier  chez  Quenu.  Quinze  ans, 
mirce,  tr^s  doux  [70].  Il  vole  les  entames  de  jaml>on  et  les 
bouts  lie  fnucisson  oub  iés,  les  cache  sous  son  oreilli .'  cl  les 
nit'.ng»-,  I.  nuit,  sans  pain,  S'étanl  lié  avec  Cadine  et  Marjolin, 
il  Itur  oilo  trois  fois  par  semaine  des  régals  de  charcuterie 
dai.s  Si  n.\nsarile.  située  en  face  de  celle  de  Florent  [220].  {Le 
Vvrtrc  (!•  Paris.) 

Léonce  (MAt-AME).  —  Concierge  de  Gavard,  rue  de  la  Cos- 
soi.nerie.  Fait  ]>•  ménage  du  marchand  et  le  soigne  quand  il 
esi  en: hu.ié.  remme  sévère,  de  cinquante  et  quelques  années, 
pariant    <  rileuient,    d'une   façon    interminable.    Mademoiselle 


i5C  LES  PERSONNAGES 

Sa^et  vient,  tous  les  mercredis  soirs,  prendre  le  café  dans  sa 
loge  et  s*y  renseigne  sur  les  faits  et  gestes  de  Gavard.  Quand 
celui-ci  est  arrêté,  madame  Léonce  assiste  impuissante  au  pil- 
lage de  Tarmoire  et,  furieuse  contre  le  vieil  enjôleur  qui  lui 
avait  dit  n'avoir  pas  de  famille,  obtient  de  la  Sarriette  une  mi- 
sérable obole  de  cinquante  francs  [347].  (La  Ventre  deParis.) 

Léonie.  — Ouvrière  fleuriste  chez  Tiircville,  ruedu  Caire. 
Jolie  brune  [4G0].  Elle  lâcbe  les  fleurs  pour  faire  la  noce  [47i]. 
{L'Assommoir.) 

Léonie.  —  Tante  de  Louise  Thibaudicr,  A  loué  un  chalet  à 
Arromanches  [170].  C'est  chez  elle  que  Louise  est  ramenée, 
lorsqu'elle  quitte  Bonnevilie,  chassée  par  Pauline  [1^7].  {La  Joie 
tic  tivrc) 

Lepalmec.  —  Paysan  de  Plogof,  en  Bretagne  [431].  (Ger- 
minaL) 

Lequeu.  —  Maître  d'école  à  Piognes.  Grand  jeune  homme 
maigre,  dont  la  face  blême  se  hérisse  de  quelques  poils  jaunes. 
C'est  un  fils  de  paysan,  qui  a  sucé  la  haine  de  sa  classe  avec 
l'instruction  ;  il  ne  peut  faire  aimer  leur  condition  à  ses  élèves 
qu'il  traite  de  sauvages  et  de  brutes,  avec  le  mépris  d'un  lettré, 
et  qu'il  renvoie  insolemment  au  fumier  paternel  [146].  Cachant 
des  idées  avancées  sous  sa  raideur  correcte,  il  chante  au 
lutrin,  prend  soin  des  livres  sacrés  mais  a  formellement  refusé 
de  sonner  la  cloche,  une  telle  b»*§ogne  étant  indigne  d'un 
homme  libre  [39j.  Dans  les  discussions  de  cabaret,  il  garde  un 
sourire  aigre  d'homme  supérieur  que  sa  position  force  au  si- 
lence, mais,  dévoré  de  rancune  contre  les  paysans  qui  le  mé- 
connaissent, vert  de  bile  devant  sa  situation  gâtée,  déçu  dans 
l'espoir  longtemps  nourri  d'épouser  Berthc  Macqueron,  il  linit 
par  aflicher  des  doctrines  anarchistes  ;  à  la  grande  stupéfac- 
tion de  Jtsus-Cbrist,  il  proche  violemment  la  grève  de  la  terre, 
les  disettes,  le  sac  des  villes,  la  noyade  générale  dans  des  flots 
de  sang  [171].  {La  Terre.) 

Lerat  (Madame),  née  Coupeau.  —  Sœur  aînée  de  madame 
Lorilleux  et  de  Coupeau.  Grande,  sèche,  parlant  du  nez  [86]. 
C'est  une  veuve  de  trente-six  ans,  qui  habile  la  rue  des  Moines, 
aux  Katignolles,  et  travaille  dans  les  fleurs  [52].  Elle  mène  une 
vie  d'ouvrière  cloîtrée  dans  son  train-train  et  n'a  jamais  vu  le 
nez  d'un  homme  chez  elle  depuis  son  veuvage,  mais  elle  montre 
une  préoccupaiion  continuelle  de  l'ordure,  une  manie  de  mots  à 


DES-  ROUCON-MACQUART  257 

double  entente  et  d'allusions  polissonnes  [lOG].  Do  meilleure 
composition  que  sa  sœur,  elle  vit  en  bons  termes  avec  Gervaise, 
et  lorsque  la  petite  Nana  est  en  âge  d*apprendre  un  métier, 
eilc  la  fait  entrer  dans  une  maison  de  fleurs  de  la  rue  du  Caire, 
chez  Titreville,  où  elle  est  première.  Chargée  de  surveiller  la 
petite,  elle  s\icquitte  mal  de  la  commission,  s*allumant  aux  pre- 
mières aventures  de  >*ana  [i67].  {U Assommoir.) 

Longtemps  elle  a  perdu  de  vue  sa  nièce,  disparue  dans  les 
profondeurs  du  monde  galant;  plus  tard,  elle  Ta  retrouvée, 
parvenue  à  une  belle  position,  pleine  d'excellents  sentiments. 
Madame  Lerat  avait  abandonné  le  métier  de  fleuriste  et  vivait 
de  ses  économies,  six  cents  francs  de  rentes,  amassées  sou  A 
sou.  Nana  loue  pour  elle  un  joli  petit  logement  et  lui  donne 
cent  francs  par  mois,  eu  la  chargeant  d'élever  Louiset  [45].  La 
tante  adore  toujours  les  histoires  de  cœur  ;  elle  a  pourtant 
frémi,  devant  une  fugue  de  Nana,  acoquinée  avec  le  comique 
Fonlan  ;  aussi  lui  a-t-elle  prodigué  les  bons  conseils  [!289].  Plus 
tard,  devant  sa  nièce  arrivée  aux  grandeurs,  elle  ne  dégonfle 
pas  de  vanité  [355].  {Xana.) 

Lerenard.  —  Tient  un  estaminet  aux  environs  de  Montsou 
[311].  [Gerititnal.) 

Leroi,  dit  Canon.  —  Ouvrier  charpentier.  A  làclié  Paris  à 
la  suite  d'histoires  enr.uyeuses  et  préfère  vivre  à  la  campagne, 
roulant  de  \illage  en  village,  faisant  huit  jours  ici,  huit  jours 
plus  loin,  allant  d*une  ferme  à  une  autre,  lorsque  les  patrons 
ne  veulent  plus  de  lui.  Le  travail  ne  marchant  pas,  il  mendie 
le  long  des  routes,  il  vil  de  légumes  et  de  fruits  volés,  heureux 
qu'on  lui  permette  de  dormir  dans  une  meule.  En  loques, 
très  sale,  très  laid,  ravagé  de  misère  et  de  vices,  le  visage  si 
maigre  el  si  b!cnie,  hérissé  d'une  barbe  noire,  que  les  femmes, 
rien  «[u'à  le  voir,  ferment  leur  porte.  De  passage  à  Rognes, 
Canon  est  devenu  Tanii  de  Jésus-Christ,  il  tient  des  discours 
iiboniiiiables,  i»arlant  de  couper  le  cou  aux  riches,  traitant  les 
})aysaiis  de  culs  terreux,  leur  expliquant  la  révolution  sociale 
qui  doit  donner  le  bonheur  à  tous  [371].  Il  blague  Jésus-Christ  à 
cause  de  Ses  idées  rétrogrades,  virilles  décent  ans.  mais  trouve 
son  iiiailre  <lans  Lcqueu,  le  maître  J'école  anarchiste  plein  de 
dédain  pour  le  socialisme  autoritaire  etscientinque,  appris  par 
Canon  d.ins  les  faubourgs  parisiens  [iTl],  (La  Terre,) 

Letellier.  —  Père  Je  madame   Deberle   et    de   Pauline. 


OJ 


258  LES  PERSONNAGES 

Pclil  vieillard  à  la  figure  joufflue  et  rose  [25].  Tient  un  grand 
magasin  de  soieries  boulev.ird  des  Capucines.  Promène  par- 
tout sa  nilc  cadette,  en  quête  d'un  beau  mariage  [26].  (Une 
Page  d* Amour,) 

Letellier  (Juliette).  —  Voir  Deberle  (Madame). 

Letellier  (Pauline). —  Sœur  de  Juliette.  Une  belle  Olle  de 
dix-sept  ans,  d'allures  libres,  impatiente  de  se  marier,  fami- 
lière avec  les  bommes  et  jouant  comme  une  grande  gamine 
avec  les  enfants  [25].  Malignon  lui  trouve  un  mari.  {Une  Page 
d'Amour.) 

Leturc  (Madame).  —  Veuve  d*un  capitaine,  protégée  de 
madame  Mélanie  Correur  [58].  Le  ministre  Uougon  lui  fait  ob- 
tenir un  bureau  de  tabac  [280J.  (Son  Excellence  Eugène 
Rougon.) 

Levaque.  — Voisin  des  Mabeu.  Les  constructions  du  coron, 
installées  économiquement  par  la  Compagnie,  sont  si  minces 
que  les  moindres  souffles  les  traversent  ;  on  y  vit  coude  à  coude, 
d*un  bout  à  Tautre  ;  rien  de  la  vie  intime  n'y  reste  caché,  même 
aux  gamins,  et  les  Maheu  entendent  le  manège  des  Levaque  et 
de  leur  logeur  Bouteloup.  Celui-ci  est  un  ouvrier  de  la  coupe 
à  terre,  tandis  que  Levaque  est  un  haveur;  la  femme  a  ainsi 
deux  hommes,  Tun  de  nuit,  Tautre  de  jour  [17].  Levaque  boit, 
il  bat  su  femme  quand  la  soupe  n'est  pas  prête,  et  court  les 
chanteuses  du  Volcan,  café-concert  de  .Monisou  [111].  11  trouve 
naturel  que  la  Levaque  couche  avec  Bouteloup,  car  cela  entre 
dans  le  prix  de  la  pension  et  les  bons  comptes  font  les  bons 
amis  [114].  Pendant  la  grève,  il  se  distingue  parmi  les  exaltés, 
il  donne  de  violents  coups  de  hache  dans  le  matériel  de  la 
Compagnie  [376].  .\près  l'émeute  de  Montsou,  on  lui  rend  son 
livret  [421].  Son  arrestation  par  la  troupe,  devant  la  fosse 
du  Voreux,  fait  de  lui  une  sorte dehéros;  lesjournauxde  Paris 
citent  son  attitude  devant  le  juge  d'instruction,  on  lui  prêle  une 
'  réponse  d'une  grandeur  antique  [^91].  (GerminàL) 

Levaque  (.\ciiille).  —  Le  premier  né  de  Philomène 
Levaque  et  de  Zacharie  Mahcu.II  a  trois  ans  lorsque  ses  parents 
se  marient  [113].  (Germinal.) 

Levaque  (Débert).  —  Fils  des  Levaque.  Travaille  à  la 
mine  comme  galibot.  C'est  un  gamin  de  douze  ans,  un  gros 
garçon  naïf,  plus  âgé  et  plus  fort  que  Jeanlin  Maheu,  et  qui 
se  laisse  pourtant  gifler  par  lui;  Débert  se  soumet  à  Jeanlin 


DES  ROUGON-MACQUART  259 

ave:  une  almirution  craintive,  une  crédulité  qui  le  rend  conti- 
nue.ien.ei;:  victime,  et  Tautre  en  abuse,  Tentrainant  sans  ver- 
gopc  à  il-rs  maraudes  où  il  risque  ses  os.  Les  parties  polis- 
sonnes de  J-îanlin  et  de  la  petite  Lydie  Pierron  emplissent  Hébert 
de  colère  -t  dr;  malaise  [138].  Lentement,  une  grande  affection 
est  née  entre  lui  et  Lydie,  dans  leur  commune  terreur  de 
JeaLlin.  Lui,  toujours,  songe  à  la  prendre,  à  la  serrer  très  fort 
entre  ses  bras,  comme  il  voit  faire  aux  autres;  mais  pas  plus 
quMIe,  il  D*ose  désobéir  à  celui  qu'ils  appellent  le  capitaine 
et  qui  s'est  institué  leur  cbef.  Pourtant,  un  jour,  blottis  dans 
une  carlitlte,  près  du  Voreux,  tous  deux  ont  (lui  par  se 
baiser  dou:enient,  sans  avoir  Tidée  d'autre  cbose,  mettant  dans 
cet:-::  ccresse  leur  longue  passion  combattue,  tout  ce  qu*il  y  a 
en  ^rux  de  martyrisé  et  d'attendri  [HS].  Ce  malin-là,  mêlés  aux 
grévistes,  ils  sont  mitraillés  par  la  troupe;  la  petite  frappée  à 
la  ii':(i.  foudroyée,  ne  bouge  plus  ;  le  petit,  troué  au-dessous  de 
répâulir  gajche,  saisit  Lydie  à  pleins  bras,  dans  les  convulsions 
de  l'agoiiic.  comriies'il  voulait  la  reprendre  [i87].  {Germinal.) 

Levaque  (Désirée).  —  La  dernière  de  Philomène.  Neuf 
mois.  Sa  :.ière  déjeune  au  criblage  et  la  fait  téter  sur  le  char- 
boL  [in].  (G^nninal.) 

Levaque  (Pkilomêne).  —  L'aînée  des  Levaque,  une  grande 
tillr  de  .Ji\-neuf  ans,  maîtresse  de  Zacharie  Maheu,  dont  elle  a 
deux  e;jfc  .is  dê;à,  Achille  et  Désirée.  Mince  et  pâle,  d'une 
figure  TiKuioinière  de  fille  crachant  le  sang,  trop  délicate  de 
poi.rine  p:ur  travailler  au  fond,  elle  est  cribleuse  à  la  fosse  du 
Yo:eux  [17].  C'est  une  fille  sans  passion,  simplement  lasse  de 
SOI.  exiïte.ce  [133].  Mariée  à  Zacharie,  puis  veuve,  elle  quitte 
Moitsûu  'r.vec  ies  enfants,  emmenée  par  un  mineur  du  Pas-de- 
Calais  [ô>j].  iCnninaL) 

Levaque  {\.x),  —  Femme  du  haveur.  Mère  de  Philomène. 
A  :uaraL.^  et  un  ans,  elle  est  affreuse,  usée,  la  gorge  sur  le 
veî.:re  et  !e  ventre  sur  les  cuisses,  avec  un  muÛe  aplati,  aux 
pois  g:  iîi.res,  toujours  dépeignés.  Ou  vit  chez  elle  dans  une 
purntcjir  -o  !:ié;  a;^r  mal  tenu  [113].  Bouteloup,  son  logeur,  l'a 
prise  r.'ilu"ei;eii;ent,  sans  l'éplucher  davantage  que  sa  soupe 
où  il  Ir:  jve  ces  cheveux,  et  que  son  lit  dont  les  draps  ser- 
ver/, ti  oiï  mois.  Tant  que  Philomène  n'a  eu  qu'un  enfant,  la 
Le'aque  l'a  ;joi:.i  pressé  le  mariage  avec  Zacharie  Maheu,  ne 
vo-iai/.  f  -S  abaLloiiucr  les  quinzaines  de  sa  fille;  mais,  depuis 
qu^  le  l'v.i  graLJit,  mange  du  }'ain  et  qu'un  autre  est  venu, 


200  LES  PERSONNAGES 

elle  se  trouve  en  perle  el  pousse  furieusement  à  la  mise  en 
ménoge,  ei\  femme  qui  n'entend  pas  y  mettre  du  sien  [115]. 
Après  la  grève,  la  Levaque  est  enceinte,  Levaque  est  en  prison, 
c'est  Oouteloup  qui  le  remplace  en  attendant  [585].  {Get'^ 
minai.) 

Levasseur(LES).  —  Amis  des  Deberle.  Madame  Levasseur 
a  un  amant  de  son  monde,  que  madame  Deberle  évite  de  rece- 
voir les  mêmes  jours  que  le  mari  [^50j.  Cinq  filles,  échelonnées 
de  deux  ans  à  peine  à  dix  ans,  toujours  habillées  de  même 
dans  les  bals  d*enfanls.  {Une  Page  dWmour.) 

Levasseur.  —  Employé  au  Bonheur  des  Dames.  Chef  du 
service  des  expéditions  [50].  {Au  Bonheur  des  Dames,) 

Levasseur.  —  Percepteur  au  Chène-Populeux.  Son  père, 
un  des  soldats  de  la  grande  nrrnée,  jouissant  d*une  infime 
pension,  a  Uni  sa  vie  à  côté  de  lui.  Levasseur  s*est  marié  à  une 
demoiselle  Fouchard,  paysanne  de  Remilly,  qui  est  morte  en 
mettant  au  monde  deux  jumeaux,  Maurice  et  Henriette.  De 
longues  années  s'écoulent,  la  famille  se  saigne  pour  faire  de 
Maurice  un  monsieur.  Levasseur  meurt  à  la  peine  [6].  {La 
Détfàcic.) 

Levasseur  (Henriette).  —  Fille  du  percepteur.  Sœur 
jumelle  de  Maurice.  Alors  qu'on  faisait  de  celui-ci  un  avocat, 
elle  a  été  élevée  en  Cendrillon,  au  logis,  sachant  au  plus  lire 
et  écrire.  Et  plus  tard,  pour  répar«;r  les  folies  de  son  frère, 
elle  s'est  dépouillée  généreusement,  elle  a  tout  vendu,  la  mai- 
son, les  meubles,  sans  parvenir  à  combler  le  déficit.  Puis  elle 
a  eu  la  chance  de  trouver  un  mari,  cet  honnête  garçon  de 
Weiss,  qui  est  venu  lui  offrir  tout  ce  qu'il  possédait,  avec  ses 
bras  solides,  avec  son  cœur;  elle  la  épousé,  touchée  aux 
larmes  de  son  affection,  pleine  d'estime  tendre,  sinon  de  pas- 
sion amoureuse  [188].  Henrietie  est  petite,  elle  a  une  figure 
mince,  des  traits  menus,  sous  une  admirable  chevelure  blonde, 
d'un  blond  clair  d'avoine  mûre.  Ce  qui  la  différencie  surtout 
de  son  frère,  avec  qui  elle  a  une  ressemblance  frappante,  ce 
sont  s«îs  veux  gris,  calmes  et  braves,  où  revit  toute  Tàme  du 
grand-père,  le  héros  de  la  grande  armée.  Parlant  peu,  mar- 
chant sans  bruit,  elle  est  d'une  activité  si  adroite,  d'une  dou- 
ceur si  riante  qu'on  la  sent  comme  une  caresse  dans  l'air  où 
elle  passe  [180];  c'est  une  àme  forte,  elle  est  du  bois  sacré 
dont  on  fait  les  martyrs  [104]. 


DES  ROUCON-MACQUART  261 

Le  matin  de  la  bataille  de  Sedan,  apprenant  ce  qui  se  passe 
à  Bazeilles,  elle  décide  d*y  rejoindre  son  mari,  la  témérité  de 
Tentreprise  lui  parait  naturelle,  sans  héroïsme  déplacé,  ren- 
trant dans  son  rôle  de  femme  active  :  où  son  mari  est,  elle 
doit  être,  simplement  [258].  Arrêtée  par  Hnfanlerie  de  ma- 
rine devant  Lulan,  elle  continue  sa  route  en  franchissant  des 
clôtures,  elle  ^arJe  sous  les  obus,  dans  la  folle  ardeur  de  celle 
course,  un  grand  sang-froid,  toute  la  tranquillité  brave  dont  sa 
petite  âme  de  bonne  ménagère  est  capable.  Elle  veut  ne  pas 
être  tuée,  retrouver  son  mari,  le  reprendre,  vivre  ensemble,  heu- 
reux encore  [231].  Marchant  sous  les  balles,  meurtrie  par  un 
ricochet,  elle  ne  (parvient  à  Cazeilles  que  pour  voir  Weiss 
collé  au  mur  en  face  de  soldats  allemands  qui  préparent  leurs 
armes;  alors,  en  créature  qui  ne  raisonne  plus,  qui  donne  sa 
vie,  elle  s'enlac(î  à  lui,  elle  veut  qu'on  les  fusille  ensemble, 
il  faut  que  le  Bavarois  Gutmann  la  saisisse  violemment  et 
lui  fasse  lâcher  prise;  et  elle  n*a  même  pas  la  consolation 
d*ensevelir  son  cher  mort,  que  les  Prussiens  jetteront  dans 
la  fournaise  et  dont  les  cendres  seront  dispersées  au  vent 
[393]. 

îléfujfi'je  à  Heniilly,  soignant  maternellement  les  blessés, 
elle  reiroiivc  chez  l'oncle  Fouchard  deux  soldats  de  Sedan 
échappés  à  la  captivité,  son  frère  Maurice  qui  va  repartir  au 
combat,  et  Jean  Macquart  qu'elle  cachera,  qu'elle  guérira, 
vivant  avec  lui  pendant  quatre  mois  en  une  intimité  familiale. 
Le  cœur  Lroyé  par  la  perte  qu'elle  a  faite,  elle  est  pleine  de 
gratitude  pour  ce  Jean  qui  a  sauvé  son  frère,  elle  l'aime  d'une 
affection  qui  grandit,  à  mesure  qu'elle  le  connaît  mieux, 
simple  et  sn^'e,  de  cerveau  solide  [iOl].  Près  de  lui,  elle  se 
sent  consjlée  et  elle  caresse  parfois  le  rêve  d'une  intimité  à 
trois,  Jaiis  un  avenir  de  bonheur  encore  possible,  qui  ne  se  pré- 
cise pas  à  sos  yeux. 

Mais  le  déclin  ne  lui  fera  pas  grâce,  la  guerre  va  achever  de 
lui  broyer  le  cœur.  Maurice,  son  frère  Maurice  adoré  par  delà 
la,  naissance,  qui  était  un  autre  elle-même,  qu'elle  avait 
élevé,  sauvé,  son  unique  tendresse  depuis  qu'elle  a  vu  à 
Bazeille?  le  corps  Ju  pauvre  Weiss  troué  parles  balles,  Maurice 
est  tué  à  Paris,  il  reçoit  la  mort  des  mains  mêmes  de  Jean, 
jeté  au  frairieiJe  par  l'affreuse  guerre  civile.  El  Henriette 
s'arrarliJj  du  cœur  l'amour  qui  y  germait;  héroïne  obscure, 
victluiv  piioyahle,  elle  restera  seule  au  nîondc,  veuve  et  dépa- 
reillée, sans  personne  qui  l'aime  [(>3cJ.  (La  Debàclc.) 


262  LES  PERSONNAGES 

Levasseur  (Maurice).  —  Fils  du  percepteur.  Frère 
jumeau  d^IIenrieUc.  Ceile-ci,  plus  virile  que  lui,  Ta  élevé;  il 
l'aime  passionnément.  Blond,  petit,  avec  un  front  très  déve- 
loppe, un  nez  et  un  menton  très  menus,  le  visage  fin,  il  a  des 
yeux  gris  et  caressants,  un  peu  fous  parfois.  Venu  à  Paris 
pour  y  terminer  son  droit,  il  s'est  livré  à  mille  sottises,  à 
toute  une  dissipation  de  tempérament  faible  et  exalté.  Jetant 
sans  compter  Targuent  au  jeu  et  aux  femmes.  En  juillet  1870, 
Maurice  vient  d*étre  reçu  avocat.  II  est  pour  la  guerre,  il  la 
croit  inévitable,  nécessaire  à  Texistcnce  même  des  nations, 
la  vie  est  une  guerre  de  chaque  seconde,  la  nalure  exige  le 
combat  continu,   elle  donne  hi  victoire  au  plus  digne  [10]. 

Dans  une  crise  de  patriotisme,  rêvant  de  combats  pour  Je 
lendemain,  voulant  aussi  racheter  ses  anciennes  fautes  par  un 
peu  de  gloire,  il  s*est  engagé  au  lOG'  de  ligne  (colonel  de 
Vineuil).  El  il  se  croit  bien  corrigé,  dans  sa  nervosité  prompte 
à  Tespoir  du  bien  comme  au  découragement  du  mal,  soumis  à 
toutes  les  sautes  du  vent'  qui  passe.  Généreux,  ardent,  mais 
sans  fixité  aucune,  il  assiste  parfois,  sans  résistance  possible, 
à  la  ruine  de  sa  volonté,  il  tombe  aux  mauvais  instincts,  à  un 
abandon  de  lui-même,  dont  il  sanglote  de  honte  ensuite.  Au 
fond,  il  est  ébranlé  par  la  maladie  de  l'époque,  il  subit  la  crise 
historique  et  sociale  de  la  race.  Son  grand-père,  né  en  1780, 
fut  Tun  des  héros  de  la  période  militaire,  un  des  vainqueurs 
d'Austerliiz,  deWagram  et  de  Fricdiand;  son  père,  né  en  1811, 
tombé  à  la  bureaucratie,  petit  employé  médiocre,  s'est  usé  dans 
un  emploi  de  percepteur;  lui,  né  en  18-il,  élevé  en  monsieur, 
admis  au  barreau,  capable  des  pires  sottises  et  des  plus  grands 
enthousiasmes,  va  être  vaincu  à  Sedan,  dans  une  catastrophe 
finissant  un  monde.  Maurice  est  un  des  passants  de  l'époque, 
certes  d'une  instruction  brillante,  mais  d'une  ignorance  crasse 
en  tout  ce  qu'il  faudrait  savoir,  vaniteux  avec  cela  au  point 
d'en  être  aveugle,  perverti  par  Timpatience  de  jouir  et  par  la 
prospérité  menteuse  du  règne  [390]. 

Incorporé  dans  l'escouade  du  caporal  Jean  Macquart,  une 
répugnîince,  une  sourde  révolte  l'a,  dès  les  premières  heures, 
dressé  contre  cet  illettré,  ce  rustre  qui  le  commande  [i].  Un 
peu  plus  tard,  dompté  par  lui,  il  le  hait  d'une  inextinguible 
haine  [3i].  Puis,  un  jour  de  défaillance,  Jean  lui  rend  l'espoir 
par  sa  virulence  contre  les  lâches  qui  parlent  de  ne  pas  se 
battre;  les  mêmes  fatigues  et  les  mêmes  douleurs,  subies  en- 
semble, font  vaciller  sa  rancune;  il  y  a  entre  eux  comme  une 


DKS  IlOUGON-MACQUART  263 

(rêve  tacite.  A  ce  moment,  l'armée  de  Ch&lons,  reconstituée  à 
la  hâte  après  les  premières  déroutes,  n*est  plus  que  Tarmêede 
la  désespérance,  le  troupeau  expiatoire  qu'on  envoie  au  sacri- 
fice, pour  tenter  de  fléchir  la  colère  du  destin;  elle  monte  son 
calvaire  jusqu'au  bout,  payant  les  fautes  de  tous  du  flot  rouge  de 
son  sang,  grandie  par  Tliorreur  même  du  désastre  [79].  Depuis 
six  semaines,  Maurice  u*a  Tait  qu'user  ses  pauvres  pieds  d'homme 
délicat  à  fuir  et  à  piétiner  loin  des  champs  de  bataille.  11  est 
redescendu  à  une  égalité  bon  enfant,  devant  les  besoins  phy- 
siques de  la  vie  en  commun  [83].  Épuisé  de  lassitude,  blessé 
au  pied,  il  éprouve  un  profond  sentiment  de  reconnaissance 
pour  les  soins  maternels  de  Jean,  un  attendrissement  invin- 
cible ren*^ahit,  le  tutoiement  monte  de  son  cœur  à  ses  lèvres, 
dans  un  iinmense  besoin  d'affection,  comme  s'il  retrouvait  un 
frère  chez  ce  paysan  exécré  autrefois,  dédaigné  encore  la 
veille  [lUO]. 

Il  serait  mort  de  fatigue  et  de  détresse,  si  Jean  ne  l'avait 
sauvé,  se  condaiimant  lui-même  à  la  faim  pour  lui  garder  des 
.vivres.  La  fraternité  a  grandi  entre  eux.  Et  lorsque  à  Sedan, 
Jean  est  iilessê  et  va  être  achevé  par  l'ennemi,  Maurice,  dans 
le  plus  grand  danger,  sentant  la  mort  derrière  lui,  soutenu  par 
U!ic  volonté  invincible,  le  charge  sur  ses  épaules,  buttant  à 
diiquo  pitMTP,  se  remettant  quand  même  debout,  le  ramenant 
enlln  dans  les  lignes  françaises  [325].  Prisonniers  dans  la 
presqu'ilvr  diges,  ils  ne  veulent  plus  se  quitter  désonnais,  ils 
suivissent  retlroyable  sort  de  cette  armée  égorgée  sans  gloire, 
couverte  Je  crachats,  tombée  au  martyre,  sous  un  châtiment 
qu'elle  n'avait  pas  njérilé  si  rude  [i64].  El  lorsqu'en  route 
vers  l'Allemagne,  à  l'étape  de  Mouzon,  ils  parviennent  à  fuir, 
ils  se  serriMit  dune  étreinte  éperdue,  dans  le  sentiment  de 
tout  ce  qu'ils  viennent  de  souflrir  ensemble;  c'est  Timmortelle 
aniilié,  l'absolue  certitude  que  leurs  deux  cœurs  n'en  font  plus 
(ju'un,  pour  toujours  [iT8]. 

A  lieniiliy,  où  Henriette  soignera  Jean  blessé  pendant  la 
fuite,  Majîice  ê]»roave  une  surexcitation  nerveuse  extraordi- 
naire, le  sentiment  Je  sa  Jéfailo  le  jette  dans  un  besoin  fréné- 
{\{\ne  de  réhellion  contre  le  sort  [i85J.  Il  passe  en  Belgique,  se 
raijat  sur  Taris,  et  là,  incorporé  au  115*  de  ligne,  engagé  à 
ClivUiiion  «t  »i  Chanipigny,  témoin  de  la  bataille  de  Buzenval, 
il  garJe  l'ébranlement  de  chacune  des  déf.iites,  le  corps 
apj^auvri,  la  tète  all'aiblie  par  une  si  longue  suite  de  jours 
sans  pain,  Je  nuits  sans  sommeil.  En  lui   s'achève   l'évolution 


iU>i  US  PERSONNAGES 

qui,  sous  le  coup  des  premières  balailles  perdues,  a  détrait  la 
légende  napoléonienne  ;  déjà,  il  n'en  est  plus  à  la  république 
théorique  et  sage,  il  verse  dans  les  violences  révolutionnaires. 
Une  haine  lui  est  venue  contre  son  métier  de  soldat,  qui  le 
parque  à  Tabri  du  Mont-Valérien,  inutile  et  oisif  [575].  Après 
la  reddition,  il  se  décide  à  déserter. 

La  Comuiune  lui  apparaît  comme  une  vengeance  des  hontes 
endurées,  comme  la  libératrice  apportant  le  fer  qui  ampute,  le 
feu  qui  purifie  [581 J.  Quand  Tinsurreclion  est  vaincue,  Mau* 
rice  s*aclinrne  à  combattre,  il  veut  mourir;  un  soldai  de  Ver- 
sailles, ivre  de  fureur,  le  cloue  d'un  coup  de  baïonnette,  sur 
la  barricade  de  la  rue  de  Lille  et  alors,  dégrisés,  les  deux 
ennemis  se  reconnaissent.  C'est  Jean  qui^  dans  l'abominable 
lutte,  a  mortellement  blessé  son  frère.  Le  destin  s*cst  acharné 
jusqu*au  bout,  il  a  exigé  Téliniination  du  faible,  incapable 
d'action  robuste;  un  sacriûce  vivant  a  été  nécessaire  pour  que 
la  nation  crucifiée  puisse  renaître  [630].  Et  devant  Paris  en 
flammes,  le  pauvre  être  agonise  entre  Henriette  et  Jean;  il  s*en 
va,  affamé  de  justice,  victime  de  son  temps,  dans  la  su- 
prême convulsion  du  grand  rêve  noir  qu'il  a  fait  [635].  (La 
Débâcle.)  ■ 

Lévêque  (Madame).  —  I>elle-sœur  du  brasseur  Durieu 
[\?A],(L'ArgcnL) 

Lévêque.  —  Avoué  à  Plassans.  Deau-pêre  de  Ramond 
[317].  11  s'occupe  des  affaires  du  docteur  Pascal  après  la  fuite 
du  notaire  Orandguillot  et  retrouve  une  somme  de  quatre- 
vingt  mille  francs  que  Pascal  croyait  engloutie  [325].  {Le  Doc- 
teur Pascal.) 

Lévêque  (Mademoiselle).  —  Fille  de  l'avoué.  Ancienne 
amie  de  Cioliide  lîougon,  dont  elle  est  la  cadette  de  trois  ans 
["207].  Elle  a  épousé  le  docteur  Kamond  [207].  (Le  Docteur 
Pascal.) 

Lhoxnxne.  —  Caissier  principal  du  r>onheur  des  Dames. 
Mari  de  madame  Aurélie,  la  première  des  confections,  qui  Ta 
fait  entrer  dans  la  maison.  Déjà  tout  blanc,  alourdi  par  son 
service  sédentaire,  Lhomme  a  une  figure  molle,  eflacée,  comme 
usée  par  le  reflet  de  l'argent  qu'il  compte  sans  relâ'^he.  Il  a  eu 
le  bras  droit  cuuj)é  par  un  omnibus;  cette  mutilation  ne  le  gêne 
nullement  dans  sa  besogne  et  l'on  va  même  par  curiosité  le 


DBS  r.ÛUGON-MACQCAUT  265 

voir  vérifier  la  reccUe,ttilleineDt  les  billets  et  les  pièces  glissent 
rapiiietnent  dans  sa  main  gauche,  la  seule  qui  lui  reste. 

Fils  d*un  propriétaire  de  Chablis,  il  est  tombé  à  Paris  comme 
employé  aux  écritures,  chez  un  négociant  du  Port  aux  Vins; 
puis,  demeurant  rue  Cuvier,  il  a  épousé  la  fille  de  son  con* 
cierge  et,  depuis  ce  jour,  il  est  resté  soumis  devant  sa  femme, 
dont  les  facultés  commerciales  le  frappent  de  respect  [5âJ.  Son 
seul  vice  est  la  musique,  un  vice  secret  qu'il  satisfait  solitaire- 
ment, courant  les  théiltres,  les  concerts,  les  auditions  ;  malgré 
son  bras  amputé,  il  joue  du  cor,  grâce  â  un  système  ingénieux 
de  pince>,  et,  comme  madame  Aurélie  déleste  le  bruit,  il 
enveloppe  de  drap  son  instrument,  le  soir,  ravi  quand  même 
jusqu'à  Textuse  par  les  sons  étrangement  sourds  qu'il  en  tire. 
La  musique  et  l'argent  de  sa  caisse,  il  ne  connaît  rien  d'autre 
[53].  Mourct  mettra  le  comble  à  son  bonheur  en  lui  confiant  la 
direction  d'un  corps  de  musique,  cent  vingt  musiciens  recrutés 
dans  le  personntrl  [i'29].  Baudu  cite  Lhomme,  sa  femme  et  son 
fils,  comme  un  exemple  de  la  destruction  des  familles  par  les 
grands  bazars.  Employés  tous  trois  au  Bonheur  des  Dames,  ce 
sont  des  gens  sans  intérieur,  toujours  dehors,  ne  mangeant 
chez  eux  que  k  dimanche,  lorsque  chacun  ne  tire  pas  de  son 
côté,  une  vit*  d'iiôtel  et  de  table  d'hôte,  qui  indigne  le  familial 
Baudu  [iTj.  (.-If/  Bonheur  des  Dames.) 

Lhomme  (.Mad.\.\ie).  — Voir  âurclie  (Madame). 

Lhomme  (Aluert).  —  Fils  du  caissier  principal  et  de  ma- 
dame Aurélie.  L'n  grand  garçon  pâle  et  vicieux  qui  ne  peut 
rester  nulle  part  et  qui  donne  à  sa  mère  les  plus  vives  inquié- 
tudes: elle  a  obtenu  pour  lui  une  caisse  de  détail  au  Bonheur 
des  Daines,  ^/e^t  un  mauvais  employé  qui  néglige  le  travail  et 
qu'on  ne  gardtj  «lue  par. déférence  pour  sa  mère  [IG6].  A  la 
suite  d'un  scaniule  trop  fort,  une  suite  de  vols  qui  durent 
depuis  quatorze  mois,  avec  la  complicité  du  vendeur  Migiiot, 
on  se  décitle  a  h-  mettre  à  la  porte.  L'exécution  est  seulement 
retardée  de  d(*.u\  jours,  madame  .\urélie  ayant  obtenu  qu'on  ne 
désiiouoràt  pa<  I.i  famille  par  un  renvoi  immédiat  [HIJ.  (Au 
Bonheur  des  D'unes.) 

Liardin.  —  Parent  des  Quenu.  Membre  du  conseil  de 
famille  de  Pauline  [:2G].  Consent  à  l'émancipation  [117].  {La 
Joie  de  vivre.) 

Liénard.  —  Vendeur  du  rayon  de  lainages,  au  Bonheur  des 
Dames.  C'est  le  îîls  d'un  riche  marchand  de  nouveautés  d'An- 


2G»>  LES  PERSONNAGES 

gcrs.  Dans  sa  vie  de  paresse,  d'insouciance  et  de  plaisir,  il  a 
la' seule  peur  d'être  rappelé  en  province  par  son  père  [54].  11 
abomine  les  jours  de  grosse  vente,  qui  cassent  les  bras;  large- 
ment entretenu  par  sa  [famille,  il  lâche  d'éviter  la  besogne,  se 
moquant  de  vendre,  travaillant  tout  juste  assez  pour  ne  pas 
être  mis  à  la  porte  [123].  11  habite  à  Thôtel  de  Smyrne,  rue 
Sainte-Anne  [16i].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Lieutaud.  —  Architecte  diocésain  a  Plassans.  11  est  chargé 
d'élifier  les  locaux  de  l'Œuvre  de  la  Vierge  [10^].  {La  Con- 
quête de  Plassans.) 

Liévin.  —  bourgeois  de  Plassans,  enrôlé  et  armé  par  Pierre 
Rougon  pour  délivrer  la  mairie  occupée  par  les  républicains 
[272].  Il  est  pris  d'émotion  et  tire  en  l'air,  dans  la  mairie,  sans 
savoir  [289].  {La  Fortune  des  Rougon.) 

Lili.  —  Fille  de  Gaga.  De  son  vrai  prénom  Amélie.  A  dix- 
neuf  ans,  elle  est  vendue  par  sa  mère,  pour  trente  mille  francs, 
au  vieux  marquis  de  Chouard  [406].  (Xana.) 

Linguerlot  (Le  ménage).  —  Voisins  des  Lorilleux,  rue  de 
la  Goutle-d'Or  [71].  {U Assommoir.) 

Liotard  (Veuve  Henhi».  —  Maison  de  transports  maritimes 
pour  l'Algérie,  par  l'Espagne  et  le  Maroc.  Adhère  au  syndicat 
de  la  Compagnie  générale  des  Paquebots  réunis  [179].  {UAr- 
(jcnt.) 

Lisa.  —  Jeune  paysanne  des  Artaud.  Toute  petite,  toute 
noire,  avec  des  yeux  de  flamme  [28.3].  {La  Faute  de  Vahbé 
M  OUI' et.) 

Lisa.  —  Ouvrière  fleuriste  chez  Titreville.  Une  grande  fille 
qu'on  dit  enceinte  [462],  (L* Assommoir.) 

Lisa.  —  Femme  de  chambre  des  Campardon.  Fille  nerveuse, 
plaie  de  poitrine,  noiraude  et  coquette.  Sa  patronne  la  juge 
ti'ès  intelligente,  très  active,  et  lui  attribue  une  conduite  irré- 
prochable [21].  Un  seul  jour  de  sortie  par  mois  pour  embrasser 
sa  vieille  tante,  qui  demeure  très  loin.  Miiis  Lisa  revient  de  ses 
sorties  presque  morte,  les  reins  cassés,  les  paupières  bleues 
133].  Son  vice  étant  là,  elle  ne  vole  pas.  Consciencieuse  dans 
e  siTvice,  elle  accepte  la  tutelle  de  Gasparine,  l'autre  madame 
Campardon  ;  elle  garde  une  attitude  respectueuse  devant  les 
ignominies  de  ses  maîtres,  soulageant  son  besoin  d'ordure  dans 
des  colloques  poissards  avec  les  autres  bonnes  de  la  maison, 


DES  ROUGON-MACQUART  267 

favorisant  Tivro^nerie  de  la  vieille  Victoire  et  mettant  sa  jouis- 
sance quoli(]i«*nne  à  corrompre  Adèle,  la  fille  des  Campardon 
[356].  {Pot-Bouille:) 

Lise.  —  Une  des  bètes  préférées  de  Désirée  Mouret.  C*est 
une  vache  blanche  et  rousse  donnée  par  l'oncle  Pascal  [335]. 
{La  Faute  de  Vabbê  Mouret,) 

Lison  (La).  —  Une  mctchine  d'express  de  la  Compagnie  de 
rOuest,  la  machine  du  mécanicien  Jacques  Lantier.  En  dehors 
du  numéro  i|ui  la  désigne,  elle  porte  selon  Tusage  le  nom  d'une 
gare  du  réseau  ;  le  sien  est  Lison,  une  station'  du  Cotentin. 
Mais  Jacques,  par  tendresse,  en  a  fait  un  nom  de  femme,  la 
Lison,  comme  il  dit,  avec  une  grâce  caressante.  Il  Paimc  parce 
qu'elle  est  douce,  obéissante,  facile  au  démarrage,  d'une 
marche  régulière  et  continue,  grâce  à  sa  bonne  vaporisation. 
D'autres  machines,  identiquement  construites,  montées  avec  le 
même  soin,  ne  montrent  aucune  de  ses  qualités.  C'est  que  la 
structure  d'une  machine  n'est  pas  tout;  il  y  a  aussi  l'âme,  le 
mystère  de  la  fabrication,  ce  quelque  chose  que  le  martelage 
ajoute  au  métal,  que  le  tour  de  main  de  l'ouvrier  donne  aux 
pièces  :  la  personnalité  de  la  machine,  la  vie.  Jacques  aime  la 
Lison  en  mâle  reconnaissant,  elle  part  et  s'arrête  vile,  ainsi 
qu'une  cavale  vigoureuse  et  docile;  elle  lui  gagne  des  sous, 
grâce  aux  primes  de  chauffage,  car  elle  vaporise  si  bien  qu'elle 
fait  de  grosses  économies  de  charbon  ;  le  seul  reproche  qu'elle 
mérite,  c'est  d'exiger  beaucoup  de  graisse  ;  elle  en  a  une  faim 
continue,  il  faut  ça  à  son  tempérament  et  Jacques  se  contente 
de  dire,  avec  son  chauffeur  Pecqueux,  en  manière  de  plaisan- 
terie, qu'à  l'exemple  des  belles  femmes,  elle  a  le  besoin  d'être 
graissée  trop  souvent  [lOi]. 

Lorsqu'il  se  met  à  aimer  Séverine  Roubaud,  Jacques  n'a  plus 
pour  la  Lison  la  même  tendresse  qu'autrefois  ;  il  la  rudoie,  en 
femme  vieillie  el  moins  forte,  il  a  des  sautes  d'humeur,  il 
exige  davantage,  surtout  quand  Séverine  est  là,  comme  le  jour 
delà  'ç^rande  tempête  déneige,  où  le  train  s'est  trouvé  bloqué  â 
la  Croix-de-Maufras.  Depuis  le  trop  grand  effort  qu'il  a  exigé 
d'elle,  la  Li=oii  est  changée,  déprimée,  touchée  quelque  part 
d'un  coup  nioriel  ;  c'est  dans  cette  neige  qu'elle  doit  avoir  pris 
va,  un  coup  au  cœur,  un  froid  de  mori,  ainsi  que  ces  femmes 
jeunes,  sr.li.itni'.Mil  hàlies,  qui  s'en  vont  de  la  poitrine,  pour 
être  ronlréc>  un  soir  de  bal,  sous  une  pluie  glacée  [-37].  Elle 
n'i.'sl  plus  la  bien  portante,  la  vaillante  d'autrefois;  sans  doute, 


iG8  LES  PERSONNAGES 

dans  la  réparation  des  pistons  et  des  tiroirs  a-l-elle  perdu  de 
son  Ame,  ce  mystérieux  équilibre  de  vie,  dû  au  hasard  du  mon- 
tage ["287].  La  Lison  meurt  dans  une  catastrophe;  devant  un 
fiirdier  arrêté  en  pleine  voie,  son  mécanicien  a  voulu  en  vain 
faire  machine  arrière,  elle  n'obéissait  plus,  elle.se  cabrait  sous 
le  frein.  Brisée  parle  choc,  elle  est  là,  sur  le  dos,  à  rendre  tout 
le  soufllc  de  sa  poitrine,  par  ses  poumons  crevés  [329].  Et  ce 
colosse  broyé,  avec  son  tronc  fendu,  ses  membres  épars,  ses 
organes  meurtris,  mis  au  plein  jour,  prend  TadVeuse  tristesse 
d'un  cadavre  humain,  énorme,  et  d'où  la  vie  vient  d'être  arra- 
chée, dans  la  douleur  [336].  {La  Bête  humaine.) 

Llorentz  (Madame  de),  née  La  Rouquette.  —  Sœur  du 
député  La  fiouqiictte.  Veuve  d'un  général  d'origine  espagnole 
[S5].  Délie  blonde  un  peu  forte,  yeux  bleus.  Elle  est  dame  du 
palais  de  rimpcralrice.  A  l'époque  du  mariage  de  Napoléon  II î, 
iM.  de  Marsy,  amant  de  madame  de  Llorentz,  lui  a  écrit,  pour 
l'égayer,  des  lettres  pleines  de  détails  piquants  sur  le  couple 
impérial.  Extrêmement  jalouse,  elle  a  conservé  ces  missives  et 
les  tient  suspendues  sur  la  tête  de  M.  de  Marsy,  comme  une 
vengeance  toujours  prête  [i88].  Clorinde,  au  courant  des  faits 
et  pressée  de  voir  un  changement  de  ministère,  alfole  la  dame 
qui,  dans  un  coup  de  colère,  livre  à  l'empereur  les  lettres 
compromettantes  [221].  {Son  Excellence  Eugène  liougon.) 

Logre.  —  Crieur  à  la  marée.  Cossu,  face  de  travers,  che- 
veux ébouriffés,  avec  un  grand  tablier  bleu  à  bavette;  c'est  le 
meilleur  crieur  du  marché.  Il  vendrait,  dit  Verlaque,  des 
semelles  de  bottes  pour  des  soles  [122].  Vient  le  soir  chez 
Leliigre,  aux  réunions  Gavard,  les  mains  lavées,  proprement 
mis,  avec  un  grand  cache-nez  rouge,  dont  un  bout  pend  sur  sa 
bosse  comme  le  pan  d'un  manteau  vénitien.  Imite  très  bien 
avec  son  nez  la  voix  pâteuse  de  l'enipereur.  Cause  politique,  la 
mâchoire  en  avant,  les  mains  jetant  les  mots  dans  le  vide, 
l'attitude  ramassée  et  abovanie,  de  l'air  furibond  dont  il  met 
une  manne  de  poissons  aux  enchères  [133].  Aflilié  à  la  police 
cl  voyant  dans  Florent  une  proie  facile,  il  se  fait  son  lieutenant, 
parle  de  tout  Hanquer  par  terre,  met  sur  pied  une  vaste  conspi- 
ration dont  Florent  sera  le  chef,  endort  ses  méfl.mces  contre 
Lebi^^re  [181],  lui  soutire  de  l'argent  qu'il  empoche  avec 
bonheur,  organise  enfin  à  lui  seul  tout  le  complot  des  Halles, 
dont  le  niiiiislère  a  besoin  pour  sa  politique.Misen  ju^jemcnt  pour 
sauver  les  apparences,  Logre  est  acquitte.  [Le  Ventre  de  Paris.) 


DES  BOUGON-MACQUART  269 

liOiseau.  —  Vieux  paysan  sourd,  oncle  de  Macqucron.  Est 
conseiller  imniîcipal  de  liognes  et  ne  vient  jamais  aux  séances, 
parce  que,  dit-il,  ça  lui  casse  Ja  lète.  Loiseau  est  à  Pentière 
dévotion  du  nmire  Alexandre  Hourdequin,  son  (ils  travaillant  à 
la  BorJerie  [158]:  {La  Terre.) 

Lonjuxneau.  —  I/un  des  chauffeurs  de  la  bande  du  Ceau- 
François  [07].  {La  Tene.) 

liOret  (Madame).  —  Habite  le  quartier  des  Halles.  Made- 
moiselle Saget  prétend  qu'elle  fait  donner  une  mauvaise  édu- 
cation à  son  iils  [311].  {Le  Ventre  de  Paris.) 

Lorilleux.  —  Beau-frère  de  Coupeau  et  de  madame  Lerat. 
Ouvrier  chainiste  travaillant  en  chambre.  Habite  avee  sa  femme 
rue  dn  la  Goulte-d'Or,  au  sixième  étage.  Petit  de  taille, 
d'épaules  grêles,  il  a  de  minces  lèvres  méchantes,  une  tête 
aux  clieveux  rares,  d*une  pâleur  jaune  de  vieille  cire;  à  trente 
et  un  aos,  il  a  Pair  d'un  vieillard.  Lorilleux,  très  vaniteux  de 
manipuler  de  Tor,  passe  pour  gagner  dix  francs  par  jour  et 
tire  lie  là  une  véritable  autorité  [03].  Il  se  déclare  vaguement 
légitimiste,  parce  qu*il  est  né  le  môme  jour  que  le  comte  de 
Chainbord,  le  :29  septembre  18:20  [109].  Les  Lorilleux,  avares, 
jaloux  L't  mauvaises  langues,  disent  du  mal  de  tout  le  monde, 
se  réjouissent  égoîstementdu  malheur  des  autres  et  ont  Faction 
la  plus  déplorable  sur  le  ménage  de  Coupeau  et  de  Gervaise. 
iL  Assommoir.) 

Lorilleux  (Madame  Anna),  née  Coupeau.  —  Femme  de 
Lorilleux.  Sœur  de  madame  Lerat  et  de  Coupeau.  Elle  a 
trente  ans  à  l'époque  du  mariage  de  son  frère.  C'est  une  petite 
femme  rousse,  assez  forte,  paraissant  plus  que  son  âge,  l'air 
revéche,  malpropre  avec  ses  cheveux  queue  de  vache  roulés 
sur  sa  camisole  défaite  [68].  Vexée  du  mariage  de  Coupeau, 
qui  lui  t'i.lève  le  bénéfice  du  déjeuner  quotidien  de  son  frère, 
elle  est  immédiatement  hostile  à  Gervaise,  qu'elle  invente 
d'appeler  la  Banban  [92].  D'une  jalousie  aigre,  elle  est  ravie 
de  racciLl'.Mil  de  Coupeau  qui  va  dévorer  les  économies  du  jeune 
ménage,  comme  plus  tard  elle  applaudira  à  Tinconduiie  de 
Naria  <)ui  doit  achever  de  déconsidérer  les  parents.  Elle  rem- 
plit le  <{u:iriier  de  ses  potins  venimeux,  se  réconcilie  de  temps 
en  temps  avec  Gervaise  pour  amasser  de  nouveaux  griefs, 
accepte  d'étie  la  marraine  de  Nana  en  faisant  souucr  bien  haut 
sa  mni^T^^   générosité   et,  dans   la  débandade  de  la  famille, 

t'6. 


270  LES  PERSONNAGES 

continue  à  mener  avec  Loriileux  une  existence  d*araignées 
maigres,  à  dégoûter  du  travail  [ilG].  Elle  éprouve  une  grosse 
jouissance  d*égoïsme  a  voir  la  Baiiban  mourant  de  faim  dans 
la  soupente  du  père  Bru.  (L'Assommoir.) 

Lorillon  (Les).  —  Paysans  de  Rognes.  Ont  été  soignés  et 
guéris  par  le  rebouteur  Sourdeau,  qui,  dit-on,  leur  a  remis 
le  bréchet  en  les  frottant  à  Teslomac  avec  un  peigne  d'écaillé 
[io5].  (La  Terre.) 

Loubet.  —  Soldat  au  i06*  de  ligne  (colonel  de  Vineuil). 
Appartient  à  l'escouade  du  caporal  Jean  Macquart.  Maigre  et 
vif,  débrouillard,  Tair  farceur,  ténor  de  Tescouade,  c'est  un 
fricoteur  qui  ne  vaut  pas  cher.  Loubet  est  né  dans  les  Halles, 
rue  de  la  Cossonnerie,  c'est  le  fils  de  hasard  d*une  marchande 
au  petit  tas,  engagé  c  pour  des  sous  >,  comme  il  dit  [2i].  Dans 
le  contre-coup  de  Frœschwiller,  qui  emporte  de  Mulhouse  à 
]»elfort  ces  soldats  errants,  vaincus  et  dispersés  avant  d'avoir 
combattu,  tombés  dès  le  premier  revers  à  une  désespérance 
complète,  Loubet  envie  le  richard  dont  il  fait  le  service  et  qui 
doit  fumer  de  bonnes  pipes,  pendant  que  lui  va  se  faire  casser 
la  gueule  [32].  Le  l*"^  septembre,  sur  le  plateau  de  Floirîg, 
devant  l'eiiiiemi,  faisant  allusion  aux  quinze  cents  francs  qu'il 
a  touchés  comme  remplaçant  militaire,  il  déclare  que  sa  peau 
vaut  plus  cher  que  ça  et  qu'il  compte  bien  n'en  donner  que 
pour  l'argent  [231].  Aussi,  dès  le  début  de  l'action,  a-t-il  sour- 
noisement lâché  le  champ  de  bataille,  passant  la  journée  avec 
son  camarade  Chouteau,  dans  une  auberge  du  Fond  de  Givonne. 
Emmenés  en  captivité,  quelques  jours  plus  tard,  tous  deux 
tentent  de  fuir,  près  de  Mouzon.  Loubet,  très  agile,  va 
s'échapper,  lorsque  Chouteau,  sur  le  point  d'être  pris,  se  jette 
entre  ses  jambes  et  le  culbute,  profitant  de  la  bagarre  pour 
disparaître.  Loubet  est  assommé  par  les  Prussiens  [^Ti].  {La 
Dvlâclc.) 

Louhette.  —  Vieux  mercier  de  la  rue  Neuve -Saint- Au- 
gustin [-20].  Père  de  madame  Théophile  Vabre.  (Poi-Bouille.) 

Louhette  (Madame).  —  Femme  du  mercier.  Sang  acre,  a 
toujours  eu  des  boutons  plein  la  figure  \^'b'\.{Poi'BomUe.) 

Louhette  (Valéhie).  —  Femme  de  Théophile  Vabre.  Mère 
du  petit  Camille.  Une  névrosée  qui  a  grandi  dans  la  boutique 
paternelle  où,  dès  quatorze  ans,  elle  étouffait  déjà.  Ses  pre- 
mières attaques  d'hystérie  datent  de  celte  époque;  on  la  soi- 


^^^^  DES  lIOL'CuN-MALUtjAHT  ÏTl 

fiiail  pour  dus  élourdisscrnenls  qui  se  (erminaieiii  par  des 
sni^iiemculs  de  nez.  Avant  le  mariage,  Tliéopliile  l'a  vue  tous 
le:  soirs,  peiiJaiiI  trois  mois,  1res  geolille,  obéissnnic,  le  cnrac- 
lère  tritte  ninis  cli.trmaiitj  elle  était  délicate,  on  àisail  en 
plaisantanl  que  le  mariage  la  remcltrail.  Mais  elle  est  détenue 
fantasque,  eliangeanl  d'humeur  nngl  fois  en  un  jour  et  les 
crises  se  sont  multipliées.  Méprisant  son  mari,  dont  l'impuis- 
sance l'a  poussée  à  chercher  une  grossesse  au  dehors  pour 
conserver  ses  droits  d'hérilage,  Valérie  a  maintenant  dus  ren- 
dei-TOUS  dans  un  garni  loucbe  du  passage  Saini-Roch  ;  elle  s'y 
rend  d'ailleurs  sans  plaisir,  n'obéissant  qu'au  besoin  de  sou- 
lager son  éternelle  nérr  lans  le  mé|iris  et 
lu  lassitude  de  l'homme  'rnime  mince  et  élé- 
jnnle,  aus  veux  ardents  "  spêe  el  un  teint  de 
plomh.  Elle  iréprouve  nu  uc  ,,.us,  tant  sa  fumille  la 
loucLe  P'-'U  it  tant  l'amot        nnuie  L*u.i].  (Pol-Boaille.) 

Louis.  —  Mailrp  d'hoiel  d'Irma  Bécol,  avenue  de  Villiers. 

.  l>igni!é  hauiaiiie  [?,:.b].  (L'Œuvre.) 

Louis.  —  Cousin  de  Cabuche.  Carrier  comme  lui,  à 
I:i!'<:ouil.  Un  pelit  liomme  liinju  [45].  C'est  lui  qui  conduit  la 
vuiiure  de  Citliuclie  le  soir  de  l'assassinai  du  président  Grpnd- 
uiorin.  lia  liclehumnine.) 

Louis.  —  Servant  d'iirlillerie.  Appartient  comme  ]>'nnleur 
â  la  pièce  du  maréchal  des  logis  Honoré  Foucliard.  Ucst  un 
priil  homme,  noir  et  maigre,  accouplé  au  conducteur  Adolphe. 
Plus  instruit  <|ue  celui-ci,  fort  intelligent,  il  accepte  la  dépen- 
dance où  tout  homme  de  cheval  lient  l'homme  à  pied,  di'tsse 
la  (ente,  va  â  la  corvée,  soigne  la  soupe,  mais  afiligé  d'un 
appêiil  excessif,  n'admet  pas  que  l'aulre  mange  plus  que  sa 
pari  [9^].  Idi'ssé  sur  le  plateau  d'Illy,  le  jour  de  Sedan,  il  se 
sert  de  son  bras  gauche  pour  le  pointage,  puis  un  écht  d'obus 
lui  troue  in  gorge,  et  il  tombe  en  travers  de  la  flèche  qu'il  étail 
en  train  de  soulever  [313].  Le  même  coup  a  tué  Adolphe  el 
tous  d-u\  meurent  enlacés.  [La  Débâcle-) 

Louis  (La  iiinE).  —  Marchande  de  vin  à  la  Chapelle.  Elle 
Cil  renommée  pour  ses  pieds  à  la  poulette  [1336].  (L'Assom- 
moir.) 

Louise.  —  Actrice  du  l'alais-flojal.  On  compte  l'avoir  ù  la 
crén.aillere  dt-  .Nana  [8G].  (.Yaiia.) 


iT-2  LES  PERSONNAGES 

Louise.  —  Orpheline  recueillie  par  J'Assislnnce  publique. 
A  quinze  ans,  elle  entre  comme  petite  bonne  chez  madame 
.lu/cur,  qui  prétend  la  former.  Louise  a  le  teint  jaune  et  le 
masque  écrasé  des  filles  qu'on  oublie  sous  les  portes  [1-12]  Les 
exemples  équivoques  de  sa  maîtresse  cl  le  contact  malsain  des 
autres  bonnes  de  la  maison  achèvent  de  corronïpre  cette  enfant 
déjà  vicieuse;  elle  finit  par  coucher  avec  le  grand  liippolyte  et 
est  rendue  par  madame  Juzeur  aux  Enfants- Assistés  [i61]. 
(Pot'Bo^Ulc.) 

Louiset  (1).  —  V\U  do  Nana,'qni  l'a  en  a  seize  ans.  Laissé 
chez  sa  nourrice,  dans  un  village,  aux  environs  de  lîambouillet, 
a  été  pris  ensuite  par  sa  tante,  madame  l-erat,  qui  l'élève  aux 
r»ati{,'nolles  [II].  C'est  un  enfant  aux  yeux  bleus,  à  la  face 
blanche  cl  scrofuleusc  ['î05].  Lorsqu'il  marche  sur  ses  trois 
ans,  il  a  un  eczéma  sur  la  nuque,  puis  des  dépôts  se  forment 
dans  ses  oreilles,  ce  qui  fait  craindre  une  carie  des  os  du  crâne 
[S'iO],  quelque  pourriture  léguée  par  un  père  inconnu.  Mieux 
portant,  emmené  aux  courses  par  sa  mère,  il  regarde  tout  ce 
monde,  l'air  très  vieux,  comme  plein  «îe  réflexions  tristes  sur  ce 
qu'il  voit  [r>8:i].  Louiset  meurt  en  j'jillet  1870  de  la  petite 
vérole,  qu'il  cotnmuniqu»»  à  sa  mère,  revenue  de  lîussie  [507], 
{Xana.) 

Louisette.  —  La  (ille  cadette  de  madame  Misard  (tante 
Phasie).  Une  enfant  mignonne,  blanche  et  douce,  qui  s'est  prise 
d'afTcclion  pour  le  bon  géant  Cabuche.  Placée  comme  femme  de 
chambre  chez  madame  Bonoehon,  au  château  de  Doinville,  elle 
a  subi  les  honteuses  violences  du  président  Graiidmorin,  et, 
affolée,  meurtrie,  s*est  sauvée  pour  aller  mourir  chez  son  ami 
Cabuche,  à  qui  elle  a  conté  l'attentat  dont  elle  vient  d'être 
victime  [i6],  (La  Bête  humaine.) 

Loulou.  —  Chien  recueilli  par  Pauline  Quenu.  Bête 
bâtarde,  mal  venue,  au  poil  mangé  de  gale.  Toujours  grognon, 
d'une  mélancolie  de  chien  déshérité  [-j^o].  En  le  donnant  à 
Pauline,  on  lui  avait  juré  qu'il  devien  irait  énorme  et  superbe. 
Elle  le  garde  par  cette  infinie  bonté  qui  rayonnt^  délie.  Triste 
et  affreux,  Loulou,  couché  en  boule  sous  une  table,  gronde  dès 


(I)  Louis  CoupPdu,  dit  Louiset,  né  en  1S6T,  uteurt  en  ISTU,  de  la 
jtelfte  vcKjle.  [Election  >\c  la  mère.  lieàsouiljLince  physique  de  la 
m«  re].  (Arbre  (jcnèalogique  des  Rougon-Macq.iarl.) 


DES  KOUGON-MACQL'AHT  273 

Hu'oi!  ]':'j»i«ro(Iie.  Après  avoir  croqué  du  sucre,  il  montre  les 
troc?,  dans  un  reJoubleinent  de  maussaderie.  Il  vil  seul,  en 
êtra:i;:er  dans  la  maison  [i>55].  {La  Joie  de  vitre.) 

Lulu.  —  Le  grilTon  de  Nana.  Fait  des  parties  dans  le  lit 
avec  le  pdii  Louisvi  [lOS].  {Nana.) 

Li2signan.  —  ''Ihival  de  J'êcurie  Vandeuvres,  par  Lanib  et 
Prin'.ess.  l'n  bai  très  foncé,  d'une  forme  irréprochable  [109]. 
A  gairné  en  avril  1»?  prix  Des  Cars  et  la  Grande  Poule  des  Pro- 
duil>.  Enga^'é  dans  le  Grand  Prix  de  Paris,  nionlc  par  Gresliara, 
i!  e>i  giand  favori  [X*S3].  {Nana.) 


M 


Macqaart(l).  —  Fils  d'un  ouvrier  tanneur  qui  lui  a 
laissé  une  masure  de  Tirapasse  Saint-Mitlre,  dans  un  faubourg 
u»  l'iassans.  Grand,  terriblement  barbu,  il  a  une  face  maigre 
où  Ton  ne  distingue  que  le  luisant  des  yeux  bruns.  Contreban- 
dier doublé  d*un  braconnier,  il  disparait  pendant  des  semaines, 
puis  revient,  les  mains  dans  ses  poches,  menant  alors  une 
existence  d'ivrogne,  buvant  avec  un  entêtement  farouche.  On 
no  parle  de  lui  qu'en  disant  :  c  Ce  gueux  de  Macquart  >  [49]. 
Eu  178S,  il  devient  l'amant  d'Adélaïde  Fouque,  veuve  de 
Piougon  depuis  un  an,  et  dont  la  propriété  conGne  à  Taire 
Sainl-.Millre.  Deux  enfants  surviennent,  Antoine  en  1789, 
Li'>ule  en  1791;  Macquart  continue  sa  périlleuse  existence 
jusqu'en  1810,  époque  où,  introduisant  en  France  toute  une 
cargaison  de  montres  de  Genève,  il  est  tué  à  la  frontière  par 
le  coup  de  feu  d*un  douanier.  On  J'enterre  dans  le  cimetière 
d'un  petit  village  des  montagnes  [61].  {La  Fortune  des 
Bougon.) 

Macqnart  !Antoine)  (2).  —  Fils  d'Adélaïde  Fouque  et  du 
contrebandier  Macquart.  Mari  de  Joséphine  Gavaudan.  Père  de 
Lisa,  Gervaise  et  Jt*an  Macquart.  Né  à  Plassans  en  1780,  il  est 


fl)  Macquart,  licscquilibré  et  ivrog)}e,  contrebandier,  amant  d'Adé» 
laide  Fouque.  (Arbre  géncalogique  des  Rougon-Macquart.) 

{'!)  Antoine  Macquart,  né  en  178U;  soldat  en  1809;  se  marie^  en 
18-20,  avec  Juscpliine  Gavaudan,  marchande  à  la  Halle,  vigoureuse, 
tiaiailleuse,  tnais  intempérante;  en  a  trois  enfants  ;  la  perd  en  1851  ; 
hneurt  en  1873,  alcoolique,  de  combustion  spontanée.  [Mélange 
fusion,  rrédomiiiancc  murale  cl  ressemblance  phvsique  du  père]. 
Soldat,  puis  vunnter,  puis  rentier  et  fainéant.  {Arbre  généalogique 
dns!  Rniimni- Macnuart.\ 


2TC  LES  PERSONN.VCtS 

élevé  en  toute  liberté,  dans  l'enclos  Fouque,  entre  son  frère 
Pierre  Rougron  et  sa  sœur  Ursule,  et  grandit  franchement  dans 
le  sens  de  ses  instincts  [53].  A  seize  ans,  c'est  un  grand  galo- 
pin ayant  les  traits  de  son  père,  mais  adoucis,  devenus  fuyants 
et  mobiles;  d'Adélaïde,  il  n*a  que  les  lèvres  cliarnues.  Au  mo- 
ral aussi,  le  père  domine,  avec  son  amour  du  vagabondage,  sa 
tendance  à  l'ivrognerie,  ses  emportements  de  brûle,  compli- 
qués, sous  rinduence  nerveuse  de  la  mère,  d'une  sournoiserie 
pleine  d'hypocrisie  et  de  lâcheté.  En  1809,  Antoine  tombe  au 
sort  et,  dupé  par  Pierre  qui  a  manœuvré  pour  empêcher  son 
remplacenrienl  [59],  il  devient  soldat. 

Pientré  à  Plassans  en  1815,  après  la  chute  de  Napoléon,  il 
rapporte  tous  ses  vices  naturels,  développés  par  la  vie  militaire. 
Paresseux  et  ivrogne,  devenu  le  pire  des  «garnements  [136], 
ruiné  par  Pierre  qui  s'est  emparé  du  patrimoine  maternel,  il 
est  décidé  à  ne  jamais  travailler,  se  livre  à  des  chantages 
contre  son  frère,  tire  de  lui  quelques  subsides  [i  13].  s'installe 
dans  une  chambre  du  vieux  quartier,  apprend  à  fabriquer  la 
vannerie,  exerce  mollement  ce  métier  en  s'approvisionnant 
la  nuit  dans  les  oseraies  de  la  Viorne,  ce  qui  lui  vaut  quelques 
jours  de  prison  [Uô]  et  se  répand  en  imprécations  contre  les 
riches,  par  haine  des  Rougon  ;  il  commence  dès  lors  à  se 
poser  dans  la  ville  en  républicain  farouche  [140]. 

En  18i9,  Antoine  épouse  une  vendeuse  de  la  halle,  José- 
phine Gavaudan,  robuste  et  courageuse  commère  qui  habite 
un  logement  rue  Civadière  et  chez  qui  il  s'installe  le  soir  même 
de  ses  noces,  s'arrangeant  aussitôt  une  existence  d'oisiveté 
absolue  [1 18],  exploitant  cyniquement  le  travail  de  sa  femme, 
jmis  celui  de  ses  enfants,  Gervaise  et  Jean.  Il  vit  dans  un 
égoïsme  féroce,  passe  sa  vie  au  café,  s'habille  chez  un  bon 
tailleur  de  Plassans,  se  vante  hautement  de  ses  escapades 
amoureuses,  pille  la  maison  et  festoie  au  dehors  quand  le 
bullet  est  vide  [i5i]. 

Fiongé  d'envie  et  de  haine,  terriblement  bavard,  étrange 
théoricien  qui  voit  dans  la  république  un  moyen  d'emplir  ses 
poches,  il  réunit  facilement  autour  de  lui  un  petit  groupe 
d'ouvriers  (jui  prennent  naïvement  ses  fureurs  jalouses  pour 
des  iniignations  honnêtes  et  convaincues  [155].  £n  181S,  il 
croit  que  Plassans  va  lui  appartenir,  il  rêve  de  terribles  repré-* 
sailles  contre  les  liougon,  rangés  du  côté  de  la  réaction,  animés 
d'ailleurs  autant  que  lui  d'une  rage  d'appétits  brutaux  [157]. 
Clierclianl  un  allié  dans  la  famille,  il  a  circonvenu  son  neveu 


l»ES  lîOrCON-MACgUARr  «77 

Silvcre  Mouret,  jeune  démocrate  idéaliste,  l'a  exaspère  contre 
ronde  Pierre  en  exploilioil  la  tendresse  du  brave  enfant  pour 
son  aïeule  Adélaïde  Fouqus  [176],  n'est  pas  parvenu  à  Tassocier 
à  ses  projets  de  venpreance  personnelle,  mais  Ta  exalté  au  point 
de  le  jeter,  tout  vibrant,  dans  une  sanglante  écbauiïourée. 
Au  moment  du  Deux-Décembre,  Macquart  est  aux  abois.  La 
mort  de  sa  femme,  lu  départ  de  Gervaise  et  de  Jean  Tont  réduit 
à  une  profonde  misère,  sa  fureur  contre  les  ricbes  est  au  pa- 
roxysme. L'abstention  des  libéraux  honorables  a  fait  de  lui  un 
des  agents  les  plus  en  vue  de  l'insurrection,  il  se  voit  tenant 
les  Rougon  a  la  gorge,  commence  par  penjuisilionner  en  vain 
chez  eux  [182]  t-t  s*enipare  de  la  mairie  où  il  se  laissera  bientôt 
prendre  par  son  frère  ennemi;  puis,  lorsque  le  coup  d*if.tat 
iriompbe,  il  ne  songe  plus  qu'à  sauver  sa  peau  et  à  vendre  les 
camarades.  Làcliemcnt,  il  maquignonne  avec  sa  belle-sœur 
^clicité  un  guet-apens  [335]  où,  moyennant  salaire,  il  mènera 
à  la  mort  les  ouvriers  répulj  icains  qui  ont  cru  en  lui.  Le  crime 
accompli,  Macquint  reçoit  le  prix  du  sang  et  quitte  la  France 
pour  quelque  temps  avec  promesse  d'un  bon  emploi  [366].  {La 
Fortune  des  Rony  on.) 

Après  un  court  exil  dans  le  Piémont,  il  est  rentré  en  France, 
grùce  à  Pierre  Rougon  qui,  depuis  le  forfait  perpétré  ensemble, 
ne  peut  rien  lui  refuser.  11  mène  alors  une  existence  de  bour- 
geois gras  et  rente,  buvant  de  bonnes  bouteilles,  cachant  sous 
son  attitude  ironique  des  menaces  de  chantage  qui  obligent 
son  frère  a  l'entretenir,  comme  l'entretenaient  jadis  sa  femme 
et  ses  enfants.  Il  a  renoncé  à  la  place  promise  et  vit  aux 
Tulettes,  k  trois  lieues  de  Plassans;  les  Rougon  lui  ont  acheté 
un  petit  domaine  [50],  à  deux  pas  de  l'Asile  où  Càt  enfermée 
tante  Dide,  placée  ainsi  sous  sa  surveillance. 

Toujours  ricanant,  il  suit  les  manœuvres  de  Pierre  et  de 
Féiicilé,  devenus  les  maîtres  de  la  ville;  il  garde  sournoise- 
ment contre  eux  une  haine  de  loup,  multipliant  ses  exigences 
quand  il  sent  une  nouvelle  intrigue  à  exploiter.  Abouché  avec 
Tablié  Fenil  (jui  rêve  une  vengeance  contre  Faujas,  irrité 
d'autre  part  contre  Pierre  qui  fait  la  sourde  oreille  à  un 
nouvel  appel  de  fonds  ['lôS\.  il  làclie  le  fou  François  Mouret 
contre  les  con<|ucranis  de  Plassans.  M.iis,  quand  la  maison 
de  la  rue  Dahinde  est  en  ûammes,  Macquart  a  la  rancœur 
d'apprendre  qu'en  supprimant  Faujas,  loin  de  nuire  aux  Rougon, 
il  a  lait  leur  jou  [iOIJ.  (La  Conquête  de  Plassans.) 


o- 


2-Ô  LES  PtnSONNACES 

II  vil  longtemps,  à  l'aise  dans  une  terrible  légenie  de 
fainéant  et  de  bandit.  Avec  les  Rougon,  il  reste  corrert,  d'une 
diplomatie  finaude,  n'ayant  gardé  que  son  rire  goguenard, 
e\»;cré  d'ailleurs  de  Félicité,  à  cause  du  linge  sale  d'autrefois. 
A  quatre-vingt-f|uatre  ans,  l'oncle  Macquarl  est  encore  aux 
Tulettes.  en  vieil  ivrogne,  saturé  de  boisson  et  que  Talcool 
semble  conserver.  Sa  face  est  comme  bouillie  et  ûambée,  d'un 
rouge  ardent  de  brasier;  il  boit  de  tels  coups  d'eau -de-vie 
qu'il  en  reste  plein,  la  cbair  baignée,  imbibée  ainsi  qu'une 
éponge.  L'alcool  suinte  de  sa  peau  [09],  et,  un  beau  jour  de 
juillet,  le  vieillard,  fumant  sa  pipe,  s'allume  lui-même  comme 
un  feu  de  la  Saint-Jean  et  se  perd  en  fumée,  ius-ju'au  dernier 
05  '233].  Cette  combustion  spontanée,  à  laquelle  F»  licite  assiste 
silencieuse  [:228],  a  tout  détruit  cl  ne  laisse  rien  û  enterrer;  la 
faiiiille  se  contente  de  faire  dire  des  messes  pour  le  repos  de 
l'âme  du  mort  [235].  Quand  on  ouvre  le  testament,  on 
cou:»tate  que  Macquart  a  disposé  de  tout  ce  qu'il  pouvait 
di?traire  de  sa  petite  fortune,  pour  se  faire  élever  un  tombeau 
superbe,  en  marbre,  avec  deux  anges  monumentaux,  les  ailes 
rei'lices,  t-l  qui  pleureront  [236].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Macquart  (Mad.\me).  —  Voir  Gavaudan  (Joséphine). 

Macquart  (Gervaise)  (1).  —  Seconde  fille  d'Aidoine 
Mac({uart  et  de  Josépbine  Gavaudan.  Sœur  de  Lisa  et  de  Jean. 
Mcre  de  Claude,  Jacques,  Etienne  Lantier  et  d'Anna  Coupeau. 
.Nte  à  Plassans  en  1828,  conçue  dans  l'ivresse,  Gervaise  a  la 
cuisse  droite  déviée  et  amaigrie,  reproduction  liérédilaire  des 
brutal ilês  palernelles.  Cliélive,  toute  pâle,  elle  esi  mise  au 
régime  de  l'anisette  par  sa  mère,  qui  adore  celte  liqueur. 
Iltvenue  grande  fille,  elle  est  restée  chélive,  flneîie,  avec  une 
dclicieuse  tèle  de  poupée,  une  petite  face  ronde  et  blême  d'une 
e.\jui>e  ticlicatesse.  Son  infirmité  est  presque  uwe  ^-^ràce,  sa 
taille  llécliil  doucement  à  chaque  pas,  dans  une  sorte  de  balan- 
ceinenl  c  Jencé  [150],  Dès  huit  ans,  elle  gagnait  dix  sous  par 
jour  en  cassant  des  amandes  chez  un  négociant  voisin;  entrée 


l)  Gcri  lise  Manquarty  née  en  182S  ;  a  trois  gnrçou^  d'un  ananlj 
Larder,  d  nt  l  ascendance  compte  des  piir>thjti.jue.s,  qii  V'.nvuène  à 
Pd  is  et  /  7  ahanlonne  ;  époti^e,  en  18."»2.  itn  ouvrier.  Coup'^iu,  de 
fatuillc  aJc'jolifpte,  dont  elle  a  une  fille;  tneurt  de  misère  et  d'ivrO' 
gic^rie,  en  I8G9.  |£leclion  du  i»ère,  conçue  dans  rivrcs>c.  Doitcuse.] 
JJl:ncltiss':iise.  (Arbre  généalogique  des  Hougon-Mucqn'i't.' 


DES  ROUCON-MACQUAUT  279 

'  ensuite  en  apprentissage  chez  une  blanchisseuse,  elle  reçoit 
comme  ouvrière  deux  francs  par  jour;  tout  son  argent  passe 
dans  la  poche  de  son  père,  qui  godaille  au  dehors.  A  quatorze 
ans,  Gcrvaise  a  de  son  amant,  l'ouvrier  tanneur  Lantier,  un 
premier  (ils,  Claude,  puis  deux  autres,  qui  sont  recueillis  par 
leur  grand*mère  paternelle,  sans  que  Macquart  consente  à 
faire  une  démarche  qui  réglerait  la  situation  et  le  priverait  du 
salaire  de  sa  fiile.  Celle-ci  vit  ainsi,  exploitée  par  son  père, 
engrossée  par  son  amant,  s'hahituant  à  boire  avec  sa  mère  des 
verres  de  liqueur  qui  la  soûlent  à  petites  doses.  Au  début 
de  1851,  madame  Lantier  et  Joséphine  .Macquarl  ôlant  mortes, 
Lantier  relire  Gcrvaise  des  mains  de  son  père  et  l'emmène  à 
Paris  avec  deux  des  enfants.  {La  Fortune  des  Rovgon.) 

Au  bout  de  deux  mois  et  demi,  Lantier  a  mangé   le  petit 
hôrilage  maternel,  il  abandonne  Gervaise  et  les  enfants  dans 
une  misérable  chambre  «i  •  l'hôtel  Boncœur,  boulevard   de  la 
Chapelle.  Jetée  ainsi  sur  \^.  pavé  de  Paris,  Gervaise  est  entrée 
comme  ouvrière  chez  madame   Fauconnier,  blanchisseuse,  rue  . 
Neuve  de  la  Goulte-d'Or.  A  vingt-deux  ans,  elle  est  grande,  un  | 
|)eu  mince,  avec  des  traits  fins,  déjà  tirés  par  les  rudesses  de  ■ 
sa  vie  [U].  Elle  utT  ijoil  plurHe^liqùêurs  comme  ù   Plassans, 
"STairrrailli  en  mourir  un  jour,  ce  qui  Ta  dégoûtée  des  alcools. 
Son  seul  défiut  est  d  être  très  sensible,  d'aimer  tout  le  monde, 
de  se  passionner  pour  des  personnes  qui  lui  font  ensuite  mille 
misères.  Elle  ressemble  à  sa  mère  par  sa   rage  de  s'attacher 
^    aux  gens. 

Son  idéal  est  modeste  :  travailler,  manger  du  pain,  avoir  un 

\  trou  à  soi,  élever  ses  enfants,  mourir  dans  son  lit  [50].  Mais 

\    elle  n'a  pas  de  volonté,  se  laissant  aller  où  on  la  pousse,  par 

^crainte  de  causer  de  la  peine  à  quelqu'un  [57].  C'est  ainsi  que, 

/sept  semaines  après  le  départ  de  Lantier,  elle  consent  à  épou- 

;  ser  Coupeau,  malgré  des  peurs  irraisonnées,  de  noirs  pressen- 

^  timents,rhoslilité  évidente  des  Lorilleux  devant  qui  le  zingueur 

est  si  petit  garçon. 

Mariée,  Gervaise  travaille  avec  l'anlent  désir  de  satisfaire 
son  idéal.  Elle  fait  des  journées  de  douze  heures  chez  madame 
Fauconnier,  le  ménage  se  met  dans  ses  meubles  et  s'installe 
rue  Neuve  de  la  GouUe-d'Or,  sur  le  palier  des  Goujet.  La 
petite  Anna  vient  au  monde  dès  la  première  année,  Claude  est 
parti  au  collè;re,  les  autres  enfants  poussent,  on  a  pu  écono- 
n)i<er  six  cents  francs  en  quatre  années  laboiieuscs,  Gervaise 


-J8'i  LES  PERSONNAGES 

va  s'établir,  lorsque  Coupcau  se  casse  une  jambe  en  travaillant 
et  reste  étendu,puis  en  convalescence,  pendant  quatre  mois.  Les 
économies  sont  mangées,  Coupeau  a  perdu  le  goût  du  travail 
et  commence  une  exister.'*e  d'ivrogne  qui  le  mènera  peu  a  peu 
au  'lélire  alcoolique. 

Tiervais^s  établie  dans  une  boutique  de  la  niciison  des  Loril- 
leux,  grâce  à  un  prêt  de  cinq  cents  francs  du  forgeron  Goujet, 
qui  Paimc  comme  une  sainte  Vierge  [191],  s'est  remise  brave- 
ineul  à  la  besogne,  éprouvant  des  joies  d'enfant  devant  son 
jrévvjvjili^^mais  elle  s*attriste  de  Tinconduite  de  Coupeau,  ne 
voulant  pourlant  pas  qu'on  la  plaigne,  excusant  son  mari,  le 
dé.sliabillant  maternellement  lorsqu'il  rentre  ivre.  Celte  exis- 
tence Taveulit,  elle  cède  à  tous  les  petits  abandons  de  son  eni- 
lionpoint  naissant  [:2:21];  Toisivetc  et  les  désordres  de  riiomme 
commencent  à  porter  leur  fruit,  la  gène  arrive.  D'abord,  Gervaise 
avait  rendu  vingt  francs  par  mois  aux  Goujet,  elle  ne  donne  plus 
d'argent  et  même  contracte  de  nouveaux  empruiits,  elle  fait 
des  billets.  Laiitier  a  reparu,  ramené  par  la  grande  Virginie 
qui,  fessée  autrefois  en  plein  lavoir,  a  gardé  contre  la  blan- 
chisseuse une  sourde  rancune. 

Et  c'est  alors  la  lente  déchéance  de  Gervaise  qui  désespère 
•i'cire  jamais  heureuse,  placée  entre  un  mari  indigne  qui  main- 
tenant la  dégoûte  et  un  ancien  amant  (|ui  veut  la  reprendre. 
Elle  a  essaye  un  instant  de  se  réfugier  dans  le  pur  amour  de 
Goujet,  mais  sans  force  pour  résister  à  Laiilier,  elle  Qnit  par 
succomber,  presque  sous  les  yeux  de  la  petite  Anna.  Et  le 
qurirlicr  sait  l'histoire,  grâce  aux  racontars  de  maman  Coupeau. 
Gervaise  a  perdu  tout  respect  d'elle-même,  elle  vil  tranquil- 
lement au  milieu  de  l'indignation  publique  [35:^],  ses  paresses 
1  amollissent,  elle  passe  dans  le  lit  de  Lanlicr  chaque  fois  que 
Coupeau  r^iiire  ivre  ou  qu'il  ronfle  trop  fort,  elle  se  désin- 
lér'.s>e  du  travail,  les  pratiques  s'en  vont  une  à  une,  elle 
iioii  renvoyer  sa  dernière  ouvrière  et  ne  garder  que  l'ap- 
prt'i.iie  Augustine,  la  saleté  pénètre  dans  la  boutique,  les 
itttes  croissent,  tout  va  au  Mont-dc-Piélé  de  la  rue  Polonceau. 
Après  une  courte  révolte,  Gervaise  finit  toujours  par  Irouversa 
po.-^ition  naturelle  [1560],  elle  n'a  de  colère  contre  personne, 
>aul  peut-t'tre  contre  madame  Lorilleux  qui  l'a  ridiculisée 
ïOUî  le  nom  Je  la  Danban  et  dont  elle  se  venge  en  l'appelant 
'Ju<'ue-de-Vache.  A  bout  de  ressources,  elle  se  décide  à  céder 
-a  l)oulique  à  la  grande  Virginie,  qui  va  enfin  pouvoir  l'écraser. 
Kl   alors,  c'est  l'enfer  dans  une  petite  chambre  du  sixième. 


DES  r.OUGON-MACQUAKT  281 

Gervaisc  s*csl  mise  à  boire;  acceptée  comnie  ouvrière  par 
son  ancienne  patronne,  elle  gùtc  tellement  rouvrnge  qu'on  la 
classe  au  rang  de  simple  laveuse.  Lors  de  la  fuite  de  Nana,  elle 
reste  grise  pendant  trois  jours;  devenue  énorme,  elle  lave  une 
fois  par  semaine  le  parquet  chez  Virginie,  dont  les  rapports 
avec  Lantier  la  laissent  indifférente.  On  ne  veut  plus  d'elle  nulle 
part;  elle  dort  sur  la  paille  et  en  arrive  à  chercher  sa  vie 
dans  les  tas  d'ordures.  Enfin,  après  la  mort  de  Coupeau  à 
Sainte-Anne,  Gervaise  succombe  à  son  tour;  elle  meurt  de 
misère  et  va  être  emportée  par  Cazouge,  le  vieux  croque-mort 
dont  elle  avait  si  peur  autrefois.  (L'Assommoir.) 

Sa  sœur,  la  charcutière  Lisa  Quenu,  n*est  jamais  venue  a  son 
aide;  elle  n'aimait  pas  les  gens  malheureux  et  avait  honte 
de  Gervaise  unie  à  un  ouvrier  [96].  (Le  VcîUre  de  Paris.) 

Son  fils  Etienne  lui  envoyait  de  temps  à  autre  une  pièce  de 
cent  sous,  lorsqu'il  était  machineur  à  Lille  [iH].  (GerminaL) 

Macquart  (Jean)  (I).  —  Troisième  enfant  d'Antoine 
31acquart  et  de  Joséphine  Gavaudan.  Frère  de  l.isa  et  de  Ger- 
vaise. Né  à  IMnssans  en  1831,  c'est  un  fort  gaillard,  tenant  de 
sa  mère,  sans  avoir  sa  ressemblance  physique.  Visage  aux 
traits  réguliers,  avec  la  froideur  grasse  d'une  nature  sérieuse 
et  peu  intelligente.  Gi.;ndit  avec  la  volonté  tenace  de  se  faire 
un  jour  une  position  indépendante  [150].  Il  apprend  le  métier 
de  menuisier  et,  dès  les  premières  payes,  est  dépouillé  par  son 
père  qui  le  traite  en  jeune  lille  et  ne  lui  laisse  pas  un  cen- 
time [\k)'X\.  Quand  on  s'assomme  dans  le  ménage,  Jean  se  lève 
pour  bé|»arer  son  père  et  sa  mère  [155].  Lorsque  celte  dernière 
meurt,  le  jeune  homme,  las  d'être  exploité,  quitte  la  maison 
[179].  {La  Fortune  des  Hou  go  h.) 

Tombé  au  sort,  il  a  été  sept  ans  soldat  et,  en  1859,  s'é?nnl 
b.'iltu  à  SolTerino  et  n'ayant  gardé  de  cette  journée  que  le  sou- 


1)  Jean  Macquart,  ut  en  18)1  ;  épouse,  en  1867,  Françoise  Mouche t 
qu'il  perd  en  1870,  sans  en  avoir  eu  d'enfants;  se  reniariey  en  1871, 
avec  Mélanir  l'/rt/,  paysanne  forte  et  unine^  dont  il  a  un  garçon  et 
qui  est  fjmsse  de  nouveau.  [Imiéité.  Combinaison  où  se  confondent 
les  caraclcios  pliy-iques  ci  moraux  des  parents,  ^ans  <jne  rien  d'eux 
semble  se  retrouver  dans  le  nouvel  être].  Patjsant  soldat,  jfuis 
pinjsan.  Vit  encore  à  Valqueijras.  i  Arbre  fjénéaloijiquc  dvs  Piougon- 
Macquart.) 


28-2  LES  PERSONNAGES 

venir  d'une  pluie  diluvienne  tombée  pendant  Tactton  [71],  il 
est  revenu  d'Italie  avec  son  congé.  Un  camarade,  libéré  comme 
lui,  l'a  emmené  à  Bazoches-le-Doyen  ;  il  a  d'abord  repris  son 
niélier,  mais  les  années  de  service  l'avaient  rouillé,  dévoyé, 
dégoûté  de  la  scie  et  du  rabot,  avaient  fait  de  lui  un  autre 
boiniiie,  avec  des  babitudes  de  flânerie  et  un  grand  besoin  de 
repos.  Installé  a  la  Borderie  pour  des  réparations,  il  y  reste 
comme  valet  de  ferme,  finissant  par  mordre  à  la  culture, 
satisfaisant  ainsi  le  tempérament  de  bœuf  de  labour  qu'il  tient 
de  sa  mère  [91], 

A  vingt-neuf  ans,  c'est  un  gros  garçon  cbâtain,  aui*  cbeveux 
ras,  à  la  face  pleine  et  régulière,  annonçant  un  mâle  solide:  on 
l'appelle  Caporal,  en  souvenir  de  son  métier  de  soldat.  11  n'est 
pas  s»}ulfment  aux  prises  avec  la  terre  dure  qui  fait  payer 
cbaquc  grain  de  blé  d'une  goutte  de  sueur,  il  lutte  surtout 
avec  le  peuple  des  campagnes,  que  l'àpre  désir,  la  longue  et 
rude  conquête  du  sol  brûle  du  besoin  sans  cesse  irrité  de  la 
possession.  Les  paysans  exècrent  Jean,  d'abord  parce  qu'il  a 
été  un  ouvrier,  travaillant  le  bois  au  lieu  de  cultiver  la  terre, 
ensuite  parce  qu'il  s'est  mis  à  la  charrue  et  qu'il  vient  manger 
le  pain  dés  autres  dans  un  pays  qui  n'est  pas  le  sien.  Il  a  fait 
connaissance  à  Rognes  des  sœurs  Mouche,  Lise  et  Françoise,  il 
épouse  celle-ci  malgré  les  fureurs  de  Buteau  et  croit  avoir  fixé 
sa  vie  en  ce  coin  delà  Beauce.Mais  jusqu'au  bout,  Jean  reste  un 
étraUçT'^r,  même  pour  sa  femme  qui  ne  l'aime  guère  et  qui, 
assassinée  par  les  siens,  leur  laisse  tout,  ne  voulant  pas  qu'une 
motte  de  terre  sorte  de  la  famille  et  aille  à  l'intrus. 

L'heure  de  la  guerre  va  sonner.  Dégoûté  de  la  vie,  n'ayant 
plus  de  courage  à  travailler  la  vieille  terre  de  France,  Jean 
saura  du  moins  la  défendre;  il  se  rengage  pour  aller  cogner 
sur  les  Prussiens  [501].  (La  Terre.) 

11  a  été  incorporé  au  106*  de  ligne  (colonel  de  Vineuil)  et, 
sachant  tout  juste  lire  et  écrire,  n'ambitionnant  même  pas  le 
grade  de  sergent,  il  fera  la  campagne  avec  les  galons  de  capo- 
ral. G; os  garçon  sérieux,  à  la  figure  pleine  et  régulière,  à  la 
cervelle  épaisse  et  lente,  il  reste  caltne  et  têtu,  solide  en  son 
espoir,  devant  la  défaite.  Les  horreurs  de  Sedan  n'ébranlent 
pas  son  optimisme  :  on  n'est  pas  tous  morts,  après  tout,  il  en 
reste,  et  ceux-là  suffiront  bien  à  rebâtir  la  maison,  s'ils  sont 
de  ]»ons  bougres,  travaillant  dur,  ne  buvant  pas  ce  qu'ils 
gagnent:  lorsqu'on  prend  de  la  peine,  on  parvient  toujours  à 


DES  nOUGO.N-MACQUART  i83 

se  tirer  d*a(Taire,  au  milieu  des  pires  malciiances;  même,  il 
n'est  pas  mauvais,  parfois,  de  recevoir  une  bonne  giOn^ça  fait 
réfléchir  et  s'il  y  a  quelque  part  de  la  pourriture,  des  membres 
gâtés,  mieux  vaut  les  voir  par  terre,  abattus  d*uQ  coup  de 
hache,  que  d'eu  crever  comme  d'un  choléra  [o92]. 

Jean  a  deviné  en  Maurice  Levasseur  une  inimitié,  une  répu- 
gnance de  classe  et  d'éducation,  il  voudrait  échapper  à  ce 
mépris  hostile  [!20].  H  gagne  Maurice  peu  à  peu,  lui  donnant 
d'abord  une  rude  leçon  de  courage  moral  [33],  puis  le  soute- 
nant de  sou  exemple,  le  soignant  avec  une  douceur  d'homme 
expérimenté  dont  les  gros  doigts  savent  être  délicats  à  Tocca- 
sion.  Le  tutoiement  arrive,  bientôt  [100].  Jean  s'attendrit 
devant  la  souflrance  physique  de  Maurice,  i  se  prive  de  man- 
^?.r  pour  lui  et,  plus  tard,  de  même  qu'il  lui  a  sauvé  la  vie 
pendant  la  marciie  vers  Sedan,  Maurice  le  sauvera  sur  le  champ 
ilc  bataille.  Tuis,  dans  la  presqu'île  d'Iges,  où  plane  la  mort, 
Jean  paye  sa  dtUie  au  centuple;  c'est  le  don  entier  de  sa  per- 
sonne, l'oubli  total  de  lui-même  pour  l'amour  de  l'autre  [4io]. 

Évadé  d  ;  la  colonne  de  prisonniers,  blessé  dans  la  fuite, 
encore  une  fois  sauvé  par  Maurice  et  réfugié  à  Remilly,où 
H«'nrietle  Wciss  le  soigne,  Jean  rêve  un  moment  une  femme 
comme  elle,  si  tendre,  si  douce,  si  active;  il  se  voit  confusé- 
ment remarié  en  ce  pays,  propriétaire  d'un  champ  qui  suffit  à 
nourrir  un  ménage  de  braves  gens  sans  ambition  [511].  Mais 
comme  il  faut  aller  jusqu'au  bout  du  désastre,  la  guerre  civile 
va  anéantir  ce  rêve. 

Les  cœurs  de  Jean  et  de  Maurice  s'étaient  fondus  l'un  dans 
l'autre,  pendant  quelques  semaines  d'héroïque  vie  commune.. \u- 
jourd'hui,  Maurice  est  plein  de  la  démence  qui  emporte  Paris,  un 
mal  venu  de  loin,  des. ferments  mauvais  du  dernier  règne;  Jean, 
lui,  est  resté  fort  de  son  bon  sens  et  de  son  ignorance,  sain 
encore  d'avoir  poussé  à  part,  dans  la  terre  du  travail  et  de 
l'épargne.  Un  arrachement  sépare  brusquement  les  deux 
hommes  [580].  Kl  l'abomination  s'accomplit.  Maurice,  le  fils 
détraqué  de  la  bourgeoisie,  m»  url  sur  une  barricade,  des  mains 
de  Jean  choisi  par  l'inexorable  destin  pour  accomplir  l'holo- 
causte, pour  aljaltre  ce  membre  gâté,  dont  l'aniputatiou  est 
devenue  nécessaire.  L'heureuse  vie  que  Jean  avait  entrevue 
s'en  va  avec  le  flot  de  sang  qui  emporte  le  frère  d'Henriette. 
Désormais,  l'œuvre  de  destruction  est  aclu'vce,  Jean  se  remet 
en  marche,  retournant  à  la  terre  qui  l'attend,  à  la  grande  et  rude 
besogne  de   toute  une  France  à  refaire  [(joG].  (La  Débâcle.) 


i  îti  LES  l'EUSONNACES 

! 

I  Licencié  après  la  semaine  sanglante,  Jean  est  venu  se  fixer 

près  de  Plassans,  a  Valqueyras,  où  il  a  eu  la  chance  d*épouser 
une  forte  fille,  Mêlanie  Viai,  unique  enfant  d*un  paysan  aisé, 
dont  il  fait  valoir  la  terre  [129].  Calme  et  raisonnable,  tou- 
jours à  sa  charrue,  il  crée  rapidement  toute  une  petite  famille, 
un  enfant  d'abord,  puis  deux  aulres  en  trois  années,  toute  une 
nichée  qui  pousse  gaillardement  au  soleil  [385].  (Le  Docteur 
Pascal.) 

Macquart  (Madame  Jean).  —  Voir  Mocche  (FnANçoisE). 

Macquart  (Madame  Jean).  —  Voir  Vial  (Mêlanie). 

Macquart  (Lisa)  (1).  —  La  fille  aînée  dWntoine  Macquart 
el  de  Joséphine  Gavaudun.  Sœur  de  Gervaise  et  de  Jean.  Femme 
de  Quenu.  Elle  est  née  à  Piassans  en  1827,  uu  an  après  le 
mariage  de  ses  parents  ;  c'est  une  grosse  et  belle  enfant,  très 
sanguine,  qui  ressemble  beaucoup  à  sa  mère,  sera  comme  elle 
vaillante  à  la  besogne,  mais  n*aura  pas  son  dévouement  de 
b(Me  de  somme;  elle  tient  de  son  père  un  besoin  de  bien-cire 
très  arrêté.  .\  se[)t  ans,  Lisa  a  été  prise  en  amitié  par  la  direc- 
trice des  postes;  celle-ci  en  fait  une  petite  bonne  et,  devenue 
veuve,  l'emmène  î\  Paris  [U9].  (La  Fortune  dis  Roitgon,) 

En  1851,  c'est  une  belle  fille  bien  portante,  d'humeur  égale, 
un  peu  sérieuse,  ce  qui  donne  un  grand  charme  à  ses  rares 
sourires.  Elle  vivait  rue  Cuvier  chez  sa  prolectrice  qui  la 
traitait  comme  sa  propre  enfant,  lorsque  cette  dame  a  été  em- 
portée par  un  asthme,  laissant  une  dizaine  de  mille  francs  à 
Lisa.  La  jeune  fille  entre  comme  demoiselle  de  boutique  chez 
le  charcutier  Gradelle,  rue  Pirouette,  et  fait  très  vite  la 
conquête  de  la  maison.  Lorsque,  un  an  après,  Gradelle  a  été  em- 
porté par  une  attaque  soudaine,  Lisa  trouve  tout  naturellement 
un  mari  dans  le  neveu  Ouenu,  faible  d'esprit  mais  acharné 
travailleur,  qu'elle  a  dominé  du  premier  coup  en  sachant 
découvrir  le  magot  de  l'oncle,  enfoui  au  fond  d'un  saloir  [59]. 
Bientôt  ils  abandonnent  la  médiocre  boutique  pour  fonder  une 
ning^nifique  charcuterie  o\i  la  belle  Lisa  trône  comme  une  des 


(U  Lha  Macquarly  née  en  1827;  éjwuse^  en  1852,  Quenu,  sain  et 
jKiH'icré.  dont  elle  a  une  fille  dans  l'année  ;  meurt  stx  mois  avant 
S"n  mari,  en  18G3,  d'une  décomposition  du  sawj.  [Élection  «te  la 
imr.'.  liesscinblance  physique  île  la  mèrf].  CUarcuiiere,  grande 
hrail-que  dur  Halles.   {Arhre  généalogique  dt'S  liougon-Macquart.) 


DES  KOUGON-MACyUAnT  285 

reines  du  quartier;  avec  son  mari  et  sa  fille  Pauline,  elle 
forme  une  trinilé  grasse,  suant  la  santé,  luisante  et  superbe. 
Lorsque  Florent  revient,  maigre  et  mourant  de  faim,  Lisa  est 
dans  la  maturité  de  la  trentaine;  c*est  une  belle  femme,  point 
trop  grosse  pourtant,  forte  de  la  gorge;  ses  cbeveux  lissés, 
collés  et  comme  vernis  lui  descendent  en  petits  bandeaux 
plats  sur  les  tempes.  Elle  a  un  grand  air  d*bonnétetc. 

C'est  une  Macquart  rangée,  raisonnable,  logique  avec  ses 
besoins  de  bi(  n-élre,  ayant  compris  que  la  meilleure  façon  de 
s'eodormir  dans  une  tiédeur  beureuse  est  encore  de  se  faire 
soi-même  un  lit  de  béatitude  [Ô6].  Elle  est  d*un  égoisme  tran- 
quille et  béat,  écartant  toutes  les  causes  possibles  de  trouble, 
laissant  couler  tes  journées  au  milieu  de  cet  air  gras,  de  cette 
prospérité  alourdie  [61],  L'arrivée  de  son  beau-frère  lui  a  laissé 
tout  son  calme;  comme  les  mauvaises  pensées  la  dérangeraient 
trop,  elle  parle  aussitôt  de  partager  la  succession  Gradelle  et, 
pour  ramener  à  renoncer  à  cet  acte  désintéressé,  il  faut  toute 
la  résistance  de  Florent. 

Mais  celui-ci,  installé  cbez  son  frère,  promenant  dans  la 
boutique  sa  lassitude  et  sa  tristesse,  impatiente  bientôt  la 
belle  madame  Quenu,  pleine  de  mépris  pour  les  gens  qui  se 
croisent  les  bras.  Habituée  à  tout  régenter,  Lisa  sait  vaincre 
les  répugnances  du  républicain  pour  un  emploi  olficiel;  elle 
ne  lui  a,  du  reste,  aucune  reconnaissance  de  cette  faiblesse 
[113].  Sa  froideur  de  femme  grasse  et  arrivée,  son  instinctive 
méliance  pour  ce  maigre  inquiétant,  se  transforment  bientôt 
en  une  bostilité  active.  Lisa  ne  pardonne  pas  à  Florent  son 
amitié  pour  la  belle  Normande,  brouillée  à  mort  avec  elle;  ce 
doux  rêveur  sera  écrasé  par  la  formidable  rivalité  des  deux 
femmes.  (Juand  il  entraîne  son  frère  chez  Lebigre,  aux  réunions 
Gavard,  Lisa,  émue  par  les  racontars  de  la  Saget,  commence 
son  œuvre  de  liéfense;  tout  en  faisant  grand  étalage  de  patience 
et  en  se  ^'ardant  de  dire  du  mal  de  Florent,  elle  ramène  Quenu 
aux  saines  idées  politiques  et  le  pousse  peu  à  peu  vers  le  désir 
d'une  rupluie  avec  ce  frère  qui  trouble  la  digestion  des  hon- 
nêtes gens.  Apres  un  conciliabule  avec  l'abbé  Roustan  [!251], 
révolutionnée  par  la  découverte  d'écbarpes  rouges  préparées 
pour  le  grand  jour,  indignée  devant  sa  propre  tranquillité 
compromise  à  jamais,  elle  se  décide  brusijuemeut  à  dénoncer 
le  conspirateur  en  rupture  de  ban  [olN]. 

Florent  arrêté,  c'est  la  quiéluile  qui  revient,  une  réconcilia- 
tion pubiiijue  se  produit  entre  Lisa  et  la  belle  Normande,  les 


2^6  LES  PERSONNAGES 

Quenu  s^embrassent,  énormes,  débordants,  déjà  convalescents 
de  ce  malaise  d*une  année  où  leur  tranquille  bonheur  trem- 
blait et  coulait  comme  une  graisse  mal  figée.  Et,  pendant  que 
sou  maigre  beau-frère  retourne  à  Cayenne,  la  belle  Lisa 
montre  un  grand  calme  repu,  une  tranquillité  énorme  que  rien 
ne  doit  plus  venir  troubler.  (Le  Ventre  de  Paris.) 

Elle  meurt  à  Paris,  en  18G3,  d'une  décomposition  du 
sang  [55].  (La  Joie  de  vivre.) 

Macquart  (Ursule)  (1).  —  Fille  d*AdclaîdeFouque  et  de 
Macquart.  Mère  de  François,  Hélène  et  Silvère  Mourel.  Née  à 
Plassans  en  1791,  des  amours  illégitimes  d*Adélaîde  Fouquc  et 
de  Macquart  [50],  elle  est  élevée  dans  Tenclos  Fouque  avec  ses 
frères  Pierre  Kougon  et  Antoine,  qui  la  battent  avec  une  égale 
rudesse.  C'est  une  pauvre  petite  créature  chétive  et  pâle,  chez 
qui  les  ressemblances  des  parents  sont  comme  fondues,  avec 
une  empreinte  plus  profonde  du  tempérament  de  sa  mère. 
Elle  est  fantasque,  montrant  par  moments  des  sauvageries, 
des  tristesses,  des  emportements  de  paria;  puis,  le  plus  sou- 
vent, elle  rit  par  éclats  nerveux,  elle  rêve  avec  mollesse,  en 
femme  folle  du  cœur  et  de  la  tête.  Ses  veux  sont  d'une  trans- 

ttr 

paience  de  cristal  [56].  A  dix-neuf  ans,  elle  épouse  Mouret, 
.heureuse  de  fuir  une  maison  où  son  frère  atné  lui  rend  la  vie 
intolérable.  Les  époux  vont  se  fixer  à  Marseille  [60];  Ursule 
reste  chétive  [Ul],  peu  à  peu  consumée  par  une  phtisie 
lente,  résultat  des  névroses  maternelles,  et  elle  meurt  en  1840, 
laissant  trois  enfants  [160].  (La  Fortune  des  Hougon.) 

Macqueron.  —  Épicier-cabaretier  à  Rognes.  Conseiller 
iTiurjieipal  et  adjoint  au  maire.  Grosse  face  moustachue.  A 
gagr.ê  des  rentes  en  spéculant  sur  les  petits  vins  de  Montigny 
et  est  tombé  à  la  paresse,  chassant,  péchant,  faisant  le  bour- 
geois. Flcste  très  sale,  vêtu  de  loques,  pendant  que  sa  fille 
p  jFte  des  corsages  de  velours.  Macqueron  fermerait  volontiers 
Lou'cii{u-%  car  il  devient  vaniteux,  avec  de  souilles  ambitions, 
mais  il  laisse  sa  femme  tenir  le  cabaret  pour  ennuyer  son 
ennemi,  le  buraliste  Lèngaigne,  qui  vend  aussi  à  boire  [55]. 

1  Ur'.uîe  Macquart,  née  en  119i  ;  épouse  y  en  1810,  un  ouvrier 
r.ip.lier.  Mouretf  bien  portant  et  pondéré;  en  a  trois  enfants; 
h.cuit  pi  iisiquc  en  ISiO.  jMélange  soudure.  Prédominance  morale 
e*.  rc5?c::ibljnce  piiysiquc  de  la  mère].  (Arbre  généalogique  des 
I\    u y/n-Macquart.) 


DES  UOUGO.N-MACQUART  ?87 

Zélé  bonapartiste,  se  mettant  en  avant  pour  lu  réparation  de 
la  cure,  devenant  Tarent  du  candidat  officiel  Rochefontaine,  il 
parvient  à  renverser  le  maire  Alexandre llourdequin  et  épren- 
dre sa  succession  [373].  Mais  ce  triomphe  est  sans  lendemain, 
grâce  à  une  dénonciation  de  Lengaigne  qui  révèle  aux  rats- 
de-cave  une  grosse  fraude  du  nouveau  maire  et  oblige  celui-ci 
à  donner  sa  démission  [i5l].  {La  Terre.) 

Macqueron  (Madame  Cœlina).  —  Femme  de  Tépicier. 
Sèche,  nerveuse  et  insolente,  voix  aigre  [5i].  Elle  est  d'une 
:\preié  féroce  au  lucre  [55].  {La  Terre,) 

Macqueron  (Dertiie).  —  Fille  des  Macqueron,  C'est  une 
jolie  brune,  avec  des  yeux  clairs  aux  légers  cercles  bleuâtres. 
A  été  élevée  on  demoiselle  à  la  pension  de  Cloyes  et  joue  du 
piano.  Très  co<] nette,  elle  porte  des  corsages  de  velours  et  va 
aux  champs  y^n  robe  ù  volants  [l^S].  Le  voisinage  l'accuse 
d'avoir  des  plaisirs  solitaires,  appris  au  pensionnat,  et  les  gar- 
çons s'amusent  à  lui  ullribuer  une  particularité  physiologique 
secrète  qui  Ta  fait  surnommer  N'tiu-a-pas  [130].  Berthe  tolère 
les  prévenances  du  maître  d'école  Lequeu,  qu'elle  exècre,  flattée 
pourtant  de  cette  cour  du  seul  homme  qui  ait  de  l'instruction 
[34G].  Elle  n'a  de  penchant  que  pour  le  fils  d'un  charron,  que 
son  père  lui  a  défendu  de  voir,  à  cause  d'une  haine  de  famille. 
Tombée  plus  tard  à  une  maigreur  jaune,  déjà  ridée,  de  teint 
llélri,  elle  se  compromet  tellement  avec  son  amoureux  qu'on  est 
obligé  de  les  marier  [451].  [La  Terre) 

Madeleine.  —  Blonde  fillette  de  dix  ans,  recueillie  à 
l'Œuvre  du  Travail.  Elle  a  des  yeux  savants  déjà,  un  air  de  fem- 
me, la  chair  bàtive  et  malade  des  faubourgs  parisiens.  Vivait 
avec  sa  mère,  une  rouleuse  adonnée  à  la  boisson  et  chan- 
S:eantconstan)mcnt d'homme;  les  amants  de  la  mère  battaient 
la  fillette  quand  ris  n'essayaient  pas  de  la  violer  [172].  La  fem- 
me miséralile  a  gardé  dans  son  abjection  un  ardent  amour  ma- 
ternel, c'est  elle-même  qui  a  supplié  qu'on  lui  enlevât  sa  fille  et 
elle  ensei;:iie  à  celle-ci  une  prière  pour  le  bon  monsieur  Saccard, 
grâce  à  qui  rinuuceuce  a  trouvé  un  refuge,  k  treize  ans,  Made- 
leine devient  orpheline,  sa  mère  étant  morte  un  soir  de  soûlerie 
d'un  coup  de  pied  dans  le  ventre,  ([u'un  homme  lui  a  allongé 

>our  ne  pa>  lui  donner   les  six  sous  dont  ils  étaient  convenus 

i-20].  {L'Avocnt,) 

Madeline  (Adcc).  —  Nommé  à  Rognes,  lorsque  cette  com- 
mune s'est  décidée  ù  avoir  un  curé  ù  elle.  Agé  de  trente  ans, 


ScsS  LES  PERSONNAGES 

tout  lon^,  loiit  mince,  avec  une  figure  de  carôine  qui  n*en  finit 
|i]u5.  Tairbien  doux,  Tabbé  arrive  du  Puy-de-Dôme.  Ses  grands 
veux  gris  clairs  de  montagnard,  habitués  aux  horizons  étroits 
îles  gorges  de  l'Auvergne,  ont  une  mélancolie  dés*?spérée  de- 
vant l'iuimensité  plate  et  grise  de  la  Beance[3l9].  Les  femmes, 
l'ayant  senti  faible,  en  abusent  pour  le  tyranniser  dans  les  cho- 
ses  du  culte  [38^].  £t  navré  de  rindifférence  de  ses  nouveaux 
paroissiens,  bouleversé  par  l'irréligion  de  ce  pays,  Tabbé  s'é- 
tiole, son  cœur  est  noyé  de  tristesse,  il  s'évanouit  en  disant 
sa  liicsse.  Au  bout  de  deux  ans  et  demi,  on  se  décide  à  le  rem- 
port-.r,  mourant,  dans  ses  montagnes  [456].  {La  Terre.) 

Madinier.  —  Patron  d'un  atelier  de  cartonnages,  rue  de  la 
Gouite-d'Or,  dans  la  maison  des  Lorilieux.  Ceux-ci  prétendent 
qu'i!  mange  tout,  laissant  ses  enfants  le  derrière  nu  [71].  Au 
mariage  de  Coupeau,  .Madinier  est  l'un  des  témoins  [HO],  il  se 
donne  une  importance  de  patron  et  emmène  la  noce  au  musée  du 
Louvre,  où  il  prétend   expliquer  les  tableaux  [96].  {LWssom- 

Vioir.) 

Maffre.  —  Juge  de  paix  à  Plassans.  Tout  blanc,  face  épaisse 
avec  de  gros  yeux  à  fleur  de  tète,  très  dévot,  chanoine  hono- 
raire de  Saint-Saturnin.  On  l'accuse  d'avoir  tué  sa  femme  par 
sa  dircté  et  son  avarice  [-13].  Il  traite  ses  grands  Gis  A;nbroise 
et  Alphonse  avec  brutalité,  les  enfermant  au  pain  et  à  l'eau 
pour  punir  la  moindre  incartade.  MalTre  fréquente  chez  Rastoil 
et  se  rallie  l'un  des  premiers  à  l'abbé  Faujas,  qui  se  servira  de 
lui  pour  lancer  l'idée  du  Cercle  de  la  Jeunesse  [171].  {La  Con- 
que te  de  Plassans,) 

Maffre  (Alphonse). — Second  fils  du  juge  de  paix  de  Plassans. 
Dix-:iuil  ans.  Très  tenus  par  leur  père,  les  fils  Maflre  s'amusent 
en  cachette  avec  Guillaume  Porquier,  leur  ami,  qui  les  entraî- 
ne d.i:is  des  maisons  suspectes  [167].  (La  Contacte  de  Plassans,) 

Maffre  (A.mdroise).  —  Premier  fils  du  juge  de  piix  de  Plas- 
sans. Vingt  ans  [167].  {La  Conquête  de  Plassans.) 

Maginot.  —  Inspecteur  des  forêts,  à  Méziéres  [7].  II  a  épousé 
Gillj'.rie  de  Vineuil,  qui  aime  le  plaisir.  C'est  un  mari  commode  : 
sa  liullilé  laisse  la  jeune  femme  sans  remords.  11  meurt  après 
de  Cjurles  années  de  mariage  ['IQ'2].  {La  Débâcle.) 

Maginot  (M.\dame).  —  Voir  Vineuil  (Giluerte  bi).     ' 

Maheu  (Alzire)  —  Quatrième  enfant  de  Toussaint  .Maheu 


DES  ROUGON-MACQUART  289 

et  de  la  Maheude.  Elle  a  neuf  ans.  C'est  une  petite  bossue  toute 
chétive,  aux  yeux  intelligents,  une  ménagère  précoce  qui 
fait  le  ménage,  entretient  le  feu,  balaye,  range  la  salle,  uo 
ôtre  de  dévouement  et  de  sacrifice,  qui  ment  déjà  avec  héroïsme 
pour  laisser  son  pain  aux  autres.  C'est  la  meilleure  aide  de 
sa  mère,  elle  a  des  ruses  tendres  pour  calmer  les  rages  de  sa 
petite  sœur  Estelle  [93].  Àlzire  meurt  de  froid  et  de  faim,  pen- 
dant la  grève  de  Montsou  [416].  (Germinal,) 

Maheu  (Catherine).  —  Deuxième  enfant  de  Toussaint  Ma- 
heu  et  de  la  Maheude.  Hercheuse  au  Voreux.  Fluette  pour  ses 
quinze  ans,  elle  est  rousse,  elle  a  un  visage  blôme,  déjà  gâté 
par  les  continuels  lavages  au  savon  noir,  une  bouche  un  peu 
grande,  avec  des  donts  superbes  dans  la  pâleur  chlorolique  des 
gencives,  de  grosses  lèvres  d'uo  rose  pâle,  de  grands  yeux 
d'une  limpidité  verdùtre  d*eau  de  source  [7^].  Ses  bras  délicats 
sont  d*unc  blancheur  de  lait,  et  ses  pieds,  habitués  à  courir 
dans  la  mine,  sont  bleuis,  comme  tatoués  de  charbon.  Dans  sa 
culotte  de  mineur,  sa  veste  de  toile  et  le  béguin  qui  enserre 
son  chignon,  elle  a  Pair  d'un  petit  homme,  rien  ne  lui  reste  de 
son  sexe  qu'un  dandinement  léger  des  hanches  [16].  Les  pro- 
miscuités d*;  la  famille  lui  ont  tout  appris  de  l'homme  et  de  la 
femme,  mais  elle  est  vierge  de  corps,  et  vierge  enfant,  retardée 
dans  la  maturité  de  son  sexe  par  le  milieu  de  mauvais  air  et  de 
fatigue  où  elle  vit  [50].  Ses  idées  héréditaires  de  subordination 
et  d'obéissance  passive  lui  donnent  une  allure  résignée  et 
douce. 

Elle  trouve  Etienne  Lantier  joli,  avec  son  visage  fm  et  ses 
moustaches  noires,  mais  c'est  Chaval  qui  la  prend,  sans  qu'elle 
ait  la  volonté  de  résister;  elle  subit  le  mâle  avant  l'âge,  avec 
cette  soumission  innée  qui,  dès  l'enfance,  culbute  en  plein 
vent  les  filles  de  sa  race  [li5].Et  désormais,  elle  obéit  à  Chaval, 
elle  supporte  ses  coups;  maintenant  qu'elle  a  ce  galant,  elle 
aime  encore  mieux  ne  pas  en  cfianger  [207].  Pourtant, 
c'est  une  triste  vie,  Chaval  n'a  été  bon  pour  elle  qu'une  seule 
fois,  à  la  fosse  Jean-Bart,  le  jour  où  elle  allait  mourir,  asphy- 
xiée par  l'air  mort  du  fond  de  la  mine  [348].  Hors  ce  court  ins- 
tant, elle  n'a  connu  que  sa  jalousie  brutale,  ses  colères  mau- 
vaises, son  égoïsme  de  mâle  qui  se  laisse  nourrir  par  le  gain 
de  la  femme;  mais  Chaval  est  son  homme  et, au  jour  de  la  ba- 
garre, elle  le  défend,  pardonnant  les  coups,  oubliant  la  vie  de 
misère,  soulevée  par  l'idée  qu'elle  lui  appartient,  puisqu'il  l'a 


£.♦0  LES  PERSONNAGES 

prise  et  que  c'est  une^hontc  pour  elle,  quand  il  sul)it  des  vio- 
1'/ lices  [381].  Sou  cœur  va  quand  môtue  vers  Etienne,  elle  le 
sauve  lies  gendarmes  [41-i],  elle  le  sauve  au/si  du  couteau  de 
Chiival  [458J,  et  cependant  il  faut  que  ce  deruier  la  chasse,  la 
j<^tto  grelottante  dans  la  rue,  pour  qu'elle  se  décide  à  partir,  li* 
Lirêc  du  premier  amant.  Et  c'est  le  lendemain,  dans  la  secousse 
gj  labominablo  collision  où  son  père  a  trouvé  ia  mort,  qu'elle 
devient  femme;  le  Oot  de  la  puberté  crève  enfin,  elle  pourra 
niaiutenaiit  faire  des  enfants  que  les  gendarmes  égorgeront 
[^0\\  Etienne  la  possède  femme  le  premier,  mais  leurs  tristes 
noces  s*accomplissent  au  fosd  de  la  mine  inondée,,  dans  le 
désespoir  de  tout,  dans  la  mort  et,  jusqu'au  bout,  la  pitoyable 
Catherine  est  hantée  par  Taffreuse  image  de  Cliaval  [57o]. 
{GcnniuaL) 

Maheu  (Estelle).  —  Septième  enfant  de  Toussaint  Maheu 
et  «le  la  Malieude.  Elle  a  trois  mois.  Ses  interminables  rages 
bouleversent  la  maison* [18].  (Germinal.) 

Maheu  (Guillaume).  —  Bisaïeul  de  Toussaint  Maheu. 
Étarit  un  gamin  de  quinze  ans,,  il  a  trouvé  le  charbon  gras  à 
Fléquillarl,  la  première  fosse  de  la  Compagnie  de  Montsou.  La 
velue  découverte  par  lui  a  gardé  le  nom  de  veine  Guillaume. 
Cet  ancêtre  a  été  le  grand-père  de  Bonnemorl,  qui  ne  Ta  pas 
connu.  Il  était  gros,  très  fort  et  est  mort  de  vieillesse  à 
soixante  ans  [10].  (Germinal.) 

Maheu  (Henri).  —  Sixième  enfant  de  Toussaint  Maheu  et 
de  la  Maheude.  Quatre  ans.  Tète  trop  grosse  et  comme  soufOée, 
éi>ourilféede  cheveux  jaunes.  On  le  couche  avec  sa  sœur  Lénore 
[14].  (GertninaL) 

Maheu  (Jeanlin).  —  Troisième  enfant  de  Toussaint  Maheu 
et  Je  la  Maiieude.  Onze  ans.  On  l'emploie  au  Vorcux  comme 
gnlibot.  il  gagne  vingt  sous  par  jour.  11  est  petit,  il  a  les  mem* 
h:  es  prèles,  avec  des  articulations  énormes,  grossies  par  les 
scrofule?,  un  masque  de  singe  blafard  et  crépu,  avec  des  yeu.v 
verts  et  de  grandes  oreilles.  Dans  sa  précocité  malaJive,  il 
se.ilile  avoir  l'intelligence  obscure  et  la  viveaJressed*uti  avor- 
te:, humain  qui  retourne  à  Tanimalité  d'origine  [-10].  Depuis 
loL.j-leinps,  il  exploite  Béberl  Levaque  et  Lydie  Pierron;  avec 
celle-ci)  il  essaye,  dans  les  coins  noirs,  Tamour  que  tous  deux 
er.tenJcnl  et  voient  chez  leurs  parents,  derrière  les  cloisons, 
pa^  les  feiUes  des  portes  ;  ils  savent  tout,   mais  ils  ne  peuvent 


DES  nOrriON-MACQUART  201 

guère,  trop  jeunes,  lûtonnanl,  jou<nnl  pendant  des  heures  ides 
jeux  d<;  petits  chiens  vicieux;  Jeanlin  appelle  ça  c  faire  papa  et 
maman  *  [138]. 

Enseveli  sous  un  éhouicment  dans  la  mine,  il  conserve  ses 
jambes,  niais  on  les  recolle  si  mal  qu'il  reste  boiteux  de  la 
droite  et  de  la  gauche,  filant  d*un  train  de  rnnard,  courant 
aussi  fort  qu\iutnfois, avec  son  adresse  de  béte  malfaisante  et 
voleuse  [208].  Un  besoin  croissant  de  maraude  le  lance  avec 
Débert  et  l.ydic  sur  les  chemins,  il  est  le  capitaine  de  ces  expé- 
ditions, jetant  sa  troupe  sur  toutes  les  proies,  ravageant  les 
champs  d'oignons,  pillant  les  vergers,  altaipiant  les  étalages; 
dans  le  pays,  on  attribue  ces  méfaits  aux  mineurs  en  grève,  on 
parle  d'une  vaste  bande  organisée  [301].  Et  pendant  que  les 
deux  autres  trend)lent  sous  son  autorité,  Jcanlin  garde  tout  le 
butin  et  le  transporte  dans  une  caverne  de  Uéquillard,  où  il  fait 
bonibancc  tout  seul  [300],  Cet  être  malfaisant  martyrise  pour  le 
plaisir  la  grosse  Pologne,  une  lapine  familière  qui  vit  en  liberté 
chez  les  Uassencur  [310].  Toute  une  sourde  végétation  du  crime 
se  développe  en  son  crâne  de  béte  inconsciente:  des  discours 
violents  entendus  dans  la  forêt,  des  cris  de  dévastation  et  de 
mort  hurlés  au  travers  des  fosses,  il  n'a  retenu  qu'un  invincible 
désir,  celui  dVgorger  un  soldat,  un  de  ces  cochons  de  soldats 
qui  embêtent  les  charbonniers  chez  eux;  et  il  assassine  le  petit 
breton  Jules,  qui  était  en  faction  nocturne  sur  le  territoire  du 
Voreux;  il  lui  a  sauté  sur  les  épaules,  d'un  bond  énorme  de 
chat  sauvage,  s'y  est  agrippé  de  ses  grill'eset  lui  a  enfoncé  dans 
la  gorge  son  couteau  grand  ouvert  [165].  (GerminaL) 

Maheu  (LÉxoni:). —  Cinquième  enfant  do  Toussaint  Mahcu 
et  de  la  Muheudc.  Six  ans.  La  même  tête  que  son  jeune  frère 
Henri.  Ces  enfants  ne  s'entendent  guère,  ils  ne  se  prennent 
gentiment  au  cou  que  lorsqu'ils  dorment.  Dès  son  lever,  la  (ille 
tombe  sur  le  garçon,  son  cadet  de  deux  années,  qui  reçoit  les 
gifles  Siius  les  rendr-  [U3].  (GerminaL) 

Maheu  (^'lCol-A^).  —  Grand-père  de  Toussaint  Maheu.  On 
l'appelait  le  llouge.  C'est  le  fils  du  Maheu  qui  a  découvert  la 
veine  Guillaume  à  Kéquillart.  A  peine  âgé  de  quarante  ans,  il 
est  resté  dans  un  êboulenienl  du  Voreux,  que  l'on  fonçait  en  ce 
tenips-lù:  un  aplalissenienl  coni[)let,  le  sang  bu  cl  les  os  avalés 
[»ar  !es  roches  [10].  {Germinal.) 

Maheu  (  I^'Ussaint).  —  Fils  du  vieux  lîonnemort.  Mari  de 
la  Malieude.     l'ère  de    Zacliarie,    Catherine,   Jeanlin,    Aizire, 


£0i  LES  PEIISONNAGES 

Lénore,  Henri  et  Estelle.  Il  est  liaveur  à  la  fosse  du  Voreux  et 
liabiie  le  coron  des  Deux  cent  quarante,  au  numéro  16  du  deu- 
jiième  corps.  Tous  les  enfants  logent  dans  la  même  chambre, 
séparée  par  une  porte  vitrée  du  palier  où  couchent  les  parents. 
Pelit  comme  son  père,  Maheu  lui  ressemble  en  gras,  la  tète 
forte,  la  face  plate  et  livide,  sous  ses  cheveux  jaunes  coupés 
très  courts  [18].  A  quarante-deux  ans,  il  a  la  peau  blanche, 
d*uae  blancheur  de  fille  anémique,  où  les  éraflures,  lescntailles 
du  cliarbon,  laissent  des  tatouages,  des  c  greffes  >;  il  s*en  mon- 
tre ûer,  il  étale  ses  gros  bras,  sa  poitrine  large,  d*un  luisant  de 
marbre  veiné  de  bleu  [129].  Les  salaires  sont  tellement  bas 
qu*on  doit  vivre  à  dix  avec  neuf  francs  par  jour,  et  ce  maigre 
gain  est  disputé  rudement  dans  Tétouff'einent  des  ténèbres,  dans 
les  crampes  des  attitudes  forcées,  dans  l'eau  qui  ruisselle,  dans 
l'air  qu'empoisonnent  la  fumée  des  lampes,  la  pestilence  des 
haleines,  l'asphyxie  du  grisou  [53],  et  avec  cela,  il  faut  subir 
l'obsession  des  mouchards,  il  faut  mesurer  ses  paroles,  comme 
si  la  houille  des  actionnaires,  encore  dans  la  veine,  avait  des 
oreilles  [55]. 

Maheu  est  un  bon  ouvrier,  il  ne  boit  pas,  il  adore  ses  petits 
et  fait  gentiment  la  dînette  avec  eux  [162].  C'est  le  meilleur  tra- 
vailleur de  la  fosse,  le  plus  aimé,  le  plus  respecté,  celui  qu'on 
cite  pour  son  bon  sens.  Aussi  a-t-il  été  désigné  pour  présenter 
à  1(1  direction  les  réclamations  de  ses  camarades  ;  elles  prendront, 
dans  sa  bouche,  un  poids  décisif  [2  iO].  Depuis  longtemps, 
Etienne  Lantier  Ta  endoctriné;  Maheu  commence  à  se  demander 
pourquoi  Ton  vit  parqués,  les  uns  contre  les  autres,  comme  des 
bétes,  si  entassés  qu'on  ne  peut  changer  de  chemise  sans 
montrer  son  derrière  au  voisin,  pourquoi  on  est  condamné  à 
un  travail  qui  était  la  punition  des  galériens  autrefois,  un  tra- 
vail de  vraies  brutes,  qui  ne  vous  donne  même  pas  de  viande 
à  manger  [185]  ;  c'est  en  sa  cervelle  une  lente  germination, 
l'aspiration  vers  une  société  plus  humaine,  et  ce  sentiment  lui 
donne  le  courage  de  parler  au  directeur  Hennebeau.  Il  dit  les 
choses  amassées  au  fond  de  sa  poitrine,  leur  misère  à  tous,  le 
travail  dur,  la  femme  et  les  petits  criant  la  faim  à  la  maison, 
il  cite  les  dernières  payes  désastreuses,  les  quinzaines  déri- 
soires mangées  par  les  amendes  et  les  chômages,  rapportées 
aux  familles  en  larmes.  Mais  Hennebeau  n'est  qu'un  simple  agent 
déxécution,  derrière  lui  il  y  a  une  Régie  sourde  et  muette,  les 
mi.ieurs  sont  acculés  à  la  grève.  Crever  pour  crever,  ils  pré- 
fèrent crever  à  ne  rien  faire;  ce  sera  la  fatigue  de  moins  [244]. 


DES  ROUGON-MACQUART  293 

El  c*est  alors  la  triste  grève  deMontsou,  qui,  après  de 
longues  semaines  de  famine,  de  froid,  de  sourdes  révoltes,  va 
être  noyée  dans  le  sang.  Maheu  s'est  vu  rendre  son  livret  [i21], 
la  Compagnie  ne  veut  plus  de  lui,  elle  a  fait  venir  des  Borains 
pour  remplacer  les  grévistes  [443]  et  comme  ceux-ci  s'enra- 
gent devant  les  fosses  occupées  militairement,  des  briques  sont 
jetées  aux  soldats  et  ceux-ci  répondent  par  une  décharge  qui 
étend  devant  le  Voreux  triomphant  vingt-cinq  blessés  et  qua- 
torze morts,  dont  deux  enfants  et  trois  femmes.  Toussaint 
iMaheu  est  frappé  en  plein  cœur  [488].  (Germinal.) 

Maheu  (Vinxent).  —  Voir  Bonnemort. 

Maheu  (Zacharie).  —Fils  atné  de  Toussa  i.i  et  de  la  Ma- 
heude.  Vingt  et  un  ans.  Maigre,  dégingandé,  il  a  la  (igure  longue, 
salie  de  quelques  rares  poils  de  barbe,  avec  les  cheveux  jaunes 
et  la  pâleur  anémique  de  toute  la  famille  [16].  il  est  haveur  et 
travaille  à  la  même  taille  que  son  père,  mais  il  se  moque  de 
la  besogne,  aime  le  plaisir  et  fréquente  avec  son  ami  iMouquel 
le  café-concert  du  Volcan  [136].  Zacharie  a  fait  deux  enfants  à 
Philoniène  Levaque,  on  finit  par  le  marier  «ivec  elle  [181].  La 
grève  ne  l'intéresse  guère,  il  fait  de  longues  parties  de  crosse 
avec  .Mou(|net  [310].  Mais  soudain,  lorsque  sa  sœur  Catherine 
est  ensevelie  dans  le  Voreux,  une  violente  révolution  s'opère  en 
lui ,  il  est  au  premier  rang  de  Téquipe  des  recherches  ;  avant  tous 
les  autres,  il  entend  le  rappel  des  mineurs,  battu  au  loin  partes 
emmurés;  il  s'acharne  à  Tabatage,  volant  le  tour  de  ses  cama- 
rades, refusant  de  lâcher  la  rivelaine;  c'est  une  hâte  fébrile, 
un  besoin  farouche,  un  enragement  victorieux  devant  la  houille 
qui  résiste.  Le  neuvième  jour,  dans  sa  précipitation,  il  commet 
l'imprudence  d'ouvrir  sa  lampe  et  une  soudaine  explosion  de 
grisou  le  réduit  en  un  charbon  noir,  calciné,  méconnaissable 
[oifi].  {Genninaî.) 

Maheude  (La).  —  Femme  de  Toussaint  Maheu.  Déjà  dé- 
formée à  trente-neuf  ans,  elle  a  une  figure  longue,  aux  grands 
traits,  d'une  beauté  lourde  [19].  Elle  est  descendue  aux  mines 
jusqu'à  vingt  ans,  le  médecin  a  dit  qu'elle  y  resterait,  lorsqu'elle 
a  accouché  la  seconde  fois,  parce  que  ça  lui  dérangeait  (juelque 
chose  dans  les  os  [102].  C'est  à  ce  moment  qu'elle  s'est  mariée 
et  <iès  lors  elle  est  restée  au  coron;  cinq  autres  enfants  sont 
venus.  Dans  ce  milieu,  la  misère  héréditaire  fait  de  chaijue 
petit  un  gagne-pain  pour  plus  tard,  un  fils  ne  doit  se  marier  que 
iorsau'il  a  rendu  à  ses  narenis  l'arfrcnt  qu'il  leur  a  coulé.  Aussi 


2;a  LES  PEliSONNAGES 

la  Malieude  consenl-elle  avec  peine  au  mariage  de  son  aîné 
Zacliorie  [I7G];de  mOme  Galherine  devenue  la  moilresse  de 
(Ihaval  la  désole,  car  c'est  encore  une  brèche  aux  maigres  res- 
sourcos  de  la  maison.  Elle  a  un  grand  bon  sens  dans  les  ques- 
tions de  travail,  «.die  calme  son"  homme  exaspéré  par  les 
exigences  d»is  chefs,  elle  déclare  qu'on  n'a  rien  à  fiagner  à  se 
buter  contre  la  Compagnie  [130]. 

Puurlaiil  réternelle  misère  la  révolte  et,  si  elle  a  d'abord 
rt'îusè  d'enlendre  Etienne  Lantier  et  son  rêve  d'une  huma- 
nité meilleure,  le  charme  agit  lentement  sur  son  esprit,  elle 
entre  dans  le  monde  merveilleux  de  l'espoir,  Tidée  de  justice 
la  passionne  [189].  Son  esprit  de  bonne  ménagère  l'a  d'instinct 
rendue  hostile  à  la  grève,  mais  le  malheur  s'acharne  trop,  les 
aînés  sont  partis,  Jeanlin  a  été  estropié  dans  un  éboulemen*, 
le  vieux  Donnemort  est  perclus  de  rhumatismes,  il  faut  vivre 
à  sept  sur  les  trois  francs  du  père  ;  raisonnablement,  l'heure 
semble  venue  d'obtenir  justice  [256],  Plus  tard,  l'excès  du  mal- 
heur fera  d'elle  la  plus  acharnée  à  ne  pas  se  rendre,  elle  ne 
voudra  pas  avoir  pour  rien  crevé  pendant  deux  mois,  vendu 
son  ménage',  vu  AIzire  mourir  de  faim  et  ses  autres  enfants 
mendier  sur  les  roules.  Longtemps  elle  est  restée  modérée, 
à  présent  c'fst  elle  qui  excite  Maheu  à  jeter  des  briques  aux 
soldats  et,  Uiéme  lorsqu'elle  le  voit  tué  par  une  balle,  même 
brisée  dans  cette  terrible  chute  du  haut  de  Tidéal,  elle 
s'exaspère  encore  contre  ceux  qui  parlent  de  retourner  à  la 
fosse  [40S]. 

11  faut  d'autres  malheurs,  Zacharie  calciné  par  le  grisou, 
Catherine  ensevelie  dans  le  Voreux,  pour  que  la  mère  tragique 
retrouve  son  ancien  calme  de  femme  raisonnable.  On  lui  fait 
alurs  l'exception  charitable  de  l'admettre  à  quarante  ans  aux 
travaux  de  la  mine,  on  lui  donne  trente  sous  par  jour  pour 
louriicr  une  roue  pendant  dix  heures,  sous  l'enfer  du  Tartaret, 
au  fond  d'un  boyau  ardent.  El  comme  il  faut  nourrir  les  petits, 
MJie  vit  là.  les  reins  cassés,  la  chair  cuite  par  quarante  degrés 
de  L'h.ileiir.  uniquement  soutenue  par  le  sourd  travail  qui  s'est 
fait  tn  file,  la  cerîitudc  que  l'injustice  ne  peut  durer  davantage, 
e'i  qiij  s'il  n'y  a  plus  de  bon  Dieu,  il  en  repoussera  un  autre. 
pour   venger  les  misérables  [58o].  {Gcnnt'naL) 

Lïahoudeau. —  Un  sculpteur  ami  Je  Claude  Lantier  et 
de  S:i:ii'  z.  lils  d'un  tailleur  de  pierres  de  l'iassans.  il  a  rcm- 
pcilê  là-bas  de  grands  succès  aux  concours  du  Musée;  }«uis,  il 


DtS  liOUCON-MACQUART  295 

est  venu  n  Piiris  comme  lauréat  de  la  ville,  avec  une  pension 
annuelle  de  huit  cents  francs  pour  quatre  années.  Â  Paris,  il  a 
vécu  dépaysé,  sans  défense,  ratant  l'École  des  Beaux-Arts,  man- 
geant sa  pension  à  ne  rien  faire  ;  si  bien  que,  les  quatre  ans 
linis,  il  s'est  vu  forcé,  pour  vivre,  de  se  mettre  aux  jrafres  d'un 
marchand  de  bons  dieux,  où  il  a  gratté  dix  heures  par  jour  des 
Suint-Joseph,  des  Saint-Boch,  des  Madeleine,  tout  le  calendrier 
des  paroisses. 

11  est  petit,  maigre,  la  figure  osseuse,  déjà  creusée  de  rides 
à  vingl-sept  ans;  ses  cheveux  de  crin  noir  s*cnihroussaillent 
sur  un  front  très  bas;  et  dans  ce  masque  jaune,  dune  laideur 
féroce,  s'ouvrcnl  des  yeux  d'enfant,  clairs  et  vides,  qui  sourient 
avec  une  puérilité  charmante.  L'ambition  Ta  repri<,  lorsqu'il  a 
retrouvé  les  camarades  de  Provence,  connus  autrefois  chez 
tata  Giraud,  des  gaillards  dont  il  était  Tainé  et  qui  sont  aujour- 
d'hui de  farouches  révolutionnaires.  Dans  cette  fréquentation 
d'artistes  passionnés,  c|ui  lui  troublent  la  cervelle  avec  rem- 
portement  de  leurs  théories,  son  ambition  tourne  au  gigan- 
tesque [70].  En  sculpture,  il  pose  pour  la  force,  il  s'ignore  et 
méprise  la  grâce  invincible  qui  repousse  quand  même  de  ses 
gros  doiirls  d'ouvrier  s;ms  éducation.  La  lutte  entre  ses  ten- 
dances naturelles  et  l'inlluence  de  Claude  produit  une  œuvre 
débordante  et  colossale,  Bacchante  d'abord,  puis  Vendan- 
geuse, avec  une  surabondance  de  cuisses  et  de  gorge,  et  des 
attaches  de  membres  Hues  et  jolies. 

Mahoudoau  a  installé  son  atelier  rue  du  Cherche-Midi,  à 
quelques  pus  du  boulevard  Montparnasse,  dans  la  boutique 
d'une  fruitière  tombée  en  faillite;  il  couche  là,  en  compagnie 
de  son  camarade  Chaîne,  partageant  avec  lui  les  bonnes  grâces  de 
l'herborisle  voisine,  Mathilde  Jabouille.  Ce  sont  des  années  de 
dure  misère,  les  bons  dieux  Iraversenlunc  crise,  riierborisle- 
rie  périrlile,  Mahoudeau  en  est  réduit  à  faire  des  bustes  de 
bourgeois,  notamment  celui  d'un  avocat,  à  la  figure  longue, 
allongée  eneore  par  des  favoris,  monstrueuse  de  prétention  et 
d'infinie  bêtise.  On  n'a  pas  toujours  du  pain,  les  deux  artistes 
se  brouillent  un  soir  que  Mahoudeau,  le  ventre  vide,  a  surpris 
Chaîne  mangeant  un  pot  de  confitures  avec  Matliiid»' ;  la  raiH 
cuno  persiste,  sans  une  délente,  sans  une  explicalioii  ;  ils 
réduisent  les  rapports  strictement  nécessaires  à  de  cou  ries 
phrases,  charbonnées  !e  long  des  murs,  et  Mahoudeau  se  loue 
de  ctflle  conihitiaison.  il  trouve  que.  (juand  on  crève  de  laini, 
ce  n'est  pas  désagréable  de  ne  jamais  s'adresser  la  parole,  on 


-29'}  LES  PERSONNAGE^ 

s'abrutit  dans  le  silence,  c'est  un  empâtement  qui  calme  un  peu 
les  maux  d*estomac  [323]. 

Après  la  rupture  définitive  avec  Cliaine  et  Tenvolement  de 
Mathilde,  le  sculpteur,  expulsé  de  sa  boutique,  s'installe  dans 
un  petit  atelier  de  la  rue  des  Tilleuls  ;  il  vit  seul,  dans  un 
redoublement  de  misère,  mangeant  lorsqu'il  a  dos  ornements 
de  façade  à  gratter  ou  quelque  figure  d'un  confrère  plus  heu- 
reux à  mettre  au  point  ;  la  Vendangeuse,  exposée  jadis  au 
Salon,  trop  grande  pour  l'atelier,  se  pourrit  dehors,  pareille  à 
un  tas  de  gravats  déchargés  d'un  tombereau,  rongée,  laroen- 
tal)le  [-293]. 

Et  Malioudeuu  limite  peu  à  peu  son  rêve.  Depuis  longtemps, 
il  a  l'idée  d'une  Baigneuse  debout,  tAtant  l'eau  de  son  pied  ;  la 
maquette  contenait  déjà  des  concessions,  un  épanouissement 
du  joli  sous  l'exagération  persistante  des  formes,  une  envie 
naturelle  de  plaire,  sans  trop  lâcher  encore  le  parti-pris  du 
colossal  [:2â:2]  ;  lorsqu'il  réalise  Toeuvre,  c'est  une  Baigneuse 
toute  de  charme,  à  la  gorge  enfantine,  aux  cuisses  allongées;  la 
nature  vraie  du  sculpteur  perce  sous  le  dégonflement  de  l'am- 
i)ition.  Puis  un  malheur  sur\ient  :  faute  d'argent,  Mahoudeau  a 
fait  une  armature  avec  des  manches  à  balai  ;  sous  faction  du 
dégel,  la  terre  rompt  le  bois  trop  faible,  et  la  statue  s'écroule 
comme  une  femme  qui  se  jette,  écrasant  presque  l'artiste,  qui 
sanglote  devant  ce  cadavre  mutilé  [298].  Plus  tard,  gagnant 
quelque  argent,  grâce  à  un  fabricant  de  bronzes  d  art  qui  lui 
fait  retoucher  ses  modèles,  il  finit  par  exposer  sa  Baigneuse, 
mais  rapetissée  encore,  «i  peine  grande  comme  une  ûlletle  de 
dix  ans,  et  d'une  élégance  charmante,  les  cuisses  fines,  la 
gorge  toute  petite,  une  hésitation  exquise  de  bouton  naissant 
[ilO].  Et  la  vie  devient  meilleure,  son  fabricant  lance  de  lui 
des  statuettes  charmantes,  que  l'on  commpnce  à  voir  sur  les 
ciieminées  et  les  consoles  bourgeoises  [440].  Mais  la  longue 
misère  de  Mahoudeau  l'a  aigri,  il  donne  avec  Gagnière  des 
coups  de  dent  aux  amis  d'autrefois  et  accuse  formellement 
Claude  de  l'avoir  paralysé  et  exploité  [449],  comme  si  lui  seul 
n'avait  pas  gâté  son  propre  talent,  en  prétendant  le  hausser  à 
un  idéal  supérieur.  (LOEiivre,) 

Maigrat.  —  Le  principal  débitant  de  Montsou.  Ancien  sur- 
veillant du  Voreux,  il  avait  débuté  par  une  étroite  cantine  ; 
puis,  grâce  à  la  protection  des  chefs,  son  commerce  s'est 
élargi,  tuant  peu  à   peu  le  détail.  Il  centralise  les  marchan- 


DKS  ROUGON-MACQUART  ti)l 

dises,  la  clientèle  considérable  des  corons  lui  permet  de  vendre 
moins  cher  et  de  faire  des  crédits  plus  grands.  D*ailleiirs,  il  est 
resté  dans  la  main  de  la  Compagnie,  qui  lui  a  hâti  sa  petite 
maison  et  son  magasin,  séparés  par  un  simple  mur  de  Thôtel 
du  directeur  Hennebeau.  Maigrat  possède  là  un  entrepôt,  un 
long  bâtiment  qui  s'ouvre  sur  la  route,  en  une  boutique  sans 
devanture  ;  il  y  tient  de  tout,  de  l'épicerie,  de  la  charcu- 
terie, de  la  fruiterie,  y  vend  du  pain,  de  la  bière,  des  casse- 
roles. 

Gros,  froid  et  poli,  autoritaire  et  rapacc,  il  accorde  difficile- 
ment une  prolongation  de  crédit,  mais  comme  il  a  du  goût 
pour  les  hercheuses,  un  mineur  qui  veut  Pattendrir  n*a  qu'à 
lui  envoyer  sa  femme  ou  sa  fille,  laides  ou  belles,  pour\ii 
qu'elles  soient  complaisantes  [98].  Pendant  la  grève,  il  a  mis 
les  femmes  en  fureur  par  sa  grossièreté  et  son  enlêtcnient  à 
refuser  toute  fourniture  sans  argent  comptant;  s'il  affame  l'ou- 
vrier, c'est  pour  répondre  au  désir  des  chefs,  pressés  d'en  finir, 
mais  il  a  ainsi  attiré  sur  sa  maison  bondée  de  vivres  la  colère 
des  ventres  creux  et  c'est  là,  devant  la  porte  close,  que 
s'acbarnent  les  grévistes  en  criant  :  cDu  pain  !  Il  y  a  du  pain 
l.i-dedans!  Foutons  la  baraque  à  Maigrat  par  terre!»  L'assiégé 
pourrait  fuir,  il  revient,  au  contraire,  car  en  lui  lavarice  est 
plus  forte  que  la  lâcheté  ;  il  veut  défendre  son  bien  et  va 
gagner  son  magasin  par  le  toit,  lorsque,  tremblant  de  peur,  il 
glisse  le  long  des  tuiles  et  vient  s'écraser  le  crâne  à  l'angle 
d'une  borne. 

Alors,  les  femmes,  prises  de  l'ivresse  du  sang,  entourent  le 
cadavre  encore  cbaud,  elles  l'insultent  avec  des  rires,  hurlant  à 
la  face  du  mort  la  longue  rancune  de  leur  vie  sans  pain  ;  la 
Maheude  lui  emplit  la  bouche  de  deux  poignées  de  terre,  il  ne 
mangera  plus  autre  chose  maintenant;  la  Drùlé  le  coupe 
comme  un  matou,  vengeant  toutes  celles  qui  ont  souffert  de  sa 
bestialité.  Et  Tabominable  trophée,  le  paquet  de  chair  velue 
et  sanglante,  est  plante  nu  bout  d'un  bâton  et  promené  dans 
Monlsou,  ainsi  qu'un  drapeau  [iio].  {Germinal.) 

Maigrat  (Madame).  —  Femme  du  débitant.  Créature  clié- 
tive,  battue,  trahie  à  chaque  heure  et  qui  passe  les  journées 
sur  un  registre,  sans  même  oser  lever  la  lélc  [90].  Lo  jour  de 
l'énieute,  debout  derrière  sa  fenêtre,  elle  a  vu  toute  la  scène, 
les  grévistes  envahissant  Montsou,  se  ruant  sur  sa  maison, 
Maigrat   tombant  du  toit  et  mutilé  par  les  femmes.  Elle   ne 


LES  PBI180Î(.NACES 


bouge  pas,  mais  les  défauts  brouillés  des  vitres  déforment  sa 
face  J)Innche,  qui  semble  rire  [415].  {Gevminfil,) 

Malgras  (Le  ?tnz).  —  Marchand  de  tableaux.  Un  gros 
horniDc,  enveloppé  dans  une  vieille  redingote  verte,  très  sale, 
qui  lui  donne  I*air  d'un  cocher  de  fiacre  mal  tenu,  avec  ses 
ch  veux  blancs  coupés  en  brosse  et  sa  face  rouge,  plaquée  de 
violet  ;  carrément  planté  sur  ses  fortes  jambes,  il  examine  les 
tableaux,  de  ses  yeux  tachés  de  sang.  Le  père  Malgras,  sous 
iV'[*ai5se  couche  de  sa  crasse,  est  un  bonhomme  très  fin,  qui  a 
le  ^'oùl  et  le  flair  de  la  bonne  peinture;  Claude  Lanticr  rrçoil 
souvent  sa  visite;  jamais  il  ne  s*égare  chez  les  barbouilleurs 
ni»riiocres,  il  va  droit,  par  instinct,  aux  artistes  personnels, 
encore  contestés,  dont  son  nez  flamboyant  d'ivrogne  sent  de 
loin  le  grand  avenir.  Avec  cela,  il  a  le  marchandage  féroce,  il 
-e  montre  d'une  ruse  de  sauvage  pour  acheter  à  bas  prix  la 
toi.'e  qu'il  convoite.  Ensuite,  il  se  contente  d'un  bénéfice  de 
hr:.vc  homme,  vingt  pour  cent,  trente  pour  cent  au  plus,  ayant 
hiiié  son  aflaire  snr  le  renouvellement  rapide  de  son  petit  capi- 
tal, n'achftant  jamais  le  malin  sans  savoir  auquel  de  ses  ama- 
teurs il  vendra  le  soir,  mentant  d'ailleurs  superbement  [61]. 

F  lein  de  ressources,  il  commande  aux  peintres  besoigneux 
des  natures  mortes  et  fournit  le  modèle,  gigot,  barbue  ou 
iiOî.arJ,  qu'il  leur  laisse  pour  la  peine  [6'»];  il  prêle  une  cou- 
sia-i  de  sa  femme,  quand  on  veut  bien  lui  en  faire  une  acadé- 
in\^  [IkH].  Les  millions  peu  solides  de  Naudet,  le  marchand  à 
'.a  Liod^,  lui  inspirent  le  plus  profond  dédain  et  il  se  retire,  en 
hoî.me  prudent,  avec  une  très  modeste  fortune,  une  rente 
'l'ur.e  Jiz.'iinc  de  mille  francs,  qu'il  s'est  décidé  à  manger  dans 
un«-  petite  maison  de  Bois-Colombes  [278].  (L'Œuvre.), 

Iilalignon.  —  Ami  des  Deberle.  Grand  jeune  homme  mis 
i:Û5  corrertement,  fort  riche,  au  courant  de  tout.  On  l'appelle 
ie  L;au  Malignon.  C'est  un  connaisseur  qui  trouve  de  loin  en 
iou.  une  page  bien  écrite  dans  Balzac  et  estime  que  le  réalisme 
ù'''p:;ide  rarl[^l].  Jugeant  amusant  de  devenir  amoureux  de 
hili  !le  Deber  e,  il  esquisse  avec  elle  une  aventure  dans  Toisi- 
V'iv  estivale  de  ïrouville  et,  revenu  à  Paris,  obtient  de  cette 
j  !\i:.2  éuervelée  un  rendez-vous  dans  un  petit  appartement  qu'il 
;.  meublé  irune  façon  ridicule.  L'adultère  n'aboutit  point,  g.  àce 
à  1  intervention  inattendue  d'Hélène  riramljtan.  Malignon, 
r.s:  :  ami  îles  Deberle,  trouve  un  mari  pour  Pauline  Leteilier, 
s^^ur  do  Juliette.  (U?ie  Page  dWmonr.) 


DES  ROUGON-MACQUART  â99 

Maliverne  (Rose).  —  Femme  du  père  Fouan.  Elle  a  tr.!- 
vaille*  plus  qu'un  homme,  levée  avant  les  autres,  Ciisant  la 
soupe,  balayant,  récurant,  les  reins  cassés  par  mille  soins,  les 
vnclies,  lo  cochon,  le  pétrin,  toujours  couchée  la  dernière,  et  sa 
seule  récompense  est  d*avoir  vécu  [79].  Stupîde,  réduite  à  un 
rôle  de  béte  docile  et  laborieuse,  elle  a  toujours  tremblé 
devant  Tautorité  despotique  de  son  mari.  Elle  a  élevé  ses 
enfants  sans  tendresse,  dans  une  froideur  de  ménagère  qui 
reproche  aux  peliii  de  trop  manger  de  ce  qu'elle  épargne  ;  sa 
préférence  a  été  pour  Tainé,  Jésus-Christ  ;  ce  chenapan  u*a 
rieu  d'elle  ni  de  son  mari  et  pourtant  il  sera  jusqu'au  bout  le 
chéri  de  son  cœur  [133].  Devenue  vieille,  Rose  semble  être 
restée  grasse,  le  ventre  gros  d*un  commencement  d'hydropisîe, 
le  visage  couleur  d*avoino,  troué  d'yeux  ronds,  d*unc  bouche 
ronde,  qu'une  inriuilé  de  rides  serrent  ainsi  que  des  bourses 
d'avare  [17j.  Elle  survivra  peu  à  la  démission  de  biens  du 
père  Fouan.  Ses  faiblesses  pour  Jésus-iGhrist  excitent  la.  fureur 
de  son  autre  ûls,  Buteau,  qui  la  traite  de  vieille  coquine,  la 
jette  violemment  à  terre  et  casse  cette  pauvre  tête  grise,  usée 
et  lasse.  La  niùrc  Fouan  meurt  après  trente-six  heures  d'ago- 
nie [-213],  (Fm  Terre.) 

Malivoire.  —  Loueur  de  voitures  a  Arromanchcs.  H  a 
i  entreprise  de  l'omnibus  dWrromanches  à  Uaycux  [2].  {La 
Joie  de  vivre.) 

Maloir  (Madame).  —  Dame  âgée,  Tair  respectable,  ayant 
des  manières.  Elle  sert  de  vieille  amie  et  de  secrétaire  à  Nana, 
lui  tient  société,  l'accompagne  et  écrit  pour  elle  des  lettres 
pleines  de  cœur.  Madame  Maloir  reçoit  les  secrets^  des.autnes 
sttns  jamais  rien  lâcher  sur  elle-même.  Ou  dit  qu'elle  vit  d'une 
pension  mystérieuse,  dans  une  chambre  où  personne  ne 
pénètre  ;  le  certain  est  qu'elle  n'a  jamais  sur  elle  que  les  six 
sous  d'un  omnibus  [.55].  Sa  manie  est  de  refaire  Ions  ses  cha- 
peaux; seule,  elle  sait  ce  qui  lui  va,  et  elle  transforme  eu  cas- 
quette la  plus  éh-ganle  coilfure  [i6].  {Nana.) 

Manguelin  (.Madame).  —  Protégée  de  madame  Deberle. 
Allure  di>crùie  el  ellacée.  Vient  en  visite  pour  remercier 
madame  Deberle  d'un  service  ['^l].  (Une  Page  d* Amour.) 

Manoury.  —  Facteur  aux  Halles.  Patron  du  crieur  Logre 
eldj  la  tabletticre  Géraeuce  [139].  {Le  Ventre  de  Paris.) 


]  ue  iruiis  en  gros  aux  naiies  ^idj.  {i,e 
Ventre  de  Paris.) 

Mardienne  frères.  —  Fabricanis  d'ornements  d'église,  me 
Sainl-Sulgiice.  Mademoiselle  >lenu  a  traraillé  dans  leurs  aie- 
liers  [163].  {Pot-BoailU.) 

Maréchal.  —  Bookmaker  vêreui,  ancien  cocher  du  comte 
de  Vandeuvres.  Énorme,  les  épaules  d'un  bœur,  la  face  haute 
en  couleur.  Il  a  lenlé  la  forluue  aux  courses  avec  des  Tonds 
d'originç  louche  el  le  comle  le  charge  de  ses  paris  secrets,  le 
irailant  toujours  en  domestique  dont  on  ne  se  cache  pas  [403]. 
P.nr  suite  d'une  fausse  manœuvre,  Maréchal  est  nettoyé  de 
cent  mille  francs  sur  la  pouliche  Sana;  ruiné,  sentant  tout 
crouler  sous  ses  pas,  il  tait  publiquement  une  scène  affreuse, 
rnrontnnt  l'histoire  avec  des  mois  atroces,  entraînant  par  ce 
scandale  la  disigualificalion  du  comte  de  Vandeuvres  [419]. 
(.Vana.) 

Marescot.  —  Propriétaire  de  la  maison  de  la  rue  de  la 
Goulte-d'Or,  où  hahilent  les  Lorilleux  et  les  Coupeau.  C'est  un 
grnnd  coutelier  de  la  rue  de  la  Paix,  un  homme  de  cinquante* 
cinij  ans,  fort,  osseux,  décoré,  étalant  ses  mains  immenses 
d'ancien  ouvrier.  Il  a  jadis  tourné  la  meule,  le  long  des  trot- 
toirs, et  maintenant  on  le  dit  riche  à  plusieurs  millions.  Un  de 
^ci  bonheurs,  lorsqu'il  lisite  ses  locataires,  est  d'emporter  les 
couteaux  el  les  ciseaux,  pour  les  aiguiser  lui-même,  par  plai- 
sir [161].  Mais,  quand  on  lui  demande  des  réparations,  II  a  des 
crampes  d'avare  [163],  réclame  ses  termes  avec  insolence  [38i] 
et.  dés  qu'on  est  retard,  a  immédiatement  le  mot  d'expulsion 
à  h  bouche  [il5].  {L'AiSommoir.] 

Mareuil  (De).  —  Père  de  Louise.  C'est  un  aticien  raflineur 
du  ilavre,  dont  le  nom  réel  est  Bonnet,  et  qui  a  pris  le  nom  de 
sa  femme  [U3].  Grand  bel  homme,  sérieux,  à  cervelle  incroya- 
lileincrt  Tide.  Au  physique,  une  ressemblance  frappante  avec 
le  valet  de  chambre  Ilaptiste  [â3].  Très  riche  et  ^ilein  d'ambi- 
lion,  M.  de  .Mareuii  aspire  au  Corps  législatif;  longtemps  caa- 
JiJ.it  niallieurcux  [^9],  jl  dépense  trois  cent  mille  francs  pour 
>e  faire  élire  et  voit  son  élection  cassée,  ù  cause  de  scandales 
parirop  vifs [213].  Tout  à  l'idée  fixe  d'èlre  un  personnage  poti- 
lique,  il  maquignonne  le  mariage  de  sa  fille  et  de  Maxime  Sac> 
card,  dont  il  apprécie  vivemenl  l'étroite  parenté  avec  le 
ministre  de  l'inièrieur  Eugène  ftougon  [iii].  Resté  candidat 


DES  ROUGON-ftUCQUART  301 

officiel,  il  a  le  bonheur  d*étre  définitivement  élu  député  [3ii]. 
{fM  Curée.) 

Mareuil  (Madame  Hélène  de).  —  De  famille  noble,  fort 
riche,  elle  a  voulu  épouser  un  imbécile  de  grande  mine  et 
s*est  mariée  avec  l'ancien  raffineur  Bonnet,  qui  a  pu  devenir 
ainsi  M.  de  Mareuil.  Cette  femme,  grande  et  forte,  de  mœurs 
extrêmement  libertines,  a  mis  au  monde  une  enfant  rabougrie, 
Louise,  a  vécu  dans  les  débordements  les  plus  honteux  et  est 
morte  rongée  par  les  plaisirs  comme  par  un  ulcère  [14i].  {La 
Curée,) 

Mareuil  (Louise  de)  (1).  — C*est  une  enfant  de  dix-sept  ans, 
chétive,  légèrement  bossue,  d'une  grAcc  maladive  [i].  Fille 
d*un  colosse  sain  et  d*une  mère  bien  bâtie,  sa  diCTormilc,  ses 
allures  de  bohémienne  millionnaire,  sa  laideur  effrontée  et 
charmante  s*expli«|uent  par  la  nymphomanie  maternelle  [14i]. 
.\vec  sa  poitrine  plate,  sa  petite  tête  laide  et  futée  de  gamin, 
elle  ressemble  à  un  garçon  déguisé  en  fille,  elle  a  des  plaisan- 
teries de  pensionnaire  émancipée  [197],  un  sourire  vague  de 
sphinx  vicieux  [-i^i],  des  instincts  mauvais.  C'est  d'un  air  tran- 
quillement amical  qu'elle  a  surpris  l'inceste  de  Maxime  Sac- 
card  et  de  Renée.  Déjà  très  malade  à  la  veille  de  son  mariage 
avec  Maxime,  elle  meurt  pendant  le  voyage  de  noces  et  est 
enterrée  dans  une  petite  ville  de  Lombardie  [337].  {La  Curée  ) 

Mareuil  (Comtesse  de).  —  Prenait  dans  son  château  la 
petite  Clara  Prunaire  pour  les  raccommodages  [62].  {Au 
Bonheur  des  Dames,) 

Margaillan.  —  Un  gros  entrepreneur  de  maçonnerie,  plu- 
sieurs fois  millionnaire,  et  qui  fait  sa  fortune  dans  les  grands 
travaux  de  Paris,  bâtissant  à  lui  seul  des  boulevards  entiers. 
Gras  et  court,  il  a  la  face  cuite  d'un  sang  trop  chaud.  Lui,  sa 
femme  et  sa  (ille  ont  sur  la  face,  au  dire  de  Claude  I^ntier» 
tous  les  crimes  de  la  bourgeoisie;  ils  suent  la  scrofule  et  la 
bêtise  [157].  Margaillan  possède,  au-dessus  de  Dennecourt,  en 
remontant  du  cfHé  de  La  Roche-Guyon,  une  vaste  propriété,  la 
Richaudière,  qu'il  a  payée  quinze  cent  mille  francs  et  où  il  a 
fait   des   embcliissemcnts   pour  plus   d'un    million,  par   une 


(1)  Louise  (le  Mareuil,  mariée,  en  J8G3,  à  Maxime  Rougon,  dit 
Saccard  ;  meurt  la  même  auvee  sans  enfant.  (Arbre  généalofjique  des 
Hovgon-Macquart.) 


ZO'l  LES  PERSONNAGES 

vanité  d'ancion  gâcheur  de  plâtre.  Cest  ua  Oer  homme  dans  sa 
pnrtie.  il  a  une  activité  du  diable,  un  sens  étonnant  de  la 
bonne  administration,  un  flair  merveilleux  des  rues  â  construire 
et  des  matériaux  à  acheter  [20-i]. 

Per.i^nt  trente  ans,  il  a  acquis  des  terrains,  bâti,  revendu^ 
en  établissant  d'un  coup  d*œil  les  devis  des  maisons  de  rap- 
port ;  mais,  comme  tous  les  parvenus,  il  a  rêvé  de  trouver  un 
gendre  qui  lui  apportât,  dans  sa  partie,  des  dipiùraes  authen- 
tiques et  d*élégantes  redingotes.  Enthousiasmé  parla  médaille 
de  Dubuche,  par  ce  jeune  élève  de  l'École  des  Beaux-Arts,  dont 
les  noies  sont  excellentes,  si  appliqué,  si  recommandé  par  ses 
maîtres,  il  lui  donne  sa  Olle,  il  prend  cet  associé  qui  décuplera 
les  millions  en  caisse,  puisqu'il  sait  ce  qu'il  est  nécessaire  de 
savoir  pour  bâtir  [^15].  Mais  Dubuche  montre  une  incapacité 
déplorable,  il  a  des  inventions  coûteuses,  se  trompe  sur  la 
chaux,  la  brique,  la  meulière,  met  du  chêne  où  le  sapin  doit 
sufûre,  et  n*:  se  résigne  pas  à  couper  un  étage,  comme  un  pain 
béniu  en  autant  de  petits  carrés  qu'il  le  faut.  Margaillan,  dont 
les  millions  périclitent,  finit  par  se  révolter  contre  l'art  et  il 
jette  son  gendre  à  la  porte  de  ses  bureaux,  en  lui  défendant 
d  y  re:netire  les  pieds  [422].  (L'Œuvre.) 

Margaillan  (>!adame).  —  Femme  de  l'entrepreneur. 
Ct.-lui-:i  a  eu  l'ambition  d'épouser  une  fille  de  bourgeois  et, 
co:nn'.^  il  avait  le  sang  gâté  par  des  générations  d'ivrognes, 
cornir^  die  était  épuisée,  la  chair  mangée  de  tous  les  vices  des 
races  unissantes,  ils  ont  mis  au  monde  Régine,  un  malheureux 
petit  bat  éjurché  [215].  Madame  Margaillan,  très  maigre,  cou- 
leur de  cire,  mangée  d'anémie,  finit  par  mourir  phtisique  [422]. 
(LŒjcre.) 

Margaillan  (Régine).  —  Fille  de  l'entrepreneur.  Si  chétive 
à  dix-huil  ans  qu'elle  a  encore  la  pauvreté  grêle  de  la  première 
ejiîan  e  [tôT].  Toujours  triste,  d'une  santé  chancelante,  elle 
ép>^us}  Dubuche,  un  mari  bien  portant,  et  lui  donne  deux 
enfar.ts,  Gaston  et  Alice,  des  fœtus  à  peine  viables.  C'est  a  ces 
avori  j:is,  produits  d'une  dégénérescence  dernière,  qu'iront  les 
millions  du  [«ère  Margaillan.  Régine  souffre  de  la  phtisie  mater- 
nelle, elle  tousse  depuis  son  mariage  et  fait  des  cures  au  Mont- 
Dore.  pendant  que  ses  enfants,  trop  débiles  pour  supporter  un 
air  si  rif,  sont  soignés  à  la  Ricbaudière.  La  famille  ne  s'accroî- 
tra p:us  ;  U^^gine  a  failli  mourir  à  ses  secondes  couches,  elle 
s'évar.ouit   au  moindre  contact  trop  vif;  Dubuche  considère 


DES  ROUGON-MACQUART  303 

comme  un  devoir  de  cesser  tous  rapports  conjugaux  avec  elle 
[\i-\],  (L'Œuvre.) 

BSaria.  —  Figuraiile  des  Yariélés.  Est  traitée  de  chameau 
par  Dordenave  [14G].  (Nana,) 

Marjolin.  —  Orphelin,  a  été  trouvé  sous  les  légumes  au 
marché  des  luuocf;nts,  vers  Tâge  de  trois  ans,  blond,  gras,  très 
heureux  de  vivre,  mais  si  peu  précoce  qu*il  bredouillait  à  peine 
quelques  mots.  Devient  Venfant  des  Halles,  accroché  aux  jupes 
de  l'une  et  de  Taulre.  Une  belle  fille  rousse,  qui  vend  des 
plantes  oflicinalcs,  l'a  baptisé  Marjolio.  Lorsque  la  mère 
Chantemessc  adopte  Cadine,  Marjolin  se  fait  ucceplcr  aussi  et 
les  deux  enfants  grandissent  ensemble.  11  a  dfux  ans  de  plus 
que  la  lillette,  mais  reste  enfant  très  tard,  n'ayant  pas  plus 
d'idée  qu'un  chou,  ne  sachant -même pas  faire  une  commission. 
L'industrieuse  Cadine  ne  peut  rien  tirer  du  petit  bonhomme, 
((ui  n'est  bon  qu'à  crier  :  c  Mouron  pour  les  p'iits  oiseaux».  Il 
porte  un  grand  gilet  rouge  qui  lui  descend  jusqu'aux  genoux, 
le  gilet  du  défunt  père  Chantemcsse,  ancien  cocher  de  fiacre 

Cadine  et  Marjolin  s'épanouissent  dans  les  Halles,  grandis- 
sent et  s*aiment  librement  comme  de  jeunes  hétes  livrées  à 
Tiustinct.  Après  avoir  tenté  tous  les  menus  métiers  des  Halles, 
Marjolin  est  recueilli  par  Gavard  [75].  C'est  maintenant  un 
iirand  garçon  d'une  épaisseur  et  d'une  douceur  flamandes,  fort 
comme  un  cheval,  d'intelligence  nulle,  vivant  par  les  sens.  Il 
voue  à  Lisa  Quenu  une  adoration  silencieuse,  arrive  à  la  désirer 
follement  et  tente  un  jour  de  la  violenter.  Rudement  repoussé, 
ii  tombe  sur  la  tète  et  cette  fracture  du  crâne  fait  de  lui  une 
brute  complète.  On  l'occupe  désormais  a  gaver  et  a  tuer  les 
pigeons  dans  le  sous-sol  du  pavillon  de  la  vohiille,  il  est  tou- 
jours chéri  de  sa  fidèle  Cadine  qui  le  mange  de  pelilcs  caresses. 
(Lv  Ventre  ilc  Paris,) 

MarsouUier.  —  Tenancier  de  l'hôlel  Dor.cœiir,  où  Ger- 
vaise  Macquaiti'l  Lanlier  sont  descendus  {})].  {L'Assommoir.) 

Martin.  —  Amien  Uiatelut  opéré  autrefois  par  le  chirurgien 
de  marine  Cazenove  i*t  resté  ensuite  à  son  service.  Un  vieil 
homme  à  jambe  de  bois  [8].  {La  Joie  de  vivre.) 

Martine.  —  Vieille  servante  de  Pascal  lîougon,  devenue 
la  vraie  maîïresse   de  la    maison,  depuis   près  de  trente  ans 


3C4  LES  PERSONNAGES 

qu'elle  est  au  service  du  docteur.  A  soixante  ans  passés,  elle 
garde  un  air  jeune,  elle  est  active  el  silencieuse,  dans  son 
éternelle  robe  noire  et  sa  coifie  blanche  qui  la  font  ressembler 
à  une  religieuse,  avec  sa  petite  figure  blême  et  reposée,  où 
semblent  s*étre  éteints  ses  yeux  couleur  Ae  cendre  [6]  C'est 
elle  qui  a  élevé  Clotilde  Rougon,  dont  la  tendre  aflection  pour 
le  docteur  excitera  plus  tard  sa  jalousie.  Brûlée  d'une  flamme 
dévote,  Martine,  qui  adore  son  maître,  voudrait  le  forcer  à  faire 
sa  paix  avec  Dieu,  mais  Clotilde,  d'abord  sa  complice,  a  échappé 
aux  influences  religieuses  pour  se  donner  entièrement  à  Pascal, 
et  Martine,  béante  devant  ce  qu'elle  voit,  n'a  plus  que  la  res- 
source de  prier,  pour  tenter  d'arracher  le  maître  à  l'enfer.  Son 
avarice  est  sordide;  pourtant,  lorsque  Clotilde  a  quitté  la 
maison  et  que  Martine  reste  seule  en  présence  du  docteur 
Pascal  ruiné,  la  vieille  servante  trouve,  dans  son  amour  de  chien 
docile,  l'héroïsme  extraordinaire  de  sortir  son  propre  argent, 
heureuse  de  nourrir  le  savant  sans  qu*il  se  doute  que  sa  vie 
vient  d'elle  [3 10]. N'aimant  que  lui  pour  le  bonheur  de  l'aimer, 
d'être  avec  lui  et  de  le  servir  [330],  Martine  est  afl'olée  par  sa 
mort  soudaine  et,  pour  le  sauver  de  la  damnation,  pour  lui 
gagner  le  paradis,  elle  aide  madame  Félicité  à  anéantir  l'œuvre 
diabolique.  Puis,  comme  rien  ne  la  retient  plus  à  la  maison, 
comme  elle  ne  veut  servir  personne  après  monsieur,  pas  même 
l'enfant  que  l'on  attend  et  qui  vient  do  lui,  elle  va  vivre  à 
Sainte-Marthe,  dans  un  trou  perdu,  reprise  de  sa  fureur 
d'avarice  [371].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Martineau.  —  Frère  de  madame  Mélanie  Correur.  Notaire 
à  Coulonges,  dans  les  Deux-Sèvres,  où  les  Martineau  sont 
notaires  de  père  en  fîls,  depuis  sept  générations  [58].  C'est  un 
grand  vieillard  de  soixante-trois  ans,  à  la  figure  froide,  à  l'air 
grave,  aux  yeux  énergiques.  Sa  sœur  Mélanie,  qui  s'était  enfuie 
jadis  avec  un  garçon  boucher  et  qu'il  n'a  pas  consenti  à  revoir, 
imagine,  pour  hériter  plus  vite,  de  le  dénoncer  au  ministre 
Rougon  comme  républicain  dangereux  [307].  On  l'arrête  en 
vertu  de  la  loi  de  Sûreté  générale,  Gilquin  est  chargé  de  l'opé- 
ration et  Taccomplit  avec  une  telle  brutalité  que  Martineau, 
déjà  frappé  d'une  attaque  de  paralysie,  agonise  en  route,  est 
refusé  parle  directeur  de  la  prison  el  va  mourir  le  soir  même 
dnns  un  hôtel  de  Niort,  en  face  des  fenêtres  de  la  préfecture, 
où  la  hande  Rougon  donne  une  soirée  magnifique  [337].  {Son 
E.rrcHence  Eugène  Hougon.) 


DtS  liOlGON-MACQlAliT  305 

Martineau  (Madame).  -  -  Femme  du  nolaire  de  Couiongcs. 
Petite  et  grasse,  face  calme.  Elle  reçoit  avec  une  parfaite 
dignité  les  gendarmes  chargés  d'arrêter  son  mari.  C'est  une 
femme  forte  qui  ne  compte  pas  sur  ses  larmes  [330].  Elle  suit 
le  cortège  qui  emporte  le  paralytique  et,  quand  on  se  décide  à 
le  lut  rendre,  elle  le  fait  transporter  à  riiôtcl  de  Paris,  où  elle 
défend  les  dernières  minutes  du  moribond  contre  TalTreuse  ma- 
dame Correur  [336].  {Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Marsy  (De).  —  Président  du  Corps  législatif.  A  vingt-huit 
ans,  il  était  colonel  ;  plus  lard,  on  le  trouve  à  la  télé  d'une 
grande  usine  ;  puis,  il  s*est  occupé  successivement  d'agriculture, 
de  tinaiice,  de  commerce  ;  enfin,  il  a  fait  des  portraits  et  écrit 
des  romans  [84].  Un  mystère  plane  sur  sa  naissance  ;  on  assure 
qu* il  est  né  sur  les  marches  d*un  trône.  De  gros  potins  circulent 
sur  lui  :  avant  Tempire,  il  était  entretenu  par  sa  maîtresse, 
une  baronne  dont  il  a  mangé  les  diamants  en  trois  mois  ;  pas 
une  affaire  véreuse  ne  se  traite  sans  lui  sur  la  place  de  Paris. 
Sa  tétc  pâle  est  One  et  méchante,  il  a  une  haute  mine  d'aven- 
turier élégant  [14].  Comme  homme  politique,  il  a  de  la  poigne, 
une  main  de  fer,  hardie,  résolue,  très  déliée  pourtant  [84],  une 
iine  main  gantée  qui  étrangle  et  que  l'empereur  fait  alterner 
avec  le  poing  de  Rougon,  un  poing  velu  qui  assomme  [433]. 
Marié  avec  une  princesse  valaque,  il  renoue  six  mois  après 
avec  madame  de  Llorentz,  une  ancienne  maîtresse  qui  possède 
une  arme  contre  lui.  Son  antagoniste  Rougon  parvient  à  le 
remplacer  au  ministère  de  Tintérieur  [263]  et  11  devient  alors 
président  de  la  Chambre,  apportant  le  sang-froid  le  plus  parfait 
à  la  direction  des  débals,  tenant  tête  aux  Cinq  avec  une  auto- 
rité mordante  [452].  {Son  Excellence  Eugène  Rougon.) 

Marty.  —  Professeur  de  cinquième  au  lycée  Bonaparte. 
Prolil  pauvre,  redingote  étriquée  et  propre,  visage  blêmi  par 
le  professoral  [93].  11  gagne  six  mille  francs  par  an  et  doit 
doubler  ses  appoinlements  en  courant  le  cachet,  pour  suffire 
au  budget  sans  cesse  croissant  du  ménage  [74].  Devant  les 
aciials  désordonnés  de  sa  femme,  il  a  l'angoisse  résignée  d'un 
pauvre  homme,  qui  assiste  à  la  débâcle  de  son  ar^^^ni,  si  clir- 
remenl  gagné.  Chaque  nouveau  bout  de  ruban  est  l'our  lui  un 
désastre,  d'amères  journées  d'enseignement  englouties,  des 
courses  au  cachet  dévorées,  l'eiïort  continu  de  sa  vieahoulissant 
à  une  gène  secrète,  à  l'enfer  d'un  ménage  nécessileux  [99].  A 
la  suile  de  violenles  scènes  d'intérieur,  il  est  frappé  du  délire 


-0. 


'-m  LES  PERSONNAGES 

lies  grandeurs  et   enfermé  dans    une  maison    de  fous  [477], 
Liv  Bonhrur  des  Dames,) 

Marty  (Madame).  —  Femme  du  professeur.  Maigre,  laide, 
ravj^ée  de  petite  vérole,  mise  avec  une  élégance  compliquée, 
elle  esl  sans  Age;  ses  trente-cinq  ans  en  valent  quarante  ou 
ircDle,  selon  la  fièvre  qui  Tanirne  [71],  Fille  d'un  petit 
employé,  elle  ruine  son  mari  par  des  achats  désordonnés  dans 
les  ^Tuiids  magasins.  On  la  connaît  pour  sa  rage  de  dépense, 
sans  force  devant  la  tentation,  d'une  honnêteté  stricte,  incapa- 
ble Je  céder  ù  un  amant,  mais  tout  de  suite  lâche  et  la  chair 
vaincue,  devant  le  moindre  bout  de  cbifTon  [li].  Elle  prend 
tout  nu  Coiihuur  des  Dames,  sans  choioL^au  hasard  des  étalages. 
La  iiévrose  des  grands  bazars  l'a  complètement  détraquée  [322]. 
(juaiil  son  mari  devient  fou,  elle  continue  sa  course  à  travers 
les  comptoirs,  mangeant  un  vieux  bonhomme  d'oncle  qui,  après 
son  veuvage,  s'est  retiré  chez  elle  ['i77].  (Au  Bonheur  des 
Da}j(cs,) 

Marty  rVALEXTiXE).  —  Fille  de  Marty.  Une  grande  demoi- 
selle de  quatorze  ans,  maigre  et  hardie,  une  des  coquetteries 
les  pius  chères  de  sa  mère,  qui  l'habille  comme  elle,  de  toutes 
les  nouveautés  de  la  moue  [li],  Valenline  jette  déjà  sur  les 
marchandises  des  regards  coupables  de  femme  [124].  (.1m 
Bonheur  des  Dames,) 

Mascart  (Le  père).  —  Aveugle  paralytique.  Habite  rue 
Liasse,  à  lieaumont.  Angélique  Marie  lui  fait  manger  elle-même 
rassijlice  de  soupe  qu'elle  lui  apporte  [119].  {Le  lièce.) 

Massacre.  —  L'un  des  chiens  du  berger  Soûlas.  Partage 
rexé-Taiion  de  son  maître  pour  la  Goguette  [100].  (La  Terre,) 

Massias.  —  Remisier.  Fils  d'un  magistrat  de  Lyon,  frappé 
triiuli^nité.  Esl  devenu  employé  à  la  Bourse,  n'ayant  pas 
vouIj  continuer  ses  études  de  droit,  après  la  disparition  de 
son  {•  re.  C'est  un  gros  garçon  rougeaud,  aux  jambes  courtes, 
aux  \  -ux  bleus  d'une  limpidité  enfantine.  Longtemps  malehan- 
«•euN,  :ivcc  son  air  inquiet  de  bon  chien  battu  pji],  il  a  pris 
une  inji'oriaiice  énorme  depuis  qu'il  est  au  service  delà  Banque 
UnivL-rselle,  il  réalise  des  gains  superbes  et  ne  dit  plus,  comme 
aiilref  -is,  qu'il  faut  être  juif  pour  réussir.  .Mais  s'il  a  violé  la 
clian:  ,  sur  les  talons  de  Saccard,  il  sort  de  son  rêve  les  reins 
casîjt:;.  Au  jour  delà  catastrophe,  il  doit  soixante-dix  mille 
francs  et,  alors    «ju'il  pourrait,  comme  tant  d'autres,  invoquer 


DES  KOUGON-MACQUAUT  307. 

rc.\C(»plion  de  jeu,  il  failcellc  bôlise  sublime  et  inulile  de  payer, 
il  euipruutc  à  des  amis,  s*cngageant  pour  la  vie  eutièiv,  sans 
que  personne  lui  en  sache  gré,  car  on  hausse  même  un  peu  les 
épaules  derrière  lui  [îîî)i].  (L'Argent.) 

Massicot.  —  Dourgeois  de  Plassans,  enrôlé  et  armé  par 
Pierre  Iiou^ron  pour  délivrer  la  mairie  occupée  par  les  répu- 
blicains [272];  est  pris  d'émotion  et  tire  eu  Tair,  dans  la 
mairie,  sans  savoir  [289].  (La  Fortune  des  Rougon) 

Masson  (Colonel). —  A  dirigé  avec  le  préfet  des  Bouches- 
du-UliOne,  eu  1851,  la  terrible  répression  des  troubles  qui  sui- 
virent le  coup  d'Étal.  .\u  retour,  il  s'arrête  à  Plassans,  ayant 
soin  de  faire  passer  hors  de  la  ville  ses  soldats,  las  et  muets, 
encore  saignaiils  delà  tuerie  de  Saint-Roure  [3G0].(La  Fortune 
des  llougon.) 

Mathias.  —  Vieux  bossu  travaillant  à  la  ferme  de  la  Dor- 
deric.  Il  a  possédé  la  Cognelle  lorsqu'elle  avait  quatorze  ans 
[28S].  {^La  Terre.) 

Mathieu.  —  Une  des  bêles  préférées  de  Désirée  Mouret. 
Un  cochon  qu'elle  engraisse  amoureusement  et  qu'elle  a  baptisé 
du  nom  de  Mathieu,  parce  qu'il  ressemble  au  gros  homme  qui 
apporte  les  lettres  [2ÎK].  (La  Faute  de  Vabbe  Mouret.) 

Mathieu.  —  Gros  chien  de  montagne,  croisé  de  lerre-neuve, 
appartenant  aux  Chaiiteau  [8].  Robe  blanche  aux  longs  poils 
frisés,  une  seule  tache  noire  à  l'œil  gauche  [18].  Cette  bête 
affectueuse,  au  regard  presque  humain,  remplit  la  maison,  se 
faufilant  partout,  partageant  les  joies  et  les  peines  de  tous.  Dès 
le  premier  jour,  il  a  deviné  en  Pauline  une  amie  des  bêles  et 
des  gens.  Mathieu  a  quatorze  ans  à  la  mort  de  sa  maîtresse, 
madame  Chantoau.  Encore  très  vif,  il  passe  des  nuits  à  chasser 
les  souris  [220].  Vieillesse  pénible  ;  son  arrière-train  se  para- 
lyse, des  hémorragies  continuelles  l'épuisenl  peu  à  peu.  Il 
meurt  doucement  dans  les  bras  de  son  mailre  Lazare  [280],  (La 
Joie  de  vivre.) 

Mathilds.  —  Actrice  drs  Variétés,  l'a  pelil  lorchou  d'in- 
génue [172J.  iXana.) 

Matignon.  —  Drapier  rue  Croi^•-dcs-Pctil^-Champs,  coii- 
curreiu  de  IJaudu.  11  lui  enlève  un  cxcL-llcnl  courtier  [20.')]. 
(Au  Bonheur  des  Damc.'i.) 

Mauduit  (ADiiK). —  Vicaire  à  Sainl-Uoch.  Visage  gras  et 


3nS  LES  PERSONNAGES 

fjn,  caractère  affable  d*boinme  du  monde.  L'abbé  confesse  ces 
dames  et  ces  demoiselles  de  la  bourgeoisie,  les  connaît  toutes 
dans  leur  chair  et,  pénétré  de  son  impuissance  à  les  moraliser, 
finil  par  ne  plus  veiller  qu'aux  apparences,  en  maître  des  céré- 
monies jetant  sur  cette  société  gâtée  le  manteau  de  la  religion 
[12'?].  11  fréquente  chez  ses  pénitentes,  offrant  les  conseils  de 
son  expérience  pour  mettre  fin  aux  scandales  des  familles,  se 
heurtant  parfois  à  des  impossibilités,  subissant  des  avanies, 
sanctionnant  quand  il  le  faut  certains  désordres  et  se  consolant 
d'une  aussi  lamentable  besogne  par  Tédification  à  Saint-Roch 
d'un  magnifique  calvaire,  où  il  va  réaliser  de  "beaux  effets  de 
théâtre.  (Pot-Bouille.) 

Maugendre.  —  Beau-père  de  Jordan.  Avait  à  la  Villetle 
une  manufacture  de  bâches  où  il  a  gaî^né  quinze  mille  francs 
de  rente.  Gros  homme  calme  et  chauve,  à  favoris  blancs.  S'est 
retiré  avec  sa  femme  en  un  petit  hôtel,  avec  un  beau  jardin, 
rue  Legendre.  Les  deux  époux,  vivent  trop  grassement,  s'en- 
nuyant  à  ne  plus  rien  faire.  C'est  à  contre-cœur  qu'ils  ont  vu 
leur  lille  Marcelle  épouser  Jordan,  jeune  écrivain  dont  le  père 
est  mort  ruiné.  Ils  se  méfient  d'un  poète,  croient  avoir  beau- 
coup fait  en  consentant  au  mariage  et  n'ont  rien  donné,  sous 
le  prétexte  que  .Marcelle,  après  eux,  aura  leur  fortune  intacte, 
engraissée  d'économies  [19]. 

Dans  sa  vie  désœuvrée,  Tancien  fabricant,  qui  tonnait  autre- 
fois contre  les  agioteurs,  s'est  intéressé  à  la  cote  de  la  Bourse, 
lue  chaque  soir  dans  le  journal.  Une  somme  importante  lui 
rentre  un  jour,  il  a  l'idée  de  l'employer  en  reports,  un  simple 
placement,  pas  encore  de  la  spéculation;  puis  la  fièvre  com- 
mence à  le  brûler,  devant  la  danse  des  millions,  dans  cet  air 
empoisonné  du  jeu.  Un  gain  de  six  mille  francs  achève  de  le 
Jtiraquer,  il  se  met  à  opérer,  d'abord  au  comptant,  puis  à 
terme,  petitement  pour  commencer,  s'enhardissant  chaque  fois 
davantage,  malgré  les  premières  résistances  de  sa  femme  et  le 
blâme  formel  de  son  beau-frère  Chave  pOâ].  Le  coup  deSadowa 
lui  a  fait  perdre  cinquante  mille  francs  [215].  Il  croit  réparer 
le  mal  en  achetant  cinquante  actions  de  l'Universelle  au  cours 
de  douze  cents  francs  ;  il  les  voit  progressivement  monter  et  en 
achète  encore;  on  dépasse  le  cours  de  trois  mille  francs;  une 
première  baisse  laisse  intacte  la  foi  de  .Maugendre  dans  le 
gt'i.ie  de  Saccard  ;  pour  se  rattraper,  il  joue  à  découvert, 
achetant  toujours,  et  à  l'heure  définitive  de  l'effondrement,  c'est 


I  DES  ROUGON-MACQUART  301) 


t 


un  désastre  irréparable,  d*énormes  différences  à  payer,  plus 
de  deux  cent  mille  francs,  qui  achèveront  d'emporter  la 
fortune  gagnée  si  rudement  par  trente  années  de  travail  [386]. 
{U Argent.) 

Maugendre  (Madamb).  —  Originaire  de  Marseille,  sœur 
du  capitaine  Ghave.  Sèche,  active,  elle  a  travaillé  comme  son 
mari  et  gagné  sa  part  de  la  fortune.  Elle  voit  avec  inquiétude 
Maugendre  se  lancer  dans  les  spéculations  de  Bourse,  car 
elle  a  toujours  professé  contre  le  jeu  une  haine  de  bonne  mé- 
nsigère.  Mais,  si  des  angoisses  l'agitent,  elle  a  les  yeux  enflam- 
més au  moindre  gain  [2ûâ].  Un  jour,  elle  devient  plus  enfiévrée, 
plus  âpre  que  son  mari,  c'est  elle  qui  le  gourmande  de  sa  timi- 
dité; acharnée  aux  grands  coups  de  hasard,  elle  s'exalte  sur  les 
renseignements  de  la  Cote  financière  t  une  vieille  feuille  honnête 
qui  inspire  confiance  à  tous  les  rentiers,  mais  qui  a  été  achetée 
par  Saccard  [301].  Et  madame  Maugendre,  si  prudente  autrefois, 
si  économe,  la  terreur  de  ses  bonnes,  toujours  sur  leurs  talons, 
à  éplucher  leurs  comptes,  ne  parle  plus  que  par  centaines  de 
mille  francs  [386].  Après  la  ruine,  elle  et  son  mari  sont  secou- 
rus par  le  gendre  qu'ils  avaient  méprisé,  et  qui  les  installe  à 
Clichy,  dans  un  rez-de-chaussée,  avec  jardin  pas  cher  [388]. 
{VArgeni.) 

Maugendre  (Marcelle).  —  Amie  d'enfance  de  Paul  Jordan 
et  fiancée  à  lui  au  temps  où  il  était  riche,  elle  s'est  entêtée  à 
vouloir  quand  même  l'épouser  lorsqu  il  est  dev.  *.  i  pauvre 
[18].  Marcelle  est  une  petite  personne  grasse  et  bnioo,  elle  a 
un  clair  visage  aux  yeux  rieurs,  à  la 'bouche  saine,  et  qui  exprime 
ie  bonheur,  même  aux  heures  difficiles  [191].  Elle  a  une  bra- 
voure souriante,  l'air  décidé,  très  pratique  dans  son  désir  de 
rendre  heureux  son  cher  mari,  son  poète,  qui  travaille  tant. 
Le  rêve  de  sa  vie  est  de  le  rendre  riche  un  jour,  d'être,  comme 
en  un  conte  de  fées,  la  bonne  magicienne  qui  met  des  trésors 
aux  pieds  du  prince  ruiné,  pour  l'aider  à  conquérir  le  monde. 
En  attendant,  c'est  la  grande  gône  ;  les  quatre  meubles  d'acajou 
dont  Marcelle  est  fière,  dans  ses  deux  étroites  pièces,  si  enso- 
leillées, de  l'avtMiue  de  Clichy,  sont  menacés  par  l'usurier  Dusch 
[:299],  et  ce  n'est  pas  Jordan  qui  sauvera  la  situation,  car  ces 
questions  d'argent  le  paralysent.  Alors,  pleine  de  vaillance, 
la  jeune  femme  va  essuyer  les  rebuffades  de  ses  parents,  ces 
Maugendre  qui,  autrefois,  auraient  tout  dépensé  pour  lui  faire 
des  cadeaux  et,  aujourd'hui,  ne  se  soucient  plus  de  rien,  hors 


o 


10  LES  PERSONNAGES 


des  opérations  de  Bourse.  Énergique  cl  adroite,  elle  lulle  bra- 
vcn^ent  avec  les  huissiers,  elle  sait  se  tirer  d'affaire,  elle  ose, 
devant  son  mari,  intéresser  le  grand  patron  Saccard  aux  mal- 
heurs  du  jeune  ménage,  et  tout  est  sauvé  [310].  Mais  le  conte 
de  fées  ne  se  réalisera  pas.  Le  trésor,  des  Maugendre  a  été 
enp^louli  dans  le  gouffre  de  l'Universelle  et  il  semble  à  3Iar- 
celle  qu'elle  ne  sera  plus,  avec  sa  famille,  qu'un  obstacle  pour 
fton  Paul.  Elle  lui  a  apporté  sa  jeunesse,  sa  tendresse,  sa  belle 
humeur,  pas  une  princesse  au  monde  ne  pourrait  donner 
davantage,  un  enfant  viendra  bientôt,  et,  gentiment,  elle  croit 
que  son  mari  ne  lui. doit  rien  [388].  (U Argent.) 

Mauriac  (Bauon  de).  —  Starter  aux  courses  de  Longchamp 
[109].  {Xana,) 

Maurin.  —  Maître  chapelier  à  Plassans,  bonhomme  très 
aimé  des  ouvriers.  Il  est  le  candidat  des  républicains  aux 
éleclions  législatives  [310]  et,  grâce  aux  manœuvres  de  l'abbé 
Faujas,  n'obtient  que  les  «{uinze  cents  voix  irrécûnciliables  du 
faubourg  [321].  (La  Conquête  de  Plassans,) 

Maurin.  —  Notaire  des  Tuletlcs  et  maire  de  la  commune. 
Veuf  depuis  une  dizaine  d\innées,  il  vit  en  compagnie  de  sa 
fille,  également  veuve  et  sans  enfants.  C'est  lui  qui  dresse  l'acte 
de  décès  d'Antoine  Macquart,  mort  de  combustion  spontanée 
[-235].  (Le  Docteur  PascaL) 

Mazaud. — Un  des  plus  jeunes  agents  de  change,  comblé 
{>ar  le  sort,  ayant  eu  la  chance  de  la  mort  de  son  oncle,  qui  l'a 
rendu  titulaire  d'une  des  plus  fortes  charges  de  Paris  à  trente- 
deux  ans,  à  un  âge  où  l'on  apprend  encore  les  affaires.  De  petite 
taille,  il  est  de  figure  agréable,  avec  de  minces  moustaches 
brunes,  des  yeux  noirs  perçants.  Il  a  fait  un  ni:!riage  d'amour 
qui  lui  apportait  plus  d'un  million  [86] ,  deux  enfants  sont 
venus,  et,  après  quatre  ans  de  mariage,  on  ne  lui  pri?te  qu'une 
eûurle  curiosité  pour  une  chanteuse  de  TOpéra-Comique.  11  vit 
lians  une  bonne  odeur  de  chance,  de  félicité  sans  nuage. 
Mazaud  montre  une  grande  activité,  l'inlelligeiice  très  alerte 
elle  aus>i,  beaucoup  de  flair,  une  intuition  remarquable.  Il  a 
une  voix  aiguë  (|ui,  autour  de  la  corbeille,  fait  contraste  avec 
Il  voix  mugissante  de  son  collègue  Jncohy  ;  à  roi»po>é  de  celui- 
ci,  il  a  la  réputation  de  ne  pas  encore  trop  jouer  pour  son 
compte.  La  Hantjue  Universelle  va  lui  être  fune>le.  Très  engagé 
avoc  Saccard,  qu'il  reporte  pour  des  sommes  coii^idérables,    il 


DES  ROUGOX-MACQU.VKT  311 

a  cru  à  Tappiii  dôcisif  du  syndical  Daigreiiionl,  il  s*esl  laissé 
conquérir  au  point  d'acccplcr  encore,  le  malin  même  de  la 
débâcle,  des  ordres  d'achat  sans  couverture  pour  plusieurs 
millions  [3G0].  El  il  est  ruiné  par  la  catastrophe;  il  se  suicide 
chez  lui  d'un  coup  de  revolver  cl  son  sang  tombe  goulle  à 
goulte,  dans  le  luxe  el  le  parfum  des  roses,  éclaboussant  sa 
femme  el  ses  petits  [401].  (U Argent.) 

Mazaud  (Madame).  — ,  Épousée  par  amour,  elle  a  apporté 
à  son  mari  une  dot  de  douze  cenl  mille  francs.  C'est  une  jeune 
femme  charmante,  qui  devient  mère  de  deux  enfants,  une  fillette 
el  un  garçon.  Comme  eux,  elle  esl  blonde,  d'une  blancheur  de 
lait,  elle  a  Pair  aussi  délicat  el  ingénu  que  ces  petits  êtres  [87]. 
Devant  Mazaud  étendu,  la  tête  fracassée,  elle  forme  avec  eux 
un  groupe  lamentable,  hurlant  de  douleur  [100].  (V Argent.) 

Mazel.  —  Un  maître  de  TÉcole,  un  peintre  fameux,  le  der- 
nier représentant  de  la  conTention  élégante  et  beurrée.  Fage- 
rolles  raconte  qu'un  jour,  comme  il  dessinait  d'après  la  petite 
Flore  Beaucbanip,  Mazel  s'est  approché  el  lui  a  dit:  «Les 
deux  cuisses  ne  sont  pas  d'aplomb  >  ;  et  comme  il  réftondait  : 
«  Voyez,  monsieur,  elle  les  a  comme  ça  >,  Mazel  s'est  écrié, 
furieux:  t  Si  elle  lésa  comme  ça,  elle  a  tort.  >  La  première 
année  où  le  jury  du  Salon  est  élu  par  les  artistes,  c'est  Mazel 
ru'on  nomme  président.  11  a  de  fâcheuses  distractions,  faisant 
refuser  étourdiment  un  hors  concours,  ou  se  laissant  aller  à 
dire:  c  tjuel  esl  donc  le  cochon...?  >  au  moment  même  où 
il  va  reconnaître  la  signature  d'un  ami,  rempart  comme  lui  de 
la  saine  doctrine  [^iT'iJ.  {L'Œuvre,) 

Méchaln.  —  Propriétaire  d'une  écurie  de  courses.  Hasard, 
un  de  ses  chevaux,  court  dans  le  Grand  Prix  de  Paris  [388]. 
(San  a.) 

Méchain  (Madame).  —  Petite-cousine  de  Rosalie  Chavaille, 
dont  elle  a  recueilli  le  lils,  Victor  Saccard.  Une  femme  éiiorme, 
bien  connue  des  habitués  de  la  Bourse.  Son  visage  de  pleine 
lune,  bouffi  et  rouge,  aux  minces  yeux  bleus,  au  petil  nez 
perdu,  à  la  petite  houche  d'où  sort  une  voix  flùléc  d'eufani, 
semble  déborder  d'un  vieux  chapeau  mauve,  noué  de  travers 
par  des  brides  grenat.  La  gorge  géante  et  le  ventre  hydropiquc 
crèvent  la  robe  île  popeline  rerte,  mangée  de  boue,  tournée 
au  jaune.  Se  dit  veuve,   mais  personne  n'a  connu  son  mari. 


:nt  '  LES  PERSONNAGES 

Elle  vient  on  ne  sait  d'où  et  parait  avoir  eu  toujours  cinquante 
ans. 

La  Méchnin  est  une  de  ces  enragées  et  misérables  joueuses, 
dont  les  mains  grasses  tripotent  dans  toutes  sortes  de  louches 
Ix'sognes.  Elle  ne  quitte  jamais  un  antique  sac  de  cuir,  innmense, 
aussi  profond  qu'une  valise,  où  vont  tomber  les  titres  déclassés, 
les  actions  des  sociétés  mises  en  faillite,  marchandise  scélérate 
qu*on  cède  avec  bénéfice  aux  banqueroutiers  désireux  de 
gonfler  leur  actif.  Dans  les  batailles  meurtrières  de  la  finance, 
c'est  le  corbeau  qui  suit  les  armées  en  marche  [17].  Elle  pos- 
sède, derrière  la  butte  Montmartre,  toute  une  cité,  la  cité  de 
Xaples,  un  vaste  terrain  planté  de  huttes  branlantes,  dont  elle 
touche  les  loyers  avec  âpreté,  jetant  les  familles  à  la  rue  dès 
qu'on  ne  lui  donne  pas  à  l'avance  ses  deux  francs,  faisant  elle- 
même  sa  police,  si  redoutée  que  les  mendiants  sans  asile  n'o- 
seraient dormir  pour  rien  contre  un  de  ses  murs  [159].  .Xfiiliée 
à  Busch,  elle  organise  avec  lui  un  chantage  contre  Aristide 
Saccard  et  parvient  à  soutirer  deux  mille  francs  de  madame 
Caroline,  navrée  devant  la  déchéance  du  petit  Victor  [163]. 
Mal  rassasiée  par  ce  maigre  résultat,  la  Méchain  aura  plus  tard 
la  satisfaction  d'engloutir  dans  son  sac  les  actions  de  la  Banque 
Liiiverselle  [436].  {L*Argent,) 

Mégot  (Justine)  (i).  —  Jeune  femme  de  chambre  de  Elenée 
Saccard.  Séduite  par  Maxime  et  devenue  enceinte,  elle  accouche 
en  1857  d'un  Ois,  Charles  Rougon,  obtient  une  petite  rente  de 
douze  cents  francs  et  est  renvoyée  dans  son  pavs  avec  Tcnfant 
[119].  (La  Curée.) 

A  l'époque  de  la  séduction,  c'était  une  fillette  blonde  de  dix- 
sept  ans,  docile  et  douce.  Originaire  des  environs  de  Plassans 
el  installée  dans  cette  ville,  elle  a  épousé,  trois  ans  plus  tard, 
un  bourrelier  du  faubourg,  Anselme  Thomas.  Devenue  d*une 
conduite  exemplaire,  engraissée,  guérie  d^une  toux  qui  avait 
lail  craindre  une  hérédité  fâcheuse,  due  à  toute  une  ascendance 
alcoolique,  Justine  a  deux  nouveaux  enfants  qui  grandissent 
admirablement,  tandis  que  le  fils  de  Maxime  Saccard,  le  petit 
r.liarles,  est  atteint  de  dégénérescence  [62].  (Le  Docteur 
PascaL) 

H)  Justine  Mégota  iervaute  chlorotique,  fille  d'alcooliques,  maîtresse 
tic  Maxime  Hougon,  dit  Saccard.  {Arbre  fjénéalogique  des  Rougon^ 
MnijuarL) 


f 


DES  ROUGON-MACQUAnT  313 

Méhudin  (La  mérb).  —  Vieille  poissonnière  aux  Halles. 
Tassée,  avachie,  énorme  de  vie  sédentaire,  la  taille  débordante, 
elle  a  conservé  la  robe  à  ramages,  le  fichu  jaune,  la  marmotte 
des  harengères  classiques.  Pratique  d'une  voix  enrouée  Ten- 
gueulade  du  catéchisme  poissard.  Doit  avoir  amassé  une  belle 
fortune,  révélée  seulement  par  les  bijoux  en  or  massif  dont 
elle  se  charge  dans  les  grands  jours.  Originaire  de  Rouen, 
arrivée  à  Paris  avec  des  anguilles  dans  un  panier,  elle  n'a  plus 
quitté  la  poissonnerie  et  a  épousé  un  employé  de  Foctroi,  qui 
est  mort  en  lui  laissant  deux  enfants,  Louise  et  Claire  [136]. 
Elle  a  cédé  plus  tard  son  banc  it  ratnée.  Habite  rue  Pirouette 
en  compagnie  de  ses  filles.  La  mère  Méhudin  hait  le  maigre 
Florent  et  voudrait  le  jeter  à  la  porte  [164].  Elle  pousse  Louise 
vers  Lebigre  et,  comme  la  résistance  de  sa  fille  Ta  rendue  furi- 
bonde, elle  dénonce  Florent  par  une  lettre  à  la  préfecture, 
quatre  pages  presque  indéchiffrables, d'un  style  orduricr  [310]. 
(Af  Ventre  de  Paris.) 

Méhudin  (Cxaiue).  —  Marchande  à  la  poissonnerie  d*eau 
douce.  Seconde  fille  de  la  mère  Méhudin,  sœur  de  la  belle 
Normande.  Blonde  paresseuse.  Est  à  vingt-deux  ans  un  Murillo, 
suivant  le  mot  de  Claude  Lantier,  un  Murillo  décoifi'é  souvent, 
avec  de  gros  souliers,  des  robes  taillées  à  coups  de  hache  qui 
rhabillent  comme  une  planche  [21].  Pas  coquette,  pleine  de 
mépris  pour  les  élégances  de  sa  sœur,  Claire  est  une  créature 
fantasque,  très  douce  et  en  continuelle  querelle,  d'une  droiture 
absolue  un  jour,  d*une  injustice  révoltante  le  lendemain.  A  dé- 
claré qu'elle  ne  serait  jamais  la  bonne  de  sa  sœur,  habite  avec 
elle  rue  Pirouette,  mais  vexée  de  voir  que  Louise  s'est  attribué 
la  plus  belle  chambre,  refuse  la  pièce  voisine  et  adopte,  de 
Taulre  côté  du  palier,  un  galetas  qu'elle  ne  fait  même  pas 
blanchir  à  la  chaux.  A  l'égard  de  Florent,  son  caprice  est  aus- 
sitôt de  contrecarrer  sa  sœur.  Quand  Louise  ameutait  le  pavil- 
lon contre  lui,  elle  était  seule  à  le  défendre  [1i^].  Mais,  dès 
que  la  belle  Normande  change  de  tactique,  Claire  se  fâche 
avec  Florent,  s'enfermant  dans  un  mutisme  jaloux,  parlant 
d'aller  le  dénoncer  et  de  se  jeter  ensuite  à  Tcau;  elle  s'exalte 
au  point  de  faire  brûler  des  cierges  à  l'église  [!253]  et,  quand 
Florent  va  être  arrêté,  elle  veut  le  sauver  et  se  bat  avec  sa 
sœur  qu'elle  accuse  de  l'avoir  vendu;  affolée,  échevclée,  elle 
arrive  trop  tard,  derrière  le  fiacre  qui  emporte  le  conspira- 
teur au  dépôt  [336].  Après   cette  crise,  Claire  revient  plus 


314  LES  PERSONNAGES 

molle,  plus  paresseuse  que  jamais,  à  ses  poissons  (l*eau  douce. 
{Le  Ventre  de  Paris,) 

Méhudin  (Loeise).  —  Surnommée  la  belle  Normande. 
Poissonnière  superbe,  d*une  beaulé  bardie,  très  blanche  et 
délicate  de  peau,  d'œil  effronté  et  de  poitrine  vivante  [88]. 
Fille  aînée  de  la  mère  Méhudin,  deviendra  plus  tard  madame 
Lebigre.  Les  Méhudin  habitent  rue  Pirouette,  dans  Tancienne 
maison  des  Quenu,  au  second.  Elles  sont  une  puissance  à  la 
poissonnerie,  où  elles  dirigent  les  cabales  et  font  trembler  le 
personnel.  La  belle  Normande  a  dû  se  marier  avec  un  employé 
de  la  Halle  au  blé,  mais  celui-ci  s'est  cassé  les  reins  dans  une 
chute.  Sept  mois  plus  tard,  elle  a  accouché  d'un  garçon,  le 
gros  Muche,  et,  dans  Tcntourage,  on  la  considère  comme  veuve 
[138]. 

Très  coquette,  toujours  parée,  étalant  des  nœuds  de  rubans, 
une  chaîne  d*or  qui  sonne  sur  son  tablier,  ses  cheveux  nus 
peignés  à  la  mode,  elle  est  une  des  reines  des  Halles  et,  an- 
cienne voisine  de  la  belle  Lisa  Quenu,  reste  son  amie  intime, 
avec  une  pointe  de  rivalité.  Elles  ont  afieclé  de  s'aimer  beaucoup, 
jusqu'au  jour  où  une  banale  querelle  en  a  fuit  deux  ennemies 
acharnées.  C*esl  alors  un  gros  conflit  dont  les  Halles  vont  être 
spectatrices,  une  formidable  guerre  entre  grasses  marchandes, 
où  le  maigre  Florent  recevra  tous  les  coups.. Louise  Méhudin 
Fa  d'abord  persécuté  dans  ses  nouvelles  fonctions  d'inspecteur 
de  la  marée,  puis,  gagnée  par  TalTection  de  Florent  pour  le 
petit  Muchc  qu'il  cherche  à  instruire  [loi],  elle  s'applique  à 
le  détacher  de  Lisa  dont  elle  le  croit  Famant.  Elle  manœuvre 
pour  le  séduire,  refuse  à  son  profit  les  avances  de  Lebigre,  se 
compromet  ù  tous  les  yeux,  et  soutient  de  terribles  altercations 
avec  sa  sœur  et  sa  mère.  Mais  Florent,  plein  de  son  idée  fixe, 
reste  insensilile;  et  lorsque  la  découverte  du  complot  provoque 
une  perquisition  chez  la  belle  Normande,  celle-ci,  humiliée  dans 
son  orgueil,  tourne  sa  rage  contre  le  grand  innocent  qui  n'a 
satisfait  ni  ses  vanités  ni  ses  rancunes;  elle  livre  aux  policiers 
les  cahiers  de  Muche  contenant  des  modMes  d'écriture  subver- 
sifs [o3l],  se  réconcilie  publiquement  avec  la  charcutière  et 
achève  de  se  relever  aux  yeux  du  quartier  en  épousant  Lebigre, 
dont  elle  tiendra  superbement  le  comptoir  [357].  (Le  Ventre  de 
Paris.) 

Meinhold  (Madame  de).  —  Mondaine  du  second  Empire, 
belle  femme  à  double  menton,  faisant  payer  son  luxe  par  ses 


DES  llOUGOS-MACQUART  315 

amants  el  allant  beaucoup  chez  matlnme  de  Lauwerens  [239]. 
Amie  des  Saccard.  (La  Curée.) 

Mélanie.  —  Cuisinière  des  Grégoire.  Vieille  femme  maigre, 
qui  les  sert  depuis  (rente  ans  [80].  Folle  de  penr  devant  un 
carreau  cassé  à  la  Piolaine  par  les  grévistes,  elle  transforme 
Tunique  pierre  lancée  par  Jeanlin  Maheu  en  une  canonnade  en 
règle,  dont  les  murs  restent  fendus  |4 10],  (Gerininal.) 

Mélanie.  —  La  bonne  du  juge  d'instruction  Denizct.  Ce 
dernier  voudrait  de  Tavancement  pour  qu'elle  soit  mieux  nourrie 
et  moins  acariâtre  [150].  (La  Bêle  humaine.) 

Mélie.  —  Nièce  des  Faucheur.  Une  Olle  du  village  de  Ben- 
necourt,  qui  est  entrée  au  service  de  Claude  Lanlior  et  de  Chris- 
tine. Sa  stupidité  les  enchante.  Après  la  mort  des  Faucheur, 
l'auberge,  tombée  à  ses  mains,  devient  répugnante  de  saleté 
et  de  grossièreté  [i2S].  (LCEuvre.) 

Menu  (Mademoiselle).  —  Tante  de  Fanny.  Originaire  de 
Villeneuve,  près  de  Lille.  A  été  pendant  trente  ans  brodeuse 
chez  Mardienne  frères.  Ayant  hérité  d'une  maison  au  pays,  elle 
a  eu  la  chance  de  la  louer  en  viager,  mille  francs  par  an,  à  des 
gens  qui  croyaient  l'enterrer  le  lendemain.  \  soixante-quinze 
ans,  elle  habile  avec  sa  nièce,  rue  Saint-Marc,  au  troisième 
étage,  et  reste  en  une  inaction  d'ancienne  ouvrière  qui  a  juré 
de  ne  plus  toucher  une  aiguille  [163].  Mademoiselle  Menu  a 
vécu  dans  un  célibat  el  une  chastelé  qui  ne  lui  ont  rien  coûté; 
file  a  des  dents  de  jeune  fille,  un  visage  blanc  et  reposé  de 
sœur  lourière.  Pour  assurer  l'avenir  de  Fanny,  elle  lui  a  cherché 
un  vieil  entrctencur  el  elle  vil  entre  sa 'nièce  et  Narcisse  Da- 
c)ielard,  dans  une  heureuse  l)onhomie.  (Pot-Bouille.) 

Menu  (Fanxy),  dite  Fin.  —  Fille  du  capitaine  Menu,  mort 
sans  lui  laisser  un  sou.  Elle  est  tombée  sur  les  bras  de  sa  tante, 
qui  l'a  retirée  de  la  pension,  en  a  fail  une  brodeuse  et  lui  a 
trouvé  un  bienfaiteur  dans  la  personne  du  vieux  Bachelard. 
C'est  une  grande  jeune  lille  blonde,  jolie,  à  l'air  simple.  Ba- 
chelard rajipeile  Fiti,  la  baise  au  front  el  lui  donne  des  pièces 
de  quatre  sous  qu'elle  doit  conserver  comme  des  médailles. 
Mais  rinnoccnte  Fifi  s'est  laissé  surprendre  au  lil  avec  Gueiilin, 
lout  en  gardant,  à  travers  tout,  ses  yeux  in;j:«''nus,  son  odeur 
de  chasielé,  la  naïveté  d'une  petite  fille  incapable  encoî'e  de 
distinguer  un  monsieur  d'une  dame  [o87]  ;  Toiicle  Bachelard 
marie  les  deux  amants  en  leur  donnant  les   ciii(|uanle  mille 


316  LES  PERSONNAGES 

francs  de  dot  qu*ii  a  obstinément  refusés  à  sa  nièce  Bertbe. 
(Pot-Bouille.) 

Merle.  —  Protégé  de  madame  Correur.  Homme  superbe 
qui  a  servi  dans  la  cavalerie.  Rougon,  président  du  Conseil 
d'Etat,  Ta  accepté  comme  huissier  ["29].  Renvoyé  pour  incon- 
duitc  après  la  chute  du  grand  homme  [260],  il  suit  la  fortune  de 
son  prolecteur  et  redevient  huissier)  lorsque  Rougon  redevient 
ministre  [:265].  {Son  Excellence  Eiigène  Rougon.) 

Mes-Bottes.  —  Camarade  de  Coupeau,  toujours  chez  le 
marchand  de  vin  ou  à  Tassommoir,  célèbre  pour  son  formidable 
appétit.  On  Ta  invité  comme  boute-en-train  au  mariage  de 
Coupeau  et  de  Gervaise,  il  fait  la  profonde  admiration  de  toute 
la  noce,  dévorant  comme  un  ogre  et  buvant  comme  un  trou  [105]. 
Mes-Boites  se  range  en  épousant  une  femme  galante  de  la  rue 
des  Martyrs,  très  décatie,  mais  à  son  aise,  et  il  vit  en  sou- 
teneur bourgeois,  les  mains  dans  ses  poches,  bien  vêtu,  bien 
nourri  [523].  {L'Assomtnoir,) 

Meyer.  —  Patron  de  la  boulangerie  viennoise  du  faubourg 
Poissonnière.  Les  Coupeau  prennent  le  pain  chez  lui  pour  faire 
plaisir  à  Lanlier  [316].  {U Assommoir.) 

Michelin.  —  Chef  du  bureau  de  la  voirie  à  la  préfecture 
de  la  Seine,  sous  le  second  Empire  [29].  La  tête  la  plus  nulle 
et  la  plus  vide  qu'on  puisse  imaginer  [95].  Il  a  toute  une  jolie 
collection  de  sourires  qui  le  dispensent  presque  toujours  de  se 
servir  de  la  parole  [33].  Magistralement  poussé  par  sa  femme, 
il  a  su  faire  le  jeu  dWristide  Saccard  dans  ses  opérations  immo- 
bilières [91]  et,  mari  plein  de  complaisance,  il  se  laisse  pousser 
aux  honneurs,  à  la  décoration  [277]  et  à  la  fortune,  toujours  nul 
et  toujours  souriant.  {La  Curée.) 

Michelin  (Maoame).  —  Femme  du  chef  de  bureau,  jolie 
brune  toute  potelée  [29].  De  mœurs  aimables,  elle  a  su  agir 
pour  ravancement  de  son  mari,  visitant  ses  chefs  et  obtenant 
chaque  fois  un  avantage  pour  Michelin,  dont  elle  a  consolidé  la 
forUine  en  le  poussant  vers  .\rislide  Saccard  [95].  Eile  va  tran- 
quillement dans  la  vie,  utilisant  Sidonie  Rougon  pour  trouver 
d»^s  amants  généreux,  se  faisant  donner  dix  mille  francs  par 
M.  de  Madré  [192],  une  propriété  à  Louveciennes  par  le  vieux 
baron  GourauJ  [-81],  un  coupé  par  M.  Hupel  de  La  Noue  et 
espérant  obtenir  bientôt  une  voiture  découverte  [344].  iLa 
Curée) 


DES  ROUGON-MACQUAUT  317 

Miette.  —  Marie  Clianlegreil,  dite  Miellé,  née  en  1838,  fille 
du  braconnier  Chantegreil,  nièce  d'Eulalie  Rébufat,  la  femme 
du  méger  du  Jas  Mcllren.  A  perdu  sa  mère  dès  le  berceau  et 
vil  entre  son  père  et  son  grand-père  à  Chavanoz,  village  des 
bords  de  la  Seille.  Quand  elle  a  neuf  ans,  son  père  est  envoyé 
au  bagne  pour  avoir  tué  un  gendarme,  son  grand-père  meurt  de 
chagrin,  elle  est  recueillie  parles  ftébufat,  rudoyée  par  le  mari, 
soutenue  en  cachette  par  la  femme,  persécutée  par  le  fils,  son 
cousin  Justin,  honnie  de  tout  le  faubourg  qui  accable  d'outrages 
cette  innocente,  dont  le  père  est  forçat.  Elle  a  onze  ans  quand  sa 
tante  meurt  et  c^est  alors  pour  Miette  une  vie  de  pénible  tra- 
vail, de  durs  affronts  qui  l'aigriraient  à  jamais  et  la  rendraient 
mauvaise  si,  dans  son  idylle  avec  Silvcre  Mouret,  elle  ne  retrou- 
vait les  tendresses  de  sa  nature  aimante  [212].  A  treize  ans, 
elle  est  nubile,  la  femme  s'épanouit  rapidement  en  clN^  ;  avec  un 
front  très  bas,  des  yeux  à  fleur  de  tète,  un  nez  court  et  des 
lèvres  trop  rouges,  qui  examinés  à  part  seraient  autant  de 
laideurs,  son  visage,  couronné  de  superbes  cheveux  noirs,  est 
d'une  étrange  et  ravissante  beauté  [16].  Depuis  deux  ans. 
Miette  et  Silvère  s'aiment  en  enfants  innocents,  se  retrouvant 
chaque  soir  au  fond  de  Taire  Saint-BIillre,  goûtant  des  bon- 
heurs innocents  et  profonds.  Cet  amour  sauve  Miette  de  ses 
désespoirs,  elle  adore  ce  doux  et  pensif  Silvère  qui  la  libère  de 
son  existence  de  paria  et  qui,  plein  d*idées  hautes,  chasse  en 
elle  les  mauvais  instincts,  la  rend  meilleure:  Aussi,  lorsque,  au 
coup  d'Etat,  Silvère  s'enrôle  parmi  les  insurgés,  veut-elle  le 
suivre  et  partager  ses  périls.  L'enthousiasme  communicatif  de 
Silvère,  le  pressentiment  d'une  mort  prochaine,  les  suprêmes 
injures  du  haineux  Justin,  jettent  Miette  dans  une  exaltation 
qui  la  fait  défiler  à  la  tète  de  la  troupe  insurrectionnelle, 
échevelée,  niante  au  vent,  brandissant  le  drapeau  rouge.  C'est 
pendant  un  repos  de  celte  longue  marche  qui  les  mène  à  la 
mort  que  Miette  et  Silvère  échangent  leur  premier  baiser 
d'amour,  encore  plein  d'ignorance  [206].  Miette  meurt  quatre 
jours  après,  tuée  dans  la  fusillade  de  Saint-Roure  [263].  (La 
Fortune  des  Bougon.) 

Miette.  —  Une  belle  fille  du  village  des  Artaud,  mariée  par 
l'abbé  Caffin  [288].  {La  Faute  de  l'abbé  Mouret.) 

Mignon.  —  Gros  entrepreneur,  associé  de  Cliarrier  [126]. 
(La  Curée.) 

Mignon.  —  Mari  de  Tactrice  des  Variétés.  Gaillard  très 


;J1S  LES  PEUSOXVGES 

^Tand,  1res  large,  avec  une  lète  carrée  d'hercule  de  foire.  11 
porle  un  gros  diamant  au  doigt  [7].  Quand  Uose  Ta  épousé. 
Mignon  était  chef  d*oi*chestre  dans  le  café-concert  où  elle 
L-haiitail.  Aujourdliui,  ils  restent  bons  amis.  C'est  réglé  entre 
eii\  :  elle  travaille  le  plus  qu*elle  peut  de  tout  son  talent  et  de 
lùuie  sa  beauté,  lui  a  lâché  son  violon  pour  mieux  veiller  sur 
ses  succès  d'artiste  et  de  femme.  On  ne  trouverait  pas  un 
ménn^'^e  plus  bourgeois,  plus  uni.  Quand  Mignon  parle  de  ses 
enfants,  il  sourit  complaisamment,  il  a  les  yeux  humides  de 
leuJresse  paternelle;  il  adore  les  petits;  une  seule  préoccupa- 
tion le  tient,  grossir  leur  fortune  en  administrant  avec  une 
rigidité  d'intendant  fidèle  Targent  que  gagne  Uose  au  théâtre 
ou  ailleurs  [109]. 

Mignon  est  toujours  Tinséparahle  île  l'amant  de  Rose;  au 
besoin,  il  l'aide  à  la  tromper;  puis,  la  fantaisie  passée,  il  le 
ramène,  repentant  et  fidèle.  Complaisant  aux  banquiers  comme 
Sleiner,  il  a  vu  d'un  mauvais  œil  Rose  perdre  son  temps  avec 
le  journaliste  Fauchery  qui  n'apporte  au  ménage  qu'une  publi- 
cité discutable.  11  a  imaginé  de  se  vengir  de  Fauchery  en  le 
comblant  de  marques  d'amitié  et  en  le  bourrant  de  coups, 
coiTime  emporté  par  un  excès  de  tendresse.  D'ailleurs,  tout 
s'arrange  entre  eux  par  l'accoutun.aiice.  Le  principe  de  Mignon 
est  qu'il  ne  faut  se  fâcher  avec  personne  [146].  Expérimenté  et 
sup»}rieur,  il  n'entre  pas  dans  les  querelles  de  femmes  ;  les 
rcfsentiments  de  Rose  ne  l'empèchen!  pas  d'admirer  Nana.  H 
•'•|;rouve,  devant  l'énormilé  du  travail  de  cette  fille,  devant 
l'eLla^sement  de  ses  richesses,  cette  sensation  de  respect 
éprouvée  par  lui  un  soir  de  fête,  dans  le  château  qu'un  rafûneur 
s'ttait  fait  construire,  un  palais  dont  une  matière  unique,  le 
^U'.re,  avait  payé  la  splendeur  royale.  Elle,  c'est  avec  autre 
cliose,  une  petite  bêtise  dont  on  rit,  un  peu  de  sa  nudité  déli- 
cate, c'e^l  avec  ce  rien  honteux  et  si  puissant,  dont  la  force 
suu  ève  le  monde,  que  toute  seule,  sans  ouvriers,  sans  machines 
iiventt^es  par  des  ingénieurs,  elle  a  su  ébranler  Paris  et  bâtir 
iiij  ■  foilune  où  dorment  des  cadavres.  El  dans  son  ravissement, 
.'.vrc  un  retour  de  gratitude  personnelle,  il  laisse  échapper  ce 
lUL't  :  —  c  Ah  !  nom  de  Dieu  !  quel  outil!  >  [500].  (A*a««.) 

Mignon  (Chaules).— Fils  cadet  des  Mignon  ['2ïï],{Xana:} 

Mignon  (IlENni).  —  Fils  aîné  des  .Mignon;  à  neuf  ans, c'est 
un  .çraiiJard.  On  l'élève  avec  son  frèie  dans  un  pensionnat  [-1  ij. 


DES  ROUGON-MACQUART  319 

Mignon  (Rose).  —  Étoile  des  Varictcs,  fine  comédienne  et 
adorable  chanteuse  [G].  Maigre  et  noire,  elle  est  d*une  laideur 
charmante  de  gamin  parisien  [15].  L'argent  (jumelle  gagne  au 
théâtre  et  à  la  ville  est  sévèrement  administré  par  son  mari, 
esprit  pondéré  qui  sait  calmer,  au  besoinfSes  ressentiments  de 
femme  et  d'actrice.  Un  peu  aigrie  par  la  rivalité  de  Nana,  une 
actrice  de  trottoir  qui  lui  enlève  ses  rôles  et  ses  amants,  elle 
a,  en  un  jour  de  colère,  dénoncé  au  comte  Muiïatles  amours  de 
la  comtesse  avec  Fauchery  [129].  Mais  au  fond,  Rose  n'est  pas 
méchante;  cVsl  elle  qui,  prise  de  pitié  devant  Nana  atteinte  de 
la  petite  vérole,  prend  Tinitiative  dt-  la  faire  transporter  au 
Grand  Hôlel;  elle  l'y  soigne  avec  dévouement  [507].  {Nana). 

Mignot.  —  Commis  du  rayon  de  ganterie,  au  Bonheur 
des  Dames.  Un  des  rares  Parisiens  de  la  maison, le  joli  Mignot, 
comme  on  -l'appelle.  iSâtard  d'une  maîtresse  de  harpe  [54].  11 
affecte  de  coqueter  avec  les  clientes  et  vit  sur  la  légende  d'une 
femme  de  commissaire  de  police,  tombée  amoureuse  de  lui  [120]. 
C'est  un  ami  d'.Vlbert  Lhonime;  il  avantage  les  maîtresses  que 
celui-ci  lui  adresse,  des  filles  en  cheveux  qui  fouillent  pendant 
des  heures  dans  les  cartons  [166].  Quant  ù  lui,  il  joue  aux 
courses,  toujours  serré  d'argent,  empruntant  aux  camarades 
[335].  Mignot  finit  par  se  faire  chasser  pour  une  série  de  vols 
de  marchandises,  accomplis  avec  le  concours  d\\lbert  Lhomme 
[116].  Plus  tard,  devenu  courtier,  il  reparaît  effrontément  au 
magasin  [i9G].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Mimi-la-Mort.  —  Un  élève  du  collège  de  Plassans,  qu'on 
nomme  aussi  le  S(juelette-Externe.  C'est  un  maigre  garçon  qui 
apporte  en  contrebande  le  tabac  à  priser  de  toute  la  classe.  On 
fait  un  jour  la  bonne  blague  de  brûler  ses  souliers  dans  le 
poêle  [37].  {LŒuvrc.) 

Minouche.  —  Petite  chatte  blanche,  apparlenant  aux  Chan- 
teau  [8].  D'une  propreté  minutieuse,  froidement  égoïste,  elle 
traverse  les  événements  avec  le  continuel  souci  de  ne  pas  se 
salir.  C'est  la  parfaite  indifférence,  opposée  aux  débordantes 
démonstrations  du  chien  Mathieu.  Quatre  fois  par  an,  elle  tire 
des  bordées  terribles,  disparaissant  des  deux  et  troisjours.  Elle 
rentre  abominable,  si  sale  qu'elle  se  lèche  pendant  une  semaine; 
puis  elle  reprend  son  air  débouté  de  princesse.  .Ses  perlées 
sont  jetées  à  l'eau  sans  qu'elle  s'en  inrjuièlc,  pensant  que  la 
maleriiilé  finit  h\  [G8j.  A  seize  an>,  elle  perd  un  peu  la  vue  [iOlJ. 


32u  LES  PERSONNAGES 

Misard.  —  Stationnaire  de  la  Compagnie  de  POuest,  à  la 
Croix-de-Maufras,enlreMaIaunay  et  Barentin.  Un  petit  homme 
malingre,  les  cheveux  et  la  barhe  rares,  décolorés,  la  figm*e 
creusée  et  pauvre.  Sa  femme,  une  cousine  de  Jacques  Lantier 
qui  l'appelle  tante  Pbasie,  garde  la  barrière  du  passage  à 
niveau.  5fisard  est  un  ancien  poseur  de  la  voie,  il  gagne  main- 
tenant douze  cents  francs  à  une  besogne  toujours  la  même 
pendant  douze  heures  :  sonner  de  la  trompe  à  chaque  tinte- 
ment électrique  annonçant  un  train,  puis  le  train  passé,  la  voie 
fermée,  pousser  un  bouton  pour  le  signaler  au  poste  suivant  et 
un  autre  bouton  pour  rendre  la  voie  libre  au  poste  précédent  ; 
il  vit  là,  mange  là,  sans  lire  trois  lignes  d*un  journal,  sans 
paraître  même  avoir  une  pensée,  sous  son  crâne  oblique. 

Silencieux,  effacé,  sans  colère,  d'une  politesse  obséquieuse 
devant  les  chefs,  cet  humble,  ce  chétif,  qui  tousse  d'une  petite 
toux  mauvaise,  empoisonne  lentement  sa  femme,  mêlant  d'abord 
une  poudre  au  sel  qu'elle  absorbe,  puis  lorsqu'elle  s'en  ^st 
aperçue,  jetant  de  la  mort-aux-rats  dans  ses  lavements.  Ce 
crime  patient  et  sournois,  commis  dans  la  continuelle  trépida- 
tion des  trains,  en  un  désert  où  nul  ne  s'arrête,  a  pour  cause 
la  convoitise  d'une  somme  de  mille  francs  qui  a  été  léguée  à 
lantePhasie  par  son.  père  et  qu'elle  a  refusé  de  remettre  à 
Misard.  Durant  des  mois  et  des  mois,  celui-ci  ne  songe  qu'àl'ar- 
geut,  fouillant  partout,  supposant  en  vain  mille  cachettes. 

Pour  s'emparer  du  trésor,  il  a  fini  par  tuer  sa  femme,  une 
grande  et  belle  femme,  une  gaillarde,  peu  à  peu  mangée  par 
lui  comme  le  chêne  est  mangé  par  Tinsecte.  Elle  est  mainte- 
nant sur  le  dos,  réduite  à  rien,  et  lui  dure  encore  [309].  Mais 
tante  Phasie  triomphe  quand  même,  Misard  reste  battu, 
retournant  la  maison,  creusant  le  jardin,  cherchant  éperdument 
le  jour  et  la  nuit,  sous  l'afToIement  de  Tidée  fixe,  et  ne  trouvant 
décidément  rien.  Une  vieille  femme  du  voisinage,  la  Ducloux, 
qu'il  a  prise  pour  tenir  la  barrière,  exploite  sa  manie,  elle  se 
fait  épouser  [408]  et,  désormais,  tous  deux  cherchent  avec  la 
même  fièvre,  tous  deux  chercheront  éternellement,  sans  que 
l'assassinée  consente  à  livrer  son  secret.  {La  Bête  humaine.) 

Misard  (Madame).  —  Voir  Phasie  (Tante). 

Morange  (Charlot).  —  Fils  de  Silvine  Moraoge  et  de 
Goliath  Sleinberg.  Rose  et  blond,  très  fort,  il  a  une  tignasse 
pâle  frisée  et  de  gros  yeux  bleus,  il  ressemble  extraordinaire- 
ment  à  son  père,  il  est  bien  de  race  germanique»  dans  sa  belle 


DES  RÛl'GON-MACQUÂRT  3Sl 

santé  d*enfance,  souriante  et  fraîche.  C'est  le  Prussien,  comme 
les  farceurs  de  Remilly  le  nomment  [168].  Il  a  trois  ans  au  mo- 
ment de  Toccupation  allemande.  Ou  lui  a  appris  une  injure  : 
cCochons,  les  Prussiens!  >  qu'il  répète  avec  obstination  [518]. 
Caché  derrière  Silvine,  sans  qu'elle  s'en  doute J*enfant  assiste 
à  la  moi*t  de  son  père,  égorgé  comme  un  porc  par  les  francs- 
tireurs  des  bois  de  Dieulet.  A  présent,  on  ne  dira  plus  que 
Chariot  est  un  Prussien,  il  sera  élevé  dans  Texécraiion  de  sa 
famille  paternelle  et  ira  peut-être  un  jour  exterminer  les  siens 
[540].  {La  Débâcle.) 

Morange  (Silvine).  —  Servante  de  ferme  à  Remilly.  Elle 
a  perdu  toute  jeune  sa  mère,  ouvrière  séduite,  qui  travaillait 
dans  une  usine  de  Uaucourt.  Son  parrain  d'occasion,  le  doc- 
teur Dalichamp,  Ta  placée  comme  petite  servante  chez  le  père 
Fouchard.  A  seize  ans,  elle  a  été  aimée  du  fils  du  maître  et, 
devant  Topposilion  du  vieux,  le  jeune  homme  s*est  engagé. 
Alors,  dans  une  minute  d'inconscience,  malade  de  chagrin, 
affaiblie  encore  par  les  larmes  de  la  séparation,  la  malheureuse 
fille  s'est  donnée  à  un  valet  de  ferme,  Goliath  Steinberg,  elle 
est  devenue  enceinte,  puis  Thomnic  a  disparu,  le  petit  Chariot 
est  né.  Mais  elle  n*a  jamais  cessé  d'aimer  Honoré  Fouchard, 
elle  ose  le  lui  écrire  trois  ans  après,  à  Theure  de  la  guerre  ; 
elle  ne  veut  pas  qu*il  meure  sans  savoir  qu'elle  n'a  jamais 
aimé  que  lui  ;  c'est  un  adieu  plein  d'une  infinie  tendresse. 

Très  brune,  Silvine  a  d'épais  cheveux  noirs  et  de  grands 
beaux  yeux  qui  suffisent  à  sa  beauté,  dans  son  visage  ovale, 
d'une  tranquillité  forte  de  soumission  [165].  Elle  est  toute 
saignante  de  Tinvasion  ;  à  Raucourt,  elle  a  vu  les  Bavarois 
ivres  de  fureur;  près  de  Villers,  elle  a  rencontré  une  femme 
de  Deaumont,  qui  fuyait  devant  eux  et  qui,  sur  la  grande  routd 
du  village,  a  assisté  au  terrible  passage  de  l'artillerie  ennemie, 
menée  d'un  train  d'enfer,  se  hâtant  dans  la  diabolique  pour- 
suite des  troupes  françaises  [i70].  Silvine  adore  son  enfant, 
elle  étreint  sur  son  cœur  le  fils  du  Steinberg  qui,  à  cette  heure 
même,  ^ruide  les  colonnes  prussiennes  à  travers  les  bois.  Une 
félicité  survient  :  Honoré  a  pardonné  sa  faute,  il  est  de  nou- 
veau à  elle,  lui  qu'elle  avait  perdu;  maintenant,  elle  mourra 
plutôt  que  de  se  le  laisser  reprendre  [1 73].  Et  quand,  le  lendemain 
de  Sedan,  elle  apprend  qu'il  a  été  tué,  c'est  ua  écroulement, 
un  besoin  fou  de  le  revoir. 

Avec  Prosper  Sambac,  elle  va  chercher  le  corps  au  calvaire 


Zi'2  LES  PEUSONNAGES 

d'Illy;  elle  traverse  la  Meuse  où  des  cadavres  passent  au  fil  de 
l'eau  ;  elie  parcourt  Cazeilles  effondré  [ilC]  ;  devant  Montivil- 
Jiers,elle  rencontre  des  tombereaux  débordanis  de  morts  [418]; 
elle  voit  à  FErmitage  les  petits  soldats  français,  tués  la  veille 
et  rangés  par  les  Prussiens  dans  des  pobcs  ridicules,  en  déri- 
sion delà  vieille  gaieté  française  [ilH];  elle  traverse  le  bois 
de  la  Garenne,  la  forêt  bombardée,  où  tant  d*hommes  sont 
tombés  fraternellemeut  avec  les  arbres  [i21];  et  elle  aboutit 
enlin  au  vrai  champ  de  bataille,  au  plateau  d'illy.  plein  d*hor- 
reur,  où  d'immondes  rôdeurs  détroussent  les  morts,  où  des 
chevaux  errants,  libres  et  affamés,  les  naseaux  couverts 
d'écume,  se  livrent  à  des  charges  furieuses,  au  travers  de  la 
campagne  vide  et  muette  [424].  Elle  retrouve  le  cher  mort,  cet 
homme  si  bon  qui  lui  a  pardonné  et  qui,  entre  ses  doigts 
cri>pés,  tient  encore  la  lettre  où  elle  lui  disait  son  amour  [430]. 
Ellerantène  le  corps  à  Hemilly,  en  passant  par  Sedan,  la  ville 
devenue  immonde,  le  cloaque  où,  depuis  trois  jours,  s'entassent 
les  déjections  et  les  excréments  de  cent  mille  hommes  [432]. 

Et  Silvine,  très  belle  dans  sa  pâleur,  avec  les  grands  yeux 
superbes  qui  éclairent  tout  son  visage,  pleure  le  seul  homme 
qu'elle  ait  aimé;  ses  lourds  cheveux  noirs  la  coiffent  comme 
d  un  calque  de  deuil  éternel  [52G].  Aussi  repousse-l-elle  farou- 
chement les  avances  de  Goliath,  revenu  avec  les  armées  alle- 
mandes; les  menaces  du  Prussien  Taffolent,  elle  le  livre  aux 
francs -tireurs  [531],  et,  la  face  rigide,  absente  d'elle-même, 
en  proie  à  l'idée  ûxe  qui  la  pousse,  elle  assiste  à  Taffreuse 
mort  de  l'espion  [537].  .\près  cette  scène  tragique,  elie  rede- 
vient la  fille  courageuse  et  soumise  de  jadis,  dirigeant  la  ferme 
ou  rai)sence  du  maître,  pendant  que  Chariot  saute  et  rit  autour 
d'elle  [542].  {La  Débâcle.) 

Morizot.  — Amateur  courant  les  salons,  où  il  fait  des  tours 
de  physique.  Il  est  amené  par  Malignon  au  bal  d'enfants  des 
Deberie[l30].  (Une  Page  d'Amour,) 

Moser.  —  Un  habitué  de  la  Bourse.  Taille  courte,  le  teint 
jaune,  ravngé  par  une  maladie  de  foie.  Se  lamente  sans  cesse, 
en  proie  à  de  continuelles  craintes  de  cataclysme,  qu'il  exprime 
de  sn  voix  aigre  et  très  aiguë  [7].  3îême  quand  les  liquidations 
sont  bonnes,  il  empoche  ses  gains  d'un  air  havre  [91].  (VAr- 
ffcnt.) 

Mouche  (Le  PÊnL).  —  De  son  vrai  nom  Michel  Fouan.  C'est 
le  troisième  enfant  de  Joseph-Casimir.  Fière  de  ia  Grande,  du 


DES  nOUCO^'-MACQUAUT  3!î3 

père  Fouan  et  de  Laure  Badeail.  Père  de  Lise  el  de  Françoise 
Moache.  Possélanl  sept  arpents  de  terre,  il  s*est  cmliarrassé 
d'une  amoureuse  qui  ne  devait  avoir  en  héritage  que  deux 
arpenti  de  vi'/ne.  Dans  ie  partage  des  biens  paternels,  on  a 
attribué  à  Miclit^l  r.inti«]ue  maison  patriarcale,  bâtie  par  un 
ancêtre,  il  y  a  trois  siècles,  et  que  la  famille  honore  d'une 
sorte  de  culte.  Veuf  jeune,  le  père  Mouche  vil  dans  une  aigreur 
de  malchanceux,  encore  humilié  de  son  mariage  pauvre,  accu- 
sant son  frète  et  la  Grande,  après  quarante  ans,  de  l'avoir  volé 
lors  du  tirage  dfs  lois;  et,  à  la  vérité,  il  est  devenu  si  raison- 
neur et  si  mou  au  travail  que  sa  part,  entre  ses  mains,  a  perdu 
de  moitié  [33].  A  soixante  ans,  gros,  court,  il  meurt  d'une 
attaque  d'apoplexie,  pendant  une  tempête  de  grcJe  dévastatrice 
qui  affole  les  paysans  et  les  jette  eu  pleine  nuit  dans  leurs 
champs,  avec  des  lanternes,  pour  constater  le  désastre  [100]. 
(La  Terre.) 

Mouche  (FuANÇoiSE)  (1).  —  Fille  cadette  de  Michel  F.»uan, 
dit  Mouche.  Orpiieline  à  quinze  ans.  Elle  a  une  petite  gorge 
dure  qui  se  forme,  une  face  allongée  aux  yeux  noirs  très  pro- 
fonds, aux  lèvre>  épaisses,  d'une  chair  fraîche  et  rose  de  fruit 
mûrissant.  Lipcau  est  très  brune,  hàlée  et  dorée  du  soleil  [5]. 
Le  grand  air  el  les  durs  travaux  n'ont  pas  eu  le  temps  de 
Fenlaidir.  Françuiso  a  le  renom  d'une  fameuse  tète,  l'injustice 
l'exaspère;  qnaml  elle  a  dit  :  ça  c'est  à  moi,  ça  c'est  à  toi,  elle 
n'en  démordrait  pas  sous  le  couteau.  Raisonnable,  très  sage, 
sans  vilaines  pensées,  seulement  tourmentée  par  un  sang 
hAtif,  ellt;  a  été  élevée  par  Lis»*,  leur  mère  étant  morte,  et 
c'est  une  aJoralion  entre  les  deux  sœurs,  on  les  rencontre  tou- 
jours ensemble. 

Lorsque  Dueaii  a  abandonné  Lise,  dont  il  était  Tamanl, 
Françoise  a  éprouvé  une  grande  antipathie  pour  lui,  -i..'  a  été 
soulevée  par  une  de  ses  révoltes  d'honnêteté,  comme  si  elle 
avait  à  venger  un  dommage  personnel  [118].  Puis,  lorsque 
Buteau  a  r«iparê  su  faute  par  un  mariage,  il  a  semblé  à  Fran- 
çoise qu'on  lui  pre.iail  sa  sœur  ;  puisque  celle-ci  est  mainte- 
nant à  un  autre,  elle  la  lui  laisse.  Au  fond,  elle  désire  Buteau 
sans  le  savoir;  sa  coicre  n'est  que  de  la  jalousie  inconsciente  ; 
mais  uniqueai.jnl  préoccupée  du  lien  et  du  mien,  elle  mourrait 


(I)  Frvif-me  Mtu'Ue,  mariée,  en  LSGT,  à  Jean  Macquari.  {Arhre 
Qénédloni'iiie  dca  Ujunon-Macmart.) 


3-2i  LES  PEUSO.NXAGES 

plutôt  que  de  partager.  Le  désaccord  s'est  accentué  entre  les 
deux  sœurs.  Duleau,  qui  les  a  désunies,  rêve  de  les  posséder 
toutes  deux,  d'être  l'amant  de  sa  belie-sœur  pour  garder  tout 
le  bien.  Et  c'est  une  longue  lutte  entre  lui  et  Françoise,  celle-ci 
résistant  à  ses  attaques  brutales,  faisant  tète  avec  une  sorte  de 
rage,  allant  jusqu'à  se  réfugier  dans  un  mariage  avec  Jean 
Macquart,  qui  Fa  possédée  par  surprise  et  qu'elle  n'aime  pas. 
car  elle  le  considère  comme  unami  très  âgé  et  bonhomme  [117]. 
Devenu  son  mari,  Jean  n'est  pour  elle  qu'un  étranger,  elle 
se  sent  bouleversée  à  chaque  rencontre  avec  Duteau  et  lorsque 
enûn,  à  vingi-trois  ans,  enceinte  de  cinq  mois,  presque  consen- 
tante au  viol,  elle  subit  l'étreinte  du  mâle  si  longtemps  repoussé, 
elle  est  emportée  dans  un  spasme  de  bonheur  aigu,  elle  serre 
Butcau  à  rétouITer,  en  poussant  un  grand  cri.  La  mort  vient 
alors,  dans  un  meurtre  lâchement  conçu  par  Lise,  et,  gisante, 
le  flanc  troué,  assassinée  par  les  siens,  Françoise  conserve  dans 
Tagonie  son  profond  sentiment  de  la  famille,  plus  fort  que  le 
besoin  de  vengeance.  Dans  son  idée  puérile  et  têtue  de  la  jus- 
tice, elle  ne  veut  pas  laisser  la  terre,  la  maison,  à  son  mari,  à 
l'homme  venu  d'ailleurs  et  qui  n'a  fait  que  traverser  son  exis- 
tence, en  passant  [453].  Elle  meurt  silencieuse,  ainsi  qu^une 
béte  terrée  au  fond  de  son  trou  [457].  (La  Terre.) 

Mouche  (Lise).  —  Sœur  aînée  de  Françoise.  Fille  de  la 
Vierge,  elle  est  enceinte  des  œuvres  de  son  cousin  Buteau» 
Grasse  et  ronde,  la  mine  gaie,  Lise  est  grande,  elle  a  l'air 
a;;réable,  malgré  ses  gros  traits  et  la  boufûssure  commençante 
de  toute  sa  personne.  Plus  âgée  de  dix  ans  que  Françoise,  elle 
apporte  à  la  besogne  un  tel  cœur,  tapant,  criant,  riant,  qu'elle 
réjouit  la  vue.  Le  petit  Jules  a  près  de  trois  ans,  lorsque 
Duteau,  longtemps  réfractaire  au  mariage,  est  séduit  par  une 
opération  de  t<'rrains  qui  avantage  les  sœurs  Mouche  ;  il  se 
décide  à  épouser  Lise. 

De  uouveuu  enceinte,  celle-ci  accouche  le  jour  de  la  Saint- 
Fiacre,  en  même  temps  que  la  Coliche  [248],  et  la  femme  oublie 
ses  propres  douleurs  pour  s'intéresser  au  travail  de  la  vache. 
Depuis  qu'un  homme  est  là,  avec  ses  volontés  et  ses  appétits 
de  mâle,  une  haine  lente,  inconsciente,  s'est  levée  entre  Lise 
et  Françoise.  Plus  Tainée  a  grossi,  plus  elle  t'est  tassée  dans 
sa  graisse.  s<itislaile  de  vivre,  d'une  gaieté  d'égoïsme  rapace, 
ramenant  à  elle  la  joie  d'alentour  [301].  Comme  Duteau  devient 
brutal  et  qu'il  casse  tout  lorsqu'il  est  repoussé  par  Françoise,^ 


DES  «OUr.ON-MACQUAnT  325 

Lise  voudrait  voir  sa  sœur  céder;  son  unique  désir  est  d'être 
lieureuse,  môme  au  prix  d'un  partage.  Puis,  rageant  de  voir 
son  mari  s'échauQer  inutilement  auprès  de  la  jeune  fille,  elle 
prend  en  exécration  ce  joli  corps  qui  se  refuse,  elle  voudrait 
que  r>uteuu  abîme  tout  ça  [«^oO],  et  c'est  dnns  ce  sentimen 
qu'elle  aide  plus  tard  au  viol,  espérant  aussi  queDuteau  pourra, 
par  un  rite  convenu,  détruire  Tenfant  que  la  femme  de  Jean 
porte  en  elle.  Mais  dans  K*  cœur  qu'il  y  mettait,  Duteau  a. tout 
oublié.  Et  une  jalousie  éclate  tout  à  coup  en  Tàme  de  Lise,  une 
jalousie  qui  porte  moins  sur  l'acte  que  sur  tout  ce  qu'il  a  fallu 
partager,  dès  la  naissance,  avec  cette  sœur  maudite.  Elle 
hait  Françoise  d'être  plus  jeune,  plus  fraîche,  plus  désirée» 
et,  dans  un  paroxysme  de  colère,  elle  la  cuihute  de  toute  la 
force  de  ses  poignets  sur  une  pointe  de  faux  [147].  Le  crime 
reste  impuni,  grùce  au  silence  volontaire  de  la  victime.  Lise 
aide  ens  liie  à  l'assassinat  du  père  Fouau.  {La  Terre.) 

Moulin.  —  Sous-chef  de  gare  au  Havre,  collègue  de  Rou- 
baud  [l'l\.[La  Bcic  humaine.) 

Moulin  (Mahame).  —  Femme  du  sous-chef  de  gare.  Petite 
personne  timide  et  frêle,  qu'on  ne  voit  jamais  et  qui  a  un 
enfant  tous  les  vingt  mois  [85].  {La  Bc te  humaine.) 

Moumou.  —  l'ne  des  bêtes  préférées  de  Désirée  Mouret  ; 
c'est  un  gros  chat  noir  qui  lèche  avec  douceur  le  menton  de  sa 
maîtresse  [340].  (La  Faute  de  Vabbé  Mouret.) 

Mounier.  —  Ténor  de  l'Opéra.  Donne  la  réplique  à  une 
cantatrice  mondaine,  madame   Daigremont  [309].   {VArgent.) 

Mouque.  —  Père  de  Mouquet  et  de  Mouquette.  Court,, 
chauve,  ravagé,  mais  resté  gros  quand  môme,  ce  qui  est  rare 
chez  un  ancien  mineur  deciujjuanleans  ;  a  été  gardé  au  Voreux 
comme  palefrenier.  La  Compagnie  l'a  logé  dans  les  ruines  de 
liéquillard,  pleines  de  trous  perdus  où  les  galants  culbutent  les 
lilles;  le  p<Tc  Mouque  achève  ainsi  de  vieillir,  au  milieu  des 
amours  [|:V.)].  11  chique  à  un  tel  point  que  ses  gencives  saignent 
dans  sa  boiiclie  noire  [^rl].  Chaque  soir,  il  reçoit  la  visite  de  son 
vieux  camarade  DonneDiort  [lil].  {Germinal.) 

Mouquet.  —  Moulincnr  au    Voreux.  Petit  et  i:ros  comme 
son  père,  le  vieux  Mou'jue,  il    a  le  nez   elTrontê  d'un   gaillard 
I  «pli  mange  tout,  sans  nul  souci  du  lendemain  [08j.  C'est  Tinsé- 

parable   ami  de  Zacharie  3Iaheu.  Venu  en  curieux,  pendant  la 
|:rève,  à  la  fosse  gardée  mililairemenl  et  assaillie  par  les  gré- 


dâC  LES  PERSONNAGES 

TisteSyil  est  tué  par  une  balle  qui  lui  entre  dans  la  bouche  [488]. 
(Germinal.) 

Mouquette.  —  Une  hercheuse  de  dix-huit  ans,  bonne 
fille  dont  la  gorge  et  le  derrière  énormes  crèvent  la  veste  et 
la  culotte.  Elle  habite  avec  son  père  et  son  frère,  dans  les 
ruines  de  Kéquillart.  Au  milieu  des  blés  en  été,  contre  un 
mur  en  hiver,elle  se  donne  du  plaisir  avec  son  amoureux  de  la 
semaine;  toute  la  raine  y  passe,  une  vraie  tournée  de  cama- 
rades, sans  autre  conséquence.  On  ne  la  fâche  qu*en  lui 
attribuant  des  amours  extérieures;  elle  se  respecte  trop  pour 
aller  avec  un  autre  qu*un  charbonnier  [29].  Le  lundi,  lors- 
qu'elle est  lasse  des  farces  du  dimanche,  elle  se  donne  un  vio- 
lent coup  de  poing  sur  le  nez,  quitte  sa  taille  sous  prétexte 
d'aller  chercher  de  Teau,  et  vient  se  réfugier  à  l'écurie,  dans 
la  litière  chaude  [62]. 

Pour  la  iMouquette,  la  suprême  expression  du  dédain  consiste 
à  montrer  son  derrière  ;  pendant  la  marche  des  grévistes  au 
travers  des  fosses,  elle  le  présente,  énorme  et  nu,  aux  bour- 
geois de  Montsou  et  quand  l'émeute  gronde  autour  du  Voreux, 
quand  les  soldats  chargent  leurs  fusils,  elle  leur  crache  d'abord 
tous  ses  gros  mots,  puis,  n'ayant  plus  que  cette  nouvelle 
offense  à  bombarder  au  nez  de  la  troupe,  elle  lui  montre  son 
cul  [483].  Peu  sentimentale  de  nature,  la  Mouquette  s'est  éprise 
pourtant  d'I^ltienne  Lanlier  [286];  c'est  une  très  courte  liaison 
qu'Etienne  rompt  bientôt,  car  il  est  hanté  par  son  amour  pour 
Catherine  Maheu.  Celle-ci  est  sauvée  le  jour  de  l'émeute  par  la 
Mouquette  qui,  d'un  mouvement  instinctif,  s'est  jetée  devant 
elle  en  lui  criant  de  prendre  garde.  La  bonne  fille  reçoit  deux 
balles  dans  le  ventre,  elle  s'étale  sur  les  reins  et,  mourante, 
elle  hoqueté  sans  cesser  de  sourire  à  Catherine  et  à  retienne, 
comme  si  elle  était  heureuse  de  les  voir  ensemble,  maintenant 
qu'elle  s'en  va  [488].  (GerminaL) 

Mouret  (l).  —  Était  ouvrier  chapelier  dans  un  faubourg 
de  Plassans  lorsqu'il  s'est  épris  d'Ursule  Macquart,  frêle  et 
blanche  comme  une  demoiselle  du  quartier  Saint-Marc.  Il 
réponse  en  1810,  faisant  un  mariage  d'amour,  ne  demandant 
pas  un  sou  de  dot  et  il  emmène  sa  femme  à  Marseille  oî^il  va 
travailler  de  son  étal  [60],  Lorsque,  cinq  ans  après,  .\nloine 


(1)  Mouretf  ouvrier  chapelier^  bien  portant  et  pondéré,  mcrié  à 
Ursule  Macqua'^t.  {Arbre  généalogique  des  Rovgon-MaC'^uart.) 


DES  KOUGON-MACQUAUT  357 

Macquart  vient  lui  demander  son  concours  contre  Pierre 
RougOQ  qui  s*est  approprié  le  patrimoine  maternel,  Mouret 
conserve  son  attitude  désintéressée  et  se  refuse  à  tout  démêlé 
avec  la  famille.  11  8*est  établi  rue  des  Petites-Mariés,  a  trois 
enfants,  Hélène,  François  et  Siivère,  perd  en  1840  sa  femme 
qu'il  adorait  et,  terrassé  par  le  coup,  se  traîne  encore  un  an, 
ne  s'occupant  plus  de  ses  affaires,  perdant  Targent  qu*ii  avait 
amassé.  []n  matin,  on  le  trouve  pendu  dans  un  cabinet  où 

I  étaient  encore  accrochées  les   robes  d'Ursule  [160].    {La  For- 

I  tune  des  Bougon.) 

Mouret  (Madame  Ursule).  —  Voir  Macquart  (Ursule). 

Mouret  (Désirée)  (1).  —  Troisième  enfant  de  François 
Blouret  et  de  .Marthe  Rougon.  Sœur  d'Octave  et  de  Serge.  Née 
en  18 U  a  Plassans  [ICI].  (La  Fortune  des  Bougon.) 

A  quatorze  ans,  forte  pour  son  âge,  clic  a  un  rire  de  petite 
fille  de  cinq  ans.  C'est  une  innocente  [16]  qui  n'aime  que  les 
bêtes  et  ne  se  porte  bien  que  chez  sa  nourrice,  où  elle  vit  dans 
la  basse-cour  [95].  Marthe  qui,  avant  son  détraquement  reli- 
gieux, aimait  tendrement  cette  petite,  la  néglige  de  plus  en 
plus  [185]  et  finit  par  la  prendre  en  grippe  [:235],  au  point 
qu'un  matin,  Mouret  ramène  l'enfant  à  Saint-Eutropc,  chez  sa 
nourrice.  {La  Conqunte  de  Plassans,) 

Orpheline  en  1864,  Désirée  est  recueillie  par  son  frère  Serge 
qui,  après  le  séminaire,  est  devenu  curé  des  Artaud.  A  vingt- 
deux  ans,  rinnocente  est  une  forte  fille,  aux  cheveux  noirs 
noués  puissamment  derrière  la  nuque,  à  l'air  enfant,  aux 
pensées  puériles,  que  la  Teuse  couche  tous  les  soirs  en  lui 
racontant  des  histoires  pour  l'endormir.  Passant  ses  journées 
parmi  les  hétes  dont  elle  est  la  fraternelle  amie,  son  grand 
coq  fauve  Alexandre  qui  commande  la  basse-cour,  sa  chèvre, 
ses  lapins,  son  cochon  Mathieu,  sa  vache  Lise,  adorant  les 
oiseaux,  protégeant  même  les  fourmis  qui  ont  envahi  l'église, 
elle  vil  heureuse,  le  cerveau  vide,  sans  curiosité  dépravée, 
goûtant  dans  le  pullulement  qui  l'entoure  toutes  les  joies  de  la 
fécondité,  devenant  une  belle   bête  fraîche,  blanche,  au  sang 


(Ij  Désirée  Mouret,  née  en  18ii.  (Élection  de  la  mère.  Ressem- 
blanc  ;  phy5i«juc  de  la  m»''re.  Hêréililé  d'une  névrose  se  tournant  en 
inibécillilêl.  Vit  encore  à  Saiut-Eutrope,  arec  non  frère.  {Arhre 
nénénîomnue  des  Roiuion-Macnuarl.s    ' 


( 


I 


328  I.ES  PtUSON.NAGtS 

ro<e,  à  la  peau  fine  [68J.  L'oncle  Pascal,  qui  éludie  les  Rougon- 
Macquarl  t\  leurs  inslincls  si  difficiles  à  assouvir,  diique  cVst 
Désirée  qui  a  eu  le  plus  de  chance  [17].  (La  Faute  de  Vabbé 
Mount.) 

Eilc  a  suivi  son  frère  à  Saint-Eulrope,  où  il  est  devenu  curé, 
et  elle  reste  innocente  el  saine  comme  unejeune  bête  heureuse 
[122].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Mouret  (François)  (1).  —  Fils,  aîné  d'Ursule  Macquîirl  el 
du  chapelier  Mourel.  Frère  d'Hélène  et  de  Silvère.  Père  d'Oc- 
tave, Serge  et  Désirée.  Né  à  Marseille  en  1817.  Grande  ressem- 
blance physique  avec  sa  mère  cl  avec  l'aïeule  Adélaïde  Fouque; 
lieiit  de  son  père  un  cerveau  étroit  et  juste,:  aimant  dinsiinct 
h  vie  réglée.  C'esl  un  garçon  paisible  et  méticuleux,  un  peu 
lourd  de  sang.  Il  a  reçu  une  bonne  éducation  commerciale  tl, 
après  la  mort  de  son  père,  en  ISiU,  a. quitté  Marseille  et  est 
entré,  à  titre  de  rommis,  chez  son  oncle  Pierre  llougon,  à  Plas- 
sans.  Trois  mois  après,  François  épouse  sa  cousine,  Marthe 
r«ou.::on,  avec  qui  il  a  une  grande  ressemldance  physique  el 
une  grande  dissemblance  morale.  De  1840  à  18i4,  :es  deux 
époux  ont  trois  enfants;  quand  Pierre  Piougon  se  rtiirc,  en 
ItSî',  ils  refusent  de  prendre  le  fonds  el  vont  s'établir  a  Mnr- 
S'.illc.   avec  quelques  économies    [161].     (La    Fort if ne  des 

liOH'/On.) 

En  quinze  ans,  François  a  gagné  une  fortune  dans  le  com- 
iiHjrce  lies  vins,  des  huiles  et  des  amandes  [o3].  Il  se  relire 
av..c  sa  femme  et  ses  enfants  à  Plassans,  où  il  a  acheté  rue 
L  ilan.U  une  maison  avec  grand  jardin,  attenant  en  haut  à  la 
sous-préfeclnre,  en  bas  à  la  propriété  de  M.  Piastoil.  A  qua- 
r.nt'-cinq  ans,  Mourel,  sous  son  épaisseur  de  négociant  retiré, 
a  conservé  un  esjiril  lin  et  frondeur,  il  tyrannise  sou  entourage 
['  rues  iroùls  d'ordre  minutieux  ;  ses  instincts  d'homme  rangé 
le  porU;il  à  l'avarice. 

Fo:  l  Leurcux,  niailre  chez  lui,  concluant  encore  dos  alfaires 


!i  Iiiif'.ifi  Mourel,  ne  cn  1817;  cpous",  eii  ISi'K  >«j  routine 
j,'  ;  <'."j  liHi'j'jn.  donl  il  a  trois  e}iftuils\  non  ri  fou,  t'n  iS'-i.  li'ins 
v.  \t\  tf  ie  luhnnc jntr  lui.  tlcclion  du  )••  rc.  lîcs^cmblan  «^  j  ysi  jii»' 
«!■.•  ]  n."  re.  1  raiiçois  it  Mi.illic,  les  «l«;i:x  é|i'>u\,  se  rc-soi:;t^I'-'î:t}. 
M'!i.>>t,.  '  //»_•  /•///  r,)  fjruc,  fitds  rentier.  lArhn'  ijt')i('ali>fjt'i-fe  'les 
Il'jr'j  'j<-MtU',uiirl.) 


DES  nOUGON-MACQUAin* 


3*y 


pour  le  plaisir  ["IS],  il  s'avise  un  jour  que  deux  chambres  du 
second  ûtnge  lui  sont  inutiles  et  il  les  loue  :\  un  prêtre,  l'abbé 
Faujns,  qui  bientôt  va  s*eniparer  de  la  maison  tout  entière,  fai- 
sant d'elle,  entre  les  deux  sociétés  qu'elle  sépare,  le  quartier 
général  de  ses  manœuvres.  Dés  lors,  Mouret  a  perdu  sa  belle 
tranquillité  égoïste.  Habilement  circonvenu  par  Faujas,  il  le 
laisse  pénétrer  dans  son  foyer,  s'habitue  aux  parties  de  piquet 
avec  la  mère  de  l'abbé  [9^],  voit  peu  ù  peu  Marthe  lui  échapper 
sans  avoir  l'énergie  de  la  reprendre.  Il  se  console  on  la  criblant 
de  plaisanteries,  puis  s'irrite  contre  la  prétraille  [ill'];  mais 
au  fond,  il  est  faible  comme  un  enfant  et  en  arrive  à  loui  sup- 
porter [1*28],  s\ittachant  à  ne  pas  laisser  deviner  sa  détresse, 
cachant  soigneusement  ses  émotions  [UO],  refusant  de  livrer 
les  secrets  de  son  ménage  perdu  [It»"»]. 

Tout  craque  autour  de  lui,  Marthe  vit  enfoncée  dans  son  rêve, 
l'aîné  Octave  ^^àle  sa  jeunesse  à  Marseille  [I8ij,  Serge  s'est 
réfugié  au  séminaire,  Désirée  est-presque  idiote,  la  vieille  ser- 
vante Dose  e>t  devenue  grondante  et  hostile,  les  Faujas  et  les 
Trombe  eiilin  se  partagent  la  maison.  Cette  lente  expro- 
}riation  écrase  Mouret.  11  se  concentre  dans  des  silences  mornes 
!225],  vit  oublié  à  sa  propre  table  [-1:2],  s'enferme  pendant  des 
leures  au  premier  étagf^  où  il  reste  les  bras  ballants,  la  tète 
blanche  et  fixe,  le  regard  perdu  [iôo]. 

Mais  toi  homme  inollensif  tient  encore  trop  de  place,  sa 
seule  présence  excède  Marthe,  il  gène  les  Tronche  qui  révent 
d'être  les  seuls  maîtres,  Félicité  Dougon  voit  dans  cet  opposant 
aimé  des  petits  bourgeois  et  des  faubourgs  un  danger  pour  les 
élections  imminentes.  Et  tous  ces  appétits  qui  souillent  détra- 
quent l'esprit  alfaibli  de  Mouret,  une  légende  habilement 
répandue  montre  en  lui  un  monomane  dangereux;  on  l'enferme 
enlin  aux  Tuleltes.  à  deux  pas  de  l'aïeule  Adélaïde  Fouque, 
et  bieniôl  il  devient  complètement  fou  {3ti:2]. 

Lâché  un  soir  par  le  gardien  Alexandre,  complice  d'Antoine 
.Macquni  t,  il  court  à  Plassans,  rentre  dans  son  jardin  dévasté, 
dans  sa  maison  au  pillage,  découvre  les  Trouehe  vautrés  sur 
son  lit  et  appelh;  en  vain  Marthe  et  Us  enfants  disparus.  Alors, 
plein  d'un»'  fureur  homicide,  il  décide  de  tout  détruire  ;  avec 
une  ellroyalde  lucidité,  il  dresse  silencieusement  des  bûchers 
et  il  allume  en  pleine  nuit  un  terrible  incendie  où  tout  llambe, 
la  maison  s'.i  bal  tant  sur  le  fou,  sur  les  Trouche,  sur  les  Faujas, 
au  njilieu  d'une  poussière  d'étincelles  [oS.')].  {La  Comjui'lc  de 
Plassans.) 

-6. 


3J0  LES  PERSONNAGES 

Mouret  (Madame  Fhançois).  —  Voir  RoicoN  (Marthe). 

Mouret  (Hélène)  (J).  —  Deuxième  enfant  du  chapelier 
.Mouret  el  d'Ursule  Macquart.  Née  à  Marseille  en  lb2i,  devient 
orpheline  en  1840.  Sœur  de  François  el  de  Silvcre.  {La  For- 
tune des  Rougon.) 

Grandjean,  son  prenoîer  mari,  plus  âgé  qu'elle  de  six  ans, 
sVst  pris  d'un  grand  amour  pour  cette  belle  jeune  fille  qui 
avait  alors  dix-sept  ans  cl  habitait  avec  son  père  à  Marseille. 
Les  Grandjt.'an,  riches  bourgeois  exaspérés  de  la  pauvreté 
d'Hélène,  ont  rompu  avec  le  jeune  ménage  qui  végète  longtemps 
et  vivra  enfin  à  l'aise,  grâce  à  dix  mille  francs  de  rente,  légués 
par  un  oncle  du  mari.  Mais  Grandjean,  venu  à  Paris  avec  sa 
femme  el  son  enfant  pour  s'y  fixer,  est  enlevé  par  une  brusque 
maladie.  Les  seuls  amis  qu'Hélène  ail  à  Paris,  l'abbé  Jouve  et 
Piambaud,  rinstallent  avec  sa  fillette  Jeanne,  dans  le  quartier 
de  Passy,  sur  les  hauteurs  du  Trocadéro,  d'où  elle  contemplera 
Paris,  l'océan  humain  sans  bornes  et  sans  fond. 

A  vingt-huit  ans,  grande,  magnifique,  d'une  beauté  correcte, 
Hélène  est  une  Junon  châtaine,  d'un  châtain  doré  à  reflets 
blonds  [13].  Elle  a  des  yeux  gris  à  transparence  bleue,  des 
dents  blanches  qui  lui  éclairent  toute  la  face,  un  menton  rond 
un  peu  fort.  Saine  et  chaste,  avec  un  air  grave  et  bon,  c'esi 
une  nature  droite,  à  sang  calme.  Elle  vil  dans  une  paix  très 
douce,  cousant  des  layettes  pour  les  pauvres  de  l'abbé,  le  rece- 
vant à  dincr  tous  les  mardis  avec  le  bon  Rambaud,  n'ayant 
d'autre  sortie  qu'une  promenade  quotidienne  de  deux  heures 
au  Dois  de  Doulognc,  avec  sa  fille,  enfant  délicate  et  nerveuse 
qui  lui  a  voué  une  adoration  jalouse. 

Hélène  a  perdu  depuis  dix-huit  mois  son  mari  qui  l'adorait, 
mais  pour  qui  elle  n'eut  jamais   qu'une  amitié  calme,    lors- 
qu'une crise  maladive  de  Jeanne  la  met  en  présence  du  docteur 
l)eberle.  Portée  d'abord  par  un   élan  de  reconnaissance  vers. 
celui  qui  a  sauvé  son  enfant,  rapprochée  de  lui  par  de  com- 

(1)  Hélène  Mouret,  née  en  J82i  ;  épouse  en  1811,  Grandjeati,  chétif 
el  prédisposé  à  la  phtisie  ;  en  a  une  fille  en  18-i3  ;  perd  son  mari 
d'tine  bronchite  en  I8ô3;  se  remarie,  en  1857,  avec  M.  Rambaud, 
dont  elle  n'a  pas  d'enfants.  (Inncité.  Combinaison  où  se  confondent 
les  caractères  physiques  et  moraux  des  parents,  sans  que  rien  d'eux 
semble  se  retrouver  dans  le  nouvel  être.'.  Vit  encore  à  Marseille 
ai ec  son  second  mari.  {Arbre  généalogique  des  Rougon-Macquart.) 


DES  nOUGON-MACQUART  331 

rounes  TÎsitcs  chez  une  pauvresse,  la  mère  Fétu,  puis  entrée 
dans  rintimitê  des  Debcrlc,  elle  se  prend  pour  le  docteur  d'un 
profond  amour,  le  premier  amour  de  sa  vie,  qu'elle  rêve 
d*abord  chaste,  mais  qui,  bientôt,  la  jettera  dans  les  bras 
de  Henri,  frémissante,  oubliant  un  instant  sa  fille,  ne  soup- 
çonnant pas  le  i  r:  ibie  mal  qui  va  emporter  Tenfant. 

La  fin  tragique  de  Jeanne,  cette  mort  muette  sans  une 
plainte,  ce  masque  sombre  et  sans  pardon  de  fille  jalouse  [382], 
ébranle  violemment  Hélène  et  déchire  dans  sa  vie  la  page 
d*amour  à  peine  commencée.  Fidèle  aux  conseils  de  Tabbé 
Jouve,  elle  épouse  plus  tard  le  fidèle  et  paternel  Hambaud  qui 
l'emmène  à  Marseille  et  quand,  revenue  deux  ans  apvt's  au 
cimetière  de  Passy,  sur  la  tombe  de  Jeanne,  elle  apprend  ?a'un 
autre  enfant  est  né  aux  Deberle,  cette  fin  mélancolique  la  laisse 
sans  colère;  le  cœur  muet,  les  sens  pleins  de  sérénité.  (Une 
Page  d* Amour,) 

Elle  vit  de  longues  années,  très  heureuse,  très  à  l'écart, 
idolâtrée  de  Rambaud,  dans  la  petite  propriété  qu'ils  possèdent, 
près  de  Marseille,  au  bord  de  la  mer  [129J.  {Le  Docteur 
PascaL) 

Mouret  (Octave)  (I).  —  Fils  aîné  de  François  Mouret  et 
de  Marthe  Rougon.  Frère  de  Serge  et  de  Désirée.  Né  en  1840 
à  Plassans  [161].  {La  Fortune  des  Rougon.) 

A  dix-neuf  ans,  il  s'est  fait  refuser  trois  fois  au  baccalauréat. 
C*est  un  garçon  gai,  bien  portant,  toujours  le  nez  en  l'air,  sou- 
riant sous  les  reproches  [15].  Comme  il  flâne  dans  la  ville  de 
Plassans,  où  ses  parents  se  sont  retirés,  on  Tenvoie  à  Marseille 
pour  apprendre  le  commerce  [145].  Il  mène  là-bas  joyeuse  vie, 
criblé  de  dettes,  cachant  des  maltresses  dans  ses  armoires  [184]. 
{La  Conquête  de  Plassans.) 

Après  la  mort  tragique  de  ses  parents,  Serge,  qui  va  entrer 
dans  les  ordres,  renonce  en  faveur  d*Octave  à  sa  part  de  la 
fortune  paternelle  [25].  {La  Faute  de  Vabbé  Mouret.) 

(1)  Octave  Mouret,  né  en  \H iO;  épouse,  en  \%o,  madame  lïèdouin, 
qu* il  perd  la  même  année;  se  remarie,  en  1809,  avec  Denise  Daudu, 
saine  et  équilibrée,  dont  il  a  deux  enfantft,  une  fille  et  un  garçon, 
trop  jeunes  encore  pour  être  classés.  (Élection  du  pète.  Ressemblance 
physique  de  son  oncle,  Eugène  Kougon,  hérédiU'  indirecte].  Fon- 
dateur et  directeur  des  qrands  magasins  :  Au  Bonheur  des  Dames, 
Vit  encore  à  Paris.  {Arbre  généalogique  des  Flougott-Macquart.) 


C3-2  LES  PERSONNAGES 

Il  est  membre  du  conseil  de  famille  de  sa  cousine  Pauline 
Queiiu  [2G]  el  consent  à  rémancipalion  [117].  (Lt  Joie  de 
vicre,) 

Octave  Gisl  venu  fi  Paris,  très  décidé   à  y  faire  fortune.  11  est 
grand,  Jirun,    beau   {,'arçon,   il  a  les  moustacbes  et  la  barbe 
so'^nées,  une  belle  main  aux  ongles  taillés  correctement.  Avec 
ses  veux   couleur  de  vieil  or,   d'une  douceur  de    velours,   et 
malgré  ses    larg<.*s   épaules,   il  est  femme,  il  a  un  sens  des 
femmes  qui  loi.t  de  suite  le  met  dans  leur  cœ*ir.    C'est  une 
possession  lente,  par  dos  paroles  dorées  cl  des  regards  adula- 
teurs [li],  et,  sous  son  air  d'adoration  amoureuse,  c'est  aussi 
un  fond  de  brutalité,  un  dédain  féroce  [il].  Les  stériles  années 
de  Marseille  Tcnt  révélé  à  lui-même,    e  commerce  de  luxe  de 
la  femme  le  passionne,  ses  facultés  vont  s'élargir  au  contaci 
de  Paris,  il  concevra  vite  l'idée  de  grands  comptoirs  modcrrse? 
écrasant  l'ancien   commerce,  se  développant   sous  des  coups 
d'audace.  Mais  avant  tout,  il  est  bien  décide  à  parvenir  par  les 
femmes.  Ses  premières  tentatives  sont    médiocres;    plusieurs 
mois  de  patientes  manœuvres,  dans,  l'immeuble   Vaitre  où  il 
habite,  rue  de  Cboiseul,  n'ont  fait  de  lui  que  l'amant  de  l'in^i- 
guitiaiîle  Marie  Pichon;  puis   il  a  possédé    Derlhe  Vabre,  la 
femme  de  son  patron,  bourgeoise  en  qui  sa  gloriole  de  provin- 
cial  voyait  une  jolie  créature  de  luxe  et  d<*  grâce  et  qui  n  a 
été  «ju'une  maîtresse  vénale,  trop  chère  à  sa  bourse  de  méri- 
«îioiia!  avare.  Eiilin,  la  chance  le  favorise  et,  en  18G5,  il  épi-.ù- 
madame  Caroline  liédouin,  la  fille  des  fondateurs  du  Bonheur 
des  iKimes,  une  commerçante  avisée  qu'il  a  séduite  par  «os 
seules  fa<ultt''S  manhandes  et  grâce  à  qui  il  va  enlin  conquérir 
Parii.[lU-2J.  {Pot'BoiiiUe.) 

Dientùt  veuf,  seul  héritier  de  la  belle  fortune  de  sa  femme, 
il  coiiliiiue  les  agrandissements  commencés  par  madame 
Héiouin.  Le  lloi.heur  des  Dames  menace  maintenant  d'envahir 
tout  If  quartier.  Mourct  s'est  jeté  dans  la  spéculation  avec  un 
tel  faste,  un  besoin  tel  du  colossal  que  tout  5vml»!e  devoir 
cr;i'|u».'r  sous  lui;  au  milieu  de  l'eifaremcnt  général,  il  a  déve- 
loj.pé  daiigereu-emenl  ses  magasins,  avant  de  pouvoir  compter 
sur  une  augmentation  sufllsante  de  clientèle;  chaque  mise  en 
v'.'iiie  e>t  un  coup  de  carte,  où  il  met  tout  l'argonl  de  la  caisse  ; 
il  emplit  les  conq)toirs  d'un  entassement  de  marchandises,  sans 
^aidor  un  sou  de  réserve;  toujours  il  s'agit  de  vaincre  ou  de 
mourir.  Et  dans  celle  lutte  qui  fait  frémir  les  timorés  comme 


l)tS  nOlGON-MACQLAKl  3:]^ 

Dourdoncle,  Mourct  garde  une  gaieté  triomphante,  une  certitude 
des  milJions,  en  homme  adoré  des  femjues  et  qui  ne  peut  être 
trahi  [il].  Quand  il  a  des  accès  de  brusque  franchise,  il  se 
déclare  au  fond  plus  juif  que  tous  les  juifs;  il  tient  de  son 
père,  un  gaillard  qui  connaissait  le  prix  des  sous  et  auquel  il 
ressemble  physiquement  et  moralement;  et  sa  fantaisie  ner- 
veuse lui  vient  de  sa  mère,  il  y  voit  le  plus  clair  de  la  chance 
qui  le  pousse,  la  force  invincible  de  sa  grâce  à  tout  oser. 

-Sa  conception  du  nouveau  commerce  des  nouveautés  est 
basée  sur  le  renouvellement  continu  et*  rapide  du  capital  [88], 
sur  la  puissance  décuplée  de  Tentassement  [80],  le  prestige  de 
la  marque  en  chilTres  connus,  (|ui  rassure  les  gens  et  étale  la 
concurrence  sous  les  yeux  mêmes  du  public  [00],  l'annonce 
retentissante  de  ventes,  à  perte,  qui  fouette  Tàpreté  de  lu 
cliente  et  double  sa  jouissance  d'ncheteaise,  car  elle  croit  voler 
ie  marchand  [97 J.  Tout  le  systèitie  aboutit  à  une  féroce  exploi- 
tation de  la  femme,  séduite  et  détraquée,  payant  d'une  goutte 
de  sang  chacun  de  ses  caprices  [9^]. 

Entre  ses  commis,  Mourct  a  créé  une  lutte  pour  l'existence, 
dont  il  bénéficie;  cette  lutte  est  sa  formule  favorite,  le  prin- 
cipe d'organisation  qu'il  applique  constamment;  avec  sa 
guelte,  il  lùche  les  passions,  met  les  forces  en  présence, 
laisse  les  gros  manger  les  petits,  et  s*engraisse  de  celte  bataille 
des  intérêts.  Il  a  créé  une  dualité  entre  les  chefs  de  rayon  qui. 
louchant  leur  lant  pour  cent  sur  le  chiffre  d'affaires,  poussent 
àprcmenl  à  la  vente,  et  les  intéressés  qui,  eux,  touchent  sur  le 
bénéfice  total  et  empochent  l'avilissement  des  prix  [IG]. 

Plein  de  la  passion.de  son  époque,  il  raille  Paul  de  Valla- 
gnosc  et,  avec  lui,  les  désespérés,  les  dégoûtés,  les  pessi- 
mistes, tous  ces  malades  de  nos  sciences  commençantes,  qui 
prennent  des  airs  pleureurs  de  poètes  ou  des  mines  pincées  de 
sceptiques,  au  milieu  de  l'immense  chantier  contemporain  [80]. 
Chaque  luaiin,  même  après  les  nuits  de  fêle,  Mourel  est  là, 
solide,  l'ail  vif,  la  peau  fraîche,  tout  à  la  besogne,  comme  s'il 
avait  passé  dix  heures  dans  son  lit.  Il  gouverne  tout,  avec  le 
concours  lîe  se.>  inlêressès,  des  commis  qu'il  a,  au  début, 
décidés  à  înelire  de  l'argent  dans  la  maison,  (jui  forment 
quebjue  chose  comme  un  conseil  des  njinislres  sous  un -roi 
absolu  et  veillent  chacun  sur  une  province.  Devant  la  femme, 
il  affecte  des  e.\lases,  reste  ravi  et  c;\!in.  emporté  continuelle- 
ment dans  lie  nouvelles  amours,  cl  ses  coups  de  cœur  sont 
comme  une  réclame  à  sa  vente,  on  dirait  qu'il  envelop(»e  tout 


33i  LES  PERSONNAGES 

le  sexe  de  la  même  caresse,  pour  mieux  Tétourdir  et  le  garder 
à  sa  merci.  D'ailleurs,  il  garde  son  ancien  fond  de  brutalité; 
quand  les- femmes  Tauront  aidé  à  faire  sa  fortune,  il  compte 
bien  les  jeter  toutes  par  terre,  comme  des  sacs  vides  [40]. 
Sans  vains  scrupules,  il  a  demandé  à  sa  maîtresse,  Henriette 
Desforges,  de  le  présenter  au  baron  Hartmann,  il  a  séduit  le 
grand  fmancier  et  obtenu  par  lui  le  concours  du  Crédit 
Immobilier. 

L'alTiiire  devient  alors  formidable  ;  elle  englobe  tout  le  pâté 
de  maisons,  Tilot  compris  entre  les  rues  de  la  Micbodière, 
Saint-Augustin,  Monsigny  et  la  future  rue  du  Dix -Décembre, 
sur  laquelle  s'ouvrira  plus  tard  une  façade  majestueuse.  Le 
Bonheur  des  Dames  emplit  le  quartier  de  ruines,  détruisant 
tout  le  petit  commerce,  dépouillant  les  entêtés  comme  Bourras, 
tuant  les  Baudu  et  les  Robineau;  il  est  une  terrible  force  oui 
exerce  au  loin  ses  ravages,  pousse  au  vol  la  comtesse  de  Boves, 
accule  au  cabanon  le  professeur  Marty,  dénoue  les  liens  de 
famille  comme  dans  le  ménage  Lhomme  et  réduit  en  poussière 
les  fabriques  mal  outillées,  comme  celle  de  Gaujean. 

Pour  mieux  trafiquer  des  désirs  de  la  femme,  pour  exploiter 
plus  sûrement  sa  fièvre,  Mouret  la  grise  d'attentions  galantes; 
ce  sont  maintenant  des  ascenseurs  capitonnés,  des  distribu- 
lions  de  bouquets  de  violettes,  un  bulfet  où  se  plaisent  les 
gourmandes,  un  salon  de  lecture  qui  facilite  les  rendez-vous 
d'amour;  à  Ténorme  publicité  en  catalogues,  annonces  el 
affiches,  il  ajoute  les  primes  aux  bébés,  des  images,  des  bal- 
lons surtout,  qui,  tenus  au  bout  d'un  fil,  voyageant  en  Tai:, 
promènent  parles  rues  une  réclame  vivante  [^83].  Enfin,  il  a 
imaginé  les  c  rendus  >,  un  chef-d'œuvre  de  séduction  jésui- 
tique, donnant  une  dernière  excuse  à  la  femme  qui  résiste,  lui 
laissant  la  possibilité  de  revenir  sur  une  folie,  mettant  sa 
conscience  en  règle  et  la  livrant  désarmée  aux  tentations  [^Si]. 
Au  jour  d'une  grande  vente,  la  recette  dépasse  aujourd'hui  un 
million. 

Mais  en  face  de  Paris  dévoré  et  de  la  femme  conquise,  le 
triomphateur  éprouve  une  faiblesse  soudaine,  une  défaillance 
de  sa  volonté,  qui  le  renverse  à  son  tour,  sous  une  force  supé- 
rieure. Cette  défuite  du  grand  capitaine,  cette  revanche  de  la 
femme  va  être  assurée  par  la  petite  vendeuse  Denise  Baudu. 
Mouret  l'a  vue  arriver  au  Bonheur  des  Dames,  il  y  a  sept  ans, 
avec  ses  gros  souliers,  sa  mince  robe  noire,  son  air  sauvage; 
«llf    bégayait,     tous  se   moquaient   d'elle,  lui-m»'me    l'avait 


DES  nOUCOX-MACQCAUT  335 

trouvée  laide  d^abord.  Long^temps,  elle  est  restée  la  deniièrc 
de  la  maison,  rebutée,  plaisantéc,  traitée  par  lui  en  bétc 
curieuse.  Pendant  des  mois,  il  a  voulu  voir  comment  une  fille 
poussait,  il  s*est  amusé  à  cette  expérience,  sans  comprendre 
qu*il  y  jouait  son  cœur.  Elle,  peu  à  peu,  grandissait,  devenait 
redoutable.  Peut-être  Ta-t-il  aimée  depuis  la  première  minute, 
même  à  Tépoque  où  il  ne  croyait  avoir  que  de  la  pitié.  C'est  en 
vain  qu*il  a  voulu  se  dégager  de  cette  possession,  Denise 
apportait  tout  ce  qu'on  trouve  de  bon  chez  la  femme,  le  cou- 
rage, la  gaieté,  la  simplicité;  et  de  sa  douceur  montait  un 
charme,  d'une  Sfublilité  pénétrante  de  parfum  [401].  Elle  s'est 
obstinément  refusée  à  lui,  montrant  à  son  scepticisme  que  la 
sagesse  d'une  femme  n'est  pas  toujours  une  chose  relative.  11 
trouve  en  elle  une  résurrection  de  madame  Hédouin,  c'est  le 
bon  sens,  le  juste  équilibre  de  celle  qu'il  a  perdue,  jusqu'à  la 
voix  douce,  avare  de  paroles  inutiles  [42i]. 

Et  ce  vainqueur  plie  devant  elle,  tremblant  delà  voir  refuser 
sa  main  et  repousser  la  royale  fortuue  qu'il  lui  offre.  Mais 
Denise  ne  ré>iste  plus,  elle  l'aimait  et  il  va  l'épouser.  La 
revanche  de  la  femme  aura  seulement  apporté  dans  le  méca- 
nisme trop  rude  de  la  maison,  un  peu  de  justice  et  de  bonté. 
Grâce  a  Denise,  les  commis  n'ont  plus  le  sort  précaire  d'autre- 
fois; aux  conpos sombres,  on  a  substitué  un  système  de  congés; 
il  y  a  un  corps  de  musique,  une  salle  de  jeux,  des  cours  du 
soir,  des  consultations  gratuites.  Le  Bonheur  des  Dames  se 
suffit,  plaisirs  et  besoins,  au  milieu  du  grand  Paris,  occupé  de 
ce  tintamarre,  de  cette  cité  de  travail  qui  pousse  si  largement 
dans  le  fumier  des  vieilles  rues,  ouvertes  enfin  au  plein  soleil. 
On  va  créer  une  caisse  de  secours  mutuels,  qui  mettra  les 
employés  à  l'abri  des  chômages  forcés,  et  leur  assurera  une 
retraite.  C'est  l'embryon  des  vastes  sociétés  du  vingtième 
siècle.  Et  ce  progrès,  Denise  l'a  obtenu  en  plaidant  la  cause 
des  rouages  de  la  machine,  non  par  des  raisons  sentimentales, 
mais  par  des  arguments  tirés  de  l'intérêt  même  des  patrons 
[l"28].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Octave  assiste  à  renlerremenl  de  son  pelit-cousin,  le  peintre 
Claude  Lantier.  Très  riche,  bon  prince  dans  son  élégance,  il  a 
voulu  prouver  son  goût  élevé  des  arts.  II  mène  le  deuil  avec 
une  correction  charmante  et  fière  [i77].  [L'Œuvre.) 

Octave  Mourel,  dont  la  fortune  colossale  grandit  toujours,  a, 
vers  la  fin  de  l'hiver  1872,  un   deuxième   enfant  de  sa  femnjc 


33C  LES   PEUSONNAGES 

lienise  Daudu,  qu*i]  adore,  bien  qu'il  recommeoce  à  se 
«léran^er  un  peu  [129].  La.  petite  fille  deuicurc  chétive, 
iiiqtiiétanlc,  tandis  qne  le  polit  garçon,  qui  tient  de  sa  mère, 
est  magnifique  [13!].  (Le  Docteur  Pascal.) 

Mouret  (Madame  Octave),  née  Baudu.  —  Voir  BArDU 
•  Denise). 

Mouret  (Madame  Octave),  née  Deleize.  —  Voir  Delelze 

«Caroline). 

Mouret  (SEncE)  (I).  —  Deuxième  enfant  de  François 
Mouret  et  de  Marthe  Bougon.  Frère  d'Octave  et  de  Désirée.  Né 
eu  \^\  1  îi  Plassans  [IGl].  {La  Fortune  des  liougon.) 

II  fait  ses  études  au  collège  dé  Plassans  et;  à  dix-sept  ar".  *' 
est  bachelier.  C'est  le  savant  de  la  famille,  un  esprit  très  ten- 
•in*  el  très  grave,un  tempérament  nerveux  qui,  sous  rinflueir.e 
iii-  Tablié  Faujas,  s'exaltera  vite  dans  le  sens  de  la  mysticité. 
In  refroidissement  contracté  à  la  veille  de  son  départ  pour 
l'uris,  où  il  devait  finir  ses  études,  le  met  aux  portes  de  la 
luort,  l'abbé  devient  son  grand  ami,  et  à  peine  convalescent, 
)  !t.Mti  d'une  extase  religieuse,  il  demande  à  entrer  au  séminnî: . 
['tX'j].  C'est  là  qu'on  ira  le  chercher  pour  venir  au  lit  de  sa 
iiièro  mourante  [iOû].  {La  Conquête  de  Plassaus,) 

Au  séminaire  de-  Plassans,  ancien  couvent  tout  plein  d'une 
o.îeur  séculaire  de  dévotion  [117],  .Serge  a  vécu  cinq  ann^'u. 
Loureuscs.  Indiflérent  aux  faiblesses  de  ses  camarades,  il  s'est 
replié  sur  lui-mt'me,  se  donnant  à  Dieu,  l'approchant  chaque 
année  do  plus  près,  emporté  dans  un  rêve  d'amour  et  de  foi. 
Devenu  curé  des  Artaud,  coin  de  Provence  aride  et  perdu,  il  a 
laissé  toute  la  fortuuc  palornelle  à  son  frère  Octave  et  ne  tient 
]'.us  au  monde  que  par  sa  sœur  l'innocente  Désirée,  dont  il 
>'esl  chargé.  Il  vit  dans  un  désir  d'anéantissement,  dans  une 
aideur  mystique,  dans  une  adoration  éperdue  de  la  Vierge, 
fi-nivi  aux  joies  terrestres,  sourd  aux  voix  qui  moment  de  celle 
l  : Tc  ardente  où  grouille  une  incessante  fécondation,  mort ifiant 
<    cil  lir.  s'abimaut  en  de  profondes  extases  qui.  à  vingt-cinq  ans. 


<\  I  Sti^je  }fourel,  itéeu  1811.  IMéluri^'c  disscininalioii.  llossem- 
l.lviice  luorale  et  |ilivsiqvc  de  lu  ini-re.  Cerveau  du  p«Te  troublé  par 
\'::.ï\  l'iMic  laurbidc  de  la  uière.  llérédilé  d'une  ncvro<e  50  loiirnatit 
o(.  nn-li'.ismoj.  l*iélre.  Vit  encore,  curé  de  S^tint-Eutropc.  ^Arirc 
i!'''i':ulogi'pie  dea  lloHgon^Macqiiurt.) 


DES  r.OUCON-MACQUART  337 

rentraincront  au  délire,  terrassé  par  une  fièvre  qui  le  meUraà 
deux  doigts  de  la  folie  et  de  la  mort. 

Mené  au  Paradou  par  son  oncle,  le  docteur  Pascal,  qui  Ta 
sauvé  cl  qui  rêve  une  cure  merveilleuse  en  ce  Paradis  terrestre 
où  le  malade,  redevenu  enfant,  doit  vivre  une  existence  nou- 
velle, Serge  se  trouve  en  présence  d'Ailune,  la  délicieuse  fille 
qui  est  comme  l'ùine  vivante  et  un  peu  sauvage  de  Tadmirable 
foret  vierge.  Et   c'est,  entre  le  jeune  prêtre  qui  a  tout  oublié 
de  sa  vie  passée,  et  la  ]mre  enfant  qui  s'ignore,   une  douce 
amitié  qui  naît,   puis  un  amour  candide,   puis  une  adoration 
grandissante,  c*est  le  lent  apprentissage  de  leur  tendresse,  une 
Genèse  nouvelle  où  la  nature  splendide   et  complice   leur  en.- 
scigne   le  bonheur.  Mais,  a   l'heure  même   de   la  possession, 
quand  Serge  et   Albine  sont  encore  dans  la  stupeur  de  leur 
félicité, l'irruption  de  frère  Archangias,  dans  cet  Êden  nouveau, 
replace  brus. jiiiMnent  l'abbé  Mouret  en  présence  de  son  passé 
[278].  Invinciblement  entraîné  vers  ce  clocher  des  .\rtaud  où 
sonne  Taogelus,  il  qnitte  le  Paradou  sans  détourner  la  tête, 
rentre  en  sa  cure  et  vil  de  longs  jours  en  une  agonie  muette, 
s'écrasanl  le  cœur,  luttant  pour  la  mort  de  son  sexe,  cherchant 
on  vain  l'oubli,   n'osant  pins  adorer  l'Immaculêe-Conceplion, 
dont  lu   grâce  féminine   était  un  piège.  H    se  réfugie   en   une 
dévotion  extraordinaire  pour  la  Croix  [323],  trouve  enfin   la 
grâce  et  redevient  la  chose  de  Dieu,  au  point  de  résister  victo- 
rieusement  aux  appels   poignants    d'Albine  et  de  revenir   au 
Paradou,  de  revoir   ces  fleurs,  ces  arbres»  ces   rochers,  ces 
sources,  toute   cette    nature  imprégnée   de   passion,  sans  un 
frisson  de  sa  chair  anéantie.  Et  il    achève  sa  lutte  victorieuse 
contre  la  vie,  en  jetant  sur  le  corps  d'Albine  morte,  la  poignée 
de  terre  df  Tofficiant  [123J.  (La  Faute  de  l'abbè  Mouret.) 

Envoyé  plus  lard  à  Saint-Eulrope,  au  fond  d'une  gorge  maré- 
cageuse, il  s'est  cloilré  là  avec  sa  sœur  Désirée,  dans  une 
grande  humililc,  refusant  loul  avancement  de  son  évêque, 
atlendanl  hi  niorl  en  sainl  homme  qui  repousse  les  remèdes, 
bien  qu'il  souIIie  d'une  phlisie  commençante  |I29J,  (Le  Docteur 
PdH'al.) 

Mouret  (Silvki.e)  (1).  —  Troisième  enfant  d'Ursule  Mac- 

(1;  Sili'érc  .Mouret,  ne  eu  183i  ;  }neart.  en  1SÔ1,  la  téli'  c</<f.srf 
tl'itx  coup  (la  jùstolel,  pur  vu  ijcndurme.  (Klcciion  de  i  ^  mère. 
li.néilL  de  la  ivr^scuiblaiice  physique].  {Arbre  (jenéalofjiquc  ilea 
linuijnH'MuCfjuart.) 


m  K 


33S  LïS  PbUSONNAGES 

quart  et  du  chapelier  Mouret.  Frère  de  François  et  d'Hélène. 
Né  à  Marseille,  en  1834,  orphelin  à  six  ans,  il  vient  à  Plassans 
avec  François.  Accueilli  de  noauvaise  grâce  par  l'oncle  Pierre 
Rougon,  Silvère  grandit  dans  les  larmes,  comnne  un  malheu- 
reux abandonné,  jusqu'au  jour  où  sa  grand'mère  Adélaïde 
Fouque,  ayant  pitié  de  lui,  l'emmène  en  son  logis  de  l'impasse 
Saint-Mittre.  C'est  alors  une  heureuse  vie  pour  Tenfant,  en  qui 
la  vieille  femme,  pleine  de  tendresse  contenue,  trouve  une 
lointaine  ressemblance  avec  le  grand-père  Macquart.  Silvère  la 
cajole,  il  invente  pour  elle  le  nom  caressant  dç  tante  Dide  ; 
d*abord  effrayé  des  crises  nerveuses  qui  la  secouent  périodi- 
quement, il  s^habitue  à  ces  fureurs  incompréhensibles,  il  est 
pris  de  pitié  devant  la  douloureuse  aïeule  victime  de  maux 
inconnus,  il  la  soigne  doucement  et  Tainie  d'une  affection  Si- 
lencieuse et  attendrie  [165]. 

A  douze  ans,  ayant  seulement  quelques  notions  d'orthogra- 
})lie  et  d*arithmétique,  il  entre  comme  apprenti  chez  Vian,  un 
charron  voisin,  et  devient  en  peu  de  temps  un  excellent  ouvrier. 
Plein  du  désir  de  s'instruire,  il  fréquente  l'école  de  dessin, 
puis  il  s^enfonce  dans  l'étude  sans  guide,  acquérant  des  brihe? 
de  science,  s'appliquant  à  lire  tous  les  volumes  dépareilles, 
science,  histoire,  philosophie,  qui  lui  tombent  sous  la  main, 
se  faisant  une  idée  sainte  de  tant  de  grandes  choses  qu'il 
entrevoit.  Cette  vie  sérieuse  lui  donne  une  âme  exaltée,  où 
s'amassent  tous  les  enthousiasmes  [167]. 

Les  idées  républicaines  le  passionnent  ;  prédisposé  à  Tutopie 
par  certaines  inÛuences  héréditaires  [226],  il  veut  le  bonheur 
universel,  un  gouvernement  idéal  d'entière  justice  et  d'entière 
liberté.  Ces  belles  aspirations,  que  l'oncle  Antoine  Macquart 
essaye  vainement  d'exploiter  au  profit  d'une  vengeance 
personnelle  [179],  ces  rêveries  sans  fin  surexcitent  le 
généreux  enfant  dont  le  docteur  l^ascal  va  dire  un  peu 
plus  lard  :  La  famille  est  complète,  elle  aura  un  héros 
[•257]  ;  mais  ce  n'est  pas  seulement  la  déesse  Liberté  qui 
exalte  Silvère,  il  éprouve  une  tendresse  infinie  pour  Miette, 
la  fille  du  forçat  Chantegreil,  innocente  enfant  persécutée 
de  tous  et  dont  il  a  voulu  être  Tami,  la  sauvant  du  déses- 
poir, lui  apportant  la  rédemption.  Leurs  pures  amours 
au  fond  de  l'aire  Saint-Mittre  durent  deux  belles  années 
pleines  de  douceurs  infinies  et  s'achèvent  dans  un  ardent 
l)ai$er  [200],  que  le  coup  d'État  noie  dans  le  sang.  Deux 
jours  après  la  mort  de  Miette,   tuée  à  Saint-Roure  par   les 


U£S  nOUGO.X-MACQUART  339 

troupes  de  l'ordre  [!ÎC3],  Silvèro  qui  avait  accidentellement 
éborgoé  le  gendarme  Rengade  [189]  est  assassiné  par  celui-ci, 
dans  le  coin  même  de  Taire  Saiot-Mittre  où  avait  fleuri  la 
fraîche  idylle  [38â].  {La  Fortune  des  Rougon,) 

Mousseau  (Abbé).  —  Prôtre  du  clergé  de  Plassans.  A 
prêché  au  pèlerinage  de  Saint-Janvier  [236].  {L%  Conquête  de 
Plaisans.) 

Mourgue.  —  Paysan  de  Poujols,  cinquante  ans,  voûté, 
mains  raidies,  face  plate.  Parti,  armé  d'une  fourche,  avec  tout 
son  village  qui  s'insurgeait  contre  le  coup  d*Etat,  il  a  été 
arrêté  à  Saint-Rourc  ;  puis,  ramené  dans  un  complet  ahuris- 
sement avec  les  autres  prisonniers  accouplés  deux  à  deux, 
attaché  par  un  bras  au  jeune  Silvère  Alouret,  Mourgue  est 
assassiné  en  même  temps  que  ce  dernier  par  le  gendarme 
Rengade  [383].  {La  Fortune  des  Rougon,) 

Mouton.  —  Chat  des  Quenu,  aimé  delà  petite  Pauline  [101]. 
Sa  peau  pète  de  graisse.  C'est  un  gros  chat  jaune,  avec  un 
double  menton,  plein  de  quiétude  dans  ce  milieu  d'abondante 
nourriture.  Troublé  par  l'intrusion  du  triste  Florent,  Mouton 
ne  digère  plus  en  paix  ;  il  participe  à  l'hostilité  générale  et  ne 
retrouvera  son  bel  appétit  qu'après  le  départ  de  ce  maigre 
inquiétant  [319].  (L«  Ventre  de  Paris.) 

Muche.  —  Fils  de  Louise  Méhudin,  la  belle  Normande, 
qui  Fa  mis  au  monde  sept  mois  après  la  mort  d'un  fiancé, 
employé  à  la  Halle.  A  grandi  librement  au  milieu  de  la  pois- 
sonnerie, exprimant  ses  admirations  par  un  éternel  c  C'est 
rien  muche  !  >  qui  lui  vaut  son  surnom.  Est,  à  sept  ans,  un 
petit  bonhomme  joli  comme  un  ange  et  grossier  comme  un 
roulier.  Cheveux  châtains  crépus,  beaux  yeux  tendres,  bouche 
pure,  il  dit  des  mots  gras  i  écorcher  un  gosier  de  gendarme. 
Son  grand  succès  est  de  faire  la  maman  Bléhudin  quand  elle 
est  en  colère  [119].  Attiré  par  la  chaleur  du  poêle  vers  le 
bureau  de  l'inspection,  il  a  intéressé  Florent  qui,  dans  son 
rêve  secret  de  dévouement,  veut  l'instruire,  retrouvant  en  lui 
son  jeune  frère  Quenu  au  bon  temps  de  la  rue  lioyer-Collard. 
Muche,  docile  et  aimant,  s'attache  à  Florent  et  devient  le  trait 
d^union  entre  sa  mère  et  son  professeur  ;  les  leçons  continuent 
rue  Pirouette,  Muche  étudie  gravement,  il  apprend  récriture 
sur  des  cahiers  où  Florent  a  tracé  des  modMes  subversifs, 
formules  lapidaires  qui  seront  une  lourde  charge  contre  lui 
dans  l'affaire  du  complot  des  Halles  [335].  {Le  Ventre  de  Paris.) 


310  LtS  PERSOXNAGLS 

Muflat  (Maman).  —  Femme  du  général  Muiïat  de  Dcuville, 
créé  comte  par  Napoléon  ^^  Une  vieille  insnpporuble,  tou- 
jours dans  les  curés  ;  d'ailleurs,  un  grand  air,  un  geste  d*auto- 
rité  qui  pliait  tout  devant  elle  [74].  Tant  que  la  maman 
MuOTal  a  vécu,  Tliôtelde  la  famille,  rue  de  Miromesnil  au  coin 
de  la  rue  de  Pentliiévre,  a  gardé  une  mélancolie  de  couvent  ; 
on  entrait  là  dans  une  dignité  froide,  dans  des  mœurs  anciennes, 
un  âge  disparu  exhalant  une  odeur  de  dévotion  [08].  (Xana.) 

Muffat  de  Beuville  (Comte).  —  Fils  du  général.  Mari 
de  Snbine  deChouard.  Pérc  d*EsteIle.  La  maman  MuITat  lui  «i 
donné  une  éducation  sévère  :tous  lesjours  a  confesse,  pas  d'esca- 
pades, pas  de  jeunesse  d'aucune  sorte  [7'i].Sa  chambre d'enfani 
était  ioute  froide  ;  p!ustard,à  seize  ans,  lors<{u'il embrassa:,  bu 
mère,  chaque  soir,  il  emportait  jusque  dans  son  somniei!  b 
glace  de  ce  baiser.  Un  jour,  en  passant,  il  a  aperçu  par  t  n 
porte  entre-bùillée,  une  servante  qui  se  débarbouillait,  et  c*est 
l'unique  souvenir  qui  Tait  troublé,  de  la  puberté  au  mariage. 
Entré  vierge  dans  la  chambre  nuptiale,  il  a  trouvé  chez  sa 
femme  une  stricte  obéissance  aux  devoirs  conjugaox  ;  lui-m^'-me 
éprouvait  une  sorte  de  répugnance  dévote.  11  a  grandi,  li  a 
vieilli,  ignorant  de  la  chair,  pHé  à  de  rigides  pratiques  reli- 
gieuses, ayant  réglé  sa  vie  sur  des  préceptes  et  des  lois  [loij, 
avec  des  crises  de  foi  d'une  violence  sanguine,  pareilles  à  des 
accès  de  lièvre  chaude.  Grâce  au  souvenir  de  son  père,  il  5'-  s* 
naturellement  trouvé  en  faveur  après  le  Deux-Décembre.  Il 
est  maintenant  chambellan  de  l'impératrice. 

Carré  et  solide,  avec  sa  chevelure  fortement  plantée  [5*c»J, 
son  visage  encadré  de  favoris,  sans  moustaches  [74],  il  sent 
brusquement  sa  jeunesse  qui  s'éveille  devant  Nana,  devant  In 
soudaine  révélation  de  la  femme;  c'est  une  puberté  goulue 
d'adolescent,  brûlant  tout  à  coup  dans  sa  froideur  Je  catho- 
lique et  danssadignité  d'homme  mûr  [179].  La  savante  tactique 
lie  Nana,  qui  se  refuse  obstinément,  déterniin»^  en  lui  de 
terril)!»^s  ravages,  il  mord  la  nuit  son  traversin  et  sanglote, 
exaspêiv,  évoquant  toujours  la  même  image  sensuelle.  Malgré 
Vonot.  malgré  tout  un  passé  de  vertu  rigoriste,  il  se  donne 
épcrdumciit  à  celte  fille,  qui  va  corrompre  sa  vie  ;  en  trois 
mois,  il  se  sent  gâté  jusqu'aux  moelles  par  des  ordures  qu'il 
n'avait  pas  soupçonnées.  Tout  pourrit  en  lui.  Il  a  commencé 
par  souffrir  des  mensonges  de  Nana,  il  s'est  senti  lâche  devant 
elle;   pour  contenter  ses  curiosités,  il   l'a  rens-ign^re  sur  la 


DKS  r.OUGON-M.VCUU.VriT  311 

comtesse,  lui  a  même  donné  des  détails  sur  sa  nuit  de  noces 
[2Î1].  Une  courte  révolte  a  paru  le  sauver,  lorsque,  surprise 
par  lui  aux  bras  du  hideux  Foatan,  cette  fille  Ta  traité  de  cocu 
et,  furieuse  de  s'entendre  appeler  putain,  lui  a  répondu  cynique- 
ment :  Et  la  femme  !  [258].  Mais  fuITront  a  été  vite  ouîdié. 

Nana  disparue,  rempiacée  un  instant  par  Iiose  Mignon, 
reconquiert  lenlenicnt  MuiT.tpar  les  souvenirs,  par  les  lâchetés 
de  la  chair.  Il  a  une  passion  jalouse  de  cette  fe!ii()ie,  un 
besoin  d'elle  senlr*,  de  ses  cheveux,  de  son  corps.  Pour  cire  de 
nouveau  accepté,  il  ohtient  de  Ilnrdenave,  contie  argent,  un 
rôle  de  femme  honnête  qu'elle  convoite  dans  la  Pclile  Duchesse; 
il  s'abaisse  même  à  solliciter  Tiiuleur,  ce  Faucheiy  qu'il 
soupçonne  d'être  l'amant  de  la  comtesse  ;  il  installe  luxueuse- 
ment Nana  d;insun  hôtel  de  l'avenue  de  Villiers.ne  demandant, 
en  échange  de  ses  ruineuses  folies,  qu'une  promesse  de  lidé- 
lilé.  Dicntùt,  d'ailleurs,  il  se  résignera  à  n'être  plus  l'amant 
exclusif.  Le  chien  Ihjuu  est  le  preniier  petit  hommme  dont  il 
soit  jaloux  [oo'»]  ;  puis,  il  lulère  Satin  pCOJ  ;  il  surprend  Nana 
aux  bra>  de  Georges  llugon  [152]  ;  ensuac,  c'est  Foncarmonl 
[175],  d'uulres  encore  ;  il  en  arrive  plus  lard  à  accepter  les 
inconnus,  lont  un  troupeau  d'hommes  galopant  au  travers  de 
l'alcôve  [lS-2]. 

Il  a  eu  d«:s  crises  de  remords  ;  cet  homme,  qui  fait  .sa 
prière  tons  les  soirs  avant  de  mont»  r  dans  le  lit  de  Nana,  a 
voulu  se  réfugier  dajis  la  religion,  ses  crises  de  foi  ont  repris 
une  violer.ce  de  coups  de  sang,  le  laissant  comme  assommé  ; 
dans  sa  déiresse,  il  a  répété  continueilemenl  :  €  Mon  Dieu... 
mon  Iiieu...  nion  iJieu.j  Celait  le  cri  de  son  impuissance, le  cri 
de  son  péché,  contre  lequel  il  esl  resté  sans  force,  malgré  la 
certitude  de  sa  damnation  [iiî5].  L'influence  de  la  dangereuse 
fille  demeure  entière;  il  accepie  pour  gendre  Uaguenel,  un 
ancien  amanl  de  cœur  de  .\ana  [3^2].  Eclairé  sur  l'aduilère  de 
sa  femme,  il  a  passé  une  nuit  atroce,  rêvant  dtî  vengeance, 
voulant  souflleler  l'amant,  }»laider  vu  séparation  ;  mais  dans 
l'élan  de  sa  colère,  quelque  chose  d'appauvri  et  de  honteux 
esl  venu  l'amollir;  sa  maîtresse  Ta  convaincu  qu'il  devait  par- 
donner et  se  remettre  avec  sa  fennne.  El  il  a  consenti  à  cette 
ha?sess»\  parce  «ju'il  esl  à  court  d'argent  et  qu'une  signature 
de  Sabine  lui  esl  nécessaire  pour  trouver  des  fonds.  Sa  viri- 
lité, e:.ra;^é<'  par  l'injure,  s'en  esl  allée  à  la  chaleur  du  lil 
«le  N.îiia  [i;;.5J. 

Toute  la  dignité  lîc  .Mufful  s'esl  écroulée.  Rue  de  Mironiesnil, 


sa  LES  l'EUSONNAGKS 

il  (Icnno  h  main  à  ramant  de  la  comtesse  ['il 8] '.avenue  de 
Villiers,  il  met  son  dernier  amour-propre  a  rester  monsieur 
pour  les  domestiques  et  les  familiers  de  la  maison  ;  il  subit  le 
pouvoir  lyrannique  de  la  fille,  marche  à  quatre  pattes,  fait  le 
cheval  ou  le  chien  ;  il  apporte  son  costume  de  chambellan,  un 
costume  plein  d'iipparat,  évoquant  la  majesté  de  la  cour  impé- 
riale, et  Nana,  dans  une  rancune  inconsciente  de  famille,  léguée 
avec  le  sang,  l'oblige  à  cracher  dessus,  à  le  piétiner,  à  écraser 
les  aigles  et  les  décorations  [il)2].  Puis,  c'est  une  dernière 
honte.  Dans  un  lit  magnifique  dont  il  vient  de  faire  don  à  cette 
femme,  un  lit  d'or  et  d'argent  où  elle  pourra  étendre  la  royauté 
de  ses  membres  nus,  un  autel  d'une  richesse  byzantine,  digne 
delà  toute-puissance  de  son  sexe,  Muiïat,  le  petit  Mufe  comme 
t'Ue  l'appelle,  surprend  son  beau-père,  le  vieux  marquis  c . 
ChouanI,  épave  comi((ue  et  lamentable,  loque  humaine  tombée  • 
au  gùlisnie  et  qui  met  un  coin  de  channer  dans  la  gloire  d' . 
chairs  éclatantes  de  la  monstrueuse  idole  [^94]. 

C'est  alors  un  dernier  élan  vers  Dieu.  La  vie  de  Mufîat  est 
foudroyée  ;  les  pudeurs  révoltées  des  Tuileries  l'ont  obligé  à 
donner  sa  démission  de  chambellan  ;  Estelle,  sa  fille,  lu* 
inlcnte  un  procès,  pour  une  somme  de  soixante  mille  franco, 
l'héritage  d'une  tante  qu'elle  aurait  dû  toucher  à  son  mariage  ; 
ruiné,  il  vit  étroitement  avec  les  débris  de  sa  grande  fortune  ; 
après  des  aventures,  la  comtesse  est  rentrée  ;  il  la  reprend, 
dans  la  résignation  du  pardon  chrétien  ;  elle  l'accouipag:: 
partout  comme  sa  honte  vivante.  Et  définitivement  reconquis 
par  Venot,  il  oublie  au  fond  des  églises  les  voluptés  de  Nana  * 
les  genoux  glacés  par  les  dalles,  il  retrouve  ses  jouissances 
d'autrefois,  les  spasmes  de  ses  muscles  et  les  ébranlements 
délicieux  do  son  intelligence,  dans  une  même  satisfaction  des 
obscurs  besoins  de  son  être  [497].  (Nana.) 

Muffat  de  Beuville  (Comtesse).  —  Voir  Chocard  (Sabine 
de). 

Muffat  de  Beuville  (Estelle). —  Fille  du  comte.  Mariée  à 
Daguen»M.  \  seize  ans,  c'est  une  jeune  personne  mince  et  insi- 
^nufiante  [<V<],  nulle  et  guindée  [70].  Une  jolie  planche,  dit-on, 
à  mettre  dans  un  lit  [83].  .Après  le  mariage,  chez  cette  fille 
plate,  une  femme  d'une  volonté  de  fer  apparaît  tout  à  coup  ; 
elle  domine  complètement  son  mari  [476]    [Nano.) 

Mûller  (Blanche).  —  .\ctrice  en  vogue.  Joue  la  Lellf 
Ib'b^ie  aux  Variétés.  Très  lancée,  elle  donne  un   bal  aux  prin- 


DES  nOrCON-MACQUAIîT;  343 

cesses  de  la  rampe  el  aux  reines  du  demi-monde  [154],  trompe 
son  allaoiic  d'ambassade  avec  son  coifrcur  [135]  el  rcmj3lace 
l^ure  dWurigny  comme  maîtresse  du  duc  de  Uozan,  à  qui  elle 
mange  un  second  demi-million  [3i3].  (La  Curée.) 

Mussy  (de).  —  Jeune  diplomate  de  vingt-six  ans  qui  fait 
son  chemin  en  conduisant  le  cotillon  avec  des  grâces  particu- 
lières. C'est  rôîre  le  }»lus  insignifiant  du  monde  [130].  Quatrième 
amant  de  Renée  Saccard  et  lâché  par  elle,  il  intéresse  en  vain 
à  sa  cause  Maxime,  un  ancien  ami  de  collège  [39J.  Attaché 
à  l'ambassade  d'Angleterre,  où  le  ministre  lui  a  dit  qu'une  tenue 
sévère  est  de  rigueur,  il  se  guindé,  affecte  de  vieillir  [ÎÎ8G],  et 
ne  redevient  galant  que  lorsqu'il  est  nommé  à  l'ambassade 
d'Italie  [3 in].  {La  Ctnre.) 


N 


Nana  ^1).  —  Fille  de  (iervaise  Macqunri  cl  de  Coupeau. 
'"'.r^'  de  Loiiis  Coupeau  dit  Louisel.  Née  à  Paris,  rue  Neuve  de 
la  Goulle-d'Or,  le  30  avril  185:2.  On  rappelle  Nana  à  cause  de 
^•  :i  prénom  d'Anna  qu'elle  tient  de  sa  marraine,  madame  Loril- 
leux  [13'"»].  A  six  ans,  elle  va  dans  une  pelite  pension  rue 
Polonceau;  c'est  déjà  une  vaurienne  finie,  insupportable  en 
clause;  elle  rogne  sur  tous  les  galopins  du  quartier  el  grandit 
sous  les  mauvais  oxcmplts  du  ménage,  le  père  ivrogne,  la  mère 
;  partîigcaiU  entre  Coupeau  el  I^nlier  [317).  A  ircize  ans, 
déjà  remplie  de  vice,  elle  fait  sa  première  communion  el  entre 
cOiiime  a^'prenlie  (leuriste  dans  un  atelier  de  la  rue  du  Caire  [i  13] 
où  s'achève  sa  démoralisation.  Elle  n'a  aucun  goût  pour  le  tra- 
vail, esl  mal  embouchée,  méprise  profondément  ses  p^irents  et 
se  galvaude  d.nns  le  quartier.  Ouvrière,  elle  gagne  deux  francs 
par  jour;  c'est  déjà  une  belle  fille  blonde,  très  blanche  de 
chair,  très  grasse,  très  dodue;  elle  a  une  peau  veloutée  de 
pèche,  un  ntz  drôle,  un  bec  rose,  des  ytux  luisants  [40 1]. 
Devenue  très  coquelle,  elle  se  fait  suivre  par  un  vieux  roquen- 
lin,  fiihricant  de  boulons  en  os  boulevard  de  la  Villclte  et, 
comme  l'existence  est  devenue  impossible  chez  les  Coupeau, 
elle  làclie  définitivement  l'atelier  et  fde  un  beau  jour  avec  son 
vieux  [175].   Retrouvée   dans  un   bastringue,  elle  rentre  pour 


(\)  Al  lin  Cofj.ean.  dite  Xana,  née  en  1852,  a,  (Vun  inc^mmi^  un 
enfant f  Louis,  en  l^f.l7.  el  le  perd  en  1870;  meurt  vUe-nieme  »/<•  la 
petite  iciolCy  quelques  jours  ]  lus  tard.  (Mélange  souiliirc.  Prédomi- 
naïue  m'icile  du  pcrc.  Ressemblance  physique,  par  iiifluciic-,  avec 
le  |treniicr  a:nani  de  sa  mère,  Lanticr.  llcrédilé  de  ralconiisiriO  at 
tournaiil  en  perversion  morale  cl  pliysiquc.  État  de  vice \  {.\rhre 
généaloni'jue  des  liourjon-Mocquart.) 


3IC  LES  PERSONNAGES  \ 

quelques  jours  à  la  mnison,  puis  elle  disparaîl  définiiivement, 
nynnt  eu  la  clianco  de  rencontrer  un  vicomte  qui  l'a  mise  dans 
la  soie  [502],  {L* Assommoir.) 

A  seize  ans,  elle  a  eu  un  enfant  de  père  inconnu,  Louiset,  un 
enfant  cliélif  qui  lui  inspire  des  crises  d*amour  maternel  [40]. 
A  dix-huit  ans,  elle  est  très  grande  et  très  forte,  elle  a  une 
petite  bouche  rouge,  un  adorable  trou  au  menton  et  des  grands 
yeux  d'un  bleu  très  clair.  Vn  riche  marchand  de  Moscou,  venu 
passer  un  hiver  à  Paris,  Ta  installée  dans  un  appartement  du 
boulevard  Haussmann,  entre  la  ru**  de  l'Arcade  et  la  rue  Pas- 
quier.  Elle  vit  là  en  fille  lâchée  trop  lot  par  un  premier  mon- 
sieur sérieux,  retombée  à  des  amants  louches,  tout  un  début 
difficile,  un  départ  manqué  [36].  Deux  hommes  payent,  un 
commerçant  du  faubourg  Saint-Denis,  de  tempérament  économe, 
qu'elle  appelle  le  vieux  grigou,  et  un  Valaque,  un  prétendu 
comte,  qu'elle  appelle  le  moricaud;  tous  deux  sont  trompés 
pour  un  amant  de  cœur,  Daguenet,  son  Mimi  [39]. 

ïîordenave,  directeur  des  Variétés,  toujours  à  rafifùt  des 
belles  filles,  a  Fidée  de  la  lancer  dans  une  pièce,  la  Blonde 
Veiius^  où  elle  n'aura  qu*à  se  montrer  pour  vaincre.  Malgré  sa 
voix  faubourienne  et  son  ignorance  des  planches,  elle  dégage 
une  odeur  de  vie,  une  toute-puissance  de  femme  dont  le  public 
va  se  griser.  Par  la  simple  exhibition  de  son  éclatante  beauté 
blonde,  Nana  obtient  un  succès  étourdissant,  c'est  le  lançage 
immédiat;  toute  une  meute  d'hommes,  aiïolée  par  le  rut  qui 
monte  d'elle,  l'a  suivie  à  la  trace;  sûre  désormais  de  l'avenir, 
elle  pourra  choisir  ses  amants,  chasser  le  vieux  grigou  et  le 
moricaud,  dédaigner  Sleiner,  tenir  la  dragée  haute  à  .Muffat; 
un  héritier  royal,  le  prince  d'Ecosse,  traversera  le  détroit  pour 
lui  offrir  ses  hommages. 

Lhisloire  de  son  existence  va  se  trouver  tout  entière  dans  une 
chronique  de  Fauchery,  intitulée  la  Mouche  d'Or.  C'est  l'his- 
toire d'une  fille,  née  de  quatre  ou  cinq  générations  d'ivrognes, 
le  sanpr  giilé  par  une  longue  hérédité  de  misère  et  de  boisson, 
qui  se  transforme  chez  elle  en  un  délraqncmenl  nerveux  de  son 
sexe  de  femme;  elle  a  poussé  dans  un  faubourg,  sur  le  pavé 
parisien;  cl,  grande,  belle,  de  chair  superbe  ainsi  qu'un 
plante  de  plein  fumier,  elle  venge  les  gueux  et  les  abandonnés 
dont  elle  est  le  produit.  Avec  elle,  la  pourriture  qu'on  laisse 
feruienler  dans  le  peuple,  remonte  et  pourrit  Taristocralie  ; 
elle  devient  une   force   de  la  nature,  un  ferment  de  destruc- 


DES  KOL'GUN-MACUIÎAKT  347 

lion,  sans  le  vouloir  elle-même,  corrompant  et  désorganisant 
Paris  entre  ses  cuisses  de  neige,  le  faisant  tourner  comme  des 
femmes,  chat(ue  mois,  font  tourner  le  lait;  et  c'est  à  la  fin  de 
rarlicle  que  se  trouve  la  comparaison  de  la  mouche,  une 
mouche  couleur  de  soleil,  envolée  de  Tordure,  une  mouche 
qui  prend  la  mort  sur  les  charognes  tolérées  le  long  des  che- 
mins, et  qui,  bourdonnante,  dansante,  jetant  un  éclat  de 
pierreries,  empoisonne  les  hommes  rien  qu'à  se  poser  sur  eux, 
dans  les  palais  où  elle  entre  par  les  fenêtres  [:237]. 

Toujours  convaincue  de  sa  supériorité  sur  les  honnêtes  ^ens 
qui  russomnient,  Nana  fait  le  mal  avec  une  inconscience  par- 
faite. Le  petit  Geoii^es  Hugon  Tamuse,  elle  le  traite  en  gamin, 
ne  prenant  pas  ses  déclarations  au  sérieux,  s*amusant  de  lui 
comme  d'un  petit  homme  sans  conséquence  [191];  par  une  lan- 
u.isic  de  lilie  sentimentale,  elle  lui  cède;  elle  cède  aussi  au 
Irère  de  Georges,  le  lieutenant  Philippe  Hugon,  un  robuste 
gtirçon  qui  lui  plait.  Et  cette  double  liaison  se  dénoue  tragique- 
ment, dans  la  honte  '  :  la  mort,  sans  que  Nana  soupçonne  un 
instant  sa  propre  cul{..>ilité.  Une  fugue  a  traversé  sa  liaison 
nvec  Muffat  :  elle  a  disparu  pour  vivre  avec  l'acteur  Fontan 
qui  la  bat,  l'exploite  et  la  rejette  dans  la  crotte  du  début  [292]. 
Vais  après  ce  coup  de  tête,  Nana  redevient  une  femme  chic,  ren- 
tière de  la  bêtise  et  de  Tordure  des  maies,  marquise  des  hauts 
trottoirs  [330].  C'est  une  ascension  brusque  et  définitive,  un 
train  qui  dépasse  trois  cent  mille  francs  par  an,  un  appétit  de 
dépenses  toujours  éveillé,  un  dédain  naturel  de  l'homme  qui 
paye,  un  continuel  caprice  de  mangeuse  et  de  gâcheuse,  tiére 
de  la  ruine  de  ses  amants  [3i3].  Elle  jure  fidélité  à  Muiïat,  ce 
qui  ne  l'emftéche  pas  de  céder  à  Vandeuvres,  non  par  toquade, 
mais  pour  se  prouver  qu'elle  est  libre.  Nana  ne  sait  pas  se 
refuser;  elle  st;  donne  aux  amis,  aux  passants,  en  bonne  béte 
née  pour  vivre  sans  chemise  [i'ô].  Comme  elle  a,  dans  son 
gaspillage  eifr*^  lê,  de  continuels  besoins  d'argent,  elle  s'en 
lire  par  des  visi.»>  à  la  Tricon,  elle  va  chez  l'entremetteuse  avec 
l'aisaiice  de  l'habitude,  comme  les  pauvres  gens  vont  au  Mont- 
de-pit-lé  [10.-.]. 

Dans  son  luxe,  elle  s'ennuie  à  crever.  Une  ancienne  amie  de 
pension,  avec  qui  elle  a  baltu  le  pavé,  la  petite  Satin,  devient 
son  vice:  elle  la  dispute  à  madame  Robert  et  finit  par  l'acca- 
parer, riniposanl  à  Muffat  et  aux  autres;  et  Satin  règne  avec 
elle,  Jans  le  tranquille  abus  de  leur  sexe  et  leur  mépris  avoue 
de  l'homme  r307]. 


318  LKS  PEIISONNAOES 

Nana  est  avant  tout  une  brave  fille  ;  le  chagrin  autour  d^elle  la 
fait  souifrir;  si  elle  a  été  trop  dure  pour  ses  domestiques,  elle 
leur  présente  des  excuses  [37^].  Quant  aux  gens  chics,  ils  ne 
l'épatent  plus,  saleté  en  haut,  saleté  en  bas,  c'est  toujours 
saleté  et  compagnie  [393].  Son  bonheur  semble  être  d'avilir 
MufTat,  de  le  jeter  à  la  boue.  Elle  lui  a  imposé  Daguenet  pour 
gendre  [36^];  de  MufTat  elle  a  fait  c  petit  mufe  >  et  c'est  ainsi 
qu'elle  le  nomme;  elle  lui  prêche  des  complaisances,  d'accord 
en  ceci  avec  le  doux  Venot;  elle  le  décide  à  renouer  avec  sa 
femme  qui  le  trompe.  El  les  catastrophes  qui  l'entourent, 
Vandeuvres  flambé  dans  son  écurie,  Foucarmont  perdu  dans 
les  mers  de  la  Chine,  Steiner  dépouillé  et. réduit  à  vivre  en 
honnête  homme/les  MufTat  efTondrés,  l'imbécile  La  Faloise  à 
la  côte,  le  blanc  cadavre  de  Georges,  que  garde  Philippe  sorti 
la  veille  de  prison,  tous  ces  malheurs,  ce  peuple  abattu  à  ses 
pieds,  la  laissent  insensible.  Elle  conserve  son  inconscience  de 
bêle  superbe,  ignorante  de  sa  besogne,  restée  grosse,  restée 
grasse,  d'une  belle  santé,  d'une  belle  gaieté. 

Maintenant,  son  œuvre  de  ruine  et  de  mort  est  faite,  la 
mouche  envolée  de  l'ordure  des  faubourgs,  apportant  le  ferment 
des  pourritures  sociales,  a  empoisonné  ces  hommes  rien  qu'à 
se  poser  sur  eux  [50i].  Et  Nana  va  mourir  en  hèle  putréflée. 
Apres  une  retentissante  exhibition  au  théâtre  de  la  Gaité, 
dans  Mèliisinc,  où  Bordenave  lui  a  ménagé  trois  poses  plas- 
tiques, où  Paris  l'a  revue  dans  toute  sa  gloire,  elle  est  allée 
en  Orient,  de  prodigieuses  légendes  ont  circulé,  la  conquête 
d'un  vice-roi,  une  colossale  fortune  faite  en  Russie  ;  puis  elle 
revient,  elle  retrouve  chez  sa  tante,  madame  Lerat,  le  petit 
Loui>el  atteint  de  la  variole,  la  contagion  s'abat  sur  elle  et, 
secourue  par  Rose  Mignon,  elle  va  mourir  dans  une  chambre 
du  Grand-Hôtel,  formant  là  un  charnier,  un  tas  d'humeur  et 
de  sang,  une  pelletée  de  chair  corrompue  [5:21].  (Xana.) 

Nana.  —  Pouliche  do  l'écurie  Vandeuvres.  C'est  pour  faire 
Jjonneur  à  l'aclrice  des  Variétés  qu'on  a  donné  à  ce  pur-sang 
le  nom  de  >'ana.  La  pouliche  est  d'une  blondeur  de  fille 
rousse  ;  elle  luit  à  la  lumière  comme  un  louis  neuf,  la  poitrine 
profondt-,  la  tcle  et  l'encolure  légères,  dans  l'élancement  ner- 
veux et  tiu  de  la  longue  échine  [lUU].  Raltue  honteusement 
(lîins  le  prix  de  Diane,  non  placée  en  avril  en  courant  le  prix 
hos  Cars  cl  la  Grande  Poule  des  Produits,  Nana  montée  par 
Price  est  Toulsidcr  du  Grand  Prix  de   Paris  [3S3].  Le  succès 


I»tS  nOUGON-MACQUAUT  349 

irauilulcux  de  la  pouliche  amène  la  disqualification  de  son  pro- 
priétaii-e.  ^Nana.) 

Nathansohn.  —  Coulissier.  Telil  blond  très  actif.  Est 
venu  de  Besançon  où  son  père,  d'origine  autrichienne,  est 
horloger.  Entre  au  Crédit  Mobilier,  il  a  compris  le  mécanisme 
de  la  rinance  et  sVst  dit  que  ce  n*est  pas  si  malin,  qu'il  n'y  a 
qu  u  ouvrir  un  guichet  [2:]].  Il  a  rapidement  prospéré  et,  favo- 
risé de  la  chance,  cs\  devena  un  gros  monsieur  [338].  Son 
flair  de  juif  l'avorlit  «mi  temps  utile  de  la  position  de  Saccard; 
grâce  à  un  ^aia  de  trois  millions  réalisé  dans  la  débâcle  de 
la  Lanque  rnivcrsolle,  il  devient  un  des  rois  de  la  coulisse  [39^]. 
\  L'Argent,) 

Naud.  —  Cordonnier  do  la  rue  d'Anlin.     Le  Donheur  des 
-.i(>  lui  fait  une  grosse  concurrence  [^iT].  (Au  Bonheur 
ac$  Dinnes.) 

Naudet.  —  Cousin  des  Quenu.  Membre  du  conseil  de 
famille  de  Pauline  [iO].  Consent  T-  !'émancipation  [il7J.  {La 
Joli  de  t/'/v.) 

Naudet.  —  L*n  grand  niarchand  de  tableaux,  qui  révolu- 

!'.:ije  le  comuierce  de  la  peiuture.  Ce  n'est  plus  le  vieux  jeu 

du   père   .Malgras.    Naudet  a   des   allures  de   gentilhomme, 

;a»juettc*  de  fantaisie,  brillant  à  la  cravate,  pommadé,  astiqué, 

veini  ;  gr;::id  train  d'ailleurs,  voiture  au  mois,  fauteuil  à  l'Opéra, 

table  réservée  chez  lîignon,  fréquentant  partout  où  il  est  décent 

uc  se  nioairor.  Pour  le  reste,  un  spéculateur,  un  boursier, 

qui  se   moque  radical  .'ment  de  la  bonne  peinture.  11  apporte 

Tunique  fidir  du  succès,  il  devine  l'artiste  à  lancer,  non  pas 

celui  qui  promet  le  pénie  discuté  d'un  grand  peintre,  mais 

Celui  dent  le  talent  menteur,  emp>i   de  fausses  hardiesses,  va 

r.iire  prime  sur  le  marché  Iwurgeois.  C'est  lui   qui  invente 

I  l'agtM'olles.  I!  spécule  surTignoranceet  la  vanité  des  amateurs  ; 

j  avec  lui,  Il  peinture  n'e^t  |>lus qu'un  terrain  louche,.des  ifiines 

t  d'or   aux   bulles   Montmartre,  lancées  par  des   banquiers,  et 

I  autour  de5qu'îîle>  o  i  se  bat  à  coups  de  billets  de  banque  ["2li]. 

lias  tarJ,  rarnliitiuii  lui  tourne  la  t«Ue,  il  parle  dd  couler 

tous  les  .':!ilre5  niareliMiids,  il   a  fait  bâtir  un  palais,  où  il  se 

pose  eu  roi  du  iiiairlic  centralisant  les  chefs-d'œuvre,  ouvrant 

le>  grani'b  magasins  modernes  de    l'art,  faisant  sonner  des 

bruits  (le  millions  dt's    son  vestibule  [390].   Mais-  la  débâcle 

liiiiî  |»ar  voni/-;  Nau'lcl.  dont  les  «lêpenses  ont  grandi  avec  les 


:).')<)  LES  PERSONNAGES 

pains,  en  a  clé  réduit  à  l'expédient  des  ventes  fictives,  il  a 
culbuté  dans  routrance  cl  les  mensonges  de  Tagio  ;  maintenant 
les  prix  s'effondrent  de  jour  en  jour,  c*est  parmi  les  amateur^: 
un  affolement  pareil  aux  paniques  de  Hourse,  et  Naudet  sent 
crouler  sous  lui  son  hôtel  royal  [ii3].  {L'Œuvre.) 

Négrel  (Madame).  —  Sœur  d'IIennebeau.  Mère  de  Paul 
Négrel.  Elle  a  été  mariée  à  un  capitaine  provençal  et,  devenue 
veuve,  a  vécu  à  Avignon  d'une  maigre  rente,  se  contentant  de 
pain  et  d'eau  pour  faire  parvenir  son  fils  [226].  {Germinal.) 

Négrel  (Paul).  —  Fils  de  madame  Nê^'rel.  Sorti  de  Tiî^cole 
poiylecl)ni4|ue  dans  un  mauvais  rang,  il  a  donné  sa  démission 
sur  le  conseil  de  son  oncle  llennebeau,  directeur  général  des 
mines  de  Montsou,  et  il  a  été  attaché  au  Voreux  comme  ingé- 
nieur. Les  ouvriers  rappellent  le  petit  Négrel.  C/esl  un  garçon 
de  vingt-six  ans,  mince  et  joli,  avec  des  cheveux  frisés  et  des 
moustaches  brunes;  son  nez  pointu,  ses  yeux  vifs,  lui  donnent 
un  air  de  furet  aimable,  d*une  intelligence  sceptique,  qui  se 
change  en  une  autorité  cassante  avec  son  personnel.  H  se 
prétend  républicain,  ce  qui  ne  l'empéche  pas  de  conduire  les 
ouvriers  avec  une  rigueur  extrême,  et  de  les  plaisanter  line- 
nient,  en  compagnie  des  dames  [23i].  Vêtu  comme  eux  dans 
ia  mine,  barbouillé  comme  eux  de  charbon,  il  montre  un  cou- 
rage à  se  casser  les  os,  il  les  réduit  au  respect  en  passant  par 
les  endroits  les  plus  difficiles,  toujours  le  premier  dans  les 
t'boulements  et  dans  les  coups  de  grisou  [06]. 

Chez  son  oncle,  il  est  traité  en  enfant  de  la  maison;  il  y  a  su 
chambre,  y  mange,  y  vil,  ce  qui  lui  permet  d'envoyer  à  sa  more 
ia  moitié  de  ses  appointements  de  trois  mille  francs  [226].  Il 
se  laisse  rapidement  séduire  par  sa  tante,  une  maîtresse  ma- 
ternelle et  avisée,  qui  le  récompenserait  par  un  beau  mariage 
avec  Cécile  Grégoire,  si  celle-ci  n'était  étranglée  avant  la  noce 
par  Honneniort.  Malgré  son  ironique  insouciance  des  hommes  et 
des  choses,  le  jeune  ingénieur  se  sent  blêmir,  pendant  la  grève, 
devant  la  marche  furieuse  des  mineurs;  c'est  la  vision  rouge 
lie  la  révolution,  il  est  saisi  là  d'une  épouvante  supérieure  à  sa 
volonté,  une  de  ces  épouvantes  qui  soufflent  de  l'inconnu  [303]. 
Vn  peu  plus  tard,  lors  du  terrible  attentat  de  Souvarine,  il  est 
glacé  d'horreur  à  la  pensée  de  l'homme  qui,  froidement,  a 
voulu  et  consommé  la  destruction  du  Yoroux  [5*2^].  Enlin,  dans 
la  recherche  des  victimes,  il  oublie  son  scepticisme,  il  est  pris 
d'une  fièvre  de  dévouement  qui,  après  la  réussite,  le  jette  au 


DES  ROIGON-MACQUAUT  351 

COU  (l'un  ouvrier  sauvé  par  lui,  le  révolté  Etienne  Lantier,  tous 
deux  san;:lotant  à  gros  sanglots,  dans  le  bouleversement 
profond  de  toute  l'humanité  qui  est  en  eux  [57 7j.  {Ger- 
minal.) 

Noéxni.  —  Actrice  du  Vaudeville.  Madame  Deberle  admire 
sa  façon  réaliste  de  mourir  [18],  {Une  Page  d* Amour.) 

Norine.  —  Marchande  de  salaisons.  Parcourt  les  marchés 
autour  de  Cloyes  [IG3].  {La  Terre.) 

Nougarède  (De).  —  Vieux  sénateur  très  friand.  A  failli 
demander  la  main  de  Cloriude,  après  Tavoir  vue  dans  un  bal» 
en  Diane  chasseresse  [13].  {Son  Excellence  Eugène  Hougon.) 


Octave. — Amanl  île  cœur  de  Blanche  de  Sivry.  Vn  jour 
qu*il  étui t  avec  elle,  voilà  le  vieux  qui  arrive;  que  fait  Zoé? 
elle  feint  de  tomber  en  traversant  le  salon,  le  vieux  se  préci- 
pite, court  lui  clierch*»r  un  verre  d'eau  à  la  cuisine,  et  monsieur 
Octave  s'échappe  [47].  {Nana,) 

Orviedo  (Prince  d*).  —  Venu  d'Espagne  avec  une  immense 
fortune  linancicrc,  a  acquis  dans  la  succession  d'nne  demoiselle 
Saint-Germ.iin  un  hôtel  de  la  rue  Saint-Lazare,  attenant  à  l'an- 
cienne Folic-IJeauvillicrs.  De  singulières  histoires  ont  couru 
sur  le  prince,  sur  les  origines  de  sa  royale  fortune,  évaluée  à 
trois  cents  millions,  toute  une  vie  de  vols  effroyables,  non  plus 
au  coin  des  bois,  à  main  armée,  comme  les  nobles  aventuriers 
de  jadis,  mais  en  correct  bandit  moderne,  au  clair  soleil  de  la 
Bourse,  dans  la  poche  du  pauvre  monde  crédule,  parmi  les 
efTondrements  et  la  mort.  Pendant  vingt  ans,  il  s'est  fait  sa 
part  de  butin  dans  toutes  les  grandes  canailleries  légen- 
daires [18].  Le  prince  meurt  foudroyé  par  une  apoplexif*. 
(L'Argcnt^) 

Orviedo  (Princesse  d').  —  Femme  du  prince.  Fjiie  de  la 
duchesse  de  Conibeville.  Mariée  à  vingt  «^ns  sur  un  ordre  for- 
mel de  sn  mère,  elle  avait  un  grand  renom  de  beauté  et  de 
sagesse,  elle  »'tait  très  religieuse,  un  peu  trop  grave,  bien 
qu'aimant  le  monde  avec  passion.  La  princesse  ignorait  le 
passé  ih"  son  mari;  elle  a  cependant  éprouvé  pour  lui,  di>s  la 
première  rencontre,  une  répulsion  que  sa  religion  devait  clro 
impuissante  à  vaincre,  et  bientôt  une  rancune  sourde,  grandis-' 
santé,  s'est  jointe  à  cette  antipathie,  celle  de  n'avoir  pas  un 
enfant  de  ce  mariage  sul)i  par  obéissance.  Elle  s'est  jetée  dans 
un  luxe  inouï,  aveuglant  Paris  de  l'éclat  de  ses  fêtes,  menant 

30. 


304  LES  PtnSONNAOES 

un  Irain  que  les  Tuileries  ont  jalousé.  Puis,  après  la  mor!  de 
son  mari,  ayant  hérité  de  la  fortune  totale,  elle  a  été  mise 
au  courant  de  Tontine  abominable  dos  trois  cents  millions  et 
une  révolte  d'honnêteté,  peut-être  une  terreur  superstitieuse, 
roni  poussée  à  vouloir  réparer  tant  de  monstrueuses  ini- 
(|uités. 

Soudainement,  elle  n'a  plus  vécu  que  dans  une  ardente 
fh-vre  de  renoncement  et  de  réparation,  se  retirant  comme  une 
r»  cluse  dans  trois  petites  pièces  du  second  étage  de  Thôtel, 
avec  la  vieille  Sophie.  Toutes  ses  tendresses  refoulées  s'épa- 
panouissenl  en  une  véritable  passion  pour  les  pauvres,  pour  les 
faillies,  les  déshérités,  les  soufTrants,  ceux  dont  elle  croit 
détenir  les  millions  volés,  ceux  à  qui  elle  jure  de  les  restituer 
royalement,  en  pluie  d*aumônes.  Dans  son  éternelle  robe  noire, 
uit  fichu  de  dentelle  sur  la  tête,  elle  ne  se  considère  plus  que 
comme  un  l'anquier,  chez  qui  les  pauvres  ont  déposé  un  Irést: 
pour  qu'il  fût  employé  au  mieux  de  leur  usage;  elle  jette  1*0: 
à  pleines  mains,  fondant  des  crèches,  des  orphelinats,  des  asiles, 
des  hôpitaux  et  enfin  TŒuvre  du  Travail,  qui  doit  remplacer 
les  maisons  de  correction.  Cent  millions  ont  été  dépensés  en 
cinq  ans.  Aristide  Saccard,  propriétaire  d'un  terrain  qu'ellt 
u  acliêlé  à  Neuilly.  boulevard  Bineau,  pour  l'Œuvre  du  Travail, 
l'a  séduite  par  la  façon  vive  dont  il  traite  les  affaires,  elle  lui 
a  demandé  plus  tard  sa  collaboration  et,  vivant  au  fond  de  son 
petit  logement,  comme  la  bonne  déesse  invisible,  elle  l'alaissé 
paraître  partout,  adoré,  béni,  accablé  do  toute  la  reconnais- 
sance dont  elle  ne  voulait  pas  [52j.  Quand  Saccard  a  dû  vendre 
son  palais  de  la  rue  de  Monceau,  il  a  sous-loué  le  rez-de-chaus- 
sée de  l'hôtel  d'Orviedo.  La  plus  grande  partie  de  l'hôtel 
sera  plus  tard  affectée  aux  bureaux  de  la  Banque  Universelle, 
sans  que  la  princesse  veuille  s'intéresser  dans  la  moindre 
mesure  à  celte  création  de  ses  deux  locataires,  Saccard  et 
Hamelin. 

En  dix  ans,  madame  d'Orviedo  s'est  complètement  ruinée. 
Jolie  encore  à  trente-neuf  ans,  avec  son  visage  rond  aux  dents 
de  perles,  mais  le  teint  jaune,  la  chair  morte  comme  après 
dix  ai. s  de  cloître,  elle  va  finir  sa  vie  dans  un  couvent  de  car- 
mélites, muré  au  monde  entier  [405].  (L'Argent.) 

Ozil.  —  Aiguilleur  de  l'embranchement  de  Dieppe,  entre  le 
lunnêl  Cl  la  station  de  Malaunay.  Un  garçon  d'une  trentaine  d'an- 
nées, ancieii  militaire  maigre  et  peu  bavard,  très  honnête,  tout 


DES  HOUGON-MACQUAKT  355 

à  la  consigne.  11  aimait  Flore  qui  a  paru  l'encourager  un  ins- 
tant; s'iiîiaginant  qu'elle  se  livrait,  il  a,  un  soir,  essayé  de  la 
prendre  et  a  failli  être  tué  par  elle  d'un  coup  de  bâton  [53]. 
On  le  déplace  à  la  suite  d'une  grave  négligence,  intention- 
nellement causée  par  Flore,  qui  rêvait  de  jeter,  par  un  faux 
aiguillage,  Texpress  du  Havre  sur  un  train  de  ballast  [316]. 
{La  Brie  humaine.) 


Pache. —  Soldat  au  100*  de  ligne  (colonel  de  Vineuil). 
Appartient  à  Fescouade  du  caporal  Jean  Macquart.  Chétif  et  la 
tète  en  pointe,  arrivé  d'un  village  perdu  de  Picardie,  Hdèle  aux 
:  -ritiques  religieuses,  il  est  le  souffre-douleur  deTescouade  et  se 
iaisse  plaisanter  avec  la  douceur  muette  des  martyrs.  Traité 
de  cafard,  il  fait  sa  prière  a  genoux  derrière  la  tente  et  se  signe 
devant  les  croix  de  pierre  rencontrées  sur  les  routes  [30|.  L'in- 
fluence dfs  camarades  finit  par  faire  de  lui  un  mauvais  soldat. 
Le  1''  septembre,  dans  le  torrent  de  fuyards  qui  coule  a  plein 
cliemin  vers  Sedan,  il  quitte  le  rang  et  se  laisse  entraîner  à 
''rîubcrge  [3C5].  Interné  avec  son  régiment  dans  la  presqu'île 
d'iges,  où  règne  Li  famine,  il  a  pu  faire  secrètement  une  petite 
provision  de  vivres;  dénoncé  par  Chouteau,  surpris  sur  le  fait, 
il  Oit  soii.mé  de  donner  son  dernier  morceau  de  pain  et,  comme 
il  rôsisie  faroucbenienl,  Lapoulle  le  tue  -d'un  coup  de  couteau 
[XQ].  {La  Dcbnde.) 

Paillot.  —  Fermier  des  environs  de  Montsou,  à  trois  kilo- 
mètres d-;  Voreux  [310].  (Germinal.) 

Palette  (La  mère).  —  Marcbandc  de  volailles  aux  Halles. 
Vieille  fcinme  jaune.  A  failli  tout  brûler  dans  les  resserres  en 
éclairant  ses  jioules  [232]v  {Le  Ventre  de  Paris) 

Paloque.  —  Juge  au  tribunal  de  Plassans.  Forme  avec  sa 
femme  le  ménage  le  plus  laid  du  pays  [16].  Leurs  affreux 
visages,  coutures,  livides  de  bile,  sont  un  éternel  sujet  de 
moqueries  [76].  Décoré  grâce  à  madame  deCondamin,  Paloque 
oublie  toutes  ses  rancunes  et  se  rallie  au  parti  de  l'abbé  Faujas 
[344].  {Li  Conquête  de  Plassans,) 

Paloque  (Madame).  —  Femme  du  juge.  D'une  laideur 
repoussante,  aigrie  par  sa  disgrâce  pbysique  et  par  la  médio- 


r 


3:S  LKS  PERSONNAGES 

criié  de  sa  vie,  dévorée  d'ambition  impuissante,  madame  Pa- 
loque  est  une  des  plus  mauvaises  langues  de  la  ville.  Tréso- 
rière  de  TŒuvrede  la  Vierge,  où  elle  est  entrée  pour  se  mettre 
en  vue  [i  12]  et  furieuse  d'être  laissée  à  l'écart  [133],  elle  voue 
à  l*abbé  Faujasunc  haine  féroce  et  se  fait  contre  lui  Tinstrument 
du  vicaire  général  Penil;  elle  espionne  les  relations  de  l'abbé 
avec  Marthe  Mouret  [230].  Une  décoration  opportunément  pro- 
mise à  Paloque  musèle  cette  dangereuse  mégère  [315]  et  la 
ramène  à  Faujas,  à  qui  elle  a  aussitôt  l'impudence  de  livrer 
une  arme  contre  Fenil  [3I(>].  {La  Conquête  de  Pla$$ans,) 

Parabouloxnenos.  —  Surnom  donné  par  les  élèves  du 
collège  de  Plassans  à  un  marmiton  de  la  cuisine  [37].  {L'Œu- 
vre.) 

Paralleluca.  —  Surnom  d'une  laveuse  de  vaisselle.  C'est 
un  monstre,  comme  Paraboulomenos.  Les  élèves  du  collège  de 
Plassans  les  accusent  d'une  idvlle  dans  les  épluchures  [37]. 
{UCEuvre.) 

Pascal  (Le  docteur)  (1). —  Second  fils  de  Pierre  Bougon  et 
de  Félicité  Puech.  Frère  d'Eugène.  Aristide,  Sidonie  et  Marthe. 
Né  à  Plassans  en  1813,  il  ne  parait  pas  appartenir  à  la  famille. 
Grand,  le  visage  doux  et  sévère,  il  a  une  droiture  d'esprit,  un 
amour  de  l'étude,  un  besoin  de  modestie,  une  sobriété,  un 
beau  mépris  de  la  fortune  qui  l'isolent  complètement,  au  milieu 
des  appétits  désordonnés  qui  l'entourent.  Après  de  brillantes 
études  médicales  à  Paris,  il  rentre  à  Plassans,  s'enferme  en  une 
petite  maison  claire  de  la  ville  neuve,  s'absorbe  amoureuse- 
ment dans  des  découvertes  scientifiques,  se  contentant  des 
quelques  malades  que  le  hasard  lui  envoie,  gagnant  juste  de 
quoi  vivre.  Sans  qu'on  s'en  doute  autour  de  lui,  il  adresse  d'in- 
téressants mémoires  à  TAcadémie  des  Sciences  et  devient  un 
homme  très  connu  et  très  écoulé  du  monde  savant  [79].  Plein 
de    perspicacité,  il  a,   dès  longtemps,   entrevu  l'avenir  des 


(i;  Pascal  Hovgon,  né  en  1813  ;  céWmtaire;  a  un  enfant  posthume 
de  sa  nièce  CloliUle  Rongon^  en  1871;  meurt  d'une  maladie  de 
cœur,  le  7  novembre  1873.  [Innéité.  Combinaison  où  se  confondent 
le>  caractères  physiques  et  moraux  des  parents,  sans  que  rien  d'eux 
semble  se  retrouver  dans  le  nouvel  être].  Médecin.  (Arbre  gènéa- 
logique  des  Rougon-Macquarl .) 


DES  KOUGON-MACQUAUT  359 

Rougon-Macquart  et,  da  fond  de  son  laboratoire,  il  observe 
curieusement  leurs  évolutions.  {La  Fortune  des  Rougon.) 

En  i85i,  il  a  recueilli  sa  nièce  Clotilde,  fille  d'Aristide,  alors 
àgéc  de  sept  ans.  Plusieurs  fois  déjà,  il  avait  offert  de  la 
prendre  avec  lui,  pour  égayer  sa  maison  de  savant  [76].  On  la 
lui  donne  après  la  mort  de  la  mère.  {La  Curée.) 

A  cinquante  ans,  il  est  déjà  d*un  blanc  de  neige,  avec  une 
grande  barbe,  de  grands  cheveux,  au  milieu  desquels  sa  belle 
figure  régulière  prend  une  finesse  pleine  de  bonté  [45].  A  Plas- 
sans,  où  il  soigne  les  pauvres  gens  pour  rien,  le  peuple  le 
nomme  c  monsieur  Pascal  »  tout  court,  supprimant  d'instinct  le 
lien  nominal  qui  attache  aux  Uougon  ce  savant  si  parfaitement 
é  ^ulliijré.  II  soigne  le  curé  des  Artaud,  son  neveu  Serge  Mouret, 
observant  avec  une  égale  curiosité  ce  garçon  qui  agonise  dans 
su  soutane  et  l'innocente  Désirée  qui  vit  si  heureuse  parmi  les 
bétes  [330].  Serge  malade,  acculé  à  la  folie  mystique,  a  été 
sauvé  par  le  docteur  Pascal  ;  celui-ci  Ta  mené  au  Paradou  pour 
achever  de  lo  guérir  par  un  retour  vers  la  nature  saine  et 
féconde.  (La  Faute  de  Vabbé  Mouret.) 

A  suixanle  ans,  Pascal  est  d'une  solidité  vigoureuse,  la  face  si 
fraîche,  les  traits  si  fins,  les  yeux  restés  limpides,  d'une  telle 
enfance,  qu'on  le  prendrait,  serré  dans  son  veston  de  velours 
marron,  pour  un  jeune  homme  aux  boucles  poudrées  [2].  11  vil 
ûepuis  dix-sept  ans  à  la  Souleiade,  prés  de  Plassans,  entre  sa 
nièce  Clotilde  et  sa  vieille  servante  Martine,  ayant  amassé  une 
rente  de  six  mille  francs  qui  suffit  à  sa  vie  de  savant  modeste 
et  désintéressé,  n'ayant  gardé  qu'une  clientèle  d'amis  qui 
fournissent  l'argent  de  ses  expériences  scientifiques  [35]. 

11  étudie  passionnément  le  problème  de  l'hérédité,  question 
obscure,  comme  toutes  les  sciences  balbutiantes  encore,  où 
riniaglnation  est  maîtresse  [40].  Sa  propre  famille  est  un  magni- 
fique champ  d'expériences;  on  y  trouve  les  accidents  nerveux 
et  sanguins  qui  se  déclarent  dans  une  race,  à  la  suite  d'une 
première  lésion  organique,  et  qui  déterminent,  selon  les 
milieux,  chez  chacun  des  individus  de  cette  race,  les  sentiments, 
les  désirs,  les  passions,  toutes  les  manifestations  humaines, 
naturelles  et  instinctives,  dont  les  produits  prennent  les  noms 
de  vertus  et  de  vices;  cette  famille  est  aussi  un  document  d'his- 
toire, elle  raconte  le  second  Empire,  du  coup  d'État  à  Sedan, 
car  les  Rougon-Macquart  sont  partis  du  peuple,  se  sont  répandus 
largement  parmi  toute  la  société  contemporaine,  ont  envahi 


3G0  LES  PEUSONNACES 

loulcs  les  situations,  emportés  par  le  débonieinent  des  appétits, 
par  celte  impulsion  essentiellement  moderne,  ce  coup  de  fouet 
((ui  jette  aux  jouissances  les  basses  classes,  en  marche  à  travers 
le  corps  social  [127]. 

Dans  cet  amas  colossal  de  faits,  il  y  a  de  Thistoire  pure, 
Tenipire  fondé  dans  le  sang,  d'abord  jouisseur  et  durement 
autoritaire,  conquérant  les  villes  rebelles,  puis  glissant  à  une 
désorganisation  lente,  s*écroulant  dans  le  sang,  dans  une  telle 
mer  de  sang,  que  la  nation  entière  a  failli  en  être  noyée.  11  y  a 
des  études  sociales,  le  petit  et  le  grand  commerce,  la  prostitu- 
tion, le  crime,  la  terre,  Targent,  la  bourgeoisie,  le  peuple, 
celui  qui  se  pourrit  dans  le  cloaque  des  faubourgs,  celui  qui  se 
révolte  dans  les  grands  centres  industriels,  toute  celte  poussée 
croissante  du  socialisme  souverain,  gros  de  Tenfantement  du 
nouveau  siècle.  Il  y  a  de  simples  études  humaines,  des  pages 
intimes,  des  histoires  d'amour,  la  lutte  des  intelligences  et  des 
cœurs  contre  la  nature  injuste,  l'écrasement  de  ceux  qui  crient 
sous  leur  tâche  trop  haute,  le  cri  de  la  bonté  qui  s'immole 
victorieuse  de  la  douleur.  11  y  a  de  la  fantaisie,  Tenvolée  de 
l'imagination  hors  du  réel,  des  jardins  immenses,  fleuris  en 
toutes  saisons,  des  cathédrales  aux  fines  aiguilles  précieusement 
ouvragées,  des  contes  merveilleux  tombés  du  paradis,  des  ten- 
dresses idéales  remontées  au  ciel  dans  un  baiser.  Il  v  a  de  tout, 
de  rexcellcnl  et  du  pire,  du  vulgaire  et  du  sublime,  les  ileurs, 
lii  bouc,  les  sanglots,  les  rires,  le  torrent  même  de  la  vie  char- 
1  iant  sans  fin  Thumanité  [i28J. 

1/étude  du  problème  de  rbcrédité,  où  tant  de  maux  et  de 
soiiiïrances  apparaissent  au  docteur  Pascal,  éveille  d'abord  en 
lui  une  pitié  militante  de  médecin  guérisseur;  son  rêve  est 
de  hàier  le  bonheur  universel  par  la  santé  rendue  à  tous;  il 
imagine  des  injections  hypodermiques,  destinées  à  combattre 
la  débilité  humaine,  seule  cause  de  tous  les  maux  [\'2]  ; 
nuel(|u»?s  cures  heureuses  montrent  la  valeur  de  sa  dt-couverte, 
liiais  des  scrupules  lui  sont  venus,  il  tremble  à  la  pensée  de 
celle  alchimie  qui  prétend  refaire  l'humanité  en  contrariant  la 
nature  dans  son  but,  et  alors  il  ne  veut  plas  songer  qu'à  soula- 
ger, à  empêcher  la  souffrance,  qu'il  considère  co.nme  une 
cruauté  monstrueuse  et  inutile  [-I7J;  dans  les  dernières  années, 
il  finira  par  mettre  son  unicjuc  croyance  en  la  vie,  certain  qu'elle 
doit  lirer  d'elle  seule  sa  santé  et  sa  force,  que  ruiii«iae  sagesse 
est  de  laisser  faire  la  nature  [337]. 

D'esprit  large,  il  a  élevé  Clolilde,  sans  lui  imposer  son  credo 


DES  ROIGON-M.VCQUAUT  3r.! 

philosophique,  veillaot  seulement  à  rinstruction  de  la  jeune 
iilie,  lui  doanaiU  en  toutes  choses  des  idées  pures  et  saines.  Il 
a  permis  à  Martine  de  mener  Tenfant  à  l'église,  les  a  laissées 
toutes  deux  à  leur  joie  de  croire,  ne  se  sentant  pas  le  droit 
d'interdire  à  personne  le  bonheur  de  la  foi  [7J.  Mais  cette  belle 
tolérance  Je  savant  aurait  le  plus  désastreux  effet,  créerait 
entre  Clotilde  et  son  maître  un  irréparable  malentendu,  si, 
a  rhcure  de  la  crise  décisive,  Pascal  ne  se  décidait  à  opposer 
la  force  de  la  vérité  humaine  aux  chimères  du  mysticisme. 

L'immense  amour  qui,  à  leur  insu,  les  aenyahis,  va  renouveler, 
en  leur  personne,  la  sublime   légende  du  vieux  roi  David   et 
d'Abisnïg,  la  jeune  Sunamite  [170].  Et  c'est  alors  une  idylle 
I  heureuse,  un  ruyonnement  de  bonheur,  un    hymne  à  la  nature 

.  liioinpliante,  jusqu'au  jour  où,  ruiné  par  la  fuite  du  notaire 

I  riraudguillot,  désespéré  de  n'avoir  pu  donner  à  Clotilde  l'enfant 

qui  eût  consacré  leur  amour,  Pascal  a  l'héroïsme  de  s'arracher 
le  cœur  en  exigeant  une  séparation  qui  doit  assurer  l'avenir 
de  la  jeune  femme.  Pour  lui,  l'existence  ne  sera  plus  qu'une 
torture,  il  s'est  remis  à  la  besogne,  complétant  ses  glorieux 
travaux,  gardant  jalousement  l'œuvre  dont  il  est  fier,  mais  cet 
enthousiaste  qui  a  vécu  de  passion  va  être  emporté  par  -une 
maladie  de  cœur;  sous  les  yeux  de  son  cher  disciple  Uamond, 
il  en  note  Us  progrès,  jusqu'au  dernier  soufile,  minute  par 
minute,  comine  un  professeur   qui  dissèque  à  ramphithéàlrc 

11  meurt  solitaire,  à  l'heure  même  oii  Clotilde  revient,  annon- 
çant la  naissance  prochaine  de  l'enfant  tant  désiré.  Et  avec 
Pascal  incurL  son  œuvre,  sa  magnifique  enquête  sur  les  lois  de 
rhêrédilc,  le   monument  de  sa  gloire  future,  anéanti  en  un  , 

iinmf.nse  autodafé  par  Félicité  Rougon,  farouche  dans  sa  haine  i 

de  la  vêriic  •  :  de  k  science  [3G3].  (Le  Docteur  Pascal,) 

Patoir.  —  Vétérinaire  de  Cloyes.  Petit  gros,  sanguin,  d'es- 
prit jovial,  av»;c  une  tète  de  troupier  et  des  moustaches  fortes 
\lo].  Parcourt  les  routes  dans  une  vieille  guimbarde  disloquée. 
[La  Terre.) 

Pauline.  —  Une  fomme  rencontrée  par  des  ouvriers  en 
bordée  [.V.jîî].  (L Assommoir.) 

Pauvre  Enfant.  —  Un  petit  troupier  du  5*  de  ligne.  C'est 
uneng-'cré  vo  ontaire,  qui  n'a  pas  vingt  ans.  11  se  meurt  àlam- 
liulance  de  l'ieiuilly,  d'une  blessure  reçue  au  flanc  gau«-.lie, 
pendant  hi  bataille  de  Sedan.  Le  surnom  de  c  Pauvre  Enfant  > 


SGi  LES  PERSONNAGES 

lui  esl  resié,  parce  que,  sans -cesse,  il  répète  ces  mots  en  par- 
lant de  lui-même;  et,  comme  un  jour  on  lui  en  demandait  la 
raison,  il  a  répondu  que  c*est  sa  mère  qui  l'appelait  toujours 
ainsi  [502].  Pauvre  Enfant  meurt  dans  les  premiers  jours  de 
décembre,  appelant  Henriette  Weiss:  c  Maman!  Maman!  »  et  lui 
tendant  des  bras  si  tendres  qu'elle  a  dû  le  prendre  sur  ses 
|:enou\.  La  souffrance  Ta  tellement  diminué  qu'il  ne  pèse  pas 
)»lus  lourd  qu'un  petit  garçon,  et  Henriette  le  berce  pour  qu'il 
meure  content  [509].  {La  Débâcle.) 

Payan.  —  Un  des  amants  de  Clarisse  Docquet.  Gaillard  à 
encolure  de  paysan.  C'est  un  tailleur  de  pierre  débarqué  du 
Midi,  et  dont  sa  ville  natale  est  en  train  de  faire  un  artiste 
[i73J.  il  croque  à  Clarisse  vingt-cinq  mille  francs  de  meubles 
donnés  par  Duveyrier.  (PoUBouille.) 

Péchard  (Antoine).  —  Voisin  des  Fouan.  Possédait  dix- 
huit  arpents  de  terre  et  a  épousé  la  Grande  qui  lui  en  apportait 
sept.  Meurt  jeune,  laissant  une  fille  [3i|.  (La  Terre), 

Péchard  (Madame).  —  Voir  Grande  (La). 

Péchard  (.Mademoiselle).  —  Fille  d'Antoine  Péchard  et  de 
Marianne  Fouan.  Celle-ci  a  chassé  sa  Hlle,  parce  que  la  gueuse 
s'est  obstinée  à  épouser  contre  son  gré  un  garçon  pauvre, 
Vincent  Houleroue.  La  femme  et  le  mari  ont  eu  deux  enfants, 
la  malchance  les  a  poursuivis,  ils  sont  morts  laissant  les  petits 
dans  une  misère  profonde  [32].  {La  Terre.) 

Pecqueux.  —  Chauffeur  de  la  Compagnie  dcTOuest.  Marié 
à  la  mère  Victoire,  ancienne  nourrice  de  Séverine  Aubry.  C'est 
un  grand  gaillard  de  quarante-trois  ans,  maigre  avec  de  gros 
os,  la  face  cuite  par  le  feu  et  par  la  fumée  ;  ses  yeux  gris  sous 
le  front  bas,  sa  bouche  large  dans  une  mâchoire  saillante,  rient 
d'un  cûntinuel  rire  de  noceur.  Natif  d'un  village  prés  de  Kouen, 
il  est  entré  tout  jeune  dans  la  Compagnie,  comme  ouvrier  ajus- 
teur. Puis,  à  trente  ans,  s'ennuyant  à  Patelier,  il  a  voulu  être 
chaudeur,  pour  devenir  mécanicien.  C'est  alors  qu'il  a  épousé 
Victoire,  du  môme  village  que  lui.  Mais  les  années  s'écoulent,  il 
reste  chauffeur,  gagnant,  tant  pour  les  primes  que  pour  le  fixe, 
deux  mille  huit  cents  francs  par  an,  e(  mangeant  tout  en  bom- 
bance, aux  deux  bouts  de  la  ligne;  jamais,  maintenant,  il  ne 
f  Hssora  mécanicien,  car  il  est  sans  conduite,  sans  bonne  tenue, 
Jiuveur,  coureur  de  femmes,  et  devient  même  à  craindre  lorsqu'il 


DES  ROUGON-MACQUAIIT  3C3 

esl  ivre,  car  il  se  change  alors  en  vraie  béte  brute,  capable  d'un 
mauvais  coup. 

Son  existence  est  réglée  :  il  a  deux  femmes,  une  à  chaque 
extrémité  du  parcours,  son  épouse  Victoire  à  Paris,  pour 
les  nuits  qu*il  y  couche,  et  Philomène  Sauvagnat,  au  Havre, 
pour  les  heures  d*attente  qu'il  passe  là-bas.  Entre  Victoire  trjop 
grasse  et  Philomène  trop  maigre,  il  répète  par  farce  qu'il  n'a 
plus  besoin  de  chercher  ailleurs  [81].  Pecqueux  a  un  dévoue- 
ment de  chien  pour  son  mécanicien,  Jacques  Lantier,  qui 
couvre  ses  vices;  tous  deux  forment  avec  leur  machine,  la 
Lison,  un  vrai  ménage  à  trois,  uni  par  la  même  besogne  et  les 
mêmes  dangers,  sans  jamais  une  dispute  [165].  Plus  tard,  cette 
bonne  eiitenle  est  rompue,  la  Lison  meurt  dans  la  catastrophe 
J'j  laCrjix-de-Maufras  [336J,  Thilomène  excite  la  colère  jalouse 
du  chau.Teur  en  se  montrant  trop  empressée  à  plaire  au  méca- 
nicien, i  t  vie  devient  un  enfer  sur  l'étroit  plancher  où  vivent 
les  deux  rivaux,  leur  haine  grandit  et,  un  jour  où  le  train 
emporte  vers  la  Prusse  dix-huit  wagons  de  soldats  criants  et 
chantants,  Pec<{ueux  en  qui  une  ivresse  mauvaise  a  déchaîné  la 
brute,  sr.isit  brusquemenlJacques  à  bras-le-corps  pour  le  pousser 
iiors  de  ::i  plate-forme;  cramponnés  l'un  à  l'autre,  ils  sont  en- 
traînés .^ous  les  roues  par  la  réaction  de  la  vitesse  et  ces  deux 
nommes,  qui  avaient  longtemps  vécu  en  frères,  sont  coupés, 
hachés  mus  leur  étreinte,  réduits  à  l'état  de  troncs  sanglants, 
se  serra:.:  encore  comme  pour  s'étouffer  [iii]-  (La  Béte  hu- 
iiiaine.) 

Peirotte.  —Receveur  particulier  à  Plassans  [102].  Tient 
sa  place  de  la  réaction  cléricale  [119].  .\u  coup  d'Etat,  les 
insurgé>  renimôncnt  en  otage  avec  les  autres  aiUcrités  de  la 
ville  [l>T],  le  traitent  avec  douceur  [25GJ  et  hii  assignent 
comme  i  rison  une  auberge  de  Saint-lloure  [-ôiJJ.  Sorti  trop 
tôt  dans  son  aûolcment,  alors  que  les  troupes  de  Tordre,  ivres 
de  fureu:-.  liront  encore,  Peirotte  est  tué  par  la  dernière 
décharge;  [-67 1;  il  laisse  enfin  sa  place  de  receveur  aux  Rougon 
qui  la  cur.voiient  depuis  longtemps.  On  ramène  le  corps  à  Plas- 
sans [oTV.  [La  Fortune  des  Rougon.) 

Péqueur  des  Saulaies.  —  Sous-préfet  de  Plassans.  Pas 
encore  m  .aranle  ans.  Très  brun,  moustaches  cirées,  d'une  cor- 
rection irréprochable  [47].  Fonctionnaire  médiocre,  a  laissé 
une  coalition  roya  isle  s'emparer  de  Plassans  et  faire  l'élection 
Lagrifoui.  On  le  maintient   à  son  poste    pour   ne   pas  donner 


3iîi  LES  PERSONNAGES 

réveil  aux  1  cgi  li  mi  s  les,  mais  il  reste  en  dehors  des  savantes 
ninndiuvres  gouvernementales  et  n'aurait  même  pas  le  flair  de 
faire  bonne  figure  à  Tabbé  Fanjas,  sans  les  judicieux  conseils 
de  la  précieuse  madame  de  Condamin,  ancienne  amie  pari- 
sienne qui  lui  ouvre  l'intelligence  [201].  {La  Conquête  de 
Plassftns,) 

Péquignot.  —Ami  de  Lorilleux.  Vend  des  meubles  grand'- 
rue  de  la  Chapelle  [109].  (L'Assommoir,) 

Perdigudt.  — Chanteur  connu  de  Matignon, qui  a  promis 
de  ramener  au  bal  d'enfants  des  Deberle  [130].  (Une  Page 
(C  Amour,) 

Pérou  (LA  mère).  —  Vieille  femme  employée  par  le  con- 
cier^'e  Gourd.  Elle  fait  les  gros  neltoynges  de  la  maison,  à 
quiirc  sous  de  l'heure.  Terrorisée  par  les  violences  de  Tan- 
cien  hirbin,  qui  lui  reproche  de  n'être  plus  assez  forte  et  qui 
rogno  sur  son  misérable  salaire,  elle  accepte  une  réduction  en 
plt'uranl  [3-28].  (Pot-Bouille.) 

Phasie  (Tante).  —  Femme  de  31i5ard.  Mère  de  Flore  et  de 
Louiseite.  C'est  une  cousine  des  Lanticr;  elle  a  servi  de  mar- 
raine au  petit  Jacques  et  Ta  pris  chez  elle»  à  Plassans,  lorsque 
Gervaise^Macquart  etson  amant  se  sont  envolés  à  Pari  s.  Jacques 
l'appelait  dès  Tenfance  tante  Phasie.  Elle  a  eu  deux  filles, 
Flore  cl  Louisette,  est  devenue  veuve  et  s'est  remariée  à  trente- 
cinq  ans  avec  Misard,  un  petit  homme   sournois  et  avare,  de 
cinq  ans  plus  jeune  qu'elle.  Jacques  Ta    retrouvée    plus   tard 
avec  ses  filles  et  son  mari,  vivant  en  undésertde  la  Normandie, 
la  Croix-de-Maufras,  sur  la  ligne  du  Havre,  où  elle  est  garde- 
barrière    et  où   Misard  est  chargé  d'un   cantonnement.  C'est 
une  existence  de  misère,  un  ennui  à  périr,  de  n'avoir  jamais 
personne  à  qui  causer,  pas  même  un  voisin,  dans  l'éternel  flux 
de  voyageurs  roulant  sans  lin  sur  la  voie  ferrée.  Dès  le  début, 
on  a  (Jonné  à  tante  Phasie  cinquante  francs  par  mois,  c'est  le 
présent  et  l'avenir,  sans  autre  espoir,  la  certitude  de  vivre  et 
de  crever  dans  ce  trou,  à  mille  lieues  des  vivants;   elle  a  eu 
loii,i:ienips   des  consolations,  lorsque  son  mari  travaillait  au 
liai  las l  et  qu'elle  demeurait  seule  à  garder  la  barrière  avec  ses 
filles  ;   elle  possédait  alors,  de   lioueii   au  Havre,  sur  toute  la 
lipriie,  une  telle  réputation  do  belle  f^inme  que  les  inspecteurs 
de  la  voie  la  visitaient  au  passage. 

Mais  à  quarante-cinq  ans,  la  robuste  personne  d'autrefois,  si 


DES  ROUGOX-MACQUART  SCS 

grande,  si  forte,  en  parait  soixante  ;  amaigrie  et  jaunie^ 
secouée  de  continuels  frissons,  elle  reste  là,  les  semaines,  les 
mois,  sur  une  chaise»  dans  cette  solitude,  sentant  son  corps 
s*en  aller  un  peu  plus  d'heure  eu  heure.  La  solide  gaillarde  a 
été  peu  à  peu  rongée  par  le  maigre  et  souffreteux  Misard. 
Entre  eux,  il  y  a  un  duel  à  mort  :  tante  Phnsie  possède  mille 
francs,  hérités  Tan  dernier  de  son  père,  et  elle  veut  garder 
Cette  somme,  elle  la  refuse  obstinément  à  son  mari.  Celui-ci 
peut  Lien  la  tuer,  elle  ne  cédera  pas  ;  même  s*il  Tempoisonne, 
il  n'aura  rieu,  elle  laissera  plutôt  les  mille  francs  à  la  terre. 
Certes,  elle  se  n]éfie,  elle  a  même  une  peur  secrète,  grandis- 
sante, la  peur  du  colosse  devant  Tinsccte  dont  il  se  sent  mangé 
[•i'»],  elle  n\accepte  rien  de  lui,  sauf  le  sel,  parce  que  le  sel 
l'uiifie  tout,  et  c'est  justement  dans  le  sel  qu'il  nriet  sa  drogue. 
Après  le  <fl,  ce  son!  les  lavements  qui  introduisent  le  poison 
vians  son  corps;  et  mourante,  elle  se  console  à  la  pensée  de  la 
tt'te  que  son  mari  fera  en  ne  découvrant  pas  le  magot  [^3^]. 
Morte,  ses  yeux  obstinés  restent  ouverts,  sa  tête  s*est  raidie, 
un  peu  penchée  sur  l'épaule,  comme  pour  regarder  dans  la 
chambre,  tandis  qu'un  retrait  des  lèvres  semble  les  retrousser 
u  un  oir  ^o^uenard  [308].  Et  c'est  bien  elle,  définitivement, 
nui  trbniphp.  car  le  petit  Misard  l'a  tuée  inutilement,  il  ne  trou- 
vera j.  mais  le  trésor.  (La  Bête  huiiuiine,) 

Pichenette.  —  Cheval  engagé  dans  le  Grand  Prix  de  Paris 
l3SI].  Il  est  retiré  avant  la  course  [405],  XSana.) 

Pichon  (.ÎL'LES).  —  Employé  de  ministère.  11  habite  avec 
sa  feUime  l'immeuble  Vabre,  rue  de  Choiseul,  au  quatrième 
sur  la  cour.  Grand  et  maigre,  l'air  dolent.  Dernier-né  d'une 
fruitière  qui  a  m.m^^é  sa  boutique  pour  faire  de  son  fils  un  ba- 
cbelie:  piirce  que  tout  le  quartier  le  disait  très  intelligent, 
PicliOL  a  vu  st  nicre  mourir  insolvable  trois  jours  avant  le 
triomphe  en  Sorijonne.  .\près  trois  ans  »le  vache  enragée  chez 
un  onc'.c,  il  a  eu  ]«.•  bonheur  inespéré  d'obtenir  un  emploi  pu- 
blic, ï.  a  cf>ojsé  Marie  Vuillaume,  lille  d'un  collègue  retiré,  et 
il  vil  l'.iê  à  li.  niécaniijue  du  bureau,  ayant  dans  ses  yeux  ternes 
la  résirnalion  li«!)élée  des  chevaux  de  manège,  calculant  ma- 
chinalement iju'il  a  encore  trente -six  ans  à  attendre  pour  être 
dêcor^^  el  oljl«  nir  dt^ux  mille  francs  de  retraite  [8*2].  Plein  de 
mrmiei  conimencanles,  il  parle  continuellement  de  son  sous- 
chef,  Kii  travaillé  dans  la  rue  du  seul  tourment  des  éclabous- 
sures  ûc  boue  et  ne  connaîtrait  aucun    imprévu  si,  déciilé  à 


360  LES  PERSONNAGES 

n*avoir  jamais  qu'un  enfant,  comme  la  saine  raison  Texige,  il 
ne  voyait  sa  femme  continuellement  enceinte,  malgré  les 
précautions  les  plus  strictes.  {Pot-Bouille,) 

Pichon  (Madame  Jules).  —  Voir  Vuillaume  (.Marie). 

Pichon  (LlLiTTE).  —  Fille  aînée  des  Pichon.  Elle  a  dix- 
huit  mois  quand  sa  mère  devient  la  maîtresse  d'Octave  Mou- 
rct  [71)].  {Pot-Bouille.) 

Pichon  (Rosalie).  —  Donne  de  madame  Grandjean. 
Courte,  grasse,  la  figure  ronde  sous  son  étroit  bonnet,  nez 
écrasé,  bouche  rouge,  cheveux  noirs  et  drus.  Beauceronne. 
Elle  avait  été  donnée  à  Hélène  par  Tabbé  Jouve  à  qui  elle  avait 
été  recommandée  par  un  curé  de  village,  ancien  camarade  de 
séminaire.  Rosalie  a  grandi  au  presbytère,  avec  la  servante, 
qui  était  sa  marraine.  Elle  triomphe  dans  les  petits  plats. 
Avec  la  permission  de  madame,  elle  reçoit  chaque  dimanche  la 
visite  de  son  fiancé,  le  soldat  Zéphyrin  Lacour,  en  l'honneur 
de  qui  elle  fait  tous  les  samedis  un  formidable  nettoyage  dans 
sa  cuisine  [86]  et  qui  se  tient  bien  sage  dans  un  coin. 
{Une  Page  (T Amour,) 

Picot.  —  Soldat  d'infanterie.  Appartient  à  la  première 
division  du  7*  corps,  engagée  à  Frœschwiller,  où  toute  une 
armée  allemande  est  tombée  sur  les  quarante  mille  Français 
de  Mac-Mahon.  Ceux-ci  avaient  évacué,  le  matin,  le  gentil  vil- 
lage de  Wœrlh  et,  tout  le  jour^  se  sont  usé  les  dents  et  les 
ongles  pour  le  réoccuper;  on  s*est  cogné  ensuite  autour 
d'Elsasshausen,  les  Français  ont  été  canardés  par  un  tas  de 
canons  qui  tiraient  à  leur  aise  du  haut  d'une  colline,  lâchée 
aussi  le  malin;  et  il  n'est  resté  d'autre  ressource  que  de  sacri- 
fier inutilement  les  cuirassiers.  On  s'est  battu  longtemps  dans 
Frœscliwiller  ;  un  autre  que  Mac-Mahon  aurait  refusé  la  ba- 
taille, puisqu'on  n'était  pas  de  force,  il  a  tenu  jusqu'au  bout; 
pendant  près  de  deux  heures,  les  ruisseaux  ont  roulé  du  sang. 
Et  alors  que  la  gauche  culbutait  les  Bavarois,  la  droite  et  le 
centre  ont  dû  céder,  les  régiments  débandés,  démoralisés, 
affamés,  ontfui  a  travers  champs,  les  grands  chemins  ont  vu 
une  affreuse  confusion  d'hommes,  de  chevaux,  de  voitures,  de 
canons,  toute  la  débâcle  d*une  armée  détruite,  fouettée  du 
vent  fou  de  la  panique.  Au  lieu  de  faire  sauter  les  ponts,  de 
combler  les  tunnels,  les  généraux  ont  galopé  dans  reflarement, 
et  une  telle  tempête  de  stupeur  a  soufQé,  emportant  a   la  fois 


DES  ROUGOX-MACQUART  367 

les  vaincus  et  les  vainqueurs,  qu*un  instant  les  deux  armées  se 
sont  perdues,  dans  cette  poursuite  à  tâtons  [65]. 

Picot,  roulé  dans  la  fatigue  et  dans  là  déroute,  est  resté  à 
demi  mort  de  futigue  au  fond  d*un  fossé,  avec  son  camarade 
Coutard,  du  1*^  corps.  Traînant  des  lors  la  jambe  à  la  queue  de 
Tarmée,  forcés  de  s'arrêter  dans  les  villes  par  des  crises 
épuisantes  de  fièvre,  ils  arrivent  seulement  le  2'I  août  à  Reims, 
un  peu  remis,  en  quèie  de  leur  escouade.  Ils  sont  dans  une  dé- 
chéance lamentable  de  soldats  sans  armes,  velus  de  pantalons 
rouges  et  de  capotes  si  rattachées  de  ficelles,  rapiécées  de  tant 
de  lambeaux  différents,  qu'ils  ressemblent  à  des  pillards,  à  des 
bohémiens,  achevant  d*user  la  défroque  de  quelque  champ  de 
bataille  [01],  {La  Débâcle.) 

Picou.  —  Petit  rentier  de  la  ville  neuve,  à  Plassans.  Fré- 
.w.nte  u li  café  de  la  place  des  Récollets  où  il  commente  d*une 
voix  aigre  les  nouvelles  politiques  [299].  {La  Fortune  des 
Hougon.) 

Pied-de- Céleri.  —  Ami  de  Goupeau.  II  a  une  jambe  de 
Lois,  d'où  son  surnom  [178].  {L'Assommoir.) 

Piédeier  (Laure).  —  Tient  une  table  d*hôle  rue  des  Mar- 
rrs.  C'est  une  dame  de  cinquante  ans,  aux  formes  débor- 
darites,  sanglée  dans  des  ceintures  et  des  corsets.  La  bonne, 
au  contraire,  est  une  grande  maigre,  ravagée,  aux  paupières 
noires,  aux  regards  flambant  d'un  feu  sombre  [278].  Laure  Pié- 
dcfer  fait  manger  pour  trois  francs  les  petites  femmes  dans 
rembarras;  toutes  la  baisent  sur  la  bouche  avec  une  familia- 
rité tendre  [Si]  et  ce  monstre,  les  yeux  mouillés,  tâche,  en  se 
partageant,  de  ne  pas  faire  de  jalouses.  U  y  a,  dans  les  trois 
salons,  une  centaine  de  client- ^,  mêlées  au  hasard  des  tables, 
la  plupart  touchant  à  la  quarantaine,  énormes,  avec  des  empâ- 
tements de  chairs,  des  bouffissures  de  vice  noyant  les  bouches 
inolles;  et,  au  milieu  de  ces  ballonnements  de  gorges  et  de 
ventres,  apparaissent  quelques  jolies  filles  minces,  l'air  encore 
ir.^énu  sous  leffronterie  du  geste,  des  débutantes  levées  dans 
u:.  bastringue  et  amenées  la  par  une  cliente  [278].  {Nana.) 

Piédefer  (Zoé).  —  Un  modèle  qui  loge  rue  Campagne- 
Preinicre  |17].  C'est  une  grande  brune  dont  le  ventre  s'abime 
[.'•ôj.  (UŒuvre.) 

Pierre.   —   Valet   de   chambre   des  Deberle.   (Une  Page 


368  LES  PERSONNAGES 

Pierre.  —  Employé  au  Bonheur  des  Dames  ;  est  garçon  de 
table  au  réfectoire  [205].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Pierron.  —  Un  mineur  du  Voreux,  affecté  à  ]*accrochage. 
Veuf,  ayant  une  fille  de  huit  ans,  la  petite  Lydie,  il  s'est  marié 
avec  la  fille  de  la  Brûlé.  Le  ménage,  installé  au  coron  des  Deux 
cent  quarante,  en  face  des  Maheu,  vit  très  heureux,  au  milieu 
des  bavardages,  des  histoires  qui  courent  sur  les  complaisances 
du  mari  et  sur  les  amants  delà  femme  :  pas  une  dette,  deux 
fois  de  la  viande  par  semaine,  une  maison  si  nettenicnt  tenue 
qu'on  se  mir»^rail  dans  les  casseroles  [i  10],  Pierron  a  un  visage 
doucereux  [65].  Forcé  de  participer  à  la  grève  et  de  faire  partie 
de  la  délégation,  il  a  écrit  au  directeur  Ilennebeau  pour  se  jus- 
tifier respectueusement  [232].  Lorsque  les  choses  se  gâtent,  il 
simule  une  maladie  et  s'enferme  av(.>c  sa  femme  pour  se  gorger 
de  lapin  au  milieu  du  coron  afifamé  [29i].  Après  l'émeute  de 
^lontsou,  ou  Ta  arrêté  par  erreur  et  il  est  allé  les  menottes 
aux  poings  jusqu'à  Marchicnnes  [420].  C'était  mal  reconnaître 
K'S  services  qu'il  avait  rendus  en  vendant  ses  camarades,  en  les 
esjûonnant  pour  le  compte  du  maître  porion  Dansaerl,  amant 
de  sa  femme.  A  la  fin  de  la  grève,  il  redescend  l'un  des  pre- 
miers dans  la  mine,  avec  une  dizaine  de  cafards  de  son  espèce 
[103].  Il  devient  chef  d'équipe  à  Taccrocliage  et  se  fait  rapide- 
ment détester  par  ses  excès  de  zèle  [585].  (GertninaL) 

Pierron  (Lydie).  —  Fille  de  Pierron.  Une  chétive   fillette 
de  dix  ans,  déjà  hercheuse  au  Voreux.  Éreintée,  boueuse,  rai- 
dissant ses  bras  et  ses  jambes  d'insecte  pour  pousser  sa  berline, 
elle  est,  au  fond  de  la  mine,  pareille  à  une  maigi'e  fourmi  noire 
en    lutte   contre    un   fardeau  trop  lourd  [GO].  Détestée  de  la 
Pierronnc,  elle  empoche  en    gifles  fréquentes  les  vivacités  de 
la  famille  [110].  Devant  son  ami  Jeanlin  Maheu,  elle  éprouve 
une  peur  et  une  tendresse  de  petite  femme  battue  ;  elle  joue  à 
faire  c  papa  et  maman  >  avec  lui;    quand  il  l'emmène,  elle 
galope,  elle  se  laisse  prendre  avec  le  tremblement   délicieux 
de  l'instinct,  souvent  fâchée,  mais  cédant  toujours,  dans  l'at- 
tente   de    quelque    cliose    qui    ne  vient   point   [138J.    Comme 
Hébert  Levaquc,  elle  est  exploitée  par   Jeanlin,  elle    est   de 
toutes  les  parties  de  maraude,  et  elle  en   partage   tous   les 
risques  sans  profit.  Au  tyrannique  Jeanlin,  elle  linit  par  pré- 
férer do  beaucoup  le  doux  et  câlin  Lôbert,  son  compagnon   de 
peine  ;  elle  voudrait  bien  être  serrée   dans  ses   bras    [302]. 
Mais  pendant  la  grève  de  Montsou,  un   feu  de  peloton   arrête 


DES  ROUGOX-MACQUART  36J 

ridylle  commençante  et  Lydie  est  tuée  raide  par   une  balle, 
devant  la  fosse  du  Voreux  [487].  {Germinal,) 

PiexTonne  (La).  —  La  seconde  femme  de  PieiTon.  Ving^- 
huit  ans.  Elle  passe  pour  la  jolie  femme  du  coron,  brune,  le 
front  bas,  los  yeux  grands,  la  bouche  étroite;  avec  cela,  co> 
qnctle,  d*une  propreté  de  chatte,  la  gorge  restée  belle,  car 
elle  n*a  pas*  eu  d*eufant  [liO].  Grâce  à  des  protections,  la 
Compagnie  Ta  autorisée  à  vendre  des  bonbons  et  des  biscuits, 
dont  elle  étale  les  bocaux  sur  deux  planches,  derrière  les 
vitres  de  la  fenêtre;  ce  sont  six  ou  sept  sous  de  gain  par  jour, 
quelquefois  douze  le  dinunche.  Maîtresse  du  maître  porion 
Oansacrt,  grâce  à  qui  Pierron  obtient  toutes  les  faveurs,  très 
méprisante,  dans  sa  certitude  d*étre  la  plus  belle  et  la  plus 
riclie,  elle  sait  répondre  aux  gros  mots  des  mineurs  [-138]. 
'.  -'■'?  In  grève,  la  Pierronne  possède  restarainel  du  Progrès, 
place  à  Tappui  de  tous  ces  messieurs  de  la  direction,  qui  se 
montrent  très  bons  pour  elle  [582].  {Germinal.) 

Pifard.  —  Censeur  du  collège  de  Plassans.  Son  nez  fameux 
s'embusque  derrière  les  portes,  pareil  à  une  couleuvrine,  dé- 
•"!nî!t  au  loin  sa  présence  [^(j].(L Œuvre.) 

Pillerault.  —  Un  habitué  de  la  Bourse.  Très  grand,  très 
.iiaigre,  avec  dos  gestes  saccadés  et  un  nez  en  lame  de  sabre, 
dans  un  visage  osseux  de  chevalier  errant.  C'est  un  joueur  qui 
"ig'*  en  principe  le  casse-cou,  déclarant  qu'il  culbute  dans 
ûes  catastrophes,  chaque  fois  qu'il  s'applique  à  réfléchir.  Tout 
à  l'opposé  de  son  ami  Moser,  Pillerault  est  une  nature  exubé- 
rante de  haussier  qui,  même  quand  les  baissiers  triomphent, 
paye  ses  dilïérences  avec  des  éclats  de  voix,  l'air  agressif  et 
superbe,  comme  après  une  victoire  [01].  {V Argent,) 

Piot.  —  De  la  maison  Piot  et  Piivoire,  marclïands  de  meu- 
bles dont  les  magasins  dorment  à  l'ombre  du  passigc  Sainte- 
Anne;  le  iJonheur  des  Dames  a  créé  un  rayon  de  meubles  qui 
leur  porte  un  coup  funeste  [263].  (.-lu  Bonheur  des  Dames.) 

Piquette.  —  Tient  à  Monlsou  un  estaminet  où  loge  Chaval 
[I  i3].  {(]crminal.) 

Plouguern  (De).  —  Sénateur  de  l'Empire.  Grand  vieillard 
(l«i  Sùixcinl.'- lix  ans,  sec,  osseux,  ressemblant  à  Voltaire  [^'ô]. 
Déjtui»'  ir-^iliniisle  sous  Louis-Philippe,  il  a  montré  une  sou- 
daine t^nilress»'  [»our  la  République  après  Février  et,  mis  au 
Sénat  par  l'Empereur,  il    est  devenu   bonapartiste.    Mais  son 


3T0  L£S  personnages 

passé  ik  gentilhomme  Toblige  à  défendre  la  religion  et  la 
famille,  tout  en  restant  sceptique  jusqu'aux  moelles,  très  dis- 
solu, très  inventif,  raffinant  les  jouissances.  Il  a  été  pendant 
trente  ans  Famant  de  la  comtesse  Dalbi;  tant  que  Clorinde  a 
t'tc  petite,  il  a  laissé  dire  qu'elle  était  sa  fille;  mais,  quand  elle 
est  devenue  femme,  grasse  et  désirable,  il  se  laisse  seulement 
appeler  parrain  et  la  couve  de  ses  veux  restés  vifs.  Elle  se  sert 
de  lui  pour  surexciter  le  Sénat  contre  Rougon  [398].  {Son 
Excellence  Eugène  Rougon,) 

Pluchax*!.  —  Un  ancien  mécanicien,  affilié  à  TAssocialion 
internationale  des  travailleurs,  secrétaire  de  la  fédération  du 
Nord.  Depuis  cinq  ans,  il  n'a  pus  donné  un  coup  de  lime  ; 
mince,  bellâtre,  la  tête  carrée  et  trop  grosse,  il  a  sous  sa  re- 
dingote noire  rendimanchement  d*un  ouvrier  cossu  ;  il  se 
soigne,  se  peigne  surtout  avec  correction,  vaniteux  de  ses 
succès  de  tribune,  mais  il  garde  des  raideurs  de  membres,  les 
ongles  de  ses  mains  larges  ne  repoussent  pas,  mangés  par  le 
fer.  Très  actif,  il  sert  son  ambition,  en  battant  la  province  sans 
relâche,  pour  le  placement  de  ses  idées.  Sa  voix  sort  pénible 
et  rauque;  peu  à  peu,  il  l'enfle  et  en  tire  des  effets  pathé- 
tiques; il  promène  sa  laryngite  avec  son  programme.  Les  bras 
ouvert>',  accompagnant  les  périodes  d'un-  balancement  d'é- 
piules,  il  a  une  éloquence  qui  tient  du  prône,  une  façon  reli- 
gieuse de  laisser  tomber  la  fin  des  phrases,  dont  le  ronflement 
monotone  finit  par  convaincre  [278].  Pluchart  a  été  le  contre- 
jiiaiire  d'Etienne  Laniier  à  Lille  ;  c'est  par  lui  qu'il  obtient, 
dans  la  hâte  d'une  réunion  dissoute  par  la  police,  Taffiliation 
en  bloc  des  dix  mille  mineurs  de  Montsou  à  l'Internationale 
[2$1].  Quand  cette  association  se  désorganise,  Pluchart  change 
de  terrain,  il  conquiert  Paris,  on  lui  fait  des  ovations  au  sortir 
des  réunions,  il  est  lancé  malgré  son  rhume  et  ira  où  il  voudra 
désormais  [oOC»].  (GerminaL) 

Poirette  (Le  père).  —  Un  paysan  de  Bennecourt,  aux  yeux 
rapetisses  de  vieux  loup.  Il  possède  une  grande  lanterne  de 
maison  que  Claude  Laniier  et  Christine  prennent  en  location 
pour  deux  cent  cinquante  francs  par  an  [184].  {VŒuvrc,) 

Poisson.  —  Mari  de  la  grande  Virginie.  Ancien  ouvrier 
ébéniste  devenu  sergent  de  ville  a  sa  sortie  du  service  [225]. 
C'est  un  honmiede  trente-cinq  ans,  à  la  face  terreuse,  avec  des 
moustaches  et  une  impériale  rouges.  Il  a  gardé  le  goût  de  son 
ancien   métier,   il  fabrique  constamment  de  petits  objets  en 


DES  ROUGON-MACyUART  371 

* 

bois,  se  livrant  au  découpage  à  la  scie  dans  de  vieilles  boites 
à  cigares  ['2'2GJ.  Un  modeste  héritage  qu'il  a  fait  permet  a  Vir- 
ginie de  monter  un  commerce  d*épicerie  fine,  dont  Lantier 
viendra  rapidement  à  bout.  Poisson,  trompé  au  su  de  tout  le 
quartier,  ne  voit  rien  ;  il  garde  imperturbablement  sa  rêverie 
calme  et  sévère  de  sergent  de  ville,  son  habitude  de  ne  penser 
à  rien,  les  yeux  voilés,  pendant  ses  longues  factions  sur  les 
trottoirs  [ii'2].  Lantier,  qui  l'appelle  Badingue  par  biRgue,  à 
cause  de  sa  ressemblance  avec  l'empereur,  est  surpris  un  jour 
par  lui  dans  les  bras  de  Virginie,  mais  une  explication  amicale 
empêche  les  choses  d*aller  plus  loin  [567].  (UAssominoir.) 

Poisson  (Madame).  —  Voir  Viiiginie  (La  grande.) 

Pologne.  —  Un  lapin  familier,  appartenant  aux  Rasseneur, 
":  .  ;^ro5se  mère  toujours  pleine,  qui  vit  lâchée  en  liberté, 
iiaus  la  maison.  Cette  lapine,  que  Souvarine  a  baptisée  du  nom 
r«o  Pologr.e,  s'est  mise  à  l'adorer,  venant  flairer  son  pantalon, 
se  dressant,  ie  ^rrattant  de  ses  pattes,  jusqu'à  ce  qu'il  Tait  prise 
comme  un  entant  ;  puis,  tassée  contre  lui, les  oreilles  rabattues, 
'  '  e  ferme  !e>  yeux,  tandis  que,  sans  se  lasser,  il  passe  la  main 
sur  la  soie  grise  de  son  poil  [15G].  Surprise  un  jour  par  Jeanlin 
''  ^?u  à  la  [' >rle  de  l'estaminet,  martyrisée  par  lui,  elle  n'a 
plus  fiit  depuis  que  des  lapins  morts.  Pour  ne  pas  nounir  une 
j  oucLe  inutil'*,  les  Rasseneur  raccommodent  aux  pommes  de 
i  riC    [153].  {G  nninal.) 

Poxnaré  (La  reine).  —  Chiffonnière  de  la  plaine  Monceau. 
Autrefois  un.'  (ille  superbe,  qui  occupait  tout  Paris  de  sa 
beauté;  et  un  chien,  et  un  toupet,  les  hommes  conduits  comme 
des  bêles,  d-e  frrdnns  personnages  pleurant  dans  son  escalier  ! 
A  pré5?nt,  el  e  se  soiile,  les  femmes  du  quartier,  pour  rire  un 
peu,  lui  font  boire  de  l'absinthe;  puis,  sur  les  trottoirs,  les 
^^alop!ns  la  {  oursuivcnt  à  coups  de  pierres.  Dans  son  paquet  de 
liaillor.i,  sou^  un  foulard  en  loques,  elle  aune  face  blême,  cou- 
turée, avec  1-  trou  édenté  de  la  bouche  el  les  meurtrissures 
•^iilîan.nié-s  i  ;s  yeux  [376].  (.Varia.) 

Porquier  (hocTEcr.).  — Médecin  à  Plassans,  soixante  ans, 
.L'ros  nioiîsieîir  à  cravate  blanche  [/|6]  ;  après  ses  visites,  vient 
passer  un-j  l.eure  à  la  sous-préfecture  pour  entretenir  sa  bell»; 
rlienl-rle  ['JO.]  el  serait  le  plus  heureux  du  monde  sans  son 
^'arnerjjenî  d*  liis,  Guillaume  F*orquicr,  jeune  débauché  qui 
srandclise   F-a.-sans,  et  que  le  docteur  rêve   de  caser  à  tout 


37:2  LES  PEHSONNACES 

prix.  Celle  ambilion  lui  inspire  d'excessives  complaisances  qui 
aboulissenl  à  rinlcrnemenl  de  François  Mourel  [301]  et  à 
rentrée  de  Guillaume  à  la  poste,  comme  commis  principal 
[3-26].  (Le  docteur  Pascal.) 

Porquier  (Guillaume).  —  Fils  du  docteur,  qu'il  chagrine 
par  son  inconduite.  Grand  jeune  homme  déjà  fatigué  [72], 
menant  une  vie  de  petites  débauches  provinciales,  entraînant 
avec  lui  les  jeunes  gens  de  la  ville  dans  des  maisons  de  femmes, 
où  Ton  joue  de  l'argent  et  où  se  fait  un  train  d*enfer  [76]. 
Dans  son  existence  nocturne,  il  s*est  lié  avec  Trouche  qui  le 
met  au  courant  des  manigances  de  son  père  cl  de  Tabbé 
Faujas  contre  François  Mouret  [299].  Aussitôt,  Faujas  devient 
prudemment  Fami  de  Guillaume  et  Timpose  au  Cercle  de  la 
Jeunesse,  où  par  compensation  le  jeune  homme  se  fait  le  séide 
de  l'abbé.  Et  c'en  est  fait  de  la  bonne  tenue  du  cercle;  Guil- 
laume y  met  à  la  mode  les  polissonneries  [312],  il  mène  des 
bandes  <lc  tout  jeunes  gens  faire  des  gueuletons  chez  les  Tron- 
che [330].  Enlin,  dans  la  pluie  de  faveurs  qui  tombe  sur  Plassans 
à  l'heure  des  élections,  il  obtient  un  bon  em])loi  [32G].  (La 
Conquête  de  Plassans.) 

Pouillaud.  —  Un  condisciple  de  Claude  Lantier  et  de 
Pierre  Saiidoz  au  collège  de  Plassans.  C'était  un  farceur  émé- 
rite  :  il  a  transformé,  un  jour,  en  chambre  ardente,  Farmoire 
du  professeur  Lalubie;  une  autre  fois,  il  a  attaché  tous  les  pots 
de  chambre  du  dortoir  à  une  même  corde  qui  passait  sous  les 
lits,  puis  au  malin,  un  matin  de  grandes  vacances,  il  s'est  mis 
à  tirer  en  fuyant  par  le  corridor  et  par  les  trois  étages  de 
l'escalier,  avec  celte  effroyable  queue  de  faïence,  qui  bondissait 
el  volait  en  éclats  derrière  lui  [38].  Mais  ces  folies  de  collégien 
ne  rempéchent  pas  d'avoir,  dés  l'âge  de  vingt  ans,  toute  la 
gourme  imbécile  d'un  bourgeois  qui  se  range,  il  fait  son  droit, 
reprend  l'étude  d'avoué  de  son  père,  et  plus  tard,  devenu  très 
grave,  il  a  des  ennuis  pour  s'être  laissé  pincer  avec  des  petites 
gueuses  de  douze  ans  [-148].  (L'Œuvre,) 

Powell  (Miss).  —  La  seconde  des  corsets,  au  Bonheur  des 
Dames.  Tape  du  piano.  Son  talent  est  jalousé  par  ces  demoi- 
selles [328].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Pozzo  (LuiGi).  —  Secrétaire  de  la  légation  d'Italie.  Di- 
plomate, peintre,  musicien  et  amoureux  [(j6j.  Se  dit  le  cousin 
de  Clorinde,  parce  qu'ils  sont  nés  dans  la  même  rue,  à  Florence 


DES  ROCGON-MACQUART  373 

[71].  11  vit  dans  rintimité  de  sa  prétendue  cousine,  lui  jouant 
<ie  la  musique  langoureuse,  sortant  de  chez  elle  à  des  heures 
singulières  [ITG].  (Son  Excellence  Eugène  Hougon.) 

Price.  —  Le  jockey  qui  monte  la  pouliche  Nana,  dans  le 
Graii'i  Prix  (!>•  Paris.  C'est  une  célébrité  anglaise,  inconnue  en 
France  ^30'JJ.  In  homme  de  quarante  ans,  qui  parait  un  vieil 
enfaïUd-ssêché,  avec  une  longue  iigure  maigre,  creusée  de  plis, 
Jare  cl  :iiorle.  Le  corps  est  si  noueux,  si  réduit,  que  la  casaque 
bleu»:;,  aux  manches  blanches,  semble  jetée  sur  du  bois  [405]. 
Et  Prie*:  gagne  la  course  dans  un  élan  de  furieuse  audace,  de 
voIoLlé  triomphante,  donnant  du  cœurù  la  pouliche,  la  soute- 
l-nackt,  la  portant  trempée  d*écume,  les  yeux  sanglants  [iJo]. 

Princess.  —  Jument  de  courses.  Lusignan,  de  l'écurie 
Vuiii  uvres,  est  par  Lanib  et  Princess  [388].  {Nana.) 

Prouane  (Fa>iille).  —  Habitants  de  Donneville.  Prouane, 
qui  a  eu  u!i  grade  tians  la  flotte  et  qui  écrit  comme  un  maître 
<l'»}coie,  »»sl  beileau  de  Tabbé  Horleur  et  secrétaire  de  la  mairie. 
Li  w.'hv  ze  coîiifirenii  le  mari,  la  femme  et  une  fillette  scrofu- 
I-u? -.  à  uîio  ihaigreur  ardente,  avec  de  gros  yeux  à  fleur  de 
t'.te.  uù,  dès  l'fige  de  onze  ans,  a  flambé  Thystérie.  Les  deux 
i'.jiiaiiL'  viveni  de  la  pèche  aux  crevettes;  ils  sont  presque 
lu.i.jours  ivres.  L'enfitut  finit  par  boire  connne  eux  et  vient, 
licl)''t  c  ;»ar  fnresse,  mendier  chez  Pauline  Quejiu.  La  femnu 
a  gar  iê  Hiaian.èChaiiteau  morte  [438].  Gomme  tout  le  village, 
Prou.;!ie  se  mo'jue  de  l'estacade  construite  par  Lazare  Clian- 
teiiu  l'Our  endiguer  la  mer  ['JGD].  (La  Joie  de  vivre.) 

PruUière.  — Acteur  des  Variétés.  Il  joue  avec  une  fatuité 
a:im?;nl  :  «J^  jeune  premier  en  bonne  fortune,  roulant  des  yeux 
•  le  bi  !V..  .lie.  Si  vanité  d'acteur  aimé  du  public  souffre  devant 
uîi  rù!e  trop  court  [3*2'J].  Prullière  joue  un  Mars  de  la  Courlille 
di:is  11  Lloitde  Venus  et  Saint-Firmin,  dans  la  Petite  Duchesse. 
Cesx  ':n  vain  i]  l'il  cbrrche  à  devenir  l'amant  de  Nana,  alors  en 
ni'^iia^ri  uv'^c  Tonlan;  elle  trouve  dégoiltant  qu'il  veuille 
Il  -niî'-r  un  anii  [-87].  {Xana.) 

Prunaire  «Lf:  peuE).  —  Sabotier  des  bois  de  Vivet  [G'2]. 
Furieux  .e  i  iiicontluit».'  de  sa  fille  Clara,  il  menace  de  tombera 
Poi'i-  el  i'j  lui  casser  les  bras  et  les  jambes,  à  coups  de  sabot 
[i•VJ^  'A'/.  Uonhcur  d-:s  Dames.) 

Prunaire   (Claha;.  —  Vendeuse  du   rayon  de  confections 


37i  LES  PERSONNAGES 

au  Bonheur  des  Damet.  A  été  jadis  débauchée  |Mir  les  valets 
de  chambre  du  château  de  Hareuîl.  Est  venue  plus  tard  d'un 
magasin  de  Langres  et  se  venge  à  Paris,  sur  les  hommes,  des 
coups  de  pied  dont  le  père  Pmnaire  lui  bleuissait  les  reins. 
Grande  et  mince,  la  téie  trop  longue  ornée  d*un  chignon  de 
cheveux  roux,  elle  a  une  allure  de  clieva)  échappé  [60j.  Clara 
est  un  scandale,  on  assure  qu'elle  a  des  entreleoeurs,  sans 
compter  la  queue  d*amants  de  hasard,  traînée  derrière  elle;  si 
elle  ne  quitte  pas  le  magasin,  où  elle  travaille  le  moins  pos- 
sible, dans  le  dédain  d'un  argent  gagné  plus  agréablement 
ailleurs,  c'est  pour  se  couvrir  aux  yeux  de  sa  famille  [f59]. 
Octave  Mouret  a  eu  un  court  caprice  pour  Clara  [ili].  Cette 
lille  pervertie  est  à  la  fois  envieuse  et  malfaisante.  Longtemps 
hostile  à  Denise  Baudu,  qu'elle  ne  pouvait  souffrir  au  rayon, 
la  poursuivant  de  ses  sarcasmes,  elle  a  la  méchanceté  de* dé- 
baucher Colomban,  pour  frapper  Denise  dans  les  siens  [é26]. 
Mademoiselle  Pmnaire  disparait  un  jour,  enlevée  selon  les 
uns  par  le  mari  d'une  acheteuse,  tombée  à  la  débauche  de  la 
rue,  selon  les  autres  [iO\],  (Au  Bonheur  dêtDamei.) 

Puech.  —  Père  de  Félicité  Pnech.  Marchand  d'huile  à 
Plassans,  principal  associé  de  la  maison  Puech  et  I^camp, 
située  dans  une  des  ruelles  les  plus  noires  du  vieux  quartier. 
Cette  maison  est  à  la  veille  de  sombrer,  lorsque  Pierre 
Piou^on  demande  la  main  de  Félicité,  appoiiant  avec  lui 
cinquante  mille  francs  qui  rétabliront  rapidement  un  crédit 
fort  ébranlé  [65].  Pnech,  heureux  d'être  sauvé  de  la  faillite, 
donne  sa  fille,  reste  encore  cinq  ans  dans  l'affaire,  passe  la 
main  à  Rougon,  et  se  retire  en  même  temps  que  Lacamp, 
satisfaits  tous  deux  d'avoir  amassé  quelques  rentes  [68].  Puech 
possi^de  à  ce  moment  une  quarantaine  de  mille  francs  qu'il  met 
égoîstemenl  en  viager  pour  mieux  dorloter  ses  vieux  jours; 
il  meurt  vers  18i5,  ne  laissant  pas  un  sou  à  Félicité  consternée 
[G9].  (La  Fortune  des  Rou§on,) 

Puech  (FÉLICITÉ)  (1).  —  Fille  du  marchand  d'huile.  Née 
en  1791,  elle  est  à  dix-neuf  ans  une  petite  femme  noire, 
maigre,  la  gorge  plate,  les  épaules  pointues,  le  visage  en  mu- 
seau de  fouine,  avec  des  cheveux  superbes.  Douée  d'une  intel- 
ligence très  remarquable,  elle  a  une  physionomie  de  naine 

{[)  Félicité  Puech,  intelligente,  active^  bien  portante;  mariée 
e\  1810  à  Pierre  Rougon.  (Arbre  généalogique  de$  Hougon^Macquërt,) 


^    m  * 


375 

[uU'e  où  se  retrouTi-nl  les  IraiLs  d'un  nol>le  Au  quartier  Sainl- 
.^lai'c.  M.  Je  Carnavant,  qui,  selon  la.  chronique,  serait  son 
ïùrilable  père  [66].  ilésignée  &  n'Alre  qu'un  laideron,  Félicilé, 
iJauée  liu  génie  de  l'inlrigue,  pleine  d'une  ambilion  active  et 
envieuse,  s'est  juré  d'éblouir  un  jour  celle  ville  oii  elle  végëte 
tristement,  au  fond  d'une  liuuiiqac,  dans  la  plus  complote  ma- 
iliuoriti'.  Elle  poursuivra  ce  but  jusqu'au  linut,  se  servant  an 
loiymari,  l'Jcrri;  llougon,  comme  d'un  iuslrument,  lullanl  avec 
opiniiltreiK  contre  une  |tersi$lanle  malchance,  ;;3rdaul  la  foi 
la  plus  ilpre  en  son  éloiU-,  piiMe  i  loul  pour  assouvir  son 
mluation, 


flnn< 


Elle  a  t ru  Hiire  fort 
Iravuil  KcUn 
le^  Jeux  époux 


irop  u).-sq.ii 


î  pour  qu 


s  nombre, 

quartier, 

ligure.  Ils 
âme  de  la  . 


ville  des  gens  r 
louent  un  logement  rue 
urrc  promise,  que  Félii     i, 
fentMres[8l}.  Elle  avait  wj,  .. 
Pascal  et  Aristiile,  puis  d 
Oelks-ci,  trop  lard  venues^ 
rêvant  toujours  de  ricliess 
capnbl<>s  de  vaincre  le  t 
solide,  comptant  sur  eu 
Son  second  Hls,  Pascal, 
desi*:  il  fuit  faillite  au:     ., 
«1  Aristide,  au  cuniraij    ,  r 
famille.  I.a  révolution    de 
lustre,  l'autre  petit  fane 
laulETS  les  besognes,  aij 
lïur  mire  loul  son  esp<  -c. 

A  celte  époque,  Féli u  ]  i;   c'est    toujours  h 

même  peiile  r<;mmc  noire,  à  la  marcuc  leste,  aui  épaules 
sèches;  sa  IJgure  de  fouine  semble  s'être  parclieminée  [81]. 
l)iri?F!ant  son  mari  sans  qu'il  s'en  doute,  elle  le  met  en  avant, 
(.lit  de  son  snlun  un  centre  de  politique  réactionnaire  el,  dans 
I  aveulisse  ment  général,  ces  Bougon  de  piètre  allure,  de  passé 
compromeltant,  méprisés  des  riches  bourgeois  ijui  s'assemblent 
t-hez  cu\,  deviennent  des  personnages  et  se  liciment  i^  l'affût, 
prêts  à  proliler  des  événements.  Secrètement  renseig'nés  par 
Eugène,  le  fils  aine,  que  sa  mère  avait  d'abord  méconnu  et 
qui  s'est  poussé  à  l'aris,  k-s  Rougon  jouent  dans  l'Iïssan^,  à 


contemple 


les  lois  à  l'Iussans. 
■intéressé  et  mo- 
îiIm  [TU];  Eugène 
iTos  appétits  de  la 
.  l'un  avocat  sans 
îPlassans,  aptes  â 
amées,  rendant  à 


37G  LES  PERSONNAGES 

répoque  du  coup  d'État,  un  rôle  plein  de  fourberie  où  éclate 
toute  rinlelligente  audace  de  Félicité.  Les  autorités  emprison- 
nées par  les  insurgés  laissent  la  place  libre  à  Pierre  Rougon, 
qui  s'empare  de  la  mairie,  rassure  les  bourgeois  claquant  des 
dents  derrière  leurs  portes,  et,  par  un  coup  de  maître,  combine 
avec  son  frère  ennemi  Macquart  un  guct-apens  sanguinaire, 
une  fusillade  nocturne  qui  fera  définitivement  accepter  les  Rou- 
gron  comme  les  sauveurs  de  Plassans  [351] 

Alors,  tous  les  bonbcurs  arrivent  à  la  fois:  Aristide,  Teufant 
prîTéré  de  Félicité,  se  rallie  à  la  bonne  cause,  Fencombrant 
Antoine  M.icqunrt  se  sauve  au  deh\de  la  frontière,  un  gendarme 
fait  justice  du  petit  Silvère  Mouret  dont  les  opinions  démago- 
giques compromettaient  la  famille,  Paîeule  Adélaïde  dont  on  a 
si  longtemps  rougi  est  enfermée  dans  une  maison  de  folles, 
enfin  les  soldats,  comme  s*ils  obéissaient  à  une  suggestion  de 
Félicité,  ont  tué,  dans  le  hasard  d'une  décharge,  le  receveur 
particulier  Peirotte,  dont  madame  Uougon  contemplait  les 
fenéires  avec  envie  depuis  des  anuées.  La  recette  particulière 
«le  Plassans  est  donnée  à  Bougon,  et  Félicité,  devenue  riche  et 
puissante,  réalise  dans  le  sang  le  rêve  de  sa  vie  en  s'ins- 
ta liant  triomphante  dans  le  grand  quartier.  {La  Fortune  des 
Itougon.) 

hl\  ans  après  le  coup  d'État,  madame  Rougon  règne  en 
souveraine  à  Plassans;  elle  a  été  chargée  par  son  fils  Eugène^ 
devenu  ministre,  de  personnilier  là-bas  les  douceurs  et  les 
amabilités  de  l'Empire  [\i].  Restée  à  soixante-dix  ans  d'une 
maigreur  et  d'une  vivacité  de  jeune  fille  [50],  elle  possède 
encore  tout  son  goût  pour  Fintrigue.  Plassans,  dompté  en  1851, 
vient  de  revenir  à  Fopposilion  royaliste,  en  élisant  député  le 
marquis  de  Lngrifoul;  c'est  un  grave  échec  pour  les  Rougon, 
(jui  trionijdiaicnt  depuis  les  grandes  journées  de  Décembre. 
Çélicilé  agit  aussitôt,  se  tenant  à  Fécart  par  une  manœuvre  de 
haute  habileté  [311],  mais  surveillant  avec  attention  les  opé- 
rations de  son  collaborateur  secret,  Fabbé  Faujas,  lui  donnant 
discrètement  de  bons  conseils  qu'il  n'a  pas  toujours  la  sou- 
plesse de  suivre,  et  coopérant  grandement  à  la  reprise  et  à  la 
conqnèle  défini live  de  Plassans.  Comme  son  grand  souci  est  de 
supprimer  François  Mouret,  qui  mène,  dit-on,  la  canaille  des 
faubourgs  [:277],  elle  a  dirigé  la  campagne  de  persuasion  qui 
doit  aeculer  ce  malheureux  à  l'aliénation  mentale  [2^8].  Tout 
réussit  ù  Félicité,  comme  en  1851.  Après  la  victoire,  quand 


DES  ROUCON-MACQUART  377 

Faujas,  hruta!  et  autoritaire,  va  devenir  un  danger,  Mouret 
le  supprime,  dans  un  coup  de  folie  furieuse,  et  madame  Pierre 
Rougon  reste  seule  maltresse  de  la  ville  reconquise  [401]. 
{La  Conquête  de  Plassans.) 

En  1^50,  elle  s*est  intéressée  aux  Gharbonnel,  anciens  mar- 
chands d'huile,  et  les  a  recommandés  à  son  fils  Eugène,  pré- 
ident  du  Cooreil  d'Etat  [54].  {Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

A  qurttre-virâgts  ans,  elle  est  restée  la  petite  femme  maigre 
de  J2. ils.  Très  élégante,  vôtue  de  soie  noire,  de  taille  encore 
fîoc,  elle  gard^  son  allure  d'ambitieuse  ardente.  Ses  yeux  ont 
conserv}  tout*:  leur  Oamme  [10].  Après  les  désastres  de  la 
guerre,  Plassans  a  échappé  à  sa  domination  et,  sans  un  regre* 
ni  une  {ijaintf .  devenue  très  riche,  Félicité  se  désintéresse,  con- 
sentant à  n'étr*^  plus  que  la  reine  détrônée  du  régime  déchu, 
n'ayant  plus  (]u*une  passion,  celle  de  défendre  la  légende  des 
Rougon,  en  écartant  tout  ce  qui,  dans  la  suite  des  âges,  pour- 
rait   la  salir    12].   Elle  voit  avec   bonheur   s'éteindre   enfin 
Taïeule  Ad é la;  le  Fouque,  mère  de  tous  les  Rougon  et  de  tous 
les    Mac|urirl.   témoin    desséché   d'un   passé   de   honte;    eilt 
assist.',  sans  un  geste  pour  intervenir,  à  la  terrible  lin  du  vieil 
oncle  Al  îciiio  Macquart,  dont  elle  guettait  la  mort  depuis  long- 
leinj'?,  uvanl  r-^urde  cet  ancien  complice;  et  enfin,  c'est  le 
petit  Cl.arles  Lougon  qui  s'en  va,  cet  humiliant  dégénéré  qui 
Liesse  sin  orgueil  parce  qu'il  semble  marquer  la  fin  de  la  race. 
Mais  ell-:'  ne  sera  tranquillisée  sur  la  pure  gloire  des  siens 
qu'après  avoir  anéanti  l'œuvre  du  docteur  Pascal,   le  seul   fils 
dont  ^W-:  roii^'isse,  et  qui  a  scientifiquement  établi,  dossier  par 
dossier,  l'histoire  vraie  de  celte  tragique  famille  aux  appétits 
débordants.  Et  toute  sa  longue  patience,  tout  son  esprit  d'acti- 
vité t:l  tie  ruse,  elle  les  retrouve   pour  ce  dernier  effort,   cir- 
coiivenar.t,  «i'a  ord,  puis    éloignant    Clotilde,    isolant   Pascal, 
g:igna:il  la  s^^rvante  Martine,  dont  elle  fait  sa  complice.  L'acte 
conso:ni:ié,    loruvre  patiente    et    énorme    de    toute   une   vie 
détruite  un  d-rix  heures  par  le  feu,  Félicité  connaît  les  joies 
du  trioii  {tli'i    infinitif  et,  pour  consacrer  par   un   monument 
durable  ia  gloir,*  éternelle  de  la  famille,  elle  emploie  sa  fortune 
à  la  consirujlion  et  à  la  dotation  d'un  asile  pour  les  vieillards, 
qui  s'api  eli-ra  i'asile  Rougon  [37^].  Elle  pose  à  quatre-vingt- 
(i'Ux  aiis  ii;  [^  ;emièie   pierre  de  cet  édifice  et,  par  lui,  elle 
conquie::  l'ias5i!is  pour  la  troisième  fois  [382].   {Le  Docteur 
PasC'l.  \ 


Om. 


178  .LtS  l'EKSOSSACES  DES  IlOUCOS-MAr.QUART 

Putois  (Madame).  —  Oun-iâre  blanchisseuse  chez  GerTatse 
:o.ipeau  {\'i).  IJuaraiitc-cinq  ans,  maigre,  petite  [i'iô].  Après 
n  décoiilltiire  de  sa  patronne,  elle  enlre  chei  madame  Faucon- 

liiT  [iid]-  [L'Assommoir.) 


Quandieu.  —  Le  doyen  des  porions  de  Monlsou,  un  vieux 
tout  blanc  de  peau  et  de  poils,  qui  va  sur  ses  soixante-dix  ans, 
\:r.  vrni  miracle  de  belle  santé  dans  les  mines.  Le  père  Quan- 
aieu  s*est  raidi  dans  son  entêtement  du  devoir  militaire,  le 
cràue  étroit,  Tœi)  éteint  par  la  tristesse  noire  d'un  demi- 
siècio  de  fond.  Pendant  la  grève,  son  attitude  énergique  sauve 
la  fosse  de  Mirou  [371].  (Germinal.) 

Quenu  (Madame),  née  Gradelle.  —  Sœur  de  Gradelle, 
cliarculicr  rue  Pirouette.  Mariée  à  un  Provençal  qui  Ta  aimée 
,.  c!)  mourir,  et  mère  du  jeune  Florent  qu'elle  a  mis  au  col- 
lège, elle  épouse  en  secondes  noces  un  Normand,  le  sieur 
Ouenu,  d'Yvetot,  amené  dans  le  Midi  et  oublié  par  un  sous- 
préfet.  Ce  second  mari,  emporté  par  une  indigestion,  la  laisse 
veuve  au  bout  de  trois  ans,  avec  un  gros  garçon.  Concentrant 
toutes  ses  ambitions  sur  le  fils  du  premier  lit,  elle  fait  de  ter- 
ribles sacrifices,  s'immolant  et  immolant  le  petit  Quenu  pour 
que  Florent  devienne  avocat  et  soit  bien  posé  dans  la  ville  du 
Vi^.in,  qu'elle  habite.  Elle  meurt  à  la  peine,  avec  le  désespoir 
immense  de  n'avoir  pu  achever  sa  tâche  [16].  {Le  Ventre  de 
Paris.) 

Quenu  (1). —  Frère  de  Florent,  que  sa  mère  eut  d'un 
premier  lit.  Mari  de  Lisa  Macquart  et  père  de  Pauline.  Né  au 
Vigan.  Son  père  est  mort  lorsqu'il  avait  deux  ans,  le  laissant 
pour  tout  héritage  à  sa  mère.  Madame  Quenu  avait  mis  toutes 
ses  espérances  en  Florent,  intelligent  et  doux,  et  elle  a  négligé 
ce  second  Dis  trop  gras,  trop  satisfait.  Le  petit  Quenu  galopine 

\)  Quenu,   sain   et  pondéré,  marié  à  Lisa  Macquart   en   1852. 
(Arbre  généalogique  des  Rougon-Macquarl.) 


3S0  LES  PERBOXKAGES 

avec  des  euloUes  percéei;  ta  mère  meurt  lorsqu'il  a  douie 
ans.  Florent  qai  ne  soupçonnait  rien  relrouve  son  Trére  dans 
une  misère  d'enfant  perdu.  1]  te  prend  pour  lui  d'une  tendresse 
paternelle,  l'emmène  à  Paris  et,  dévoué  jusqu'au  sacrilicc, 
abandonne  ses  éludes,  courant  le  cachet,  élevant  ce  jeune 
frère  au  logis  comme  un  enfant  gàlé  [i8J. 

OucDU  est  alors  un  petit  bonhomme  tout  rond,  un  peu  béls, 
mais  d'une  bonne  humeur  inaltérable.  Incapable  de  Iraraux 
plus  compliqués,  il  fait  le  ménage  el  la  popoie,  arrive  ainsi  à 
dix-liuil  ans,  toujours  traité  comme  une  demoiselle,  décide 
qu'il  dtfvra  gagner  sa  vie  et,  après  quelques  essais  iiifructueuXr 
trouTO  enfin  sa  voie  en  apprenant  la  cuisine  cbez  le  rôtisseur 
Gavard.  De  cérébralité  nulle,  Quenu  ignore  les  hautes  pensées 
de  son  frère;  il  engraisse  dans  la  joie.  L'aventure  il  a  coup 
d'Ëlat,  Florent  jeté  dans  une  casemate  de  Bicélre  et  transporté 
à  Cayenne,  celte  tragique  lecousse  donne  à  Quenu,  alors  âgé 
de  vrngt-deu\  ans,  une  fièvre  qui  le  laisse  tiébêlé  pemlant  trots 
semaines;  puis  ia  bonne  humeur  l'emporte.  Ouenu  est  entré 
chez  son  oncle  Gradelle,.nie  Pirouette,  pour  apprendre  la  char- 
cuterie, cette  existence  l'enchante  et,  sevré  d'argent,  brutalisé 
parfois,  il  est  parfaitement  satisfait  [Xô]. 

Ilieulût  Gradelle  prend  une  fille  de  boutique,  Lisa  Macqu.irt, 
qui  produit  une  profonde  impression  sur  Quenu.  l/amour  va 
être  chez  eux  une  bonne  amitié  dans  une  paiv  heureuse.  Ils 
s'épousenl  raisonnablement  après  la  mort  subite  du  vieux 
Gradelle,  unissant  les  fonds  de  l'héritage  au\  dh  mille  francs 
de  Lita  et  ils  quittent  bi entât  la  rue  Pirouette  pour  fonder, 
rue  Ram  bute  au,  une  belle  charcuterie,  toute  brillante  de  glaces. 
Cinq  ans  après,  ils  ont  déjA  quatre-vingt  mille  francs  placés  en 
bonnes  rentes.  Une  lîile  leur  est  née,  Pauline,  grosse  et  belle 
enfant  qui  leur  fait  honneur  dans  le  quartier.  Jusqu'en  185^, 
de  loin  en  loin,  Ouenu  a  reçu  des  lettres  de  Florent,  puis  les 
lettres  ont  cessé  et,  comme  un  journal  annonce  que  trois  éva-  . 
dés  de  nie  du  Diable  se  sont  noyés  avant  d'atteindre  la  cite,  il 
en  a  conclu  que  son  frère  était  mort  et  il  l'a  pleuré  [65]. 

Lorsque  Florent  revient,  Quenu  a  trente  ans.  11  est  gras,  il 
déborde  dans  sa  chemise,  dans  son  tablier,  dans  ses  linges 
blancs  qui  l'emmaillotent  comme  co  énorme  ponpoo.  Sa  face 
ra.sée  s'est  allongée,  elle  a  pris  i  la  longue  une  lointaine  res- 
semblance arec  le  groin  de  ses  cochons.  Il  accueille  avec  joie 
ce  revenant  dont  il  n'a  pas  oublié  la  tendresse  de  jadis,  il 
r&brile  sous  son  toit  et  resterait  placidement  beureui  si  Usa 


DES  ROCGON-MACQUART  3:51 

ne  soulevait  la  question  de  rhéritage  à  partager.  Son  avarice, 
rassurée  par  le  désintêressemenl  de  Florent,  le  jette  plus  tard 
dans  uu  trouble  profond  ;  lorsque  sou  frère  demande  quelques 
acomptes,  il  s'affole  devant  ces  billets  de  mille  francs  volati- 
lisés, il  perd  sa  belle  humeur,  sa  graisse  jaunit  et,  ayant  une 
peur  atroce  de  compromettre  sa  santé,  il  donne  blanc  seing  à 
Lisa  pour  être  délivré  de  ce  Florent  qui  le  rend  malade.  Lu 
groa.  chagrin  l'agite  lorsqu'on  arrête  son  frère,  il  se  reproche 
de  l'avoir  livré,  nviis  c'est  une  courte  crise  [353],  vite  apaisée 
dans  la  plénitude  du  bonheur  reconquis.  {Le  Ventre  de  Paris,) 

Il  perd  sa  femme  en  1863  et  meurt  six  mois  après,  d'une 
attaque  d'apoplexie,  laissant  sa  fille  Pauline  sous  la  tutelle 
i.u  cousin  Chanteau,  maire  de  Bonneville  [3].  {La  Joie  de 
i  a/Y.) 

Quenu  (Madame).  —  Voir  Macquart  (Lisa). 

Quenu  (Paulinh)  (1). —  Fille  de  Lisa  Macquart  et  de 
Ouenu,  née  en  1î^i3  [Ci].  A  cinq  ans,  c'est  une  superbe  enfant, 
ayant  une  ;M'os>e  figure  ronde.  Pauline  est  la  fidèle  amie  du 
'  lien  M«>iilon.  Elle  écoute  avec  bonheur  les  terribles  histoires 
de  son  oncle  Florent  [260].  {Le  Ventre  de  Paris,) 

Elle  est  orpheline  à  dix  ans«  Son  père  a  choisi  le  cousin 
Cliauteau  comme  tuteur.  Madame  Chanteau  vient  la  chercher 
i»  Paris  et  remmène  à  Bonneville.  On  a  désigné,  pour  être 
jiubrogé-tuléur,  un  parent  de  Lisa,  Aristide  Saccard.  La  for- 
tune s'élève  à  cent  cinquante  mille  francs. 

Pauline,  très  forte  pour  ses  dix  ans,  aies  lèvres  grosses,  la 
ligure  pleine  et  blanche,  de  cette  blancheur  des  fillettes  éle- 
vées dans  1  «s  arrière-boutiques  de  Paris  [9],  grands  yeux, 
cheveux  châtains  [25].  Elle  a  une  grâce  de  petite  Parisienne 
[10].  Vaillante  et  douce,  elle  fait  aussitôt  la  conquête  de  la 
maison,  du  chien  M.ithieu,  de  la  chatte  Minouchc,  de  tout  le 
mon-ie,  sauf  de  la  servante  Véronique,  restée  glacée  et  jalouse. 
Image  physiiiue  de  son  père  et  de  sa  mère,  parfaitement  équi- 
liijrê'S  P;»uliiie  est  bonne,  d'une  bonté  infinie,  avec  un  perpé- 
tuel hfsoin  (le  dévouement.  Elle  a   pourtant  des  colères   sou- 


(]  Pa..i:>»'  Qii^^h:.  liée  en  18ô3,  ve  s'est  pas  marier,  [Mt-lange 
êqiiilil»:  :•.  riC'Spml-.inco  pliysique  cl  morale  du  père  et  de  la  ukto. 
ÉLit  dhomiêîct'-].  Vit  encore  à  DounevUlc.  (Arbre  gr.nèalnrjiqHe  îles 
T'iOugon-Macquori.) 


3Sà  LES  l'EUSON^AGES 

(laines,  det  Yiolences  jalouses  venues  de  quelque  aïeul  ma- 
Icrnel  [5-i]  et  un  fond  d*avarice  héréditaire,  le  respect  de  Var» 
gcnt,  la  peur  d*en  manquer  [73].  Ces  traits  rendent  plus  dou- 
loureux et  plus  méritoires  les  perpétuels  sacrifices  de  Fauline» 
qui  luttera  contre  ses  instincts,  coupera  les  liens  de  son  égoisme 
[310],  souffrira  et  se  dépouillera  Yictorieusement  pour  les 
autres. 

Elle  fait  sa  première  communion  à  douze  ans  et  demi  [59]. 
la  grande  simplicité  du  curé  Ta  cliarmée  et  elle  a  communié 
(l*un  air  très  sérieux  [60].  Plus  tard,  rebutée  par  les  questions 
et  les  commentaires  lourdauds  de  l'abbé  Horteur,  elle  cesse 
(l'aller  au  confessionnal  et  ne  retourne  à  la  messe  que  pour  ne 
pas  chagriner  sa  tante  [87J.  Aucune  religiosité  dans  ses 
instincts  de  charité  active. 

Formée  avant  quatorze  ans  [6i].  curieuse  de  la  révolution 
(|ui  s^opcre  en  elle,  n'obtenant  de  madame  Chameau  aucune 
explication  intelligible,  elle  se  plonge  dans  la  lecture  d'ou- 
vrages de  médecine  trouvés  au  fond  d*ùne  armoire  et  apprend, 
comme  dans  un  devoir,  ce  que  Ton  cache  aux  vierges  jusqu'à 
la  nuit  des  noces  [66].  Elle  est  sauvée  des  idées  charnelles  par  j 
son  amour  de  la  santé.  Après  VAnatomie  descriptive  et  le  ; 
Traité  de  physiologie^  elle  a  trouvé  un  Manuel  de  pathologie  \ 
et  elle  sort  de  cette  étude,  pourtant  rudimentaire,  brisée  de  t 
pilic,  faisant  le  rêve  de  tout  connaître  afin  de  tout  guérir  [67].         i 

En  moins  d'une  année,  elle  est  devenue  une  jeune  fille  déjà 
robuste,  les  hanches  solides,  la  poitrine  large  [09].  Elle  va  \ 
avoir  seize  ans,  lorsque  commencent  les  manœuvres  de  madame 
Chanteau  sur  sa  fortune.  C'est  d'abord  trente  mille  francs 
pour  la  création  de  l'usine  rêvée  par  lazare  [73],  puis  dix 
mille  francs  pour  la  marche  de  Taffaire  [95],  d'autres  sommes 
[07],  des  prélèvements  continus  pour  les  besoins  du  ménage, 
tombé  dans  la  gène  [98].  Lorsque  Pauline  a  dix-sept  ans,  on 
lui  a  déjà  mangé  près  de  cent  mille  francs  [101].  Ce  gaspillage 
a  éié  facilité  par  l'amour  de  la  jeune  fille  pour  Lazare,  par 
son  ardent  désir  de  le  jeter  dans  l'action.  Pour  couvrir  leur 
responsabilité,  les  Chanteau  font  émanciper  leur  pupille  à  dix- 
huit  ans  [117]  et  l'argent  continue  à  couler. 

C'est  maintenant  l'exploitation  réglée  par  petites  sommes, 
Pauline  consent  à  tout,  le  chiff're  de  sa  pension  est  augmenté 
[13^],  puis  c'est  douze  mille  francs  pour  Testacade  [136],  dix 
mille  francs  pour  réparer  la  maison  qui  tombe  en  ruine. 
L'hcritiérc  des  Quenu  a  depuis  longtemps  vaincu  ses  instincts 


DES  ROUCON-MACQUAIlT  :j83 


I        iravarice;  elle  répand  des  aumôaes  dans  le  Tillage,  parmi  tout 
j        un  petit  monde  de  souffrants  qui  hurlent  leur  douleur;  elle 
s*ingénie   à  rendre  la  maison  heureuse  [262].  Pitoyable  dus 
:        Torigine,  elle  a  été  pour  Chanteauune  précieuse  garde-malade, 
■        ne  se  rebutant  de  rien,  soignant  le  vieux  bougon  jour  et  nuit. 
A  madame  Chanteau  qui,  jusque  dans  l'agonie,  Tinjuriait  et 
l'accusait  de  Tcmpoisonner,  elle  a  doucement  fermé  .les  yeux. 
Elle  sacrifie  tout  à  Lazare,  sourde  aux  remontrances  du  clair- 
voyant Cazenove,  et,  par  un  admirable  oubli  de  soi,  lorsqu'elle 
pense  que  son  cousin  aime  Louise  Thibaudier,  elle  dissimule 
i        son  propre  amour  et,  malgré  la  révolte  de  sa  puberté  féconde, 
i         accomplit  le  suprême  sacrifice  de  donner  l'un  à  Tautre  les  deux 
i         ninoureux.  La  servante  Véronique,  dont  elle  a  fait  enfin  la  con- 
quête, Ta  définie  très  justement:  c  Misère  1  a-t-elie  dii,  il  y  en  a 
.1*  sont  nés  pour  être  mangés  par  les  autres  i  [190]. 
Ace  moment,  la  fortune  delà  jeune  fille  est  réduite  à  qua- 
vnnte  mille  francs.  Fidèle  à  tous,  trompée  par  tous  [â07],  Pau- 
line s'est  décidée  à  quitter  Donneville,  mais  les  souffrances 
ambiantes  l'y  retiennent.  Toujours  saine  et  toujours  pondérée  à 
.1  avers  une  existence  de  douleurs,  elle  reste  là,  son  invincible 
bonté  de  vier<,re  qui  sait  et  qui  accepte  la  vie  la  cloue  à  celte 
'raison  où  elle  a  gaiement  sacrifié  sa  fortune,  son  cœur,  sa 
jt^unesse.  £lle  achèee  de  se  dépouiller  en  employant  les  deux 
!iers  de  ce  qui  lui  reste  à  une  assurance  de  cent  mille  francs 
sur  son  filleul,  IViifant  de  Lazare,  elle  n'a  plus  que  cinq  cents 
francs  de  rente,  elle  consacre  vaillamment  son  existence  à  cet 
•  itfant  qu'on  a  laissé  pour  mort  lorsqu'il  est  né  et  qui  est  bien 
devenu  sien,  car  il  ne  respirait  pas,  le  médecin  l'avait  abandonné, 
et  elle  l'a  fait  renaître  en  insufllant  la  vie  dans  ses  poumons 
inertes.  {La  Joie  de  vivre.) 

Après  la  mort  de  Chanteau,  elle  reste  à  Bonneville,  en  face 
du  vaste  océan,  toujours  gaie  dans  son  coin  de  morne  solitude, 
résolue  à  ne  pas  se  marier,  à  se  donner  toute  au  petit  Paul 
f  1-29].  (Le  Docteur  PascaL) 

Quinette.  —  Gantier  de  la  rue  Saint-Augustin,  miné  par 
la  concurrence  du  Bonheur  des  Dames  [203].  Tombé  en  fail- 
lite, il  reprend  du  travail  chez  les  autres,  du  côlé  de  la  I>as- 
lilh*  [li3J.  (Ah  Bonheur  des  Dames.) 

Quittard  (.\uguste).  — Fils  de  Françoise.  L'n  pauvre  gamin 
de  dix  ans,  si  malade  d'une  fièvre  typhoïde  qui!  n'est  pas 
iransporlahlc.  Resté  à  Cazeilles,  il  est  dans  un  lit  très   blanc, 


381  LES  PERSOSÏIiCES  DES  ItOCGOX-HACQUART 

s»  face  est  empourprée  de  Airrs  et,  poudant  l<?s  aares 
bataille,  il  regarde Uxeneiit  sa  mère  Je  ses  ycui  Uu 
[âl5].  Lorsqu'elle  eit  morte,  tuée  jtar  un  olius,  et  ■] 
mouches  diji  volent  et  se  posent  sur  sa  lâie,  le  ["lit  .V 
l>rÎ3ilu  délire,  appelle,  demaailfl  à  boire,  d'une  voix  b 
suppliaote  :  c  Hère,  réTeille>toi,  rèveille-luî...  J'ai  s 
bien  soif,  t  [ââ3].  Il  meurt  brûlé  dans  son  lil,  quand  le 
■  ois,  pris  de  folie  furiense,  descendus  uunegueri-edcsii' 
euragés  par  la  longueur  de  la  lutte,  allument  le  rillaj 
des  torches  et  font  de  Bazeillei  un  brasier  pour  venge 
morts,  leur  tas  de  morts  stir  lesquels  ils  marchent  (^ 
Débâcle.) 

Qulttard  (Fii.\nçoise).  ~  VeuTe  d'un  maçon,  ^ai 
de  la  teinturerie  ficlahcrcbe,  à  Baieilles.  Avant  la  11 
lous  les  ouvriers  ont  Tui  à  travers  bois,  gagnant  la  B<; 
Françoise  est  resléo  seule,  tremblante,  éperdue,  retenu* 
son  gm-çon,  le  petit  Auguste,  atteint  de  lièvre  typhoïde 
Aux  premières  heures  de  la  lutte,  un  éclat  d'obus  l'a  j 
travers  de  la  façade  éventrée,  morte,  les  reins  cassés, 
bj'ovée;  ce  n'est  plus  qu'une  loque  humaine,  toute 
allrcusc  [âlC].  (La  DèbùcU.) 


Rabier  (Les).  —  Tanneurs  à  Deaumom,  dans  la  ville  basse, 
lu  l'Ord  du  Li^-neul.  Le  mari  boit,  la  femme  a  uqe  mauvaise 
ooniuite.  Angélique  Marie,  fille  non  déclarée  de  Sidonie  Rou- 
.  j:i.  leur  û  élé  confiée  par  la  sœur  de  Rabier,  Thérèse  Fran- 
chomtne.  Injuriée,  battue,  souffrant  le  martyre,  traitée  d'enfant 
Je  la  borne,  feiifant  s'enfuit  peu  après  et  est  recueillie  pur 
les  Hub'^rt  "l.V.  (Le  Piéve,) 

RacheL  —  Donne  de  Berthe  Vabre.  Grande  fille  de  vingl- 
V..U.J  .lus,  ai  viiag*  dur,  au  grand  nez,  aux  cheveux  très  noirs. 
Hoit  être  j::ive,  mais  elle  le  nie  et  dissimule  ses  origines. 
.Avec  son  oi/éis-ance  muette,  son  air  de  tout  comprendre  et  de 
ne  rien  d'ui,  s:>  yeux  ouverts  et  sa  bouche  serrée,  elle  a  pris 

obsession  iu  ménage,  en  servante  de  flair  attendant  Theure 
lalale  et  pi  'vue  où  madame  n*aura  rien  à  lui  refuser  ['190], 
Elle  .1  ï jrp.is  1^:5  amours  de  Berthe  et  d'Octave  Mourel,  et  ne 
denianderaÎL  qu'aies  favoriser;  mais  cbmme  on  n'a  pas  eu 
l'adress-f  d»;  la  récompenser,  elle  dit  tout  au  mari  et  provoque 
le  renvui  ùe  1 1  fem.aie,  devenant  alors  maîtresse  du  logis, 
volant  et  qu^îre^Iaiit  son  maître  avec  la  tranquille  impudence 
d'une  é|  ouie  [îiS].  Chassée  après  la  réconciliation  des  époux, 
celte  iille  2:lei:cieuse,  dont  les  autres  bonnes  de  la  maison 
n'avalent  rim  pu  tirer,  se  venge  de  ses  maîtres  par  un  flot  de 
furieUïes  i;:jures,  qui  dépassent  toutes  les  bornes.  (Pot- 
Bouille* 

Rambaud  •  1).  —  Frère  cadet  de  l'abbé  Jouve.  Grand, 
carr»>.  Irrire  fig.ire  de  notaire  de  province,  déjà  tout  gris  à 

(1)  PiC-^biL  e  iiiarie  en  1857,  arec  fJtléue  Mouret,  veuve  en 
première:  /.;:Cà  de  Grjmljean,  [Arbre  généalogique  des  Roiujon- 
Mitcfj.i'jr!.' 


3sa  i^  PEasa53(AGes 


1 

1 


quaraiUc*cinq  ans^  il  garde  daos  ses  gros  jreax  Ueas  ViAr 
étonné,  naïf  et  doax  d*iin  enfant  [32].  IJ  a  fondé  me  de  Ram«- 
butean  une  sfiédalité  d'boiles  et  de  produits  du  Midi,  il  j- 
gagne  beaucoup  d'argent.  Originaire  de  Marseille  où  il  a  connu 
lesGrandjean,il  aide  son  frère  à  tirer  d'embarras  Hélènederenue 
subitement  veuve.  Fréquente  chez  celle-ci  et  se  prend  bientôt 
pour  elle  d'une  affection  profonde,  presque  patemelley  dont  11 
reporte  une  belle  part  sur  la  fillette  Jeanne.  Partageant  la 
haute  tolérance  de  Tabbé,  il  assiste,  plein  d'une  douletir  muette, 
à  la  crise  passionnelle  d'Hélène  Grandjean  et  s'offre  ensuite  à 
Tabaudonnée,  comme  un  refuge  tendre  et  doux.  (Um  Page 
d\{mour.) 

llambaud  s*est  retiré  des  affaires  et  est  allé  habiter  Marseille 
avec  sa  femme.  Son  mariage  a  fait  de  lui  im  cousin  par  alliance 
de  Lisa  Quenu.  A  ce  titre,  il  est  nommé  membre  du  conseil  de 
famille  de  la  petite  Pauline  [%].  Il  consent  par  lettre  à  rémao- 
cipation  [117].  {La  Joie  de  vivre.) 

Rambaud  mène  une  heureuse  existence  avee  Hélène,  qu'il 
idolâtre  [129] .  {Le  Docteur  Pascal.) 

Rambaud  (MADiUiE).  —  Voir  Mouret  (Hélène). 

Ramond.  — Élère  et  confrère  du  docteur  Pascal.  S'est  fait  une 
belle  clientèle  à  Plassans.  Refusé  par  Clotilde  Bougon  qui  n'a  pour 
lui  qu'une  très  sincère  affection  [182],  il  épouse  mademoiselle 
Lévéque  [â07].  Lorsque  Pascal  est  atteint  de  palpitations,  ill'aus- 
culte,  d^ourre  de  la  sclérose  [318]  et  le  soigne  avee  la  défé- 
rence d'un  disciple  [334].  Bouleversé  de  pitié  et  d'admiration,  il 
voit  mourir  ce  savant  resté  enthousiaste  et  passionné  jusqu'à 
son  dernier  souffle  [342].  {Le  Docteur  Paecat.) 

Ramond  (Madave)  —  Voir  Levêque  (Mademoiselle). 

Ranvier  (Abbé).  —  A  succédé  à  l'abbé  Jouve  comme  curé 
(le  Moiiisou.  C'est  un  abbé  maigre,  aux  yeux  de  braise  rouge 
\t%].  Il  attaque  violemment  la  bourgeoisie,  et  rejette  sur  elle 
toute  la  responsabilité  des  faits  de  grève  ;  c'est  la  bourgeoisie 
qui,  en  dépossédant  TÉglise  de  ses  libertés  antiques  pour  en 
mésuser  elle-niôme,  a  fait  de  ce  monde  un  lieu  maudit  d'injus- 
tice et  de  souffrance  [421].  Tout  Montsou  tremble  devant  ce 
socialiste  chrétien  ;  ainsi  que  Dansaert,  avec  ses  gendarmes, 
recrute  des  hommes  poiur  la  mine,  il  raccole,  lui,  des  hommes 
de  bonne  volonté  pour  l'église  ;  son  Dieu  seul  peut  tout 
sauver;  il  exploite  là  grève,  cette  misère  affreuse,  cette  rancune 


DES  noUGON-M.VCQUAnT  387 

exaspérée  de  la  faim,  avec  l'ardeur  d*uu  missionnaire  qui 
prév'he  des  sauvages,  pour  la  gloire  de  sa  religion  [iiO].  Et  il  a 
pour  les  faits  un  tel  dédain,  il  vit  .si  haut  dans  son  rêve  du 
triomphe  final  d'.*  TÉglise,  qu'il  court  les  corons  sans  aumônes, 
les  mains  vides  au  milieu  de  cette  armée  mourante  de  hesoins, 
en  pauvre  diable  lui-même  qui  r«>garde  la  souffrance  comme 
l'aiguillon  du  salut  [4i:^].  Devant  les  mineurs  tués  par  la  troupe, 
il  appelle  sur  les  assassins  la  colère  de  Dieu,  annonçant,  dam 
une  fureur  de  prophète,  l'heure  de  la  justice,  la  prochaine  exter- 
n)ination  de  la  bourgeoisie  par  le  feu  du  ciel  [489].  L'évéque 
finit  par  déplacer  cet  a!ibé  compromettant  [501].  (Germinal,) 

Rasseneur.  ^  Tient  un  cabaret  entre  le  coron  des  Deux 
cent  quarante  et  la  fosse  du  Voreux,  avec  cette  enseigne  : 
A  rAtantnjc.  Très  bon  ouvrier  jadis,  parlant  bien,  il  se  met- 
iuit  à  la  iê:e  de  toutes  les  grèves  et  avait  flni  par  être  Je  chef 
des, mécontents.  La  Compagnie  Ta  congédié,  il  a  trouvé  de 
l'argent  et  a  planté  son  cabaret  en  face  du  Voreux,  comme  une 
provocation.  C'e^t  un  gros  homme  de  trente-huit  ans,  rasé,  à  la 
figure  ronie,  au  sourire  débonnaire.  Sa  maison  est  en  pleine 
l*rospériic,  il  devient  un  centre,  il  s'enrichit  des  colères  qu'il 
a  peu  à  peu  soufrées  au  cœur  de  ses  anciens  camarades  [73]. 
Les  théorie^soci:i!istes  luisent  étrangères;  il  prétend  demander 
seu'ement  le  possible  aux  patrons,  sans  exiger,  comme  tant 
l'autres,  ùts  choses  trop  dures  à  obtenir  [75]. 

Ce  qui  fjit  son  inQuence  sur  les  ouvriers  des  fosses,  c'est  la 
facilité  de  sa  parole,  la  bonhomie  avec  laquelle  il  peut  leur 
parler  pendant  des  heures,  sans  jamais  se  lasser;  il  ne  risque 
aucun  geste,  reste  lourd  et  souriant,  les  noie,  les  étourdit, 
jusqu'à  ce  que  tous  crient  :  c  Oui,  oui,  c'est  bien  vrai,  tu  as 
raison  !  »  Une  rivalité  éclate  entre  lui  et  un  nouveau  venu, 
Etienne  Lantier,  ]ui,  sans  respect  pour  sa  situation  acquise, 
apporte  aux  minears  des  idées  nouvelles. 

La  jalousie  de  lîa^seneur  s'nggrave  bientôt  de  la  désertion 
«le  son  «l'il»;!,  où  ies  ouvriers  du  Voreux  entrent  moins  boire  et 
récouter  [î'-'T].  Aissi  en  arrive-l-il  parfois  à  défendre  la  Com- 
pagnie, oubliant  sa  rancune  d'ancien  haveur  congédié;  il  se 
déclare  nitoie  ce  .ire  la  grève,  uniquement  parce  qu'elle  est 
préconisée  par  Liienne  et  qu'à  son  avis,  ce  dernier  augmente 
sans  doute  le  gûoliis  pour  y  pécher  une  position  [269].  Celle 
attitude  re:.  1  très  vite  lUsseneur  impopulaire;  dans  la  forêt  de 
VanJame,  on  le  Irae,  on  crie  :  «  A  bas  le  traître!  »  [323].  Mais, 


t 

i 


38S  tKS  PERSONNAGES 

après  la  grève  de  Nontson,  après  récrasemeat  qu'il  avait 
prédit,  rinconstance  des  foales  inexercé  en  sa  faVeur;  e'esllaîy 
celte  fois,  qui  sauve  Êlienne»  et  il  retrouve  sa  popiiJariti  sans 
effort,  naturellement  L50i].  (GernUnat.) 

Rassenenr  (Hadave).  —  Tenait  déjà  uu  débit,  ^mme 
beaucoup  de  femmes  de  mineurs,  i  l'époque  où  Rasseneur  a  été 
congédié  du  Yoreus;  ils  ae  sont  alors  déplacés  et  agnmdi8[73]. 
C'est  une  grande  femme  maigre  et  ardente^  le  nex  long,  les 
pommettes  violacées.  Elle  est  en  politique  beaucoup  plus 
radicde  que  son  mari  [7o].  Son  mot  est  qu'il  faut  que  ça  pète 
[158].  Dans  ses  violences  révolutionnaires,  elle  se  montre  tou- 
jours d'une  grande  politesse;  quand  son  locataire  Souvarine 
parle  de  laver  la  terre  par  le  sang,  de  la  purifier  parrioeeudle, 
elle  dit  courtoisement  :  c  Monsieur  a  bien  raison  »  [ifiO]. 
{Germinal.) 

Rastoil.  —  Président  du  tribunal  de  Plassans.  Soixante  ans 
environ,  gros  homme  un  peu  court,  chauve  sans  barbe,  la*  tète. 
ronde  comme  une  boule.  Deux  filles  montées  en  graine.  Un  fits 
incapable,  Sévertn,  qu'il  rêve  de  caser  dans  la  magistrature 
assise.  La  fine  fleur  de  la  légitimité  se  réunit  chei  lui  ;  pour 
narguer  la  sous-préfecture  qui  est  voisine,  on  a  illuminé  son 
jardin  le  soir  de  l'élection  du  marquis  de  Lagrifoul  [17].  Peu  â 
peu,  l'abbé  Fatyas  usera  cette  opposition  ;  il  olTre  à  Rastoil 
1  illusion  d'un  terrain  neutre,  et  le  président,  habilement  cir- 
convenu par  madame  de  Condamin,  finit  par  Iftcher  Lagri&ml» 
devant  la  perspective  d'un  mariage  pour  une  de  ses  filles  et  la 
promesse  d'un  emploi  àh  substitut  pour  Séverin  [318].  (La 
Conquête  de  Plassans.) 

Rastoil  (Madame).  —  Femme  dn  président  du  tribunal  de 
Plassans.  Quarante-cinq  ans  environ.  (Yesi  une  petite  femme 
grasse,  à  tête  de  brebis  bêlante,  très  prude,  pleine  de  dévo- 
tion, qui  en  a  fait  voir  de  rudes  à  son  mari  [ii].  Elle  a  tiré 
autrefois  l'avocat  Delangre  de  la  misère,  loi  envoyant  jusqu'à  . 
du  bois  l'hiver,  pour  qu'il  ait  bien  chaud  [7i].  Sa  fille  aînée  est 
venue  au  monde  i  l'époque  de  cette  liaison;  on  est  d'accord 
pour  attribuer  à  la  jeune  fille  une  ressemblance  physique  avec 
Delangre.  (La  Conquête  de  Plassans»)  i 

Rastoil  (AngélinÉ).  —  Fille  aînée  du  président  Rastoil.  . 

Vingt-six  ans,  pas  belle,  toute  jaune,  l'air  maussade  [i3].  Elle        .  j 
s'attarde  à  des  jeux  de  fillette,  déployant  des  grâces  pour  trouver 


DES  ROUCON-MACQUART  *<{89 

un  mari.  Des  combinaisons  politiques  lui  permettront  d'épouser 
le  fils  du  dépulé  Delangre,  Lucien,  presque  un  frère  pour  elle, 
s*il  faut  en  croire  la  légende  [3i5].  (La  Conquête  de  Plassans.) 

Rastoil  (AuRÉLiE).  —  Seconde  fille  du  président.  Mngl- 
quatre  ans  euTiron.  Un  peu  moins  disgraciée  physiquement  que 
sa  sœur,  elle  aurait  sans  doute  été  choisie  par  Lucien  Dclangre, 
mais  on  ne  pouvait  décemment  marier  la  cadette  avant  Tainée 
[o25].  (La  Conquête  de  Plassans.) 

Rastoil  (SÊvERiN).  —  Fil?  du  président  du  tribunal  de 
Plassans.  Grand  jeune  homme  de  vingt-cinq  ans,  le  crâne  mal 
fait,  la  cervelle  obtuse  [172].  Reçu  avocat  grâce  a  la  position 
occupée  par  son  père,  il  est  à  peine  capable  de  plaider.  Il  fait 
p.'irtie  du  Cercle  de  la  Jeunesse,  qu*il  a  aidé  ù  organiser,  faisant 
les  courses,  crevant  d'importance  [173].  Quand  son  père  se 
rallie  à  1  Empire,  on  nomme  Séverin  substitut  à  FaveroUes  [325]. 
(La  Conquête  de  Piassans.) 

Ravaud.  — Capitaine  au  106*  de  ligne  (colonel  de  Vincuil). 
L'n  jeune  soldat  d<t  sa  compagnie  est  le  premier  blessé  amené, 
le  malin  du  1"  septembre,  à  l'ambulance  Delaberche  [2G8]. 
En  mars  1871,  on  retrouve  le  capitaine  Ravaud  â  Paris,  dans 
un  régiment  de  formation  récente,  le  124«  de  ligne,  logé  à  la 
caserne  du  Prince-Eugène.  Jean  Macquart  est  incorporé  dans 
sa  compagnie  [581].  (La  Débâcle.) 

Reading  (Lord).  —  Propriétaire  d'une  écurie  de  courses. 
L'n  de  ses  chevaux,  Rramah,  a  gagné  le  Grand  Prix  de  Paris 

[389].  (y (tua.) 

Rébufat.  —  Mari  d'Eulalie  Ghanlefrreil,  tante  de  Miette. 
Méger  du  Jas  Mcffren,  aux  portes  de  P)i:ins,  avare,  âpre  à  la 
besogne  et  au  gain,  il  consent  à  recueillir  Miette  resiée  seule 
au  monde  à  V^v^c  de  neuf  ans.  Il  la  traite  en  valet  de  ferme, 
raccabie  de  besognes  grossières,  so  sort  d'elle  comme  d'une 
bête  (le  soniino,  surtout  après  la  mon  l'ICulalio  qui  protégeai! 
l'enfant  contre  ses  rudesses  [209].  Informe  par  son  (ils  Justin 
des  sorties  noclurnes  de  Miellé,  il  jure  de  la  chasser  à  coups 
de  pied  si  elle  a  l'audace  de  revenir  [192).  {La  Fortune  des 
Roufjon.) 

Rébufat  (Madame).  —  Voir  Chantegrkil  (^El'lalie). 

Rébufat  (Jl'>tin).  —  Fils  du  méger  du  Jas  Meflren.  Garçon 
d'une  vin^'taine   d'années,   grêle,  blafard,  les   membres  trop 


3X»  LES  PERSONNAGES 

longs,  le  visage  de  travers;  hait  violemment  sa  cousine  Miette, 
rêvant  de  se  venger  sur  celte  belle  et  puissante  fille  de  sa 
propre  laideur  [193].  Il  Tinjurie  lâchement,  l'alfole  en  lui 
reprochant  son  père,  l'espionne  sans  cesse,  surprend  son  idylle 
avec  Siivèrc  Mouret  et  la  dénonce  au  brutal  Rébufat.  Cet  aiTreux 
galopin  ne  sera  satisfait  qu*en  voyant  Miette  éperdue  de  honte 
[193]  et  Silvère  assassiné  [383].  (La  Fortune  des  Bougon,) 

Rexnanjou  (Mademoiselle^  —  Voisine  des  Lorilleux,  rue 
lie  la  Goutte-d'Or.  Petite  vieillequi  habille  des  poupées  à  treize 
sous  [71].  Toute  fluette  dans  réternelie  robe  noire  qu'elle 
semble  garder  niémc  pour  se  coucher  [85].  Elle  est  conviée  à 
la  noce  des  Coupcau  et,  sous  le  pont  Hoyal  elle  raconte  ses 
souvenirs  :  en  1817,  elle  allait  dans  un  coin  de  Marne,  avec  un 
jeune  homme  qu'elle  pleure  encore  [99].  (LWssommoir,) 

Renaudin.  —  Notaire  à  Paris,  rue  de  Grammont.  Jeune 
lionime  aimable.  C'est  lui  qui  dresse  le  contrat  de  mariage 
dWuguste  Yabre  et'  de  Berthe  Josserand  [175].  Il  s*entend  avec 
Duveyrier  pour  réaliser  une  vente  d'immeuble  au  détriment 
des  autres  membres  de  la  famille  [28-i].  (Pot-Bouille.) 

Renaudin.  —  .Médecin  à  Grenelle.  Joséphine  Dejoie  a  été 
cuisinière  chez  lui  [13i].  {LWrgent.) 

Rengade.  ^  Gendarme  à  Plassans.  Quand  les  insurgés 
ont  envahi  la  caserne  de  la  rue  Canquoin,  Silvère  Mouret  s*est 
attaqué  à  ilengade  et,  d*un  mouvement  brusque,  lui  a  enlevé  sa 
carabine.  Dans  cette  courte  lutte,  Tanne  a  frappé  violemment 
le  gen<larme  à  la  face  et  lui  a  crevé  l'œil  droit  [189].  Une 
semaine  aprôs,  Rengade,  Tœil  bandé,  la  face  sanguinolente, 
retrouve  Silvère  arrêté  à  Saint-Roure  et  ramené  à  Plassans; 
il  lui  casse  la  tète  d'un  coup  de  pistolet,  assassinant  avec  lui 
un  paysan  de  Poujols,  Mourgue,  à  qui  le  jeune  homme  était 
accouplé  dans  la  colonne  de  prisonniers  [376].  {La  Fortune  des 
Bougon.) 

Reuthlinguer  (De).  —  Banquier  à  Paris,  une  des  plus 
grosses  fortunes  de  l'Europe.  BIème,  froid,  de  mœurs  austères. 
Il  fait  antichambre  chez  Clorinde  [375].  (Son  Excellence 
Eugène  Bougon.) 

Rhadamante.  ~  Surnom  d*un  professeur  du  collège  de 
Plassans,  un  maître  qui  n'a  jamais  ri  [37].  (L'Œuvre) 

Richomme.  —  Porion  au  Vor»»ux,  un  gros  à  figure  de 
bon  gendarme,  barrée  de  moustaches  grises  [25].  Jl   s'épuise 


DtS  r.OUCOX-MACQUAUT  391 

en  vain  à  vouloir  éviter  une  collision  entre  les  grévistes  et  la 
troupe;  peiid«int  que  les  briques  pleuvent  sur  les  soldats,  il 
supplie  d*un  côté,  il  exhorte  de  Tautre,  insoucieux  du  péril,  si 
désespéré,  que  de  grosses  larmes  lui  coulent  des  yeux  [485]. 
Et  il  est  tué  Tun  des  premiers  [487].  (Germinal.) 

Rivoire.  —  Associé  de  la  maison  Piot  cl  Ui voire  [^G3]. 
{Au  Bonheur  des  Dames.) 

Robert  (Madame).  —  Tne  habituée  de  la  table  d*hôte  de 
Laure  Piédefcr.  Cesl  une  femme  très  brune,  jolie,  au  visage 
allongé,  aux  lèvres  pincées  dans  un  sourire  discret.  Elle 
occupe  ru^  Mosnicr  un  appartement  sévère  et  bourgeois,  tendu 
u'éiolles  «ombres,  avec  le  comme  il  faut  d*un  boutiquier  pari- 
sit'U,  rniirr  aj»rès  fortune  faite.  On  ne  lui  connaît  qu*un  amant 
.1  la  ioi«,  ]>as  plu^,  et  toujours  un  homme  respcrtable.  C'était 
au[»aravani  un  chef  de  bureau  au  ministère  de  rinlérieur  [30]. 
four  le  m  tinent,  elle  a  un  ancien  chocolatier,  esprit  grave; 
quand  il  vient,  charmé  de  la  bonne  tenue  de  la  maison,  il  se 
fait  annon  er  et  l'appelle  «  mon  enfant  >  [i276].  Madame  lîobert 
e>l  la  rivi.'e  de  Nana  auprès  de  Satin;  évincée,  elle  se  venge 
en  ôcrivaM  des  lettres  anonymes  à  MulTat  et  aux  autres  amants 
de  son  ennemie  [359].  (Nana.) 

Robin-Chagot  (Vicomte  de).  —  Agronome,  ancien  con- 
«eiler  d'ttal.  devenu  vice- président  du  conseil  d'admiiiislra- 
lioD  de  la  [ianque  Universelle.  C'est  un  homme  doux  et  ladre, 
uneexcelîfnte  m-ichine  à  signatures  [Ui].  Il  touche  cent  mille 
francs  do  primes  secrètes  pour  tout  signer  sans  examen,  pen- 
dant les  longues  absences  d'Hamelin,  président  de  la  Société 
[tl'l].  (U Argent.) 

Robineau.  — A  élé  second  du  rayon  de  soieries,  au  Bon- 
heur des  Dames.  La  maison  s*est  mal  conduite  à  son  égard  ;  on 
lui  avait  promis  depuis  longtemps  la  situation  de  premier,  et 
DouthemùnU  arrivé  du  dehors,  Ta  obtenue  du  coup;  le  rayon, 
excité  par  llulin  et  Favier,  n'aime  pas  Robineau;  on  lui  en 
veul  surinit  de  ses  nerfs  de  femme,  de  ses  raideurs,  de  sa 
>usceplil«i.ité  [lOô].  Renvoyé  brusquement,  après  scpl  ans  de 
service,  ii  se  décide  à  acheter  le  fonds  de  Vincard,  marchand  de 
soieries  ne  Neuve-des-Petils-Champs  ;  longtemps  il  a  hésité, 
Ie5  soixante  mi'le  francs  dont  il  dispose  appartiennent  à  sa 
femme  et  il  est  plein  de  scrupules  devant  celte  somme,  aimant 
.i-.;^y,     ^ '.jj     cû  ««onnor  fni]|  dp  cuite  les  deux  noinîTs  ouc  de  la 


3aJ  LES  PEBSONXACES 

comproiueltru  anus  du  mauvHJses  alTaires  [SI].  Le  fonds  lui  a 
coùl«  lei  deux  lier^  de  sod  avoir,  il  ne  lui  reste  que  viupL 
mille  fraDC*  pour  marcher,  mais  le  fabricant  Gaujcan,  acquis 
aux  ialér£ls  du  petit  commerce,  le  soutiendra  par  de  longs 
crédit!. 

C'est  le  conHiKjui  divise  la  maison  de  spècialitûs  et  les  grands 
magasiiu;  une  Inlie  restée  célébra  s'engnge  entre  le  mioce 
Itobtneau  et  le  puissant  Octave  ïlourci,  leur  riv:i1ité  sur  les 
failles  de  Lyon  aboutit  à  un  massacre  des  prii,  â  un  écrase- 
ment du  boutiquier  sous  les  reins  plus  solides  du  Itonhcur  des 
Dames.  [338].  L'ancienne  maison  Vinçard  \n  mourir  de  sa 
lémérilé.  Itobîneau  restreint  son  personnel;  Denise  Baudu, 
employée  chez  lui,  le  quille  pour  rentrer  chei  .Mouret;  ÏI  vil 
dans  des  brusqueries  continuelle;,  perdant  patience  devant 
l'injustice  des  clientes  [230]  :  mais  surtout  il  s'alTole  en  pensant 
i'i  la  ruioe  qui  menace  sa  femme,  élevée  dans  une  paix  heu- 
reuse, incapable  de  vivre  pauvre  ;  le  jour,  il  repaie  sans  cesse  : 
ï  Je  t'ai  volée,  l'argent  venait  de  toi  i  ;  la  nuit,  il  rave  des 
soixante  mille  francs,  se  réveillant  en  sueur,  se  Iraitanl  d'inca- 
pable, apercevant  sa  cbère  fi^uime  dans  la  inie,  en  guenilles, 
mendiant,  elle  qu'il  aime  si  fort,  qu'il  désire  riche,  beureuse 
[159].  Cette  obsession  le  mène  à  l'idée  de  suicide;  réduit  aux 
expédients,' m enani  une  vie  d'enfer  pour  éviter  d'élre  mis  en 
faillite,  il  Bnil  par  se  jeter  sous  un  omnibus,  au  carrefour 
Gaillon,  devant  les  étalages  du  Bonlieur  des  liâmes  iriompbanl 
[i'>i].{Au Bonlirur  des  Dama.) 

Roblneau  (Madame).  —  Femme  du  msrcimnd  de  soieries. 
C'est  la  mie  d'un  piqucur  des  ponts  et  chaussées,  absolument 
ignorante  de;  clioses  du  commerce.  Élevée  dans  nn  couvent  de 
lilois,  très  brune.  Iras  jolie,  avec  une  douceur  yaie  qui  lui 
donne  un  grand  charme,  elle  a  encore  la  ganclierie  d'une  pen- 
sionnaire. Adorant  son  mari  et  ne  vÎTanl  que  de  cet  amour, 
elle  le  console  dans  les  heures  difficiles; pubqu'tl  l'aime  bien, 
elle  n'eu  demandt;  pas  davantage,  elle  lui  dunne1oul,son  cœur, 
sa  vie  [iZS].  L'utilité  de  la  lutte  lui  écliapp.!. Effarée,  dépaysée 
dans  ces  affaires,  auxquelles  sa  nature  tendre  ne  ntord  pas,  el 
qui  tournent  mal,  il  lui  semble  que  ce  serait  plus  gentil  de 
vivre  tranquille,  au  fond  d'un  petit  lo^i.>menl,  oit  l'on  ne  man- 
gerait que  du  pain  [157].  .Madame  Itobineau  est  dans  un  élat 
<i^  grossess-;  avancée  lorsqu'on  lui  rapporte  son  mari,  une 
jambe  brisée  sous  l'omnibus  ;  cet  affreux  malbeur  la  bouleverse, 


DES  nOUCOX-MACQUAUT  393 

mais  la  cassure  est  simple,  aucune  complication  ne  doit  se  pro- 
duire et  la  jeune  femme  se  réjouit  en  pensant  ()ue,  puisque  la 
déclaration  de  faillite  est  déHnitive,  son  mari  sera  maintenant 
débarrassé  du  tracas  des  affaires  [461].  {Au  Bonheur  des 
Dames,) 

Robine.  —  Fait  partie  du  groupe  Gavard.  Cinquante  ans, 
air  pensif  et  doux,  avec  un  chapeau  douteux  et  un  grand  par- 
dessus marron.  Le  menton  appuyé  sur  la  pomme  d*i voire  d\m 
gros  jonc,  i!  a  la  bouche  tellement  perdue  au  fond  d'une  forte 
barbe,  que  sa  face  semble  muette  et  sans  lèvres  [1:28].  On  ne 
l'a  jamais  vu  sans  chapeau  sur  la  tète.  Robine  est  le  silencieux 
du  groupe.  Il  écoute  les  autres  jusqu'à  minuit,  mettant  quatre 
heures  à  vider  sa  chope,  regardant  successivement  ceux  qui 
parlent  comme  s'il  entendait  avec  les  yeux.  Gavard  le  consi- 
dère comme  un  homme  très  fort.  11  habite  rue  Saint-Denis,  ne 
iait  absolument  rien  et  vit  d'on  ne  sait  quoi.  Son  si!ence  per- 
pétuel Tcm pèche  d'être  compromis  dans  le  complot  des  Halles, 
mais  il  assiste  à  l'audience,  où  Florent  raperroit,  s'en  allant 
doucement  au  milieu  de  la  foule  [355].  (Le  Veuirc  de  Paris.) 

Robine  (Madame).  —  Femme  de  Robine,  habite  avec  lui, 
rue  Saini-benis,  un  logement  où  personne  ne  pénètre.  Gavard 
qui  croit  l'avoir  vue  de  dos,  entre  deux  portes,  pense  qu'elle 
est  une  vieille  dame  très  comme  il  faut,  coiffée  avec  des  an- 
plaisHS,  mais  il  ne  pourrait  TafOrmer  [129].  {Le  Ventre  de 
Paris.) 

Robinot  (Madame).  —  Connaissance  des  Deberle  [25]. 
{Vue  Po'jc  d^ Amour.) 

Robiqnet.  —  Fermier  de  la  Chamade.  A  bout  de  bail.  11 
ne  fume  plus  la  terre,  laisse  le  bien  se  détruire  [100]  et  finit 
par  se  faire  expulser,  parce  qu'il  ne  paye  pas  les  fermages  [-173]. 
{La  Terre) 

Rochart  (Monseioxecr). —  Évêque  de  Faverolles.  Appuie 
les  sœurs  dans  l'affaire  Chevassu  [55],  est  battu  par  le  mi- 
nistre Eugène  Rougon  et  prend  sa  revanche  contre  lui,  lors  du 
scanJaie  soulevé  par  la  visite  domiciliaire  pra'iquée  chez 
les  sœurs  [iO^J.  {Son  Excellence  Emjène  Roujon.) 

Rochas. —  Lieutenant  au  106*  de li.s^ne  (colonel  de  Vineuil). 
Fils  iluM  ouviier  maçon  venu  du  Limousin.  Né  à  Paris  et  répu- 
gnant à  Téiat  de  son  père,  il  s'est  engagé  à  dix-huit  ans;  sol- 
dat d^j  fortune,  il  a  porté  le  sac,  caporal  en  Afrique,  sergent  à 


3H  LtS  PBItSON^AUES 

Scbaïlopol,  lieiilennnl  sfirès  Solferino  ;  il  a  mis  qiiinic  ans  itu 
dure  eiislciiceel  d'Iiéroîiiuc.  bravoure  pour  conquérir  ce  grade, 
d'un  manque  let  d'insli-uciioa  qu'il  ne  doil  jamais  pnsser  capi- 
tnÏQf  [17].  En  t870,  il  a  pri-s  de  cinquanic  nm.  Ceil  un  grand 
ilinlpii:  maigre,  avec  uni:  ligure  longue  et  creusée,  iniinée,  enfo- 
méo;  son  nez  énorni-!,  Iiusquê,  tombe  dans  une  liirge  bouche 
violenle  el  lionne,  où  se  hérissent  de  rudes  moustni-Les  grisou- 
iinnles  [t5].  Pus  commode,  d'une  grossièreté  parfois  à  lui  licber 
des  gillcs,  il  csl  iiiniê  de  se^  hommes,  qui  l'invilcjil  â  leurs 
repnii  'lo  maraude  quand  la  l'aiiline  des  ofliciers  e^t  vide.  Il 
pariiiiie  le  m.-pris  îles  soldais  pour  le  capilaiiie  ReauJoin,  un 
friOuqucl  îoiû  de  Sainl-CjT  [92]. 

Les  apprêhtnsiontdes  ^ens  leuséi  lur  le  sort  de  la  campagne 
le  font  éclnier  d'un  rire  énorme;  il  en  est  i  la  légende,  le 
troupier  françRis  parcourant  le  monde,  entre  sa  bi.'lle  et  une 
bouteille  du  hon  vin,  la  conquête  de  la  lerre  faite  en  chantant  des 
rerraint  de  goguette.  Tout  ion  grand  corps  de  chevalier  errant 
exprime  l'absolu  mépris  de  l'ennemi,  quel  qu'il  soit,  dani  son 
insouciance  complète  des  temps  et  des  lieux  [18].  On  recon- 
duira les  Prussiens  jusqu'à  tlertiu  A  coupa  de  pied  dans  le  cul 
[30].  Lorsqu'il  apprend  la  premîire  défaite,  une  immense  stu- 
peur se  peint  dans  ses  yeux  vides  d'enlant  [â3],  mais,  tnalgré 
Frccscliwillcret  la  déroute  sur  Ch&lous,il  est  retombé  d'aplomb 
dans  sa  foi  au  courage  invincible,  les  Prussieni  seront  aplatis 
comme  des  mouches  [6ÏJ.  L'elTroyable  désordre  de  la  marche 
vers  In  Meuse,  n'etiiamc  point  son  entêtée  conHance;  puisque  les 
Prussinssont  \i,  on  va  les  battre  [IS8].  Quand  on  monte  vers 
Vjllers,  tournant  le  dos  au  canon  de  Deaumont,  il  mâche  sour- 
dement des  ^ros  roots,  des  injures  contre  tous  et  contre  Ini- 
mi>mepi6];  près  de  Itemilly,  on  est  harcelé  par  l'artillerie 
prussienne,  un  éetat  d'obus  lui  effleure  la  tële  [iôl];  dans 
SL'dan,  il  tombe  foudroyé  de  sommeil  devant  la  statue  de  Tu- 
renne  [180];  sur  le  plateau  de  Flaingoii,  dédaigneux  de  tout  . 
abri,  simplement  enveloppé  d'une  couverture,  il  ronde  en  héros 
sur  ta  terre  humide  [2U3],  son  képi  est  jauni  par  les  pluies, 
dis  lioutous  manquent  à  fa  capote,  toute  sa  maigre  et  dégin- 
gandée personne  est  dans  un  pitoyable  état  d'abandon  et  de 
misère;  mais  le  malin  de  la  bataille,  il  n'en  est  pas  moins  - 
d'uue  RrAiierie  victorieuse,  les  yeux  élincelanls,  les  moustaches 
hérissées  [â3I]. 

il,  en  sa  cervelle  étroite,  l'idée  de  trahison,  répandue  dans 
l'armée,  n'est  pas  loin  de  paraître  naturelle,  car  elle  explique 


DES  ROUGOrC-MACQUART  û*93 

les  défaiies  surrenues,  il  garde  quand  même  son  mépris  fanfa- 
ron de  rennemi.  son  ignorance  absolue  des  conditions  nouvelles 
de  la  guerre,  son  obstinée  certitude  qu*un  vieux  soldat 
d'Afrique,  de  Crimée  et  d^Italie  ne  peut  pas  être  battu  [^3^]. 
Après  le  plateau  de  l'Algérie  et  le  calvaire  d'illy,  dans  la  re- 
traite en  désordre  qui  refoule  sa  compagnie  vers  le  bois  de  la 
Garenne,  il  garde  sa  belle  conflance  inébranlable  [358].  Cerné 
vers  quatre  heures  dans  l'Ermitage,  avec  une  poignée  d*homnies, 
il  reste  gai,  il  va  culbuter  les  armées  allemandes  d'un  coup, 
très  à  l'aise. 

Jusqu'au  bout,  il  n'aura  rien  compris  à  cette  ûchue  guerre, 
où  l'on  se  rassemble  dix  pour  en  écraser  un,  où  l'ennemi  ne  se 
montre  que  le  soir  après  \ous  avoir  mis  en  déroute  par  toute 
une  journée  de  prudente  canonnade.  Et  dans  son  obstination, 
enveIo[ipé  de  toutes  parts,  il  répète  machinalement:  c  Courage, 
mes  enfants,  la  victoire  est  là-bas  >,  tandis  qu'il  se  sent  do- 
miné, emporté  par  quelque  chose  de  supérieur,  auquel  il  ne 
réiiste  plus  [375]  Sans  songer  une  minute  à  fuir,  il  essaye 
d'anéantir  le  drapeau.  Frappé  au  cou,  à  la  poitrine,  aux 
jannbes.  il  s'aifaisse  parmi  ces  lambeaux  tricolores^  comme 
vrtu  J*eu\  [37G].  El  il  meurt  dans  son  ahurissement  d  enfant, 
tel  qu'un  pauvre  être  borné,  un  insecte  joyeux,  écrasé  sous  la 
nécessité  de  l'énorme  et  impassible  nature  [376].  (La  Dé- 
bâcle.) 

Rochefontaine.  —  Propriétaire  des  ateliers  de  construc- 
tion de  Ohâieaudun.  Grand  garçon  intelligent  et  actif,  très 
riche,  trente-huit  ans  à  peine,  les  cheveux  ras,  la  barbe  taillée 
carrément,  mise  correcte  sans  recherche,  froideur  brusque, 
voix  brt'ie,  autoritaire.  Tout  en  lui  dit  l'habitude  du  comman- 
dement, i'ohéissance  dans  laquelle  il  tient  les  douze  cents 
ouvriers  de  son  usine.  C'est  un  libre-échangiste  enragé,  il  veut 
que  le  p  lin  coûte  hou  marché  pour  n'avoir  pas  à  augmenter 
les  salaires  de  son  personnel.  Tout  prêt  à  servir  l'Empire, 
mais  blessé  de  n'avoir  pu  obtenir  l'appui  du  préfet  aux  élec- 
li  'US.  il  2'est  obstiné  à  se  poser  en  candidat  indépendant,  mais 
re  titre  lui  a  enlevé  toute  chance,  les  habitants  des  campagnes 
Wui  traité  en  ennemi  public,  du  moment  qu'il  n'était  pas  du 
(Clé  du  !iiai)che  [U3].  Plus  tard,  par  suite  de  la  disgrâce  de 
M.  de  CLéJeville,  il  devient  candidat  officiel,  ses  rudesses  en 
iniposeci  aux  paysans  qui  marchenl  plus  que  jamais  avec  l'au- 
torité et.  du  moment  où   il  a  été  désigné  par  l'empereur,  son 


39G  LES  PEnSO^NAOES 

libre-écliangism«,  pourtanl  fune^lc  à  la  lerre,   ne  ri.'in|)i'('.liu 
pas  d'être  éla  [36i].  {La  Terre.) 

Bodriguez.  —  Parent  éloigné  de  l'impérarrice.  Iléctamc 
au  gouvernement  français  ntie  somme  de  deux  millions,  depuis 
ISUÛ.  Celte  revendicalioD,  poilue  ilevaiii  le  Conseil  <i'ÉIat,  est 
cainbatlue  par  le  président  Eo^'ène  Itoii^'on,  i[ui  jiiccuDleale 
ainsi  l'impénitrice  [S]  et  est  Itîentôt  obligé  de  se  retirer  pour 
c  des  raisons  de  sanlé  >.  (Son  Exaltence  Eugène  Rougo») 

Bognes-Bouqueval  (Les).  —  Vieille  famille  noble  de 
l'ancien  Dunois,  dont  le  domaina  leignenrial,  déjù  entamé  pour 
subvenir  à  des  besoins  d'argent,  a  été  déclitré  bien  national  en 
\''J"i,  et  racbeté,  pièce  à  pièce,  par  Isidore  Hourdequia  [31]. 
(La  Tenc  ) 

Rolville  (Les  de).  —  Uondains  parisiens,  cbei  qui  la  ba- 
roniiu  Sandorir  a  rencontré  quelquefois  Gnndermanu  [29%]. 
{L'Argent.} 

Rosalie.  —  (tempailleuse  à  Bonnes.  Pauvre  femme  TÎTaiil 
toute  seule,  malade  et  sans  un  sou.  L'abbé  Godard  lui  TÎeut 
en  aide  [513].  {La  Terre.) 

Rose.  —  Fille  de  comptoir  chez  Lebigre.  Petite  fomme 
blonde  très  douce,  très  soumise,  poussnnl  la  soumission  fort 
loin  avec  te  patron.  C'est  elle  qui  sert  les  clients  du  cabinet 
vitiv,  les  membres  du  groupe  (^av&rd.  Elle  entre,  elle  sort,  de 
son  iiir  humble  et  heureux,  au  milieu  des  plus  oraf^uses  dis- 
eussions  poliliijues.  Lorsque  Lebigre  recherche  la  main  de  Is 
belle  Normande,  c'est  par  Rose  qu'il  envoie  tous  les  dimanches 
aux  .Mébudin  une  bouieille  de  liqueur.  Et  flose  se  trouve  chaque 
fois  chargée  pour  la  Normande  d'un  compliment  qu'elle  répète 
d'un  air  soumis,  pas  du  tout  emiuvé  [3sG].  {Le  Ventre  de 
Paru.) 

Rose.  —  Vieille  servante  des  Mouret,  à  l'Inssans.  Bougon  et 
dévole,  elle  admire  l'abbé  Paujaa  et  applaudit  A  l'évolution  de 
Mai'Ilic,  livrée  à  des  pratiques  religieuses  qui  lui  feront  peu  à 
peu  iléserlcrle  logis.  Dose  devient  maltresse  de  la  maison  [liJ}, 
s'eiileiid  à  merveille  avec  la  mère  de  l'ahUé,  puis  avec  Olympe 
Fanjis  el,  de  libre  allure, elle  morigène  François  Mouret  [I8i], 
allHnl  bientôt  jusqu'à  le  bousculer  et  contribuant  pour  une 
bonne  puri  à  la  déchéance  mentale  de  ce  malheureux.  (La 
Coii'juéle  de  Plassani.) 


DES  ROL'GO.N-MACQUART  397  i 


Rose.  —  Petite  paysanne  des  Artaud,  sœur  cadette  de  Lisa. 
Elle  se  moque  des  timidités  de  Tabbé  Mourel,  qui  n'ose  rien 
lui  dire  à  confesse  [iS6].  {La  Faute  de  Vabbé  Mouret.) 

Rose.  —  Femme  de  cbambre  de  madame  Hennebeau  [383]. 
L'émeute  de  Montsou  la  laisse  très  gaie,  elle  est  du  pays,  elle 
connaît  les  mineurs,  elle  assure  qu'ils  ne  sont  pas  méchants 
[103].  (Germinal.) 

Rose.  —  Fille  du  concierge  de  la  sous^préfecture,  à  Sedan. 
Petite  blonde,  à  l'air  délient  et  joli.  Travaille  à  la  fabrique 
Delaherche.  Le  31  août  et  le  f  septembre  i870,  pendant  que 
Tarmce  succombe  sous  le  fer,  elle  assiste  aux  va-et-vient  des 
olficiers  de  Téiai-major  général.  Son  impression  est  qu'ils  ont 
tous  Pair  d*ô(re  fous,  toujours  du  monde  qui  arrive,  et  les 
portes  qui  battent,  et  des  gens  qui  se  fâchent,  et  d'autres  qui 
^•icureat,  et  un  vrai  pillage  dans  la  maison,  les  chefs  buvant 
aux  bouteilles,  couchant  dans  les  lits  avec  leurs  hottes.  Le 
maréchal  de  Mac-Mahon  a  bien  dormi,  tandis  que  l'empereur, 
soutirant  de  son  aiïreuse  maladie,  gémissait  toule  la  nuit, 
criant  à  vous  faire  dresser  les  cheveux  sur  la  télé  ;  do  tout  ce 
mond'.',  d'ailleurs,  c*est  encore  lui  le  plus  gentil  et  qui  tient  le 
moins  de  place,  dans  le  coin  où  il  se  cache  pour  crier  [â56].  Le 
matin  du  1<^*,  avant  de  partir  vers  les  avant-postes,  il  s*est  fait 
peindre  la  figure,  pour  ne  pas  promener,  parmi  son  armée, 
l'etlVoi  de  son  masque  blôme,  décomposé  par  la  soulfrance,  au 
nez  aminci,  aux  yeux  troubles  [2â0].  Dans  raprès-niidi,  Rose 
l'a  vu  sortir  encore  et  aller  sous  les  obus,  jusqu*au  pont  de 
Meuse,  puis  lentement  revenir,  en  fataliste  résigné  qui  com-, 
prend  que  son  destin  lui  refuse  la  mort  d'un  soldat.  El  lorsque 
Napoléon  111,  sous  le  coup  du  sort  qui  brise  et  emporte  sa  for- 
tune, réclame  un  armistice  pour  mettre  fin  à  regorgement, 
c*est  la  jeune  fille  qui  fournit  une  nappe  à  l'officier  chargé  de 
hisser  le  drapeau  blanc. 

Dans  le  trouble  général,  Rose  est  restée  d'une  fraîcheur 
gaie,  avec  ses  cheveux  uns,  ses  yeux  clairs  d'enfant  qui  s'agite, 
au  milieu  de  ces  abominations,  sans  trop  les  comprendre  [J:2î)]. 
Elle  voit  le  tuiuiilte  causé  par  l'annonce  de  la  capitulation,  des 
ofiicitTS  arra.hanl  leurs  épaulettes  et  pleurant  coninic  des 
eiiliu.ls,  un  vieux  ser^'ent  frappé  de  folie  subite  et  traitant  les 
cliofs  de  lâches,  des  cuirassiers  jetant  leur  sabre  à  leau,  des 
arlill'.-uis  précipitant  le  mécanisme  de  leurs  mitrailleuses  au 
fond  des  éij'outs,  certains  enterrant  ou  brûlant  des  drapeaux. 


o  t 


3'J8  LES  PERSONNAGES 

beaucoup  semblanl  hébclés,  d'autres,  le  plus  grandi  nombre, 
ayant  des  yeux  qui  rient  d'aise,  un  allégement  ravi  de  toute 
leur  personne,  devant  le  bout  de  leur  misère,  après  tant  de 
jours  ou  ils  ont  souffert  de  trop  marcher  et  de  ne  pas  manger 
[390j.  (La  Débâcle.) 

Rose.  —  Nièce  du  coiffeur  d'Arî&tide  Saccard.  Petite  jeune 
lille  de  dix-huit  ans,  très  blonde,  Taîr  candide.  Saccard  Ta 
[)lacée  auprès  de  son  fils  malade,  Maxime,  avec  mission  de  lui 
donner  des  soins,  mais,  en  réalité,  pour  enlever  à  l'ataxiqne  le 
reste  de  ses  moelles  [315].  Quand  elle  aura  réussi,  Aristide  la 
payera  d*un  tant  pour  cent  généreux  [384].  (Le  Docteur  Pos- 
caL) 

Roubaud.  —  Sous-chef  de  gare  au  Ilavre.  Mari  de  Sére- 
riue  Auhry.  11  est  né  dans  le  Midi,  à  Piassaus,  d'un  père  char- 
retier. Sorti  ilu  service  avec  les  galons  de  sergent-major, 
longtemps  facteur  mixte  à  la  gare  de  liantes,  passé  factenr- 
clief  à  celle  de  Darentin,  il  a  connu  là  Séverine,  filleule  du  pré- 
sideiil  Grandiiiorin,  et  l'a  longtemps  désirée  de  loin,  avec  la  pas- 
sion d'un  ouvrier  dégrossi,  pour  un  objet  délicat  qu'il  juge 
précieux.  Le  roman  de  son  existence  a  été  d'obtenir  cette 
jeune  fi)le,  de  quinze  ans  moins  âgée  que  lui,  et  qui  lui  sem- 
blait d'une  essence  supérieure;  pour  comble  de  fortune,  le 
président  a  doté  l'épouse  et  accordé  sa  protection  au  mari  : 
c'est  le  Ii'.ndemain  de  la  cérémonie  que  RoubtiuJ  est  passé 
sous-chef. 

H  est  de  taille  moyenne,  mais  d'une  extraordinaire  vigueur; 
la  quarantaine  approche,  sans  que  le  roux  ardent  de  ses  che- 
veux frisés  ait  pâli;  sa  barbe,  qu'il  porte  entière,  reste  drue, 
elfe  aussi,  d*un  blond  de  soleil.  Il  a  la  tête  un  peu  plate,  un 
front  bas  marqué  de  la  bosse  des  jaloux,  une  nuque  épaisse  ; . 
sa  face  ronde  et  sanguine  est  éclairée  de  deux  gros  yeux  vifs 
[5].  Ses  notes  d'employé  sont  très  bonnes,  il  est  solide  i  son 
poste,-  ponciu»'l,  honnête,  d'un  esprit  borné,  mais  très  droit, 
toutes  sortes  de  qualités  excellentes  [6].  On  le  soupçonne  seu- 
iein'Mil  «féire  républicain;  à  un  petit  crevé  de  sous-préfet  qui 
^'entêtait  à  monter  en  première,  classe  avec  un  chien,  il  s'est 
oublié  à  dire  :  c  Vous  ne  serez  pas  toujours  les  maîtres!  >  Ce 
sera  il  une  disgrâce  inévitable,  sans  le  tout-puissant  appui  du 
précieux  Granlniorin.  Mais  au  moment  même  où  Itoubaud 
s'émerveille  des  bienfaits  que  lui  vaut  Ta  mi  lié  d'un  si  haut 
personnage,  il  apprend  brusquement  la  vérité  :  Séverine  qu'il 


DES  nOUGON-MACQUART  309 

aime,  qui  est  sa  femme  depuis  trois  ans,  a  été  toule  jeune 
«lêbauchée  par  cet  homme,  elle  a  subi  ses  impuissantes 
caresses  de  vieux. 

Mordu  alors  d'une  jalousie  atroce,  il  éprouve  une  faim  de 
vengeance  qui  lui  tord  le  corps  et  ne  lui  laissera  plus  aucun 
repos,  tant  qu*il  ne  Taura  pas  satisfaite  [%].  De  ses  poings 
d*ancjen  homme  d'équipe,  redevenant  parfois  la  brute  incon- 
sciente de  sa  force,  il  a  contraint  sa  femme  à  lui  dire  toute  la 
vérité;  co:nnie  mal;n*é  tout  il  l'aime  encore,  il  va  mettre 
quelque  cho^e  de  solide  entre  eux  en  la  rendant  complice  de 
lassassinat  qu'il  médite.  C'est  dans  Texpress  du  Havre  que  le 
président  Grandmorin  est  égorgé  par  le  mari,  pendant  que  la 
femme  pèse  sur  ses  jambes  pour  empêcher  toute  résistance 

L*alibi  des  Roubaud  a  été  assez  habilement  établi  ;  ils  ont  su 
iaire  croire  à  un  vol^  en  emportant  Targent  et  la  montre  du 
mort;  le  juge  Denizet,  après  les  avoir  soupçonnés  un  instant, 
s*est  égaré  sur  la  piste  du  malheureux  Cabuchc  et  il  a  même 
phiidé  leur  innocence  devant  les  Lacbesnayé,  fille  et  gendre  du 
président,  enragés  de  voir  Séverine  hériter  de  la  maison  de 
Ja  Croix-di'-Maufras  ;  pourtant,  une  complication  a  failli  tout 
"tf^rdre  :  dans  les  papiers  du  défunt,  M.  Camy-Lamotte  a  trouvé 
la  lettre  par  laquelle  les  Roubaud  avaient  attiré  Grandmorin 
dans  Te.xpress  ;  c'était  leur  perte,  si  la  politique  n'était  inter- 
venue et  si  Ton  ne  s'était,  en  haut  lieu,  décidé  à  étouffer  l'af- 
faire, pour  ne  pas  mettre  au  jour  des  débauches  trop  compro- 
mettantes. Ils  semblent  donc  sauvés. 

Jamais  Rouljaud  ne  s'est  montré  un  employé  si  exact,  si 
conscienci'^ux.  Il  vit  sans  remords.  Mais  le  crime  a  introduit  en 
lui  une  désorganisation  progressive,  il  s'est  assombri  de  plus 
en  plus,  n'étant  vraiment  gai  qu'avec  son  nouvel  ami,  le  méca- 
nicien Jac<|ncs  Lantier,  originaire  de  Plassans  comme  lui,  et 
qu'un  hasnrd  a  placé  devant  le  train,  juste  au  moment  où 
Grandmorin  tombait  assassiné.  Jacques  est  le  seul  témoin 
que  Roubaud  redoute,  il  a  voulu  le  conquérir,  se  l'attacher 
par  des  liens  de  fraternité  étroite,  Tempôcber  ainsi  de  parler, 
cl  il  a  niéine  chargé  sa  femme  de  circonvenir  le  camarade, 
l'eu  a  peu,  tout  lien  s'est  rompu  entre  les  époux,  la  présence 
de  Jacques  n'a  plus  sufli  à  retenir  UoubauJ  à  son  foyer. 
.  Épaissi,  vieilli,  devenu  plus  sombre,  il  s'est  mis  à  fréquenter 
un  petit  café  du  cours  Napoléon,  où  il  retrouvait  Gauche,  le 
commissaire  de  surveillance  administrative. 


iOO  LES  PKIlSO.NNAGtS 

Des  perles  de  jeu  l'amènent  à  puiser  dans  la  cachelle  où 
est  enfoui  le  portefeuille  de  Grandmorin  ;  la  pensée  de  cet 
argent  le  brûlait,  dans  les  premiers  temps,  il  avait  juré  de  n'y 
porter  jamais  la  main.  Mais  ses  scrupules  parlent  un  peu 
chaque  jour.  C'est  une  gangrène  morale,  à  marche  envahis- 
sante, qui  désorganise  la  conscience  entière  [278].  11  a  tué, 
maintenant  il  vole  et  il  va  être  un  mari  complaisant;  c'est  .avec 
indifférence  qu'il  surprend  le  flagrant  délit  de  sa  femme  et  de 
Jacques  Lantier  ['28'2].  11  se  porte  fort  bien,  d'ailleurs,  en 
dehors  de  la  fatigue  des  nuits  blanches;  il  engraisse  même, 
d'une  graisse  lourde,  les  paupières  pesantes  sur  ses  yeux 
troubles.  Et  dans  cette  bouffissure,  tout  s'en  va,  même  ses 
anciennes  opinions  politiques  [30G]. 

L'assassinat  inexpliqué  de  Séverine,  la  trouvaille  de  la 
montre  du  président  chez  Cabuche,  provoquent  une  nouvelle 
instruction  du  juge  Denizet;  celui-ci  imagine  un  système  fort 
logiquement  déduit,  d*où  il  résulte  que  Cabuche  a  été,  dans 
les  deux  crimes,  l'instrument  de  Roubaud  et  c'est  en  vain  que 
celui-ci  se  décide  à  avouer  la  vérité  pure  et  simple,  l'unique 
meurtre,  le  meurtre  passionnel  qu'il  a  accompli  en  un  jour  de 
fureur.  Cette  version  authentique  n'est  pas  assez  ingénieuse 
pour  renverser  l'échafaudage  du  juge  d'instruction  et  les  pré- 
tendus complices  sont  condamnés  aux  travaux  forcés  à  perpé- 
tuité [i05].  {La  Bête  humaine.) 

Roubaud  (Madame).  —  Voir  Aubry  (Séverine). 

Roudier.  —  Ancien  bonnetier  parisien,  retiré  à  Plassans, 
riche  propriétaire,  fait  partie  du  groupe  réactionnaire  qui  se 
réunit  chez  les  Rougon  [93].  Visage  grassouillet  et  insinuant. 
Roudier,  autrefois  garde  national  à  Paris  et  fournisseur  de  la 
cour,  possesseur  d'une  belle  fortune,  a  beaucoup  de  prestige 
parmi  les  bourgeois  de  Plassans.  A  l'heure  du  coup  d'État,  il 
sauve  l'ordre  en  compagnie  de  Pierre  Rougon  et  de  Granoux. 
Son  passé  lui  vaut  alors  le  commandement  de  la  garde  natio- 
nale réorganisée  [^8G],  poste  d'honneur  où  Rougon  le  laissera 
à  l'écart,  voulant  accaparer  toute  la  gloire  du  massacre,  se 
méfiaiit  aussi  de  l'humanité  de  ce  bourgeois  parisien  égaré  eu 
province  [313].  (La  Fortune  des  Rougon.) 

Rouge  d'Auneau  (Le).  —  Lieutenant  du  Beau-François, 
chef  de  la  bande  d'Orgères.  A  composé  une  complainte  en  pri- 
son fr)8].  (La  Terre.) 


DES  ROIGON-MACQUART  iOl 

• 

Rougette.  —  Vache  aclicue  par  les  sœurs  Blouche,  au 
marché  de  Cloyes.  C'est  une  cotentine  blanche  et  noire,  tète 
sèche,  aux  cornes  fines  et  aux  grands  yeux  bleuâtres,  le  ventre 
un  peu  fort  sillonné  de  grosses  veines,  les  membres  plutôt 
grêles,  la  queue  mince  plantée  très  haut  [169].  {La  Ten-e.) 

Bougon  (1).  —  Mari  d'Adélaïde  Fouque.  Père  de  Pierre 
liougon.  Paysan  mal  dégrossi,  épais  et  commun,  venu  des 
Basses-Al(>es  et  entré  chez  les  Fouque  comme  garçon  jucdinier, 
Uougon  a  la  chance  d'être  là  quand  la  détraquée  Adélaïde 
ilevient  or{iheline.  Elle  Tépouse  six  mois  après,  en  1786,  et  a 
de  lui  un  fils,  au  bout  d'une  année.  Rougon  meurt  presque 
subitement,  en  1787,  d*un  coup  de  soleil  reçu  en  sarclant  un 
plant  de  carùlies  [i9].  {La  Fortune  des  Rougon.) 

Rougon  <  Angélique).  -—  Voir  Angélique  Marik. 

Rougon  (Ap.istide).  —  Voir  SAca\RD  (Aristide). 

Rougon  (Madame  Aristide)  née  Déraud  Do  Chatel.  —  Voir 
Bkraud  Du  Chatel  (Renée). 

Rougon  i  Madame  Aristide)  née  Sicardot.  — Voir  Sic.\rdot 
(Angèle). 

Rougon  (Charles).  —  Voir  Saccard  (Charles). 

Rougon  «Clotilde).  —  Voir  Saccard  (Clotilde). 

Rougon  (Eugène)  (:2).  —  Premier  fils  de  Pierre  Rougon  et 
de  Félicité  Puech.  Frère  de  Pascal,  Aristide,  Sidonie  et 
Marlho.  11  a  le  visage  de  son  père,  une  tôle  de  structure  mas- 
sive ei  carrée,  aux  traits  larges.  De  taille  moyenne,  il  est,  à 
quarante  ans,  légèrement  chauve  et  tourne  déjà  à  Tobésité. 
Dans  CCS  chairs  épaisses,  héritées  du  père,  sont  enfouies  des 
qualité?  morales  et  intellectuelles,  des  ambitions  hautes,  des 
inslinc's  autoritaires,  un  mépris  singulier  pour  les  petits 
moyens  et  les  petites  fortunes,  où  Ton  retrouve,  amplifiés,  les 
traits    du  caiaclère    maternel.    Les   appétits    de    jouissance 


fl)  li.xti'ii.  lourd  et  placide  jardinier f  marié  en  1786  à  Adélaïde 
Fovnue.  [Arbr-   fjeiiéalogique  des  Hougon-Macquart.) 

(-'  EfjefC  fioufjon,  né  en  iSW;  épouse^  en  1857,  Véronique  Deulin 
'VQjch'*  e^,  'lo<  l  \l  n'a  pas  d'enfanls.  [Mélange,  fusion.  Prédominance 
morale,  an. -ition  de  la  mère.  Ressemblance  physique  du  père]. 
Homme  p'j'.ilirue.  ministre.  Vit  encore  à  PariSj  député.  [Arbre 
fjénealo.'ique  «>«  Hougon-Macquart.) 

3i 


402  LES  PtRSON:^AGES 

extraordÎTïairemcnl  développés  dans  celte  famille  sont,  ici, 
épurés;  Eugène  Rougon  jouira  par  les  voluptés  de  Tespril, 
en  satisfaisant  ses  besoins  de  domination  [73]. 

n  a  fait  son  droit  à  Paris,  est  rentré  à  IMassans,  s*est  fait 
inscrire  au  tableau  des  avocats,  plaidant  de  temps  à  autre, 
gagnant  maigrement  sa  vie,  végétant  ainsi  pendant  quinze  ans, 
paraissant  destiné  à  s'alourdir  dans  une  honnête  médiocrité. 
31ais,  dans  ce  garçon  endormi,  il  y  a  une  force  qui  se  cherche. 
Un  mois  avant  les  journées  de  Février,  Eugène  secoué  d*un 
pressentiment  se  rend  à  Paris,  n*ayanl  pas  cinq  cents  francs 
en  poche  [7  5],  et  lorsqu'il  revient  passer  quinze  jours  à  Plas- 
sans,  en  avril  1849,  il  a  lié  partie  avec  le  prioce-présidenl, 
dont  il  est  Tun  des  agents  secrets  les  plus  actifs. 

Son  voyage  a  pour  but  de  tàter  le  terrain  [06].  Il  trouve  le 
salon  maternel  devenu  le  centre  réactionnaire  de  la  ville;  il 
décide  de  convertir  à  l'idée  napoléonienne  ces  bourgeois 
attardés  dans  les  anciens  partis,  conûe  secrètement  la  besogne 
ù  son  père  qui  recevra  de  lui  des  instructions  minutieuses  et 
fréquentes,  réussit  sans  difficulté  à  créer  dans  la  petite  ville 
cléricale  un  courant  très  nettement  bonapartiste  et,  plus  tard, 
au  jour  du  triomphe,  il  obtient  pour  son  père,  décoré  par  ses 
soins,  le  poste  de  receveur  particulier  de  Plassans  [30 1].  (La 
Fortune  des  Rougon,) 

Au  début  de  i85i,  il  habite,  rue  de  Penthicvre,  deux  grandes 
pièces  froides  à  peine  meublées.  C'est  déjà  une  puissance 
occulte,  l'embryon  d'un  grand  homme  politique,  plein  de 
dédain  pour  le  naïf  appât  de  Targenl,  animé  d'ambitions  vers 
la  puissance  pure  [57].  Sollicité  par  Aristide  venu  de  Plassans 
pour  con(îuérir  Paris,  et  comprenant  à  merveille  que  les 
grosses  faims  aiguisées  par  le  coup  d'Étal  devront  être  satis- 
faites, il  le  case  rapideiuenl  dans  un  modeste  emploi  où  Ton 
n'a  qu'à  regarder  et  à  écouter  pour  trouver  la  fortune.  Mais, 
soucieux  des  intérêts  du  régime  et  des  siens  propres,  il  conseille 
à  son  frère  de  changer  de  nom  et  le  prévient  qu'au  premier 
scandale  trop  bruyant,  il  n'hésitera  pas  à  le  supprimer  [58]. 
Dêj>uté  de  rurrondissemeut  de  Plassans  [59],  puis  ministre  de 
l'inlérieur,  il  suit  de  loin  les  progrès  d'Aristide  Rougon  devenu 
Arisli'Je  Saccard  ;  quand  cela  devient  nécessaire,  il  lui  rend 
le  service  de  paraître  Taimer  beaucoup  ['290].  {La  Curée.) 

A  son  arrivée  à  Paris,  avant  les  journées  de  Février,  il  avait 
crevé  de  faim  avec  Du  Poizat    et  Gilquiil,  chez  madame  iMéla- 


DLS  r.Oir.ON-SACQUART  403 

nie  Corrcur.  La  première  maison  qui  l'ait  accueilli  a  été  celle 
de  Bouchard,  chef  de  bureau  à  rintérieur.  Devenu  député  des 
Deux-Sèvres  à  la  Législative,  où  il  a  connu  Delc$tang'.  il  a 
pressenti  Textraordinaire  fortune  du  prince  Louis  Napoléon,  a 
été  un  instant  ministre  des  travaux  publics  sous  la  rrésidencé 
et  a  coopéré  activement  au  coup  d*É(at;  c*est  lui  qui  s'est 
emparé  du  Palais- Bourbon,  à  la  tète  d*an  régiment  de  ligne 
[41].  Plus  tard,  Tempereur  Ta  chargé  d'une  mission  en  Angle- 
terre, puis  il  est  entré  au  Conseil  d*État  et  au  Sénat.  Chevalier 
de  la  L''gion  d*honneur  après  le  Dix-Décembre,  oflicier  en  jan- 
vier ISo^,  commandeur  le  io  août  1854,  grand  officier  en 
1$56,  parvenu  à  la  présidence  du  Conseil  d'État,  il  est  l'un  des 
dignitaires  impériaux  les  plus  en  vue.  Il  habite  rue  Marheuf  un 
liùlel  dont  Tempereur  lui  a  fait  radeau  [129].  A  quarante-six 
ans,  ses  épaules  se  sont  encore  élargies,  il  a  une  grosse  che- 
velure grisonnanie  plantée  sur  son  front  carré;  son  gruinl  nez, 
ses  lèvres  taillées  en  pleine  chair,  ses  joues  longues,  sans  une 
ride,  ont  une  vulgarité  rude,  que  transfigure  par  éclairs  la 
beauté  de  la  force  [15].  Au  repos,  il  a  une  attitude  de  taureau 
assoupi  [21]. 

L'erreur  de  Bougon,  qui  est  un  chaste,  est  de  ne  pas  croire 
à  la  toute-puissance  de  la  femme.  Sa  rencontre  avec  Ciorinde, 
une  aventurière  de  haut  vol  qui  a  rêvé  de  se  faire  épouser  par 
lui,  et  dans  laquelle  il  n'a  su  entrevoir  qu'une  maîtresse  exci- 
tante, va  lui  prouver  son  erreur;  Ciorinde  se  vengera  en  lui 
faisant  retirer  le  pouvoir,  qu'il  mettra  trois  ans  à  reconquérir, 
l'ne  autre  faiblesse  de  Rougon  est  dans  sa  bande;  il  souffre 
du  même  mal  que  l'empereur  lui-même  :  les  faméliques  qui 
l'entourent  et  dont  il  a  besoin  ne  lui  restent  fidèles  qu'à  la 
condition  d'être  constamment  gorgés  ;  pour  s'appuyer  sur  eux, 
il  doit  les  combler  de  faveurs  compromettantes,  reculer  à  leur 
profit  les  limites  de  l'arbitraire,  prêter  ainsi  le  Ûanc  à  ses  enne- 
mis, tout  en  se  grisant  avec  bonheur  de  l'orgueil  de  ses  propres 
al)us.  Entouré  de  cette  bande  aux  dents  aiguës,  il  n'éprouve, 
lui,  qu'un  amour  du  pouvoir  pour  le  pouvoir,  dégagé  des 
)>e5oiîis  d-^vamté,  de  richesses,  d'honneurs.  11  est  certainement 
le  plus  gr:uui  iUs  Uougon  [155].  Son  rêve,  pendant  qu'il  paraît 
s'al.-orber  à  faire  des  réussites  compliquées  [-31],  e<l  de 
devenir  très  puissant,  afin  de  satisfaire  ceux  qui  l'entourent, 
au  'lelà  du  ncaurel  et  du  possible  [-i5]. 

Puliticpieinent,  il  est  l'homme  des  situations  graves,  Pliomme 
aux  grosses  pattes,  suivant  le  mot  de  Marsy  [lôS].  Son  nom 


ioi  LES  PEUSONNACES 

signiiie  répression  à  oulrance,  refus  de  toutes  les  libertés» 
gouvernement  absolu  [267].  11  est  de  ceux  qui  ont  fondé  FEin- 
pire  dans  la  boue  et  dans  le  sang.  Au  lendemain  de  Tattenlat 
de  la  rue  Le  Peletier,  attentat  que  Gilquinluia  révélé  quelques 
heures  à  Tavance  et  qu'il  a  froidement  laissé  s'accomplir, 
parce  qu'il  espérait  bien  ramasser  le  pouvoir  dans  les 
décombres,  l'empereur  le  rappelle  au  ministère  et  c'est  alors 
un  coup  de  balai  parmi  les  dix  mille  suspects  oubliés  au  Deux- 
l)écenjbre  [^GQ]y  il  répartit  à  sa  guise  les  arrestations  par 
départements,  ne  se  souciant  que  des  chiffres  et  laissant  le 
choiv  des  noms  à  ses  sous-ordres  [-1)7],  il  censure  tout,  même 
les  feuilletons  [300],  il  patauge  en  plein  arbitraire. 

Mais  au  fond,  il  a  plutôt  des  bt^soins  que  des  opinions,  il 
estime  le  pouvoir  trop  nécessaire  à  sa  fureur  de  domination 
pour  ne  pas  l'accepter  sous  quelque  condition  qu'il  se  pré- 
sente. £i  quand  la  cervelle  fumeuse  de  Napoléon  III  trouve 
l'idée  de  l'Empire  libéral,  c'est  Rougon  qui,  donnant  un 
démenti  à  sa  vie  entière,  se  cbîirge  d'appliquer  la  nouvelle 
politique.  Cet  homme,  pour  qui  le  parlementarisme  n'était  que 
le  fumier  des  médiocrités,  et  qui  se  vantait  de  mater  les 
évéi|ues,  célébrera  de  sa  grosse  voix  brutale  le  rétablissement 
de  la  tribune  et  s'agenouillera  devant  le  pape.  Il  a  reconquis 
le  pouvoir,  en  marche  vers  sa  royauté  triomphale  de  vice- 
empereur.  {Son  Excellence  Eugène  Hongon.) 

En  18GS,  toujours  au  pouvoir,  il  a  vu  son  frère  Succard  s'en- 
liser dans  les  affaires.  II  voudrait  se  défaire  de  lui,  l'envover 
dans  une  colonie  comme  gouverneur,  mais  Aristide  ne  s'est 
pas  laissé  convaincre,  il  a  fondé  la  Banque  Universelle,  et  ses 
allures  de  casse-cou  batailleur,  enragé  contre  la  banque  juive, 
ont  causé  les  plus  graves  ennuis  au  ministre.  Ilongon,  prison- 
nier de  sa  politique  romaine,  tiraillé  entre  l'opposition  libérale 
ei  les  ultramontains,  est  furieux  des  manigances  du  député 
llurel  et  de  la  dernière  déconlilurede  Saccard;  il  prend  Téner- 
gifjuc  parti  d'en  finir  avec  ce  membre  gangrené  de  sa  famille, 
qui,  depuis  des  années,  le  gône,  dans  d'éternelles  terreurs 
d'accidents  malpropres.  11  le  force  à  s'expatrier,  en  lui 
facilitant    la    fuite,     après    une    bonne    condamnation   [376]. 

1/appélit  souverain  du  pouvoir  se  satisfait  en  lui  pendant 
(lûuze  années  consécutives  de  minislère.  Puis,  après  la  chute 
de  l'Empire,  redevenu  simple  député,  réduit  à  l'élal  de  majesté 


DES  ROUGON-MACQUAKT  4«)5 

déchue,  il  est  à  la  Chambre  le  témoin,  le  défenseur  impassible 
de  Tancien  niouJc  emporté  par  la  débâcle  [128].  (Le  Docteur 
Pascal.) 

Rougon  (Madame  Eugène).  —  Voir  Beulin  d'Orchêres 
(Véronique). 

Rougon  (Marthe)  (1).  —  Fille  de  Pierre  Rougon  et  de 
Félicité  Pucch.  Sœur  de  Pierre,  Pascal,  Aristide  et  Sidonie. 
.  Mère  d'Octave,  Serge  et  Désirée  Mouret.  Née  à  Plassans  en 
1820,  cin<{uième  enfant  des  Rougon,  tard  venue,  a  élé  mal 
accueillie  par  ses  parents  [70].  Elle  a  ving!  ans,  son  père  qui 
ne  possèd'^  point  de  dot  pour  elle  ne  sait  comment  s'en  défaire; 
à  ce  moment,  François  Mouret,  fils  d'Ursule  Macquarl  et 
cousin  germain  de  Marthe,  devient  commis  dans  la  maison. 
F.nlre  les  jeunes  gens  naît  rapidement  une  tendresse  détermi- 
née sans  doute  par  leur  ressemblance  physique.  Gommé  Fran- 
çois, Mnrllie  est  le  portrait  même  de  Taïeule  Adélaïde  Fouque, 
mais  tandis  que  François  est  un  gros  garçon  laborieux,  Marihe 
a  toutreflaremei)t,tout  le  détraquement  intérieur  de  la  grand*- 
mère  [81].  Pierre  Rougon  les  marie  en  1840.  Ils  ont  trois 
enfants  et  quittent  avec  eux  Plassans  en  1845,  pour  aller  s'éta- 
blir à  Marseille  [161).  {La  Fortune  des  Rougon.) 

A  quarante  ans,  madame  Mouret  est  parfaitement  heureuse 
entre  ses  enfants  et  son  mari,  la  fortune  est  venue,  les  Mouret 
se  sont  retirés  à  Plassans.  Une  vie  réglée,  les  soucis  quotidiens 
du  commerce,  ont  assoupi  en  Marthe  l'antagonisme  de  nature 
qui  la  séparait  de  François.  Sa  nature  nerveuse  a  subi  un 
amollissement  qui  serait  sans  doute  déûnilif,  si  l'entrée  de 
Tordent  ahbé  Faujas  dans  cette  existence  douce  et  comme  rési- 
gnée ne  réveillait  brusquement  la  névrose  endormie.  Le  prêtre, 
qui  a  btrsoiii  de  Marthe  pour  s'imposer  au  monde  féminin  de 
Piassans,  a  vile  fait  de  s'emparer  de  son  faible  esprit.  Comme 
elle  n'est  jias  dévote,  ne  fréquentant  même  pas  l'église,  Faujas 
la  prend  par  des  idées  de  charité,  elle  se  laisse  entraîner  aune 
fondation  pieuse  et  devient  présidente  de  l'Œuvre  de  la  Vierge 


l'I)  Marthe  Ilougon,  née  en  18-20  ;  épouse,  en  1840,  son  cousin 
François  Mouret,  dont  elle  a  trois  enfants  ;  meurt ,  en  186i,  dans 
Une  crise  nerveu^e.  [Hérédité  en  retour  sautant  une  génération. 
Hystérique.  Kes-emblance  morale  et  physique  d'Adélaïde  Fouque. 
Marthe  et  Frauç  'i-,  les  deux  époux,  se  ressemblent.  (Arbre  généa- 
logique de    Îlou'jon-Macquarl.) 


40G  Lf:S  PERSONNAGES 

[113].  Amusée  d'abord  par  les  détails  matériels  de  Porganisa- 
tion,  elle  s'habitue  à  l'église  [118],  se  désintéresse  des  siens  el 
s'abandonne  à  une  vague  extase  qui  met  dans  sa  vie  un  înlérêt 
inconnu;  puis  le  détraquement  s'aggrave,  elle  arrive  aux  pra- 
tiques religieuses,  glisse  à  la  dévotion,  s'abtme  en  des  eoniies- 
sions  interminables,  goûtant  des  joies  naïves  de  communiante, 
se  détachant  de  tout,  laissant  sa  maison  à  vau-l'eau,  regardant 
d'un  œil  sec  le  départ  successif  de  ses  enfants  qu'elle  avijt 
adorés,  éprouvant  enfîn  une  véritable  haine  pour  ce  mari 
silencieux,  qui  rôde  sans  cesse  autour  d'elle,  pareil  i  nn 
remords  [23G]. 

C'est  un  affolement  de  l'être  entier,  la  terrible  crise  de  la 
quarantaine,  où  Marthe,  toute  brûlante  d'ardeurs,  confond 
dans  un  même  culte  la  religion  et  son  ministre,  Dieu  et  l'abbé 
Faujas,  «se  prenant  peu  à  peu  pour  celui-ci  d'une  adoration 
charnelle.  L'indifférence,  la  brutalité  de  Faujas,  qui  dans  eette 
détraquée  ne  voit  qu'un  obstacle  à  briser,  déterminent  des 
crises  nerveuses  de  plus  en  plus  graves,  des  attaques  de  cata- 
lepsie qui  anéantissent  Marthe  et  lui  donnent  l'apparence  d'une 
femme  rouée  de  coups.  C'est  alors  que  s'établit  la  légende  des 
brutalités  de  Mouret,  soigneusement  répandue  parles  Tronche 
et  confirmée  par  les  silences  approbateurs  de  Marllie.  La  crise 
Jinale  a  lieu  après  une  affreuse  explication  avec  faujas,  où 
l'hystérique,  écrasie  sous  les  duretés  du  prêtre,  violumment 
chassée  par  lui  du  paradis  entrevu,  court  à  l'Asile  des  Tulettes 
pour  délivrer  son  mari,  le  trouve  en  état  de  folie  complète  et, 
frappée  de  terreur,  se  sauve  chez  sa  mère,  où  elle  meurt  le 
même  soir,  dans  la  rouge  clarté  de  l'incendie  allumé  par  le  fon 
[ïOî],  {La  Conquête  de  Plaetam.) 

Bougon  (Maxime).  —  Voir  Sagcard  (Maxime). 

Bougon  (Madame  Maxime).  —  Voir  Maheuil  (Louise  de). 

Bougon  (Pascal).  —  Voir  Pascal  (Le  docteur). 

Bougon(PiERRE)(l).  —  Fils  d'Adélaïde Fouque  et  du  jardi- 
nier Rougon.   Père   dTugène,   Pascal,    Aristide,  Sidouie  et 

(1)  Pierre  Bougon,  né  en  1787  ;  se  marie,  en  1810.  à  FélicUi 
Puechy  intelligente,  active,  bien  portante;  en  a  cinq  enfants;  meurt 
en  1870,  au  ùndemain  de  Sedan ^  d'une  congestion  cérébrale  déter^ 
minée  par  wu  indigestion,  [Mélange  équilibre.  Moyenne  morale 
et  ressemblance  physique  du  père  et  de  la  mère].  Marchand  d'huile, 
puis  receveur  particulier»  (Arbre  généalogique  des  Rougon-Macquart) 


DES  I^OUCOX-MACQUART  407 

Marthe.  Né  en  1787,  Pierre  n'a  point  connu  son  père,  raort 
après  quinze  mois  de  mariage.  J)  est  élevé  dans  Tenclos 
Fouque  en  compagnie  d*Ântoine  et  dXVsule,  les  «nfants  nés  des 
amours  <ie  sa  inère  avec  le  contrebandier  Macquart,  ceux  que 
le  faubourg  de  Plassans  appelle  les  louveteaux.  De  taille 
moyenne,  île  face  longue  et  blafarde,  un  peu  grosse,  il  a  les 
traits  de  Piougon,  avec  certaines  finesses  du  visage  maternel. 
11  est  un  paysan  comme  son  père,  mais  un  paysan  à  la  peau 
moins  rude,  au  masqui  moins  épais,  à  Tintelligence  plus  large 
et  plus  souple.  Ce  mélange  équilibré  se  retrouve  au  moral. 
Pierre  Piongon  a  une  ambition  sournoise  et  rusée,  un  besoin 
insatiable  d'assouvissement,  un  cœur  sec,  un  fond  de  sagesse 
raisoniiée,  où  se  sont  mêlés  les  traits  du  caractère  de  ses 
pp.rents  [r»f»]. 

A  dix-sept  ans,  Tégoïsme  s'éveille  en  lui,  il  juge  froidement 
la  situation,  constate  le  gaspillage  qui  va  tout  emporter  et, 
jugeant  que,  seul  fils  légitime,  il  a  droit  à  la  fortune  entière,  il 
ilécide  d'évincer  tout  le  monde  et  de  rester  seul  mailre.  En 
peu  d*année>,  servi  par  les  circonstances,  doué  d'une  invincible 
téaaciié,  il  s*ost  débarrassé  des  louveteaux,  il  a  réduit  sa  mère 
à  une  coinplète  soumission,  réalisé  la  fortune  et  mis  dans  sa 
poche,  [«ar  un  véritable  vol  légal,  les  cinquante  mille  francs 
qui  forniaie.it  tout  le  patrimoine  de  famille  [G4]. 

ComniL*  il  a  un  invincible  besoin  de  jouissances  régulières  et 
qu'il  rêve  d'appartenir  au  monde  du  commerce,  il  épouse  Féli- 
cité Paech,  en  1810,  s'associe  avec  son  beau-père  dans  la 
vente  Jt^s  huiles  et  devient  dès  lors  un  polit  bourgt'ois,  très 
supérieur  d\jà  à  son  père,  le  rustre  venu  des  Basses- Alpes 
pour  travailler  chez  les  Fouq^ie.  Après  quelques  bonnes  années, 
une  s 'rie  de  malchances  atteint  le  ménage  Piougon,  où  l'am- 
bition terre  à  terre  du  mari,  facilement  désemparée,  est  sou- 
tenue, ranimée,  entraînée  par  la  femme.  Cinq  enfants  sur- 
viennent, (ie  1811  à  1820,  dont  trois  garçons,  que  llougon, 
désalrjsé.  laisserait  croupir  dans  l'ignorance,  si  l'intelligente 
Félici'é  n'y  mettait  hon  ordre,  reconstituant  déjà  sur  leur  tête 
l'éJiii.e  «'e  sa  fortune.  Ce  sont  alors  de  longues  années  de 
lulle  j'ciiiln",  «le  travail  incessant,  de  mesquineries  misérables, 
au  buul  (le.-quelles  les  Rougon  doivent  s'avouer  vaincus,  ayant 
a:na-^é  en  lonl  une  maigre  rente  de  deux  mille  francs  qui  les 
réduit  à  IVlat  de  petits  rentiers  et  ne  leur  donne  même  pas 
accès  .inus  !o  (juariier  neuf,  objet  de  leurs  convoitises  [81]. 

Oii  e>t  à  la  veille  de  la  révolution  de  18 i8.  A  celle  époque. 


408  LES  person:(ages 

Pierre  Roogon  a  pris  da  Tentre,  Tinsuccës  semble  Tavoir  rendu 
plus  épais  et  plas  mou,  il  a  toute  Tallare  d'un  respectable 
bourgeois,  un  air  nul  et  solennel,  mais  il  lui  manque  de 
grosses  rentes  pour  être  tout  à  fait  digne.  Sous  la  placidité 
naturelle  de  ses  traits,  il  cache  des  sentiments  haineux,  il  est 
sourdement  exaspéré  par  sa  mauvaise  chance  et,  comme  Féli- 
cité, comme  son  frère  Macquart,  comme  ses  fils  Eugène  et 
Aristide,  il  est  prêt  à  tout  pour  assouvir  enûn  son  âpre  désir 
de  fortune.  Couseillés  par  le  marquis  de  Carnavant,  qui  a 
besoin  de  leur  intermédiaire  pour  parvenir  jusqu'aux  bour- 
geois de  Plassans,  les  Hougon  réussissent  à  centraliser  chez 
eux  le  mouvement  réactionnaire.  Un  peu  méprisé  des  riches 
qui  l'entourent,  mais  n'hésitant  pas  à  se  compromettre  parce 
qu'il  a  tout  à  gagner  et  rien  à  perdre,  poussé  ardemment  par 
sa  femme,  Pierre  semble  bientôt  être  le  chef  actif  du  parti 
conservateur.  D'abord  royaliste,  il  s*est  rallié  au  bonapartisme 
dés  que  son  fils  atné  Ta  mis  dans  la  confidence  des  événements 
ci  lui  a  promis,  après  réussite,  un  poste  dans  les  finances. 

Au  coup  d'État,  Rougon,  soigneusement  stylé  par  Eugène, 
guidé  par  Félicité  qui'  lui  laisse  Tillusion  de  tout  conduire, 
ilcvient  dans  Plassans  l'homme  nécessaire.  Il  se  cache  au 
moment  opportun,  reparaît  pour  délivrer  la  mairie,  sVmpare 
lie  la  poignée  d'émeuliers  dirigés  par  Antoine  Macquart,  orga- 
nise un  simulacre  de  bataille  pour  se  donner  les  apparences  de 
rhéroïsme,  piiis  s'institue  président  de  la  commission  munici- 
pale. Craignant  de  n'être  pas  pris  au  sérieux  dans  son  rôle  de 
sauveur,  il  organise,  avec  la  complicité  du  l&che  Antoine,  un 
abominable  guet-apens  qui  glace  de  terreur  la  population  de 
la  ville  et  fait  du  mari  de  Félicité  un  terrible  monsieur  dont 
personne  n'osera  plus  rire  [353].  Encore  rouge  du  sang  v,er$é, 
Piougon  reçoit  la  croix  de  la  Légion  d'honneur,  en  attendant  le 
poste  rémunérateur  qui  va  payer  ses  honteux  services  [361]. 
{La  Fortune  des  Rougon,) 

Les  Rougon  sont  les  maîtres  de  Plnssans.  Eugène,  devenu 
miaislre  de  l'empereur,  a  fondé  leur  fortune.  Le  receveur  par- 
ticulier Pierre  Rougon  est,  à  soixante-dix  ans,  un  gros  homme 
bièmc,  il  a  une  belle  tête,  une  tête  blanche  et  muette  de  per- 
sonnage politique,  une  mine  solennelle  de  millionnaire  [68]. 
1/ùge  et  la  prospérité  ont  annihilé  sa  cervelle,  ses  besoins  tout 
physiques  sont  largement  satisfaits,  il  orne  d'un  bel  efl*et  déco- 
ratif le  salon  où  trône  sa  femme.  (La  Conquête  de  Plassans.) 


DES  ROCGON-MACQVART  WJ 

Devenu  si  gros  qn'il  ne  remuait  plus,  Pierre  Rougon  suc- 
ccjaLe,  ttoulTé  par  une  indigestion,  le  3  septembre  1870,  après 
avoir  ap}*rii  la  catastrophe  de  Sedan.  L'écroulement  du  régime 
dont  il  se  flattait  d*étre  l'un  des  fondateurs,  semble  l'avoir  fou- 
droyé [1  i].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Rougon  (Madame  Pierre).  —  Voir  Puecii  (Félicité). 

Rougon  (Sidonu)  (I).  —  Fille  de  Pierre  Rougon  et  de 
F^.icité  Puech.  Sœur  d'Eugène,  Pascal,  Aristide  et  Marthe. 
Mtre  d'Angélique  Marie.  Elle  est  née  en  1818  à  Plassans.  A 
vir.gt  ans,  elle  a  épousé  un  clerc  d'avoué  de  Plassans  et  est 
ali^e  se  lixer  avec  lui  à  Paris  [81].  (La  Fortune  des  Rougon.) 

Elle  s'vst  établie  rue  Saint-Honoré,  où  elle  a  tenté  avec  son 
uvTï,  un  sieur  Touche,  le  commerce  des  fruits  du  Midi.  Mais 
les  affaires  ifont  pas  été  heureuses  et,  en  1850,  on  la  retrouve 
veive.  pratiquant  des  métiers  interlopes,  dans  une  boutique 
avr:  entresol  et  entrée  sur  deux  rues,  faubourg  Poissonnière  et 
ru<r  Papillon. 

l'etite,  rnnigre,  blafarde,  doucereuse,  sans  âge  certain  [231], 
el!-:  tient  bien  aux  Rougon  par  cet  appétit  de  l'argent,  ce 
ué'oin  de  Tintrigue  qui  caractérisent  la  famille.  Les  influences 
(le  son  milieu  en  ont  fait  une  sorte  de  femme  neutre,  homme 
J'oi^aiies  et  entremetteuse  à  la  fois  [69].  La  fêlure  de  cet  esprit 
déVA  e>t  Je  croire  elle-même  à  une  fantastique  histoire  de 
ini  '.iaiJs  ]ue  IWngleterre  doit  rembourser,  appât  magique 
dort  elle  sait  se  servir  avec  habileté  pour  griser  ses  clientes. 
Soi  frère  aine  Eugène  Rougon,  qui  estime  fort  son  intelligence, 
remploie  à  des  besognes  mystérieuses  ;  elle  a  puissamment 
aiù-;  aux  débuts  de  son  frère  cadet  Aristide,  en  combinant  son 
niuriage  avec  Renée  Béraud  Du  Châtel  et  elle  continue  ses  bons 
ofi..es  au  ménage,  servant  les  intérêts  du  mari  auprès  des 
puirsants  ['.*8],  oUrant  des  amants  à  la  femme,  dont  elle  abrite 
les  passades  [131],  mettant  son  entresol  à  la  disposition  du 
jeu:.e  Maxime  Saccard  [133].  Elle  juge  les  femmes  d*un  coup 
J*œ:i,  corn  ne  les  amateurs  jugent  les  chevaux  [I3"2]  et  s*em- 

{.  SiJou.^  Jiougon,  née  en  1818  ;  épouse,  en  1838,  un  clerc  d'avoué 
>{e  ■  las^'Hi  .  qn'clU  perd  à  Paris,  en  1850  ;  a  d^un  inconnu,  en  1851, 
un-:  (de  ■l'eUe  tuel  aux  Enfants  Assistés,  lÉlectioii  du  père. 
Ile.-:inblai:c  îihvîiquc  de  la  mère].  Courtière,  entremetteuse,  tous 
Iry  métier,  jui^  austère.  Vit  encore  à  Paris,  trésoriere  de 
i'Œ  .:7c  -lu  Sacren.'.iit.  ^  Arbre  (jénéalogique  des  Rougon-Macquart.) 


I 


I 


410  LES  P£RSû:(.NJIGES 

ploie,  moyennant  finances»  à  {protéger  tontos  l£s  turpitudes  et 
à  ctoufTer  tous  les  scandales.  Mielleuse  et  aimant  réglise, 
Sidonie  est  au  fond  très  vindicative.  Pleine  de  colère  contre 
Renée,  qui  s*cst  révoltée  devant  la  grossièreté  d'un  de  ses  mar-» 
chés  d'amour  [iSo],  elle  se  charge  de  l'espionner  et  dénonce 
à  Aristide  ses  amours  avec  Maxime  [310].  Cette  dernière 
infamie  lui  rapporte  dix  mille  francs  [33G],  qu'elle  va  manger 
à  Londres,  à  la  recherche  des  milliards  fabuleux.  {La  Curée.) 

Son  mari  mort  et  enterré,  elle  a  eu  une  fille  quinse  mois 
après,  en  janvier  1831,  sans  savoir  au  juste  où  elle  l'a  prise. 
L'enfant,  déposée  sans  état  ci\îl,  par  la  sage-rfemme  Foucart,  à 
FAssistince  publique,  a  reçu  les  prénoms  d* Angélique  Marie. 
Jamais  le  sou^-enir  de  cette  enfant,  née  d'un  hasard,  ii'a  échauffé 
le  cœur  de  la  mère  [ôO].  {Le  Rêve.) 

Sidonie  vient  è  rentcrrement  de  son  cousin  le  peintre 
Claude  I^ntier.  Elle  a  toujours  sa  tournure  louche  de  brocan- 
teuse. Arrivée  rue  Tourlaque,  elle  monte,  fait  le  tour  de 
râtelier,  ilaire  celte  misère  nue  et  redescend,  la  bouche  dure, 
irritée  d*uiie  corvée  inutile  [477].  {VŒutre.) 

Beaucoup  plus  tard,  lasse  de  métiers  louches,  elle  se  retire, 
désormais  d*une  austérité  monacale,  à  Tombre  d'une  sorte  de 
maison  religieuse;  elle  est  trésorière  de  TŒuvre  du  Sacre- 
ment, pour  aider  au  mariage  des  filles-mères  [làO].  {Le  Doc^ 
tcur  Pascal.) 

Rougon  (Victor).  —  Voir  Saccard  (N'ictor)* 

Bougon  (X...)  (1).  —  Fils  de  Clotilde  Rougon,  dite  Saccard,  et 
de  son  oncle  Pascal  Rougon.  Sa  mère  était  enceinte  de  deux 
mois  lorsque  Pascal  est  mort,  emporté  par  une  angine  de  poitrine 
[34 â].  Il  vient  au  monde  dans  les  derniers  jours  de  mai  187i. 
Et  Clotilde,  allaitant  l'enfant  né  de  son  amour,  tâche  de  lui 
trouver  des  ressemblances.  De  Pascal,  il  a  le  front  et  les  yeux, 
quelque  chose  de  haut  et  de  solide  dans  la  carrure  de  la  tète. 
Élle-uièine  se  reconuutt  en  lui,  avec  sa  bouche  fine  et  son 
menton  délicat.  Muis  elle  a  de  sourdes  inquiétudes  en  pensant 
aux  terribles  ascendants  inscrits  sur  Tarbre  généalogique,  con- 
fiante nouTtaiit,  rassurée  devant  les  yeux  limpides  qui  s'ouvrent 
ravis,  désireux  de  la  lumière  [390].  (Le  Docteur  Pascal,) 


{\)  Enfant   inconnu,  à  naître  en  ld7i.  Quel   sera^t^Ut  iArbre 
gén^aloijique  des  liougoit^àîaequarL) 


DES  ROUCOX-MACQUART  411 

Rousse  (La).  —  Jeune  paysanne  des  Artaud.  Fille  superbe, 
cheveux- et  peau  de  cuin*e  [283].  (La  Faute  de  l* abbé  Mou- 
rct .) 

Rousse  (L\).  —  Une  vache  des  Hamelin,  cultivateurs  à 
Sou!an^«*s  (Nièvre).  Angélique  Marie  la  conduisait  aux  champs 
[U].  (Le  Rêve.) 

Rousseau.  —  Commissaire-censeur  de  la  Danque  Univer- 
selle. P;;ri.igc  cette  fonction  avec  Lavignière,  à  qui  il  est  com- 
plètt.-nionl  inlêodc  [139].  (LArgent.) 

Rousselot  (Mo.nseigneur).  —  Archevêque  de  Plassans. 
Soixante  ans.  Vil  frileusement  dans  son  cabinet,  en  douairière 
'vlirée  du  moside,  ayant  horreur  du  bruit,  se  déchargeant  sur 
le  vicaire  général  Fenil  du  soin  de  son  diocèse.  Il  adore  les  litté- 
ratures anciennes  et  traduit  Horace  en  secret  [loi].  Cet  indo- 
lent prélat,  à  ramabilité  enjouée,  aux  manières  exquises, 
tremble  d»rvaut  son  vicaire  général,  qui  le  mène  par  le  bout  du 
nez,  jusqu'au  jour  où  Faujas,  venu  de  Paris  pour  arracher 
Tiussans  aux  influences  ultramontaines,  engage  la  lutte  avec 
i'euil  eî  s'empare  à  son  tour  de  Parchevêque.  Au  fond,  celui-ci 
est  un  aiinahle  sceptique  ;  il  se  moque  de  tout  le  monde,  ne  se 

assior.aaiii  que  pour  les  petits  vers  de  l'Anthologie  grecque  et 
5e  bori.anl  à  >ouhaiter  que  les  loups  qui  Tentoureul  se  mangent 
eniie  eux.  (La  Conquête  de  Plassans,) 

Roussie  (La).  —  Une  hercheuse  d'autrefois.  Vivait  au 
t2n:|»s  du  vieux  Bonnemort  et  du  père  Mouque  [lil].  {Ger- 

liliiial.t 

Roustan  CAcbé).  —  Vicaire  à  Saint-Eustache.  Bel  homme, 
d'une  quarantaine  d'années,  Fair  souriant  et  bon.  Discret  et 
sape,  l'abbé  est  consulté  par  Lisa  Quenu  dans  les  cas  difficiles, 
sans  que  jamais  il  soit  question  de  religion  entre  eux  [251]. 
C'e=t  à  lui  qu'elle  demande  conseil  sur  la  conduite  que  Thon- 
iiêieié  iaulorise  à  tenir  vis-à-vis  de  son  beau-frère  ;  elle  est 
décidée  à  se  débarrasser  de  Florent,  et  l'abbé  Roustan  met  une 
hahilcl-^  essentiellement  ecclésiastique  à  lui  faire  comprendre 
que  tous  les  moyens  sont  bons.  {Le  Ventre  de  Paris.) 

Rouvet.  —  Vieux  paysan  beauceron,  du  village  de  Zéphyrin 
Lacour  et  de  lîosalie  l'ichon.  Une  de  leurs  joies  consiste  à  se 
rappeler  l^s  raves  du  père  Rouvet  [338].  (Une  Page  d'amour.) 

Rozan  (1»lc  de).  —  A  été  le  premier  aijiant  de  Renée  Sac- 


412  LES  PtKSONNAGES  DES  KOUCON-MACQUAUT 

card,  grâce  à  l'obligeant  intermédiaire  de  madame  de  Lauwe 
rcns  [133].  Remarqué  pour  sa  douceur  et  sa  tenue,  il  a  été 
trouvé,  en  téte-à-tôte,  nul,  déteint,  assommant  [130].  A  trente- 
cinq  ans,  las  d*ennuyer  les  femmes  de  son  monde,  il  aspire  aux 
faveurs  exclusives  de  Laure  d'Aurigny  ;  mais,  tenu  en  laisse 
par  la  duchesse  sa  mère,  il  se  met  entre  les  mains  de  l'usurier 
Larsonneau,  qui  lui  fait  des  prêts  a  cinquante  pour  cent  [254]. 
Devenu  maître  de  son  patrimoine,  il  laisse  cinq  cent  mille  francs 
aux  mains  de  Laure  et  mange  son  second  demi-million  avec 
Blanche  Mûller  [313J.  {La  Curée.) 

Rozan  (Duchesse  de).  —  Mère  du  jeune  duc,  qu'elle  tient 
en  charte  privée  jusqu'à  l'âge  de  trente-cinq  ans,  au  point  de 
ne  pas  lui  donner  plus  d'une  dizaine  de  louis  à  la  fois  [^54]. 
Cette  mère,  trop  rigide,  meurt  de  saisissement  devant  les  cent 
cinquante  mille  francs  de  billets  souscrits  par  son  fils  à  l'usu- 
rier Larsonneau  [343].  {La  Curée.) 

Rusconi  (Chevalier).  —  Légat  d'Italie.  Beau  brun,  diplo- 
mate grave  à  ses  heures.  Il  traite  les  affaires  politiques  chez  la 
comtesse  Balbi,  tourne  autour  de  Clorinde  avec  sa  galanterie 
langoureuse  de  bel  Italien  [185]  et  seconde  activement  les  vues 
de  Cavour  en  wit  d'une  alliance  contre  l'Autriche  [370].  {Son 
Excellence  Eugène  Rougon.) 


s 


Sabatani.  —  Un  habitué  de  la  Bourse.  Grand  jeune  homme 
à  la  face  lon;;ue  et  brune,  aux  yeux  noirs  magnifiques,  à  la 
bouche  mauvaise,  inquiéiante.  Il  a  une  grâce  caressante 
d'Oriental  mâtiné  d'Italien.  C'est  un  gaillard  mystérieux,  aimé 
>les  femmes  ;  la  légende  lui  attribue  un  prodige  physique,  une 
exception  géante  dont  rêvent  les  filles  du  monde  de  la  Bourse, 
tourmentées  de  curiosité  [123].  Associé  secret  de  l'escroc 
Schiosser.  Sahaiani  a  peu  à  peu  conquis  la  confiance  de  la  cor- 
beille et  ie  la  coulisse  par  beaucoup  de  correction  et  une  bonne 
^r^ce  infatigable  [lu].  11  est  client  de  la  charge  Mazaud,  où  il 
n'a  iiépos-  qu'une  légère  couverture,  donnant  des  preuves  de 
sagesse,  n'au^inentant  que  graduellement  l'importance  de  ses 
ordres,  ci  nttenJant  le  jour  où  il  culbutera  dans  une  grosse 
lii{  lidatioi  [Oj].  Gai,  d'apparence  riche,  avec  cette  tenue  élé- 
gante qui  est  indispensable.,  comme  l'uniforme  même  du  vol  à 
la  Dourse,  il  devient  très  volontiers  le  prèle-nom  d'Aristide 
Saccard  ;  il  est  le  complaisant  au  compte  de  qui  figurent  ficti- 
vement les  litres  non  vendus  de  TUniverselle  [123].  Et,  au  jour 
de  la  déli.Je,  il  disparait  ;  il  va  écumer  la  Bourse  de  quelque 
capitale  t:?rangêre.  Plus  tard,  oublié  a  Paris,  il  y  reviendra,  de 
no  jvefiu  s  ilu  •.  prêt  à  recommencer  son  coup,  au  milieu  de  la 
tolvraiice  ^'^hiérale  [::{93].  {UArgent.) 

Sabot.  —  Vigneron  de  Brinqueville.  Un  farceur  renommé, 
qui  venlt  à  Ttire  tourner  les  moulins,  mais  qui  est  battu  à  ce 
jeu  par  j -sus-Christ  [332].  (La  Terre.) 

Saccard  ^\f.istide)(1).  —  Troisième  fils  de  Pierre  Rougon  et 

Ij  Aii.^:'i-le  liougon,  dit  Saccanl^  né  en  1815;  épouse  cj/ .  1836 
Ah'jéle  St-  Ti'd  >ty  Ciilnie  et  réreusCf  fille  (Tuu  commandant;  en  a  un 
fih  en  Ibï  ',  et  une  fille  en  I^l7.  et  perd  sa  femme  en  185-1;  a  eu  en 


414  LES  PERSONNAGES 

de  Félicité  Puech.  Frère  d'Eugène,  Pascal,  Sidoiiie  et  Marthe 
Rou^on.  Père  de  Maxime,  Clotilde  et  Victor  Bougon,  dits  Sac- 
card.  Petit,  la  mine  chafouine,  il  a  le  visage  de  sa  mère,  avec 
des  avidités,  un  caractère  sournois,  apte  aux  intrigues  vul- 
gaires, où  les  instincts  dé  son  père  dominent  [74].  En  lui  s'épa- 
nouissent tous  les  besoins  de  jouissance  matérielle;  son  appé- 
tit se  rueù  l'argent,  à  la  femme,  au  luxe.  Envoyé  ù  Paris  pour 
faire  son  droit,  il  mène  pendant  deux  ans  une  vie  paresseuse  et 
débraillée,  ne  passe  pas  un  seul  examen  et,  rentré  à  Plassans, 
se  laisse  vivre  longtemps  sans  voir  clair  dans  ses  ambitions. 
Marié  en  1836  à  Angèie  Sicardot,  qui  lui  apporte  une  dot  de 
dix  mille  francs,  il  place  habilement  ce  petit  capital  dans  la  * 
maison  paternelle  et  se  fait  entretenir  avec  sa  femme  jusqu'au 
moment  lointain  où  son  père  peut  enfin  lui  restituer  sa  com- 
mandite. Le  ménage  s'établit  alors  place  Saint-Louis;  un  fils 
vient,  Maxime,  dont  la  grand*mère  Félicité  paye,  par  bonheur, 
la  pension;  Aristide  mène  une  belle  existence  de  fainéantise, 
jouant  au  cercle,  cultivant  sa  paresse  avec  amour,  jusqu'à 
l'heure  où,  toutes  ressources  épuisées,  la  pauvre  Angèie  mou- 
rant de  faim,  il  cousent  à  chercher  une  place  et  réussit  à  entrer 
à  la  sous-préfecture  de  Plassans. 

Cest,  pendant  dix  ans,  la  médiocre  existence  de  remployé  à 
dix-iiuit  cents  fi*ancs,  encore  gênée  par  la  naissance  d'un  nou- 
vel enfant.  Sevré  dos  joies  dont  il  a  une  continuelle  envie,  Aris- 
tide devient  haineux  ;  le  fiel  s'amasse  en  lui  et,  l'oreille  au 
guet,  il  voit  arriver  la  révolution  de  1818,  il  Ûaire  avec  joie 
une  catastrophe,  prêt  à  sauter  sur  la  première  proie  veaue  [78]. 
Trompé  d'abord,  par  les  apparences,  il  afiiche  le  plus  vif 
enthousiasme  pour  la  République;  plein  de  mépris  pour  l'im- 
puissance bourgeoise,  manquant  de  renseignements  sur  ce  qui 
se  prépare,  il  croit  au  triomphe  de  la  démocratie,  se  fait  jour- 
naliste, livre  aux  réactionnaires  une  guerre  sans  merci,  se 
compromet  à  plaisir,  jusqu'au  jour  où,  ayant  surpris  une  édi- 
llanle  conversation  politique  entre  sa  mère  et  le  marquis  de 


1S53  M7J  fds  adultérin  d'une  ouvrière,  liosalie  ChavaiUe  qui  comptait, 
des  phtLsiqnes  et  des  épileptiques  dam  son  ascendance  ;  se  remarie,  en 
18.'»5,  avec  Renée  Déraud  Du  Châlel,  qui  meurt  sans  enfants  en  ISW. 
[Mclan^'e  soutiurc.  Prédominance  nior.ile  du  père  et  ressemblance 
physique  de  la  mère.  Ambition  de  la  mï-'ie  gâtée  par  les  appéiits  du 
pcrol.  Employé,  puis  grand  brasseur  d'affaires.  Vit  encore  à  Paris, 
directeur  d'un  journal.  {Arbre  généalogique  des  Hougon-Macquart.) 


DES  ROCGON-MACQUART  415 

Carnavant  [125],  il  prend  uoe  attitude  expectante,  cherchant 
le  Tent,  prêt  à  se  Tendre  le  plus  cher  possible. 

Pendant  les  journées  de  Décembre ,  il  feint  une  soudaine 
maladie  qui  lui  pennet  de  louvoyer  ;  il  esquisse  une  conver- 
sion au  bonapartisme,  revient  prudemment  aux  ouvriers,  et 
c'est  seulement  lorsqu'il  a  palpé,  sur  la  place  de  la  Mairie,  les 
cadavres  républicains  [354],  qu'il  voit  enfin  la  lumière  et  publie 
a  grand  fracas  an  superbe  article  d'adhésion  au  coup  d'État. 
Pour  attester  son  loyalisme,  il  laisse  assassiner  sous  ses  yeux 
son  malheureux  cousin  Silvère  Mouret  [374];  puis,  réconcilié  . 
avec  son  beau-père,  le  commandant  Sicardot,  il  en  obtient 
cinq  cents  francs  qui  lui  permettront  de  quitter  Plassans.  (La 
Fortune  des  Hougon,) 

A  Paris,  après  un  très  court  séjour  rue  dé  la  Harpe,  où,  sous 
le  nom  de  Sicardot,  il  a  séduit  Rosalie  Chavaille,  il  s'installe 
pauvrement  rue  Saint-Jacques  et,  par  son  frère  Eugène  Rou- 
goQ,  devient  cotumissaire-voyer  adjoint,  emploi  bien  inférieur 
à  ses  prétentions,  mais  qui  le  mettra  en  situation  de  surprendre 
le  vaste  projet  de  la  transformation  de  Paris  [63].  Pour  ne  pas 
pêner  son  aîné,  devenu  une  puissance  politique,  il  a  troqué  le 
nom  palern^rl  contre  celui  de  Saccard,  un  nom,  a  dit  Eugène, 
à  aller  au  bagne  ou  à  gagner  des  millions  [59].  Écœuré  de  la 
mesquine  existence  qui  lui  est  imposée,  entre  sa  femme,  la 
molle  .Vngèle,  et  sa  fillette  Clotilde^  il  a  rôdé  pendant  deux  ans 
dans  les  couloirs  de  THôtel  de  Ville;  il  a  senti  venir  le  flot 
Uioutant  de  la  spéculation  à  outrance,  il  a  flairé  les  beaux 
coup?  à  faire,  mais,  faute  des  premiers  fonds,  il  resterait 
frappé  d'impuissance,  si  la  mort  fortuite  dWngèle  ne  le  rendait 
sulùtcmenl  libre  et  ne  lui  permettait  d'atteindre  la  fortune, 
gr-àce  à  un  honteux  mariage  maquignonné  par  sa  sœur,  l'intri- 
gante SiJonie  Rougon. 

Ce  petit  liomine  chafouin,  devenu  le  mari  de  Renée  Réraud 
Du  Ciiàîel.  occupe  maintenant  un  superbe  appartement  de  lu 
rue  Je  l'ùvoli  et  va  devenir  un  des  brasseurs  d'atfaires  les  plus 
en  vue  de  l'époiue.  11  commence  par  s'enrichir  en  dépouillant 
sa  femme  (allaire  de  la  rue  de  la  Pépinière),  gagne  habilement 
la  prût''otion  des  Gouraud  et  des  Toutin-Laroche,  se  fait  le 
pré:e-nom  de  la  Ville  dans  d'imporlantes  opérations  immobi- 
lières, s'associe  avec  les  gros  entrepreneurs  Mignon  et  Char- 
rier pour  éventrer  Paris,  et  met  le  comble  à  sa  gloire  en  fon- 
dant le   Crédit  Viticole,   entreprise    toute    puissante   grâce  à 


ilG  LIf;S  PEKSONNAGES 

Inquelle  il  tiendra  TadininistratioD  préfectorale  à  la  gorge  [lâp]. 
Il  bâtit  alors,  sur  un  terrain  volé  à  la  Villèy  son  magnifique 
hôtel  du  parc  Monceau,  et  là  c*esl  un  étalage,  une  profusion, 
un  écrasement  de  ricli esses  [18].  La  fortune  de  Saccard  est  à 
son  apogée. 

11  se  lance  dans  des  opérations  de  plus  en  plus  hardies,  se 
plaisant  aux  complications  folles,  à  Tentasscment  des  impossi- 
bilités [:260]  ;  ses  affaires  sont  tellement  enchevêtrées  qu*il  ne 
dort  plus  que  trois  heures  par  nuit  ;  c*esl  le' jeu  continu,  un 
tour  de  force  quotidien,  une  succession  d'aventures  où  les  mil- 
lions s'entassent  et  s'engloutissent  aussitôt,  où  tout  n'est  que 
façade  dorée.  Le  faste  inouï  où  se  complaît  Aristide,  les  étour- 
dissantes prodigalités  où  il  pousse  sa  femme,  l'afiectation  qu*il 
met  à  feindre  d'entretenir  des  maîtresses  coûteuses,  toute  cette 
poudre  aux  yeux  lui  est  indispensable  pour  maintenir  son 
crédit.  De  mauvaises  spéculations,  dues  à  son  génie  trop 
inventif,  ont  séparé  de  lui  Mignon  et  Charrier;  il  a  essuyé  de 
grosses  pertes  ;  un  mauvais  vent  souffle  sur  ses  affaires  lorsqu*il 
se  décide  a  tout  réparer  par  une  œuvre  de  scélératesse  exquise, 
une  duperie  colossale  dont  la  Ville,  l'État,  sa  femme  et  jusqu^à 
son  homme  de  paille,  Larsonneau,  doivent  être  les  victimes 
[185].  11  va  gagner  trois  millions  en  s'emparant  des  terrains  de 
Charonne,  que  Renée  possède  et  qui  seront  absorbés  par  le 
percement  du  boulevard  du  Prince-Eugène. 

Mais  une  terrible  complication  se  dresse  tout  à  coup.  Son  fils 
Maxime  est  devenu  l'amant  de  Renée*.  11  lapprend  au  moment 
même  où  la  signature  de  celle-ci  lui  est  nécessaire  pour  pa- 
rachever l'œuvre  entreprise.  Comme  il  ne  veut  pas  se  con- 
damner à  la  ruine  en  chassant  l'épouse  incestueuse,  il  feint  de 
ne  pas  comprendre,  s'empare  de  l'acte  par  surprise  et  marie  le 
jeune  Maxime  à  une  riche  héritière,  Louise  de  Mareuil,  dont  il 
convoitait  depuis  longtemps  le  million  de  dot  pour  ses  spécu- 
lations futures.  En  1860,  Saccard  a  été  décoré  à  la  suite  d'un 
service  mystérieux  rendu  au  préfet  de  la  Seine  [149].  (La  Curée,) 

Cousin  de  Lisa  .Macquart,  il  a  été  désigné  comme  subrogé- 
tuteur  de  la  petite  Pauline  Quenu  [26].  11  écrit  aux  Chanteau 
diverses  lettres  réclamant  des  comptes  [103]  et  consent  à 
rémancipalion  de  la  jeune  fille  après  trois  visites  de  madame 
Chanteau,  qui  a  ilalté  son  goût  des  grandes  affaires  en  lui 
apportant  une  idée  superbe  :  l'accaparement  des  beurres  du 
Colenlin  [117].  {La  Joie  de  vivre.) 


DtS  KOUGON-MACQUAnT  417 

En  octobre  1864,  une  suile  d'affaires  désastreuses  Tont  obligé 
à  liquider  sa  situation»  à  vendre  l'bôtel  du  parc  Monceau.  Tou- 
jours affamé,  inassouvi  toujours,  il  se  retrouve  sur  le  pavé  de 
l*ari«,  en  relations  avec  la  princesse  d*Orviedo  qui,  pendant 
quelque  temps,  a  fait  de  lui  le  préfet  de  ses  charités,  l'a  trans- 
formé en  une  sorte  de  petit  manteau  bleu,  adoré  et  béni,  et  a 
consenti  ù  lui  louer  un  rez-de-chaussée  dans  son  hôtel  de  la 
rue  Saint-Lazare.  Saccard  a  cinquante  ans,  mais  Tùge  n'ayant 
pas  mordu  sur  sa  petite  personne,  il  n'en  paraît  guère  que 
trente-huit;  il  garde  une  maigreur,  une  vivacité  de  jeune 
homme;  même,  avec  les  années,  son  visage  noir  et  creusé  de 
marionnelte,  au  nez  pointu,  aux  minces  yeux  luisants,  s'est 
comme  arrangé,  a  pris  le  charme  de  cette  jeunesse  si  persis- 
tante, si  souple,  si  active,  les  cheveux  toufl'us  encore,  sans  un 
m  blanc  [(>]. 

De  nouveau,  il  cherche  la  chance,  il  rêve  non  plus  la  richesse 
menteuse  de  la  façade,  mais  rédifice  soliflc  de  la  fortune,  la 
vraie  royauté  de  l'or  trônant  sur  des  sacs  plt  ins  [7].  Sonen"réné 
besoin  de  revanche  lui  inspire  un  désir  chimérique  :  abattre 
Gundcrmann,  le  banquier-roi,  ce  juif  contre  U^quel  il  a  l'antique 
rancune  d.^  race,  au  point  que  lui,  le  terrible  brasseur  d'allaires, 
le  bourreau  d'argent  aux  mains  louches,  perd  la  conscience  de 
lui-même  dès  qu'il  s'agit  d'un  juif,  en  parle  avec  ûpreté,  avec 
des  indignations  vengeresses  d'honnête  homme,  vivant  du 
travail  de  ses  bras,  pur  de  tout  négoce  usuraire  [92].  Irrésis- 
tiblement attiré  vers  la  Bourse,  il  va  y  entrer  bientôt  en 
triompliateur. 

Un  hasard  de  voisinage  Ta  mis  en  relations  avec  l'ingénieur 
Hamelin,  à  qui  un  long  séjour  en  Orient  a  inspiré  une  séri^^  de 
projets,  la  conquête  de  la  Méditerranée,  la  mise  en  valeur  de 
la  Palestine,  la  libération  des  Lieux-Saints,  idées  grandioses 
d'où  sorti :-a,  grâce  à  l'ardente  imagination  de  Saccard,  la  Banque 
l'niverselle,  destinée  d'abord  à  féconder  l'œuvre  d'Hamelin, 
mais  surtout  à  exterminer  la  banque  juive  [59].  L'adhésion  du 
ca|iit:ilist«^  Daigremont  assure  les  concours  indispensables  ;  le 
marquis  ùc  Cubain,  Sédille,  Huret,  Kolb  entrent  dans  le  syn- 
dical :  Saîjatani  est  le  prête-nom  nécessaire  au  jeu  des  actions; 
on  aclièiL'  une  feuille  catholique,  VEspérance,  où  Jantrou  fera 
(les  arlicl'js  politicjues  favorables  et  hostiles  tour  à  tour  au  mi- 
nistre Uougon,  et  où  de  savantes  annonces  subjugueront  les 
souscripteurs  pieux;  on  achète  aussi  la  Cote  financière,  qui 
séduira  les   rentiers  crédules.  Une  immense  publicité  s'orga- 


418  LES  PERSONNAGES 

nise.  On  aura  les  gros  capitaux  et  les  économies  ramassées 
sou  à  sou,  les  Beauvilliers,  les  Mau^endre  et  les  Dejoie. 

Saccard  sait  combattre  les  scrupules  des  Hamelin,  Tiagé- 
nicur  et  sa  so&ur  Caroline,  trop  honnêtes  pour  goûter  pleine- 
nient  la  saveur  de  ses  conceptions  hardies.  Il  célèbre  les  vertus 
de  la  spéculation;  c*est  l'appât  même  de  la  vie,  c'est  réternel 
désir  qui  force  à  lutter  et  à  vivre  ;  elle  décuple  les  énergies; 
sans  elle,  Texistence  serait  un  désert  d'une  extrême  platitude; 
par  elle,  on  accomplit  des  choses  vivantes,  grandes  et  belles. 
Va  elle  est  nécessaire,  malgré  ses  hontes,  qui  ne  sont  au  fond 
que  Texcés  indispensable,  de  méiue  qu'il  faut  l'appât  de  la 
luxure  pour  créer  beaucoup  d'enfants  [i  i3]. 

Les  commencements  de  l'Uni verselle  sont  honorables  et  cor- 
rects, dans  l'hostilité  de  la  haute  banque  ;  puis,  on  double  le 
capital;  Saccard  fait  un  magnifique  coup  de  Bourse  après  Sa- 
dowa;  c'est  l'heure  d'une  de  ces  poussées  folles  de  la  ûnauce 
qui,  toutes  les  dix  ou  quinze  années,  obstruent  et  empoisonnent 
Paris,  ne  laissant  après  elles  que  des  ruines  et  du  sang  ;  on 
double  encore  le  capital;  les  illégalités  s'accumulent;  Saccard 
est  sans  lien  ni  barrières,  allant  à  ses  besoins  avec  Tinstinct 
déchaîné  de  l'homme  qui  ne  connaît  d'autre  borne  que  son  im- 
puissance ;  il  jette  à  la  fonte  les  choses  et  les  êtres  pour  en  tirer 
d'j  l'argent  ;  ce  bandit  du  trottoir  financier  est  aimé  d'une  ado- 
rable femme,  madame  Caroline,  parce  qu'elle  le  voit  actif  et 
brave,  créant  un  monde  à  travers  tant  de  folies  ;  de  l'hôtel 
d'Orviedo,  où  s'était  d'abord  installée  l'Universelle,  Saccard  a 
transféré  la  banque  dans  un  hôtel  monumental,  rue  de  Londres; 
et  les  clients  sont  foudroyés  d'admiration  et  de  respect. 

La  fièvre  augmente;  plein  d'une  forfanterie  batailleuse,  Sac- 
card se  voit  le  maître  ;  il  déclare  la  guerre  à  son  frère,  le  mi- 
nistre; il  va  enfin  se  poser  en  rival  de  Gundermann,  en  roi  voi- 
sin, d'une  puissance  égale;  c'est  une  fringale  de  jouissances; 
depuis  longtemps,  il  possédait  les  bonnes  grâces  de  la  baronne 
Sandord;  maintenant,  il  achète  deux  cent  mille  francs  la  gloire 
de  coucher  avec  madame  de  Jeumont  et  de  l'afficher  dans  un 
bal  officiel,  sous  l'œil  amusé  du  comte  de  Bismarck;  autour  de 
lui,  un  concert  de  bénédictions  monte  de  la  foule  heureuse  des 
petits  et  des  grands,  les  filles  enfin  dotées,  les  pauvres  brus- 
quement enrichis,  assurés  d'une  retraite  ;  les  riches,  brûlantde 
l'insatiable  joie  d'être  plus  riches  encore  [287].  Le  capital  so- 
cial atteint  cent  cinquante  millions,  d'éaormes  dividendesont  été 
distribués,  les  actions  dépassent  le  cours  de  trois  mille  francs. 


DtS  KOUGON-MACQUAUT  -419 

Mais  Texcès  même  de  celte  prospérité  doit  causer  la  ruine 
de  rUniversclle  ;  en  une  ;rrande  journée  dont  on  parle  encore, 
comnte  on  parle  dWusterlitz  et  de  Marengo  [345],Gundcrraann 
qui,  depuis  ion^'lemps,  {guettait  l*heure  propice,  délruirad*un 
coup  cett*i;  ban(}ue  catholique,  minée  si  profondément  par  les 
imprulences  de  Saccard.  Et  celui-ci  fait  une  b(-lle  défense; 
jusqu'au  bout,  il  inspire  confiance  à  ses  victimes.  Définitive- 
ment lâché  par  le  ministre  Rougon,  dénoncé  par  Busch,  livré 
aux  vengeances  de  Ddcambre.il  est  traduit  en  correctionnelle, 
conserve  une  bêroïqui-  altitude  devant  le  tribunal  et  se  voit  con- 
damné à  cinq  ans  de  prison  et  trois  mille  francs  d*aniende, 
toujours  plein,  d'ailleurs,  de  croyance  en  lui-même.  Son  in- 
conscience en  arrive  à  une  véritable  grandeur. 

PcnJaLl  les  délais  d*appel,  il  quitte  la  France  et  va  en  Hol- 
lande :  il  s'v  consacre  à  une  affaire  colossale  :  le  dessèchement 
d'imiricnses  marais,  tout  un  petit  royaume  conquis  sur  la  mer, 
grâce  à  un  syitèrne  compliqué  de  canaux  [4-45].  {L'Argent,) 

Après  la  chute  de  l'Empire,  il  a  osé  rentrer  en  France,  mal- 
gré sa  coiidaninulion;  des  influences  nouvelles,  toute  une  in- 
trigue extraordinaire  l'ont  remis  sur  pied  [15].  En  1872.  on  le 
rclro».ve.  lancé  «ians  le  grand  journalistnc,  brassant  des  affaires 
cens:  :  t.IjI -s,  devenu  directeur  de  VÉpoque^  le  journal  répu- 
blicain a  gros  succès  où  l'on  publie  les  papiers  des  Tuile- 
ries [vl].  F.niprL-Sjé  auprès  de  Maxime,  dont  il  a  toujours  con- 
voité ia  fort'jiie,  il  bâte  la  fm  de  l'ataxique  en  lui  envoyant  de 
belles  iilles.  notarnmant  la  petite  Rose,  qui  l'acbèvent  [315],  et 
il  linit  )'rr  mettre  dans  sa  poche  l'argent  et  l'hôtel  de  son  fils 
\oSÏ].  U.veiiu  â  son  républicanisme  originel,  Aristide  va,  par 
un  rr-io:ir  ironique  des  choses,  protéger  sou  frère  Eugène 
Pioug  »u.  qu'il  a\ait  compromis  si  souvent  lorsque  le  simple  dé- 
puté i'auiour.lliuiéiail  vice-empereur  [io].  (Le  DoctcttrPasca/.) 

Saccard  (Madame  Atustide).  —  Voir  Dêral'd  Du  Ciiatel 

(Uemiz). 

Saccard  (Madame  Aristide).  —  Voir  Sicardot  (Angèle). 
Saccard  kIhahles;  (1).  —  Fils  de    Maxime    Rougou,    dit 


1  'Ih  •/'.>  Il  .ufffiii.  dit  Saccard,  vc  en  18ôT,  meurt  d'une  hémcr- 
ragi'^  ;;■•'''.  cii  l^TJ,  [Hérédité  en  retour  sautîiiit  trois  {çéiicralions. 
Ke>s?:  il>.a'i' ■•  fil\^i<]lle  et  morale  d'Adélaïiie  Foiiqne.  Dernière 
cx[»rc-'i.:i    «.c    r'-puiseiiiunt   d'une   race].    {Arbre  fjcnédlo(jique   (I':s 

ïi'in-     /i-  V.i.     u-:rt.  i 


itO  LES  PERSONNAGES 

Saccarti,  et  de  Jusline  Mégot.  Sa  mère,  femme  de  chambre  de 
[icnée,  a  été  séduite  par  le  jeune  Maxime,  alors  âgé  de  dix- 
sept  ans.  L'enfanl  et  la  mère  sont  envoyés  à  la  campagne ^  avec 
uDf»  pi'lile  rente  de  douze  cents  francs  [H9].  {La  Curée,) 

A  quinze  ans,  il  vit  à  Plassans,  chez  sa  mère,  mariée  à  un 
bourrelier  du  faubourg,  Anselme  Thomas.  Charles  est  un  dé- 
généré qui  reproduit,  à  trois  générations  de  distance,  sa 
trisaïeule,  la  vieille  Adélaïde  Fouque  enfermée  auxTulettes.il 
parait  à  peine  douze  ans  et  il  en  est  resté  à  Tintelligence 
balbulianle  d'un  enfant  de  cinq  ans.  Ses  grands  yeux  clairs 
sont  villes,  sa  ))cauté  inquiétante  a  une  odeur  de  mort,  ce  n*est 
qu'un  petit  cliien  vicieux  qui  se  frotte  aux  gens,  pour  se  ca- 
resser, et  qu'on  a  dû  renvoyer  du-  collège  dès  les  premiers 
mois,  sous  Taccusation  de  vices  inavouables  [63].  11  y  a  en  lui 
un  lelâchenient  des  tissus  dû  à  la  dégénérescence;  le  moindre 
froissement  détermine  une  hémorragie. 

Sa  mère  adore  ce  bel  eufant  à  la  royale  chevelure  blonde, 
mais  il  est  détesté  du  mari  et  vit  le  plus  souvent  chez  les 
llougon,  habillé  par  son  arrière-grand'mère  Félicité  qui  souffre 
(levant  ce  rejeton  épuisé  de  sa  race,  le  comble  de  bijoux  et  le 
vêt  de  velours  noir  soutaché  d'une  ganse  d'or,  tel  qu'un  jeune 
seigneur  d'autrefois  ['2:29].  11  se  plaît  en  la  compagnie  de  la 
vieille  Adélaïde  Fouque,  avec  qui  il  a  une  ressemblance  phy- 
sique extraordinaire.  Et  c'est  là,  dans  l'Asile  des  Tulettes,sous 
les  yeux  fixes  de  l'ancêtre,  que  cet  enfant,  pris  d'un  dernier 
saignement  de  nez,  meurt  sans  une  secousse,  épuisé  comme 
une  source  dont  l'eau  s'est  écoulée,  pareil  à  un  de  ces  petits 
dauphins  exsangues  qui  n'ont  pu  porter  l'exécrable  héritage  de 
leur  race  ['2i2].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Saccard  (Clotilde)  (t).  —  Fille  d'Aristide  Rougon,  dit 
Saccard,  et  d'Angèle  Sicardot.  Née  à  Plassans  on  1847,  elle 
;i\ait  quatre  ans,  lorsque  ses  parents  l'ont  emmenée  à  Paris, 
Aiigèl'*  ayant  refusé  de  se  séparer  de  cette  enfant  [32].  En  1854, 
la  petite  Clotilde  assiste  à  la  mort  de  sa  mère  et,  trois  jours 


1)  Clolildc  Hougon,  dile  Saccard,  née  en  1847;  a,  en  1874,  de 
^un  ohcle  I*ascal,  un  fils.  [Élection  de  la  mère,  liurédilc  en  retour, 
::\c  prodofiiiiiance  morale  et  physique  de  son  grand-père  mnlernci, 
le  .ommainlant  Sicardot].  Vit  encore  à  Plasi>ans.  (Arbre  (jénénlogique 
des  Ilougon-Mdcquart.) 


DES  ROUGO.V-MACQUAUT  4il 

après,  on  la  confie  à  une  vieille  dame  qui  se  rend  dans  le 
Midi  et  qui  la  ramène  à  son  oncle  Pascal  [76].  (La  Curée,) 

Chez  le  docteur  Pascal,  elle  a  vécu  librement.  A  Tâg^e  ingrat, 
de  douze  à  dix-huit  ans,  elle  a  paru  trop  grande,  dégin- 
gandée, montant  aux  arbres  comme  un  garçon,  puis  en  elle 
s'est  dégagée  une  fine  créature  de  charme  et  d'amour,  élancée, 
la  laille  mince,  la  gorge  menue,  le  corps  souple.  Elle  a  des 
cheveux  blonds  et  coupés  court,  un  exquis  et  sérieux  profil,  le 
front  droit,  Tœil  bleu  ciel,  le  nez  fin,  le  menton  ferme;  sa 
nuque  est  d*une  fraîcheur  de  lait  sous  l'or  des  frisures  folles. 
A  vingt-cinq  ans,  elle  reste  enfantine  et  en  parait  à  peine 
dix-huit  [2]. 

Elle  n*a  appris  qu*à  lire  et  à  écrire;  elle  se  fait  ensuite  une 
instruction  assez  vaste,  en  aidant  son  oncle  qui  l'emploie  volon- 
tiers comme  secrétaire  et  pour  qui  elle  dessim;  des  planches 
destinées  à  illustrer  ses  ouvrages  [5J.  En  cet  •  jeune  fille,  on 
retrouve  Tinfluence  maternelle  par  ses  quritllés  féminines, 
comme  par  sa  i^réoccupation  du  mystère  et  ^on  inquiétude  de 
l'inconnu;  mais  la  principale  empreinte  héréditaire  lui  vient 
de  son  grand-pére,  le  commandant  Sicardot,  homme  de  droi- 
ture et  d*énergie.  Il  lui  a  donné  le  meilleur  de  son  être,  le 
courage  de  la  lutte,  la  fierté  et  la  franchise  [134]. 

En  Clotilde,  les  instincts  mystiques  se  sont  développés  sous 
l'action  de  la  servante  Martine  qui  Ta  beaucoup  menée  à 
Téglise,  lui  communiquant  un  peu  de  sa  flamme  dévote,  sans 
que  Pascal,  d*esprit  large  et  tolérant,  ait  rien  fait  pour  com- 
battre ce  besoin  de  croire.  L'aveugle  foi  religieuse  accomplit  ses 
ravages  :  Clotilde,  qui  a  pourtant,  suivant  le  mot  de  son  oncle, 
une  bonne  petite  caboche  ronde,  nette  et  solide,  ne  peut  pas 
vivro  sans  illusion  et  sans  mensonge,  le  mystère  la  réclame  et 
rinquiète.  Elle  voudrait  convertir  Pascal,  elle  rêve  de  détruire 
la  pensée  de  son  maître,  d*anéantir  des  œuvres  qui  blessent  sa 
foi  catholique,  elle  va  se  faire  la  complice  inconsciente  des 
lâches  (lessoins  de  sa  grand*mère  Félicité  Rougon,  lorsque, 
surprise  par  le  docteur  au  moment  où  elle  pillait  les  manus- 
crits, elle  est  domptée  sous  son  autorité  virile  et  jetée  brus- 
quement en  présence  des  faits,  de  la  vérité  nue,  de  l'exécrable 
réalité  qui  révolutionnera  son  être  et  lui  donnera  une  terrible 
leçon  de  vie  [1 1-*]. 

l'ascal  a  recon<juis  Clotilde;  la  révoltée,  Tenneniie  d'hier  est 
rodevenue  l'élève  soumise  d'autrefois,  elle  a  cessé  d'aller  à 

36 


42i  LES  PEnSONXAGES 

l'église  et  bientôt  la  mystique  est  définitivement  vaincue  par 
faniour  connu  et  satisfait.  Les  belles  itlvlles  de  la  Bible,  le  roi 
David  et  Abisaïg,  Abraham  et  Agar,  Ruth  et  Booz  vont  renaître 
entre  le  vieux  maître  et  sa  blonde  servante.  Mais  les  scrupules 
de  Pascal  mettent  fin  à  cette  joie  délicieuse,  il  ne  vent  pas 
sacrifier  Tadorable  jeunesse  de  Clotilde  à  sa  stérilité  de  vieillard 
et,  par  une  fatalité  lamentable,  il  meurt  seul,  loin  d'elle,  a 
rheure  même  où  elle  accourt,  portant  en  son  sein  l*enfant  qui 
va  naître.  (Le  Docteur  Pascal,) 

Saccard  (Maxime;  (1).  —  Fils  d'Aristide  Bougon,  dit  Sac- 
card,  et  dWngèle  Sicardot.  Père  de  Charles.  Il  €st  né  en  13i0  à 
Plassans.  Enfance  terne,  dans  la  médiocrité  du  ménage  pa- 
ternel. Semble  avoir  été  assez  mal  élevé,  car  son  grand-oncle, 
Antoine  .Macquart,  se  plaint  que  le  mioche  lui  lire  la  langue 
chafjue  fois  qu'il  le  rencontre  [176].  Sa  grand'mère  Félicité 
Bougon  le  fait  entrer  au  collège  et  paye  secrètement  sa  pension 
[78].  {La  Fortune  des  Rougon,) 

Il  reste  à  Plassans  jusqu'en  1855  et,  sa  cinquième  achevée, 
va  rejoindre  à  Paris  son  père,  alors  remarié  à  Benée  Béraud 
Du  Cliàtel.  A  (]uinzeans,c'est  un  grand  galopin  fluet,  à  figure  de 
iille,  l'air  délicat  et  effronté,  d'un  blond  très  doux  [107].  Il 
termine  ses  études  au  lycée  Bonaparte  et  vit  dans  Tintimité  de 
sïi  belle-mère,  jeune  femme  à  la  mode,  qui  joue  avec  lui  ti  la 
pclilc  inaman.  11  a  vite  fait  de  s'émanciper,  adorant  se  perdre 
ilans  les  jupes,  dans  la  poudre  de  riz,  se  glissant  autour  des 
belles  mondaines,  amusées  par  son  air  de  fille  [118]. 

A  dix-^ept  ans,  c'est  un  jeune  homme  mince  et  joli,  aux 
cheveux  bouclés,  en  qui  la  race  des  Bougon  esi  devenue  dé- 
licate et  vicieuse.  Né  d'une  mère  trop  j^^une,  molle  et  aban- 
donnée, et  d'un  père  aux  furieux  appétits,  il  est  un  pro- 
duit df'feclueux,  sans  personnalité,  mais  avide  de  jouissance, 
uniquement  apte  à  dévorer  les  fortunes  édifiées  par  d'autres. 


(1)  Maxime  UougorXy  dit  Saccard,  ne  en  I8i0;  a  un  fils,  d*une 
!»ervante,  Justine  Mégot,  clilorotique,  fille  d'alcooliques  ;  épouse,  en 
1803,  Louise  de  M>.reuil,  qud  perd  la  même  année  et  dont  il  na  pas 
d'enfants;  ntcurl  ataxxque  en  IST.J.  îMclange  ili.'«cminalion.  Prédo- 
min;in:e  morale  du  p'jre  et  resseiiildance  pliysnjuc  de  la  nicre]. 
Oisif,  manjeur  de  fortunes  faites.  {Arbre  généalogique  des  Rougon- 
Macquart,) 


DES  ROUGO.N-MACQUART  423 

Joli  et  lâche,  il  aime  le  plaisir  sans  fatigne,  avec  une  passivité 
de  fille  [131]. 

Pour  son  début,  Maxime  a  séduit  la  femme  de  chambre  de 
Kenée,  Justine  Mégot,  et  lui  a  fait  un  enfant  ;  il  fréquente  Feu- 
tresol  de  sa  tante,  la  complaisante  Sidonie  Rougon,  fait  la  noce 
à  cùlé  do  son  père  dans  les  restaurants  de  nuit,  s*offre  le  luxe 
d'une  niaiiresse,  la  petite  actrice  Sylvia,  et  continue  à  vivre 
dans  la  plus  entière  familiarité  avec  sa  jeune  belle-mère, 
Tamusant  pnr  des  détails  intimes  sur  les  demoiselles  haut 
Cotées,  traitant  en  camarade  et  en  complice  cette  inassouvie  qui 
cherche  un  frisson  nouveau.  Un  beau  soir,  il  accepte  l'inceste, 
sans  ravoir  voulu  ni  prévu,  uniquement  parce  que  Renée  le 
hù  a  imposé  [205].  Il  sort  d*atlleurs  avec  la  plus  parfaite  aisance 
de  ce  drame  où  sa  veulerie  n'a  vu  qu'un  moyen  de  se  faire 
.  iitretenir  [319]  et  il  se  laisse  marier  par  son  père  ù  une  petite 
jjossue,  Louise  de  Mareuil,  qui  lui  apporte  la  jolie  dot  d'un 
million.  Dicntùt  veuf,  il  va  vivre  en  garçon  dans  un  bel  hôtel 
de  l'avenue  de  riinpératrice  et  il  fait  courir  [337].  (La  Curée.) 

Il  a  organisé  sa  vie  avec  un  sage  et  féroce  égoïsme,  mangeant 
ii>  fortune  Je  la  morte,  sans  une  faute,  en  garçon  de  faible 
santé  que  le  vice  a  précocement  mûri  [45].  Il  a  abandonné 
jvpiiis  longtemps  ?on  idée  d'entrer  au  Conseil  d'État,  il  ne  fait 
même  plus  courir,  les  chevaux  l'ayant  rassasié  comme  les  filles. 
Avec  son  aplomb  d'homme  d'expérience,  il  a  gardé  son  ancien 
rire  perlé  de  demoiselle,  mais  il  a  déjà  des  rhumatismes  [130]. 
Son  petit  hôtel  de  Tavenue  de  l'Impératrice  est  installé  avec 
un  raffinement  ex'juis  de  luxe  et  de  bien-être;  c'est  joli,  tendre 
et  discret.  Et  Maxime  vit  seul,  oisif,  parfaitement  heureux, 
dune  férocité  de  b».'au  fils  pervers  et  entretenu,  devenu  sérieux 
[101].  A  pris  la  débâcle  de  l'Universelle,  il  va  s'installer  à 
Naples  j»our  fuir  l'ennui  de  voir  son  père  passer  en  correc- 
liûunelle  [ilSJ.  (L'Argent.) 

Après  la  guerre,  on  le  trouve  réinstallé  dans  son  hôtel  de 
l'avenue  du  Dois-Je-Boulogne,  où  il  mange  la  fortune  que  lui 
a  laissée  sa  femme;  il  est  devenu  prudent,  d'une  sagesse 
d'iionirne  atteint  dans  ses  moelles,  rusant  avec  la  paralysie 
menaçante  [15].  A  trente-trois  ans,  la  face  s'est  creusée,  les 
cli'Vtîux  s'éclaircissenl,  semés  de  fils  blancs;  il  garde  sa  tête 
jolie  et  fine,  d'une  grâce  inquiétante  de  fille  jusque  dans  sa 
décrépitude  précoce  [bô].  Se  voyant  infirme,  cloué  dans  un 
tuuleuil,  ayant  peur  de  la  solitude,  rêvant  d'être  aimé,  choyé, 


4^i  LES  PERSONNAGES 

défendu,  il  a  obtenu  «[ue  sa  sœur  Clolilde  quitte  Plassans  et 
vienne  le  rejoindre  à  Paris;  mais,  dans  sa  contÎDuelle  inquiér 
tude  d'être  exploité  et  dévalisé,  il  commence  bieutôt  a  la 
prendre  en  méfiance,  comme  toutes  les  personnes  qui  le 
servent;  il  la  torture  par  ses  exigences  d*eitfant  gâté  et  de 
malade.  Son  pcre,  qui  voudrait  h&ter  Théritagc,  lui  envoie 
une  jolie  fille,  la  jeune  Rose,  qui  achevé  bientôt  ce  ricieoXi 
resté  friand  de  petites  femmes.  Maxime  finit  par  mourir 
ataxique,  à  trente-trois  ans  [341].  (Le  Docteur  Pascal,) 

Saccard  (Madame  Maxime).  —  Voir  Maheuil  (Louise  de). 

Saccard  (ViCTon)  (I).  —  Fils  naturel  d*Arislide  Bougon,  dit 
Saccard,  et  de  Uosalie  Chavaille.  Né  en  1853.  A  été  élevé  dans 
la  cité  de  Naples,  chez  la  Méchain,  petite-cousine  de  sa  mère. 
Celle-ci  se  prostituait  en  sa  présence  avec  des  hommes,  il  vivait 
sur  les  fortifications  et  faisait  avec  les  petites  filles  ce  qu'il 
vovait  faire  chez  lui. 

A  douze  ans,  sa  ressemblance  avec  Aristide  Saccard  est 
extraordinaire  ;  il  parait  prodigieusement  développé  pour  son 
âge,  pas  très  grand,  trapu,  entièrement  formé,  déjà  poilu, 
ainsi  qu'une  béte  précoce  ;  les  yeux  hardis,  dévorants,  la  bouche 
sensuelle,  sont  d*un  homme.  11  a  toute  une  moitié  de  la  face 
plus  grosse  que  l'autre,  le  nea  tordu  à  droite,  la  tète  comme 
écrasée  sur  la  marche  où  sa  mère,  violentée.  Ta  conçu.  Il  ne 
sait  pas  écrire,  à  peine  lire.  De  sa  face  d'enfant  mûri  trop  vite, 
ne  sortent  que  les  instincts  exaspérés  de  sa  race,  une  hâte,  une 
violence  à  jouir,  aggravées  par  le  terreau  de  misère  et 
d'exemples  abominables,  dans  lequel  il  a  grandi  [169]. 

Ce  gamin  de  douze  ans,  ce  petit  monstre  couche  avec  la 
mère  Eulalie,  une  femme  de  quarante  ans,  ravagée  et  malade, 
qu'il  appelle  sa  femme  [i6â].  Un  chantage  organisé  contre 
Aristide  Saccard  par  Dusch  et  la  Méchain  aboutit  au  placement 
de  Victor  à  l'Œuvre  du  Travail.  Dans  une  cruelle  réminiscence 
de  l'acte  de  son  père,  prenant  la  misérable  Rosalie  sur  une 
marche  et  lui  démettant  l'épaule  au  moment  de  la  conception 
[iOT],  Victor  Saccard  se  jette  comme  un  jeune  fauve  sur  Alice 
de  l>cauvilliers,  la  viole  et  s'enfuit  de  l'Asile.  On  perd  sa  trace. 
{L*  Argent.) 


(1  )  Victor  Houyon,  dit  Saccard,   né  en  1853.  [Mélange  soudure. 
Kesscinblancc  pliysique  du  père].  Digparu.  {Arbre  généalogique  des 

Roufjon-Macquavl.) 


DES  KOl'GON-MACQUAKT  425 

Ea  1870,  il  n*a  point  reparu,  rôdant  dans  l'ombre  du  crime, 
puisqu'il  n*e§i  pas  au  ba^ne,  lâché  par  le  monde,  à  Tavenir,  à 
rinconnu  de  Téchafaud  [1*28].  {Le  Docteur  Pascal,) 

Saffré  (De).  —  Secrétaire  du  minisire  Eugène  Rougon, 
charmant  jeune  homme,  le  sceptique  et  le  viveur  le  plus  aimable 
du  monde.  Devenu  amoureux  de  Renée  Saccard,  qu'il  avait 
rencontrê-isans  la  reconnaître  au  bal  masqué  deDIancheMûller 
[107],  il  subit  ses  refus,  s*en  console  avec  la  petite  madame 
Michelin  WO^]  et  plus  tard  s'enflamme  pour  la  comtesse  Yanska 
[34  i].  (La  Curée.) 

Saget  (Mademoiselle).  —  Petite  vieille  habitant,  depuis 
quarante  ans,  rue  Pirouette,  la  même  maison  que  les  Méhudin. 
A  dit  un  jour  qu'elle  est  née  à  Cherbourg,  on  ignore  tout  le 
rc>te.  C'est  une  mauvaise  langue  extraordinaire,  redoutée  de 
tout  le  quartier.  Elle  s'est  logé  dans  la  télé  Thistoire  complète 
des  mai>ons,  des  étages,  des  gens.  Longtemps,  Florent  reste 
pour  elle  un  mystère  qui  la  mine,  car  il  y  a  là  une  intolérable 
lacune  dans  sa  connaissance  des  faits  et  gestes  de  tous.  Elle  se 
livre  aux  machinations  les  plus  savantes,  brouillant  et  récon- 
ciliant les  gens,  se  répandant  en  potins  venimeux  qui  se  colpor- 
tent à  tous  les  coins  des  Halles.  Pour  obtenir  quelques  aliments 
gratis,  elle  llatte  les  colères  et  les  passions  des  marchandes  et 
voue  une  violente  haine  à  Gavard,  parce  qu'il  Vu  vue  achetant 
des  rogatons  et  qu'il  a  colporté  partout  cette  humiliante  nou- 
velle. Lu  mot  soutiré  à  la  petite  Pauline  Quenu  lui  apprend 
enfin  le  )>ass»>  de  Florent,  elle  tient  alors  sa  vengeance  contre 
l'insoleni  Gavard  et  contre  ce  forçat  qui  avait  osé  Tintriguer  si 
longtemps.  Mademoiselle  Saget  devient  la  cheville  ouvrière  de 
lu  Jênouci.ition,  surexcitant  Lisa,  madame  Lecœuret  les  autres, 
écrivant  «.-Ilè-ménie  à  la  préfecture  et  assistant,  dans  une 
triom^iliuate  joie,  a  Tarrestalion  des  deux  conspirateurs.  La 
Sarriette  •]ii'elle  a  suivie  chez  Gavard  la  récompense  de  son 
zèle  par  un  Jon  de  cinquante  francs  [347].  (Le  Ventre  de 
Par  h.) 

Saint-Firmin  (Oscar  de).  —  Personnage  de  la  Petite 
Duclcif^  .  \*li'cc  de  Faucliery,  jouée  aux  Variétés.  Cousin  de  la 
duchesse  ll»'ièrie.  c'est  lui  qui  l'a  introduite  chez  la  blonde 
G»  ral.iiii;,  espérant  la  débaucher  [3li^].  Le  rôle  est  confié  à 
Prulliêre.  (yana.) 

Saint-Germain .  (Mademoiselle   de).   —    Possédait  rue 

36. 


Aî(\  LES  PERSONNAGES 

Sciiiil-Lazarc  un  hôl»*!  princier  qui,  après  sa  mort,  est  devenu 
riiolel  d'Orviedo  [40].  (L* Argent.) 

Saints-Anges  {L\  mère  des).  —  Supérienre  du  couvent 
de  la  Visitation,  ù  Clermont.  A  sauvé  du  cloitre  Christine  Halle- 
grain,  qui  n^avait  pas  la  vocation  religieuse,  et  Ta  placée  à 
Paris,  comme  lectrice,  chez  madame  de  Vanzade  [121]. 
{r:Œucre.) 

Salmon.  —  Habitué  de  la  Dourse.  C'est  un  très  bel  homme, 
hillant  contre  la  cinquantaine,  étalant  une  barbe  superbe,  d'uu 
noir  d'encre.  H  passe  pour  un  gaillard  extraordinairemenlfort. 
Jamais  il  ne  parle,  il  ne  répond  que  par  des  sourires;  on  ne 
peut  savoir  dans  quel  sens  il  joue,  ni  même  s'il  joue  [3].  {VAr- 
geuL) 

Salneuve  (De).  —  Homme  considérable  du  second  Empire; 
a  été  îjagné  par  Clorinde  à  la  cause  d'Eugène  Rougon  [291]. 
(Son  Excellence  Eugène  Rougon,) 

Sambuc  (Gcillaume).  —  Terrible  chenapan,  digne  fils 
d'une  famille  de  bûcherons  qui  a  mal  tourné,  le  pore  ivrogne, 
trouvé  un  soir  la  gorge  coupée,  au  coin  d'un  bois,  la  mère  et 
la  fille  mendiantes  et  voleuses,  tombées  à  quelque  maison  de 
tolérance;  lui  braconne  et  fait  la  contrebande  ;  son  frère  Pros- 
pt^r  est  le  seul  petit  de  cette  portée  de  loups  qui  ait  grandi 
honnête.  Pendant  la  guerre  de  1870,  Guillaume  appartient  à 
une  de  ces  compagnies  franches  qui  devaient  faire  la  guerre 
d'embuscade,  tuer  les  sentinelles  de  l'ennemi,  tenir  les  bois  d'où 
pas  un  Prussien  ne  sortirait,  et  qui  devinrent  vite  la  terreur 
des  paysans,  qu'elles  défendirent  mal  et  dont  elles  ravagèrent 
les  champs,  il  est  le  sergent  d'un  groupe  de  francs-tireurs 
dissimulés  dans  les  bois  de  Oieulet.  Grand  et  maigre,  avec  une 
épaisse  barbe  en  broussaille,  il  porte  une  blouse  grise,  serrée 
à  la  taille  par  une  ceinture  rouge  [139]. 

C'est  lui  qui,  dans  la  soirée  du  29  août,  fournit  inutilement 
au  général  Dourgain -Desfeuilles  de  précieux  renseignements 
sur  la  marche  de  l'ennemi  à  travers  les  bois,  mouvement  qui 
va  entraîner  la  surprise  de  Beaumonl.  Plus  tard,  pendant  Toc- 
cupation,  Guillaume  et  ses  hommes  rôdent  la  nuit  par  les 
routes,  tuent  et  dévalisent  les  Prussiens  qu'ils  peuvent  sur- 
prendre, se  rabattent  sur  les  fermes  et  les  rançonnent  quand 
le  gibier  ennemi  vient  à  manquer.  Parcourant  le  pays  en  tous 
sens,  ils  sont  devenus  les  pourvoyeurs  du  père  Fouchard,  dont 


DES  nOUCON-MACQUAIlT  HT 

ils  reçoivent  des  fournées  de  pain,  en  échange  des  bétes  crevées 
qn'ils  lui  procurent  pour  l'approvisionnement  des  troupes 
allemandes  [5:21].  Comme  les  francs-tireurs  ont  une  haine  par- 
ticulière  contre  Goliath  Steinberg,  qui  leur  fait  une  chasse 
dangereuse,  Guillaume,  sur  Tindication  de  Silvine  Morange, 
organise  un  guet-apens  contre  l'espion,  s*empare  de  lui  avec 
Taide  de  Cahassc  et  de  Ducat,  Fétend  ligotté  sur  une  table  et 
lui  ouvre  la  gorge  en  faisant  lentement  couler  le  sang  dans  un 
baquel  [.'ïoS].  Le  corps  jeté  dans  la  Meuse  est  retrouvé  par  les 
Prussiens,  et,  à  partir  de  ce  moment,  les  francs-tireurs,  traqués 
comme  des  fauves,  ne  reparaissent  plus  [565].  {La  Débâcle,) 

Saxnbuc  (Pr.osPER).  —  Frère  de  Guillaume.  De  nature 
laborieuse  et  docile,  il  a,  par  haine  de  la  forêt,  voulu,  être 
garron  de  f«rme.  Puis,  tombé  au  sort,  incorporé  aux  chasseurs 
d'Afrique,  il  est  d"venu  ordonnance  d'officier.  Prosper  a  une 
longue  face  sèche,  des  membres  souples  et  forts,  d'une  adresse 
extraordinaire.  1!  aime  la  vie  d'.Afrique,  cette  existence  d'im- 
prévu et  d'aventures,  cette  guerre  d'escarmouches,  si  propre  à 
1  éclat  de  la  bravoure  personnelle,  amusante  comme  la  conquête 
dune  ile  sauvage,  égayée  par  les  razzias,  les  petits  vols  des 
chapardeurs,  dont  les  bons  tours  légendaires  font  rire  jusqu'aux 
g:éucrau.\  [TU].  Il  était  là-bas  depuis  trois  ans  lorsque  éclate  la 
guerre  de  J8T0. 

Euvoyé  en  France,  il  a  entrevu  les  batailles  sous  Metz  et,  à 
Graveloiic,  au  moment  d'entrer  en  ligne,  son  corps  a  été  dési- 
gné pour  former  l'escorte  de  l'empereur,  qui  filait  sur  Verdun 
en  calèche.  On  a  fait  quarante-deux  kilomètres  au  galop,  avec 
la  peur,  à  chaque  instant,  d'être  coupé  par  les  Prussiens  [70] 
Sous  Melz,  Prusper  n'a  vu  que  quatre  uhlans,  derrière  une 
haie  [1»NJ  ;  dans  la  marche  vers  Montmédy,  il  n'aperçoit  que 
deux  uhlans  encore,  des  bougres  qui  apparaissent  et  dispa- 
raissent, saiJi.  tju'on  sache  d'où  ils  sortent  ni  où  ils  rentrent, 
foraïaut  un  mouvant  rideau  den*ière  lequel  l'infanterie'  dissi- 
mule sesujouveaients  et  marche  en  toute  sécurité,  alors  que  les 
Français  ne  savent  pas  utiliser  leurs  chasseurs  et  leurs  hussards, 
sy5témali'|iiement  laissés  hors  du  contact  de  Fennemi  [119].  Son 
réginienl  appartient  à  une  division  de  la  cavalerie  de  réserve, 
coninianJée  par  le  général  Margueritte,  dont  Prosper  ne  parle 
qu'avL-c  une  lenJresse  enthousiaste  [70]. 

A  Sedan,  le  chasseur  dWfrique  pleure  devant  son  cheval 
épui-é  par  la  faim  [178],  ce  vieux  Zéphir  qu'il  aime  plus  que 


4iH  LES  PERSON.NxVGES 

tout  au  monde.  Dans  les  marches  et  contremarches,  de  vallons 
en  vallons,  autour  du  plateau  d*IIiy,  où  errent  les  escadrons, 
précieux  et  inutiles,  Prosper  tombe  de  sommeil  ;  c*est  la 
grande  souiïrance,  les  nuits  Mauvaises,  la  fatigue  amassée,  une 
somnolence  invincible  au  bercement  du  cheval;  pendant  des 
minutes,  malgré  l'efifroyable  fracas  de  la  bataille,  il  s'endort 
réellement  sur  sa  selle,  il  n*est  plus  qu'une  chose  en  marche, 
emportée  an  hasard  du  trot  [318].  Puis,  voici  l'heure  héroïque. 
Le  généi*al  Margueritte  est  hlessé  à  mort  en  allant  reconnaître 
le  terrain,  ses  cinq  régiments  vont  s'élancer  furieusement  pour 
le  venger  [320].  Prosper  se  trouve  au  premier  rang,  presque  à 
l'extrémité  de  Tuile  droite.  Après  plusieurs  charges,  il  tombe 
sous  son  cheval,  sa  hanche  droite  est  comme  écrasée,  il  perd 
connaissance. 

Revenu  à  lui  vers  la  fin  du  jour,  il  réussit  à  se  dégager, 
gagne  les  bois,  atteint  péniblement  la  frontière  belge,  puis, 
ayant  troqué  son  uniforme  contre  des  vêtements  de  paysan, 
bien  déterminé  à  ne  plus  combattre,  puisque  la  cavalerie  ne 
sert  absolument  à  rien  et  que  son  pauvre  Zéphir  est  mort,  il 
décide  de  se  remettre  à  la  terre  et  rentre  à  Rcmilly  où  le  père 
Fouchard  Taccepte  comme  garçon  de  ferme  [ill]^  (La  Dé- 
bâcle,) 

Sandorll  (Baron).  —  Conseiller  à  l'ambassade  d'Autriche. 
A  épousé  mademoiselle  de  Ladricouri,  qui  a  trente-cinq  ans  de 
moins  que  lui  et  qui  Ta  positivement  rendu  fou, avec  ses  regards 
de  feu  [-2-2].  Il  est  très  ladre  [-2i].  {L'Argent.) 

Sandorff  (Baronne).  —  Fille  du  comte  de  Ladricourl. 
Celui-ci  étant  mort  ruiné,  elle  a  dû  se  résoudre  à  épouser  le 
vieux  baron  Sandorff.  La  baronne  a  une  tète  brune  très  étrange, 
des  yeux  noirs  brûlants  sous  des  paupières  meurtries,  un  visage 
de  passion  à  la  bouche  saignante  et  que  gâte  seulement  un  nez 
trop  long.  Elle  semble  fort  jolie,  d'une  maturité  précoce  pour 
ses  vingt-cinq  ans,  avec  son  air  de  bacchante  habillée  par  les 
grands  couturiers.  Elle  joue  à  la  Bourse,  c'est  une  joueuse  âpre, 
enragée.  Aux  jours  do  crise,  on  la  voit,  dans  sa  voilure,  guettant 
les  cours,  prenant  fiévreusement  des  notes  sur  son  carnet, 
donnant  des  ordres  [i'2].  Apre  au  jeu,  elle  soulève  toutes  sortes 
de  chicanes  lorsqu'elle  vient  paver  ses  différences  à  la  charge 
Mazaud  [89]. 

L'avarice  de  son  mari  Ta  amenée  à  prendre  un  amant,  le 
procureur  général  Delcambre;  cette  liaison  est  pour  elle  une 


DES  ROUCON-MACQUART  4*9 

corvée  aliominable.  Son  iadifférence  sensuelle,  le  mépris  secret 
où  elle  lient  l'homme,  se  montrent  parfois  en  une  lassitude 
blême,  sur  son  visage  de  fausse  passionnée,  que  Tespoir  du 
gain  enflamme  seul  [i'iS].  Et  celle  Glle  de  sang  noble,  celte 
femme  Je  diplomate,  saluée  très  bas  par  la  colonie  étrangère 
de  Paris,  se  promène  en  soUicileuse  louche  chez  tous  les  gens 
de  finance.  II  y  a,  dans  la  passion  du  jeu,  un  tel  ferment  désor- 
ganisuteur  (|ue  celte  créature  de  belle  race  deviendra  une 
loque  humaine,  un  déchet  balayé  au  ruisseau.  Elle  cède  à 
SaccarJ,  ainsi  qu'une  fille,  voulant  pour  salaire  des  renseigne- 
ments de  Bourse  ;  elle  lui  donne  des  caresses  dépravées,  le 
traitant  comme  un  fétiche,  un  objet  qu'on  baise,  même  mal- 
propre, pour  la  chance  qu*il  vous  porte  [1229];  elle  va  ensuite 
s'offrir  nu  vieux  Gundermann  et,  roulant  toujours  de  plus  en 
plus  bas,  par  les  lois  mêmes  de  la  chute,  elle  tombe  jusqu'à 
Jantrou.  cet  ancien  laquais,  perdu  d'alcool  et  de  vices,  sur  qui 
elle  compte  pour  rattraper  son  argent  perdu  dans  TUniver- 
selle,  cl  qui  la  bat  avec  une  brutahlé  de  cocher  [390].  (VAr^ 
cent.) 

Sandoz  père.  —  Un  Espagnol  réfugié  en  France  à  la 
suite  d'une  bagarre  politique.  A  installé  près  de  Plassans  une 
papeterie  où  fonctionnaient  des  engins  de  son  invention.  Est 
mort,  abreuvé  d'amertume,  traqué  par  la  méchanceté  locale, 
en  laissant  à  sa  veuve  une  situation  si  compliquée,  toute  une. 
série  de  procès  si  obscurs,  que  la  fortune  entière  a  coulé  dans 
le  désastre  [35].  {VŒuvre,) 

Sandoz  mère  (Madame).  —  Une  Bourguignonne.  Cédant 
à  sa  rancune  contre  les  Provençaux  qui  ont  fait  mourir  son 
mari,  souffrant  d'une  paralysie  lente  dont  elle  les  accuse  aussi 
d'être  la  cause,  elle  s'est  réfugiée  à  Paris  avec  Pierre,  son  fils, 
qui  la  fait  vivre,  grâce  à  un  maigre  emploi  [35].  Rue  d'Enfer, 
clouée  par  la  soullrance,  elle  habite  une  chambre  sur  le  même 
palier  que  lui,  et  se  cloître  là  eu  une  solitude  chagrine  et  volon- 
taire [75],  entourée  de  tendres  soins.  Plus  lard,  Pierre  Sandoz, 
marié,  pagnant  plus  largement  sa  vie,  s'est  installé  dans  un 
petit  pavillon  de  la  rue  Noilet  et  c'est  là,  dans  la  douce  intimité 
d'une  existence  à  trois,  que  madame  Sandoz  a  vécu  ses  der- 
nières années  [itô].  {LŒuvrc.) 

Sandoz  (Pierre).  —  Un  grand  romancier,  dont  la  jeunesse 
s'est  écoulée  à  PJassans.  Au  collège,  Claude  Lanlier,  Dubuche 
et  lui  étaient   les  trois  inséparables;  ils  ont  usé  ensemble,  en 


iSO  LES  PERSONNAGES 

huitième,  leur  première  culotte.  Hors  du  collège,  Dubuche, 
qui  était  pensionnaire,  ne  se  joignait  aux  deux  autres  que  les 
jours  de  vacances.  Claude  et  Pierre,  eux,  ont  été  sauvés  de 
reugourdisscment  du  milieu  par  leur  amour  des  grandes 
marches  à  des  lieues  de  Plassahs,  parla  fringale  de  lecture  qui 
les  a  entraînés  vers  la  passion  et  les  larmes  de  Musset  après  le 
décor  énorme  dllugo,  par  leur  dédain  des  joies  provinciales, 
de  la  partie  de  dominos  sans  cesse  recommencée,  de  la  même 
promenade  à  la  même  heure  sur  la  même  avenue;  ils  ont 
même  banni  la  femme,  érigeant  leurs  timidités  en  une  austérité 
de  gamins  supérieurs  [12].  A  Paris,  Sandoz,  employé  à  la  mairie 
du  cin|uième  arrondissement,  bureau  des  naissances,  gagne 
cent  cinquante  francs  par  mois;  il  est  cloué  là  par  la  nécessité 
de  nourrir  sa  mère,  qu*ii  aime  tendrement. 

A  vinj;t-deux  ans,  il  est  très  brun,  il  a  la  tête  ronde  et  volon- 
taire, le  nez  carré,  les  yeux  doux,  dans  un  masque  énergique, 
encadré  d'un  collier  de  barbe  naissante  [31].  Hanté  de  gloire 
lillérnire,  il  public  un  premier  livre,  suite  d*esquisses  aimables, 
rap[>orl(''es  de  Plassans,  parmi  lesquelles,  ça  et  là,  quelques 
notes  plus  rudes  indiquent  le  révolté,  le   passionné  de  vérité 
et  de  puissance.  11  habite,  rue  d'Enfer,  un  petit  logement  du 
quatrième,  dont  les  fenêtres  donnent  sur  le  vaste  jardin  des 
Sourds-Muets,  dominé  par  la  tête  arrondie  d'un  grajid  arbre  et 
le  clocher  carré  de  Saint-Jacques-du-llaut-Pas.  C'est  là  qu'il 
reçoit  chaque  jeudi   ses  condisciples    de    Plassans,    Claude, 
Dubuche  et  avec  eux  Fagerolles,  Mahoudeau,  Jorj-,  Gagnière, 
retrouvés  à  Paris,  tous  animés  de  la  mètiie  passion  de  Part; 
le  grand  peintre  Bongrand  vient  parfois  se  réchauffer  à  cette 
jeunesse.  iMôme  aux  heures  de  misère,  Sandoz  a  toujours  un 
pot-au-feu  à  partager  avec  les  camarades;  ce  sont  des  dîners 
simples,  de  longues  soirées,  arrosées  de  thé;  cela  l'enchante 
d'être  en  bande,  tous  amis,  tous  vivant  de  la  même  idée.  Bien 
«ju'il  soit  de  leur  âge,  une  paternité  Tépanouil,  une  bonhomie 
heureuse,  quand  il  les  voit  chez  lui,  autour  de  lui,  la  main 
dans  la  main,  ivres  d'espoir  [90].  .\  cette  heure  de  leur  vie,  la 
sève  fermente  en  eux;  ils  débordent  de  dévouement, ils  recom- 
mencent l'éternel  rêve  de  s'enrégimenter  pour  la  conquête  de 
la  terre,  chacun  donnant  son  effort,  celui-ci  poussant  celui-là, 
la  bande  arrivant  d'un  bloc,  sur  le  même  rang;  c'est  la  belle 
folie    des   vingt  ans,  le  dédain    du    monde    entier,  la  seule 
passion  de  l'œuvre,  dégagée  des  infirniiiés  humaines  [1Û8]. 
Ayant  soif  de  besognes  géantes,  Sandoz  conçoit  le  projet  d'une 


DES  UOCGON-MACOUAUT  431 

genèse  lîe  l'univers,  en  trois  phases,  dont  la  dernière,  l'avenir, 
le  refroiilit  par  ses  hypothèses  hasardeuses.  Il  cherche  un  cadre 
plus  re>sen*é,  plus  humain,  où  il  fera  tenir  pourtant  sa  vaste 
ambition;  né  nu  confluent  d*IIogo   et   tJe  fialiac,  s'eiforçant 
d'échapper  ù  l'influence  romaniifjue,  il  rêve  dVtudier  Tboinme 
tel  qu'il  est,  riioiniiie  physiologique  déterminé  par  le  milieu, 
a^'issaut  sous  le  jeu  de  tous  ses  organes;  les  métajihysiciens  le 
révoltent,  il  n'admet  pas  qu'on  se  cantonne  dans  Tétude  con- 
tinue et  exclusive  de  la  fonction  du  cerveau,  sous  Je  prétexte 
i|  le  le  cerveau  est  Torgane  noble,  comme  si  la  pensée  n*était 
p:s  le  produit    du  corps  entier;  puisijue    le    mécanisme    de 
j'hoiume  aboutit  à  la  somme  totale  de  ses  fonctions,  puisque  la 
physiologie  et  la  psychologie  se  sont  pénétrées,  ces  idées  nou- 
vt.lltà  al»jutisseut  nécessairement  à  un  nouvel  art,  à  une  littéra- 
ture neuve  qui  doit  germer  dans  le  prochain  siècle  de  science 
et  de  dé'.nocralie.  Et  Sandoz  trouve  le  coiu  cherché  :  il  prend 
une  famille,  il  en  étudie   les    membres,   un  à  un,  d*où   ils 
viennent,  où  ils  vont,  comment  ils  réagissent  ks  uns  sur  les 
autres;  enlin  ur.c  humanité  en  petit,  la  façon  dont  Thumanilé 
pousse  et  se  comporte  ;  d*autre  part,  il  met  ses  bonshommes  dans 
un(*  période  historique  déterminée,  ce  qui  lui  donne  le  milieu 
61  les  circonstances,  un  morceau  d'histoire;  ce  sera  une  série 
(le  l)OU'|uins,    quinze,    vingt    bouquins,   des   épisodes  qui  se 
tiendront,  tout  en  ayant  chacun  un  cadre  à  part,  une  suite  de 
romans  à  se  bâtir  une  maison  pour  ses  vieux  jours,  s'ils  ne 
l'écrasent  pas.  Et  la  force  première  de  son  œuvre,  le  moyen  et 
le  but,  ce  sera  la  terre,  mère  commune,  unique  source  de  la 
vie,  rét'.rnelle  terre  où  circule  Tàme  du  monde,  où  toutes  les 
choses  s'animent  du  souffle  de  tous  les  êtres  [-H]. 

11  a  donné  sa  démission  d  employé,  il  se  lance  dans  le  jour- 
nalisine  et  organise  bourgeoisement  sa  vie.  Pour  lui,  le  maringe 
est  la  condition  même  du  bon  travail,  de  la  besogne  réglée  et 
5  li'le,  pour  les  grands  producteurs  modernes;  tout  dépend  du 
clioix,  et  il  a  trouvé  dans  Henriette  celle  qu'il  cherchait.  11  veut 
i'.'xiitence  à  trois,  entre  sa  femme  et  sa  mère,  il  se  sent  les 
leins  ai:fez  forts  pour  nourrir  tout  son  monde.  Le  niéinge  s'est 
installé  rue  Nullet,  au  fond  des  Datiguuiles,  dans  un  petit 
f  avillon  en  contre-bas,  au  delà  de  trois  cours,  une  petite 
i:.aison  Je  travail  et  d'espoir,  égayée  déjà  d'un  commenc  'ment 
d"  hieii-ètre  et  de  luxe.  Le  premier  roman  de  la  série  a  paru. 
i;  a  été  accueilli  par  un  hurlement  de  la  critique;  et  Sam.'uz 
s'élonne  seulement  de  la  profonde  inintelligence  de  ces  gaillarde, 


i3-2  LES  PERSONNAGES 

dont  les  articles  bâclés  sur  des  coins  de  bureau  le  cou^Teut 
de  bouc,  sans  paraître  soupçonner  la  moindre  de  ses  intentions; 
nu  lieu  de  comprendre  ses  audaces,  on  lui  prête  des  saletés 
imbéciles,  tout  se  trouve  jeté  dans  le  baquet  aux  injures:  son 
étude  nouvelle  de  Tbomme  pbysiologique,  ie  rôle  tout-puissant 
rendu  aux  milieux,  la  vaste  nature  éternellement  en  création, 
la  vie  enOn,  la  vio  totale,  universelle,  qui  va  d*un  bout  de  Tani- 
malité  à  Tautrc,  sans  baut  ni  bas,  sans  beauté  ni  laideur;  et 
les  audaces  de  jaugeage,  la  conviction  que  tout  doit  se  dire,  qu*il 
y  a  des  mots  abominables  nécessaires  comme  des  fers  rouges, 
qu^une  langrue  sort  enricliie  de  ces  bains  de  force;  et  surtout 
Tacte  sexuel,  Turigine  et  Tacbévemenl  continu  du  monde,  tiré 
de  la  bonté  où  on  le  cache,  remis  dans  sa  gloire,  sous  le  soleil. 
Dans  cette  meute  aboyante,  il  va  plus  de  niais  que  de  mécbants; 
leur  meilleure  invention  est  d'accuser  Sandoz  d'orgueil,  alors 
qu'il  écrit  dans  le  tourment,  que  Tiroperfection  de  son  œuvre 
le  poursuit  jusque  dans  le  sommeil  et  qu'il  ne  relit  jamais  ses 
pages  de  la  veille,  craignant  de  les  trouver  trop  exécrables  pour 
trouver  ensuite  la  force  de  travailler  [250]. 

Il  a  gardé  ses  jeudis,  qui  datent  de  la  sortie  du  collège,  au 
temps  des  premières  pipes;  Henriette  est  un  camarade  de  plus; 
si  les  humbles  menus  de  la  rue  d'Enfer  ont  fait  place  à  de  la 
bonne  cuisine,  ce  sont  bien  toujours  les  mêmes  amis,  autour  de 
la  table.  Mais  on  les  sent  transformés,  Mahoudeau  aigri  de  mi- 
sère, Jory  enfoncé  dans  sa  jouissance,  Gagnière  plus  lointain 
qu'autrefois,  détaché  ailleurs,  Fagerolles  dégageant  du  froid 
malgré  sa  cordialité,  Dubucbe  plein  de  sa  nouvelle  impor- 
tance, Claude  enfin,  le  chef  accepté  du  début,  ravagé  aujourd'hui 
d'incertitude.  Des  vides  paraissent  se  faire  entre  eux,  la  bataille 
conmience,  chaque  aflfamé  donne  son  coup  de  dent.  Et  Sandoz 
seul  n'a  pas  bougé,  aussi  entêté  dans  ses  habitudes  de  cœur 
que  dans  ses  habitudes  de  travail,  immobilisé  par  un  rôve  d'é-, 
icniclle  amitié,  des  jeulis  pareils  se  succédant  à  l'infini,  jus- 
qu'aux derniers  lointains  deTâge,  tous  éternellement  ensemble, 
tous  partis  à  la  même  heure  et  arrivés  à  la  même  victoire  [251]. 

Dans  la  lente  rupture  qui  s'aggrave  entre  Claude  et  ses  amis, 
Sandoz  reste  lidôle  au  peintre,  tombé  dans  la  misère  et  la  déses- 
pérance; il  vient  rue  Tourlaque  pour  le  petit  Jacques-Louis,  son 
lilleul,  pour  la  triste  Christine  aussi,  dont  le  visage  de  passion 
le  remue  profondément,  comme  une  de  ces  visions  de  grandes 
amoureuses  qu'il  voudrait  faire  passer  dans  ses  livres  ;  et  surtout, 
sa  fraternité  d'artiste  augmente,  depuis  qu'il  voit  Claude  perdre 


DES  ROUCON-MACQUAUT  433 

pied,  sombrer  au  fond  de  là  folie  héroïque  de  Tart  [313].  Lui 
aussi  connait  la  lutte,  il  supporte  gaillardement  les  attaques  et 
ignore  le  besoin  peu  fier  de  se  créer  des  sympathies;  Tinsulte 
lui  parait  saine,  c'e^t  une  mâle  école  que  Timpopularité,  rien 
ne  vaut,  pour  vous  entretenir  en  souplesse  et  en  force,  la  huée 
des  imbéciles.  Il  suffit  de  se  dire  qu'on  a  donné  sa  vie  à  une 
œuvre,  qu'on  iraltend  ni  justice  immédiate,  ni  même  examen 
sérieux,  qu'on  travaille  enfin  sans  espoir  d'aucune  sorte,  uni- 
quement parce  que  le  travail  bat  sous  votre  peau  comme  le 
cœur,  en  dehors  de  la  voloulé,  et  Ton  arrive  très  bien  à  en 
mourir,  avec    riUusion  consolante  qu'on  sera  aimé  un  jour 

L'n  brus({ue  succès  se  déclare  dans  la  vente  jusque-là  pénible 
de  ses  livres;  le  ménage,  comblé  de  cette  richesse,  s'installe 
dans  un  vaste  appartement  de  la  rue  de  Londres,  où  le  romancier 
contente  d'anciens  désirs  de  jeunesse,  des  ambitions  roman- 
tiques, nées  jadis  de  ses  premières  lectures,  si  bien  que  cet 
écrivain,  si  farouchement  moderne,  se  loge  dans  un  moyen 
ùge  veriiioulu  [13G].  Sa  mère  est  morte,  toute  son  existence  a 
été  bouleversée,  seules  les  réunions  d'autrefois  continuent, 
iDoius  réi:iiliêres,  toujours  fermées,  les  Sandoz  ne  racolant  pas 
Je  clieiits  littéraires  et  ne  muselant  pas  la  presse  à  coups  d'invi- 
lalions.  Ce  sont  maintenant  des  dîners  fins,  agrémentés  de 
curiosit^'S  .ïaslrononnques.  Mais  les  vieilles  amitiés  de  la  bande 
n'en  sont  {)liis  à  la  fissure,  à  la  fente  à  peine  sensible  que 
San Joz  n'apercevait  i»as,  dans  ses  jeudis  de  la  rue  Nollet;  ce 
n'est  plus  l'ennui  vague,  la  satiété  somnolente  qui  attristait 
parfois  les  anciennes  soirées;  c'est  maintenant  la  férocité  dans 
la  lutte,  un  besoin  de  détruire.  Mahoudeau  et  Gagnière 
dévorent  Fa^'erolles,  celui-ci  a  depuis  longtemps  tiré  un 
égoïste  prùlli  lie  la  haine  qu'inspire  la  bande,  le  lamentable 
Uubuclie  il  raié  sa  vie,  Jory  arrivé  ne  donne  jamais  un  coup 
de  main  au\  ciuiarades,  et  ils  ne  sont  tous  d'accord  que  contre 
Claude,  contre  ce  grand  enfant  d'artiste  qu'ils  accusent  de  les 
avoir  expluiiés.  C'est  le  sauve-qui-peut,  les  derniers  liens  qui 
se  roni|>eiiu<lans  la  stupeur  de  se  voir  tout  d'un  coup  étrangers 
et  enne.iiis.  ai-ré.-  une  longue  jeunesse  de  Irateniilé.  La  vie 
les  a  dé.'iaiidt'S  en  chemin,  les  profondes  dissemblances  appa- 
raissent, il  n»-  leur  reste  à  la  gorge  que  l'aniertume  de  leur 
ancien  rêve  •îilliousiasle,  cet  espoir  de  bataille  et  de  victoire 
eût»'  à  cûl<;,  .1  li  maintenant  aggrave  leur  rancune  [iiV»). 
El  Saiilvz  vjit  fuir  sa  chimère  d'élernellc  amitié  [iôj].  C'est 

37 


431  LES  PEUSONNAGES 

la  fin  de  la  longue  illusion  qui  lui  a  fait  mettre  le  bonheur 
dans  quelques  amitiés  choisies  dès  Tenfance,  puis  goûtées 
jusqu'à  l'cxtrcMne  vieillesse.  Et  devant  rinconsistance  des 
hommes,  des  doules  lui  viennent  sur  l'enquête  des  siècles  à 
venir;  on  se  console  d'être  injurié,  nié.  on  compte  sur  la  justice 
de  la  postérité,  on  est  comme  le  fidèle  qui  supporte  l'abomi- 
nation de  celle  terre,  dans  la  ferme  croyance  à  une  autre  vie,  où 
chacun  sera  traité  selon  ses  mérites;  mais  peut-être  n'y  aura-t-il 
pas  plus  de  paradis  pour  l'artiste  que  pour  le  catholique,  les 
générations  futures  se  tromperont  comme  la  nôtre,  continuant 
le  malentendu,  préférant  aux  œuvres  puissantes  les  petites 
bêtises  aimables  [13-]. 

Ce  qui  le  réconforte,  c'est  de  croire  que  nous  marchons  à  la 
raison  et  à  la  solidité  de  la  science.  On  ne  s'est  jamais  tant 
querellé,  on  n'y  a  jamais  vu  moins  net,  et  c'était  futai  ;  ce  siècle 
qui  a  fait  déjà  tant  de  clarté,  devait  s'achever  sous  la  menace 
d'un  nouveau  Ûot  de  ténèbres,  cet  excès  d'activité  et  d'orgueil 
devait  nous  rejeter  au  doute;  on  a  trop  promis,  on  a  trop 
espéré,  on  a  attendu  la  conijuéte  et  l'explication  de  tout,  et 
rim)iatience  gronde,  le  pessimisme  tord  les  entrailles,  le  mysti- 
cisme embrume  les  cervelles;  c'est  une  faillite  du  siècle,  une 
conviiWion  dernière  du  vieil  effarement  religieux,  l'impuissante 
révolte  du  surnaturel  sous  les  grands  coups  de  lumière  de 
l'analyse,  une  courte  halte  de  fatigue  et  d'angoisse.  £t  devant 
la  tombe  de  Claude  Lantier,  creusée  dans  la  froide  banlieue  de 
Saint-Ouen,  en  ce  plat  cimetière  de  Cayenne  où  pas  une  tombe 
ne  parle  d'orgueil  ni  d'éternité,  Pierre  Saudoz,  encore  aveuglé 
par  les  larmes,  secoue  son  désespoir,  et,  n'attendant  ni  bonne 
foi  ni  justice,  retourne  au  travail,  unique  source  d'énergie  et 
de  joie.  {UŒuvrc.) 

Sandoz  (M.\dame  Pierre).  —  Une  orpheline,  la  simple  fille 
de  petits  comiuerçants  sans  un  sou,  mais  belle,  intelli- 
gente ['208].  Porte  le  prénom  d'Henriette.  Grande,  le  vidage 
cabne  et  gai,  avec  de  beaux  cheveux  bruns.  S'occupe  de  la 
cuisine,  e>t  lière  de  certains  de  ses  plats  ['219].  C'est  elle  qui» 
maintenant,  les  soirs  de  réception,  va  faire  sans  bruit  des 
visites  discrètes  et  souriantes  à  In  nit*re  du  romancier  [-G0]. 
Lorsijue,  plus  tard,  le  ménaj^e  s'installe  dans  un  vaste  appar- 
leineiil  delà  rue  de  Londres,  Henriette  a  tout  un  petit  [►ersonnel 
à  diii;;er,  et,  si  elle  ne  fait  plus  le>  plats  elle-même,  elle 
continue  à  tenir  la  maison  sur  uu  pied  de  chère  trèa  délicate. 


DES  ROUGON-MACQUAUT  4:>5 

p&r  teiidrrsse  pour  son  mari,  dont  la  gourmandise  est  1c  seul 
vice  [i:î5\  {L'OEnvre.) 

Sanquirino  (Duchesse).  —  Dame  de  l'aristocratie  italienne, 
installée  à  Pans.  Elle  a  fourni  au  ministre  Rougfon  les  (ilus 
déploralnt^s  renseignements  sur  la  comtesse  Dalbi  et  sa  iillc 
Clorinde  J3:ij.  (Son  Excellence  Eugène  Bougon.) 

Sans-Pouce.  —  L*un  des  chauffeurs  de  la  bande  du  Itcnu- 
François  [67J.  {La  Terre.) 

Sapin.  —  Sergent  au  lOG*  de  ligne  (compagnie  Beau^îoin). 
Homme  menu  et  pincé,  aux  grands  yeux  \agues,à1a  voix  grêle. 
Fils  de  peiiis  épiciers  de  ÎAon.  Gâté  par  sa  mère  qu'il  a  perdue, 
n'ayant  p'i  s'entendre  avec  son  pore,  il  est  resté  au  régiment, 
dégoûté  de  tout,  sans  vouloir  se  laisser  racheter.  Puis,  pendant 
un  congé,  il  s'est  rois  d'accord  avec  une  de  ses  cousines,  se 
reprenant  à  Texistence,  faisant  l'heureux  projet  de  tenir  un 
roininerc".  grâce  aux  quelques  sous  que  la  demoiselle  doit 
apporter.  Il  a  de  l'instruction,  récriture,  l'orthographe,  le 
calcul:  <]»'f»uis  un  an,  il  ne  vil  plus  que  pour  la  joie  de  cet 
av»nir.  M  is,  dr-s  l'arrivée  à  Sedan,  il  a  lu  son  malheur  à 
l'horizon  de  cette  ville  inconnue  [179],  il  est  sûr  d'èire  tué  le 
lenleinaia.  El  ie  1"  septembre,  sur  le  plateau  de  l'Algérie, 
pKin  «Je  son  idée  fixe, répétant  d'un  air  calme  qu'il  va  être  tué, 
le  scrgeiit  .Sapin  a  le  ventre  ouvert  par  un  obus  qu'il  a  vu  venir 
trop  tard,  pour  l'éviter;  il  dit  simplement  :  <  Ah  voilà!  >  et  sa 
petite  ligure,  aux  grands  yeux  bleus,  n'est  que  profondément 
triple,  sans  terreur  [2 In].  (La  Débâcle,) 

Sapin  (La).  —  Vieille  sorcière  de  Magnolles.  Pratique  l'a- 
vortemen!  et  enseigne  des  moyens  magi((ues  pour  supprimer 
le>  grossesses  [-iiâ],  {La  Terre.) 

Sarriet  (Madvmc).  —  Sœur  de  madame  Lecœur  et  de  ma- 
dame Gav. rd.  Mère  de  la  Sarriette.  Elle  a  envoyé  un  jour  sa 
fille  à  jnn  hme  Lecœur, sans  plus  s'en  occuper  [76].  {Le  Ventre 
de  Pari^.) 

Sarriette  (La).  —  Nièce  de  madame  Lecœur  et  de  feue 
mn.lnme  «iavnrd.  Marchande  de  fruits  aux  Halles.  Adorable 
j'Cîite  f<-h::Me  brune,  à  voix  douce  et  lente,  riant  toujours, 
montrant  -es  dents;  elle  a  un  fichu  rouge  mal  attaché  qui 
laisse  voir  une  ligne  blanche  de  sa  gorge  au  milieu  [16]. 
Envoyée  de  la  campagne  par  sa  mère,  madame  Sarriet,  elle  a 
grandi    pr  ■-  .le  ?n   tante  Lecœur,  au  milieu  des  Halles  [76]. 


430  LtS  PKIîSONNAGLS 

PopulîuitTe,  avec  son  visaj^'e  |»ii!*î  de  vierge  i»rune,  elle  a 
dt'dai{:nê  les  messieurs  qui  veiuiienl  acheter  dos  fromages 
uni«nMMiienl  pour  Ja  voir,  et  elle  a  choisi  le.  beau  Jules,  un 
porleur  des  Halles,  qui,  ayant  ainsi  la  chance  de  posséder  une 
petite  ienime  qui  travaille  pour  deux,  se  livre  aux  douceurs  de 
roisivelt*.  Ils  habitent  ensemble  rue  Vauvilliers.  Les  aventureî^ 
de  Gavard  font  cesser  une  brouille  survenue  entre  la  nièce  et 
la  tante,  mais  pendant  que  celle-ci  prend  la  vie  au  iraprique, 
l'aniic  de  Jules  reste  amusée  de  tout,  ravie  devant  les  affolants 
j»otins  de  la  Sapet  [280].  Pris  dans  une  souricière  de  police, 
sous  les  yeux  de  «a  nièce  qui  pourrait  le  sauver  d'un  mot, 
Gavard  lui  a  remis  une  clé  de  son  apparlement,  raulorisant  à 
prendre  Tor  si  elle  brûle  les  papiers  politiques.  L'insouciante 
Sarriette,  dominée  par  sa  tante,  partage  avec  elle  les  dix  mille 
francs  de  Parmoire  et  néglige  de  faire  disparaître  les  pamphlets 
ei  caricatures,  qui  vont  être  contre  Gavard  une  charge  écra- 
sante [3i5J.  {Le  Ventre  de  Paris,) 

Sarteur.  —  Ouvrier  chapelier  à  Plassans.  Petit,  très  brun, 
le  Iront  fuyani,  la  face  en  bec  d'oiseau,  avec  un  grand  nez  et 
un  menton  très  court,  la  joue  gauclie  sensiblemenî  plus  grosse 
que  la  droite.  C'est  un  impulsif,  enfermé  à  l'Asile  d'aliénés  des 
Tulettes,  où  lui-même  était  venu  supplier  qu'on  rinlernût  pour 
lui  éviter  un  crime  [78].  Soigné  par  le  docteur  Pascal,  qui  lui 
fait  lies  piqûres  de  substance  nerveuse,  Sarteur  sort  guéri  de 
l'AsilL-,  il  est  maintenant  d'une  raison  et  d'une  douceur  par- 
faites [^\\],  Mais  quelques  mois  après,  repris  par  un  accès  et 
gardant  assez  de  lucidité  pour  lutter  encore  contre  la  folie 
lioiiiicfdt',  Sarteur  se  pend,  changeant  ainsi  son  besoin  de 
meurtre  en  suicide  [320].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Satin.  —  Une  amie  d'enfance  de  Nana;  allait  avec  elle  à  la 
pension  de  mademoiselle  Josse,  rue  Polonceau.  A  «lix-huit  ans, 
c'est  une  rouleuse  de  bou'evard.  Sous  les  frisures  naturelles 
de  ses  beaux  cheveux  cendrés,  elle  a  une  fi^rure  de  vierge,  aux 
yeux  de  velours,  doux  et  candides  [30].  Satin  a  débuté  au 
quartier  latin  et  habite  maintenant  rue  La  llochefoucauld.  Elle 
est  >i  voyou  qu'on  s'amuse  à  la  faire  causer.  L'argent  la  laisse 
indilTcrenle;  quand  elle  a  un  béguin,  elle  s'en  fait  crever  [273]. 
Les  gins  rhics  la  dégoûtent;  aux  avances  du  marquis  de 
Cliouaid,  elle  répond  en  allant  rejoindre  un  anci»'n  à  elle,  un 
pâtissier,  qui  lui  a  déjà  donné  toute  une  semaine  d'amour  et  de 
gilles  [177].  Longtemps,  tdle  a  couché  avec  un  inspecteur  des 


DES  nul'i;OX-MACQUAliT  437 

mœurs  pour  que  la  police  la  laissât  tranquille;  à  deux  reprises, 
il  avait  empèclié  qu*on  ne  la  mit  en  carte.  Elle  finit  par  se 
laisser  surprendre  dans  un  petit  hôlel  meublé  de  la  rue  de 
Laval  et  Nana,  qui  était  avec  elle,  réussit  à  se  sauver  [303]. 
Satin  fré:{ueii(e  la  table  d'bôle  de  Laure  Piédefer;  c*est  elle 
qui  initie  Nana  aux  plaisirs  des  habituées  et  dès  lors,  Nana  y 
prend  goût,  Salin  devient  son  vice,  s'installant  chez  elle, 
lâchant  en  sa  faveur  madame  Robert  iit  peu  a  peu  régentant 
toute  la  maison.  Disparue  dans  une  foucade,  elle  va  mourir  à 
Lariboisière  [500].  {Nana.) 

Saucisse  (Le  père).  —  Vieux  paysan  de  Rognes.  On  dit 
que  c  est  un  des  anciens  amoureux  de  la  Grande  [391].  Il  ne 
possède  qu'un  arpent  de  terre  et  a  su  se  faii*e  une  rente  viagère 
de  quinze  sous  par  jour  en  vendant  son  bien  au  père  Fouan. 
Pour  duper  le  vieux,  il  a  feint  d'être  très  malade  [336].  Plus 
tard^,  terrorisé  par  Duteau,  il  consent  à  rompre  Tengrigement 
et  reuibours*^  niènic  la  moitié  des  sommes  acquises.  El  il  se 
lait,  par  une  vanité  de  gueux,  qui  ne  veut  pas  avoir  été  roulé 
à  son  tour  [^'10].  (La  Terre.) 

Sauvagnat.  —  Dn  ami  de  Pluchart.  Habite  Marcbiennes 
[^75].  {Geruthial  ) 

Sauvagnat.  —  Chef  de  dépôt  à  la  gare  du  Havre.  Occupe 
près  du  dèfiù!  des  machines  une  petite  maison  que  sa  sœur  tient 
fort  salement.  Auvergnat,  têtu,  très  sévère  sur  la  discipline, 
très  estimé  d'i  ses  chefs,  il  a  eu  les  plus  gros  ennuis  au  sujet 
de  Philomène,  jusqu*au  point  d'être  menacé  de  renvoi.  Si, 
maintenant,  on  la  tolère  à  cause  de  lui,  il  ne  s*obsline  lui- 
même  à  la  garder  que  par  esprit  de  famille,  ce  qui  ne  l'eni- 
péche  pas.  lorsqu'il  la  surprend,  avec  un  homme,  de  la  rouer 
de  couj'S,  si  rudtruient  qu'il  la  laisse  sur  le  carreau  [81].  {La 
Bi'tc  hinii'jiu..) 

Sauvagnat  (PiiiLOMÉNE).  —  Sœur  du  chef  de  dépôt.  Cest 
une  gruinie  1'  mine  sèche,  encore  jeune  pour  ses  trente-deux 
ans.,  aiîi-^nleuje,  io  poitrine  plate,  la  chair  brûlée  de  continuels 
désirs:  •il'.*  a  la  t»ite  lon;îue,  aux  yeux  llambants,  dune  ca\ale 
maigre  et  lier.nissante.  On  l'accuse  de  boire.  Tous  les  hommes 
lie  la  ?are  nui  di'filé  chez  elle.  Fuis,  il  v  a  eu  entre  Pliilomène 
et  le  clinutleu:'  IVci^ueux  une  vraie  rencontre:  elle,  assouvie 
enfin,  au  bras  de  ce  grand  diable  rigoleur;  lui,  changé  de  sa 
femme  trop   grasse    [81].   Longtemps,  elle   a  été  en  mauvais 

37. 


4:î8  les  personnages 

termes  avec  Séverine  Rouhaud,  contre  qui  elle  soutenait  les 
j.rélenlions  de  madame  Leideu.  Mais  IVcqueux,  pour  être 
agréa))le  à  son  inécanicien,afait  cesser  la  brouille;  F^liilomène, 
mêlée  à  l\imoiir  de  Séverine  et  de  Jacques  Lantier,  s'est  éprise 
de  celui-ci,  elle  s'est  frottée  ù  lui  comme  une  maigre  chatte 
amoureuse  el  a  fini  par  Tavoir  [379],  excitant  en  Pecqueux  une 
jalousie  saugruinaire  [413].  (La  Béte  humaine) 

Sauveur  (Madame).  —  Grande  couturière  qui  habille 
madame  Desforges.  Elle  guelte  les  occasions  du  Bonheur  des 
Dames,  fait  des  provisions  considérables  à  chaque  exposition,  et 
les  écoule  en  doublant  et  en  triplant  les  prix  [06].  (.Au  Bonheur 
tics  Dames.) 

Sauvigny  (de).  —  Juge  au  Grand  Prix  de  Paris  [400] 
{Xana,} 

Schlosser.  —  Spéculateur  affiché  ù  la  Bourse.  Était  seeré- 
temeiil  associé  avec  Sabalani,  tous  deux  jouant  le  jeu  connu, 
l'un  à  la  hausse,  l'autre  à  la  baisse  sur  une  même  valeur,  celui 
qui  perd  en  étant  quille  pour  disparaître  après  avoir  reçu  sa 
part  du  hénélice  de  l'autre  [10].  (L'Argent,) 

Sédille.  —  Fabricant  de  soieries,  rue  des  Jeûneurs.  A  des 
aieliors  à  Lyon.  Face  grasse,  gros  favoris  blonds.  Vient  enfin 
(le  faire  de  son  commerce  de  soies  un  des  plus  connus  et  des 
plus  solides  de  Paris,  lorsqu'à  la  suite  d'un  incident  de  hasard, 
la  passion  du  jeu  se  déclare  el  se  propage  en  lui,  avec  la  vio- 
lence destructive  d'un  incendie.  11  regrelte  d'avoir  donné  trente 
ans  (le  sa  vie  pour  gagner  un  pauvre  million,  lorsque,  en  une 
heure,  par  une  simple  opération  de  Bourse,  on  peut  conquérir  la 
fortune.  Il  s'est  peu  à  peu  désintéressé  de  sa  maison  qui  marche 
par  la  force  acquise,  il  ne  vil  plus  que  dans  l'espoir  d'un  coup 
d'acrio  triomphant.  Puis,  lorsqu'après  deux  gains  considérables, 
la  déveine  est  venue,  persistante,  il  engloutit  là  tous  les  béné- 
fices de  son  coininerce.  C'est  un  joueur  s'ans  negme,sans  philo- 
so[)lne,  vivant  dans  le  remords,  toujours  espérant,  toujours 
ahatiu,  malade  d'incerlilude,  cl  cela  j»arce  rju'il  reste  honnête 
au  fond  [lUNj.  Daigremont  le  met  dans  la  Banque  L'iiiverselie, 
il  fait  p  iriie  du  conseil  d'administration,  son  sort  est  bientôt 
lié  à  Cl  lui  d«'  Saccard  et,  au  jour  de  la  catastrophe,  Sédille 
foudioy.',  .Jéiliu,  incapable  el  indigne  de  reprendre  les  alfaircs, 
est  déclaré  en  faillite  [oOi].  [LWrfjcni.) 

Sédille  ^Gi  sTAv:.).  —  Fils  du  fabricant.  Grand  garçon  élé- 


DES  ROUGON-MACQUAHT  43'J 

gnntjtrês  lancé,  pourvu  d'argent.  Il  a  été  placé  chez  l'agent  de 
clmnge  Mazaud,  pour  étudier  le  mécanisme  des  affaires  finan- 
citTcs,  et  il  prend  à  Taise  son  emploi,  en  simple  amateur  qu'on  ne 
paye  pas.  résigné  à  passer  là  un  an  ou  deux  pour  faire  plaisir 
à  son  ptTC  [8i].  Distingué  par  la  petite  madame  Conin  [11*^], 
amant  d-;  Germaine  Cœur  qui  lui  coûte  cher  [316],  Gustave 
Sê'iille  est  une  âme  de  joie  et  de  fête,  apportant  les  dents 
blanches  des  fils  de  parvenus;  bonnes  seulement  à  croquer  les 
fortunes  faites  [108].  A  la  débâcle  paternelle,  il  se  trouve 
co.nproc.is  dans  une  vilaine  histoire  de  billets  ;  la  misère  fera 
peul-ètr^  de  lui  un  escroc  [394].  (f^' Argent,) 

Sicardot.  —  Père  d'Angèle  Sicardot,  beau-père  d'Aristide 
Hougon.  <'/est  un  vieux  capitaine  retraité,  qu'on  appelle  le 
commaninnt  Sicardot.  Taillé  en  hercule,  le  visage  rouge 
brique,  couturé,  planté  de  bouquets  gris,  il  compte  parmi  les 
plus  glorieuses  ganaches  de  la  grande  armée  [93].  Il  s'est 
retiré  à  Pla>saiis  et  a  marié,  en  1836,  sa  lille  Angèle  avec 
Aristide  Rougon,  en  lui  donnant  une  dot  de  dix  mille  francs, 
toutes  s. -s  économies  [76].  Ce  vieux  soldat  de  Napoléon,  plein 
(le  droit  :re  et  il*êncrgie,  toujours  prêt  à  foncer  sur  les  pertur- 
Lc.leur.-.  est  l'un  des  familiers  du  salon  de  Pierre  Piougon  ; 
i!  y  roîiéstMiie  l'élément  bonapartiste.  Devenu  chef  de  la 
G:rde  :  'itionale,  il  se  charge  de  maintenir  l'ordre  [120].  Mais 
PU  COU]'  d'État,  chef  sans  troupe,  il  est  pris  par  les  insurgés  et 
é.nmenv  avec  les  autres  autorités  de  la  ville  [187];  quand  il 
r-vient  à  Plassans,  il  trouve  Pierre  en  pleine  apothéose. 
D'ahoni  ennuyé  de  n'être  plus  le  seul  homme  décoré  de  la 
Imnde,  il  s'échauffe  sur  le  courage  déployé  par  Rougon,  le 
ù'^core  ie  S'is  mains  loyales  et,  réconcilié  du  même  coup  avec 
son  jjcu  ire  Aristide,  il  fournil  à  cet  ancien  démagogue  les  fonds 
ii-ressaires  pour  aller  chercher  fortune  à  Paris  [37*2].  (Im 
F'trtKn:  (les  llouffon.) 

Sicardot.  —  A  son  arrivée  à  Paris,  en  1851,  Aristide 
I.ou^'o:.  a  |tri>  d'altord  ce  nom,  qui  est  celui  de  sa  femme.  Il  a 
L.<l»iif  une  huitaine  de  jours,  rue  de  la  Harpe,  dans  une 
•.iiaml)!'-  que  sous-louail  une  dame,  el  ce  n'est  qu'après  ce 
.ûurl  ï-.iûur  qu'il  est  allé  rue  Saint-Jacques.  Aristide  a  signé 
•îu  no:::  d».'  Sicardot  les  six  cents  francs  de  billets  souscrits  à  la 
mère  ii-^  lio^aiie  «liiavaille  [31].  iV Argent.) 


-I.l»  LES  !'KKSO>NAr.KS 

Sicardot  (Axgèlk)  (1).  —  Femme  dWrislide  Rougon, 
dil  SaccarJ.  More  de  Maxime  el  de  Clolilde.  Mari«>c  en  1836, 
c'est  une  bloutle  molle  et  placide,  avec  nn  goùl  prononcé  pour 
les  toilelles  voyantes;  elle  a  un  appétit  formidable,  très  curieux 
chez  u!ie  créature  aussi  frêle  [70].  Elle  adore  les  romans, 
ralloie  des  histoires  de  nourrice,  se  fait  faire  les  caries  et  con- 
sulte volontiers  les  somnambules.  Dominée  par  son  mari, 
An((èle  vit  très  eiïacée  et  meurt  presque  de  faim  pendant 
(]uel(]ue  ttMups  (78).  Après  le  coup  d*htat,  Aristide  Temmène 
à  Paris  [372J.  (La  Fortune  des  Rougon.) 

Son  mari  Tinstallc  dans  un  étroit  loçrement  do  la  rue  Sainl- 
.lacques.  comme  un  meuble  gênant  dont  il  a  bâte  de  se  débar- 
rasser. Elle  vit  là,  entre  sa  cbére  fillette  Clotilde  et  son  mari, 
acceptant  la  misère  avec  la  mollesse  d*une  femme  chlorotiqut 
[51  )J.  Au  moment  où  elle  va  devenir  une  frêne  insurmontable 
pour  Arisiide,  elle  est  emportée  par  un  cbaud  et  froid.  F*endanl 
«lu'elle  râle,  Sidonie  Itougon,  pres^ée  d'apir,  maquignonne  déjà 
avec  Aristide  un  second  mariage;  leur  honteuse  uégociation, 
surprise  par  .\ngèle,  emplit  d'épouvante  cette  nature  inofîensive, 
qui  enirexoit  à  la  dernière  heure  les  infamies  de  ce  monde 
el  n'a  d'ailleurs  que  des  pensées  de  pardon  [75].  {La  Curée) 

Simon  (La  MÊriE}. —  Vieille  femme  de  ménage  des  Roubaud 
(173).  {La  Bi'tc  humaine,) 

Simonnot.  —  Épicier  à  lîaucourt.  Après  la  bataille  de 
lieaumont,  les  liavarois,  en  marche  vers  le  nord,  traversent 
liaucourt  où  il  ne  reste  rien  à  manger,  depuis  quarante-huit 
lieurcs  que  passent  les  troupes  de  Mac-Mahon.  Et  comme  les 
envaliisseiirs  crèvent  de  faim,  les  yeux  hors  de  la  tête,  à  moitié 
fous,  ils  enfoncent  les  portes  el  les  fenêtres,  s'acharnent  à  tout 
démolir,  parce  qu'ils  croient  qu'on  leur  reluse  la  nourriture. 
Clie/  Simonnot,  ils  puisent  avec  leur  casque  dans  un  tonneau 
(ie  mélasse,  d'autres  mordent  dans  des  morceaux  de  lard  cru, 
l'auires  mâchent  de  la  farine  [1G7].  (La  Débâcle,) 

Simpson.  —  .Attaché  à  l'ambassade  américaine.  A  rem- 
placé le  duc  de  Piozan  comme  amant  de  Renée  Saccard,  a  failli 
l>âltre  celle-ci  el  doit  à  cela  d'être  resté  plus  d'un  an  avec 


'Il  Augrie  Sicanlof,  calme  el  lèveuy*;  fille  i/'w?}  V'>mma)ulanlf 
nidiiC''  en  ISiH  à  Aristide  llouyon,  dil  SitccanL  'Arbre  fjniétdofjique 
'/cn  riOU'jOii'Miicquart.) 


i 


UES  UOUGON-MACQUART  411 

elle  [i:*t't].  Ost  un  froid  humoriste,  plein  d'iinaginntious  fan- 
tasques et  niaiicieuses  [302].  {La  Curée.) 

Sivry  (IiLANCIIE  de).  —  De  son  vrai  nom  Jacqueline 
BnuJu.  Originaire  (Pun  village  près  «rAmiens.  Ctsi  une  grosse 
fille  Llo::!e  liont  le  joli  visage  s'empûle  [9],  une  magni- 
fique )>  'r>on!ie,  bête  et  menteuse,  qui  se  dit  potite-fille  d'un 
général  et  n'avoue  pas  ses  trente-deux  ans.  Elle  est  très  goûtée 
des  Russes,  à  cause  de  son  embonpoint  [Ht].  Blanche  de 
Sirr}'  rst  indignée  au  moment  de  la  guerre,  parce  qu'on  a 
expulsé  S'jiï  peiil  Prussien»  un  garçon  1res  riche,  très  doux, 
incapaldé  «le  faire  du  mal  à  personne.  Elle  crie  à  la  rume.  Si 
on  rembéte.  elle  ira  le  retrouver  en  Allemagne  [519].  (Sana.) 

Snielten.  —  Boulanger  &  Montsou.  Fait  crédit  pendant 
quelque  temps  aux  grévistes,  pour  tâcher  de  reconquérir  la 
clientéie  attirée  par  Maigrat  [^^^î]-  (Germinal,) 

Smithson  (Mademoiselle).  — Gouvernante  anglaise  chez 
les  Deberle  [iC].  {Une  Page  d'Amour.) 

Sonneville.  —  Usinier  à  Marchiennes.  Forte  crise  pen- 
dant }:.  ^TÔve  des  mineurs  de  Montsou  [i2o].  {Germinal.) 

1  '    Sophie.  —  Ouvrière  fteuriste  chez  Titrevillc.  Petite  per- 

sonne ;.'r;.S5e  [403],  {LAssommoir.) 

Sophie.  —  Ancienne  femnic  de  chambre  de  la  duchesse  de 
Conib  viiio.  A  élevé  la  princesse  d'Orviedo  et  est  restée  seule 
avec  c'ile.  lorsque  la  princesse  a  quitté  le  monde  [-18].  Se 
retire  ]>!us  tard  dans  son  pays,  du  côté  d*Angouléme,  avec 
une  r»:ïte  de  deux  mille  francs  [i05].  {L'Argent.) 

Sophie.  —  Fille  de  Guiraude.  Prédestinée  à  la  phtisie  par 
héré'iît»},  elle  est  sauvée,  grâce  au  docteur  Pascal,  qui  l'envoie 
chez  vr.\r  tante  à  la  campagne,  la  faisant  pousser  en  plein 
soleil  ['*!].  Pen  lant  que  son  frère  Valeutin  s'étiole  et  meurt 
dans  \^  ]o'^\-  maternel,  à  Plassans,  Sophie,  loin  de  la  contajxion 
du  niilic.i.a  pris  de  la  chair;  elle  est  d^aplombsur  ses  jambes, 
elle  a  1l>  joues  remplies,  les  cheveux  abondants  [53].  A  dix- 
sept  a:i5.  on  la  marie  avec  un  garçon  meunier  des  environs 
[-213].  iL  D  tci'^nr  Pnscal) 

Sophie  Tourne  de  Toeil.  —  La  dernière  bonne  amie  des 
pocli.".tl<  [5  .S].  { LAssommoir.) 

Soûlas.  —  Le  vieux  berger  de  la  Borderie,  où  il  sert  depuis 
un  d-'îii-siècle.  Très  grand,  très  maigre,  visage  long  coupé  de 


I 


I 


4ie  LES  PEliSONN.Vr.tS 

plis,  comme  taillé  a  la  serpe  dans  un  nœud  do  cliéne  [OG],  sous 
l'eminêlemenl  de  ses  cheveux  dcleiuls,  couleur  de  terre  [i85]. 
A  soixante-cinq  ans,  il  n*a  rien  amassé,  mangé  par  sa  femme, 
ivrognesse  et  câlin,  qu'il  vient  enfin  d'avoir  la  joie  de  porter 
en  terre.  Toujours  droit,  résistant  et  noueux  ainsi  qu'un  bâton 
d'épine,  n'ayant  «jue  deux  camarades,  ses  chiens  Empereur  et 
Massacre,  il  s'est  lait  une  ennemie  de  Jacqueline  Cognet,  qu'il 
ext'cre,  d'une  haine  d'ancien  serviteur  jaloux,  révolté  par  la 
rapide  fortune  de  celle  dernière  venue.  Il  évite  tout  conflit  et 
se  lait  dans  la  peur  d'être  jeté  dehors  comme  une  vieille  bête 
iniiruïe  [-S7].  Mais  la  Cognclle,  lasse  de  le  voir  toujours  entre 
elle  et  ses  amants,  finit  par  le  faire  congédier  et  alors  il  dit 
loutau  maître  Alexandre  llourdequin  [483].  (La  Terre.) 

Sourdeau.  —  Un  rehouteur  de  Piazoches-le-Doven,  bon 
égalemenl  pour  les  blessures.  Il  dit  des  paroles  et  referme  les 
plaies,  rien  qu'en  soufflant  dessus  [4."i5].  (La  Terre,) 

Souvarine.  —  Machineur  à  la  fosse  du  Voreux,  logé  chez 
Piasseneur.  Il  est  Russe.  C'est  le  dernier-né  d'une  famille  noble 
du  gouvernement  de  Toula.  \  Saint-Pétersbourg,  où  il  faisait 
sa  n)édecine,  la  passion  socialiste  l'a  décidé  à  apprendre  un 
métier  manuel,  celui  de  mécanicien,  pour  se  mêler  au  peuple, 
le  connaître  et  l'aider  en  frère.  C'est  de  ce  métier  qu'il  vil 
maintenant,  après  s'être  enfui  à  la  suite  d'un  attentai  contre  la 
vie  de  l'empereur  ;  pendant  un  mois,  il  a  vécu  dans  la  cave 
d'un  fruitier,  creusant  une  mine  au  travers  de  la  rue,  chargeant 
des  bombes  sous  la  continuelle  menace  de  sauter  avec  la 
maison  fl5G].  Une  fois  déjà,  il  avait  failli  être  pris  dans  une 
autre  alTixire,  une  explosion  sous  ia  voie  ferrée;  plusieurs 
conjurés  et  sa  maîtresse  Aunouchka  avaient  été  pendus  sous  ses 
yeux  [509].  Pienié  par  sa  famille,  sans  argent,  mis  comme 
ctninger  à  l'index  des  ateliers  français  qui  voient  en  lui  un 
espion,  il  allait  mourir  de  faim  lorsque  la  Compagnie  de 
Montsou  l'a  embauché,  dans  une  heure  de  presse.  Depuis  un 
nn,  il  travaille  là  en  bon  ouvrier,  sobre,  silencieux,  faisant  une 
semaine  le  service  de  jour  et  une  semaine  le  service  de  nuit,  si 
exact  que  les  chefs  le  citent  en  exemple  [156]. 

Agé  d'une  trenlaine  d'années,  il  est  élancé,  blond,  avec  une 
ligure  fine  encadrée  de  grands  cheveux  el  d'une  barbe  légère; 
ses  doiils  hlanclies  cl  pointues,  sa  bouche  el  son  nez  minces,  le 
rose  de  son  teint,  lui  donnent  un  air  de  lille,  un  air  de  douceur 
oiilrtce,    que  le   rclîel  gris  de  ses  yeux  d'acier  eiisuuvage  par 


DES  ROUGON-MACQUÀRT  413 

éclairs.  Dans  sa  chambre  d'ouvrier  pauvre,  il  n*y  a  qu'une 
caisse  do  }iapiers  et  de  livres.  Pour  lui,  la  femme  est  un  garçon, 
un  caui.iraJe,  quand  elle  a  la  fraternité  et  le  courage  d*un 
homme;  autrement,  à  quoi  bon  se  mettre  au  cœur  une  lâcheté 
possible?  Ni  femme,  ni  ami,  il  ne  veut  aucun  lien,  il  est  libre 
de  son  sang  et  du  sang  des  autres.  II  ne  boit  jamais,  il  fume 
d'éternelles  cigarettes,  il  vit  dans  Testaminet  de  Rasseneur, 
aimant  avoir  sur  ses  genoux  un  lapin  familier,  grosse  mère 
toujours  pleine,  qu'il  appelle  Pologne;  et  chaque  jour,  sans  se 
lasser,  d'un  geste  inconscient,  il  caresse  cette  bêle,  il  passe  la 
main  sur  la  soie  grise  de  son  poil,  Tair  calmé  par  la  douceur 
tiède  et  vivante  qui  s'en  dégage. 

La  théorie  poh'tique  et  sociale  de  Souvarine  est  celle  de  la 
dcstnictioM,  le  feu  aux  quatre  coins  des  villes,  les  lations 
fauchée^,  ne  moiide  anéanti  pour  qu'il  en  repousse  un  meilleur; 
il  faut  qu'une  série  d'effroyables  attentats  épouvante  les 
puissants  el  réveille  le  peuple  [-72]  ;  tous  les  raisonne- 
ment? sur  l'avenir  sont  criminels,  parce  qu'ils  empêchent  la 
destrutiion  pure  et  entravent  la  marche  de  la  révolution  [273]. 
C'est  avec  un  air  de  ferveur  religieuse  qu'il  parle  de  Bakou- 
nine  r«'.\lerminateur,  qui  va  prendre  en  main  l'Internationale 
e(.  nv  !iit  trois  ans,  écrasera  le  vieux  monde.  En  attendant,  il 
hausse  Ils  épaules  devant  les  palliatifs  du  socialisme  :  béiise 
la  croyance  en  Tamélioration  possible  des  salaires,  bôtises  les 
sociéi-rs  toopératives,  bêtises  les  grèves  [198],  bêtise  aussi 
l'aciion  lies  masses  se  jetant  vers  les  puits  pour  arrêter  le 
travail  ;  deux  gaillards  résolus  font  plus  de  besogne  qu'une 
foule  [-îôT].  H  a  le  mépris  des  beaux  parleurs,  des  gaillards 
qui  entrent  dans  la  politique  comme  on  entre  au  barreau,  pour 
y  gagner  des  rentes,  à  coups  de  phrases;  il  s'irrite  contre  ces 
ouvri-rs  dont  la  haine  des  bourgeois  vient  uniquement  du 
besoiîi  enrcp^é  d'être  des  bourgeois  à  leur  place;  il  voudrait 
auéaLtir  ct'lie  race  de  poltrons  et  de  jouisseurs  [-153]. 

Et  qu  ind  le  troupeau  vaincu  reprend  le  chemin  de  la  fosse, 
ce  Souv;i:ine  qui  avait  eu  de  grosses  larmes  devant  sa  lapine 
Poio-!!^  mise  en  ragoût,  décide  froidement  de  supprimer  le 
VoreMx  ♦î  tjiil  ce  qu'jl  contient,  clioses,  bêtes  et  hommes,  en  y 
]»:c -i.  iicMit  les  eaux  d'une  untv  souterraine.  Il  accomplit  celle 
Oruvrc  u,'  l-niérilé  foile,  dans  une  fureur  de  deslruclion  où  il 
ri^'ju  ^;n;:t  fois  sa  vie.  Et  lorsque  le  torrent  envahit  la  mine, 
lorsrie  l'U*  s't^Hondre  sur  la  poi;^Miée  de  niisérahlcs  aj:onisaiil 
un  io-.id.  Sjuvarine  jette  sa  dernière  cigarette  et  s'éloigne  sans 


iU  LES  PERSONNAGES 

un  regard  en  arrière,  allant,  de  son  air  tranquille,  à  Texler- 
niinalion,  vers  l'inconnu  [536].  {Germinal,) 

Spirit.  —  Cheval  anglais,  monté  par  Burne.  Court  dans  le 
Grand  Prix  de  Paris.  C*est  un  grand  bai  brun  superbe,  dont  les 
couleurs  dures,  citron  et  noir,  ont  une  tristesse  britannique  [409]. 
Pondant  la  course,  quand  Spirit  tient  la  tête,  un  sentiment 
d'angoisse  patriotique  semble  étrangler  tout  ce  monde  entassé; 
une  ardeur  de  vœu  extraordinaire,  presque  religieuse,  monte 
pour  le  favori  français  [il 2].  (Nana,) 

Spontini.  —  Un  maître  répétiteur  du  collège  de  Plassans. 
L'n  pion,  originaire  de  Corse.  Montre  son  couteau  rouillé  du 
sang  de  trois  cousins  [37].  (LŒuire.) 

Squelette-Externe  (Le).  —  Voir  Mimi-la-Moi;t. 

Staderino.  —  Uéfugié  politique  vénitien.  Frcjjuento  avec 
Draniblllji  et  Viscardi  chez  la  comtesse  Balbi  [6G].  {Son  Excel- 
lence Eufjùne  llougon.) 

Steinberg  (Goliath).  —  Engagé  en  i867,  comme  garçon 
iU  ferme,  chez  le  père  Fouchard,  à  llemilly.  C'est  un  grand 
bon  (.'ufant,  aux  petits  cheveux  blonds,  à  la  large  face  rose  tou- 
jours souriante.  Il  est  le  camarade  d'Honoré  Foucliard.  Quand 
«•elni-ci,  désespéré  de  ne  pouvoir  épouser  Silviue  Morange, 
s'en^Mge  t*t  part  pour  l'Afrique,  Goliath  devient  Paniant  de 
Silvine,  sans  la  forcer  d'ailleurs,  mettant  seulement  à  profjtune 
.ninule  d'inconscience.  Silvine  enceinte,  il  a  promis  le  uiariage, 
reculant  la  formalité  jusqu'à  la  naissance  du  petit,  puis,  brus- 
quement;  au  septième  mois  de  la  grossesse,  il  a  disparu.  On 
raconte  qu'il  est  allé  servir  dans  d'autres  fermes,  du  côté  de 
Beiiumont  et  de  Raucourt.  C'est  un  de  ces  espions  dont  l'Aile- 
uiagni'  a  peuple  nos  provinces  de  l'Est  [96]. 

An  début  de  la  campagne,  rôdant  autour  du  7*  corps,  près 
(le  .Mulhouse,  il  est  simplement  expulsé  du  camp,  ses  papiers 
se  trouvant  sans  doute  en  règle  [7].  Pendant  lu  marche  vers 
Montincdy,  se  disant  Alsacien  emporté  dans  la  débâcle  de 
Frœschwiller,  il  est  entré  au  service  d'un  fermier,  à  Conlreuve, 
cl  il  écoute  les  imprudents  commentaires  du  général  Courgain- 
hcslouilles  [80];  Goliath  est  un  des  énnssaires  ijui  lireni  con- 
naiin*.  au  grand  état-major  allemand  la  marche  exacte  de 
rarn)ée  de  Chàlons  et  suggérèrent  ainsi  le  changement  de  front 
de  la  IIP  année  [^8]  ;  quelques  jours  plus  tard,  dans  les  bois 
de    Uieulet,    il   guide   les    Bavarois   qui    vont  surprendre   le 


DES  ftOUGON-MACyUAUT  Ul 


î  5*  corps  y^'l'l].  Enfin,  pendant  l'occupation,  il  possède,  à  la 


I 


cominami  ture  de  Sedan,  une  situation  indéterminée,  parcou< 
rar.:  de  nouveau  IfS  villages,  comme  chargé  de  dénonctT  les 
un?,  de  tr\er  les  autres,  de  veiller  au  bon  fonctionnement  des 
réquisitions  dont  on  écrase  les  habitants  [517]. 

Tiranl,  larpc,  le  visage  toujours  gai,  avec  ses  gros  yeux 
bleus  i|ui  luisent  d*un  éclat  de  faïence,  l'ancien  garçon  de 
lenac  est  vétii  d'une  sorte  de  capote  en  gros  drap  bleu,  coiffe 
d'une  cas  :uetl»*  de  même  étoff»*,  Tair  cossu  et  content  île  lui  ; 
il  parlo  sns  accent,  avec  la  lourdeur  cmpâti'e  dos  gens  du 
pays  ['j'IZ  .  Très  raisonnable,  Ires  conciliant,  il  s'étonne  de  la 
hait.e  soir  de,  du  m»'îpris  épouvanté  qu'on  lui  témoigne  à  lle- 
niiliy:  il  trouve  tout  simple  qu*;  chacun  serve  sa  patrie  comme 
il  r*Mitt*nii.  Et  comme  Goliath  aime  toujours  Silvine  et  veut  la 
p055»Ml^r  »r:icore,  il  croit  vaincre  sa  résistance  en  la  nienaçani 
d'enimene-  le  petit  Chariot  en  Allemagne  ;  il  parle  de  repré- 
sailles [5i^J.  Cette  imprudence  le  livre  aux  francs-tireurs,  à 
Tiulilauinf  Sambuc,  Cabasse  et  Ducat;  les  trois  hommes  le 
prennent  nu  piî'^e  et,  après  un  simulacre  de  jugement,  sous 
i*œ!l  lérri:i'i  de  Silviue  coniplir»*,  le  saignent  comme  un  porc, 
•lai.2  la  ferme  du  père  Fouchard  [ôricSJ.  {La  Débâcle.) 

Steiner.  —  Banquier  à  Paris.  Lu  terrible  juif  allemand,  un 
brr.?seur  /afluires  dont  les  mains  fondent  des  millions.  Tout 
peîi',  Ir?  v-rntrc  déjà  fort,  la  face  ronde  et  encadrée  d*un  collier 
•ie  i'.irbe  ;Tisonuante  [7],  les  oreilles  velues.  Steiner  devient 
iml-ècil-f  i\  laïul  il  se  to*|;*^  d'une  femme,  les  voulant  toutes,  ne 
pouvant  e:;  voir  une  paraître  au  théâtre  sans  Tacheter,  si  chère 
<|ir-ile  soi:.  A  deux  reprises,  ce  furieux  appétit  l'a  ruiné;  les 
till-r>  ven.'nt  la  morale  en  nettoyant  sa  caisse  [110].  Rose 
Mig;iou  ei  Nana  se  sont  succédé  pour  manger  ses  bènélices 
sur  les  Si-liiTS  d'.<  Landes. Tombé  dans  le  gâchis,  mis  aussitôt 
dch  TS  ]>  :  Nina,  il  s'est  refait  avec  un  projet  de  tunnel  sous 
!♦•  I;.»Sfiio:j,  et  alors  Nana  le  nettoie  défTnilivement  [183]. 
(J\V  n.-  '  ' 

Sternich  'nicilESSE  de).  —  Célèbre  mondaine  du  second 
E;r:;  ire.  .  iiiiiiaiit  tontes  ses  galantes  amies  |)ar  la  gloire 
li'avoir  p;  îs»*  uue  liuit  dans  le  lit  impérial.  Laide,  viriilie, 
ia^^  c.  «liv  ^'iirde  Taurcolc  du  vice  olliciel  1-4(^|.  Elle  a  enlevé 
un  LMifiiît  .1  Ueiiée  Saccard,  le  comte  de  Chibray  [1151.  [La 
Cui  Cl 

Stewart  <LucY).  —  Une  femme  galante,   la  plus  ciiic  de 


il\  LKS  PERSONNAGES  DES  UOUGON-MACQUART 

toutes  ces  dames;  elle  a  eu  trois  princes  et  un  duc  [110].  C'est 
la  lille  d'au  graisseur  d'origine  anglaise,  employé  à  la  gare  du 
Nord.  A  treute-ueuf  ans,  Lucy  est  une  petite  femme  maigre, 
mais  si  vive,  si  gracieuse,  qu'elle  a  un  grand  charme  [8].  Le 
cou  trop  long,  la  face  maigre,  tirée,  avec  une  bouche  épaisse, 
elle  est  phtisique  et  ne  meurt  jamais.  Très  méchante  langue," 
Lucy  est  parfois  d*un  esprit  féroce  [IIGJ.  Laure  Piédefer  la 
compte  au  nombre  de  ses  clientes  [:281].  Lucy  a  un  fils,  Olli- 
vicr,  et  se  fait  passer  à  ses  yeux  pour  une  actrice;  quand  ils 
sont  ensemble,  elle  prend  des  airs  de  distinction  [38G].  Comme 
elle  a  couché  avec  un  prince  du  sang,  elle  défend  TEmpire  au 
moment  de  la  guerre;  c'est  comme  une  affaire  de  famille, 
quoique  le  prince  ait  été  d'un  rat  extraordinaire  :  le  soir,  en  se 
couchant,  il  cachait  ses  louis  dans  ses  bottes  [520].  {Xana,) 

Stewart  (Ollivier).  —  Fils  de  Lucy.  Aspirant  de  marine. 
11  est  très  gentil  en  uniforme  et  ne  se  doute  pas  du  métier  de 
sa  mère;  elle  lui  trouvera  une  héritière  en  province  [387]. 
(Xana,) 

Surin  (Addê).  —  Secrétaire  de  monseigneur  Rousselot, 
archevêque  de  Plassans.  Grand,  jeune,  élégant,  fort  aimable 
[i2J,  longs  cheveux  blonds.  L'abbé  fréquente  chez  les  Rastoil, 
eiiij)ressé  auprès  des  dames,  se  plaisant  aux  futihtés,  organi- 
sant avec  les  demoiselles  des  parties  de  c  torchon  brûlé  >  et 
s>^  distinguant  surtout  à  la  raquette  par  un  jeu  raffiné,  par  une 
façon  superbe  de  renvoyer  le  volant  [-07J.  Monseigneur  Taime 
comme  un  lils  et  se  fait  lire  par  lui  les  odes  d'Horace.  [LaCon- 
qw'tc  (le  Plassans.) 

Sylvia.  —  Petite  actrice  très  appréciée  des  hommes  du 
rnonile.  Fille  d'un  honnête  papetier,  horriblement  bourgeoise  au 
fonJ;  fVst  un  cœur  d'usurier  [1-15].  Elle  est  la  maitressie  de 
Maxime  Saccard,  et  celui-ci  se  fait  aider  par  Pienée  pour  payer 
)••  iMJoiiiier  de  l'aclrice  [Hoo].  (La  Curcc.) 


ï 


T...  (Marquis  de).  —  Lantier,  lisant  les  faits  divers,  raconte 
il  Mes-Fîoitcs,  à  Rcc-Salé,  à  Bibi-la-Grillade  et  à  Coupeau  que 
le  marquis  de  T...,  sortant  d'un  bal  à  deux  heures  du  malin  et 
se  dt'fethlant  contre  trois  mauvaises  gouapes,  boulevard  des 
Invalides,  s'est  débarrassé  des  deux  premiers  scélérats  avec 
dvs  coups  de  tète  dans  le  ventre,  et  a  conduit  le  troisiènie  au 
poste,  i»ar  une  oreille  [310].  {FJ Assommoir,) 

Taboureau  (Madame).  —  Boulangère  rue  Turbigo.  La 
plus  belle  bouinngerie  du  quartier,  toute  une  vitrine  est  ré- 
servée à  la  pâtisserie.  Madame  Taboureau  est  une  amie  de  Lisa 
Que  nu  [lU].  {Le  Ventre  de  Paris,) 

Tatln  (Mademoiselle).  —  Lingère  passage  Choiseul.  Pour 
lutter  de  bon  inarclié  avec  le  Bonheur  des  Dames,  elle  a  dû 


263]  et  a  repris 
.  {Au  Bonheur 


baisser  ses  prix  [^8],  elle  est  tombée  en  faillite 
du  travail  chez  les  autres,  aux  Batignolles  [i-iS^ 
des  Dames.) 

Tardiveaja  (Barox  de). — Personnage  de  la  Petite  Duchesse, 
pièce  de  Fauchery.  Cn  vieux  beau  qui  prend  la  duchesse  Hé- 
lène pour  ui!»-*  cocotte  et  se  montre  très  vif.  Le  rôle  est  joué 
par  Fonlan  [312].  {Sana.) 

Ta  tan  Néné.  —  Une  blonde  bonne  enfant,  à  la  poitrine  de 
nourri'jv.  Elle  a  gardé  les  vaches  jusqu'à  vingt  ans,  dans  la 
Champngne  pouilleuse  [111].  Aujourd'hui,  c'est  la  plus  belle 
gorge  de  Paris.  On  se  moque  de  sa  naïveté,  on  lui  fait  croire 
dos  histoires  énormes,  par  exemple  que  Bismarck  mange  de  la 
viande  crue,  qu'il  emporte  les  femmes  sur  son  dos  quand  il  les 
rencontre  près  de  son  repaire  et  qu'il  a  déjà  eu  de  cette  ma- 
ni«  r».;  trcnle-thnix  enfants  à  quarante  ans  [11  ï].  (Xana.) 


ils  LES  PEHSONNAGES 

Tavernier.  —  \^i\  vieux  inéJeciu  d'Orh'ans,  (|ui  ne  sort 
plus,  (ieor^es  llii}:on  invoque  ie  prêtexie  de  visites  chez  lui, 
pour  aller  rejoindre  Nana  à  la  Mi^nolte  [^10].  (\ana,) 

Teissière  (Madame).  —  Mondaine  du  second  Empire;  se 
livre  à  la  p:aliinlerie  et  trouve  des  amants  chez  madame  de  Lau- 
wcrens  [tlO].  Amie  des  Saccard.  (La  Cnr-éc») 

Testanière  (Madame).  —  Prolé;rée  de  madame  Mélanie 
CurrtMir,  qui  Ta  recommandée  au  minislre  Rougon  [58].  {Son 
Excellence  Eugène  Rougon.) 

Teuse  (La).  —  Vieille  .servante  du  curé  des  .\rlaud,  amenée 
de  Normandie  par  Tahlié  Caffin  et  léguée  par  lui  à  son  suc- 
ceî^seur,  Serge  Mouret.  Soixante  ans,  grosse  comme  une  tour, 
ÏA'C  larjre.  La  Teuse  hoite  fortement,  avec  des  déhanchements 
lourds.  Toujours  grondante,  maîtresse  de  la  cure  et  de  l'église, 
a»  ioutuu)ée  aux  manières  pleines  de  rondeur  de  son  premîci 
nmilre,  elle  bouscule  Serge  dont  raflinemenl  la  déroute,  dont 
1rs  silences  la  blessent  comme  des  cachotteries;  mais 
elle  le  sert  avec  (les  attentions  de  inère  [Gl],  l'aimant  d'une 
allLction  tyrannique  et  jalouse,  n'.iyant  au  fond  d'antre  souci 
que  son  bonheur  et  allant  jusqu'à  accepter  Albine,  si  cette  fille 
(ju'elle  abomine  est  la  santé  de  monsieur  le  curé  [38i].  {La 
Faute  de  l'abbé  Mourei.) 

Théodore.  —  Professeur  de  piano.  C'est  un  Belge  à  large 
faïc  rose  [JOS].  Il  donne  des  leçons  à  Clarisse  Rocquet  et 
devient  ^on  amant.  (Poi-Botiille,) 

Théodore.  —  Fils  d'un  cartonnier.  Doit  se  marier  avec  Xa- 
lli.'die  Di'joic,  mais  il  veut  s'établir  et  demande  une  dot  de  six 
mille  francs  [135].  Las  d'attendre,  Théodore  épouse  la  fille 
d'une  ouvrière,  qui  lui  apporte  près  de  huit  mille  francs  [383]. 
{LWnjcnt.) 

Thérèse.  —  .\nciennc  voisine  des  Lorilleux,  rue  de  la 
Gouiie-d'Or.  Les  Lorilleux  trouvent  à  Gervaise  une  certaine 
re?se'Mblance  avec  cette  femme  qui  est  morte  de  la  poitrine  [73]. 
{L'Assommoir.) 

The  Truth.  —  Étalon  de  courses.  Frangipane,  au  baron 
VerJier,  est  par  The  Truth  et  Leiiore  [388].  {Nana.) 

Thibaudier.  —  Banquier  à  Caen.  Père  de  Louise  Thibau- 
ditr.  P.»r/'iiiu  et  beau-père  de  Lazare  Chanteau.  Thibaudier, 
re:iiarié  six  mois  après  la  mort  de  sa  première  femme,  a  trois 


DES  nOUGON-MACQUART  44 J 

enfants  du  second  lit  [53]  et,  pris  par  sa  nouvelle  famille,  la 
It'te  cassée  de  chiffres,  s'intéresse  peu  à  Louise  (|u'il  a  placée 
dans  un  pensionnat  et  qu'il  envoie  passer  ses  vacances  chez  des 
parents  ou  chez  des  amis  [HS].  Après  le  mariage  des  jeunes 
gens,  Thihaudier  trouve  pour  Lazare  une  place  à  Paris.  Il 
n'intervient  pas  dans  les  brouilles  du  ménage  et  se  home  à 
blâmer  les  combinaisons  industrielles  de  son  gendre,  lui  refu- 
sant toute  aide  pécuniaire.  (La  Joie  de  vivre.) 

Thihaudier  (Louise).  —  Fille  du  banquier.  Madame  Thi- 
haudier est  morte  jeune,  entre  les  bras  de  madame  Chanteau,  à 
qui  elk'  a  recommandé  sa  fille.  A  onze  ans  et  demi,  Louise  est 
niincc  et  fine;  elle  a  le  visap'c  irrégulier,  mais  d'un  1res  grand 
charme,  avec  Je  beaux  chcMux  blonds,  noués  et  frisés  comme 
ceux  d'uDe  dame.  Tliibaudier  lui  donnera  cent  mille  francs  de 
dot,  qui  s'njoulcront  aux  cent  mille  francs  qu'elle  lient  de  sa 
mère  [ÎJ8J.  .Madame  Chanteau  flaire  cette  fortune  pour  son 
fils  ;  elle  poussera  plus  tard  celui-ci  dans  les  brns  de  Louise 
[I90J,  espérant,  provoquant  même  une  faute  qui  rendrait  le 
mariage  iiicvilablc. 

(iOqui  tte  et  superficielle,  Louise  est  devenue  une  jeune  fille 
troublai. Il\  pleine  de  l'homme  dans  sa  virginité,  ayant,  au  fond 
de  ses  \>ux  liiiipid«'S,  le  mensonj^e  de  son  éducation  [UO].Elle 
ollre  avec  Pauline,  si  complètement  équilibrée,  un  parfait  con- 
traste et  fait  pensera  la  Minouche,  qui  se  caresse  aux  autres 
tant  qu'on  ne  trouble  pas  son  plaisir  [1-42].  Détestée  de  la 
servante  Véronique,  qui  l'appelle  c  la  duchesse  >  [180],  elle  a 
vingt  ans  lorsque  Pauline  la  surprend  au  cou  de  Lazare  et  la 
cha?se  violemment  [1*J2]  ;  elle  se  réfugie  à  .Vrromanches,  où 
sa  tante  Léonie  a  loué  un  chalet  [ll»7],  et  d'où  elle  revient  plus 
lard,  ramenée  par  Pauline  qui,  désolée  des  tristesses  de  son 
liuiicé,  sacrifie  son  propre  amour  pour  rendre  Lazare  heureux 
[31  i].  Lt-  mariage  a  lieu  à  Caeii  [323],  les  jeunes  époux  vont 
vivre  à  l'aris,  où  Thihaudier  a  placé  le  mari  dans  une  compa- 
gnie J'a^ïuranccs.  Mais  Lazare  ne  garde  pas  cet  emploi,  il 
entame  Ja  dot  <Jo  sa  femme  en  des  spéculations  malheureuses, 
1«.'  mén-iç-i;  so  U'-lrariue  vile,  donnant  à  Pauline  la  rancœur  d'une 
inmiohilion  inutile.  Louise,  incapable  de  comprendre  et  de 
iliriger  >on  niori,  partajre  ses  aflolements  devant  l'idée  de  la 
inorl  [}j'r2]:  tiUr  accouche  à  huit  mois  du  jietit  Paul  [38^»],  el 
fonlinuf.  avec  Lnzare  une  existence  de  pauvreté  relative,  pleine 
de  rc'criminalions  el  de  querelles.  [La  Joie  de  vivre.) 

38. 


;5U  LES  PERSONNAGES 

Louise  meurt  jeune  [129].  {Le  Docteur  Pascal.) 

Thomas.  —  Traiteur  à  Montmartre  [298].  {L'Assom- 
moir.) 

Thomas  (Anselme).  —  Ouvrier  bourrelier  du  faubourg,  à 
Plassans.  Bon  travailleur,  garçon  raisonnable;  a  épousé  Justine 
Mégot,  tenté  par  la  rente  de  douze  cents  francs  que  lui  font  les 
Snccard.  C*est  un  gros  bomme  brun.  Quand  le  ménage  a  deux 
enfants,  Tbomas  prend  en  grippe  le  petit  Cbarlcs;  il  exècre  ce 
fils  d'un  autre,  ce  dégénéré  fainéant  et  imbécile  [229],  {Le 
Docteur  Pascal.) 

Thomas  (Madame  Anselme).  —  Voir  Mégot  (Justine). 

Tison.  —  Tient  mi  estaminet  à  Montsou  [170].  {Germinal,) 

Tissot  (Les).  —  Amis  des  Dcberle.  Madame  Tissot  a  des 
opinions  littéraires,  elle  déclare  Balzac  impossible.  Le  fils  Tissot 
est  un  grand  jeune  bomme  à  qui  Pauline  Letellier  trouve  une 
boiine  tète.  I|  y  a  une  fillette  de  cinq  ans,  Valentine  [i9].  {Une 
Paye  d^ Amour.) 

Titreville  (Madame).  —  Fleurisle-feuillagiste  rue  du 
Caire.  Lonjîue  face  sèche,  personne  sévère,  ne  plaisantant 
jamais  [iGl].  C'est  cbez  elle  quWnua  Coupeau  fait  son  appren- 
tissage. (LWssommoir.) 

Touche.  —  Petit  rentier  de  la  ville  neuve,  a  Plassans.  Fré- 
<]uente  un  café  delà  place  des  Iiécollets,  où  il  commente  d'une 
voix  grasse  les  nouvelles  politiques  [299].  (La  Fortune  des 
Ucitfjon.) 

Touche  <1).  —  Clerc  d'avoué  à  Plassans.  Épouse  Sidonie 
liougon  en  1838,  va  avec  elle  à  Paris,  tente  un  commerce  de 
pruJuils  du  Midi  et  meurt  en  1850,  après  une  existence  très 
médiocre  [05].  {La  Curée.) 

Tourmal  (Famille).  —  Famille  de  Bonneville,  vivant  de 
rapines.  Le  pore  aide  à  la  contrebande,  le  grand-père  va  Ja 
nuit  ramasser  des  buîtres  à  Hoqueboise,  dans  le  parc  de  l'État 
[130].  On  les  condamne  tous  deux  à  ia  prison.  La  femme  ïour- 
jiial  ravage  lescbamps  ;  la  fillette,  dressée  à  la  mendicité,  par- 


i\)  Sidonie  Hoiigon  épouse  en  ISoS  vu  clerc  <(' avoué  de  Plassans^ 
iju'ellc    perd  à  Paris  en    1S50.     Arbi''  (jcnétilorjujue  des  llouyon- 

Macquarl.) 


DES  ROUCON-MACQUART  451 

court  le  pays  en  tendant  la  maia  et  en  Tolant  ce  qu^elle  trouve. 
Secourue  par  Pauline  Quenu,  elle  cherche  à  dérober  uni»  tim- 
bale [577],  puis  une  cafetière  [i30].  {La  Joie  de  vivre.) 

Toutin- Laroche.  —  L*un  des  protecteurs  et  complices 
d'Aristide  Saccîird.  Ancien  invenleur  d'un  mélange  de  suif  et 
de  stéarine  pour  la  fabrication  des  bougies,  homme  maigre  et 
considérable,  cerveau  étroit  ayant  le  génie  des  tripotages  in- 
I  dustriels.  Au  conseil  municipal  de  Paris,  il  passe  pour  un  admi- 

nistrateur de  premier  ordre  et  possède  une  grosse  influence 
(]u*il  n'hésité  pas  à  nvltre  au  scmce  d'Aristide  Saccard,  hardi 
spéculateur  dans  lequ»^!  il  a  pressenti  une  force  [98].  Membre 
du  conseil  de  surveillance  de  la  Société  générale  des  ports  du 
Maroc,  directeur  du  Crédit  Viticole,il  se  pousse  à  travers  mille 
trafics  scandaleux,  fait  des  bêtises  en  Bourse  [180],  et  au  mo- 
ment où  Tescroquerie  des  ports  du  Maroc  devrait  le  conduire 
en  corroctionnelle,  il  sait  se  faire  nommer  sénateur  par  Na- 
poléon 111  ['278].  {La  Curée.) 

Tricon  (La).  —  Une  entremetteuse  connue.  Vieille  dame  de 
haute  tnillo,  portant  des  anglaises,  ayant  la  tournure  d'une 
conUesse  qui  court  les  avoués.  Elle  fait  des  affaires  avec  toutes 
ces  dames.  Les  petites  femmes  des  Variétés  la  contemplent 
avec  une  émotion  respectueuse  [168],  Au  Grand  Prix,  du  haut 
d'un  liacro,  elle  domine  la  foule  et  semble  régner  sur  tout  son 
peuple  de  femmes;  toutes  lui  sourient  discrètement.  D'ailleurs, 
elle  n'a  j>as  l'air  de  les  connaître,  elle  uest  pas  là  pour  travail- 
ler; c'est  une  joueuse  enragée,  qui  a  la  passion  des  chevaux 
[o87].  Nana  est  une  de  ses  clientes  assidues.  (Xana.) 

Trompette.  —  l'n  cheval  bai,  de  trois  ans  à  peine,  qu'on 
a  descendu  dans  la  fosse  du  Voreux,  où  il  est  le  compagnon  de 
Dataille.  Il  ne  s'acclimate  pas  dans  ce  trou  noir,  il  tir»;  ses 
berlines  sans  goût,  restant  la  tète  basse,  aveuglé  de  nuit,  avec 
lecûnslanl  regret  du  soleil  [2iO].  Trompette  meurt  au  bout  de 
quelques  mois  [475]  et,  comme  on  le  remonte  le  malin  de 
réiiieiile,  son  cadavre,  un  tas  de  chair  morte,  monstrueux  et 
laiiu'n!al»K',  iril  au  milieu  des  cadavres  d'hommes,  tout  petits, 
Yiûv  [lauvre  avec  leur  maigreur  de  misère  [180].  (GcrminaL) 

Tron.  — Garçon  de  cour  à  la  ferme  de  la  Borderie.  Sorte  de 
géant  à  la  peau  blanche,  au  poil  roux,  à  l'air  enfantin,  avec 
des  yeux  doux  et  stupides.  Il  est  originaire  du  Perche.  Amant 
i\r  la  Copiietlc^  à  qui  ce  beau  mâle  inspire  de  véritables  frin- 


Vrl  LES  PEIlSONNAr.ES 

j:ales,  il  ressen!  pour  elle  une  jalousie  <le  brute,  il  a  des  colères 
somiioises  que  sa  force  rend  terribles  [^87].  Conprôiiiù  par  le 
iii.iiire,  il  ouvre  une  trappe  sous  les  pas  dWlexanJre  Uourde- 
qiiiii;  puis,  coniuie  la  COiînetle  ne  lui  pardonne  pas  ce  meurtre 
iinbcfile,  qui  la  ruine,  il  nid  le  feu  à  la  ferme  [515].  (La 
Terre.) 

Tronche  (IIonokê).  —  liiau-frère  de  Tabbé  fanjas  et  mari 
d'Olympe.  C'est  un  garnement  «le  ïîesançon,  ii  bas  instincts,  un 
cyiiiquH  personnage  qui  lient  l'abbé  par  des  bistoires  du  passé 
o(  que  Taujas  utilise  à  de  sales  b.sogntrs.  Sa  face  toute  cou- 
turée, suant  le  vice,  est  comme  allum^^e  par  deux  petits  yeux 
noirs  qui  roulent  d'un  air  de  convoitise,  des  yeux  de  voleur. 
Il  a  un  cou  rougeàire  et  sa  bouche  est  vide  de  dents  ['38]. 
Taujas  le  place  comme  socrélaire  chez  les  Dames  de  la  Vie:^ 
aux  appointements  annuels  de  (juiaze  cenis  francs  [lil].  I*'*r- 
d;  !il  que  sa  femme  envabil  lenleinent  la  maison  dés  .Mou'.'eî, 
lluiioi  é  Si',  répand  au  deliors,  fréquente  des  maiso::»  loucbes  où 
il  rcnconlre  le  fils  l'orquier,  s'eni\re.  débaucbe  les  fiîleltes  de 
l'Œuvre;  mais  il  rend  d'éminents  services  à  Tabbé  Faujas  en 
piuclamanl  parlent  la  folie  de  François  Mounl  ['-l'I'],  puis  en 
ti.Mvaillani  les  faubourgs,  où  11  ruine  en  douceur  la  candidulurt 
Maiiriu  [olO].  {La  Conquête  de  PlussariS.) 

Trouche  (Madame).  —  Voir  Faujas  (Olympe). 

Trouille  (La).—  Fille  d'Ilvacintbe  Fouan,  dit  JésusClirist. 
Son  véiilable  prénom  est  Olympe,  son  surnom  vieni  de  ce  que, 
niatin  el  soir,  Jésus-Cbrist  la  traite  de  s.ile  trouille.  Elle  est 
lir"  d'une  rouieuse  de  roules  ramassée  sur  le  revers  d'un  fossé, 
à  la  suite  d'une  foire,  et  recueillie  par  Ilyacintue  ;  après  trois 
aii>  de  vie  commune,  la  gueuse  est  partie  comme  elle  était 
v(.'iiue.  emmenée  par  un  autre  bonnne.  K'eufant  a  poussé  dru. 
.Mivi.:jre  et  neiveuse  comme  une  brandie  de  boux.  elle  a  un 
njii-eau  ellVohlé  de  chèvre,  une  jîrantl''  buuclie  se  tordant  à 
'j.iUfii;',  (\c<  yeux  verts  à  fixité  hanlie,  des  «beveux  blonds 
iiiiiioussailles,  l'allure  d'un  îrarçoa.  Sa  passion  est  dans  ses 
;  elle  po-séde  une  viiiglaii.e  'ie  bêles  qu'elle  nourrit  de 
iij;.;Mude  [:]!»].  pès  l'enfance,  elle  se  laissai!  cuihuîcr  par  des 
li.'n  (lins  de  son  âge,  Delphin  lléi.ii,  .Nénesse  I)elliom:nc,  et  son 
pèle  la  corri^M'îul  à  coups  de  fou«'t  ['J^ni.  Klle  est  en  admira- 
tii'ii  (ontiiiuj^lle  devant  ce  Jésu-Cli:i>t  venteux  tl  gueulard, 
^e;  lil  seulement  lorsqu'il  est  soûl,  et  «jui  lui  inspire  à  la  fois 
Je  la  leadresïC  cl  de  la  terreur,  .v  dix-liuil  ans,    elle  reste  un 


f 

(-i< 


1»LS  nOlT.0N-MACQUAi:T  i:.3 

vrai  frai'(«^ii,  qui  iraimc  que  ses  ht^les  et  se  moque  l>i»'n  de? 
hoiinnos.  c«*  qui  ne  l'empôclie  pas,  qunn-l  elle  joue  »i  se  laper 
avec  (jurl'jiii'  galopin,  de  linir  le  jeu  sur  U  dos,  nalurelleinenl, 
parce  que  cfsl  fait  pour  ça  et  que  ça  ne  tire  pas  «à  consé- 
(jiuMice  [MIÎ^].  llonni>le  à  sa  façon,  elle  l'^fuse  les  avances  de 
Lrroi,  dil  Canon  pl-i]  et  éclate  eu  larnK'>  lorsque  Nêues^e  lui 
lait  riJlVnMil  de  'en^Mger  à  travailler  dans  une  maison  pu- 
blique [i'*''i].  ihi  Terre.) 

Trublot  «Hf.ctor).  —  Fils  de  famille,  employé  chez  raj^enl 
de  change  Ik'stnarquay,  en  attendant  l'achat  d'une  part.  Forle 
barbe  noire,  séréniié  de  jeune  dieu  indien,  grande  myopie.  Ce 
m;i!e  sulitle,  enlèté  dans  ses  goûts,  a  une  haine  tranquille  du 
njaria;:e,  il  ul'  cherche  ses  maîtresses  ni  parmi  les  femmes  de 
la  «ociété.  à  cause  des  embêtements  du  lendemain  [101],  ni 
pnrmi  l«»s  filles,  av«c  lesquelles,  suivant  lui,  on  n'eu  a  jamais 
pour  son  a?*i;'*ni  [-i-].  N'ayant  pas  de  posiiion  à  se  faire  e! 
n'écoutant  que  son  goût,  il  couche  tranquillement  avec  les 
bonnes.  (Jmiud  Trublot  dîne  en  ville,  il  s*échappe  du  salon 
pour  aller  piîjcer  les  cuisinières  devant  leur  fourneau  etjorsque 
lune  d'elles  veut  bien  lui  donner  sa  clé,  il  file  avant  minuit  et 
monte  raîloi.ilre  pitiemment  dans  sa  chambre,  assis  sur  une 
rnalle,  eu  b  Jiit  uuir  et  en  cravate  blanche  [130].  t^.es  robustes 
lllios  lui  donnent  plus  de  plaisir  que  toutes  les  fenniies  de  la 
bourgeoisie,  maniérée?  et  sans  tempérament.  (Pot-Douille,) 

Tu- m'as -trompé-Adèle.  —  Surnom  d'un  professeur  de 
pliysi'iue  du  collège  de  IMassans,  un  cocu  légendaire,  auquel 
dix  généraiiuns  de  galopins  jetaient  le  nom  de  sa  femnie,  jadis 
surpris»',  dit-on,  entre  les  bras  d'un  carabinier  [3'].  (L'Œuvre.) 


y 


Vabre.  —  Père  d'Auguste,  Clolilde  et  Théophile.  Deau-père 
de  Duveyrier.  Propriétaire  d'un  immeuble  delaruedeClioiseul, 
où  i)  lo^'e  dans  l'appartement  de  son  gendre.  Vabre  est  petit  et 
gros,  complètement  chauve  avec  deux  touffes  de  cheveux  blancs 
sur  les  oreilles;  il  a  une  face  rougeaude,  la  bouche  lippue,  des 
yeux  ronds  et  à  fleur  de  tète  [106].  C'est  un  ancien  notaire  de 
Versailles,  qui  a  vendu  son  étude  après  quarante  ans  d'exercice, 
parce  qu'aucun  de  ses  fils  ne  s*est  montré  capable  de  lui  suc- 
céder. La  maison  de  la  rue  de  Clioiseul  lui  rapporte  vingt-deux 
mille  francs;  tous  ses  enfants  sont  venus  se  loger  là,  avec  Tes- 
poir  de  ne  pas  payer  de  loyer,  mais  il  présente  lui-même  les 
quittances  le  quinze,  et  chacun  s'exécute,  dans  la  crainte  d'être 
rayé  du  testament.  Le  vieux  Vabre  travaille  à  un  grand  ou- 
vrage de  statistique,  le  dépoi|illement  des  catalogues  officiels 
du  salon  de  peinture;  il  portefsur  des  fiches,  à  chaque  nom  de 
peintre,  les  tableaux  exposés  et,  tous  les  ans,  il  met  ses  indi- 
cations à  jour  [107].  En  dehors  de  celte  imbécile  besogne  qui 
l'absorbe,  il  n'a  plus  que  qu  itre  ou  cinq  idées  qui  se  déroulent 
toujours  dans  le  même  ordre.  Ses  héritiers  attendent  patiem- 
ment sa  mort,  mais  lorsqu'irest  emporté  par  une  attaqut;  d'a- 
poplexi»;.  on  constate  quef  la  passion  du  jeu  entretenue  en 
secret,  la  complètement  rniné,  qu'il  a  perdu  sa  forlune  dans 
des  opérations  de  Dourse  et  que  la  maison  est  lourdement  gre- 
vée' d'hynollit'ques  [2s-2].  (Pot-Bouille.) 

Vabre  (Aigtste).  —  Fils  aîné  du  propriétaire.  Grand  garçon 
maussihlr,  ausau^^  pâle,  ligure  de  mouton  malade,  toujours  des 
ninu\  lit*  K'h*  qui  lui  tirenl  les  yeux  et  qui  l'ont  empêché  autre- 
fois d<.' C'-nliiuier  le  lalin.  Très  timoré,  il  csl  resté  quinze  ans 
}»etit  e!n|ilo\t"'  de  coniinorce,  sans  oser  risquer  les  cent  mille 


.l.-;6  LES  PERSONNAGES 

francs  Ié<^ués  par  sa  mère,  puis  il  s*est  établi  marchand  de 
soici'K'S  au  rez-de-chaussée  de  la  maison  paternelle.  Il  épouse 
Derthe  Josserand,  tombant  dans  un  véritable  traquenard,  se 
laissant  duper  au  contrat,  perdant  toute  lucidité  par  ses  mi- 
graines qui  le  rendent  fou;  et  il  est  un  mari  maus>ado,  méti- 
ciii'ux.  bonhomme  au  fond,  simplement  désagréable  et  volon- 
tiers ré>igné,  tant  qu'on  ne  le  jette  pas  hors  de  lui  en  dépen- 
sant son  argent  ou  en  touchant  à  sa  morale  [302]. 

Auguste  souffre  devant  les  toilettes  trop  éclatantes  de  sa 
femme,  il  a  pour  les  dettes  une  horreur  de  garçon  plaident, 
mais  voudrait  ne  rien  voir,  défendant  désespérément  son  coin 
de  tranquillité  somnolente  et  maniaque,  vivant  dans  la  conti- 
nuelle terreur  de  découvrir  quelque  abomination  qui  le  met- 
trait hors  de  lui  [307].  Lorsqu'il  surprend  Bf^rthe  en  flagrant 
délit,  il  la  chasse,  rêve  de  se  battre  avec  Octave  Mouret  et 
couri  Paris  à  la  recherche  de  témoins  ;  puis,  déprimé  par  son 
éternelle  névralgie,  il  craint  d*ètre  tué,  redevient  pacifique, 
accepte  un  peu  {dus  tard  de  reprendre  sa  femme  si  la  dot  est 
entin  ver>ée,  pardonne  sans  avoir  obtenu  un  sou  et  revient 
enlin  à  la  vie  conjugale,  ne  demandant  qu*à  être  en  paix  avec 
tout  le  monde.  Ses  embarras  d'argent  et  la  concurrence  gran- 
dissante du  Itonhcur  des  Dames  Tout  obligé  à  prendre  un 
associé  qui  sera  le  second  amant  de  Derthe.  (Pot-Bouille.) 

Son  magasin  est  dénnitivemenl  tué  par  la  concurrence. 
Va!>re  a  laissé  dans  le  quartier  le  souvenir  d'un  grand  serin  [20] 
(.1//  bonheur  des  Dames,) 

Vabre  (Madame  Auguste).  —  Voir  Josseraxd  (Berthe). 

Vabre  (Camille).  —  Fils  de  Théophile  Vabre  et  de  Valérie 
Louhctte.  On  assure  qu'après  deux  mois  de  mariage,  déses- 
pt  rée  de  voir  qu'elle  n'aurait  jamais  d*enfant  et  craignant  de 
iMMJre  sa  part  de  l'héritage  du  vieux  Vabre  si  Théophile  venait 
ï  niourii',  Valérie  s*est  fait  faire  son  petit  Camille  par  un  garçon 
l)oucher  [7<S].  L'enfai.t  désespère  les  honnes  par  sa  malpropreté; 
il  lail  caca  dans  la  cuisine  [::75]  (Pot- Bouille.) 

Vabre  (Clotildk).  —  Fille  du  notaire  Vabre.  Femme  de 
Duv(  yrier.  Elle  est  grande  et  belle,  avec  de  magnifiques 
•  lieveux  i.ioirs,  un  visage  long,  d'une  pâleur  et  d'un  froid  de 
nei^e,  des  yeux  gris.  Clotilde  a  une  passion  exagérée  pour  la 
:niisii[iie,  sans  aucun  autre  besoin  d'esprit  ni  de  cliair.  A  son 
itiano,  elle  est  comme  une    écuvère  sur  son  cheval,    mais  cet 


DES  KOCGON-MACQUAnT  iôl 

enthousiasme  qui  fait  de  la  maison  un  enfer  pour  Duveyrier, 
n'est  ^\\x'h.  (lotir  lie  peau:  Clotilde  chante  avec  une  expression 
passionnée,  (]u*cile  laisse  tomber  comme  un  masi|ue  dès  ia  tin 
du  morceau  [i'Mj].  La  jeune  femme,  qui  possédait  cent  mille 
francs  pnr  sa  mère,  devait  apporter  en  outre  une  dot  de  quatre- 
vingt  mille  francs,  mais  le  père  n'en  a  versé  que  div  mille;  les 
DuveyriiT  nllojnlent  toujours  le  reste,  ils  ont  même  recueilli  le 
vieux  Vabre,  roulant  l'avoir  sous  la  main,  l'intéressant  à  leur 
lils  Gustave  qu'ils  révent  de  faire  avantager  dans  la  succes- 
sion. 

Le  m»magft  vit  avec  une  correction  tout  extérieure.  Dès  la 
preuiicr  »  n:iit.  Clotilde  a  pris  son  mari  en  horreur,  dégoûtée 
dr  ses  taches  rouîmes;  elle  accepte  encore  parfois  Taliominable 
corvée,  avec  une  résignation  de  femme  honnête  qui  est  pour 
tous  les  devoirs,  assez  forte  pour  cacher  à  tous  la  haine  et  la 
répulsion  physique  que  son  mari  lui  inspire.  Mais  elle  tolère 
volontiers  des  maîtresses,  dont  les  complaisances  la  débar- 
rassent. Et  elle  ignore  si  peu  les  habitudes  extérieures  de  son 
mari  qu'elliî  envoie  Irnnquillement  Octave  Mouret  chez  (Clarisse 
Hocquel,  dont  elle  sait  Failresse,  pour  prévenir  Duveyricr  que 
le  vieux  Vjibrc  est  à  Tagonie.  Celte  femme,  égoïste  et  rapace, 
a  beau  être  iiulillerente  aux  plaisirs  des  sens,  elle  sait  par- 
failefiienl  s'entendre  avec  le  mari  dédaigné,  pour  frustrer  ses 
frères.  Elle  abandonne  un  instant  ses  attitudes  olympiennes, 
se  querelle  violemment  a\ec  sa  belle-sœur  Valérie  et,  devant 
la  m;«ig:'vur  de  l'héritage,  reste  inconsolable  d'avoir  inutilement 
nourri  le  vieux  pendant  douze  ans  [^83].  {Pot-Bon  il  le.) 

Vabre  (TnÉOiHiLE).  —  Second  lils  du  notaire.  Mari  de 
VîJÎérie  Louhelte.  Avorton  aux  cheveux  jaunes,  à  la  barbe 
clairsemée.  Dès  vingt-huit  ans,  c'est  un  petit  vieux  secoué  par 
des  qaiiil'js  de  toux  ei  de  rage.  Il  a  talé  une  douzaine  de 
métier^,  comniem'é  son  droit,  tenté  Tinîluslriechez  un  fondeur, 
essaye  C[r  i  ;idinini>tnttion  dans  le<  bureaux  du  Mont-de-Piélt'-, 
s'est  occupé  de  photographie,  a  cru  avoir  trouvé  une  invention 
pour  taire  marcher  les  voitures  toutes  seules;  enlin  il  place 
par  goiiîili  .'S>e  des  piano>-flù(es.  invention  d'un  de  ses  amis. 
Avec  ses  nie.'dbres  grêles,  sa  face  de  lille  ratée,  toussant  et 
trichant,  ^'relouant  la  lièvre,  vivant  dans  la  rage  éplorée  de 
son  impui-isaiH  ♦',  il  bail  sa  femme,  dont  les  ncrlsle  tuont  [<i5]. 
Troinj'j  pa"  elle,  il  s'agile  en  fureurs  ridicules,  se  lais>e  viio 
convaincre  Jerreur  «jI  termine  su  courte  révolte  en  demandant 


158  LES  PERSONNAGES 

parJoii.  <^  osl  un  pauvre  caractère.  Devant  son  père  mort  d*unc 
attaque,  il  $*éaieut  en  pensant  qu'il  mourra  peut-être  de  la 
mèaio  maladie  [^05].  Les  malheurs  conjugaux  de  sud  frère 
Au^Hi>te  lui  inspirent  une  commisération  où  perce  la  gaieté:  il 
es!  enchanté  de  n'être  plus  le  seul  homme  ridicule  de  la  famille, 
lùché  avec  les  Duveyrier  qui  ont  mal  agi  daus  des  affaires 
do  succession,  il  se  réconcilie  avec  eux  lorsqu'il  comprend 
que  son  iiilérèt  n'est  pas  de  bouder  davantage.  {Pot- Bouille,) 

Vabre  (Madame  Théophile).  —  Voir  Lochette  (Valérie). 

Vadon  (MAnGUEiiiTE).  — Vendeuse  du  rayon  de  confections, 
au  lîoiihenr  des  Dames.  Née  à  Grenoble,  où  sa  famille  tient 
un  commerce  de  toiles,  elle  a  dû  être  expédiée  à  Paris  pour  y 
cacher  une  faute,  un  enfant  fait  par  hasard  [62J.  Petite,  d'une 
mauvaise  chair  Manche,  avec  une  mine  innocente  et  dégoûtée, 
se  rouduisanl  très  bien,  elle  offre  un  parfait  contraste  avec  ce 
•rrand  cheval  de  Clara  Prunaire.  Marguerite  est  très  âpre  au 
gain  [1 10],  elle  prend  avec  les  clientes  une  voix  sèchement 
polie,  une  attitude  désagréable  de  fille  velue  de  soie,  frottée  à 
toutes  les  élégances  ilonl  elle  garde,  à  son  insu  même,  la  ja- 
iou>io  »'l  la  rancune  [1.%].  Après  quelques  années,  elle  retourne 
pivii.lre  la  direction  du  petit  magasin  de  Grenoble  v.l  se  marie 
ià-ic's.  avec  un  cousin  qui    l'alteudait  [i^l].  iAu  Bonheur  des 

"Valençay  (Baron  de).  —  Aide  de  camp  de  l'empereur. 
Epou>o  la  lille  aînée  de  la  comtesse  de  Drétigny  [310]. 
(L  Assommoir.) 

"Valençay  (Paule  de).  —  A  dix-neuf  ans,  très  riche,  mira- 
ru  ltr.><-' meut  belle,  mademoiselle  de  Valençay  épouse  le 
niaTijn  s  .1  an  XII  de  Ilautecœur.  Neuf  mois  après,  ellemeurt  en 
«•ou'liv-,  h'issaul  un  fils,  Félicien  [Go].  (Le  Réce.) 

Valentin.  — Fils  de  Guiraude,  frère  de  Sophie.  Son  père, 
oiivrirT  ta  iiieur,  tst  mort  phtisique.  A  vingtclun  ans,  Valentin, 
<|ui  .  \'k\i  dans  le  contact  quotidien  du  père,  est  chétif,  les 
cil -v-'iiv  et  la  barliC  rares,  les  pommettes  saillanl»*s  ft  rosées 
:i;i:.-  u;.  leiîil  de  cire.  Le  docteur  Pascal  parvient  à  rciarder  la 
«il! -;rj}.}.e  par  (Il'S   piqûres  de  substance  nerveuse,   mais  Va- 

v/'wi  iiii'uri  Je  la  phtisie  hérédilaire  [-11],  pendant  que  sa 
SM'iii's  éjjiappé'i  au  milieu,  grandit  en  santé  et  en 
ii'.'i'ii'-.  [L':  Djct'.'ur  Pascal.) 


!•.' 

^■T''. 


DES  ROUCON-MACQUART  15J 

Valério  II.  —  Cheval  de  l*écurie  Corbreusc.  Court  dans  le 
Tirand  Prix  de  Paris.  Petit,  très  vif.  Couleurs  de  Têcurie,  vert 
tendre  liseré  de  rose  [io9j.  {Nana.) 

Vallagnosc  (Madame  de).  —  D'une  vieille  famille  de 
Plassans.  Veuve  et  ruinée,  n'ayant  pour  vivre  que  les  débris  de 
son  ancienne  fortunei  elle  est  restée  là-bas  avec  ses  deux  filles^ 
tandis  que  son  fils  Paul,  honteux  de  roanp^er  le  pain  des  trois 
femmes,  se  plaçait  à  Paris,  dans  un  ministère  [77].  (Au 
Bonheur  des  Dames,) 

Vallagnosc  (Paul  de).  —  Un  ancien  camarade  de  collège 
d'Octave  Mouret,  à  Plassans.  Grand  garçon  paie,  d'une  pauvreté 
de  sang  distinguée  [75].  Dernier  rejeton  d'une  vieille  famille 
parl»;ii:iiilaire,  de  petite  noblesse  ruinée  et  boudeuse,  il  a  été 
un  fort  en  thème,  tonjours  premier,  donnéen  continuel  exemple 
par  le  professeur,  qui  lui  prédisait  le  plus  bel  avenir,  tandis 
qu'Octave,  à  la  queue  de  la  classe,  pourrissait  parmi  les 
cancres,  heureux  et  gras,  se  dépensant  au  dehors  eu  plaisirs 
violents.  1/histoire  de  Paul  est  celle  des  garçons  pauvres,  qui 
iToient  devoir  à  leur  naissance  de  rester  dans  les  professions 
libéral'.s,  ot  qui  s'enterrent  au  fond  d'une  médiocrité  vaniteuse, 
heureux  encore  quand  ils  ne  crèvent  pas  la  faim,  avec  des 
diplôihcs  plein  leurs  tiroirs.  Lui,  a  fait  son  droit  par  ti'adition 
de  famille  et  est  venu  occuper  une  petite  place  au  ministère 
de  l'intérieur,  où  il  se  tient  enfoui,  comme  une  taupe  dans  un 
trou;  il  y  gagne  trois  mille  francs  [77]. 

D'avant  les  ardeurs  du  passionné  Octave  Mouret,  il  prend  une 
pos«^  Je  fatigue  et  de  dédain,  mélange  d'affectation  et  de  réel 
épuisement  de  race  :  la  vie  ne  vaut  pas  tant  de  peine,  rien  n'est 
drôle,  tout  arrive  et  rien  n'arrive,  autant  rester  les  bras 
croisés.  Un  moment,  il  a  rêvé  de  littérature,  et  il  lui  est  resté 
de  sa  fréquentation  avec  des  poètes  une  désespérance  univer- 
ïoilc;  toujours,  il  conclut  à  l'imitilité  de  Tcfforl,  à  l'ennui 
des  heures  également  vides,  à  la  bêtise  finale  du  monde  [79]. 
<!et  a!j.i  du  néaiil  ne  consent  pas  à  s'étonner  devant  les  ma- 
gnificences (lu  Bonh'ur  des  Dames,  car  après  tout,  pense-t-il 
-ians  sa  nonchalance  de  pessimiste,  ce  n'est  jamais  que 
heaucoiip  de  calicot  à  la  fois  [137]. 

H  luel  une  sorte  de  fanfaronnade  dans  l'immobilité  de  son 
existeiiCe,  toutes  les  jouissances  ratent,  vivre  est  inepte  et,  si  l'on 
î:e  Se  luc  pas,  c'csl  par  simple  paresse,  pour  éviter  de  se 
déranger;  au  fond,  il  n'y  a  peut-être  que  le  mal  qui  soit  un 


liJi  UKS  l'KIISONSVCtS 

(■eu  ,\ri>lv  IW»].  Pom-lanl,  Jcvcnu  L;  iiiiin  Je  lilunclie  d^  lîoves, 
ipi'il  .1  r'-iuiii-j^i-  sans  cmljalleineiil,  pour  fir-;  npi'calilena  i-^re, 
il  '*'{iriiiiv>t  uni'  rude  sccoussi^  ilevnnt  la.  i-Diiilcsse.  sur|>rise  eu 
lln;;riiii  lii-lil  <it  vol.  Celle  rtvùlaltoii  le  fait  [ikut-er,  il  ne  (itul 
f-'ilii',!)!''!'  sn  l'Iiiloscijjliie  co  ni  [ira  mise,  iciiitc  soir  éilui^alion 
liotit-cui^ii' reiiail  en  iiidî^naiioNs  lerlueuîcï  coiilre  su  li*I!e- 
nii'ip';  ri  l'cfl  en  vnin  qu'OcInve  Jlourei  lui  rap|>dle  ses 
niii'i'  tiiics  iiiD\inics  :  ilùs  (|ue  ]'t;:(|>êrieiii;e  est  tuiiiliêc  sur  lui, 
nu  iii'iiii'Ire  <'flli:uri^mfnl  de  la  iiiisr-rc  humnine,  doiil  il  ric.-imiil 
.'i  IimM,  le  ^ceiniiiiie  riiiiraron  s'esl   uliallu  el  n  Joigne  [âlâ]. 

{.I.r  U.j:.I.:-i-  JfS  DllUieS.) 

VaUagnosc  (Mmiaue  Paul  bv.i.  —  Voir  Pmv::*  (Llasv.hï 
îtn 
Valqueyraa  (Comte  de).  —  l'areiil  du  niarquii  da  Carnn- 

v,\mI.  r.i  iFnidlli  dans  son  liùlel  ou  quartier  Saint-Marc,  à 
l'l.ir-,iii>j;!.'l].  (/,((  Fortune  dei  Rougon.) 

r,tr<-iit  i1:i  Ljiartiuis  Je  Lngrifoul.  député  de  l'iassans.  Le 
rcioii    dans   sou   liel    IiûIl-I  du   quartier   Sainl-.Marc,  lorsque 

[.ii;;r;;i'iil,  r[!ii  lialiite  La  l'aluil,  vient  toir  ses  élecleur;  [3ÙÎ*]. 
(/.'(  C:i<',u.:i,- lie  Phissmis.) 

ValqueyrasiMAiiQUliE  de).  —  En  IS73,  elle  reste  l'unique 
i-r^pi.  ;  niiiii-  ri'uii.'  in'-s  iiiicicnne  ramille;  fort  ricliu  el  d'oue 
ai.iLi.  L'  ■■.■l.-'i..c,  veuve,  avec  une  (illetle  de  dix  nu?.  La  mar- 
i]iii>i  ijil>iu-à  i'iassnns,  au  i)as  du  cours  Sauvairc,  l'antique 
lii'iti''  (aiiiili.il,  une  coustruclion  nionumcnlale,  dti  temps  de 
M:i/:i''iii.  Li'  dnrteur  Pascal,  venu  |-nur  demander  ses  liouo- 
r^iiic-  .'i  i'-IIl-  vieille  avare,  se  laisse  itnier  par  elle  el  ne  sait 
pl^  i<ia>';:'  uwi  consuliation  gr.iluilu  à  la  demoiselle  [2Glij. 
;;,'■  li'<cl-"i-  Pn'^cal] 

Vanderhaghen.  —  Médecin  de  la  Compagnie  des  mines 
i\-j  Mip  ,i-.'  I.  Tu  pi-lit  liouinie  pressé,  ttra-é  dt  lit-so^iie  el  qui 
du:iip.'  -I  -  <  liii-  iliaiLoiis  en  couranl.  Tutoie  loui  l^^  nionJe. 
\u\  Ip-hiii:!'-  qui  ne  iK'rnieut  plus  et  qui  ont  mal  |i»rti}ul,  i! 
r.'i.rn;  I  iji'r'll."  jioivent  trop  d i    :  I- ■    ;  ,■/,-   i]  ;i  o.it  des 

svl.'i   11  M.iii-u.l.'.  doiil  un  lils  a  n,  ' .■■  <  dans  un 

él)..'il uMI  Uii  ilil  que  le  p.-lil   ..r    n  ,■■.!  i   :<    i.-r  ;2i:],  cl, 

div.ii.i  Aliir- M.ilieu  morte  de  faim,  il  dci;U'it:,  toujours  cou- 
r;iiii.  jui'  li.'^  niiui'urs  ont  liieii  lorl  de  l'appeler,  car  cVsi  de  la 
ïiaii.i  -  qu'il  leur  faut  pour  les  guérir  ;117].  {Germîi.al.i 


DES  HOUGON-MACQUAUT  46! 

Vandeuvres  (Comte  Xavier  de).  —  Le  dernier  d'une 
granule  race,  féminin  el  spiriluel.  C*esl  un  lioaim<*  ihiet,  très 
soigné,  d'une  nire  distinction.  Rien  n\npaise  ses  appétits;  son 
écurie  de  courses,  une  des  plus  célèbres  de  Paris,  lui  coule 
un  argent  fou;  sesp<*rlps  au  Cercle  Impérial  se  chilfrent  chaque 
mois  par  un  nombre  de  louis  inquiétant;  ses  maîtresses  lui 
dévorent  bon  au  mal  an  une  ferme  et  quelques  arpents  de  terre 
ou  de  forêts,  tout  un  lambeau  de  i>es  vastes  domaines  de 
Picardie  [TU].  Et  il  achève  sa  fortune  avec  .Nana.  C'est  un  coup 
de  lièvre  chaude,  il  a  comnie  uue  hûte  de  tout  balayer,  jus- 
qu'aux d»'!ombres  de  la  vieille  tour  bâtie  par  un  Vandeuvres 
sou-  l'lii:ippe-Augu>le,  irouvant  beau  de  laisser  les  derniers 
liesints  (for  de  son  blason  aux  mains  de  cette  tille,  que  Paris 
désire  (ni*)].  • 

A  la  Veille  île  la  ruine,  le  comte  devient  nerveux,  avec  un  pli 
cassé  ()e  la  bouche  et  lie  vaLillanles  lueurs  au  fond  de  ses  veux 
claire  ;  mais  ii  ga!<le  une  hauteur  aristocratique,  la  fine  élé- 
gance de  >a  race  aj>pauvrie;  et  ce  n*est  encore  par  UKunenls, 
qu'un  court  vertige  tournant  sous  ce  crâne  vidé  par  le  jeu  et 
les  fe^llnc^  [3TUj.  11  joue  sa  dernière  carte  au  Grand  Prix;  si 
ses  ciievaux  ne  gagnent  pas,  s'ils  lui  emportent  encore  les 
soniMies  coiisiilêrables  pariées  sur  eux,  c'est  un  désastre,  un 
écroulement  [i«Mi].  Le  comte  de  VanJeuvres  ne  résiste  pas  à  la 
tentation  du  coup  suprême  qui  peut  le  sauver  :  faire  de  son 
cheval  Lusignan  le  grand  favori  et,  sous  mains,  jouer  sur  sa 
pouliche  Nana,  systématiquement  dépréciée  depuis  deux  ans 
el  doni  personne  ne  veut.  L'affaire  réussit,  c'est  un  gain  de 
douze  cent  mille  francs.  Mais  Vandeuvres  a  tout  gâté  par  une 
plate  bêtise,  un<.'  négligence  qui  prouve  bien  sa  fêlure,  l'oubli 
d'avertir  le  book  laker  Maréchal  [41U].  Exclu  des  champs  de 
courte:,  exécuté  le  soir  même  au  Cercle  Impérial,  le  comte, 
qui  liepuis  longtemps  rêvait  une  iin  releiitissante,  se  fait 
llamnoi-  dans  son  écurie,  avec  ses  chevaux  [i20j.  {Xnita.) 

Vandorpe.  —  Chef  de  gare  à  Paris  (chemin  de  fer  du 
H  a  vre  )  ['So] .  [La  Bèt  c  h  h  m  a  in  c .  ) 

"Vanpouille  (riiKCESi.  — Fourreurs,  rue  Neuve-iles-Petits- 
Clia:iips.  Ne  peuvent  teiiii'  le  coup  devant  la  conciuTence  du 
lîonh'ur  des  Darnes  [•2^].  lis. sont  oliligés  de  sous-loaer  une 
parii-;  de  leurs  magasin?  ['JGH]    {An  Bonheur  des  Dames  ) 

Vanska  Cumtessk).  —  Mondaine  fort  riche.  Elle  a  chanté 
dans  les  cours,  avant  de  se  faire  épouser  par  un  Polonais  qui 

39. 


i(2  LKS  PEIÎSONNACES 

In   bat,  dit-on  [^1«^].  Elte   conserve    des  mœurs  galantes  et 
accorde  ses  baisers  à  prix  lixe  [129].  [La  Curée.) 

Vanzade  (Madame).  —  La  veuve  d'un  géuéral.  C*est  une 
vieille  dame  très  riche,  presque  aveugle,  impotente.  £lle 
habite  ù  Passy  un  petit  hôtel  silencieux  et  fermé,  où  Texisteoce 
passe  régulière,  avec  le  tic  tac  alfaibli  des  vieilles  horloges  ; 
les  deux  serviteurs  antiques,  une  cuisinière  et  un  valet  de 
chambre,  sont  depuis  quarante  ans  dans  la  famille  ;  de  loin  en 
loin,  vient  une  visite,  quelque  général  octogénaire,  si  desséché 
qu'il  pèse  à  peine  sur  le  tapis;  c'est  la  maison  des  ombres,  le 
soleil  s*v  meurt  en  lueurs  de  veilleuse,  à  travers  les  lames  des 
Persiennes  [1-1].  C'est  à  madame  Vanzade  qu'une  ancienne 
amie,  la  niôre  des  Saints-Anges,  envoie,  comme  liemoiselle  de 
compagnie,  Tardente  Chrisline  Hallegrain,  qui  devra  lire  inler- 
niinahleinent  des  livres  de  piété  ;  mais,  étouÛant  dans  cette 
demeure  close  et  rigide,  Chrisline  unit  par  s'enfuir,  quoique 
sa  maîtresse  la  traite  doucement,  la  comble  de  cadeaux  et 
l'appelle  sa  fille  [12^].  Madame  Vanzade  meurt  quatre  ans 
après  et  ses  millions,  qui  eussent  peut-être  doté  Christine, 
passent  aux  hospices,  sauf  une  rente  que  les  deux  vieux 
serviteurs  mangent  en  petits  bourgeois  [289].  (L'Œuvre.) 

Vaquez  (Judith).  —  Un  modèle  qui  habite  09,  rue  du 
lioclier.  Ji'cst  une  grande  juive  assez  fraîche,  mais  trop  maigre 
[oô].  (L'Œuvre.) 

Vaucogne  (IIectop.).  —  Mari  d'Estelle  Badeuil.  Lors  de 
son  mariage,  Vaucogne  était  un  jeune  employé  d'octroi,  joli 
garçon  ï;àlant  de  belles  qualités  par  une  paresse  extraordinaire. 
Quand  les  parents  de  sa  femme  se  sont  retirés,  il  a  repris  leur 
maison  publique,  niais,  dépourvu  du  sens  administratif,  il  a 
laissé  toute  la  besogne  à  Estelle,  passant  ses  journées  à  fumer 
des  pipes,  ne  veillant  pas  à  la  casse,  montant  parfois  avec  une 
fcMime,  mangeant  l'établissement  de  toutes  les  façons.  Après 
la  mort  d'Estelle,  il  u«:glige  tout  à  fait  le  19,  on  se  bat  dans 
les  roiil-'irs,  on  ne  paye  même  plus,  tant  la  surveillance  est  mal 
faite;  Ih'ctor  pousse  rineonsciencc  jusqu'à  aller  au  café,  au 
grand  scandale  de  ses  beaux-parents  [340].  11  finit  par  se 
luire  évincer  au  profil  de  sa  fille  Êlodic,  en  qui  se  retrouve  heu- 
reuscnioi.t  le  sang  des  Charles  [192].  {La  Terre.) 

Vaucogne  (Madame  Hector).  —  Voir  Dadeuil  (Estzlle.) 

Vaucogne  «Élodie  .  —  Fille  d'Hector  Vaucogne  et  d'Estelle 


DES  UOLCON-MACQUART  463 

Badeuil.  Pclite-nile  de  31.  cl  Madame  Charles.  Elle  avait  sept 
ans  lorsque  ses  parents  ont  repris  la  maison  publique  du  grand- 
père.  Ou  Ta  mise  alors  dans  un  pensionnat  de  Cliàteaudun, 
chez  les  sœurs  de  la  Visitation,  pour  y  être  élevée  religieu- 
sement, comme  Ta  été  sa  mère,  selon  les  principes  les  plus 
stricts  de  la  morale.  Ses  grands-parents  la  reçoivent  en 
vacances.  Mangée  de  chlorose,  trop  grande  pour  ses  douze 
ans,  elle  a  la  laideur  molle  et  bouffie,  les  cheveux  raros  et 
décolorés  do  son  sang  pauvre,  si  comprimée  d'ailleurs  par  son 
éducation  de  vierge  innocente  qu'elle  en  est  imbécile  [ii];  le 
grand  air  de  la  campagne  semble  Tanémier  encore  [18U].  Par 
un  pieux  mensonge,  on  a  transforme  pour  elle  le  19  en  une 
boutique  de  conhserie  où  ses  parents  sont  si  occupés  qu'ils 
ne  peuvcMil  la  recevoir.  Mais  Victoriue,  une  bonne  renvoyée 
pour  sa  perversité,  l'a  renseignée  depuis  longtemps  et,  lorsqu'à 
di\-i)uit  ans,  Hlodie  est  demandée  en  mariage  par  son  cousin 
Eriicsl  Delhomme,  elle  entend  succéder  aussitôt  à  sa 
mère,  qui  vient  de  mourir.  Très  grande,  très  mince,  d'une 
pâleur  lie  lis  qui  végète  à  Tombre,  cette  vierge  aux  yeux  vides, 
aux  clii'veux  incolores,  parle  avec  sérénité  du  niétier  où  se 
sont  illMhlrés  les  siens;  et  à  peine  débarquée  k  Chartres,  elle 
se  iiiiMilre  élonnanle,  aussi  énergique  et  maligne  que  son  mari. 
Les  Charles  peuvent  être  rassurés  sur  le  sort  du  19,  leur 
peiile-liile  a  le  don  [510].  (La  Terre) 

Vaugelade  (Uuc  de).  — Ancien  maître  du  valet  de  chambre 
Gourd  [}*j].  {Pot'BouUle,) 

Venot  (Théophile).  —  Un  ancien  avoué  qui  a  eu  la  spé- 
cialité des  procès  ecclésiastiques  et  a  fait  sa  fortune  en  servant 
les  Jé^uiles.  Il  s'est  retiré  avec  de  belles  renies  et  mène  une 
existence  as>ez  mystérieuse,  reçu  partout,  salué  très  bas,  même 
un  peu  craint,  comnie  s'il  représentait  une  grande  force,  une 
force  CMfulle  qu'on  sent  derrière  lui.  C'est  un  petit  homme  de 
soixante  ans.  avec  des  dents  mauvaises  et  un  sourire  fin.  11  se 
nioiilft'  très  humble,  est  marguillier  à  la  Madeleine  et  a 
simplement  acc<*j»lê,  pour  occuper  ses  loi.sirs,  une  situation 
d'adjoint  à  la  mairie  du  neuvième  arrondissement  [70]  ;  mais 
avec  sa  mine  «iouce  ei  jrrasse,  c'est  un  terrible  monsieur,  qui 
trempe  dans  tous  les  tripotages  de  la  prètraiile  [-(M>].  Installé 
chez  les  Mullat  comme  chez  lui,  écoutant  tout  le  inonde,  ne 
lâchaul   pas   une    parole,    souriant    toujours,   il   surveille   les 


i«;i  LES  PERSONNAGES 

évt'iienients,  ayant   Tunique  souci  de  les   faire  tourner  à    la 
gloirv  tiii  ciel. 

(jaanii  il  voit  le  comte  Muflal  sur  la  pente  du  vice  qui  va  le 
ruiner  cl  Tavilir,  monsieur  Venol  ne  sourit  plus,  il  a  le  visage 
tornux,  des  yeux  d'acier  clairs  et  aigus  [93].  11  prodigue  à 
Miillat  les  meilleurs  arguments  contre  les  tentations  de  la 
eliair,  puis  feint  de  s'incliner  devant  la  volonté  de  Dieu,  qui, 
«iitil  religieusement,  prend  tous  les  chemins  pour  assurer  son 
triomplie  [±2o].  Avec  la  conscience  très  nette  de  son  impuis- 
sance, il  accepte  tout,  la  passion  enragée  du  comte  pour  Nana, 
la  |>iê-ence  de  Fauchery  prés  de  la  comtesse,  même  le  mariage 
dT>ielle  et  àe  bii^'uenet.  Plus  la  situation  s'aggrave,  plus  il 
devioni  soupie  et  mystérieux,  nourrissant  Fidéc  de  s'emparer 
(la  jeune  uiéna,;e  comme  du  ménaj(e  désuni,  sachant  bien  que 
lus  ;:rands  déionlres  jettent  aux  grandes  dévotions  [i-i3].  Pour 
rai'iuo-lier  le  comte  et  sa  femme,  il  n'hésite  pas  à  mettre 
.Nana  ilans  son  jeu,  il  la  supplie  de  rendre  le  bonheur  à  une 
famille  [iiSI].  il  se  fait  tolérer  chez  elle  afin  de  surveiller 
MulTai  [i7<>],  et  entin,  quand  tout  semble  perdu,  quand  la 
liunte  et  la  ruine  accablent  le  comte,  il  le  sauve  du  scandale 
et  1''  console  par  un  retour  définitif  aux  pratiques  religieuses. 
{y  a  II  a,) 

Verdier  (HAiiON).  —  Propriétaire  d'une  écurie  de  courses. 
lai:  courir  Sun  cheval  Frangipane  dans  le  Grand  Prix  de  Paris 
^  '>^>i;.  iXana.) 


•'     j 


Verdier.  —  Un  avocat  de  quarante  ans,  qu'Hortense 
,lo>>«'ianil  jug'-  très  fort  et  par  qui  elle  veut  se  faire  épouser.  Il 
vit  depuis  quinze  ans  avec  une  maîtresse  qui  passe  pour  sa 
feni:n«;  dans  le  quartier,  une  bonne  fille  qui  s'est  rangée,  le 
s<'i;: liant,  veillant  à  son  linge;  quant  à  lui,  il  fait  des  appa- 
riiions  dans  les  soirées,  on  le  voit  en  conversations  mvsté- 
rieu<«»s  et  rapides  avec  llortense,  qui  n'a  aucun  doute  sur  un 
}!o  iiain  mariage  et  pousse  tranquillement  au  renvoi  de  la 
niii  ie>se.  Uaburd,  Vei'dier  a  acheté  des  chemises  à  celle-ci, 
}  '>u.  «pfeile  ne  s'en  aille  pas  nue,  puis  il  l'accoutume  à  l'idée 
ù  une  rupture  en  découchant  trois  fois  par  semain-,  mais  au 
LuiiiHiii  décisif  un  enfant  survient;  alors,  Hortensc  espère  que 
hv  iJliette  ne  vivra  pas,  elle  la  dit  toute  scrofiileusc;  elle 
D'  <•.  m|  •  seuJeiiienl  que  le  mariage  soit  reculé  au  printemps, 
V<j!\l  e."  ne  pouvant  pas  jeter  la  femme  et  l'enfant  à  la  rue  en 
1  Iciii  hiver  [i'J.iJ.  {Pot'Ùouillc.) 


lïES  lîOLT.ON-MACQrART  405 

Verdonck.  —  Épicier  û  Moiitsou.  Un  pctil  dêtaillarit  dont 
le  coinmtM'ce  est  atteint  par  la  concurrence  de  Maigrit.  11  fait 
cré«lit  pendant  une  sonmine  aux  prrévistea,  dans  fespoir  de 
relrouver  son  ancienne  clientèle  [:28l].  (Germinal.) 

Verlaque.  —  Inspecteur  à  la  marée.  Petit  homme  pùle, 
toussant  beaucoup,  emmailloté  de  flanelle,  de  foulards,  de 
cuclic-nez  ;  il  a  des  jambes  maigres  dVnfant  maladif.  Lodenr 
du  poisson  lui  faisant  mal,  il  va  se  reposer  à  Clamnrl  [1:2:)]  cl 
se  fait  suppléer  par  Florent,  qui  lui  abandonne  génùreusemcnt 
une  partie,  puis  la  totalité  de  ses  appointcroenls.  VVrlaquo 
meurt  dans  une  agonie  affreuse  [32â].  (Le  Ventre  de  Puris.) 

Verlaque  (Madame).  —  Petite,  molle,  tn-s  lurmoyantf. 
Ou:ind  Fl'iront  vient  rendre  visite  à  Verlaque  et  lui  rcni'M  1rs 
cinquante  francs  qu'il  lui  .'sbandonne  chaque  mois,  elle  lac- 
eriliîe  de  conversatioi:s  dolentes,  l'apitoie,  obtient  qu^*  le 
sccour.<  soit  doublé  ;  puis,  dans  Tintervalle  des  visites,  elle 
l'crii  S'Hivent  à  celui  qu'elle  nomme  son  sauveur,  lui  soutirant 
ainsi  d>'  petites  sommes  qu'il  envoie  par  la  post<'.  Les  cent 
cin4|uantt*  francs  mensuels  du  bon  Florent  passent  ainsi  au 
mênajre.  Li-  j(uir  de  Penterrcment  de  son  mari,  madame  Ver- 
la({ue,  la  voix  larmoyante,  mais  sans  une  larme  aux  yeux,  fait 
payer  jmr  Florent  le  cercuei!  et  le  convoi,  jusqu'an  pourboire 
(les  cro  jue-morts,  et,  au  moment  de  partir,  elle  le  regarde 
d'un  air  si  navré  qu'il  lui  laisse  vingt  francs  [3i3].  (Le  Ventre 
(le  Paris.i 

Vernier.  —  Critique  d'art.  A  publié  une  étude  sur  le 
peintre  Fagerolles.  Jory  assure  que  cet  article  ne  fait  que 
répéter  les  siens  ['lot)],  (L'Œuvre.) 

Véronique.  —  Servante  des  Chauleau.  Entrée  chez  eux  à 
l'àgc  de  quinze  ans  [3].  Grande  fille  avec  des  mains  d'homme 
et  une  face  de  jrendarme,  joues  a  peau  rnde.  Fantasque  cl  vio- 
lenle.  (l'un  naturel  jaioux,  lonjours  furieuse  conlre  quelqu'un, 
Véroiii'!îîe  a  ]»onr  ses  iriaitres  un  dévouement  de  béh-  de 
soinni'*.  Lors  de  Tarrivée  «le  Pauline  Qucnu,  l'il»;  est  dans  la 
n)aison  d-puis  vingt  ans.  D'abord  hostile  à  lanouvelie  venue, 
}»leine  de  colère  conlre  l'iiilruse,  elle  se  laisse  prendre  peu 
à  peu  par  le  cliarni»*  de  l'eni.inl,  voit  les  manigance^  «lunt  Pau- 
line e>l  l'objet,  se  révolte  contre  l'égoïsme  des  Clianlean  et 
dénonce  iMilin  à  la  jeune  lille  leurs  basses  nianœuvr.'s  [l'*"»]. 
Puis,  à  la  mort  de  madame  Chanteau.  une  nouvelle  révolution 


400  LES  l'ERSONNAGES 

s'opère  en  elle;  le  retour  de  Louise,  son  mariagre  avec  Lazare, 
la  naissance  du  petit  Paul,  les  sacrifices  continus  de  Pauline, 
auxquels  Véronique  ne  peut  rien  comprendre,  achèvent  de  la 
dL'lrai]uer,  elle  linit  dans  son  désarroi  par  se  pciidre  à  un  poi- 
rier, dau<  le  fond  du  jardin  [447].  {La  Joie  de  viire.) 

Vial  «Abué).  —  Second  grand  vicaire  du  diocèse  de  Plas- 
sans.  Sa  place,  qui  va  devenir  vacante,  a  été  promise  à  Tabbé 
llûurrette  [100];  elle  est  donnée  à  Tabbé  Faujas  [;Uo].  {La 
Conquête  (le  Pla8san$.) 

Vial  iMÉLANiE)  (1).  —  Seconde  femme  de  Jean  Macquarl. 
Fille  uni*{ue  d*un  paysan  aisé;  c*est  une  robuste  campagnarde. 
Grosse  des  la  nuit  de  noces,  elle  est  accoucliée  d'un  superbe  gar- 
çon, puis  de  deux  <iu(res  en  trois  ans,  dans  un  de  ces  cas  de 
récuntiilé  pullulante  qui  ne  laissent  pas  aux  mères  le  temps 
d*;illaiier  leurs  petits  [130].  (Le  Doctenr  Pascal.) 

Vian.  —  Maître  charron,  établi  dans  Timpasse  Sainl-Mittrc, 
voisin  d'Adélaïde  Fouque.  Il  prend  en  apprentissage  le  jeune 
SiUcre  Mourel  [166].  <7esl  un  brave  homme,  qui  défend 
Miette  contre  la  méchanceté  locîile  [-15],  {La  Fortune  des 
hougon.} 

Victoire.  —  Cuisinière  des  Canipardon.  Vieille  femme  de 
soixaiile-ùi\  ans,  débordante  de  graisse.  Elle  n'est  plus  très 
propre  à  cause  de  son  grand  âge,  mais  elle  a  vu  naître  mon- 
sieur, cVst  une  ruine  de  famille  que  les  maîtres  respectent 
['1\].  Llle  raconte  à  l'oflice  les  vieilles  histoires  des  Canipar- 
don el  s'entend  bien  avec  la  femme  de  chambre  Lisa,  chacune 

•rûtégearii  le  vice  de  l'autre.  Celui  de  Victoire  est  l'ivrognerie 

;io:j].  [Poi-Bouille.) 

Victoire  (La  mère).  —  Femme  du  chauffeur  Pecqueux.  A 
clé  autre  lois  la  nourrice  de  Séverine  Aubry,  qui  venait  de  cou- 
ler la  vie  à  sa  mère.  Plus  tard,  mariée  avec  Pecqueux,  vivant 
mal  à  Paris,  d'un  peu  de  couture,  exploitée  par  son  mari  qui 
mangeait  tout,  elle  a  renconiré  sa  fille  de  lait,  et,  par  elle,  est 
de\'.nue  la  protégée  du  président  Grandmorin.  Celui-ci  lui  a 
ul>tt-iiu  un  poste  à  la  salubrité,  la  garde  des  cabinets  de  luxe 
;.  la  gare  i>aint-Lazare,  le  côté  des  dames,  ce  qu'il  y  a  de 


!'  Mchn.ie  Vialy  pnyS'Diue  forte  et  saine,  mariée  e^  ISTl  à  Jean 
Mii'.'judit,  veuf  de  Françoise  Mouche.  (Arbre  fjcuc^htgifjvc  des 
llov'joh'}î-::quart.) 


DtS  nOLCON-MACQUAlîT  407 

meilleur;  la  Compagtn'i  ne  donne  que  cent  francs  par  an,  .lais 
elle  s'en  fait  près  de  quatorze  cents  avec  la  rccclle,  s.ii^.s 
compter  une  chambre  de  l'impasse  d'Amsterdam,  où  elle 
est  même  chautréc,  et  que  les  Rouhaud  utilisent  comme  pied  à 
terre  lorsqu'ils  passent  une  journée  à  Paris  [12].  Devenue 
énorme,  difficile  à  remuer,  elle  glisse  des  pièces  de  cent 
sous  dans  les  poches  de  Pecqueux,  afm  qu'il  prenne  du  plaisir 
au  dehors.  Très  économe,  vivant  chichement  elle-même,  Vic- 
toire, qui  accepte  le  second  ménage  du  Havre  et  qui  traite  son 
mari  maternellement,  répète  volontiers  qu'elle  ne  veut  pas  le 
laisser  en  all'ront  là-bas;  môme,  à  chaque  départ,  elle  veille 
sur  son  linpr.*,  car  il  lui  serait  très  sensible  que  l'autre  femme 
l'aciusô  de  ne  pas  tenir  leur  homme  proprement  [îSO].  Devenue 
impotente  à  la  suite  d'une  foulure,  elle  lâche  son  poste  Je  la 
salubrité  et  se  fait  admettre  dans  un  hospice  [HS'*].  {La  Béte 

Victorine.  —  Cuisinière  de  Nana.  Elle  est  mariée  à  Fran- 
çois, le  concierge  et  valet  de  pied  [313].  {Nana,) 

Victorine.  —  Une  bonne  des  Dadeuil,  retirés  à  D  ^nes. 
C'est  par  «lie  que  la  petite  Elodie  Vaucogne  a  été  renseignée 
sur  If  cofiunorce  de  ses  parents.  Victorine  est  renvoyée  pour 
inconihiiic  [100].  {La  Ferre.) 

Vigoureux.  —  Charbonnier  rue  de  la  Goutte-d'Or.  Vend 
il  Gervaise  son  coke  au  prix  de  la  Compagnie  du  gaz  [ioZ]. 

{L\\S^om/."'ir\) 

Vigoureux.  —  Marchand  de  marrons.  Est  installé  rue  (^e 
In  Mitliouêre,  dans  une  étroite  guérit»',  prise  sur  la  boutique 
d'uij  niajTli.-nd  de  vin  [U4].  {Au  Bonheur  des  Dames.) 

Vigoureux  (Madame).  —  Femme  du  charbonnier.  Voisine 
de  rnTvni>e.  ['élite  femme  frrasse,  la  f:»cc  noire,  les  veux  lui- 
soiîts,  fainéantanf  à  rire  avec  des  hommes  [ITI].  {LWssom- 
mon'.) 

Vinieux.  —  Petit  huissier  minable,  qu'on  charge  des  cor- 
vées dui;!  Min  confrère  d(;  Cloves  ne  veut  nas.  Dont  d'iioinme 
très  ma!|i'0[»rH.  un  pauuel  de  barbe  jaune,  d'où  ne  sorfeiit 
(ju'un  iirz  ru:ige  ei  des  yeux  chassieux.  Pcliie  voix  jrrè'e.  Tou- 
jours vi.hi  on  monsieur,  il  a  un  chapeau,  une  reilin;.'cle.  un 
païUaloii  noirs,  aliominaldes  d'usure  et  (Je  taches.  \  injt.ux  e<t 
rL'I..l»ie  li-u?   le  canlon,  pour  les  terribles  raclées  <iu*il  reçoit 


i  >  LKS  PEKSONNAfpES 

Jls  p.Mysans,  charjuc  fois  qu'il  se  trouve  obligé  d'inslruinenter 
contre  eux,  loin  de  lout  recours  [o2G].  (La  Terre.) 

Vincard.  —  Marchand  de  soieries  rue  Neuve-des-Pelils- 
('.i.aiiii'S,  pr.'s  du  passaj^e  Clioisi/ul  ;  un  magasin  propre  et 
il  ir.  «J'un  luxe  lout  moderne,  petit  pourtant  et  pauvre  de 
nj.tichnuiises.  Avec  ses  veux  ronds  et  sa  bouche  lovale.  Vin- 
ça  <1  a  I  air  franr,  la  mine  ouverte,  il  donne  sa  parole  d*bon- 
near  avec  la  facilité  dun  homme  que  les  serments  ne  gênent 
p  5.  «/esl  un  finaud  qui  joint  les  deux  bouts  avec  une  a?arice 
<i-  clii^'n  et  tjui,  batlu  en  brèche  j»ar  le  Bonheur  des  liâmes 
lève  <ie  vendre  son  fonds  avant  la  débâcle;  voulant  séduire 
H-'Mi:  au,  il  lui  présente  la  maison  comme  une  all;iire  ti'or 
01  -iiiîeiTonîpl  pour  geindre,  malgré  rôclat  d'une  ;.'ro5?e  santé, 
>•*  plai.:iianl  de  ses  sacrées  douleurs,  qui  le  forcent  à  manquer 
SI  ionijiie  ['20].  Le  coup  fait,  ses  riiumaiismes  ont  disparu. 
Avvc  les  quarante  niille  francs  de  Robineau,  il  a  pris  un  res- 
t  i\:raiil  à  N  incennes  ;  celte  idée  d'un  commerce  de  bouche,  où 
Voi:  p  ut  voler  à  l'aise,  lui  est  venue  après  la  noe  d'un  cou- 
si:  .  où  IViii  a  fait  payer  dix  francs  par  tète  des  pâtes  nageaiil 
<la..<  lie  l'eai  de  vaisselle  ['236].  (Au  Bonheur  des  Dames.) 

Vincent.  —  Tient  un  estaminet  dans  les  environs  de  Monl- 

5o;:  [".il  I].  {Germinal.) 

Vineuil  (CoMMANnANT  de).  —  Père  de  Gilberte.  Hetraité  à 
.!  !  ^'liIe  de  ses  blessures,  il  a  été  nommé  directeur  des 
Jo  nes,  à  Charleville.  Le  commandant,  hanté  par  la  mort  de 
-a  1  inine,  que  la  phtisie  a  enlevée  toute  jeune,  a  envoyé  Gil- 
|.ei!o  dans  une  ferme,  prés  du  Chènc-Populeux.  Il  meurt  après 
avoir  îDarié  la  jeune  lille  à  Tinspecleur  des  forêts  Maginot 
[l'Gj].  iLa  Dcbàcle.) 

Vineuil  (Colonel  de).  —  Frère  du  commandant.  En  1870, 
il  ■ '^aiiiaii'ie  le  lUG*  de  ligne,  de  la  brigade  Bourgain-bes- 
îcuiJijs  ^7'  cojps).  Le  colonel  a  un  grand  air  noble,  une  longue 
f  ict  j.r.'.'ie  (oiipêe  de  longues  monsiaches  tombantes;  ses  yeux 
Si./  îv -.Môs  très  noirs,  dfuis  la  blancheur  des  épais  cheveux  de 
;  '-i^'.  Le  juur  de  Frœschwiller,  le  10(3*  campe  à  deux  kilo- 
f.t  :  •>  ie  Mulhouse,  vers  le  Uhiu.  Le  lendemain,  7  août,  avec 
{•.'W".  la  ilivision,  déjà  démoralisée,  il  se  replie  vers  le  sud, 
c  ;  ':ie  /.  hanneniarie  et  rentre  le  soir  du  8  à  lielloit,  d'où  il 
«  :.:i!  ]>a;ii  «phtre  jours  auparavant.  Après  une  période  d*inac- 
r.oii  •-!  -.'  ujal  lise,  dans  l'attente  d'ordres  supérieurs,  on  part 


iiKs  r.(iii.ox-MA(:QU.vr.T  4r.y 

lo  18  pour  rejoindre  Tarmêe  de  CliAlons,  en  passant  par 
Langres  el  Taris.  Le  :21  août,  le  100*  est  à  Heims,  il  va  prendre 
part  it  la  marche  sur  Verdun  et  Metz,  qui,  hientOt  déviée  dans 
la  direction  de3  Ard^^nnes,  al)Outira  au  cul-de-sac  de  Sedan. 
Cet  aclicininemeul  de  quatre  corps  d'armée  vers  Tabime  sera 
rendu  plus  poignant  par  la  présence  du  souverain  qui,  n*ayant 
fins  de  place  dans  son  empire,  va  être  emporte  comme  un 
paquet  inutile  et  encombrant,  parmi  les  bagages  de  ses 
troupes,  condamné  à  traîner  derrière  lui  Tironic  de  sa  maison 
impériale  ["iî].  On  s.  'ael  en  route  du.  $  une  extrême  con- 
fusion. 

Ce  qu'j  le  colonol  de  Vineuil  a  vu  et  entendu  pendant 
le  prcinit'r  mois  de  la  campagne  rnnêantit;  il  ne  lui 
reste  plus  que  son  cournpe.  dans  son  autorité  de  chef  un  peu 
faible  4|ui  le  fait  aimer  plutùl  que  craindre  de  son  régiment. 
Le  H»  couche  le  'Sô  août  u  Dutrien  [80],  le  24  à  Conlreuve 
[Soj  et,  comme  le  convoi  s'est  égaré,  les  soldats  vivent  de  ma- 
raude, les  ofliciers  jfûnent.  Le  !25,  on  atteint  Vouziers  [98]; 
1.1,  mal  renseigné  sur  les  mouvements  de  Tennemi,  on  garde 
jusqu'au  "1'  une  position  de  combat;  les  troupes, immobilisées 
>;ins  raison,  dévort-cs  par  l'attente,  éprouvent  le  malaise 
dV'lre  m:i!  coiuluito>,  attardées  à  tort,  poussées  au  hasard 
dans  lîi  plus  di'sastreuse  des  aventures  [110];  le  colonel  a 
bien  inuliiement  harangué  stiS  hommes  :  c  Tenez-vous  prêts 
et  souvt'nez-vous  que  le  ]<»G*  n'a  jamais  reculé  >  [10<»1.  La 
marche  reproiid  le  :28,  h»''siiante,  sous  un  ellroyable  déluge  et 
un  vent  turieux  [1:22].  Dans  la  soirée,  le  régiment  est  à  lîoult- 
aux-i»uis;  harassé,  il  n'y  reçoit  qu'une  maigre  distribution  de 
pommes  de  terre  [127].  Le  20,  la  pluie  n'a  pas  cessé  ;  refoulée 
par  les  Prussiens,  novée  dinis  la  boue,  l'armée  a  dû  abandon- 
ner la  direction  de  Stenay,  qui  la  rapprochait  de  l'immobile 
Liizaii»e,  et  elle  va  plus  au  nord,  vers  la  Uesace,  dans  un  pié- 
tinement de  troupeau  pressé,  harcelé  par  les  chiens.  On  atteint 
péiiibleiiieiil  Oclies  [I3ô],  et  à  partir  de  ce  moment  il  n'y  a  plus 
de  distribiition>  de  vivres. 

La  disciplinr  a  disparu,  les  soldats  ont  cessé  de  croire  à 
leurs  elnl'ï.  hans  racharn«Miient  de  ia  malchance,  dans 
l'excès  des  fautes  commises,  il  n'v  a  olus,  au  font!  de  ces  cer- 
veaux  i»orn»''N,  qtie  l'i'.iîM*  de  trnhi^on  (|ui  puisse  expli(|uer  une 
lolie  séiir  .ie  dé>a^lres  [151^.  Le  oO,  on  se  dirige  sur  Mouzon, 
puis  sur  Vjllers,  puis  sur  ricrnilly,  par  le  défilé  d'HaraucourI, 
<.»n  est  allolé  par  le  c  .noa  de  Deautaont  et  la  surprise  de  Var- 

4!» 


i:  '  LES  l'EUSONNAf.tS 

iiii^irêt;  le  soleil  a  reparu,  il  fait  très  cliaad;  ù  pirlir  de  Rau- 
cciaI'I.  ta  queue  îles  colonnes  est  atteinte  par  les  obus  eniicniis, 
1*"  soldats  exténui'fS,  tombant  d'inanition,  se  raniment  sous 
lVi>eroii  cuisant  du  péril.  Et  c'est  maintenant,  dans  une  démo- 
ralisation et  une  anxiété  croissantes,  Tagonie  dernière  de  la 
rt'.raite  forcée  sur  Sedan.  A  Remilly,  après  des  heures  angois- 
>:t:ile?  d'.'vant  le  pont  encombré  par  la  cavalerie,  la  brigade 
renonce  à  passer  la  Meuse;  elle  suit  la  rive  gauche.  Le  31,  au 
}«e:il  jour,  elle  enire  dans  Sedan  par  la  porte  de  Torcy  [176], 
nv  fait  i]uc  travers'^r  la  ville  et  va  camper  pins  au  nord,  près 
dv  Fluin;',  sur  le  plaleau  de  rAlg»^rie.  On  est  enlin  parvenu  au 
iiri  «lu  massacre.  Engourdies  sous  les  brumes  de  la  rivière, 
\i'<  troupes  5ont  ivres  de  fatigue,  de  faim  et  de  froid. 
'  i.e  culouel  est  là,  û  l'angle  de  deux  routes,  très  grand,  très 
Yi.-fj  tel  i)u'un  marbre  de  la  désespérance;  son  cheval  fris- 
so.nj  au  froid  du  matin,  les  naseaux  ouverts,  tournés  là-bas, 
vers  le  canon.  \  dix  pas  en  arriére,  flotte  le  drapeau  qui, 
da:.s  la  blancheur  molle  et  mouvante  des  vapeurs  matinales, 
se:  ibie  en  plein  ciel  de  rêve,  une  apparition  do  gloire,  prête  à 
<'c.avi>»ulr  [-34].  Dans  la  terrible  journée  du  1*^  septembre, 
le  lOG',  allongé  sur  le  plateau,  à  plat  ventre  dans  les  choux, 
Il  ;  À[  les  feux  croisés  des  batteries  prussiennes  établies  sur  le 
II  toy  et  à  Frénois;  vers  midi,  par  un  suprême  effort,  il  se 
perle  vers  le  calvaire  d'illy;  le  colonel  de  Vineuil  soutient  ses 
soJats  sous  le  feu,  trouvant  des  paroles  pour  chacun,  parlant 
(Il  la  France  d'une  voix  tremblante  de  larmes;  mais  on  no 
pc:l  l'unir  longtemps  sous  un  déluge  de  feu  et,  bientôt,  c'est  la 
li:..  cVsl  l'inévilablc  déroute  de  malheureux  qui,  pendant 
«lo.zi  heures,  ont  attendu,  immobiles,  sous  la  foudroyante 
ar::llot  le  d'un  ennemi  invisible,  contre  lequel  ils  ne  pouvaient 

ri-..i  [:;i;<;j. 

iillu,  écrasé  avec  toute  l'armée,  le  régiment  en  retraiie  par 
1»  Suis  J»;  la  Garenne  n'aura  vu  d'autres  Prussiens,  dr?puis 
le  lie'j  ru  carnpaj^ne,  que  trois  uhlaiis  trop  hardis,  le -9  août, 
|t:  s  <i  Auihf  [l-)l]  rt,  le  jour  de  Sedan,  une  dizaine  de  casques 
à  :  ii.te.  vile  dissiinnlés  d:ms  un  p»'lil  bois  [liôn].  Internés 
(L;  s  1  •  (^ainp  d«.'  la  .Misère,  sur  la  rive  droite  de  la  presqu'île 
•  ri..»*s.  \r<  surviva:.ts  du  lUG*  sont  emmenés  en  captivité,  après 
'p::.qnes  jours  J'allreuse  détresse  [4i3]. 

Lo  r«>lo;iel  d».*  Vin«'uil,  blessé  sur  le  champ  de  L^laille.  était 
vvT  '':  '.:  cin'Viil  jusqu'au  bout,  puis  on  l'avait  trans}«'»rtê  à  ^':rvlan, 
cl    i  h'I.iiieiclR*,  1»^  mari  de  sa  nièce  (iilherle.   En   djct.':!ii)re. 


DKS  PiOLT.ON-MACQrAi:  F  471 

sa  blessure  est  guérie,  mais  il  reste  dans  un  grand  accable- 
ment moral,  il  maigrit,  devient  une  ombre,  sans  que  le  méde- 
cin qui  le  soigne  puisse  découvrir  la  cause  de  cette  mort 
lente;  ainsi  qu'une  flamme,  il  s'éteint  [513].  Pendant  de 
lon;rues  semaines,  il  a  vécu  cloitré,  sourd  aux  bruits  du  dehors, 
atterré  par  les  catastrophes  qu*il  devinait,  acceptant  Funique 
compagnie  df.  sa  vieille  amie,  madame  Uelaliercbe  mère.  A  la 
lin  de  déc«'mbre,'  il  meurt  foudroyé  par  la  lectwe  d'un  vieux 
journal,  où  se  trouve  le  récit  de  la  reddition  de  Metz  [566]. 
{La  Débâcle.) 

Vineuil  (Gilp.erte  de).  —  Fille  du  commandanl.  Mariée 
en  premières  noces  à  Maginot  et  en  secondes  noces  à  Jules 
Delahercbe.  Ouand  elle  avait  neuf  ans,  son  père,  inquiet  de 
i'enioiidic  tousser,  l'a  envoyée  dans  une  ferme,  près  du  Chéne- 
Po}»nli'u\,  où  elle  a  connu  iienriette  I.elellier  ICIle  était  déjà 
d*une  coquetterie  turbulente,  elle  jouait  la  tomédic,  voulait 
ton/onrs  faire  la  reine,  drapée  dans  tous  les  chiffons  qu'elle 
trouvait,  gardant  le  papier  d*argent  du  chocolat  pour  s'en 
fabriquer  des  bracelets  et  des  couronnes.  Plus  tard,  elle  reste 
la  luème.  l'»rsque.  à  vingt  ans,  elle  épouse  un  inspecteur  des 
forets.  Ma^'inot.  .Méziéres  lui  déplaisant  par  sa  tristesse,  elle 
«  oi.îinue  d'habiter  Charleville,  dont  elle  aime  la  vie  large, 
èguvèe  de  fêles.  Son  père  est  mort,  Maginot  est  un  niari  paci- 
liqiio,  Gilherle  jouit  d'une  liberté  entière.  Dans  le  flot  d'uni- 
foruit» s  où.  jrrjre  .aix  anciennes  relations  paternelles,  elle  a  vécu 
:'»  cf.ilo  époque,  son  seul  amant  a  été  le  capitaine  Deaudoin. 
Sans  niéchancelé  perverse,  aiorant  simplement  le  plaisir, 
elle  a  cédé  à  son  irrésistible  besoin  d'être  belle  et  gîiie  [562]. 
En  IvSOO,  devenue  veuve,  et  malgré  les  histoires  qu'on  chu- 
chote sur  son  compte,  elle  trouve  un  second  mari,  Jules  Dela- 
herclie. 

Grande.  Tair  souple  el  fort,'  avec  de  beaux  cheveux  noirs, 
de  beaux  y',*ux  noirs,  et  pourtant  très  rose  de  teint,  la  mine 
rieuse,  un  peu  folle,  Gilberleva  traverser  la  guerre,  elle  verra 
les  horreurs  <lc  l'ambulance  cl  restera  toute  à  sa  joie;  elle 
.frnrà«ra  son  air  d'oiseau  qui  seeone  les  ailes  niénu'  sous 
l'orage.  El,  malgré  la  surveillance  de  madame  Delahercbe 
Miér»',  elle  couche  gentiment,  la  veille  de  Sedan,  avec  son 
ancien  ami  lîoaudoin,  trouvant  naturel  de  faire  un  dernier 
cadeau  de  plaisir  à  l'ami  qui  va  se  battre  [-61].  Pendant 
l'occupation,   elle  se  montre   aimable  pour    le   capitaine   de 


i .  . 


LLs  m:i;so.nna(;ls 


(iiMlaiil»  II,  de  la  laiulwelir,  elle  coquelle  avec  lui  comme  elle 
hii  ai!  auhcfois,  à  Charleville,  avec  les  ofilciers  fraiirais,  et, 
(iat  s  un  l»esoin  ilc  se  partager,  ne  se  contenlani  pas  d'amuser 
la  vauiié  <lu  PrussicMi,  elle  est  la  maîtresse  du  jeune  Edmond 
La.-ai  .1(\  si  l»rave,  si  joli,  â  qui  elle  n*a  pas  pu  se  refuser  [5GIJ. 

I  /-  .  ]J  b'ii'lf.)  \ 

Violaine  (Lolisl).  —  Petite  actrice  des  Variélés,  poussée 
>•.!•  le  jKivé  parisien  [111].  Elle  double  Nana  dans  la  iJlondn 
V  jii.<  et  obtient  un  très  joli  succès  [205].  (.Vana.) 

Virginie  iLa  r.RANDs).  —  Sœur  de  la  brunisseuse  Adèle. 
Ouvrier.*  laisanl  la  noce.  C'est  une  grande  brune,  jolie  malgré 
>;'  ii^r.re  un  peu  longue  [ii].  Lorsijue  Lantier,  devenu  l'amant 
j Wilil  •.  aluinilonne  Gervaise,  Virginie  vient  narguer  colle-ri 
au  lavoir,  se  bal  avec  elle  et  est  vigoureusement  le^sêe  devant 
!oMes  les  i)laniliisseuses  [3.">].  Elle  quitte  le  (juartier  et  n'y 
re  ieiil  (ju'aprês  plusieurs  années,  mariée  à   Poisson  qu'elle  a 

:  nu  au  '^iros-Caillou  et  avec  qui  elle  s'installe  rue  Neuve  de 

ia  (io;:îl« -TOr,  dans  la  maison  des  Goujet  [225].  Les  querelles 

i"    it!'.t')i>  souiblent   oubliées,   Virginie   pousse  Lantier  dans 

;••-  !»;;  -  (]•'  fi-  rvaise  [•>"«]  et  assiste  avec  une  joie  silencieuse 

.'.  la  r  un  '  lies   Couper.u;  elle  reprend  leur  boutique  pour  y 

.!•  r  ui;  pe'it  commerce   de  bonbons   et   cbocolats  [iO.')]  et 

:;i.:    !•  s   lors  la  dame  de   comptoir,   trompant   Poisson    avec 

I.i.  lir:.  se  v^•ngeant  cruellement  de  Gervaise  qui,  réduite  à   la 

::i:-  r-  .   vIlmiI   l'aire  les  grosses  besognes  dans    son    ancienne 

ho  i!  r:e,  >ous  les  yeux  îles  deux  amants  [iSi].  Le  petit  com- 

i.  :  .e   finît  d'ailleurs  far  mal  tourner  cl,  (juand  le  papier  tim- 

■.ri  la  l   <ou   apparilio:»,  Virginie  est   lAcbêc  à  sou  tour  par 

L;...li'.: .  iL'A.<somwoir.} 

Viscardi.  —  riéfugiê  politique  vénitien  [60].  Attend  mé- 
].\:  '!:  {ueiiirin  l'écraseiueut  de  rAulricbe.  Fré<}uente  cbez  les 
];.  i  ji.    S'ni  K.vccUi'ace  IUngrue  Hotnion.] 

Voincourt  (ComTl:??.:  de). — )Ièrc  de  Claire  dcVoincourt. 

:I   :  il-    à  icauiiJûnt  un  bel  bôtel  aliénant  à  révêcbé  [207].  (Le 

II  •■. 

Voincourt     Claip.?:  dz).    —  Doit  être  mariée  à  Félicien 

;c  il     :  •  -lu:-.  l>f  part  et  d'autre,  on  ne  peut  soubailer  mieux 

.      1.      1.  -ai    et   coiiim»'  ari-enl.   C'est   une  prande  deinoiselle 

■  ^      '     !    là   ê  d  An.tréli  nie  Marie,  fori  belle,  d'une  beauié  écla- 

e.  .  •■'  r  ii:i  •  démareiie  de  rovale  distinclion.  On  la  dit  très 


DES  nOUGON-M.Vr.QUAin  47:{ 

bonne,  malgré  son  air  de  froideur  [208].  Un  miracle  ayant 
réalisé  le  rêve  de  mariage  d'Angélique  Marie,  mademoiselle  de 
Voincourl  assiste  à  la  cérémonie  nuptiale,  et  elle  y  chante, 
d'une  voix  très  belle,  tri*?  pure  [30G].  (Le  Béve,) 

Voriau.  —  Grand  chien  noir  appartenant  à  Bamboussc,  le 
mairo  dos  Artaud  [30].  {La  Faxite  de  Cahhé  Mouret.) 

Vuillauxne.  —  Père  de  madame  Marie  Pichon.  Petit  ei 
sec,  très  vi«'ux,  mine  gri^e.  A  été  pendant  trente-neuf  ans 
commis  rédacteur  au  ministère  de  Tinstruction  publique.  On 
Ta  décoré  à  soixante  ans,  Retraité  avec  deux  mille  francs,  il 
est  r»»n«ré  dans  les  bureaux  comme  expéditionnaire  à  quinze 
cents  Irancs,  la  petite  Marie  étant  née  sur  le  tard.  Plus  tard, 
la  joinio  fille  mariée,  les  Vuillaunie  se  sont  retirés  à  Mont- 
martre, rui;  Durantin,  venant  chaque  dimanche  passer  lo 
journée  chez  leur  gendre.  Une  première  grossesse  de  Marie 
leur  a  paru  normale,  mais  ils  ont  bien  spécifié  que  le  jeune 
ménnirc  dovail  s'aiTèter  là.  Deux  autres  enfants  coup  sur  coup 
lo^  ^Mnpl:>5o:u  «le  ronsternation  et  de  colore,  ils  s'alitent, 
ronip'-nt  tv'iile  relation  avec  les  Pichon  et  veulent  même  les 
dé^îiéril'M-  [-iGG].  (Pot-BoviUc) 

Vuillaunie  (Madame).  —  Ressemblance  physique  avec  son 
mari.  Elle  p*  «Ué  mère  qu'à  quarante-neuf  ans.  Ses  idées  sur 
réducalion  «it*:?  illles  se  résument  en  c«»ci  qu'une  demoiselle  en 
sait  lonjoiir.?  de  trop  [81],  Cest  elle  qui,  en  mariant  sa  fille, 
a  exigé  (jue  le  joune  ménage  n*ail  qu  un  enfant.  {Pot-Bouille.) 

Vuillaume  (Marie).  —  Femme  de  Jules  Pichon.  Mère  de 
la  petite  Lililte.  C'est  une  jeune  femme  blonde,  au  pâle  visage  de 
fille  tardive,  née  dv  parents  trop  vieux,  à  la  peau  d*une  finesse 
et  d'un»'  iraiispareiice  de  chlorose,  aux  cheveux  rares  serrés  en 
un  niiucj*  rlii;:iion,  aux  yeux  clairs  et  vides,  avec  des  traits  fins 
et  jolis  pourtant  [81].  Son  enfance  a  été  tenue  dans  une  ignp- 
rancL  et  une  niaiserie  systématiques.  Elle  est  très  réservée, 
presque  sauvji^'e,  avec  des  confusions  qui,  à  chaque  instant, 
sans  cause  iipparr'nte,  lui  jettent  tout  le  sang  au  visage.  Devenue 
mère,  elle  r"i:ardc  sa  fille  avec  riiébèlenient  d'une  vierge  stu- 
péfaite d'avoir  pu  fai.'e  ça  [STj.  Elle  a  le  r'-prel  maladif  d'une 
;iutre  exiiPînce,  r»}vêe  jadis  au  pays  des  chimères,  elle  a  un 
besoin  Je  l'au-delà,  la  lecture  du  premier  roman  l'affole  et, 
sans  presque  s'en  apercevoir,  elle  gliss»'  à  l'adultère,  elle  ^•• 
h'.iii'-  j'.»  Util/  |.;;r  Oclave  Mouret,  devant  Lililte  endornii»^  Kl 

lu 


474  LES  PEBSOXNACES  DES  nOUCO.N-MACQUAKT 

oilo  conlinuc  à  vivre  avec  son  clair  regard  d*iiinocente,  sans  une 
émotion  a  voir  son  amanl  si  prés  de  son  mari,  les  servant  tous 
deux  selon  leurs  ^oûts,  de  son  air  un  peu  las  d'obéissance 
passive.  Octave  a  rompu  avec  elle,  elle  le  laisse  revenir  quand 
il  le  veut,  sans  force,  paralysée  par  celte  volonté  d'homme  qui 
>'iinpose.  Cest  à  la  fois  chez  elle  de  la  boulé,  de  ia  peur  et  de 
la  bètisc  [3G0],  logique  résultat  de  son  éducation  de  poupée. 
iPo!-nouHle.) 

Vuillet.  —  Libraire  à  Plassans.  Personnage  aux  mains 
humido?,  aux  regards  louches,  catholique  pratiquant,  honoré 
de  \\  clientèle  des  nombreux  couvents  et  des  paroisses.  A  pris 
un»-  iniporfance  politique  par  la  publication  d'un  petit  journal 
reli^ii'ux  qu'il  rédige  dans  uu  style  plein  d'humilité  cl  de 
liel  ÎU]  Vuillet  vend  aussi,  sous  le  manteau,  drs  gravures  et 
des  ouvrages  obscènes  qui  Toxposentà  la  police  correctionnelle 
.:l  lui  valent  la  clientèle  assidue  des  collégiens  ili  Plassans. 
Abouché  aux  Uougon,  il  suit  les  événements,  prêt  à  pêcher  en 
eau  troulde.  Dans  le  désarroi  du  coup  d'Étal,  il  occupe  tran- 

•  ]ui;!enieut,  de  sa  seule  initiative,  l'hôtel  des  Postes,  dont  le 
liirTCleur  a  été  arrêté  par  les  insurgés,  et  là,  il  fouille  dans  le 
Courier,  llaire  la  correspondance  de  Pierre  Piougou  et  y  trouve 
!ine  lettre  confidenlielle  d'Eugène,  grâce  à  la  )U»:rlle  il  rallie 
-or.  journal  au  nouveau  pouvoir,  alors  que  les  autres  cherchent 
eU'  're  leur  voie.  Félicité,  qui  l'a  pris  la  main  dans  le  sac, 
5'ei.t>M)d  facilement  avec  ce  fripon  et,  pour  prix  du  traité,  lui 
1  lit  rendre  la  clientèle  du  collège,  vente  assurée  de  quatre  à 

•  in  f  inlllt?  francs  par  an,  qu'on  lui  avait  retirée  à  cause  de 
SCS  sjH'culations  pornographiques  [321].  (La  Fortune  des 
Ro  'fjon.) 


w 


Weiss.  —  Mari  irilenriiMlc  Levasscur.  Cousin  germain 
«rOlU»  (iuullior,  i»p.r  les  fcMnnus.  Eiilré  ù  la  IiiiMineric  j^cnéralc 
ilu  Gliô  •  -IV^iuiImux,  }Mvsqu^  à  litre  d'iionmic  de  peine,  il  s'est 
fnil  une  insiruclion  el.  à  force  de  Iravail,  est  parvenu  à 
l'emploi  «le  comp!al>le.  We.ss  est  heureux  depuis  qu'il  a  épousé 
Henrit>tto,  si  long^iemps  désirée,  connue  au  Cliéne,  chez  son 
père.  Il  est  aujourd'hui,  à  Sedan,  contremaître  chez  Dclaherche, 
tpii  pnrh*  de  Tassocier  à  sa  maison;  ce  sera  le  bonheur Jorsque 
des  eufatits  seront  venus  fl8M].  En  1870,  il  a  trenie-six  ans. 
!iûnx,  avec  une  face  de  bon  chien,  éclairée  de  deux  gros  yeux 
lileus  à  Heur  de  tête,  des  yeux  de  myope  qui  l'ont  fait  rê- 
for.her,  Weiss  est  un  AliJ.oien  de  Mulhouse;  son  grand-père  et 
sa  <irand'mère  ont  été  as>assinés  par  les  Cosaques,  en  1811. 
Snilevé  de  colère  devant  récrasement  certain  de  la  France,  il 
devine  les  causes  lentes  et  cachées  de  notre  aflaiblissement;  il 
a  compris  que  la  victoire  ne  va  pas  à  qui  s'arrête  dans  retiort 
continu  d»»s  nations,  qu'elle  est  à  ceux  qui  marchent  à  l'avant- 
garde,  aux  plus  savants,  aux  plus  sains,  aux  plus  forts  [07]  ;  il 
a  vu  l'Allemagne  prtHe,  mieux  commandée,  mieux  armée,  sou- 
levée par  un  grand  élan  de  patriotisme,  et  la  France  effarée, 
livrée  au  désordre,  attardée  et  pervertie,  n'ayant  ni  les  chefs, 
ni  les  lioiiimrs,  ni  les  armes  nécessaires  [195]. 

Wi>i>>  p'sideâ  Sedan,  rue  des  Voyards,  et  possède  h  lîîizeilles 
une  pehir  habitation  de  plaisance;  il  va  y  coucher  la  veille  de 
i:i  b.ilaille.  l  ne  fureur  monle  en  lui  à  l'idée  que  les  Prussiens 
ponrrai<-nt  venir  saccager  celte  maison  si  désirée,  si  diflici- 
lenieni  r.Cfjnisc.  Le  h''  seplembre,  dans  l'exquise  matinée  d'un 
ai]jniral»K'  jour  d'élé  [:iOS],  il  voit  les  préparalifs  de  défense 
lu  ]"!  corps,  les  bavarois  passant  le  pont  ilu  chemin  de  fer, 
qu'on  n  oublié  de  faire  sauter,  leurs  colonnes  se  glissant  vers 
Moniivillicrs  [-0»];  il  regarde  avec  une  angoi>se  terriliée  ces 
coteaux  de  \Vadelincourl,  de  Frénoîs,  de  Noyers,  de  la  Marfée, 


•a 


"t 


4:  ••  m:s  ri:i:M»>.NAi;Ks  di:.s  iîoi'{.un-m.\(:«,»u\ijt 

•••■II"  «liil»»  (lo  vallons  «ju'il  a  toujours  crus  là  j»our  le  plaisir  «le 
i.  vu  •.  il  (jui  son!  devenus  lout  à  coup  rcIÏVayaule  cl  pripan- 
i»-j\i  iorleres>e,  eu  Irain  iréciascr  les  iuuliles  iorlilications 
J'  S  l.'ii  f-I')j.  11  va  relourner  à  In  ville,  où  IJfnrieUe 
i'.v.t'*:  i.  quaîiil  la  secousse  nerveuse  proiluile  en  lui  par  la  niorl 
!••  Il  urnise  Quillard,  atteinte  sous  ses  yeux  d'un  éclat  d'olms, 
i  •  Mit».'  dans  une  exaspération  folie,  agrandie  encore  par  la  vue 
in  lo  dt;  sa  uinison,  à  moitié  crevé  [-10].  11  resl^î  à  Hazeilles 
.apnraiil  du  cliassepot  et  d«-S  cartouches  d'un  soldai  tué 
II'  s  c-   lui.  il  se  met  à  faire  le  coup  de  feu. 

'e  ^'o<  bour^^eois  en  paletot,  à  la  lionne  face  ronde  «pn»  la 
•.olrr  ir:iîi»!iL'ure,  presque  coinicpic  et  superb?  d'Iiéroïsnie,  aux 
V'.'i  \  i.jiiis  de  lunettes,  lire  dans  !•*  tas  des  lîavarois;  1  réclls 
.  ;  iNi  1  portent  leurs  fruits  ;  il  ne  recule  pas  devant  la  menace 
-•  •-  îiiillions  d'hofunies,  se  ruant  sur  quelfpies  c»*nlaines  de 
!  :;  e^.  La  veille,  il  avnit  conseillé  à  Ducroî  la  marche  sur 
'*'  .iéi-s  par  le  délilé  de  Saint-Alhert  ;  aujourd'hui,  il  >«.- «iêses- 
:  •:••  li  •  voir  celle  idée  odoptée  viii^t-(|uatre  heures  trop  tard 
•.:  i  izilles  évacué,  lorsque  des  reiilorts  pernictlrai«'nt  de  cul- 
.V  ;:  :•  .'"iniemi.  liés  lors.  ri»'n  n'existe  plus  que  srt  ra;^e,  une 
.  :•;.'.•  !;.e\tinguilde,  à  l'idée  que  rétran^^er  entrera  chez  lui, 
^  >■•!;;  sur  sa  chaise,  hoira  dan>  son  verre.  Cela  soulève 
:  •  -r:  eîre,  emporte  son  existence  accoutumée,  sa  lemme, 
:;  :.'>,  sa  prudence  de  petit  hourg^eois  raisoniM-.bîe.  li 
r...  -I  ...e  «ians  sa  maison  avec  le  fjarçon  jardinier  Laurent  et 
poi-iiéo  de  soldats,  d'^cidésà  vendre  clnTemenl  !enr  [»eau; 
p»,'tiie  ffarnison  eiirai/ée,  résoLie  à  ne  pas  se  rendre 
Miîra  jusqu'au  bout  ['IHÔ].  E.ifiêvré,  les  mains  Irem- 
désrspéré  de  sa  mauvaise  vue,  mais  indillèrent  au 
il  lire  un  peu  au  hasard:  la  violenc-  des  h;:lles  a 
in^'  persieiine,  il  se  précipite  et  rétablit  la  meurtrière 
lune  armoire  poussée  contre  la  femtre:  sous  ie  feu, 
►^  (Jes  munitions  parmi  les  morts  et,  lorsque  la  lutte 
.  faute  d'.-  cartou-'hes,  il  meurt  en  brave,  fusill-;  sous 
•  -  .;.   !••  sa  chère  Ileiirioite  ["200].  i La  Drliàclc.) 

'Veiss  «.MaL'AVe).  —  V,.ir  LLVA<s;:rn  (HLMUtiïïi:). 

'.Vomis.  —   lllnslre   t;  illcui-,    devant    qui    les    reir.os    du 

■  L  .ipift.  se  metleni  à  ^^enoux.  I!  le-»  habille  av.-c  l'inspi- 

:    •;    ••    ;<.'  lecueiil-Muenl   d'un   arliN!.-   p-énia!.  ri'-ii'-f  .Saccaril 

.  1;!       .  •  >■>  cîieules  et  1 -isse  chez  lui,  en  rrii»uranl.  une  dette 

•   ..      -h!  ciiiqiii'.nle-sr'ît  inillf  frahCrj  [-jÔUJ.  iL'i  (J'Ut-..) 


L. 

.•:  po: 

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Jl  ■ .    i 

Zéphir.  —  Cheval  du  chasseur  d'Afrique  Prosper  Sanihuc. 
>0!itlic  u  une  telîf  faim  à  Sedan  qu*ii  allonge  le  cou  pour 
niatv'.tr  l''s  pliju'hfcs  d'un  fourgon  stationnant  contre  le  trottoir; 
se>  î^ios>e>  dents  font  un  bruit  de  râpe  contre  le  bois  [1T8J. 
Sui'  !»•  (thiteau  d'illy,  Zéphir,  aussi  abruti  que  son  n.aîlro.  est 
érointc  du  Ix'le  de  métier  qu'on  lui  fait  faire,  depuis  si 
on;jlenjps  [!Î1>S].  I»ans  les  tbiu-ges  successives  de  la  division 
Mar-n«.riii«\  un»*  blessure  à  Toreillc  Taffole.  Puis,  à  la  qua- 
trième ;"{»iiNO.  atteint  d'une  balle  en  plein  poitrail,  il  s'ahat, 
icra-;i:,t  sous  lui  la  harrbe  droite  de  son  cavalier  [.'VJ2].  Resté 
iiiuUîaii  pouiiaiit  des  heures,  il  rouvre  les  yeux  quand  Prosper, 
revi  nu  de  son  évanouissement,  l'appelle  avec  douceur  et  lui 
dii  ;..li.. u.  Il  a  alors  u»  e  ^ecousse  (|ui  permet  à  son  maître  di* 
se  iîégr'jror.  ri  Zéphir  meurt,  ayant  dans  les  yeux  de  grosses 
hruit-  [  iMiij.  [La  Déf»àcle.) 

Zéphyrin.  —  Valet  de  ferme  à  la  Borderic.  Se  moqu«»  dr< 
inac!ii!i-s  a^MJcoles,  adoptées  par  son  maître  Alexandre  Ilour- 
d'N|uiii  [1. ■'»!].  [La  Terre.) 

m 

Zidore.  —  Gamin  de  dix-sept  ans,  fluet  cl  blond,  apprenti 
zin^ii.  ur.  Il  est  l'aide  de  Coupeau  [I  ilj.  (L\[s.<o)itmoir.) 

Zoé.  —  La  femme  de  chambre  de  Nana.  Se  dil  fille  d'un»* 
s:  ;:  ■-r'-iiiiiio  (\ti  Lîercy,  ijui  a  fait  de  mauvaises  adaircs;  oll»*  est 
eiitiéc  ciii'Z  i\n  dentiste,  puis  chez  un  courtier  d'a>"îUraiHes, 
mais  (a  no  lui  allait  pas,  et  elle  énumére,  avec  uno  pointe 
d'orgueil,  les  daines  où  elle  a  servi  comme  femme  de  chambre. 
S>.uviM:t.  elle  a  tenu  leur  fortune  dans  sa  main,  le«  jiitlaiit  à 
duper  leurs  messieurs  sérieux,  à  dissimuler  ramant  de  rœur. 
A  va  lit  ij'tlrc  chez  Nana,  elle  a  servi  Pdanche  de  Sivry.  Très 
hruiio,  coilléc  de  petits  bandeaux,  elle  a  une  ligure  longue,  en 


ITH 


IE>  l'EKSONX^CES  BES  Ruw;nN-M4ryrAr-.T 


ïiiuEi^aii  âe  rilicn.  livjdo  el  coulurée,  avec  un  utz  éj'nlé,  ie 
•;lo^>l;s  K-vi^ct  cl  ilps  ycm  noirs  sans  «sse  en  iiioiivinent  [38]. 
Srtn;  lie  l'avenir  Je  .Naoîi,  recCTant  loulos  se*  cou!  î-tcc»  arec 
une  sytnpalliie  rpipccliunsf-,  lui  ilonnniit  de!  c^ns-ilï  iliscrcis, 
elle  ne  »e  JKcauTitgv  pas  devant  une  Tii^c  bclf  i^iii  3.  niis  la 
ca))Diiiie  aux  Lrai  de  Tncteur  Foitla]].  La  cri^e  pn5!-:<?,  madame 
çDiJi;>tueii£cmen(  instullée  avenue  de  Yiliiers,  '/.ai  irJoni|<lie;  elle 
esl  la  niattreï»e  tie  l'hôtel,  faisant  sa  jwloie  tout  en  servant  lu 
(iliis  liotinâlenienl  po^ible,  orffnnisnni  le  dêjoiilr.?  rour  gagnoi* 
Ij'Miicoup  (l'nrg«nt  cl  s'ètaWir  [179]-  EIIl-  rejni:iijf,i  r^iiibli*- 
seiif-iit  dclaTricon,  un  vieux  projet  lon:teii)|i§  m  ..é:  yl  in.v 
'l'idi'e*  larges,  elle  doit  agrandir  la  chose,  luuer  m.  iii;:iieiiljlfi 
entier  et  y  réunir  («ui  lei  agrinwnu  [ifiS].  [Xana.) 


BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER 

EUGÈNE  FASQUELLE,  ÉDITEUR,  1),  RUE  DE  grenelle 

CHOIX    DE    ROMANS 

COxNTES  —  NOUVELLES 

Collection  dite  BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER 

A   3  Fn.   SO   LE  VOLDMB  (FRAN'CO) 

Ces  ouvrages  sont  envoyés  franco  contre  mandat  ou  timbres-poste 
adressés  à  l'ordre  de  U.  Eugène  FASQUELLE,  éditeur,  11,  rue 
de  Grenelle,  Paris.     

vol. 

ALEXIS  vPAUL) La  Fin  de  Lucie  Pellegrin 

—  Le  besoin  d'aimer 

—  L'Éducation  ainoureus'j 

—  Madame  Meuriot 

—  Trente  Romans 

—  La  Comtesse 

—  Vallobra 

ARÈNE  (PAUL) La  Gueuse  parfumée 

—  Au  Bon  Soleil 

—  Paris  ingénu 

—  Les  Ogresses 

AUJ AR  (LËOPOLD) , .  Mousse 

BANVILLE  (TH.  DE) Esc{uisses  parisiennes 

—  Contes  pour  les  Femmes 

—  Contes  féeriques 

—  Contes  héroïques 

—  La  Lanterne  magique 

—  Pari  s  vécu 

—  L'Ame  de  Paris 

—  Lettres  chimériques 

—  Contes  bourgeois 

—  Dames  cl  Demoiselles 

—  Les  Délies  Poupées. 

—  Marcelle  Rabe î 

BARRÉS  .MAURICE) Le  Culte  du  moi  :  Trois  Ro:n:uis 

idcolopriques. 

—  Sous  rU'^il  dos  Dnrbares I 

L'n  Homme  libre I 

—  Le  Jardin  de  Bérénice 1 

—  L'Ennerni  des  lois 1 


») 


blBLlOTIir.QUC-CHAnPENTIEK 


BARFES    (MAUF.ICE) 


BARF.'JCAND  (VICTOR) 
BAUER  (HENRY) 


bern:roin  de  st-pierre 
berton  «claude) , 


BIART  (LUCIEN) 


BOISSIERE  (ALBERT; 


BONNETAIN  (PAUL) 


BOSQ    PAUL) 

BQUHELIER  ^ST-GEGRQES  DE). 


BRUL:T  .PAUL), 


CAMVET  CHiRLESi... 
CHKfr-:ON  ALFRED)... 
CHArvFSAlR  (FËLICIEN) 


CLADE.. 


CLAP.E'IE    JULES; 


CLEr.E-:E:u  .georges) 


vol. 

Du  Sang,  de  la  Volupté  et  de  la 
Mort 1 

Le  Roman  de  rEnenne^  natio- 
nale : 

Les  Déracinés 

L'Appel  au  Soldat 

.\ vec  le  feu 

Une  Comédienne 

Mémoires  d*un Jeune  Homme.. 

Paul  et  Virpcinie 

\\i  Coin  d*un  bois 

La  Conversion  d'Angèle 

Laborde  et  C'« 

L*Eau  donnante 

La  Terre  cbaude 

La  Capitnna 

Les  Magloire 

Une  Garce 

Lhs  Trois  Fleurons  de  la  Cou- 
ronne  

I/Opiura , 

Le  nommé  Ferreux /. 

Amours  nomades 

Au  Tonkin 

Désillusion 

La  lioule  noire 

La  Tragédie  du  Nouveau  Ciirisi. 

L'Ame  errante 

La  Rédemption 

L'Ennemie 

Pauvres  Diables. 

Le  Gêneur 

Sa  Fleur 

La  Faute  des  Roses 

Poupée  japonaise 

La  Glaneuse 

Lulu  (Collection  illuslr-e) 

Donsliommes 

N*a-qu'ui)-œil 

L'Accu?alcur 

iJricbanlcau 

Le  Sang  franyais î 

Les  Plus  Foris 1 


BlBL101HtVi:E-.tllAi;i*tNTIIi:iî 


-) 


VUI. 


CLEMENCEAU   (GEORGES)... 

CONTI  (HENRI) 

CORDAY  (MICHEL) 

COUTURIER  (CLAUDE) 

DAUDET  (A.) 


DAUDET  'M^cA.).. 

DAUDET  (E.i 

DAUDET  (LÉON-A.) 


DESCKAUMtS  (ED.).. 

DONEL  (LUCIEN).... 
FABRE  (FERDINAND). 


.\u  fîl  des  Jours 

(lui^nol  (Coïleclion  iïluslréc). . . 
Vénus  ou  les  Deux  His«|ucs  . . 

Nise 

I/Inespcrc 

Fromont  jeune  et  Itisler  aine. . . 

Le  I*etit  Chose 

Lettres  de  mon  Moulin 

Snpho 

Contes  du  Lundi 

1^  Nabab 

Numa  Kouniestan 

Soutien  de  Famille 

hniiressions  de  Nature  et  d  Art 

Journées  de  femnies 

Le  Kotiian  d'une  Jeune  Fille... 

Hierés 

L'Astre  noir 

Les  Morticoles 

Les  c  Kamtchatka  > 

Les  Idées  en  niarcho 

Le  Voyage  de  Shakespeare .... 

Suzanne 

1^  Flamme  et  VOr  i»re 

Sébastien  Gouvi'S 

La  Homance  du  temps  présent. 

Les  Deux  Étreintes 

.Vlphonse  Daudet 

La  Kreutzer 

L'Auteur  mondain 

Corniche 

Le  Uoman  d'un  Peintre 

Julien  Savignac 

Le  Chevrier 

L'Ahhé  Tigrane 

Les  Courbezon 

M  "•de  .Malavieille 

Mon  Oncle  (^élestin 

Le  Uoi  llamire 

Lucifer 

Rarnabé 

Monsieur  Jean 

Madame  Fusler 


BlBLlOTUÊQUE-CllARPENTIEk 


vol 

Ff BRE  (FERDINAND) Toussaint  Galabru 

—  Noriiie 

--  Un  Illuminé 

—  Xavicre 

—  Sylviane 

—  Taillevt/nl 

FÉVP.E  .HENRY) Au  pori  d'uniie 

—  i^es  Liens  factices 

FUUBERT  (G.) Madame  Dûvary 

—  Salammbô 

—  La  TeiitatiGn  de  saint  Antoine.. 

—  Trois  Contes ...   . 

—  L'Education  sentimentale 

—  l*arlcsClKi:iipselpar  lesGicvca. 

—  iSouvard  et  Pécuchet 

FORTHUKY  (PASCAL» Les  Etapes  inquiètes 

FOURNIÉRE  (EUG.) Chez  nos  Petits-Fils 

FRANCE  (HECTOR) Croquis  d'Outre-Maniho 

—  Les  Va-Nu-Pieds  de  Londres. . . 

—  Les  Nuiis  de  Londres 

—  Sous  le  Durnous 

—  En  €  Tolice  Court  » 

t?it.?\i    LÉON) L'institutrice  de  province 

GAUTIER  (TH.) M"*  de  Maupin 

—  Le  Capitaine  Fracasse 

—  Le  Roman  de  la  Momie 

—  Spirite 

—  Romans  et  Contes 

—  Nouvelles 

—  Les  Jeunes-France 

—  Les  Grotesques 

—  Caprices  et  Zigzag^s 

—  Fortunio 

—  Partie  Carrée 

—  Un  Trio  d«;  Romans 

GlFFF.OY  (GUSTAVE) Pays  d'Oueit 

—  Le  Cœur  et  TE^prit 

—  L'Enfermé 

—  L'Apprentie' 

GCîiCOUF.T  (EOr.OND  DE) La  Fill-  Elisa 

—  Les  Frères  Zcniganno 

—  La  Faustin 

—  Chérie 


BlHL!'»THEQUE-r.llAK»»KNTIEK 


(E.  ET  J.  DE En  i8** 

—  Germinie  Lacerleux 

—  Madame  Gcrvaisais 

—  licnée  Mauporin 

—  Mani'lte  Salomon 

—  Charités  Ueniailly 

—  Sœur  Philomène 

—  nueltjues  Crûalun;s  de  ce  temps. 

—  ldê«'S  ol  SHn>alicns 

il)    B.) L'Alibc  l'aul  Allitin 

Du  liant  eu  lias 

—  Le  Journal  «l'un  Philosophe.... 

—  Le  IJaron  Sinaï 

Caries  c\  Jacques 

RT  (EDM.) Amis 

^LEON ) La   D«*îvoucc 

—  L'Accident  de  M.  Ilêhert 

—  Minnie  flrandon 

[XAKDRE) Conir  d'Anionl 

.E    Di Histoires  divertissantes 

—  Histoires  de  Mariages 

—  D'ilervil!y-Ca|irices 

—  Coni''s  pour  les  grandes  personnes 

—  Mesdames  les  Parisiennes 

tARSEfiEj Les  grandes  Dames 

—  La  Femme  fusillée 

—  Madame  Lucrèce 

—  Hodolphc  et  Cynlhia * 

—  Histoire  d'une  Filic  du  monde. . 

—  Les  Larmes  de  Mathilde 

nGES) Souvenirs  d'un  Mattiot 

lESi Tout  veux,  lou(  oreilles 

«J.-K.. Les  Sœurs  Vaiard 

—  En  Ménage   

—  A  Uehours 

ALEEr.Ti \a'<  l'eclieurs  d'Iioinnies 

—  Sous  !ri  TcMjue 

:    tC; Viîiis  '-n  Aniêri(|ue 

—  \.ti  !*riiice  Caniche 

—  Ai>u;iliah 

—  Coiit'S  hiens. 

—  Nouvmiix  'iout'js  hîous 


Souvcr.irs  d'un  Voy.iL;:i'ur 


BIBUItTllGuUE-tilljrj'ENTIEK 


LU  FDSTUrNÏ  (J.t Cniilos  fl  Xoiiïelles 

Ll  JEUNESSE  «ERHEST L'Iinilaiion  de  noire  -Maitre  Na- 

—  l.'|[olo(^»iislc. 

~  l,"tnniiibl)le ; 

—  Scrûniciime 

LEBET  (ANDRE) Les  [ii-eiiiiârâs  I.ulles 

LECCMTE  (GEORGES) l.es  Viilels 

—  Siiiiej'aititi 

—  ha  )tii>soD  en  llcnrs 

—  l^s  l'.iirKma  verts 

IVWM  LDUISI .Mailemoiaollt;  Clierrillitv 

li..'>.:!..>IEE  iC.) I'liêr>.-i«  Monique ,' 

—  l.'llyslèrii|aB 

—  llnptie-Cliuir 

—  Mailame  tupar 

—  I.e   l'ossi! Je 

LE  BCUÏ  (HU&UES) Amour  inUrmc 

—  Les  l^rroni 

tESiEE HUloire  de  Cil  Btas 

—  I.e  bialile  lioileux 

LEIRET  (KEHRf) Eu  plein  rnuhour; 

—  Pourquoi  aimer? 

lîRHMN  (JH«) Sonyeose 

—  Buveurs  d'&iiies. 

—  Si-nsation»  cl  Souvenirs 

—  l.'Omlire  ardenli; 

lOUÏS'PIERREI.. Aplirodilo 

—  Les  Ctiuiisons  de  Ililitia 

—  La  Kcmme  el  le  Haxin 

—  Les  Avcnlui-es  du  Hoi  fanjole.. 

LU'i'Ci I-elires  à  répondre 

fl'.iCE  \E.) Crimes  iinimnls 

—  Laiarctie 

—  I'd  Ceiil-'t*rde 

M;D£LE1N£  JACQUES) L"n  Coupte 

—  Fils  d'Eloile 

—  Sétame 

K£ETcEllliCK La  Suftesie  et  )s  Detlinéc 

—  L'Injiislici: 

■VL'Vi  .«■FfPHBNEi....  iHT'.r:-(i£:v 

t..i..C-,   iHECTOR j Michdiue 


BIBLIDTnEgUE-CnAni'LM  lEIt 


ECTOR). I,e  Sang  [Sleu 

—  L.e  l.iculeiianl  Bonnei 

—  Le  docteur  ClaiiJe 

—  La  Itnhùmu  tapageuse 

—  Ikiccm-a 

—  Itoinain  Knllinî 

—  L'llériiB),'e  d'Arltiur 

—  L'Aubergu  du  Mon<le 

—  ïï'« 

—  Les  Victinieï  d'Amour 

—  Vices  (l'aiiçais 

—  Gliislaiiie 

—  Pompon 

—  l'ne  Femme  J'argenl 

—  Sans  Famille 

—  La  lielle  .Madame  DoiiJs 

—  ConscieDce 

—  L«i  Besogneux 

—  Jusike. 

—  îloniiaine 

—  ïlére 

—  L  ne  belle- .Mère 

—  Madame  iTétavoine, ...  ; 

—  Allie 

—  Miss  Clifion 

—  Suianiie 

—  Oloiilde  Jhriory 

—  Marithette 

—  In  Cuiô  de  province 

—  lu  Miracle 

—  Séduciion 

■■•■  H.) Folie  (I-Amour 

L'Ëtitrig  des  Sœurs  grises , . . . 

—  Zoé  Cliieu-Cliien 

—  Le  Mai'iH(;t:  du  Suicidé 

—  La  i'onue  dEiifanls 

—  1^  Drame  de  la  Croix-liouge. . 

—  .    La  F-'ninn;  de  Judas 

—  Lii  iirésilitime 

—  La  lleviiiitiju  de  Cloiiior. 

—  Les  Aiiiauis  di'  l'aris 

—  L'Enrayé 

—  Le  toiiil  UL-.r 


BIDLIOTHÈ'^HK-CIIAUI'KNTIEI; 


Vu! 


rULLE» 


l*n  Gendre 

Marcelle  Mauduit 

La  n-lle  Fille 

Le  Dillel  de  mille 

189.  II.  981 

Le  comte  Amaurv 

Fatima 

La  Croix-Pater 

Le  Serment  d'une  mère 
Zo'liar 


}SCAR  I 


OCTAVE) 

■    •••••• 

URICEi... 


Les)3ia 

La  première  Maîtresse 

Grand'.-Maîruet 

Le  Confessionnal 

La  Femme-Enfant 

La  Messe  ros>i 

La  Maison  de  la  Vieille 

Rue  des  Filles-l)ieii,  5G 

Gog 

Arc-eii-Ciel  et  Sourcil-l'iou^'c  . . 

Le  Chercheur  de  Tares 

Le  Hoi  Vitr;;e 

L'Homme  tout  nu 

Madame  La  Boule 

La  Lutte  pour  l'Amour 

Zézette 

Le  F^olicier 

Les  Caliots 

Le  Beau  Monde 

Demi-Cnstors 

Le  40'  d'Artillerie 

L'Amour  vaincu 

Séhaslien  K-ich 

Jardin  dos  Siipplico> 

Le    Journal    d'une    feinni^'    dv 

chambre 

Les  Vin.Cil  et  un  Jours  d'un  N-ju- 

raslliéni<nio 

La  Famille  Cai'inclt'.'S 

Marllie  Aml".Tno:i 

D^Tni<*r  Cri 

Anloinetîe   Marju^^r  •.) 

neiiiielle  br-.'V 


1  S 


BIBLIOTHÊQLL-CllAîll'ENTItU 


•J 


vo! 


nONTEIL^EDGAR) 


WONTESQUIOU^C»»  ROBERT  DE) 


MUSSET  (A.  DE) 


MUSSET  (P.  DE) 


KCOIER  (CHARLES) 


fiOEL    EDOUARD)... 
Ol'DINOT  (CAHILLE) 


PmZ  (f  r^xiriE) 

PEfREF^-UNE  (G.  DE> 


FC!?;SGT  ET  NOnMANDY 

Rt'JLlN  .G.  DE) 

REISRACH  (JEAN) 


r.EVEL  rj:A!; 


Madame  de  Féroni 

Cornchois 

Iioclirfière 

Les  Petites  Mariées 

Le  Grand  Villajre 

La  Tournée  dramali»|ue 

Iioscaux  pensants 

AiUels  privilégiés 

Confession  d*un  Enfant  du  Siècle 

Nouvelles 

Contes  

Extraits  pour  la  Jeunesse 

Lui  et  Elle 

Nouvel  Aladiii . 

Lauzun 

Histoire  de  Trois  Maniaques. . . 

Souvenirs  de  Jeunesse 

Contes  de  la  Veillée 

Contes  fantastiques 

Nouvelle? 

Hoîiians 

Rosie 

Noël  Savare 

Fille>  du  Monde 

Adultère  sentimental 

Un  Anjour  d'aujourd'hui 

l'ne  Séparation 

Mademoiselle  de  Trémor 

L'Échelle 

Rasqucux 

Un  Coin  de  Bataille 

La  riamelle 

La  Vie  hrnlale 

Aller  et  Retour 

Chez  nos  Ancélrt^s 

Testament  d'un  Moderne 

La  lin  d'une  Ame 

I«inl'^q:ue>  des  Vivants 

Ascensirri 

Mnl!ij«le  Vie 

UiiMres 


In  C»'i'Ll'r:il 

Contes  i.'»rinaîiils 


BlBUOlIlEQL'E.r.llAlil'tNTIEn 


vol. 
RCKIPIN  (JEAN, La  Glu 

—  .Madaine  André 

—  Les  Morls  bizarres 

—  Miarkîi  la  Fille  à  lOurse 

—  Le  Pavé 

—  Braves  Gens 

—  Césarinc 

—  Le  Cadet 

—  Truandailles 

—  Cauijpmars 

—  La  .Mis»flo({ue 

—  L'Aimé 

—  riamboclie 

—  Graiidf s  Amoureuses 

—  Conle?    de    la    Décadenco    ro- 

maine   

—  Lagih.isse 

RCSE^T    LOUIS  DE) Un  Tendre 

—  î*a|ia 

—  L'Annrnn 

—  La  U»|'risc 

—  Le  l'a:  tagr-  du  Cœur 

—  Le  Mauvais  Amanl 

FCCHEr Or T  (HENRI) L'Evadé 

—  Le  PaleiVeiiier 

RCD   EDOUARD) Le  Mi-nage  du  Pasleur  Njtudit-. 

—  Au  mil. eu  liu  Chemin 

RC:ESE::H  (GEORGES) Le  CarilloLncur 

—  Le  Muiée  de  Déguines 

—  L'Élite 

SAi  ME-EÎUVE Voluplé 

SiîST-GEPruIN  (J.-T.DE)...     Coules  et  Légendes 2 

StSDE:U    J. ; Madeleine 

—  Mademoiselle  de  la  Sei;:lièrt:... . 

—  Mariannii 

—  Le  docteur  Herbcau 

—  Fernruni. —  Vaillance. — Kiclmrd. 

—  Valcrenst* 

—  M"c     (le     Sommcr\ille.    —    La 

Clia^""  au  roîiian 

SC-:LL  «A'JRÈLIEN) Les  In-Miues  de  Paris 


i'.tt;LiorHCuL'ti-(:iiAiii>i;M'icii 


(PtUL) Coules  populairei  de  la  Ilaute- 

UriiiBsne 

—  CoiitesdiisPayianset<lu!>râcheuri 

—  l.ùgeuHes  de  la  Mer  (3  téries). . 

—  CoiiKrs  l1"3  Marini 

(ARMIND) In  l'ientler  Amant 

—  La  Kosake 

(THEOPHILE) Plaisirs  lusliquei 

(AN Ditt) Madmiioiselle  Guignoo 

—  Le  Mariage  de  Gérard.  —  Une 

Oadiiie 

—  La  Foniine  d'Ajigète 

—  ItayriioDde 

—  Le  Filleul  d'un  Marquis 

—  1^  Fils  Maugars 

—  Tante  Aurélie 

— .  Toute  seule 

—  Madame  llenrleloup 

—  Le  Journal  de  Tristan 

—  Hélène 

_  Sous  Dois 

—  L'AlTaire  Froideville 

âerU'ude  et  Véronique 

—  L'Amouicuv  de  la  Préfète 

—  l'.eiue  des  Bois 

—  Lb  .M;iri  de  acqueline 

—  Jfunes  el  Vieilles  fiarbes 

—  Flovie 


arjolaiiie.. 


Les  liéfractuiri 

Jacques  Vingiras.—  L'Enfant... 

—  l,e  Daelidicr- 

—  L'Insurgé  . . . 
L-Ev-i  Fiiliire 

Les  lloi':ion-ihioi>i(irt  : 


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En 


J.- 

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ŒUVRES   \^^tU      . 
LES   RouGoxT:^  ; 

r.lJTOlI.K  NATLKLLLH  tT  SOCIM.L  h\-  j^'"  '^  ^  * 

L.a  Oiii-éo «-.Of# 

L.O  %'eiiLi"e  do  l^ai^is.  .  '  '  ' 
La  OoïKiiiel©  de  JPla<a!sân*^ 
La   Fauto  do  l'al^bé  Mout-et 
Son  li^xcollexico  Eixsèue  ic 

I-j*--\.'?>*^oninioii^ ,  ^     ^^^lâ,^^ 

LJiio  I^aî2;o  d.'aiiionr*.   ....*''' 

ÎNT  •>  1"»  *^  *    *    *    '    ' 

I^or-f:5oillllO *    *    •    •       ' 


Au  I^.otilieui'  des  Dames  ..'''' 
La  ooio  <lo  vivre *      ' 


Oei^niliial 

L'<li:uvi*o 

ï^a  "l'oi^r^Oo 

Le*  I  <  <>\'o 

î_^a  Etiole  11 ixmaino.   . 

L'A  i\-.  eut 

La   IJv  liàclo 

Le  L><;,oieu.r*  JPasoal 


LES    TROIS    VILLES 
Loi:i*clo.*5j 

^V*-'"^ •    •   ^    '^^■ 

î^^-^-'-- \   V  ,1 

LES    QUATRE     EVANGILES 

l^ùooiicliLé 1   vol 

'l^x^a\'ail .   1   voL 

ROMAISTS    ET    XOUVELLES 

Thcii.£C  Requin 1  vol.    Contes  à  Ninon 1  vol. 


îïadeleinc  Ferat 1  vol. 

La  Conii-:ssicn  de  Claude  .   1  vol. 
ICc.:2  I.licoalin 1  vol. 


Kuuveaux  Contes  à  Ninon.  1  vol. 
Le  capitaine  Burle  .  .  .  1  vol. 
LesLlystéres  de  Marseille.  1  vol. 


Le  Vœu  d'une  morts ...  1  vol. 

CEUVRES    CRITIQUES 

McG  Haines 1  vol.  |  Nos  auteurs  dramatiques.   1  vol. 

Le  IiOixiC.:  ci'pcrimental  .   1  vol.  j  l'ccucienis  liltcraires  .    .   \  voL 

LciI.o:j^:îc:-^rs  n^.turcilistccl  vol.  I  T;n3  Cainpr.gne(io£0-îSS'l)   !  vo'. 

Le  iNLiuiLiiLiceaa  tbcâtre.  1  vol.  1  Nouvelle  Campagne  (iSt'j)  i  \ui. 

La  Vérité  en  marche   ....     1  voî. 

THÉÂTRE 

Tlicrérc  r..;c;iiu.  —  Les  IléritierG  Rriourdin. —  Lt  Loulcn  de  Rose 

'j.N   V(,:.L  :r 

Eu   ccii;il.'oriitioii  avec  Guy  de  ji-.upassant,  lluysrjar.i,  C-Jur^, 

llen'iiqi't',  .■..v..\i<. 
Les  Scirées  da  I-Icdc/j I  vcl. 

r.T  "i.  —  L.-ln.|.ii:ucric»  réunies,  ru.-  .Sai:»l-U<.noîl»  7,  l'an^. 


niBLlOTIItylE-CHAUPENTlER 


L'Assommoir 

Une  Page  d'Amour 

Nana 

Pot-Bouille 

Au  bonheur  des  Dames 

La  Joie  de  vivre 

Germinal 

L'Œuvre 

La  Terre 

Le  Rêve  

La  Dd'te  humaine 

L'Argent 

La  Dtrbâcle 

Le  liocleur  Pascal 

Les  Trois  Villes  : 

Lourdes 

Rome 

Paris 

Les  Quatre  Évangiles  : 

Fécondilé 

Travail 


La  Vt-riié  en  marche 

—  Le  Capitaine  Burle 

—  Naïs  Micoulin 

—  Les  Mvstères  de  Marseill»i 

—  l>e  Vœu  d'une  Morte 

—  Thérèse  Raquin 

—  Madeleine  Férat 

—  La  Confession  de  Claude 

—  Contes  à  Ninon 

—  Nouveaux  Contes  à  Ninon 

En  collaboration    avec     G.     de    AlALFAi^SAM, 

J.-K.   HUYSMANS,   LÉON    HeNNIQUE,     H.    l  F.Af.i', 

Paul  Alexis  : 

Les  soirées  de  Médar. i 


■".  —  L.-  lmf'riir;urics  rci:nics,  i .  e  Siint-Ucr.c  :'.  T,  Tur'.». 


ŒUVRES    D'EMILE   ZOLA 


LES     ROUGOJST-MAGQUART 

RiSTOn.r.  NATLr^LLLL  ET  SOCIALE   D'UNE  FAMILLE  SOIS  LE  SECONl)  EV 

La  l-^ofiuno  des  JFtouson 

I^a  Oui'ée 

Le  \'eiiti"e  d©  l^ax^is 

La  Ooxiciixôto  cl©  JPia«.sarLS 

La  Kiiut©  cl©  l'aV>l>©  Moni^et 

Son  Kx-celloiic©  Eixsèn©  r^ouson.   .   . 

L*-*v.'î>*^oiiiiiioir* 

Une  r*aj^©  d'anxoixi^ 

IVaiia 

F>0l-F:501llll© 

Au  I^otilieiii*  des  I>aiiies 

La  *Ic)ie  <l©  vivi^o 

Oei^nilnal 

L'<JL£:uvi-e 

La  Tei^i-eo 

Le  Mc>^'© 

La  £iôie  liixuLiaiEL© .  . 

L*Ai%\eiit 

La  JL>v  bàcl© 

Le  LX^aiGixr^  r*ascal 


LES    TROIS    VILLES 


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1-toiiie  .    . 


LES    QUATRE     EVAXGILES 

I^ùooiicliLé   . 

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Thérisc  Rr:quin 1  vol. 

Madeleine  l'erat 1  vol. 

La  Cûiueusicn  de  Claude  .  1  vol. 

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Le  Vœa  d'une  morts . 


XOUVELLES 

Contes  à  Ninon 

Nouveaux  Contes  à  Ninon. 
Le  capitaine  Burle  .  .  . 
Les  Idystères  de  Marseille . 


PIRE 

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CEUVRES    CRITIQUES 
r.lcG  liair.eG 1  vol.  i  Nos  autâurs  dramatiques. 

Le  IiOiiicr.  ei'pcrimental  .  1  vol.  j  Dccuments  littéraires  .  . 
Les iiorLJaUcicrsnftturalistecI  vol. ,  Une  Campngne(iSS0-iS8l) 
LcIxûLuraiiiiiieaathcàtre.  i  vol.  j  Nouvelle  Campagne  (iS9G) 

La  Vérité  en  marche  ....     1  vol. 


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El)  ccii-iboralioii  avec  (juy  de  .M-;upassant,  lluysraans,  Céarù, 

llennique,  .'i.c:à<. 
Les  Soirées  do  Llcdr.'j J  vol. 


"i.  —  L.-ln.[>u:ucTicâ  réunivS,  ruv-  .'>ai:»l-U«.noîl,  7,  Pari*. 


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DOC  OCr  16l33i: 


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