Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
V Les rougôn-macqùart- 'V
i
LES PERSONNAGES
■■■'■"■ BES ' .'■'.-■ -; ■^•■
B SERVIR » U LECTDBE Et À L'ÉTUDE Ie L'âuVRE DB
; EMILE ZOLA :.t
■ .\ PARIS-..' ;.•
' BlBLlOTHÈQHE-CHAliPENTIER
--v^..;:
LES PEIISONNAGES
ROUGO.X-MACQLIART
EUGÈNE FASQUELIE, ËDITEMR. 11, ROI DE GRENELLE
OUVRAGES OU MÊME AUTKUK
DANS LA BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER
à 3 fr. 50 chaqu* volun*.
LES ROUGON-MACQUART
■ isTOine 5ATcnsLLi rr •uculb d'oui rAMiixt •oct ls «bco^d bupiri
LA FORTUNE DES ROUOON 35* mUl*.
LA CURÉE AV milU.
LE VENTRE DE PARIS 43* milU.
LACONOUtTE DE PLASSANS 37* miUe.
LA FAUTE DE L'ABBÉ MOURET h^ mille.
SON EXCELLENCE EUOÈNE ROUOON 32* mille.
! L'ASSOMMOIR. 145* mille.
UNE PAGE D'AMOUR U4« mille.
i NANA 103« mille.
! POT-BOUILLE 9i* mille.
AU BONHEUR DES DAMES 7â« uUle.
LA JOIE DE VIVRE &4« luille.
; GERMINAL. 110* uille.
' L'ŒUVRE 60* mUle.
LA TERRE • iâ9« mille.
LE RtVE Ii0« miUe.
LA BÊTE HUMAINE 9l>* mille.
L'APCENT S9' mille.
i LA DÉBÂCLE âU7« mille.
LE DOCTEUR PASCAL 90- mUle.
LES TROIS VILLES
LOURDES I5i* mille.
ROME. 106* mille.
PARIS 88* mille.
^ LES QUATRE ÉVANGILES
FÉCONDITÉ 'Jl« mille.
TRAVAIL 77» mille.
ROMANS ET NOUVELLES
CONTES A NINON. Nouvelle ëditioo
NOUVEAUX CONTES A NINON. Nouvelle édition
LA CONFESSION DE CLAUDE. Nouvelle édition
THÉRÈSE RAOUIN. Nouvelle édiUon
MADELEINE F ÉRAT. Nouvelle édition
LE VŒU D'UNE MORTE. Nouvelle édition
LES MYSTERES DE MARSEILLE. Nouvelle édition
LE CAPITAINE BURLE. Nouvelle édition
NAIS MICOULIN. Nouvelle édition
THÉÂTRE
THÉRÈSE RAOUIN. ~ LES HERITIERS RABOURDIN. —
LE BOUTON DE ROSE
ŒUVRES CRITIQUES
VES HAINES
LE ROMAN EXPÉRIMENTAL
LE NATURALISME AU THÉÂTRE
NOS AUTEURS DRAMATIQUES
LES ROMANCIERS NATURALISTES
DOCUMENTS LITTÉRAIRES
UNE CAMPAGNE, 1880-1881
NOUVELLE CAMPAGNE. 1896
LA VFHIT^ EN MARCHP
vol.
VOL
voL
vol.
vol.
vol.
voU
vol.
voL
voL
vol.
voL
voL
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol
vol.
vol.
vol.
vol.
voL
vol.
vol.
vol.
voL
voi.
VOl.
vol
vol.
vol.
vol.
VOu
VOi.
vo..
vo.,
vol
vol
^ - ... . ^ , ,
LES ROUCON-MACQUART
LES PERSOANVGES
EIVIILE ZOLA
PARIS
BIBLIOTIIÈQUE-CIIADPENTIER
EUeÈNE FASQUELLE, ÉDITEUR
11, nUE DE GnEKELI.E, H
1901
PRÉFACE
Eii di-nombrnnl 1rs douze cenls personnages des I
Maci|uai'l, en ri-£uinant leurs faiu et ;jësIgs i>
vin^t volumes, l'uiiteur n'a pas piTdu de vue qu
avoir un intért't véritable, son livre devait respeL
seuleuient le lond, mais la forme même de In
L'onsidOruble d'Éniite Zola. Aussi Irouvera-l-on
taincs tournures caractêristiqnes, dt-s phrases (
jusfjn'à des alinéas complets, puisés dans le t
frand écrivain. Mais toute pensée de plagiat d
ÉcnrlOe, puis']ue riiuii|ue et très mince mérite
prétende l'auteur consiste, non dans l'évocation
foule vivante et agissante, mais dans sa simple
ordre, dans son classement al|iliab:-tiqiio.
Cojiru il y a trois ans, alors (pic Zola proscrit,
dans les siens, presque déchu de la qualité de
français, attendait dans un silence voulu et dcu
l'heuru Ol- la .jusli-'e, ce travail n'élair pas desi
publicité : il devait être olfert à l'auteur des I
Maeqitarl en un exemplaire uniipie, comme Tbi
tout persiiunel d'un passant, d'un admirateur i
Mais, après cxairien, on a pensé qne le puldic et li
II PRÉFACK
analytique, véritable annexe utile à tous ceux qui. désor-
mais, voudront étudier rationnellement V < Histoire natu-
relle et sociale d*une famille sous le second Empire >. Si,
en eiïet, le Docteur Pascal est la conclusion scientifique
de cette œuvre immense, s'il résume en larges traits la
vie d'Adélaïde Fouque et de ses descendants jusqu'à la
quatrième génération, il laisse volontairement de côté tout
ce qui gravite autour d*eux, les mille autres personnages
créés par Zola, véritable monde où s'agite toute l'huma-
nité.
Qu'on lise avec soin celle nomenclature, qui commence
à la petite brunisseuse Adèle pour finir à Zué la proxé-
nète. On y trouvera la vie contemporaine, avec ses beautés,
SCS hontes et ses angoisses. Des prêtres comme Faujas,
des juges comme Denizet ou Delcambre, des politiciens
comme Iluret ou le baron Gouraud, des fonctionnaires
arrivistes comme Léon Josserand ou sceptiques comme
Caiiiv-Lamotte, des militaires comme le colonel Jobelin
eu le g«''néral Bourgain-Desfeuilles, justifient par leur
ineulalilé tout le trouble où s'enlize noire époque. Si
chacun d'eux n'est qu'un comparse, ils prennent dans
l'ensemble un aspect redoutable, ils sont la vérité même.
Du Poizat, Mélanie Correur, Gilquin. Kahn, la terrible
bande u'Eugène Rougon, toujours affamée, toujours prête
à mordre, expliquent chez les ministres du jour tant de
contradictions el de palinodies. El quelle saisissante
! enquête sociale que ce résumé où les représentants des
I vieille- classes, le marquis de Bohain, le comte de Beau-
i villiers. le marquis de Chouard, se coudoient avec le
\ banquier-roi Gundermann, Taclionnaire Léon Grégoire,
\ rindu>lri»'l Deneulin, l'avoué des Jésuites Théophile Venol,
Son Allcsse Royale le prince d'Ecosse, fulur souverain
; élran;:or, — tous ces diri;îeanls mélanjîés aux humbles.
révollès aussi, le logicien Sigismoiul Biisch, l'insliluteiir
Lequi?i] L-l le plus résolu île tous, l'implac^ible ennemi îles
l Hclu'S d'eu bas el des jouisseurs d'en haut, Souvarine.
L'i'ilifice des Rougon-Macquarl a élè élevé en vingt
aniiOes, el la crilit|ue, voloniters aveugle et sourde, a
parfois aiïecté de n'apercevoir qu'un lien Trngile entre les
vingt ouvrages qui le coinpiisunt. La publlcutinn acluelle
répond à cette opinion; elle démontre l'unité de l'ensemble.
Les bourgi'ois provini^iaux de la Conquête de Plassans et
le? houliquicrs parisiens de Pol-Boiiille, les ouvriers de
['Assoinmoire\.]es mineurs de Germinal, les ^ipres paysans
de la Terre el les boursiers affairés de ['Argent, les
artistes iiuiniels de VŒurre el les soldats démoralisas do
la Drhùcle, conçus à des époques diirérenles, n'en ont pas
moins une fralemilé étroite. D'un volume â l'autre, le
jnédecin Pascal Uougon tend une main amie au romancier
T'ierre Sandoz; Albine, la libre fée du Panidou, est bien
la sœur de Marie CliarLtegreil et de la petite brodeuse
Angélii]uc: i'auliue Qupuu, Ili'nricile Levasseur, Mar-
celle M ;iN gendre, Denise Baudu, parrailes créatures de
devoir, de dévouement el de sacrifice, sont les filles leii-
drenienl unies, lendrenient aimées, d'un même père; la
princesse d'Orviedo, qui distribue sa Torlune aux pauvres
et s'enlerre vivanle, possède un lirait commun, la purrîlê
de l'idéal, avec la farouche Aiinouchka, qui meurt cnura-
geusemenl pour sa foi. El si la critique est en veine de
découvertes, elle doit apercevoir, à travers les rudesses des
Rougon-Macquarl, toute une jdciade d'adorables femmes,
telles iiue nul auteur réininisle n'en imagina jamais.
Si elle veut faire une élude sur les Femmes dans i'œtivre
iTÊmiie Zola, elle ajoutera à tous ces noms ceux de Chris-
tine Hallegrain, de madame Caroline, de Clolilde Ituugon ;
IV IMîÉFACK
I Bijard, à Paimyrc Boulcroue, aux filles de la Mahetide,
! Alzire la petite bossue et la triste Catherine, à la Maheude
surtout, la mère crucifiée. Quant aux réprouvées, Renée
I Béraud Du Chàtel, Séverine Aubry, Gervaise Macquart,
( victimes du milieu ou de la tare héréditaire, elle rendra
justice à la sollicitude, à la tendresse pitoyable <|ui s'af-
firme chez Zola au plus vif et au plus précis de l'analyse.
Dans un livre où l'histoire des Rougon-Macquarl se
condense en notices individuelles, il était difficile de Wvrc
vivre ces foules en marche, galopades d'émeutes ou
courses li'épopC-es, qui donnent à l'œuvre du maître un
soufllo si puissant". On a lente cependant de les évoquer.
Mii-'tte défile, échevelée, niante au vent, à la tête de la
troupe insurrectionnelle qui envahit Plassans; avec
Hlienne Lanlier, les grévistes aflaniés traversent en trombe
tout le p.'iys noir; devant tante Phasie immobile, l'élerpel
fiot de voyageurs roule sans fin sur la ligne du Havre. El,
à Iheuro où l'Empire s'effondre dans le sang, le soldot
I*icot nou> fait revivre Wissembourg. son camarade Cou-
lard évoque Frœschwiller et la déroule, le docteur Dali-
champ el Tépicier Simonnol nous monlrent les colonnes
sellées do Bavarois envahissant Piaucourl; el, le lendemain
de Sedan, c'est avec Silvine Monnge (jue nous visitons le
champ de bataille, plein de morts, de rôdeurs, de chevaux
a (loi es.
L'n procédé analogue a permis de mcllro ici quelques
figures Iiislori«;ues ou légendaires, dont Zola nous a des-
siné la silhouette. Kous verrons donc passer Aristide
Saccaid, afficiianl madame de Jeuniont, sous l'œil amusé
du comte de lîismarck; le peintre Gagnière fera défiler
devant nous les maîtres de la musi.jue, depuis Haydn et
PRÉFACE V
euvoléo hors du réel ; avec le chasseur d'Afrique Prosper
Sambuc, nous assisterons à la mort glorieuse du géitéral
Margueritte. Et, à plusieurs reprises, comme en un fond
nécessaire au tableau colossal, l'empereur se précisera à
nos yeux, d'abord dans tout Téclat d'un bal officiel aux
Tuileries avec Renée Saccard, puis à Compiègne et à
Saint-Cloud avec Clorinde; le major Bouroche nous le
montrera à Reims, la face très pale, les yeux vacillants;
et, dès lors, Napoléon III, incarnation du régime où se
sont développés et satisfaits les appétits des lioiigon-
Macquart, nous suivra comme un fantôme. Nous le retrou-
verons au Chéne-Populeux, chez le notaire Desroches; le
fabricant Dclaherche noiera sou allure silencieuse et
morne à la ferme de Bavbel cl sur la roule de Balan; la
petite Rose, fille du concierge de la sous-préfecture de
Sedan, entendra pendant la nuit ses plaintes élouiïées;
enfin, après l'irréparable désastre, c'est encore Delaherche
qui nous fera voir le souverain, déchu et traînant sa
misère, sur la route de Donchery.
Mais cet ouvrage aurait été incomplet, si « tout ce qui
traîne et tout ce qui se lamente au-dessous de l'homme »
n'y avait trouvé place. L'immense tendresse de Zola pour
les animaux donnait à ceux-ci un droit de cité. Bataille,
doyen de la mine du Voreux, et le pauvre Trompette
devaient fraterniser avec Bonhomme, le vieux cheval, le
vieil ami du docteur Pascal ; les bons cliiens Mathieu et
Bertrand méritaient de revivre ensemble, dans un niéme
livre; l'infortunée Poloiine, l'égoïste Minouche, le joyeux
Gédéon, et Alexandre, et l'autre Mathieu, toute la basse-
cour de Désirée Mourel, aspiraient à se rencontrer avec
César et la Coliche. Puis, au-dessous des ajiimaux, les
élres inanimés voulaient, eux aussi, venir au rendez-vous:
Jacques Lantier et Pecqueux retrouvent ici leur machine
M PHÉl'ACE
aimée, la Lison, douce et vigoureuse, capricieuse et
cale comme une femme. Tous n*apporlenl-ils pas
conlrilailion à renquête'universelle? Celle machine <
Irêe. ces bêtes souffrantes et aimantes, vieillies et s
fiées, sont comme les ombres douloureuses de tai
vaincus de la bataille sociale, le maigre Florent, le
chanceux Henri Deloncle, et le petit François Quittai
le pore Josserand, et le remisier Massias. et le '
Donnemorl, et Pauvre-Enfant, le pâle troupier du i
ligne, dont Henrielle AVeiss berce doucement Tag
CV^l un lamentable concert qui adoucit de ses san
riiistoire des Rougon-Macquart, hymne à la vie, œuv
science, de justice et de pilié humaine.
F. C. PaMOND.
LES PERSONNAGES
ROUGON-MACQUART
V Adèle. — Sœur de la grande Virginie. P^'JgJtrunisseuse
demeiiriim rue des Poisse miiers. Manijuc râtelier deux jours
fur Irois [ii]. Devient la mailresse d'Auguste Latitier et va
habiter avec lui du cûté Je la Glacière [^35]. (L'assommoir.)
\l Adèle. — Une bonne de maison bourgeoise. Traits accen-
lues de DretoDue, cheveuï couleur de clianTre. A peine déliar-
quéc de son pays, elle est entrée chez les Josseraiid, des
maîtres qui abusent de son ignorance et d^ sa saleté pour la
mal nourrir [.32]. Adèle est le soulTre^^^uleur dus autres
bonnes de la maison, lajj^âle sale et gauche sur laquelle tout
le monde lape. Ce sont des injures conlinuelles, à travers
l'étroite cour de service, boyau noir dont la puanteur d'évier
mal tenu est comme l'exhalaison même des ordures cachées
des familles [136]. Trublol, toujours empressé auprès des cui-
sinières et des femmes de chambre, devient l'amant de la
pouilleuse Adèle qui, un peu plus tard, couchera aussi avec
Uuveyrier, n'osant faire une impolitesse au propriétaire. D'ail-
leurs, la fréquentation des hommes cause si peu de plaisir à
cette lille, qu'elle reste sale exprès, afm de ne pas leur donner
des idées [340]. Peu à peu, les autres domestiques l'ont dégour-
die; elle vole des pruneaux et répond insolemment au\
observations de madame Jûsserand, qui n'ose renvoyer cette
bonne, si dure au travail. Devenue enceinte, Adèle, prise de
terreur, a dissimulé sa grossesse avec des ruses de..sauvage;
' 1
1» LtS PERSONNAGES
«•lie accouche clandestinement dans d*afrreu«cs souffrances [17^]
el, ne voulant pas tuer son enfant, va le d<*|io$er «te bon matin
dans le passage Clioiseul, sans être aperçue. (Pot- Bout lie.)
Adè'e. — Demoiselle de boutique chez le charcutier
<juenu. Peiitc, fraîche, rouge. Après la mort ùù son patron,
olle a fait apposer les scellés, prévenu le notaire et continué à
tenir la boulique. C'est elle qui remet Pauline Ouenu à ma-
dame Clianteau [to]. (La Joie de virre.)
Adolphe. — Conducteur d'artillerie, incorporé dans la
batterie d'Honoré Fouchard. C*est un bel homme blond,
large de poitrine, très grand, avec de grosses moustaches,
vluns son visage rouge. 11 monte un porteur s»lide, une b^t''
al'.'zane. Appareillé depuis trois ans avec le pui'ileur Louis,
selon la règle établie de marier un hommti à cheval et un
hoinmc à pied, il domine son camarade et fait bon nién;ige
avec lui, sauf lorsqu^on mange: Louis, doué d*un gros appétit,
se révolte lorsque Adolphe veut se servir en m.iilre [9.3].
Le jour de Seilan, devant le calvaire d*lliy. (îù J*artillerie
française est balayée par les batteries prussienn**s de Flei-
^nfux, les conducteurs alignés restent impassibles; ils ne
battent même pas des yeux à regarder les obus vt.'nir droit à
ouN. Pendant la maifœuvre des avant-trains, une furieuse borâ^^e
de fer s'abat sur Ja pièce. Adolphe culbute, lu puitrine fendue,
les bras ouverts; dans une dernière convulsion, il a pris Louis,
tué (in même coup, et tous deux resteit embrassés, faroucht-
mi-nt toi dus, mariés jusque dans la mort [313]- (La Débâcle.)
Albine. — Nièce de Jeanbernat. Elle avait neuf ans, quand
son père, subitement ruiné dans les affaires, s'est suicidé, Ja
laissant au vieux philosophe du Paradott. Demoiselle déjà,
lisant, brodiint, l>avardajit, tapant sur les pianos, elle a di\
«liiitlcr la pension et se réfugier chez son oncle, i)ui vit loin de
titut, fumant sa pipe devant ses carrés de salade, ignorant
rinmiensL' forêt vierge dont il est ie gardien. Cftle mer de ver-
dure, roulant sa boule de feuilles jusqu^à l'horizon [15H],
.\li»iijc' s'en e>t empan'e, elle y vit, elle a oublié son ancienne
existence de pensionnaire à jupons brodés, elle est revenue à
la libre nature. A seize ans, c'est une étrange fille blonde, au
visa;rc un pnj long, aux yeux bleus, aux bras mm es, nos et
dorés, avec de^ fleurs sauvages tressées dans ses cheveux; elle
s'iialiillf d une jupe orange, avec un grand hchn rou^^e atta-
ché derrière la taille, ce <|ui lui donne un air de bohémienne
BES IlOLGOX-MACmAIlT 3
fOiliiiiaiicli.-.; [:<ô\. E'k esl l'Ame itiidre du merveill<*uï jar-
ilin oii Serg<' Mourrt, cvailii un iiislant lic lu in'vrox' héi-cdi-
[aire, va n'commcnrer son eiislciice, iiuUre itcins le soleil,
s'our rir II la iialiire,]>Ieurer devant Icsroses et deviner leiUemciit
l'aiiioiir. AUtine sera l'innocealti inilialrice, puis l'anianle pas-
sioiiJii'i' qui s'insurgera roiilre Dieu même et. Heur vivante du
Paradou, voudra mourir parmi les llijurs [il 7]. {Lu Faute de
fabbé Mouret.)
Alexandre. — l'ort au\ Halles. Itenu garçon de vin^- ■
deux ans, rasi!', ne portant que de petites moustaches, air
gaillard l-ii], j>alure fronehe, pleine de sauté cl de gaieté,
■y est un liai) ami de Claude I.anlicr, qui ailiniro en peintre sa
belle carriMv [:;*1]. Il fait partie du groupe Gavard [13^] el,
cnniproniis coninii: un grand enfant il.ins l'adairc' du complut
des Ilalks, il se fuit eondainner à deux ans de prison [3ô5].
(/rf Venlic de Paris.)
Alexandre. — Gardien à l'Asile d'aliénés des Tulettes.
Grand çatru iiipre, tout habillé de gris. De connivence avec
Antoine ^!^ci]uarl, il assure l'évasion de François MuurelpG7].
(La Conqiirt ■ ih Planaiis.)
Alexandre.— Ine des lu^lcs favorites de liésir^c Mou-
ret. Granii foi| f.iuve iiui coniiiiaiide la liasie-cour [71], [Ui
Faille •lrl']i.bK Moiiret.)
Alexandre, — Gitrron Jo magasin au lioiilieur des Dames
ll-\. {Pul-tioiiille.)
Amadieu. — Ilaliilué de la Jioui-se. Gros mojjijeur ù figure
rouge el rasée, rjue 1rs spéculateurs vénèrent depuis son
fameux cuu|] sur lus mines de Selsis, les aclioiis acliel^'es à
ijuiiizt' fraiii'ï en nii coup .i ■-ntèienieal iniliécile, et revnnilues
plus tard avu'c un lionéiiiL' d'une >)uinzain<! de millions, sans
iju'il ail liL'ii prévu ni cal;:ulé, au hasard. Cm aile (\a brute
ebauccuse a liou>sé Amadieu au rang des vastes cerv en ui linan-
ciers; il e-t saUié, consulté parioul [^1, une vérii.ible cour le
snil, làehanl île surprendre ses moindres pni-oles, jouant dans
le sens qu'elles semblent iutliqucr [:'29]. Ijuaal à lui, il ae
donne plus d'onlri-s, comme salisrait, trônant dii'ormais dans
son coup de géiiiL- unique el légendaire. {L\lrgriit.)
Amanda.— r.hani-mse de ir^nre nu café-i'oucErl du boule-
vard lîi'chccboiiarl |:ji;i|. [I.'.\3>ommoii\)
i LES PERSONNAGES
Amélie. — Grande (^j^ logée à Thôtel Vanneau, tenu par
madame Correur. Couchait avec le petit Du Poiz.il et le jetait
d'une claque à In porte, quand il n'était pas sage [107]. {Son
Excellence Eugène Hougon.)
Amélie. — Femme de l'ouvrier menuisier qui habite une
y' petite chambre du cinquième, dans l'immeuble Vabre, rue de
^ Choiseul. Elle est en place et vient passer la nuit avec son mari
une fois par mois, quand ses maîtres le permettent. Les Gourd
s'indignent contre cette intruse et font donner congé à l'ou-
vrier [UTJ. {Pot-Bouille.)
Anatole. — Le revolver de Gavard [295]. {Le Ventre de
Paris.)
André (Le Père). — Vieux paysan de Chavanoz, village cl
Miette a passé son enfance [234]. {La Fortune des Bougon.)
Angèle (Sœur). — Religieuse attachée à Tinfirmerie du col-
lège de Plassans. Une figure de vierge qui révolutionne la cour
des grands. Disparaît un beau matin avec Hermeline, un élève
de rhétorique [36]. {UOEuvre,)
Angélique Marie (1). — Fille non reconnue de Sidonie
Piougon. Père inconnu. Elle est née a Paris, le 22 janvier I85i,
quinze mois après la mort du mari de Sidonie. Lasage-femmf
Foucart l'a déposée le 23 du même mois aux Enfants-Assistés
de la Seine; elle y a été inscrite sous le numéro matri-
cule 1G34 et, faute de nom, a reçu les prénoms d'Angéliqui
Marie. Le 25 janvier, l'enfant a été confiée à la nourrice Fran-
çoise Hamelin, maman Nini, qui Ta emportée dans la Nièvre,
où elle a grandi en pleine campagne, conduisant la Rousse
aux prés, marchant pieds nus, sur la route plate de Soulanges.
Au bout de neuf ans, le 20 juin 1860, comme il fallait lui
apprendre un élut, elle est passée aux mains d*une ouvrière
tlearisle, Thérèse Franchommc, née Rabier, cousine par alliance
de maman Nini. Thérèse est morte six mois après chez son
frère, un tanneur établi à Beaumont, et Angélique Marie,
adreusement traitée par les Rabier, s'est enfuie, une nuit de
décembre, le lendemain de Noël, emportant comme un trésor,
(!) Angélique Rougorij née en 1851 ; épouse en I8iv.) Félicien de
IJautecœvr^ et meurt le même jour d'un mal qui n'a pu être constaté
[Innôité. Aucune ressemblance avec sa mère et son a^-ccndaiice. Du
cOt»' du père, l<;s documents font dOfHutj. (Arbre généalogique des
' Tlou^jon-Macauart.)
UES noCGOS-HACtilAIlT i.
cachant avec ud soin jaloux le seul bien qu'elle possédai, son
livret d'enfant assislû! H.iliillêe de loques, la tète enveloppée
d'un lambvau de foulard, les pieds nus dans de gros soutiers
d'homme, elle a [lassé la nuit sous la neige, aJossée à un
pilier delà cathcdr.ile el serrée uonlre la sintue de sainte Agnès,
la Viei-^e martyre, lîaucce à Jésus. Au mutin, hi ville est
couverte d'uu grand linreul lilanc, toutes les Saintes du
portail sont lètues de neice imm^iculée, et l'enfant misérable,
blanche de neige, elle aussi, raidie û croire <|u elle devienl de
pierre, ne se distingue [ilus des grandes Vierges [i].
Les llolicri larecueillent loule froide, d'une légèreté de petit
oi»eau tombé du nid [9J. C'est une gamine blonde, avec des
yeux couleur de violette, la face allongée, le col surtout très
long, d'une élégance de lis sur des épaules tombantes [û]. Son
allure est celle d'un anifnal qui se réveille, pris au piège; il ;
a en elle un orgueil inipiiissanl, la passion d'être la plus
forte [H], on lo sent cni-agée de fierté soutirante, avec pour-
tant de> lèvres avides de caresses [17]. Elle va, pendant une
année, déconcerter les Hubert par des sautes brusques; après
de* journées d'application «emplaire à son nouveau métier du
brodeuse, elle deviendra tout à coup molle, sournoise, et, si
on la gronde, elle éclatera en mauvaises réponses; certain!!
jours, quand on voudra ta dompter, elle en arrivera à des
crises de fulie orgueilleuse, raidie, tnpanl des pieds et des
mains, prêle A déchirer et à mordre. Mais ces affreuses scènes
se terminent toujours par le même déluge de larmt-s, lu même
exallalion de repentir, qui la jette sur le carreau, dans une
telle soif de châtiment qu'il faut bien lui pardonner [25]. C'est
la lutte de l'Iiérédilé et du milieu. Hubertine lui a enseigné le
renoncement et Toliéissance, qu'elle o|>pose à la passion et à
l'orgueil. A cliaque révolte, elle lui a infligé une pénitence,
quelque basse besogne de cuisine qui l'enrageait d'abord el
finissait par la vaincre. Ce qui inquiète encore, uliez celle
enfant, c'est l'élan el la violence de ses caresses, on la sur-
prend se baistinl les mains; elle s'enfièvre pour des images,
des petites gravures de sainteté qu'elle collectionne; elle
s'énerve, les yeux fous, les joues brûlantes.
Angélique est une Hougon, aux fougues bérédîtaires, et elle
vit loin du monde, comme en un cloitre oii tout conspire à
l'apaiser. A llienre de h première communion, elle a appris le
mot ii mot du calccliisniu dans une telle ardeur de foi qu'elle
r. LES HEUSON.NAGES
aiiore la lecture. Li* livre qui achèvera de former son âme est
la Légende dorée, de Jacques de Voragiue, où d*ahord les
vieilles iin.ngps naïves Font ravie, et dont elle s*est accoutumée
ù déchiffrer le texte. La Légende Ta passionnée, avec ses
Saints et ses Sainios, aux aventures merveilleuses aussi belles
que des romans, les miracles qu'ils accomplissent, leurs faciles
victoires sur Satan, les effroyables supplices des persécutions,
subis le sourire aux lèvres, un dégoût de la chair qui aiguise
la douleur d*unc volupté céleste, taiitd*lii>toires captivantes où
les bètes elles-mêmes ont leur place, le lion serviable, le loup
frappé de contrition; elle ne vit plus que dans ce monde tra-
gique et triomphant du prodige, au pays surnaturel de toutes
les verlus,.rcçoinpensées de toutes les joies [39]. Le livre lu.
a appris la.chanlc; c'est un emportement de bonté, où elle se
dôponille d'abord de ses menues affaires, commence ensuite à
piller la maison et se plait à donner sans discernement, la
inain ouverte. A quatorze ans, elle devient femme, et quand
elle relit la Légende, ses oreilles bourdonnent, le sang bat
dans les petites veines bleues de ses tempes, elle s'est prise
d'une tendresse fraternelle pour les Vierges. Elisabeth de
Hongrie lui devient un continuel enseignement; à chacun?
dos révoltes de son orgueil, lorsque la violence l'emporte, elle
songe à ce modèle de douceur et de simplicité [XZ] et la gar-
dienne de son corps est la vierge-enfant, Sainte Agnès [io].
A quinze ans, Angélique est ainsi une adorable tille ; elle a
grandi sans devenir Ûuette, le cou et les épaules toujours d'une
^M-àce fièrc, la gorge ronde, la taille souple ; et gaie, et saine,
une beauté rare, d'un charme infini, où fleurissent la chair
innocente et Tàme chaste [16]. Elle est devenue une brodeuse
remarquable, ({ui donne de la vie aux fleurs, de la foi aux sym-
boles ; elle a le don du dessin, on s'extasie devant s»^s Vierges,
comparables aux naïves figures des Primitifs, on lui conlie tous
lc> travaux de grand luxe, des merveilles lui passent par les
mains. Et sa peu-ée s'envole, elle vil dans Tatlt-nte d'un
miracle, au point qu'ayant planté un églantier, elle croit qu'il
v;t donner des roses. A seize ans, Angélique s'enthousiasme
pi.ur les ILiuieiœur, en qui elle voit les cousins de la Vierge;
.Ile vouilrait épouser un prince, un prince qu'elle n'aurait
jîtinais aperçu, qui viendrait au jour tonjbanl la prendre par
la ni'iin et la mèn-rail dans un palais; il serait très beau, très
riche, le plus beau, le plus riche que la terre eùl jamais porté.
E» ••lie vo'.'-lrail n\i'i\ Tainiâi à la foli'». î-lin tll''-nii'ii^.f' J.- l'aiiiv'!
l)F.s 1I0Lr.0N->lAr.(JL:AllT 7
ouiniiie une fuik-, el ils seraii;nl Irùs jeuucs, liûs |.urs el 1res
iioliles, toujours, loojours [09]. C'est ee rtîve qu'ulli: va [Jour-
suirrEmaiiilL'iiniil.
l,e niiraclt: naiira de son imngiiialion ét^haulTêe île faldes, des
i)^!>irs iiK-Diisuienis Je $a pulioMé. Elle s'esl etialtée dans ia
uotiti^mplHtioii ilu viirail de la chapelle Uauieuoeur cKjuaDd,
sous le raitici^ croissant de la lune nouvelle, elle eiilrevoit une
oiulire iiniiiDbile, un homme <}iii, les regards levés, ne la quitte
|>ius. il lui seiiilite i|iie Sninl Georges csl descendu de soo
vitrail et ii«nl â elle. L'apparilion se précise, rhoiitinc est un
linntri' verrier (|ui tn\i un travail de reslaiiralion : elle sourit,
dnus une absolue caiiCiinne va son révo de voyule foiluoe.
I^rsifue l'incoiinn pénétre chez le^ lluherl, elle peut hîeii jouer
rindilTéi'euce, la femme qui est en elle peut obéir k u:i obscur
atavisme, «e réfugier dans la méliance et le meiisoiig<.' ; Angé-
lique, toalpré ses malice; d'amoureuse, ne cesse de croire à sa
Itrande destinée, elle reste certaine que l'élu de son cœur ne-
saariiit étr-: que le plus beau, le plus riche, le plus noble. El la
révélalion décisive, l'humble verrier devenu Félicien VII de
liautecitur, lii'rilier d'une illustre famille, rielic comme un roi,
beau comiiir un dieu, ne parvient pas ti l'étonner. Sa joie est
immenîe, P'irfaile, sans souci des obstacles, qu'elle ne pi-évoit
pas. Il semble û .\ngélique que le mariage s'accomplira di's le
lendemain, avec celle aisance des miracles de la Légende.
Huherlrne la bouleverse en lui montrant la dure réalité, \t\
puissant évéqiie ne pouvant marier son fiU à une pauvressey
Son orgueil tsi aballu, elle retombe â lliuinililê de la grâce.
elle se cloître même, sans chercher à revoir Félicien ; mais ellr-
esi certaine ne les choses se réahseront malgré tout; ellt-
atiend un niicicle, une manifestation de l'invisible. Dans fan
inlassable confiaiioe, sûre que si monseigneur refuse, c'est parce
qu'il ne la connaît pas, elle se présente h lui au seuil de la
chapelle lliiuii'cœur et, d'une voix pénétrante de cliamie, peu
fi peu vafTerniie, elle dêrend sa cause, elle se confesse toute,
dans un élan de naïveté, d'adoration croissaute; elle dii le can-
tique dt: son amour el elle apparaît comme une de ces vierges
légendaires des anciens missels, aveu quelque cIiosh de frêle,
d'élaiii'é dans 'a passion, de passionnément pur [3iT]. Au refus
de l'évcque, loulx espérance humaine est morte, il semble que
le révo tùit â jamais abuli, L'ne coui-te révolte soulève Angé-
linue. ell'' aime eu désesoêiée. urêlc â fuir nvec. raiiianl : c'est
8 LES PERSONNAGES
sort de ce suprême combat touchée définitivement par la grâce,
mais une langueur l'épuisé, c'est un évanouissement de tout
son être, une disparition lente, elle n'est plus qu'une flamme
pure el très belle [^i]-
Et alors le miracle s'accomplit. 'Monseigneur a cédé. Angé-
lique était sans connaissance, les paupières closes, les mains
raides, pareille aux minces et rigides fi^rures de pierre couchées
sur les tombeaux. Le : c Si Dieu veut, je veux i des Hautecœur
Ta ressuscitée. Plus rien des révoltes humaines ne vit en elle.
Désormais en état d'humilité parfaite, elle remet au cher sei-
gneur qu'elle va épouser son livret d'élève, celte pièce admi-
' nistrative, cet écrou où il n'y a qu'une date suivie d'un numéru
et qui est son unique parchemin. Et c'est maintenant la pleii'i
réalisation de son rêve ; elle laisse tomber sur les misérables
un Ijouve de richesses, un débordement de bien-être; elle
épouse la fortune, la beauté, la puissance, au delà de tout
espoir et, toute blanche dans sa robe de moire ornée de den-
telles et de perles, parvenue au sommet du bonheur, elle
meurt en mettant un baiser sur la bouche de Félicien [309].
{Le néce.)
Anglars (Irma d'). — Une noceuse d'autrefois. \ él»"
célèljre sous le premier Empire. Gaga, qui Ta connue, prétend
qu'elle vous nettoyait un homnne rien qu'à soufTler dessus; on
l:x dirait dégoûtante chez elle, mais dans sa voiture, elle avait
un chic extraordinaire. Irma possède à Chamonl un domaine
d'une tranquille et royale majesté, et un château historique où
l'on conserve la chambre de Henri lY. A quatre-vingt-dix ans,
restée droite et ayant toujours ses yeux, elle est très simple
et très grande, avec la face vénérable d'une vieille marquise
échappée aux horreurs de la Révolution. Tous les gens de
Chamonl la saluent profondément; c'est une reine puissante,
comblée d'ans et d'honneurs [218]. (Nana.)
Annouchka. — Maîtresse de Souvarine, affiliée avec lui à
un complot politique. Déguisée en paysanne, elle apportait du
pain tous les soirs aux conjurés qui minaient la voie du che-
min de fer où devait passer le train impérial. Comme un
homin»^ aurait pu être remarqué, c'est Annouchka qui a allumé
la mèche. Souvarine, échappé aux recherches, a suivi le pro-
cès de sa maîtresse pendant six longs jours; deux fois, il a
eu envie de crier, de s'élancer par-dessus les têtes pour la
r^inindro. ?nais un homme de moins, c'est un soldat de ?^")oins.
DES ROLGON-MACQUAUT 9
et Ânnouclika disait non, de ses grands yeux fixes. Il a vu
pendre )es condamnés; Texécuteur perdait la tête, dérangé
par la pluie battante; Annouclika a dû attendre son tour, tout
debout, pendant vingt minutes ; elle n'apercevait pas son
amant, elle le cberchaiten vain dans la foule, puis Souvarine est
monté sur une borne, elle Ta vu, leurs yeux ne se sont plus
quittés. Quand elle a été morte, elle le regardait toujours.
Alors, il a agité son chapeau et il est parti [509]. {GerminaL)
Antonia. — Femme de chambre de Clorinde. Petite Ita-
lienne noire, aux yeux pareils à deux gouttes d'encre, mal
coiffée, velue d'une robe jaune en loques [65]. Elle suce des
oranges du matin au soir. Grande familiarité avec sa mat-
tresse [175]. {Son Excellence Eugène Bougon,)
Archang^ias (Frère). — Frère des écoles chrétiennes.
Dirige depuis quinze ans l'école des Artaud. Grand corps
maigre, taillé à coups de hache, dure façe^dje paysan en lame
de sabre, nuque' au cuir tanné [32]. 11 est vêtiT d'une grande
soutane graisseuse, avec un rabat ^aifi^lissant vers l'épaule
[34]. Frère .\rchangias, terrible homme toujours mugissant,
toujours jetant l'anathème, pousse le dégoût et la haine de la
femme jusqu'à s'irriter contre la dévotion à la Vierge. C*est
une brute exaspérée par la continence, un énergumène qui
répand sa fureur sur la nature entière, arrachant les nids,
exécrant les fleurs, voyant dans toute fécondité immondices et
magie du diable. Vis-à-vis de l'abbé Mouret, dont il a surpris
la faute, il se constitue le gendarme de Dieu [31!2]; il guette
les moindres faiblesses du jeune prêtre, devine à la clarté de
son regard les pensées tendres et les écrase d'une parole,
sans pitié, comme des bêtes mauvaises [313]. Le vieux Jean-
bernât, qui l'avait déjà corrigé dans une lutte à coups de
pierre [317], lui coupe une oreille devant le cercueil d'.\lbine,
la petite fée du Paradou que irère Archangias a poursuivie de
ses insultes enragées. {La Faute de Vabbè Mouret.)
Aubertot (Madame Elisabeth). — Veuve du notaire Auber-
tot, sœur du président Héraud Du Cliàtel, tante de Renée et
de Christine. Quand madame Béraud Du Châtcl est morte en
mettant sa seconde Hlle au monde, madame Aubertot a recueilli
Tentant; devenue veuve quelques années après, elle a ramené
Christine dans la maison paternelle, où elle-même s'est instal-
lée. C'est une petite vieille de soixante ans, d'une amabilité
exquise [22], et qui aime tendrement ses nièces. Désespérée de
I«i LES PERSON.NAdES
•
la grossesse clandestine de Renée, s'accusant d'un manque de
survcillaiice et voulant atténuer aux yeux* du père Ténormîté
de la faute commise, elle s*esl laissé suggérer par Sidonie
Kougon rid'ie d*un mariage de Renée avec Aristide Saccard.
A celui-ci, elle fournit un apport de deux cent mille francs;
à Renée, elle donne de vastes terrains situés à Charonne [8].
Madame Auberlot meurt en 1863, quelques mois avant Renée
[3361. {La Curée.)
Aubry (Sévehixe). — Fille cadette d'un jardinier au ser-
vice des Grandmorio. Sa mère est morte en couches, et Séve-
rine entrait dans sa treizième année lorsqu'elle a perdu son
pCrc. Le président Grandroorin, dont elle était la filleule, est
«Je venu son tuteur, il Ta gardée près de sa fille Berliie. Lci
deux cotnpngncs sont allées au même pensionnat de Roum,
• îles î as-aienl leurs vacances au château de Doinville ; c'est
là que, docile et ignorante, la petite Aubry s'est pliée aux
(îéîirs honteux du vieux président; plus lard, simplement
désireuse d'nrrangcr les choses, elle s'est laissé marier avec
Houhaud; un employé de l'Ouest. Dans l'éclat de ses vingt-cintj
ans, elle semble grande, mince et souple, grasse pourtant
avec «Je petits os ; elle n'est point jolie d'abord, la faci
loi..^u::, la bouche forte, éclairée de dents admirables; mais à
la regarder, elle séduit par le charme, l'élrangc^lé de sis longs
yeux Meiis, des yeux de pervenche, sous son épaisse chevelure
jioire [']. Mariée depuis trois ans, Séverine reste une grande
enfant passive, d'une affection filiale, où l'amante ne s'est
point éveillée; elle aime à se faire cajoler et couvrir de bai-
sers qu'elle ne rend pas, et cette femme, qui a connu les lubri-
cités a!ior;nal»;s d'un vieillard, reste sans vice, dans sa demi-
inconscience Je fille douce, chaste malgré tout. Un instant
d'oubli, un invig'niiiant mensonge qu'elle u*a pas su maintenir,
révvle tout son p issé à Uoubaud, et Séverine ne comprend rien
à la <0J laine fureur de ce jaloux pour qui elle n'a qu'une calme
affeclio.i de c^niaraie; elle se laisse arracher toute la vérité,
des détail- aflolaiils qui jettent l'homme à la folie du sang; et,
comi'lèî'jineiii dominée par son mari, instrument d'amour
de\eiiu iii^ii'umenl de mort, elle accepte la complicité d'un
assassinai : Gramlmorin est attiré dans un guet-apens, et c'est
elle qui. do tout son corps, pèse sur les jambes de la victime,
pendant que le meurtrier enfonce le couteau [:255].
L-rs s-ins de Séverine ne s'éveillent que plus tard, dans les
htS iJOlGON-MACyUAnT Jl
hras de Jacques Lauticr. Comme celui-ci a deviné le crime, elle
n'a d'abord eu qu'une pensée, le sentir à elle, toui à elle, faire
de lui sa chose ))Our n'avoir plus à le craindre ^ puis, elle s'esl
mise à Tainicr de tout son cœur vierge. C'est l'horreur du
passé qui la donne à Jacques, dans le débir de disparaître en
lui, d*étre sa servante. Alors elle se passionne, elle se dégage
de cette longue virginité froide, dont ni les pratiques scniles
du président, ni les brulaiitês conjugales n'ont pu la tirer;
elle se donne sans réserve et garde du plaisir une recon-
naissance brûlante [^i5]. Le crime a rompu tout lien entre
Uoubaud, réfugié dans la passion du jeu, et Séverine, devenue
amoureuse ; la vie commune n'est plus que le contact obligé
de doux êtres liés Tun à l'autre, passant ûes journées entières
sans échanger une parole, allant et venant côle à côte, comme
étrangers désormais [277]. Longtemps, ils ont eu peur; la
vérité, que le juge Ucnizet avait soupçonnée, est connue de
M. Camy-Lamotte ; leur destinée a dépendu de lui, mais dos
considérations politiques ont fait classer l'afTiiire, nulle crainte
ne subsistt^ les meurtriers sont même entrés en possession
d'un legs de leur victime, et la pensée de celte petite fortune,
qui lui j)ermctlrail d'aller vivre en Améri(|ue avec Jacques,
loin des souvenirs sanglants, achève de surexciter Séverine
Aubry. Son mari, tombé à l'avachissement, l'a outrée par sa
complaisance devant un flagrant délit; il Ta écœurée en jetant
au jeu les dix mille frauos lix)uvés dans le portefeuille de
Grandmorin; elle linit par r^\ev un nouveau crime qui la ren-
dra libre. Mais en éveilbint l'instinct du meurtre <|ui somno-
lait en Tàme obscure de Jacques, c'est elle seule que Séverine
a condamnée, c'est contre clle-mén)c qu'elle a déchaîné la
béte humaine, et le couteau qui devait la libérer, le couteau
qui a déjà servi au premier criine, lui pénètre de toute sa
lame dans la gorge, la luanl de la même blessure, bâillante,
affreuse, qui a tué Grandmorin [373]. (La Bête humaine.)
Auguste. — Marchand de vin traiteur, à l'enseigne du
J/ou/m (l'ai'fjcnt, bouh*vard de la Chopclln. La noce de Cou-
peau et de Gorvaise a lieu chez lui [78]. {L'Assommoir.)
Auguste. — Garçon de salle au café des Variétés [:29].
(iVawfl.)
Auguste. — P^it porcher de la DorJerie. Garde les mou-
tons avec le vieux b'?rger Soûlas ['283]. iLa Terre.)
It LKS PKKSO.NNAGES
Augustine. — Apprcnlie blanchisseuse chez Gervaise
Coupcau. .\{rreuxj)elJjJouchon, d'une méchanceté sournoise de
monstre el^Je^souffre-douleur [176]. (L Assommoir.)
Augustine. — Ouvrière fleuriste chez Tilreville, rue du
Caire. Grande blonde Jaide, qui n*aime pas les vieux [463].
(L'Assommoir). *""
Aurélie (Mademoiselle), r— A vu naître .Madame Deberle.
Vieille amie pamre, un peu gourmande, un peu mauvaise
langue, qui est de toutes les réceptions chez les Deberle et
qu'on relient à dinerle samedi [28], {Une Page d'Amour.)
Aurélie (.Madame). — Première du rayon de confection, au
I yi>onh-ur des Dames. Son père, concierge rue Cuvier, était ui»
I ^ PêiiiJiliiL'^^^ alsacien. Elle a épousé Lliomme, un locatain i'
la uiaison, puis elle a voulu monter un atelier de confection f'
I son complo et scst aigrie, sans cesse traquée par la mauvais^
chance, exaspérée de se sentir des épaules à porter la fortune
I et de n*al)Ouiir qu*à des catastrophes. Le fîonlieur des Dames
lui a enfin donné le succès; elle a fondé dans cette maison la
dynastie des Lhomme, poussant son mari au poste de premier
oaisfier. obtenant une caisse pour son fils Albert, un être
incapable cl malfaisant dont on n'avait rien pu faire jusque-là,
*'El. par fierté, elle renie pour elle-même le nom de Lhomnic -,
\2e personn*ïl doit l'appeler madame .Vurélie. Hors du magasin,
la femme, le mari, le fils vivent chacun à sa guise.
Très forie à quarante-cinq ans, elle est sanglée dans une
robe de soie noire, dont le corsage, tendu sur la rondeur
massive des épaules et de la gorge, luit comme une armure.
Elle a, sous ses bandeaux sombres, de grands yeux immobiles,
la bouche sévère, les joues larges et un peu tombantes; dans
sa majesté de ])remière, son visage prend l'enflure d'un masque
empâté Je César [6^]. Autoritaire et vaniteuse, elle est bonne
femme uniijueinent pour les demoiselles souples cl cares-
sanl''5, qui tombent en admiration devant ses paroles et ses
actes; elle se montre dure pour les débutantes, comme la vie
s'est d'abord montrée dure pour elle, et Denise Baudu lui
paraissant chélive et sans défense, elle ne lui épargne aucune
humiliation. Mais, plate devant Octave .Mourel, lui rendant des
services délicats qui la font apprécier, elle ne larde pas à
deviner les intentions du maître; elle change alors d'attitude
et prend Denise sous sa protection |.03*2].
Madame Aurélie possède une propriété près de Rambouillel,
UKS r,OUGON-MAi;(JL'Alir 13
\vf> Itr^ùk'i, aclieiûc sur ses plumiers cent mille francs d'écoiio-
iiiius: |ilu- l.tril,elle acquiert la caiiipngnc Jcs Banilu. Son lioii-
liciir MTiiil grand si Albert, mêlé à une affaire ilc vol, ne se
(aisaii renioycr. Cotle méfiiTEiilure humilie iirorandéinent la
première des coiireclions; son masque d'empereur romain
Miiihle avoir inai^î de la lionle qui entache maintenant la
fiimille; elle alTccrc de s'en aller chaque soir au liras de »ou
mûri, rapprochés tous deux par rinforlDue, comprenant que
le malheur est dû ù la débandade de leur intérieur. Puis, l'nge
arrive, Dourdoncle commence à regarder madame Aurélic de
Irnveis : f Trop vieille pour la vente! » ce glas va sonner
Irii'i.i'i. ' iii''iliht \ii dyn;islie des Lhomme. El mainlcnanl,
'lii:..-. . . il. (i.jur Caire sa cour, pour reslcr en grâce,
!<;'■ . . ;. i' [le demande f|u'ii se rueltre aux genoux
ili- li'i.i- j'i Ail Bonheur des Daiiiti.)
Aurigny (Lalre d'). — Demi-mondaine du second Em-
pira. Très lancée, mais erihlêe de délies, elle a fait un habile
traité atec Aristide Saccard qui, â la même époque, avait
besoin de rall'ermir sa propre situation. Grâce à une renie de
diamuuUoiiil achète, à grand tapage, pour sa femme, les
liîjoux de iii demoiselle, Saccard saliafail les l'rénnciers de
l.auri-; il lire celle-ci d'adaire et feint ensuite d'être son gêné'
i'eu\ aijtuiil. Cette eomhinaison, i|ui pose .\ristidc en riche
lin^iuciei', leuiel la demoiselle en vue cl lui fait trouver bienlût
ini lion :i:iif [-Ô'î], le jeune dur de Itozan, qni dépense avec
elle son incniier demi-million [3i:i]. (La Curée.)
B
Babel. — Jeune pavsanne des Arlaud. Bossue, les os IropV
r-j>\r. {La Faute de rabhc Mouret.)
I ' »
Bachelard père. — Frère de Narcisse Baclielai'd, père
.. madai^e Josserand. A dirigé pendant quarante ans un pen-
<:M>nnat Jo la rue des Fossés-Saint-Jacques, l'institution Ba-
chelarJ [o']. Avait une seconfîe lille qui s'est sauvée avec un
offkier. (Pot 'Douille.)
Bachelard «ÉléonoreV — A épousé le caissier Josserand,
!o! i elle a LU deux fils, Léon et Saturnin, et deux filles, Hor-
»5c • i L< riho. C*est une femme corpulente et superbe; elle a
la facv carrée, des joues tombantes, un nez trop fort. Décolle-
•'v. I lie moiilrc des épaules encore belles, pareilles à des
wwi;isej Juisanles de cavale. Son père lui avait promis une dot
df trente mille francs qu'il n'a jamais payée et, lorsqu'il est
iii'jpt, les Josserand ont été volés dans la succession. Ils vivent
des a{*]»oint«fn)ei:ts du mari, huit mille francs par an, dans une
misère vaniteuse de bourgeois, le pauvre Josserand s'exténuant
à des travaux supplémentaires pour grossir les ressources du
ni»Mia,e, îa femme reprochant à Thomme de l'avoir trompée
sur ses cnpacit»'s. La morale d'Éléonore se résume en quelques
phrases toutes ftiies : « Dans la vie, il n'y a que les plus hon-
teux iui pcrJeril; l'argent i l'argent; moi, lorsque j'ai eu
viiigl sous, j'ai toujours dit ;ue j'en avais quarante; il vaut
mieux f:iire envie que pitié; je porterais plutôt des jupons sales
qu'ui:e robe dindienne; mangez des pommes de terre, mais
.ivez un poulet quand vous avez du monde à dîner » [43J. Elle
••si convaincue de la parfaite infériorité des hommes, dont
luniq.ie rôle do t être d'épouser et de payer [102]. Madame
.lossriaiil sr.ule d'une idée à une autre et se contredit avec
16 LES PERSONNAGES
ia carrure d'une femme qui n*a jamais tort; elle agit sans
consulter personne, mais si les choses tournent ma)» c'est
toujours la faute des autres ; elle a des haussements d'épaules
écrasants devant son mari, gifle ses filles quand elle est à bout
d*arguments, gaspille l'argent en toilettes et en réceptions et
rogne tellement sur le train du ménage que les voleuses elles-
mêmes refusent de rester dans cette c boite > où les morceaux
de sucre sont comptés [32]. Son mépris pour Thonnèteté inca-
pable de Josserand se double de rancœur devant la fortune
gagnée par Narcisse Bachelard, son frère, un homme sans prin-
cipes, dont les crapuleuses: ivresses lui soulèvent le cœur et
qu'elle s'abaisse à dorloter pour en tirer de l'argent. Éléonore
a la religion du succès : elle commence à estimer son fils Léon
lorsqu'il devient Pâmant d'une vieille dame riche. Dans sa rage
de ne pas trouver de gendre, malgré une campagne terrible de
trois hivers, elle a poussé ses filles à pécher un mari par tous
les moyens, leur enseignant que les hommes ne sont bons qu'à
être fichus dedans [102]. Quand Berthe, stylée par elle, se fait
enfin épouser, madame Josserand roule les Vabre avec un
aplomb superbe. Ne connaissant aucun scrupule, elle promet
une dot sans en posséder le premier sou et, pour parer aux
dépenses indispensables, pour masquer sous de magnifiques toi-
lettes la détresse du ménage, elle extorque un legs fait à son
fils Saturnin, demi-dément dont elle a peur et honte. Plus
tard, Padullère de Berthe révoltera cette mère qui n'y voudra
voir d'ailleurs qu'une impardonnable bêtise, car, selon elle,
le fait de rester honnête confère tous les droits à l'épouse,
et la légitime mauvaise humeur d'un mari ne commence qu'au
flagrant délit de la femme [307]. Mais elle conservera la plus
entière désinvoltuie devant son gendre outragé, elle saura lui
prouver que lui seul est coupable et, tranquillement, lui remet-
tra Berthe sur les bras sans avoir abdiqué une parcelle de son
autorité. Uevcnue veuve, madame Josserand vit d'une pension
que lui font les anciens patrons de son mari [477]. {Pot-Bouille.)
Bachelard (Narcis>ei. — Frère d'Éléonore. C'est Tonde
Bachelard, un homme sans mœurs, qui gagne quatre-vingt
mille francs par an dans la commission. Couvert de bijoux,
dégingandé, il est énorme, avec sa carrure de commerçant
noceur et braillard^ qui a roulé dans tous les vices. Il a des
faussos dents trop éclatantes, une face ravagée, un grand nez
rouge qui flambe, des yeux pâles et brouillés, des cheveux
t)tS ROUCOS-MACyUAIlT 17
iiIciDcs cou|it-s rns [-19]. Sa maison de commi^siou occupe le
sous-sol cl le rei-dtf-diausséti d'un ra^le immenhle de la rue
d'Eiigliien. l'&ns les occnsions de plaisir, Baclidard agit avec
la prodi^alilt- enragée d'un homme qui ne comple plus ; il est
coinm sur [ouïe la ligne des grands boulevards pour ses dîners
Taflueux, des dîners à (rois cenU fraocs par léie rgu'il offre k
ses clients de l'InJe ou duBrésilet dans lesquels il soutient noble-
ment riioiineur de la conimission française [âiO]. Mais cette
osloni;iiiû:i ne l'empècho pas de ci'ii^pier; dans les cafés, il
emiiorie le sucre; en Tamille, il esi d'une avarice féroce.
Co'iin^a Its Josferand sont à genoux devant sa fortune, il les
\,>luj<; pendant quinze ans, enimenaut clinque semaine le
.■--•■I l'.'isjïi' Jeux heures dans son bureau et lui faisant vériTier
^raiis ses écritures pour économiser crnt sous. Il accepte les
'.. .iialioi ; à diiier, laisse entendre à sa saur qu'il sera géné-
reux plus lard, impose aux Josserand ses habitudes répu-
p.ujiU'S, ^e f;ii( iripoler par ses nièces ([ui lui arrachent parfois
Tingi inincs de haulc lutlc, mais il n'offre jamais un cadeau.
Gavé de hoisson el de nourriture, Bachelard a beau u'nvoir
jamais sa raison, il ouvre l'œil dés qu'on lui parle d'argent et,
ç>rré de près, sait se dérober en exagérant son air de noceur
o-icux [IJOj. Il n'est prodigue que de ronseils, s'entcndanl à
demi-mot avec sa sœur, pour marier Dertbe grâce à fappàt
AU l'uni, ce jfjuisâeur éguWte a toujours été pour l'idéal ;
fatigué di'i g-iieuses qui le grugent, Narcisse Bachelard a clier-
i-.ié un ccenr ijui le comprit et il s'est mis à aimer Fanuy
Menu, la j'june nil, ime innoct^nce en chiimbre, de la chair en
boulon qu'il ^alil dt ses anciens vices [âV5] el qui ne lui coûte
pas plus de cinq louis par mois. Ouand une noce l'attendrit, t!
ne peut se tenir de mener les gens ch« Fili, partagé entre la
vanité de montrer son trésor et la crainte de se le faire voler
[I6(j]. Uauj ces nioinents-là, sa voik: de vieil ivrogne tremble,
des larme? gonflent si:s paupières lourdes ; il donne des détails
sur sa mallr-jsje, vine peau de Oeur, des cuisses rondes et
fermes comme des pèches [--ii]. Et l'incvitalile se produit :
Bachelard es; trompé nu profil de Cueulin, son neveu et son
compagnon <l-: plai-ir ; mais cette itifoitune achévo d'exciter sa
sensibilité ; il régularise la situation en mnriant Gueulin el
Fifi, el il leur donne généreusement, en bon oncle, les cin-
quante jidlle francs promis depuis si longtemps pour la dot de
sa ni^'.- l;.'ri('e. iP'.UBonilItÀ
1« LES PEUSONNAGLS
Badeuil (Cuaklesj. — Mari de Laurc Fouan, pure d'Es-
telle Vaucog^ne. Ancien tenancier de maison publlifue. Il vivo-
tait dans un petit café de la rue d*Angoulêine, à (ihàteaudun,
lorsqu'il a épousé Laure Fouan. Hantés par le désir d'une for-
tune rapide, les époux sont allés a Chartres et, après avoir
tùté de plusieurs commerces, ont eu Theureuse i'Iéc d'acheter
uo établissement de la rue aux Juifs, tombé en déconfiture
par suite de mauvaise gestion, (jr&ce au bras d'acier de
M. Charles et à Textraord inaire activité de sa femme, le 19
s'est rapidement relevé de ses ruines. En moins de vingt-cinq
années, les Dadeuil ont économisé trois cent mille francs, ils
ont alors voulu contenter le rêve de leur vie, une vieillesse
idyllique en pleine nature, avec des arbres, des Qeurs, des
oiseaux, et, comme Laure Fouan aspirait à unir st.'S jours au
pays natal, ils se sont iixés à Hognes, dans la charmante pro-
priété de Roseblanche, véritable oasis de la Deauce pouilleuse,
folie d'un riche bourgeois de Cloyes, qu'ils ont ac(|uise à un
prix dérisoire [43]. M. Charles est un bel homme de soixante-
cinq ans, rasé, aux lourdes paupières sur des yeux éteints, à
la face correcte, grasse et jaune de magistrat retirée Chez lui,
on le trouve avec des chaussons fourrés et une calotte ecclé-
siastique qu'il porte dignement. 11 a un grand souci des bonnes
manières, s'indigne contre le relâchement des mœurs dans les
campagnes et montre la plus grande sévérité à Tt^'iard de ses
bonnes [183]. Tout le pays respecte les DadcuiU qui ne sont
ni des fainéants ni des bêtes, puisqu'ils ont su mettre de côté
douze mille francs de rente; les paysans de la famille, à
genoux (levant l'argent, sont extrêmement flattés -le serrer la
mainqueM. Charles leur tend aveccondesccndancc. Et les anciens
tenanciers du 10 vivent là, dans un bonheur absolu, qu'ils con-
sidèrent comme la récompense légitime de leurs trente années
de travail, tourmentés seulement du sort de la maison de
Charlrts, qui périclite aux mains de l'incapable Vaucogne,
mari d'Eslclle. {La Terre.)
Badeuil (Madame Chakles). — Fille cadette de Joseph-
Casimir Foiiaii.Sœur de la Crande, du père Foujuni de Michel
Fouan, dit Mouche. Femme de M. Charles. IJevée dans la
coulurr, placée à Chàleaudun, elle avait êié laissécMMi deliors du
paplagc des terres, on l'avait indemnisée en aigeui. Devenue
maîtresse d'une maison de tolérance àClKirlres, elle a puissam-
ment scLondê son mari, ayant l'œil partout, ne laissant rien
DES ROUGO.N-MACyCAnT 19
|ienii'i'. loui en sachant accepter, quand il le fallait» les pelits
voU de> clients riches [il]. Retirée avec son mari à Rognes après
fortune faite, madame Charles est une dame de soixante*deux
ans, ù l'air respectable, aux bandeaux d*un blanc de neige; elle
a le masque épais et à gros nez des Fouan, mais d'une pâleur
rosce, 'i'une paix et d'une douceur de cloître, unô chair de
vieille religieuse ayant vécu à Tombre. Elle donne le bon exem-
ple en allant à la messe et soigne attentivement l'éducation
(ie sa petite-fille Élodie Vaucogne, ange de candeur qui ne doit
rien connaître des basses réalités. Très attachée d'ailleurs aux
souvenirs de sa vie active, madame Charles affectionne un vieux
•.Lat jau:ie qui, pendant quinze ans, a ronronné sur tous les lits
:i: l'S k chai favori qui assistait aux choses eu muet rêveur,
voyant tout de ses prunelles amincies dans leur cercle d'or
Du foad de sa retraite bourgeoise pleine de soleil, une véri-
iablc nostalgie ramène la vieille dame vers son ancienne maison
aux Persiennes toujours closes. Dans les moments de presse, elle
accourt à Chartres pour donner un coup de main à sa fille
Estelle, qui lui a succédé. Et elle rapporte à Rognes des lots
Je vivux linge imprégné d'une persistante odeur de musc, des
maps f!. loques, des chemises fatiguées, qu'elle distribue aux
j»:iysari> de la famille, flattés dans leur amour du linge, la
Taio richesse après la terre [273]. Madame Charles, convaincue
t{ue sa { elite-liile ne sait rien de rien, connaîtra la plus douce
émotion de sa vie lorsqu'elle verra Élodie obéir à une vocation
irrésistible et perpétuer la race des Charles en reprenant le 19
et en sauvant de la ruine l'œuvre glorieuse des grands parents
[i9l]. (La Terre,)
Badeuil (Estelle). — Fille des Dadeuil. Mère d'Élodie
Viiucogue. Née dans la première année du mariage de ses
parents, elle a été mise chez les Sœurs de la Visitation, à Chà-
teauduD, et n*est sortie de ce pensionnat dévot qu'à dix-huit
ans, pour être mariée à Hector Vaucogne. Mère après cinq ans
de mari^.ge, elle a vécu jusqu'à trente ans sans soupçonner le
métier ie ses parents et, instruite seulement à répoque où ils
songeaient à se retirer, elle a voulu reprendre leur coiumerce,
se rêvéhint du premier coup comme une njaîircsse de maison
supérieure, suliisant à elle «^eule à faire marcher le 19, com-
pensant heureusenjent la mollesse de son mari [12]. Mais, mal
^ir^-on-^'". ►.•!'* -e don*^? u;^ rî^a' -ncrr'.* pou'* 5 jutoiii" !: Ij'^nn'i
eO LES PERSONNAGES
répulation de l'établissement et finit par se tuer à la peine.
L'enterrement a lieu à Chartres, le quartier s'associe à la dou-
leur des Badeuil, les cinq femmes de la maison assistent à la
cérémonie en robe sombre, l'air comme il faut [339]. (La
Terre.)
Baillehache. — Notaire à Cloyes, né en 1805. Sa charge
esl dans la famille depuis deux cent cinquante ans; les Baille-
hache de père en fils se sont succédé, d'antique sang beauce-
ron, prenant de leur clientèle paysanne la pesanteur réfléchie,
la circonspection sournoise, qui noient de longs silences et de
paroles inutiles le moindre débat. Baillehache, frais encore
pour ses cinquante-cinq ans, a les lèvres épaisses, des pau-
pières bridées dont les rides font rire continuellement son
regard. Il porte un binocle et a le continuel geste maniaque de
tirer les longs poils grisonnants de ses favoris [15]. Dans son
étude, située rue Grouaise, on contracte des assurances contre
la conscription [69]. Baillehache assiste avec un flegme profes-
sionnel aux terribles querelles de ses clients [389]. (La Terre.)
Baillehache (Mademoiselle). — Sœur ni née du notaire
de Cloves, née en 1799. Extrêmement laide, mais douce. Elle
épouse à trente-deux ans .Mexandre Hourdequin, de cinq ans
moins âgé qu'elle, et elle lui apporte une dot de cinquante
mille fr.'incs. Deux enfants, un fils et une fille. Elle meurt en
iSr-ô, pendant la moisson [87]. (La Terre.)
Balbi (Clorinde). — Voir Clorinde.
Balbi (Comtesse Lenora). — Vieille Italienne, moitié aven-
turière, moitié grande dame, sortie, dit-on, d'un lit royal. Sa
fille Clorinde est née deux ans après la mort du comte; le
nxMiage Balbi avait, prétend-on, passé par une foule d'excentri-
cités, dans des débordenienls parallèles [63]. Lu comtesse,
fixée à Paris, se livre ù de savantes menées politiques, son
salon esl le refuge des Vénitiens exilés, elle est informée des
aifaires d'iJalic avant le légat lui-même [7^2], et agit dans le
monde politique en agent secret du gouvernement piémontais,
secondée par les séductions de Clorinde. Lenora Balbi vit allon-
gée, croquant des pastilles à la menthe, recevant les hommages
du chevalier Busconi, et se faisant soigner par le domestique
Flaminio, un grand diable d'Italien à figure de bandit. (Son
Excellence Eugène Rougon.)
Balthazar. — Cheval de madamo François. Donne vieille
nt:s iio'JcON-.ii\r.C!UART ;i
Ijêlc Je irail faisant, élu r.omme liiïer, le irajel de Niinlerrc ;i
Paris, rt:iiisanl rue Moiilorgiieil.au Com|ias d'Or [7]. {I.e Veulre
Bambousse (Artaud, dit). — Maire des Arlaud. Le {ilus
riche cultiraleur du pays, gras, suanl, la facti ronde, vieil
jncrcduie qui reFuse les fonds de la commune pour réparer
l'église e» ruine [iO]. Sa fille Ro&alie ayant été culliulée dans
tes Toins par roi-tunê Rricliel, lils de paysans pauvres, il i-efuse
d'aliord iOD conserittmeiil au mariage, furieux de donner son
Lien à i-n san^ le sou [i%'\, puis il ci-de après l'accouchcmcnl
de FiDSuIii- et il a lu crévu-cœur do voir l'enfant mourir quel-
ques jours apPïi le mariage [-125]. {i,aFfli((e de l'abbé Mouret.)
Bambousse (CATREniXE). — Fille cadette de Bantliousse.
Onz? ar j. Iiéj^ vicieuse, on la rencontre dans tous les coins du
; r.y; av .■ Vino;nt Dricliel [33]. Vole des brandies d'olivier pour
les api'rjrler au mois de Marie [9^]. (/-a Faute de Vabbè
Bambousse (RoSAUe). — Pille atnée de liambausse. Dix-
liuit 31.-, Grande fille brune, travailleuse de la terre, nuque
rouî-it, [-IiïVrtix iintrs plantés eomme des crins, l'air d'une béte
imj''jj!iLie [o.j]. .Mîiitresse de Fortuné Brifliet. On les marie
aprCs !_' venu-^ d'un enfant [381]. (La Faute de l'abhé Mouret.)
Baptiste. — Valet de cliamlire de Saccard. Homme superbe,
tôt;: it noir l.aljillc, jrand. fort, la face hlancbe. avec les fa-
voris cl'LTccIs d'un diplomate anglais, l'air grave ei dig'no d'un
mayisi'al l^'']. Parait s'intéresser beau''.oup aux chevaux. Sa
froiJeu-, ses regards clairs qui ne s'arrêtent jamais aux belles
épaule; décolletées, en imposent & Renée [206], jusqu'au jour
ail i^lie apprend que ce mépris des femmes a pour cause un
trop prariiJ amour pour les jeunes garçons d'écurie [310].
Ch.-.isÉ par Saccard, l'imposant Baptiste entre au service du
bar^ji ^'.ourauJ [314]. (Lu Cnrée.)
Baptistin. — Employé de Larsonneau. Petit jeune homme
Iou;lie. Ie~ cheveux pAles, la face couverte du tnclies de rous-
seur. 1 e;; \i\tt d'une mauvaise redingote noire, trop grande
et iiOr.iblem^nt râpée [251]. Larsonneau lui fait jouer le roiû
prir.îi; il dans une comédie de chantage, deslinée à intimider
Arifti > Sacc-.rd. (La Curée.}
Baquet U Mèiie), — Marchandi' devin a La Chapelle.
V-.'. 1 . i vin iOrléans à huit sous [^6i], {L'Asiommnir.)
a I,KS PKIlSONNAi.ES
Barillot. — Averlissear aa théâtre «les Vari»*lés, où il est
depuis trente ans. Cest un petit vieillard bléine, à la voix
grêle [139]. (Xana,)
Bastian. — Tambour de la coinpng^nie Benudoin, du 106* de
ligne (colonel de Vineuil). L*n gros garçon gai. Dans ta retraite
sur la place de Sedan, le i*' septembre, vers «:iiiq heures,
lorsque la bataille était finie, il a eu Tiafortune (Pal I râper dans
l'aine une halle perdue [o9G]. Le malheureux agonise sur la
paille, à Tambulancc Uelaherche, et meurt pendant la distribu-
tion du trésor du ?• corps. Les pièces d*or qu'un sergent a mises
dans SCS mains déjà froides roulent à terre et sont ramassées
par an blessé voisin, un petit zouave sec et noir, qui veut avoir
de qnoi se payer du sirop [?»01]. (Li Débâcle.)
Bataille. — l'n cheval blanc qui a dix ans de fond, dans
les ^'iileries du Voreux. Le doyen de la mine. Depuis dix ans, il
vit là, occupant un même coin d'écurie, faisant la même tâche
le lonjr des parois, sans avoir jamais revu le jour. Très gai. le
poil luisant, l'air bonhomme, il semble coulet* une existence
de sage, à Tabri des malheurs de là-liaut. D'ailleurs, dans les
ténèbres, il est devenu d'une grande malignité. La voie où il
travaille a Uni par lui être si familière, qu'il pousse de la tète
les portes d'aérage, et se baisse, afin de ne pas se cogner, aux
endroits trop bas. Sans doute aussi, il compte ses tours, car
lorsqu'il a fait le nombre réglementaire de voyages, il refuse
d'eu reeonuiiencer un autre, ou doit le reconduire à sa man-
g*»oire.
.Maiiilerant, l'âge \ient, ses yeux de chat se voilent parfois
d'une mélancolie. Peut-être Dataille revoit-il vaguenieul, au
tond de ses rêvasseries obscures, le moulin où il est né, près
de Marchiennes, un moulin planté sur le borti de la Scarpe,
enlour»* de laiges verdures, toujours évcnlé par le vent. Quelque
chose ijiùle en l'air, une lampe énorme, doîit le souvenir
exact échappe à sa mémoire de béte. El il reste la tète basse,
tremblant ^ur ses vieux pieds, faisant d'inutiles elTorls pour se
rappeler le soleil [Go]. Oiiî^nd un comiiagnon lui tombe de la
terre, il le flaire, connue s'il trouvait en lui la bonne odeur du
grand air, l'odeur oubliée du soleil dans les herbes, et il éclate
tout â «j'iup d'un hennissement sonore, d'une musique d'alié-
jrresse, où Sfiiible se révéler ratlcutlrisscmeni d'un sanglot
|r»4]. 11 s'est pris d'une grande tendresse pour son caniaraie
Tromp-^tle ; on dirait la pitié atreclueuse d'un vieux philoso[die,
htS liOlCON-ïlACyDART
désireux de sonlairer un jeune uiui, en lui doanani sa résh^t
lion cl S3 |ia<l-tice [ilO]. Mais c'est en vain qn'il le froite ;ii
calemeiil de fti L-ôles. (ju'il lui mordille le cou, i'aulre n^
morne, san5 goili i la heso^e, comme torluré du rcgrei d-' In
lumière. Tro upeiie ineurl [1J6], et le tour de Ualaille vl
peu plus lar'l : il est ussassinéparl'iiiondaliondeta mine I^r>.'j»]
{GenHiiial.)
Baudequin..— riessinalcur Imbilant la maison des l.n-
rilleux, ru« .le la IJouiie-d'Or. C'est un grand CECogrilTe erili"
de dettes [71 ]. (L'Atiommoir.) .
Baudequin. — Ticnl un tatc Imulevard des Batignolle
nu coin de iii me Darcel. Là, se soni réunis réguliêrenteul
'liTiiauL'Iie £i>ir, |>endaiil plusieurs années. Claude Lanlii;
Pierre S^in<<iiz, ll'diuche, ïliilioudeau et leurs amis, une bam
le jeun-'S ?•■»- p.issionnéi pour leur art et décidés à conqui^t
Paris. Audi-liiii, l.-s peintres du ijuanier se moutrenl Cloudu
.j cliucliolaiil, i-iMnme s'ils voruient passer le chef redouialjl<'
d'une iriliu d.- siiuvages [95]. Plus lard, la bande se noie dans h-
ilol dosnotneaiiN venus, on est peu à pi'u submergé par l:i
fine <:i.iuJi: ne connaii pas, ii>;anenl lui serrer la main [ùH'i].
l'uis le ic(iip> siicoule, les léunions cesscnl, l'clablissenieni
change iruis (oi- de propriéraire, Claude et Sandoz revenus, ]iai'
l:nsai'J, au seni) de ce café, donl ils disaient aulrefoig, eu
riani, qu'il étuii le berceau d'une rérolulion, ne reconnabseni
plus la salle, >ii-posée autrement; leur lalile d'anlrefois, au
lond, H gaucin-, n'est plus là; de nouvelles coucbes de coii^odi-
uialeui's se snni succédé, les une~ recouvrant les autres, si bii.n
i[uelesancienni-sonl disparu comme des jieuples ensevelis [l^Jiî].
iVOEin-rc.j
Baudu. — M iri d'ÉlisalieiL Haucbecoriie. Père de Gene-
viève. UnLle 'le llfiiise, Jean et l'êpé Baudu. Enn-é eoninie
simple coniniis i<u Vieil Ëlbeuf :ivec sept francs dans sa pailie,
il a lini p;ir<'|io'i&er la fille dv liane lie cor ne, le patron, à qui il a
succédi}. Biius l-'s années d'; prospérité, le ménage Baudu a
élevé six «nr-rins : iruis sont morts i vingt ans, le quatrième .1
maliourué, le lininitmeest olDuer, il ne reste que Geneviève.
• ielte laniille a ci^uié gros et Baudu s'est aciievé en aclielanl à
Uambûuillel ui e i^raude baïaque de uiaison, une antique biiis^t-
où il rêve de Sr- iviirer et qu'on est forcé de réparer continuel -
k-ment ; fes ^■<ii\s passent là, il n'a eu que ce vice, dans si
U LES PEUSO.NNAGES
probité méticuleuse» obstinée aux antiques usages. Le Vieil
Elbeuf souffre de la terrible crise déterminée par les grands
magasins. La boutique, pleine irhumidité, est écrasée sous un
plafond bas et enfumé ; elle a un entresol aux baies de prison et
une arrière-salle qui ouvre sur un fond de puits; c'est une odeur
de vieux, un demi-jour, où tout l'ancien commerce, bonhomme
et simple, semble pleurer d'abandon, alors que, de l'autre côté
de la rue, le Bonheur des Dames donne l'impression d'une ma-
chine fonctionnant à haute pression, avec ses vitrines échauf-
fées et comn>e vibrantes de la vie intérieure [18].
Daudu est un gros homme à cheveux blancs et à grande face
jaune [6], un bilieux, un violent aux poings toujours serrés [25].
Toute une aigreur a grandi en lui. Les étalages du Bonheur des
Dames le mettent en fureur, il a le sang aux yeux, la bouche
contractée. 11 sindigne contre ces grands bazars où l'on vend
de tout, où les commis, un tas de godelureaux, manœuvrent
comme dans une gare, traitent les marchandises et les clients
comme des paquets, lâchent le patron ou sont lâchés par lui
pour un mot, sans affection, sans mœurs, sans art [26]. Moins
atteint que d'autres jusqu'ici, parce que le monstre ne tient
pas encore tous ses articles, il prédit avec assurance la chute
des grands magasins, une débâcle qui doit rétablir la dignité
du commerce compromise. Dépuis longtemps, Daudu projette
de marier sa fille Geneviève à son premier commis Colomban,
comme lui- môme a été marié à la fille de Ilauchecorne ; un
scrupule de probité lui fait retarder cette union jusqu'à la fin
de la crise, pour ne point passer à son gendre la maison moins
prospère qu'il ne Ta reçue lui-même. Dans tout le quartier, les
autres spéciiilités croulent.
Laudu a fini par s'incliner devant les faits ; mais, s'il a perdu
la foi, s'il sent même la peur l'envahir, son intelligence reste
rebelle à l'évolution logique du commerce; jamais le Vieil
Elbeuf ne fera une concession. Dans l'implacable poussière des
agrandissements du Bonheur des Dames, devant le chantier
colossal où l'on travaille toute la nuit, Daudu sent venir la mort
lente, sans secousse, par un ralentissement continu des affaires,
les acheteuses perdues une à une. Pour durer davantage, il se
résigne au plus cruel des sacrifices: la campagne de Ram-
bouillet, quia coûté deux cent mille francs, est vendue soixante-
dix mille francs aux Lhomme. Maintenant, le Bonheur tient
tous les articles de la maison, les velours de chasse, les livrées,
les flanelles ; des sacrifices sont encore nécessaires, il faut
DES liOL'GON-MACyUAIlT W
livjiotlii-iiuer le vieil inuimiiblc d'Ariïlide Pinul. Le drapier ne
comprend |ilus, il en arrive A envoyer violemracal au magasin
rÎTal les clientes qui disculenl ses pm [378]. La riii n'est plus
maintenant qu'une quoslion de jours, l'émieliement s'acbève
(43'!]. Atterré devani la défeclion de Colombnn, achevé par la
mort de s;i lllle et de sa femme, Baudu vil encore pendant quel-
que temps dans sa boutique déserlêe ; il marche continucllemenl,
cèJani k un besoin maladir, à de véritables crises de dénmbn-
lalion. conima s'il voulait bercer et endorn^ir sa douleur [iûlj].
11 a refusé le secours que lui apportait sa nièce Denise au i>otn
d'Ûclave Mourel, il se réfugie dans une maison de retraite.
Et c'est alors le triompbe déûnilir du Bonheur des Dames, dont
. iLiimense afdche jaune s'étale, comme un drapeau planté sur un
^'iie conquis, le lon^' des volets murés du Vieil Elbeuf [472].
<.iu Bonheur dfs Dames.)
Baudu (.\l.\ti.\wE}. — - Voir Hauch écorne (Élisabethj.
3auâu tCAPiTAtNe). — Fils di's drapiers de la rue de h
Miclioilièrc. Est parti pour le Mexique, comme capitaine [11].
{Au Bonheur des Dames.)
Baudu (DEXt.'JE) (1). — Nièce du drapier. Sœur de Jean et
i^L l'èj'é. Tous trois vivaient à Valognes, avec leurs parents,
.ur^que CL'uv-ci sont morts, emportés par la même fièvre. Le
père avait mangé jusqu'au dernier sou dans sa teiniurerie.
' .^iy. neuf ans, Ucnise est restée ainsi le seul soutien, la mère
des deux enfants, mais son gain chez Cornaille ne suffit point
à les nourrir tous trois. ,^u bout d'uu an, Jean trouve du tra-
vail à Paris et comme Denise, dans sa tprrt'ur maternelle, ne
veut pas laisser ce grand garçon venir seul à Paris, elle quitte
Valognes en un coup de tête ot la petite famille débarque un
matin cbe^ l'oncle Baudu. La jeune fdle est chétive pour ses
viugl ans; elle a un visage long à In bouche trop grande, le
teint fatigué déjà; sa seule beauté est dans ses cheveux blond
cendré, ils lui lomlient jusqu'aux chevilles et, quand elle se
coitTe, ils la gênent au point qu'elle se contente de les rouler
et de les retenir en un las, sous les fortes dents d'un peigne
d- corne [108]. l'n sourire ia transligure ; il est comme un épa-
nouissement Ju visage entier, ses yeux gris prennent une
na:iimi' tciidre, ses joues se creusent d'adorables fossettes, ses
th LtS l»tKiON.\ACE6
pâles cheveux eui-mèaies semblent roler, dans la gaieté boane
et coarageusc de tout son éirc. Alors, elle d»-vi« iit jolie [67].
Sous so:i a>pect tranquille et doux, il y a une vo onlé têtue de
Normande.
Rue do la Michodière, elle Toit le Vieil Elbeuf enfumé et
noirâtre, un irou glacial où sa cousine Genevièvr s*êtiole sous
repaisse indifférence de Oolomban, un commerce TÎeiliot et
rétréci où il n'y a pas de place pour elle; en fac»*, resplendit le
Bonheur des Dames, dont elle subit aussitôt la teaiatioo. Dans
son désir d*y pénétrer, il y a une peur ragoe, qui achèfe de
la séduire; cest une passion de la vie et de la lumière. Elle y
rêve son avenir, beaucoup de travail pour éîever les enfants,
avec d'autres choses encore, elle ne sait quoi, des choses loin>
taines dont le désir et la crainte lui fout peur [3^]. On I ac-
cepte au rayon des confections. Les autres venJtru?ês Taccueil.
lent avec la sourde hostilité des gens à table qui u*aiment pas
se serrer pour faire place aux faims du dehors ; elle se plie à
la besogne inférieure des débutantes, ravalée par madame
Aurclie au ran^ de mannequin, traitée en paria, condamnée à
de terribifs fatigues qui la brisent et la jettent le soir, dans sa
petite chambre malsaine, sans la force de se déchausser, ivre
de fatigue et de tristesse [143]. Mais elle g3>ide son grand
courage; sous les crises de sa sensibilité, il y a une raison
sans cesse agissante, toute une bravoure d*ètre fuible. s*obsti-
nanl gaicmeut au devoir qu'elle s'impose. Elle fait peu dv
bruit, va devant elle, droit à son but, par-dessus Its obstacles;
et cela, simpien:ent, naturellement, car s'a nature même est
dans cette douceur invincible.
Ses faibles gains sufGseni à peine à la pension de Pépé et à
Teutrelien de Jean; celui-ci exploite son bon cœur; c'est la
misère noire. Denise en est réduite à racco m nioù or elle-même
ses souliers et à faire des lessives dans sa cu\trUe; elle n'en
résiste pas moins aux suggestions de Pauline Cugnot, qui
l'engage à prendre quelqu'un pour être aidée ; ce conseil l.i
géue comme une pensée qui ne lui est jamais ve:iur: et dont elk
ne \oi{ pas l'avantage. D'ailleurs, elle n'obéit pas à des idées,
sa raison droite et sa nature saine la maintieuneut sin^plemen*
dans TLonnéieté où elle vit [108]. Elle gravit ii^»ujours son
calvaire, ayant de gros soucis nialèriels causés par Jean,
s'éreinlant le jour, travaillant la nuit à des i^ruds de cra-
vate, souffrant de calomnies oulra;reantes, su i^-aut les im-
mondes tentaliTes du père Jouve. Neuf mois de courage souriant
[IE*i KOL'CiOS-JIACdllAr.T il
n'ani dèjaniié AMrune hoslililé; soD renvoi est snlué par une
joie piDiraU d.us le rayon [215]. Mise sur le païé avec vingt-
cinq irancs ibi > fn poclic, elle s'esi réfugiée avfc l'épé dans
unedescliniiiliru ia père Bourras, »on dênu«inRnle»l complet,
le pain rnaD'(>iif, mai.*, là encore, sous la menace de la rainioe,
elle rcsiâie nnv lentations, un soulèvement de son éire pro-
lesie, iam iiuli^-nalioa contre les autres, répugi'anl uniquement
aux choses SLilii^aï les el déraisonnables, se faisant de la vie
Htie idée de lo;'ii|ue, de sagesse et de courage [2^3].
Si ell? est si lirave, c'est qu'elle a une tendresse au cœur.
Ctlni qu'elle nîiie, c'est Oclave Mour";!; lerfgaid de celui-ci
dès la première rencontre au carreTour Gaillon l'avait emplie
(l'une èmoiion iingulière, e'élail un coup profond jusqu'à la
n' ur. maii d.ia- ce malaise, il n'y avait que l'ignorance effaiée
oe l'amour, k troulde de ses tendresses naissantes. Rientôt,
'^s-ïiiliia |U%;ie n'a jai.'i;:is atmè que Jlourel, elle l'aimail
lorsqu'elle lu relouialt comme ua mullre sans pîtii-, elle l'ai-
.. :.'.', lorsque rbi, cœur éperdu, inconscient, céJani à un besoin
daffevliori, rév. it du commis Ilutin [2i7]. El elle vit mainte-
nant chez le h-.lliqueux Itourras, dans l'olisession du Bonheur
dt: û>'i:u*:s, Sf^iLiée de son ancien rayon par un simple mur,
"II.; suljii lu hrt:iie de la lormidable machine; puis, iiprês un
-O'-iTl p:iis:i^ï liirz l'.obincau, restée du lOte avec Ica grands
Lii3ga:i:i> où e: e voit une ëvoluiiou naturelle du commerce,
si'iitaiil aiUrlr i-ii idées, «Ile rentre enliu uu Bonheur des
--;ût= iMiiieiiéi.- celle fois par Mouret, étonnée de retrouver
tout le monde |'uli, presque respectueux.
Eli- i"l-^t ;ifJi_';e, in jieau blanche, l'air délicat et grave, sans
dulre )n\c <|Ui; sa royale chevelure blonJe; son însigniQance
d'aulr-jfois e-l ùr venue un charme d'une discrétion ptinélraute
l^iZ]. Sa n:iinrf- saine el sa raison droite résistirout âTamour
conini-! tlk-- OLI vaincu la misère. C'est en vain quv Mourut
lui prL-Ji^ue '.uj iivances; elle lui opjiosc une force de volonté
douce et i:.i.'\.ir;: de, s' écrasant le cœur, non pour obéir à l'idée
de vertu, uiu^s ] .r un instinct de bonheur, pour satisfaire son
hoioiti d'^ii..- Ml ir.inquille. Sa dignité semble jusqu'au bout
cire le caU'A ^ù. mt d'une femme rompue à la iaciii|ue de la
[lassion, ■.! ciiii..'; on l'accuse en sourdine de vouloir se taire
■jpou^'.:', ■ Ile Si- révolte contre ce jugenieni, elle veut parlir.
C'til alors que 'l<jurct éperdu lui offre le niaiiase. Denise a
voulu ijir-; ti..' lui un brave bommc; dans sa lèie
'1 avi>.-c tie .Nor,;iande ont poussé toutes sortes de projets,
-28 LES PERSONNAGES
rêve est d*ainéliorer ce Bonheur des Dames où elle a longtemps
iatlé et souffert obscurément; elle y Teit l'immense bazar idéal,
le phalanstère du négoce, où chacun aura sa part exacte des
bénéGces, selon ses mérites, avec la certitude du lendemain,
assurée à Taide d'un contrat [i28J. Si Mouret a écrasé tant de
gens, s*il a semé des ruines nécessaires, il a du moins préparé
Tavenir, et elle l'aime pour la grandeur de son œu?re [469].
<.4 u Bonheur des Dames.)
Madame Denise Mouret a deux enfants, une fille d'abord, puis
un garçon. Celui-ci tient d'elle et pousse magnifique [131]. {Le
Docteur Pascal.)
Baudu (Geneviève). — Fille de Baudu et d'Elisabeth Hau-
cliecorue. En elle, la dégénérescence de sa mère s*est encore
aggravée. Elle a la débilité et la décoloration d'une plante
poussée à Tombre. Pourtant, des cheveux noirs magnifiques,
épais et lourds, venus comme par miracle dans cette chair
pauvre, lui donnent un cliarme triste [10]. Encore enfant, elle
a été promise au commis Colomban. Elle s'est accoutumée à
Taimer, avec la gravité de sa nature contenue, et d*une passion
profonde qu'elle ignore elle-même, dans son existence plate et
réglée de tous les jours; au fond de ce rez-de-chaussée du
vieux Paris, sa tendresse a poussé comme une fleur de
cave [16]. Geneviève a deviné la cruelle indifférence de Colom-
ban qu'hypnotise le Bonheur des Dames ; l'amour du commis
pour une vendeuse lui fend le cœur ; c'est une sourde agonie
où son corps de fiancée s'use dans le chagrin et dans Fatlente,
retournant à l'enfance gréle des premiers ans [ii^]. Et elle
meurt épuisée, première victime du grand magasin d'Octave
Mouret [lio]. {Au Bonheur des Dames.)
Baudu (Jacqueline). — Voir Sivrv (Bunche de).
Baudu (Jean). — Frère de Denise et de Pépé. A travaillé
à Valognes chez un ébéniste, un réparateur de meubles an-
ciens, qui lui a appris la sculpture sur bois. Comme il avait
fait une tête dans un morceau d'ivoire, un monsieur s'est inté-
ressé à lui et lui a trouvé une place à Paris, chez un ivoirier
du faubourg du Temple, où il sera logé et nourri. Quand les
trois orphelins quittent Valognes, Jean a seize ans, il a la
beauté d'une fille, une beauté qu'il semble avoir volée à sa
sœur, la peau éclatante, les cheveux rou\ et frisés, les lèvres
et les yeux mouillés de tendresse. Le départ a été précipité
DES ROUCOS-MACQL'ART :
I)ar une escapade amoureuse du jeune homme, des k'iiri
«criiesà une fillette noble de la ville, dus baisers échange
par-dessus un mur [9]. A Paris, cet enfant si beau cl si ^a
plein d'insouciance, ndoré de toutes les femmes, exploitt long
temp^ l'exquise bonté de Denise; pour piller ses petites ict
nomies, il raconte des aventures, il inrentc des dangers eMri
ordinaires. Jean se range à vingl-trois ans, aimant cetie foi
la nièce d'un pâtissier trâs riche, qui n'accepte pas même de
bouquets de violettes [419]. Denise le marie et fait le? ! ni
d'inslallilion du ntûiiage. A celle époque, carré des épaule:
dominaiit sa sœur de toute la tète, il garde sa lieaulë de femm
avec sa chevelure hloiide, envolée sous le coup de vent dt
ouvrier; artistes [188]. (An Bonheur des Daines.)
Baudu O'ti't). — I.e plus jeune frère de Di;nise; cinq an
lorsqu'elle en avin^l. Dlond, d'un blond d'enfance, il est câli
>oni:n-? un petit chat, il reste muet des journées entière;
vivant lie caresses [13]. A Paris, on le met en pension che
madame Gras, rue des Orties, puis au collège. Quand il
douze ans, il dèp.-isse déjà sa sceur, plus gros qu'elle, toujour
sileoiieui: et d'une douceur câline, dans sa tunique de collé
t'i'.'n li'i], l'An Bonheur des Dîmes.)
Baudu (TiiÉRÈSE). — Femme de Jean Ikudu. Petite Pari
sienne d un vijige tourmenté et chariuant[l88]. (AuBankeu
des Daiitef.)
Baugé. — Un vendeur du Uon Marché. Fils cadet du
épicier de Dunkcrque, il a presque élé chassé par son père e
son fi-i-re qui le jugeaient trop bêle. A la vérité, il est slupid
mai-i très lion pour la vente des toiles, les femmes le trouveu
gentil; il se fait trois mille cinq cents francs [ICO]. Amani d
Pauline Cugnol, il est venu habiter rue Saint-Roch pour s
rappro.her d'elle [179]. Plus tard, il l'épouse et quitte le Co
Marthe pour l.i rejoindre dans la maison d'Octave Mouret [I^OO^
{Au Do.ih:'Hr des Ilame».)
Baugé 01.\da>if.). — Voir Cucnoi (P.iULlNE).
Bavoux — Venileur du rayon de mercerie, au lioiiheu
dos Ll»mc=. Lesbobinardsonl un club, le Uobin-club, clie
un niarcliând Je vins delà rue Saint-Ilonoré, qui leur loue un
salle, le snme.ti; le petit BavouT lit des vers [319]. Un Boa
ao Lt> l'EUSONNACES
Bazouge. — Xïeua croque- mon toujours pochard. Habite
ine de la Gouttc-d*Or, dans la maison des Lorilleux [118]. Ses
gaîlés funclii-es ont d*abord fait peur â Gervaise qui, tombée
peu à peu dans le dégoût de TexisteDce, finira par désirer
ardemment être emportée par lui [546]. Razouge se donne le
suruoin de Uibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames [569]-
{L Assommoir.)
Beauchaxnp (Flop.c;. — Un petit modèle qui habite rue
de Lava!, o2. Assez fraîche, mais trop maigre [55]. {LTEutre.)
Beaudoin.' — Ami des Hainelin, qui Pont connu à Beyrouth
où il est établi. A beaucoup aimé madame Caroline, promet-
tant de r épouser après la mort du ma ri. Mais, las sans doute
d'attendr'*, il obtient la main d'une demoiselle très jeune et
imiuer.sément riche, la fille d*un consul anglais [64]. (LAr-
gent.)
Beaudoin. — Capitaine au 106- de ligne (colonel de Vi-
neuil;. Un bel officier, d*allure fine et correcte. Sorti de
Saint- Crr, appuyé par plusieurs salons, ayant une très jolie
Toixdeténorà laquelle il doit beaucoup déjà, bonapartiste
convaincu, le capitaine Beaudoin est promis au plus bel avan-
cement. D'ailleurs, il n*e$t pas inintelligent, bien que ne
sachant rien de son métier [-34]. 11 n'a pas su se faire aimer
de ses hommes, on le trouve trop jeune et trop dur, un pète-
sec [Oi]. Rochas, son lieutenant, sorti du rang, ne peut le
^ouflrir. hans la marche vers la Meuse, le convoi s*est égaré,
lleauiloin a perdu ses bagages; il ne dérage pas, les lè\Tes
pincées, It; visage pâle, bien moins indigné de ne point man-
ger que de ne pouvoir changer de chemise [Ii8]. Depuis les
premières d*-faiies, il a Fair absolument choqué, le désastre
lui Semble surtout inconvenant. 11 arrive dans Sedan pitoyable,
l'unifornie souillé, la face et les mains noires.
.Xulrefois, en garnison à Charleville, il avait été le familier
dt' la jolie Gilberte Maginot; il la rctctuivc mariée à Jules
Delalierclie, on lui fait fêle, les anciens amaiiis p «ssent la nuit
ensemble et. le lendemain, au petit jour, Ueaudoin rejoint sa
compagnie sur le plateau de Floing, étonnant toul le monde
parla correction de ^a tenue, son unifoini»* bl0^sé, ses chaus-
sures cirte>, toute une coquetterie, un \4ijrue parfum de lilas
de Perse [i>3]. Au calvaire d'Illy. liés ntr\eux, remuant sans
cesse malgré les sages conseils de liocbas, il a la ja\nbe droite
fr;»cassce nar uv. é.lal irol»u> 01 il . r.lhule sur le do^. en pous-
DES KOI'GO.N-MACQIAUT 31
>aiit uu cri aigu de femme surprise. Transporté à Tainbulance
Delahercbc, il subit courageusement Tamputation, mais
rhémorragie a été trop forte, il ne survivra pas. Et si, dans
ses yeux, on lit alors un immense regret de la vie, une làcbeté
de s'en aller ainsi^ trop jeune, sans avoir épuisé la joie d'être^
la pensée qu'il va mani|ucr de correction lui rend sa bravoure
et il finit par montrer un grand courage, soucieux avant tout
de partir en bomme de bonne compagnie [346]. (La Débâcle.)
Beau-François (F^e). — Cbef de la bande des chaufl'eurs
d'Orgères, dont les terribles exploits, contés à la veillée, font
•encore frissonner toute la Beauce [67]. {La Terre.)
Beaurivage (Duc de). — Personnage de la Petite Du-
cltessi', jiéce de Faucbery jouée aux Variétés. Le duc trompe
£.4 iemm-i avec une étoile d'opérelte,la blonde Géraldine. C'est
le vieux Dose qui joue le rôle de Beaurivage [312]. {Xana.)
Beauvilliers (Comte Charles de;. — Un débauché, qui a
achevé d'anéantir l'immense fortune des Beauvilliers, assise
jadis sur d*iiiinienses domaines, dans le Vendomois. .Mort d'un
iccident Je chasse, vengeance probable d'un garde jaloux, le
vomte a l.ii>sé une femme et deux enfants dans la gène. On
retrouvera plus tard un engagement signé de lui, en 1854, et
>'romelt.::it dix mille francs à une fille l.éonic Cron, qu'il a sé-
«idite [dy^. (L'Argent.)
Beauvilliers (Comtesse de). — Femme du comte. 3Iére
de Ferdinand et d'Alice. A beaucoup souffert de son mari,
dont elle ne s'est jamais plainte. C'est une grande femme
maigre de soixante ans, toute blanche, au grand nez droit,
aux lèvr^rs niiiices, au cou particulièrement long; elle a Fair
îi'un cy^'Metrés ancien, d'une douceur désolée [67]. Elle occupe
avec sa fille, rue Saint-Lazare, une ancienne maison de plai-
sance, lu Folie-Beauvillicrs, attenante à l'hôtel ^l'Orvicdo;
«.est, a\>c la ferme des Aul)lets, prés de Vendôme, !.. lerniére
«•pave .lune immense fortune. La ferme rapporte environ
quinze r;.ilIo francs de rente, mais la maison de Paris, écrasée
J'hypoll.èques, menacée d'une mise en vente >i l'on ne paie
pas les iiilLTcU, nian;;e la plus grosse part du revenu. Aussi
madaiiiC d»*. Beaux iiliers doit-elle rachelcr par de sordnies éco-
nomies le luxe extérieur auquel la condamne l'orgueil de sa
condition. Soucieuse de se tenir debout à son rang, rêvant de
•' ■ ■'■ ^ vr h'"'vn)o d'*'^^le noblesse *jt de faire Je son
Zt LES PERSONNAGES
lils un soldat, elle vit dans un douloureux et puéril héroïsme
quotidien [70]. Mais un grand espoir Ta lui venir.
Membre de la Commission de surveillance de l'Œuvre du
Travail, fondée par la princesse d*Orviedo, elle est mise au
courant des merveilleuses promesses de la Banque Universelle
et mal^é son horreur de race pour les spéculations ûnanciéres,
voulant grossir une petite dot pénibieraenl mise de côté pour
Alice, elle confie quelques fonds à .\ristide Saccard, puis
devant la hausse continue, elle risque davantage, elle prend de
nouvelles actions à chaque augmentation de capital, et, comme
le financier tentateur lui fait entrevoir le gain futur du million
qui serait le salut définitif pour son nom et pour les siens,
comme elle s est enthousiasmée devant les grandes pensées
catholiques rattachées à TalTaire, elle vend les .\ublets, elle
met dans la Banque tout ce qu'elle possède. Et c'est, dans la
soudaine catastrophe de Saccard, une indigence brusque; tout
a été fondu, emporté du coup [38i]. L'hôtel de la rue Saint-
Lazare ne paiera pas les créanciers.
La comtesse se réfugie avec sa fille, dans une chambre, rue
de la Tour-des- Dames, son fils est mort loin d'elle et sans
gloire, ou lui ramone Alice blessée, salie par un bandit. Et
madame de Beauvilliers, si noble na^'uore, mince, haute, toute
blanche, avec son grand air suranné, n'est plus qu'une pauvre
vieille femme détruite, cassée par cette dévastation [il6].
L'épouvantable déroule est achevée par un immonde chantage
de Busch, la résurrection du passé du comte, une gamine,
Léonie Croti, séduite par lui et devenue fille publique; et,
dans la terreur d'un scandale, la malheureuse femme aban-
donne à Busch les derniers bijoux de famille, ceux qu'elle
avait jrardés au lravci*s des plus grandes gènes, comme l'uni-
que dot de sa fille, et qui restaient à cette heure sa suprême
ressource [-il 3]. (L Argent,)
Beauvilliers (Alice de). — Fille du comte. Ressemble à
sa mère, moins raristocraliquc noblesse. Chclive, le cou allongé
jusqu'à la disgrâce, n'ayant plus que le charme pitoyable d'une
fin de grande race, elle est, à vingt-cinq ans, si appauvrie qu'on
la prendrait pour une fillette, sans le teint gâté et les traits
déjà tirés du visage [G7]. Avci*. son air d'insignifiance mélanco-
lique, elle n'est point sotte, elle aspire ardemment à la vie, à un
homme qui l'aimerait, à du bonheur, mais ne voulant pas déso-
ler sa mère, elle feint d'avoir renonc-j à tout [GO]. Pour aider au
DES ROUGON-MACQCART 33
train de maison réduit à un décor extérieur, elle peint des
aquarelles bâclées à la douzaine et vendues en cachette [2i6].
£t celte vierge, qu*émacie Tattente vaine du mariage, retrouve
soudain une jeunesse dans l'afTolement de la Banque Uni ver-
-selle, elle s'anime, elle est vibrante devant le droit qui s'ouvre
pour elle d'avoir un mari et des enfants, cette joie que se
permet la dernière pauvresse des rues [âGO].
Mais un terrible lendemain anéantira son rêve. A l'heure de
la débâcle financière qui va achever la ruine des Beauvilliers,
un enfant naturel de Saccard, Victor, recueilli à TŒuvre du
Travail, souille la malheureuse enfant avec une brutalité im-
monde [406]. Et, dans les yeux de folle d'Alice, on lit la mortelle
douleur de son dernier orgueil, sa virginité violentée [il6].
XU Argent.)
Beauvilliers (FEnniNAND de). — Fils du comte. A d'abord
causé de mortelles inquiétudes à sa mère, à la suite de quel-
j ques folies de jeunesse, des dettes qu'on a dû payer; mais,
averti de la situation en un solennel entretien, il n'a pas recom-
mencé, cœur tendre au fond, simplement oisif et nul, écarté de
tout emploi, sans place possible dans la société contemporaine
[69]. Il s*est engagé dans les zouaves pontificaux, à la suite de
la bataille de Castelfidardo, mais manquant de santé, délicat
sous son apparence tière, de sang épuisé et pauvre, il est dure-
ment éprouvé par le soleil si lourd de Uome et il meurt sans
gloire, emporté par les fièvres [408]. {U Argent.)
Becker. — Joaillier parisien. Fournit une parure de saphir
pour la maîtresse du comte Muffat [363]. (Nana.)
Bécot. — Un épicier de la rue Monlorgueil. Devenu veuf,
s'est mis à coucher avec ses bonnes, très raisonnablement, pour
éviter de courir au dehors; mais oela lui a donné le goût des
femmes : il lui en a fallu d'autres, bientôt il s'est lancé dans
une telle noce que l'épicerie y a passé peu à peu, les légumes
secs, les bocaux, les tiroirs aux sucreries. Bécot meurt d'un coup
de sang [93]. iL'Œacre.)
Bécot (Irma). — Fille de l'épicier. A suivi jusqu'à seize ans
les cours d'une école voisine. Faisait ses devoirs entre deux
sacs de lentilles, et achevait son éducation de plain-pied avec
la rue, vivant sur le trottoir, au milieu des bouscula<les, appre-
nant la vie dans les continuels commérages des cuisinières en
cheveux, qui Jéshahillaient les abominations du quartier, pen-
31 LES PEUSOSNAGES
«kiDl qu'on leur pesail cioq sous de gruyère. Allait encore à
Técole, lors«|iie, uu soir, en fennamt la boulii]ue, un garçon Fa
jetée rn travers d'un panier de figues. Orplicline six mois après,
la maison mangée, elle se réfugie chez une lante pauvre qui la
bal, se sauTe avec un jeune homme d*en face, revient â trois
reprises, pour s'envoler déîinilivemenl un li^au jour dans tous
les ba>tnii<!ues de Montmartre et des Batignolle^ [Ci3]. A- dix-
huit aiis, c*esl une de ces galopines de Paris qui gardent long-
temps la maigreur du fruit vert; on dirait un chien coiffé, elle
a unt^ pluie de petits cheveux blonds sur un nez délicat, une
grande bouche rieuse dans un museau rose. Ayaut la passion
des artisifS, avec le regret qu'ils ne soient pas assez riches
pour se payer des femmes â eux tout seuls, jetant sa jeunesse
aux quatre coins des ateliers, elle éprouve des caprices succes-
Mfs pour F.'igerolles, Ga^nière, beaucoup «fautres, et s'étonne de
la bciisc de ce nigaud de Claude Lanlier qui ne veut pas d'elle.
D'aillfur^y fine, intelligente, elle porte déjà sa fortune, dans
le dcbr.iil é de sa jeunesse [135]. L-n jeune crétin de marquis
lui a meublé un apparlement très chic [155], elle occupe ensuite
un p'-tit hôtel rue de Moscou, avec vingt mille francs de loyer,
ijuaire ans ont suffi pour la tran>formir, e:le est devenue autre,
la tcie faite avec un art de cabotine, le front diminué par la
frisure des cheveux, la face tirée en longueur, grâce à an effort
de sa volonté sans doute, rousse ardente de blond pâle qu'elle
étaii. si bien qu'une courtisane du Titien semble maintenant
s'être levée du petit voyou de jadis; c'est ce qu'elle appelle sa
tête pour les jobards. On fait là des déjiMiners corrects, où il
n'est queslion que du prix des terrains [^3i]. Et Irma finit par
réaliser <on rôve d'un liùtel â elle, une demeure princière, sur
l'avenue de Viljjers : le terrain a été acheté par un amant, puis
les rinq Cent mille francs de la bâtisse, les trois cent mille francs
des meubles ont été foornis par d'autres, au petit bonheur des
(uups de passion. C'est la qu'elle contente un jour son désir
d'autrefois et qu'elle p05>éde Claude, pre>que malgré lui [33 i].
Lu forlunr n*a pas modifié ses goûts ; derrière le dos des mes-
sieurs sérieux, payant en maris, elle s'ollrc la distraction dai-
mcr encore la peinture, dans la personne d'Henri Fagcrolles,
un ^'aniin de- Paris connue elle, d'é;r:»le perver-ité, cl dentelle
vide les porlies pour s'amuser [30 ij. (L'OCnirc)
Bec Salé dit Doit-sa>?-<uif. — Ouvrier forgeron, compa-
pin^n d'enclume de Goujet. Petit, desséché, yeux de loup, sa
DKS IlllL'GON-.MACgrUir L!5
figure esl emhroussnilli^e J'unu barbe de bouc. Ijk Iiouclii^
ouverie, il evlink' celle odKard'akoôl de; Tieu\ lonnca->x J'eaii-
(tc-vie (toni on a pdIovi; In. bonde. Il tire des boniccs avec Hve-
Boiies et Bibi-la->>rill;ki]e, assurant qu'il a besoin d'cRu-dK-vif
dans les veines m lir-u de sang[il3]. nec-Salé est l'amanl d'une
marclianJe Jt'|iois?oii, In grosse Eulalic [iii]. [L'Assommoh:)
Bécu. — Garde-t'hainpâlre àc Rogaes. Le conseil muniupal
l'a logé dans la cure, & nioilié dèti-uile, 11 est aussi sonneur de
ctocbcs. C'est UD {leiit homme de cinquatUe BUS, ù léle canée
et tamiécde virux miliiaire, arec des mousiBches ei une bar-
biciie grises, le cou raidi, comme éiraiiglé i;oii[inu>-llcinenl par
dej cols ti'0)i ijli'uits [i9]. Dûcu a fait les canij^agnes d'Afrique,
aux pi'c:ijer> temps de la conquête, et a ra|iporté du >ervii:c Jes
..uliiliidc! d'inleiiijK-raiiee. Il aie lin mauvais, b il-piUeur. Hona-
partisler.ii'oucb':, il adore l'empereur qu'il priilcud coniinjlre
Jt'i]. linu fraleruiié d'uucïen guerrier ivrogne, uu'; tendresse
secrète le porte vers le braconnier Jésus-Christ, mais il évite
di; le reconnaître quand il est eu Taclion, sa plaque au bras, tou-
jours sur le point de le pmndre en Qagraut délii, combaltn
loutre son deiojr el son coeur. A jeun, il tolère i^ue Jésus-Christ
culbute sn femme, mais la chose 1« blesse quand il t-st ivre [3i2].
i:éeu, qi:i rêve lonjours d'exterminer les Bédouins, a le crève-
service miliinir. [i7â]. (tfl r*f.Te.)
Bècu (L.vi. — FeTMme du garde-cliampftre. Longue, noi-
raude, tr<''s sale, d'une maigreur rouillée de vieille aiguille,
restée a^st^z reninic cependant pour exciter les instincts amou-
reux de ,lésns-CliriU. Klle s'amuse à jeter Céline Miiriiueron et
Flore Leiigaigne l'une contre l'autre, sous le prétexte de les
reconcilier [Itl]. La Bécu n'est pas dévote, mais elle supplie
ardemment le <'i--l du réserver un lion numéro à son lils et, après
le tirage nu sort, file lournc sa colère coiUre le bon Dieu, ^lui
ne l'n pas éjouiée [iUO], (La Terre.)
Bécu (IlELrais). — Fils du garde-cbampéire A onze ans,
t-'e^l un ^iiilla'd li^llé et solide déjà, aimant la terre. I^cbant
l'érolc l'our le bibour [50]. Il a une tète ronde et inculte de
petit sauva,;D et nu se pbitt qu'au grjnd air. A l'â^c de la
conseriplion. il s'est ép.iissi, les nicmlires gourds, In léie cuile
sous le soleil, f'ou^sé en force, ainsi qu'une plante du sul. Il n
mauvais nuaiéro, ii se [<iil sauter l'indeiL de h main droite, se
36 LES PERSOiNNAGES
mutilant d*un coup de hachette pour n'être pas arraché à la
terre, disant que les lâches n'en feraient pas autant [463]. (La-
Terre.)
Bécu (Michel). — Oncle de Delphin. Est mort à Orléans
[462]. (La Terre.)
Bédoré et sœur. — Bonneterie de la rue Gaillon. Les
preniicres années du Bonheur des Dames lui ont fait perdre la
moitié de sa clientèle [28]. Bédoré ne tient qu'en mangeant les
rentes amassées jadis [263]. Il est travaillé de soucis qu'ag-
grave sa maladie d'estomac [462]. (Au Bonheur des Dames,}
Béjuin (Léon). — Député. Maire de Saint-Florent, com-
mune située à trois lieues de Bourges, où il possède une cristal-
lerie. Petit homme maigre, noir, de mine silencieuse. 11 est le
lieutenant de Kahn et appartient comme lui à la bande du
ministre Bougon. .\e demande jamais rien, mais est toujours
là, modeste, attendant les miettes et ramassant tout [272].
Hougou l'a fait nommer chevalier [82], puis officier de la Légion,
d'honneur; il lui a procuré une sinécure de six mille francs
[281], mais Béjuin, aussi ingrat que le reste de la bande, lâche
son prolecteur quand il le sent près de sa chute, ne voulant
pas, dit-il, se laisser accaparer [382], courant vers ceux qui
vont disposer de nouvelles faveurs. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Béjuin (Madame). — Femme du député. Un paquet [83].
(Son Excellence Eugène Rougon.)
Bellombre. — Voisin du docteur Pascal, à la Souleiade.
Grand et maigre vieillard de soixante-dix ans, dur et avare, à la
figure longue, tailladée de rides, aux gros yeux fixes. C'est un
ancien professeur de septième, aujourd'hui retraité, vivant dans
sa petite maison sans autre compagnie que celle d'un jardinier,
muet et sourd, plus âgé que lui. La vue de l'égoïste Bellombre
est un perpétuel sujet d'irritation pour Pascal [59]. (Le Doc-
teur Pascal,)
Belloque (Le père). — Le premier maître de Claude Lan-
tier. Un ancien capitaine manchot, qui, depuis un quart de
siècle, dans une salle du .Musée, enseigne les belles hachures
aux gamins de Plassans [46]. (L* Œuvre,)
Bénard (Le ménage). — A'oisins d'escalier des Lorilleux,
rue de la Goutle-d'Or. Le mari et la femme s'assomment tous
les jours [71]. (L Assommoir,)
BéraudDu Châtel — l'f-re.le rictiùe el ileClirisline.FrOre
il'> iiiailai'ic Aiilii'clal. ['réf iil«i}l de clmnibre <'ii 1S51, il a donne
su dèiiijrjiciii Inrs ilu coup d'Élat. C'est un gr;inil viciDurd d«
suîxiiiil'! iiiis [77], ré|iulilicaiii st-i-ère et prohe, derrjîer repn--
fcntaiil (l'une aiicii^iine famille de la grande lioiirg'eoi^ie peri-
si<?niie. Ln Taule de Ueaée a élé un coup (rn^'ique pour CH
li'jninie Ji; verlu li haule. Il coiiseiil nu mnriag'« i\ui doit eCTacci'
la liontp, maij refuse lous rapports nvec Arislidc Saccnrd;
|>l(-iii il'uno tristesse hautaine, il s'cnferine en son liûtut pa-
Iriiircal de: l'Ilo Siiiiil-Louis. O.i Ciirce.)
Béraud Du Chatel(Ciini5TiMi). — Stconde HIIb du pré-
sMi^iil Di-ruiul Du ('Ji;\lcl. Sa môre est inorti; en la mettant uu
luuiidi;. liut-ueillie |j;ii' sa tante, madame Auberlol, et ramenée
;. ipri'S lie ïon père ijuanil madame Anbertot est deveuiit: vcus'e,
tliri-tiii?i|ui il huit aos de moins 'lue Rcoée f"7j est une jeuni-
:>ll>.' liloriile. ini>di'sle, s'hahillant «implemenl [!2:£J. Elle épouse
le fils d'un avoué for! riche [iiS]. {La Carre.)
Béraud Du Chfttel (ISenke) (11. — Fille aînée du piv-
siJcu! !:■: -.i:!.! Im Cl.jt, ] l'.'niDie ■l'AHsiiile llougon.ilil SaccarJ.
>'éi^ ù I' :: ' ' < i' :iv;iil iiuil ans lorsque Sa mbre est
niorltf.n'' /c uns tiensioimaire chczlciDamcs
lie la ^.-ii.iii :■;. jvi; ij.-.-iiiii loin du fover pnltrni.'l, se Taisniit
une riln iiiiiiii fiUiI^'itue, pi.'rdaiit peu à peu les TCrtus de sa
race i-l ^■IJST'ant à <lci désirs iunvouables, à des curiosités vi-
lieu^et >iui, vers l'A^ede dix-neuf ans, pendant des vacances,
l'iiez sn l'inné amie Adeline, la livreront sans défense à un viol
lirutal [T8]. Eile Beveillera pleine di! mépris pour elte-meme,
perJuK nu hiea et disposée, dans un amour des choses logiques
hérité de son pi'ri', à aller jusqu'au bout d'une dépravation
ii-niicoiip plus ['éréhrnle ({ue cliarn''llo, à satisfaire tonjour
itisaijahle
i)e>oin lie savoir et de sfnlir. Pour dissimuler sa
r,iutp, on
l'a H\ar\é<: avec Aristide SaccarJ el elle se trouve
liii;iitùl la
ivL't.' ilims le monde interlop.; du second Empire. L'ne
Lusse.. 1
II. li.'iiiu-.' , sii[ipnmé l'enfant qu'on reJoulail.
■ ■.■■■. r,,-... fulle. rienéu, avec ses étranges
i-liev.-U'. ;
< 1. iiiL' <le garçon impcrlinent{L], s'étoui--
du sn .:.
' \i .iii .' .1' :. iai]:i^..-useji elle mangn vite sa fortune
• h l-.Hh
f Dr aui Du Chilet. iiMriét oi IBS:. a AriiUdt /[oiijoji.
■l-t Saet,u
/,- iKCiirt en IS 1, Mil' fnfanU. (.Ivfti'e jîJiMJoji'/iie </«
Ii'<i0-'i-ll
.■7».:,TJ
38 LES PEnbO.NNAGES
personnelle, est entretenue d'argent par son mari, qui la jette
syslémaliquenient aux dissipations éclatantes; elle a des amants
successifs, Kozan, Simpson, Chibray, 3Iussy, pousse même la
curiosité jusqu'aux passades d*un jour [131], devient Tune des
beautés les plus en vue du règne et rencontre sa sensation la
plus aiguë un soir de bal aux Tuileries, lorsque Tempereur,
déjà lourd, la face dissoute, les reins flottants, s'arrête quelques
secondes devant elle ci, en présence de toute la cour, l'admire
de son œil plombé [loi].
A vingl-liuit ans, ayant assouvi tous ses désirs, possédant
tout et voulant autre chose, horriblement lasse, elle est en
quête d'une jouissance rare, inconnue, cl, par un entraînement
où tout l'a poussée, elle glisse bientôt à un inceste avec le ûls
de son mari, le joli et frêle Maxime, pimentant cet amour
criminel d'un mélange de remords bourgeois et d'extrême vo-
lupté, trouvant enfin le frisson nouveau qu'elle cherchait [209].
Mais, entre la passivité du llls et la terrible coquinerie du père,
entre Maxime qui la délaisse comme une loque et Aristide
qui profite cyniquement du suprême déshonneur pour édifier
une fortune nouvelle, la jeune femme qui s*était crue Phèdre,
sent brusquement qu'elle n*a été dans la vie des Saccard qu'un
jouot misérable. La folie monte rapidement en son cerveau
détraqué. Dans l'éclat flamboyant de l'aris en fête, elle achève
d<: goûter à tout, joue, essaye de boire; c'est la fin irrémédiable
d'une femme et, quelques mois après, vieillie, usée, sanglotante
devant ses souvenii*s d'enfance, elle est emportée par une mé-
ningite aiguë [350]. (La Curée.)
Bergasse. — Revendeur au marché de Plassans. Fournit
les vieux meubles achetés par madame Faujas [2GJ. [La CoH'
quête de Plassans.)
Bergeret (M.\dame). — Concierge de la maison habitée par
Hélène Grandjean, k Passy [360]. {Une Page dWmour.)
Berlingot. — Cheval de l'écurie Méchain. Gagne le prix
d'ispahan [394]. {Xaua.)
Berloque, dit Chicot. — Un havcur tué par un éboule-
ment, dans la fosse du Voreux [:2ll]. Avait trois enfants, sa
femme était en couches [215]. (GenninaL)
Bernheixn (Les FHÈnES). — Propriétaires de la cristallerie
de Saint-Joseph. Patrons du caissier Josserand [35]. {Pot-
Bouille.)
i)ES lU^UCO^-MACQUAl!T SJ
Berthier iLEb). ~ Fajuille nmie des Dcberle. Madame
lit'!'li)ii-i*, liloiiile dclii'ate, jou^ la comêilie de salon, rûles pleur-
nicheurs [279]. Deu\ filles, Blanclie et So|>liie, et un petit
gardon, {l'nc Page d'Amoar.)
Berthier . — L'un des fondus de jjoiiToirs de rageul de
ciinnij'e Mazaud [81]. (/,■.■! rscNt.i
Berthou. — Le célèbre peintre de Néron au Cirque, k
un nlelier que Claude Lantier a fréquenlé pendant sii mois et
oi'i il s'est livré à d'imbOciles tâtonnements, à des evercices
niais, snus la férule d'un bonhomme dont la caboehe différait
df la sienne. .\ vingt reprises, le maître a répété à Claude tu'il
ne ferait jamais rien [4G]. {L'Œuvre.)
Bertrand. — Le chien de Sandoz. Un chien énorme qui
til.'oie fui'ieuïcmenl à chaque visite et qui, s'il rer.omiall uti ami
de son maiire, s'en va, la ijueae haute, en sonnant une fanfare
.!-allégje=!c[2i8]. (fŒMCC?.)
Besnus ^CL.\ttissE). — .V été ramenée, comme bonne,
de Sainl-Auhin-sur-Mer par une dame dont le mari l'a lancée.
Est maintenant une petite f«mnie des Variétés. Joue le rôle
d'Iris dans la Blonde Vénus et Géraldine dans la Pclile
biicln'tie. Maiiresse d'Hector de La Faloise, elle ne se fâthe
pas de voir iJnga le lui prendre, car du moment où deux femmes
S(^ irouvi^nl onE<:mhle avec leurs amants, rien ne lui semhle plus
naturel qu'elle se les fassent [Mi]. {Sann.)
Bessière. — Chef de station â tSarenlin. .\ vu les Roubaud
dans l'express du HaTre, le soir do l'assassinat du président
Granduioriii. San témoignage confirme leur alihi [107]. (La
Bête kuMniiie.)
Beulin d'Orchéres. — Frère de Véronii]ue. Beau-frère
d'Eu;:ène lioujiuii. II a une mâchoire de dogue el une forêt
de clieveu\ cv.-pus où pas un fil hlanc ne se montre, malgré ses
cinquante iins. L'alioril substitut â Montbrison, puis {ii'ocureur
du roi à Orléans, avocat général à Rouen, meitilire d'une com-
mission niiste en IBô:!, consi^illcr à la cour d'appel de Paris,
président de celte cour [1-3], il intrigue pour le retour de
Rou^on au pouvoir el devient, grâce ù lui, premier président.
Mais son he<iu-frére ne mettant .lucune hàle à le pousser ii la
dignité de garde des sceaux [271]. il se retourne contre lui et
participe à sa ïliule pour entrer, comme ministre de ia justice,
4'i Lt5 l»fcl;Si»N>ACtS
Jan» la combinaison Ueleslang [ioOj. {Son Excellence Euijcnc
Ihjiifjon.)
Beulin d^Orchéres (VÉm»MQ' e) (I). — Fcm:nc maigre,
à ligure jaune, liHliilant avec son frère, le prê>i«ienl CeuliD
d'OrcluTcs, un liùlel de la rue Garaucière, qu'ele ne quille
guère que pour assister aux messes basses de Saint-Su!pice[l 19].
A trente-six ans, elle épouse Eugène Uougon. Ceite grande
femme laide, à face grise et reposée de dévole, >ail rendre
grave la uiaison de la rue Marbeuf, qui. grâce à elle, sent main-
tcnaal la vie honnête [loi]. L*uniquc souci de madame Eugène
Roujon est d'administrer en intendant iidèle la fortune dont elle
se irouve chargée. {Son Excellence Eugène Routjon.)
Bibi-la- Grillade. — Ouvrier fainéant, toujours ec bombe
avoc .Mt's-Dottes [il]. Il a été témoin de Coupeau à son mariage
[i^i\. nsbi-la-GrUlade irouvc que le Prioce-Présidcnl ressemble
à un rous>in [108]. {U Assommoir.)
Bijard. — Ouvrier serrurier, alcoolique danger^^ux, qui tue
sa fr;ni:ne de coups lorsquM a bu. Face d'ivrogne avec une
barbe sale, un front chauve taché de grandes pla*]ue§ rouges,
et d-s veux où Talcool allume une flamme de meurt n». Les rares
jours où il travaille, Dijard pose un litre d'eau-de-vic près de
son ètau, buvant au goulot toutes !•*> demi-heures, ne se sou-
Irnant plus autrement [:2iô]. Sa femme morte, il assomme de
«.'Oi![>s la petite Lalie et raflinc la cruauté, trouvimt dans sa
cervelle de brute des idées extraordinaires de férucitè. (L\4.<-
.^ontmoir.)
Bijard (Madame). — Maîtresse laveuse. Emploie trois ou-
vrièrrs au lavoir de la fiontlc-d'Or |IT7]. Le ména^'»* habita la
mai-on des Loriilenx. Madanie bijard est U!ie grande femme
usS'.use, njarièe à un alcoolique dont elle subt cour.igeusement
les violences meurtrières. Ell«^ linil par mourir dun coup de
pie] dans le ventre [o"23J. {LWsaommoir.)
Bijard (EiLALir.). — Kill«; ainêe des PnjnrJ. A deux ans, la
P'Miîe Lalie a déjà de la raison comine une femme: on peut la
liii-^er si-ule, elle ne pleure pas. elle ne joue iam.is avec les
ali: iieli«'s [1S:î]. a quatre ans, elle a un lari:e regard noir,
dune Ii\ilé pleir.c de pensées, devait les brulalitos l'aternelle?,
tj Véro}iique licnhn dOnlièrc:, iii-irire en ]S'»7 à ntigcnf 1l*ju-
gon. Arbre fjrnt'Ailofjifjue -f-s fltmijon-M irqwtrl.
f •
DLS liOlGOX-MACQUAHT 41
et elli' lient clans «es bras, sans une larme, comme pour la pro-
téger, «a pt'liie sœur Henriette. A hiiil ans, quand sa mère est
morte sous l'*sciups, elle dirige le ménage comme une grande
personne, l|r*nrieiic et le petit Jules sont devenus ses enfants,
et c'est son lonr d'être la victime de ralcoolique llijard. Celle
innocente martyrisée se rulicnl de crier pour ne pas révolu-
tioiiner la mai>on,elle défend son père, assurant i|u*il n'aurait
pas été méchant s'il n'avail pns bu, pardonnant pnrce qu'on
doit l'irùiaincr aux fous [i^ô]. Elle meurt sous les mauvais
trailenienîs et la fatigue, restant jusqu'à son dernier raie la
pclite ina:n;i:i de tout son niO!»de [51 S]. {L\A$sommoir,)
Bijard HIlniuette). S» conde fille des lîijard. Elle a cinq
an? à ia mort de sa mère 1 1- #]. {L' Assommoir,)
Bijard ^Illes). — Troisième enfant des Dijard. Quand sa
ni're iiicuri. 1! a trois ans. il.Wssomïnoir.)
Bijou. — Grilfon éco>>ais, le petit cbien de Nana. 11 lu
révci-ie i-n lui léchant la ligure; c'est alors uii joujou de
cinq niiu itcs, des courses du chien à travers les bras et les
cuisies de sa n)ait:esse. Bijou excite la jalousie du comte Mulfat
[:>.r)]. iS :„ t.)
Billecoq < Mademoiselle n..iiMiME). — l'rotc^ée de madame
Ctrr- ;r. Fuie grande et mil. ce, la (igure fade, toute salie
de !:i !:os d • ruusieur [3^0]. Ancienne élève de Saint-Denis,
elle :i été s -luilc par un ofiicier qui consentirait à l'épouser,
si qii'.'.qti-i à'iie honnôlc voulait bien avancer la dot réglcmen-
laiiL- J)^]. Le ministre Eugène llougon, sollicité par madame
Coire :r, parle à des dames qui fournissent les fonds ['2^0],
mais roliikier se dérobe; il file après avoir croqué la dot [oSîî].
(^^ ;/< EX'Cllt'uce Eitf/ène Bougon.)
Blachet. — Député. Sollicite un congé [l]. {Son Excel-
lai V En JOUI» llon'jon.)
Blaisot. — lîan plier à Paris. S'est fait sauter la ( er-
ve le J'M . « L AViji'iil.)
Blanchette. _ Vache des Mou.'hc |llij. Comme elle est
1 dev»':,;:<^ M«q» prasse et qu'elle ne vêle plus, on la vend [Hî^j.
' ij.'i T^rr\ »
Elériot tl) ». — Préfet des l'onrbes-du-IUiône en ISÔI.
r»::*i;:'- Ir. î<m: îhli* r»''prcssion des troubles qui suivent le coup
d'Klai. Iii<pL*rsaiil les bandes insurrectionnelles, il passe par
4:* LES PEKSON.NAG£S
la ville de Plassans le lendemain du guet-apeiis organisé par
Pierre Rougon ; il promet à celui-ci de faire connaître au gou-
vernement sa belle et courageuse conduite [357]. {La Fortune
des Rougon.)
Bleuze. — Gorderie à Montsou, ruinée par la grève des
mineurs [4^]. {Genninal.)
Blond (Maru). — Une fillette de quinze ans, d'une mai-
greur et d'un vice de gamin, poussée sur le pavé parisien [111].
Vient de débuter aux Folies-Dramatiques [87]. Fréquente la
table a'hôte de Laure Piédefer [i81]. {Xana,)
Boche. — Concierge rue des Poissonniers, puis rue de la
Goulte-d'Or, dans Timmeuble habité par les Coupeau, et les
Lorilleux. Exerce la profession de tailleur. Témoin de Gervaise
à son mariage [80]. Très plat devant le propriétaire, il se
donne, derrière lui, comme le maître de la maison [163]. Boche,
de tempérament polisson et sournois, est très gai en société; il
a la spécialité des chansons comiques [:2S4] et court un peu
dans le quartier, subtilisant parfois des pièces de dix francs à
sa femme pour payer des lapins aux dames aimables [417].
(LWiiSommoir.)
Boche (Madame). — Femme de Boche. Grosse face, avec
des veux à fleur de tête. C'est une commère très bavarde, dont
la loge est le rendez-vous de tous les potins du quartier. Elle
aime les locataires qui ont des attentions pour elle ; quand
Gervaise la comble de gentillesses, elle est avec elle contre les
Lorilleux et se met avec les Lorilleux lorsque Gervaise coupe
court aux cadeaux [108]. (U Assommoir,)
Nana annonce à Salin que la mère Boche est morte [364].
{Sa nu.)
Boche (Pauline). — Fille des concierges. Rousse. Le même
âge qu'Anna Coupeau, dont elle est l'amie. Toutes deux font
leur première communion en même temps; elles courent avec
les galopins du quartier. Pauline devient apprentie repasseuse
[41^]. {L'Assommoir.)
Bocquet (Madame). — .Mère de Clarisse. Devenue veuve,
a été recueillie par celle-ci. avec toute la famille, une bande de
camelots, deux sœurs, uii grand voyou de frère, jusqu'à une
tante inlirme, de ces tèles qui vendent des polichinelles sur
les trottoirs [3î)3]. [Pot-BouiUc.)
i
I)KS ROCCOS-HACQUART " 13
Bocquet (Clafiisi^e:). — Maîtresse Je Duveyner. Ce;! une
surli' lit' ^Miiiiii iiuii' et maigre, avec une [fte ê[>ourilTêe ije
caniche. !«on pOre est un peiît marchnud de jouets derenu
camelot et qui eïploile les fêles avec sa f«uiiii<i et toute une
bande d'enlaiils malpropres. Clarisse a gardé le bagout pari-
sien, un e^])^it de surface e( d'emprunt, une g;ile de drôlerie
atlrajjéa en se frolliinl aux liommes. Pour ne pas nfliclier Du-
veyrier, elle haliiie un luarlier lointain, rue de h Cerisaie,
mai; elle n^Mie son aninnl bon (rain et s'est Tait acheter pour
viii£!t-cin'| mille francs de meubles. Malgré un instinct de bour-
geoise .ijniit la passioa du comme il faul, Clarisse se donne
à tous les amis de Duveyiier reçus dans son salon ; c'est une
!iabilud-; anrieiine, le besoin de se refaire un peu derrière les
:n]o:is Je l'Iioinme qui paye li'O]. El celui-ci ne voit rien
ju<^u'au jour où il trouve l'apparleinent vide, Clarisse envolée,
' j'.it loul eiiiporlé, même les pinnches du Ciihinet de loilelte;
une rêpul-ion l'a prise pour l'entrcteneur au sang Acre, dont la
..jjjre esl pleine de boulons, et elle s'est mise avec un amaul
sain et solide, le sculpteur Payan, qui bientâl l'abandonne sans
un SDU. Reirouvée par Duveyrier, elle se laisse inslatler
richement rue d'Assas et c'est alort une nouvelle Clarisse,
levenue a^joininante, engraissant, tournant ii In petite mère,
.iitc des i;-ills bourgeois grandis jusqu'à l'idée fixe. Elle fait
au conseiller un inlérieur morne, d'où sont exclus tous les
anci'.-ns CD:iip.ignons de fête,, elle lui impose le contact de toule
la fmaille !Suci|iiet el, comme il a la musique en horreur, elle
se met à rludier le piano, rêve inavoué de toute sa vie [398].
Le^ pascales de celi'- fille avec le professeur Théodore sont
subies en iil>;ncc par Uuveyrier qui, & peu près ruiné, se fait
clinsser linalement par sa maîtresse, ati prolit d'un vieux très
rirhe. IPol-BuiiitU:)
Bodin. — Vieux médecin de quarlirr, habite rue Vineuse,
à \',ii,i\ [l-ij. Il sui{,'ne babilucllemenl -l<iaiiue Grandjcnn, sans
coiiiprenJri' grand'ehosB à sa maladie. {Une Paye d'Amour.)
Bohain iMafiquis de). — Membre du conseil d'administra-
tion de la lS;<iique Universelle. C'est un beau vieillard de
soixante ?ns, à la tête très petite posée sur un corps Je colosse,
à la face lilOme, encadrée d'une pen-uque brune, du plu? grand
air. Ilabil'! les uiici>'nnes dépendances d'un grand bùtel, lue de
Dnbylone.In^liJbilion luxueuse, ayant une belle allure d'.nrislo-
craiit'c0'(uelie. On lie loil jamais la mari|uis<?elpourlunl.lcul est
4; LtS Ptr.SONNAGES
à elle; il loge là en garni, u'ayaul à lui que ses cir«-ls, sépare île
})iens depuis qu'il vil du jeu. l>ans les catastrophes, il refuse
de payrr, on passe l'éponge, car il a un nom illustre, il est
exlrèinemenl décoratif dans les grandes Sociélés financières [105]
et c*est à ce lilre qi'il appartient €'\u syndical Daigremout.
Compromis à fond dans une histoire de pols-de-viu frisant
l'escrojjuerie, sauvé par Aristide Saccard, îl est «levenu son
humhie créaiur»', sans cesser de porter haut la tête, fleur de
ncbless»», le plus bel ornement du conseil [-7:2J. Dés le premier
crriqutMnenl de l'Universelle, le mar({uis de Ijihain pa>se sans
scrupule à l'armée triomphante «Jeshaissiers [3G7J. {L'Argeni.)
Bon cœur. — Non) de l'hôtel tenu par Marsouilier, boule-
vard do la Chapelle, à gauche de la Jjarriére l'oissonnière.
Cest une masuro de deux étages, peinte en ron^'»i lie de vin
jusqu'au second, avec dos persiennes pourriLS par la pluie [3].
{LWssoniinoir.)
Bongi^aLcL. — Un ^rand peintre. Fauteur de la Xoo' an
Villiuje. C'e>t un gros homme de quarante-cini] ans, à la face
lourni» niée, sous de longs cheveux gris. 11 vient d'entrer à
riu>tiiut et porte à la boutonnière de son veston la rosette
i'oîli .ij.r de la Légion d'honneur. l'olit-lils d'un ft-rniier beau-
ceron, lils d'un père bonrjjeois, le sang paysan, afiiné par une
luère très artiste, il est riche, n'a pas hesoui de vendre et
g.u'Je des goùis et dt;s opinions de bohème; ses n)eilleures
esci'palos sont de tomber le jeudi chez Saii-loz, pour fumer une
pipe, au milieu de ces débutants, dont la ilamme le réchauffe.
Depuis (jue so:i œuvre la plus célèbre est au Luxembourg, ce
tablojni tourne pour lui au cauchemar; c'est ju-qu'ici son chef-
d'œuvre, il a exercé une action parallèle à celle de Courbet,
toute la jeune école se réclame de son art, et pourtant Bon-
grand soulïre dans sa chair de travailleur. C'est qu'il ne res-
seuil b' guère au sculpteur Chambouvard, l'éternel siitisfait qui
vil d.ins un orgnell de dieu. Aux débutants qui croient que la
su}Mè:ne joie e^t d'être salué comme lui du nom d»* maître, il
rép -ni tpie sa vie est une vraie torture, que lorsqu'on est en
1: i.'. ce sont îles tfi'nrts >aiH cesse renaissants, dans la crainte
■ 1 uéç^rinpoUr trop vile [lOG], que cette sacrée peinture est un
Uiélicr du lonitcrre de l»i»*u [IW] el que lui. Hongraud, a beau
ôîre un in.'ilin, à clique œuvre nouvelle, c'est un»* ;:i"os>é émo-
tion, le cci'iii- ini bat. ime angoissf^ qui sèche la bouche, enfm
un Irac al» <min.ibl«' [-'îT j.
DES noiT.O.N-M.VCQL'AUT iô
Dans le vasie atelier qu'il occupe depuis vingt ans, boulevard
de Clicliy, il n'a point sacrifié au goût du jour, à cette magnifi-
cence de tentures et d*; bibelots dont s'entourent les jeunes
peintres; c'est l'ancien atelier nu et gris, où il garde, de sa
jeunesse romanlique, rbaliilude d'un costume de travail spé-
cial, la ctiiolie flottante, la robe nouée d'une cordelière, le
sommet du crâne coiffe d'une calotte ecclésiastique. Une énorme
hilarité le secoue devant la presse d'informations, qui fait
retentir toutes les trompettes de la publicité en l'honneur du
preini^ir godelureau sachant camper un bonhomme f^il]. Mais
dans sa rai il 'rie, il y a toute une souffrance cachée, la peur
sourie d'une lente déchéance. Depuis la Noce au Vi(htge,\\ n'a
rien fait (^ui vaille ce tableau fameux; après s'être maintenu
dans (fuelques toiles, iL a glissé à une facture plus savante
•n plus sêi lie, l'éclat s'en va. A soixante ans, la haine qu'il
nourrit contre le chef-d'œuvre qui a écrasé sa vie le pousse à
choisir lu sujet contraire et >wnétrique :V Enterrement (lu
Villiigr, cl son tableau est un insuccès morne, une de ces
chutes sourdes de vieil homme qui n'arrêtent môme pas les
passants [l^Ss]. El dans l'amertume de la vogue immédiate,
venue saii5 eilort à ce galopin de Fagerolles, indigne de net-
loyer sa palette, Uongrand, qui, lui, a lutté dix ans avant d'être
connu, q'ii loule sa vie a cherché et souffert, acquiert brus-
quenjoiil la ceriitude aiguë de sa fin [388]. {L^Œuvre.)
Bonhomme. — Le cheval qui, pendant un quart de siècle,
a mené le «lucteur Pascal à ses visites. Dans les derniers mois,
le vieux Donhomme devient aveugle et, par reconnaissance
pour ses services, par tendresse pour sa personne, on ne le
«{«■range plus guère [i8]. En lui, Pascal aime l'animalité en-
ti»'ro, tout c (|ni traîne et tout ce qui se lamente au-ilcssous de
l'hoiinie [lijlîj lîonhoinme, complrtemenl aveugle, les jambes
paraly «•■•'.<, meurt un matin sur sa litière et son niait i-c le baise
une dernière fois sur les naseaux [32«'J]. {Le Docteur Pascal.)
Bonnaud. — .\ncien chif de la comptabilité au chemin de
fc.r d;i .\oril. .\ marié sa fille et a éprouvé une telle joie de la
c:iser q'i'il s't st conlenlé de renseignements en l'air, malgré
sa ri^^ide prulence de chef comptable méticuleux. Quelque
teniji^ après, il découvre qne son gendre, un homme très bien,
e-t un ancien chuvn (jui a v»*cu pendant dix ans aux crochets
d'une écuyère [Gl]. (Vot-liontile.)
Bonnehon (M.U'AMt:). — S<éur du président riianduiorin.
40 LES PEUSON'NACES
Mariée à un imiuslriel qui lui n apporté une grosse fortune,
déjà fort riche par elle-mùme, elle est devenue veuve à Tàge
de trente ans. Dans le château de Doinville qui lui appartient,
elle a mené une existence aimable, toute pleine de coups de
cœur, mais si correcte et si franche d'apparence, qu'elle est
restée Tarbitre de la société rouennaise. On Tadore à Doinville,
elle a fait du château un lieu de délices [U]. Par occasion et
par goût, elle a aimé dans la magistrature. Grande, forte, avec
de magnifiques cheveux blonds, belle encore, malgré ses cin-
quante-cinq ans, d'une beauté opulente de déesse vieillie, elle
n'est pas encore calmée. On lui prête une tendresse maternelle
pour le jeune substitut Chaumette, il lui reste toujours un
vieil ami, le conseiller Dcsbazeilles, et elle conserve sa roj'auté,
par* sa bonne grâce, malgré la vieillesse menaçante. Pourtant,
il vient de lui naître une rivale beaucoup plus jeune, dans la
personne de madame Leboucq, et cela lui donne une pointe de
mélancolie [lU]. Madame Bonnehon a une excellente opinion
des Pioubaud et la rapacité de sa nièce Berthe Grandmorin
lui semble fort blâmable : comme elle a toujours été très
riche, elle se montre d*ua désintéressement absolu, affectant
de mettre Tunique raison de vivre dans la beauté et dans
Tamour [116]. Pour Thonneur de la famille, elle souhaite qu'on
fasse le moins de bruit possible autour de l'assassinat du
président [400]. {La Bête humaine.)
Bonnexnort — De son vrai nom Vincent Maheu. Petit-
ftls de Guillaume, fils de Nicolas, père de Toussaint. Il a
aujourd'hui cinqunnie-huit ans et n'en avait pas huit lorsqu'il
est descendu dans la mine. M a été d'abord galibot, puis
hercheur quand il a eu la force de rouler, puis haveur
jusqu*à dix-huit ans ; ensuite, à cause de ses jainbe's, on l'a
mis Je la coupe à (erre, rembKiyeur, raccommodeur, jusqu'au
moment où l'on a dû le sortir du fond, parce que le médecin n
dit qu'il allait y rester, .\lors, après quarante-cinq années de
mine, on a fait de lui un charretier, il travaille de nuit depuis
cinq ans à la fosse du Voreux et gagne quarante sous ; encore
deux ans, et il pourra prétendre a une pension de cent quatre-
vingts francs. C'est Guillaume, son grand-père, qui a découvert
à Uéquillart une mine de charbon gras; son père, deux de ses
oncles, trois de ses frères, plus tard, y ont laissé leur peau ;
sou fils Toussaint y crève maintenant, et ses pelils-Hls, et tout
son monde. Cent six ans d'abalage dans la famille, les mioches
DES nOUCOS-MACQUAIlT -17
nprès les vieux, pour le mâine pntroa. Lui, on l'a relire trois
loii de la mine en morceaux, une fois avec loul le poil roussi,
une autre mec de la terre jusque dans le gésier, la troisième
avec le venlre poulie d'eau comme une grenouille; alors,
comme il ne voulait pas crever, on l'a appelé Uonnemorl, pour
rire [8].
Vétu d'un tricot (le laine violeiie, coiiïê d'une casi^uetle eu
poil de lapin, il est petit, il a une grosse léle, aui cheveux
lilaucs el rares, un cou énorme, les mollels el les iHlens eu
dehors, avec de longs liras dont les mains carrées tombent ^'i
ses genoux; sa Tace plate, d'une pâleur livide, maculée de
taches bleuAlres, semble lalouée de liouille, et, comme il est
nlteinl d'une lironcliile noire, il a l'air de craclier une boue de
charbon, le charbon de la mine qui lui est resté dans la car-
casse l'J]. Horin^morl n'a plus qu'un ami, un vieux de son
leiiips, le père Mouqua ; les deux anciens passent tous les Jours
une demi-beure ensemble, ils ne parlent guère, échangent ù
|ii'ini< ili\ paroles, mais cela les égayé d'être ainsi, de songer
ii de vieilles clioses, qu'ils remâchent en eomnmn. sans avoir
be^ein d'en causer [III.]
Les rbumatisineî de Bonncmorl se changent peu à peu un
Iiydropiiie, il devient iinpolenl, il revoit sa jeunesse, tes nn-
cisinies gri'ves où Ton se réunissait dans la furèl de Vandame
et qui aboulis^nient toujours aui: niâmes défaites, quand les sol-
dats du roi arrivaient avec leurs Tusils: il ne croit pas que le sort
li-ii mineurs puisse être jamais amélioré, r_n n'a jamais bien
marché, ca ne marchera jamais bien [323]. .Xprês avoir vécu
en brave homme, en brule obéissante, contraire aux idées nou-
velles, il n'a une inconsciente révolte que le jour de l'émeute
d- .Montiou: ivre de faim, sorti brusquement de sa longue
résigiialion d'un demi-siècle, ce vieil inllrme qui, jadis, a saut é
de la mort une douzaine de camarades, risquant ses os dans .le
grisou et dans k-s êboulements, cède â une subite poussée de
rancune et lenlc obscurément d'étrangler Cécile Grégoire [i08].
In peu jilus lard, au Voreux, le jour de la tuerie, il voit les
siens niissacrès pnr la troupe; devant ce spectacle tragique,
il croule, sa canne en morceaux, aliatlu comme uu vieil
arbre foudroyé [''Jo] et, dos lors, le père Bonnemort a quelque
chose de cassé dans la cervelle ; il vit cloué sur une chaise,
devant lîi ch-niinée iroide, il regarde les gens d'un air imbé-
cile, ses yeuv Inrges et li\es ne clignent plus, et c'est eux qui,
un jour, au souvenir des terribles seines de .Montsou, fasoi-
\i LLS PKKSOXNAGES
lient Céciio et la jettent, tremblante, sous lis ^(ros doigts
du vieillard, brus(|uenient acharnés au nieurtic [51)31. iGa''
minai.)
Bonnet. — Voir Mahelml (De).
Bordenave. — Directeur des Variétés. [loinmc épais, ù la
large fac:e rasée. Uiant, crachant, se tap:uit sur les cuisses,
cynique, ayant un esprit de gendarme, il traite Icà actrices en
garde-chiournie. Quand une de ses petites femmes l'ennuie, il
lui allonge un coup de pied dans le derrière [(!]. Cerveau tou-
jours fumant de quelrpie réclame, c'est lui qui lance Nana dans
la lilonie |V«tt5, sorte de carnaval des dieux où l'Olympe est
traîné dans la hout\ où toute une religion, toute une poésie
sont bafouées [:2i]. Xana chante comme une serinjruc,elle joue
comme un pnquel, mais un rut monte d'ell»*, ainsi que d'une
bêle en folie [3']]; c'est quelque chose qui remplace tout, aux
yeux de Dordenave. Celui-ci aime les situations franches;
quand on lui parle de son théâtre, il répond : Dilfs mon bor-
del ! f ij C'est avec la plus parfaite assurance qu'il fait à
S. A. r». le prince d'Ecosse les honneurs des coulisses et des
loges d'actrices ; il trouve même que le prince est un peu
inufe [I79J. (Sana.)
Borgne-de-Jouy (Lf). — Affilié à la bande des chauf-
feurs d Orgères, commandée par le lioau François. .\ vendu ses
complices [OS]. (La Terre.}
Bosc. — Un vieil acteur dos Variétés. Joue un rôle de
Jupiter imbécile dans la Blonde Venus et le duc de Deaurivage
dans la Pelile Dnches^se. Il a un air bonhomme, avec sa face
ravagée et bleuie d'alcoolique [150]. D'ordinaire, Dose traite
les femmes de chameaux. L'iJée qu'un homme peut s'embar-
rasser d'une de ces s;«les bêles soulève chez lui la seule indi-
gnation dont il soit capable, dans le dédain d'ivrogne dont il
etiveloppe le monde [2<»3). (Xana.)
Bouchard. — (^<hef de bureau au ministère de rintéricur.
Soixante ans. Télé toute blanche, œil éteint, face connne usée
par ses longues années de services administratifs ['n>]. 11 a le
premier accueilli Eugène Rougon quan«l celui-ci est arrivé à
Paris; aussi fait-il partie de la bande du gianJ homme, le
poussant et se faisant pousser par lui, mais toujours prêt à
déserter si les faveurs se font allenilre. A cinquante-quatre
ans, il a épousé Adèle Desvignes, voulant une jeuui fille de
]iru\iiicr. luirc*" '[ii'il lieiil à l'honnâleli:. HoiiKon, qui n clé sim
li'iiiûiii |*.l |. tu fuii nommu-L- ortkfcr Je la U-aiou .l'iioiineiii'.
pui^ vliti' <li; d'-'isioii [âTO]. DoucliniJ est le cousin du coloiu'i
JolieliinSo« ErceHtHce Eugène Itougon.)
Bouchard iMadaxie). — Voir Desvignes (Ai-éie).
Bouland (Madame). — Sagc-r.'mme à Verdjeniniit, près de
lloiiiieviii". tir^iiile rûpululion JeJier^-iu c\ (1'Ii!i)ii1l'Il- [37(iJ.
l'élite fi'iiMii'j linuie, nioigre, jaune c.-.hmi' un .■ \i--<, rivec uii'
gi-an J lii-i ilumi.ialeur. Parle fort, a il- . i ■ ..■ ■ ■ i jiits lui
la font vi^.i.!r.?r les pysaiis [SSiJ. Oi ■■ ... li.'iiieiLl
de l.ouir ■ Clifliitcnu, elle rédauic r.u.;. u un h.. ■!■ .111, l'eii-
faiil s.- ]''.-saiir;'Tii nul, puis elle toopére iieUv 1:1111:111 à la déti-
ïraiii-..-. ■Lu Jû'- de vivre.)
Boum C'ieval île rértirie Gasc. Court dans le Grand Prii
Bourdelais. — Sous-tli<if de liureau nu ministère des
liiiaiiOL-:* :■:]. (.1(1 Bonheur ih-f bames.)
Bourd&Iais iMad.viie). — IJiie nmic de {iciision de madame
llesrui-.'e-. '■,■,■.-1 une |ielili! lilonJf dt; Ireiile ari*, li i lin, les
veu:( lit'. D" M-^ilk' rLtiuille liuur^'tuistt, <;tlci iiiéuif son iiiéiiag«
l'iLijiiii li-! lii ïi- pritlii|uc [72]. Les grands in:ig:<.siiii ne la
niiiifiil p s; ■■! - vn droit aux occasious, avec une iidie adresse
di; lioiiiii: iiié^tn.*>ire qu'elle y ré3li;e de Tories éi:oiiunjies [95].
iAii Uoiil'Cin' il i Dames.)
Bourdelais (Les lnfants). — Us sont trois, Undtli-iiie
(dj\ an;.. Khii-id (liuit ans), Luci.:.L (quatre aiis't, Aïee son
eijirir de j -11" 'eiiiine pratique. mada;ne ljourdi;'ai> les mène
Siieulaclu ■. Iii>i> -wityll [±C.I. Mais, forlc punr ellr-in,!ine. elle
^u\ il d<:- déiMuJies il'aclials, dont elle se coiisule en coi: lui-
sant SI |i''il'< 1.'. :iille au buITet et en la ^orgeaul graluileinenl
lie siro)' _.;i''j. '.in ûoaliciir dis Damus.)
Bourdeu ll>:). — Aurien prêret de la llrûni", mis à pied
par 1.1 r.''v.>l:ii> 3 de iSiU. lUUUa l'lassan»^,-rré'[u<.'iiii- cliez Ifs
It^iiitoii 1-: fui ■'■: roiqiosition orK-aniste. i"esl nu j,'niiij vieil-
Iwi n.ai.-n-. il :-'diiigol.: Imuloniii-c et iliapeiiu pl:U du- diiciri-
r.O LKS PKRSO.NNAGKS
l'empire pour redevenir préfet [350]. {La Conquête de Plas-
sans.)
Bourdoncle. — Un des intéressés du Bonheur des Dames.
Jeune homme grand et maigre, aux lèvres minces, au nez
pointu, très correct d'ailleurs, avec ses cheveux lisses, où des
mèches grises se montrent déjà. C'est le (ils d'un fermier
pauvre des environs de Limoges. 11 a débuté jadis au Bonheur
en même temps qu'Octave Mouret. Très intelligent, très actif, il
semblait devoir supplanter aisément son camarade, moins
sérieux, mais il n'apportait pas le coup de génie de ce Proven-
çal passionné. Par un instinct d'homme sage, il s'est incliné
devant lui, obéissant, et cela, sans lutte, dès le commence-
ment. Un des premiers, il a suivi le conseil de Mouret en met-
tant de l'argent dans la maison, et peu a peu il est devenu un
des lieutenants du patron, le plus cher et le plus écouté ; parmi
les intéressés, c^st lui qui est chargé de la surveillance géné-
rale [38]. .Mouret, qui tient à sa réputation d'homme aimable,
lui confie volontiers les exécutions ; au temps de la morte-
saison, Dourdonde est célèbre par ses c passez ù la caisse >,
qui tombent comme un coup de hache et déciment les ravons
[185].
Très différent du maître, il fait profession de haïr lesfemincs,
ayant au dehors des rencontres dont il ne parle pas, tant elles
tiennent peu de place dans sa vie, et se contentant au magasin
d'exploiter les clientes, avec un grand mépris pour leur frivo-
lité ù se ruiner en chillons imbéciles. Net, logique, sans pas-
sion, sans chute possible, il ne comprend pas le côté fille du
succès, Paris se donnant dans un baiser, au plus hardi [-10].
Les femmes se vengeront en la personne de Denise Baudu,
qu'il a toujours persécutée et qui saura triompher par la seule
vertu de sa douceur et de sa grâce, inspirant ainsi à l'impi-
toyalile Bourdoncle la terreur sacrée de la femme [4:25]. (Au
Bonheur des Dames.)
Bourgain-Desfeuilles (Génêiul). — Pendant la guerre
de 1870, il est ù la léle d'une brigade d'infanterie (7* corps,
commandé par Félix Douay), Le lOG* de ligne, colonel de
Vineuil, appartient à celte brigade. Très braillard, le général
roule son gros corps sur ses courtes jambes, il a un teint fleuri
de bon vivant que son peu de cervelle ne gêne' point [5]. Dans
celle campagne, il sera comme tant d'autres chefs plus bétes
que méchants, ne sachant rien, ne prévoyant rien, n'ayant ni
nts llUl'lj'J.N-MAC'Jl'AlST 51
l'Inn, ni xHées, ni ici^urds heureux [I Klj. D'ailleurs, nul souci
de la i]tsci|>tine : pour ne pas atoir à sâvîr, il ferme les yeux
devanl le pitlnge d'une ferme [90].
Soucieux de confiirl, quand lu général prévoit une éliipu
dure, il prL'nii h précaulion Je déjeuner copieusement, en mau-
gréant de la bousculade [âT] ; maussade dnns les journées de
faligue, faisant alors aux gens un accueil furieux [t39J, il
retrouve sa bonne humeur dès qu'il peut s'installer commodé-
ment ; son premier soin, en arrivant à Sedan avec sa brigade
cvlénui^e, est de se fourrer entre de Uns draps blancs,, à l'hdtel
de la C,roi\ d'Or [180]. Pendant la marcbu vers la Meuse, le
31 août, il n parlé librement, en toute insouciance, devant un
espion déguisé en valet de ferme, Goliath Sicinberg; il l'a
interrogé sur tes roules à suivre, nionlranl une grande séré-
nité d'ignorance, croyant que la Meuse passe à Huzanry [lOi].
Cinq jours après, il n'accorde aucune foi aux renseigne-
ments du franc-tireur Sambuc, qui lui prédit la surprise de
!l<.-aumDnl; impossible &- son avis que l'année ait si prés
d'elle soixante mille ennemis, car on le saurait [UO]. Plus
lard, pour désigner la rivière- qui traverse Sedan, comme
il ignore si c'est la .Meuse ou la Moselle, il dira : l'eau qui est
IÙ1237].
liais tout soldat de cour qu'il soit, uniquement occupé de
lui-même et n'ayant vu dans la guerre qu'un moyen rapide de
passer général de division [317], il n'en trotte pas moins insou-
citmimenl, pendant la balaille, au milieu des projectiles. Entêté
dans sa routine d'.^frîque, n'ayant profité d'aucune lei,'ou, il
attend tes Prussiens au corps à corps, alors qu'ils écrasent ses
régitiients à coups de canon [Hô]. Puis, pendant la déroule
qui refoule l'infanterie dans Sedan, sa grosse ligure colorée de
bon vivant exprimi' l'exaspération où le jette le désastre qu'il
regarde comme une inalchance personnelle; il court vers les
iléhris de sa brigade, très capable de se faire tuer, dans sa
colère contre ces batteries prussiennes qui balayent l'Empire
et sa fortune d'oflJcier aimé des Tuileries ; par borreur pour la
captivité, il voudrait avec cinquante bons bougres percer les
lignes ennemies «1 filer en Belgique. Seulement puisqu'il ignore
le cliemin et que c'est trop tard, il va se coucher [363]; et
après la capitulation, seul de tous les généraux, il prétexte de
ses i'liun>alismes pour profiler de la clause qui fait les ofllciers
libres, à la eondilion de s'engager par écrit à ne plus servir
[\Z.'.]. {La Dfliùcle.)
^*»
o- LtS PtnsONNACtS
Bourguignon. — Entrepreneur do ploinb»»rie, chez qui
C.oupeau a trouvé dû travail [o30j. (L'Assommoii'.)
Bouroche. — Médecin-major au iOG* de ligne (colonel de
Vinouil). Gros lioinine à la télé puissante, au niulle de lion [11^].
A n«in)S, le "li août, rencontrant l'empereur entoure d'une bril-
lante escorte, il a vu à fond, de son coup d*œil de praticien,
cette face très pâle et déjà tirée, ces yeux vacillants, comme
troublés et pleins d'eau, et d'un mot il a arrêté son diagnostic :
Foutu [li]. Pendant la bataille de Sedan, il installe son ambu-
lance dans la fabrique Delalierche, qui s'encombre bientôt de
blessés ; c'est un décliargemcnt allVeux de pauvres gens, les
uns d'une pâleur verdâtre, les autres violacés de congestion
■3:26]. Li's opérations se succèdent, les minces couteaux d'acier
luisent, les scies ont à peine un petit bruit de râpe, le sang
conli! par j«ts brusques, c'est un va-et-vient rapitse d'ampuiés
[o'il]. Derrière un massif de cytises, on a établi le charnier où
«ont jetés les mort>, raidis dans le dernier râle ; et près des ca-
davres, p«.*le-méle, des jambes et des bras coupés s'entassent
nussi, tout ce qu'on rogne, tout ce qu'on abat sur les tables
d'opération [33G].
Plein de liàle et d'énergie, les durs cheveux hérissés sur sa
tête énorme, le major souffle de lassitude; c'est un solide, il a
une peau dure et un cœur ferme, pourtant il éprouve une im-
mense désdalion. il est paralysé par 1* cà quoi bon>, par le
sontimenl qu'il ne fera jamais tout [310], par son impuissance
à sauver t >us les pauvres diables en bouillie qu'on lui amène
[3i7]. La pratique et rimpérieuse discipline le remettent
d'aplomh, il 0[»ère toujours, sans môme endormir les patients,
maiiiienanl qu'il n*a plus de chlorofonne [3'J7].
l'entiaut l'insurrection de Paris, on le retrouve à l'armée de
V»^rsaillcs, il consent à soigner un de ses anciens soldats,
Maurice Levasseui*, mortellement blessé dans les rangs de la
Commune [(j'I'.)], (La Dcbdclc.)
Bourras. — llouliqnier de la rue de la .Michodière. Grand
vieillard âieie de prophêle, chevelu et barbu, avec de> yeux per-
rints sous de *:ros sourcils embroussaillés. Tient un commerce
de caniiea et de parapluies, fait les rarcoiiiiuoduges, sculpte les
inancli»!s, ce «jui lui a coinjuis une célébrile dans le quartier.
La maison e>l uin» masure prise enire le lionlieur d(îs Dames et
iliOlel Diiviliard: il l'occupe depuis 18i.j, avec un loyer annuel
de ilix-liuil cents franc<. dont mille so'.U rattrapés par la
HHS HOLT.nN-MAf.nHur -V!
location ili- i)ii:ili'i; ilmmlirt^s garnies. Le Uunlicurliii a pnr[i3 un
rou|> leiTiiil.-, en ciéaiil un rjiyon depar!i]iliiies et tlomlirelles;
la cliviilùle (liintimc cl. alors qu'il passe des ap^è^-lTIilli soli-
UiTL-ï, Ea lioiilii|iie esi seconée par la trépitlalinii de la Toulf
(Iiii s'ciTast <li- l'aolre côlé du mur; di' j'ius, Hourras ^OlllTl■L■
dans son or^'ucil d'iiriisle, devant raiili$^i'mi:ut du riiciier, Itts
mniiclies (nln'iijU'^j à I a grosse. l'alianJon de l'art. Kl coiniiii' le
llonlieiir des H-.mes vent le supprimer poiirs'agriindir, il u'iié-
silu pas à lui Ji' liirer la guerre; à l'ciilpndri;, sa Tidoire ne
fjîl paç un iiOLiie. il tnanp'era te mea-itre [927].
I.eE oSt'is 'l'Octui^e Moiiret soot repoussécs avec mî'pris,
treille iniliri frjn.-s, puis ciuquaiitc. puia qualre-vingls, puis
ceiil mille: liourros y laissera sa ]ieau ptuidl que de céder.
f.'l]i}U'l Utivill.iid est dévoré par l'envahisseur, In mn-ure est
eiirourL-e di knHes pnrts, son proprîi^iaire la verni à prix d'or
au liûiiliL'ur •h-i IJjnn-ï. le vieux marclniiid de parapluies devient
ainsi l'iulimr Ini'nlaire du puissant Mourel; peu lui iuiporle,
leni|.u.-t;ur uu-e tous SfS canons ne le délogera pas [228].
Comni" on il vuulu quand mciue éliminer lobsiaule, el <|ue l'ar-
dtiiecie 0 en f'tMe an percer un snuicrrnin qui <>cljè>c l'invi^s-
tiiseuitiil, Ruui-ra' snianie un long procès qu'il u'^ignc endeuï
ans et >]ui lu iDiue. Hardiment il prétend bailre li^ i:i)nlieiird<'s
hiinies sur «o'i )iroj>re t<?rrain el il fnit alors des cmcesMOiis au
lu.ve niûdern^, co:isarrant trois niilln francs, sa ressource su-
prême, il d>'s t^niliellissements ; il cng^tgc même lu lutte sur la-
prix [-13], i''k»1 uue suite de désastres, mais il lient toujours,
sa inaiion est là, entélêe, collée aux Oancs des supcrbi.'S maga-
sina, ccmme une verrue désbonoraitle, et il conlinac à nier les
faits, il r'^fu-e de comprendre, superbe et siupide comme unn
borne [Hi^].
Pour i^n VL'iiir à bout, le colD^se est forcé de riieliulcr des
créaiirrs, de 1- faire mettre eu faillite et de l'e.tpidsev par ht
force, .^lia à la rue, rivé au trottoir, il voit !es dêm-'llsseurs
comiiienccr Irrir œuvre et la masure s'ébouler piioy.iblemeni
SU1IS lc$ prciiiirTs coups de piocbe. C'est le niouclierun écrasé,
lu d'.TiK'^r i!i.>mrilic sur l'oiislin.iliun cuisante de l'inriaimenl
pctil l'.'-'i]. Mil-r-; Fa ïoi\ dmi' .■! se? f.'eslcs Ton', le pauvre
EouJu el IV-i.", i- I . ■ . . ■ 111= lui,
dér
. In
51 LLS l*ËRSONNAGb«
Bourrette (Abbé). — Premier vicaire à Sainl-Saturuin. ca-
thédrale de Plassans. Gros homme, au hon visage crédule, avec
de grands yeux d'enfant, des bras trop courts, un ventre d'une
rondeur douce et luisante, des jambes déjà lourdes [61]. Plein
de naîvclé, il fréquente les salons sans en démêler les intri-
gues ; il y nicontc d'un air ravi de petites histoires de sainteté
[^53]; il croit a rinsigniûance de l'abbé Faujas, qu'il a logé
dans la maison de François Mouret et introduit chez Félicité
Rougon. Aspirant à la cure de Saint-Saturnin, il ajoute foi
aux coules de monseigneur Rousselot, se laisse toujours évincer,
et pousse la bonhomie jusqu*à pleurer à chaudes larmes la
mon de Faujas [100]. {La Conquête de Plassans.)
Boutarel. — Médecin de Nana. Bel homme, jeune encore^
a une clientèle superbe dans le monde galant. Très gai, riant
en camarade avec ces dames, mais ne couchant jamais, il se
fiiit payer fort cher et avec la plus grande exactitude. Le doc-
teur se dérange au moindre appel, il guérit les bobos de ses
clientes en les amusant de commérages et d'histoires folles
[435]. (iVaiia.)
•
Boutarel. — Gros homme sanguin. Ne comprend rien aux
essayages des grands magasins, où les dames se déshabillent
dans de petits salons, sans que leur mari puisse les suivre [493].
{An Bonheur des Dames.)
Boutarel (Madame). — Une grosse femme de quarante-
cinq ans, qui débarque de loin en loin à Paris, du fond d'un
département perdu. Làbas, pendant des mois, entre son mari
et sa fille, elle met des sous de côté, puis, à peine descendue
de wagon, elle tombe au Bonheur des Dames, elle dépense tout.
On sait seulement qu'elle se nomme madame Boutarel et
qu'elle demeure à Aibi [lll]. [Au Bonheur des Dames,)
Bouteloup (Louis). — Ouvrier de la coupe à terre, au
Voreux. Un gros garçon de trente-cinq ans, à la carrure épaisse,
à Tair placide et honnête, sous sa grande barbe brune. Il est
logé au coron des Deux cent quarante, chez les Levaque et
couche avec la femme, du consentement du mari [:23].
{Germinal.)
Bouteroue (IIilarion). — Second enfant de Vincent Bou-
teroue. Pclit-Iils de Marianne Fouan (la Grande). Celle-ci n'a
jamais pardonné le mariage de sa fille et laisse IIilarion et
Paimyre, ses pelils-cnfants, crever de faim sans vouloir qu'on
lui niii|ie]]<! leur existence [3i]. U'une liiilcur bestiale de crétin,
bancal, la liouclic torilue par un bec-iic-iièvre, l'air raiint pour
$cs liDgl-ijuaire ans, Uilarion est si b£le que peisoiitie ne veut
le faire travailler. Les gamins le perséculenl. Il n'a d'autre
soutien que sa sœur Palmyre, véritable mère qui le défend, le
nourrit et se dévoue jusqu'à l'inceste. Doué d'une grandeforce
musculaire dont il n'a même pas conscience, uet innocenl, cet
inGrme le gorge d'e:tu-de-vie, vole sa soeur, la bal, devienl
franclienient niauv;iis. l'almyre morte, il vil de la charité pu-
blique et eil enQn recu-illi par la terrilile Grande, intéressée à
exploiter celte brute iolide, capable des plus durs travaux et
qui a peur d'elle, ta regardant en animal balln, épouvanti^ el
soumis [iOtl]. .Mais un jour, frémissant sous les corvées trop
ruJe^, les membres railis par des chaleurs de sang, Hilarion se
révolte, jon nplniisseiueul se change en une rage de mâle
n'ayant conscience ui Je la parenté, ni del'Sge, à peine du sexe.
il se jette sur l'aïeule pour la violer et esl abattu par elle, d'un
ïisiient coup de cognée au crâne [450]. {La Terre )
Bouteroue (PAUlYCtE). — Sœur d'il ilari on. Grande femme
d'une irenlaine d'années, qui en parait bien cinquiinie. Elle a
le^ cbeti'u^ rares, h\ face plate, molle, j:iune de son, une
longue I.tie de miaère, flétrie déjà, hébétée à force de travail,
où il n'y a plus que des yeux de bonne chienne, au dévouement
clair et crorond. La sœur et le frère logent dans une ancienne
écurie abandonnée, en parias, en êires prés de la terre, doni
personne n'a \ouiu. Cassée, épuisée par des travaux trop pé-
nible;, menant une vie dolente, sans une amitié, sans un
amour, une existence d'animal traité à coups de fouet, Palmyre
a pour l'inGrine des soins passionnés, c'est une tendresse de
mère qui va jusqu'à l'incesto, elle esi la femme irilJlarioD
parcequi^ les autres lilles le rebutent et qu'après lui avoir gagué
dn pain, elle peut bieu encore, le soir, lui donner cb régal qui
ne coûte rien [137]. k trente-cinq ans, celte femme, qui porte
des fiirJeaux à se rompre les reins, a un visage couleur de
cendre, mangé ain^i qu'un vieux sou. [lulenu qui l'emploii' aux
moissour, l'eniiiiiucbe à la tScbe parce qu'il ne la trouve
pins assez forte, el elle s'éreinle k des besognes d'homme, ache-
vant de laisser boire sa vie au brillant soleil, dans cet efTorl
désospéréde labcte de somme qui va choir el mourir. Elle
succombe en liant des gerbes, foudroyée par une insolation ; on
la trouve allongée, la face au ciel, les bras eu croix, cruciliée
:.»• LES PERSONNAGES
siircetl»* lorrc qni Ta usée si vilo à son dur labeur cl qui Ta
tué..'[2ir.]. {La Terre.)
Bouteroue (Vincent). — l'rysan pauvre, que la fille des
Pécliard s'est obstinée à épouser, malgré Topposiiiim mater-
nelle. Tous deux ui**urent de .nii>cre, laissant deux enfants,
l'aboyreelIIilarion[.'î2]. (La Terre.)
Bouteroue (.NLvdam^ ViNr.EXT). — Voir pKcnAi;n (.Made-
moiselle).
Bouthemont père. — Marcband de nouveautés à Monl-
i»ellier. A envoyé son lils à Paris pour y apprendre le commerce
et n'a pu obtenir qu'il reprenne son petit négoce provincial. Il
s*indi^ne de voir ce simple commis parisien gagnant le triple
de ce qji'il ^a^rne lui-mémo, occupant une situation qui grandit
chaque année [i5J. Débarqué à Paris, il suffoque dr stupeu.* et
d'indignation, en tombant dans le hall immense où règne son
tiîs r^Uiî]. (.4// iionhetir des Dames.)
Bouthemont. — Fils du maichamld*; nouvcaulé.>. Avant
réu<si dans le> soies à Paris, il a refusé de rttourner auprès de
son jiére, plaisantant la routine commerciale de la province,
faisant à chaque passage sonner ses gains, qui bouleversent
Montpellier. C'est un jeune bomnie à fortes épaules, il a une
lace roîîd-* de joyeux compère, avec une barbe d'un noir d'encre
et dr beaux y»«ux marrons [So]. Nocur, braillard, il a une ama-
bilité un peu grosse, un rite bon enfant où il y a un amour
brutal de la femme [1-7]. Entré au Donlieur des Dames comme
premier à la soierie, médiocre pour l:i vente, mais n'ayant pas
son pareil pour Tuchat, il jouit d*ui;e liberté absolue, et mène
son rayon comme il l'entend, pourvu que chaque année le
chiffre d'affaires soit augmenté dans une proportion fixée
d'avnnce. Pris en affection p;ir Octave Mouret, dev» nu le con-
lideiit du patron et d'Henriette Deslorges, il sait pi lire à celle-
ci et. dés (ju'il se sent miné au magasin, il obtient son concours
j»our une connnandite «lu baron Ilarl:nan:i [C'JoJ.
DoulbeiiKnK fonde aIor^ une superbe maison près «le l'Opéra,
avec ren<eiî.'ne : Aux Oualre Saisou":, rêvant une pipinlesque
conrurren'-e au îio:ih»'ur des Dames. Ce boa viva-jl a Tiiée
géniale de fire bénir ses locaux parle clergé de la Madeleine,
cérémonie éiritinanle, pompe religieuse i-ronicnée dr la soierie
à la ganterie, Dieu tombé dans les p?»nî.iîon> de femme et dans
I»f5 eorseli; Cette heureuse inspiration vaut un millioîî «lan-
l'Ks iioui;i'^->iAO,HMi;r :.7
iinijcfs, [i'll''iTieiit le coup vsi [lark- sur l.i uliciilùle inoiiilniDi'.
D'ailleurs, â [leiiie oiivei'ls depuis Irois semniors. Ii's rrrands
'iia^niiiis ili-ï Qua<r>> î^aUons soni inccnrlicj par une rxpla^inn
Je ^ax, peiiii.iDi lu nuit, les ve'dcuses se sniivenl en rlicniUp.
l'IiéroïSMie 'If lloullicmont en saurc rinq sur ses épnuli's, c'»l
tiiiu supci'liâ rûdaiiiti pour l'arcnir [^75] (Ah Boiilicur dfs
Boutigny. — Ancien camarade île Lazare Chniilcau nu
lycée rie tai-n A quille le loiin en qnalriéme. s'esl mis dans
It^ coniineree, |iUice des ïins [72]. RelrouTe l.ai^ie à PariSi
'•'intÎTi'Sie li S"a projel d'usioe pour l'explniuiioii des lierhes
inariii>;s, aiir'one irenie mille francs comme associé II a uue
Ircntaîiied'atuiées. c'est un peiil homme rouge 1res commun, on
l'appelle ' le gros Boiiligny >. E^iprit essenliellcmcnt pratique.
il lilùrne Lnzari- qni veut tnire trop va^ie et, aprcs l'éclicc de
l'exploilB ion. il rurhcle à lias pri\ l'usine, qu'il aménage pour
In fahrication eu {.'rnnd île la soude de commerce [10'2]. l'i'ouillé
alors uTec Larme (ju'il menace d'un prorcs [117], et devenu
t cette ranaillc du Uoulifrnri, il fail rapidemi-nt l'orluno et il
épouse une femme qui l'avait suivi à Verchemont el dont il a
ii'ols enfjnis \:U\]. ihi Joie ile vicre.)
Boutin. — L'ii anden modèle qui lieul rue de la Iluclieiu-
un ali'li.-r l.lin , fi-L-quenlé par f.lnude Lniilier. 0"iai>d celui-ci
cl il s'ai.'li,iriiv. M y perd le lioirc el le manger, hitiaui san-s
re|ios aveu l.i u.ilure [i7]. iL'f£iiire.)
Boutin. — Vieil é|ii1epliquc soiginé par le docleur Pascal
ù l'Iassaus. Meurt d'une crise congeslîve [II]. (Le Docteur P'(<-
C"l.,
Boves 'i'.ii'Tf" iiK). — Iri'peclt'ur i^'énèiMl des haras. Bi;l
seutuiil lie la vji'ill.' Traiice, .M^ de Hâves a dt;s ciiu|>a île l>'ii-
drttss'.- ijui le iI.Mnrciil au delior?; comme son scnici' l'appelle
:»8 LES FEUSONNAGES
%
des Datignolles quand on le croit à Tnrbcs. Sa dernière passion,
madame Guibal, ]ui coule cher et, comme des accès de goutte
le retiennent à la maison, il la reçoit chez lui, a?ec la tolérance
de sa femme qyi préfère celte comliinaison moins coûteuse
[47GJ. (Au Bonheur. des Dames.)
Boves (Comtesse de). — Femme du comte. Vient de dépas-
ser la quarantaine. C'est une femme superbe, à encolure de
déesse, avec une grande face régulière el de larges yeux dor-
mants. Elle a été épousée pour elle-même, n'apportant à son
mari que sa beauté de Junon [81]. Serrée d*argent, toujours
torturée d*une envie trop grosse, elle parcourt les grands maga-
sins, trouvant une joie sensuelle à faire sortir des cartons
toutes sortes de dentelles pour les voir et les toucher^ mettant
des doigts tremblants de désir dans les flots montants de gui-
pures, de malines, de valenciennes, de chanlillys. La névrose ties
grands bazars fait son œuvre en la poussant au vol, même sans
besoin, car sa complaisance a rendu au ménage les ressources
que le mari dépensait au dehors. Maintenant, elle vole pour
voler, comme on aime pour aimer, sous le coup de fquet du
désir [509]. Elle est prise en flagrant délit [506]. (Au Bonheur
des Daines.)
Boves (Blanche DE). — Fille du comte et de la comtesse de
tioves. Grande et forte, elle ressemble à sa mère ; seulement,
chez elle, le masque s'empâte déjà, les traits sont gras, soufflés
d'une mauvaise graisse [81]. On la marie à>Paul de Vallagnosc
[iTC]. {Au Bonheur des Dames.)
Braxnah. — Cheval anglais (écurie de lord Reading). A
gagné le GrandPrix de Paris [389], (Xana.)
Braxnbilla. — Réfugié vénitien. Personnage noir que ses ,
malheurs politiques ont rendu silencieux et réfléchi. Fréquente
chez la comtesse Daibi [06]. (Son Excellence Eugène Bougon.)
Brétigny (Comtesse de). — Auguste Lantier, lisant dans
un journal les nouvelles mondaines, annonce à Mes-Bottes, à
Bec-Salé, à Bihi-ia-Grillade el à Coupeau que la comtesse de
Bréligny marie sa tille ainée au jeune baron de Valençay, aide
de camp de Sa Majesté [340]. {U Assommoir.)
Breton-le- cul-sec. — L'un des chaufi'curs de la bande du
iJeau-Frnnçois [67]. {La Terre.)
Brichet (AniAun, dit). — Vieux paysan des Artaud. Petit,
DES iïtllXON-MACQCAllT SJ
ïf.liB |iar l'ùgc, la mine humilie [37]. (',0 Faute de i'abbcMou-
• H )
Bricbet (L\ mèke). — Feiume Je [tricliel. Grande |>aysaniie
pltuniiclii'iise. h seule dt-vole du villoge, rûtiant aulonr Je la
cure qunnd elle a communié, soulirani à l'abbé des aumûiies en
imiurc [3Sj. <,Lq Faute de tabbé Moaret.)
Bricbet (FoEiTL'NÉ). — Aîné des Brichel, les plus pauvres
paviaiis des Artaud. Grand garçon de vitigl-cinqnns, l'air hardi,
la peau dure ûéjk [37]. Quand il épouse Itosalîe liaiubouise, sa
maliresste devenue mère, ou dit dans le village i[u'il a gagné
les écus du père fiamiiousse dans le foin [i9Q], {La Faute de
l'abhf ilouiet.)
Bricbet (Vi.vcent). — Second lils des Drichet. Clu-rcux
rouges in broussaïlle, niiuce, yi'ux gris. Eufant de cliieur â
ré,'li!e des .\riaud [5]. Galopin loujoiirs en marauJe, lerranl
déjà de prés la pelits Catherine Bumboussc. {La Faute de
Ca'jlic Mcuret-i
Briquet (Les). — Paysans ae Kognci. Leur Ris lire le
numéro 13 à la conscriplion [157]. tl.a Terre.)
Bron (M.vMMi:). — Concierge des Variclés. Dans sa loge,
au Jéiorrire de soupente mal tenue, des messieurs du monde, *
gantés, corrects, allendenl, l'air patient cl soumis, tes réfionses
des demoiselles du théâtre. .Madame Itron lient une buvette
|jour les ligurauls [I tS]. (Nana.)
Bru ILe péri;). — Ancien ouvrier peintre, vieillard de
soixante-dix ans, qui habile la même maison (jue les Conpeau,
rue de la Goulte-d'Ûr, et vit dans un trou sous le petit escalier.
Il a le eorps voùlé, la barbe blanche, la face ridée comme une
vieille l'onime, un air hébété [-iû]. Le père llru a perdu ses
trois tils en Crimée et maintenant, on le laisse mourir parce
tgu'il ne peut plus tenir un outil. Gervaise a élé bonne pour
liû, mais lorsqu'elle ue peut plus rien, le pauvre vieuï n'a pins
qu'à atleiiire la morl, se nourrissant uniquement de lui-même,
lewurnaut à la taille d'un enfant [il9]. (L'Assommoir.)
Brûlé (La). — MÙTa de la Pierrouoe. C'est la ^cuve d'un
liareur mort 11 In mine; elle a juré de ne jamais donner sa
fille à un charbonnier, elle l'a envoyée en fabrique et ne déco-
lère plus depuis qu'elle l'a vue, sur le lard, épouser l'ierroii.
Tous iroii ïivenl au coron di:s l'eux cent quarante ei, d^ins le
itotilieur ilii iiiônngr, la Ijrùlc liurle avec uu enrii^eiuciU de
vieille révoluliomnire. îiNîuilà vrii;:f;r conlre les patrons la
monde son hosinnc [IK^J. Elle est lerrible, avec s«.*s yeux de
chal-liuaiit, son nez en l)ecd'ai<:le el sa bouche serrée comme
la bourse d'un avare [70J. Son jrendr»i Pindi/ne par sa lâcheté
devant h'S vliefs. Cribîeuse au Vore.ix, elle est une des plus
acliarné«*s pendant la grève ; devant la troupe, elle vomit l'in-
jure, Clic donne le signai de la lulle à coups de bri pie contre
les soldats inipissibles [ i«Sl] et, à la première dérliaru-'^, elle
s'abat toute raide et cra«juaule comme un fagot de bois
sec, en iM^rayaMl un dernier juron dans ie gargouillement du
sang [ IS7] {(jcnniHal.)
Brunet iI'amillk). — lîourgeois du quartier neuf, à Plas-
saii>. i ilousès par madame Pierre liougon [?t7)l]. {La Fortuni
t/i's iiofijOn.)
Budin (LiiS). — Paysans de Rognes. Leur (illetle a été,
dit-on. guérie de la lièvre par le rebouleur Snurdeau, qui a
ouvert m deux un jùgeon vivant et le lui a appliqué sur la tête
I »•*»."»]. ilji Terre.)
Buquiu-Lecoxnte. — Député au Corps Législatif. Solii-
ciie uii congé [IJ. (Scn Excellence Eiujene Uottyoïi.)
Burgat. — Torgeiou à Alboize. A fait partie des contingents
insm-Kjcliunnels lors du coup d'État [il S]. {Im Fortune des
liO'lfjOil.}
Buriie. — Jockey anglais. .Monte Spirit au Graml l'rix de
l*aiis [ i loj. [Xaiia.)
Busch aîné. — \^n juif né à Nancy de [larents allemands.
<iros bonnne, large face plate, gros yeux gris, cheveux pâles
tombant en mèches rares et rebelles de son crâne nu. Loge
rue r«'ydeau, au cinquième étage, où il possède un étroit
logi'ineat coaiposé de <leux pièces et d'une; cui>ine. 11 porte
toujou! s une cravate blanche roulée et une redingote d'occa-
sion, aîicionnomenl sn|>erbe, mais extraordinaircment râpée et
maru^'e de taches. Son chapeau, roussi par le soleil, lavé par
les aver-es, n'a plus d'âge [l(>]. Oatre l'nsure el tout un
co.iiMieicc caché sur les bijoux et les pierres précieuses,
[\i\>('\i fiiit le trali»' des valeurs dépréciées, il sert d'intermé-
Jiaire entre la petite IJourse des - Piod^-llumides «• el les
baîiqncrouliers qui ont des trous à combler dans leur bilan.
Mais il s'occupe surtcut de l'achat <les nJauvai^es créances.
ilKS UOlGWN-VACiJlhlllT II!
]ijoie;s,iiil que loulu valeur, nié.iie la |ilus uoiuin-oiiiia", |ieul
riii'ïi-iiir Iwiiiie; cV-sl un jeu comuie un aulf;, la chasse au
iltliiieur. cil uuluj qui se laii^se prendre, [layanl pour les Jis-
(■aruî. Pïl iiî.iii^'é lie frais el vidé jusi|uau sang [il].
La Mrcliain est le principiil collaborateur tla terrible juif ;
i: csi i-lle "iiii lui a ap|iorté l'alTaire Vîcloi' Saccard [321, Itràce
» iai{u«li'; 11u5l1i i-ssavcra île faire chanter le directeur ilc l:i
I«in()uo fitivericlle [-iH] et, pour se venger de son t-chet,
prtiiiiiliTa la ruine du iinancier par une piainle en escroqup-
ri<- îoTli]. ISjfch poursuit ses victimes â boult-ls ronges, il per-
si-i'ui.' I<? pvllt ménage Jordan cl organise un chanl»;^e affreux
coiilrr.' lirî J^iino; de l'enuvilti<-rs. Mais te loup, féroce aus débi-
U'Ur^. ir>/$ lapahle de vulcv dix sous dans le saji^ d'un homniL-,
aJore ji'U i'aile[ Sigismand d'une passion matenn'lle, il le sert
cu;iin.f une bonne li: tolère oisif et lui Jéfend même de Ira-
v:;:i;.r '.:T,\ El devant le corps à pn-iiie fruid de Pigîsinoiid, ce
leir.i'lt.' mangeur d'or hurle d'unr- abominable souirrance [4tt].
Buscb 'Srr.rsiiOND). — FrÎTe de l'usurier. Imberbe, clie-
l'-iv tbr. ninf, longs et rares, vaste front liossn. C'est une
ii.iclli;.'iiïi:e. 11 a élé élevé daiii les uniïersiiés alleiiiiniles.
|i^:ili' |ili,sieiu'> langues, s'est lié avec K.irl Miirx !■! professe le
sii-ia isii:>; av'c une foi ardente, ayant fait le don de sa pcr-
î'iiue f iiéie à l'idée d'une prochaine réiiovaliou sociale, ijui
d'<il r.i.-urer le bonheur des pauvres et des humbles. C'est uii
g»ii<i g.rron <!istrail, resté enfant, tellement insoucieux de sa
viï mit'-rielle <]u'il mourrait sàreraenl de faim si son frère ne
ravLÙi r..';ueiHi. L'idée de charité le blesse, il n'admet que la
juiiic-j el or^-.iu^se la sociélé île demain, remuantdes milliards,
dt-pl:.''a:.t l;i fortune universelle et cela, dans sa cb.imhre nue,
sans -ju: itiiiri- passion que son rêve, tcllcmc^il absorbé qu'il
nt >■ it i.iènie p:is ce que fait son frère dans la pièce voisint,
ii.nor,in'. tout de rtlFroyable négoce [3G].
11 ctaMil le pian délinilif de l'hunianilé future, avec i'uni-
qu'? iiiiiiiî.fNi-înt de s'imBiiiner les plaisantes ironies de la non-
ïrllr juîiice lii-iribuiive, se plaisant à contempler ta llourse.
ipil iIo:iiint de sa fenêtre, se frottant les n)ains devant l'œuvre
des finsnciers accapareurs, parce que lonle cciiiralisatioii
n;-'-nt.' ai: ci>llcdivism<.-, à la Ir.ins formation des capiiuux privée
■>:■ U-. cipital iOïial unitaire. Il annonce à Aristiite ;«i>ri::ird l.t
snpi-r'vj-ion il^ l'argent monnayé (31 i] el, plein de son révi ,
C2 LES PERSONNAGES
ayant achevé en sa tête la construction idéale de la cité de
juslice et de bonheur, il meurt à trente-huit ans, terrassé par
Ja phtisie. (L* Argent )
Buteau. — Second fils du père Fouan. Frère de Jésus-
Christ et de Fanny Delhonime. Cousin et mari de Lise Mouche.
Père de Jules et de Laure. Chez lui, le grand nez des Fouan
s'est aplati, tandis que le has de la ligure, les maxillaires
s'avancent en mâchoire puissante de carnassier. Les tempes
! fuient, tout le haut de la léle se resserre, et, derrière le rire
! gaillard de ses yeux gris, il y a, dès sa jeunesse, de la ruse et
I de la violence. 11 tient de son père le désir brutal, rentétement
I dans la possession, aggravés parTavarice étroite de la mère [18j.
! Vif et gai avec les camarades, il est féroce au marché, têtu,
! insolent, menteur, voleur à vendre les choses trois fois leur
,' prix et à se faire donner tout pour rien. Il doit le surnoni .le
I iSuleau à sa mauvaise tète, continuellement en révolte, s'obsli-
nant dans des idées à lui qui ne sont pas celles de tout le
monde. Même gamin, il n'a pu sVnlcndre avec ses parents.
Plus tard, après avoir tiré un bon numéro, il sVst sauvé de
chez eux pour se louer d'abord à la Borderie, où il a connu
Jean. Macquiirt, ensuite à la Chamade.
C'est un vrai terrien, ne connaissant qu'Orléans Ki Chartres,
n'ayant rien vu au delà du plat horizon de la lîeauce. 11
tire un orgueil d'avoir ainsi poussé dans sa terre, il a les
obstinations bornées d'un éire attaché au sol. (juand le père
Fouan fait le partage des biens, Buteau refuse violemment sa
part, se prétendant volé, et il conserve cette attitude hostibt
pendant plus de deux ans, vivant dans une rage faite de désir
et de rancune, ne cédant enfin que lorsque la création d'un
chemin donne à son lot une grande plus-value. .Vmant de sa
cousine Lise, il l'avait laissée là, le ventre gros, dans son
égoïsmc de uiâle brutal, et il ne consent à Tépousr que beau-
coup plus tard, quand Lise, héritière du père Mouche, est
devenue un bon parti. C'est alors Tivresse de la terre conquise,
c'est une grande passion satisfaite [191].
liuteau n'a qu'un amour, la terre. Quand la terre souffre, il
est d'humeur exécrable et il redevient gentil, conciliant et
goguenard si la récolte s'annonce bien. Voulant du blé qui
rapporte, mais pas de mioches qui coûtent, il est furieux des
grossesses de sa femme, .\vare, il a des colères devant les
contributions à payer, se révoltant contre le percepteur, dans
DL6 ilOlGO.N-MACylAliï G3
une haine séculaire contre ces feignants de bourgeois [331]. 11
marchande la rente du père Fouan et, dans une crise de rapa-
cité, bouscule si rudement sa mère qu'elle tombe pour ne
plus se relever. Mais un danger le menace, la moitié du bien
d*is Mouche appartient a Françoise, la jeune sœur de Lise ;
ridée d'un partage est insupportable à But eau, rien ne Tar-
rètera pour conserver tout riiérilage. Il voudra d'abord cou-
cher avec la jeune ûlle, combinaison qui arrangerait tout,
car il posséderait les deux femmes et la totalité du bien.
Devant un projet de mariage qui ruine ses espérances, il
devient enragé. Puis, .-a belle-sœur mariée à Jean Macquari,
le désir du mâle, né d'une longue poursuite infruclueuse,
s'exaspère en lui, il projette confusément des violences, des
assassinais que la terreur des gendarmes l'empêche seule de
commettre [385]. Enlin, la grossesse de Françoise achève de
raffoler, car l'enfant qui vient abolirait définitivement l'espoir
tenace qu'il nourrit de rentrer en possession du bien. Et
désormais Buteau est mûr pour le crime. D'accord avec sa
femme, il viole Françoise que Lise précipite ensuite sur
une pointe de faux. Et ils héritent d'elle. Et ils chassent
le mari d»'pouiiié. Et comme le père Fouan, pourtant déchu et
déprimé, a vu le meurtre, ils le tuent, lui aussi. Et, devant la
terre reconijuise par le sang, toute la chair de Buteau se met
à treiiii)ior de joie, comme au retour d'une femme désirée et
qu'on a cru perdue [iSO.] {La Terre.)
Buteau (Madame). — Voir Mouche (Lise).
Buteau (Jcles). — L'aîné de Buteau et de Lise Mouche.
Avait prt^s de trois ans quand ses parents se sont mariés. 11 est,
à neuf aii?, le seul ami du vieux Fouan, le dernier lien qui
rattache h? grand-père à la vie des autres, lien fragile d'ailleurs,
car bientôt Jules se lasse et il abandonne le vieillard [-130]. (La
Terre.)
Buteau (Laire). — Deuxième enfant de Buteau et de Lise
Mouche. A quatre ans, elle a déjà les yeux durs de la famille,
elle e«l hostile au grand-pére Fouan, se dégageant de ses bras,
sournois-^, rancunière, comme si elle condamnait déjà cette
bouche iLulile. Et par jalousie, elle détache de lui son frère,
meilleur .ia'dle[i30]. {La Terre.)
c
Gabasse. — Franc-lireur des bois de Dieulet. Grand et
sec, TiJce noire, long nez en lame de couloau, vivacilé criarde
de Provençal. Il est né à Toulon ; c'est lui ancien ^'arçon de
café vcnn df Marseille, écliouê à Sedan comme placier de pro-
duits du MMi, et qui a failli tàier de la police correctionnelle,
toute une histoire de vol restée obscure. Quoiqu*il sa( be à peine
lire, Cabasse est le compagnon préféré de Ducat, un leltré qui
cite du latin; lous deux, lont la paire, une paire inquiétante de
louches ii.irures. Avec le sergent Guillaume Sambuc, ils appar-
tiennent ;. une de ces compMgnies franches qui, pendant la
guerre framo-allemande, se peuplèrent de déclassés, In'ureux
d'échapper à la discipline, de battre les buissons connue des
bandits en goguette, dormant et «.'odaillant au hasard des
n»utes [liîO]. (^allasse participe à Texéculion du Prussien Goliath
Steinberg, mais il blâme le simulacre de jugement imaginé par
Sambuc, car ça porte malheur de plaisanter avec les choses de
la justice |53i3]. (La Dchàcle.)
Gabin (Madame). — Employée au Bonheur des Dames. Est
chargée du nclloyage des chambres et de la surve.llance des
vendeuses [lOu]. Les scrupules ne la gênent pas. .Avec un
cadeau de* cin(| francs, ces demoiselles obtiennent la permission
de la nuit [r>i]. (Au Bonheur des Dames.)
Gabirochs (Simonne). — Petite femme d»*s Variétés.
Dionde loutt- mignonne, tout-; délicate. C'est la liile d'un mar-
rhand de meubifs du faubourg Sainl-Aiitoine, élevée dans un
grand pensionnat pour élre institutrice [111]. .lone du piano,
par!»* angl.îis. bonlcnave couche avec elle et la bouscule [lOi].
Simonne joue le rôle d'Isabelle dan^ la Petite Dnchesac [r»OG
Elle est lancée par Sleiner i-51ô]. (Xatia.)
(1
]•
60 |LbS l*£KSONNAGt;S
Gabuche. — Carrier à Bécourt. Un gaillard au cou puis-
sant, aux poings énormes, blond, très blanc de peau, la barbe
rare, à peine un duvet doré qui frise, soyeux. La face massive,
le front bas disent la violence de l'être borné, tout à la sensa-
tion immédiate; mais il v a comme un besoin de soumission
tendre, dans sa bouche large et dans son nez carré de bon chien
[126]. Condamné à cinq ans de prison pour avoir tué, dans un
cabaret, un homme qui avait tapé le premier, Cabuche n'a fait
que quatre ans, à cause de sa bonne conduite; quand il est
revenu, tout le monde le fuyait, on lui aurait jeté des pierres.
La petite Louisette, cadette de madame Misard, avait alors
quatorze ans, elle le rencontrait toujours dans la forêt; seule
de tout le pays, elle s'approchait, causait et c'est ainsi qu'ils
sont devenus bons amis, se tenant par la main pour se pro-
mener, s'aimant très fort, sans que rien se passe entre eux.
La petite a été placée au château de Doinville, chez madame
Bonnehon, et un soir, en rentrant de la carrière, Cabuche qui
habitait une masure en pleine forêt, a trouvé devant sa porte
Louisette, à moitié folle, si abîmée qu'elle brûlait de fièvre.
L'auteur du viol était le vieux président Grandmorin, et Cabuche,
dans son effroyable colère, a dit partout qu'il saignerait ce
cochon. Tel est l'indice qui va suflire au juge Denizet pour
lui attribuer l'assassinat commis par les Roubaud et comme,
plus tard, le bon colosse, tout tremblant d'adoration pour
Séverine Aubry,sera trouvé aux pieds delà jeune femme égorgée
par Jacques Lantier, la justice le condamnera sans hésitation aux
travaux forcés à perpétuité, pour deux crimes dont il est inno-
cent [405]. {La Bête humaine.)
Cadine. — Enfant recueillie à deux ans, par la mère Chan-
teniesse, sur le trottoir de la rue Saint-Denis, au coin du
marché des Innocents. Est élevée rue au Lard, en plein ventre
de Paris [196]. Futée et mince, avec un drôle de museau, sous
la broussaille noire de ses cheveux crépus [28], Cadine est
rinséparahle amie de Marjolin et grandit avec lui dans les
Halie>. qu'ils emplissent de leurs amours de moineaux insou-
ciants [2U7]. Pleine d'ingéniosité, à six ans elle était marchande
au petit tas, à huit ans elle vendait des citrons, Tannée suivante
des bonnets h neuf sous, puis des gâteaux, puis du mouron.
Cadine entre chez une Ueuriste où elle est comme un bouquet
tiède «ri vivant [-20^] et enfin, à treize ans, elle s'établit à son
compte, vendant des violettes sur un éventaire [fî05]. A
DES UOUGON-MACQUAKT 67
seize ans, c*est une fille échappée, une bohémienne noire du
pavé, très gourmandei très sensuelle [^07]. Elle reste pleine
d'affection pour Marjolin, même lorsqu'une cliute sur la télé a
rendu ce garçon tout à fait inconscient. Ils se sont liés avec
Léon, Tapprenli des Quenu, et c*est, dans sa petite chambre,
des bombances de charcuterie [2âl]. Claude Lantier, qui admire
Cadine et Marjolin, ces jeunes bétes heureuses abandonnées à
l'instinct, les appelle t ses deux brutes >. {Le Ventre de Paris.)
Gaiiin (Abbé). — Prédécesseur de l'abbé Mouret à la cure
des Artaud. Était originaire de Normandie; avait une grosse
figure qui semblait toujours rire [286]. N'a songé qu'à bien
vivre, dans ce coin desséché de Provence où l'autorité ecclésias-
tique l'a envoyé en disgrâce, à la suite d'une vilaine his-
toire [301]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Gaxnpardon (Achille). — Architecte. Il a vécu d'abord à
Plassans, puis à Paris et habite rue de Choiseul, dans l'im-
meuble Vabre, au troisième sur la rue, une maison pleine de
toutes les pourritures bourgeoises. Gros monsieur blond,
quarante-deux ans. 11 s*est fait une tête d'artiste, les cheveux
en coup de vent, la barbe taillée à la Henri IV, mais il a le
crâne plat et la mâchoire carrée d'un bourgeois d'esprit borné,
aux appétits voraces. Tout en affectant de se moquer de la
morale, il s'est sournoisement poussé par les prêtres, il a su
se faire nommer architecte diocésain à Evreux pour acquérir
le titre d'architecte du gouvernement et, finalement, a obtenu
une grosse commande à Saint-Roch. 11 est décoré un peu plus
tard, grâce à la protection de Tabbé Mauduit.
Heureux et satisfait dans tous ses appétits, Campardon a
fort bien arrangé sa vie entre sa femme malade et sa maîtresse
Gasparine, les installant au même foyer. Mais il blâme hypo-
critement l'inconduite des autres, défendant toujours la respec-
tabilité de la maison, avec une conviction de locataire vani-
teux, qui semble tirer de là toute une honnêteté personnelle
[77]. Autrefois libéral, il est devenu clérical et autoritaire;
la réussite fait de lui un réactionnaire féroce [281]. {Pot-
Bouille.)
Campardon (Madame .Achille). — Voir Domergue
(Rose).
Campardon (Angèle). — Fille des Campardon. A quatorze
ans, elle est longue et laide, avec des cheveux d'un blond fade.
Pour qu'elle n'apprenne pas de vilaines choses dans les peu-
(iS LES PEPiSONNAGES
sionnats. on l'élève à la m«'\ison. on érarle flVlly jusqu'aux
soijflles (le \i{ rue et, comnne ses paronls tieiineiii à en faire
une ft*mme (rintêrieur, elle vit beaucoup avec les bounes.
C'est un produit de réducation dans la famille. Ouand elle se
sent regardée, elle marche les yeux à terre ; tlie a un air
éni^ninti<)ue de fille bien élevée, instruite à ne rien dire et
dont on ignore les pensées vraies [:220]. Pourtant, griicc à
l'intimité de la femme de chambre Lisa. Angèln sait beaucoup
de choses, elle snlistfait aisément ses curiosités de tille ma-
ladive, troublée j«ar la crise de la puberté. {Po(-Iio»tille.)
CaxnpenoQ. — Un imbécile à qui M. de Marsy accorde un
poste de préfet qn^Eugène Rougon avait promis ù Du Poizat
[121]. (Son EjL'cchencc Eugène Hougon,)
Caxnpion. — Chef du départ au fionheur des Diimes. Un
ancien s»Tg«*nt à ligure maigre [i9]. (An Bonheur des Dames,]
Camy-Lamotte. — Secrétaire général du ministère de
la justice. i>er.«ouiiage considérable, ayant la haute main sur le
personnel, «hargé des nominations. C'e^t un bel homme, parti
de l'emploi de substitut, et que ses relations et sa femme ont
fait nonnnep député et grand Qflîcier de la Légion d'honneur
[101]. Il a une figure mince et sévère, <|ue ses favoris grison-
nants élargissent un peu, une élégance d'ancien beau, resté
svcllc. d'unv di>tinction que Ton sent souriante, sous la raideur
vûuli.e de 11 tenue oflicielle. Il habite rue <lu lloch-fr, au coin
de la rnc cîe .Xaples. Familier des Tuileries, où sa fonction le
fjiit mander presque journellement, tout aussi puissant que le
ministre, employé à des besognes intimes, il a une insouciance
e.\périnieul»}e de toutes choses et veille uniquemeut au décor
du régime «ju'il sert [Ht],
En examinantles papiers du président Grandmorin, M. Camy-
Lamolle a découvert l'identité des assassins, mai> on s'irrite,
on s'iiiqnièie en haut lieu du scandale mené par Topposilion
autour d- s basses débauches de la victime; le Fecrclaire général
compreiid «jue son devoir de haut fonctionnaire ùévoué aux
institutions est d'aplanir les difficulté? politiques ; «I autre part,
il a été ga;:Mé par la bravoure et le charme de Séverine
rioubaïui; la crin)rnellc délicate, aux yeux de pervenche, a plu
à ce 'iésabiisé |.o;ir qui rien ne vaut la fatigue d èlrc juste.
Aussi arran.'c-i-il raft'airC; achetant d'un rul»au roi ge et d*uno
promesse d'.ivanrfi-eni l'intelligent concours du jugr* d'instruc-
tion Itenizet [ijOT]. {La Bcte Immaine.)
DES IÎOlG0.N-.MA<:yUAKT iVJ
Ganivet. — Vieux paysan lienucerou, donl Zê()liynn Lncolir
annonce la niort à la cuisinière Uosalie Pichou [84]. (Vue Paijv
ttAinour.)
Camavant (Marquis de). — Étail vers 1700 un jeune
noble du quartier Saint-Marc, à Plassans; il se trouvait lié avec
leniênagePuecheta été sans doute le véritable père de Félicité.
En 1818, c*esl un petit lionime de soixante-quinze ans, maigre,
actif [90] Ruiné parles femmes, il vit en parasite cbfz un pa-
rent, le comte de Valqueyras; il est Tagent actif du parti légiti-
miste, mais sceptique et sentant le vent, il favorise, tout en s'en
mo(|uant, les manœuvres bonapartistes des Piongon et, après le
cou{) d*État, va se faire oublier quelque temps dans le domaine
de Corbière [370]. (La Fortune fies Rouyon.)
Caroline. — Ouvrière fleuriste chez les Tit reville, rue du
Caire. S'est mise avec un garçon qui venait l'attendre le soir;
elle est très malheureuse en ménage [400]. (IJ Assommoir.)
Caroline (Madame). — Sœur de Pingéniear Georges llame-
liu. Orpheline à dix-huit ans, elle a donne des leçons, soutenant
son frère entré à Polytechnique, Padorant, faisant le rêve de ne
le quitter jamais. I.a bonne grâce et rintelligence de la jeune
lille ont conquis Hurieu. un brasseur millionnaire ; il l'a épousée,
iàiais au bout de quel(|U''S années de mariage, elle a dii exiger
une séparation pour ne pns être tuée par ce mari qui buvait et
la poui*suivail, avec un couteau à la main, daus des crises d'im-
bécile jalousie. Elle avait alors vingt-six ans et s'est retrouvée
pauvre, n'ayant voulu recevoir aucune pension de l'homme
qu'elle quittait. Uendue ainsi à son frère, elle est partie avec
lui pour l'Egypte, et a donné des leçons à Alexandrie pendant
qu'il parcourait la contrée; ils .sont allés de là en Syrie, ont vi-
sité les Lieux Saints et sont enfin revenus en France, lui avec
un portefeuille débordant d'idées et de plans, elle avec des
aquarelles sans prétention où elle avait fixé des vues de là-bas,
tous deux frémissants d'enthousiasme pour les pays traversés.
Et ils se déballent à l*,iris, victimes d'une malchance noire,
échoués d;ins un [»eiil appartement de riiôtel d'OrvieJo, où ils
vont se lier avec Arislide Saccard.
Madame Caroline est une femme d'une taille admirable.
Grande, solide, la d-imarche franche et très noble, elle a des
cheveux blancs superbes, une royale couronne de cbeveux
blancs, d'un sinp^ulier effet sur ce front de femme jeune encore,
Agée de trente-six ans. hùs vingt-cinq ans, elle esl ainsi deve-
7ij LES PERSONNAGES
nue loute blanche. Ses sourcils, restés noirs et très fournis^
donnent une jeunesse) une étrangeté vive à son visage encadré
d*hermine; elle n'a jamais été jolie, avec son menton et sonnez
trop forts, sa bouche large dont les grosses lèvres expriment
une bonté exquise. Mais certainement, cette toison blanche,
cette blanche envolée de fins cheveux de soie, adoucit sa phy-
sionomie un peu dure, lui prête un charme souriant de grand'-
mère, dans une fraîcheur et une force de belle amoureuse.
Madame Caroline a échappé à sa première éducation catholique
par une lecture immense, par toute la vaste instruction qu'elle
s'est donnée à côté de son frère, resté profondénient relig'reux.
Elle parle quatre langues, a lu les économistes, les philosophes,
ei a rapporté de ses voyages, de son long séjour parmi des civi-
lisations lointaines, une grande tolérance, un bel équilibre de
sagesse. Elle est une intelligence, dans sa simplicité et sa bon-
homie [57]. C'est la femme vaillante qui préfère l'action aux
apitoiements bavards ; dans ses plus grandes infortunes, elle
reste vibrante d'allégresse, gonflée d'un espoir immense,
rêvant des choses heureuses ; l'existence la reprend toujours,
il semble que son cas soit justement celui de l'humanité, qui
vit, certes, dans une misère affreuse, mais que ragaillardit la
jeunesse de chaque génération. Elle est faite pour les catas-
trophes, lui dit son frère ; elle est l'amour de la vie [73]. Quand
elle aura touché le fond du désespoir, l'espoir renaîtra de nou-
veau, brisé, ensanglanté, mais vivace quand même, plus large
de minute en minute [àio].
Telle est la femme qui va entrer dans la vie de Saccard.
D'abord sou intendante, aimant ce prodigue comme on aime
les enfants mauvais sujets [63], elle devient sa maîtresse par
une sorte de paralysie de sa volonté, un jour de gros chagrin
où elle a appris la défection de son ami Bcaudoin [64]; c'esleulre
elle et Saccard un ménage de raison, où elle est presque ma-
ternelle, d'une affection calmante [175], puis, quand la douleur
d'une trahison lui révèle qu'elle l'aime vraiment, elle veut rester
supérieure à Tangoisse du partage, dégagée de l'égoîsme
charnel de l'amour. Et si elle aime Saccard, ce bandit du trot-
loir financier, c'est parce qu'elle le voit, actif et brave, créer
un monde, faire de la vie [2i9]. Son amour traverse de longues
crises. Elle ne veut plus juger Saccard, trouvant qu'il y a en
lui du pire et du meilleur [174]; des doutes rassaillenl, elle
maudit l'argent pourrisseur, empoisonneur, qui dessèche les
âmes, en chasse la bonté, la tendresse, l'amour des autres [239],
DtS KOU:iON-MACQL'ART 71
puis, elle comprend que cet argent abominable est le fumier
par lequel poussent les grandes entreprises vivantes et fécondes.
Saccard l'épouvante dans ses deux fils, Victor tombé à la
plus affreuse déchéance [161] et le joli Maxime, d*un si froid
égoîsme, qui Tinitie aux hontes du passé [i38]. Elle est sans
cesse lorlurée dans ses instincts d'équité et de droiture. Plus
tard, devant les désastres accumulés par la Banque Universelle,
sa propre ruine, le déshonneur de son frère, tant de fortunes
effondrées, tant de victimes connues et inconnues tombées au
ruisseau ou réfugiées dans la mort, elle a un cri d'exécr.i-
tion contre Saccard. Mais réternelle question se pose en elle :
Est-ce un coquin? Est-ce un héros? [4^8]. Sa croyance à Tuli-
lité de relfort vaincra jusqu'au bout et elle oubliera les saletés
et les crimes dont l'argent est la cause ; elle en acceptera les
hontes inévitables, comme on accepte les souillures de Tamour,
nécessaires pour créer la vie. (U Argent,)
Garouble. — Boulangera Montsou. Son commerce périclite
par la concurrence de Maigrat [28i]. {GerminaL)
Casimir. — Débit de boissons, sur la route de Montsou [ 1 G9].
{GenninaL)
Gassoute. — Terrassier habitant Plassans, grand gaillard
de peu de cervelle. Il fait partie du groupe d'insurgés qui ac-
compagne Antoine Macquart chez les flougon; on le laisse en
faction pour signaler la rentré" de Pierre [183] et, renvoyé par
celui-ci à la mairie, il s'y laisse arrêter comme un mouton.
[281]. (La Fortune des Bougon,)
Catherine. — Bonne de Granoux. Elle parlemente long-
temps avant d'introduire Pierre Bougon et Boudier, qui vien-
nent chercher son -maître pour sauver Plassans [271]. (La For-
tune des Rougon.)
Gauche. — Commissaire de surveillance administrative à
la gai>; du Havre, i^n ancien officier qui considère son emploi
comme une retraite, ne parait jamais à la gare avant dix heures,
y flâne un moment et retourne au café [88]. C'est un vieux
joueur, que son beau sang-froid rend redoutable. Il dit ne
jouer que pour son plaisir, il est tenu par ses fonctions dt»
ma^'istrat à garder les apparences de l'ancien militaire, resté
garçon et vivant au café, en habitué tranquille; mais souvent
il bat les cartes la soirée entière et ramasse tout l'argent des
autres [:i73]. La petite salle du café du Commerce où il se lient
I
t
Ti US l»EHSON.NAGtS . î
I
au premier éta;;[e, esl ainsi devenue une sorte de tripot où l'on
rencontre constamment le sous-chef de ^are lioubaml, queTami
! Oauchc sera bientôt charf^é d*emmcncr en prison sous l'incul-
I palion d*assassinat [3f^â]. (La Bch humaine,)
\ Cazenove (Docteur). — Ancien cliirurgien de marine. Sec
! «.'t vigoureux, œil clair. Esprit scienliri<]ue. A servi trente ans
'. |7] et s*est retiré à Arromanches, où un oncle lui a laissé une
maison. Ami des Chanteau, depuis qu'il a guéri la femme d*une
foulure ini)uiétante [il]. Dine chez eux tous les samedis avec
I l'aldié Ilorleur. Dès le début', a pénétré le caractère de Pauline,
i dont il dit : f Voilà une gamine qui efrt née pour les autres t
i I lO). Plus tard, il cherche à l'éclairer, à la défendre contre
l'exploilalion dont «'lie e>t la victime volontaire [11^]. Lorsque
Pauline est émancipée, il est nomtné curateur et continue ses
conseils impuissants. Ficslé l'ami des Chanteau, il les soigne
; lou>, mémo le vieux chien Mathieu, abandonné par le vétéri-
! naire. C'est lui qui opère le laborieux accouchement de Louise
<lhanteau [o83J. {La Joie de vivre)
i Cécile (MADEMOISELLE!. — Fille d'un boucher du quartier
' des Halles. .Mademoiselle Saget dit que Cécile est une enfant
impossible ù marier, parce qu'elle a des humeurs froides [311].
if A' Vcntiv de Paris,)
, Céleste. — Femme de chambre de Henée Saccard. Fill**
très éconoiuo, ttés honnête et à laquelle on ne connaît pas
; d'amant ['l'20]. Elle assiste tranquillement à l'inceste d<'.
i .Maxime et de Denéc, allant et venant, avec sa ligure calme d»*
servante et son cœur glacé [I90j. Dès son entrée en service,
elle s'était promis de retourner au pays quand elle aurait
cinq mille francs; le jour où ce rêve esl réalisé, elle s'en re-
tourne, dans un parfait détachement de tout, laissant ma'iame
désemparé'.', ne pensant qu'aux deux vaches qu'elle achètera
[3:;9j. (La Curée.)
Célestine. — I. ne amie de la grauile Clémence. Vue né-
vrosée. Elle avait la folie des poils de chat, voyant des poils de
chat partout, lounianl la langue parce qu'elle croyait avoir du
poil de chai plein la bouche [ii39J. {L\'{ssommoir,\
César. — Taureau dv la ferme de la Dorderio. Ilollaniais
noir taché de blanc [OJ. Fran(;oi$e Mouche lui amène une va lie,
la Coliche, et elle aide à la saillie [lOJ. {La Terre,)
Chadeuil (.Madame). — .Modiste rue Sainie-Anne. Le B..n-
DES nOUGON-MACQUAllT 73
heur d*»s Dames balayera avant deux ans ses chapeaux, pour-
lanl connus [liT]. (.4*/ bonheur des Dames.)
Chaîne. — Le compagnon du sculpteur Mahoudeau. C*est
un gros garçon égaré dans la peinture. On reconnaît un pay-
san «1 ses allures lentes, à son cou de taureau, hàlé, durci, en
cuir; seul, le front.se voit, bombé d'entêtement, car son nez
est si court qu'il disparaît entre les joues rouges, et une barbe
dure cache ses fortes mâchoires. Chaîne est de Saint-Firmin^à
deux lieues de Plassans, un village où il a gardé les troupeaux
jusqu'à son tirage au sort. Son malheur est né de l'enthou-
siasme d'un bourgeois du voisinage, pour les pommes de canne
qu'il sculptait avec son couteau, dans les racines; dès lors,
devenu le paire de génie, le grand homme en herbe du bour-
geois amateur, adulé, détraqué d'espérances, il a tout manqué
successivcmenl, les études, les concours, la pension de la
ville ; par une imbécillité dernière, les conseils de son protec-
teur l'ont jeté dans la peinture, malgré Je goût véritable qu'il
montrait à tailler le bois.
Très sur de sa valeur, confiant dans le succès promis, il est
parti pour Paris avec sa part anticipée d'héritage, mille francs,
qui doivent suffire à le faire vivre un an, délai suffisant, croit-
il, pour devenir un grand homme. Les mille francs ont duré
dix-huit mois, puis, à ses derniers vingt francs, il s'est mis en
ménage avec son compatriote Mahoudeau, dormant tous les
deux dans le même lit, au fond d'une arrière-boutique sombre
de la rue du Cherche-Midi, coupant l'un après l'autre au même
pain, du pain dont ils achètent une provision quinze jours d'a-
vance, pour qu'il soit plus dur et qu'on n'en puisse manger
beaucoup. Chaîne peint en maçon, gâchant les couleurs, réus-
sissant à rendre boueuses les plus claires et les plus vibrantes;
mais son triomphe est l'exactitude dans la gaucherie, il a les
minuties naïves d'un primitif, le souci du petit détail, où se
complaît Fcnfancc de son être, à peine dégagé de la terre. Sa
première œuvre est le poêle de Mahoudeau, un poêle sec et
précis, d'un ton lugubre de vase, avec une perspective de guin-
gois [81]. Il expose ensuite au Salon des Refusés un Christ par-
donnant à la femme adultère, de sèches ligures qui paraissent en
bois, d'une charpente osseuse violaçant la peau, et peintes avec
de la boue fl.')S]. Il fait plus tard au Louvre la copie d'un Man-
tegna, rendu avec une sécheresse d'exactitude extraordinaire
[2'24]. Devant les compliments obligeants de Claude Lantier et
74 LES PEnSONNACES
de Sandoz, il a dans sa barbe un rire silencieux de gloire, qui
lui éclaire la face comme d*un coup de soleil ; il a des : c Bien
sûr! > qui disent sa foi tranquille et sa vanité.
La commune possession de Matbilde Jabouillc amène un
refroidissement entre Chaîne et Mahoudeau; les deux hommes
couchent toujours ensemble, niais ils ont cessé de se parler,
u'êrhnngeant que les mots indispensables, qu*ils écrivent au
fusain sur le mur de l'atelier: cJe vais acheter du tabac,
remets du charbon dans le poêle >, ou : c Donne-moi le tabac
que tu as fourré dans ta poche >. Comme la fortune se fait
attendre, Chaîne se lance dans un petit négoce qui doit lui per-
m>;ltre d'achever ses études ; il se fait envoyer de Thuile d'olive
de son village, puis il bat le pavé, il place le produit dans les
riches familles provençales qui ont des positions à Paris ; mais,
trop rustre, il iinit par se faire mettre à la porte de partout,
et une jatte d'huile lui reste, une jatte dont personne ne veut,
qu'on laisse dans le coin de la boutique, et où les deux hommes
tresnpent leur pain, les jours où ils en ont [tii].
Plus tard, le désespoir de ne pas vivre de ses pinceaux jette
Chaîne dans une afenture commerciale; il fait les foires de la
banlieue de Paris, tenant un jeu de tournevire pour le compte
d'une veuve [i92J. On le retrouve longtemps après à la porte
de Ciignancourt, où se tient une fêle perpétuelle; il trône au
milieu d'une va>te et riche baraque, très ornée, où sont pendus,
comme en un tabernacle, ses trois chefs-d'œuvre d'autrefois,
le poêle minutieux, le Christ de pain d'épice, le Mantegna qui
a l'air d'une image d'Épiual décolorée, et le soir, aux lumières,
quand les tournevires ronflent et rayonnent c jmme des astres,
rien n'est plus beau que ces peintures, dans la pourpre sai-
gnante des étoffes. Chaîne est là, très calme, sans orgueil ni
honte de sa boutique, n*ayant pas vieilli, mais malheureux au
fond, car il n'a jamais mis son talent en doute, sa conviction est
que, s'il avait eu de l'argent, il serait arrivé comme les autres.
Il a hklié la partie, parce qu'elle ne nourrit pas son homme,
mais il reste absolument persuadé que, pour faire les chefs-
d'œuvre du Louvre, ou n'a besoin que de temps [419],
{LUEuvre,)
Chambouvard. — Sculpteur célèbre. Un gros homme
obèse, campé fortement sur ses grosses jambes. La tète dans
les épaules, il a une face épaisse et belle d'idole hindoue. On
le dit iiis d'un vétérinaire des environs d'Amieui ; à quarante-
DES lîOUCON-.MACQUAUT 75
cinq ans. il csl déjà raulour tic vingt chefs-d'œuvre, de statues
simples et vivantes, à la cliair bien moderne, pétrie par un
ouvrier de génie, sans raffinement; et cela au hasard de la
production, donnant ses œuvres comme un champ donne son
herbe, hon un jour, mauvais le lendemain, dans rignorancc
absolue de ce qu'il crée; il pousse le manque de sens critique
jnsqu*à ne pas faire de distinction entre les fiN les plus glo-
rieux de ses mains et les déte>tahles magots qu'il lui aiTive de
lâcher parfois. Sans fièvre nerveuse, sans un doute, toujours
solide et convaincu, il a un orgueil de dieu.
Au Salon, ou il expose un admirable Semeur, il traîne une
queue de jeunes disriples béants, s'ébahit devant son œuvre,
semble la voir pour la première fois et répète à dix reprises,
en dodelinant de l.i tète: c f/est comique... c'est comi(|ue... >,
ne trouvant rien d'autre, pour dire l'adoration où il est de lui-
même [170]. l'ne autre année, il expose une iMoissonneuse
exécrable, une figure stupidement ratée, et il n'en est pas
moins rayonnant, certain d'un chef-d'œuvre de plus, prome-
nant son infaillibilité sereine, au milieu de la foule, qu'il n'en-
tend pas rire [389]. (LŒuvre.)
Champion. — Patron chapelier à Monlroup:e. .Auguste
Lanlior prclend l'avoir lâché parce qu'ils n'ont pas les mêmes
idées politiques [30:î]. (UAssommoir.)
Chanteau père. — Venu du Midi. A battu la France
comnio simple ouvrier charpenlier. Son chef-d'œuvre, un pont
en charpente, orne la salle à manger des Chanteau, à lionne-
ville [13]. A créé juilis, à Caen, un commerce de bois du Nord,
qu'il uienait avec les coups d'audace d'une télé aventureuse, et
il est mort laissant la maison fort compromise ["11], (La Joie
de vivre.)
Chanteau. — Né à Caen. Cousin de Quenu. Marié à Eugénie
de La Vignicre, institutrice rencontrée dans une famille amie.
Il a un fils unique, Lazare. Chanteau a hérité du commerce de
son père,' mais, étant peu actif, d'une prudence routinière, il
vivoie honnèlemeiil sur des bénéfices certain? et oppose l'ineilie
de sa nature aux volontés dominalricrs de sa femme [:21]. Il a
soullert de la goutte dès l'àge de quarante ans. A cincjuante
ans. il cède pour cent mille francs sa maison au sieur Davoine,
reçoit la moitié d^* cette somme, reste commanditaire pour
l'autre moitié et se retire à lîonneville ; il v avait acheté une
maison deux ans auparavant, occasion péchée dans la débâcle
7'» LES PEIISONNAGES
d'un débiteur insolvable [22]. Cbanteau devient maire du
pays [2V4]. Il est court et ventru, teint coloré, gros yeux bleus à
lleur de télé, cheveux blancs coupés ras. A la mort du cousin
Quenu, il est désigné comme tuteur de la petite Pauline, qui
possède cent cinquante mille francs, et dont la fortune va peu
à peu s*émie(ter et s'engloutir, gn^ce aux manœuvres de ma*
dame Cbanteau et aux folles entreprises de Lazare. Les ressour-
ces du ménage, déjà limitées, ont été fort diminuées par la
déconfiture de Davoine [98]. Le goutteux Cbanteau, cloué dans
son fauteuil, assiste indifférent à la ruine de sa pupille. Gour-
man:), ne sacbant résister à une tentation de table, il paye ses
excès par de terribles crises qui révolutionnent la maison et ne
trouvent de soulagement que dans les tendres soins de Pau-
line. L'égoîsme, la jouissance de vivre pour soi se développent
chez Cbanteau en môme temps que son mal. Si les choses vont
pour son plaisir, il les trouve bonnes [300]. Nul événement n*a
île prise sur lui. Lorsque sa femme meurt et qu'on le prépare
doucement à la terrible nouvelle, il se borne à se plaindre de
ses jambes [240]. Dans le drame qui l'entoure, il chante la
gaudriole [263]. Tombé enfin à l'ankylose complète, lamentable
reste d'homme sans pieds ni mains, qu'il faut coucher et faire
manger comme un enfant, il se révolte à la pensée d'un dtner
compronns, d'une joie perdue [447]. Le suicide de la vieille
servant»; Véronique lui inspire seulement ce cri exaspéré :
c Faut-il être jjêle pour se tuer ! > {La Joie de vivre,)
Jusqu'à la fin de sa vie, il est soigné par Pauline [129]. {Le
Docteur Pascal,)
Ghanteau (.Madame). — Voir La Vignière (Kugé.me de).
Chanteau (Lazare). — Né à Caen. Fils des Cbanteau.
Filleul du banquier Thibaudier, dont il épouse la fille. Père
du petit Paul. Avait quatorze ans lorsque ses parents ont quitté
Caen pour se retirer à Boiineville. Est resté au lycée, qu'il
quitte à dix-huit ans, avec son baccalauréat. Grand garçon, à
front large, aux yeux très clairs, avec un fin duvet de barbe
châtaine, qui encadre sa face longue. Lors de Farrivée de sa
cousine Pauline Quenu à Bonnevilie, il bat les falaises depuis
huit mois, ne se décidant pas à choisir une occupation [7].
C'est un névrosé plein de l'ennui sceptique de toute sa géné-
ration [345]. incapable de s'intéresser à la vie, se laissant, au
gré des suggestions extérieures, emballer tour à tour sur la
musique, la médecine, la chimie, Findustrie et la littérature.
DES ItOCllDN-MACUUAIlT
Plein li'cnlhousiasmei soudains, il se dégoûle devaDt les réa
salions ; il voit trop grnnd mais il a, en même leinps, le mépi
de l'argent [23]; liiinlè d'une peur maladive du la mort, il i
pourtant hrave devant les agonies et se jette résolament da
un incendie pour sauver t'enfani d'une paysanne [360] ; il
soigné avecle plus complet dévouement Pauline en danger
mort [154] el il est incapable de rendre le moindre service i\
mire moribonde, i[u'il aimo. tendrement [9U]. Latare est
malade en qui se heurtent toutes les uonlradiciions. Esprit (o
dégagé de toute croyance, il subit des suj>crslitioiis rii
cules [2G0]; doué d'une vive intelligence, il est inapte à toi
décision, sa volonté est toujours vacillante. Après avoir accei:
le mariage avec sa cousine, qu'il aime et qu'il a failli nictlrf
mal [112], il se laisse circonvenir par Louise Tliibaudier.acct'i
passtvcnieiil tous les SBcrîlir.es de Pauline, n'ayant que
courtes révoltes, puis, rmalemenl, épouse Louise, qu'il s'i
mis à désirer [ollemenl, Itii^-huit mois aprùs, encore une t
désillusionné, il est repris d'une passion charnelle pour sa ce
sine [36i]. Au fond, derriôre ses emballements de jeunesse
la névrose dont il souffre, on retrouve, très vif, le profo
égoîâme des parents.
Laznre a gaspillé l'argent de Pauline dans des tmintit
industrielles, dans la construction d'une eslacnde qui doit sa
ver lionneville des fureurs de la mer ; marié, il abandojiue v
un emploi que son beau-père lui avait trouvé dans une com|
gnie d'assurances, et c'est alors la dot de Louise qu'il co
nience â éparpiller en des entreprises téméraires. 'Tout nyi
échoué, il revient à Bonneville, plus impuissant que y.ims
énervé par les récriminations de sa femme, en proie â t
effroyable peur de mourir, qui lui enlève un peu plus chat]
jour le goût cl la force de vivre [313]. (La Joie de virrc.)
Devenu veuf, il laisse son fils à Pauline Quenu et part
.Amérique pour faire fortune [129]. (Le Docteur Paicai.)
Chanteau (Mai>a)ie Lvz.\nE). — VoirTiiiBAUDiEn (I.oli?
Chanteau (Pacl). — Fils de Lazare et de Louise, Ni
HonneviUcaprÈs huit mois seulement de gestation [105]. Lai;
pour mon npj'è^ un terrible accouchement, il n été raineni
la vie par Pauline 0ucnu[i08]. Il est son filleul [115]. U'abi
i-bélif, ayant poussé comme à regret, il lente vaillnmuient
premiers pas à dix-huit mois et Pauline su cliar^'e d'en fa
un homme [^i5]. Sacrilînnl les deux lier.<; de ce qu'elle |ios
78 LES PËUSONNAGES
dait encore, elle a pris sur la tête de Tenfant une assurance
qui donnera à Paul cent mille francs lejourdesa majorité [420].
{La Joie tie vivre.)
ChantecaiUe. — Un pion du collèîre de Plassnns, si bon
enfant qu'il Vmss*^ fumer en promenade [37]. (LŒnxre.)
Ghantegreil. — Père de Marie Chanto^reil, dite Miette.
C'était un brnconnier de Chivanoz, il a été envoyé au liagne en
iSiG pour avoir tuA d*un coup de feu un {^end-irme, alors que
ce dtTnier le tennit lui-niô ne nu bout de son fusil, il subit sa
peine à Toulon [207]. (La Fortune des Roiigon.)
Ghantegreil (M\niE). — Voir Miette.
Ghantegreil (Eulalie). — Sœur de Chanicprrei\ tante de
Miellé. M;«rié« à Réhufat, méjçer du Jas-Meffren. Mère de
Justin Rêhurai. C'est une grande diablesse noire et volontaire,
vigonivuse, sobre et économe. Malgré les grognements de
Iiêbnrtt, elle ri>cueille Miette, âgée de neuf ans, et Faime
comme sa propre fille. Elle meurt subitement deux ans après
[209]. {La Fortune des Rougon,)
Ghantexnesse (La mère). — Vendeuse au tas [13]. Digne
lemuje, très bourrue, dépassant soixante-dix ans, veuve d'un
aucir-n cocher de fiacre [202], adore les enfants, a perdu trois
garçons au berceau [196]. Elle habite depuis quarante-trois ans
un grand gril»*las délabré de la rue au Lurd [198]. Gagne
encore ses quarante sous par jour Vers la soixantaine, elle avait
fait la trouvaille de la petite Cadine, près du raarcbê des Inno-
cents, puis elle avait recueilli .Marjoiin et les avait élevés
ensemble. FMus tard, furieuse des polissonneries des deux
enfant- [220], elle reste impuissante aies corriger. (Le Ventre
de Pans.)
Chantereau (M.\d.\me). — Femme d'un maître de forges,
un pe.i cousine des Foup:eray [80]. C'est une amie d'S MuCfat,
un legs de la belie-maman; avec madame Du Joncquoy et
madame Ihi^'on, elle donne au salon de la comtesse Sabine un
aspect coliei-monté. Elle sera plus lard choquée des nouvelles
mœurs de la maison [445]. Son mari possède une usine en
Alsace, on v craint la îjuerrect madame Cbantereau fait beau-
coup rire ses amies, lorsqu'elle assure que M. de Bismarck
nous fera la guerre et nous battra [95]. {Xana.)
Gharbonnel. — .Ancien marchand d'huile à Plassans. Il
dispulu' aux sœurs de la Sainte-Famille cinq cent mille francs,
DES KOUGON-MACnUAUT 79
provenant de la succession d*un pelit-cousin, le sieur Chevassu.
Protécrés ]itiv mndnnie Félicité Rougon, lu mère du ministre,
les Charhonnel sont venus à Paris et se sont iiisialiés à Thôlel
du PérigonI, rue Jacob, poursuivre de près raiïaire,qui est au
Conseil d'Ëial. Ils font ainsi partie de la bande d'Eugène
Rougon, attentifs aux changements politi(|ues, poussant leur
protecteur à reprendre le pouvoir et, lorsqu'ils ont enfin gagné
leur procès, criant au pillage, excitant le ministre à ordonner
une visite domicilliiirH dans le couvent des sœurs [iOl]. Pris de
peur devant les conséquences de cet acte qu'ils ont provoqué,
ils s'empri'ssent de le désavouer hautement [405]. (Son Excel-
lence Eugène Bougon,)
Gharbonnel (Madame). — A accompagné son mari à Paris,
pour suivre Tairaire Chevassu. Elle étale au ministère, à la
Chambre, un châle jaune extravagant. Sa fureur devant la
prétendue caplation est telle que, quoique dévote, elle va
jusqu'à conter une histoire abominable : le petit-cousin Che-
vassu serait mort de peur, après avoir écrit son teslam^'nt sous
la dictée d'un prêtre, qui lui avait montré le diable, au
pied de son lit [i39]. [Son Excellence Eugène Rougon,)
Charbotel (Isioop.e). — Artiste peintre. Son nom se trouve
sur les liches du vieux Vabre [238]. (Pot-Bouille.)
Chardon (Abbi:). — Candidat du grand vicaire Fenil à la
cure de Saini-Silurnin, cathédrale de Plassaus [152]. (La
Conquête de Plassans,)
Chardon (Mada.M£). — Protégée de madame Mélanie Cor-
reur. L'Etat se refusait à accepter des fournitures soumission-
nées par elle le minisire Rougou arrange rafTuire ["iSO]. (Son
Excellence Eugène Rougon.)
Charles. — Garçon du café Riche. .Air digne. C'est lui qui
sert le souper de Maxime Saccard et de Rt;née, dans le salon
blanc [16-2]. (La Curée.)
Charles. — Garçon du lavoir de la rue Neuve de la Goutte-
d'Or [ÎÎO]. Grand gaillard à cou éiionne [33]. Refuse de séparer
les laveuses qui se battent. (LAssommoir.)
Charles. — Roucher delà rue Polonceau. Fournisseur des
Coupeaij [-03]. iLAsi>ommoi/\)
Charles. — Cocher de Nana. C'est un grand gaillard qui
rf% é d\^
80 LES PEItSONNAGES
Nana, après une affreuse scène où il Ta traitée de salope [i79].
(Nann.)
Charles. — Cousin du petit soldat Jules, de Plogof [431].
(Germinal.)
Charles. — Cocher de Saccard, h qui il a été recommandé
par sa bonne amie Clarisse, femme de chambre de la baronne
Sandoriï. Grand, beau garçon^ avec la face et le cou rasés, il
Se dandine de l'air assuré et fat des hommes que les femmes
paient. Surpris volant sur Tavoine, il est congédié par Saccard
et dévoile à madame Caroline les rendez-vous du financier avec
la baronne [^il]» {L* Argent.)
Charles (MoNSicun et Madame). — Voir Radeuil.
Charpier. — Marchand de grains à Vendôme. Prête à la
petite semaine. 11 a fait faillite, ses papiers ont été rachetés
par Fayeux pour le compte de Busch et celui-ci trouve, dans
l'amas des dossiers, une reconnaissance signée par le comte de
Fieauvilliers en faveur de Léonie Cron [29]. {UArgeni).
Charrier. — Gros entrepreneur, associé de Mignon. Venus
tous deux de Langres. Ce sont de rusés compères, à cerveau
étroit, à conceptions prudentes; mais, doués d'une invincible
ténacité, ils savent tirer sagement une énorme fortune des
alfaires lancées par l'aventureux Saccard [12G]. (La Curée.)
Gharvet. — Professeur libre. Grand garçon osseux, soi-
gneusement rasé, nez maigre, lèvres minces, cheveux longs et
arrondis, les revers de sa redingote râpée extrêmement rabat-
tus. Fait partie du groupe Gavard. Est hébertiste, joue au con-
ventionnel avec un flot de paroles aigres, une érudition si
étrangement hautaine qu'il bat d'ordinaire ses adversaires
[131]. Oracle du groupe jusqu'à l'arrivée de Florent II habite
Tiie Vavin, derrière le Luxembourg, et vil maritalement avec
Clémence, sur des bases débattues, ne réglant que ses propres
dépenses, vexé que sa maîtresse gagne plus que lui [133] et,
plus lard, la blaguant d'avoir perdu sa place [21)9]. Par jalousie
sourde, il devient l'adversaire systématique de Florent [176],
raille l'exil, nie Cayenue, est pris d'une rage froide contre son
rival et, quand le complot s'affirme, rompt brusquement [300],
Toujours accompagné de sa maîtresse, il va dès lors fréquenter
u le brasserie ùe la rue Serpente, où il trouve un auditoire
attentif de très jeunes gens[30J]. (Le Ventre de Paris.)
DKS UOK.O.N-MACQUART 81
Ghassagne (Docteur). — Directeur de l*Asiie des 3Iouli-
neaux [I7GJ. Ou lui a confié à deux reprises Saturnin Josserand.
{Pot- bouille.)
Chauxnette. — Conseiller à la cour de Rouen ; à cause d^
son fils, il est comblé d'invitations et de prévenances par
madame Bonnehon [1 1-i]. Lors du procès Roubaud, Je conseiller
est assesseur aux Assises [400]. (La Bête humaine.)
Chauxnette fils. ~ Substitut à Rouen. 11 est la dernière
affection de la belle madame Donnehon, qui travaille à son
avancement [1 1 i] cl le fait môme protéger plus tard par sa
rivale, madame Leboucq [400]. {La Bête humaine.)
GliavaiUe ,(Rosaue) (l). — Mère de Victor Saccard. Petite-
cousine de madame Méchain. Habitait à seize ans, avec sa
mère, un petit logement au sixième, dans une maison de la
rue de la Harpe. Consentante, elle a été culbutée par un voi-
sin, sur les marches de l'escalier, et le monsieur s*est montré
si amoureux que la pauvre Rosalie, renversée d'une main trop
prompte contre Tangle d'une marche, a eu l'épaule démise.
La mère a exigé, pour élouiïer i'aflaire, une somme de six
cents francs, répartie en douze billets, cinquante francs par
mois, que l'Iiomme, disparu peu après, a signé Sicardot, du
nom de sa femme. .Mal soignée, les muscles du bras rétractés,
devenue intirme, Rosalie est accouchée d'un garçon. Elle a
perdu sa mère, est tombée à une sale vie, à une misère noire,
puis, ayant traîné les rues jusqu'à vingt-six ans, échouée à la
cité de Naples chez sa petite-cousine, elle a fini par mourir des
suites d'une bordée plus aventureuse que les autres. La Mé-
chain a hérité du petit Victor et des douze billets impayés [31].
{L Argent )
ChavaL — Haveur au Voreux. Est venu il y a six mois du
Pas-de-Calais et habile Monlsou, à l'estaminet Piquette. C'est
un grand maigre de vingt-cinq ans, osseux, aux traits forts,
avec un nez en bec d'aigle, des moustaches et une barbiche
rouges. Dès la première rencontre, une haine d'instinct a
flambé entre lui et Etienne Laniier [39]. Pour empêcher celui-
ci d'être l'amant de Catherine Maheu, il a voulu posséder cette
(1) Rosalie Cliavaille, ouvrière; compte des phtisiques et des épi-
îeptiqties dans son ascendance] maîtresse d^Aristide flougon^ dit
Saccard. [Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
82 LES PERSONNAGES
fille non encore nubile'et il ne tient à la garder, elle ne lui est
chère qie par hostilité jalouse contre Tautre. Quand Etienne
devient l'un des niaitres du coron, Chaval est niordu d*envie ;
pendant la grève, la nige de triompher l'amène à surenchérir
en dcmaiulaul du sang, mais, surtout vaniteux, il abandonne la
can>c des camarades, il sent une chaleur d*orgueil lui monter
à la face, lorsque Deneulin lui fait entrevoir un avancement
rapi le [338]. Sa lâcheté le perdrait, si Catherine ne lui épar-
gnait la mort, en se jetant au-devant des grévistes furieux [381].
Il se venge d^ailleurs en dénonçant Témeute aux gendarmes et
en acceptant de diriger une équipe de Borains, appelés de Bel-
gique parla Com|ingnie des mines de Mont<ou [iôi] Battu par
son rival sous les yeux de Catherine, il a chassé celle-ci, mais
il restera entre eux jusqu'au bout. Une dernière bataille le
jette contre Etienne au fond de la mine, dans un coin de galerie
où tous Irriis sont cernés par l'inondation; il est tué dans la
lutte, on ji'tte son cadavre au puits, mais la crue le pousse peu
à peu vers les douloureux amants, il revient entêté dans sa
jalousie, empoisonnant Tair, s*acharnant jusque dans la mort à
les empêcher d'être ensemble [ôlî], (Germinal.)
Chave (Capitaine). — Officier en retraite. Frère de madame
Maugeudre. Figure apoplectique, au cou raidi par l'usage du
col de crin, un de ces types de petits joueurs au comptant qu'on
est certain de rencontrer tous les jours, d'une heure à trois,
autour de la Bourse, se livrant à un jeu de gagne-petit, empor-
tant chaijue fois un gain de quinze à vingt francs. Il ne joue
poiiit i^ar goût, mais la pension du gouvernement le laiss^erait
crev?r de faim [19] et, de plus, il a des vices. Le ca|»itaine
Chave haliile, rue Nollet, une seule pièce au fond d'un jardin.,
où st; glissent des jupes, et les petits gains de Bourse passent
en honhons et en gâteaux pour ses bonnes amies ["lOi]. Pendant
toute la période où la Banque Universelle affolait Paris, faisant et
défaisant en deux heures des fortunes géantes, l'or pleuvant à
pleins seaux parmi les coups de foudre, Chave a échappé à la
fièvre générale. Alors que son beau-frère M.ingendre courait à
la ruine, il n'a pas une seule fois cessé de jouer un maigre jeu,
satisfait d'emporter son petit bénélire chaque soir, ainsi qu'un
bon employa qui a bravement rempli sa journée [3.S7]. Et, au
jour de la débâcle, avec une cruauté de joueur infime, il se
réjouit de voir les gros spéculateurs se casser les reins [367J.
DES r.OlT.ON-MACQUART 83
Ghavignat. — Employé au ministère de rinstruclion
pablii|Uo. Un gros dont la femme esllnide An dire des PIcIton,
le mén:i$re Cliaviguat a beaucoup trop d*enfants [lii]. (Pot-
Bouille.)
Ghëdeville (De). — Député d'Eure-et-Loir sous TEmpire.
C*est un vieux beau, la Heur du rè^rne de Louis-lMiilippe.
Grand, élégant encore, le bnste sanglé et les cheveux li'ints,
il se range, nialgr»» ses yeux de braise au passage du dernier
des jupons [1 li]. S'est ruiné avec les fenunes et ne possède
plus que la ferme de la Cbamade, près d'Orgères, où il ne rnet
les pieds i{u*en temps d'élections. 11 a gardé an fond du cœur
des tendrrs-ics orléanislt'S, mais on le dit ami de l'empereur et
cela snifit pour as-ircr son succès. Dans >cs tournées électo-
rales, il sourit, fait le délioimaire, promet loiijours [\ôd] .Mais,
après une pr.-mière législature, sa carrière politique e>l arrêtée;
il a déplu en haut lieu, on croit qu'il a scandalisé les Tuileries
par une I)i>toire gaillarde, la jeune feumie d'un huissier de la
Chambre, folle de lui malgré son âge. il ct-sse d'èlre candidat
offioici et, niilgré ses opinions protectionnistes, se fait battre par
le libre-échan^Mste Dochefontaine, candidat du préfet, les cam-
pagnards It'nanl avant tout à rester du côté du gouvernement
[3G0]. (La Terre.)
Ghermette (Famille de). — Amis des Debcrle. ('ne fille,
Valentine. toujours costumée en Espagnole dans les bals d'en-
fants; est mariée à s^ize ans avec un amant de sa mère, un
grand blond. avec qui celle-ci était depuis dix-huit .mois ['250].
(Une Page dWmour,)
Chevassu. — Avoué à Faverolles. Est mort en laissant une
fortune de cin<t cent mille francs aux sœurs de la S unie- Fa-
mille. Son te>t.iment est attaqué parde^ petits-cousins, les (^har-
bonnel, devenus les seuls parents de Ch*;va<su par le décès ré-
cent de son frère [3i]. (Son Excellence Eugène Bougon.)
Chezelles (Madame léonide de). —Une amie dt^ couvent
de la comicsse .Mull';a, plus j»*une que c»flle-ci de cinq an» [60].
Mince et har.lie comme un garçon [80]. Femme d un magistrat
à Fair gruv^*, elle le trompe sans se cacher, mais on lui par-
donne, on la reçoit quand même, parce que, dit-on. elle e>l folle
[GO]. Des aventures hardies lui snnl attribuées. Amoure ised'un
ténor, elle Fa fiii veniràMonlauban; elle habitait le château de
Deaurecueil, deux lieues pins loin, et elle arrivait tons les jmirs
dans une calèche attelée de deux chevaux, jiour le voir au Lion
Xi LBS PEUSONNACES ^
d*Or, où il était descendu; la voiture amendait à la porte. Léo-
nide restait des heures, pendant que le monde se rassemblait
et regardait les chevaux [81]. (Nana,)
Chibray (Comte de). — Aide de camp de l'empereur, bel
homme vaniteux. A été le troisième amant de Renée Saccard et-
Ta ({uitiéc avec scandale, aux yeux de tout Paris, pour se mettre
avec la duchesse de Sternich [115]. (La Curée.) '
Chouard (Marquis de). Père de la comtesse Sabine .AIuiTat
de lieu ville. Conseiller d*Etat. 11 a une haute taille de vieillard,
une face molle et blanche, des épaules maigres sur lesquelles
tombe une couronne de rares cheveux blancs [50]. Quoique ral-
lié à l'Empire, le marquis a conserve des relations dans leparti
légitimiste; il est connu pour sa haute piété, aiïecle d'avoir
Je< mœurs, car les hautes classes doivent donner l'exemple, et
s*iiuligne de l'inconduite de son gendre. Mais d'étranges his-
toiivs courent sur son compte. Autrefois, il vivait séparé de la
niar({uisc; dèf^ que celle-ci a été morte, il a marié sa flile, qui
le gênait [75]. C'est un vieux à passions. Sous l'excitation de la
femme, ses yeux troubles deviennent deux yeux de chat, phos-
phorescents, pailletésd'or ; son nez, très gros dans sa fnce rasée,
semble la boursouflure d'un mal blanc, sa lèvre inférieure pend
['Mf, Clicz Satin, il renifle dans tous les endroits pas propres,
jusque dans les pantoufles [296]. Il achète à Gaga sa fille Amélie
pour trente mille francs [i02]. Enfin, après une nuit chez Nana,
•ians un lit magnifique où fleurissent les roses et se penchent
les iimours, le marquis de Chouard est soudain frappé d'imbécil-
lilé. il tombe en enfance, jeté là comme une lotfue humaine,
gùl4e et dissoute par soixante ans de débauche [494]. (Xana.)
Chouard (Sabine DE). — Fille du marquis. .Mariée à dix-
S'ifpi ans avec le comte Mufl'at de Beuville, elle a mené une exis-
tence cloîtrée entre un mari pieux et une belle-mère autoritai-
re. Les uns la disent d'une froideur de dévole, les autres la
p!ai;.'nent, se rappelant ses beaux rires, ses grands yeux de
llarnmc, avant qu'on Tenfermàl au fond du vieil hôtel de la rue
Miromesnil. Elle jouit d'une réputation parfaite; Fauchery n'a
na»j le vague souvenir d'une confidence reçue d'un oflicier de
srs amis, mort récemment au Mexique, une de ces confidences
brutales que les hommes les plus discrets biissenl échapper à
de certains moments [73]. Sabine n'a rien mis d'elle dans Tan-
cienue demeure, noire d'humiililé; c'est Muffat qui s'impose, qui
domine, avec son éducation religieuse, ses pénitences et ses
DtS UOUGON-MACQUART 85
jeûnes [76J. Toutefois, une grande chaise de soie rouge capi-
tonnée, introduite après la mort de la maman Mu(Tat, détonne
dans ce milieu enfumé; c'est le commencement d'un désir et
d'une jouissance [71)].
A trente-quatre ans, la comtesse a un lin proOl de brune pote-
lée où la bouche seule, un peu épaisse, met une sorte de sen-
sualité impérieuse; elle ne parait pas son âge, elle semble
être la sœur aînée de sa fille Estelle, on lui donnerait au
plus Tingl-huit ans; ses yeux noirs gardent une flamme
de jeunesse, que de longues paupières noient d'une ombre
bleue. A la joue gauche, elle a un signe près de la bouche,
absolument le même signe que Nana, avec de petits poils frisés
[75]. Dans son salon collet monté, refroidi par la continuelle
présence d'un saint homme, Théophile Venot, elle semble une
chatte qui dort, les grifles rentrées, les pattes agitées d*un fris-
son nerveux \{)'2]. Elles*éveille soudain, lorsque le comte Muffat,
pris par Nana, se dérange et néglige le foyer. Sabine accepte
alors les assiduités de Fauchery, elle devient sa maîtresse, puis
c'est un gâchis de dépenses extraordinaires. La comtesse a
brusquement montré un goût de luxe, un appétit de jouissances
mondaines qui achèvent de compromettre la fortune des Muiïat.
Ce sont des caprices ruineux, tout un nouveau train de maison,
cinq cenl mille francs gaspillés à transformer le vieil hôtel, des
toilettes excessives, des sommes considérables disparues, fon-
dues, données peul-élre sans que Sabine se soucie d'en rendre
compte. Après Fauchery, elle s'étourdit à d'autres amours, dans
le coup de lièvre inquiet de la quarantaine [476]. Enfin, c'est le
détraquement suprême, elle s'enfuit avec un chef de rayon d'un
grand magasin de nouveautés, puis, après des aventures, elle
revient, pardonnée par le comte qui a perdu toute sa dignité
d'honnne. La comtesse mange à présent les restes dédaignés de
Nana. Gâtée par la promiscuité de cette fille, poussée à tout,
elle est devenue reffondremcnt final, la moisissure même du
foyer [i97]. (Xana.)
Chouteau (Les). — Vieillards de quatre-vingt-dix ans,
l'homme et In femme. Habitent Ceaumont, où ils occupent une
cave de la rue Magloire. Ils sont secourus par Angélique Marie
et par Félicien de llautecœur [110]. {Le Ri've.)
Chouteau. — Soldat au 100' de ligne (colonel de Vineuil).
.Appartient à l'escouade du caporal Jean Macquarl. C'est un
peintre en bâtiments de Montmartre, furieux d'avoir été rap-
s
se LES PERSONNAGES
pelé pour la guerre, son temps fini. Bel homme et révolution-
naire, flâneur et noceur, ayant mal digéré les bouts de discours
entendus dan^ les réunions publiques, mêlant des &iii*ries ré-
voltHUlcs aux grande principes d*égalitéet de liberté, il endoctri-
ne If^s camarades [iG|, les pousse à rindiscipline, au mépris des
chefs, et serait le maître indiscuté, si la crànerie de Jean ne le
reniait sourdement respectueux [76].
Ce fainéant qui aime ses aises, donne le signal de Taban-
don du si{c et du fusil [30]; pendant la marche, il jette les
vivres de IVscouade par paresse de les porter [80]; sur le
plateau de Floing, devant Tennemi, il déclare que lors-
qu'on ne mange pas, on ne se bat pas [:t^8] . Le sergent
Sapin ayant été grièvement b'essé, il s'olfre avec L«oubet
pour le transportera Tambulancc volante ei les deux hommes
dispiraissfint du t hamp de bataille; on ne les revoit que le i^oir,
dan> une auberge du Fond de Givonne, ivres etgogu*fnards[36i].
Prisonnier à Ij^es, Chouieau trouve a;;réable de ne plus obéira
personne, de flàn«'r à sa fantaisie; dans la disette dont souffre le
canjp, il est d un é}(Oî<(me sournois, volant ce qu*il peut, ne par-
ta^'^int pis avec ses caïuar.iiies, et les poussant aux pires excès;
cVst lui qui passe un couteau à cette pauvre brute de Lapoulle,
pour saiirner P.iche, coupable d*avoir dissimulé quelques pro-
visions [iiiOJ. Emmené en captivité, il s*évade de la colonne,
prè^ lie .Mouzon,et, sur le point d'être pris, se déttarrasse des
Pru>sicn< (|ui le poursuivent, en leur jetant traitreu^ement son
cacnrale Loubet, entraîné par lui dans la bagarre [i7i].
Pendant la Commune, attaché à rétai-niajor dun ^'énéral
fédéré (|ni ne se battait pas,Chouteau s'est installéau palais de la
Lé;:ion d'honneur; il y vil dans une bombance continuelle, s'al-
loi.^eanl avec ses hottes au milieu des grands lits somptueux,
ca>S'ini les griaces à coups de revolver, pour rire, pendant que,
chaïue matin, sa maîtresse déménage, en voiture de gala, des
oijj'ls volés. Le 23 mai, il préside à la destruf^tion du palais et
à rinceniiie des maisons de la rue de Lille [597J. Et pondant la
saijglîuile répression, on le voit, place du Tljéâlre-Français,
derrière les soldats de Versailles, sous riionnéte Jjlousf. blanche
d'u:» ouvrier, assistant au massacre, avec des gestes ap^roba-
leura [6'2^\. (La Débâcle.)
Chuchu (Mademoiselle). — Figurante des Variétés. Une
maiçMc sauterelle du pavé parisien, la lille ensauvêe d'une
con:ierge de Montmartre, amusante avec sa figue de papier
DES nOl'GON-MACQUAUT 87
mâché, où luisent de grands yeux bruns admirables. Sa liaison
avec i\'mployé Flory a commencé par (|ueli|ucs parties fines à
bon marché [8ô], puis on s*est mis en ménage, rue Coudorcet,
et Chuchu est d'jvenue capricieuse et dévorante [335], poussant
Flory ù la dépense, i acculant au jeu de Bourse. (L'Argeni.)
Clarisse. — Femme de chambre de la baronne Sandorff.
Chargée du petit rez-de-chaussée de la rue Canmartin. C'est
une maigre fille blonde qui a épousé la rancune de son bon ami
Charles, le cocher renvoyé par Saccard, et qui dénonce à Del-
cambre les inlidélités de sa maîtresse [^28]. Elle lui fait
constater, moyennant snluire de deux cents franc*:, un flagrant
délit anormal entre Saccard et la haronne [231]. (L Argent.)
Clémence. — Grande fille brune, trente ans, gros yeux
noirs. Pair très pose. Tableltiére à la criée aux poissons, où
elle écrit les doigts allongés, en demoiselle qui a reçu de
rinslruclioii [1:21]. Vil maritalement avec Charvet, chacun
réglant s^s propres dépenses. Vient tous les soirs chez Lebigre,
aux réunioiis du î^ruupe Gavard, où elle se fahrique des grogs
pendant que son anninl moins fortuné prend une chope. A une
façon professorale d'écouler parler politique; au fond, se croit
beaucoup plus forte que tous ces messieurs. Elle lance parfois
une phrase, conihianl d'un mot, rivant son clou à Charvet lui-
même. N'a de respect tpie pour le silencieux Robine [178].
Elle est congédiée par Manoury, le facteur aux Halles, parce
qu'elle sVst anlusée à mettre sur les tableaux de vente, en
face des limandes, des raies et des maquereaux adjugés, les
noms dos dames et des messieurs de la Cour [298]; elle vit alors
d'une leçon «le français, doit renoncer aux grogs H se bornera
une simple chope qu'elle boit en toute philosophie [299]. Hompt
en même lemps que Charvet avec le groupe Gavard et va fré-
quenter, en compagnie de son amant, une brasserie de la rue
Se rp en le ['JOIJ. (Le Ventre de Paris.)
Clémence (Mademoiseli.f.). — Ouvri«'^re repasseuse, voisine
des Lorilbiux Travaille chez Gervaise. C'est une belle fille à
gorge pui-sinte, (\ii adore les animaux et va avec tous les
hommes [71]. Pas une ouvrière ne repasse les chemises
d'homme aussi bien qu'elle. Les lendemains de noce, elle
altri>te toujours les gens par ses idées de mort [232]. (U As-
sommoir.)
Clémence. — Femme de chanil)re de madame Dnveyrier,
qui tient beaucoup à elle parce qu'elle babille très bien. Fille
bS LES PERSONNAGES
très propre, très vive, membres menus, l)Ouche pincée. Clé-
mence est la maîtresse du valet de chambre Hippolyte [11^].
{Pot'BouUle.)
Glorinde. — Fille de la comtesse Balbi. Née en 1835 à
Florence. Elle habite avec sa mère un petit hôtel de Favenuc
des Champs-Elysées, à deux pas de la rue Marbeuf. C*est une
grande fille d*une admirable beauté, s'habiliant étrangement
de robes mal faites [7]. Elle a un mélange de mœurs libres et
de dévotion outrée [91], et vit dans un incroyable gâchis
d*argent, avec des acccs brusques d'avarice honteuse [174].
Très intelligente, très séduisante, très ambitieuse, elle aide
aux intrigues internationales de sa mère, vivant dans le monde
politique l'oreille tendue, se montrant très curieuse de la vie
des autres, usant de sa beauté pour pénétrer partout, ache-
tant de$ amitiés par le don de ses faveurs.
Malgré Tétrangeté de sa vie, elle se pousse hardiment vers
un grand mariage capable de satisfaire son orgueil ; elle jette
son dévolu sur le ministre Bougon. Mais c'est en vain qu'elle
l'enveloppe d'une séduction savante et qu'elle l'excite jusqu'au
coup de sang [95]. Roujon se dérobe, faisant à cette dange-
reuse aventurière TofTense de la considérer comme inférieure
à lui et de la marier avec son ami Delestang, un imbécile
solennel. Clorinde rêvera dès lors une vengeance digne d*elle
et ses elTorts vont tendre à l'écroulement de Piougon. Comme
celui-ci n'est plus aux affaires, elle emploie tout son génie de
rintrigue à lui faire rendre le pouvoir, puis, quand il est à
l'apogée de sa puissance, elle travaille à le culbuter, ameutant
Paris contre lui, détachant du grand homme les familiers qui
le soutiennent, faisant la conquête de l'impératrice [338],
allumant Ternpereur dont elle devient la maîtresse, provoquant
enfin le brusque renvoi du ministre et raffinant sa vengeance
jusqu'à obtenir pour l'incapable Delestang, son mari, le porte-
feuille enlevé à Uougon.
Elle continue ses hautes intrigues, fait vigoureusement le
jeu de Cavour en vue d'une alliance contre l'Autriche [370] et
contribue à préparer la guerre d'Italie qui modifiera la poli-
tique intérieure de TEmpire et, conséquence imprévue, ramè-
nera triomphalement Rougon au pouvoir, après une éclipse de
trois ans. La belle Clorinde s'inclinera alors devant rinconles-
lable force de ce Rougon qu'elle avait cru abattre [162]. (Son
Excellence Ettfjène Bougon.)
DES nOCGON-MACQUART 89
Clou. — Conseiller municipal et maréchal ferrant à
Rognes. Grand, sec el noir [154]. Il joue du trombone aux
offices chantés. [La Terre.)
Cœur (Germaine). — Superbe fille de vingt-cinq ans, un
peu indolente et molle, dans Topulence de sa gorge. A tou-
jours été avec des boursiers, et toujours au mois, ce qui est
commode pour des hommes très occupés, la tête embarrassée
de chiffres, payant Tamour comme le reste, sans trouver lu
temps d'une vraie passion. Elle habite un petit appartement
de la rue de la Michodière, agitée d*un souci unique, celui
d'éviter des rencontres entre les messieurs qui peuvent se
connaître [85]. Un des meilleurs amis de Germaine Cœur est
Gustave Sédilte, qui finit par s'emballer sur elle et par Tenlever
à l'agent de change Jacoby [316J. (L'Argent.)
Gognet. — Cantonnier de Rognes. Vieil ivrogne qui
rouait sa fille de coups et qu'on voit depuis vingt ans casser
des cailloux sur les roules [89]. {La Terre.)
Gognet (Jacqueline), dite La Cognette. — Fille du canton-
nier. Est entrée à la Lorderie à l'âge de douze ans, pour laver
la vaisselle. Etait si desséchée, si minable, qu'on lui voyait les
os du corps, au travers de ses guenilles. Elle s'est vite dé-
crassée, tous les valets l'ont culbutée sur la paille, depuis le
pore Mathias, un vieux bossu, jusqu'au petit porcher Guil-
laume ; Dut eau, Jean Macqunrt, tous Tout eue. Mais elle a su
faire sa fortune en résistant au maître, Alexandre Hourdequin,
en le laissant désirer ses faveurs pendant six mois, (^ctte
habileté l'a transformée en servante maîtresse, la Cognette a
maintenant une bonne qui la sert et, quand le maître devient
veuf, elle finit par obtenir d'entrer triomphante dans l'ancien
lit de Madame Hourdequin [101].
De petite taille, très brune, l'air effronté el joli, la gorge
dure, les membres élastiques et forts des fausses maigres,
d'une coquetterie dépensière, se trempant de parfums tout en
gardant un fond de malpropreté, elle excite la colère des
paysans qui ne savent pas comprendre que cette catin est leur
vengeance, la revanche du misérable ouvrier de la glèbe contre
le bourgeois enrichi [Hi)]. La Cognette rationne Hourdequin,
elle le fouelte d'abstinences et le trompe avec un tranquille
cynisme, provoquant sa jalousie, l'affolant chaque jour davan-
tage, manœuvrant pour éliminer le filsel se faire avantager sur
90 LES PERSONNAGES
Le v'ipux berger Soûlas a, par vengeance, dénoncé ses amours
avec Tron ; celui-ci, chassé, tue Ilourdequinet brûle la fermer
et la Cognetle, poursuivie par les flammes, se sauve dans la
campagne, sorlanl de la ferme comme elle y était entrée, avec
une chemise sur le cul [ôiC}]. {La Terre.)
Goliche (La). — Grande Tache rousse et blanche que la
petite Françoise Mouche mène au taureau [3]. Beaucoup gâtée
depuis dix ans qu'elle est dans la maison, a fini par être une
personne de la famille. Les Buteau se réfugient prés d*elle,
I*hiver; ils n*ont pas d*autre chaufTagc que l'exhalaison chaude
de ses flancs. El elle-même se montre très aflect leuse, surtout
à regard de Françoise. Elle la lèche de sa langue rude, à la
faire saigner, elle lui prend, du bout des dents, des morceaux
de sa jnp»», pour Fat tirer et la garder toute à elle [2i9]., Un
jour, la Coliche fait deux vpaux, dont le premier, mai placée est
sacrifié par le vétérinaire [258J. {La Terre.)
Colin. — Notaire au Havre. C'est en son étude que les
Rouhaud se font une donation au dernier vivant, après être
entrés en possession de la maison de la Croi.\-de-.VIaufras [39ÛJ.
(La Uèlc humaine.)
Goloxnban père. — Un vétérinaire connu de tout Seine-
et-Oise, article dans sa partie, mais tellement porté sur sa
bouche, qu'il ni.inge tout [15]. Il court la gueuse et finit par
en mourir [439]. (Au Bonheur des Dames,)
Golomban. — Premier commis du Vieil Elbeuf, origi-
naire de tlambouillet, comme les llauchecorne, avec qui il a
un cousinage éloigné. C'est un gros garçun de vingt-cinq ans,
lourd et madré; sa face iionnéie, à la grande bouche molle, a
des yeux de ruse. Depuis dix ans, il Irinie dans la boutique et
a gngiiê ses grades rondement, passant par les diflerenies étapes,
petit commis, vendeur appointé, adniis enfin aux confiienceset
aux }ilaisirs de la famille, le tout patiemment, dans une vie
d'horloge. Daudu Ta élevé à la bonne école du conmierce, il
sait de quelle façon lente et sûre on arrive aux finesses, aux
roueries du métier; Tari n'est pas de vendre beaucoup,, mais
de vendre cher [:20].
Dès son entrée dans la maison, Colomban a compté sur sou
maria^'e avec Geneviève Daudu; il la regarde comme une aflaire
excellente et honnête; la certitude de Tavoir renipéc:he de la
désirer [IG]. Ll, fixé à son comptoir obscur, il vit en extase
DES UOUGOX-MACQUAUT 91
devaijl un rayon du Donbeur des Dames, il brûle d*amour
pour Clara Prunaire, ne f e doutant même pas de la torture que
subit Geneviève. A mesure que le Vieil Elbeuf sombre dans la
faillite, la passion do Colombnn s'exaspère, muette et sour-
noise, le détacbaut cbaque jour de sa fiancée, de Daudu, de
tout le vieux commerce, où on l'a élevé. Lorsque la malfaisante
Clara s'amuse a satisfaire son amour, il ne dit rien aux Daudu,
devient le chien obéissant de cette fille et, après une lettre
d'adieu, faite avec des phrases soiîj^nées d'homme qui se suicide,
il disparaît, mêlant son amour d'un calcul avisé, ravi au fond
de renoncera un niuriagc désastreux [iSoJ. {Au Bonheur des
Dames.)
Colombe (Lt i*ére'). — Patron de l'Assommoir de la rue
des I^oissonniers, au coin du boulevard Rocliechouart [39].
C'est UM «jMos homme de quarante ans, à gilet à nii riches, à
bras énormes, qui verse tranquillement les tournées d'alcool,
du matin jus«|u'au soir et, l'heure de la fermetui'e arrivée,
flanque la >0('iété dehors, sans se gêner, en un tour de main
[•ii8]. {LAssommoir,)
Combelot (De). — Mari d'Henriette Delestang. Grand bel
homme, trè^ hlaiic de peau, avec une barbe d'un noir d'encre
qui lui vaut de vifs succès parmi les femmes. C'est un cham-
bellan (|ue le dépaitement des Landes a nommé député, sur un
désir foriiirl exprimé par l'empereur [11]. 11 n'a pas son pareil
pour tourner la manivelle du piano, dans les soirées intimes de
Compiègne[2l I]. {Son Excellence Eugène Rougoii.)
Combelot (Madame de). — Voir Delestang (Henriette).
Combette. — Pharmacien au Chêne-Populeux. Adjoint au
maire. C'est un polit homme sec et remuant. Les réquisitions
qu'il reçoit à la mairie, dans la nuit du 27 au 28 août l^STO, lui
révèlent l'irrémédiable malheur de rannée de Chàlons, con-
damnée par l'inlérêt dynastique à reprendre sa marche vers le
gouffre [119]. (La Débâcle.)
Combette (Madame). — Femme du pharmacien [11 i].
C'est elle qui, le soir du 27 août, olfre l'hospitalité au soldat
3Iaurice Levnsseur, brisé de fatigue et blessé au pied par la
marche. (La Débâcle.)
Combeville (Duchesse de). — Mère de la princesse d'Or-
viedo[47J. (L'Argent,)
9i LES PERSONNAGES
Goxnborel et G'*. — Maison de transports maritimes pour
rAlgérie et la Tunisie. Entre dans le syndicat de la Compagnie
générale des Paquebots réunis, fondée par Aristide Saccard
[179]. (VArgent.)
Goxnpan (Abbé). — Curé de Saint-Saturnin. En guerre
depuis trente ans avec Tabbé Fenil, vicaire général du diocèse
de Plassans. Meurt comme un pestiféré, aucun prêtre, sauf son
ami d'enfance Bourrette qui en tremble, n*osant aller le voir et
braver ainsi la colère de Fenil [li8]. {La ConqucU de
Plassans.)
Gondamin (De). — Conservateur des eaux et forêts, à
Plassans. Del homme de soixante ans, à Tair conservé, fort de
teint. Toujours à cheval, ganté, les culottes collantes [il].
Originaire de Bourgogne, il a fait un mariage équivoque et a
été nommé à Plassans à la veille de TEmpire ; il laisse toute
liberté d'allures à sa femme et se distrait dans de vilaines
aventures de fillettes [^92]. Son régal est de raconter les his-
toires scandaleuses de la ville, se moquant du monde, mentant,
traversant toutes les intrigues avec un bel air cynique, rappelé
parfois à l'ordre par madame de Condamin, qui se sert habile-
ment de ce dangereux et perfide bavard [293]. (La Conquête
de Plassans)
Gondamin (Madame Octavie de). — Plus jeune de trente
ans que son mari, amenée un jour à Plassans on ne sait trop
d*où [78], madame de Condamin, très élégante, très aimable,
pleine de bonne grâce, est aimée de toute la ville, où elle
devient bientôt toute-puissante. Elle a vécu autrefois rue du
Helder, d'une existence louche, ayant entre autres amis un
puissant personnage qui l'a mariée et qui lui envoie du ruban
rou^e autant qu'elle en demande [3U]. Agent occulte du mi-
nistre, marchant d'accord avec Félicité Rougon qui s'eflace
habilement, elle devient ralliée la plus active de l'abbé Faujas,
partant en campagne chaque matin, agissant sur ses amis et
les amis doses amis, distribuant des places, apprivoisant même
les Paloque, apportant à la conquête de la ville tout son
charme de jolie femme. (La Conqucle de Plassans,)
Gonin. — Papetier au coin de la rue Feydeau. Fournit de
carnets toute la Bourse, depuis qu il est aidé par la petite
madame Conin. C'est un gros homme qui ne sort jamais de
son arriêre-boulique, s'occupant de la fabrication ["lo], (LMr-
DES nOUGO-*^-MACQUAnT 93
Gonin (Madame). — Femme du papetier. Elle sert au
comptoir et fuit les courses nu dehors. Grasse, blonde, rose, un
vrai petit mouton frisé, avec des cheveux de soie pAle, très
gracieuse, très câline, et d'une continuelle g^aieté. Elle aime
bien son mari, dit-on, ce qui ne Fempéche pas, quand un bour-
sier de la clientèle lui plait, d*ôlrc tendre, mais pas pour de
]*nrgent, uniquement pour le plaisir, et une seule fois, dans une
maison amie du voisinage,- passage des Panoramas. Les heu-
reux qu'eHe fait doivent se montrer discrets et reconnaissants,
car elle reste adorée, fêtée, sans un vilain bruit autour d'elle
[56]. Saccard lente inutilement de l'avoir [283]. (LWrgent.)
Coquart (Les). — Propriétaires de la ferme de Saint-
Juste, le père, la mère, trois (ils et deux filles. Culiivent eux-
mêmes leur ferme, mais réussissent mal, tant la terre rapporte
peu[lO-J]. Ils sont forcés de vendre [iT;î]. (La Terre.)
Coquet (Le ménage). — Voisins des Lorilleux, rue de la
Goulte-d'Or. S'enlétent à allumer leur fourneau sur le carré,
doivent trois termes et se font donner congé [71], (L\4s50??i-
moir,)
Corbière (Comte de). — Propriétaire du Paradou. Quand
il est mort, on a confié ù Jcanbernat, son frère de lait, la garde
de cette sorte de parc de la Belle au Bois dormant [52]. (La
Faute de l'abbé MourcL),
Corbreuse (Duc df.). ^ Propriétaire d'une écurie de
courses [381]. (Sana.)
Cornaille. — Le premier marchand de nouveautés de
Valognes. C'est chez lui que Denise Baudu a appris le com-
merce [2], (Au Bonheur des Daines,)
Cornemuse. — Cheval de courses. Gagne le prix de la
Ville de Paris [398]. (Xana.)
Cornille. — De la société Cornille et Jenard, qui exploi-
tait au dix-huitième siècle la concession minière de Joiselle,
réunie en 17G0 à deux concessions voisines, celles du comte de
Cougny et du baron Desrumaux, pour former la Compagnie
des mines de Monisou [83]. (Germinal,)
Cornille (AnnÉ). — Prêtre de la cathédrale de Beaumonl
[100]. Vn bon abbé aimé des fidèles. Il marie Félicien de Haute-
cœur et Angélique Marie. (Le lit've.)
9i LES PEKSONNAGCS
Gorreur (Madame Mélanie). — Une des plus vieilles
amies ilu ministre Iîouj^oq. Dame fort respectalile, face trop
rose, front couvert de petits frisons de poupée lilonde, cou gras
encore 1res lieau, malgr** ses quarante-buit ans [7]. C'est une
demoiselle Mnrlineau, d'une bonne famille de Coulonges, en
Vendée, et file ne s'explique jamais sur son nom de Correur.
A viii}!t-qualre ans, elle s*est enfuie avec un garçon boucher;
depuis ce temps, elle est morte pour sa famille [58]. On la
retrouve tenant Thôtel Vaneau, rue Vaiieau [33], où elle a eu
des faiblesses pour Eugène Ilougon, alors à ses débuts. Depuis
que le grand homme est arrivé aux honneurs, elle fait partie
de sa bande, poussant une foule de protégés, obtenant des
bureaux de tabac, des pensions, des faveurs de toute nature»
faisant d'ailleurs plusieurs métiers lucratifs, avec deux appar-
tements, un rue B'anche, l'autre rue Mazarine, où les fonction-
naires iiiûacnis trouvent dt'S femmes aimables [â2S]. Cette
vieille aventurière qui a été toute la jeunesse du charte Rougon
compromet a plaisir cet bomme arrivé, et, pour hériter plus
vite d'un frère qui ne se décide pas à mourir, elle (init par enli-
zer le ministre dans la sale affaire Martineau. une abominable
arrc>tation qui ressemble à un assassinat [360]. Madame Cor-
reur réalisera bientôt une de ses idées fixes, qui est de se
montrer à Coulonges, en femme cossue et respectée. {Son
Excellence Eugène Rougon,)
Cosinus. — Cheval de courses. Engagé dans le Grand-
Prix de Paris [38'i]. (Nana,)
Gossard (le père). — Souffieur aux Variétés. Un petit
bossu [301-]. (Xana.)
Coudeloup (Madame). — Boulangère rue des Poissonniers
[20'îJ^ Fournit les Coupeau jusqu'au jour où Lanlier décide
qu'on aihèiera du pain riche à la boulangerie viennoise [316].
{L'Af>so}nuioi) ,)
Couillot (1-ES). — Paysans de Rognes. Leur fils a le
nuniéro llv ) au tirage au sort [Aô^], {La Terre.)
Cougny (Comte de). — Possédait au dix-huilièîne siècle la
conce>sion de Cougny, réunie en 1760 à celle de Juiselle (Cor-
nillc et Jen;ird) et à celle de Montsou (Desruniaux, Fauquenoix
et C^'). pour former la Compagnie des mines de Montsou [83].
{Germinal,)
DES ROUGON-MACQUAUT 95
Goupeau (Maman). — Mère de mndnme Lerat. de madame
Lorilleux el de Coupeau. Ancienne gileiicre, fail des ménages à
cause de ses yeux qui s'en voni [52]. C'esl une grosse femme
dont les enfants s'entendent mal et qui cherche à raccommoder
tout le monde, heureuse de irouver cent sous chez les uns et
chez les outres [138]. A soixanle-sepl ans, ses yeux soiil com-
plètement perdus. Gervaise la recueille [tO^]. E le jiime les
bons morceaux, hoit la goutte en compagnie de sa helle-fille,
s'entend bien avec elle, puis^ hostile au fond, file en dit pis
que pendre, se plaint constamment aux Lorilleux, parvient
à faire battre toute la famille [353], assiste à la déchéance du
ménage Coupeau et se charge de tout porter au clou, où les
employés la connaissent sous le nom de la mère Quatre-Francs
[3Gi]. Un asihine qui la met au lit pendant deux ou trois
semaines tons les ans finit par l'emporter ; elle meurt une nuit
où son fils HSt rentré ivre mort et elle est ensevelie par Ger-
vaise et Lantier [377]. (L'Assommoir.)
Goupeau(i).— Né en 1824 à Paris, 52, rue de laGoult^-d'Or
[53]. Fils de mamm Coupeau, frère de ma lame Lerat el de
madame Lorilh'ux. Mari de Gervaise Macquart. I ère d'Anna
Coupeau, dite »\ana. Ouvrier zingueur. A vingt-six ans, c'est un
garçon très propre, à la mâchoire inférieure saillante, au nez
légèrement é'ra>é, il a de beaux yeux marrons, la face d'un
chien j'^'veux et hon enfant. Sa grosse chevelure frisée >e tient
tout debout [40]. De caractère faible, tremhlant devant les
Loiilleux, il vit sans se soucier de l'avenir, il a une drôlerie
gouailleuse d ouvrier parisien, c*est un bon sujet, très sobre, on
le surnomme C^del-Cassis parce qu'il prend génémleiueut du
cassis, r)nnnd les camarades le mènent de fone chez le mar-
chand de vin [52]. Son père, ouvrier zingueur comme lui, s'est
écrabouillé la tète un jour de ribolte en tombant de la ^'out-
tièrc du n® 25 de la rue Coquenard et ce souvenir rend sage
toute la famille [.l«].
Coiineau hiibite à l'hôtel Boncœur. Il y rencontre Gervaise
Macquart, qui vient d*éire ahandonnér par Lantier ; il en ferait
bien sa maîtresse, mais comme elle refuse, il ré|»oii>c. Le
ménage travaille courageusement pendant quatnî ans. le mari
ne se dérangeant pas, rapportant ses quinzaines [liOJ; une
(I) Coupeau, ouvrier, de famille alcooVtquey marié en 1802 à Ger-
vaisc Macquart, {Arbre généalogique des liouyon-MacquarL)
116 LES PERSONNAGES
fille est venue, Anna ; on a mis six cents francs de côté, Ger-
vnise va s'établir, lorsqu'un malheur survient [liG] : Coupeau
tombe du toit d'une maison de trois étages, rue de la Nation.
Sa convalescence dure quatre longs mois ; la paresse Ta envahi,
il a même refusé d'apprendre à lire pendant les inlerniinables
journées où il restait étendu, à ne rien faire. Très vexé de sa
chute, il s'indigne contre cet accident qui n'aurait pas dû arri-
ver à un homme à jeun [153], il a une rancune sourde contre le
travail, trouve une joie à ne rien faire, va bluguer les cama-
rades au chantier et se met à boire.
Gervaise a pu s'établir en empruntant de l'argent. Coupeau
ne travaille plus que par à-coups; il a commencé^ par ne
prendre que du vin, il rentre éméché, puis les cuitesVaccen-
tuent, il vit dans un perpétuel mal de cheveux qui lui enlève
toute énergie et le tient altéré, rôdant chez tous les marchands
de vin du quartier [193]. Les Lorilleux ont repris sur lui leur
ancienne influence et désunissent sournoisement le ménage.
Coupeau ne se gène plus ; du vin il passe à Teau-de-vie, il
devient un lidèle client du père Colombe; ce sont maintenant
des ivresses blanches. La boisson l'a rendu tout à fait coulant
sur le chapitre de la fidélité conjugale; il a ramené Lantier
chez lui, l'a réconcilié avec Gervaise et ce sont des noces à
tout casser entre les deux hommes, une promiscuité où Cou-
peau achève de perdre toute dignité. 11 ne touche plus aux
outils, mange beaucoup, prospère dans l'alcool. 11 a engraissé,
sa face d'ivrogne se culotte, ses cheveux maintenant poivre et
sel, en coup de vent, flambent en brûlot. Il lui faut sa pâtée
malin et soir, il ne s'inquiète pas d'où elle lui tombe.
Coupeau assiste indifférent à la lente déchéance de sa femme;
il a pleuré comme un veau devant sa mère morte [378], mais
rien ne jieul plus le corriger, les ravages de l'alcool s'accen-
tuent, il lui faut une chopine d'eau-de-vie par jour, son teint
se plombe, ses mains se mettent a trembler. On l'a transporté
à Lariboisiére, pour une fluxion de poitrine; on est obligé de
l'envoyer à Sainte-Anne, il a le délire. Sept fois en trois ans, il
subit cet internement chez les fous, ne sortant que pour voir
Gervaise de plus en plus avachie, l'habituant à boire, la pous-
sant à lii prostitution, provoquant par ses grossièretés la fuite
de Nana. C'est le relâchement complet, ranéanlissemcnt de la
famille. A celle époque, le poison achève son œuvre. Le corps
du malheureux, imbibé d'alcool, commence à se ratatiner. Les
joues creuses, les yeux dégoûtants, l'ancien zingueur passe
DES ROUGON-MACQUAKT 97
courbé, vacillant, vieux comme les rues. I) est devenu sourd
d'une oreille en quelques jours, sa vue baisse, puis ce sont des
paralysies partielles [500]. Agé de quarante-quatre ans, Cou-
peau finit par mourir à Tasile Sainte-Anne, dans un dernier
accès de folie alcoolique [566].
Goupeau (Madame). — Voir Macquart (Gervaise).
Goupeau (Anna). — Voir Nana.
Goupeau (Louis). — Voir Louiset.
Gourajod. — Maître paysagiste, Tauieur de la Mare de
Gagny, ua tableau du Luxembourg [175]. C'est un vieil artiste
disparu avant sa mort, et qui se survit, retiré dans une petite
maison de la rue de TAbreuvoir, derrière Montmartre, au
milieu de poules, de canards et de chiens. Ce maître, qui a
inventé le paysage moderne, vit là, inconnu, lini, terré comme
une taupe ; ses quatre-vingts ans l'ont rapetissé ù la taille d*un
gamin, il a tout oublié, révocation de sa gloire par Claude
Lantier lui faii peur, il la repousse par des paroles sans suite,
mûcbounées entre ses gencives, un zézaiement de vieillard
retombé en enfance [349], (L'Œuvre.)
Goutard. — Soldat d'infanterie. Appartient à la deuxième
division du !•' corps, battue le i août 1870 à Wissembourg. 11
lavait sa chemise, ses camarades faisaient la soupe, quand les
obus se sont mis à pleuvoir sur les marmites. Jusqu'à onze
heures, on s'est cru vainqueur, mais les cinq mille hommes
d'Abel Douay ont été assaillis par de vraies fourmilières de
soldats ennemis, des files de fourmis qui submergaient tout.
On s'est retranché sur le Geissberg, on a tué beaucoup de
Prussiens ; ils sautaient en l'air, ça faisait plaisir de les voir
retomber sur le nez, mais il en arrivait toujours, dix hommes
contre un, du canon tant qu'on en demandait. 11 a bien fallu
déguerpir [Giî]. Puis, après la surprise imbécile de Wissem-
bourg, c'est l'écrasement de Frœschwiller, l'eifroyable déroute,
et l'on retrouve quinze jours plus tard, près de Beims, le sol-
dat Coulard et son camarade Picot, du 1* corps, tous deux en
loques, couverts de boue, pareils à des bandits las de rouler
les routes. Ils rallient leur régiment le 22 août. {La Débâcle.)
Crasse (La). — Surnom d'un professeur du collège de
Plassans. Les élèves l'ont appelé ainsi parce qu'il teignait les
chaires en noir, du continuel frotlemeni de sa tète [37 J.
(L'Œuvre.)
y
08 LES PERSONNAGES
Grèvecœur. — Marchand de dentelles, rue du Mail Henri
Dcloclte quille sa maison el entre au Douheur des Dames, le
même jour que Denise Baudu [G9]. (Au Bothhenr des Dames.)
Gron. — Charrelier à Vendôme. P^re de Lêônie Cron. On
l'afipe le Cron le eoeu [ill] (UArgent.)
Gron (Lêome). — Une fiHc de Vendôme, séduite par un
noble ruiné, le comte de Beauvilliers. Est restée sans un sou à
la moii du comic^avec un cliiiïon de papier iunlile, une recon-
naissanct' de dix mille francs, payable à sa majorité, mais léga-
kiuenl sans valeur. Dévorée du désir de venir à Paris, clic a,
moyennant une somme intime, ce lé a l'usurier Charpier cette
reconnnissiince qui tombera plus tard aux mains de Cusch.
Celni-ci fait reclierch^r Léonie, successivement bonne à loul
faire rbez un hnissier, un boucher, une dame galante, un
dtinli-lc, cli:i>s-e de pirlout pour inronduite iiotoire, complèie-
menl disparue [155], puis enfin, après dix ans de prostilnlton,
retrouvée dans un** maison publique de la rue Feydeau,où elle
porte le nom de Léonide. C'est une grosse fille, aux durs che-
veux noirs tombant sur les sourcils, à la face plate et molle,
d'une bassesse imnumde [3t8J. Et, moyennant la promesse d'un
don de mille fraors, elle consent à être Tinslrument de Busch
dans le chantage qu'il prépare contre la comtesse de Beauviliieis
l'Ail iVAryent.)
Guche (Famille). — Pêcheurs habitant Bonnevillc el
ruinés par um* tempête qui a d«qruit leur maison. Cucbe s*est
réfugié chez se-^ cousins Gonin où il sera bientôt mailre de la
maison, la paralysie liu mari lui livrant la femme et la barque
[1^8] Il vil niurilaleinent avec sa cousine, la femme Gonin,
rouant de coups ie mari infirme, provoquant sans doute sa
mort [i-28].
La trmmiî Cnrhe est allée s'installer au fond d'un poste de
douanitrs tundjé en ruine et, malgré sa laideur repoussante,
elle coudie avec tout le pays. I/cnfant, Agé de trois ans, a
suivi sa more et vit avec elle dans une affreuse promiscuité.
A douze ans, c'est un galopin eldanqné, mai;jrc de vices pré-
coces [I-7J, secouru par Pauline Quenu qui fait bc;jucoup de
bien dans le piys. A dix-S' pi ans, il est deverm robuste, mais
refuse ab-oluin»'nt de travailler, par haine de la servitude. Sa
mère, aujourd'hui conlrefa le el boitant alTreusemenl, se prostitue
à tous les hommes pour trois sous ou pour uu reste de lard
[i272j. Plus tard, enfin, comme elle est trop vieille et que les
DES UOLT.ON-MACQUAliT 9Ï>
liomnios non veul«'iU plus, le jeune tluclic hal le pays pour lui
anienor du momie. 11 porie pour loul vùhMncnl une vieille
eulollc et un moiveau de chemise délo«|Uf*!éc. P.iuline lui a
trouvé une jilaee d^liomme tî'tMjuipe sur la ligne de Cherbourg,
mais le pclil sauvage préfère ne pas mangiT ei resier libre
l'rlCf], vivant de rapines comme un loup. {La Jote de vivre.)
Gudorge (Mesdames). — La mère et la lille. Marchrindes
de parapluies rue Nruve de la Goulie-d'Or, voi-ines de Ger-
vaise. Ne se montrent jamais [171]. (UAssounuoir.)
Gugnot. — Meunier de Cbarlres. Ruiiu' par un procès, il a
envoyé sA lille faire furtuiie à Paris, avec vingt francs dans la
poche [loi]. (-1?/ Donitcnr (Icfi Dames.)
Gugnot (Pauline). — Fille du meunier. A débuté à Paris
comme v.ijdcuse, d'abord au fond d'un magasin des Pialignolles.
puis au lioiiheur des iKunes; de terribles débuis, t»>uies lc>
blessures et toutes les privations. C'est une lille à ligure large>
l'air agréable. Vendeuse du rayon de la lingerie, elle gagne
deux cents francs par mois, prend des plaisirs, laisse coulerses
journées dans l'insouciance. Son premier amant fut un clerc
d'avoué, qu'elle connut dans une partie, à .Meudon ; elle s'es
mise cnsuile avec un employé des postes el mainteniint, elle
fréquente un vendeur du Bon Marché, fîaugé, chez qui elle
passe toutes ses heures libres. Pauline n'a jamais qu'un amant
à la fols, sa conviction est qne b^s femmes vivmt de leur travail
ne peuvent se suffire, mais comme elle est honnête, elle s'indigne
lorsqu'on parle «le ces Iilles qui se donnent au premier venu
[157]. Se rapprlanl ce qu'elle a soulîerl, les premiers mois,
dans son rayon, elle est secourable à Denise Diudn, sans rien
comprendre pourtant aux idées de la jeune lille qui résiste
à ses conseils pratiques avec un incroyable entêtement. Pauline
finit par se marier avec Daugé, coinpromettanl ainsi sa poaition
au Bonheur des Dames, où l'on n'aime guère les ménages, où
l'on traite les vendeuses mariées en saliols, en femmes per-
dues pour le commerce [o97J. Devenue enceinte, elle passerait
sans pitié à la cai-se. si D^'nise, dev«'nuf^ toute-puissant»^, ne hi
sauvait du terrible Bourdoncle [431]. (Au Bonheur des Dames.)
D
Dabadie. — Chef de gare au Havre. Bel homme, très brun,
bien tenu, ayant les allures d'un grand commerçant tout à ses
affaires. Se désintéresse volontiers de la gare des voyageurs,
se consacrant surtout au mouvement des bassins, au transit
énorme des marchandises, en continuelles relations avec le
haut commerce du Havre et du monde entier. Veuf, père d'une
grande fille toujours en pension, il serait au mieux, dit-on,
avec mademoiselle Guichon, la buraliste [85J. {La Bête
humaine.)
Daguenet (Paul). — Le greluchon de Nana. Son père,
très estimé de Louis- Philippe, a occupé jusqu'à sa mort une
préfecture. Un oncle, grand propriétaire, doit lui laisser sa
lortune. Quant à lui, il est ruiné. Il a mangé en dix-huit mois
trois cent mille francs avec les femmes et il bibelote à la
Bourse pour leur payer encore des bouquets et des dîners de
temps à autre [9]. Ses grands succès auprès de ces dames sont
dus à la douceur de sa voix, une voix d'une pureté et d'une
souplesse musicales, qui l'a fait surnommer chez les filles
Bouche-de-Velours. Toutes cèdent, dans la caresse sonore dont
il les enveloppe [361]. La dot d'Estelle MufTat le décide à faire
une fin. Il se pousse dans la famille et, après s'être maladroi-
tement brouillé avec Nana, se réconcilie pour qu'elle oblige le
comte Muiïat à l'accepter pour gendre. Comme courtage, il
apporte à Nana, le jour de la cérémonie, l'élrennede son inno-
cence [151]. Devenu sérieux après le mariage, Daguenet obéit
au vieux Théophile Venot et tremble devant Estelle qui s'est
révélée femme énergique. Maintenant, il l'accompagne à la
messe, converti, furieux contre son beau-père qui les ruine
pour Nana, redevenue à ses yeux une simple créature [170].
{.\ann.)
loi LES PEKSO.NNAGES
Daguenet (Madame). — Voir Mukfat de Beuville
(Estelle).
Daigremont. — Spéculateur très connu, Tliomme heureux
de lous les symiicats [83]. Agé déjà de quarante-cinq ans, ,
luttant contre Tenibonpoint, il est de haute taille, très élégant
avec sa coiffure soignée, ne portant que la moustache et la
barbiche, en fanatique des Tuileries. Alfecte une grande ama-
bilité, d'une confiance absolue en lui, certain de vaincre. Habite
rue La Itochefoucauld un des derniers grands hôtels du quartier.
II mène un train princier, aussi glorieux de son écurie de
courses que de sa galerie de tableaux; il appartient à l'un des
grands clubs, afliche les femmes les plus coûteuses, a loge à
l'Opéra, chaise à rhùlel Drouot et petit banc dans les lieux
louches a la mode. Son luxe Oambaot dans une apothéose de
caprice et d'art est uniquement payé par la spéculation [100].
On dit que Duigremonl n'est pas très sûr, qu^il abandonne
volontiers ses antis et qu'un engagement de lui n*est jamais
définitif; on conte à son sujet des histoires extraordinaires,
surtout celle de l'Iladamantine [109], mais comme il a l'appui
d*une fortune colossale, toutes les adaires viennent s'oOrir.
C'est grâce à son concours qu'Aristide Saccard a pu fonder la
Banque Universelle. Dai;;remont sait s'attribuer de grosses
primes dans Taffaire [HO], il marche longtemps avec Saccard,
restant charmant, l'invitant à ses fêtes, signant tout sans obser-
vations, avec sa bonne grâce de Parisien sceptique qui trouve
que tout va bien, tant qu'il gagne [^73], mais il garde son
indépendance absolue et, au jour précis du danger, malgré
une promesse formelle, il abandonne brusquement la bataille
[358], sans un geste pour sauver d'une défuite décisive la
Banque Universelle. {UArgent.)
Daigremont (Madame). — Femme du financier. Est
célèbre par sa beauié; rcn^porte dans le monde de vifs succès
de cantatrice [100]. (UArgent.)
Dalichamp. — Médecin à Raucourf, à six kilomètres de
Remilly. Ilomiiie court, à la grosse ié:e ronde, dont le collier
de barl)e et les cheveux grisonnent; son visage coloré s'est
durci, pareil à ceux des paysans, dans sa contin«ielle vie au
grand air, toujours en marche pour le soulagement de quelque
souffrance ; ses yeux vifs, son nez lèlu, ses lèvres bonnes
disent claireineni son existence entière de brave homme cha-
ritable, un peu braque parfois, médecin sans génie, dont une
DES l;Oi:CON-MACQUAnT 103
longue pratique a fait un excellent guérisseur [48i]. S'inté-
ressant aux enfunls des malheureuses qu*il accouche, il a placé
la petite Siivine Morange chez le père Fouchard, pour la sauver
de la dêbaii'.'he de l'usine.
Dès le milieu d*aoùt 1870, il a installé une ambulance dans
la grande salle de la mairie. de Piaucourt. Le 30 août, derrière
le 7'corfis. en marche vers la Meuse sous la canonnade enne-
mie, le docteur a vu arriver les Bavarois, des hommes noirs,
petits, Tair sale, avec de grosses télés vilaines, coiiïées de
casques pareils ù ceux de nos pompiers; il en a vu des milliers
et des inillicri, arrivant de partout en colonnes serrées, le pays
en a été noir tout de suite, ces hommes marchaient depuis
i- jo::rs cl venaient de battre le 5* corps à Beauraont.
Ti>:né5, ils so sont j»ilcs dans les maisons, dans les boutiques,
I avalant n'iniforle quoi, ce qui leur tombait sous la main.
.. z baliciia:!!!», l'un d'eux, un gros, mange tout le savon; un
autre boit ;j-ou!ùment un litre de sirop d'opium qui letue[168].
i uraiit 1 occupation, le docteur soigne Jean Macquart chez le
père Foucluiri. D'un courajre et d*une bonté extraordinaires, il
a un cœur ardent de patriote, qui déborde de colère et de
chap-rin à cba nie défaile: c'est par lui qu'Henriette Weiss et
'?an saveiil Ivs nouvelles extérieures, les grand«*s batailles
iiuroiqces <f)U< 'Sh-tz [193], puis la trahison de IJazaine [506], et
euiiu le rêvei! de la province, les armées sorties du sol dans
' iniomphilile volonté de lutter jusqu'au dernier sou et jusqu'à
Je* ucruicre |:oiitte de sang [508]. (La Débâcle.)
Dambreville. — Employé de ministère. Pour avoir de
J'avancemeut, a consenti à faire un mariage douteux [iiT].
{Pot'BotiiHc)
Dambreville (Madame). — Ancienne pécheresse qu*uu
ami haut pla'.è a mariée sur le tard avec un chef de bureau.
Madame ham!. reville habite avec son mari un quatrième de la
rue de liivoli. au coin de la rue de l'Oratoire. Très forte et
encore belle à ciiKiuante ans passés, elle fait des mariages,
ayant coii5.'r\é partout des relations utiles. Elle doit marier
Léon JosseraiiJ, jeune homme ambiiièux, qui est devenu son
amant et qu'elle gardera le plus longtemps possible pour son
usage personnel, se cramponnant à lui comme au dernier
homme, dans la crise ardente du retour d'âge [418]. [Pot-
Bu utile.)
Dambreville ( PiAYmonde). — Nièce de Dambreville. Jeune
I«>* L£5 rEft5055A€ES
créaie fie seiae aos^ très riche ei dTiiiie beaaté édatante, dé-
banpire dutx son «de, afrés servir pcrrfa ma père aux An-
tiUs. laifame DuBbffmOey brèiêe ^ jsiloasie devant cette
îleiir aciorabie de jfnp^we, retee d^aWrd de la donner i
Lêoa losserand [416], pois elle init par cooseatir an mariage,
à la cmditioa ({ne le jesœ aiéBage slnstallera chei elle.
\Poi-BeKtUg,)
Itatsacrt. — Xaitre porina an Toreox. Un Belge à face
êpaisBer 2>K ?nis oez sesnei [56]. Homble Jerant tlngénieur
N^grei, il est bnital avec ks «avriers. Toal le coroo des Deux
ceni quarante sait qnli est Tannnl de la Pierroone et que
Pinrmn^ mari cniBpftaîsanty le reosetgue snr la marche de la
grève [3S3]. Le jonr de fanèantissement dn Voreox. fou de
peur éevani ie caTelage arevé, Dansaert finit par sauter dans
Tute beriine. laissant dîes hnmmes an fond [3i5]. Cette lâcheté,
I« scandale de ses amonrs aiec In Pîerronne, le désir aossi de
Élire nne avance dbcrète anx mineurs, déterminent la Compagnie
i In reuTojer [338]. \6erwummlJ}
0«5tn (Maa^ve). — Femme du monde^ TÎTant de galan-
terie. IVtite» t<He aoliciense. Madame de Lanverens lai trouve
des aounrs dans le beau monde^ où elle est cotée comme une
valeur à la ^urse [i39]. Amie des Saccard. (La Curée.)
Dauvergnn. — Chef a^i^int des grandes lignes à la gare
Siùnt^taxdre. Habite avec ses enfants, Claire, Henri et Sophie,
une ttiaisou de la Compagnie de l^>uest, impasse dWmsterdam
Dauvergnn ^Cl.uaEK — Sceur de Sophie. Ce sont deux
blondes adorables^ qui mènent le ménage avec les six mille
traucs du père et du frère« au milieu d*un continuel éclat de
gaieté. Elles jouent du piano, rient et chantent» pendant qu'une
wM^e« l^eiue dVîseaux des lies, rivalise de roulades. Claire a
siivhuit ans [à]. vLn ènrU ANmaiNf.)
DatUT^rgnn ^kMiiV — Conducteur chef a la Compagnie,
de l Ouest, l ne Ireulaine d années. Il aime Séverine Roubaud,
.^ »ur^^i$ sa liaison avec Jacques et se dit que son tour viendra
^utM^re i:^M^ lUessè dans la catastrophe de la Croix-de-
^anf^\4$» traus|K»rte chex la jeune temme el soigné par elle, il
lui i^ wue une gfvtude tendresse, sans obtenir autre chose
|u\tne ptvmesse vajjue [Ik»8]. Dans une hallucination de malade,
\\ A vTU vnteudrw devant sa feiuMre. Rouhauil se concertant
^^
DES nOCGON-MACQCART 105
avec Cabache pour Fassassinat de Séverine; son témoignage
erroné est une des cliarges capitales de l'accusation. (La Bête
humaine.)
Dauvergne (Sophie). — 1/atnée des deusp sœurs. Elle a
vingt ans. (La Bête humaine.)
Davoine. -^ Successeur des Chanteau, dans le commerce
des bois du Nord, à Gaen. A fait l'achat du fonds pour cent
mille francs, dont il n'a versé que la moitié. Chanteau laisse
cinquante mille francs pour devenir associé et partager les
bénéfices [tï]. Homme d*une intelligence hardie, Davoine a
inspiré confiance à madame Chanteau, mais les affaires vont
^nl, il tente des spéculations malheureuses, les hausses attcn^
<)ues sur les sapins ne se produisent pas, les inventaires
deviennent chaque année plus désastreux. Finalement, il tombe
?n failiile et les Chanteau sauvent péniblement de la débâcle
une douzaine de mille francs [98]. (La Joie de vicre.)
Deberle (Henri). — Docteur en médecine. Mari de Juliette
Letellier. Père de Lucien. Trente-cinq ans, figure rasée un peu
longue, œil fin, lèvres minces [13]. Riche et déjà célèbre. Son
père, que tout Passy vénérait, lui a laissé un million et demi et
une clientèle superbe. Il est propriétaire de Fhôtel qu*il habite
rue Vineuse et de la maison voisine, dont madame Grandjean
est locataire; l'abbé Jouve le cite comme un homme d*un
-aractère droit, d'un cœur charitable, très bon père et très
bon mari, donnant les meilleurs exemples [33]. Marié à une
Parisienne évaporée, le docteur Deberle est séduit par la sculp-
turale beauté d'Hélène Grandjean. C'est une crise d'amour qui
naît dès la première rencontre au chevet de Jeanne, s'accroît
lors des visites charitables chez la mère Fétu et se développe
dans le contact quotidien; c'est un coup de désir irrésistible
qui entraine vers lui madame Grandjean et la lui livre enfin,
consentante, dans la chambre même que Malignon avait pré-
parée pour y abriter ses propres amours avec madame Deberle.
La terrible crise de jalousie de la petite Jeanne, son agonie,
sa mort, séparent à jamais les amants d'un jour. Deberle, resté
bon mari, va oublier ce drame en Italie avec sa femme, qui lui
donne bientôt un second enfant, une petite fille rose et grasse
[300]. (Une Page d'Amour.)
Deberle (Madame Juliette, née Letellier). — Femme du
docteur Deberle. Mère de Lucien. Sœur de Pauline Letellier.
100 LKS PKIlSONNAGtS
Pclite, polelée, cheveux d'un noir d'encre et peau d'une blan-
cheur de lait, avec un fronl clroit de jolie femme. Elle est gra-
cieuse et se plail aux caquclages sans fin, parlant toujours
sans écouter. D'une futilité toute mondaine, elle a des sautes
brusques de tendresse avec un perpétuel besoin d'agitation. £n
coquetterie continuelle avec le beau Malignon, poussée peu à
peu par la curiosité, la tête vide et le cœur libre, elle glisse
rapidement à un adultère médiocre et sans conviction. Au
moment où elle va céder, l'intervention d'Hélène la sauve et
elle sort de la stupidc aventure, guérie, riant d'aise, sentant
bien qu'elle n'est pas faite le moins du monde pour ces
machines-lù [342]. {Une Page dWmour,)
Deberle (Lucien). — Fils du docteur Deberle. Sept ans,
gros et court, yeux bleus, lèvres fortes, le cou dans les épaules,
mis avec une coquetterie de poupée [:27]. Ami de Jeanne Grand-
jean, qu'il considère comme sa petite femme; songe dès qu'elle
est morie à la remplacer par Marguerite Tissol [360]. {Une
Page dWmonr.)
Decker (Baronne). — Le marquis de Chouard passe parfois
plusieurs jours chez elle, à Viroflay [91]. {Nana.)
Dédèle. — Une masse de vingt livres. Pèse une demi-livre
de moins que Fifuie. Ce sont deux outils de l'atelier de Goujet
[213]. (L'Assommoir.)
Dejoie. — Garçon de bureau au journal VEsperance, Après
son service militaire, a été en phice chez Durieu, mari de
madame Caroline, puis chez Lamberihier, enfin chez Blaisot,
un banquit*r qui a sauté. La mauvaise chance de sa vie est
d'avoir épousé une cuisinière sans jamais réussir à se placer
dans les mcMues maisons qu'elle. Dejoie a été la véritable mère
de sa fille Naibalie, l'élevant, la surveillant avec des soins
infinis, le cœur débordant d'une adoration grandissante [135].
A cinquante ans, il est veuf et sans place, possédant pour tout
bien une somme de quatre miPe francs, économies de sa
femme, qui doivent fructifier pour former les six raille francs
nécessaires à la dot de Nathalie.
Grand et sec, borné mais très droit, très bon, rompu à la
discipline militaire, Dejoie est recommandé par ma«lame Caro-
line à Saccîird, qui le fait entrer comme garçon de bureau à
VEspérance, journal catholique racheté par la Banque Univer-
selle. Le brave homme a placé son argent dans celle aflaire,
DES ISOUGON-MACQUART 107
il est dès lors mordu d*un âpre désir de gain et ne vit bientôt
que pour l'émotion joyeuse de voir monter ses actions, écoulant
aux portes, recueillant les moindres mots de Saccard comme
des paroles d*oracle [199]. Il n*a d'abord songé qu'au bonheur
de sa fille, mais devant la hausse continue des titres, devant son
petit capital douMé, il rôve de constituer pour lui-même une
modeste rente [262]; son chiiïre atteint, il garde encore les
actions pour devenir plus riche, il vit dans un rêve doré; puis,
eu une terrible tempête de Bourse, la Banque s'effondre, il est
ruiné. C'est tout à coup la noire misère, un écrasement total,
achevé par le brusque abandon de Nathalie partie sans même
dire aiii^'U. .Mais dans celte inlinie détresse, Dejoie garde encore
sa foi anJeiUe en Saccard; il se persuade que tout serait sauvé
si celui-ci pouvait sortir de prison [383]. {Û Argent.)
Dejoie (Joséphinl). — Femme de Dejoie. L'a connu lors-
qu'elle était cuisinière chez madame Lévéque, belle-sœur du
iirasseur Darieu. Joséphine est entrée ensuite chez le docteur
lîenauilin, puis au magasin des Troîs-Frcres, rue Rambuteau.
F\is une seule fois, les deux époux n'ont pu se placer ensemble,
ils r/ont jamais eu une chambre à tous les deux, se voyant
chez lesniarchauds de vin, s'embrassant derrière les portes des
i'ui>iiie<. Joséphine meurt quand sa fille a quatorze ans [135].
{UArynit.)
Dejoie (Nathalie). — Fille des Dejoie. C'est une fleur
blonde du pavé parisien, de grâce chélive, avec de larges yeux
sous les petits frisons de ses cheveux pâles. Elle a un regard
tranquille et froid, d'une extraordinaire limpidité d'égoïsme.
L'enfant s'est lai:>sé adorer par son père, eu idole heureuse,
sage encore à dix-huit ans parce qu'elle n'a eu aucun intérêt
à ne pas Tétre [135], incapable d'une chute sotte tant qu'elle a
espéré une dot, un mariage, un comptoir dans une petite bou-
tique où elle trônerait. Nathalie doit épouser le fils d'un car-
tonnier. Tiiéodore, lorsque le jeu de Bourse aura complété la
petite dot qu'on exige. Comme son père, elle se passionne pour
la spécula! ion, elle caquette ainsi qu'une pie vaniteuse, empô-
chaiii De,oie de vendre quand il en serait lemp-, rêvant des
rentes ['i^'T]. Après la «lébàcle, furieuse de son mariage manqué,
ne voulant pas continuer une existence de sans-Ie-sou, elle
pren ) froi Jement ses bottines et son chapeau et, sans rien
dire, Oie avec un monsieur d'en face, un monsieur très bien,
doul eile a fait la connaissance [38i]. (UArgent.)
108. LES P£USU.NNAC£S
Delaherche (Madame). — Mère de Jules Dclalierclie. Son
mari êtnit de mœurs gaillardes et Fa rendue très malheureuse.
Aussi, devenue veuve, tremblant de voir son fils recommencer
les mêmes farces, s*esl-elle elTorcée de lui imposer une tutelle.
£lle Ta marié avec une dévote et a dirigé le ménage, puis la
fcmnic est morle. A cinquante ans, Delaherche, sevré de jeu-
nesse, a voulu épouser une veuve légère et gaie, de réputation
douteuse; c*est en vain que madame Delaherche a prodigué les
remontrances [181]. Maintenant, elle ne vit plus que comme un
blâme muet, elle se tient enfermée dans sa chambre. Toujours
debout ù Taube, malgré ses soixante-dix-huit ans, toute
blanche, d*une grande rigidité de dévotion, elle a un nez qui
s'est aminci et une bouche qui ne rit plus, dans une longue
face maigre [183].
L'js malheurs de la guerre la frappent cinicllemenl; elle est
déjà d'un autre âge, de cette vieille et rude bourgeoisie des
frontières, si ardente autrefois à défendre ses villes [385]. La
grande douleur de la défaite domine ses chagrins domestiques.
Sulluquée par l'adultère de sa belle-lUle avec le capitaine
B^audoin, elle a décidé de tout dire à son (ils, mais le lende-
main, devant Deaudoin rapporté mourant à l'ambulance, elle
se lait; à quoi bon désoler la maison, puisque la mort emporte
la faute [346]. Plus tard, écrasée sous la honte de croire la
jeune femme maîtresse d'un oflicier ennemi [5GU], elle trouve
un soulagement à la surprendre aux bras du jeune Edmond
Lagarde; celte fois encore, elle ne parlera pas; elle aura
même un faible sourire devant l'échec du Prussien, elle qui
ne s'est pas égayée depuis la bonne nouvelle de Coulmiers [563].
Dès le lendemain de Toccupalion, elle s*csl consacrée à son
vieil ami blessé, le colonel de Vineuil;avec lui, elle pleure la
patrie agonisante. Devant le désespoir de ce soldat trop affaibli
pour détruire son épêe, c'est elle qui la brise d'un coup sec,
sur son genou, avec une force extraordinaire, dont elle-même
n'aurait pas cru capables ses 'pauvres mains [iOÛ]. Et elle
reste enfermée chez le colonel, voulant vivre cloîtrée avec lui,
tant que les Prussiens logeront dans la maison [5i-i]. (La
Débâcle.)
Delaherche (Jules). — Mari de Gilberle de Vineuil, en
premières noces madame Maginol. Un des principaux fabri-
cants de drap de Sedan. Possède rue Maqua, presque au coin
<le la rue au lieurre, une fabrique monumentale construite au
DES nOUGON-MACQUAUT 109
wiii* siècle et qui, depuis cent soixante ans, n'est point sortie
de la famille. Trois générations de Delaherche ont fait là des
fortunes considérables. Le père du propriétaire actuel, ayant
hérité des biens d'un cousin, mort sans enfant, c'est mainte-
nant la branche cadette qui trône. Jules, marié à une femme
maussade et maigre, a été tenu par sa mère dans une dépen-
dance de grand garçon sage. Puis, devenu veuf à l'âge mûr, il
s'est, par une révolte de la nature, amouraché d'une jeune
veuve de Charleville, la jolie Gilberte Maginot et Ta épousée,
dans l'automne de 1869, malgré l'opposition maternelle. Gil-
berte est la nièce du colonel de Vineuit, en passe de devenir
général, et cette parenté, cette idée qu'il entrait dans une
lamille militaire, a beaucoup flatté le fabricant de drap [181].
Gros et grandie teint coloré, le nez fort, les lèvres épaisses,
Delaherche est de tempérament expansif ; il a la curiosité gaie
du bourgeois français qui aime les beaux défilés de troupes; à
la ferme de Daybel, pendant qu*on se battait à Beaumont, il a
vu l'empereur souffrant de la dysenterie, affaissé sur un
pliant, ayant Tair d'un petit rentier qui chauffe ses douleurs
au soleil [185]. L'empereur a failli lui parler, il en est fier.
Lonapartiste ardent au moment du plébiscite, s'il consent à
arouer depuis les premières défaites qu'on a commis des fautes,
il plaint surtout Napoléon lil et attribue nos désastres aux
députés républicains de l'opposition, qui ont entravé l'organi-
Silion militaire [186].
Deux jours après, le l*** septembre, sur la route de Balan,
il croise l'empereur à cheval, allant à son destin, d'une allure
silencieuse et morne, et cherchant inutilement la mort [221].
Dès ce moment, Delaherche a pressenti le désastre qui menace
Sedan; il commence à trembler pour sa fabrique [271]. Armé
d'une forte longue-vue, il a, du haut de sa terrasse, remarqué
sur les coteaux de la Marfée, le roi Guillaume, l'air sec et
iiiince, à l'uniforme sans éclat, à peine haut comme la moitié
du doigt, un de ces minuscules soldats de plomb des jouets
d'enfant, et cet infiniment petit, dont la face, grosse comme
une lentille, ne mettait qu'un point blême sous le vaste ciel
Lieu, constatait la niarclie mathématique, inexorable de ses
armées, refermant pas à pas, autour de Sedan, leur mu-
raille d'hommes et de canons [27-1].
Delah-îrche éprouve une joie involontaire devant l'ordre de
hisser le drapeau blanc sur la citadelle, ce plaisir lui parait
d'abord antipalriolique, puis la peur l'emporte, il s'exaspère
110 LLb I»ti;<ONNA<;tS
liienlôt devant le feu qui redouble [342]. Sa ferveur bona-
parliste s*est refroidie sinj^ulièn'nient ; dans un coin de la
sous-prêfeclurey il assiste sans trouble a Tagonie de Tempe-
reur, frappé au cœur par celte bataille qu'on ne ptful arrêter,
défaillant dans le tonnerre continu de la canonnade, atterré
devant toutes ces vies bumaines fauchées par sa lauie pU9]. Le
fabricant rayonne enfin, car la capituLation est cbose faite, il
reprend son aplomb de riclie industriel, sa bonbomie <le patron
aimant la popularité, sévère seulement à rinsuccès; Tempe-
ceur Ta bien trompé. El pendant que .Napoléon 111 traîne sa
misère sur la ronle do Doncbery, dans une pauvre m lison de
tisserands, où Bismarck Tamusepour retarder son nnlrevue avec
le roi tle h*us<ic, Dt^labercbe ne plaint même plus celui ijui va
devenir Tbomme de Sedan, il le cbar^'e de toutes les iniquités
[102].
Plus tard, les amertumes de l'occupation sont heureusement
adoucies pour le mari de Giiberte, grâce à un capitaine de
la lauihvehr, M. de Garllauben, qui loge chez lui et finit par
devenir un ami véritable. Ce sont des soirées cbannan tes, où
Delabercbe traite Ganibelta de fou furieux. 11 vçiit ardemment
la paix; comme toute Taiicienne bourgeoisie plébiscitaire et
conservatrice, il éprouve une sourde rancune contre Paris qui
s'entête dans sa résistance; M. Tliiers est devenu son homme
[500]. {La Débâcle,)
Delaherche (Madame Jcle?»). — Voir ViNiaut (Gilberte
Di:).
Delangre — Maire de Plassans. Petit, épaules carrées,
masque ftiuiilé, tournant au polichinelle; parle trop, avec
toute une fièvre de {restes et de paroles [S7]. Très souple, très
cn|jable, très actif. Fils de maçon, arrivé au rang d'avocat, est
devenu Tamani de madame Hastoil qui Ta tiré de |a misère.
Marié plus tard, trompé par sa femme, il Ta surprise trois
fois en lliigranl délit; pour consentir à la reprendre, on assure
qu'il s'est fait donner chaque fois cenl mille francs par son
beau-père. L'îibbé Faujas le fait parvenir à la députai ion, sûr
que ce îraillarJ sera très ulile à Paris pour certaines besognes
[Z'IH]. (La Conquête de Plassans.)
Delangre (Madami:). — Femaie «lu maire de Plassans.
Petite personne pà c, tl'uiie douceur de jorvanle, dont les débor-
dements sont restés légeuiiaires [1<'TJ. Sa iille est, dit-on, d'un
peintre (jue tout Plassans coiinaii[TÔj. Madaiiie Delangre dcvieni
I»KS lîOn;ON-MA(X>UAnT ttl
Tune il»»5 prcnnères ilnines patronnesses de HÈuvre de la Vierge
[1 1 1 j. (La Conquête dv Ptasmns.)
Delangre (Lucifn). — Fils du maire de Plassans. Pctil
de taille, œi) vif, léle futée, il appartient au barreau et, des
IVigc dft viiigi-i|u:ilre ans, plaide avec raploiiib d'un vieux pra-
liciei) ^l'-J. 1/alibé Faujas, pour rjui il éprouve une admi-
ration Jo liiscifiJe [170], Ta placé à la télé du Cerrle de la Jeu-
nesse, il se mariera avec Fainée des Itastoil, Angéline, qui
pourrait bien être sa sœur, car elle est née au temps des
amours de ma<l:inje Rastoil avec l'avocat Delanjjre [325]. {La
Conqu'-lc d* Plassans.)
Delarocque. — Agent de change. Un chrétien qui a épousé
une juive, la sa*ur de son collègue Jacoby, et qui la rend mal-
heureuse [12*2]. C'est un gros homme roux et trapu, très
dîauve. à la voix gullurale, lancé dans le nion.le des cercles.
Daigremonl, successivement fâché avec Mazaud et Jacoby, lui
donne 5(»s ordres [Vj'M], Delarocque précipiie la ruine de la
Banque Lui verse Ile en prévenant Daigreiuont du coup que
prépare Gundt-rmaun [358]. (L'Argent.)
Delcaxnbre. — Procureur général, plus tard ministre de
l:\jnsti' e. Grand homme jaune, glacial et osseux, à la haute
taille soleunc!l\ à la face rase, coupée de p'is profonds, d'une
auslôre sévériié. Son nez dur, en bec d'aigle, semble sans dé-
f tiîlun e comuic sans pardon. Mais, derrière le masque pro-
ff?ssioiii;'fl, il y a en lui un furieux mâle aux appétits d'ogre.
Amant d»» l.i baronne Sandorff, il a loué, pour la posséder à
-on aise, un [ifiit rez-de-chaussée de la rue Caumartin,près de
Ja rue Siiiil-Sicolas, et il fournit à cette femfne les fonds que
lui rt'ru>e nu mari avare. Peu généreux d'ailleurs, il ne donne
pas iis-'^z à la baronne pour payer ses différences de Course, il
est lron.}Ȏ au profit d'Aristide Saccard, surprend les amants
irrà'.e à la trahison d'une femme de chambre, et c'est, entre
Saocnrd et lui. une querelle de charretiers ivres, des mots abo-
minabl'S qu'ils se liuceut comme des crachais, avec un besoin
croissait *\c l'ordure [233]. Devenu ministre, D Icambre fera
lour.JeiiKMit S'^iilir sa rancune à Saccard, surpris en marg»*
du i^oti", datis la débâcle de la Banque Universelle [377].
{L\\rtj:til.)
Delestang. — Fils d'un marchand de Tin de Bercy qui lui
a lai>s- cii.q Uilllious. Ancien avoué, conseiller d'État, propri»'-
■
112 LES PERSONNAGES
taire d'une ferme modèle près de Saiiite-Menehould. Habite
rue du Colisée un hôtel fort élégant [3â]. Il a une tète magni-
fique, très chauve. Sa face rosée, un peu carrée, sans un poil
de barbe, rappelle ces faces correctes et pensives que les
peintres d'imagination aiment à prêter aux grands hommes
politiques [30]. Au point de vue àe fintelligence, Du Poizat
assure qu'il a trop fréquenté les bétes [165].
Eugène Rougon, qui a sauvé l'avenir politique de cet irobé-
cile à l'heure du coup d'Etat, lui fait épouser Clorinde Ralbi. De-
lestang devient un mari passionné, plein de confiance et de
fatuité [17-i]; il se laisse guider dans ses moindres actions par
sa femme, obtient grâce à elle le portefeuille de l'agriculture
et du commerce et finit par remplacer Rougon au ministère de
l'intérieur, symbolisant ainsi Tapothcose de la médiocrité [43^].
{Son Excellence Eugène Rongo)i.)
Delestang (Madame). — Voir Clorinde.
Delestang (Henriette). — Sœur du ministre Delestang.
Mariée à M. de Combelot, chambellan de Napoléon 111. Elle a
une grande passion pour l'empereur et s'ofi're inutilement.
Clorinde prétend qu'elle est trop maigre [186]. {Son Excellence
Eugène Bougon»)
Deleuze aîné. — A fondé avec son frère, en 1822, le Ron-
heur des Dames, magasin de nouveautés, situé carrefour Cail-
lou, au coin de la rue Neuve-Saint-Augustin et de la rue de la
Michodière. Les Deleuze sont apparentés à plusieurs commer-
çants du quartier [21]. A la mort de Deleuze aine, sa fille
unique, Caroline, devenue madame Hêdouin, hérite de lui et
devient copropriétaire du magasin. {Pot-Bouille,)
Les débuts du Ronheur des Dames ont été modestes. En
1822, In boutique avait seulement une vitrine sur la rue Neuve-
Saint-Augustin, un vrai placard, où deux pièces d'indienne
s*êtounaieiit avec trois pièces de calicot; ou ne pouvait se
retourner tant c'était petit. A cette époque, le Vieil Elbeuf,
fondé par le drapier Aristide Finet, était la maison la plus
forte, la plus richement achalandée du quartier [30]. (A w fion-
heur des Dames.)
Deleuze (Oncle). — L'un des fondateurs du Donheur des
Dames. Apres la mort de Deleuze aine, il continue le commerce
avec sa nièce Caroline, mariée à Charles Hêdouin. Mais bien-
tùl, cloué dans un fauteuil par ses rhumatismes, il ne s^occupe
DES nOL'GON-MACQUAHT 113
plus de rien et laisse iiux liédouin la direclion de l'affaire [17].
(Pot-Bouille,)
Madame Hcdouin, devenue veuve, a épousé Octave Mouret.
Trois mois apn>s, Tonde meurt sans enfant, laissant toute sa
part à Caroline [:25]. (Au Bonheur des Dames.)
Deleuze (Caroline) (1). — Fille de Deleuzeatné. Mariée au
commis Charles Hédouin. Dirige ' e Bonheur des Dames, créé
par son père et son oncle. Grande, brune, admirablement belle
avec son visage régulier et ses bandeaux unis, gravement sou-
riante, madame liédouin semble Tâme vive et équilibrée de la
maison. Cette femme superbe, à la santé vaillante, à la beauté
calme, est une ancienne amie de pension de Clolilde Vabre;
elle fréquente les Duveyrier et regarde finconduile de Valé-
rie, leur belle-sœur, avec Télonnement d*une femme dont l'hon-
neur est la santé même [191]. Octave Mouret, entré au Bonheur
des Dames par Tentremise Ùk Campardon, a tenté en vain une
séduction vulgaire. Madame Hédouin Ta repousse simplement,
sans indi^^Miation, ne lui opposant que de tranquilles arguments
de femme pratique, décidée à ne pas compliquer sottement sa
vie. Mais, indifférente aux séductions du beau vendeur, elle a
peu il peu conçu pour lui une véritable estime ; gagnée à ses
idées larges, à ses rêves de grands comptoirs modernes, elle a
retrouvé en Octave sa propre volonté, le fond sérieux et pra-
tique de sou caractère, avec une flamme, une audace qui lui
manquent à elle, la fantaisie dans le commerce, la seule fan-
taisie qni Tait jamais troublée [^36]. Devenue veuve, elle lui
offre paisiblement sa main, dans une paix souriante, sans la
moindre allusion à une tendresse possible, disant seulement
que les choses raisonnables arrivent toutes seules et ne voyant
en Mouret qu*un collaborateur nécessaire. (Pot- Bouille.)
Son second mari Ta décidée à agrandir le magasin; elle a
acheté l'immeuble de gauche, puis celui de droite. Un matin, en
visitant ies travaux, elle tombe dans un trou et meurt trois
jours aprôs. Les petits boutiquiers voisins, jaloux de Mouret,
disent qu'il y a du sang de madame Hédouin sous les pierres
de la maison [-21]. Mais ces malveillants propos n'empêchent
pas Octave de conserver à la morte un souvenir attendri; il se
(1) Madime Hèdûuin, mariée en 18G5 a Octave Mouret. {Arbre
généalogique des Rougon-Macquart.)
10
lU LES PEnSONNAGES
montre reconnaissant à sa mémoire de la fortune dont elle Ta
comblé en répousant. Désormais, un grand portrait de Caro-
line sera le seul ornement du cabinet directorial et présidera,
de son air souriant et bon. aux prodigieux déwloppements de la
maison fondée par les Deieuze [37]. {Au Bonheur des Daines.)
Delhomme. — Mari de Fanny. Gendre du père Fouan.
Ileau-frère de Jésus-Christ et de Bateau. A trente-neuf ans, il
est rose et placide, il a une large face de terre cuite rasée soi-
gneusement, trouée de deux gros yeux bleu faïence, d'une
lixité de bœuf au repos. Se laisse conduire en tontes choses par
sa femme, est d'esprit borné, mais si calme, si droit, que sou-
vent, à Uognes, on le prend pour arbitre. Avec ses vingt hec-
tares de biens, ses dix arpents de vignes, il est le plus riche
du pnys. D'abord conseiller muiiicipnl.il finit par devenir maire.
En politique, il a une seule idée, celle que le gouvernement
soit solide fiour faire aller les affaires; aQn de ne pas se trom-
per, le mieux a î^on avis est d'envoyer à Tempereur le député
quMl deiiiand»? [3G9]. Delhomme voit d'un bon œil son fils Né-,
nesse devenir tenancier d'une maison publique, métier qui rap- .
porte gros. {La Terre.)
Delhomme (Madame), née Fanny Fouan. -— Elle a été
épou>ée par un amoureux honnête et riche, sans même être
♦?nccinte [15], chose peu commune à Rognes. Fanny est très
brune, elle a des mains sèches de travailleuse, des yeux vifs,
une figure agréable gâtée par un grand nez. Chez elle, l'intelli-
gence du père s'est tournée en orgueil. C'est une gaillarde
active, qui gouverne sa maison et son mari. Elle s'est créé un
intérieur net et froid, d'une propreté méticuleuse, où le car-
reau est usé à force de lavages. Fanny est d'une susceptibilité
outrée, elle a une vanité mélianle de paysanne honnête qui se
blesse et boude an moindre mot mal compris. Elle a recueilli
son père, le vieux Fouan, mais ne tolère aucun de ses défauts
et dit que quatre vaches seraient plus faciles à conduire ['2113].
Elle en arrivai à une vériiable persécution, des paroles cruelles
sont échangées, Fouan s'en va, Fanny jure de ne plus lui adres-
ser la parole et, lorsqu'il meurt, elle ne désarme pas; la bles-
sure de son amour-propre saigne toujours, au point qu'elle
demeure l'œil sec devant le cadavre. Siiurdemenl envieuse et
de nature peu sociable, elle s'est fâchée avec tout le pays.
Lorsque son mari devient maire, elle est gondce d'un tel
orgueil qu'elle en claque dajis sa peau [ÔOX]. {La Terre.)
I>K> IlOlGON-MACQlAnr 115
Delhomxne (Ernest), dit Nénesse. — Fils des Delhomme.
A onze an-, blond, mince et fainéant, il a toujours un miroir au
fon.l de sa poche [50]. Jeune homme, tourmenté d*un besoin
d^éiég'nnce citadine, fier de savoir jouer du piston, il se met
romme un garçon de la ville, il se dandine d*un air louche de
lille, avec son rou long, sa nuque rasée, ses yeux bleus, sa
face molle et jolie. Nénesse a toujours eu Thurreur de la terre,
il part pour Cliarires où il va servir chez un restaurateur qui
tient un bil public [â93]. Ses parents l'ayant assuré contre la
conscription, il ne sera pas soldat; il tire d'ailleurs un bon
nun)éru, le ^21 i, ce qui donne à sa mère le profond regret des
niilic fraiics versés à l'assurance. A vingt cl un ans, c'est déjà
un petit bourgeois Habillé par un tailleur de la ville, il vient
lairele faraud à Rognes et plaisante les complets de Lambour-
dicu, dont il était lier autrefois. Plein de la volonté de parvenir,
il a iniiigi.ié de reprendre l'ancienne maison de tolérance de sa
grand'laiilc liadeuil, ce qui, dil-il, vaut mi<*ux que de culliver
la terre et pcniiet d'être un monsieur tout de suite [-461]. Il
s'entend r;v« c les <!barles, épousera leur petite-fille, Élodie Vau-
cogne, et tiendra le 19 avec elle [488]. (La Terre.)
Deloche père. — Petit huissier nécessiteux, établi à
Drijucbec. L)\ine jalousie maladive, il rossait son (ils en le
uailant ù-i bàlani, exaspéré de sa longue ligure pâle et de
ses cbevt iix de chanvre, qui, disait-il, n'étaient pas de la
famille [ITOJ. {An Bonheur des Dames.)
Deloche (^^IIenri). — N'a jamais eu de chance; chez lui, on
le battaii; à l'aris, il a toujours été un souffre-douleur. C'est
un grand g:irçon blême et dégingandé. Apres avoir débuté
chez Crêvecœur, marchand de dentelles, il a été accepté comme
vendeur au Uoijlieur des Dames, le jour même où Denise Daudu
y entrait Lu lien s'est créé entre eux par la fraternité de leur
situation, p r leur naissance en un même coin de Normandie,
et la sy!i;;i:illiic d'Henri Deloche s'est vite transformée en un
amour s ei cieux et résigné, auquel Denise n'a pu répondre
(\U'i p.ir r.ie amitié loyale. Les meilleures intentions du jeune
lio:inne !♦• tr.ilii^senl : en défendant Denise contre les abomi-
naiions ù- Favi^T, il crée une légende contre elle; par ses
coiiversalioiis niélancoliiiues dans les coins, il achève de la
coinpronjeltre.El le ridicule le poursuit partout; au réfectoire,
on se ni'.que de son appétit excessif; au rayon, il reste un
v^f:]f]eu^ iéprécié, éternellement vaincu dans la lutte. Une
116 LES PEUSO.NNAGES
cliente, madame de Boves, soustrait des dentelles, et c'est à
lui qu'elle s*esl adressée, devinant sa timidité et son manque
de flair. Malgré Denise qui voudrait le sauver, il accepte le
renvoi, s'obstinant dans sa malchance, tenant à disparaître
devant le bonheur de celle qu'il aime toujours, ne voulant pas
gêner les gens heureux [519]. (Au Bonheur des Dames.)
Delorme. — Parent des Quenu. A l'instigation de madame
Chanteau, est désigné comme membre du conseil de famille de
Pauline Quenu [^6]. Il consent à rémancipation [47]. {La Joie
de vivre,)
Deneulin. — Cousin des Grégoire. Comme eux, il a eu en
héritage un denier des mines de Monisou; mais, tandis que
les Grégoire grignotaient tranquillement leurs rentes, lui,
ingénieur audacieux, tourmenté du besoin d'une royale for-
tune, s'est hâté de vendre lorsque la valeur du denier a atteint
le million. Sa femme tenait d'un oncle la petite concession des
mines de Vandame, avec deux fosses, Jean-Bart et Gaston-
Marie. 11 entreprend' l'exploitation de cette aflaire qui doit
donner de l'or, mais qui commence par engloutir le million,
et, à l'heure où de gros bénéfices devraient se produire, il est
sans ressources, devant une crise industrielle qui menace de
tout emporter.
Bien qu*il ait dépassé la cinquantaine, ses cheveux coupés
ras et ses grosses moustaches sont d'un noir d'encre: il a le
verbe hnut, le geste vif, avec une allure d'ancien officier de
cavalerie. Mauvais administrateur, d'une bonté brusque avec
ses ouvriers, il se laisse piller depuis la mort de sa femme,
lâchant aussi la bride à ses filles. Une vieille haine existe
entre la concession de Monisou et celle de Vandame; malgré
la faible importance de cette dernière, sa puissante voisine
enrage de voir, enclavée dans ses soixante-sept communes,
celte lieue carrée qui ne lui appartient pas: après avoir essayé
vainement de la tuer, elle complote de l'acheter à bas prix,
lorsqu'elle râlera. Mais Deneuhn déclare que, lui vivant,
Monisou n'aura pas Vandame; il déteste les gros bonnels de la
compagnie, ces marquis et ces ducs, ces généraux et ces
ministres, des brigands qui vous enlèveraient jusqu'à votre
chemise, à la corne d'un bois [90]. Lui ne trône pas au loin,
dans un tabernacle ignoré; il n'est pas de ces actionnaires
qui payent un gérant pour tondre le mineur, et que celui-ci
DES nOUGON-MACQUAUT 117
n*a jamais vus; il est ud patron, il risque autre chose que son
argent, il risque son intelligence, sa santé, sa vie [336].
Mais quand la grève éclate, il a beau tenir tête aux révoltés
[109], combaiire Fémeute en autoritaire courageux, c'est lui qui
paye les frais de la guerre. Acculé à la ruine, égorgé par les
régisseurs de Montsou, il subit la puissance invincible des
gros capitaux, si forts dans la bataille qu'ils s'engraissent de
la défaite en mangeant les cadavres des petits, tombés à leur
côté [4Î29]. C*est à peine s*il tire de la cession de Vandame
Targent nécessaire pour payer ses créanciers et il s'estime
heureux d'être gardé, sous les ordres d*Hennebean, à litre d'in-
génieur divisionnaire, se résignant ainsi à surveiller, en simple
salarié, ces deux fosses où il a englouti sa fortune. C'est le glas
j at'S petites entreprises personnelles, la disparition prochaine
<*.es patrons, mangés un à .un par l'ogre sans cesse affamé du
capital, noyés dans le flot montant des grandes compagnies [505].
Germinal.)
Deneulin (Jeanne). — La seconde fille de Deneulin. Dix-
j neuf ans à peine, petite, cheveux dorés, d'une grâce cares-
j santé [330]. Ayant perdu leur mère très jeunes, les deux
1 ^œurs se sont élevées toutes seules, assez mai, gâtées par leur
père. .^•:fanne esl folle de peinture, d'une hardiesse île goût
'ui la sin^rularise ; elle s'est déjà fait refuser trois paysages au
Salon. Avec sa sœur, elle reste rieuse dans la débâcle; la
misère menaçante révèle chez ces jeunes filles de très fines
.ménagères [f<'S]. iGenninaL)
Deneulin (Lucie). — La fille aînée de Deneulin. Vingt-
deux ans. grande, brune, l'air superbe [330]. Elle cultive sa
voix au piano, du matin au soir, et parle d'entrer au théâtre [88].
Les deux sœurs accueillent la ruine sans chagrin, en jolies
filles garçonnières, dédaigneuses de l'argent [505]. {Germinal)
Denizet. — Juge diiislruçlion à Rouen. C'est Iç fils d'un
gros éleveur de Normandie; il a fait son droit à Caen, est
entré a-sez lard dans la magistrature et n'a obtenu qu'un avan-
cemeni Jiflicile, grâce à son origine paysanne, aggravée par
une faillite paternelle. Substitut à Bernay, à Dieppe, au Havre,
il a n is dix ans pour devenir procureur impérial à Pont-
AuJen.^.r. Envoxé à Rouen comme substitut, il y est juge
d'instruction depuis dix-huit mois, à cinquante ans passés.
C'est nn liomine petit et assez fort, entièrement rasé, grison-
nant 'i'^jù; ios joues épaisses, le menton carré, le nez large,
J18 LKS PEIISONNAr.ES
onl une immoliilifc ljI«Mne,qu*nii^mentonl encore les panpicres
louril»*s, ivionibanl ù ilemi sur de ffros y«tux clairs; mais loulc
la sajracili'*, lonle Tailressc (|u*il croit avoir, sVsi réfugiée dans
la boutii»*, une de c<*s bouches d« romédien jonanl leurs senli-
Hients à la villf, d'une niobiiiié extrême* et qui s'amincit, dans
les minutes où il devient tnVs lin; la finesse b* perd le plus
souvent, il est trop pers|)icace, il ruse trop avec la vêrilc
simple et bonne, d'après un idéal de métier, s'étaut fait de sa
fonction un type d*anatonnsle moral, doué de si.'condc vue,
exlrônnmtMil spirituel [IU9].
Sans fortune, rnva*ré de besoins rpie ne peuvent contenter
ses maijrres appointements, il vit dans ct'tte dé|»endance de la
mafri>tralnre mal pavée, accefitée seulement des médiocres, et
où les intelligents se dévorent, en attendant de se vendre. Lui,
loin d'être un sol, est d'une intelligtince très vive, très déliée,
bonnête mém»?, nyant Tamour de son métier, grisé de sa loute-
puissanro, qui le fait, dans son cabinet de jupe, maître absolu
de la liberté des autres [100]. Son intérêt seul corrige sa pas-
sion et, comme il a un cuisant désir d'être décoré et de passer
à Paris, il ne se laisse emporter par l'amour d»* la vérité que
dans les atTaires où son avenir n'e^t pas en jeu. Chargé de
découvrir les assassins du président Grandmorin. il sait faire
aux nécessités gouvernementales le sacrifice de l'nlée de justice
et il classe l'aHaire, sur le désir exprimé par le njinistèrc, dans
la [)ersonne du secrétaire général llamy-Lamolte: sa complai-
sance sera réconqiensée par la croix au 15 août et une nomi-
nation de conseillera Paris, dés le premier jioste vacant [150].
Plus tard, après l'assassinat de Séverine Aubry, qui remet en
question l'aiïaire Grandmorin, on lui permet de dé|iloyer enfin
toutes ses liantes qualités de perspicacité et d'énergie; par un
clief-d'œuvre de Une logiqu»*, il parvient à prouver lumineuse-
ment la com[»li(tité de Cabucbe et de lloubaud, coniplicité qui,
d'ailleurs,- n'a janiais existé et dont la démonslnitiou entraine
une double erreur judiciaire [i05]. (La Bête hinmune.)
Dequersonnière. — Le professeur de Debuebe. \j\\ ancien
grand piix, anjonrd'bui arcbiiecte d<îs bàlitnenl.> civils, officier
de la Légion d'bonnenr, membre de rinstitnl. Son chef-d'œuvre
est Lé^^lise Saint-.Matbieu, (|ui tient du moule à pâté et de la
pendule Empire [51)]. L'atelier Lk*qucrsonniére est situé rue du
Four, au fond d un vieux logis lézuidé [GTj. (L'OLuvre.)
Desbazeilles. — La gloire littéraire de la Coiii- de Piouen,
I)KS ROrCON-MACQL'AUT 11»
où il est conseiller; on cite ses sonnets finement tournés. C*est
un ce! batair**, un bon ami de madame Uoniiehon, aux temps
anciens. Pendant des années, il a eu sa cliamlire au cli&teau de
Doinvillo; maintPiiaiit, bien qu'il ait dépassé la soixantaine, il
y vient dîner toujours, en vieux cumarude, auquel ses rhuma-
tismes ne penneitent plus que le souvenir [iU]. Lors du pro-
cès r«on)ia.id, c*eat lui qui préside la Cour d'assises [400]. {La
Bt'ie humaine.)
Desforges. — Un homme de Bourse. L'intimité de sa jeune
femniH avec le grand financier Hartmann a clé fort utile au mé-
nage, hesforgos meurt, laissant une fortune niée par les uns,
cxîigéréc par les autres [71]. {Au Bonite ur des Dames,)
Desforges (Madame Henriette). — Fille d'un conseiller
d'État. .\ elé mariée à un homme de Bourse, qui utilisait la
précieuse ainiiié du fîuancier Hartmann. Henrielte a été recon-
naissante au liaron, du vivant même de Desforges et, lt>rsqu*elle
est devenue v«>uve, la liaison a continué mais toujours discrè-
tement , sans une imprudence, sans un éclat. Jamais madame Des-
forges ne s'aftiche, on la reçoit partout dans la h;iute bourgeoi-
sie où elle e.-t n>'e. Mé ne lorsque la passion du banquier ne
lui sufiit plu>. et queie baron se borne paternellement à coin-
niandiicr ses amis, elle apporte dans ses coups de eœur une
mesure et un tact si délicats, une science du monde si adroite-
ment ai»|>ii<[uée, que les apparences restent sauves et que per-
sonne ne se permettrait de mettre tout haut son honnêteté en
doute.
C'est une brune un peu forte, avec de grands yeux jaloux, très
élégant'. Elle linhile rue de IWvoIi, au coin de la rue d'.Alger,
et reçoit beaucoup. Goûtant un plaisir de veuve à marier les
gens, il liii arrive, après avoir pourvu les filles, de laisser les
pères choisir des amies dans sa société, cela uaLurellement, en
toute Iii)ii.ie ù-'à;3. san< que le monde y trouve jamais matière
à scau<la!e [.>'2j. C'est dans son salon qu'est née la liaison de ma-
dame (juib.il avec le comte de Boves. Madame Desforj^es est la
maîtresse d Octave Mouret; elle s'est donnée à lui, comme em-
portée dans \*: brus(|ue amour dont il lattaquail ; elle l'adore avec
la violence d'une fennne de trente-cinq ans déjà, qui n'en avoue
que vin;:t-nenf, désespérée de le sentir plus jeune, tremblant
iUi le nerlrt'. Une indiscrétion de Bouihemonl la renil jalouse
(le bcni?e liiuJu, elle s'aveugle au point de vouloir ramener
Ôilavc t;i liumilianl la jeune fille, mais, prise à son propre
120 LtS PERSONNAGES
piège, il ne lui reste, pour tirer vengeance, qu'à faire comman-
diter Bouthemonl par Hartmann, comme Hartmann avait déjà
commandité Mouret [393]. {Au Bonheur des Dames.)
Désir (Veuve). — Tient le bal du fion-Joyeux. C*est une
forte mère de cinquante ans, d*une rotondité de tonneau, mais
d'une telle verdeur, qu'elle a encore six amoureux, un pour
chaque jour de la semaine, dit-elle, et les six à la fois le
dimanche. Elle appelle tous les charbonniers ses enfants,
attendrie à l'idée du fleuve de bière qu'elle leur verse depuis
trente années; elle se vante aussi que pas une hercheuse ne
devient grosse, sans s'être à l'avance dégourdi les jambes chez
elle [17i]. Pour elle, toutes les autorités, tous les patrons, ce
sont des gendarmes, un terme de mépris général, où elle enve-
loppe les ennemis du peuple [265]. La veuve Désir prête sa
salle de bal à des mineurs en grève et, à l'arrivée du com-
missaire, elle les aide à s'esquiver [281]. (Germinal.)
Deslignières. — - Bimbelotier de la rue Saint-Roch. Un
gros homme sanguin, menacé par Tapoplexie. Il ne dérage pas
depuis que le Bonheur des Dames lui fait une victorieuse con-
currence et affiche les porte-monnaie à trente pour cent de
rabais [261]. (Au Bonheur des Dames.)
Desmarquay. — Agent de change, rue Saint-Lazare [391].
Trublol est employé chez lui. (Pot-Bouille.)
Desroches. — Notaire au Chéne-Populeux. Sa petite mai-
son blanche, d'aspect bourgeois et calme, à deux étages, fait
l'angle de la rue de Vouziers et de la place. Elle a été réquisi-
tionnée pour Tempercur, le 27 août 1870, pendant la marche
de rarmée deMac-Mahon. Napoléon 111 habile au premier une
chambre à peine éclairée. Ce qui flambe dans la maison, c'est
la cuisine, au rez-de-chaussée, une vraie fournaise où rôtit et
bout le diner d'un empereur; il y a trois cuisiniers, en vestes
blanches éblouissantes, s'agitant devant des poulets enfilés dans
une immense broche, remuant des sauces au bout d*énormes
casseroles dont le cuivre reluit comme de l'or [llô]. Là-haut
Tempcreur, silencieux et las devant son couvert, porte à peine
deux bouchées à ses lèvres et repousse tout le reste de la main,
regardant la nappe de ses yeux vacillants, troubles et pleins
d'eau; tandis qu'au*dessous, dans le braisillement des bougies
et la fumée des plats, on voit une tablée d'écuyers, d'aides de
camp, de chambellans en train de vider les bouteilles des four-
DES ItOl'CO^-MACUUAnT
lions, d'cDçloutir les volailles et île lorcher les sauces, ;
milieu Je grands éclaU de voix; la certitude erronée de I
retraite eccliante tout ce monde, qui compte bien roucher à1
Paris, dans des lits propres, avant huit jours [118]. liais c'csl
pendant ctlle nuit que la marche vers la Ueuse, abandonnée
dans un instant de lucidité, sera reprise pour le salut du régiiiiL'
impérial; c'est la nuit du crime, la nuit aliominable d'un assas-
sinai de naiion, car l'armée dès lors se trouvera en détresse,
cent mille hommes seront envoyés au massacre [120]. {La
Débâcle.)
Desroches (Mad.'1>ie). — Mère du notaire, ta très vieille
et 1res boiiHc madame Desroches, dont la maison touchait celio
lies Levas:cur, a beaucoup gâté Maurice lorsqu'il était enranl
, 1 13]. Elle a ioivanie-dix ans passée au moment de la guerre.
Forcée d'a'.'cr coucher sous les toits, dans un litde bonne, pour
.issurer ui< logis convenable aux gens de .Napoléon 111, t'.\<:
aurait donné bien volontiers sa maison à l'empereur, mais il n
avec lui des iiersonnages trop mal élevés, prenant tout,
manquant '.out brûler à force de taire du Teu. Elle trous e au
jiauvre souverain la mine d'un déterré [117]. {La Débâcle.)
Sesrumaux (B.\noN). — Un des chercheurs qui, au
■vni' siècl'?, ont développé l'industrie de la houille dans le noi-ii
de [a France. D'une intelligence héroïque, il s'est débattu sans
fail/ir, au milieu de continuels obstacles : premières rechfr-
lies infructueuses, fosses nouvelles abandonnées au bout de
longs nioi^ de travail, ëboulements qui comblaient les trous,
'nondatioiti subites qui noyaient les ouvriers, centaines lie
mille francs jetées dans la terre ; puis, les tracas de l'adminis-
tration, le^ paniques des actionnaires, la lutte avec les seigneurs
terriens, résolus à ne pas reconnaître les concessions royales.
si l'on refasaii dit traiter d'abord avec eux. Il a fondé la société
Desniurau\. Tauquenoix et C*, pour exploiter la concession lie
Montsou; 'icu\ concessions voisines, celles de Cougny et île
Joiiclle, o.'il été réunies à cette dernière le S5 août 1760 ei
dès lors, la Compagnie des mines de Montsou s'est trouvée
créée, tell':' qu'elle existe encore aujourd'hui. Le capital a é^é
divisé en diux cent quatre-vingt-huit deniers de dix mille francs
chacun. |i,.ns le jiurlage, le baron Desrumaux a eu soixanto-
•]uinie de;:iers cl en a fait prundre un par son régisseur. Honoré
Grégoire [^a].(C.m<.J .7/.)
Desvignes iXotit). — Mariée à Bouchard, chef de bureau
I2i LES i»EnSONNACES
au ministère de l'intérieur, qui Ta épousée pnrce qu'il tenait à
riionnètcté. G*est une demoiselle très bien élevée, d*une hono-
rable famille de Ilambouillet. Dlomle, petite, adorable, avec la
naïveté un peu fude de ses yeux bleus, elle en est à son troi-
sième amant, au bout de quntrc ans de mariage [51]. Elle
soigne ravanccm^nl de son mari, en compngrnie de Jules d*Esco-
railles, secrétaire du ministre llougon [169]. Très complaisante^
elle paie de sa personne dans les manœuvres de madame Cor-
reur ['l'IS] et, quand elle a un qunlriènie amant, Georges
Ducbcsne, commis principal dans la division de son mari, elle
nMiésilc pas à demander pour lui une place de sous-chef à
iîougon, s'ofTrant gentiment à celui-ci, s'abaiidonnant avec
tranquilliié [:282]. {Son Excellence Eugène Rougon.)
Dide (Tante). — Voir Fououe (Adélaïde).
Dieudonné (Madame). — Femme du méger de la Ségui-
ranne. Elle a recueilli sa nièce Sophie, sauvée de la phtisie par
Pascal [ôîî]. {^Lc Docteur Pascal.)
Domergue. — Ancien conducteur des ponts et chaussées,
à IMassans. l'ère de madame Campardon [il]. {Pot-Bouille,)
Domergue (Madame). — Femme de homeigne. Vit retirée
ù l*la<sans avec son mari. Elle a recommandé OclaveMouretàsa
lille Kose [13]. (Pot -Bouille:)
Domergue (IIose). — A vingt ans, elle était maigre et laide,
chétive comme une fille qui souiïrc de la crise de sa puberté.
Mariéeavec trente mille francs de dot à l'architecte Campardon,
elie a élé mère dès la première année, ses couches lui ont laissé
une maladie incurable et elle a, dès lors, vécu dans une chas-
teté forcée. Lorsque sa fille Angèle a treize ans, Itose est
devenue dodue, elle a un teint clair et reposé de nonne, avec
des yeux tendres, des fossettes, un air de chatte gourmande [10].
C'est un épanouissement tardif de blonde indolente, dans une
é^uïste contemplation de soi-même. Elle consacre chaque jour
de longues heures à sa toiletle et, vêtue de soie, noyant sous
des deiileiles la délicatesse de son cou blanc, elle vil dans un
lux'-' ei une beauté d'idole sans sexe ['l'IO]. Elle a une bonne
odtMir fraiche de fruit d'automne. Maternelle avec son mari ()ui
la berce de doux noms, satisfaite de sa part de caresses, elle a
accepté les amours de Campardon et de Gasparine, puis elle
exige (jue celle-ci vienne s'inslalb r auprès d'elle et, dès- lors,
le ménage à trois prospère dèceiiimcnl, dans une paix bour-
geoise. (Pot-Bouillc.)
DES nOUGON-MACïjaUT 123
Drouard (Madame). — Vieille actrice des Variétés. Joue le
roie de Jution dans lu Blonde Vénus [iC7]. {Nana.)
Dubreuil. — Cousin des Lcvasscur. .\ été sous-directeur de
la Uaflinerit; ;jénérale, au Chêne-Populeux, à TépoqueoùWeiss
y était ein|tioyé; puis, en 1868, à la suite d'un héritage fait
par sa fen-.m»', il s'est retiré dans une belle propriéié, rErmilage,
dont les ter^as^Ci s'étendent près de Sedan, vers le Fond de
(jivonne. La veilit'. de la bataille, dans la certitude du désastre,
Dubreuil s*est rési{?né à emmener sa femme et ses enfants à
[Joui Mua [.GO]. I/Ermilage est complùtemcnt saccagé pendant
la lutte [ilDj. (La Débâcle.)
Dubruel. — Charcutier à Plassans, enrôlé dans les troupes
He l'orlre pour délivrer la mairie. Plein d'une émotion pol-
tronne ei dans ^a hAte aveugle d'en Hnir, il décharge son arme
en l'air [-S'J]. Trois jours après, victime de ses propres amis, il
' est tué dins ic guet-apens organisé par Pierre Hougon contre
le? républicains [oôlj. {La Fortune des Rougon.)
j
j Dubuche (Alice). — Fille de Louis Dubuchc et de Régine
t Margaillan. Est venue avant terme, si mal linic qu'elle ne mar-
: cbe pr;? ♦ ncore à six ans. Pour développer ses muscles, on la
met au trapi'ze, se> frêles mains de cire prennent la barre, elle
ne dit rien, mais dans la terreur de cet exercice, elle a de
grands }. ux pâles et sa légèreté pitoyable est telle que les cor-
des nv Se lt'nd'*nt même pas [425], {V Œuvre.)
Dubuche ('Jastox). — Le premier enfant de Louis Dubuche
et de rié;:iiic M.ngaillan. Un pauvre être malinîrre qui, à Tàge
de dix an^ a les membres mous de la petite enfance; on exerce
ses m'ambres grêles au trapèze, mais il ne peut se hausser sur
les poignets, ei le moindre elforl suffit pour le mettre en sueur
[4-21]. il Œuvre.)
Dubuche (Louis i. — Fils aîné d'une boulangère de Plassans.
Camar.i.le «i'enîaiice de Claude Lautier et de Pierre Sandoz.
Était y-ensionnaire au collège; il avait dès celle époque les jam-
bes loLir.j s, la eliair endormie du bon élève piocheur. Sa mère,
très à]irt', h os ambitieuse, l'a envoyé à Paris, où il suit les
cours dti TE o!c comme élève architecte. C'est un gros gîirçon
brun, au vi>ii;^e correct et bouffi, les cheveux ras, la moustache
déjà furl'\ Il hifbiie rue Jacob, au sixième étage d'une grande
maison froide et vit chichement des dernières pièces de cent
sous que ses parents ont placées sur lui avec une obalinaiion de
121 LKS PERSONNAGES
juifs (|ui escomptent ravenir à trois cents pour cent. Malgré
quinze mois d\ipprentissage chez Dequersonnière, malgré son
effort de gros travailleur, il a failli être retoqué à TËcole ; l'i-
magination lui manque, il n'est ferré que sur la partie scienti-
fique.
La pondération de sa nature, son respect pour les formules
établies sont bousculés par la peinture déréglée de Claude",
mais comme ses amis le plaisantent et le traitent de sale bour-
geois, il bat eu retraite et affecte une allure très révolution-
naire. Lorsque Claude le pousse vers une nouvelle formule ar-
chitecturale, TédiFice où la démocratie sera chez elle, loin des
bijoux d'art de la Renaissance, quelque chose d*immense et de
fort, disant la grandeur de nos conquêtes, il ne demande que le
temps d'arriver et il promet de réaliser des merveilles quand
il sera libre. En attendant, la nécessité de vivre Ta poussé vers
de basses besognes, en dehors de ses travaux d'Ëcole; il gagne
vingt-cinq sous de l'heure à remettre les maisons debout, chez
un architecte incapable de se tirer d'un décalque, et qui travaille
pour le grand entrepreneur Margaillan. Dès lors, sa continuelle
{ircoccupation d'une fortune prompte l'attire auprès de ce
dernier; il renonce au prix de Rome, dans la certitude d*ètre
battu, expose un projet de pavillon, fortement retouché par
Dequersonnière, décroche une médaille, grâce à la carrure tran-
quille de son patron qui préside le jury, et comme cette récom-
pense emballe le père Margaillan, vieux parvenu illettré qui
rôve un gendre à diplômes, Dubucbe devient le mari de la pâle
Régine, réalisant ainsi son ambition de grosse richesse [1^15].
Dès ce jour, il ne vient aux jeudis de Sandoz qu avec la peur
de compromettre sa fortune nouvelle, évitant de parler de sa
femme pour ne pas avoir à l'amener, expliquant Isntement les
tracas de son installation, le travail qui l'accable, depuis qu'il
s'occupe des constructions de son beau-père, toute une rue à
bâtir, près du parc Monceau [200]. Mais ce bonheur dure peu.
Après une invention déplorable, un four à briques où deux
cent mille francs ont été engloutis, Dubucbe est revenu aux cons-
tructions, il a prétendu appliquer les anciennes théories qu'il
tenait de ses camarades, tout un ensemble qui doit renouveler
Tari de bâtir, mais mal digéré, appliqué hors de propos, sans
flamme créatrice. C'est une suite de catastrophes qui mettent
Margaillan hors de lui, un désastre lamentable où la science du
gendre est battue par l'ignorance du beau-père, où l'École
fait banqueroute devant un maçon. Les millions ne peuvent
DES ItOUGON-MACQUAUT 125
pêrjcliter plus longlemps, Duhucbe est reJégaé à la Hichau-
Jière, ainsi qu'un invalide de la vie.
Épaissi par Targent, gâté, désorienté, il en est réduit à vivre
dans ramcriume des reproches insultants de son beau-père;
roffice et Tanticliambre le traitent en mendiant ; il est
partagé entre It^s potions de sa femme malade et les soins à
donner à ses deux enfants, fœtus venus avant terme, con-
damnés à la scrofule et à la phtisie, et que l'on élève sous de
Touate [313]. Son unique satisfaction est d'avoir rendu à ses,
parents ce qu'ils ont avancé pour l'instruire; il a fait mettre
pour eux une rente au contrat. Peu d'années ont suffi à le
vieillir: son visage bouffi s'est ridé, d'un jaune veiné de rouge,
comme si la bile éclaboussait la peau, tandis que les cheveux
et les moustaches grisonnent déjà ; le corps s'est tassé, une
lassitude amère appesantit chaque geste. C'est la défaite de
l'argent, aussi lourde que celles de l'art [^25]. (L'Œuvre.)
Dubuche (Madame Louis). — Voir Margaillan (Régine.)
Ducat. — Franc-tireur des bois de Dieulet. Petit et gros,
blême, les cheveux rares. C'est un ancien huissier de Blain-
ville, forcé de vendre sa charge après des aventures malpropres
avec des petites filles; il vient encore de risquer la Cour d'as-
sises, pour les mêmes ordures, à llaucourt, où il était comptable,
dans une fabrique. Ducat émaille son discours de citations latines.
Compagnon de Cabasse et du sergent Guillaume Sambuc, c'est
lui qui. par dérision, joue le rôle du défenseur de Goliath
Steinberg, dans le simulacre de conseil de guerre qui précède
la saignée de l'espion [536]. {La Débâcle,)
Duchesne (Georges). — Commis principal au ministère de
l'intérieur. H est le quatrième amant de madame Bouchard,
femme de son chef de division. Grâce à elle, il deviendra très
vile sous-chef [i31]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Ducloux (La). — Une vieille femme des environs de la
Croix- de-Maiifras, ancienne servante d'auberge, qui vit de gains
louches, ninass/'s autrefois [352]. Misard a été autorisé à la
prendre avec lui après la mort de Flore, pour garder la barrière,
et comme il est devenu veuf, la Ducloux, travaillée du désir de
se faire épouser, est aux petits soins, inquiète de ce que
jamais pins il ne ferme l'œil [35."»]. S'étanl vite aperçue, à le
voir fouiller ilans les coins, qu'il doit chercher un magot, elle
a le génie de se faire épouser par lui, en donnant à entendre
11.
L_
126 LES PERSONNAGES
<(u*e1Ie connaît la cachette. Devenue la seconde madame Misard,
renseignée sur la passionnante recherclie, elle s*aPume â la
contagion etfouiiie désormais |)artoutavecson homme, désormais,
aussi enragée que lui [408]. {La Bêle humaine,)
Duxnonteil. — Un riche fabricant de soieries de Lyon. A
les reins assez solides pour accepter les exigences des grands
magasins, se contentant d'alimenter avec eux ses métiers, quitte
à chercher en<uite dos bénctices en vendant aux maisons moins
importantes [230]. G*est lui qui fournit au Doiiheur des Dames,
une faille à lisière bleu et argent, le fameux Paris-Doiiheur, qui
révolutionne la place de Paris [i5].(Ai( Bonheur des Dames.)
Du Poizat père. — Ancien huissier à Coulonges, petite
ville de l'arrondissement de Niort. C'est un vieillard blême,
extrêmement avare, qui refuseront argent à son fils et a même
braqué un pistolet sur lui, un jour où Léopold s*éiait hasardé
à lui demander dix mille francs pour monter une affaire superbe
[180]. 11 vit comme un loup, au fond d'une vieille maison
en ruine, avec des fusils chargés dans son vestibule. Son fils,
devenu préfet de TEmpire et voulant Tébiouir par ses belles
broderies, cherche à forcer sa porte; il en résulte un drame
mystérieux et sans témoin, à la suite duquel on trouve le vieil
usurier étendu au pied de son escalier, la tête fendue [i06].
{Son Excellence Eugène Rougon.)
Du Poizat (Léopold). — Petit homme mince, la mine cha-
fouine, avec lies dents très blanches mal rangées [32]. Appar-
tient à la bande du ministre Rougon, qu'il a connu autrefois à
rhôtei Vaiieau, chez mtidnme Correur, sa compatriote. Du
Poizat faisait alors son droit à Paris, où son père lui servait une
maigre pension de cent francs ])ar mois [33]. Ce garçon rageur
et cynique a été utilisé aux premiers temps de lu propagande
bonapartiste; il a emporté de haute lutte Télection de Kougon
à Niort et, après le coup d'État, a reçu sa récompense en de-
venant sous-prefet de Dressuirc, presque chez lui, à quelques
lieues de son père dont l'avarice l'a toujours fait souHrir [34].
Quand Pioupfon tombe en disgrâce, Du Poizat est forcé de donner
sa démission et il recomineiice à crever de faim comme en I848
[J8U]. Ecœuré de sa mésaventure, il agile ses [»oings chétifs
d'enfant nialaile, traite les gens des Tuileries de cochons [41]
et lravaill»f la presse, le monde, la Bourse, pour ramener Rou-
gon au pouvoir. 11 est le plus acharné de la bailli^. Au jour du
succès. Du Poizat devient préfet des Deux-Sèvres, il rêve plus
DtS l!OUC.u.N-MAC(}Uiliî t;;
quejaniiiis de venger son enfance [30i). mais, loujours rKgeiit
el louj >uri eyiiji|ue, il pousse trop loin l'arbitmire, lurrons.-itil
Niorl, iin|iosniit les ba>ses tyrunnies dï Gilijuin, arréLaut les
gens à lort et à traveri, allunl juaqn'i provoquer la mort du
|ière Du l'utzal dans des condilions inexpliifuées [406]. Quand
SCS lourdes fuuiei oui précîpîlé la nourdie cliule de son pro-
lecteur, il s'empresse Uunirer dans le jeu Je Cloi inde ei oIj-
liciil d'élre seulement déplacÉ [13i]. (£911 Excellence Eugène
ROHgon.)
Durieu. — L'n brasseur millîonnfttre. Il a élé sCvluit par le
cbarnie du Cnroliiie iUnielineira épousée, .liais Duricu, alcoo-
lique iliiiigcreui:. poursuit sa femme aveu un couteau, dans des
l'riies de j.iiousie furieuse. Aussi une sèpnrKiron interriRiil-elle
UurieuiNCurt fou dans une maison désunie [Gt]. {L'Argent.)
Durieu (Madame). — Voir Caroline (.Madajie).
Durieu (Le pére). — Commissionnaire à l'iassaus. Vieu
Provenç-il l;ieiturne [31]. {Le Docteur l'ofcal.)
Dutilleul. — Minuterie de Monisou, du cùtéd-laveineGuil-
aunie. I,a|,'r.'ve des mineurs arrête ses meules [WÔ]. {Germinil.}
DaveyriercALPHONSE), — Conseillera laCourd'appL'l. Issu
d'une vieille fninille bourpeoise, fîls dur président de cour, a
été aïtaL'tié au parquet dès sa sortie de l'eiiale. plus lard juge
suppléant à l'arls, décoré, conseiller avant quaran lu-cinq ans.
Pas plus fort qu'un autre, il a élé poussé par (oui le monde-
Iiuveyrier est gi-and el maigre. Il a la face rusée, un menton
poiniu et dus veux obliques; sa peau est marquée de larges
plaques rouges, indiquant un sang mauvais, tuiitu une Arrêté
brùUinl à 11-urde pe»u [lOt]. Marié à CloKlde Vabre avec qui
il hahilu dans la maison du beau-père, rue du Choiïcul, ses gros
appéiit> de inà'eont été déçus parle dégoill pbysiqne qu'il ins-
pire à siL f nimc. .^ussi a-l-il toujours quelque uiallressu, logée
par prL'tauiiun dans des quartiers lointains, au bout dus lignes
d'ouHitlinâ, L-i cliet qji il va une fois par semaine, régulière-
muni, ainsi qu'un employé se rend à son bi.reau [I . G].
La d'TnK'ru en dali est Clarisse D<iuquel, qui répond sans
djule àuii iiùal lojigirmpscliercbé, car il s'usl lioleinmenl épris
d'elle ; il [ilunie en lui baisanl les paupières, tout secoué d'iiis
ses ard'.'ur- uiia' nulles par un besoin de culiivcr la petite Qeur
hleue dus lom^mces, D'est chfZ Clarisse qu'il reçoit tus amis el,
diins ce s;ilun delà rue de la Cerisaie, lu s'-nleiieieu.v Dui>yrier.
si morne tlitisa femme, retrouve un air Je jeunesse, les taches
128 LES PEHSONNACKS DES HOUGON-MACQUART
saignantes Je son front tournent au rose, ses yeux obliques lui-
sent d'une gaieté d'enfant [169]. Les visites hebdomadaires ne lui
suffisent plus; il s'échappe entre deux suspensions d*audience,
faisant seulement à la dignité de la magistrature la concession
de retirer son ruban rouge quand il arrive chez sa maltresse,
il croit d'ailleurs à la parfaite vertu de Clarisse qui» pourtant,
le trompe sans scrupule, et il reste pétrifié le jour où elle le
lùche brutalement. C'est pour Duveyrier une immense amertu-
me, dont il est à peine distrait par la mort du vieux Vabre et les
manœuvres à accomplir, de connivence avec Cloiilde, pour spo-
lier ses deux beaux-frères. Dans son désarroi de mâle aban-
donné, il couche avec Adèle, la bonne des Josserand, mais rien
ne remplace Clarisse et, lorsqu'un jour le hasard la lui fait ren-
contrer sous une porte, il est trop heureux de la reprendre, de
la réinstaller rue d'Assas dans un bel appartement, acceptant
ses nouvelles conditions, renonçant à l'amusant intérieur d'au-
trefois, se résignant, lui que la musique horripile, à subir la
torture d'un pinno, retrouvant chez sa maîtresse un coin de
bourgeoisie féroce où se répètent tous les ennuis de son
ménage, dans de l'ordure et du vacarme [897].
Mais celte secousse l'a profondément atteint; des embarras
d'urgent lui sont venus, il baisse, les jeunes avocats le regar-
dent d'un air polisson, ce qui le gène pour rendre la justice [450]-
Jeté dans Tescalier par la famille de Clarisse, il a essayé de se
suicider et cette tentative ratée l'a laissé, la mâchoire de tra-
vers, déviée à gauche. 11 va d'ailleurs devenir président de
chambre et ofiicier de la Légion d'honneur, juste récompense de
sa férocité de magistrat. Et Duveyrier remplacera Clarisse par
une nouvelle maltresse un peu mûre, mais romanesque, l'âme
élargie par cet idéal dont il a besoin pour épurer l'amour [488].
(Pot-Bouille.)
Duveyrier (Madame Alphonse). — Voir Vabre (Clotilde).
Duve3rrier (Gustave). — Fils du conseiller à la cour. Fait
?a rhétorique au lycée Bonaparte. A seize ans, il est mince et
précoce ["202]. Gustave couche avec la cuisinière de ses parents,
Julie, qui contracte, grâce à la malpropreté du jeune homme,
une mauvaise maladie [487]. {Pot-Douille.)
Duvillard. — Possesseur d'un grand hôtel Louis XIV, atte-
nant à la masure de Bourras, rue de la Michodiére. Cet hôtel
est acheté par Octave Mouret pour les agrandissements de
ses magasins [23]. {Au Bonheur des Dames.)
Ecosse (S. A. R. le prince d*). — Fils de reine, héritier
d'un trône. Grand, fort, la barbe blonde, la peau rose, il est
d'une distinction de viveur solide; ses membres carrés s'indi-
quent sous la coupe irréprochable de la redingote [150]. C'est
un habitué des Variétés, un admirateur de Nana, qu'il voudrait
entendre chanter à Londres [IGO]. Dans la loge de la cabotine,
ce vrai prince boit du Champagne avec l'Amiral suisse et le roi
Dngobert; mettnnt une aimable complaisance à accueillir ces
chienlits. Plus tard, parlant de Son Altesse Royale, Nana, qui
a perdu tout respect, l'appelle Charles Iput court et dit que
c'est un prince, mais un salaud quand même [394]. (Nana,)
Écrevisse (L'). — Demi-mondaine du second Empire. Cé-
lébrité maigre, rouge de cheveux [135], (La Curée.)
Empereur. — Un des chiens du berger Soûlas, une héte
lonible. Comme son maître, il exècre la Cognetle [luO]. (La
T'H-e.)
Ernestine. — L'ne dame qui a occupé une chambre dans
la maison de Bourras, et qui a écrit son nom en promenant sur
le plafond la flamme d'une chandelle [2'21]. (.-Im Bonheur des
Dawes.)
Escorailles (Marquis d'). — Père de Jules d'Escorailles.
Apparfj-nt à la vieille noblesse du (juarlier Saint-Marc, â Plas-
sans. Depuis la chute du roi Charles X, il n'a pas remis les
jûeds à Paris. Mais, pour assurer l'avenir de son fils, il l'aulo-
rise à servir TEmpire et, s'il feint de le renier devant le monde,
il travaille à son avancement d'une façon sourde et continue,
affectant une humble attitude devant le triomphant Rougon
qu'iH condescend à traiter d'ami et de compatriote [258], rede-
venant hautain, plein de morgue et d'insolence, aussitôt qu'il
I3n LES PERSONNAGES
sent I«i (iisjrràcc de nounou [ilO]. I) poussn le manque de dignité
jusqu à M rilre son fils aux genoux de Clorinde pour obtenir
une sous-j»rêferlure[iol]. [Son Excellence Eugène f(ougon,)
Escorailles (Marouise d*). — Elle accompîigne son mari
dans si*s visites à lloujjon, soulignant ainsi i'Iiuiuiliié de cette
vit»ilhî f.iniillf» léj,nliinisi»* devant le ;:ros parvenu de l*Empire
[*2'û]. {Son Excellence Eugène îloufjnn.)
Escorailles (Jeles d'). — Enfant gâté d'Eugène Rougon,
qui satisfait on lui son besoin d*él>louir les nobles de Plassans.
Haut dignitaire de l'Empire, Uougon fait de ce jeune homme
un audiii'ur au ('onscil d'Etal [iO], puis, devenu ministre, il le
prend comme secrétaire [:2V4]. 1) Escorailles, qui est l'amant de
la jolie madame Douciiard, obtient tout ce qu*il veut de son
patron; mais, comme le reste de la bande, il est ingrat et, au
jour de la chute, il n'hésite pas à lâcher liougon pour briguer
les fav»'urs du ministre Delestang [i31]. {Son Excellence
Enrjenc liougon.)
Espanet (Marquis d'). — Mari de la marquise Adelinc.
Nommé aide de canif) de l'empereur, s'est rallié bruyamment,
au scandale de la vici'Ie noblesse boudeuse |8]. N*accompagne
jamais sa femme dans le monde [29j. (Iji Cuvée,)
Espanet (.MAnQUiSE Adelixe d'). — Une «les plus illustres
nionilaincs du second Empire [8]. Petite, mine de chatte, voix
flùlée, nez un peu de travers. Amie de pension de Renée Héraud
Du Cluitcl et de Suzanne Ilaiïner, elle est l'inséparable de
celle-ci; de vilaines histoires courent sur leur compte [116].
{La Curée,)
Eugénie — Cuisinière de Valérie Vabre. Grande belle fllle,
une Venus qui fait la conquête de tous les honmies. Elle part
au bout d'un mois, ayant communiqué une maladie honteuse
à ceux qu'elle a honorés de ses faveurs [3oS]. {Pot-Bouille,)
Eugénie. — Enfant enterrée au cimciièrc de Cayenne, à
Saini-Ou«'n, où Bongrand et Sandoz lisent Tinscrifilion sur une
pauvre croix, sans entourage, plantée de biais dans une allée :
Eur.tME. Tiiois jouns [-iST]. {L'Œuvre.)
Eulalie. — Ouvrière repasseuse, (iilquin Ta rencontrée un
soir, à la sortie de l'Amliiîîu, et il est devenu ^on amant. Eulalie
habile un hôtel meublé de la. rue Montmartre, près de son
atelier, riibiuin surprend, dans une chambre voisine, un concilia-
DLS UOUGO.N-MACyUAUT 131
liuie culte l'alit'iis venus à P.iris pour assassiner l'empereur
[•J52]. [Son E.iceilcuce Eugène liongon.)
Eulalie. — Grosse marchimle de poissons, maîtresse de
lîec-SitI'.', dil Doit-sans-Soif. Eiie le flaire chez les niar« liands
u-^ vin, tuut «Ml poussant sa voilure le long des IroMoirs et,
«l'ianl (.lie ! }»ince. il lui arrive de lui cnvoyorune limande par
h; fi^'ure, pour lui apprendre à manquer l'atelier [44 i]. [L'As-
somnioir.)
Eulalie iI.a méhe). — Marcliande de légumes au panier, à
.Monlmarlro. I.ocaiairc de madame Mêtliaiii, dans la cité de
>apl«*s. <i\*>l uii»î énorme fenjnicdc quarante ans. Mala«le depuis
quinze jjur<, c!le est dans son lit, nue faute de chemise, on
«irait u:." outre à moilie vi'ie, tant elle est niolle et coupée de
]«Iis. Lî. léic n'est point laide, fraichc encore^ encmlrée de pc-
liîs cheveux hloihls frisés [ICI]. Le jeune Viclor Saocani, âgé
(i'- ilonze ::iis, d'une piccocilé de monstre, couche avec la
liiùrc Eulalie tt l'appelle sa femme [168j. (LWrgoii.)
Eusèbe. — Knfjml de chœur à Saint- Saturnin de Ptas>ans.
\.c«>ii.j .::ji,':- Tahhé Dourrelie au lit de mort du curé Conipan
: I î".' . «/.'/ Cohquéte lie Plassann.)
F
FageroUes père. — Fabricant de zinc d'art, rue Vieille-
du-TeinpIe, dans une antique demeure sombre, qui avance sur
les autres. C*est un gros homme blême. Ses ateliers sont au
rez-de-chaussée; pour abandonner aux magasins d'échantillons
les deux grandes pièces du premier étage, éclairées sur la rue,
il occupe, sur la cour, un petit logement obscur, d'un étouf-
femenl de cave. D'abord, il a fait de son fils un dessinateur
d'ornements, pour l'usage de sa fabrique; puis, lorsque le
gamin s'est révélé avec des ambitions plus hautes, s attaquant
à la peinture, parlant de l'École, il y a eu des querelles, des
gifles, une série de brouilles et de raccommodements. 3Iême
lorsque Henri a remporté ses premiers succès, son père, rési-
gné à le laisser libre, l'a traité durement, en garçon qui
gâtait sa vie [7i]. Plus tard, travaillé du désir de la décoration,
le fabricant oublie son opposition de jadis; il présente, comme
un titre de plus, son lils arrivé à la notoriété [258]. {LQEuire.)
FageroUes (Henri). — Fils du fabricant de zinc d'art. \
poussé dans le petit logement paternel, en vraie plante du pavé
parisien, au bord du trottoir mangé par les roues, trempé par
le ruisseau, en face d'une boutique à images, d'un tripier et
d'un coiffeur [74]. C'est un garçon mince et pâle, dont la figure
de fille est éclairée par des yeux gris, d'une càlinerie mo-
queuse, où passent des éclairs d'acier. Il affecte des airs de
casseur et de vovou. Élève de l'École des Beaux-Arts, mais
affilié à Claude Lantier, à Pierre Sandoz et à leur bande, il
amuse ses amis révolutionnaires en leur racontant des his-
toires désobligeantes sur les bonzes de l'École; il se fait
adorer par sa continuelle lâcheté de gamin llalleur et débineur
[91]. Subissant i'inllueiice de Claude, il ne parle que de
1-2
\VA LES PtKSONNAGES
peinture grasse et solide, que de morceaux de nature, jetés
sur la toile, vivants, grouillants, tels qu'ils sont; mais il con-
tinue de pcin<lre avec une adresse d*es(-amot»;ur et, dans
d'autres milieux, il blagne les peintres du plein air, en les
accusant d'empaler leurs éludes avec une cuiller a pot [iOO].
Très malin, il n expose pas, de peur du mécontenter ses maî-
tres; il tape sur le Salon, un bazar infect où la bonne peinture
tourne à l'aigre avec la mauvaise^ et en secret il rêve le prix
de Kome, qu'il plaisante d'ailleurs comme le reste [103J.
L'ambition opère une transformation en lui, le terrible far-
ceur qu'il est n'affecte plus autant des allures relâcbées, il est
déjà correctement vfttu, toujours d'une mo(|uerie à mordre le
monde, mais les lèvres désormais pincées en une moue sé-
rieuse de garçon qui veut arriver [151]. Devant le Plein Air
de Claude Lautier, il a longuement étudié un public mis en
révolte par la rude franchise de l'artiste; avec son flair de
Purisien et sa conscience souple de gaillard adroit, il s'est
rendu compte du malentendu et il a senti vaguement ce qu'il
faudrait pour que cette peinture fit la conquête de tous,
quoI(|ue5 tricberies peut-être, des atténuations, nn arrange-
mont du sujet, un adoucissement de la facture [165]. Après
avoir raté le prix de Rome, il expose une actrice devant sa
glace, faisant sa figure, une peinture qui joue l'audace de la
vie, sans une seule qualité originale, et qui a du succès, car les
bourgeois aiment qu'on les chatouille, en ayant l'air de les
bousculer [^14]. Une reproduction gravée de ce tableau a un
grand succès [--ii].
Très élrigaut maintenant, pincé dans des vêtements de
coupe anglaise, Fagerolles a une tenue d'homme de cercle,
relevée par la pointe «le débraillé artiste qu'il garde. Il joue
riiommc excédé par le succès naissant. C'e>t toujours In même
ligure inquiéîanle de gueuse, mais un certain arrangement des
cheveux, la coupe de la barbe, lui donnent une gravité. Peu à
pL'U, il se sépare de la bande, fréquentant tous les lieux de
publicité où se nouent de? connaissances utiles; il sait mettre
les femmes de deux ou trois salons dans sa cbauce, non pas en
iiiale brutal comme son ami Jory, mais en vicieux supérieur à
>•}:• liassions, en simple chatouilleur de baronnes sur le retour
|-'.G|. bi':< lors, tambouriné, ailicbé, célébré, en marche pour
lonies les for tunes et tous les honneurs, il bénélicie de la haine
Muon éprouve pour ses amis ; on comble d'éloges ses toiles
;t'ioucies, pour achever de tuer leurs œuvres obstinément vio-
r • ■ —
DES ROUr.ON-MACQUAnr 135
leiUes. Son beau renom est mis en valeur par le marchand «le
tableaux Nauiiel. ('.elui-ci Tinstallc avenue de Villiers, dans un
petit liùlfl renaissance, un vrai bijou de fille, plein d'un luxe
magnifique et bizarre [301].
Décoré, exigeant dix mille francs d'un portrait, accaparé par
Naudct qui ne lâche pas un de ses tableaux à moins de vingt,
trente ou quarante mille francs, le peintre vit en pleine gloire;
pourtant, ce luxe étalé sent la dette, tout Pargeiil gagné comme
à la Rourse, dans des coups de hausse, lile entre les doigts, se
dépense sans i(iron en retrouve la tnice. FageroUes ne compte
pas. ne s'inquiète pas, fort de l'espoir de vendre toujours de
plus en plus clit^r, glorieux de la grande situation qu'il prend
dans l'art coniemporain [o61|. Il se laisse manger par Irma
Récot, la gamine d'autrefois, l'enfant du même trottoir que lui,
parvenue à l;i gloire par un autre moyen et qui possède, de
Taulre côié de Tavcnue, un hôtel princier [^iOO]. Élu du jury,
le quinzicuit^ sur quarante, de cinq places avant le maître
peintre lîongraiid, il expose Un Di'jcuuci\ qui est Tiuipudent
démarquage du Plein A/r, de (Claude Lantier, avec la même
note blon le, la njùme fornmie d'art, mais adoucie, truquée,
gâtée, d*uii(* élégance dVpidcrme, arrangée avec une adresse
infinie pour les satisfactions basses du public ['îsri]. Et dans
son apothéose, caprice nerveux du grand Paris détraqué [o9'ij,
fortune d'une saison qui s'effondrera bientôt dans la débâcle de
Naudet [iUJ, Tagerolles se donne le luxe de se montrer ser-
viable envers Claude Lantier, le maître inavoué de sa jeu-
nesse, celui <|ui Ta marqué à jamais de son inlluence, et dont
le niut4 dédain suflil toujours à le gêner. Il fait recevoir par
charité un tableau de Claude, l'E/z/^/w/ mort, qu'on n'aperçoit
même pas, dans le déf)Oloir où il est relégué, tandis que la
foule, conquise par l'habile FageroUes, s'étouITe, extasiée,
devant sa peinture bien parisienne [38h]. (LŒncrc.)
Fanny (MAOF.MuitiELLt). — Grande fille en cheveux, une
ouvrière du(|uarlier, envoyée par sa patronne au Bonheur des
iJames, pour rassortir du mériiios [1:2ù]. i^Au Bonheur de^
Du mes. \
Fauchery (Léon). — Journaliste et auteur dramatique.
Publie des chronnjues dans le Figaro. A écrit une pièce pour
les Variéiés, la Petite Duchesse. Habile rue Tailboni, au coin
de la rue de Provence. H est grand, avec des moustaches noires.
Au dire de Lucy blewart, c'est un monsieur malpropre, qui se
13G LES l»ERSOX.NAGES
colle aux femmes pour faire sa position [117]. Fauchery couche
avec des actrices qu'il paye en publicité. Encouragé par de
vagues confidences reçues d'un familier de Saisine Muflfat de
Ijeuville, il rêve de devenir Tamant de la comtesse' et y réussit
quand le ménage Muflfat se désagrège sous l'action de Nana. Par
contre-coup, n'osant tenir tête au comte, il se laisse imposer
l'actrice, pour le rôle principal de la Petite Duchesse, qu'elle
a la folle prétention de jouer.
La liaison de Fauchery avec Rose Mignon, traversée parles
amours du journaliste avec Sabine et une coûteuse foucade
pour Nana, finit par prendre le caractère d'un ménage régulier,
en tiers avec le mari légitime. Au début, Fauchery déplaisait
fort ù Mignon, tous deux s'étaient battus dans les coulisses des
Variétés, se traitant mutuellement de maquereaux [164]. Us
ont fini par s'entendre. Rose use de Fauchery comme d'un
mari véritable, Mignon reste simplement le majordome de
madame [485]. Le journaliste se montre raisonnable, sans
jalousie ridicule, aussi coulant que Mignon lui-même sur les
occasions trouvées par Rose [497]. (Nana.)
Faucheur (Le père). — Tient à Bennecourt une auberge
de campagne, fréquentée par les peintres. Un petit commerce
d'épicerie est annexé à l'auberge; il y a une grande salle qui
sent la lessive, une vaste cour pleine de fumier, où barbotent
des canards [18*2]. Après la mort des Faucheur, l'auberge est
reprise par leur nièce Mélie [428]. {UCEuvre)
Faucheur (La MÈne). — Femme de l'aubergiste. Fille du
père Poirette [18i]. (UŒuvre.)
Fauconnier (Madame). — Blanchisseuse, rue Neuve de la
Goutte-d'Or. Femme grasse, belle encore [85]. Elle est conviée
au luaringe de lîervaise Macquart, qu'elle emploie comme ou-
vrière jusqu'au jour où Gervaise s'établit. Plus tard, celle-ci
rentre chez madame Fauconnier, qui est une très bonne femme
pourvu qu'on la flatte [402]. (LWssommoir,)
Fauconnier (Victor). — Fils de la blanchisseuse. A dix
ans, c est un grand dadais qui adore galopiner en compagnie
de toutes petites lilles. Plus lard, il reste le grand ami de
Nana, qu'il eml»rasse dans les coins noirs de la maison [455].
(J/Àssommoir.)
Devenue une célébrité de la galanterie, Nana qui aime
imposer ses souvenirs d'enfance, parle de Victor avec Salin,
DES ROUGOX-MACQUAnT 137
devant de beaux messieurs. C*élait, dit-elle, un gamin vicieux
qui menait les petites fdlcs dans les caves [36i]. (Nana,)
Faujas (Abbé Ovide). — Prêtre ambitieux, intrigant et
brutal, renvoyé du diocèse de Besançon où il s'est rendu im-
possible. Réfugié à Paris dans un hôtel garni, lablié Faujas a
offert ses services au ministre qui cherchait justement des
prêtres dévoués [307] et qui, pressentant une force dans ce
grand corps à la raine noire, Ta envoyé faire ses preuves à
Plassans, ville passée à l'opposition royaliste et que le gou-
vernement veut reconquérir. Faujas est un homme grand et
fort, face carrée, traits larges, teint terreux [10], crû r- rude
de soldat. 11 a le regard clair, des yeux d'un gris in;M(ie qui
s'allument parfois d'une tlamme [17], une voix grave d'une grande
douceur dans la chute des phrases.
Nommé vicaire à Plassans, il y arrive en 1858, sentant la
misère noire, vêtu d'une vieille^ soutane râpée; il s'installe dans
la maisof! de François Mouret, où il a loué au second étage
deux chnijilires vides, que sa mère, amenée par lui, garnit avec
quelques vieux meubles achetés chez un revendeur [^7]. D'une
sobriété et d'une continence absolues, convaincu que les hommes
charte? sont les seuls forts, méprisant le monde, tout à son
ambition, il se donne d'abord l'allure insignifiante d'un prêtre
sans moyens, sans arrière-pensée aucune, il se tient à l'écart,
refuse toutes les avances, mais sourdement, patiemment, se
renseigne sur Plassans, sur les groupes qui s'y disputent Tin-
lluence politique; il utilise les bavardages de François et les
complaisances de l'abbé Bourrelte, il prend pied chez Félicité
Rougon qui a été avisée de sa mission secrète et qui lui donne
d'utiles conseils [81]. Faujas développe son œuvre, s'empa-
rant de l'esprit de Marthe Mouret, dont il fera sa chose, pous-
sant Serge vers la prêtrise, créant sans se mettre en avant
ro-'uvre (le la Vierge qui va lui concilier les femmes, et le
Cercle de la Jeunesse qui ralliera les jeunes gens, circonvenant
monseigneur liousseiot qui jusquo-là était dominé par l'ultra-
montain Fenil. Il remporte un premier succès par sa nomination
à la cure de Saint-Saturnin [157]. L'adoration de Martho, la
faiblesse de Mouret ont lini par lui livrer la maison; il y a
installé les Tronche, terribles parents qu'il n'ose rudoyer et
qu'il emploie habilement à de basses besognes.
Peu à peu, il gagne toute la ville, unissant autour de lui les
sociétés rivales, utilisant les services de madame de Condamin,
12.
.I3îj LES Pi:iiSO.\.N.\r.KS
a^'issant )>ar Trouclic sur les faubourgs. II devient second
viccrire gcnt^ral et linit par tenir l*opiuion dans >a ninin; quand
vienl l'heure de^ élections, son candidat Delangre est Idu aune
énorine majorité; TEinpirc a reconquis Plassans Mais Tabbc
Faujns a la victoire rude, il revient aux hrutidi es de sa nature,
laissant tomber le niasque de douceur (|ue Felicilè lîongOQ lui
avait attaché. Exaspéré des poursuites pas^ionuée5 de Marthe
Mouret, ii la rudoie si terriblement qu'elle court aux Tulettcs
où son mari est enfermé, et celte démarche provo ^ue Taffreuse
tr.icréiiie où Faujus va trouver la mort. (La Conquête de Plas-
sans.)
Faujas (Matiame). — Mcrc de Fabbé Faujas. à qui elle
ressemble beaucoup, plus petite, l'air plus rude [10] Elle a
une voix brève, au tind)re un peu rauquc. Agée d'environ
soi.\aiite-cif»q ans, active et vigoureuse, elle est la servante de
son ilis qu'elle aime d*une adoration absolue, le regardant d*un
air ifcxias", montant la garde autour de lui, prête à écraser
. tout obstacle gênant. Elle porte une robe de coionn^ide, serrée
i au coisage pur un fichu jaune noué derrière la t^iille, et de
! gros souliers lacés [17]. Dès son arrivée ch«z les Mouret, elle
s'est emparée de la maison par des regards inquisileiirs, des
! allongements de cou dans toutes les pièces. Et c'est bientôt
une possession effective, qui commence par lespartie? de piquet
ave^ le propriétaire [92], continue à la cuis ne par la conquête
j de Kose [-•'^^] et s'aftirme par Fenvahiss'Mnent du rez-de-
chaussée ['^^îJ, lent travail de termite, contrarié un in^tant
i par les manœuvres parallèles d*01ympe Frouche [*-it*], et qui
aboutit au pillage [338]. Cette mère vit uniquement pour son
i fils; tlle lui re>te dévouée jusqu'à la mort, s'olfranl aux Ham-
I mes pour le proié^'er, éteignant les charbons sous ses pieds
! nus y>>^ô]. (La Conquête de Plassans.)
Faujas (Olympe). — Sœur de l'abbé Faujas. Mariée à
TroL'clie. ("Iraiide lemmc mince, blonde, fanée, à la Tgure plate
et ir.^ratc [l-î8]. Elle vient à Plassans et s'impos- avec son
mai: à l'aljiH*, dont elle jalouse la luospéritè et qui, n'osant
évii. er ces parents dan;^'ereux, les tient le plus lossible en
tulei e, pui^ le> utilise et, pour prix de leur> servie- s équivo-
que?, ferme les yeux sur les vices du coupb'. Gor.: mande et
prirc-^>euse, Olxmpe soutire de l'arjrenl à .M.irilie Mourcl en
e.vpl-ilaiil son afïection pour Faujas [-il], ell<î racoi.ie f arlout
que i>i mari e^l iou ['281], préparant ainsi l'interi-cment du
DES HOUGON-MACQUAKT 139
malheureux, poursuivant Tunique but de chasser les proprié-
taires pour s*cn)|»arer de la maison. Elle meurt, un soir d'i-
vresse, dans Tincendie allumé par François Mouret [384]. {La
Conquête de Plassaus,)
Fauquenoix. •— Associé du baron Desrnmaux, dans la
société d'exploilaâon des mines de Monlsou [83]. (Germinal.)
Fauveile. — Sucrerie de Monlsou. Souiïre de la crise créée
par la grève des mineurs [125]. {Germinal.)
Favier. — Employé à la* soierie, au Bonheur des Dames*
Un grand garçon sec et jaune, qui . est né a Besançon d'une
famille de tisserands, et qui, sans grâce, cncliu sous son air
froid une volonté inquiétante [56]. Simple conmiis, il a tra-
vaillé au renvoi du second* Rohineau, pour faire donner la
place à Hutin et avancer lui-même; puis, voulant à son tour
devenir second, il a aidé llutin à supplanter le premier, Bou-
themont. Et plus tard, il mangera llutin aussi. Maigre et froid,
il le regarde en dessous, la bile au visnge, comme s'il comptait
les bouchées dans ce petit homme trapu [313]. Le départ de
Hutin lui donne enfm la première place [490J. {Au Bonheur
des D a 111 PS.)
Fayeux. — Receveur de rentes à Vendôme. Est en rap-
ports d'atlaires avec Busch et avec la iMéchain, qui dit être sa
cousine [2S]. A pour négoce avoué de toucher les coupons des
petits rentiers du pays, mais, dépositaire de fortes sommes, il
joue frénéii«]nemont à la Bourse. Ses ordres sont donnés à la
charge Mazaud [90]. Après la débâcle de la Banque Univer-
selle, il lève le pied avec les quelques centaines de mille francs
qui'se trouvent entre ses mains [395]. {UArgent.)
9
Fenil (Abbé). — Premier grand vicaire de l'archevêché de
Plassans. Terrible homme, plat et pointu comme un sabre.
Grâce à la faildesse de monseigneur Bousselol, il est le vrai
chef du diocèse, dont il terrorise les prêtres [148]. l'Itra-
montain déclaré, n'obéissant qu'au mot d'ordre de Rome, il a
fait marclier son clergé à fond en favt^ur du marquis de Lagri-
foul, déi'Ute li'gitimiste, hostile 'à l'Empire. Dès l'arrivée de
l'abbé Faujas, envoyé pour reconquérir Plassans, cVsl un duel
entre c^s deux prêtres. Fenil battu va se claqnemuier dans
sa prop'iété des Tuletles et prépare sourdement avec Antoine
Macquarl la revanrhe qui doit le débarrasser de son redou-
table adversaire [3G7J. (La Conquête de Plassans.)
14(» LES PERSONNAGES
Féraud-Giraud frères. — Maison de transports mari-
limes, pour l*Italie, Naples et les villes de IWdriatique, par
Civita-Vecchia. Adhère au syndicat de la Compagnie générale
des Paquebots réunis [179]. {L'Argent,)
Femand. — Élève en pharmacie chez Combette, au Chéne-
Populeux. C'est un grand garçon blême, Fair poltron [131], à
qui la peur des Prussiens donne la fièvre. {La Débâcle),
Fernande. — Figurante des Variétés. Est traitée de cha-
meau par liorJenave [147]. {Xana.)
Fétu ^La mère). — > Vieille pauvresse, protégée de Tabbé
Jouve. Toute ronde malgré sa misère, visage boufG, petits yeux
noirs pleins de finesse, voix pleurarde, humilité bruyante
qu'elle traduit par un flot de paroles [34]. Elle habite une
mansarde dans le passage des Eaux. C*cstà son chevet que se
rencontrent Hélène Grandjean et le docteur Deberle. Pleine
de rouerie, la more Fétu exploite la situation jusqu'au bout,
j trouve les paroles qu'il faut dire pour obtenir des aumônes
I plus Itirges, joue vaguement un rôle d*entremetleuse, toujours
J geignarde et toujours la main tendue. {Une Page d*Àmour.)
Fifi. — Voir Menc (Fanny).
Fifine. — Une niasse de vingt livres, outil de forgeron,
(joujet et Dec-Salé, dit Doil-sans-Soif. se servent de Fifine et
de bédèle pour lutter de force et d'habileté au travail, sous
les yeux de Gervaise [âi2]. {L* Assommoir,)
I Finet (Aristide). — Fondateur de la maison du Vieil
I Elbeuf, draps et flanelles, rue de la Miohodière. Deau-père et
I prédécesseur de Hauchecorne [15]. {An Bonheur des Dames.)
\ Finet (Désirée). — Fille d'Aristide. Mariée au premier
commis de son père, Hauchecorne, qui continue le commerce
: des draps [15]. {Au Bonheur des Dames.)
Finet. — Médecin de campagne, résidant à Cloyes. Grand
et maigre, !a face jaunie par des ambitions mortes. 11 déteste
sa clienièle paysanne, qu'il accuse de la médiocrité de sa vie
' [lliî]. Les gens le font venir toujours trop tard. 11 est dur
pour eux, ce qui augmente leur déférence, malgré le continuel
iloute qu'ils gardent sur l'efficacité de ses potions [406]. Et son
indilTèreiice est telle que devant les décès les plus mystérieux,
Rose Maliverne à moitié assommée par son fils, le père Fouan
DKS nOUGON-MACQUART i41
brûlé vif, il n'iiésite pas à conclure à une mort naturelle. (Là
Terre.)
Firxnin. — Matlre d*équipage de Pempereur, à Compiègne.
C'est lui qui donne le signal de la curée [â23j. {Son Excellence
Eugène Rougon.)
Flaxninio. — Domestique de la comtesse Balbi [73]. {Son
Excellence Eugène Rougon,)
Fleur d'Épine. — Célèbre chef de brigands; a précédé
le Beau-François à la tête des chauffeurs d*Orgères [67], {La
Terre,)
Fleurance. — Ilercheuse au Vorcux. Travaillait à la taille
des Mahcu. On Ta trouvée morte sur son lit, les uns disent d*un
décrochement du cœur, les autres d'un litre de genièvre bu trop
vile. Elle est remplacée à la mine par Etienne Ijintier [30].
(Germinal.)
Flore. — La fille aînée de madame Misard (tante Phasie).
Quand sa mère est devenue impotente, elle Ta remplacée
comme garde-barrière, à la Croix-de-Maufras. C'est une grande
fille de dix-huit ans, blonde, forte, à la bouche épaisse, aux
grands yeux verdâtres, au front bas, sous de lourds cheveux
[o7]. Les hanches solides, les bras durs d'un garçon, elle n*est
point jolie, mais de tout son être robuste et souple, monte
nue sauvage énergie de volonté. On cite d'elle des traits de
dévouement, des sauvetages, de rudes besognes accomplies
sans effort; dédaigneuse du mâle, ayant presque assommé Tai-
guilleur Ozil, qui essayait de la prendre, elle est vierge et
guerrière. On lui croit la tôle dérangée [13].
Lorsqu'elle élait toute petite, violente et volontaire déjà, c'est
Jacques Lanlier qu'elle aimait, et maintenant, c'est à lui seul
qu'elle veut se donner. Mais il la refuse et bientôt, elle lui
connaît une autre maîtresse, Séverine Roubaud. Convaincue de
son bon droit à êlre aimée, puisqu'elle est plus forte et plus
belle que l'antre, celte sauvagesse est torturée de jalousie, elle
déborde d'une rancune meurtrière ef, comme.il lui faut subir,
chaque vendredi, l'abominable vision de l'express emmenant
les deux amants vers Paris, un impérieux besoin naît en elle
de culbuter lout, de tuer ces gens pour qu'ils ne passent plus,
pour qu'ils n'aillent plus là-bas ensemble. Mais c'est en vain
qu'elle provo(|Uc une affreuse catastrophe, elle massacre inuti-
lement une foule d'inconnus; Séverine et Jacques sont saufs,
.
14i LKS lȣnSONNACtS
elle a tué pour rien [339]. La pensée que Jacques a surpris le
crime, que jamais il ne pardonnera, qu*il aura pour. elle la
ré[iu!siou terri liée qu*on a pour les nionstri?s, lui rend tout à
coup la vi»* oïlieusc. El pour mourir, elle cniri.'prend une
marche d*ol)StinHtipn héroïque, sous le tunnel de Malaunay,
au-devant d'un train lancé à toute vitesse [344]. (La Bête
humaine,)
Florence. — Petite actrice des BouCTes. Marsv lui offre un
hôtel de six cent mille francs [44]. {Son Excelltnce Ewjcne
Uoufjon )
Actrice des Variétés. Pauline Lelellier Ta rencontrée sur le
boulevard, ;tccouipagnée du beau Malignon. Juliette Deberle,
un peu jalouse, assure que Florence a quarante ans, qu*eile est
laide à taire peur et que lout Torchestre la tutoie aux premières
rt.']»r«-5enta!ions [ôO]. \Uixù Page (T Amour.)
Florent. — Né en Provence, avait commencé son droit à
Pari> lorsqu'il a perdu sa mère, en 1841. Vruve, celle-ci s'éUiit
remariée à un sieur Qucnu, originaire d*Yvelot, et elle a laissé
un fils du Second lit. Sans ressources, Florent abandonne ses
études et s'installe rue Royer-Collard, avec le peiit Qucnu,
qu'il «'lève paternellement, trouvant des douceurs inQnies à se
sacrifier pour son cadet. Entré comme profes>enr dans une pen-
sion de la rue de l'Eslrapade, il se lie avec un rùtis>eur voisin,
Gavan!, rpii apprendra la cuisine à Quenu. Les jeunes gens ont
un oncle à Paris, un frère de leur mère, le ch.ireulier Gradelle.
Nature t'iidre, ne guùtant que les joies ainères du dévouement,
Florent craiat de s'aigrir dans lessoulTrances de la médiocrité;
il se jette en pleine bonté idéale, se crée un refuge de justice
et de vérité al):»olues, devient républicain [52] et rbi bientôt un
de ces orateurs illuminés qui prêchèrent la révolution de I8i8
comme une religion nouvelle, toute de douceur et de rédemp-
tion.
Au coup d'État, dans la fusillade des boulevards, bousculé
par la foule, il est tombé, ayant sur lui une jeune femme en
chaMean rose, morte, la gorge trouée de deux balles. Ébranlé
par c lie horrible >oène, il s'est laissé arrêter le soir même au
pieil d'une barricade, on le jette dans une casemate du fort de
Hicètre, il est cof^dainné à la déportation et transporté à
Ca\eiMie par la frépaie le Canada. C'est alors sept années
d'alfreuses soutfrances, de faim continue, qui le laissent sec,
restoiiiac rétréci, la peau collée aux os, sept années qu'il con-
DLS nOUGON-MACyCAUT U3
iMiue ù vivre dans son rôve de fraternité universelle. Évadé de
File du Diable, ayant rôdé pendant deux ans à travers la Guyane
hollandaise, aiteint delà fièvre jaune et grnéri par miracle, il a
dû faire toutes sonos de métiers; puis, cédant à Tenvie folle de
revenir, il a lini par économiser l'argent du voyagn; il débarque
au Havre avec quinze francs dans son mouchoir, achète ù Vernon
ses deux derniers sous de pain et, ramassé mourant, aux portes
de Paris, un matin de septembre, il arrive à la Pointe Saint-
Eustache, éietplu dans la voiture maraîchère de niadanie Fran-
çois, gris de misère, de lassitude et de faim.
Maigre comme une bianche sèche, il a de grands yeux bruns,
d'une singulière douceur, dans un visage dur cl toiirraenlé.
Avec son ventre vide, les Halles, ^ébordanlesde nourriture, lui
apparaissent comme une tentation surhumaine. Il a retrouvé
d'abord son vieil ami Gavard, puis Oueim marié, gras et pros-
père, devenu cliarculier rue Hambuteau, après avoir hérité de
Toncle Gradelle. Il s'installe chez lui, dissimulé à la police grâce
aux pnpiors de Laquerrière, pauvre diable mort entre ses bras
à Surin.tm et qui, par une heureuse coïncidence, portait le
prénom de Florent. Il passera pour le cousin de sa belle-sœur,
la planlareiise Lisa Macquarl. Iiemis à neuf, sentant d*abord
une grande alT'Ction autour de lui, il a refusé sa p:irt dMiérilage
dans la succession de Fonde et il promène son corps ravagé
de maigreur dans ce milieu gras où peu à peu il va être
importun. Am«né par Lisa à suppléer Verlaque, inspecteur à
la marée, il abandonne à son prédécesseur ma' heureux la
totalité de ses appointements et il vit, en proie à Tbostilite des
grasses marchandes, subissant le contre-coup des rivalités de
madame Ouenu et de la Belle Normande, qui se réconcilieront
plus tard sur son dos.
Dans celle existence pleine de souffrances physiques et
morales, Florent caresse le rêve de venger FHumanité traitée à
coups de fDUcl et la Justice foulée aux pieds. Il revient à la
politique [159]. La haine Fa pris contre ce Paris entripaillé,
qui cuve sa graisse et qui appuie sourdement FEnifiire. Et il
entre alors dans le groupe Gavard, une réunion d'amis qui se
retrouvent chaque soir chez le marchand de vin Lehigre et où
Fon parle carrément du grand coup de balai. L'agent provoca-
teur Logre a vile fait d'organiser un complot dont le naïf
Florent se voit le chef; et l'évadé de Cayenne est alors parfai-
tement h'jureux, soulevé par celte idée intense de se faire le
ji>licier dos maux 'pFil a vu soud'i ir. Le jour uù le ministère a
U4 LES PERSONNAGES
besoin d'enlever par la peur un vole au Corps législatif, Flo-
rent, qui croyait D*avoir plus qu'un signe à transmettre aux
sections, est arrêté dans une souricière, organisée avec la
complicité de tout le quartier, la belle Lisa en tête. 11 passe en
jugement à c6té de ses prétendus affiliés et ce doux rêveur, qui
s*évanouissait en regardant égorger des pigeons, est traité
comme un buveur de sang. On le condamne à la déportation,
c*esl-à-dire à la mort, pendant que les députés votent d'enthou-
siasme un projet d'impôt impopulaire dont les faubourgs eux-
mêmes n'oseront plus se plaindre, dans la panique qui souffle
sur la ville [356]. (Le Ventre de Paris,) •
Flory. — Commis d'agent de change. Est né à Saintes,
d'un père employé à l'enregistrement ; a d'abord été commis de
banque à Bordeaux, puis, à Paris, est entré chez Mazaud, sans i
autre avenir que d'y doubler peut-être ses appoiolenienls en j
dix années. Uégulier et consciencieux dans les premiers temps,
il s'est lié avec Gustave Sédille, qui l'a entraîné vers les fem-
mes. C*est un garçon à figure tendre, avec un nez à passions,
une bouche aimable, une épaisse barbe châtaine [85]. La fôle
a commencé par de joyeuses parties pas chères avec mademoi-
selle Chuchu, on s'est ensuite installé dans un appartement de la
rue Condorcet, où la jeune personne est devenue exigeante; il
lui a fallu des bijoux, des dentelles.
Flory a risqué quelques petites opérations, marchant dans le
sillage de Saccard [212]; et le malheureux garçon a été perdu
par son premier gain de dix mille francs, après Sadowa, cet
argent déplaisir, si vite gagné, si vile dépensé. Dès lors, il se
met à jouer éperdument, sans calcul aucun d'ailleurs, tout au
jeu de Saccard, qu'il suit avec une foi aveugle [335]. Et, au
jour de la débâcle, ayant un énorme découvert, allolé par la
peur d'une exécution immédiate, il imagine, par une singulière
lionnéleté, de voler cent quatre-vingt millefrancs àson patron,
simplement pour payer sa dette de jeu chez un autre agent. On
l'arrête, il pleure beaucoup en prison, dans un affreux réveil de
honte et de désespoir, et sa mère, accourue de Sainies, frappée
de désespoir devant cet effondrement, doit s'aliter chez des
amis où elle est descendue [39G]. {L'Argent.)
Fontan (Achille). — Acteur des Variétés. Une tête de
faune suant le vice; c'est un comique d'un talent canaille et
original, un mauvais camarade qui casse toujours du sucre sur
la tête des autres. Fontan a joué un Vulcain déhanché dans la
DES ROCCOS-MACQL'AllT 115
Blonde Ki'nus el le baron de Tardiveau dans la PefitcDttcA»».
Aui répétitions, il semble soumettre Jk l'auteur des idées dont
il doute lui'Onéme el, & la moindre objection, il se vexe et parle
de rendre le rôle [331].
Naua s'est prise pour lui de la loijuade enragée des filles
pour la laideur grimaciers des comiques (:i58| ; tous deux
s'installent dunsun petit logement de la rue Véron, à Mont-
martre, meltnnt leurs ressources en commun, les dix niille
Trancs de Naua el les sept mille de Fonian. Mais celui-ci est
avare, el, quand les fonds de sa maîtresse ont Ole, il reprend les
liens et se fuit nourrir ilés lors par elle, sans s'inquiéter d'où
vient l'argent. A force d'exploiter N,inn et de la battre, sans
lasser son dévouement de bêle soumise, Fonian en arrive à abu-
ser. Paruue perversion de ses goûts de monstre, il éprouve pour
elle une haine féroce, au point de ne plus tenir compte de ses
propres inlérâls, el il se dél^arrasse de Nana en la chassant
grossiéreiiieni [301]. (.Voua.)
Fontenailles (MADEMOlSEtJ.E de). — Une orpheline, la der-
nière des Fonlcnailles, vieille noblesse du Poitou. U'.-barquéc
sur le pavé de l'aris avec un père irrognc, restée honnélcdans
celte ijiforluiie, d'une éducation trop rudijiientaire malheureu-
sement pour être institutrice ou donner des leçons Je piano,
elle est entrée nu bonheur des Dames, sur la lecoramandaiion
de madame Uesforges, et a été mise au service des échantil-
lons. Deux comtesses et une baronne sont déjà casées au ser-
vice de la publicité, où elles font des bandes et des enveloppes.
Mademoiselle de Fontenailles boit probablement ; sa maigreur
a des Icinlus plombées, cl ses mains seules, blanches et fines,
disent encore la distinction de sa race (:>55). Ajant un salaire
journalier de trois francs, qui lui permet tout juste de ne pas
mourir, logée en une petite chambre de la rue d'Argcuteuil,
elle vil dans l'hObétement de sa décliéancc. Mariée au garçon
de niagasiu Joiieph, elle a obtenu par faveur un posle d'auxi-
liaire ; elle porte une grande blouse noire, marquée à l'épaule
d'un cliilîre en laine jaune [i9li], cl cette ancienne marquise,
recueillie p.ircluiriié, promène dans les m.igasins son masque
épais et terreux de servante [103J. (.-lu Bonheur des Uamcs.)
Fouan, dit Elte\u. — Voir BoitAU.
Fouan (Fan.w). — Voir Delhomme (Mâdahe.)
Fouan (Hyacinthe). Voir Jésus-Christ.
Ii6 L£S PERSO.NNAGES
•
Fouan (JosErB-CASiMin). — Père de Marianne, de Louis,
de Michel el de Laure. Est né en 1766. Appartient à une famille
^ui a poussé et grandi, depuis des siècles, comme une végéta-
tion entêtée et vivace, en un coin de Beauce. Anciens serfs des
Rognes-Bouqueval, les Fouan ont dû être affranchis sous Phi-
lippe le Bel. Ils sont devenus propriétaires, un arpent, deux
peut-être, achetés au seigneur dans l'embarras. Puis, en une
lutte de quatre cents ans, ils ont défendu et arrondi ce bien
dérisoire, sans cesse remis en question, écrasé d'impôts. De
longues générations de Fouan ont engraissé le sol et, lors de
la révolution de 89, le Fouan d*alors, Joseph-Casimir, possède
vingt et un arpents, conquis en quatre siècles sur l'ancien do-
maine seigneurial. Il a cent écus à peine de côté et, trop pru-
dent pour emprunter, craignant aussi un retour des nobles, il
ne prend aucune part h ces ventes de biens nationaux qui de-
vaient enrichir tant de bourgeois. Joseph-Casimir reste dès
lors inconsolable d'avoir vu les terres des Rognes-Bouqueval
passer aux mains du citadin Isidore Hourdequin, plus auda-
cieux que lui. Devenu vieux, il partage les vingt et un arpents
entre trois de ses enfants, restés à Rognes, Marianne, Louis et
Michel, et il dédommage en argent sa fille cadette, Laiure [31].
(La Terre.)
Fouan (Laure). — Voir Badeuil (Madame Charles).
Fouan (Louis), dit le Père Fouan. — Fils de Joseph-Casi-
mir. Mari de Rose .Maliverne. Père de Jésus-Christ, de Buteau
et de Fanny Delhomme. 11 a eu en partage sept arpents de
terre et a épousé Bose, héritière de douze arpents. Il a cultivé
ces biens avec acharnement, il les a augmentés lopins à lopins,
au prix de la plus sordide avarice. Telle parcelle représente des
mois do pain et de fromage, des hivers sans feu, des étés de
travaux brûlants, sans autre soutien que quelques gorgées d'eau.
Il a aimé la terre en femme qui tue et pour qui on assassine.
>'i épouse, ni enfants, ni personne, rien d'humain: la terre!
[-20] Pendant des années, tous, la femme, les enfants ont trem-
blé sous lui, sous ce despotisme rude du chef de la famille
paysanne [:27]. Il a ainsi vécu jusqu'à soixante-dix ans.
Sauf SCS jambes, il est gaillard encore, bien tenu; il a de pe-
tits favoris blancs, en pattes de lièvre correctes ; le long nez
de la famille ai},'iise sa face maigre, aux plans de cuir coupés
de grands plis. .Mais, jadis très robuste, il est maintenant des-
séche el rapetissé, son corps se courbe, comme pour retourner
DES ROUGON-MACQUART U7
à cette terre, si violemment désirée et possédée. Et riieure est
venue: comme le père Fouan ne peut plus cultiver lui-même,
qu*il ne vcutpas introduire chez lui des étrangers qui pilleraient,
que son cœur se fend de voir la bonne terre se gâter faute de
soin, que d*<iutre part, la donation entre vifs offre aux familles
une économie sur les droits d'héritage, il se décide à céder
le bien à ses fils, comme son père le lui a cédé à lui-même,
enragé de sa vieillesse impuissante. La maison qu'il habite au
bas de Rognes vient de sa femme Rose ; ils garderont cette
maison et le jardin, jouiront de redevances en nature, et cha-
cun des enfants leur servira deux cents francs de rente viagère.
Fouan pourrait vivre satisfait, car il possède un magot, trois
cents francs de rente, que nul ne connaît. Mais quinze jours
après le partage, malade de n'avoir plus de terre, il fait la sot-
tise de conclure un marché de dupe avec le père Saucisse,
celui-ci cédant, après sa mort, un arpent de bien, à la
condition de recevoir, sa vie durant, quinze sous chaque matin.
El c'est une dernière illusion, où le pèreFouan contente vague-
ment sa passion de la terre.
Aujourd'hui, il connaît le supplice de Foisiveté, plus debétes,
plus de travail, ni rien qui grouille, dans le vide des bâtiments
et de la cour. C'est une existence morne, ses bras se détraquent
dans le repos, pareils à d'antiques machines jetées aux ferrail-
les [132]. Et comme les enfants, devenus rapaces depuis qu'ils
possèdent, font mal leur devoir, comme les redevances en na-
ture sont pitoyablement acquittées, que Jésus-Christ ne paye
pas un sou de sa part, que Buteau liarde, les anciens doivent
se restreindre et même tuer leur vieux chien, qui coûte trop à
nourrir. C'est le premier sacrifice. Devenu veuf, le père Fouan
vit un an, silencieux dans la maison déserte. Et son autorité
peu à peu morte s'étant réfugiée dans une obstination de vieil
homme, même contraire à son bien-être, il refuse longtemps
d'aller vivre avec ses enfants. Mais Texistence devient intenable;
Fouan affaibli, la voix cassée, les bras débiles, les reins courbés
chaque jour davantage, se laisse recueillir par les Delhomme,
qui sont Ins d'être seuls à payer la rente; le vieux n'avait plus
de terre, il n'aura plus de maison [231]. El comme Fanny,
susceptible et maniaque, lui fait la vie dure, il change de
logis, accepte tour à tour l'hospitalité de ses deux fils, Duteau
qui le rudoie et Jésus-Christ qui le pressure, tous deux ayant
deviné le magot et voulant s'en emparer ; c'est une sourde
lutte, d'où Buteau sortira vainqueur.
I iS LES PERSONNAGES '
Fouan, dêflnitivement dépouillé, mis dehors par ses enfants^
retombé dans le mépris de tous, erre pendant une nuit et un
jour entier autour de ses anciennes terres ; les chiens qui ont
un toit de paille lui font envie [^17]. Et tout son corps tremble
sous la violence de la faim, sa tête ne commande plus, ses jam-
bes marchent toutes seules, la bête le ramène chez Buteau, où
il vivra désormais isolé, à des lieues, restant dans son silence
comme séparé et enseveli, sans un regard, sans un mot, Tair
d'un aveugle et d'un muet, ombre traînante au milieu des
vivants [425]. Ce n'est plus le vieux paysan propret. Sa face
s'est amincie et décharnée, son grand nez osseux s'allonge vers
la terre, ses joues sont envahies d'une barbe blanche, longue et
sale ; et il va, les reins cassés, n'ayant plus qu'à faire la culbute,
finale pour tomber dans la fosse [-i-T]. ^fais cette Gn normale
lui sera refusée. 11 a vu le viol et l'assassinat de sa petite-fille
Françoise Mouche; un nouveau crime ne coûte rien a Duteau ni
à Lise pour supprimer ce témoin gênant, qui est aussi une
bouche inutile. Le père Fouan meurt étouffé dans son lit et
grillé vif. {La Terre)
Fouan (Marianne). — Voir Grande (La).
Fouan (Michel). — Voir Mouche (Le père).
Fouan ^Olympe). — Voir Trouille (La).
Fouan (La mèhe). — Voir Maliverne (Rose).
Foucarmont. — Officier de marine. Dans les soupers, il
se vante d'avoir bu de tous les vins imaginables à travers les
cinq parties du monde et de ne pouvoir pas se griser [118],
mais il n'en finit pas moins par être ivre mort et son amie
Louise Violaine doit le soigner toute la nuit [125]. Foucarmont
a amassa en dix années de voyage une trentaine de mille francs,
qu'il veiîl risquer aux États-Unis. Tombeaux mains de Nana,
il se ruirie npidement, il donne tout, jusqu'à des signatures
sur des billets de complaisance, engageant son avenir. Lorsque
Nana le pousse dehors, il est nu. Mais elle se montre très
bonne et lui conseille de retourner sur son bateau [185]. (Nana.)
Foucart. — Heslaurant à vingt-cinq sous, fréquenté par
Jory, Maiioudeau et leur bande [l'T]. (L'Œuvre.)
Foucart (Madame). — Sage-femme à Paris. Demeurait en
iSo'» niv dvs L)«.'ux-Écus. \ connu Sidonic Rougon lorsque celle-
ci l'.nail un commerce de produits du Midi, rue Saint-Honoré.
DES nOUGON-MACQUAIlT 149
C'est elle qui l'a accouchée et qui a porté Tenfant ù TAssis-
tance publique. Dix ans plus tard, on la retrouve rue Gensier.
C'est une femme énorme, tassée sur des jambes courtes [50].
{U Réte.)
Fouchard. — Père d'Honoré. Oncle maternel d'Henriette
et de Jlauricc Lcvasseur. Un paysan de Remilly, dercnu bou-
cher par besoin de lucre ; il promène sa riande dans vingt
communes des environs. C'est un grand vieillard en blouse, ù
la rude chevelure blanche, à la face carrée, coupée de larges
plis, au nez fort, aux yeux gros et pâles, au menton volontaire
[157]. D'une avarice noire, d'une impitoyable dureté, il s*est
opposé au mariage d'Honoré avec la petite servante Silvine
Blorange, mais il a gardé tranquillement la fille, espérant à
tort que les jeunes gens se contenteraient ensemble, sans se
marier. Après dix-huit mois de pHîience, Honoré a rompu avec
son père et s'est engagé par un coup de tète. Fouchard a gardé
la servante, dont il était content, et l'a vue, avec plaisir, sé-
duite par Golinth Steinberg, ce qui avait l'avantage déterminer
l'aventure [00].
A la veille du passage des troupes françaises, en marche
vers Sedan, Fouchard a fait disparaître son bétail, les quelques
animaux à son service, ainsi que les bétes réservées à sa bou-
cherie, les cachant au fond de quelque carrière abandonnée ;
il a passé des heures à tout enfouir chez lui, le vin, le pain,
les moindres provisions, jusqu à la farine et au sel ; et il refuse
de donner même un verre d'eau aux soldats français [158],
préférant attendre de meilleures occasions ; de vagues idées
de commerce se sont ébauchées dans son crâne de vieillard
patient et rusé. La mort de son fils, tué au calvaire d'illy, lui
arrache quelques larmes, mais il se console vite en traitant
de bonnes affaires; il achète pour quai-ante-cinq francs trois
chevaux d'officiers, volés sur le champ de bataille [435] ; il
accepte Pros^er Sambuc comme garçon de ferme, parce que
le soldat, échappé à la captivité, rie lui coûtera pas de gages
[ii2].
Tandis que lâle le pays entier, saigné aux quatre membres,
Fouchard trouve le moyen d'élargir tellement son commerce
de boucher en détail qu'il abat ù cette heure le triple et le
quadruple de itôtes ; il a fait des marchés superbes avec l'en-
nemi, haussant les épaules devant le muet reproche des voisins,
disant que c'est son patriotisme, à lui, de ne pas donner gratis,
13.
150 LES PERSONNAGES
aux Prussiens, de la nourriture par-dessus la tète [505J. Et ce
paysan goguenard estime qu'il en a plus tué avec ses vaches
malades que bien des soldats avec leur chassepot. Les francs-
tireurs des bois de Dieulet, Guillaume Sanibuc, Cabasse,
Ducat, sont ses pourvoyeurs de bôles crevées [521]. Un instant
soupçonné d'avoir participé à l'exécution de Goliath Steinberg,
il a été arrêté, maison le relâche peu après, grâce à l'interven-
tion du capitaine de Gartlauben, ami des Delaherche. Foucbard,
d'ailleurs, commence à en avoir assez des Prussiens, qui main-
tenant le chicanent sur la qualité de ses fournitures. Gros
monsieur désormais, il ne montrera son magot qu'à la fin de
la guerre [565]. (La Débâcle.)
Fouchard (Honoré). — Fils unique du vieux Fouchard. \
vingt ans, en 1867, il a tiré un bon numéro, ravi de pouvoi**
épouser la petite Silvine31orange, servante chez son père. Mais
devant la rude opposition de ce dernier, il s'engage et est envoyé
en Afrique, dans l'artillerie. Quand il a su l'aventure de sa
chère Silvine, séduite par Steinberg et devenue mère, il est
reste trois mois à l'hôpital et n'a jamais voulu profiter d'un
congé pour revenir au pays. A l'heure de la guerre, c'est un
maréchal des logis, à Pair crâne et d'aplomb, avec ses mous-
taches et sa barbiche brunes [i]. Sur les routes d'Alsace, il
délile, campé fièrement sur son cheval, à la gauche de sa
pièce, soignée, astiquée, éclatanteainsi qu'un soleil, admirée de
tout le monde, des bétes et des gens, serrés autour d'elle, dans
une discipline -et une tendresse de famille brave [35]. Honoré
a reçu de Silvine une lettre disant qu'elle l'aime toujours,
qu'elle n'a jamais aimé que lui [97], il en tremble de bonheur,
et lorsque, de passage à Remilly, il la revoit, c'est pour lui
{•aràoitner ; il l'épousera dès qu'il sera rentré du service, on
n'étranglera pas le petit, d'autres pousseront, on fînira par ne
plus le reconnaître dans le tas [173].
Sa batterie est parmi celles qui, dans la journée du 1*' sep-
tembre, défendentun instant lecalvaired*llly;ellesyarrivenldans
un ordre superbe, on les dirait àla parade [308], mais tandis que
leurs obus éclatent en l'air, loin du but, les batteries prussiennes,
elles, règlent leur tir en deux coups et atteignent aussitôt les
pièces françaises, qui sont rapidement démontées, malgré leurs
changements de position, bravement accomplis sous lefeu[312].
Fou de rage de voir sa pièce blessée, bouche écornée et roue
détruite. Honoré veut la sauver comme on sauve le drapeau, il
j
DES ROUCON-MACQUART 151 !
i
remplace la roue sous la mitraille, mais, au moment de la re-
traite définitive, il est foudroyé, le bras droit arraché, le ûanc
gauche ouvert. Tombé sur le canony il y reste étendu, comme
sur un lit d'honneur, la face intacte et belle de colère, cl ses
doigts crispés ont retrouvé la lettre de Silvine. que son sang
tache goutte à goutte [315]. {La Débâcle,)
Fougeray (Mademoiselle de). — Fille aînée de la baronne
de Fougeray. Est entrée aux Carmélites. On assure quVIle a
aimé un jeune homme et que celui-ci est mort. La prise de
voile de cette pauvre enfant intéresse tout Paris et défraye les
conversations des mardis de la comtesse Muflat [82] et des sou-
pers d'actrices [H^]. (Nana).
Fouque (Adélaïde), dite Tante Dide (1).— Mère et aïeule
des BougoD-Macquart. Elle a donné naissance à la branche
légitime, par Pierre Bougon, et aux deux branches bâtardes,
par Ursule et Antoine Macquart. Adélaïde, née en 1768, est
orpheline à dix-huit ans. Père mort fou. Elle est une grande
créature mince, pAle, aux regards effarés, aux lèvres charnues,
bizarre d*allures, on lui croit le cerveau fêlé. Héritière des
plus riches maraîchers du pays, elle épouse un lourd jardinier,
Rougon, qui meurt quinze mois après, lui laissant un fils,
Pierre. Avant la fin de son deuil, elle est la maîtresse du con-
trebandier Macquart, qu'elle aime d*un amour de louve, et elle
en a deux enfants, Antoine et Ursule, élevés côte à côte avec
Pierre. Dès les premières couches, elle a subi des crises nerveu-
ses qui s*aggravent lorsque son amant, surpris à la frontière
pendant qu*il introduisait de la marchandise en fraude, est tué
par le fusil d'un Hnnaniftr. J^^^ trniihlgs hystftriqiiqs (|',\jj^1nïHfe
iajcltentjlaiisjjes convulsions terribles, la détraquent complète-
ment en peu d'années [51] et la livrent sans défense aux duretés
de son fils légitime. Dès quarante-deux ans, elle a des airs
vagues de vieille femme tombée en enfance. Elle s'est retirée
(1) Aifélaide Fouque, dite tante Dide. Xée en 17C8; mariée en
i78G, à Rougon^ lourd et placide jardinier ; en a un fils en 1787;
perd son mari en 1788; prend, en 1789, un amante Macquart, désé-
quilibré et ivrogne, contrebandier ; en a un fils en 1789 et une fdle
en 1791; devient folle et entre à V Asile d'aliénés des Tulettes, en
1851 ; y meurt d'une congeslion cérébrale en 1873, à Vâge de
lUo ans. [Névrose criginellcl. {Arbre généalogique des Rougon-
Macquart,)
Iô2 LES l'ERSON SAGES
dans la masure de Macquarl et vit d*uoe pension de six cents
francs, que Pierre lui a consentie lorsqu'il Ta dé()ouiIiée de sa
fortune [64] ; elle vieillit dans une existence monacale, en un
renoncement absolu, aTec des accidents nerveux périodiques, A
soixante-quinze ans, 'Adélaïde a la face blême, un masque
vagrue, le? regards éteints, les mains agitées d*un tremblement
sénile [IG2]. Elle recueille son pelit-ûls Silvère Mouret, âgé de
six ans, qui Tappellc tante Dide et pour qui elle se prend d'une
tendresse ineffable [163]. L'enfant grandit avec elle, la soignant,
raimant, et lorsqu'au coup d*Etat, il meurt sous ses yeux,
victime des haines et des luttes sanglantes de la famille, tué
par un gendarme comme Ta été le grand-père Macquart, tante
Dide, maudissant ses fils criminels, achève de devenir foUft <'j_
est enfermée dans l'Asile d'aliénés desTuleUes. [La fortune des^
Rougon,)
Elle est toujours internée conrmie folle et reste une des plaies
vives de la famille. La petite propriété de son fils Antoine
Macquart est voisine de l'Asile. Pierre Rougon semble avoir
posté là le vieux drôle pour veiller sur l'aïeule [57]. Adélaïde
n'a jamais donné de l'ennui à la maison : elle reste assise, h
regarder devant elle ; depuis douze ans, elle n'a pas bouge
[301]. {La Conquête de Plassans.)
A cent quatre ans, elle vit toujours, ainsi qu'une oubliée, une
démente calme, au cerveau ossitié, chez qui la folie peut rester
indéfmiment stationnaire, sans amener la mort. C'est un squelette
jauni, desséché, tel qu'un arbre séculaire, dont il ne reste que
récorce [73]. Dans son mince et long visage, il n'y a plus que
les yeux de vivants, des yeux d'eau de source, vides et clairs,
sans pensée. Immuable en son fauteuil, tante Dide est là,
comme le témoin gênant du passé, comme'un spectre de l'at-
tentt* et de l'expiation qui évoque, vivantes, les abominations
de 1.1 famille [^ti] et fait peur à Félicité Uougon. Un accident
souilain , le petit Charles Saccard atteint d'une hémorragie
nast'il»^ le lilet de sang venant former une flaque aux pieds de
la folle, réveille ce cervcHU endormi depuis vingt et un ans. La
vieille rrieule revoit dans un éclair le gendarme qui, d'un coup
de pistolet, a cassé la tète de Silvère, elle revoit aussi l'homme
qui a fusillé, comme un chien, le contrebandier Macquart; ce
troisiênvi choc sanglant achève de l'abattre et elle meurt le len-
demain, ûgée de cent cinq ans trois mois et sept jours, enlevée
par une congestion pulmonaire [:2li]. (Le Docteur Pascal.)
li LES PEnSONNACES
nuits à la Pointe Saint-Euslache, avec sa voilure de lé^'unies
trainco parDaUliaznr;«Ilcest pleine de dédain pour Paris et le
traite en ville très éloignée, tout à fait ridicule et méprisable,
r/est elle (|ui a ramassé Florent, la nuit où, exténué et mou-
rant de faim, il était tombé en travers de l'avenue de Neuilly.
Ouaud il la revoit plus tard, elle lui fait Teflet d^une plante
saine et robuste, qu*il oppose en sa pensée aux belles filles des
Halles, chairs suspectes, parées à l'étalage [2iG]. {Le Ventre
ii( Paris,)
Françoise. — Femme de chambre de madame Théophile
Valire. Comme elle vient d'être congédiée au moment où le
mari découvre une lettre compromettante pour sa femme,
Ti uhlot sugî^^ère l'idée d'attribuer cette lettre à un amani Je iw.
doîiicsiique P02]. (Pot-Bouille.)
Françoise. — La servante des Sandoz, dans leur petit
pavillon de la rue Nollet [io'2]. {L'Œuvre.)
Frangipane. ^— Cheval de courses, au baron Verdier,
par The Truth et Lenore. Un grand bai engagé dans le Grand
Prix de Paris et qu'on a fourbu à l'entraînement [388].
{X.tna.)
Frédéric (Madame). — Seconde du rayon de confeciiou:i.
au Doiiheur des Dames. C'est une veuve maigre et laide, à la
mà.hoire saillante et aux cheveux durs [61]. Les vendeuses la
plïiisantent, lui prêtent des relations discrètes avec de grandâ
personnages. .Mais on ne sait rien de ses affaires de cœur; elle
disparaît le soir, raidie dans sa maussaderie de veuve, l'air
pressé, sans que personne puisse dire où elle court si fort [159].
L'n jour, sans avoir prévenu, au grand scandale de madame
Aur/'Iie, elle donne tranquiliement son con^ê, passant
à la caisse pour faire régler son compte, lâchant le
Hoiiheur d'une minute à l'autre, comme le Bonheur lui-iuéme
làclie SCS employés. On la soupçonne d'avoir quitté les nou-
veanit's pour épouser le propriétaire d'un élahiisst*înent de
bain?, du côté des Malles [309J. {An Bonheur des Dames.)
Frimât. — Vieux paysan de Piognes. Un voisin des Mouche.
Ehi -levemi paralytique [lOiJ. (La Terre.)
Frimât (La). — Femme du père Frimât. Elle est rêftutée
au vill.ige pour ses connaissances, on a recours à elle dans les
cas -iifliciies afin de s'éviter la visite du vétérinaire. C'est une
graiiJc vieille sèche, osseuse, qui soigne son maii et le lait
DES nOUGON-MACQUART 155
vivre en cultivant clle-môme, avec une obstination de bête de
somme, l'unique arpent qu'ils possèdent [lOi]. Sa continuelle
doiéance est le manque de fumier, elle en est venue à se servir
de tout ce que son vieux et elle font, de cet engrais humain si
méprisé, qui soulève le dégoût, même dans les campagnes. On
rappelle la môre Caca [123]; ses choux et ses carottes ont beau
être superbes, ils subissent une défaveur au marché. La Frimai
a les soins les plus attentifs pour son mari; le vieil infirmé est
devenu comme son enfant, qu'elle porte, cbange, gâte de frian-
dises [410]. Elle pleure à la pensée qu'il va mourir [514]. {Lu
Terre.)
r
Gabet (La mère). — Vieille journalière de Deaumont. On
la loue tous les trois mois chez les Hubert pour la lessive [102].
Elle dcineurc rue des Orfèvres. Atteinte de sciatique, gardant
io ht, réduite au plus profond déoùment, la mère Gabet est
^..courue par Angélique Marie et par Félicien de Ilaute-
cœur [119]. (Le Héve.)
Gaga. — Une vieille garde. A fait les délices des premières
années du règne de Louis-Philippe. C'est une grosse femme,
sanglée dans son corset, une ancienne blonde devenue blanche
•.: teinte en jaune, dont la figure ronde, rougie par le fard» se
Ijoursoulle sous une pluie de petits frisons enfantins [12]. Elle
.'( des paupières bleuies, aux cils brûlés. Gaga, qui a connu
irina d'Anglars, une ancienne du premier Empire [215], tra-
vaille encore, elle a toujours des hommes, surtout de très
jounes, dont elle pourrait être la grand'mère [110]. Traînant
|iartout sa ûlle Lili, elle allecte de vouloir la marier, car un
bon niénacre doit valoir mieux que tout, })uisqu'elle, Gaga, à
son ùge, n*a pas mis un sou de côté; elle linit néanmoins par
vendre la petite au marquis de Chouard [102]. Gaga est vio-
lemment bonapartiste. Le règne de la branche cadette a été
une époque de panés et de grigous ; la république de qua-
rante-huit lui a fait Telfet d'n|ie dé^oùtalion, car elle y a crevé
di faim; son avi> est que les dames devraient se mettre à
;:enoux devant Napoléon III qui a été leur père [521]. Par une
rare malchance, elle vient d'achever de payer sa petite maison
de Juvisy lorsque la guerre éclate; si les Prussiens viennent,
ils brûleront tout [51UJ. (Xana.)
Gagebois. — Verrerie à Monlsou. La grève des mineurs
ramène à éteindre ses feux [125]. {Germinal.)
ir.> LES PEKSOiNNACES ^
Gagnière. — Un peintre, de Ja bande de Claude Lantier.
Petit, vague, il a une ligure poupine et étonnée, avec des yeux
verts et une légère barbe blonde. Originaire de Melun, fils de
gros bourgeois qui lui ont laissé là-bas deux maisons, il a
appris la peinture tout seul dans la forêt de Fontainebleau, il
dessine des paysages consciencieux, d'intentions excel-
lentes [00]. Ses scrupules de conscience artistique le tiennent
pendant des mois sur une toile grande comme la main. A la
suite des paysagistes français, ces maîtres qui ont Jes pre-
miers conquis la nature, il se préoccupe de la justesse du ton,
de l'exacte observation des valeurs, en théoricien dont Thonné-
teté linit par alourdir la main; et, souvent, il n*ose plus risquer
une note vibrante, il est d'une tristesse grise qui étonne [lOâ].
Sa vraie passion est la musique, une folie de musique, une
flambée cérébrale qui le met de plain-pied avec les plus exas-
pérés de la bande. S'il s'indigne devant la foule qui bue le
Plein Air de Claude Lantier, c'est parce qu'il reconnaît autour
de lui les imbéciles qui sifflent Wagner chaque dimanche, aux
concerts Pasdeloup [165]. On le retrouve, plus tard, enfoncé
dans la théorie des couleurs complémentaires, intéressé par ce
principe mathématique, qui fait entrer la science dans la pein-
ture; mais il reste toujours fou de musique, ayant des sourires
d'extase devant Haydn, à la petite voix chevrotante d'aîeule
poudrée, Mozart, le génie précurseur qui a donné à l'orchestre
une voix individuelle, Beethoven que ces deux-là ont fait,
l'iiéroïque logicien Beethoven, le pêtrisseur de cervelles, le
créateur de la symphonie avec chœurs d*oii sont partis tous les
grands d'aujourd'hui; et il ne tarit pas sur les romantiques
Weber et Schubert, sur Rossini, le don en personne, si éton-
nant par l'abondance de son invention, sur Meycrbeer, le maliu
qui a proQté des trois autres; et il exalte Berlioz, le Delacroix
de la musique, et Chopin, le poète envolé des névroses, et
Mendelssohn, le ciseleur impeccable, et Schumann, dont le
chant plane sur les ruines du monde, et enfin Wagner, le dieu
en qui s'incarnent des siècles de musique [265].
Son amour pour cet art qu'il préfère à tout l'a poussé à
prendre des leçons de piano chez une vieille demoiselle [213].
il se fixe à Me]un,où il habite une de ses deux maisons, en
vivant chichement de la location de l'autre. 11 s'est marié avec
sa maîtresse de piano, qui lui joue du Wagner le soir [S^^i].
Deux ou trois fois par mois, Gagnière vient à Paris, tout efl^aré,
pour un concert [411]; il continue à exposer tous les ans un
D£S ROUGON-MACQUART 159
))ord de Seine, d*UD joli ton gris, consciencieux et si discret
que le public ne le remarque jamais. D ailleurs, l'homme
ne change pas, il blondit en vieillissant [439], mais si Tâge
semble le rajeunir au physique, son moral s^aigril, le succès
des autres lui allonge les dents; d* accord avec Mahoudcau, il
massacre les Jory et les Fagerolles, dont la réussite J'exaspère,
et il s*achanie sur Claude, qui est à terre, celùi-la, et qu'il
regrette d'avoir fréquenté [449]. {L'Œuvre.)
Galissard. — Mercier à Plassans. Marie sa fille au profes-
seur Lalubie. C'est une jolie petite blonde, à qui Claude Lan-
lier et Sandoz allaient donner des sérénades [36]. (LŒnvrc.)
Garçonnet. — Maire de Plassans. Légitimiste placé
en 181' à Ja lèlé delà municipalité. Fort riche, délicat, coquet,
a fait installer à la mairie, derrière son cabinet officiel, un élé-
;'ant réduit. Il est très lié avec le clergé et voit sans enthou-
siasme un coup d*Ëtal bonapartiste; néanmoins il fait afficher
les dépêches du nouveau gouvernement [123] et est arrêté dans
la nuit du 7 dt'ccmbre, à la mairie, par les insurgés [187] qui le
traitent avec douceur [:256], l'emmènent comme otage et ren-
ferment dans Tauberge de la Mule blanche, à Saint-Roure [259].
Délivré le 12 par les troupes de l'ordre [2G7], il rentre en
carriole à Plassans avec les autres libérés [361] et offre un
dinei* d apparat au préfet, M. de Blériot, et au colonel Masson
\^t*'2] qui viennent de noyer l'insurrection dans le sang. {La
Foriitiie des Rougon.)
Gartlauben (De). — Capitaine de la landwehr. Pendant
roccupation prussienne, à partir de la seconde quinzaine de
septembre, il loge à demeure chez les Delaherche, à Sedan.
Tonjours sanglé dans son uniforme, grand et gros, il ment sur
son âge, désespéré de ses quarante-cinq ans. Malgré son grade
mod»?ste, c'est un puissant personnage, car il a pour oncle un
gouverneur général installé à lîeims et qui exerce sur toute la
région un pouvoir absolu. .Vvec plus d'intelligence, le capi-
îriine pourrait être terrible, mais sa vanité outrée le met dans
une continuelle satisfaction, jamais il n'en vient à supposer
qu'on veuille se moquer de lui [oi6]. Séduit par la grâce de
Gilberte. il a Uni par tomber amoureux fou de la jeune femme,
il s-i soigne beaucoup, déploie une co(|uetterie outrée et se
contenh^ de la moindre faveur, tourmenté de l'unique souci
de n'être pas pris pour un barbare, pour un soldat grossier,
violentant les femmes [551]. Il rend des services aux Delà-
.(
iCO LES PEU SUN NAGES
hcrche ut adoucit pour eux les rudesses de l'occupation. {La
Débâcle.)
Gasc. — Propriétaire d'une érurie de cotirses. Fait courir
le Grand Prix de Paris par Doum [388], (A'aîia.)
Gasparine. — Cousine de Rose Domergue. Elles ont vécu
leur première jeunesse à Plassans. Gasparine était une belle
fille pauvre, grande et désirable avec ses beaux yeux. L'ar-
cbitccte Campardon Ta aimée, puis abandonnée pour épouser
Piose, dont la dot le tentait, et Gasparine s*est réfugiée à Paris
auprès d'une tante couturière. Plus tard, on la retrouve pre-
mière demoiselle au comptoir de lin^rerie chez les Uédouin,où
elle gênera pendant quelque temps Octave Mouret. Séchéepeu
à peu, elle est devenue maigre, anguleuse, avec la mâchoire
saillante et les yeux durs, n'ayant gardé que ses grands yeux
superbes, dans son visage devenu terreux. Elle a un front
jaloux, la bouche ardente et volontaire. Campardon est son
amant ; Hose, devenue impotente à la suite de couches, a elle
même régularisé le partage. Grâce à- cette tranquille complai-
sance et au large égoïsme de Campardon, Gasparine s'est
installée dans la maison, en parente pauvre qui s'incline de-
vant les toiitittes et les grâces de la cousine riche [^09], mais
elle a pris une autorité de plus en plus large, domptant les
bonnes, s*occupant de tout, assurant son bonheur matériel
avec celui des autres. Les amis l'appellent tranquillement
l'autre madame Campardon. {Pot-Douille.)
Gaston. — Fils d'un général. Il a l'âge du prince impérial
mais il est déjà beaucoup plus fort. L'empereur demande des
nouvelles de son petit ami Gaston [190]. (Son Excellence Eugène
Bougon.)
Gaude. — Clairon au 106* de ligne, compagnie Beaudoin.
Grand garçon, maigre et douloureux, sans un poil de barbe,
toujours mue!, soufflant ses sonneries d'une baleine de tem-
pête [8]. Le 1*'' septembre, pendant la défense de TErmitage,
au-dessus du Fond de Givonne, tout en sachant que sa com-
pagnie est anéantie, que pas un homme ne peut venir à son
appel, il empoigne son clairon, rembouche, sonne au railie-
menl, d'une telle violence qu'il semble vouloir faire dresser les
morts. Cet homme, qui a eu des chagrins dont il ne parle
jamais, esl pris d'une folie héroïque. Les Prussiens arrivent, il
ne bouge pas, soufflant plus fort, à toute fanfare. Une volée de
DES l;OUGON-MACQUART 161
bailes linit par l'abattre, son dernier souffle s'envole en une
note (le cuivre, qui emplit le ciel d*un frisson [375]. {La Dé'
bâcle,)
Gaudibert (Isidore). — Maire de Barbeville depuis 1852.
Fait des odos politiques pleines de goût [271]. Le ministre
Rougon \c décore, malgré ses répugnances pour la poésie.
C'est Isidore Gaudibert qui a comparé Tempcreur à un feu
d'artifice. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Gaudron. — Mari de madame Gaudron. Lourdeur de brute
[S'5]. (LWs^ommoir.)
Gaudron (Madame). — Cardeuse de matelas. Voisine des
Lcrilleux, rue de la Goutte-d'Or. C'est une grosse mère, éta-
lant constaminent un ventre de femme enceinte. Neuf enfants.
Eile a été invitée avec son mari à la noce des Coupeau [79],
Ci Mes-Iîoltes, blagué pour son appétit excessif, répond à
madame Gaudron qu'elle en a avalé plus long que lui [111].
(VAssomt/icIr.)
Gaudron fils. — L'aîné des Gaudron. Ouvrier menuisier;
à dix-sept ans, il serre de près la petite Pauline Boche [455].
{UAssommolr.)
Gaujean. — Fa])ricant de soieries à Lyon. Longtemps
sirijple coniniissionnaire, il n'a des métiers à lui que depuis
cloq ou six ans, il fait travailler beaucoup de façonniers
auxquels il fournit la matière première et qu'il paye tant du
mètre ; ce système hausse les prix de revient et ne lui permet
pas de lutter avec Dumonteil pour la fourniture des failles du
Donheur dos Dames. Aussi accuse-t-il les grands magasins de
ruiner la faltrication irançaise ; trois ou quatre font la loi et
régnent en maîtres sur le marché ; la seule façon de les com-
battre, à son avis, est de favoriser le petit commerce, les spé-
cialités surtout, auxquello l'avenir appartient. Il s'entend avec
plusieurs confières de Lyon pour offrir à Robineau des crédits
très lar^'cs. il lui apporte une soie qui doit écraser le Paris-
Bonheur [-3."?]. Mais après une éclatante défaite, il se rend
compte <|ne la fabrication n'a plus qu'à suivre le progrès, par
une meilleure organisation et des procédés nouveaux; et il se
sent penlu, s'il ne rentre pas en grâce auprès d'Octave Mouret
[*61". (Au Bonheur des Dames.)
Gavard. — Marchand de volailles aux Halles. Petit, carré,
l'air heureux, les cheveux gris et taillés en brosse. Beau-frère
 t
16i LES PERSONNAGES
(le madame Iiecœurel oncle de la Sarriette. Était rôtisseur me
Saint-Jacques quand il a connu Florent et son frère Quenu.
Peu après le coup d*État, il a perdu sa femme et a gardé la
rôtisserie jusqu*en 1856; il a vécu d*abord de ses rentes, arron-
dies lors de la guerre de Crimée par une fourniture militaire.
Puis, s*ennuyant, il est venu habiter rue de la Cossonnerie et,
séduit par les Halles, il s*est décidé à louer une place au pa-
^illon de la volaille, uniquement pour se distraire parles can-
cans du marché [7i]. Il est profondément détesté de sa belle-
sœur, qui avait espéré en vain se faire épouser.
Homme d'opposition, Gavard se vante d'avoir dit leur fait
à quatre gouvernements, n'avoue pas qu'il a applaudi au
Deux-Décembre et regarde maintenant Napoléon 111 couime un
ennemi personnel. Il se pose en homme dangereux et se
nourrit de hâbleries, avec un besoin goguenard de tapage.
Gavard a dépassé la cinquantaine lors du retour de Florent,
qu'il rencontre mourant de faim et qu'il ramone à Quenu.
Ravi d'une aventure qui met sous sa main un camarade réel-
lement compromis, il s'amuse a prendre des allures de conspi-
rateur. II a obtenu pour Florent une place aux Halles, s'ima-
ginant ainsi embêter l'Empire qui donnera son argent à un
échappé de Cayenne. Bientôt, il l'entraîne chez Lebigre, où se
réunissent avec lui des amis politiques, Logre, Bobine, La-
caille, Alexandre, Charvet et Clémence, tous ennemis du gou-
vernement impérial. De là sort le complot des Halles, machiné
par Logre. Gavard, heureux d'acquérir de l'importance, se
compromet à plaisir, montre partout un revolver qu'il appelle
Anatole, pousse l'enfantillage jusqu'à vendre des titres pour
avoir chez lui dix mille francs en or, prêts à toute éventualité.
Finalement, il se fait prendre dans la souricière organisée chez
Ouenu, et il jette sa clé à la Sarriette et à madame Lecœur qui,
flanquées de mademoiselle Saget et de la concierge, madame
Léonce, courent voler son or et omettent de brûler les papiers
compromettants. Traduit en justice avec Florent et les autres
conspirateurs, il est conda<mné à la déportation, payant cher sa
verve opposante de boutiquier parisien [355]. {Le Ventre de
Paris.)
Gavaudan (Joséphine) (I). — Connue de tout Plassans
(I Joséphine Gavaudan, marcliande à la Ilalley rigoureuse, ira-
vailleu!i€f mais intempérant e^ mariée en ISi'J à Antoine Macqiiarl.
{Arbre généalogique des liougon-Macquart.)
DES ROUGOX-MACQCART iC3
SOUS le diminutif de Fine, elle est en i829 une grosse et
grande gaillarde d'une trentaine d'années. Face carrée, d'une
ampleur masculine, larges épaules, bras énormes, poil au
menton et aux lèvres. Malgré son air terrible, Fine est d'une
douceur de mouton et possède une petite voix d'enfant, douce
et claire. Elle habite près de la Halle, rue Civadière. Adorant
les liqueurs et souvent rapportée ivre à la maison le dimanche
soir, elle travaille comme un cheval, vendant à la Halle, fai-
sant des ménages et rempaillant des chaises [117]. Antoine
Macquart l'épouse en 1829 et se fait entretenir par elle. Exis-
tence de paresse pour l'homme, de dur travail pour la femme,
arec des soûleries et des batailles continues. Ils ont un fils,
Jean, et deux lilles, Lisa et Gervaise ; celle-ci, devenue grande,
boit avec sa mère. Joséphine Gavaudan meurt d'une fluxion
de poitrine, dans les premiers jours de 1850 [179J. {La
Fortune des Rougon.)
Gautier (Le père). — Propriétaire et vigneron, à Saint-
Eutrope. François Mouret, dans sa folie, se souvient d'avoir
acheté au père Gautier trente inilleroles de gros vin. [361].
(La Conquête de Plassans.)
Gédéon. — L'âne des Mouche. Gros, vigoureux, de couleur
rousse, la grande croix grise sur l'échinc. C'est un animal
farceur, plein de malignité : il soulève très bien les loquets
avec sa bouche, il entre chercher du pain dans la cuisine, et.
à la façon dont il remue ses longues oreilles, quand on lui re-
proche ses vices, on sent qu'il comprend. Commandé par deux
femmes, Lise et Françoise, depuis la mort du maître, il a
conçu d'elles le plus complet mépris [121]. Le plus beau trait
de la vie de Gédéon est une énorme soûlerie, vingt litres de
vin trouvés duns un baquet pendant les vendanges et pompés
avec tranquillité [353]. {La Terre.)
Georges. — Jeune employé qui a rencontré Renée Saccard
sur le quai Saint-Paul, l'a suivie et a obtenu ses faveurs dans
le petit entresol de Sidonie Hougon. Celte passade s'est renou-
velée, sans que Renée ail jamais demandé à l'employé son nom
de famille [131]. (La Curée.)
Géraldine. — Personnage de la Petite Duchesse^ pièce de
Fauchery, jouée aux Variétés, lue blonde étoile d'opérette
pour (jui le duc de Reauvisagc trompe sa femme ; elle fait une
querelle de charretier au duc, très souple, Pair enchanté [312].
la LES PERSONNAGES
Ce rôle, destiné d'abord ù Nana, est joué par Clarisse Besnus.
{Nana.)
Gilquin (Théodore). — Terrible ami du ministre Rougon,
qu'il a connu quand tous deux étaient locataires de madame
Correur et qu'ils crevaient de faim sur le même palier [107]
C'est un garçon qui a contribué conmie les autres à faire FEm
pire ; il est précieux à l'occasion, mais d'un débraillé compro-
mettant. Il vit dans une ivresse perpétuelle, changeant cons-
tamment de quartier, allant de Grenelle, rue Virginie^ i7, aux
Balignolles, passage Guttin, puis au faubourg Saint-Germain,
rue Guisarde, et enfin à la Chapelle, rue du Don-Puits, 25.
Plusieurs fois arrêté pour tapage et cris séditieux, il se fait ré-
clamer par Eugène Ûougon, qui continue à l'employer à de
louches besognes. C'est Gilquin qui, mis au courant par hasard,
dénonce nu grand homme l'attentat de la rue Le Peletier.
Quand Du Poizat, autre ami des anciens temps, devient
préfet des Deux-Sèvres, il nomme Gilquin commissaire central
à Niort ; le bohème, devenu fonctionnaire à poigne, commence
par incarcérer les gens en homme du monde [3i!2], fait la roue
devant les dames, séduit la femme du proviseur, mais bientôt il
accumule les gaffes, arrêtant le moribond Martineau qu'il em-
porte comme un mort [33â], se faisant donner de Targent
pour exempter les conscrits, obligeant enfin son protecteur Du
Poizat ù le casser pour se couvrir (i06). Seul de la bande qui
ne soit arrivé ù rien, il reste seul fidèle à Bougon, mais il con-
tinue à le compromettre par son intempérance et par ses cris
frondeurs de: Vive la République! [438]. {Son Excellence
Eugène Bougon.)
Giraud (Tata). — Tient à Plassans un pensionnat de
mioches, où le sculpteur Mahoudeau a connu Pierre Sandoz et
d'autres camarades, retrouvés plus tard à Paris [1^]. {L'Œuvre.)
Godard (Abbé). — Curé de I)azoches-le-Doyen. Dessert
rancienne paroisse de Rognes qui, plus importante autrefois et
réduite aujourd'hui à une population de trois cents habitants
à peine, n'a pas de cure depuis des années. 11 fait chaque
dimanche à pied les trois kilomètres qui séparent les deux
communes. Gros et court, la nuque rouge, il a une face apo-
plectique où la graisse a noyé le petit nez camard et les petits
yeux gris. Sa tête est embroussaillée d'épais cheveux roux gri-
sonnants [47]. L'éloquence est son côté faible ; au prône, les
DES ROUGON-MACQUAnT 165
mots ne viennent pas. ce qui explique pourquoi monseigneur
l'oublie depuis vingt-cinq ans dans sa petite cnre [5^].
A Rognes. Tabbé Godard s'en tient à son devoir strict; de
perpétuels scandales le découragent, aucune procession n*a
lieu sans qu'une Dlle de la Vierge soit enceinte, le conseil
municipal laisse tomber Téglise en ruine, Tabbé se beurte à la
parfaite indifférence de ses ouailles, qui ne craignent plusson
Dieu de colère et de châtiment, rient à Tidée du diable et ont
cessé de croire le vent, la grêle, la tempête aux mains d*un
maître vendeur [313], Aussi ne décolère-l-il pas, surtout après
rêcbec de l'abbé Madeline, venu d'Auvergne pour tenir la cure,
cl tué par rirréligion des paysans.
jiuis le terrible grognon, toujours emporté dans un mouve-
r.jcnt de vinjer.ce, a beau être sur que les damnés de Rognes
iront rOlir »*u enfer, il ne veut pas les laisser trop souffrir dans
AU vie [ôl-;. 11 a la passion des misérables, leur donnant
tout, son argent, son linge, ses habits, à ce point qu'on ne
trouverait pas en Deauce un prêtre ayant une soutane plus
roUçC et pins reprisée [ôi]. {La Terre.)
Godebœuf. — Marchand d'herbes cuites rue Pirouette,
ùaus la bouti<{ue de l'ancienne charcuterie Gradelle [^0].
.-'. Veiitre de Paris.)
Godemard. — Élève de l'atelier Dequersonnière. Voir
Goxnard. — Marchand de vin, rue de la Femme-sans-Tôte,
1 l'enseigne : Au Chien de Montargis. C'est là que Claude
Lanlier prend ses repas, parmi les maçons en blouse de travail,
éclaboussés d^ plâtre [72]. (L'Œuvre.)
Gonin «Famille). — Pêcheurs habitant Ronneville. La fa-
millîs-' c<'mi jse du mari, de la femme et d'une (illette [29].
Très à leur aise, ils recueillent Cucbe lorsque la maison de
celui-ci es\ ù 'truite par la mer. Cousin de la femme Gonin,
r.uciie ùevien: bientôt son amant, tandis que Gonin tombé en
paralysie, roué de coups par l'un et par l'autre, passe les jours
et les raiits ians un vieux coffre à bois [12^]. La petite Gonin.
geDtille Ijlon linelle, secourue par Pauline Quenu, traîne avec
les cramins il;; navs et accouche à treize ans et demi d'un
enfant qu'on croit être «lu fils Cuchc [333], La jeune mère est
si frêle, si p* u formée, qu'elle semble une sœur^aînée prome-
nant s'ieadeli-:'. La femme Gonin et Cucbe tombent sur elle et la
106 LKS PEIlSONNAObS
brutalisent, disant que, quand on fait la vie, ça doit rapporter
au lieu de coûter. Quant au vieil infirme, il meurt un matin
dans son coffre à charbon, si noir de coups que la police parle
de s'en mêler [128]. (La Joie de vivre.)
Gorju. — Élève de Tatelier Dequersonniore. Un futur
architecte. Sur un des murs de râtelier, couvert de charges,
on lit à la plus belle phice, ce procès-verbal laconique : c Le
7 juin. Gorju a dit qu'il se foutait de Home: Signé: Godemard»
[68]. (LŒuvre.)
Goujet (Madame). — Voisine de palier des Coupcau, dans
leur premier domicile de la rue Neuve de la Goutte-il'Or. Tou-
jours vôiue de noir, le front encadré d'une coiffe monacale,
elle a une face blanche et reposée de matrone. .Madame Goujet
raccommode \e^ dentelles; elle est venue du département du
Nord avec son fils, à la suite d'un drame: le père Goujet, un
soir d'ivresse furieuse, a assommé un camarade à coups de
barre de fer, puis s'est étranglé, dans sa prison, avec son mou-
choir. La mère et le fils rachètent leur malheur par une
honnêteté stricte, une douceur et un courage inaltérables [133].
Maternelle pour Gervaise, dont elle apprécie les qualités,
madame Goujet permet k son fils de lui prêter de l'argent,
mais elle voit avec tristesse l'avilissement progressif des
Coupeau, et tente en vain par un mariage, d'arracher son fils à
un amour sans issue honorable; elle meurt d'un rhumatisme
aigu [510]. (V Assommoir.)
Gou]et. — Fils de madame Goujet. Forgeron. Travaille rue
Marcadet, dans une fabrique de boulons [^05]. C'est un colosse
de vingt-trois ans, superbe, le visage rose, les yeux bleus ; il
est d'une force herculéenne. A l'atelier, les camarades l'appel-
lent la Gueule d'or, à cause de sa belle barbe jaune. C'est un
grand enfant très poli, très sobre ; sa chair est alourdie par le
dur travail du marteau ; il est dur d'intelligence, bon tout de
nichic. Goujet. quoique républicain, a refusé de se battre au
Deux-Décembre, parce que les ouvriers sont las de tirer les
marrons du feu pour les bourgeois, mais il a sauvé Coupeau
qui avait failli se faire prendre à une barricade où il était
descendu bêlcmenl pour voir l'émeute [136]. .Attendri devant le
courage et de dévouement de Gervaise, Goujet s'est pris pour
elle d'une vive tendresse ; il ruime silencieusement, passant
des heures à la contempler, dans la boutique de blanchisseuse
qu'elle a pu louer grâce à un prêt d'argent qu'il lui a fait [192].
DES nOUCON-MACQUART 1G7
Ost une grande afTection qui remplit sa vie, le délourne
d un mariage rùvé par sa mère, et survit à la lente déchéance
de i.iervaise, à son écroulement dans la boue [54:2]. (UAssoni"
moir.)
Gouraud (Baron). — Sénateur du second Empire. Étant
fournisseur de la grande armée, a été fait baron par Napo-
léon h-, puis il est devenu pair de France sous la Restauratio*!
et sous la monarchie de Juillet, et a été mis au Sénat par
Napoléon lll. \ soixante-dix-huit ans, cet adorateur du trône a
un ventre énorme, une face de bœuf^une allure d*éléphant [96] ;
déjà coquin à Vépoque où il nourrissait de vivres avariés les
t"''«upes impériales, il met la main dans toutes les grandes
affaires et vend majestueusement son influence. Ce vieillard, à
qui aucune infamie n*est étrangère, se plaît à de monstrueuses
iJl^auches qui Font mis en relations avec Sidonie Rougon.
C'est par celle-ci qu'Aristide Saccard parvient à Gouraud et
rir.icresse à son jeu. Uans les dernières années, le vieux baron
ilwicnl [«oJagre ['279]. {La Curée.)
Gourd. — Concierge de Timmeuble Vabre, rue de Choi-
seul. llo'jinie digne, à longue face rasée de diplomate. C'est
1 nurien valet de chambre du duc de Vaugelade, il possède une
niTiison à- campagne à Morl-la-Ville et attend d'avoir trois
mille frai. es de rente pour s'y retirer. Coiffé d'une calotte de
vr.ours e: chaussé de pantoufles bleu ciel, il est plein de dignité,
surveillant la moralité de la maison, ne tolérant ni chiens, ni
femmes enceintes, méprisant les gens du second qui ne fré-
quentent personne, mais estimant beaucoup le monsieur du
troisième, un locataire à rendez-vous clandestins qui le paye
bien et «i :il il rince les cuvettes, de son air froid de mngislral
retiré [oi''j\. Gourd fait exécuter les gros nettoyages de la
maison )• r une vieille femme, la mère Pérou, la traitant avec
l'esprit de domination brutale, le besoin enragé de revanche
ài'S anciris domestiques qui se font servira leur tour [126]. Il
es: la leireur dts bonnes, qui n'arrivent h le réduire au silence
que par celte seule injure: c Va donc vider les pots de chambre
li- nions]. ur le duc ! > 11 hait surtout les gens du peuple. (Po^
iJouillc.)
Gourd (Madame). — Femme du concierge. C'est la veuve
d'un peti' huissier de Morl-la-Ville. Ses jambes enflées l'empé-
cient dclltr Jusqu'au trottoir. Très grasse, coifl'ée de rubans
j2:;nes, elle aime à vivre dans un fauteuil, les mains joinies, à
168 LES PERSONNAGES
De rien faire [3]; elle surveille seulement les allées et venue
suspectes. {Pot-Bouillc.)
Gradelle. — Frère de madame Quenu mère, oncle de Flo-
rent et de Quenu. Élabli charcutier rue Pirouette. Gros avare,
homme brutal, qui a reçu ses neveux comme des meurt-de-
faim [51]. A dépassé soixante ans au moment du coup d'État ;
il refuse de faire des démarches pour sauver Florent et utilise
dans son commerce les talents culinaires de Quenu, lui donnant
chai]ue mois six francs pour ses menus plaisirs. Lorsque Gra-
delle devient veuf, il prend une fille de boutique, Lisa Mac-
quart, qui fait rapidement la conquête de tout le monde et
règne bientôt sur la boutique. Un an après, Gradelle est fou-
droyé par une attaque d'apoplexie, en préparant une galan-
tine [58]. On trouve son trésor, une somme de quatre-vingt-
cinq mille francs enfouie dans la cave, au fond d'un saloir.
Quenu, seul héritier en l'absence de Florent, épousera Lisa et
succédera à son oncle sous la raison sociale Quenu-Gradelle.
(Le Ventre de Paris.)
Grand-Dragon (Le). — L'un des chauffeurs de la bande
du Deau-François [67]. (La Terre.)
Grande (La). — Fille aînée de Joseph-Casimir Fouan.
Sœur du père Fouan, de Michel Mouche et de Laure Dadeuil.
Mariée à un voisin, Antoine Pécliard, elle lui apporta en
mariage sept arpents de terre, contre dix-huit possédés par lui.
Restée veuve de bonne heure, elle a chassé sa fille unique,
parce que celle-ci a voulu épouser contre son gré un garçon
pauvre, Vincent Bouteroue. La fille et le gendre sont morts de
misère, laissant deux enfants, Palmyre et Hilarion, que la
granu'mcre a refusé de connaître. A quatre-vingts ans, res-
pectée et crainte dans la famille, non pour sa vieillesse, mais
pour sa fortune, exigeant des égards en reine riche et redou-
tée, elle dirige encore elle-même la culture de ses terres;
elle a trois vaches, un cochon et un valet qu'elle nourrit à
Tauge commune, obéie par tous dans un aplatissement de
terreur.
Encore très droite, très haute, maigre et dure, avec de gros
os, elle a la tète décharnée d'un oiseau de proie, sur un cou
long et flétri couleur de sang. Le nez de la famille, chez elle,
se recourbe en bec terrible ; des yeux ronds et fixes, plus un
cheveu sous le foulard jaune qu'elle porte et, au contraire.
DES ROIGON-MACQLAUT 169
toutes scsdents, des mâchoires à vivre de cailloux. Elle marche
le bâton levé et ne sort jamais sans sa canne d*épine, dont
elle se sert uniquement pour taper sur les bêtes et le monde [32].
La Grandt*, furieuse contre le ciel qui envoie la grôle, lui lance
des cailloux pour le crever. Elle ne croit pas à Tenfer. Et le
village tout entier admire sa dureté, son avarice, son entête-
ment à posséder et à vivre. Quand les terres de Louis Fouan
ont été partagées, elle a blâmé son frère, trouvant qu*il faut
être béte et tâche pour renoncer à son bien, tant qu'on est
debout; les turpitudes qui vont suivre, le long calvaire du père
Fouan, le drame des Buteau, la trouveront hostile à tous,
satisfaite de leurs maux, surexcitant les cupidités, ne s*interpo-
sant que pour envenimer les querelles. A quatre-vingt-huit ans,
elle ne se préoccupe de sa mort que pour laissera ses héritiers,
?vec sa fortune, le tracas de procès sans fin, une complication
ae testament extraordinaire, embrouillée par plaisir, où sous le
'Prétexte de ne faire du tort à personne, elle les forcera de se
dévorer tous [377 J. (La Terre.)
Grandguillot. — Notaire à Plassans. Il s'enfuit en Suisse
avec deux in:iilresses, ayant mis ses propriétés à un autre
:iom [-oJ]. La fortune du docteur Pascal a été en partie eu-
jjiouiie dans le désastre. (Le Docteur PascaL)
Grandjean (1). — Marié à Hélène Mouret. Pore de Jeanne
ZîuinJjean. Ne à .Marseille en 1818, de santé délicate, apparte-
nant à une riche famille de rafiîneurs, il s'est pris d'un vio-
lent amour pour Hélène Mouret, rencontrée par hasard un
matin de marché [G7]. H Fépouseen 18il, malgré l'opposition
formelle des GranJjean, outrés de la pauvreté d'Hélène et
tlécidés à rompre plutôt que de céder. Le jeune ménage vit
d'une façon précaire jusqu'au jour où un oncle h'gue dix mille
irancs de renie à Grandjean qui, nourrissant une haine contre
la Provence, quitte aussitôt Marseille et vient s'installer à Paris
avec sa femme et sa fillette. Descendu à Phôlel du Var, rue de
Uichelieu, il est atteint, dans la huitaine de son arrivée, d'une
ilu.\ion de poitrine qui l'emporte presque subitement [21J.
{Une Page d'A/tiour,)
Grandjean (Madame). — Voir Mouhet (Hélène).
(\) Graji'ljcan, chélif et prédUposé à la phtisie ^ marié en 1841 d
//(i/e/ie Mouret. {Arbre gcnéjlugique île; Rougon-Macquarl.]
i:>
17» LES PEnSONNACES
Grandjean (Jeanne) (1). — Fille de Grandjean et d'Hélène
Mouret. Née en 1842. Petite-fille d*Ursule Macquarl, morte tout
d*un coup d'une phtisie aiguë après une vie d'affolements et
de crises nerveuses, arrière-petite-nile d*Adélaîde Fouque,
enfermée dans une maison d'aliénés. Est atteinte d'une de ces
affections chloro-anémiques qui favorisent le développement de
tant de maladies cruelles [207]. Les convulsions de sa pre-
mière enfance reparaissent à onze ans et demi. C'est une
enfant délicate, au fin visage d'un o\ale adorable, un peu
allongé, d'une grâce et d'une finesse de chèvre. Elle a de
grandes paupières ]>leuàtres et transparentes, un nez mince,
une bouche un peu grande, des cheveux d'un noir d'encre [11].
Tellement nerveuse qu'il a fallu renoncer à lui apprendre la
musique, rendue folle par l'éther, adorant se balancer, mais
s'évanouissant dans la sensation du vide, atteinte d'une terrible
crise après les émotions d*un mois de Marie rempli de fleurs et
d'encens, elle anime quelquefois la maison d'une joie bruyante,
puis tout à coup elle a des noirs, des accès de colère aveugle.
Par moments, cette enfant de onze ans a des regards où luit
toute la vie de passion d'une femme.
Elle aime sa mère avec une jalousie d'amoureuse instinctive,
qui la fait sangloter quand madame Grandjean caresse une
autre enfant, elle veut l'avoir toute à elle, n'acceptant aucune
affection rivale. D'abord amie de Rambaud, elle se fâche aussitôt
qu'elle devine son projet de mariage, elle le prend en horreur,
rapproche môme sa mère du docteur Deberle, les veut toujours
ensemble [181], puis, dès qu'elle surprend leur amour, c'est
une saule brusque, sa haine va vers Deberle, elle subit un
martyre d'adoration trompée, la nécrose dont elle souflVe lui
donne une seronde vue. A l'heure où sa mère cède à Henri,
olle se juge abandonnée à jamais et, s'enlélant sous une pluie
froide, elle contracte la phtisie aiguë qui va l'enlever en trois
semaines. C'est une agonie fermée, une mort siltincieuse et
haineuse, sans pardon. Jeanne Grandjean meurt en 1855 et
restera seule là-haut, sous les cyprès du muet cimetière de
Pa>sy. devant le Paris éternel. (Une Page d* Amour.)
(Ij Jeaiiue Grandjean, née en 18^i2; meurl en 1855, à la suite
d'accidcnls nerveux, lllérédilc en retour, sautant deux générali«»n*.
nosseinblaiice piiysiquc el morale d'Adélaïde Fouque]. {Arbre
généalogique des fîoufjon-Macquart.)
DES ROl'GOX-MACQUAHT 171
Grandmorin (I.e président). — Membre du conseil (l*ad-
ministrntion lie la Compagnie de TOucst. Né en 1801, substitut
à higne nu lendemain de 1830, puis à Fontainebleau, puis à
Paris, ensuite procureur à Troycs, avocat général à Hennés,
enfm premier président a Rouen, nommé, le jour ménrie de sa
retraite, commandeur de la Légion d'honneur. Une des plus
belles carrières de la magistrature. Riche à plusieurs millions,
le président fait partie du conseil général de la Seine-Inférieure
depuis 1855. Il possède un hôtel à Paris, rue du Rocher, et
réside souvent chez sa sœur, madame Bonnehon, au château
de Doinville.
Trapu et solid»*, blanc de bonne heure, d'un blanc doré
u ancien blond, îes ch-'.veux en brosse, le collier de barbe
coupé ras, sans moustaches, avec une face carrée que les yeux
d'un bleu «lur cl le nez gros rendent sévère, il a l'abord rude, .
• îtii tout treinlilcr autour de lui [II] Le président Grand-
morin est adonné aux pires débauches, il a un goût prononcé
pour les ^lll^'ttes gentilles, comme Louisette, la seconde fille
de madame MisarJ. Parrain et tuteur de Séverine Aubrv, il Ta
initiée à ses pratiques séniles et Ta plus tard mariée avec
Piouhaud, continuant à rechercher la femme et accordant su
i^roteclion au mari. Ce dernier, mis au courant trois ans après,
1 assassine dnns lexpressdu Havre, entre Malaunayet Barentin,
à hauteur de la Croix-de-Maufras, endroit même où Grand-
morin avait abusé de sa jeune pupille [250]. Le président laisse
une fortune de trois millions sept cent mille francs, dont presque
la moitié consacrée à des legs équivoques [liO]. 11 donne no-
tamment à Séverine Aubry la maison de la Croix-de-.Maufras.
(La BéU humaine,)
Grandmorin (Dtr.THE). — Fille du président. Mariée à
un magistrat, M. de Lachesnaye. C'est une blonde chétive,
laide, à l'ail" désa^Téable. Elle garde une pruderie de bour-
geoise honiiéle qui n'aura jamais une faute à se reprocher, et
qui met sa gloire à être une des vertus les plus incontestables
de Rouen, saluée et reçue partout [112]. Elle est suffoquée
lorsque, d^n-ant elle, on parle des maîtresses de son père
[117]. En quelques mois de ménage, la mauvaise grâce, la
sécheresse de lîerthe et de son mari se sont communiquées et
exagérées; ils se gâtent ensemble. Quand le président est
assassiné et que Je vaguos soupçons planent sur les Roubaud,
c'est Lachesnaye qui jette sa femme sur Séverine, au point que.
■••-
172 LES PERSONNAGES
pour ravoir la maison de la Croix-Jc-Maufras, elle ferait arrêter
sur rheure son ancienne amie d'enfance [111]. (La Pète
humaine.)
Grandsire. — Juge de paix du canton nord de Beaumoni,
cousin d'Hubertine [17]. Il agit auprès de TAssislance publique
pour que les Hubert obtiennent la tutelle ofilcieuse d'Angé-
lique Marie [^7]. {Le Rêve.)
Granoux (Isidore). — Rentier à Plassans, ancien mar-
chand d*amandes, membre le plus influent du conseil muni-
cipal. Court et chauve, yeux ronds, air à la fois satisfait et
ahuri, bouche en bec-de-licvre, fendue à cinq ou six centi-
mètres du nez. Parle peu, ne pouvant pas trouver ses mots.
Surexcité contre les républicains qu'il considère tous comme
des pillards [118], il fait partie du groupe réactionnaire qui se
réunit chez Eugène Rougon. Au coup d'État, affolé par les
troubles, il se terre dans sa maison place des Récollets [270],
puis, entraîné parles autres bourgeois, il occupe la mairie avec
eux, entre comme secrétaire dans la commission municipale
[2S6], pousse Théroïsme jusqu'à sonner lui-même le tocsin à
l'aide d'un marteau, le battant de cloche ayant été enlevé [340]
et, pour ce haut fait dont M. le préfet le félicite [358], il espère
obtenir la croix de la Légion d'honneur [371]. (La Fortune
des Bougon,)
Gras (Madame). — Une vieille dame qui habite un rez-de-
chausscc, rue des Orties, oi!i elle prend en pension complète
des enfants jeunes, moyennant quarante francs par mois.
Denise Haudu place chez elle le petit Pépé [12]. {Au Bonheur
des Dames.)
Grégoire (Cécile). — Fille de Léon Grégoire, Elle n'est
pas jolie, trop saine, trop bien portante, inûre à dix-huit ans,
mais elle a une chair superbe, une fraîcheur de lait, avec ses
cheveux châtains, sa face ronde au petit nez volontaire, noyé
entre les joues [82], Ses parents ne trouvent rien de trop beau
pour elle [85]. Elle a été élevée à la Piolaine, dans une igno-
rance heureuse, dans des caprices d'enfant, ayant une maî-
tresse de piano et des professeurs, mais jetant le livre par la
fenêtre, dès qu'une question l'ennuie. Les Grégoire la char-
gent de leurs aumônes ; cela rentre dans leur idée d'une belle
éducation. Il faut être charitable, ils disent eux-mêmes que
leur maison est la maison du bon Dieu. Du reste, ils se flat-
DES UOUGON-MACQl'AIlT 173
tent de faire la charité avec intelligence et, pour ne pas
encourager le vice, ils ne donnent jamais d'argent, leurs
aumônes sont toujours en nature, car c'est un fait connu, dès
qu'un pauvre a deux sous, il les boit [100].
Quand la grève éclate à Montsou, Cécile sourit à celte idée
du chômage, .qui lui rappelle des visites et des distributions
d'aumùnes dans les corons [228]. Et cette fille de riche, long-
tenips désirée par ses parents, comblée ensuite de tous leurs
biens, ne comprend rien aux révoltes des pauvres, à la fureur
qui jette contre sa robe de soie, contre son manteau de four-
rure, contre la plume blanche de son chapeau, les femmes de
grévisies, en guenilles et affamées. Au milieu des furies, elle
grelotte, les jambes paralysées, elle est sans force contre leur
acharnement, c'est le hasard d'une diversion qui la sauve, ce
jour-] A, des mains de la Brûlé et des doigts du père Donne-
mort [^408], Un peu plus tard, elle n'échappe pas à l'incon-
scientf représaille; elle retrouve l'homme à la face carrée,
livid'?« tatouée de charbon ; c'est comme une fascination entre
le vieux mineur, gonflé d'eau, d'une laideur lamentable de
bète fourbue, détruit de père en fils par cent années de travail
et Je faim, et la belle et saine Cécile, grasse et fraîche des
longues pnresses et du bien-être repu de sa race. Les mains
noires de Bonnemort sont attirées par le cou blanc de la jeune
fill-? et elles le serrent jusqu'à l'étranglement [553J. {Ger-
minal.)
Grégoire (Eugène). — Grand-père de Léon Grégoire. A
héiiié du denier des mines de Montsou, que le chef de la
famille. Honoré, avait acheté sans confiance. 11 touche des
dividendes fort minces et, comme il s'est mis bourgeois et
qu'il a eu la sottise de manger dans une association désas-
treuse les quarante autres mille francs ^ht l'héritage paternel,
il vil as5:'z chichement [Si], Le denier passe à son fils Félicien.
{G nu in ai)
Grégoire (Félicien). — Père de Léon Grégoire. C'est avec
lui que la fortune commence. Les intérêts du denier ont monté
peu à peu, Félicien peut réaliser un rêve dont son grand-père
Honoré, l'ai cien régisseur, a bercé son enfance : l'achat de la
Piolaine démembrée qu'il acquiert, comme bien national, pour
ur.e somme dérisoire. Cependant, les années qui suivent sont
mauvaises, il faut attendre le dénouement des catastrophes
révolutionnaires, puis la chute sanglante de Napoléon [8i]. La
4ï;
174 LES PERSOXXAGtS
petite fortune de Félicien Grégoire passe à son fils Léon [8i].
{GcnninaL)
Grégoire (Honoré). — Disaïeul de Léon Grégoire. Origi-
naire de Picardie. Était en 17G0 régisseur de la Piolaine, pro-
priété appartenant an baron Desrumaux. Lors du traité insti-
tuant la Compagnie des mines de Montsou, Honoré, qui cachait
dans un bas une cinquantaine de mille francs d'économies, céda
en tremblant à la foi inébranlable de son maître. Il sortit dix
mille livres de beaux écus, il prit un denier, avec la terreur
de voler ses enfants de celte somme [84]. Lorsqu'il mourut, le
denier passa à son fils Eugène. (Germinal.)
Grégoire (Léon). — Arrière-petit-fils d'Honoré Grégoire.
Après trois générations, c'est lui qui bénéficie, dans une pro-
gression stupéfiante, du placement timide et inquiet de son
bisaïeul. Ces pauvres dix mille francs du denier de Montsou
grossissent, s*élargissent avec la prospérité de la Compagnie.
En 1820, ils rapportent cent pour cent, dix mille francs. En
18i4JIs en produisent vingt mille; en 1850, quarante mille.
Il y a deux ans enfin, le dividende est monté au chifi're prodi-
gieux de cinquante mille francs : la valeur du denier, coté à la
Bourse de Lille un million, a centuplé en un siècle. Aussi,
malgré quelques lluctuaiions dues à une crise industrielle, les
Grégoire ont-ils maintenant une foi obstinée en leur mine; û
cette croyance religieuse se mêle une profonde gratitude pour
une valeur qui, depuis un siècle, nourrit la famille à ne rien
faire ; c'est comme une divinité à eux, que leur égoïsme entoure
d'un culte, la bienfaitrice du fover. Ils n'ambitionnent aucune
Spéculation, préférant voir le million du denier dans la terre,
d'où un peuple de mineurs, des générations d'afl'amés l'extraient
DES ROUGON-MACQUART 175
de meurt-de-fuim. Dans son coin de bonheur bourgeois, à l'air
alourdi de bien-être, M. Grégoire trouve que les mineurs ne
sont guère sages, puisque au lieu de mettre des sous de côté,
ils boivent, font des dettes et finissent par n*a\oir plus de quoi
nourrir leur famille [10:2]. Et on le met hors de lui, lorsqu'on
assimile sa fortune à de l'argent volé; est-ce que son bisaïeul
n'a pas gagné, et durement, la somme placée autrefois? [234].
11 s'étonne qu'il n'y ait pas des lois pour défendre aux
ouvriers de quitter le travail [250]. La grève, en somme, ne
l'inquiète pas, il hausse les épaules d'un air placide, il a une
entière confiance dans la résignation séculaire des charbon-
niers [395]. Devant le torrent humain qui bat les maisons
bourgeoises de Montsou, il se refuse à admettre un danger
quelconque; les grévistes n'ont pas de malice, au fond; lors-
p'-'ils auront bien crié, ils iront souper avec plus d'appétit.
Lue vague compréhension ne lui vient que devant sa fille bru-
tnMsée et sa maison attaquée d'un coup de pierre; c'est donc
vrai que rcs gens lui en veulent parce qu'il vit en brave homme
de leur travail [ilO]. c'est donc vrai qu'ils méconnaissent son
ciprh charitable, qu'ils oublient les aumônes en nature, les
vloments chauds qu'il distribue l'hiver pour faire la part du
Mais il ne leur garde pas rancune. .\près la grève, il tient à
.'iflirmer la largeur de ses vues, son désir d'oubli et de conoi-
.. lion; avec sa femme et sa fille, il va secourir les Maheu, une
famille de fortes létes, où plusieurs sont morts, le père d'une
^. lie tirée )>ar un soldai, le fils aine d'un coup de grisou, la
fille Catherine dans une catastrophe qui Ta ensevelie vivante
sous la terre, une lamentable famille où la petite AIzire est
morte de faim, où Jeanlin est sorti boiteux d'un éboulement,
où la mère tragique, enfin, resiée seule avec trois petits et le
grand-père infirme, va être à quarante ans forcée d'aller cher-
cher les trente sous du pain quotidien dans l'enfer de la mine.
Les Grégoire donnent aux Maheu un pot-au-feu et deux bou-
teilles de vin; ils ont aussi pensé au père Donnemort qui ne
]teut plus se mouvoir, ils lui apportent une paire de souliers.
Mais voici que, dans un coup de démence, le plus vieux des
Maheu, hébété par sa longue misère d'un demi-siècle, étrangle
de ses grosses mains froides et noueuses rhérilière des Gré-
goire, la ilorissanle Cécile que ses heureux parents ne trou-
vaient jamais assez bien nourrie, jamais assez grasse [553]. Et
ce lon'ible coup est reffondrement de leur vie. (Germinal.)
170 LES PEnSONXAGtS
Grégoire (Madame Léon). — Fille d'un pharmacien de
llarchiennes, une demoiselle laide, sans un sou, que Léon Gré-
goire adorait. Elle s*est enfermée dans son ménage, extasiée
devant son mari, n'ayant d'autre volonté que la sienne; jamais
des goûts différents ne les ont séparés, un même idéal de bien-
cire a confondu leurs désirs, et ils vivent ainsi depuis quarante
ans, de tendresses et de petits soins réciproques [85]. Agée de
cinquante-liuit ans, madame Grégoire est courte et grasse; elle
garde une grosse figure poupine et étonnée, sous la blancheur
éclatante de ses cheveux [80]. {Gei minai.)
Gresham. — Un jockey qui, dit-on, a la guigne. Il monte
Lusignau dans le Grand Prix de Paris [389]. (Nana,)
Grognet. — Une victime du Bonheur des Dames. Il est
parfumeur rue de Grammonl [447], {Au Bonheur des Dames.)
Grosbois. — Arpenteur juré. C'est un paysan de Magnolles,
petit village voisin de Rognes. Appelé de tous côtés, entre
Orgères et Bcaugency pour l'arpentage des terres, il laisse le
bien aux mains de sa femme et prend dans ses continuelles
courses de telles habitudes d'ivrognerie qu'il ne dessoûle plus.
Très gros, très gaillard pour ses cinquante ans, il a une large
face rouge, toute fleurie de bourgeons violAtres et coiffée d'un
chapeau noir . tourné au roux, monumental, qu'il trimballe
depuis dix ans, sous la pluie et le soleil. Plus Grosbois est ivre,
plus il voit clair. On l'écoute et on Thonore, car il a une
grande réputation de malignité [3 i]. {La Terre.)
Guende (Madame de). — Grande mondaine du second
Empire. Femme admirablement faite, mais tellement béte
qu'ayant pour amants trois officiers supérieurs à la fois, elle
ne peut, dit-on, les distinguer â cause de leur uniforme iden-
tique [2-iO]. C'est une amie des Saccard. {La Curée.)
Gueulin. — Neveu de Narcisse Bachelard. Petite figure
blême, cheveux et favoris roux. Employé dans une compagnie
d'assurances. 11 est le compagnon de fêle de Bachelard et rit
des farces de l'oncle avec un bruit de poulie mal gi*aissée.
Gueulin joue de la flûte eu amateur dans les maisons où on le
met à son aise [53]. Par théorie, il refuse les femmes, non pas
qu'il les dédaigne, mais parce qu'il redoute les lendemains du
bonheur. En dépit de ce sage principe, Gueulin se fait sur-
prendre entre les bras de Fili, par l'oncle Bachelard qui,
DES ROUGON-MACQUAUT 177
plein de mansuétude, accorde un généreux pardon aux amants
et les mari'? avec une jolie dot. (Pot-Douille,)
Guibal. — Avocat connu au palais. Mène la vie libre, tout
à ses dossiers et à ses plaisirs [73]. {Au Bonheur des Dames.)
Guibal (Madame). — Femme de Tàvocat. Grande et mince,
cheveux roux, visage noyé d'indifférence, où ses yeux gris met-
tent par moments, sous son air détaché, les terribles faims de
l'égolsmc. De mœurs peu farouches, elle ne sort jamais avec
son mari [73]. Elle se promène des heures au Bonheur des
Dames, sans jamais faire une emplette, heureuse et satisfaite
de donner un simple régal à ses yeux [95]. Elle pratique les
c rendus > avec un parfait sans-gène; quand une robe lui
plaît, elle se la fait envoyer, en prend le patron, puis la rend
[01 o~. Elle utilise aussi les grands magasins en donnant ses
rend-'Z-voiis d'amour dans le salon de lecture. Devenue la
njaitresse du comte de Boves, qu'elle a allumé chez une amie
commune, madame Desroches, elle le mène à coups de fouet,
ainsi qu'un vieux cheval dont on use les dernières forces [389].
(A H Bon h eu r des Da mes .)
Guichon (Mademoiselle). — Buraliste à la gare du Havre
[7r. C'est une blonde de trente ans, déjà fanée, silencieuse et
min:e, dune souplesse de couleuvre. A dû être vaguement
institutrice [S'»]. Elle doit son poste au chef de gare, .M. Da-
badie, et l'on croit généralement qu'ils se rejoignent la nuit.
Néanmoins, madame Lebleu, logée sur le même corridor, n'a
jamais pu les surprendre. {La Bête humaine,)
Guignard (Famille). — Paysans ]»eaucerons du même
villare quo le soldat Zéphyrin Lacour. Veulent vendre leur mai-
son, que Zéphyrin et Rosalie rêvent d'acheter [3iO]. {Une Page
d'Amour.)
Guillaume. — Paysan de Rognes. Possède une pièce de
l?rrc à cûié de la cahute de Jésus-Christ [2Î18]. {La Terre.)
Guillaume. — Petit porcher h la ferme de la Borderie. A
poss4dri la Cognelle. Est maintenant soldat [288]. (La Terre.)
Guiraud Les de). — Amis des Deberle. Monsieur de Gui-
rani est un petit homme diauve, un magistrat, qui laisse tom-
)>er les phrases sentencieuses sur la nécessité d'endiguer le
vice à Paris ['251]. Madame de Guiraud est une brune très forte'
qui 'oue ag^réablement la comédie de salon ; elle a une sœur
sépr.rée de son mari et appréciée comme chanteuse mondaine.
J78 LES l'ElîSONNAGtS
Les Guiraud ont un fils, petit bambin de deux ans et demi
[1-25]. {Vue Page dWmour.)
Guiraude. — Mère de Sophie cl de Val en tin, soignés par
le docicur I^ascal. Son mari est mort phtisique. Elle est mince,
épuisée, fnippée ellt*-méme d'une lente décomposition du sang
[5f]. Guiraude habile rue Canquoin, à Plassans. Elle meurt
quelque temps après avoir perdu son (ils Valentin '[268].
{Le Docteur Pascal.)
m
Gunderxnann. — Le roi de la banque juive, le maître de
la Uourse et du monde. C'est un homme de soixante ans, dont
rénorme télé chauve, au nez épais, aux yeux ronds à fleur de
tète, exprime un entêtement et une fatigue énormes. Occupe
ruo de Provence un immense bôlel, tout juste assez grand
pour son innombrable famille. Quand sa descendance, enfants
cl pelits-enfants, est réunie au repas du soir, ils sont, en les
comptant, sa femme et lui, trente et un û table. En moins d'un
siècle, la monstrueuse fortune d*un milliard est née, a poussé
et débordé dans cette famille, par l'épargne, par Theureux con-
cours aussi des évéiiements. 11 y a là comme une prédestina-
lion, aidée d'une intelligence vive, d'un travail acharné, d'un
eiïort prudent et invincible, continuellement tendu vers le
même but. Tous les fleuves de l'or vont à cette mer [92].
Levé dès cin({ heures, le banquier roi est au travail lorsque
Paris dort encore et quand, vers neuf heures, la bousculade des
appéiits se rue devant lui, sa journée est déjà faite. L'air
impassible et morne, les yeux glauques, il reçoit durant
des heures, jusqu'au déjeuner, tout un délilé de coulissiers,
de marrbands de curiosités, de dnmcs louches produisant
de jolies filles, d'inventeurs, d'étrangers venus de parlout,
foule varice ahernnnt avec toute une série de remisiers
qui présentent mécaniquement la cote. Dans celte pièce,
jiuhliqne comme une place, emplie d'un vacarme d'enfants,
des ambassadeurs sont reçus debout. Gundermann trafique de
son milliard en commerçant rusé et prudent, en maître absolu,
obéi sur un coup d'œil, voulant tout entendre, tout voir, tout
faire par lui-même. Ce n'est plus la figure de l'avare classique
qui thésaurise, c'est l'ouvrier impeccable, sans besoin de chair,
devenu comme abstrait dans sa vieillesse souITreteuse, qui
continue à édifier obstinément sa tour de millions, avec
l'unique rêve de la léguer aux siens, pour qu'ils la grandissent
encore jusqu'à ce qu'elle domine la terre [98]. Et cet homme
DES ROUCON-MACQUAUT 179
souffre depuis vingt ans d'une maladie d'estomac, il ne se
nourrit absolument que de lait.
Sobre cl de froide logique, il n*a jamais pu s*entendre avec
Saccard, passionné et jouisseur.' 11 assiste sans émoi à la
création de la Banque Universelle, qui va syndiquer les inté-
rêts catholiques, et se dresser comme une menace devant la
haute banque juive. 11 s*émeut à peine d'un coup de Bourse où
ce cassecou de Saccard Ta battu ; il attend patiemment, sûr de
la revanche, sachant que rédifice du spéculateur, édiûé sans
bases solides, développé sans mesure, se lézardera vite et
pourra être jeté par terre d'un coup d'épaule [220]. L'heure
venue, il mène une rude campagne à l:i baisse, subit sans sour-
ciller des liquidations désastreuses et fait avancer chaque fois ses
grosses réserves d'écus. Aucun sacrifice ne lui coûte pour rester
maître absolu du marché [348]. Et il <>fipose aux extravagances
de Saccard une froide obstination qui lui donnera la victoire le
jour où. connaissant par la baronne SandorfT, passée sans profit
à son service, la position exacte de la Banque Universelle, il
décidera brusquement d'en finir [354]. D'ailleurs, après la
ruine de Saccard, il est le premier a s'offrir pour éviter Fim-
médiate déclaration de failhte et empêcher un ébranlement
trop général. 11 est au-dessus de la rancune, n'ayant d'autre
gloire que de rester le premier marchand d'argent du monde,
le plus riche et le plus avisé, ayant réussi à sacrifier toutes
ses passions à l'accroissement continu de sa fortune [374].
{L'Argent.)
Gunther (Otto). — Capitaine dans la garde prussienne.
C'est un cousin germain de Weiss, par les femmes. Sa mère,
originaire de Mulhouse, s'est mariée à Berlin [15]. Et à l'heure
de la guerre, il vient en France c(\mme un justicier, avec l'in-
loléraiicc et la morgue de Tennemi héréditaire, grandi dans la
haine de la race qu'il châtie [457]. Le 1" septembre, près du
Fond de Givonne, il s'est trouvé en face du soldat français
MauricL' Levasseur, son allié par Henriette Weiss ; la distance
était si faible, deux cents mètres â peine, qu'on le distinguait
très netlenient, la taille mince, le visage rose et dur, avec de
petites moustaches blondes. Henriette, débordée d'horreur par
l'abomination <Jc cette lutte entre parents, l'a sauvé de la mort
en empêchant Maurice de tirer sur lui et, plus lard, dans les
derniers jours de mai 1871, elle le retrouve en garnison à
Saînl-Dcnis, avec son air sec de bel officier bien tenu. Devant
1^0 LES l'tnSO.NNAGtS DES KOUGON-MACQCAKT
Paris en flammes, il est insullaiit par son calme, par son demi-
sourire. Toutes SCS rancunes de Germain sonl satisfaites, il
semble vengé de la longueur démesurée du siège, des froids
terribles, des difiicullés sans cesse rejiaissantes, dont TAlle-
ma^nc garde encore Tirritation. Pour ce froid et dur prolestant
militaire, qui cite des versets de la Dible, Paris brûle en puni-
tion de ses siècles de vie mauvaise, du long amas de ses crimes
et de ses débauches [006]. (La Débâcle.)
Gustave. — Perruquier de Maxime Saccard. Celui-ci pré-
tend qu<3 son coifl'eur ressemble à deux amants de Renée,
MM. de Rozan et de Cbibray [13ti]. (La Curée.)
Gutxnann. — Un soldat de liazeilles. Bavarois trapu, à
l'énonne icle embroussaillée de barbe et de cheveux roux,
sous lesquels on ne distingue qu'un long nez carré et de gros
yeux bleus. Vers la fm de la bataille, il est souillé de sang,
ellroyable, tel qu'un de ces ours des cavernes, une de ces
bctes poilues, toutes rouges de la proie dont elles viennent de
faire craquer les os [25]. C'est lui qui arrache violemment
Henriette Weiss des bras de son mari, devant le peloton d*exé-
cution.
Ht!nriette le retrouve plus tard à l'ambulance de Remilly. Il
ne peut parler, une balle, entrée par la nuque, lui a enlevé la
moi 11- de la langue. L'ancien monstre aux prunelles chavirées
de ra{:e est maintenant un malheureux, à l'air bonhomme et
docil'.', au milieu de ses atroces souiTrances. On n*est pas bien
sûr qu'il se nomme Gulmann, on l'appelle ain<i parce que
ruincjue son qu'il arrive à proférer est un grognement de deux
syllabes qui fait à peu près ce nom. Quant au reste, on croit
seulement qu'il esi marié et qu'il a des enfants [503]. Il meurt
dans les premiers jours de novembre, après avoir râlé deux
jours, llcuriclle a passé les dernières heures à son chevet, tant
il la regardait d'un air suppliant. De ses yeux en larmes, il
disait poul-ètre son vrai nom, le nom du village lointain où
une femme et des enfants l'allendaienl. Elle est seule àraccom-
pa;,'iier au cimetière [500]. {La Débâcle.)
Guyot (AciiÊ). — Prélre à Saint-Eulrope. A remplacé pro-
visoirement aux Artaud l'abbé Mourel malade [300]. {La Faute
de l'abbé Mouret.)
Guyot-Laplanche. — Homme considérable du second
Emjiire, que Clorinde a gagné à la cause d'Eugène Rougon
[-201]. {Son Excellence EugèAe Rougon,)
H
Haffner. — Fameux industriel de Colmar, à large face
alsacienne [â9], vingt fois millionnaire et devenu homme poli-
tique grâce au second Empire [8]. Mari de Suzanne, {f.a
Curée.)
Haffner (Madame Suzanne). — Amie de pension de Renée
Saccard et de la marquise dTspanet. Cette Allemande blonde
et langoureuse, qui tient tète aux hommes avec une effronterie
provocante [i2], est Tinséparable compagne de la marquise,
avec qui la chronique lui attribue des mœurs trop tendres [116].
(La Curée.)
Hallegrain (Capitaine Jacques). — Père de Christine. Un
Gascon de Montauhan. Il a dû prendre sa retraite d'officier, à
cause d'une paralysie des jambes [2^]. Est resté à Clermont,
entre sa femme et sa fille, et, un jour qu'elles étaient à l'église,
il est mort d'une dernière attaque. Christine se rappelle l'af-
freuse nuit, le capitaine très gros, très fort, allongé sur un
matelas, avec sa mâchoire inférieure qui avançait; si bien que,
dans sa mémoire de gamine, elle ne peut le revoir autrement
[118]. iLŒuvre.)
^ Hallegrain (Madame). — Femme du capitaine. Une Pari-
sienne. A survécu cinq ans à son mari, vivant là-bas, en pro-
vince, ménageant sa maigre pension, travaillant, peignant des
éventails, pour achever d'élever sa 011e en demoiselle [22], Si
loin que Christine puisse remonter, elle la trouve devant la.
même fentMre, petite, fluette, lavant sans bruit ses aquarelles,
avec »ios yeux doux, tout ce qu'elle lient d'elle aujourd'hui.
Pe:iJaiit rinq ans, madame Hallegrain a pâli et maigri, s'en est
allée un peu chaque jour, jusqu'à n'ôire plus qu'une ombre ; un
malin, elle n'a pu se lever, et elle est morte, regardant
IC
18i LES PERSONNAGES
Ciiristine, la voix éteinte, les yeux remplis de grosses larmes
[119]. (L'Œuvre.)
Hallegrain(Ciini>TiNE) (1). — Fille ilu capitaine. Femme de
Claude Lanlier. Mère de Jacques-Louis. £lle est née à Stras-
bourg, par hasard, entre deux changements de garnison de son
père. Ses parents Font gâtée, elle a eu des professeurs de tout,
mais elle a profilé fort peu, ii*écourant pas, toujours à rire, le
sang ù la tête; des crampes lui tordaient les bras au piano;
elle n'avait de goût que pour les soins bas du ménage. Chris-
tine a perdu son père ù douze ans; a seize ans et demi, elle a
été seule au monde, sans un sou, avec runi({ue amitié d'une
religieuse de Clerniont, la supérieure des sœurs de la Visitation,
qui lui a trouvé, à ses dix-huit ans, une place de lectrice à Paris,
chez madame Vanzade. Le soir de son arrivée, peidue au sortir
de la gare, terrillée par un cocher maraudeur, noyée dans la
trombe d'un gros orage, elle a été recueillie par le peintre
Claude Lantier, qui lui a cédé son lit sans rien demander en
échange; au ntatin, dans Taccablante chaleur de juillet, la
gorge de la jeune illlc s'est découverle et le peintre, abdiquant
toute curiosité charnelle, s'est enthousiasmé en artiste pour
Celte chair dorée, d'une finesse de soie, le printemps de la
chair, deux petits seins rigides, gonflrs de sève, où pointaient
deux roses pâles [12]; l'esquisse qu'il en a faite a été inter-
rompue par le réveil subit de Christine, par sa révolte éperdue
devant ce garçon qui la mangeait des yeux ; elle a senti un
véritable effroi à la vue de la terrible peinture qui emplissait
l'atelier, une peinture rugueuse, éclatante, d'une extraordi-
naire violence «le tons.
Chez madame Vanzade, en cette demeure somnolente où
Chrislin/ meurt d'ennui, elle a éprouvé une véritable obses-
sion au souvenir de Claude, si respectueux, si timide, sous
rou air Ijrulal. et après six semaines d'hésitation, elle s'est
décidée à venir le rc;iiercicr. Grande tt belle, avec ses lourds
cheveux noirs, elle a un air de trauquple décision; le haut du
visiige est d'une grande bonté, d'une grande douceur, le front
limpide, uni coiniue un clair miroir, le nez petit aux linesaiit^s
nerveuse^; le sourire des veux illumine toute la face; le bas
(j^ C.ltii^lin!' IJiitIc'irdin, dont le j>ere clitil parapl'ig (jue, vj>0'ise
tn 18 ■-"» Cl 'U'Ie Lanficr. aout elle csl la )uiiilrei;sc (/t-yw/j st.r ahs.
\:\:b'e (jciHulo'ji jae lU^ ItOiifjon-Mocq "irl.}
DES nOUCON-MiCtiVART 18::
du visage gite ce rayonnement de lendrcsse, la n)jlclin:rt
nvancc, t"« lËvres tra[> Tories saigiiciil, monirnnt des de.iis
solJJcs l'i blanches ; c'est un roup de passion, la puberté gron-
dante et <|ui s'ignore, dans ces traits noyés, d'une délicaicsse
enr^ntinc [I l]. [YMidant sa visilu, elle est glacée cominc h pi-e-
mière Toi^ par la peinture téroce, les 11 ani boy an les esquisses
du Midi, l'analomie si vjolemnienl exacte des éludes; elle se
scnl une liaine contre cette peinture, h haine instinctive d'il ne
ennemie [lli]- Ensuite, ce sont d'autres visites, espad'es
d'abord, puis à jour Cve, des promenades d'un cliarme infini
autour d- lilc Siiint-Lonis e[ !e long de la Seine jusqu'au pont
Royal, dr.ns des couitjcrs de soleil empourprés [i3l^]; \ii\i-
i-nlc iiiili lion s-i f;ùt, Christine Hnit par éprouver de l'inlér-'l
itour ces toiles abominai des, en voyant quelle place elles
tiennent dnns l'vxist'iuce du peintre ; Claude lui semble si hou,
,ie l'aii^it.' tant, qu'après l'aroir excusé <ie barbouiller ik
pareilles liorreurs, elle en vient à leur trouver des qualités pour
:ls ninii;r aussi un peu [138]. Cette rage de travail, ce don
absolu de tout nu élrc, l'attendi-it, elle trouve n.-iturel de se
mettre de rnoiliù dans l'cITort de l'artiste et, comme à ses ycu\
'l'ardent'^ i>riére. elle a compris qu'il a besoin d'elle pvur
«on œuvi'L-. elle s'olTre, sans un mol, à poser devant lui, nue et
.ierge [Ui]- Mais le tableau qui peu à peu les a unis, elle
le voit au <alon, bafoué par la foule; il lui semble que c'est
sur sa niidilé <iue crachent les gens, elle se sauve, puis
..e songe j-lus qu'à Claude, bouleversée par l'idée du chagrin
qu'il doit avoir, grossissant l'amertume de cet échec de tonte
s.i sensibilité de femme, débordant d'un besoin de charité
Et le soir même, dans le crépuscule qui les enveloppe, sous
l'embaume Mcnt des lilas, parmi les parcelles dorées envolées
du cadre, elle pose aux lèvres de Claude un baiser ardent,
irréfléchi; 'lie se donne la première, dans un emportement de
passion [ISJ]. bi< lors, une femme nail de la jeune ftllc. Elle
ne peut r.slci' plus longtemps chez madame Vanzade, qui
pourtant h traite avec douceur, semble chaque jour éprou'er
pour elle '^ne tendresse plus grande, l'appelle même sa CUe,
A|>ri'S un nauve;m mois de tourment dans cette maison pieuse
oii elle ètoulfe, elle quille brulaleinont sa maîtresse, emportant
sa malie, méprisant tout calcul, toute à son amour. Elle se
révèle ce igu'cllr.' doit être, malgré sa lougue bonnëtuté : une
thair de passion, une de ces ciiairs sensuelles, si iroubianies
184 LES PERSONNAGES
quand elles se dégagent de la pudeur où elles dorment. A Ben-
necourt, où ils ont fui, ce sont des mois de félicité adorable ;
toute la tendresse de Claude pour la chair de la femme, cette
tendresse dont il épuisait autrefois le désir dans ses œuvres,
le brûle maintenant pour le corps de Tamante, ce corps vivant,
souple et tiède, qui est son bien. Christine l'engage à travailler,
mais comme il résiste, elle est fière de sa puissance, elle croit
avoir tué la peinture et, heureuse d'être sans rivale, elle pro-
longe les noces [191].
Un enfant naît, Jean-Louis, sans que la maternité pousse
en elle, elle donnerait vingt fois le (lis pour l'époux; mais des
soins la réclament, Claude a des heures désœuvrées où il se
remet à peindre et dès lors, c'en est fait, l'art est rentré dans
leur vie. Lorsque le quatrième été s'achève, Christine sent bien
que rien ne retient plus à Bennecourt son grand enfant, son
cher homme, avide de reprendre sa vie de production ardente.
A Paris, elle partage ses espoirs, très brave, égayant l'atelier de
son activité de ménagère, puis elle souffre, elle s'assoit décou-
ragée quand elle voit Claude sans force, elle montre une dou-
leur plus viveàchaque tableau refusé, épousantles passions de
Tartisle, cédant devant la peinture qui, chaque jour, lui prend
son amant davantage. Son cœur s'ouvre alors plus large, il
s'attendrit d'une pitié vague et infinie, il accorde de continuels
pardons. Au fond d*elle, l'insatiable amour gronde toujours,
elle demeure la chair de passion, la sensuelle aux lèvres fortes
dans la saillie têtue des mâchoires, et pourtant elle n'a plus de
Claude que ces caresses d'habitude, données ainsi qu'une aumône
aux femmes dont on se détache ; il a un air d*ennui dans les
étreintes ardentes dont elle l'étouiTe toujours. Elle doit se
résigner, après les chagrins secrets de la nuit, à n'être plus
qu'une mère jusqu'au soir, goûtant une dernière et pâle jouis-
sance dans sa bonté, dans le bonheur qu'elle tâche de lui faire,
au milieu de leur vie gâtée maintenant [276].
Des années de misère se succèdent, un court instant de joie est
venu pour Christine, lorsque Claude a décidé de l'épouser,
mais la froide cérémonie n'a fait qu'accentuer leur séparation,
celte formalité semble avoir tué l'amour [305]. Et c'est main-
tenant la marche envahissante du mal. Dans Talelier de la rue
Tourlaque, où Claude s*acharne à une œuvre décisive, Chris-
tine se fait sa servante, heureuse de se rabaisser à des travaux
de manœuvre, pour le reprendre à cet art cruel qui le lui a
pris ; elle Tadmire maintenant, cette peinture qui la choquait
DES ROUGON-MACQUART 185
autrefois, elle la voit puissante et la traite en rivale dont on ne
peut plus rire ; c'est une lutte sourde et humiliante ; elle en
arrive à accepter le métier de modèle, elle veut vivre nue sous
les regards de Claude, et le reconquérir ainsi, et remporter
lorsqu'il tombera dans ses bras ; mais une certitude se fait, ce
corps couvert partout des baisers de Tamant, il ne le regarde
plus, il ne Tadore plus qu'en artiste ; il n'aime plus en elle
que son art, la nature, la vie; elle est vaincue [325].
D'autres amertumes surviennent ; Claude passe une nuit
chez Irma Bécot, et cette escapade, Christine la pardonne
aisément, car elle exècre la peinture au point de le jeter plu-
tôt à une autre femme; elle espère qu'il lui reviendra, puisqu'il
est allé chez une autre [337].. Maintenant, il a rinconsciente
cruauté de la comparer à elle-même, de l'accabler avec sa jeu-
nesse, iixée sur le tableau d'autrefois, et à jamais perdue;
puis, c'est le suprême outrage, Claude lui dit que, lorsqu'on
veut poser, il ne faut pas avoir d'enfant. Et elle pardonne
encore, elle excuse le père, sentant une colère sourde contre
son fils, contre le pauvre être pour qui sa maternité ne s'est
jamais éveillée, ce Jacques-Louis à la tête informe, qui va
bientôt mourir.
La vie de Christine s'écoule dans un affaissement de femme
délaissée, les gestes las, la parole lente, une insouciance de
tout, hors la passion dont elle brûle. Elle a le sentiment de
la (In procli.iine de Claude, elle vit dans l'effroi d'un malheur
dont elle ne parie pas. Puis, une suprême révolte contre la
peinture assassine qui a empoisonné sa vie, une dernitre
bataille de sa passion, lui livre Claude éperdu, bégayant; ollc
le croit guéri, mais au réveil d'une nuit d'amour où ils ont
éprouvé les anciennes ivresses, elle le retrouve mort, pendu
à la grande échelle, devant son œuvre manquéc. Et elle-même
tombe à terre, comme morte, pareille à une loque blanche,
misérable et finie, écrasée sous la souveraineté farouche de
l'art [476]. (L'Œuvre.)
Hamelin (Georges). — Fils d'un médecin de .Montpellier,
savant remarquable, catholique pratiquant, et qui n'a pas
laissé (le fortune. Entrait à rÉcole polytechnique lorsque son
père est mort; il a pu y rester, grâce à sa sœur Caroline qui
l'a enlrolenu d'argent de poche, pendant les deux années de
cours. Sorti dans un mauvais rang, il a longtemps attendu une
situation, est parti enfîn pour l'Egypte avec la commission
16.
186 LES PËUSO.NNAOES
char$r«îe des premières études du canal de Suez, est allé de là
en Syrie, a vu Bcyrout cl les gor^^es du Liban, exploré lo
Carniel, traversé le Taurus. Partout, il était accompagné de sa
sœur, animée d'un fraternel dévouement pour ce jeune savant,
si plein d'ardeur et de simplicité. Plus âgé d*uu an, il res-
semble beaucoup pbysiquement à Caroline, en ]dus pâle. Hame-
lin est revenu dWsie Mineure avec tout un monde d'idées,
mais, trop modeste, peu bavard, il n*a pu communi({uer sa
foi à personne et, pendant quinze mois, la vie a été dure dans
le petit appartement de riiôtel d'Orviedo où le frère et la sœur
se sont installés, liamclin a des facultés de travail rares, mais
il s'absorbe dans ses études. Cet ancien pioclieur de Polytech-
nique, aux conceptions savantes, d'un zèle si vif pour tout ce
qu'il entreprend, montre parfois une telle naïveté qu'on le
jugerait un peu sot.
Élevé dans le c;Ubolicisme le plus étroit, il a gardé sa reli-
gion d'enfant, il pratique, très convaincu [57]. Ce qui le pas-
sionne le plus dans les hardies conceptions rapportées
d'Orient, c'est le triomphe qu'elles préparent à la chrétienté,
tout un programme secret, la Paleàtine sauvée du joug des
Turcs, Jérusalem libre avec JaÛa comme port de mer, les
Lieax Saints rendus à la foi, le pape échappant aux révoltantes
humiliations qui se préparent à Home et venant restaurer le
trône du Christ sur la terre même où le Christ a parlé. En
attendant ce couronnement de l'édilice, le projet de formation
d'une Compagnie générale des Paquebots réunis, destinée à
s'assurer la royauté de la Méditerranée, les études sur les
mines d'argent du Carmel et les chemins de fer d'Asie Mi-
neure, tout ce travail soumis à Aristide Saccard va provoquer
chez cet extraordinaire brasseur d'affaires l'idée de créer la
Banque Universelle.
Hanulin accepte à son corps défendant la présidence du con-
seil d'administration, poste honorifique où il partagera, malgré
son éclatante probité et son désintéressement d'apôtre, les ter-
ribles responsabilités linancières de Saccard. Sa besogne est
en Orient, il y vivra désormais, ne faisant que de courtes appa-
ritions il Paris, où il est suppléé par le vice-président liobin-
Cliagol; il reviendra chaque fois d-î là-bas avec un nouvel
enthousiasme, l'affaire des Paquebots en pleine réussite, la
[•alesliuc s'évcillanl à la vie en u;je sorte de résurrection,
toutes les grandes choses futures seniées désormais. îrerinanl,
prêtes à faire un monde nouveau. Et pendant ce temps, la
DES UOUCON-MACQUART 187
Banque Universelle se développe, en une prospérité sans
exemple; Saccard, lui aussi, fait des merveilles, ses spécula-
tions vont féconder et rendre vivantes les grandes entreprises
d'Hamelin. Mais, tandis que le savant étudie froidement la mise
en œuvre de ses conceptions, le fmancier, lui, se giise de la
poésie des résultats, il surchauffe la machine, il accumule les
irrég^ularités, fait la folie de lancer l'affaire comme un bélier
contre les murailles de la haute banque juive et détermine une
catastrophe qui va semer partout le déshonneur et la ruine.
Ilamelin est resté pur de tout trafic, tout s*est fait malgré
lui, il s'est strictement tenu dans sou rôle d'homme de science
qui amène Teau au moulin [!271]; il aurait pu, à l'heure de la
débâcle, rester à l'étranger, et pourtant il est revenu en hàle,
il s'est dépouillé, en faveur de l'actif, de tout ce qu'il possédait,
mais le sort de Saccard sera le sien. 11 subit la honte de la
l>rison. Et il trouve la résignation et la tranquillité d'àme dans
sa foi un peu simple de catholique fervent, il n'a de tristesse
que devant l'arrêt désastreux de ses grands travaux [-i22]; par-
donnant à Saccard, il a même la tendresse pitoyable d'envoyer
vers lui madame (Caroline [^^i]. Condamné à cinq ans de pri-
son et à trois mille francs d'amende, il passe à l'étranger [43 i]
cl va recommencer son existence à Uome [445], {L'Argent,)
Haxnelin (Caroline). — Voir Cauglixe (Madame.)
Hamelin (Françoise). — Femme d'un cultivateur de la
commune de Soulanges, arrondissement de Nevcrs. Cousine de
Louis Franchomme. Elle a reçu, le 25 janvier 1851, de l'As-
sistance publique, une enfant trouvée, .\ngélique .Marie, lille
non déclarée de Sidonie llougon. L'enfant l'appelle maman
'Sun [14]. Plus lard, Angélique sera confiée aux Franchomme,
pour apprendre un étal. {Le Rêve,)
Hardy. — Percepteur de Cloycs. Habite rue Beaudonnière
une ]»clile niaiiûu gaie, entre cour et jardin. Gros homme
coloré el jovial, à la bar])e noire bien peignée, redouté des
p;\ysans nui récliunenl en vain contre les conlribulioîis et qui
l'accusent de Its êlourdir avec des histoires [3^9J. (La Terre.)
Kartmann (nAiiox;. — Directeur du Crédit Immobilier^
Lu vieil ami lie niadame llennelle Desforges, doiit il était
déjà rai.iiiiiL du vivant du mari. 11 a soixante ans. C'est un
homme sceptique el tiD. dont la )uission est devenue une simple
alieclion paleruolic el qui tolère aujourd'hui les amants de la
m LES PERSONNAGES
jeune femme [71]. Petit et vigoureux, il a une grosse tète
alsacienne, une face épaisse qui s'éclaire d*une flamme d'in-
telligence, au moindre pli de la bouche, au plus léger cligne-
ment des paupières. Devant Octave .Mouret, le troisième ami
que lui pré<:ente madame Desforges, il a le rire discret d'un
protecteur riche qui, s*il veut bien se montrer charmant, ne
consent pas à être dupe [83]. Mais la chaude éloquence de
Mourct, sa conception galante du commerce, son invention
d'une mécanique à manger les femmes, ont vite fait d'amuser
et de convaincre le baron; il apporte un appui décisif aux
développements du Bonheur des Dames. Plus tard, dans la
personne de Bouthemont, il commandite le quatrième garçon
de génie découvert par Henriette. En fondant les Quatre-
Saisons, il n'est pas fâché de faire naître une rivalité aux
magasins de Mouret; il a déjà inventé, en matière de banque,
de se créer ainsi des concurrences, pour en dégoûter les
autres [393]. {Au Bonheur des Dames.)
Hasard. — Cheval de l'écurie .Méchain. Court dans le
Grand Prix de Paris. C'est le plus défectueux de tous les chevaux
engagés, personne n'en veut [388]. {Xana.)
Hauchecorne. — Premier commis au Vieil Eibeuf, chez
Aristide Finet, rue delà Michodière. A épousé la fille du patron,
Désirée, et a succédé à son beau-père. Hauchecorne est origi-
naire de Hambouillel [15]. 11 cède plus tard le fonds à son
g'.ndre Baudu. {Au Bonheur des Dames.)
Hauchecorne (Madame). — Voir Finet (Désirée.)
Hauchecorne (Elisabeth). — Petite-fille d'Aristide Finet.
Fille unique des Hauchecorne. Son père l'a mariée au premier
commis Baudu, qui, en même temps, reprenait la maison.
Eli$«ibeth est née, a grandi et vécu au Vieil Elbcuf, qui existe
depuis plus de suixante ans et qui n'a pas bougé, alors qu'en
face, de Tautre côté de la rue, le Bonheur des Dames, d'abord
insignifiante boutique, s'agrandissait peu à peu et en arrivait
à cnvaliir le quartier. C'est une petite femme mangée d'anémie,
touto blanche, les cheveux blancs, les yeux blancs, les lèvres
blanches [10]. Elle aime jusqu'aux pierres humides de son
magasin, elle ne vit que pour lui et par lui. xMais, autrefois
glorieuse de cette maison, la plus forte, la plus richement
achalandée du quartier et peu à peu écrasée par les grands
magasins, elle se meurt de l'humiliation du Vieil Eibeuf; si
DES ROUGON-MACviUART l^J
elle vît encore, ainsi que lui, par la force de Timpulsion, elle
sent bien que l'agonie de la houtique sera la sienne et qu*elie
n aura qu*à s'éteindre le jour où la maison fermera [30]. Après
la mort de sa fille Geneviève, première victime du colosse, elle
vit dans une stupeur blême; le Bonheur des Dames lui a tout
pris, sa maison, sa fille. Elle meurt deux mois après Geneviève,
s'en allant avec le Vieil Elbeuf clos désormais; elle a perdu
de sa vie à mesure qu'il perdait de sa clientèle [462]. (Au
Bonheur des Dames.)
Hautecœur (Les). — Vieille famille noble, dont l'origine
remonte au onzième siècle. Le chef de cette maison a été
Norbert 1", cadet de Normandie. Il a reçu en fief une forteresse
jadis élevée par un successeur de saint Remy, l'archevêque
Séverin, pour défendre le pays contre les Normands; c'était la
forteresse de Hautecœur, à deux lieues en aval de Beaumont.
sur le Ligncul, affluent de l'Oise. La descendance de Norbert I*'
emplit rhistoire. Hervé IV, excommunié deux fois pour ses vols
de biens ecclésiastiques, bandit de grandes routes qui a égorgé
de sa main plus de trente bourgeois d'un coup, a sa tour
rasée par Louis le Gros, auquel il a osé faire la guerre.
Raoul 1-', qui s'est croisé avec Philippe-Auguste, péril devant
Saint-Jeaii-d'Acre, d'un coup de lance au cœur. Jean V le Grand,
en 1:2:20, rebâtit la forteresse; il élève en moins de cinq années
ce redoutable château de Hautecœur, à l'abri duquel il rêvera
un moment le trône de France; c'est lui qui donne les fonds
nécessaires pour l'achèvement de l'église de Beaumont, où une
chapelle consacrée à saint Georges se nommera désormais la
chapelle Hautecœur et recevra les restes de Jean V et de ses
descendants [6i]; ceseigneur, devenu beau-frère du roi d'Ecosse,
meurt dans son lit après avoir échappé aux massacres de vingt
batailles. Félicien III, prévenu qu'une maladie empêche
Philippe le Bel de se rendre en Palestine, y va pour lui, pieds
nus, un cierge au poing, ce qui lui fait octroyer un quartier
des arme? de Jérusalem [88], Hervé VII revendique ses droits
au IrOne d Ecosse. Jean IX, sousMazarin,a la douleur d'assister
au dêmanlèlement du château [62].
Les marquis de Hautecœur et le clergé de Beaumont ont
rempli les siècles de leurs démêlés, le château a mis en continuel
péril \ts franchises de Beaumont; sans cesse des hostilités ont
éclaté sur des questions de tribut et de préséance. Et le déman-
tèlement du château a été le triomphe de l'église. Plus tard,
190 LES PERSONNAGES
la branche ainée éteinte, un Ifautecœur de la branche cadette,
Jean XII, revient comme évêque à lîeaumont, et va commander
a ce clergé, toujours debout, qui, après quatre cents ans de
lutte, a vaincu ses ancêtres [6i]. Il préside chaque année la
procession du .Miracle, qui date de sou grand aïeul Jean V. La
légende assure qu'une peste aiïreuse ayant ravagé la ville,
Jean V de llnutecœur aurait combattu le llcau et guéri les
malades en les baisant sur la bouche et en disant : c Si Dieu
veut, je veux » ; formule qui est restée la devise desHautecœur :
SI DIEU VOLT lE VUEIL, inscrite sur leur blason [08].
On prétend aussi que, dans la famille, les femmes meurent
jeunes, en i^lein bonheur; deux, trois générations sont épar-
gnées, puis la mort reparait, souriante, avec des mains douces,
et emporte la femme ou la fille d*uu llautecœur, les plus vieilles
à vingt ans, au moment de quelque grande félicité d'amour. La
légende les appelle les Mortes heureuses. Laurette, fîlle de
Raoul l", le soir de ses fiançailles avec son cousin Piichard,
croit marcher dans un rayon de lune et se brise au pied des
tours. Dalhine, femme de Henri VII, meurt de joie en voyant
revenir son mari, qu'elle a, pendant six mois, cru tué à la
guerre. Ysabeau, Gudule, Yvonne, Austreberthe ont été enlevées
dans le ravissement de leur premier bonheur. Ou lit encore, sur
de vieilles pierres tombales, encastrées dans les murs de la
chapelle, les noms de Laurette et de Dalbine. £l toutes ces
Mortes heureuses reviennent, dit-on, la nuit, peuplant les ruines
du château, ainsi qu'un vol de colombes [89]. {Le Rèvc)
Hautecœur (Monseigneur de). — Jean XII de llautecœur,
mari de Paule de Valençay, père de Félicien VII. 11 a été capi-
taine à vingt et un ans, sous Charles X. En 1830, à vingt-quatre
ans, il donne sa démission et, jusqu'à la quarantaine, il mène
une vie dissipée, des voyages, des aventures, des duels. Puis,
un soir, chez des amis, il rencontre la fille du comte de Valençay,
Paule, qui a dix-neuf ans, vingt-deux de moins que lui; il
l'aime à en être fou, elle l'adore, on doit hâter le mariage.
Jean XII rachète alors les ruines de Hautecœur, dans l'intention
de réparer le château où il rêve de s'installer avec sa femme.
Pendant neuf mois, ils ont vécu cachés au fond d'une vieille
propriété de TAnjou, refusant de voir personne, trouvant les
heures trop courtes. Paule lui donne un lils, Félicien, et meurt
en couches. Huit jours après, Jean MI entre dans ics ordres;
plus tard, il devient évéque de lieauuionl.
DlS ROUGON-MACQUART 191
A soixante ans, il a la laiDe haute, mince et noble, d*une
jeunesse superbe. Ses yeux d'.iigle luisent, son nez un peu fort
acceniue l'aulorilc souveraine de sa face, allénuée par sa che-
velure blanclu', en boucles épaisses [178]. Inconsolé, il a long-
temps refusé de voir Félicien, Tenfant qui en naissant a coûté
la vie à sa mère; il l'a confié à un oncle de celle-ci, s'obslinant
à nVn pas recevoir de nouvelles,tùchantd'oublier son existence.
Le jeune hoinine a vingt ans quand son père, soucienx de la
fougue qu'il montre et craignant des sottises de cœur, se
décide ei:fin à l'appeler à lui, après avoir réglé à l'avance un
mariage av.*c Claire de Voincourt. Mais, depuis que Félicien
est là, r'jvéïjue vit dans le trouble. Cet enfant est le vivant
portrait de celle qu'il pleure; il a son âge, la grâce blonde de
de sa i»oauté. Vingt ans de prières n'ont pas tué l'homme
ancien et il suffit que ce fils de sa chair, cette chair de la
femme îidorée, se dresse, avec le rire de ses yeux bleus, pour
que son cœur batte à se rompre, en croyant que la morte res-
suscite. 11 passe des nuits de combat, ce sont des larmes, des
plaiiiies, dont la violence, étouffée par les tentures, effraye
l'Êvé ;ia. La torture a recommencé, saignante comme au len-
demain iio la mort de la femme à jamais pleurée. Aussi, lorsque
Félicien lui avoue Tardent amour qui l'ecnporte vers la petite
brodtiise Angélique, le père crucifié sent-il en lui l'absolue
voloiiîé, le devoir ruJe de soustraire ce fils au mal dont lui-
nièui-^ souffre tant. Il veut tuer la passion dans son fils comme
il veut la tuor en lui-même et, à Fardcnte prière de l'amant, il
répo:-.] d'un seul mol : Jamai> î [219].
Aiiçéliiue, éloquente et pure, n'o jtient, elle aussi, qu'une
réponse inexorable [-30], mais sans qu'il veuille l'admettre,
celte jeune lille l'a touché, une nouvelle lutte le déchire et, la
grûc'j euirant en lui comme un remords, il se rappelle, devant
Atig'-iiqae a;iOiiisanle, les miracles qui ont illustré les siens, ce
pouvoir <(U(.' le ciel leur a donné de guérir. Pareil à son ancèlre
.leaii V. allant prier au chovel des pestiférés et leur donnant
un l. is-r '\k\ les r«'s-u-cite, il prie le ciel, b.-iisr la niouranie
sui- L. li^>U'*iieei liil : o Si Dieu veut, je \eux » [■2'.I0]. Kl «ievanl le
protil^ • accjuijili, monseigneur permet enlin la réalisation du
rêve d r.i^'-Ii'jue, cc merveilleux mariage qui va donner à
rillii?iî<j IVuiiille de llautecceur une Morte heureuse de plus.
(Le L ■'>•,:}
Hru*v£cœur (Maholise Jean XII Dr.). — Voir Vailncay
O'A'-Li: Li:.)
lOâ LES PERSONNAGES
Hautecœur (Angélique de). — Voir Angélique Marie.
Hautecœur (FÉLICIEN VII de) (1). — Fils de Jean XII de
llaulecœur, depuis évéque de Beaumont, et de Paule de Va-
lençay. 11 a perdu sa mère en naissant. Un oncle de celle-ci,
un vieil abbé, Ta recueilli, son père ne roulant pas le voir,
faisant tout pour oublier son existence. On l'a élevé dans
rignorance de sa famille, durement, comme s'il avait été un
enfant pauvre. Plus tard, le père a décidé d'en faire un prélrc,
mais le vieil abbé n'a pas voulu, le petit manquant tout à fait
de vocation. El le Ois de Paule de Valençay n*a su la vérité que
très tard, à dix-huit ans. Il a connu alors son ascendance illustre,
ce long cortège de seigneurs dont les noms emplissent Thistoire
et dont il est le dernier rejeton ; Tobscur neveu du vieil abbé
est brusquement devenu Félicien VII de Hautecœur, et ce jeune
homme qui, épris d'un art manuel, devait gagner sa vie dans
les vitraux d*égiise, a vu toute une fortune s'écrouler sur lui ;
les cinq millions laissés par sa mère ont été décuplés par des
placements en acliats de terrains à Paris, ils représentent au-
jourd'hui cinquante millions [66]. Un des grands chagrins de
révéque est la fougue du jeune homme, sur laquelle l'oncle
lui fournit des rapports inquiétants, ce ne sera jamais qu'un
passionné, un artiste. Et, craignant les sottises du cœur, il l'a
fait venir près de lui, à Beaumont, réglant à l'avance un mariage
pour prévenir tout danger [207].
A celte époque, Félicien VII a vingt ans. Blond, grand et
mince, il ressemble au saint Georges de la cathédrale, à un
Jésus superbe, avec ses cheveux bouclés, sa barbe légère, son
nez droit, un peu fort, ses yeux noirs d'une douceur hautaine. Et
malgré ces yeux de bataille, il est timide; à la moindre émotion,
colère ou tendresse, le sang de ses veines lui monte à la face
[lUG]. Le (ils de Jean XII de Hautecœur habile un pavillon dans
le jiarc de l'évèché, séparé par le clos Marie de la fraîche
maison des Hubert où vit Angélique. 11 aime la petite brodeuse
depuis un soir qu'il l'a aperçue a sa fenOtre; elle n'était alors
qu'une blancheur vague; il distinguait à peine son visage et
pourtant, il la voyait, il la devinait telle qu'elle était. Et comme
il avait très peur, il a rôdé pendant des nuits sans trouver le
courage de la rencontrer en plein jour. Plus tard, il a su qui
{I; Félicien (le Hautecœur, maiié en 18G9 à Anfjélique Rougon.
(Arbre aêuèuloaiaue des RounoH'Macauarl .)
DES ROUGON-MACQUAnT 193
I
i était cette jeune fille ; c*est alors que la fièvre a commencé,
I grandissant à chaque rencontre ; il s*est senti très gauche la
première fois, ensuite il a continué à être très maladroit en
poursuivant Angélique jusque chez ses pauvres ; il a cessé d'être
i le maître de sa volonté, faisant des choses avec Tétonnement
et la crainte de les faire, et lorsqu'il s*est présenté chez les
Hubert pour la commande d'une mitre, c'est une force qui Ta
poussé [159]. Longtemps il a cru qu'on ne l'aimait pas, il a
erré en rase campagne, il a marché la nuit, le tourment galo-
pant aussi vile que lui et lo dévorant. Mais lorsqu'il reçoit
l'aveu d'Angélique, sa jeunesse vibre dans la pensée d'aimer
et d'être aimé.
Il est la passion même, la passion dont sa mère est morte, la
passion qui l'a jeté à ce premier amour, éclos du mystère [197].
Angélique connaît maintenant son grand nom, il est le fier
st'igneur dont les Saintes lui ont annoncé la venue, mais la sage
llubertine, inaccessible aux mirages du rêve, a exigé de Féli-
cien le serment de ne plus reparaître, tant qu'il n'aura pas
Tâssentinient de monseigneur [215]. Le soir même, il s'est
confessé à son père, qui, le cœur déchiré par sa passion
ancienne, a formelicment condamné en son fils cette passion
nouvelle, grosse de peines; la parole de l'évéque est d'ailleurs
eiigagée aux Voincourt, jamais il ne la reprendra. Et Félicien
s'en est allé, se sentant envahir d'une rage, dans la crainte du
Hot de sang dont ses joues s'empourprent, le Ûot de sang des
llautecœur, qui le jetterait au sacrilège d'une révolte ou-
verte [-219].
II s'eulièvre, il écrit à Angélique des lettres que les parents
iniercepicni, il voudrait partir avec elle, conquérir le bonheur
qu'on leur refuse, mais la pure enfant est défendue par les
vierges de la Légende [:iG9]. Cette fois, Félicien se révolte contre
l'iijipiloyable évéque, perdant tout ménagement, parlant de sa
mère re>susci(ée en lui pour réclamer les droits de la passion.
Enlin. devant Angélique mourante, l'évéque a fléchi; il accomplit
le miracle de la faire revivre, elle deviendra sa fille, Félicien Vil
de llaulecœur sera uni, en une cérémoni.pompeuse, à l'humble
crcalure qui, pour tous parchemins, po.^sède un livret d'enfant
assisté [z%].
El Félî ien achète derrière rÉvéché,rue Magloire,iMi ancien
hûiel, qu'on installe somptueusement. Ce sont de grandes
pi'.:es, ornées d'admirables tentures, emplies des meubles les
plus précieux, un salon en vieilles tapisseries, un boudoir
17
ÎIU LES PERSONNAGES
bleu, d*une douceur de ciel matinal, une chanobre à coucher
surtout, un nid de soie blanclie et de dentelle blanche, rien
que du blanc, léger, envolé, le frisson même de la lumière [298].
Mais Angélique ne connaîtra pas cet hôtel princier, plein de
bijoux et de toilettes de reine. An sortir de la cathédrale,
parmi Tencens et le chant des orgues, elle s*éteint dans un
baiser et Félicien ne tient plus qu'un rien très doux et très
tendre, cette robe de mariée, toute de dentelles et de perles,
la poignée de plumes légères, tièdes encore, d*un oiseau [310].
(Le Ri've.)
Hédouin (Charles). — Ancien commis du Bonheur des
Dames, devenu associé, à la suite de son mariage avec Ca-
rolinel)eleuze, fille d'un des patrons. Est sans cefse aux quatre
coins de la France pour ses achats [1 13]. .\tteint d'une maladie
d'estomac, il va faire une saison aux eaux de Vichy [211].
Hédouin meurt, laissant le Honiieur des Dames dans une
situation prospère [316]. (Pot-Douille.)
Hédouin (Madame). — Voir Delecze (Caroline).
Hélène (Duchesse). — Principal personnage de la Petite
Duchesse^ pièce de Fauchery jouée aux Variétés. Trompée par
son mari pour la blonde Géraldine, une étoile d*opérette, elle
vient un soir de bal masque chez l'actrice pour apprendre par
quel majrique pouvoir ces dames conquièrent et retiennent les
maris [;:II2J. Ce rôle, d'abord distribué à Uose Mignon, est joué
par ^ana, qui s'y montre atrocement mauvaise [338]. (iVaiia).
Héloîse. — Petite actrice des Folies. Déte comme une oie,
maib très drôle [39]. (Au Bonheur des Dames.)
Hennebeau. — Directeur général de la Compagnie des
mines de Monlsou, comprenant dix-neuf fosses, dont treize
pour Texploilalion, le Voreux, la Victoire, Crévecœur, Mirou,
Sainl-Tlionias, Madeleine, Feutry-Cantel, d'autres encore, et
six j.our l'épuisement et l'aérage, comme Réquillart,
dix niillti ouvriers, des concessions qui s'étendent sur soixante-
scj.l communes, une extraction de cinq niille tonnes par jour,
un cheiuia de fer reliant toutes les fosses [il]. Le tout appar-
tient à des actionnaires, des gens que les mineurs n'ont jamais
vus. No dans les Ardcnnes, M. lleunebeau a eu les commen-
cements dilliciles d'un garçon pauvre, jeté orphelin sur le pavé
de l'aris. Après avoir suivi [»éniblen,ent les cours de l'Ecole des
mines, il est à vingt-quatre ans parti pour la Grand'Combe,
DES ROUCON-MACQUART l'Xi
comme ingénieur du puits Sainte-Barbe; trois ans plus tard,
il devient ingénieur divisionnaire dans le Pas-de-Calais, aux
fosses de Maries, et c*est là qu'il se marie. Le ménage habite
la même petite ville de proAnnce pendant quinze ans; un désac-
cord physique et moral a grandi entre les époux, lleuncbeau
adore sa ff^mine qui le dédaigne. Après avoir ignoré le premier
amant, il obtient un poste à Paris, croyant reconauérir ainsi
répDUse, mais Parts achève la séparation ; les dix ans que
madame Ih^nnebeau y passe, dans la luxueuse folie de Tépoque,
sont emplis par une grande passion devant laquelle le mari se
résigne, désiirmé par la tranquille inconscience de celte femme
qui prend son bonheur où elle le trouve. Purs, quand Tamanl
disparait, laissant sa maitresse malade de chagrin, llennebeau
accepte la direolion des mines de Montsou; il espère encore la
corriger là-bas, dans ce désert des pays noirs [2:2 i].
Très brun de peau, le visage autoritaire et correct, le direc-
teur inspire une crainte hiérarchique à ses dix mille ouvriers;
i! n'admet pas que ceux-ci se plaignent, il leur reproche d'avoir
été gâtés par les années heureuses, de ne pas savoir revenir
à leur frugalité ancienne, maintenant que leur salaire de six
francs est réduit de moitié [231]. D'ailleurs, mal renseigné, il
est convaincu que la grève durera une semaine, une quinzaine
viu plus, que les mineurs vont rouler les cabarets et retourne-
ront aux fosses, quand ils auront trop faim. Dans ses longues
promenadtîsà cheval, à travers le pays en grève, il ne rencontre
que des hommes silencieux, lents à saluer; il tombe le plus
souvent sur des amoureux qui se moquent de la politique et se
bourrent de plaisir dans les coins; alors, son cœur, toujours
plein de la fe:nnie qui ne veut pas de lui, se gonfle d*un besoin
inassouvi, à travers cette goinfrerie des amours libres [299].
Volontiers, il crèverait îif faim comme ses ouvriers, s*il pouvait
recommencer rexisteiicc avec une amoureuse qui se donnerait
à lui sur des cailloux, de tous ses reins et de tout son cœur
[•^il 1]. A riicurc le la révolte qui va ensanglanter Montsou, il
découvre un nouvel adultère, c'est maintenant son neveu,
presque son îils, le petit ingénieur Négrel, qui est l'amant de
madame Ilenueboau. et pendant qu'une amertume affreuse lui
empoisonne la bouche, pendant qu'il est hanté par réternellc
douleur de l'exi^lence, par la honte de lui-même qui désire
toujours cette fe:inne, il entend les grévistes l'injuriera propos
lie ses qn.iraiile mille francs d'appointements, le traiter de
fainêauL et de vt-ulru, de sale cochon qui se fout des indiges-
lOG lis PEUSON.NAGES
tions de bonnes choses, quand Fouvrier crève de faim [397].
Devant ce nouveau désastre de son existence, il se réfugie dans
la stricte exécution des ordres reçus, il fait de la discipline
militaire où il vit sa part réduite de bonheur [iil].
La conQance des régisseurs de Montsou semblait ébranlée;
il a regagné leurs bonnes grâces en laissant gâter les choses,
en n'évitant pas la bagarre qui doit provoquer une répression
énergique et mettre les révoltés à la raison. Et il rentre défini*
tivement en faveur par son habileté à dépouiller Deneulin, à
livrer à la Compagnie de Montsou la belle proie de Vandame,
guettée si longtemps [501]. Après la grève, il reçoit la rosette
d'officier de la Légion d'honneur, il continue sa vie ravagée,
acceptant la honte du ménage à trois avec Négrel pour éviter
une honte plus grande, préférant garder son neveu, dans la
crainte de son cocher [55i]. {Germinal.)
Hennebeau (Madame^. — Femme du directeur des mines
de .Montsou. C'est la fille d'un riche filateur d*Arras. Élevée
dans le respect de Targent, elle méprise ce mari qui, dans les
premières années, gagnait des appointements médiocres et
dont elle n*a tiré aucune des satisfactions vaniteuses, rêvées en
pension. D*une sensualité de blonde gourmande, mais froide
avec son mari, elle a eu des amants; les dix ans qu'elle a
passés à Paris ont été emplis par une grande passion, une liaison
publique avec un homme, dont Tahandon a failli la tuer [â2i].
A .Montsou, elle tombe en une langueur d'ennui et se fait
consoler par le neveu de son mari, Tingénieur Paul Négrel, à
qui elle se livre et qu'elle s'amuse à vouloir marier; dans ses
rapports avec lui, elle ne voit qu'un joujou de récréation, elle y
met ses tendresses dernières de femme oisive et finie [226].
Madame Hennebeau est' une grande personne blonde, un peu
alourdie dans la maturité superbe de la quarantaine. Elle
s'étonne toujours en entendant parler de la misère des mineurs;
est-ce qu'ils ne sont pas très heureux, des gens logés, chauffés,
soignés aux frais de la Compagnie. Dans son indifférence pour
ce troupeau, elle ne sait de lui que la leçon apprise, dont elle
émerveille les Parisiens en visite dans les corons, et elle a fini
par y croire [234]. Pendant l'émeute de Montsou qui gêne
l'arrivée de victuailles attendues, elle s'exaspère contre ces
sales ouvriers qui, pour se révolter, choisissent un jour où elle
a du monde [39i]. (Germinal)
Héquet (Caroline). — Une demoiselle très lancée. Elle est
DES nOUGON-MACgUAnT 197
Dec ù Cordeaux, d'un petit employé mort de houte; moins sen-
sible aux préjugés, sa mère tient la maison. Caroline a TÎngt-cinq
ans, tîlle est très froide et passe pour line des plus belles fem-
mes qu'on pui«se avoir, à un prix qui ne varie pas [111]. Elle
achète à un prix ridicule la Mi^nolte, mise en vente après la
fugue de Naiia [262]. Pendant la guerre, Caroline Héquet va
s'installor a Londres [518]. (Nana.)
Héquet (Madamk). — Mère clo CaroHtie. Très digne, Tair
empaillé [8J. C'est une femme de tôle qui, après avoir maudit
sa fille tombée dans l'inconduite, s*est remise avec elle, au
bout d'un au de réflexion, voulant au moins lui sauver une for-
tune [III]. Pleine d'ordre, madame Héqtict tient les livres de
Caroline, une comptabilité sévère des recettes et des dépenses;
elle habile à deux étages nu-dessus de sa fille, un étroit logement
où elle a inMalIé un atelier de couturières, pour les robes et le
linge. {Sana.)
Herbelin. — Illustre chimiste dont les découvertes révolu-
t'.oauent la science. Lazare Chameau est préparateur dans son
htboraloire [70] et s'inspire des découvertes du savant pourcon-
C'fvoir une exploitation en grand des algues marines Lorsque
Tasinc tonclionne, Herbelin a Tobligeance de se détourner d'un
voya^TH pour visiter les appareils; il constate l'échec [101]. (La
Joie tic vivre.)
Herznellne. — Elève de rhétorique au collège de Plassans.
Amoureux de sœur Angèle, il se fait sur les mains des entailles
au canif, pour monter à l'infirmerie, où la religieuse lui pose
d-is baii'Jes de talfetas d'Angleterre. L'élève et la sœur finissent
par s'enfuir ensemble [3G]. (LŒucre,)
Hippol3rte. — Valel de chambre des Duveyrier. Gaillard os-
seux, ù la ligure plate, aux mains humides, grand, fort, la mine
tleurie. Il est l'ainaul de Clémence, qu*il ne peut épouser étant
marié ailleurs [iOOJ. Celte liaison connue et acceptée des maî-
tres n'empêche pas Ilippolyte de coucher avec la bonne de ma-
dame Juzeiir, une enfant de quinze ans nommée Louise [337].
iPot-Bonilic.)
Hippolyte. — Valet de chambre des Hennebeau. Tremble
devant rêineiile [102]. (Germinal.)
Homme noir (L'). — Une légende qui fait frémir les her-
clieuses. L'homme noir est un vieux mineur qui revient dans
la foss«; et qui lord le cou aux vilaines filles [51]. (Germinal.)
ri.
198 LES PERSONNAGES
Honorine. — Femme de chambre des Grégoire. Fille d*une
vingtaine d*années, qui a été recueillie enfanl el élevée à la
maison [80]. {Germinal.)
Honorine. — Donne des Badeuil. Chétive, maigrichonne,
l'air pauvre el honteux. Surprise aux brasd'un homme el chassée
par M. Charles, elle se révolte et devient insolente [18^]. (La
Terre.)
Horn (LÉA de). — Une jolie fille, poussée sur le pavé pari-
sien [111]. Elle a un snlon politique, où d*anciens ministres de
Louis riiiiippe se livrent à de fines épigrammes. Sous TinHuen-
ce du milieu, Léa trouve que la guerre de Prusse est une faute,
une folie sanglante [ôW], (Nana»)
Horteur (Abbé). — Curé de Bonne ville. Homme trapu, à
grosse encolure, cheveux roux, nuque brûlée du soleil, gros
souliers. Payé à peine, sans casuel dans cette petite paroisse
perdue, il mourrait de faim s*il ne faisait pousser quelques lé-
gumes [25-1]. 11 possède, devant l'église, sur le terrain du cime-
tière, un potager qu'il cultive lui-même, vêtu d'une blouse grise,
chaussé de sabots et fumant une grosse pipe. L'ubbé Hor-
teur dine tous les samedis chez Chanteau et se livre avec lui à
d'interminables parties de dames.
Intelligence bornée, fils de paysans au crâne dur [.jO], il parle
rarement de Dieu, l'ayant réservé pour son salut personnel [256]
et se souciant fort peu du salut des autres. Ses ouailles lui in-
spirent un profond mépris. 11 les a menacées de l'abandon de
Dieu et les malheurs qui accablent le village le laissent insen-
sible, car il n'y voit que l'accomplissement de ses prédictions.
Pratijuant lourdement sa religion, il éloigne Pauline du confes-
sionnal par des questions et des commentaires déplacés [87].
Dérangé un soir chez les Chanteau, il va administrer un malade,
le trouve mort et revient tranquillement achever son petit verre
['loi']- {La Joie de vivre.)
Hoton. — Sucrerie à Montsou, atteinte dans sa prospérité
parla grève des mineurs [liÔ]. {Germinal.)
Hourdec[uin (Alexandre). — Fils unique d'Isidore. .Né
en ISO». Commence d'exécrables études au collège de Château-
duii. La terre le passionne. A la mon de son père, il a vingt-sept
ans et devient maître de la Dorderie. Alexandre est pour les mé-
thodes nouvelles, qui exigent des caj'ilaux. Aussi, en se mariant,
clicrohe-t-il de l'argent el non du bien. Il épouse une sœur du
DES ROUGON-MACQUAKT WJ
notaire Baillehache, qui lui apporte cinquante mille francs.
Carre des épaules, Iar*,'e face haute en couleur, n*ayaut gardé
que des mains petites de son afûnement de bourprcois, il aime
la terre d'une passion où n'entre pas seulement Tàprc avarice
du paysan ; c'est une passion sentimentale, intellectuelle presque,
car celte terre, il la sent la mère commune, qui lui a donné sa
vie, sa substance, et où il retournera [99J. 11 lui apporte son ar-
gent, son existence entière, ainsi qu'à une femme bonne et fer-
tile et c'est pour la mieux féconder qu'il se lance dans les inno-
vations, les machines que ses serviteurs détraquent, les engrais
chimiques que fraude le commerce.
De grands mécomptes intimes l'ont assailli, il a vu son ûls
Léon s'engager, il a perdu sa femme et sa fille et s'est trouvé
brusquemtMii seul, Tavonir fermé, sans l'encouragement désor-
mais de travailler pour sa race. Mais il reste debout, violent et
autoritaire, il s'obstine devant les paysans qui ricanent de ses
inventions et souhaitent la ruine de ce bourgeois assez auda-
cieux pour làter de leur métier. Il mèno une vie laige de gros
bomn)e sanguin, décidé à ne jamais rester sur ses appétits; de
tout temps, il a été un niùle despotique pour ses s(*rvantt'S, et
l'une d'elles, Jacqueline Cognet, a fini par se l'attacher, le pre-
nant dans sa chair, lui mspirant un besoin physique irrésistible.
.Mais, au-dessus de cet amour où il s'acoquine, dont il souffrira
et dont il mourra, Alexandre Hourdequin garde toujours la
passion de la terre, il lutte contre le libre-échange qui ruine-
rait les campagnes, rêve toujours d'engrais supérieurs, adopte
de nouvelles machines, toute sa fortune y passe, bientôt la
Dordcrie ne lui donnera plus de quoi manger, tant l'agriculture
soulTre. Maire de llognes, il ne rencontre qu'hostilité chez les
petits agriculteurs, il doit abandonner son écharpe, et il pressent
la caUistroplie qui terminera Tantagonisme séculaire de la pe-
tite propriété et de la grande, en les tuant toutes les deux [il'o].
Il mciiil dans un accident provoqué parTron, un de ses valets,
ainaiilde Jacijueliiie [i81]. (Lrt Terre.)
Hourdequin (Madame). — Voir Baillehache (Mademoi-
SELLC).
Hourdequin (Isidoue). — Bourgeois de Chàtcaudun, né
en ITuT. 11 (itsceiid d'une ancienne famille de paysans de ('Joyes,
afiiiiûe el luonlce à la bourgeoisie, au seizième siècle. Employé
aux ;îaîjjlîe% orphelin de bonne heure, possédant une soixan-
taine de niiile francs, il a été privé de sa place parla liévolulion
i!)0 LES PEIISONNACES
i't n SU fiiire fortune dans les biens nationaux. Il a payé trente
mille francs, le cinquième de leur valeur, les cent cinquante
hectares de la Borderie, ancien domaine des Hognes-Bouqueval,
pas un paysan n*ayant osé risquer ses écus. Isidore avait seule-
ment rêve une spéculation, mais la dépréciation de la terre ne
cessant pas, il a gardé le bien et s*est marié avec la fille d'un
fermier voisin, qui lui apportait cinquante hectares ; il est
défiuilivemenl revenu à la culture, abandonnée depuis trois
siècles par sa famille; maii il s*est consacré à la grande culture,
l'aristocratie du sol, qui remplace Tancienne toute-puissance
féodale [87J. Il meurt en I83i. {La Terre )
Hourdequin (Léon). — Fils dWlcxandreHounlequin. S'est
cng^ngé par haine de la terre et a été fait capitaine, après Solfe-
rino [87J. Ne se montre même pas une fois pur an. Ayant surpris
le iiiaiiAge de Jacqueline Cognet, qui fait du maître la risée de
la ferme, i! veut tenter le jeu classique de se laisser surprendre
avec la fille pour obtenir qu'elle soit chassée. Mais cette fme
mouche sait lui résister et elle brouille irrémédiablement le père
et le fils [i38]. (La Terre,)
Hourdequin (Mademoiselle).— Deuxième enfant dWlexan-
dre Hourdequin. Jeune fille délicate et charmante, tendrement
aimée de son père. Elle sera héritière de la Borderie, puisque
Tainé a voulu courir les aventures. Mais elle meurt jeune, peu
de temps après sa mère [S7J. {La Terre.)
Houtelard (Famille). — Pécheurs de Bonneville. Famille
aisée, possédant la plus grande barque du pays [i26J. .\ varice
épouvantable, dans une saleté sans nom. Houtelard, après avoir
tue sa femme de coups, a épousé sa bonne, une affreuse fille
plus dure que lui [127]. Le gamin, battu par eux, va chez Pau-
liiK.' Quenu mendier chaque semaine des secours et des médica-
ments. Au lendemain de Tenlerrement de madame Chanteau, une
tempête détruit la maison des Houtelard [2iU], qui s'installent
alors dans une vieille grange vingt mètres en arrière [269] et
vivent dans un cloaque en se vengeant sur le petit ['271]. Hou-
ttflard, parti en mer un soir de gros temps, est englouti avec
sa barque et son matelot. Le fils, maintenant âgé de vingt ans,
d'allure triste et peureuse tournée à de la sournoiserie, vit
ouvertement avec sa belle-mère |423]. {La Joie de vivre,)
Hubert. — A recueilli Angélique Marie, fille non déclarée
de Sidonie Bougon. Il possède à Beaumont une étroite maison à
DES ROUGON-MACQUAKi 201
un seul étage, très ancienne, bâtie vers la fin du xv* siècle, et
qui touche au transept nord de la cathédrale. La lignée des
Hubert habite cette maison depuis quatre cents ans. L'Hubert
actuel y brode des chasubles, comme tous ceux de sa race. A la
vingtième année, il s'est épris d'une jeune Glle de seize ans,
Ilubertine, et Ta aimée d*une telle passion que, sur le refus de
la mère, il Ta enlevéei puis épousée. Mais ce mariage furtif a
été frappé de stt'^ilité, comme en punition de la faute origi-
nelle. Depuis, le grand amour des Hubert semble s'être élargi
dans un incurable remords. Lui passe les jours à tâcher d'ef-
facer de sa mémoire, à elle, l'injure qu'il lui a faite en la pre-
nant sans le consentement maternel, et l'unique désir d'Hubert
est d'obtenir un fils, l'enfant du pardon. 11 vit aux pieds de sa
femme dans un culte, une de ces passions conjugales, ardentes
et chastes comme de continuelles fiançailles [:27].
C'est là, dans cette fraîche maison, toute pleine do tendresse
et d'amour, frileusement enclavée entre deux contreforts de
l'église colossale, que sera élevée Angélique, trouvée un matin
sous la neige, d»irrière le pilier de sainte .Agnès. Agé dequa-
rante^cinq ans, Hubert a un visage tourmenté, le nez en bec
d'aigle, le front bossu couronné de cheveux épais et blancs
déjà ; il a une grande bouche tendre. C'est, au fond, un pas-
sionné ; il écoule .Angélique lire les légendes, il frémit avec
elle, une fièvre de l'au-delà l'emporte aisément, lui aussi, au
moindre souffl:; [-31]. Mais la saine raison d'Hubertine le
ramène toujours sur la terre; comme sa femme, il se soumet à
l'implacable destin et, comme elle, récompensé, il connaîtra
l'immense bonheur delà rédemption [301]. (Le liéve.)
Hubertine. — Femme de Hubert. A seize ans, d'une
beauté merveilleuse, elle a clé aimée de lui et, comme sa mère
veuve d'un magistrat, refusait de In donner, elle s'est laissé
enlever. Huit mois plus tard, mariée et enceinte, elle est venue
au lit de mort de sa mère, celle-ci l'a déshéritée et maudite,
si bien que l'enfant, né avant terme le même soir, est mort.
El depuis, au cimetière, l'entélée bourgeoise n'a pas pardonné,
car le ménage n'a plus eu d'enfant, malgré son ardent désir.
Après viiigl-qualre années, les Hubert pleurent encore le fils
({u'ils ont perdu, ils désespèrent maintenant de jamais fléchir
la morte [7].
Hubertine, à quarante ans, est toujours très belle, c'est une
brune forte, au calme visage. D'un tendre accord avec son
20* LES PEUSONNAGE^
mari, elle a recueilli Angélique àgte d«î neuf ans. Pour éviter
les mauvaises fréquenlations de Técule, elle se cliarpre de com-
plélt'r l'éducation de Tenfanl, prali(]uant d'ailleurs celte opinion
ancienne qu'une femme en sait assez long quand elle met Torlho-
graphc el qu'elle connaît les quatre règles [-2*]. Peu à pt3U, elle
prend de Tautorité sur Angélique, âme fanlasqu* pleine de
sursauts brusques, d'orgueilleuses colères suivies di repentirs
cxallés. llubertine est faite pour cette éJucalion, avec la bon-
homie de son âme, son grand air fort et doux, son '.sprit droit,
d'un parfait équilibre [25], A chaque révolte de rcnfant, en qui
bouillonne l'ardeur héréditaire, ellelui appr«'nd l'h:. milité. Rai-
sonnnbli:, elle condamne Texagération, même dam les bonnes
cho-es [.'»1»|. Inquiète des vagues son,«'f*ries d'Angélique, qui
voudrait épouser un prince [60], elle s'est éu)ue «Je la voir
aimer le lils de nïonseigneur, elle lui montre rirrénlisable de
sa chimère [i^Ui] et lui conte, d'un joufile trembla;.:, la triste
histuire de sa propre union, montrant qu'il ne faut rien mettre
dans son existence dont on puisse soulïrir plus tard [-200], El
pour enterrer le mariage impossible, elle sépare Angélique el
Félicien f»ar des mensonges ; devant cette vierge q'ii agonise,
elle est pleine de douleur et, cependant, ne regretter rien, pré-
fèraiii l'enfant morte à l'enfant révoltée [^Ti],
3Iais un double miracle va s'accomplir. Lorsque monseigneur
a rer.du la vie à Angélique, quand s'est réalisée i impossible
chimère, llubertine, dans une suprême visite à la to:j;be maler-
iielle. après avoir longtemps supplié, seul en elle un choc sou-
dain. Du fond de la terre, après trente-ctns, la morte obstinée
pardonne; elle envoie aux Hubert l'enfant du pardon, si ardem-
ment ilésiré et attendu. Et c'est la r'^comp^nse de la charité,
de celle pauvre créature de misère, recueillie, un jour de neige,
à la porte de la cathédrale, aujourd'hui mariée à un prince,
dans toute la pompe des grandes cérémonies [301]. 'Le llihe,)
Hue. — In amateur de peinture, ancien chef de bureau, un
:1e ce^ bourgeois détestés qui ont des âm-s d'artistes, dans les
liabilu les maniaques où ils s'enferni»MU. Pas assez riche pour
achel'T toujours, il ne peut que sela:iicnler sur rav»;uglem«='nl
du })ublic, qui, dans la personne de Clan ic Lnnlier. laisse une
lois de plus le génie mourir de faim, i^onvain-ni, frar:»è dès le
premier coup d'œil, il a choisi les n.-uvres les plus rudes de
larliste et b'S a pendue> à côté de ses D-^iacroix, en leur pro-
}»hélisani une fortune égale ['278]. {L'Œuvre.)
DES UOUGON-MACQUART 203
Hugon ^Madame). — Mère Je Philippe et de Georges Hugon.
£11-.* c>l veuve d'un notaire, vit retirée aux Fondeltes, une an-
cienne propriété de sa fuiniile, près d'Orléans, et a conservé un
pie<l-à-lcrre à Paris, dans une maison qu'elle possède rue de Ui-
chclieu. Autrefois grande amie de la marquise de Cliouard,elie a
vu naître l:i comtesse Sabine et elle la tutoie. Madame Hugon a
une figure maternelle, éclairée d*un bon sourire, entre ses
larg'es bandeaux de cheveux blancs [79]. Ame irréprochable et
pieuse, esprit tolérant, elle estime qu'on doit pardonner beau-
coup aux autres lorsqu'on veut soi-même être digne de pardon
[îii]. et ce beau sentiment d'honnête femme fait contraste avec
le rif orismo afîecté du vieux marquis de Chouard, perdu de
vicias lioiiicux. Pourtant, madame Hugon s'exaspère devant les
excentricités «le Nana, sa voisine de campagne; elle sent vague-
ment le malheur que va lui apporter cette fille, acculant Phi-
lippe au déshonneur [IGOJ et Georges au suicide [170]. {Nana.)
Hugon (Georges). — Fils cadet de madame Hugon. Un
jeune Iiomme de dix-sept ans, aux beaux yeux de chérubin. Il
est joli, «an^ un poil de barbe. La vue de Nana presque nue,
dans son rôle de la Blonde* Vénus, Ta enflammé; il se présenle
chez tile. Tainuse par sa figure gamine et son ardeur précoce et
se met à vivre ilans Tombre de la jolie fille. Elle rappelle Zizi.
Un jour ra'il est venu la rejoindre à la Mignolte et que, trempé
jusqu'aux os. il a dû revêtir une chemis»?, un pantalon et un pei-
gnoir Je l'actrice [102], leur jeu ressemble à celui de deux amies
qui se lajuiiient et, sans presque s'en apercevoir, Nana devient
sa m ilresse. Le hasard malheureux dune rencontre a appris
à ma Ijiiie Hugon Tinconduite de son fils, elle Ta enfermé aux
Fonfl"tle<, ii]ai< quelques mois de réclusion ne font qu'exaspé-
rer le> s.:is 'Je Georges; il se soulage chaque semaine dans des
paire? 1m lUu.les, auxquelles Nana répond par la plume de Fon-
ta:i = û"<'2\
Le vice cît.» Zizi se trempe d'une tendresse infinie, d'une
aioratio.i s.nsr.elle où tout son êire se donne. Si la présence
des aiiiaiiis ï-^ririux, Sieincr, Muilat, Vandcuvres laisse indilïé-
rent ce ^ar< on qui n'a même pas un sou pour acheter des bou-
quets, il s'eur i^c de jalousie contre son frère Philippe. t]elui-ci
a |»ro.»0;é à Nana de l'épouser; afl'olé, Georges fait la uiénic
o:iro •'!, couine la courtisane se reluse jusqu'au bout à le
prcu-ire au -'Mieux, comme elle le traite en gamin néglijjeable,
il s'ei.ionco résolument des ciseaux dans la poitrine. Emporté
eOi LES PERSONNAGES
par sa mère, il a laissé sur le tapis une tache de sang qui, au
dire de Nana, s'en ira sous les pieds [i73j. Et peu de mois
après, Zizi meurt; les uns parlent d'une blessure rouverte,
les autres racontent un suicidfi, un plongeon du petit dans un
bassin des Fondettes [501]. (Nana.)
Hugon (Philippe). — L'aîné de madame Hugon. Un grand
gaillard qui, après s'être engagé par un coup de tête, est arrivé
très vite au grade de lieutenant [78]. Il est très grand, très
fort, gni, un peu brutal [348]. D'abord en garnison à Bourges,
puis à Vincennes, il a été imprudemment chargé par sa mère
d'aller reprendre son jeune frère Georges, englué chez Nana.
Celle-ci séduit immédiatement Philippe, qui en arrive bientôt
aux pires folies. Tout en étant pour lui une maîtresse désinté-
ressée, ne demandant jamais de fonds, elle lui vide les poches
à chaque visite, car la maison est constamment à court (i*argent.
Ce sont de petits prêts qui s'accumulent, et comme madame
Hu^'on, pour obliger ses fils à la vertu, tient sa bourse fermée,
comme Philippe est devenu capitaine-trésorier, il puise dans
la caisse du régiment. Dès ce moment, il maigrit, il est distrait,
il a une ombre de tristesse sur la face, mais un regard de Nana
suflit à le transfigurer, dans une sorte d'extase sensuelle [457].
Longtemps, ses fraudes ont réussi grâce aux négligences du
conseil d'administration; il finit cependant par être arrêté,
ajMvs avoir volé douze mille francs à l'État [461]. Quelques
mois après, à jamais déshonoré, il sort de prison et retrouve
sa mère an lit de mort du pauvre Georges, autre victime de l'in-
souciante Mouche d'Or. (Nana.)
Huguenin. — Occupait une sinécure de six mille francs au
ministère de l'intérieur. Lorsqu'il meurt [270], le ministre
Ilongon donne son emploi d'inspecteur à Léon Béjuin. (Son
Excellence Eugène Bougon.)
Hupel de La Noue. — Préfet du second Empire, très
mondain, passant huit muis de l'année à Paris [:29]. 11 conte les
liiïluires scabreuses d'une façon très piquante [SCJ, se mêle de
littérature aimable et a composé un poème en trois tableaux,
les Amours du beau Narcisse et de la nymphe Écho, qu'on
représente chez Saccard et que l'auteur a mis en tableaux
vivants pour ne pas alourdir par des vers un sujet si noble
[•274] . Ce préfet aimé des dames a déployé dans sou départe-
ment une telle vigueur pour Télection de Mareuil que les
DES ROUGON-MACQUART SOS
autres candidats n*ont pu même afficher leur profession de
foi ni distribuer leurs bulletins [243]. {La Curée.)
Huret. — Député au Corps législatif. C'est un Normand à
figure épaisse et large de paysan rusé, qui joue l'homme simple.
Cré«iture d*Eugéne Rougon, à qui il doit sa candidature oflicielle,
son élection, sa situation de domestique bon à tout faire, vivant
des miettes de la faveur du maître, il arrondît à ce métier ses
vastes terres du Calvados, avec la pensée d*y retourner et d'y
trôner après la débâcle du régime [103]. Il est Tami d'Eugène
Rougon et d'Aristide Saccard, l'intermédiaire entre les deux
frères, et, tirnnt de là sa fortune, il ne voudrait se fâcher avec
aucun dVux. Chargé d'agir sur Rougon pour la création de la
Banque Universelle, il lui prête des mots favorables el, sommé
plus tard d'obtenir des confidences utiles aux coups de Hourse,
il fouille tranquillement dans les papiers diplomatiques secrets
[200]. D'ailleurs, aux jours difficiles, Huret saura lâcher
Saccard et rentrer en grâce auprès de Rougon. Il aura royale-
ment rempli ses poches d'entremetteur. (L'Argent,)
Hutin. — Employé à la soierie, au Bonheur des Dames.
Petit, aimable et gras, il joue la bonhomie. C'est le fils d*un
cafetier d Yvetot; il a su en dix-huit mois devenir un des pre-
miers venieurs, par une souplesse de nature, une continuelle
caresse de flatterie qui cache un appétit furieux, mangeant tout,
dévorant le monde, même sans faim, pour le plaisir [56]. Dans
la bataille de la vente, il se promène devant les comptoirs, les
dents longues, voulant sa part, jalousant le voisin. Bon étala-
giste, hâté de parvenir, il rêve de supplanter le second, Robi-
neau; opérant de son air aimable, il le mine sourdement et
parvient à ameuter contre lui le rayon entier; il le chasse ainsi
à force de mauvais vouloirs et de vexations. Plus tard le bilieux
Favier, qu'il a beaucoup mis eu avant pour cette besogne, le
mangera à son tour.
Hutin Canote et entretient des chanteuses de cufé-concert.
Entre lui et le gantier Mignot, il y a une rivalité de jolis iiommos
qui se vai.tenl de bonnes fortunes dans la clientèle; mais le
soyeux n'a «.onquis véritablement qu'une passementière, lasse de
traîner dans les Lôtels louches du quartier [120]. Il afi'ecte de
mépriser l^'S vendeuses ; sans un mol maladroit d'Henri Deloche,
il aurait toujours ignoré l'amitié na'ive que lui a vouée jadis
Denise llaudu. Devenu second, Hutin se révèle terrible, d'une
sévérité hargneuse: le rayon se ligue maintenant pour pousser
toij LES PERSONNAGES DES ItOUGON-MACQUART
l'avicr contre lui, tandis que lui-même dévore soui
Jjoulliemont, dans le Lut obstiné de prendre sa place {
a quille riiôlel de Smvme, rue Sainle-Anne, pour pre
apparUMucnl de trois pièces; il a lâché les chanleuses e
niaiiilonanl des inslitulrices [3i'i]. Pretnier au départ i
lliemont, sentant que Favier, plus fort que lui,rélimin<
il a le lalenl de se faire enlever au Donheur des Uai
madame Dcsfor;;;^es. qui va le placer aux Qua Ire-Saison
{Au Bonheur des Dames.)
Kutin (Madame). — Habile le quartier des Halles,
une ft^miiie n'échappe à l'œil pénéirant de mademoisell
Au dire de celle-ci, madame Hutin est une pauvre petite
c]ue son mari néglige [311]. {Le Ventre de Paris.)
Isabelle. — Personnage de la Petite Marquise, pièce de
rauchery, jouée aux Variélés. Le rôle est distribue à Simonne
Cal.lrochc [307]. (Nana.)
J
Jabouille. — Herboriste rue du Cherche-Midi. Un petit
homme )>àlol,en train de cracher ses poumons [77J. Étant veuf,
il s*est remarié avec Mathiide, et son herboristerie, autrefois
prospère, grâce à la clientèle pieuse du quartier, s'est mise à
péricliter en même temps que lui [83]. Mahoudeau et Chaîne le
tuent sAns le vouloir : un soir que ce cocu phtisique a une
syncope, sa femme les appelle et les deux hommes se mettent
a le frictionner si dur, qu'il leur reste dans les mains [213].
(LŒucrc)
Jabouille (Matiiilùe). — Femme de l'herboriste. On la
nomme familièrement Malhilde. Elle a trente ans, elle est
brune, la figure plate, ravagée de maigreur, avec des yeux de
passion, aux paupières violAlres et meurtries. Sou rire montre
les trous noirs de sa bouche, où manquent plusieurs dents, et
elle est ainsi laide à inquiéter, dévastée déjà, la peau cuite,
collée sur les os. Une senteur fqrte s*exhale d'elle, la senteur
des simples dont sa robe se trouve imprégnée et qu'elle apporte
dans sa chevelure grasse, défrisée toujours ; il semble que son
haleine souffle la flamme de la menthe poivrée. Ce sont les
prêtres, dit-on, qui l'ont mariée au petit Jabouille. Ou aperçoit
parfois de vagues ombres de soutanes, traversant le mystère de
la boutique; il y règne une discrétion de cloître, une onction
de sacristie, dans la vente des canules; et les dévotes chu-
chotent là comme au confessionnal, glissent des injecteurs au
fond de leur sac, puis s'en vont, les yeux baissés. Par malheur,
des bruits d'avortement ont couru. Bien que Mathilde ait de la
religion, la clientèle pieuse l'abandonne peu à peu, Irouvpnt
qu'elle s'affiche trop avec des jeunes gens, maintenant que
Jabouille tousse à rendre l'âme, réduit à rien, la chair
finie [81].
18
21} LES PEKSONNACtS
C^'tle femme ardente se partage entre Mahoudeau et Chaîne;
on la rencontre souvent dans leur atelier, où elle s'oiïre ù tous
los honnnes. C'est là que Jory la tente pour la piemicre fois,
avec sa fraîcheur de poulet gras et son grand nez rose qui
prouet. Après la mort de Jahouille, elle relonihe à la dévo-
tion, ce qui ne l'empêche pas de scandaliser le quartier.
L'htrrhoristerie glisse alors à un abandon de ruines; Mathildene
paye plus personne, elle en arrive à s'économiser les frais d'un
ouviier, en confiant à Chaîne la réparation des injecleurs et
des seringues que les dévoles lui rapportent, soigneusement
dissimulés dans des journaux. Elle a maigri encore, la face
éck;]>oussée de sang sous la peau, avec ses yeux de llamrae, la
bouciie élargie par la perte de deux autres dents; ses odeurs
d'aruniatcs ont ranci. Ce n'est plus seulement Chaîne et Ma-
bouleau, c'est Jory, Gagniére, toute la bande qui défile chez
elle, chacun à son tour, plusieurs même à la fois si Ton trouve
ça )'!us drôle et, derrière le rempart des bandages et des clyso-
poii.ies, sous les fleurs à tisane qui tombent du plafond,
de vrais horreurs se passent, des choses épatantes, renouve-
lées lies Piomains [227].
.M ihilde s'envole brusquement, enlevée par Jory, cachée
par lui au fond d'un logement discret. Elle le nourrit à crever
de petits plats, Tubétit de caresses amoureuses, le gorge de
tout 'jc qu'il aimeet finit parle tenir cloîtré, despotiquemenl [3i2].
néduit à une obéissance peureuse de petit garçon, Jory devenu
riclic la supplie de se laisser épouser, elle refuse fièrement
penù <nt six mois et condescend enfin à lui donner sa main.
Dès iors, une épouse autoritaire, affamée de respect, dévorée
d'aiiiidtion et de lucre, se dégage de l'ancienne gou!e impu-
dique; elle ne le trompe même pas, d'une vertu aigre de
femijie honnête, oublieuse des pratiques d'autrefois, qu'elle a
gardées avec lui seul, pour en faire l'instrument conjugal de sa
l'iiiïsance [4O8]. El Jovy la produit dans le monde.
El.e est devenue 1res grasse, ronde et blonde, de maigre et
liiùie qu'elle était. Sa laideur inquiétante de fille ss fond
ùau- une enflure bourgeoise de la face, sa bouche aux trous
i.oii.- iDonlre maintenant des dents trop blanches, quand elle
veut bien sourire, d'un retroussemenl dédaigneux des lèvres.
Et Ks amis de jadis ricanent en regardant celle bouche si
ii'e: ijjeublêe aujourd'hui, et qui jadis ne pouvait pas mordre,
hcui jusemciil [140]. Mathilde est respectable avec exagération,
se? jaiaiitc-cinq ans lui donnent du poids, à eûié lie son mari
DES UOUGON-MACQUAKT iW
plus jeune, qui semble ôtre son neveu. La seule chose rpi'elle
garde esl une violence de parfums, elle se noie des essences les
plus fortes» comme si elle tentait d*arracher de sa peau les
odeurs dont Therboristerie Tavait imprégnée [43S]. Elle affecte
une familiarité mondaine avec Henriette Sandoz, salue d*un
petit geste sec Christine Lantier dont le passé lui parait dou-
teux, dine sans sourciller à côté des anciens habitués de son
arriére-boutique, et cette farceuse sur le retour, cette vieille
gaupe engraissée, parle musique avec langueur, roucoulant et
se chatouillant avec du Beethoven et du Schumann [i53].
{IJ Œuvre.)
Jacoby. — Agent de change, beau-frère de son collègue
Delarocque. C'est un juif de Bordeaux, un grand gaillard de
soixante ans, à large figure gaie, dont la voix mugissante est
célèbre, et qui, en vieillissant, devient lourd, empâté. Ancien
fondé de pouvoir, à qui des commanditaires ont enfin permis
d acheter la charge de son patron, il est d'une pratique et
d*une ruse extraordinaires, mais se per*! malheureusement par
sa passion du jeu, toujours à la veille dune catastrophe, mal-
gré des gains considérables. Germaine Cœur, qu^il entretient
au mois et qu*il remplacera plus tard par une écuyère de
rHi|ipodronii', ne lui coûte que quelques billets de mille francs.
On ne voit jamais sa femme [89]. A la Bourse où une rivalité
s'est posée entre lui et Mazaud, il est l'ugent des baissiers
contre la Banque Universelle [337]. {VArgeni.)
Jalaguier (Madame). — Protégée de madame Correur.
Grâce à l'appui de celle-ci auprès du ministre Bougon, la pen-
sion de madame JaLiguier est portée à dix-huit cents francs [280].
{Son Excellence Eugène Rougon.)
Jalaguier fils. — Bladame Correur le protège auprès
d'Eugène Rougon et sollicite pour lui une bourse d'études [212].
(.Son Excellence Eugène Rougon,)
Jantrou. — U'idacteur en chef de YEspérance, C'est un
ancien proft'sseur, venu de Bordeaux à Paris, obligé de quitter
ri'niversil»*», à la suiie d'une histoire louche. Beau garçon,
avec sa large barbe noire et sa calvitie précoce, d'ailleurs
intelligent et aimable, il est débarqué à la liourse vers vingt-
huit ans, s y est traîné et sali pendant dix ans conimc remisier,
n'y gagnant guère que l'argent nécessaire à ses vices, essuyant
les rebuffades des clients, traité à coups de pied par le comte
»A.— ,
t\i LES PERSONNAGES
de Ladricourt. Plus tard, tout à fait chauve, se désolant ainsi
qu*une fille dont les rides menacent le gagne-pain, attendant
toujours Toccasion qui doit le lancer au succès, à la fortune,
Jantrou répète qu*il faut être un coquin pour réussir à la
Bourse et il met dans cette parole la rancune d*un homme qui
n*a pas eu la coquinerie chanceuse [31].
Il porte beau malgré tout, la barbe en éventail, cynique et
lettré, lâchant de temps à autre une phrase fleurie d ancien
universitaire [124]. C'est lui qui donne à Saccard Tidée d'ache-
ter VEspérancCf feuille catholique dont les bureaux sont situés
rue Saint-Joseph et que Jantrou dirigera pour le compte de la
Banque Universelle. Il y écrit des articles politiques d*une
forme soignée que ses adversaires eux-mêmes reconnaissent
du plus pur atticisme, mais au fond, il ne s*intéresse qu*aux
annonces financières. Dans le journal et hors du journal, il
or^^anise toute une vaste publicité autour de TUniverselle, il
est fécond en idées de réclames, on le rencontre maintenant
tout flambant neuf, serré dans une élégante redingote ornée
dVne rosette aux couleurs vives, soignant surtout sa coiffure,
portant des chapeaux irréprochables et, malgré tout, laissant la
vague impression d'une malpropreté persistante en dessous.
Il gagne cent mille francs par an et en mange le double, on
ne sait à quoi. L'absinthe continue à le dévorer, fauchant ses
derniers cheveux, lui plombant le crâne et la face [189].
Après la débâcle de la Banque et du journal, Jantrou est
fiai, trois années de prospérité Tont dévoré, dans un monstrueux
abus de tout ce qui s'achète, pareil à ces meurt-dé- faim qui
crèvent d'indigestion le jour où ils s'attablent. Et il entraîne
dans sa déchéance la baronne SandorfT tombée jusqu'à lui [389].
(U Argent.)
Jeanbernat. — Intendant du Paradou, où Font installé
jadis les héritiers du comte de t^orbière, son frère de lait.
Depuis vin^M années, le vieux Jeanbernat vit loin de tout,
fumant tranquillement sa pipe et regardant pousser ses
K-gumes. C'est un solitaire couturé de rides, à la face de
brique cuite, aux membres séchés et tordus comme des pa-
quets de cordes; il semble porter ses quatre-vingts ans avec
ut) déJain ironique de la vie [51]. Des milliers de livres sauvés
jadis de Tincendie du château, un tas de bouquins sur la reli-
p^ion, tous les philosophes du dix-huitième siècle lus et médités
à loisir, ont fait de lui un matérialiste qui nie tranquillement
DLS ROJCON-MACQUAUT 213
Dieu, se désintéresse de tout et limite Tunivers à ses carrés
de salade.
II a recueilli une jeune nièce, Âlbine, qui vit, librement
lâchée à travers Timmense Paradou, et Jeanbernat laisse agir
la nature, disant qu'il ne faut pas empêcher les arbres de
pousser à leur gré [58]. Sa haine contre la soutane s'exaspère
au contact de frère Archangias, qui poursuit de ses anathèmes
furibonds les habitants du Paradou. Le jour même où Ton
enterre Alhine, Jeanbernat vient exprès au cimetière pour
couper une oreille à frère Archangias [-126]. (La Faute de
Vabbé Mourel).
Jenard. — De la société Cornille et Jenard, qui exploitait
au dix-huitième siècle la concession minière de Joiselle [83].
{Gej^iinaL)
Jésus-Christ. — Fils aîné du pore Fouan et de Rose Mali-
▼erne. Frère de Buteau et de Fanny Delhommc. Père d'Olympe
Fouan, dite la Trouille. Un ancien soldat qui a fait les cam-
pagnes d'Afrique et qui, paresseux et ivrogne, s'est mis, dès
son retour, à battre les champs, refusant tout travail régulier,
vivant de braconnage et de maraude, comme s'il rançonnait
encore un peuple tremblant de Bédouins. A quarante ans, c'est
un grand gaillard, d'une belle force musculaire, les cheveux
bouclés, la barbe en pointe, longue et inculte, avec une face
de Christ ravagé, un Christ soûlard, violeur de filles, dé-
trousseur de grandes routes. Au fond de ses beaux yeux noyés
d'une perpétuelle ivresse, il y a de la goguenardise pas mé-
chante, le cœur ouvert d'une bonne crapule [16]. H habite le
château, coin rocheux qui appartient à la commune de Rognes
et où il s'est réfugié à la suite d'une querelle avec son père [40].
Terrible chenapan à jeun, il s'attendrit davantage à chaque
verre de vin, il devient d'une douceur et d'une bonhomie d'a-
pôtre intempérant. Très venteux, répudiant les bruits timides,
étouffés entre deux cuirs, il n'a que des détonations franches,
d'une solidité et d'une ampleur de coups de canon [314]; il bat
au jeu de la chandelle. Sabot, le vigneron de Brinqucville, qui
a moins de souffle que lui [332]. En politique, Jésus-Christ est
un rouge, il se vante d'avoir à Cloyes, en février, fait danser le
rigodon aux bourgeoises; dans son pêle-mêle baroque d'opi-
nions, idées d'ancien troupier d'Algérie, de routeur de villes,
de politique de marchand de vin, ce qui surnage, c*est Thomme
de 48, le. communiste humanitaire, resté à genoux devant la
214 LES PERSONNAGES
formule liberté, égalité, fraternité, qui excite les railleries de
son ami Lcroi, dit Canon.
Il ifest sévère que sur un point, la morale; il ne veut pas
que sa fille le déshonore et il la corrige à coups de fouet [218].
Ouanl au reste, il n*a aucun préjugé. Lorsque le père Fooan a
partagé ses terres, Jésus-Christ n'a brûlé que d'un désir, avoir
sa part pour battre monnaie [23], il a bu son bien en l'hypo-
ibc'piant morceau à morceau [133], il n'a jamais versé un sou
de la renie, trouvant même le moyen de carotter des pièces de
cent sous à ses parents, jouant le grand jeu, beuglant à rendre
son {lère fou^ se traînant par terre, menaçant de se percer le
cœtir d'un coutelas et, dès qu^il a obtenu de Targent. courant le
boire avec son vieux frère d'armes, le garde champêtre Cécu,
dont il possède la femme tout en la traitant de vieille peau [332].
Il a chambré le père Fouan pour s'emparer du mngot, il a eu
les titres en mains, mais n'a pas osé s'en empaier, car il
man'jue d'envergure, n'ayant ni la froide rapacité de sa sœur
FaiHiy, ni les instincts meurtriers de son frèreDuieau. Cen*est,
au fond, qu'un simple jeannot dans sa gueuserie [511]. {La
Terre.)
Jeumont (De). — Homme correct, qui n'a d'autre rôle que
d'èli"'.* le mari de sa femme. L'empereur Ta décoré, après une
nuit passée avec madame de Jeumont [281]. {UAvg'^nt.)
Jeumont (Madame de). — Sa grande réputation mondaine
vient de ce que l'empereur lui a paye une nuit cent mille francs,
sans compter la Légion d'honneur pour son mari. Elle est en-
core fort belle à trente-six ans, d'une beauté régulière et grave
de Junon. Les deux époux vivent largement, vont partout, dans
les ministères, à la cour, alimentés par des marchés rares et
choisis ; trois ou quatre nuits par an leur sufilsent. On sait dans
le monde que ça coûte horriblement cher, aussi est-ce tout ce
qu'il y a de plus distingue. Les Jeumont ont d'abord fait la
moue devant Aristide Saccard, le trouvant trop mince person-
nage et d'une immoralité compromettante. Mais l'otrre de deux
cent mille francs supprime toute difficulté [28:î]. {V Argent.)
Jobelin (Colonel). — Porte une redingote bleu Lncé, qu'il
a aù.'plêe comme uniforme civil, depuis sa retraite [i]. Il
appa: lient à la bande du ministre Rougon, qu'il a connu chez
son cousin llouchard [51]. Jobelin postule pour la cravate de
conm.ùndeur et pousse en même temps son fils, sollicitant
consiamnienl les laveurs ministérielles, devenant orléaniste
DES ROUGON-MACQUAUT 2I5
lorsqu'elles se font allendrc, affectant alors de raconter îe
combat de la Mouznîa où il a fait le coup de feu à côté du duc
d*Auraale[IGi]. Comme toute la bande, il travaille* à la rentrée
de Fiougon, tire de lui tout ce qu'il peut et, au jour de la dé-
faite, passe comme les autres à Tennemi [371], comptant sur
Clorinde et Deleslang pour de nouveaux* avantages. {Son Excel-
lence Eugène Bougon.)
Jobelin (Auguste). — Fils du colonel. Jeune cancre qui
s'est fait refuser à tous les examens et qui, au sortir du lycée
Louis-le-Grand, obtient par Eugène Rougon un emploi au
ministère, quoiqu'il ne soit pas bachelier. Son père assure que,
s'il a échoué au baccalauréat, c'est parce qu'il a une intelligence
trop vive, allant toujours au delà des questions des profes-
seurs, ce (jui mécontente ces messieurs ["249]. (Son Excellence
Euf/i'ne lion g on.)
Joire (AcnÉ). — Curé de Montsou. Doux, afTèctant de ne
s'occuper de rien, pour ne fàr.her ni les ouvriers ni les patrons,
il passe sur les roules en retroussant sa soutane, avec des déli-
catesses de gros chai bien nourri, qui craint de souiller sa
robe [O.i]. Pendant la grève, l'iibbé fait ses courses à la nuit,
pour ne pas se compromettre au milieu des mineurs [295]. Il
obtient (le l'avancement et esl remplacé par l'abbé Uanvier.
(Genninal.)
Joncquier. — Un monsieur sérieux. Etant avec Rose Mi-
gnon, dos Variétés, il a eu un béguin pour la grande Laure. Le
mari de Rose a proeuré Laure à Joncquier, qu'il a ensuite
ramcjîé bras dessus bras dessous chez Rose, comme un époux
auquel on vient de permettre une fredaine [117]. (Nana.)
Joncqiioy (Madame du). — Une vieille amie des Muffat. A
dû être liés bien autrefois. En musique, elle n'ainie queWeber
[84]. Un de ses frères est diplomate en Orient. H y a longtemps,
elle a d<Vieuné avec lui chez le conite de Rismarck, dont elle ne
comprend guère les derniers succès; il a l'air brutal et mal
élevé. Ell«î le trouve stupide [71]. (Nana,)
Jordan (Paul). — Journaliste et homme île lettres. Mari
de Marc» lie MaugenJre. Fils d'un banquier de Marseille qui
s'est aulrefois suicidé à la suite d'opérations désastreuses, il a
battu di\ îins le pavé de Paris, enragé de littérature, dans une
lutte brave contre la misère noire. 11 s'est marié avec une petite
amie d'enfance, dont la famille, riche pourtant, a coupé tout
216 LES PERSO.NNAGES
subside pour ne pas aider un sans-le-sou ; leur petit ménage
est installé à un cinquième de l'avenue deClicliy, ils s*adorent.
Jordan a un projet de roman, ne trouve pas le temps de
récrire et est entré forcément dans le journalisme, où il
bâcle tout ce qui concerne son état, depuis des cbroniques
jusqu'à des comptes rendus de tribunaux et même des faits
divers [19].
Recommandé à Saccard par un cousin installé à Plassans, il
devient rédacteur de VEspérance, feuille catholique et llnan-
cière où tout le monde, du directeur au garçon de bureau, le
personnel entier, excepté Jordan, spécule à la Course. Il reste
dans une gène atroce, ses appointements sont frappés d'arrêts
à cause d'anciennes dettes, l'usurier Busch le persécute pour
des billets souscrits à un tailleur, aux jours de misère; c'est une
lutte noire où Jordan, incapable de lutter contre les huissiers,
est soutenu par la vaillance de sa jeune femme. Après la
débâcle de la Banque Universelle, la chance tourne pour l'écri-
vain. Son premier roman, publié d'abord dans un journal, lancé
ensuite par un éditeur, prend brusquement l'allure d'un gros
succès, il se trouve riche de quelques milliers de francs, toutes
les portes ouvertes devant lui désormais, et il brûle de se
remettre au travail, certain de la fortune et de la gloire [387].
Il donne à Marcelle la joie de secourir ses parents, tombés
dans la misère grâce aux folles opérations de Saccard, ce
Saccard que le jeune ménage persiste à aimer, pour Taide
apportée aux jours mauvais [390]. {L* Argent.)
Jordan (Madame). — Voir Maugendre (Marcelle.)
Jory (Élouard). — Critique d'art. C'est un beau garçon
hiond, avec un grand nez rose et de gros yeux bleus de
myope. Fils d'un magistral de Plassans, qu'il désespérait par
ses aventures de beau niâle, il a comblé la mesure de ses dé-
bordtMnents, en se sauvant avec une chanteuse de café-concert,
sous le pn'îtexte d'aller à Paris faire de la littérature. Pendant
six mois, ils ont campé ensemble dans un hôtel borgne du
qriaitier Liitin, celle lille lécorchant vif, chaque fois qu'il la
tr;iliis5ail pour le premier jupon crotté, suivi sur un Iroitoir.
[1 a reirouvé la bande de Plassans, Claude Lanlier, Sandoz,
Diiliuche. Malioudeau,et il s'est fait crilique d'art, donnait pour
vivre des articles à vingt francs, dans un petit journal tapageur,
le Tambour. Du premier coup, il a soulevé un scandale énorme,
en sa'Tlliant à Claude les peintres c aimés du public » et en le
DES ROUGON-MACQUART âl7
posant comme chef d*unc école nouvelle, Técole du plein air.
Au fondy très pratique, il se moque de tout ce qui n'est pas
sa jouissance, il répèle simplement les théories entendues dans
le groupe.
Jory montre une hérédité d'avarice, dont on s'amuse fort; il
ne paye pas les femmes, il arrive à mener sa vie désordonnée,
sans argent et sans dettes; et cette science innée de jouir
pour rien s'allie en lui à une duplicité continuelle, à une habi-
tude de mensonge qu*il a contractée dans le milieu dévot de sa
famille, où le souci de cacher ses vices le faisait liientir sur
tout, à toute heure, même inutilement [83]. Après sa rupture
avec la chanteuse qui lui dépouillait la face à coups d'ongle,
c'est un furieux galop de femmes traversant son existence, les
femmes les plus extravagantes, les plus inattendues: la cuisr-
nière d'une maison bourgeoise où il diue ; Tépousc légitime
d'un sergent de ville dont il doit guetter les heures de faction;
la jeune employée d*iin dentiste, qui gagne soixante francs par
mois à se laisser endormir, puis réveiller, devant chaque client,
pour donner confiance ; d'autres, toutes celles qui veulent bien,
les jolies, les laides, les jeunes, les vieilles, sans choix, unique-
ment pour la satisfaction de ses gros appétits de mâle, sacri-
fiant lu qualité à la quantité.
' Il est enchanté de la vie. 11 a uni par faire son trou comme
chroniqueur et comme critique d'art, il collabore à des jour-
naux très lus, gagne sept ou huit mille francs par an et, tra-
vaillé de sa ladrerie héréditaire, place déjà de Targent chaque
mois; les matins de grande largesse, il ne paye qu'une tasse
de chocolat aux femmes dont il est très content [â30]. Tout en
restant au fond le jouisseur sceptique, l'adorateur du succès
quand même, il prend une importance bourgeoise et commence
à rendre des arrêts. Sa prétention est d'avoir fait Fagerolles
)ar ses articles, comme il prétendait jadis avoir fait Claude
:^6]. D*ailleurs, il n'écrit rien sur ses anciens amis, les révo-
utionnaires de l'art, qui se font exécrer, il se plaint de n'avoir
pas à lui un journal où il pourrait les défendre [259]; mais
devenu directeur d'une grande revue d'art, gagnant trente
mille francs, sans compter tout un obscur trafic dans les ventes
de collections, il garde le même silence, sous le prétexte de ne
pas perdre ses abonnés; il pousse même le lâchage jusqu'à
faire passer sournoisement un éreintement de Sandoz [439].
Jory est maintenant un terrible monsieur saignant à blanc les
artistes et les amateurs qui lui tombent sous la main.
19
•218 LES PERSONNAGES
Mais ce journaliste qui traite les autres de ratés, ce bâclear
d'articles, tombé dans rexploitation de In bêtise publique, sera
mangé à son tour par Blatliilde Jabouille. Ouand il Ta rencon*
trée chez Mahoudeau, il a affirmé qu'elle était affreuse, qu'elle
pourrait être leur mère à tous, que sa gueule de vieille chienne
ifavait plus de crocs, qu'elle empoisonnait la pharmacie [8G].
Plus tard, pris par son Tice, il Ta déclarée ensorcelante, une
de ces femmes qu'on affecte de ne pas ramasser avec des pin-
cettes et pour qui on fait des bêtises à en crever [S^S]. Ensuite,
ron.pant avec toutes ses habitudes de prudence eld^avarice,
souifrant du partage de Mathilde avec ses amis, il l'a enlevée
de l'herboristerie, il a glissé au ménage avec celte goule [301],
et lui qui, pour ne pas payer, vivait autrefois des raccrocs de
l:i rue, il s'est ravalé à une domesticité de chien fidèle, don-
iint.t les clefs de son argent, n'ayant en poche de quoi acheter
uo tigare que les jours seulement où elle consentait à lui laisser
vingt sous; elle le jette même dans la religion; elle lui parle de
!a n:urt,dont il a une peur atroce [3 13]. Plein de sérénité, il
finit par se marier légitimement avec elle [107]. {L'Œuvre.)
Jory (Madame). — Voir Jabouille (^Mathilde).
Joseph. — Maître d''hôtel de Nana, à la Mignottc. .A servi
l'évv'iue d'Orléans [205]. (Nana,)
Joseph. — Garçon de magasin au Bonheur des Dames.
Api irtient à la dynastie des Lhomme, car il est le frère de lait
d'Albert et doit sa place à madame Aurélie. 11 porte une bar-
I iil.^ f{ui allonge son visage couturé d'ancien soldat [52].
Josf ph s'est épris peu à peu d'une employée à l'échantillonnage,
maâ-niùiselle de Fontenailles ; à la rencontrer l'air triste, vêtue
pauvrement, son cœur de tempérament tendre a Uni par être
louthé {}jM]. 11 se marie avec elle, au grand scandale de
madame Desforges, qui accuse Octave .Mouret d'unir ses
lionane> de peine avec des ûlles nobles, uniquement pour écra-
ser les gens du monde [477]. {Au Bonheur des Dames.)
Joseph (Madame). — Concierge de Claude Lanlier, au quai
Uou: 1)011 [5]. Fait le ménage du peintre, sans que celui-ci lui
periiictte de balayer, de peur que la poussière ne couvre ses
toiles fraîches [1-23]. {L'Œuvre.)
Josse (Mademoiselle). — Tient une petite pension de jeunes
onfaiits rue Polonceau. Anna Coupeau est son élève et se rend
>i iLlolciable que, deux fois, mademoiselle Josse h met à la
DES ROUGON-MACQUAUT 219
porte, puis la reprend pour ne pas perdre les six francs
mensuels [195J. {L'Assommoir.)
Nana, devenue femme galante, échange ses souvenirs sur la
mère Josse avec Salin, ancienne élève comme elle du pen-
sionnat de la rue Polonceau [301]. {Nana.)
Josserand père. — Grand-père de Léon, Saturnin, llor-
tense et Derthc Josserand. A été avoué à Clermont. Apres avoir
vendu son étude, il s'est laissé ruiner par une bonne. Courait
encore la gueuse à soixante-dix ans passés [?>G]. Une de ses
filles, fixée maintenant aux Andelys, s'est sauvée jadis avec un
oflicicr qui, plus tard, Ta épousée [37]. (Pot-Bouille,)
Josserand. — Mari d*Élconore llachclard. Père de Léon,
Saturnin, Hortense et I>ertlie. Gros yeux bleus aux regards
éteints, boucles de cheveux grisonnants, voix lente et fatiguée,
visage comme trempé et effacé par trente-cinq ans de bureau.
Josserand est un vieil honnête homme qui s'impose une vie de
martyre pour satisfaire aux exigences dépensières de sa femme.
Caissier des frères Jîernheim, A la cristallerie Saint-Josepti,
avec appointements de huit mille francs par an, il p<')sse les
nuits à faire des bandes à trois francs le mille, pendant que sa
femme et ses filles battent les salons avec des fleurs dans les
cheveux [31]. Ëléonore le domine, il subit le chapitre intaris-
sable de ses es[)oirs brisés, consent par faiblesse à des capi-
tulations de conscience qui remplissent d'angoisse, marie sa
fille Derlhe sous la promesse illusoire d'une dot inexistante et
subit ensuite le déchirement de voir le ménage de la jeune
femme gâché comme le sien. Vue décomposition du sang l'em-
porte bientôt, il agonise devant les Apres querelles de sa femme
et de ses filles, étranglé par la tranquille inconscience des
seules créatures qu'il ait aimées [i52]. {Pot-Bouille.)
Josserand (Madame). — A''oir Dachelaud (ÉLÊo.\onE).
Josserand (HEHniE). — La dernière fille des Josserand.
Elle garde à vin^j^l ei un ans toute une grâce d'enfance, avec les
mômes traits que sa ^œur, mais plus fins, éclatants de blan-
cheur. Mine ehiironiiée, cheveux châtains dorés de reOels
blonds, menacée seulement vers la cinquantaine du masque
épais de sa mère ; elle a une grâce hardie et un charnic facile
de Parisienne, avec (juehjucs talents de musicienne cl de
peintre qui consiilumi toute sa dot. Pour la marier, c'est pen-
dant trois hivers une véritable chasse à l'homme, des garçons
l'iO LES PERSONNAGES
de tous poils aux bras de qui on la jette, une offre continue
(le son corps sur les trottoirs autorisés des salons bourgeois;
puis, ce que les mères enseignent aux Clles sans fortune, tout
un cours de prostitution décente et permise, les attouchements
de la danse, les mains abandonnées derrière une porte, les
impudeurs spéculant sur les appétits des niais ; enfin» le mari
levé un beau soir, comme un homme est fait par une gueuse,
le mari raccroché sous un rideau, excité et tombant au piège,
dans la fièvre de son désir [429].
Stylée ainsi, Berthe a trouvé un époux dans la personne du
chétif Auguste Vabre, qu'elle a su habilement compromettre.
Et dès le mariage, cette jeune fille poussée dans la serre
chaude du faux luxe parisien, corrompue par une éducation de
)»oupée, s^affirme en enfant égoïste et gâcheur qui saccagera
l'existence pour en mieux jouir. Se désintéressant du commerce
entrepris par son mari, elle vit dans un perpétuel besoin de
mouvement, avec le goût des riches toilettes et le dédain du
linge qu'on ne voit pas; elle a vite conquis la carrure de sa
mère, dont elle répète les phrases, recommençant pour son
compte les querelles qui ont bercé sa jeunesse ; elle éprouve
un désir grandissant de liberté et de plaisir, un amour de
Targent, toute cette religion de Targent dont elle a appris le
culte dans la famille [311]. Et, entravée par l'avarice de
Vabre, elle fait des dettes, accepte les .dons d^Octave Mouret et
glisse, sans même y penser, à un adultère sans plaisir, dont
elle sera bientôt lasse, car c'est une nature froide, d'un
égoïsnie rebelle aux tracas de la passion. Elle a subi Octave
sans bonheur, le trouvant trop exigeant pour ce qu'il donne et
arrivant très vite à faire à son amant l'éternelle querelle d'ar-
gent dont elle poursuit son mari. Chassée par celui-ci, puis
reprise, restée inconsciente de sa faute, elle a rompu avec
Octave, mais elle est au mieux avec le nouvel associé de
Vaiire, un petit blond très coquet qui la comble de cadeaux
[iNO]. {Pot-Bouille,)
La concurrence du Bonheur des Dames a fini par tuer le
magasin de Vabre. Les dépenses de Berthe ont précipité cette
•lébàcle [20]. (Au Bonheur des Dames.)
Josserand (Hofitense). — De deux ans plus âgée que
r.erihe, elle a vingt-trois ans, mais en parait vin^l-huit. Hor-
tensc a le teint jaune, son visage est gâté par le nez de sa
mère, qui lui donne un air d'obstination dédaigneuse [29].
DES ROUGON-MACQUART 221
Pourvue du brevet de capacité, elle se montre fille de léte,
prétendant se marier sans le concours de ses parents, faisant
ses affaires toute seule, ayant jeté son dévolu sur Yerdier, un
avocat de quarante an;; qui vit avec une vieille maîtresse et
dont la liaison s* éternise. Hortense, bien tnnnquille pour son
compte, a aidé sa sœur à conquérir Augusfc Vabre, elle attend
que Yerdier soit libre et vit, indépendante, sans plier devant
sa mère qui la craint. Et lorsque Berthe, chassée pour adul-
tère, revient à la maison, Hortense la pousse presque aussitôt
à implorer le pardon de son mari, ayant assez d'elle déjà et
craignant de lui donner asile trop longtemps [iii]. {Pot-
Bouille.)
Josserand (Léon). — Fils aine des Josserand. A fait son
droit et a quitté jeune la maison paternelle, s*effaçant devant
ses sœurs, ne comptant que sur lui-même [38]. Pendant deux
ans, il a promené sur les trottoirs du quartier latin une déma-
gogie féroce ; il est devenu secrétaire d'un avocat célèbre,
député de la gauche, puis très décidé à parvenir, il s'est poussé
auprès de la vieille madame Dambreville, bien placée pour Fai •
der. Elle est sa maîtresse. Léon Josserand est un jeune homme
correct, à Pair sérieux. Ses opinions se sont calmées, il a
tourne au républicain doctrinaire, gardant seulement dans les
discussions une voix rogue de jeune démocrate. Ses convictions
se refroidissent à mesure que madame Dambreville le répand
davantage, il devient auditeur au Conseil d'État, puis maître
des requêtes el se rallie définitivement à l'Empire. Entre temps,
il a su tirer parti de la passion de la vieille dame en se faisant
marier avec une riche et jolie créole, nièce de Dambreville,
ce qui ne l'empêchera pas de revenir aux bras de la tante,
dont il a encore besoin [^78]. La jeune madame Josserand
garde la maison, Léon continue à aller dans le monde avec
madame Dambreville et raccompagne même chaque dimanche
à la messe de neuf heures [iSl]. (P^ot- Douille.)
Josserand (Saturnin). — Second fils des Josserand. Grand
garçon de vingt-cinq ans, dégingandé, aux yeux étranges, resté
enfant à la suite d'une fièvre cérébrale. Sans être fou, il terri-
fie la maison par des crises de violence aveugle, lorsqu'on le
contrarie. Seule, Derlhe le dompte, il s'est pris pour elle d'une
adoration où il entre de tous les amours [46]; sa sœur est une
idole qu'il entoure d'un culte jaloux. Des fureurs l'agitent lors-
qu'il comprend qu'on veut la marier, on doit par prudence le
!0
tti LES PERSONNAGES
mettre à l'Asile des Moulineaux où il accepte de partir, leiianl
la main de Berthe et croyant faire une partie de campagne.
Avec la mèrae docilité, il s*est laissé dépouiller d'une somme de
trois mille francs, léguée par une tante et qui sert aux frais de
Jn noce. Renvoyé de l'Asile un peu plus tard parce que sa folie
n'est pas assez caractérisée, il a été recueilli par Berthe, dont
il devieut le garde du corps, poursuivant le mari d'une haine
féroce d'amunt conti*arié [305], s'éprenaut d'Octave Mourelpar
hostilité pour Vabrc, se Xàchaut contre Octave qui semble tour-
ner autour d'autres femmes, ne rêvant toujours que le bonheur
de Berthe et semblant goi]iter Tamour dans cette chair de
femme qu'il sent sienne, sous la poussée de l'instinct [303].
{Pot'Bouille.)
Jouve (Abdê). — Vicaire à Notre-Dame-de-Gràce à Passy.
Petit homme sec avec une grosse tète, les yeux pleins d'une
belle lumière de tendresse ; il est d'une allure sans gràoe,
habillé à la diable, très sobre. Sa charité fait de lui le prêtre
le plus aimé et le plus écoulé du quartier. Avec Uambaud, sou
frèrt; d'un second lit, J'abbé Jouve est la seule relation pari-
sieLue des Grandjean, qu'il a connus à .Marseille. Les deux
frères ont installé Hélène à Passy et dînent choz elle une fois
par semaine. Pleui de tolérance, l'abbé ne parle jamais de
religion, il intéresse seulement madame Grandjean à ses
pauvres. 11 prévoit la crise passionnelle dont elle est menacée,
voudrait la marier a Rambaud, se montre plein de tendresse et
de pardon devant la chute et, quand la mort de Jeanne laisse
la niallieureuse mère abandonnée, écrasée de désespoir, il
met simplement, sans parler, la main d'Hélène dans celle de
UarubauJ. L'abbé Jouve meurt quelques mois avant le mariage
iju'il a préparé [401]. {Une Page d'Amour.)
Jouve. — Inspecteur au Bonheur des Dames, Un ancien
rapiiaiiie, décoré à Constanline, encore bel homme avec sou
jrraiid nez sensuel, ses grandes moustaches grises et sa calvitie
niDJOilueuse. Aux jours solennels d'exposition, il se tient à l'une
des l'orlcs, en redingote et en cravate blanche, avec sa déco-
ration, comme une enseigne de vieille probité [lOlj. Certains
veniivurs le traitent de c vieux ramolli i et sont d'ailleurs con-
gédiés iiumédialement [65]. Ouant aux vendeuses timides, eHes
doiv-nl acheter sa bienveillance ; au magasin, il se contente
de petites privautés, claquant doucement de ses doigts eflilés
les ioues des demoiselles complaisantes, leur prenant les
DES nOUCON MACQUAKT 2^3
mains, puis les gardant, comme s'il les oubliait dans les
siennes; cela reste paternel. Ses appétits de taureau ne se
déchaînent que dehors, lorsqu*on veut bien accepter des tar-
tines de hcurrc, chez lui, rue des Moineaux [208]. Denise i!au-
du, qui a repoussé ses répugnantes avances, est congédiée sur
un faux rapport et plus tard, quand elle rentre dans la maison,
rappelée par Mouret, Jouve, embarrassé, plie Téchine devant
elle [287]. (Au Bonheur des Dames,)
Juillerat« — Vieux médecin de quartier, homme médiocre,
mais devenu à la longue bon praticien. Est maigre et nerveux.
S'occupe spécialement des maladies de femmes, ce qui le fait,
le soir, rechercher des maris en quête d'une consultation gra-
tuite, dans un coin de salon [Ci], Lié aux Vabre,aux Duveyrier,
aux Josserand, il a accouche toutes ces dames et soigné toutes
ces demoiselles. L'expérience iui a fourni des vues très justes
sur les dessous bourgeois et il en parle quelquefois, mêlant à
ses observations des tendances humanitaires et républicaines
que sa cliente!»; tolère, parce qu'il s'est fait très heureusement
une réputation d'originalité. (Pot-Bouille.)
Jules. — Porteur aux Halles, né k Ménilmonlanl [TOj.
Devenu l'amant de la Sarriette et vivant avec elle rue Vau-
villiers, au troisième étîige d'une grande maison, il se soigne
les mains, ne porte plus que des blouses propres et une cas-
quette de velours; pendant que la Sarriette travaille, il l'ait la
grasse matinée et (init bieniôt par tourner au souteneur, avec,
à la naissance des fa\oris, deuxnàches collées contre les joues
en accroche-i œur. 11 règne sur une bande de porteurs, de mes-
sieurs à blouse blanche, auxquels il donne le ton. Jules aime
l'Empire et voudrait flanquer dans la Seine tous ceux qui en
disent du mal. Son idéal est .Morny, comme il le nomme tout
court [303]. Dans le dossier de police de Florent, on trouve
une dénonciation écrite sur papier glacé orné d'une pensée
jaune et couvert du grilïonnage de la Sarriette et de mon-
sieur Jules [318j. (Le Ventre de Paris.)
Jules. — Un des soldats envoyés à Montsou pendant la
grève. Etienne Lanlicr tente en vain d'endoctriner ce jeune
fantassin qui a encore, dans sa capote, l'embarras d'une
recrue. f*elil, très blond, avec u-ie douce figure pâle, criblée
de taches de rousseur, Jules est de Plogof, en IJrelagne, il
n'en sait pas davantage. Il a sa mère et sa sœur qui rallendcnt.
Quand il est pnrli, elles l'ont accompagné juscju'à Ponl-l'.Abbé
•l'ii LES PERSONNAGES
on avait pris le cheval aux Lepalmec, il a failli se casser les
ji'jiibes eti bas de la descente d'Audierne. Le cousin Charles
les atlen lait avec des saucisses, mais les femmes pleuraient
trop, ça leur resUil dans la gorge. La lande déserte de
l'iogof, cette sauvage pointe du Uaz battue des tempêtes, lui
il [•parait dans un éblouissement de soleil, à la saison rose
d^3 bruyères. S'il n'a pas de punition, on lui donnera peut-être
u!;e permission d'un mois dans deux ans [i31]. Il est assassiné
par Jeanlin Malicu, une nuit de faction ; Jeanlin et Etienne
Lantier transportent son corps dans une galerie de mine, sous
une roche ébouleuse qui^l'écrase [469]. (Germinal.)
Jules (Madame). — L'habilleuse de Nana, aux Variétés.
.\voc ses yeux vides et clairs, son visage parcheminé, ses traits
immobiles de vieille fille que personne n'a connue jeune, elle
n*;: plusùùgc. Elle s'est desséchée dans l'air embrasé des loges,
au jnilieu des cuisses et des gorges les plus célèbres de Paris.
Madame Jules porte une éternelle robe noire déteinte et, sur
son corsugeplat et sans sexe, une forêt d'épingles sont piquées
à kl place du cœur [154]. (A'ana.)
Julie. — Cuisinière des Duvcyrier. Grande Bourguignonne
de quaraiiie ans, au large visage troué de petite vérole, mais
<jui, ail dire de Trublot, a un corps de femme superbe [130].
Devient Ja maîtresse du jeune Gustave Duveyrier [33G] et,
toi.ibée i.;alade, se laisse congédier sans récriminer, son
?e:.re n'cianl pas de se quereller avec les maîtres [487].
ipof'JUoKille.)
Julien. — Maître d'hôtel de Nana, lorsqu'elle s'est installée
avenue de Villiers. Un petit homme tout frisé, l'air souriant
^o4;'.j. 11 'juiite la maison avec une grosse somme, le comte
Miulat ayant voulu se débarrasser de lui par jalousie [479].
Jusselin (hEnr.E-FuANçois). — Créature de M. de Marsy.
I P.ou.i'on refuse de le nommer officier de la Légion d'honneur
j A ■ «nne à Iléjuin la rosette ({ui lui était destinée ['27^]. {Son
Etc-.Hcm:'. Eugène Rouyon.)
Juzeur (Madame). — Locataire de l'immeuble Vabre, rue
<lr rJioiscu.. Habite un appartement au troisième sur la cour.
Ce.-: une v^-uve de trente-deux ans. une dévote aux veux ciairs,
î 'Ui'. plei:;- de rélicences et de sous-entendus; elle sourit avec
une tloueeiT angèliquc aux histoires gaillardes, bon mari l'a
DES liOUGON-MACQUART
225
quittée après dix jours de mariage et, dans son infortune, elle
a la passion de travailler à la félicité des autres femmes, s'oc-
cupant de toutes les histoires tendres de la maison, rôdant
autour des intrigues amoureuses en petite femme discrète,
confessant les amants et se frôlant à eux. Madame Juzeur, qui
respecte les prescriptions de l'église, se refuse toujours au seul
acte défendu, mais elle permet les caresses les plus vives et
les plus secrètes, mettant Tlionneur et Testime de soi-même en
un seul point, ayant la coquetterie de tenir toujours les hommes
et ne les satisfaisant jamais, éprouvant une savante jouissance
personnelle à se faire manger de baisers partout, sans le coup
de bâton de l'assouvissement iinal [^Ti]. Et le moment venu,
elle sait se dégager d'un brusque mouvement de vigueur ner-
veuse, trouvant ça meilleur, s*y entêtant, prétendant ainsi
rester honncle, puisque pas un homme ne peut se flatter de
l'avoir eue, depuis le lâche abandon de son mari. C'est
madame Toul-cf-que-vous-voudrez-mais-pas-ça [273]. {Pot-
Boulllc.)
K
Kahn. — l)}|»ulê des Deux-Sèvres sous le second Empire,
i'i^'ure nux traits forts, grand nez bien fait trahissant une ori-
ii'inc juive, rude collier de barbe grisonnante [2J. Sous Louis-
l'i.ilippo, il sir^'^'ait au centre droit; en 1818, il est passé au
centre gauche; sous l'Empire, il revient au centre droit,
toujours égalomvnl dévoué aux gouvernements qui se succè-
d:;!it. Fiis d*un banquier juif de Bordeaux, il dirige des hauts
lourneaux près de Hressuire, s'est taillé une spécialité dans
leî questions linancières et industrielles et vil médiocrement
0:1 altetidunl la groise fortune qu*il fera un jour. Officier de
l;t i.égioii d'iionneur [8*2]. Il appartient à la bande d'Eugène
llougon (lotit il est Tun des plus actifs partisans, et il perd son
>:c-'e lie dé|iul«î quand le ministre tombe en disgrAce : M. de
)i.ir>y lui a reiiié par pure vengeance :^n titre de candidat
ni.iciel |160J. Kahn intrigue ferme pour amener le retour de
iioMgon, duiit il a besoin pour obtenir une importante conces-
siu!i de voies !• nées ; mais, arrivé à ses fins, il compromet
>c.i protf'Cleur à plaisir et, comme lîougon veut temporiser
)io.:r le rachat du chemin de fer par la Compagnie de l'Ouest,
Kaiin le lâche carrément et entre en combinaison avec M. de
M îsy [i*.;!]. (So,i ExceUcncc Eugène Rouyon.)
Kahn «Madame). — Femme du député. Vit à Paris très
relire»' |N'JJ. [i^utt Excellence Eugène Rougon,)
Kçller (Le>). — .Mondains de Paris, chez qui la baronne
S.::JurlVa paif<.»is rencontré Gundermann [202J. {U Argent,)
Kolb. — Hai '|uier rue Vivienne. Homme petit, brun, dont
1/ :n.*z eu hec li'nigle sort d*une grande barbe. S'occupe sur-
toiil irarbilra*:es sur l'or, achetant he numéraire dans les
Kî.as où il est à bas cours, puis le fondant, pour vendre les
L
Labordette. — L'ami des femmes. Elles aiment sa
socitHë. on peut l'avoir seul avec soi, n'import»; où, sans
craindre des jjèiises [GH"
mille services, en bibe
Il se fait des renies en leur rendant
otant leurs petites affaires, et il ne
couche jimais. On prétend (jue Labordette est le fils d'un mar-
chand de chevaux, d'autres disent le bàlard d'une comtesse
[l^]. *Vci\ un grand garçon à belle chevelure blonde, d'une
tenue irréprochable [\i]. Comme, à deux reprises, il s'est
battu en duel, on le >alue.' on l'admet partout. Par ses
relations dans le monde des entraîneurs et des jockeys,
il a des renseignements particuliers sur les courses [384].
C'est ré:ernel intermédiaire. 11 s'est entremis entre Nana
et Bordenave, entre Bordenave et Muffat. Plus tard,
il se reni très utile à Nana pour l'installation de ses écuries et
le recrutement de ses domestiques [343]. {Nana»)
Lacaille. — Marchand des quatre saisons. Déjà grisonnant,
courbaturé chaque soir ['ar son voyage continu dans les rues
de Paris, un peu ivrogne. Achète en râlant, attendant quelque-
fois le dernier coup de cloche pour acquérir quatre sous de
marchan lises [17). Toujours besoigneux, est exploité par
Lehi^^re qui lui prête à la journée. Fait partit du groupe
Gavari où, endoctriné d'abord par le théoricien Charvet, il
préfère liienlôl les idées humanitaires de Florent. Impliqué
dans le coniplol des Halles, il est acquitté [355]. {Le Ventre de
Lacamp. — Marchand d'huile à Plassans, sous la raison
social'- Puech et Lacamp. La maison presque en faillite [831 ^st
relevée par le mariage de Félicité Puech avec Pierre Bou-
gon. Lacamp reste encore associé pendant cinq ans et, après
ryu LES PEUSO.NNAGES
(]uelqu€s spôciilnlious heureuses, il se retire en mùine temps
que Puecli, contents tous deux des quelques sous qu'ils
viennent de gagner, mordus par ramljilion de mourir rentiers
[68]. {La Fortune des liotigon.)
Lacassagne. — Marchand de plumes et fleurs, rue
Sainte-Anne. Le Bonheur des Dames lui fait une concurrence
désastreuse [ilTJ. (Au Bonheur des Dames.)
Lachesnaye (De). — Conseillera la Cour de Rouen. DIond
et malingre. A épousé la fille du président Grandmorin. Avec
sa dureté et son avarice, il semble fait pour déteindre sur sa
femme et la rendre mauvaise. Ce petit homme sec et jaune, con-
seiller à l'âge do trente-six ans, a été décoré grâce à l'influence
de son heau-père et aux services que son fière, également
magistrat, a rendus autrefois dans les commissions mixtes. 11 est
délesté du juge Denizet; aux yeux de ce fonctionnaire besoi-
;:neux, il représente la magistrature de faveur, la magistrature
riche, les médiocres qui s'installent, assurés d'un chemin rapide,
par leur parenté et leur fortune. Lachesnaye s'irrite contre le
teslam-inl de son heau-père, chargé de legs à des femmes de
toutes classes, où il y a jusquù une petite marchande de vio-
l 'ttes, établie sous une porte de la rue du Rocher. Deux
iniliicMis ne lui suffisent pas ; lise désole, les dents serrées,
montrant le sot qu*il est, le provincial à passions têtues, enfoncé
d ms l'avorice [110]. (La Bète humaine.)
Lachesnaye (>Ud.\me de). — Voir CnANOMORiN <BEnTHE).
Lacour (Zti'HYRiN). — Soldat d'infanterie, compagnon'
d'enfance et liancé de Rosalie Pichon. Petite face toute ronde
couverte de son, percée de deux yeux minces comme des trous
do vrille, cheveux roux, tondus très ras, sans un poil de barbe
|79]. Paysan beauceron. Doit épouser Rosalie quand il aura
lini son temps. Longues fiançailles honnêtes, agrémentées de
pincenit'uts à la taille et de claques sonores. (Une Page
d* Amour.)
Ladicourt (Baronne dk). — Habite Vouzicrs. Elle reçoit
à déjeuner le capitaine Beaudoin, du lOG" de ligne, le :2<» août
I87U, à l'heure ou le 7^' corps prend ses positions de
combat [IOC»J. (La Débâcle.)
Ladricourt (Comte de). — Père de la baronne SandoriT.
l.'n ancêtre de sa famille a pris Antioche [1:21)J. Le comte est
un enragé joueur, d'une brutalité révoltante. Il a battu un
bï.i ItOUGON-MACQL'AtIT i3l
jour Jantrou, qui allait preodre sn ordres chaque malin.
Meiiri il'un coup Je sang, ruiné, ft la suite d'une série de
liquiUaiioiis lamenlaliles [fi]. {L'Argent.)
La Faloiss Hector de). — Un jeune provincint venu à
Paris pour y achever son éducation. 11 a une lon^'ue ligure
maii;re [i]. l'ar son cousin Fauchory, il a pénétré dans les
coulisses cl dans le monde de la gulanterie. C'est un raseur
doni ri;nir{uc préoccupation consiste à être très parisien.
AnianE d'une petite femme des Yariétûs, Clarisse Oesnus, puis
Je la vieill.; Giifa qu'il trouvait encore 1res bien, il a fini par
se to'iu^r Je >ona, rêvant d'êlrc lancé par une femme û la
mode. .\ ce moment, il est devenu très riche; grâce à la mort
d'un oncK- : il est d'un chic e.'ilrnoi'diuaire, avec son cou
mai^'rc entre les pointes rabattues de son faux col, sa taille
cassL-e f JUS un veston trop court, ses dandinements, ses e.\cla-
maiioni d'- perruche ol ses lassitudes afTeLlées de pantin de
liois. H i'os-: au jeune homme ayant abusé de tout ei ne trou-
vant |>Iu4 rii-n digne d'être pris nu sérieux [441]. >'ana lui fait
l'honueur d>: If ruiner très rapidement, et comme il l'agace,
elle >'a:iiuîe à le battre, l'appelant son tiroir à claques. Il
assiste i sa |irnpru déchéance avec un rire idiot, en suçant la
pomme Je sa canne, el, coniplêtement à sec. se ré[ugie en
|irovinc':, t!ii;z un vieux 'parent maniaque, dont il couri la
cliance J'éjiouscr la fille, 1res laide et 1res dévoie [-IST].
{yana.;
Lafouasse. — Cabarelier établi dans la banlieue de Flas-
Fnns. ei.lre l'ancien t'aradou el le village des Artaud. Grand
et foi'l, lu visage enflammé sous le llamlioieraent de ses
cheveux ronges. C'est un ataxique soigné pai« le docteur
l'.-i.=c,[l 'Jj'i'. A la suite d'une injection mal faite, il meurt
d'un^ cn;l".lie [Ui]. {Le Docteur Pascal.)
Lagarâe (F.diujnu). — Sergent au 5' de ligne. A peine
h^K de t^D^-t-truis ans et n'en paraissant guère que dix-huit,
il a pris part :i la balaille de Sedan el a fait le coup de feu en
hùro-, a'.i-c mi tel acharncmenl (|ii'il a eu le bras gauche cassé
pnr v.:f: Ici .lerniT-res balles, vers cinq heures, à la j-orle du
Mi'iiil. Gt.i\..\\ a Taris, dans la petite boutique de nouveautés
Je son |-rt.-. client de Deiahercbe, il a été transporté chez \k
fabricai::. -*y tsl guéri et, oublié pnr les aulorilés jinissi-n-
nes, a I^it bientôt partie de la famille, mangeant, couchani,
vivaiil I;., >.ri:ml de secrétaire à Uclaherche, en altendani de
232 LES PEUSON.NAGtS
pouvoir rentrer ù Paris. Il est blond, avec des yeux bleus,
joli conimo une femme, d^ailleurs d'une timidité si délicate,
qu'il rougit au moindre mot. C'est un chérubin blessé, que
l'aimaUlc Gilberte a soigné en camarade [5i5], et dont elle
devient la maîtresse [560]. {La Débâcle.)
Lagriloul (Marquis de). ^ Député de Plassans, vieux
«j^entilhomme légitimiste, d'une intelligence médiocre, élu en
1857 grâce à une coalition d'opposants [47]. Il habite La Palud
ci, quand il vient à Plassnns, est hébergé par un de ses parents,
le comte de Valqueyras [309]. Battu d'avance aux élections géné-
rales, il retire sa candidature avant le scrutin [32i]. {La
.Conquête de Plassans,)
La jolie dame. — Une cliente du Bonheur des Dames,
une adorable blonde que les vendeurs appellent entre eux
« la jolie dame », ne sachant rien d'elle, pas môme son nom.
Elle achète beaucoup, fait porter dans sa voiture, puis dis-
parait. Grande, élégante, mise avec un charme exquis, elle
semble fort riche et du meilleur monde. \ chacune de ses
apparitions, on se livre à des hypothèses, simplement pour
causer. Le vendeur qui ne l'a pas servie prétend que c'est une
cocotte, celui qui a fait la vente assure qu'elle a l'air trop
comme il faut, ça doit être la femme d'un boursier ou d'un
médecin [117]. Elle est venue un jour avec un petit garçon de
({uatre ou cinq ans; l'un pense qu'elle est mariée, l'autre dit
que le mioche ne prouve rien, car il peut être à une amie ;
ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle doit avoir pleuré, car elle est
triste et elle a les yeux rouges; son mari lui a peut-être
allongé des gifles, à moins que ce ne soit son amant qui l'ait
plantée là [192]. Comme elle vient une autre fois en grand
deuil, on ne pense pas qu'elle ait perdu son père, car elle
serait plus triste ; c'est plutôt son mari, alors elle n'est pas
une cocotte véritable ; pourtant, il se peut qu'elle soit en deuil
de sa mère [303]. Et les appréciations gratuites vont leur
train : elle maigrit, elle engraisse, elle a bien dormi ou elle s'est
couchée tard la veille, et si elle paraît très gaie, on suppose
<|u*elle se remarie ou qu'elle a gagné de l'argent à la Bourse
1499]. (Au Bonheur des Dames,)
Lalubie. — Professeur de sixième au collège de Plassans.
A trouvé un jour son armoire transformée en chapelle ardente,
grâce à des chandelles allumées par Télève Pouillaud. Sa
terreur passée, il a infli^^é cinq cents vers à toute la classe.
DES ROUGON-MâCQUART S33
l.aluhic épouse la fille du mercier Galissard. Ses anciens
élèves ne parlt;nt de lui qu*en le traitant de crétin et de vieille
rosse [3'3]. (LŒuvrc.)
Lamb. — Étalon de courses. Lusignan, de Técurie Van-
deuvres, est par Lamb et Princess [388]. (Nana,)
Laxnberthier. — Facteur à la Halle. Joséphine Dejoie a
été cuisinière chez lui [134]. (L'Argent.)
Laxnberthon (de). — Député au Corps législatif. A pincé sa
femme en flagrant délit [i]. (Son Excellence Eugène Rougon,)
Laxnbourdieu. — Petit homme court. C'est un gros bou-
tiquier de Cloyes, à l'enseigne des Nouveautés parisiennes, il
proniènt- tout un bazar de village en village, dans un rayon de
cinq ou six lieues [120]. (La Terre.)
Landois ^Auguste). — Garçon charcutier chez Quenu.
Venu Je Troycs, il a Tambition de s'établir à Paris, avec
l'héritage de sa mère, déposé chez un notaire, en Champagne.
A fait a cepler comme fille de boutique sa cousine Augustine
Landoisj qu'il doit épouser. Vingt-huit ans, gras d'une mau-
vaise graisse, blafanl, tète trop grosse et déjà chauve. C'est
un Quei:u blÙLae [7"2], habile à la confection du boudin. Avait
(l'abord accepté le maigre Florent, venait le voir dans sa
chambrr , bavardait, ress Jssait son rêve d'une charcuterie à
Plaisance. Puis, son instinct de gras l'éloigné du ténébreux
conspirateur dont la présence ajourne ses projets et il le
dénonce à la préfecture, sur une facture à en-téte de la
maison Oucnu-Gradelle [319]. Landois finit par épouser .Au-
gustine et va s'établir à -Monlrouge. (Le Ventre de Paris.)
Landois Augustine). — Fille de boutique chez Quenu.
Venue de Troyes pour apprendre le commerce et se marier
avec son cousin .Auguste Landois. Grosse fille puérile, aux durs
cheveux châla::is. C'est une Lisa pas mûre [7i]. Couche dans un
cabinet au premier étage, ayant cédé à Florent sa mansarde
du «injuième, ornée d'un portrait des deux cousins, d'un
paroissi»;ii, dun exemplaire maculé de la Clé des Songes et
d'un grenadier en caisse que le c galérien > Florent soigne
consciencicus-rment. Piéalise son rêve en épousant Auguste et
en devenant (.barculière. (Le Ventre de Paris.)
•
Langlade (de). — Préfet des Deux-Sèvres. On l'accuse
de mœurs dissolues ; il serait au mieux avec la femme
.11.
231 LES PEKSONNACES
du nouveau député de Niort [tGO]. C'est un garçon à bonnes
fortunes, Idond comme une fille [30 i]. Il est remplacé par
Du Poizat. {Son Excellence Eugène liouijon.)
Lantier (Auguste) (I). — Né en i82i. Ouvrier tanneur à
Plassans. Devient à dix-huit ans Tamant de Gervaise Macquart
et a d'elle trois eniants, Claude, Jac()ucs, Etienne, qui sont
recueillis par madame I.anticr mère. Quand celle-ci meurt, il
emmène Gervaise à Paris avec deux des enfants [179]. (La For-
(une des Uougon.)
C'est un garçon de vingt-six ans, petil, très brun, d'une
jolie figure, avec de menues moustaches, qu'il frise toujours
d'un mouvement machinal de la main. 11 porte une cotte
d'ouvrier, une vieille redingote tachée qu'il pince à la taille ;
il a, en parlant, un accent provençal très accentué [8]. Sa
mère lui avait laissé un petit héritage de dix sept cents francs,
il mange cet argent en deux mois, au lieu de s'établir comme
il Tuvait promis [10]. Le ménage, descendu d'abord à Thôtel
Montmartre, rue Montmartre, se réfugie à rhôtel Doncœur,
barrière des Poissonniers, où, quinze jours après, toutes les
ressources étant épuisées, Lantier délaisse Gervaise et les
enfants. H est allé se fixer à la Glacière, avec une brunisseuse,
la petite Adèle, et il vit à ses crochets, la battant quand elle
ne marche pas droit [:235]. Pendant sept ans, on ne le revoit
pas et, brusquement, il reparait a la Chapelle, on l'aperçoit
autour de la boutique de Gervaise, ramené sans doute par Ja
grande Virginie. Coupeau, déjà alcoolique, fait de lui son ami
et riiilroduit à la maison [!293]. A celte époque, Lantier s'est
épaissi, il est gras et rond, les jambes et les bras lourds, à
cause de sa petite taille ; mais sa figure garde de jolis traits,
sous la bouflissure d'une vie de fainéantise et, comme il soigne
beaucoup ses moustaches, on ne lui donne pas plus que son
à^e. Il porte un pantalon gris, un paletot gros bleu et un
chapeau rond [300]. Si on l'en croit, il a dirigé longtemps une
fabrique de chapeaux et s'est retiré parce que son associé
man^'cait la maison avec des femmes. Aussi se donne-t-îl des
allures de patron, sans cesse sur le point de conclure des
alTaires superbes; mais en réalité, il ne fait rien. Sa grande
(1) Lanlier, dovl l'ascendance compte des pamlutiqucfi. e</ Vamant
de Gervaise Macfjuarly V emmené à Paris et V\i abandonne. {Arbre
gcncaiogi'jue des Itougon-Macquarl,)
DES lîUUGOX-MACyUMiT 235
prcoccu|ialion csl de s*insinucr dans le ménage des Coupeau
où il va bientôt faire la loi, prenant possession de la
maison, ne donnant plus un sou, empruntant même de
rangent à la ienimc pour faire la noce avec le mari. Toujours
poli, fieau parieur et de bonnes manières, il a commencé par
conquérir le ({uartier, il a même séduit les Lorilleux [303]. A
présent, il désigne lui-même les fournisseurs, exige qu'on
respecte son goût de Provençal jiour la cuisine à Fbuile, joue
le rôle de grand arbitre dans la famille, se cbarge de Tédu-
cation de ^ana, et, finalement, redevient Tamant de Gcrvaise
qu'il mène au doi;.'t et à Tœil p)G7]. Lorsque, plus lard, il
flaire la patme, il tourne ses batteries vers les Poisson,
amène Vjririiiie à reprendre la boutique des Coupeau, règne
entre la poli le blonde et la ^^ande brune, se bourre de
sucrerie? et nettoie tranquillement le petit commerce de Vir-
ginie comme il avait nettoyé celui de Gervaisr. II tourne alors
autour de la fille du restaurant d'à côté, nu* femme magni-
fique, qui a parlé, de s'établir tripière [5G0j. (IJAt^Sùmmoir,)
Lantier i(!laude) (1). — Fils de Gervai^e Macquart et
d'Auguste Liiiiier. Père de Jacques-Louis. Né à Plassans en
18 12, Claude v été recueilli par sa grand'mère paternelle [151].
nuanJ celle-ci meurt, en 1851, il est emmené à Paris par ses
parents [IT'M. {La Fortune des Bougon,)
Il vil ptMidant quelque temps avec sa mère, que Lantier a
abandonnée et qui s'est mariée avec Coupeau. Par bonbeur,un
vieux monsieur de Plassans, séduit par les ânes et les bonnes
femmes (jue Claude dessinait, s'est imaginé de le redemander
à sa mère et l'a mis au collège [l'21]. (L'Assommoir.)
Plus tard, rexcellenl bomme est mort en lui laissant mille
francs de renie, ce qui Tempéche de mourir de faim dans la
rude carrière qu'il a entreprise. Claude est peintre; c'est un
garçon uiaiiTre, avec de gros os, une grosse tète, barbu, le nez
i\) Chtiul'' Lantici\ ué en I84i, t-pouse en UOb Chrisliue IJalie-
grain, dout / j'crc était parapicfjtque, inaitresse avec laquelle il vil
depuis 5/j un- ci ilonl il a un fih, Jacques, lujé de cinq ans; perd ce
fila en t^«'J. t» lui-même se pend en 1870. [Mélange fusion, l'rédo-
ininancc nui.. le et ressemblance pliysi-pie de la mère. Uérédilé
d'une név;os.- 5e lournaul en génie . Peintre. {Arbre ijéntalogique
des liou'jon-M :<.quarl.)
^{j LES PERSONNAGES
très fin, les ycuv minces et clairs. Il porte un chapeau de feutre
noir, roussi, déforme, et il se boutonne au fond d'un immense
paletot déteint. Ayant la haine du romantisme et de la peinture
à idées, il se plail aux Halles, qa*il admire en artiste, cherchant
des natures mortes colossales; c'est un moderne qui aime son
époque et voudrait mettre Cadine et Marjolin dans un tableau
énorme, assis sur leur lit de nourriture, échangeant le baiser
idyllique, synthétisant l'art contemporain tout expérimental et
tout matérialiste [!212]. Logé au fond de rimpas>e des Bour-
donnais, il passe sa vie aux Halles, le ventre creux, mais ayant
un grand amour pour cet amoncellement de vivres qui monte
au beau milieu de Paris chaque matin. Claude résiste à Flo-
rent, qui cherche a rentrainer dans son rêve politique [301];
il partage pourtant, en artiste sincère et laborieux, sa colère
contre les bourgeois repus [355] et, révolté par le cruel
égoîsme de. sa tante Lisa Quenu, il trouve ce cri écœuré :
c (Juels gredins que les honnêtes gens ! » (Le Ventre de Paris,)
Claude est désigné comme membre du conseil de famille de
sa cousine Pauline Quenu [26]. {La Joie de vivre.)
II a quitté par économie l'impasse des Dourdonnais et s'est
installé un atelier dans les combles de l'ancien hôtel du Martoy, à
l'angle du quai de Bourbon et de la rue de la Femme-sans-Téte.
Là, il vit en sauvage, dans un absolu dédain pour tout ce qui
n'est pas la peinture. D'une timidité souffrante qu'il cache sous
une fanfaronnade de brutalité, il traite toutes les (illes en garçon
qui les ignore; ses amis, Pierre Sandoz et les autres, sont
d'anciens condisciples du collège de Plassans, retrouvés à Paris
et devenus comme lui des révolutionnaires de Tart. Claude
s*e?l vite dégoûté des exercices d'école chez le peintre Berihou,
il déclame contre le travail au Louvre, où Tœil se gâte à
des copies qui encrassent pour toujours la vision du monde où
Ion vit; pour lui,. il n'y pas en art autre chose que de donner
ce qu'on a dans le ventre, tout se réduit à planter une bonne
femme devant soi, puis à la rendre comme on la sent; il se
€Outeiito d'aller peindre chez Boulin, un atelier libre où l'on
trouve du nu à volonté.
Plein d'admiration pour Delacroix, le vieux lion romantique,
et pour Courbet, un rude ouvrier dont le fameux réalisme n'est
guère que dans les sujets, tandis que la vision reste celle des
vieux maîtres, Claude, tourmenté d'un besoin de créer, aspire
à une peinture claire et jeune, les choses et les êtres tels
DES ROUCON-MACgUART 237
qu*ils se romporlent dans de la Traie lumière; il rêve de rendre
la vie telle qu'^flle passe dans les rues, la vie des pauvres et
celle des riches, toute la vie moderne [51]. En son atelier, il y a
quelques études, des esquisses flamboyantes rapportées du
Midi, des anatoniies terriblement exactes, d*admirab1es mor-
ceaux qui annoncent un grand peintre, doué admirablement,
entravé par des impuissances soudaines et inexpliquées. Son
malheur est de ne pouvoir jamais lâcher à temps la besogne;
il se grise de travail, dans le besoin d'avoir une certitude
immédiate, de se prouver qu*il tient enfin son chef-d'œuvre;
puis, tout :\ coup, rien de clair et de vivant ne vient plus sous
ses doigts, ur.e lésion de ses yeux semble Tempécher de voir
juste, ses mains cessent d'être à lui, et il s'aflfole davantage, en
s'irritant le cet inconnu héréditaire, qui parfois lui rend la
création si heureuse et qui d'autres fois l'abêtit de stérilité
[59].
Pour son Plein Air, tableau fameux d'où va naître une
école, il s'épuise à chercher un modèle digne de la figure qu'il
rêve : une femme nue, couchée dans l'herbe, sous une ondée
de soleil, une femme les paupières closes, souriante dans la
pluie d'or qui la baigne; tandis qu'au fond deu\ autres petites
femmes, une brune et une blonde, également nues, luttent en
riant, dét chant deux adorables notes de chair p'armi les verts
de la foré!, et qu'au premier plan, pour faire une opposition
noire, un uionsieur est assis, tournant le dos, ne montrant que
son vestoa de velours [32]. Claude a une passion de chaste
pour la cl.air de la femme, un amour fou des nudités désirées
et jamais posséJées [56]. La figure qu'il a inutilement cher-
chée pour son tableau, il la trouve en Christine Hallegrain,
recueilli'^ une nuit d'orage, et dont la nudité entrevue, un peu
mince, u:. peu ^réle d'enfance, mais souple, d'une jeunesse
fraîche, avec des seins déjà mûrs, fait naître en lui un émer-
veillemei.l d'artiste. Ei alors que Christine se prend d'amour
au point ie sacrilier toute sa pudeur de lille chaste et de poser
nue deva:.i le peintre suppliant, Claude, lui, ne se grise que
de son îrl. II achève son tableau dans un viril effort, un
tableau en lui vaudra, au Salon des Refusés, des railleries et
des outrait s, toutes les àneries, les réflexions saugrenues, les
ricanemt':ils slupides et mauvais, que la vue d'une œuvre ori-
ginale \hA tirer à l'imbécillité bourgeoise [161]; pourtant, la
feninK' c.ucliée dans l'herbe est resplendissante de vie, les
maladresses de l'œuvre n'empêchent pas le joli ion général, le
238 LES PEKSONNAGLS
coup de lumière, une lumière gris d'argent, fine, diffuse,
égayée de tous les reflets dansants du plein air [i66].
l^une sensibilité de femme, au milieu de ses rudesses révo-
lutionnaires, s'attendant toujours au martyre et toujours sai-
gnant, toujours slupéfait d'être repoussé, Claude a senti un
grand froid de glace devant la foule hostile et, dans le désarroi
de son idéal, il se donne a Christine, il fuit avec elle h Benne-
court, vers le grand repos de la bonne nature, enveloppé par
son amante d'une haleine do flamuje où s*évanouissent ses
volontés d'artiste [191]. C'est un heureux temps de flâneries
sans fin, de parties de canot à traversées !les semées au fil de
Tcau. Puis, après quelques saiisons d'entier oubli, où Sandoz
même, l'ami de toujours, a été délaissé, Claude commence à se
désespérer de sa solitude. H adore encore Christine, il la
possède avec l'emportement éperdu d'un amant qui demande à
l'amour l'oubli de tout, la joie unique, mais comme on ne peut
aller au delà du baiser, l'amante ne suffit plus. Son autre maî-
tresse, la peinture. Ta repris. Et c'est alors le retour à Paris,
l'installation dans un petit atelier rue de Douai, près du bou-
levard de Clichy, trois années où Claude ne doute plus, une
certitude d'incarner enfin la formule nouvelle. Il peint d'abord,
derrière la butte Montmartre, un fond de misère, avec des
masures basses, dominées par des cheminées d'usines, et au
premier plan, dans la neige, une fillette et un voyou en loques,
dévorant des pommes volées; c'est ensuite un bout du square
des Batignolles, en mai, des bonnes et des petits bourgeois du
quartier, regardant trois gamines en train de faire des pâtés
de sni)]e; puis, c'est le plein soleil Je la place du Carrousel, à
une heure, lorsque le soleil tape d'aplomb. Malgré leurs oppo-
sitions, toutes ces toiles sont chaque fois refusées par le jury,
résolu à étrangler un artiste original, et Claude retombe à ses
doulcs, les crises se multiplient, il recommence à vivre des
semaines abominables, se dévorant, tour à tour emporté et
abailu, éternellement secoué de l'incertitude à l'espérance. Son
unique soutien est le rêve consolateur de l'œuvre future, celle
où il se satisfera enfin, où ses mains se délieront pour la
création ; ce qu'il fera plus lard, il le voit superbe et héroïque,
inatl.'iquiible, indestructible [27 S].
Après avoir longuement c lerché un sujet, tourmenté par des
superslilions de femme nerveuse, il le trouve au pont des
Saints-Pères, avec le port Saint-Nicolas et son peuple de débar-
deurs, au premier plan, puis le pont des Arts, d'une légèreté
DtS KOUGON-MACUUAni 230
rie dentelle noire, les vieilles arches du Pont-Neuf, Filôtel de
Ville, le eloLlier carré de Saint-Gervais et, au centre de Tiin-
inens- tahleau, la Cité, cette proue de Tantique navire, éler-
nelK-uient dorée par le couchant, surmontée de deux flèches,
lelloî dt: N»..tre-l)ame et de la Sainte-Chapelle, toutes deux
d'une élé^ar.re si fine qu'elles semblent frémir à la brise, hau-
taine mâ'uredu vaisseau séculaire, plonj^eant dans la clarté en
plein ciel [H'i'Xl. C'est à cette œuvre qu'il va tout sacrifier, la
rente qui le faisait vivre et dont le capital, réalisé, sera vite
eu^'louti. son eiifaûl qu'il ne verra même pas dépérir, sa femme
qu'il réduira au misérable métier de modèle, qu'il outra-
ji^era inccnscien^nient, qu'il ne connaîtra même plus. 11 a loué
ni^ Tout. uqjc un grand hangar où il vit des années sur sa
toile, n'ryant d'entrailles que pour elle, tantôt ravi délicieuse-
ment par dv? j jies folles, tantôt retombé à terre, si misérable,
. : dtclii!-.' ii'.' 'ioutes, que les moribonds râlant dans les lits
d'liô{>itau\ son^ plus heureux que lui [311]. Sa claire vision
ralKiudoiine. il côie à un symbolisme secret en supprimant la
barque .oi-luite par un marinier, et en lui substituant une
autre ba!'q::e très grande, tenant le milieu de la composition,
»'l que trois feinines occupent, dont une entièrement nue et
']ui raye ji*: h'< comme un soleil; en celte nudité, il incarne la
chair ni '.n^ «le Paris, la ville nue et passionnée, resplendis-
sante d' lie beauté de femme [315].
Mais 4'in:|)ui5sance le poursuit, il reste un génie incomplet,
dans le ile:4(|jilihremeut des nerfs dont il souffre, le détra-
quement li«^réiitaire qui, pour quelques grammes de substance
L'u plus fi «iu moins, au Heu de faire un grand homme, va
faire un lou [-'-T]. Comme il voit tout à coup que son tcibleau
est raté, il .xf^ose VEnfnnt mort, son malheureux Jean-Louis
qui vien: d^:X| irer et qui n'est plus pour lui qu'un modèle pas»
sionnan:. El l'indifférence de la foule devant ce petit chef-
d'œuvre ù. carte et de puissance achève l'affolement du
peintre: c'-sl iui pourtant, le véritable triomphateur du Salon,
car ces: lui .juti tous pillent, c'est son Plein Air d'autrefois,
«jue 1 lKi.jiIcr Fa^erolles a- truqué. Mais il ne se résigne pas à
être le r ré jrf-.ur qui sème l'idée sans récolter la îjloire, il se
désole Ci st voir volé, dévoré par les bàcleurs de besogne, et
dès lorf. riiéc de suicide germe en lui, ses yeux restent fous,
on y voi'. e'junne une mort de la lumière, quand ils se lixenl
sur l'œuvre manqiiée de sa vie [413]; rien ne lui est épar-
pné. il a la rancœur d'entendre .Mahoudeau, ^^Gagnière, ses
240 LES PERSONNAGES
anciensdisciples, enragés contre lui depuis qu'il esta terre [450].
Une dernière crise le ramène à son tableau, la nuit, et dans
un élan exaspéré de créateur, une bougie à la main, il se met
à travailler à la Femme nue, lui peignant le ventre el les
cuisses en visionnaire aflblé [463], fleurissant son sexe d'une
rose mystique. Et la passionnée Christine a beau l'éveiller de
son rêve, le reprendre, lui donner une griserie de volupté,
Claude retourne à la fatalité de son destin, il se pend, il meurt
devant l'idole peinte [476]. Cet artiste génial est accompagné
par Sandoz et Congrand au cimetière de Cayenne, à Saint-
Ouen, un grand cimetière plat, tiré au cordeau, dominé par
le talus du chemin de fer, el on Finhume en face du carré des
enfants [488]. (L'Œuvre.)
Lantier (Madame Cl\ude). — Voir HALixcriAiN (Christine).
Lantier (Etienne) (I). — Troisième fils de Gervaise Mac-
quart et d\\uguste Lantier.Né à Plassans, en 1846, Etienne est
recueilli par sa grand'mère paternelle [151]. Quand celle-ci
meurt, en 1851, il. est emmené à Paris par ses parents [179].
{La Fortune des Rougon.)
A huit ans, on le met dans une petite pension de la rue de
Chartres, où sa mère paye cinq francs par mois [135]. Gervaise,
abandonnée par Lantier, s*esi mariée avec le zingueur Cou-
peau, qui maltraite souvent Tenfant [155]. Quand Etienne a
douze ans, Goujel l'accepte comme apprenti [194]; on Tappelle
le petit Zouzou, parce qu'il a les cheveux coupés ras, pareils à
ceux d'un zouave [209]. II est ensuite envoyé en apprentissage
à Lille [314] et devient mécanicien [5i8]. (L'Assommoir.)
A vingt el un ans, c'est un joli homme, au visage fin, a l'air
fort, maillé ses membres menus. Quand il boit, cela le rend
fou, il ne peut avaler deux petits verres sans avoir le besoin de
manger un homme; il a la haine de Teau-de-vic, la haine du
dernier enfant d'une race d'ivrognes, qui souflre dans sa chair
de toute celte ascendance trempée et détraquée d'alcool [48].
Étant à Lille dans un atelier de chemin de fer, il a été chassé
pour avoir giflé son chef. Une crise industrielle sévit; il fait
(1) Élienve Lantier^ né en 1846. [Mélange dissémination. Ressem-
blance |ihysijue de la mère, puis du père]. Mineur. Vit encore à
Mtiuméa, déporté. Marié là-bas, dit-on, et a des enfants, peut-être,
qu^on ne peut classer. (Arbre généalogique des Hougon-Macquarl.)
DES nOUCON-MACQUART 241
des courses inutiles pendant huit jours, aucun travail à Mar-
cliie!!nes, plus un sou, pas même une croûte. Au travers de la
campagne nue, le vent de mars roule un cri de famine. Après
une marche de nuit, Etienne arrive tout grelottant à la fosse
du Voreux, tassée au fond d*un creux à deux kilomètres de
Montsou; avec ses constructions trapues de hriques et sa che-
minée dressée comme une corne menaçante, la fosse a un air
mauvais de héte jalouse, accroupie là pour manger le monde.
Toussaint Mnheu embauche Etienne comme hercheur; il va
gagner trente sous par jour, à un rude travail de manœuvre.
Mais il ne partage point la résignation du troupeau qui vit et
souifre dans la mine ; dès le premier jour, il partirait, il repren-
drait sa course affamée le long des routes, s*il n'était retenu
par les veux clairs de Catherine Maheu. A son inconscient amour
pour la hercheuse, que le grand Chaval va prendre sous ses
; 2u\ et lui disputera jusque dans la mort, se mêle un souffle
lie colère devant la besogne trop dure, devant Thumiliation
ù'étre, sous la terre, une béte qu'on aveugle et qu'on écrase.
II restera pour peiner et se battre.
Est-il possible que des hommes se tueni a un si rude métier,
<ians cette i.uit mortelle, et qu*ils n'y gagnent môme pas les
quelques sous du pain quotidien? Il songe violemment à ces
actionnaires anonymes qui possèdent la fosse, à ce dieu repu,
auqutrl dix mille allâmes donnent leur chair sans le connaître
r78]. Une pr^^disposition de révolte le jette à la lutte du travail
contre le capital el, comniç il est resté en correspondance avec
son ancien conire-maître Pluchart, il veut créer à Montsou une
.-jciion de Tlnternationale, pour dicter des lois aux patrons
s'ils font les méchants [157]. C'est un fonds d'idées obscures,
endormies e:i lui, qui s'agite et s'élargit. Il méprise la boisson
et les filles, il donnerait tout pour la justice, une seule chose
lui chaude h- co^ur. c'est l'idée qu'on va balayer les bourgeois.
Plus instruit que ses nouveaux camarades, il grandit dans
l'estime de tous, son influence se développe, il fonde une caisse
de prévoyaiice, arme précieuse en cas de grève. Pour résoudre
la question sociale, il se met à l'élude, il s'affole de science,
dos lectures mal digérées achèvent de Texalter, il mêle en son
esprit les revr^idicalions pratiques de Hassencur et les violences
destructives de Souvarine, confondant tous les svsièmes, em-
prunlanl des ia:i)heaux d'idées à Proudlion, à Lassallc, à Karl
Marx, et n'éirail sûr que d'une chose, c'est i\\ie la vieille société
n'en a plus que pour quelques mois.
21
il['2 LES l'tKSO.NNACKS
11 endoctrine les Maheu. On n'est plus au temps du pcre-
r>onneniort. où le mineur vivait dans la mine comme une brute,
comme une machine à extraire la houille, toujours sous la
l'irre, les oreilles et les yeux bouchés aux événements du
dehors; ù présent, le mineur s*évcille, il germe dans la terre
ainsi qu'une vraie graine, et Ton verra» un clair mutin, pousser
au beau milieu des champs, une armée d*hommes qui rétabli-
ront la justice [180]. On Técouic, on croit à des solutions mira-
culeuses, ses auditeurs ont la fui aveugle des nouveaux croyants,
pareils à ces chrétiens des premiers temps de TÉglise, qui
aitcndaionl la venue d'une société parfaite, sur le fumier du
monde anti(|ue [100]. Et depuis qu'il se sent penser, un orgueil
lai est venu; c'est une transformation lente; des instincts de
i'0({uelterie et de bien-être, endormis dans sa pauvreté, se
I éveillent, il a des satisfactions d'amour-propre délicieuses,
lout un affinenient extérieur, des vêtements de drap, des bot-
tines fines, il se grise des premières jouissances de la popula-
rité, il agrandit son. rêve d'une révolution prochaine où il
jouera un rôle [192].
La grève déclarée, il en devient le chef incontesté, il préco-
nise le calme, impose une discipline, rend des oracles et tranche
t'n toutes choses. C'est un continuel gonOement de vanité. Si
la conscience de son manque d'instruction lui laisse encore
à certaines heures une inquiétude sur sa mission, ce malaise
(.*st fugitif; sa vision de chef populaire le remet d'aplomb, il
aperçoit Montsou à ses pieds, Paris dans un lointain brouillard,
la députation un jour, la tribune d'une salie riche où il ira fou-
droyer les bourgeois du premier discours prononcé par un
ouvrier dans un Parlement [tôô]. 11 disait autrefois qu'on doit
bannir h politique de la question sociale, aujourd'hui il veut
•ju'on s'empare du gouvernement avant tout [2G9]. Les afTecta-
lioiis de prudence de Rassenour l'ont poussé à une exagération
sectaire, l'emportant malgré lui au delà de ses idées vraies,
dans ces fatalités des rôles qu'on n-i choisit pas soi-même. Ses
instincts de race le détournent de la sombre conception de
Souvaritie, l'extermination du monde, fauché comme ua champ
de seigle, à ras de terre; il n\i\ est qu'à la destruction de
l'État, à la refonte totale de la société pourrie. Pour que la
grève soit victorieuse, il faut agir révolutionnairement, sans
attentera la vie des personnes |oô'^]. Mais dans la marche au
travers des fosses, Etienne soullre d'abord en son orgueil de
chef, quand il voit la bande échapper à son autorité, s'enrager
DES ROIT.ON-MACQIAIJT iW
en dehors de la froide exécution des volontés du peuple, telle
qu'il Ta prévue [361]; malgré lui, les grévistes coupent les
câbles, éteignent les feux, vident les chaudières. Peu à peu
cette fringale de destruction le prend à son tour. 11 ne se sou-
tenait depuis le matin que par du genièvre; à présent, une
ivresse mauvaise, Tivresse des afTamés, ensanglante ses yeux,
fait saillir des dents de loup entre ses lèvres pâlies [377]; c'est
lui qui lance ses hommes contre la fosse Gaston-Marie, qu il
avait sauvée le malin; il s'exalte de leur fureur et, de vio-
lence en violence, les mène dans Montsou, à l'assaut de
la maison de Maigrat [408].
L'heure de la répression va venir; caché en une galerie du
PiéquiliarJ, dans la caverne de Jeanlin Maheu, il achève de se
dés;ifr».'Clionner de sa vie d'ouvrier, il voudrait lâcher la mine,
travailler uniquement à la politique, mais loin des -promis-
•:uilés du coron, seul dans une chambre propre, car les travaux
Je tête absorbent la vie entière et demandent beaucoup de
calme ; i'2î]. 11 ne désire pas la Un de la grève, qui serait aussi
lu lin tle son rôle et, d'ailleurs, il recule devant Tenragement
qui est son œuvre, i! n'ose pas conseiller la soumission, il se
réconforle on pensant aux brèches ouvertes dans les dividendes
iJe> aciioiinaiies. il fait un impossible rêve, les soldats frater-
nisant avt'C Iti peuple [-132]. Enlin, ton! s'écroule, les mineurs,
qui vivaient dans l'attente religieuse du miracle, sont fauchés à
coups lie lu<il. C'est aussitôt le revirement des lendemains de
déîaile. le revers fatal de la popularité; les convaincus d'hier
lapide:il Klienne à coups do brique et, dans le désespoir tra-
;ji«|uc de son aml)ition perdue, il a l'amertume de trouver un
relugc chez Uassenenr, son adversaire politique [501].
.Mais un dernier drame l'attend «nu Voreux, où l'a ramené
son amour pour Cailiorine; avec celle-ci, avec Chaval, il est pri-
sonnier lie l'inondation; une rancune s'est amassée en lui
contre son oïlif-ux rival, leur destinée veut qu'ils se disputent
la peiiit berclieuse ji:squ'au bout et la bataille de là-haut
recom:neiice dans rétroile cnve où ils agonisent. C'est une
poiissve lie la îésion héréditaire qui fait d'Etienne un meur-
trier; il tue Ciiaval, Catherine est à lui, leur triste union
s'acco'ijpiii dans l'angoisse de In mort. El après de longs jours
d'ensevelissement, Etienne survit seul à la catastrophe de
la mil. ;. ii rcpar;iit au jour, décharné, les cheveux tout blancs
[ÔTTJ; -i\ sriuaiîios d'hôpital )•• remettent debout et il s'en va
un malin vers Taris, parcourant une dernière fois le pays noir,
241 LES PEKSONNAGES
la contrée domptée et toute frémissante encore, où pousse dans
le sol toute la germination des révoltes futures. (GerminaL)
A Paris, plus tard, il s*est compromis dans Tinsurrection de
la Commune. Condamné a mort, puis gracié et déporté, il vit à
Nouméa, s*y marie et devient père d*une petite fille [1:29], qui
paraît bien portante [385]. {Le Docteur Pascal.)
Lantier (Jacques) (1). — Second fils de Gervaise Macquart
et d'Auguste Lantier. 11 avait six ans quand ses parents ont
quitté Piassans avec Claude et Etienne, le laissant à sa mar-
raine, tante Pliasie, qui lui a fait suivre les cours de Técole
des Arts et Métiers. Apres deux ans passés au chemin de fer
d'Orléans, il est devenu mécanicien de première classe à la
Compagnie de TOucst, gagnant avec le ûxe et les primes plus
de quatre mille francs, ne rêvant rien au delà. A vingt-six ans,
il est grand, très brun, beau garçon, avec un visage rond et
régulier, que gâtent des mâchoires trop fortes ; il a des yeux
larges et noirs ; ses cheveux plantés dru frisent, ainsi que ses
moustaches, si épaisses, si brunes, qu'elles augmentent la pâ-
leur de son teint; on dirait un monsieur, à sa peau iine, bien
rosée sur les joues, si Ton ne trouvait d'autre pan l'empreinte
indélébile du métier, les graisses qui jaunissent déjà ses mains
de mécanicien, des mains pourtant restées petites et souples.
Dès renfancc, il a souffert d'un mal auquel le docteur ne
comprenait rien, une douleur qui lui trouait le crâne, derrière
les oreilles, des coups de fièvre brusques, des accès de tris-
tesse qui le faisaient se cacher comme une bête au fond d'un
trou. Sa mère l'a eu très jeune, à quinze ans et demi, d'un
père gamin comme elle ; peut-être sa souffrance vient-elle de
là. D'ailleurs, la famille n'est guère d'aplomb, ses frères ont
chacun leur tare; lui, à certaines heures, la sent bien, la fêlure
héréditaire, non qu'il soit d'une santé mauvaise, mais c'est,
dans son être, de subites perles d'équilibre, comme des cas-
sures, des trous par lesquels son moi lui échappe, il ne s'ap-
partient plus, il obéit à ses muscles, à la bête enragée. L'abo-
minable désir dont ilsouff^re alors est celui de tuer une femme;
(I) Jacques Lantier, né en I8lt; meurt en iSlO d'accident. [Élection
de la mère. Kesjeinblance physique du père. Hérédilé de ralcoolisme
se louniant en folie homicide. Élal de crime] . Mécmicien, {Arbre
yénéalogique des llougon-Macquarl.)
DES ROUCON-MACQUAUT Îi5
H était h^è de seize ans à peine, quand ce mal lui a pris; sous
réveil «le la puberté, les autres rêvent de posséder une femme,
lui s>sl enragé à Tidée d'en tuer une. Sans doute, ne buvant
pas, payc-t-il pour les autres, les pères, les grands-pères, qui
ont bu, les générations d*ivrognes dont il a le snng gâté, un
Ie*nt empoisonnement, une sauvagerie qui le ramène avec les
loups man^'eurs de femmes, au fonddcs bois. Chaque fois, c'est
comme une soudaine crise de rage aveugle, une soif toujours
renaissante de venger des offenses très anciennes, dont il au-
rait perJu Texa-: le mémoire; c'est peut-être la rancune amassée
de niâl-i en mâle, depuis la première tromperie dans les ca-
vernes: peut-être aussi une nécessité de bataille pour conquérir
la fem-rlle et la dompter, le besoin perverti de la jeter morte
sur so:. dos» ainsi qu'une proie qu'on arrache aux autres, à
jamais '59\ Mais en lui, toujours, l'épouvante s*éveille avec le
désir. lia retrouvé à la Croix-de-.Maufras, sa marraine remariée
à .Misarl, cl avec elle sa cousine Flore, dont il est aimé
depuis Tenfance. Comme Flore se donnait à lui, les seins nus,
il a failli la tuer, mais la peur du sang Ta fait fuir, et c'est
toujours ainsi. \ Paris, il se réfugie dans sa petite chambre
de la rue Cardinet ; au Havre, il use tout seul son matelas de
la rue Trançois-Mazeline, il évite les femmes, au point d*élre
plaisait'' sur son excès de bonne conduite. Et il vit solitaire,
dans l'unique amour de sa machine, de la Lison; il Faime
comm*:: une maîtresse apaisante, dont il n'attend que du bon-
heur ['?)],
Soudain, il va se croire guéri. Un hasard lui a montré l'assas-
sinat du vieux président Grandmorin, en une vision si rapide
qu'elle est demeurée comme sans forme, abstraite, en son
souvenir [121]; puis, les Roubaud lui ont fait soupçonner la
vérilé par l'exagération de leurs prévenances, il a eu ensuite
une ceniluJe brusque dans le cabinet du juge Denizet et enfin
Séveri: • s'est confessée à lui, se donnant toute dans cet
aveu [î.r. La certitude qu'elle a tué la lui montre différente,
graniii ,à r-irt; elle lui semble sacrée, il pourra l'aimer, celle-
là [157 ; i: la voii violente dans sa faiblesse, couverte du sang
d'ui. licnn.e, qui lui fait comme une cuirasse d'hoi*rcur [192].
Et i! est pî-iiieniL-nt heureux, jusqu'au jour où les détails de
l'asscis/naî. révélés par sa maîtresse dans un besoin de tout
dire, rvciilcMl en lui le terrible inconnu; c'est une onde
faroucl.o q li monte de. ses entrailles et envahit sa léle d'une
vision rou^e; son désir renaît sous l'évocation du meurtre, il
la cODlrée domptée '(
le wl loule la geni^
A Puis, plus tur '
: l'..i
I jom
Zrfuitier .
et d'August
quille Pla.
■lei Ar:
d'Orl.'_
Coim-
ilr,;
_- ■•-..ri, t'ii iiU'lc ili'
' _! :-.i'lL>uniu-nlilL-l'idéeli:
-;-■.- •:: mal eu liiani liouhniii
.. . 7. :. :':al riiisiiiicl df mordr
, : .:.:::. vd la jinfsion (jul iléchii
- t.M-iïr.i. ■■Vst lu vie ilc m inn
:. j:. leaî In posséder juïi|uVi
v-;:irt df l'ëi
i du I
-. .- *- jnctii, lei habiles di^positioi
_,.>., E^rti, t'esi Séverine qu'il tue, c'e
:.!«.*. folie homicide. Alors, une jo
-.-^■..\ ; orme le soulève, dans le plein coi
_.^.- i-rrZ-'oTiJ. I.a guérisoii esi-elle veni
;^ ^-. ir.itrê de son liesoiu monsirueu)
: f~ i-r: fuiioniène Sauvagnnt, deux fois
it t.i.'int. saus un frisson; puis, sous
M rrvcti liouliaud où, très calme, tn
'< 1-i il-îoloe inconscience, il a vu atlribui
: uvi Xf. la crise ren.iit plus aiguë, il redi
„-:!^ nui rvenire tes funiclles [41(ij cl il fu
!rv-j<eutali(«. Mais sou chauffeur, le violci
■.:;.\, .1 surpris les rendez-vous avec l'hil
vt. cuire les deux lioiiinies, sur la plat
i:!ue. ua hrusifue tJuul qui lesJeMe dans
(,>us deux sous les roues [lli|. {La lié
i.i-..;-t>-I.oiist (l).—l'ilsde Claude Lanlicr cl d
.V"-'"- l'Ileut .1.- herrc Sandoi {i[t\. A é
::,:jique où i.lirisliiie »Vsl livrée à Claude, i\\\
vu* îe rre|iuïi'uie navré qui noyail l'alelier i
era iVnf.inl Je la soufftuiire et de la pitié [lOû
vii'urC. il s'élève iiii peu à l'aventure, dans l'ii
ses parents. I» mère restée amante. le père toi
: on le met iiu comme un petit saint Jean dcvai
-, «.■ e« l^t;■^ htiJrviviiiu
l.'-Kmllanev plijji.pic ilii
Di:S r.OUr.ON-MACQlJAKT 247
,• t:..':v.;it t fialcrnel, el Cinuile s'exaspère contre ce polisson
fiui I f veu: [»as garder rimmobilité de la pose f199]. Il vil à la
c;.n)! .iLTiii' Jusqu'à deux ans et demi et s*v trouve admirable-
ineit:; à l'aris, il est sucrifié, n*aynnt a lable que les seconds
rnor':»'aii.\, la ineilieure place près du poêle n'étant pas pour
sa f'Uiie chaise, sans cesse relégué, supprimé, invité à se
tciro parc»' qu'il fatigue son père, à ne pas remuer parce que
son l'ère travaille [270]. Il ne pousse plus que chétif, scri«^ux
coninie un petit homme; h cinq ans, sa tête grossit démesuré-
încui el, à mesure que le crâne augmente, Tiulelligence
diminue. Très doux, craintif, Fenfant s*absorbe pendant des
beurtfs, sans savoir répondre, Tesprit eu fuite [277]. Sa tète
seule continue de grossir, on ne peut Fenvoyer plus de huit
jours de suite à Tècole, d'où il revient hébété, malade d'avoir
voulu a[»prendre [MO]. Enfin, débilité de mauvaise nourriture,
le pauvre « tre meurt et sa mère, s'éveillanl d'un lourd som-
n.eil qui la enpourdie près de lui, le retrouve sur le dos,
cêjâ d'un iVoi 1 de glace, avec sa tète trop grosse d'enfant
ùa génie, o.vagércc jusqu'à l'enflarc des crétins [356].
Lapoulle. — Soldai au 106* de ligne (colonel «le Vincuil).
Arq irlit-ni à l'escouade du caporal Jean Macquart. C'est une
brui^ poussée dans les marais de la Sologne, si ignorant de
tout qUH, Iv jour de son arrivée au régiment, il a demandé à
voir le roi [îî-i]. Sous le prétexte qu'il est le plus fort, avec sa
t:iille d." colosse, on le charge des ustensiles communs à l'es-
couade, il accepte même la pelle de la compagnie, convaincu
«{ue c'est un honn»-ur [78]. Sur le plateau de l'Algérie, pendant
la bataille de Sedan, il est pris d'un bouleversement d'entrailles
qui ne lui laisse pas le temps de gagner la baie voisine; on le
hue. on jette <ics poignées de terre à sa nudité, étalée ainsi
aux balles et aux obus; et beaucoup d'autres sont pris de la
iorte, il> se soulugenl, au milieu d'énormes plaisanteries, qui
rendent du courage à tous [2-191. l^î^ns l'après-midi, éreinlé,
épuisé ie :aitn et de soif, il se laisse entraîner dans une au-
berge <iu Fond de Givonne, où Chouteau fuit l'action depuis le
malin [3'iô", .
Lans le Camp de la Misère (presqu'île d'Iges), où règne la
famine pîTnii les prisonniers, l.apoulle assomme un cheval
malade, partage la chair avec ses camarades et y gagne une
iilTreuse dysenterie [iÔl]. La disette persiste, le seul espoir
Je manger le rend fou, au point qu'il essaye de mâcher de
us LES PEKSONNACES
riierbe. A jeun depuis deux jours, devenu meurtrier à Tins-
tigalion de Chouteau, il tue Pache pour lui prendre un pain
[iGÛ] et, resté accroupi sur sa Tictime, il dévore le pain,
éclaboussé de gouttes rouges. Quand la nuit est venue, l'irré-
sistible besoin de fuir rentrpine vers la Meuse qu'il veut
traverser à la nage et il est tué par la balle d*uoe sentinelle
prussienne [162]. {La Débâcle,)
Laquerrière (Florent). — Pauvre diable, mort de la
fièvre jaune à Surinam (Guyane hollandaise) entre les bras
de Florent. N'a laissé à Paris qu'une cousine, à qui Ton a
annoncé sa mort. C'est grâce à ses papiers que Florent,
évadé de Cayenne, peut rentrer en France et dissimuler à la
police son véritable état civil [69]. (Le Ventre de Paris.)
Lardenois. — Il existe au ministère de l'intérieur un
dossier Lardenois contre M. de Marsy. Eugène Rougon refuse
de s'en servir, étant l'ennemi des petits moyens [45]. (Son
Excellence Eugène Rougon.)
La Rouquette. — Frère de madame de LIorentz, à qui il
doitson siège de député. Tout jeune, vingt-huit ans au plus, blond
et adonible, gaieté perlée de jolie femme [4], ligure poupine
[6j. 11 fréquente chez Clorinde, sert Rougon et Tespionne tour
à tour, se donnant beaucoup de mal pour être pris au sérieux.
(Son Excellence Eugène Rougon.)
La Rouquette (Mademoiselle de). — Voir Llorentz
(Madame de).
Larsonneau. — Usurier mondain, grand bellâtre à gants
jaunes. Il a débuté comme employé de l'Hôtel de Ville, fure-
tant dans les coins, à l'affût des bonnes affaires, mais, surpris
le nez dans les tiroirs du préfet, il a été congédié. Etabli
agent d affaires rue Saint-Jacques, il est d'abord l'homme de
paille d'Aristide Saccard [92], contre qui il a le soin, dès la
première affaire, de garder une arme dangereuse [101]. Il
s'installe rue de Rivoli, prend le titre d'agent d'expropriation,
gagne de l'argent dans les percements de voies nouvelles
et devient un viveur élégant [18G], connu dans le monde
interlope sous le nom amical de c grand Lar >, s'abouchant
avec les mangeuses de fortunes et offrant ses coùleux services
aux fils de famille. Resté le complice de Saccard, de qui il tire
trente mille francs par un chantage [:253], il devient riche
après l'affaire des terrains de Charoune et ouvre une maison
DES KOUGON-MACQUART Si9
«
de banque, ayant su, dit-il, ramasser les pièces de cent sous
que son maître Aristide était si fort à faire pleuvoir [336]. (La
Curée,)
Est devenu millionnaire. C'est par lui que Busch connaît le
passé dWristide Saccard [33]. (L^ Argent.)
Laure. — Une actrice pour qui le petit Joncquier a eu un
béguin [117]. {Xana.)
Laure. — Forte chanteuse dans un beuglant de Mont-
martre. La dernière conquête du calicot llutin. Avec son ami
Liénard, Hutin appuie le talent de Laure de si vigoureux coups
de canne sur le plancher et de telles clameurs, qu*à deux
reprises déjà la police a dû intervenir [164]. {Au Bonheur
des Dames.)
Laurent. — Paysan aisé du quartier des Figuières, aux
Artaud. Le père Dainbousse le voulait pour gendre [28i]. (La
Faute de iabbé Mouret,)
Laurent.- Greffier du juge d'instruction Denizet, au palais
de Rouen, liléme, osseux. Sait éplucherles interrogatoires dé-
licats, pour en supprimer les mots inutiles et compromettants
[120]. [La Bêle humaine.)
Laurent. — Garçon jardinier à Bazeilles. Grand garçon
maigre, à;?é d^une trentaine d'années et qui a perdu récem-
ment sa mère et sa femme, emportées par la même mauvaise
fièvre. Pendant la bataille du 1*' septembre, vêtu d'un pantalon
et d'une veste de toile bleue, il a ramassé un fusil à côté du
cadavre d'un soldat et il va participer à la défense de la
maison Weiss. N'ayant que sa carcasse, il veut la donner et,
l'Oinme il ne tire pas mal, il trouve drôle de démolir un Prus-
sien à ( ha(}ue coup [286]. Â genoux, le canon de son chassepot
appuyé dai;s l'élroile fente d'une meurtrière, comme à l'affût,
il ne làchtj la détente qu'en toute certitude, annonçant même
le résultai ù Favauce, continuant paisiblement, sans se bâter,
ayant de quoi faire, dit-il, car il lui faudrait du temps pour les
tuer tous de la sorte, un à un [288]. El quand les Bavarois,
désespérant de venir à bout de cette poiîfnée d'enragés qui les
retardent dans leur marche, amènent de l'arlilleric et font à
la maison Wt.iss, où ne survivent que six combattants, les
honneurs de la canonnade, Laurent, toujours agenouillé, vise
avec soin les artilleurs, tuant son homme chaque fois, si
bien que le service de la pièce n'arrive pas à se faire et qu'il se
250 LES PERSONNAl.KS
)assc cinq ou six minutes avant que le premier coup soit tiré
^9!]. nés que les assiégés n*onl plus de cartouches, l'ennemi
urieux envahit la maison, Laurent est ciiarrié jusqu'au mur
(l'en face, parmi de telles vociférations que la voix des chefs ne
s*cntcnd plus. Devant le peloton d'exécution, son calme ne Ta
pas nhandonné; les mains dans les poches, plein de dégoût
pour ces sauvages qui vont tuer Weiss sous les yeux de sa
femme, il les dévisage avec mépris, les traite de sales cochons
et, atteint par les halles, tomhe comme une masse, la face
contre terre [290]. {La Débâcle.)
Lauwerens (De). — Homme de la haute finance, qui a le
tort de refuser à sa femme le payement des mémoires de mo-
diste et de tailleur [132]. Ses bureaux sont situés rue de
Provence, au-dessous de ses appartements. {La Curée.)
Lauvrerens (Madame de). — Belle mondaine de vingt-six
ans, fort intelligente, appartenant aune très ancienne famille.
Mariée à un financier riche et avare, elle bat monnaie en
exerçant un élégant métier d'entremetteuse moderne, fournis-
sant aux hommes du monde un achalandage complet d'amies
qu'elle groupe dans son bel appartement delà rue de Provenre.
Elle conserve sa haute situation dans le monde, gardant une
sagesse absolue et se bornant à tirer profit de la chute des
autres. C'est elle qui a procuré à son amie Renée Saccard
un premier amant [133]. {La Curée,)
Lavignière. — Est, avec Piousseau, commissaire-censeur
de la Danque Universelle, fonction délicate autant qu*inutile.
Grand, blund, très poli, ^Lavignière approuve toujours, dévoré
de l'envie d'entrer plus tard dans le conseil d'administration,
lorsqu'on sera content de ses services [139]. {VArgeut.)
La Vignière (Cuevalier de). — Aïeul de madame Chan-
teau. Cité par elle à Louise Thibaudier pour Téblouir : c Mon
aïeul, le chevalier de La Vignière, avait la peau si blanche,
qu'il se décolletait comme une femme, dans les bals masqués
de son temps » [173]. {La Joie de vivre.)
La Vignière (Eugénie de). — Orpheline de hobereaux
du Coleniin, complètement ruinés. Éiail institutrice à Cacn,
courait le cachet, quand elle épousa Chiuiteau.
Piéduito par la misère de sa condition à s'unir à un fils d'ou-
vrier, elle voulut d'abord le pousser aux vastes entreprises ;
ses volontés dominatrices ont échoué devant Tinerlie de Chan-
DES IlOUGOX-MACQLART 251'
leau. Elle reporte alors sur Lazare, son (ils, l'espoir qui la
liante ; mais ce rêve est contrarié par de gros revers d*ar-
î^ent [i\]. Le jeune homme ne lui donne, d'ailleurs, aucune
satisfaction ; sorii du lycée, il n*a aucune ambition, il.se grise
lie musique. Madame Chanteau, tourmentée par ses idées de
grandeur, mt;ne une existence aigrie entre uu mari incapable
cl un fils névrosé.
A cinquante ans, elle est petite et maigre, les cheveux* en-
core très noirs, le visage agréable, g:\te par un grand nez d'am-
bitieuse [8]. Quand le cousin Quenu est mort, elle a liquidé la
succession tambour battant et amené à Bonneville la petite
Pauline, dont elle va commencer aussitôt Texploitation, en lui
laissant U souci de soigner et de consoler Chanleau dans ses
terribles crises de goutte. Elle utilise la naissante inHuence de
l'enfant sur Lazare pour le décider à entreprendre la méde-
cine. A c»î nj«» nent, Pauline est une petite fée qui les récom-
pense bien de l'avoir prise avec eux [50]. Plus tarJ, quand
Lazare, dégoûté de la médecine, voudra se lancer dans de^
entreprises industrielles, madame Chanteau cherchera des
fonds pour son fils et jettera son dévolu sur la fortune de Pau-
line. L'a:;(('.nt, dévoré par les opérations de Lazare, sert en
même temps aux besoins journaliers du ménage, tombé dans
une grande gène, et. en peu d'années, cent mille francs sont
engloutis. Par une habile manœuvre, madame Chanteau s'est
délivrée des menaces du subrogé-tuteur Jraccard et, pour cou-
ronner son ouvrage, elle cherche à évincer sourdement Pauline,
liancée à Lazare, et à la remplacer par Louise Thibaudier,
une hériliérc qui doit apporter deux cent mille francs de dot.
Quand Pauline chasse Louise trouvée dans les bras du jeune
homme, madame Chanleau se décide à lever le masque [103];
mais une attaque d'hydropi.sie va l'enlever en quelques jours.
Elle a une agonie bavarde, qui dure vingl-qualre heures.
C'est une confession involontaire, qui revient à la surface dans
le travail raéiue de la mort [233]. Cette femme, restée âpre et
conibattive jusqu'à la fin, succombe pleine de fureur devant la
lendre l'auline, qu'elle accuse de vouloir l'empoisonner, et elle
quitte ainsi la vie, les poings serrés comme pour une lutte
corps à co! i»s [ioS]. {La Joie de vivre.)
La Villardière (D£). — Député au Corps législatif pour
le déparlcmen: de la Côle-d'Or. Ami de LaRouquetlc[.li5]. {Son
Excellence Eugène Bougon.)
2oî LES PERSONNAGES
Léa. — Une soupeuse du Café Anglais. Elle raconte son
voyage en Égyple [232]. (Nana,)
Lebeau. — Personnage influent du second Empire, que
Clorinde .a gagné à la cause du ministre Rougon [^01]. {Son
Excellence Eugène Hougon,)
Lebleu — Caissier du chemin de fer de TOuest ù la gare
du Havre [70]. {La Béte humaine.)
Lebleu (Madame). — Femme du caissier. Quarante-cinq
ans, mal portante, si énorme qu'elle étouffe sans cesse. Entre
elle et Séverine Roubaud existe de longue date une rivalité,
née d'une question de logement, les Lebleu occupant celui qui,
de droit, devrait appartenir aux Rouhaud, et ceux-ci étant, par
suite d*une complaisance de leur prédécesseur, relégués dans
un logement triste comme une prison ; le caissier et sa femme,
par contre, jouissent de la vue de la cour de la gare, plantée
d'arbres, et de l'admirable panorama dingouville. Or, madame
Lebleu a le tort d'espionner constamment les allées et venues
de la buraliste, mademoiselle Gùicbon, qu'elle soupçonne d'une
intrigue avec le chef de gare [84]. Elle (init par les irriter tel-
lement tous deux qu'on lui enlève le logement [304], et, comme
elle Tavait prédit, la perte de sa belle vue lui est fatale : elle
meurt, au bout de quatre mois, dansTaffreux logement du fond,
où Ton ne voit que le faîtage en zinc et les vitres sales de la
marquise de la gare [381]. {La Béte humaine,)
Lebigre. — Marchand de vin, rue Rambuteau, au coin de la
rue Pirouette. Grosse figure régulière, barbe en collier, bel
homme [^2]. Loue des voitures aux marchands des quatre-sai-
sons et leur fait des prêts à la journée en exigeant des intérêts
scandaleux. Lebigre cause peu et paraît bêta, mais il a dit
un jour qu'il s'était battu en 48; cela suflit pour inspirer con-
fiance au groupe Gavard, qui accapare le cabinet du fond, où
les conciliabules les plus ardents n'ont aucun secret pour
Lebigre [128]. Celui-ci est, comme Logre, affilié à la préfecture
de police et la tient au courant des phases du complot. Il
couche avec la petite Rose, sa fille de comptoir. Très galant
envers Louise Méhudin, la belle Normande, dont il flaire la
do>, il lui offre le mariage, est d'abord repoussé [28f)], puis,
après l'arrestation de Florent, comme il a, grâce aux grands
services rendus, obtenu de joindre à son commerce un bureau
de tabac, rêve de sa vie, il obtient la main de la Normande,
qui sera superbe au comptoir [357]. {Le Venire de Paris.)
DES KOCCON-MACgUART 253
Lebi^e (Madame). Voir Mehudin (Louise).
Leboucq. — Conseiller à la Cour de Rouen. Esl assesseur
aux .\ssi>es où se ju^e le procès Uoubaud [400]. {La Bêle
humaine.)
Leboucq (Madame). — Femme du conseiller à la Cour de
Rouen. Une ^^rande brune de trente-quatre ans, vraiment très
bien. La magistrature commence à aller beaucoup chez elle,
désertanl le salon de madame Donnchon [tl5]. C'est une
royauté nouvelle qui se lève. On attribue l'issue du procès
Roiibaud, peu favorable à h famille du président Grandmorin,
à Finfluence de madame Leboucq sur quelques jurés [406]. (La
Bête humaine,)
Lecœur (31adame). — Marchande de fromages, beurre et
œufs aux liall^is. Grande et sèche. Veuve un an avant la mort
de ma iaroe Gavard, sa sœur, elle a espéré se faire épouser pa**
son beau-frère ; mais Gavard déteste les femmes mai2:res [76].
Madame Lecœur, furieuse de voir les pièces de cent sous du
rôtisseur lui échapper, amasse contre lui une mortelle ran-
cune*. Elle se frappe tellement Tesprit qu'elle finit par perdre
sa clientêie et faire de mauvaises affaires. Après avoir long-
temps vr}ru avec une nièce, la Sarriette, elle s'est brouillée
avec cejle-ci, achevant de s'aigrir ; puis la réconciliation s'est
faite contre Gavard. Chauffée à blanc par mademoiselle Saget,
madam- Lecœar propage les pires racontars, écrit à la préfec-
ture pour dénoncer les réunions subversives chez Lebigre [319],
et, lorsque Gavard est arrêté sous ses yeux, va piller chez lui,
se gardant bien de détruire les papiers dangereux [3i5]. (Le
Ventre de Paris.)
Lecomte «Mahame). — Connaissance des Debcrle [!25].
(Une Pa'je d'Amour,)
Lefévre iMadamf-). — Femme d'un fabricant établi à Rau-
courl, ch-jf-iieu de canton pillé par l'ennemi après la batai'le
de Beaumont. Madime Lefèvre est une belle dame, dont es
chemises garnies de dentelle sont prises par les Bavarois pour
se faire *les cliausselles [169]. (La Débâcle.)
Leg^ou^eux. — L'n mineur de Joiselle, affilié à Pluchart
[•270]. (Gcnninal.)
Legrain (GiiNÉriAL). — Député au Corps législatif. Dévoué
ù la ùyni.îlie, il surmonte une grosse attaque de goutte et se
03
^i LES PCKSONNâGES
fait apporter par son domestique pour voter les crédits du
baptême du prince impérial [6J. {Son Excellence Eugène Rou*
goH.)
Lehongre (Les). — Épiciers rue Neuve de la Goulte-d'Or.
Madame Lehongre couche avec son beau-frère [351]. {L'Assom-
moir.)
Léhudier. — Enfant à qui Charvet donne des leçons, payées
le 5 de chaque mois [179]. {Le Ventre de Paris,)
Lelorrain. — Notaire, rue Saiute-.\nne. f^'acle de société
de la Banque L'niverselle, fondée par Saccard, est reçu chez lui
[138]. {LArgcnt.)
Lexnballeuse (Les). — Une nichée de pauvresses qui se
terrent dans les décombres d*un vieux moulin, au clos-Marie,
derrière la cathédrale de Beaumont. Il n'y a que des femmes,
la mère Lemballeuse, une vieille couturée de rides, Tiennette,
la fille aillée, une grande sauvagesse de vingt ans, ses deux pe-
tites sœurs, Rose et Jeanne, les yeux hardis déjà, sous leur
tignasse rousse. Toutes quatre mendient par les routes, le long
des fossés. Elles sont secourues par Angélique Marie et par
Félicien de Ilaulecœur [122]. {Le Rêve.)
Lenfant. — Tient un estaminet à Monlsou [169]. {Ger-
DiinaL)
Lengaigne. — Débitant de tabac et cabaretier à Rognes.
Très long, Tair figé, ayant une petite tète de chouette sur de
larges épaules osseuses, il cultive ses terres pendant que sa
femme pèse le tabac et descend a la cave. Ce qui donne une
iiiiporiaiice à Lengaigne, c*est qu'il rase le village et coupe les
cheveux, nn métier rapporté du régiment [55]. Il est libre pen-
Sf.ur et va^ruemenl républicain, mais sa situation de buraliste
lui ferme la bouche, il se borne à gronder dans les coins contre
bjb bourgeois d'aujourd'hui qui ont tout gardé dans le partage,
ne font les lois que pour eux et vivent de la misère du pauvre
monde. II exprime ainsi le sentiment de tout le village, la
haine sécnlaire indomptable, du paysan contre les possesseurs
«iii sol ['iT]. Mais la vraie colère de Lengaigne est contre Mac-
qu'MOii, le cabaretier voisin ; une vieille rivalité les sépare ;
rjunnd l'un a de la chance, Taulre est ulcéré; ils s'exècrent au
point de soullVir d'une mitoyenneté future, dans le cimetière de
l'io-ncs \'oV.\\,(La Terre.)
DES ROUGON-MACQUART 255
Lengaigne (Madame Flore). — Femme du buralisle de
Rognes. Grosse mère; geignarde, molle et douce [50]. Toujours
en 'juerel.e avec Cœlina Macqueron. (La Terre,)
Lengaigne (Suzanne). — Fille des Lengaigne. Blonde,
laiJe, elirontée. A été mise en apprentissage chez une coutu-
rière de Chàteaudun et s'est envolée au bout de six mois à
Chartres, puis a Paris, pour faire la noce. On dit qu'avant son
dêpirl drr Rognes, un oncle à elle l'avait eue déjà, un jour
qu'ils épl'ichaient ensemble des carottes [129]. Après trois ans
de folle existence, Suzanne risque brusquement une réappari-
tion au village, pendant les vendanges, et elle produit une
sensation extraordinaire, avec sa robe de soie dont le bleu
riclie tue le bleu du ciel. Cet ancien laideron apparaît en une
splendeur, nippée chèrement, grasse, avec une figure de pros-
périté [3^7]. Les gens du pays Tadmirenl, ses parents sont fiers
d*ciie. Pluâ tard, de sales noces la conduisent à l'hdpital; alors,
pour les siens, elle n'est plus que cette pourrie de Suzanne
[465]. (La Terre.)
Lengaigne (Victor). — Frère de Suzanne. .Avant le tirage
au sort, c'était uu grand garçon gauche. Il a été en garnison à
Li!.:;, un :ays dont il ne trouve rien a dire, sinon que le vin y
est cher [ii2â]. A son retour du service, il est crâne et blagueur,
personne ne le reconnaît, avec ses moustaches et sa barbiche,
son air d.; se tichcr du monde, sous le bonnet de police qu'il
ailt^te dé porter encore [346]. Il crâne devant les conscrits,
braillant plus haut qu'eux, les poussant à des paris imbéciles
[ie;]. [Le Terre.)
Lenore. — Jument de courses. Frangipane, au baron
Ve.-Jier, est }»ar The Truth et Lenore [388]. (Nana,)
Léon. — Apprenti charcutier chez Quenu. Quinze ans,
mirce, tr^s doux [70]. Il vole les entames de jaml>on et les
bouts lie fnucisson oub iés, les cache sous son oreilli .' cl les
nit'.ng»-, I. nuit, sans pain, S'étanl lié avec Cadine et Marjolin,
il Itur oilo trois fois par semaine des régals de charcuterie
dai.s Si n.\nsarile. située en face de celle de Florent [220]. {Le
Vvrtrc (!• Paris.)
Léonce (MAt-AME). — Concierge de Gavard, rue de la Cos-
soi.nerie. Fait ]>• ménage du marchand et le soigne quand il
esi en: hu.ié. remme sévère, de cinquante et quelques années,
pariant < rileuient, d'une façon interminable. Mademoiselle
i5C LES PERSONNAGES
Sa^et vient, tous les mercredis soirs, prendre le café dans sa
loge et s*y renseigne sur les faits et gestes de Gavard. Quand
celui-ci est arrêté, madame Léonce assiste impuissante au pil-
lage de Tarmoire et, furieuse contre le vieil enjôleur qui lui
avait dit n'avoir pas de famille, obtient de la Sarriette une mi-
sérable obole de cinquante francs [347]. (La Ventre deParis.)
Léonie. — Ouvrière fleuriste chez Tiircville, ruedu Caire.
Jolie brune [4G0]. Elle lâcbe les fleurs pour faire la noce [47i].
{L'Assommoir.)
Léonie. — Tante de Louise Thibaudicr, A loué un chalet à
Arromanches [170]. C'est chez elle que Louise est ramenée,
lorsqu'elle quitte Bonnevilie, chassée par Pauline [1^7]. {La Joie
tic tivrc)
Lepalmec. — Paysan de Plogof, en Bretagne [431]. (Ger-
minaL)
Lequeu. — Maître d'école à Piognes. Grand jeune homme
maigre, dont la face blême se hérisse de quelques poils jaunes.
C'est un fils de paysan, qui a sucé la haine de sa classe avec
l'instruction ; il ne peut faire aimer leur condition à ses élèves
qu'il traite de sauvages et de brutes, avec le mépris d'un lettré,
et qu'il renvoie insolemment au fumier paternel [146]. Cachant
des idées avancées sous sa raideur correcte, il chante au
lutrin, prend soin des livres sacrés mais a formellement refusé
de sonner la cloche, une telle b»*§ogne étant indigne d'un
homme libre [39j. Dans les discussions de cabaret, il garde un
sourire aigre d'homme supérieur que sa position force au si-
lence, mais, dévoré de rancune contre les paysans qui le mé-
connaissent, vert de bile devant sa situation gâtée, déçu dans
l'espoir longtemps nourri d'épouser Berthc Macqueron, il linit
par aflicher des doctrines anarchistes ; à la grande stupéfac-
tion de Jtsus-Cbrist, il proche violemment la grève de la terre,
les disettes, le sac des villes, la noyade générale dans des flots
de sang [171]. {La Terre.)
Lerat (Madame), née Coupeau. — Sœur aînée de madame
Lorilleux et de Coupeau. Grande, sèche, parlant du nez [86].
C'est une veuve de trente-six ans, qui habile la rue des Moines,
aux Katignolles, et travaille dans les fleurs [52]. Elle mène une
vie d'ouvrière cloîtrée dans son train-train et n'a jamais vu le
nez d'un homme chez elle depuis son veuvage, mais elle montre
une préoccupaiion continuelle de l'ordure, une manie de mots à
DES- ROUCON-MACQUART 257
double entente et d'allusions polissonnes [lOG]. Do meilleure
composition que sa sœur, elle vit en bons termes avec Gervaise,
et lorsque la petite Nana est en âge d*apprendre un métier,
eilc la fait entrer dans une maison de fleurs de la rue du Caire,
chez Titreville, où elle est première. Chargée de surveiller la
petite, elle s\icquitte mal de la commission, s*allumant aux pre-
mières aventures de >*ana [i67]. {U Assommoir.)
Longtemps elle a perdu de vue sa nièce, disparue dans les
profondeurs du monde galant; plus tard, elle Ta retrouvée,
parvenue à une belle position, pleine d'excellents sentiments.
Madame Lerat avait abandonné le métier de fleuriste et vivait
de ses économies, six cents francs de rentes, amassées sou A
sou. Nana loue pour elle un joli petit logement et lui donne
cent francs par mois, eu la chargeant d'élever Louiset [45]. La
tante adore toujours les histoires de cœur ; elle a pourtant
frémi, devant une fugue de Nana, acoquinée avec le comique
Fonlan ; aussi lui a-t-elle prodigué les bons conseils [!289]. Plus
tard, devant sa nièce arrivée aux grandeurs, elle ne dégonfle
pas de vanité [355]. {Xana.)
Lerenard. — Tient un estaminet aux environs de Montsou
[311]. [Gerititnal.)
Leroi, dit Canon. — Ouvrier charpentier. A làclié Paris à
la suite d'histoires enr.uyeuses et préfère vivre à la campagne,
roulant de \illage en village, faisant huit jours ici, huit jours
plus loin, allant d*une ferme à une autre, lorsque les patrons
ne veulent plus de lui. Le travail ne marchant pas, il mendie
le long des routes, il vil de légumes et de fruits volés, heureux
qu'on lui permette de dormir dans une meule. En loques,
très sale, très laid, ravagé de misère et de vices, le visage si
maigre el si b!cnie, hérissé d'une barbe noire, que les femmes,
rien «[u'à le voir, ferment leur porte. De passage à Rognes,
Canon est devenu Tanii de Jésus-Christ, il tient des discours
iiboniiiiables, i»arlant de couper le cou aux riches, traitant les
})aysaiis de culs terreux, leur expliquant la révolution sociale
qui doit donner le bonheur à tous [371]. Il blague Jésus-Christ à
cause de Ses idées rétrogrades, virilles décent ans. mais trouve
son iiiailre <lans Lcqueu, le maître J'école anarchiste plein de
dédain pour le socialisme autoritaire etscientinque, appris par
Canon d.ins les faubourgs parisiens [iTl], (La Terre,)
Letellier. — Père Je madame Deberle et de Pauline.
OJ
258 LES PERSONNAGES
Pclil vieillard à la figure joufflue et rose [25]. Tient un grand
magasin de soieries boulev.ird des Capucines. Promène par-
tout sa nilc cadette, en quête d'un beau mariage [26]. (Une
Page d* Amour,)
Letellier (Juliette). — Voir Deberle (Madame).
Letellier (Pauline). — Sœur de Juliette. Une belle Olle de
dix-sept ans, d'allures libres, impatiente de se marier, fami-
lière avec les bommes et jouant comme une grande gamine
avec les enfants [25]. Malignon lui trouve un mari. {Une Page
d'Amour.)
Leturc (Madame). — Veuve d*un capitaine, protégée de
madame Mélanie Correur [58]. Le ministre Uougon lui fait ob-
tenir un bureau de tabac [280J. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Levaque. — Voisin des Mabeu. Les constructions du coron,
installées économiquement par la Compagnie, sont si minces
que les moindres souffles les traversent ; on y vit coude à coude,
d*un bout à Tautre ; rien de la vie intime n'y reste caché, même
aux gamins, et les Maheu entendent le manège des Levaque et
de leur logeur Bouteloup. Celui-ci est un ouvrier de la coupe
à terre, tandis que Levaque est un haveur; la femme a ainsi
deux hommes, Tun de nuit, Tautre de jour [17]. Levaque boit,
il bat su femme quand la soupe n'est pas prête, et court les
chanteuses du Volcan, café-concert de .Monisou [111]. 11 trouve
naturel que la Levaque couche avec Bouteloup, car cela entre
dans le prix de la pension et les bons comptes font les bons
amis [114]. Pendant la grève, il se distingue parmi les exaltés,
il donne de violents coups de hache dans le matériel de la
Compagnie [376]. .\près l'émeute de Montsou, on lui rend son
livret [421]. Son arrestation par la troupe, devant la fosse
du Voreux, fait de lui une sorte dehéros; lesjournauxde Paris
citent son attitude devant le juge d'instruction, on lui prêle une
' réponse d'une grandeur antique [^91]. (GerminàL)
Levaque (.\ciiille). — Le premier né de Philomène
Levaque et de Zacharie Mahcu.II a trois ans lorsque ses parents
se marient [113]. (Germinal.)
Levaque (Débert). — Fils des Levaque. Travaille à la
mine comme galibot. C'est un gamin de douze ans, un gros
garçon naïf, plus âgé et plus fort que Jeanlin Maheu, et qui
se laisse pourtant gifler par lui; Débert se soumet à Jeanlin
DES ROUGON-MACQUART 259
ave: une almirution craintive, une crédulité qui le rend conti-
nue.ien.ei;: victime, et Tautre en abuse, Tentrainant sans ver-
gopc à il-rs maraudes où il risque ses os. Les parties polis-
sonnes de J-îanlin et de la petite Lydie Pierron emplissent Hébert
de colère -t dr; malaise [138]. Lentement, une grande affection
est née entre lui et Lydie, dans leur commune terreur de
JeaLlin. Lui, toujours, songe à la prendre, à la serrer très fort
entre ses bras, comme il voit faire aux autres; mais pas plus
quMIe, il D*ose désobéir à celui qu'ils appellent le capitaine
et qui s'est institué leur cbef. Pourtant, un jour, blottis dans
une carlitlte, près du Voreux, tous deux ont (lui par se
baiser dou:enient, sans avoir Tidée d'autre cbose, mettant dans
cet:-:: ccresse leur longue passion combattue, tout ce qu*il y a
en ^rux de martyrisé et d'attendri [HS]. Ce malin-là, mêlés aux
grévistes, ils sont mitraillés par la troupe; la petite frappée à
la ii':(i. foudroyée, ne bouge plus ; le petit, troué au-dessous de
répâulir gajche, saisit Lydie à pleins bras, dans les convulsions
de l'agoiiic. comriies'il voulait la reprendre [i87]. {Germinal.)
Levaque (Désirée). — La dernière de Philomène. Neuf
mois. Sa :.ière déjeune au criblage et la fait téter sur le char-
boL [in]. (G^nninal.)
Levaque (Pkilomêne). — L'aînée des Levaque, une grande
tillr de .Ji\-neuf ans, maîtresse de Zacharie Maheu, dont elle a
deux e;jfc .is dê;à, Achille et Désirée. Mince et pâle, d'une
figure TiKuioinière de fille crachant le sang, trop délicate de
poi.rine p:ur travailler au fond, elle est cribleuse à la fosse du
Yo:eux [17]. C'est une fille sans passion, simplement lasse de
SOI. exiïte.ce [133]. Mariée à Zacharie, puis veuve, elle quitte
Moitsûu 'r.vec ies enfants, emmenée par un mineur du Pas-de-
Calais [ô>j]. iCnninaL)
Levaque {\.x), — Femme du haveur. Mère de Philomène.
A :uaraL.^ et un ans, elle est affreuse, usée, la gorge sur le
veî.:re et !e ventre sur les cuisses, avec un muÛe aplati, aux
pois g: iîi.res, toujours dépeignés. Ou vit chez elle dans une
purntcjir -o !:ié; a;^r mal tenu [113]. Bouteloup, son logeur, l'a
prise r.'ilu"ei;eii;ent, sans l'éplucher davantage que sa soupe
où il Ir: jve ces cheveux, et que son lit dont les draps ser-
ver/, ti oiï mois. Tant que Philomène n'a eu qu'un enfant, la
Le'aque l'a ;joi:.i pressé le mariage avec Zacharie Maheu, ne
vo-iai/. f -S abaLloiiucr les quinzaines de sa fille; mais, depuis
qu^ le l'v.i graLJit, mange du }'ain et qu'un autre est venu,
200 LES PERSONNAGES
elle se trouve en perle el pousse furieusement à la mise en
ménoge, ei\ femme qui n'entend pas y mettre du sien [115].
Après la grève, la Levaque est enceinte, Levaque est en prison,
c'est Oouteloup qui le remplace en attendant [585]. {Get'^
minai.)
Levasseur(LES). — Amis des Deberle. Madame Levasseur
a un amant de son monde, que madame Deberle évite de rece-
voir les mêmes jours que le mari [^50j. Cinq filles, échelonnées
de deux ans à peine à dix ans, toujours habillées de même
dans les bals d*enfanls. {Une Page dWmour.)
Levasseur. — Employé au Bonheur des Dames. Chef du
service des expéditions [50]. {Au Bonheur des Dames,)
Levasseur. — Percepteur au Chène-Populeux. Son père,
un des soldats de la grande nrrnée, jouissant d*une infime
pension, a Uni sa vie à côté de lui. Levasseur s*est marié à une
demoiselle Fouchard, paysanne de Remilly, qui est morte en
mettant au monde deux jumeaux, Maurice et Henriette. De
longues années s'écoulent, la famille se saigne pour faire de
Maurice un monsieur. Levasseur meurt à la peine [6]. {La
Détfàcic.)
Levasseur (Henriette). — Fille du percepteur. Sœur
jumelle de Maurice. Alors qu'on faisait de celui-ci un avocat,
elle a été élevée en Cendrillon, au logis, sachant au plus lire
et écrire. Et plus tard, pour répar«;r les folies de son frère,
elle s'est dépouillée généreusement, elle a tout vendu, la mai-
son, les meubles, sans parvenir à combler le déficit. Puis elle
a eu la chance de trouver un mari, cet honnête garçon de
Weiss, qui est venu lui offrir tout ce qu'il possédait, avec ses
bras solides, avec son cœur; elle la épousé, touchée aux
larmes de son affection, pleine d'estime tendre, sinon de pas-
sion amoureuse [188]. Henrietie est petite, elle a une figure
mince, des traits menus, sous une admirable chevelure blonde,
d'un blond clair d'avoine mûre. Ce qui la différencie surtout
de son frère, avec qui elle a une ressemblance frappante, ce
sont s«îs veux gris, calmes et braves, où revit toute Tàme du
grand-père, le héros de la grande armée. Parlant peu, mar-
chant sans bruit, elle est d'une activité si adroite, d'une dou-
ceur si riante qu'on la sent comme une caresse dans l'air où
elle passe [180]; c'est une àme forte, elle est du bois sacré
dont on fait les martyrs [104].
DES ROUCON-MACQUART 261
Le matin de la bataille de Sedan, apprenant ce qui se passe
à Bazeilles, elle décide d*y rejoindre son mari, la témérité de
Tentreprise lui parait naturelle, sans héroïsme déplacé, ren-
trant dans son rôle de femme active : où son mari est, elle
doit être, simplement [258]. Arrêtée par Hnfanlerie de ma-
rine devant Lulan, elle continue sa route en franchissant des
clôtures, elle ^arJe sous les obus, dans la folle ardeur de celle
course, un grand sang-froid, toute la tranquillité brave dont sa
petite âme de bonne ménagère est capable. Elle veut ne pas
être tuée, retrouver son mari, le reprendre, vivre ensemble, heu-
reux encore [231]. Marchant sous les balles, meurtrie par un
ricochet, elle ne (parvient à Cazeilles que pour voir Weiss
collé au mur en face de soldats allemands qui préparent leurs
armes; alors, en créature qui ne raisonne plus, qui donne sa
vie, elle s'enlac(î à lui, elle veut qu'on les fusille ensemble,
il faut que le Bavarois Gutmann la saisisse violemment et
lui fasse lâcher prise; et elle n*a même pas la consolation
d*ensevelir son cher mort, que les Prussiens jetteront dans
la fournaise et dont les cendres seront dispersées au vent
[393].
îléfujfi'je à Heniilly, soignant maternellement les blessés,
elle reiroiivc chez l'oncle Fouchard deux soldats de Sedan
échappés à la captivité, son frère Maurice qui va repartir au
combat, et Jean Macquart qu'elle cachera, qu'elle guérira,
vivant avec lui pendant quatre mois en une intimité familiale.
Le cœur Lroyé par la perte qu'elle a faite, elle est pleine de
gratitude pour ce Jean qui a sauvé son frère, elle l'aime d'une
affection qui grandit, à mesure qu'elle le connaît mieux,
simple et sn^'e, de cerveau solide [iOl]. Près de lui, elle se
sent consjlée et elle caresse parfois le rêve d'une intimité à
trois, Jaiis un avenir de bonheur encore possible, qui ne se pré-
cise pas à sos yeux.
Mais le déclin ne lui fera pas grâce, la guerre va achever de
lui broyer le cœur. Maurice, son frère Maurice adoré par delà
la, naissance, qui était un autre elle-même, qu'elle avait
élevé, sauvé, son unique tendresse depuis qu'elle a vu à
Bazeille? le corps Ju pauvre Weiss troué parles balles, Maurice
est tué à Paris, il reçoit la mort des mains mêmes de Jean,
jeté au frairieiJe par l'affreuse guerre civile. El Henriette
s'arrarliJj du cœur l'amour qui y germait; héroïne obscure,
victluiv piioyahle, elle restera seule au nîondc, veuve et dépa-
reillée, sans personne qui l'aime [(>3cJ. (La Debàclc.)
262 LES PERSONNAGES
Levasseur (Maurice). — Fils du percepteur. Frère
jumeau d^IIenrieUc. Ceile-ci, plus virile que lui, Ta élevé; il
l'aime passionnément. Blond, petit, avec un front très déve-
loppe, un nez et un menton très menus, le visage fin, il a des
yeux gris et caressants, un peu fous parfois. Venu à Paris
pour y terminer son droit, il s'est livré à mille sottises, à
toute une dissipation de tempérament faible et exalté. Jetant
sans compter Targuent au jeu et aux femmes. En juillet 1870,
Maurice vient d*étre reçu avocat. II est pour la guerre, il la
croit inévitable, nécessaire à Texistcnce même des nations,
la vie est une guerre de chaque seconde, la nalure exige le
combat continu, elle donne hi victoire au plus digne [10].
Dans une crise de patriotisme, rêvant de combats pour Je
lendemain, voulant aussi racheter ses anciennes fautes par un
peu de gloire, il s*est engagé au lOG' de ligne (colonel de
Vineuil). El il se croit bien corrigé, dans sa nervosité prompte
à Tespoir du bien comme au découragement du mal, soumis à
toutes les sautes du vent' qui passe. Généreux, ardent, mais
sans fixité aucune, il assiste parfois, sans résistance possible,
à la ruine de sa volonté, il tombe aux mauvais instincts, à un
abandon de lui-même, dont il sanglote de honte ensuite. Au
fond, il est ébranlé par la maladie de l'époque, il subit la crise
historique et sociale de la race. Son grand-père, né en 1780,
fut Tun des héros de la période militaire, un des vainqueurs
d'Austerliiz, deWagram et de Fricdiand; son père, né en 1811,
tombé à la bureaucratie, petit employé médiocre, s'est usé dans
un emploi de percepteur; lui, né en 18-il, élevé en monsieur,
admis au barreau, capable des pires sottises et des plus grands
enthousiasmes, va être vaincu à Sedan, dans une catastrophe
finissant un monde. Maurice est un des passants de l'époque,
certes d'une instruction brillante, mais d'une ignorance crasse
en tout ce qu'il faudrait savoir, vaniteux avec cela au point
d'en être aveugle, perverti par Timpatience de jouir et par la
prospérité menteuse du règne [390].
Incorporé dans l'escouade du caporal Jean Macquart, une
répugnîince, une sourde révolte l'a, dès les premières heures,
dressé contre cet illettré, ce rustre qui le commande [i]. Un
peu plus tard, dompté par lui, il le hait d'une inextinguible
haine [3i]. Puis, un jour de défaillance, Jean lui rend l'espoir
par sa virulence contre les lâches qui parlent de ne pas se
battre; les mêmes fatigues et les mêmes douleurs, subies en-
semble, font vaciller sa rancune; il y a entre eux comme une
DKS IlOUGON-MACQUART 263
(rêve tacite. A ce moment, l'armée de Ch&lons, reconstituée à
la hâte après les premières déroutes, n*est plus que Tarmêede
la désespérance, le troupeau expiatoire qu'on envoie au sacri-
fice, pour tenter de fléchir la colère du destin; elle monte son
calvaire jusqu'au bout, payant les fautes de tous du flot rouge de
son sang, grandie par Tliorreur même du désastre [79]. Depuis
six semaines, Maurice u*a Tait qu'user ses pauvres pieds d'homme
délicat à fuir et à piétiner loin des champs de bataille. 11 est
redescendu à une égalité bon enfant, devant les besoins phy-
siques de la vie en commun [83]. Épuisé de lassitude, blessé
au pied, il éprouve un profond sentiment de reconnaissance
pour les soins maternels de Jean, un attendrissement invin-
cible ren*^ahit, le tutoiement monte de son cœur à ses lèvres,
dans un iinmense besoin d'affection, comme s'il retrouvait un
frère chez ce paysan exécré autrefois, dédaigné encore la
veille [lUO].
Il serait mort de fatigue et de détresse, si Jean ne l'avait
sauvé, se condaiimant lui-même à la faim pour lui garder des
.vivres. La fraternité a grandi entre eux. Et lorsque à Sedan,
Jean est iilessê et va être achevé par l'ennemi, Maurice, dans
le plus grand danger, sentant la mort derrière lui, soutenu par
U!ic volonté invincible, le charge sur ses épaules, buttant à
diiquo pitMTP, se remettant quand même debout, le ramenant
enlln dans les lignes françaises [325]. Prisonniers dans la
presqu'ilvr diges, ils ne veulent plus se quitter désonnais, ils
suivissent retlroyable sort de cette armée égorgée sans gloire,
couverte Je crachats, tombée au martyre, sous un châtiment
qu'elle n'avait pas njérilé si rude [i64]. El lorsqu'en route
vers l'Allemagne, à l'étape de Mouzon, ils parviennent à fuir,
ils se serriMit dune étreinte éperdue, dans le sentiment de
tout ce qu'ils viennent de souflrir ensemble; c'est Timmortelle
aniilié, l'absolue certitude que leurs deux cœurs n'en font plus
(ju'un, pour toujours [iT8].
A lieniiliy, où Henriette soignera Jean blessé pendant la
fuite, Majîice ê]»roave une surexcitation nerveuse extraordi-
naire, le sentiment Je sa Jéfailo le jette dans un besoin fréné-
{\{\ne de réhellion contre le sort [i85J. Il passe en Belgique, se
raijat sur Taris, et là, incorporé au 115* de ligne, engagé à
ClivUiiion «t »i Chanipigny, témoin de la bataille de Buzenval,
il garJe l'ébranlement de chacune des déf.iites, le corps
apj^auvri, la tète all'aiblie par une si longue suite de jours
sans pain, Je nuits sans sommeil. En lui s'achève l'évolution
iU>i US PERSONNAGES
qui, sous le coup des premières balailles perdues, a détrait la
légende napoléonienne ; déjà, il n'en est plus à la république
théorique et sage, il verse dans les violences révolutionnaires.
Une haine lui est venue contre son métier de soldat, qui le
parque à Tabri du Mont-Valérien, inutile et oisif [575]. Après
la reddition, il se décide à déserter.
La Comuiune lui apparaît comme une vengeance des hontes
endurées, comme la libératrice apportant le fer qui ampute, le
feu qui purifie [581 J. Quand Tinsurreclion est vaincue, Mau*
rice s*aclinrne à combattre, il veut mourir; un soldai de Ver-
sailles, ivre de fureur, le cloue d'un coup de baïonnette, sur
la barricade de la rue de Lille et alors, dégrisés, les deux
ennemis se reconnaissent. C'est Jean qui^ dans l'abominable
lutte, a mortellement blessé son frère. Le destin s*cst acharné
jusqu*au bout, il a exigé Téliniination du faible, incapable
d'action robuste; un sacriûce vivant a été nécessaire pour que
la nation crucifiée puisse renaître [630]. Et devant Paris en
flammes, le pauvre être agonise entre Henriette et Jean; il s*en
va, affamé de justice, victime de son temps, dans la su-
prême convulsion du grand rêve noir qu'il a fait [635]. (La
Débâcle.) ■
Lévêque (Madame). — I>elle-sœur du brasseur Durieu
[\?A],(L'ArgcnL)
Lévêque. — Avoué à Plassans. Deau-pêre de Ramond
[317]. 11 s'occupe des affaires du docteur Pascal après la fuite
du notaire Orandguillot et retrouve une somme de quatre-
vingt mille francs que Pascal croyait engloutie [325]. {Le Doc-
teur Pascal.)
Lévêque (Mademoiselle). — Fille de l'avoué. Ancienne
amie de Cioliide lîougon, dont elle est la cadette de trois ans
["207]. Elle a épousé le docteur Kamond [207]. (Le Docteur
Pascal.)
Lhoxnxne. — Caissier principal du r>onheur des Dames.
Mari de madame Aurélie, la première des confections, qui Ta
fait entrer dans la maison. Déjà tout blanc, alourdi par son
service sédentaire, Lhomme a une figure molle, eflacée, comme
usée par le reflet de l'argent qu'il compte sans relâ'^he. Il a eu
le bras droit cuuj)é par un omnibus; cette mutilation ne le gêne
nullement dans sa besogne et l'on va même par curiosité le
DBS r.ÛUGON-MACQCAUT 265
voir vérifier la reccUe,ttilleineDt les billets et les pièces glissent
rapiiietnent dans sa main gauche, la seule qui lui reste.
Fils d*un propriétaire de Chablis, il est tombé à Paris comme
employé aux écritures, chez un négociant du Port aux Vins;
puis, demeurant rue Cuvier, il a épousé la fille de son con*
cierge et, depuis ce jour, il est resté soumis devant sa femme,
dont les facultés commerciales le frappent de respect [5âJ. Son
seul vice est la musique, un vice secret qu'il satisfait solitaire-
ment, courant les théiltres, les concerts, les auditions ; malgré
son bras amputé, il joue du cor, grâce â un système ingénieux
de pince>, et, comme madame Aurélie déleste le bruit, il
enveloppe de drap son instrument, le soir, ravi quand même
jusqu'à Textuse par les sons étrangement sourds qu'il en tire.
La musique et l'argent de sa caisse, il ne connaît rien d'autre
[53]. Mourct mettra le comble à son bonheur en lui confiant la
direction d'un corps de musique, cent vingt musiciens recrutés
dans le personntrl [i'29]. Baudu cite Lhomme, sa femme et son
fils, comme un exemple de la destruction des familles par les
grands bazars. Employés tous trois au Bonheur des Dames, ce
sont des gens sans intérieur, toujours dehors, ne mangeant
chez eux que k dimanche, lorsque chacun ne tire pas de son
côté, une vit* d'iiôtel et de table d'hôte, qui indigne le familial
Baudu [iTj. (.-If/ Bonheur des Dames.)
Lhomme (.Mad.\.\ie). — Voir âurclie (Madame).
Lhomme (Aluert). — Fils du caissier principal et de ma-
dame Aurélie. L'n grand garçon pâle et vicieux qui ne peut
rester nulle part et qui donne à sa mère les plus vives inquié-
tudes: elle a obtenu pour lui une caisse de détail au Bonheur
des Daines, ^/e^t un mauvais employé qui néglige le travail et
qu'on ne gardtj «lue par. déférence pour sa mère [IG6]. A la
suite d'un scaniule trop fort, une suite de vols qui durent
depuis quatorze mois, avec la complicité du vendeur Migiiot,
on se décitle a h- mettre à la porte. L'exécution est seulement
retardée de d(*.u\ jours, madame .\urélie ayant obtenu qu'on ne
désiiouoràt pa< I.i famille par un renvoi immédiat [HIJ. (Au
Bonheur des D'unes.)
Liardin. — Parent des Quenu. Membre du conseil de
famille de Pauline [:2G]. Consent à l'émancipation [117]. {La
Joie de vivre.)
Liénard. — Vendeur du rayon de lainages, au Bonheur des
Dames. C'est le îîls d'un riche marchand de nouveautés d'An-
2G»> LES PERSONNAGES
gcrs. Dans sa vie de paresse, d'insouciance et de plaisir, il a
la' seule peur d'être rappelé en province par son père [54]. 11
abomine les jours de grosse vente, qui cassent les bras; large-
ment entretenu par sa [famille, il lâche d'éviter la besogne, se
moquant de vendre, travaillant tout juste assez pour ne pas
être mis à la porte [123]. 11 habite à Thôtel de Smyrne, rue
Sainte-Anne [16i]. {Au Bonheur des Dames.)
Lieutaud. — Architecte diocésain a Plassans. 11 est chargé
d'élifier les locaux de l'Œuvre de la Vierge [10^]. {La Con-
quête de Plassans.)
Liévin. — bourgeois de Plassans, enrôlé et armé par Pierre
Rougon pour délivrer la mairie occupée par les républicains
[272]. Il est pris d'émotion et tire en l'air, dans la mairie, sans
savoir [289]. {La Fortune des Rougon.)
Lili. — Fille de Gaga. De son vrai prénom Amélie. A dix-
neuf ans, elle est vendue par sa mère, pour trente mille francs,
au vieux marquis de Chouard [406]. (Xana.)
Linguerlot (Le ménage). — Voisins des Lorilleux, rue de
la Goutle-d'Or [71]. {U Assommoir.)
Liotard (Veuve Henhi». — Maison de transports maritimes
pour l'Algérie, par l'Espagne et le Maroc. Adhère au syndicat
de la Compagnie générale des Paquebots réunis [179]. {UAr-
(jcnt.)
Lisa. — Jeune paysanne des Artaud. Toute petite, toute
noire, avec des yeux de flamme [28.3]. {La Faute de Vahbé
M OUI' et.)
Lisa. — Ouvrière fleuriste chez Titreville. Une grande fille
qu'on dit enceinte [462], (L* Assommoir.)
Lisa. — Femme de chambre des Campardon. Fille nerveuse,
plaie de poitrine, noiraude et coquette. Sa patronne la juge
ti'ès intelligente, très active, et lui attribue une conduite irré-
prochable [21]. Un seul jour de sortie par mois pour embrasser
sa vieille tante, qui demeure très loin. Miiis Lisa revient de ses
sorties presque morte, les reins cassés, les paupières bleues
133]. Son vice étant là, elle ne vole pas. Consciencieuse dans
e siTvice, elle accepte la tutelle de Gasparine, l'autre madame
Campardon ; elle garde une attitude respectueuse devant les
ignominies de ses maîtres, soulageant son besoin d'ordure dans
des colloques poissards avec les autres bonnes de la maison,
DES ROUGON-MACQUART 267
favorisant Tivro^nerie de la vieille Victoire et mettant sa jouis-
sance quoli(]i«*nne à corrompre Adèle, la fille des Campardon
[356]. {Pot-Bouille:)
Lise. — Une des bètes préférées de Désirée Mouret. C*est
une vache blanche et rousse donnée par l'oncle Pascal [335].
{La Faute de Vabbê Mouret,)
Lison (La). — Une mctchine d'express de la Compagnie de
rOuest, la machine du mécanicien Jacques Lantier. En dehors
du numéro i|ui la désigne, elle porte selon Tusage le nom d'une
gare du réseau ; le sien est Lison, une station' du Cotentin.
Mais Jacques, par tendresse, en a fait un nom de femme, la
Lison, comme il dit, avec une grâce caressante. Il Paimc parce
qu'elle est douce, obéissante, facile au démarrage, d'une
marche régulière et continue, grâce à sa bonne vaporisation.
D'autres machines, identiquement construites, montées avec le
même soin, ne montrent aucune de ses qualités. C'est que la
structure d'une machine n'est pas tout; il y a aussi l'âme, le
mystère de la fabrication, ce quelque chose que le martelage
ajoute au métal, que le tour de main de l'ouvrier donne aux
pièces : la personnalité de la machine, la vie. Jacques aime la
Lison en mâle reconnaissant, elle part et s'arrête vile, ainsi
qu'une cavale vigoureuse et docile; elle lui gagne des sous,
grâce aux primes de chauffage, car elle vaporise si bien qu'elle
fait de grosses économies de charbon ; le seul reproche qu'elle
mérite, c'est d'exiger beaucoup de graisse ; elle en a une faim
continue, il faut ça à son tempérament et Jacques se contente
de dire, avec son chauffeur Pecqueux, en manière de plaisan-
terie, qu'à l'exemple des belles femmes, elle a le besoin d'être
graissée trop souvent [lOi].
Lorsqu'il se met à aimer Séverine Roubaud, Jacques n'a plus
pour la Lison la même tendresse qu'autrefois ; il la rudoie, en
femme vieillie el moins forte, il a des sautes d'humeur, il
exige davantage, surtout quand Séverine est là, comme le jour
delà 'ç^rande tempête déneige, où le train s'est trouvé bloqué â
la Croix-de-Maufras. Depuis le trop grand effort qu'il a exigé
d'elle, la Li=oii est changée, déprimée, touchée quelque part
d'un coup nioriel ; c'est dans cette neige qu'elle doit avoir pris
va, un coup au cœur, un froid de mori, ainsi que ces femmes
jeunes, sr.li.itni'.Mil hàlies, qui s'en vont de la poitrine, pour
être ronlréc> un soir de bal, sous une pluie glacée [-37]. Elle
n'i.'sl plus la bien portante, la vaillante d'autrefois; sans doute,
iG8 LES PERSONNAGES
dans la réparation des pistons et des tiroirs a-l-elle perdu de
son Ame, ce mystérieux équilibre de vie, dû au hasard du mon-
tage ["287]. La Lison meurt dans une catastrophe; devant un
fiirdier arrêté en pleine voie, son mécanicien a voulu en vain
faire machine arrière, elle n'obéissait plus, elle.se cabrait sous
le frein. Brisée parle choc, elle est là, sur le dos, à rendre tout
le soufllc de sa poitrine, par ses poumons crevés [329]. Et ce
colosse broyé, avec son tronc fendu, ses membres épars, ses
organes meurtris, mis au plein jour, prend TadVeuse tristesse
d'un cadavre humain, énorme, et d'où la vie vient d'être arra-
chée, dans la douleur [336]. {La Bête humaine.)
Llorentz (Madame de), née La Rouquette. — Sœur du
député La fiouqiictte. Veuve d'un général d'origine espagnole
[S5]. Délie blonde un peu forte, yeux bleus. Elle est dame du
palais de rimpcralrice. A l'époque du mariage de Napoléon II î,
iM. de Marsy, amant de madame de Llorentz, lui a écrit, pour
l'égayer, des lettres pleines de détails piquants sur le couple
impérial. Extrêmement jalouse, elle a conservé ces missives et
les tient suspendues sur la tête de M. de Marsy, comme une
vengeance toujours prête [i88]. Clorinde, au courant des faits
et pressée de voir un changement de ministère, alfole la dame
qui, dans un coup de colère, livre à l'empereur les lettres
compromettantes [221]. {Son Excellence Eugène liougon.)
Logre. — Crieur à la marée. Cossu, face de travers, che-
veux ébouriffés, avec un grand tablier bleu à bavette; c'est le
meilleur crieur du marché. Il vendrait, dit Verlaque, des
semelles de bottes pour des soles [122]. Vient le soir chez
Leliigre, aux réunions Gavard, les mains lavées, proprement
mis, avec un grand cache-nez rouge, dont un bout pend sur sa
bosse comme le pan d'un manteau vénitien. Imite très bien
avec son nez la voix pâteuse de l'enipereur. Cause politique, la
mâchoire en avant, les mains jetant les mots dans le vide,
l'attitude ramassée et abovanie, de l'air furibond dont il met
une manne de poissons aux enchères [133]. Aflilié à la police
cl voyant dans Florent une proie facile, il se fait son lieutenant,
parle de tout Hanquer par terre, met sur pied une vaste conspi-
ration dont Florent sera le chef, endort ses méfl.mces contre
Lebi^^re [181], lui soutire de l'argent qu'il empoche avec
bonheur, organise enfin à lui seul tout le complot des Halles,
dont le niiiiislère a besoin pour sa politique.Misen ju^jemcnt pour
sauver les apparences, Logre est acquitte. [Le Ventre de Paris.)
DES BOUGON-MACQUART 269
liOiseau. — Vieux paysan sourd, oncle de Macqucron. Est
conseiller imniîcipal de liognes et ne vient jamais aux séances,
parce que, dit-il, ça lui casse Ja lète. Loiseau est à Pentière
dévotion du nmire Alexandre Hourdequin, son (ils travaillant à
la BorJerie [158]: {La Terre.)
Lonjuxneau. — I/un des chauffeurs de la bande du Ceau-
François [07]. {La Tene.)
liOret (Madame). — Habite le quartier des Halles. Made-
moiselle Saget prétend qu'elle fait donner une mauvaise édu-
cation à son iils [311]. {Le Ventre de Paris.)
Lorilleux. — Beau-frère de Coupeau et de madame Lerat.
Ouvrier chainiste travaillant en chambre. Habite avee sa femme
rue dn la Goulte-d'Or, au sixième étage. Petit de taille,
d'épaules grêles, il a de minces lèvres méchantes, une tête
aux clieveux rares, d*une pâleur jaune de vieille cire; à trente
et un aos, il a Pair d'un vieillard. Lorilleux, très vaniteux de
manipuler de Tor, passe pour gagner dix francs par jour et
tire lie là une véritable autorité [03]. Il se déclare vaguement
légitimiste, parce qu*il est né le môme jour que le comte de
Chainbord, le :29 septembre 18:20 [109]. Les Lorilleux, avares,
jaloux L't mauvaises langues, disent du mal de tout le monde,
se réjouissent égoîstementdu malheur des autres et ont Faction
la plus déplorable sur le ménage de Coupeau et de Gervaise.
iL Assommoir.)
Lorilleux (Madame Anna), née Coupeau. — Femme de
Lorilleux. Sœur de madame Lerat et de Coupeau. Elle a
trente ans à l'époque du mariage de son frère. C'est une petite
femme rousse, assez forte, paraissant plus que son âge, l'air
revéche, malpropre avec ses cheveux queue de vache roulés
sur sa camisole défaite [68]. Vexée du mariage de Coupeau,
qui lui t'i.lève le bénéfice du déjeuner quotidien de son frère,
elle est immédiatement hostile à Gervaise, qu'elle invente
d'appeler la Banban [92]. D'une jalousie aigre, elle est ravie
de racciLl'.Mil de Coupeau qui va dévorer les économies du jeune
ménage, comme plus tard elle applaudira à Tinconduiie de
Naria <)ui doit achever de déconsidérer les parents. Elle rem-
plit le <{u:iriier de ses potins venimeux, se réconcilie de temps
en temps avec Gervaise pour amasser de nouveaux griefs,
accepte d'étie la marraine de Nana en faisant souucr bien haut
sa mni^T^^ générosité et, dans la débandade de la famille,
t'6.
270 LES PERSONNAGES
continue à mener avec Loriileux une existence d*araignées
maigres, à dégoûter du travail [ilG]. Elle éprouve une grosse
jouissance d*égoïsme a voir la Baiiban mourant de faim dans
la soupente du père Bru. (L'Assommoir.)
Lorillon (Les). — Paysans de Rognes. Ont été soignés et
guéris par le rebouteur Sourdeau, qui, dit-on, leur a remis
le bréchet en les frottant à Teslomac avec un peigne d'écaillé
[io5]. (La Terre.)
Loubet. — Soldat au i06* de ligne (colonel de Vineuil).
Appartient à l'escouade du caporal Jean Macquart. Maigre et
vif, débrouillard, Tair farceur, ténor de Tescouade, c'est un
fricoteur qui ne vaut pas cher. Loubet est né dans les Halles,
rue de la Cossonnerie, c'est le fils de hasard d*une marchande
au petit tas, engagé c pour des sous >, comme il dit [2i]. Dans
le contre-coup de Frœschwiller, qui emporte de Mulhouse à
]»elfort ces soldats errants, vaincus et dispersés avant d'avoir
combattu, tombés dès le premier revers à une désespérance
complète, Loubet envie le richard dont il fait le service et qui
doit fumer de bonnes pipes, pendant que lui va se faire casser
la gueule [32]. Le l*"^ septembre, sur le plateau de Floirîg,
devant l'eiiiiemi, faisant allusion aux quinze cents francs qu'il
a touchés comme remplaçant militaire, il déclare que sa peau
vaut plus cher que ça et qu'il compte bien n'en donner que
pour l'argent [231]. Aussi, dès le début de l'action, a-t-il sour-
noisement lâché le champ de bataille, passant la journée avec
son camarade Chouteau, dans une auberge du Fond de Givonne.
Emmenés en captivité, quelques jours plus tard, tous deux
tentent de fuir, près de Mouzon. Loubet, très agile, va
s'échapper, lorsque Chouteau, sur le point d'être pris, se jette
entre ses jambes et le culbute, profitant de la bagarre pour
disparaître. Loubet est assommé par les Prussiens [^Ti]. {La
Dvlâclc.)
Louhette. — Vieux mercier de la rue Neuve -Saint- Au-
gustin [-20]. Père de madame Théophile Vabre. (Poi-Bouille.)
Louhette (Madame). — Femme du mercier. Sang acre, a
toujours eu des boutons plein la figure \^'b'\.{Poi'BomUe.)
Louhette (Valéhie). — Femme de Théophile Vabre. Mère
du petit Camille. Une névrosée qui a grandi dans la boutique
paternelle où, dès quatorze ans, elle étouffait déjà. Ses pre-
mières attaques d'hystérie datent de celte époque; on la soi-
^^^^ DES lIOL'CuN-MALUtjAHT ÏTl
fiiail pour dus élourdisscrnenls qui se (erminaieiii par des
sni^iiemculs de nez. Avant le mariage, Tliéopliile l'a vue tous
le: soirs, peiiJaiiI trois mois, 1res geolille, obéissnnic, le cnrac-
lère tritte ninis cli.trmaiitj elle était délicate, on àisail en
plaisantanl que le mariage la remcltrail. Mais elle est détenue
fantasque, eliangeanl d'humeur nngl fois en un jour et les
crises se sont multipliées. Méprisant son mari, dont l'impuis-
sance l'a poussée à chercher une grossesse au dehors pour
conserver ses droits d'hérilage, Valérie a maintenant dus ren-
dei-TOUS dans un garni loucbe du passage Saini-Roch ; elle s'y
rend d'ailleurs sans plaisir, n'obéissant qu'au besoin de sou-
lager son éternelle nérr lans le mé|iris et
lu lassitude de l'homme 'rnime mince et élé-
jnnle, aus veux ardents " spêe el un teint de
plomh. Elle iréprouve nu uc ,,.us, tant sa fumille la
loucLe P'-'U it tant l'amot nnuie L*u.i]. (Pol-Boaille.)
Louis. — Mailrp d'hoiel d'Irma Bécol, avenue de Villiers.
. l>igni!é hauiaiiie [?,:.b]. (L'Œuvre.)
Louis. — Cousin de Cabuche. Carrier comme lui, à
I:i!'<:ouil. Un pelit liomme liinju [45]. C'est lui qui conduit la
vuiiure de Citliuclie le soir de l'assassinai du président Grpnd-
uiorin. lia liclehumnine.)
Louis. — Servant d'iirlillerie. Appartient comme ]>'nnleur
â la pièce du maréchal des logis Honoré Foucliard. Ucst un
priil homme, noir et maigre, accouplé au conducteur Adolphe.
Plus instruit <|ue celui-ci, fort intelligent, il accepte la dépen-
dance où tout homme de cheval lient l'homme à pied, di'tsse
la (ente, va â la corvée, soigne la soupe, mais afiligé d'un
appêiil excessif, n'admet pas que l'aulre mange plus que sa
pari [9^]. Idi'ssé sur le plateau d'Illy, le jour de Sedan, il se
sert de son bras gauche pour le pointage, puis un écht d'obus
lui troue in gorge, et il tombe en travers de la flèche qu'il étail
en train de soulever [313]. Le même coup a tué Adolphe el
tous d-u\ meurent enlacés. [La Débâcle-)
Louis (La iiinE). — Marchande de vin à la Chapelle. Elle
Cil renommée pour ses pieds à la poulette [1336]. (L'Assom-
moir.)
Louise. — Actrice du l'alais-flojal. On compte l'avoir ù la
crén.aillere dt- .Nana [8G]. (.Yaiia.)
iT-2 LES PERSONNAGES
Louise. — Orpheline recueillie par J'Assislnnce publique.
A quinze ans, elle entre comme petite bonne chez madame
.lu/cur, qui prétend la former. Louise a le teint jaune et le
masque écrasé des filles qu'on oublie sous les portes [1-12] Les
exemples équivoques de sa maîtresse cl le contact malsain des
autres bonnes de la maison achèvent de corronïpre cette enfant
déjà vicieuse; elle finit par coucher avec le grand liippolyte et
est rendue par madame Juzeur aux Enfants- Assistés [i61].
(Pot'Bo^Ulc.)
Louiset (1). — V\U do Nana,'qni l'a en a seize ans. Laissé
chez sa nourrice, dans un village, aux environs de lîambouillet,
a été pris ensuite par sa tante, madame l-erat, qui l'élève aux
r»ati{,'nolles [II]. C'est un enfant aux yeux bleus, à la face
blanche cl scrofuleusc ['î05]. Lorsqu'il marche sur ses trois
ans, il a un eczéma sur la nuque, puis des dépôts se forment
dans ses oreilles, ce qui fait craindre une carie des os du crâne
[S'iO], quelque pourriture léguée par un père inconnu. Mieux
portant, emmené aux courses par sa mère, il regarde tout ce
monde, l'air très vieux, comme plein «îe réflexions tristes sur ce
qu'il voit [r>8:i]. Louiset meurt en j'jillet 1870 de la petite
vérole, qu'il cotnmuniqu»» à sa mère, revenue de lîussie [507],
{Xana.)
Louisette. — La (ille cadette de madame Misard (tante
Phasie). Une enfant mignonne, blanche et douce, qui s'est prise
d'afTcclion pour le bon géant Cabuche. Placée comme femme de
chambre chez madame Bonoehon, au château de Doinville, elle
a subi les honteuses violences du président Graiidmorin, et,
affolée, meurtrie, s*est sauvée pour aller mourir chez son ami
Cabuche, à qui elle a conté l'attentat dont elle vient d'être
victime [i6], (La Bête humaine.)
Loulou. — Chien recueilli par Pauline Quenu. Bête
bâtarde, mal venue, au poil mangé de gale. Toujours grognon,
d'une mélancolie de chien déshérité [-j^o]. En le donnant à
Pauline, on lui avait juré qu'il devien irait énorme et superbe.
Elle le garde par cette infinie bonté qui rayonnt^ délie. Triste
et affreux, Loulou, couché en boule sous une table, gronde dès
(I) Louis CoupPdu, dit Louiset, né en 1S6T, uteurt en ISTU, de la
jtelfte vcKjle. [Election >\c la mère. lieàsouiljLince physique de la
m« re]. (Arbre (jcnèalogique des Rougon-Macq.iarl.)
DES KOUGON-MACQL'AHT 273
Hu'oi! ]':'j»i«ro(Iie. Après avoir croqué du sucre, il montre les
troc?, dans un reJoubleinent de maussaderie. Il vil seul, en
êtra:i;:er dans la maison [i>55]. {La Joie de vitre.)
Lulu. — Le grilTon de Nana. Fait des parties dans le lit
avec le pdii Louisvi [lOS]. {Nana.)
Li2signan. — ''Ihival de J'êcurie Vandeuvres, par Lanib et
Prin'.ess. l'n bai très foncé, d'une forme irréprochable [109].
A gairné en avril 1»? prix Des Cars et la Grande Poule des Pro-
duil>. Enga^'é dans le Grand Prix de Paris, nionlc par Gresliara,
i! e>i giand favori [X*S3]. {Nana.)
M
Macqaart(l). — Fils d'un ouvrier tanneur qui lui a
laissé une masure de Tirapasse Saint-Mitlre, dans un faubourg
u» l'iassans. Grand, terriblement barbu, il a une face maigre
où Ton ne distingue que le luisant des yeux bruns. Contreban-
dier doublé d*un braconnier, il disparait pendant des semaines,
puis revient, les mains dans ses poches, menant alors une
existence d'ivrogne, buvant avec un entêtement farouche. On
no parle de lui qu'en disant : c Ce gueux de Macquart > [49].
Eu 178S, il devient l'amant d'Adélaïde Fouque, veuve de
Piougon depuis un an, et dont la propriété conGne à Taire
Sainl-.Millre. Deux enfants surviennent, Antoine en 1789,
Li'>ule en 1791; Macquart continue sa périlleuse existence
jusqu'en 1810, époque où, introduisant en France toute une
cargaison de montres de Genève, il est tué à la frontière par
le coup de feu d*un douanier. On J'enterre dans le cimetière
d'un petit village des montagnes [61]. {La Fortune des
Bougon.)
Macqnart !Antoine) (2). — Fils d'Adélaïde Fouque et du
contrebandier Macquart. Mari de Joséphine Gavaudan. Père de
Lisa, Gervaise et Jt*an Macquart. Né à Plassans en 1780, il est
fl) Macquart, licscquilibré et ivrog)}e, contrebandier, amant d'Adé»
laide Fouque. (Arbre géncalogique des Rougon-Macquart.)
{'!) Antoine Macquart, né en 178U; soldat en 1809; se marie^ en
18-20, avec Juscpliine Gavaudan, marchande à la Halle, vigoureuse,
tiaiailleuse, tnais intempérante; en a trois enfants ; la perd en 1851 ;
hneurt en 1873, alcoolique, de combustion spontanée. [Mélange
fusion, rrédomiiiancc murale cl ressemblance phvsique du père].
Soldat, puis vunnter, puis rentier et fainéant. {Arbre généalogique
dns! Rniimni- Macnuart.\
2TC LES PERSONN.VCtS
élevé en toute liberté, dans l'enclos Fouque, entre son frère
Pierre Rougron et sa sœur Ursule, et grandit franchement dans
le sens de ses instincts [53]. A seize ans, c'est un grand galo-
pin ayant les traits de son père, mais adoucis, devenus fuyants
et mobiles; d'Adélaïde, il n*a que les lèvres cliarnues. Au mo-
ral aussi, le père domine, avec son amour du vagabondage, sa
tendance à l'ivrognerie, ses emportements de brûle, compli-
qués, sous rinduence nerveuse de la mère, d'une sournoiserie
pleine d'hypocrisie et de lâcheté. En 1809, Antoine tombe au
sort et, dupé par Pierre qui a manœuvré pour empêcher son
remplacenrienl [59], il devient soldat.
Pientré à Plassans en 1815, après la chute de Napoléon, il
rapporte tous ses vices naturels, développés par la vie militaire.
Paresseux et ivrogne, devenu le pire des «garnements [136],
ruiné par Pierre qui s'est emparé du patrimoine maternel, il
est décidé à ne jamais travailler, se livre à des chantages
contre son frère, tire de lui quelques subsides [i 13]. s'installe
dans une chambre du vieux quartier, apprend à fabriquer la
vannerie, exerce mollement ce métier en s'approvisionnant
la nuit dans les oseraies de la Viorne, ce qui lui vaut quelques
jours de prison [Uô] et se répand en imprécations contre les
riches, par haine des Rougon ; il commence dès lors à se
poser dans la ville en républicain farouche [140].
En 18i9, Antoine épouse une vendeuse de la halle, José-
phine Gavaudan, robuste et courageuse commère qui habite
un logement rue Civadière et chez qui il s'installe le soir même
de ses noces, s'arrangeant aussitôt une existence d'oisiveté
absolue [1 18], exploitant cyniquement le travail de sa femme,
jmis celui de ses enfants, Gervaise et Jean. Il vit dans un
égoïsme féroce, passe sa vie au café, s'habille chez un bon
tailleur de Plassans, se vante hautement de ses escapades
amoureuses, pille la maison et festoie au dehors quand le
bullet est vide [i5i].
Fiongé d'envie et de haine, terriblement bavard, étrange
théoricien qui voit dans la république un moyen d'emplir ses
poches, il réunit facilement autour de lui un petit groupe
d'ouvriers (jui prennent naïvement ses fureurs jalouses pour
des iniignations honnêtes et convaincues [155]. £n 181S, il
croit que Plassans va lui appartenir, il rêve de terribles repré-*
sailles contre les liougon, rangés du côté de la réaction, animés
d'ailleurs autant que lui d'une rage d'appétits brutaux [157].
Clierclianl un allié dans la famille, il a circonvenu son neveu
l»ES lîOrCON-MACgUARr «77
Silvcre Mouret, jeune démocrate idéaliste, l'a exaspère contre
ronde Pierre en exploilioil la tendresse du brave enfant pour
son aïeule Adélaïde Fouqus [176], n'est pas parvenu à Tassocier
à ses projets de venpreance personnelle, mais Ta exalté au point
de le jeter, tout vibrant, dans une sanglante écbauiïourée.
Au moment du Deux-Décembre, Macquart est aux abois. La
mort de sa femme, lu départ de Gervaise et de Jean Tont réduit
à une profonde misère, sa fureur contre les ricbes est au pa-
roxysme. L'abstention des libéraux honorables a fait de lui un
des agents les plus en vue de l'insurrection, il se voit tenant
les Rougon a la gorge, commence par penjuisilionner en vain
chez eux [182] t-t s*enipare de la mairie où il se laissera bientôt
prendre par son frère ennemi; puis, lorsque le coup d*if.tat
iriompbe, il ne songe plus qu'à sauver sa peau et à vendre les
camarades. Làcliemcnt, il maquignonne avec sa belle-sœur
^clicité un guet-apens [335] où, moyennant salaire, il mènera
à la mort les ouvriers répulj icains qui ont cru en lui. Le crime
accompli, Macquint reçoit le prix du sang et quitte la France
pour quelque temps avec promesse d'un bon emploi [366]. {La
Fortune des Rony on.)
Après un court exil dans le Piémont, il est rentré en France,
grùce à Pierre Rougon qui, depuis le forfait perpétré ensemble,
ne peut rien lui refuser. 11 mène alors une existence de bour-
geois gras et rente, buvant de bonnes bouteilles, cachant sous
son attitude ironique des menaces de chantage qui obligent
son frère a l'entretenir, comme l'entretenaient jadis sa femme
et ses enfants. Il a renoncé à la place promise et vit aux
Tulettes, k trois lieues de Plassans; les Rougon lui ont acheté
un petit domaine [50], à deux pas de l'Asile où Càt enfermée
tante Dide, placée ainsi sous sa surveillance.
Toujours ricanant, il suit les manœuvres de Pierre et de
Féiicilé, devenus les maîtres de la ville; il garde sournoise-
ment contre eux une haine de loup, multipliant ses exigences
quand il sent une nouvelle intrigue à exploiter. Abouché avec
Tablié Fenil (jui rêve une vengeance contre Faujas, irrité
d'autre part contre Pierre qui fait la sourde oreille à un
nouvel appel de fonds ['lôS\. il làclie le fou François Mouret
contre les con<|ucranis de Plassans. M.iis, quand la maison
de la rue Dahinde est en ûammes, Macquart a la rancœur
d'apprendre qu'en supprimant Faujas, loin de nuire aux Rougon,
il a lait leur jou [iOIJ. (La Conquête de Plassans.)
o-
2-Ô LES PtnSONNACES
II vil longtemps, à l'aise dans une terrible légenie de
fainéant et de bandit. Avec les Rougon, il reste corrert, d'une
diplomatie finaude, n'ayant gardé que son rire goguenard,
e\»;cré d'ailleurs de Félicité, à cause du linge sale d'autrefois.
A quatre-vingt-f|uatre ans, l'oncle Macquarl est encore aux
Tulettes. en vieil ivrogne, saturé de boisson et que Talcool
semble conserver. Sa face est comme bouillie et ûambée, d'un
rouge ardent de brasier; il boit de tels coups d'eau -de-vie
qu'il en reste plein, la cbair baignée, imbibée ainsi qu'une
éponge. L'alcool suinte de sa peau [09], et, un beau jour de
juillet, le vieillard, fumant sa pipe, s'allume lui-même comme
un feu de la Saint-Jean et se perd en fumée, ius-ju'au dernier
05 '233]. Cette combustion spontanée, à laquelle F» licite assiste
silencieuse [:228], a tout détruit cl ne laisse rien û enterrer; la
faiiiille se contente de faire dire des messes pour le repos de
l'âme du mort [235]. Quand on ouvre le testament, on
cou:»tate que Macquart a disposé de tout ce qu'il pouvait
di?traire de sa petite fortune, pour se faire élever un tombeau
superbe, en marbre, avec deux anges monumentaux, les ailes
rei'lices, t-l qui pleureront [236]. {Le Docteur Pascal.)
Macquart (Mad.\me). — Voir Gavaudan (Joséphine).
Macquart (Gervaise) (1). — Seconde fille d'Aidoine
Mac({uart et de Josépbine Gavaudan. Sœur de Lisa et de Jean.
Mcre de Claude, Jacques, Etienne Lantier et d'Anna Coupeau.
.Nte à Plassans en 1828, conçue dans l'ivresse, Gervaise a la
cuisse droite déviée et amaigrie, reproduction liérédilaire des
brutal ilês palernelles. Cliélive, toute pâle, elle esi mise au
régime de l'anisette par sa mère, qui adore celte liqueur.
Iltvenue grande fille, elle est restée chélive, flneîie, avec une
dclicieuse tèle de poupée, une petite face ronde et blême d'une
e.\jui>e ticlicatesse. Son infirmité est presque uwe ^-^ràce, sa
taille llécliil doucement à chaque pas, dans une sorte de balan-
ceinenl c Jencé [150], Dès huit ans, elle gagnait dix sous par
jour en cassant des amandes chez un négociant voisin; entrée
l) Gcri lise Manquarty née en 182S ; a trois gnrçou^ d'un ananlj
Larder, d nt l ascendance compte des piir>thjti.jue.s, qii V'.nvuène à
Pd is et / 7 ahanlonne ; époti^e, en 18."»2. itn ouvrier. Coup'^iu, de
fatuillc aJc'jolifpte, dont elle a une fille; tneurt de misère et d'ivrO'
gic^rie, en I8G9. |£leclion du i»ère, conçue dans rivrcs>c. Doitcuse.]
JJl:ncltiss':iise. (Arbre généalogique des Hougon-Mucqn'i't.'
DES ROUCON-MACQUAUT 279
' ensuite en apprentissage chez une blanchisseuse, elle reçoit
comme ouvrière deux francs par jour; tout son argent passe
dans la poche de son père, qui godaille au dehors. A quatorze
ans, Gcrvaise a de son amant, l'ouvrier tanneur Lantier, un
premier (ils, Claude, puis deux autres, qui sont recueillis par
leur grand*mère paternelle, sans que Macquart consente à
faire une démarche qui réglerait la situation et le priverait du
salaire de sa fiile. Celle-ci vit ainsi, exploitée par son père,
engrossée par son amant, s'hahituant à boire avec sa mère des
verres de liqueur qui la soûlent à petites doses. Au début
de 1851, madame Lantier et Joséphine .Macquarl ôlant mortes,
Lantier relire Gcrvaise des mains de son père et l'emmène à
Paris avec deux des enfants. {La Fortune des Rovgon.)
Au bout de deux mois et demi, Lantier a mangé le petit
hôrilage maternel, il abandonne Gervaise et les enfants dans
une misérable chambre «i • l'hôtel Boncœur, boulevard de la
Chapelle. Jetée ainsi sur \^. pavé de Paris, Gervaise est entrée
comme ouvrière chez madame Fauconnier, blanchisseuse, rue .
Neuve de la Goulte-d'Or. A vingt-deux ans, elle est grande, un |
|)eu mince, avec des traits fins, déjà tirés par les rudesses de ■
sa vie [U]. Elle utT ijoil plurHe^liqùêurs comme ù Plassans,
"STairrrailli en mourir un jour, ce qui Ta dégoûtée des alcools.
Son seul défiut est d être très sensible, d'aimer tout le monde,
de se passionner pour des personnes qui lui font ensuite mille
misères. Elle ressemble à sa mère par sa rage de s'attacher
^ aux gens.
Son idéal est modeste : travailler, manger du pain, avoir un
\ trou à soi, élever ses enfants, mourir dans son lit [50]. Mais
\ elle n'a pas de volonté, se laissant aller où on la pousse, par
^crainte de causer de la peine à quelqu'un [57]. C'est ainsi que,
/sept semaines après le départ de Lantier, elle consent à épou-
; ser Coupeau, malgré des peurs irraisonnées, de noirs pressen-
^ timents,rhoslilité évidente des Lorilleux devant qui le zingueur
est si petit garçon.
Mariée, Gervaise travaille avec l'anlent désir de satisfaire
son idéal. Elle fait des journées de douze heures chez madame
Fauconnier, le ménage se met dans ses meubles et s'installe
rue Neuve de la GouUe-d'Or, sur le palier des Goujet. La
petite Anna vient au monde dès la première année, Claude est
parti au collè;re, les autres enfants poussent, on a pu écono-
n)i<er six cents francs en quatre années laboiieuscs, Gervaise
-J8'i LES PERSONNAGES
va s'établir, lorsque Coupcau se casse une jambe en travaillant
et reste étendu,puis en convalescence, pendant quatre mois. Les
économies sont mangées, Coupeau a perdu le goût du travail
et commence une exister.'*e d'ivrogne qui le mènera peu a peu
au 'lélire alcoolique.
Tiervais^s établie dans une boutique de la niciison des Loril-
leux, grâce à un prêt de cinq cents francs du forgeron Goujet,
qui Paimc comme une sainte Vierge [191], s'est remise brave-
ineul à la besogne, éprouvant des joies d'enfant devant son
jrévvjvjili^^mais elle s*attriste de Tinconduite de Coupeau, ne
voulant pourlant pas qu'on la plaigne, excusant son mari, le
dé.sliabillant maternellement lorsqu'il rentre ivre. Celte exis-
tence Taveulit, elle cède à tous les petits abandons de son eni-
lionpoint naissant [:2:21]; Toisivetc et les désordres de riiomme
commencent à porter leur fruit, la gène arrive. D'abord, Gervaise
avait rendu vingt francs par mois aux Goujet, elle ne donne plus
d'argent et même contracte de nouveaux empruiits, elle fait
des billets. Laiitier a reparu, ramené par la grande Virginie
qui, fessée autrefois en plein lavoir, a gardé contre la blan-
chisseuse une sourde rancune.
Et c'est alors la lente déchéance de Gervaise qui désespère
•i'cire jamais heureuse, placée entre un mari indigne qui main-
tenant la dégoûte et un ancien amant (|ui veut la reprendre.
Elle a essaye un instant de se réfugier dans le pur amour de
Goujet, mais sans force pour résister à Laiilier, elle Qnit par
succomber, presque sous les yeux de la petite Anna. Et le
qurirlicr sait l'histoire, grâce aux racontars de maman Coupeau.
Gervaise a perdu tout respect d'elle-même, elle vil tranquil-
lement au milieu de l'indignation publique [35:^], ses paresses
1 amollissent, elle passe dans le lit de Lanlicr chaque fois que
Coupeau r^iiire ivre ou qu'il ronfle trop fort, elle se désin-
lér'.s>e du travail, les pratiques s'en vont une à une, elle
iioii renvoyer sa dernière ouvrière et ne garder que l'ap-
prt'i.iie Augustine, la saleté pénètre dans la boutique, les
itttes croissent, tout va au Mont-dc-Piélé de la rue Polonceau.
Après une courte révolte, Gervaise finit toujours par Irouversa
po.-^ition naturelle [1560], elle n'a de colère contre personne,
>aul peut-t'tre contre madame Lorilleux qui l'a ridiculisée
ïOUî le nom Je la Danban et dont elle se venge en l'appelant
'Ju<'ue-de-Vache. A bout de ressources, elle se décide à céder
-a l)oulique à la grande Virginie, qui va enfin pouvoir l'écraser.
Kl alors, c'est l'enfer dans une petite chambre du sixième.
DES r.OUGON-MACQUAKT 281
Gervaisc s*csl mise à boire; acceptée comnie ouvrière par
son ancienne patronne, elle gùtc tellement rouvrnge qu'on la
classe au rang de simple laveuse. Lors de la fuite de Nana, elle
reste grise pendant trois jours; devenue énorme, elle lave une
fois par semaine le parquet chez Virginie, dont les rapports
avec Lantier la laissent indifférente. On ne veut plus d'elle nulle
part; elle dort sur la paille et en arrive à chercher sa vie
dans les tas d'ordures. Enfin, après la mort de Coupeau à
Sainte-Anne, Gervaise succombe à son tour; elle meurt de
misère et va être emportée par Cazouge, le vieux croque-mort
dont elle avait si peur autrefois. (L'Assommoir.)
Sa sœur, la charcutière Lisa Quenu, n*est jamais venue a son
aide; elle n'aimait pas les gens malheureux et avait honte
de Gervaise unie à un ouvrier [96]. (Le VcîUre de Paris.)
Son fils Etienne lui envoyait de temps à autre une pièce de
cent sous, lorsqu'il était machineur à Lille [iH]. (GerminaL)
Macquart (Jean) (I). — Troisième enfant d'Antoine
31acquart et de Joséphine Gavaudan. Frère de l.isa et de Ger-
vaise. Né à IMnssans en 1831, c'est un fort gaillard, tenant de
sa mère, sans avoir sa ressemblance physique. Visage aux
traits réguliers, avec la froideur grasse d'une nature sérieuse
et peu intelligente. Gi.;ndit avec la volonté tenace de se faire
un jour une position indépendante [150]. Il apprend le métier
de menuisier et, dès les premières payes, est dépouillé par son
père qui le traite en jeune lille et ne lui laisse pas un cen-
time [\k)'X\. Quand on s'assomme dans le ménage, Jean se lève
pour bé|»arer son père et sa mère [155]. Lorsque celte dernière
meurt, le jeune homme, las d'être exploité, quitte la maison
[179]. {La Fortune des Hou go h.)
Tombé au sort, il a été sept ans soldat et, en 1859, s'é?nnl
b.'iltu à SolTerino et n'ayant gardé de cette journée que le sou-
1) Jean Macquart, ut en 18)1 ; épouse, en 1867, Françoise Mouche t
qu'il perd en 1870, sans en avoir eu d'enfants; se reniariey en 1871,
avec Mélanir l'/rt/, paysanne forte et unine^ dont il a un garçon et
qui est fjmsse de nouveau. [Imiéité. Combinaison où se confondent
les caraclcios pliy-iques ci moraux des parents, ^ans <jne rien d'eux
semble se retrouver dans le nouvel être]. Patjsant soldat, jfuis
pinjsan. Vit encore à Valqueijras. i Arbre fjénéaloijiquc dvs Piougon-
Macquart.)
28-2 LES PERSONNAGES
venir d'une pluie diluvienne tombée pendant Tactton [71], il
est revenu d'Italie avec son congé. Un camarade, libéré comme
lui, l'a emmené à Bazoches-le-Doyen ; il a d'abord repris son
niélier, mais les années de service l'avaient rouillé, dévoyé,
dégoûté de la scie et du rabot, avaient fait de lui un autre
boiniiie, avec des babitudes de flânerie et un grand besoin de
repos. Installé a la Borderie pour des réparations, il y reste
comme valet de ferme, finissant par mordre à la culture,
satisfaisant ainsi le tempérament de bœuf de labour qu'il tient
de sa mère [91],
A vingt-neuf ans, c'est un gros garçon cbâtain, aui* cbeveux
ras, à la face pleine et régulière, annonçant un mâle solide: on
l'appelle Caporal, en souvenir de son métier de soldat. 11 n'est
pas s»}ulfment aux prises avec la terre dure qui fait payer
cbaquc grain de blé d'une goutte de sueur, il lutte surtout
avec le peuple des campagnes, que l'àpre désir, la longue et
rude conquête du sol brûle du besoin sans cesse irrité de la
possession. Les paysans exècrent Jean, d'abord parce qu'il a
été un ouvrier, travaillant le bois au lieu de cultiver la terre,
ensuite parce qu'il s'est mis à la charrue et qu'il vient manger
le pain dés autres dans un pays qui n'est pas le sien. Il a fait
connaissance à Rognes des sœurs Mouche, Lise et Françoise, il
épouse celle-ci malgré les fureurs de Buteau et croit avoir fixé
sa vie en ce coin delà Beauce.Mais jusqu'au bout, Jean reste un
étraUçT'^r, même pour sa femme qui ne l'aime guère et qui,
assassinée par les siens, leur laisse tout, ne voulant pas qu'une
motte de terre sorte de la famille et aille à l'intrus.
L'heure de la guerre va sonner. Dégoûté de la vie, n'ayant
plus de courage à travailler la vieille terre de France, Jean
saura du moins la défendre; il se rengage pour aller cogner
sur les Prussiens [501]. (La Terre.)
11 a été incorporé au 106* de ligne (colonel de Vineuil) et,
sachant tout juste lire et écrire, n'ambitionnant même pas le
grade de sergent, il fera la campagne avec les galons de capo-
ral. G; os garçon sérieux, à la figure pleine et régulière, à la
cervelle épaisse et lente, il reste caltne et têtu, solide en son
espoir, devant la défaite. Les horreurs de Sedan n'ébranlent
pas son optimisme : on n'est pas tous morts, après tout, il en
reste, et ceux-là suffiront bien à rebâtir la maison, s'ils sont
de ]»ons bougres, travaillant dur, ne buvant pas ce qu'ils
gagnent: lorsqu'on prend de la peine, on parvient toujours à
DES nOUGO.N-MACQUART i83
se tirer d*a(Taire, au milieu des pires malciiances; même, il
n'est pas mauvais, parfois, de recevoir une bonne giOn^ça fait
réfléchir et s'il y a quelque part de la pourriture, des membres
gâtés, mieux vaut les voir par terre, abattus d*uQ coup de
hache, que d'eu crever comme d'un choléra [o92].
Jean a deviné en Maurice Levasseur une inimitié, une répu-
gnance de classe et d'éducation, il voudrait échapper à ce
mépris hostile [!20]. H gagne Maurice peu à peu, lui donnant
d'abord une rude leçon de courage moral [33], puis le soute-
nant de sou exemple, le soignant avec une douceur d'homme
expérimenté dont les gros doigts savent être délicats à Tocca-
sion. Le tutoiement arrive, bientôt [100]. Jean s'attendrit
devant la souflrance physique de Maurice, i se prive de man-
^?.r pour lui et, plus tard, de même qu'il lui a sauvé la vie
pendant la marciie vers Sedan, Maurice le sauvera sur le champ
ilc bataille. Tuis, dans la presqu'île d'Iges, où plane la mort,
Jean paye sa dtUie au centuple; c'est le don entier de sa per-
sonne, l'oubli total de lui-même pour l'amour de l'autre [4io].
Évadé d ; la colonne de prisonniers, blessé dans la fuite,
encore une fois sauvé par Maurice et réfugié à Remilly,où
H«'nrietle Wciss le soigne, Jean rêve un moment une femme
comme elle, si tendre, si douce, si active; il se voit confusé-
ment remarié en ce pays, propriétaire d'un champ qui suffit à
nourrir un ménage de braves gens sans ambition [511]. Mais
comme il faut aller jusqu'au bout du désastre, la guerre civile
va anéantir ce rêve.
Les cœurs de Jean et de Maurice s'étaient fondus l'un dans
l'autre, pendant quelques semaines d'héroïque vie commune.. \u-
jourd'hui, Maurice est plein de la démence qui emporte Paris, un
mal venu de loin, des. ferments mauvais du dernier règne; Jean,
lui, est resté fort de son bon sens et de son ignorance, sain
encore d'avoir poussé à part, dans la terre du travail et de
l'épargne. Un arrachement sépare brusquement les deux
hommes [580]. Kl l'abomination s'accomplit. Maurice, le fils
détraqué de la bourgeoisie, m» url sur une barricade, des mains
de Jean choisi par l'inexorable destin pour accomplir l'holo-
causte, pour aljaltre ce membre gâté, dont l'aniputatiou est
devenue nécessaire. L'heureuse vie que Jean avait entrevue
s'en va avec le flot de sang qui emporte le frère d'Henriette.
Désormais, l'œuvre de destruction est aclu'vce, Jean se remet
en marche, retournant à la terre qui l'attend, à la grande et rude
besogne de toute une France à refaire [(joG]. (La Débâcle.)
i îti LES l'EUSONNACES
!
I Licencié après la semaine sanglante, Jean est venu se fixer
près de Plassans, a Valqueyras, où il a eu la chance d*épouser
une forte fille, Mêlanie Viai, unique enfant d*un paysan aisé,
dont il fait valoir la terre [129]. Calme et raisonnable, tou-
jours à sa charrue, il crée rapidement toute une petite famille,
un enfant d'abord, puis deux aulres en trois années, toute une
nichée qui pousse gaillardement au soleil [385]. (Le Docteur
Pascal.)
Macquart (Madame Jean). — Voir Mocche (FnANçoisE).
Macquart (Madame Jean). — Voir Vial (Mêlanie).
Macquart (Lisa) (1). — La fille aînée dWntoine Macquart
el de Joséphine Gavaudun. Sœur de Gervaise et de Jean. Femme
de Quenu. Elle est née à Piassans en 1827, uu an après le
mariage de ses parents ; c'est une grosse et belle enfant, très
sanguine, qui ressemble beaucoup à sa mère, sera comme elle
vaillante à la besogne, mais n*aura pas son dévouement de
b(Me de somme; elle tient de son père un besoin de bien-cire
très arrêté. .\ se[)t ans, Lisa a été prise en amitié par la direc-
trice des postes; celle-ci en fait une petite bonne et, devenue
veuve, l'emmène î\ Paris [U9]. (La Fortune dis Roitgon,)
En 1851, c'est une belle fille bien portante, d'humeur égale,
un peu sérieuse, ce qui donne un grand charme à ses rares
sourires. Elle vivait rue Cuvier chez sa prolectrice qui la
traitait comme sa propre enfant, lorsque cette dame a été em-
portée par un asthme, laissant une dizaine de mille francs à
Lisa. La jeune fille entre comme demoiselle de boutique chez
le charcutier Gradelle, rue Pirouette, et fait très vite la
conquête de la maison. Lorsque, un an après, Gradelle a été em-
porté par une attaque soudaine, Lisa trouve tout naturellement
un mari dans le neveu Ouenu, faible d'esprit mais acharné
travailleur, qu'elle a dominé du premier coup en sachant
découvrir le magot de l'oncle, enfoui au fond d'un saloir [59].
Bientôt ils abandonnent la médiocre boutique pour fonder une
ning^nifique charcuterie o\i la belle Lisa trône comme une des
(U Lha Macquarly née en 1827; éjwuse^ en 1852, Quenu, sain et
jKiH'icré. dont elle a une fille dans l'année ; meurt stx mois avant
S"n mari, en 18G3, d'une décomposition du sawj. [Élection «te la
imr.'. liesscinblance physique île la mèrf]. CUarcuiiere, grande
hrail-que dur Halles. {Arhre généalogique dt'S liougon-Macquart.)
DES KOUGON-MACyUAnT 285
reines du quartier; avec son mari et sa fille Pauline, elle
forme une trinilé grasse, suant la santé, luisante et superbe.
Lorsque Florent revient, maigre et mourant de faim, Lisa est
dans la maturité de la trentaine; c*est une belle femme, point
trop grosse pourtant, forte de la gorge; ses cbeveux lissés,
collés et comme vernis lui descendent en petits bandeaux
plats sur les tempes. Elle a un grand air d*bonnétetc.
C'est une Macquart rangée, raisonnable, logique avec ses
besoins de bi( n-élre, ayant compris que la meilleure façon de
s'eodormir dans une tiédeur beureuse est encore de se faire
soi-même un lit de béatitude [Ô6]. Elle est d*un égoisme tran-
quille et béat, écartant toutes les causes possibles de trouble,
laissant couler tes journées au milieu de cet air gras, de cette
prospérité alourdie [61], L'arrivée de son beau-frère lui a laissé
tout son calme; comme les mauvaises pensées la dérangeraient
trop, elle parle aussitôt de partager la succession Gradelle et,
pour ramener à renoncer à cet acte désintéressé, il faut toute
la résistance de Florent.
Mais celui-ci, installé cbez son frère, promenant dans la
boutique sa lassitude et sa tristesse, impatiente bientôt la
belle madame Quenu, pleine de mépris pour les gens qui se
croisent les bras. Habituée à tout régenter, Lisa sait vaincre
les répugnances du républicain pour un emploi olficiel; elle
ne lui a, du reste, aucune reconnaissance de cette faiblesse
[113]. Sa froideur de femme grasse et arrivée, son instinctive
méliance pour ce maigre inquiétant, se transforment bientôt
en une bostilité active. Lisa ne pardonne pas à Florent son
amitié pour la belle Normande, brouillée à mort avec elle; ce
doux rêveur sera écrasé par la formidable rivalité des deux
femmes. (Juand il entraîne son frère chez Lebigre, aux réunions
Gavard, Lisa, émue par les racontars de la Saget, commence
son œuvre de liéfense; tout en faisant grand étalage de patience
et en se ^'ardant de dire du mal de Florent, elle ramène Quenu
aux saines idées politiques et le pousse peu à peu vers le désir
d'une rupluie avec ce frère qui trouble la digestion des hon-
nêtes gens. Apres un conciliabule avec l'abbé Roustan [!251],
révolutionnée par la découverte d'écbarpes rouges préparées
pour le grand jour, indignée devant sa propre tranquillité
compromise à jamais, elle se décide brusijuemeut à dénoncer
le conspirateur en rupture de ban [olN].
Florent arrêté, c'est la quiéluile qui revient, une réconcilia-
tion pubiiijue se produit entre Lisa et la belle Normande, les
2^6 LES PERSONNAGES
Quenu s^embrassent, énormes, débordants, déjà convalescents
de ce malaise d*une année où leur tranquille bonheur trem-
blait et coulait comme une graisse mal figée. Et, pendant que
sou maigre beau-frère retourne à Cayenne, la belle Lisa
montre un grand calme repu, une tranquillité énorme que rien
ne doit plus venir troubler. (Le Ventre de Paris.)
Elle meurt à Paris, en 18G3, d'une décomposition du
sang [55]. (La Joie de vivre.)
Macquart (Ursule) (1). — Fille d*AdclaîdeFouque et de
Macquart. Mère de François, Hélène et Silvère Mourel. Née à
Plassans en 1791, des amours illégitimes d*Adélaîde Fouquc et
de Macquart [50], elle est élevée dans Tenclos Fouque avec ses
frères Pierre Kougon et Antoine, qui la battent avec une égale
rudesse. C'est une pauvre petite créature chétive et pâle, chez
qui les ressemblances des parents sont comme fondues, avec
une empreinte plus profonde du tempérament de sa mère.
Elle est fantasque, montrant par moments des sauvageries,
des tristesses, des emportements de paria; puis, le plus sou-
vent, elle rit par éclats nerveux, elle rêve avec mollesse, en
femme folle du cœur et de la tête. Ses veux sont d'une trans-
ttr
paience de cristal [56]. A dix-neuf ans, elle épouse Mouret,
.heureuse de fuir une maison où son frère atné lui rend la vie
intolérable. Les époux vont se fixer à Marseille [60]; Ursule
reste chétive [Ul], peu à peu consumée par une phtisie
lente, résultat des névroses maternelles, et elle meurt en 1840,
laissant trois enfants [160]. (La Fortune des Hougon.)
Macqueron. — Épicier-cabaretier à Rognes. Conseiller
iTiurjieipal et adjoint au maire. Grosse face moustachue. A
gagr.ê des rentes en spéculant sur les petits vins de Montigny
et est tombé à la paresse, chassant, péchant, faisant le bour-
geois. Flcste très sale, vêtu de loques, pendant que sa fille
p jFte des corsages de velours. Macqueron fermerait volontiers
Lou'cii{u-% car il devient vaniteux, avec de souilles ambitions,
mais il laisse sa femme tenir le cabaret pour ennuyer son
ennemi, le buraliste Lèngaigne, qui vend aussi à boire [55].
1 Ur'.uîe Macquart, née en 119i ; épouse y en 1810, un ouvrier
r.ip.lier. Mouretf bien portant et pondéré; en a trois enfants;
h.cuit pi iisiquc en ISiO. jMélange soudure. Prédominance morale
e*. rc5?c::ibljnce piiysiquc de la mère]. (Arbre généalogique des
I\ u y/n-Macquart.)
DES UOUGO.N-MACQUART ?87
Zélé bonapartiste, se mettant en avant pour lu réparation de
la cure, devenant Tarent du candidat officiel Rochefontaine, il
parvient à renverser le maire Alexandre llourdequin et épren-
dre sa succession [373]. Mais ce triomphe est sans lendemain,
grâce à une dénonciation de Lengaigne qui révèle aux rats-
de-cave une grosse fraude du nouveau maire et oblige celui-ci
à donner sa démission [i5l]. {La Terre.)
Macqueron (Madame Cœlina). — Femme de Tépicier.
Sèche, nerveuse et insolente, voix aigre [5i]. Elle est d'une
:\preié féroce au lucre [55]. {La Terre,)
Macqueron (Dertiie). — Fille des Macqueron, C'est une
jolie brune, avec des yeux clairs aux légers cercles bleuâtres.
A été élevée on demoiselle à la pension de Cloyes et joue du
piano. Très co<] nette, elle porte des corsages de velours et va
aux champs y^n robe ù volants [l^S]. Le voisinage l'accuse
d'avoir des plaisirs solitaires, appris au pensionnat, et les gar-
çons s'amusent à lui ullribuer une particularité physiologique
secrète qui Ta fait surnommer N'tiu-a-pas [130]. Berthe tolère
les prévenances du maître d'école Lequeu, qu'elle exècre, flattée
pourtant de cette cour du seul homme qui ait de l'instruction
[34G]. Elle n'a de penchant que pour le fils d'un charron, que
son père lui a défendu de voir, à cause d'une haine de famille.
Tombée plus tard à une maigreur jaune, déjà ridée, de teint
llélri, elle se compromet tellement avec son amoureux qu'on est
obligé de les marier [451]. [La Terre)
Madeleine. — Blonde fillette de dix ans, recueillie à
l'Œuvre du Travail. Elle a des yeux savants déjà, un air de fem-
me, la chair bàtive et malade des faubourgs parisiens. Vivait
avec sa mère, une rouleuse adonnée à la boisson et chan-
S:eantconstan)mcnt d'homme; les amants de la mère battaient
la fillette quand ris n'essayaient pas de la violer [172]. La fem-
me miséralile a gardé dans son abjection un ardent amour ma-
ternel, c'est elle-même qui a supplié qu'on lui enlevât sa fille et
elle ensei;:iie à celle-ci une prière pour le bon monsieur Saccard,
grâce à qui rinuuceuce a trouvé un refuge, k treize ans, Made-
leine devient orpheline, sa mère étant morte un soir de soûlerie
d'un coup de pied dans le ventre, ([u'un homme lui a allongé
>our ne pa> lui donner les six sous dont ils étaient convenus
i-20]. {L'Avocnt,)
Madeline (Adcc). — Nommé à Rognes, lorsque cette com-
mune s'est décidée ù avoir un curé ù elle. Agé de trente ans,
ScsS LES PERSONNAGES
tout lon^, loiit mince, avec une figure de carôine qui n*en finit
|i]u5. Tairbien doux, Tabbé arrive du Puy-de-Dôme. Ses grands
veux gris clairs de montagnard, habitués aux horizons étroits
îles gorges de l'Auvergne, ont une mélancolie dés*?spérée de-
vant l'iuimensité plate et grise de la Beance[3l9]. Les femmes,
l'ayant senti faible, en abusent pour le tyranniser dans les cho-
ses du culte [38^]. £t navré de rindifférence de ses nouveaux
paroissiens, bouleversé par l'irréligion de ce pays, Tabbé s'é-
tiole, son cœur est noyé de tristesse, il s'évanouit en disant
sa liicsse. Au bout de deux ans et demi, on se décide à le rem-
port-.r, mourant, dans ses montagnes [456]. {La Terre.)
Madinier. — Patron d'un atelier de cartonnages, rue de la
Gouite-d'Or, dans la maison des Lorilieux. Ceux-ci prétendent
qu'i! mange tout, laissant ses enfants le derrière nu [71]. Au
mariage de Coupeau, .Madinier est l'un des témoins [HO], il se
donne une importance de patron et emmène la noce au musée du
Louvre, où il prétend expliquer les tableaux [96]. {LWssom-
Vioir.)
Maffre. — Juge de paix à Plassans. Tout blanc, face épaisse
avec de gros yeux à fleur de tète, très dévot, chanoine hono-
raire de Saint-Saturnin. On l'accuse d'avoir tué sa femme par
sa dircté et son avarice [-13]. Il traite ses grands Gis A;nbroise
et Alphonse avec brutalité, les enfermant au pain et à l'eau
pour punir la moindre incartade. MalTre fréquente chez Rastoil
et se rallie l'un des premiers à l'abbé Faujas, qui se servira de
lui pour lancer l'idée du Cercle de la Jeunesse [171]. {La Con-
que te de Plassans,)
Maffre (Alphonse). — Second fils du juge de paix de Plassans.
Dix-:iuil ans. Très tenus par leur père, les fils Maflre s'amusent
en cachette avec Guillaume Porquier, leur ami, qui les entraî-
ne d.i:is des maisons suspectes [167]. (La Contacte de Plassans,)
Maffre (A.mdroise). — Premier fils du juge de piix de Plas-
sans. Vingt ans [167]. {La Conquête de Plassans.)
Maginot. — Inspecteur des forêts, à Méziéres [7]. II a épousé
Gillj'.rie de Vineuil, qui aime le plaisir. C'est un mari commode :
sa liullilé laisse la jeune femme sans remords. 11 meurt après
de Cjurles années de mariage ['IQ'2]. {La Débâcle.)
Maginot (M.\dame). — Voir Vineuil (Giluerte bi). '
Maheu (Alzire) — Quatrième enfant de Toussaint .Maheu
DES ROUGON-MACQUART 289
et de la Maheude. Elle a neuf ans. C'est une petite bossue toute
chétive, aux yeux intelligents, une ménagère précoce qui
fait le ménage, entretient le feu, balaye, range la salle, uo
ôtre de dévouement et de sacrifice, qui ment déjà avec héroïsme
pour laisser son pain aux autres. C'est la meilleure aide de
sa mère, elle a des ruses tendres pour calmer les rages de sa
petite sœur Estelle [93]. Àlzire meurt de froid et de faim, pen-
dant la grève de Montsou [416]. (Germinal,)
Maheu (Catherine). — Deuxième enfant de Toussaint Ma-
heu et de la Maheude. Hercheuse au Voreux. Fluette pour ses
quinze ans, elle est rousse, elle a un visage blôme, déjà gâté
par les continuels lavages au savon noir, une bouche un peu
grande, avec des donts superbes dans la pâleur chlorolique des
gencives, de grosses lèvres d'uo rose pâle, de grands yeux
d'une limpidité verdùtre d*eau de source [7^]. Ses bras délicats
sont d*unc blancheur de lait, et ses pieds, habitués à courir
dans la mine, sont bleuis, comme tatoués de charbon. Dans sa
culotte de mineur, sa veste de toile et le béguin qui enserre
son chignon, elle a Pair d'un petit homme, rien ne lui reste de
son sexe qu'un dandinement léger des hanches [16]. Les pro-
miscuités d*; la famille lui ont tout appris de l'homme et de la
femme, mais elle est vierge de corps, et vierge enfant, retardée
dans la maturité de son sexe par le milieu de mauvais air et de
fatigue où elle vit [50]. Ses idées héréditaires de subordination
et d'obéissance passive lui donnent une allure résignée et
douce.
Elle trouve Etienne Lantier joli, avec son visage fm et ses
moustaches noires, mais c'est Chaval qui la prend, sans qu'elle
ait la volonté de résister; elle subit le mâle avant l'âge, avec
cette soumission innée qui, dès l'enfance, culbute en plein
vent les filles de sa race [li5].Et désormais, elle obéit à Chaval,
elle supporte ses coups; maintenant qu'elle a ce galant, elle
aime encore mieux ne pas en cfianger [207]. Pourtant,
c'est une triste vie, Chaval n'a été bon pour elle qu'une seule
fois, à la fosse Jean-Bart, le jour où elle allait mourir, asphy-
xiée par l'air mort du fond de la mine [348]. Hors ce court ins-
tant, elle n'a connu que sa jalousie brutale, ses colères mau-
vaises, son égoïsme de mâle qui se laisse nourrir par le gain
de la femme; mais Chaval est son homme et, au jour de la ba-
garre, elle le défend, pardonnant les coups, oubliant la vie de
misère, soulevée par l'idée qu'elle lui appartient, puisqu'il l'a
£.♦0 LES PERSONNAGES
prise et que c'est une^hontc pour elle, quand il sul)it des vio-
1'/ lices [381]. Sou cœur va quand môtue vers Etienne, elle le
sauve lies gendarmes [41-i], elle le sauve au/si du couteau de
Chiival [458J, et cependant il faut que ce deruier la chasse, la
j<^tto grelottante dans la rue, pour qu'elle se décide à partir, li*
Lirêc du premier amant. Et c'est le lendemain, dans la secousse
gj labominablo collision où son père a trouvé ia mort, qu'elle
devient femme; le Oot de la puberté crève enfin, elle pourra
niaiutenaiit faire des enfants que les gendarmes égorgeront
[^0\\ Etienne la possède femme le premier, mais leurs tristes
noces s*accomplissent au fosd de la mine inondée,, dans le
désespoir de tout, dans la mort et, jusqu'au bout, la pitoyable
Catherine est hantée par Taffreuse image de Cliaval [57o].
{GcnniuaL)
Maheu (Estelle). — Septième enfant de Toussaint Maheu
et «le la Malieude. Elle a trois mois. Ses interminables rages
bouleversent la maison* [18]. (Germinal.)
Maheu (Guillaume). — Bisaïeul de Toussaint Maheu.
Étarit un gamin de quinze ans,, il a trouvé le charbon gras à
Fléquillarl, la première fosse de la Compagnie de Montsou. La
velue découverte par lui a gardé le nom de veine Guillaume.
Cet ancêtre a été le grand-père de Bonnemorl, qui ne Ta pas
connu. Il était gros, très fort et est mort de vieillesse à
soixante ans [10]. (Germinal.)
Maheu (Henri). — Sixième enfant de Toussaint Maheu et
de la Maheude. Quatre ans. Tète trop grosse et comme soufOée,
éi>ourilféede cheveux jaunes. On le couche avec sa sœur Lénore
[14]. (GertninaL)
Maheu (Jeanlin). — Troisième enfant de Toussaint Maheu
et Je la Maiieude. Onze ans. On l'emploie au Vorcux comme
gnlibot. il gagne vingt sous par jour. 11 est petit, il a les mem*
h: es prèles, avec des articulations énormes, grossies par les
scrofule?, un masque de singe blafard et crépu, avec des yeu.v
verts et de grandes oreilles. Dans sa précocité malaJive, il
se.ilile avoir l'intelligence obscure et la viveaJressed*uti avor-
te:, humain qui retourne à Tanimalité d'origine [-10]. Depuis
loL.j-leinps, il exploite Béberl Levaque et Lydie Pierron; avec
celle-ci) il essaye, dans les coins noirs, Tamour que tous deux
er.tenJcnl et voient chez leurs parents, derrière les cloisons,
pa^ les feiUes des portes ; ils savent tout, mais ils ne peuvent
DES nOrriON-MACQUART 201
guère, trop jeunes, lûtonnanl, jou<nnl pendant des heures ides
jeux d<; petits chiens vicieux; Jeanlin appelle ça c faire papa et
maman * [138].
Enseveli sous un éhouicment dans la mine, il conserve ses
jambes, niais on les recolle si mal qu'il reste boiteux de la
droite et de la gauche, filant d*un train de rnnard, courant
aussi fort qu\iutnfois, avec son adresse de béte malfaisante et
voleuse [208]. Un besoin croissant de maraude le lance avec
Débert et l.ydic sur les chemins, il est le capitaine de ces expé-
ditions, jetant sa troupe sur toutes les proies, ravageant les
champs d'oignons, pillant les vergers, altaipiant les étalages;
dans le pays, on attribue ces méfaits aux mineurs en grève, on
parle d'une vaste bande organisée [301]. Et pendant que les
deux autres trend)lent sous son autorité, Jcanlin garde tout le
butin et le transporte dans une caverne de Uéquillard, où il fait
bonibancc tout seul [300], Cet être malfaisant martyrise pour le
plaisir la grosse Pologne, une lapine familière qui vit en liberté
chez les Uassencur [310]. Toute une sourde végétation du crime
se développe en son crâne de béte inconsciente: des discours
violents entendus dans la forêt, des cris de dévastation et de
mort hurlés au travers des fosses, il n'a retenu qu'un invincible
désir, celui dVgorger un soldat, un de ces cochons de soldats
qui embêtent les charbonniers chez eux; et il assassine le petit
breton Jules, qui était en faction nocturne sur le territoire du
Voreux; il lui a sauté sur les épaules, d'un bond énorme de
chat sauvage, s'y est agrippé de ses grill'eset lui a enfoncé dans
la gorge son couteau grand ouvert [165]. (GerminaL)
Maheu (LÉxoni:). — Cinquième enfant do Toussaint Mahcu
et de la Muheudc. Six ans. La même tête que son jeune frère
Henri. Ces enfants ne s'entendent guère, ils ne se prennent
gentiment au cou que lorsqu'ils dorment. Dès son lever, la (ille
tombe sur le garçon, son cadet de deux années, qui reçoit les
gifles Siius les rendr- [U3]. (GerminaL)
Maheu (^'lCol-A^). — Grand-père de Toussaint Maheu. On
l'appelait le llouge. C'est le fils du Maheu qui a découvert la
veine Guillaume à Kéquillart. A peine âgé de quarante ans, il
est resté dans un êboulenienl du Voreux, que l'on fonçait en ce
tenips-lù: un aplalissenienl coni[)let, le sang bu cl les os avalés
[»ar !es roches [10]. {Germinal.)
Maheu ( I^'Ussaint). — Fils du vieux lîonnemort. Mari de
la Malieude. l'ère de Zacliarie, Catherine, Jeanlin, Aizire,
£0i LES PEIISONNAGES
Lénore, Henri et Estelle. Il est liaveur à la fosse du Voreux et
liabiie le coron des Deux cent quarante, au numéro 16 du deu-
jiième corps. Tous les enfants logent dans la même chambre,
séparée par une porte vitrée du palier où couchent les parents.
Pelit comme son père, Maheu lui ressemble en gras, la tète
forte, la face plate et livide, sous ses cheveux jaunes coupés
très courts [18]. A quarante-deux ans, il a la peau blanche,
d*uae blancheur de fille anémique, où les éraflures, lescntailles
du cliarbon, laissent des tatouages, des c greffes >; il s*en mon-
tre ûer, il étale ses gros bras, sa poitrine large, d*un luisant de
marbre veiné de bleu [129]. Les salaires sont tellement bas
qu*on doit vivre à dix avec neuf francs par jour, et ce maigre
gain est disputé rudement dans Tétouff'einent des ténèbres, dans
les crampes des attitudes forcées, dans l'eau qui ruisselle, dans
l'air qu'empoisonnent la fumée des lampes, la pestilence des
haleines, l'asphyxie du grisou [53], et avec cela, il faut subir
l'obsession des mouchards, il faut mesurer ses paroles, comme
si la houille des actionnaires, encore dans la veine, avait des
oreilles [55].
Maheu est un bon ouvrier, il ne boit pas, il adore ses petits
et fait gentiment la dînette avec eux [162]. C'est le meilleur tra-
vailleur de la fosse, le plus aimé, le plus respecté, celui qu'on
cite pour son bon sens. Aussi a-t-il été désigné pour présenter
à 1(1 direction les réclamations de ses camarades ; elles prendront,
dans sa bouche, un poids décisif [2 iO]. Depuis longtemps,
Etienne Lantier Ta endoctriné; Maheu commence à se demander
pourquoi Ton vit parqués, les uns contre les autres, comme des
bétes, si entassés qu'on ne peut changer de chemise sans
montrer son derrière au voisin, pourquoi on est condamné à
un travail qui était la punition des galériens autrefois, un tra-
vail de vraies brutes, qui ne vous donne même pas de viande
à manger [185] ; c'est en sa cervelle une lente germination,
l'aspiration vers une société plus humaine, et ce sentiment lui
donne le courage de parler au directeur Hennebeau. Il dit les
choses amassées au fond de sa poitrine, leur misère à tous, le
travail dur, la femme et les petits criant la faim à la maison,
il cite les dernières payes désastreuses, les quinzaines déri-
soires mangées par les amendes et les chômages, rapportées
aux familles en larmes. Mais Hennebeau n'est qu'un simple agent
déxécution, derrière lui il y a une Régie sourde et muette, les
mi.ieurs sont acculés à la grève. Crever pour crever, ils pré-
fèrent crever à ne rien faire; ce sera la fatigue de moins [244].
DES ROUGON-MACQUART 293
El c*est alors la triste grève deMontsou, qui, après de
longues semaines de famine, de froid, de sourdes révoltes, va
être noyée dans le sang. Maheu s'est vu rendre son livret [i21],
la Compagnie ne veut plus de lui, elle a fait venir des Borains
pour remplacer les grévistes [443] et comme ceux-ci s'enra-
gent devant les fosses occupées militairement, des briques sont
jetées aux soldats et ceux-ci répondent par une décharge qui
étend devant le Voreux triomphant vingt-cinq blessés et qua-
torze morts, dont deux enfants et trois femmes. Toussaint
iMaheu est frappé en plein cœur [488]. (Germinal.)
Maheu (Vinxent). — Voir Bonnemort.
Maheu (Zacharie). —Fils atné de Toussa i.i et de la Ma-
heude. Vingt et un ans. Maigre, dégingandé, il a la (igure longue,
salie de quelques rares poils de barbe, avec les cheveux jaunes
et la pâleur anémique de toute la famille [16]. il est haveur et
travaille à la même taille que son père, mais il se moque de
la besogne, aime le plaisir et fréquente avec son ami iMouquel
le café-concert du Volcan [136]. Zacharie a fait deux enfants à
Philoniène Levaque, on finit par le marier «ivec elle [181]. La
grève ne l'intéresse guère, il fait de longues parties de crosse
avec .Mou(|net [310]. Mais soudain, lorsque sa sœur Catherine
est ensevelie dans le Voreux, une violente révolution s'opère en
lui , il est au premier rang de Téquipe des recherches ; avant tous
les autres, il entend le rappel des mineurs, battu au loin partes
emmurés; il s'acharne à Tabatage, volant le tour de ses cama-
rades, refusant de lâcher la rivelaine; c'est une hâte fébrile,
un besoin farouche, un enragement victorieux devant la houille
qui résiste. Le neuvième jour, dans sa précipitation, il commet
l'imprudence d'ouvrir sa lampe et une soudaine explosion de
grisou le réduit en un charbon noir, calciné, méconnaissable
[oifi]. {Genninaî.)
Maheude (La). — Femme de Toussaint Maheu. Déjà dé-
formée à trente-neuf ans, elle a une figure longue, aux grands
traits, d'une beauté lourde [19]. Elle est descendue aux mines
jusqu'à vingt ans, le médecin a dit qu'elle y resterait, lorsqu'elle
a accouché la seconde fois, parce que ça lui dérangeait (juelque
chose dans les os [102]. C'est à ce moment qu'elle s'est mariée
et <iès lors elle est restée au coron; cinq autres enfants sont
venus. Dans ce milieu, la misère héréditaire fait de chaijue
petit un gagne-pain pour plus tard, un fils ne doit se marier que
iorsau'il a rendu à ses narenis l'arfrcnt qu'il leur a coulé. Aussi
2;a LES PEliSONNAGES
la Malieude consenl-elle avec peine au mariage de son aîné
Zacliorie [I7G];de mOme Galherine devenue la moilresse de
(Ihaval la désole, car c'est encore une brèche aux maigres res-
sourcos de la maison. Elle a un grand bon sens dans les ques-
tions de travail, «.die calme son" homme exaspéré par les
exigences d»is chefs, elle déclare qu'on n'a rien à fiagner à se
buter contre la Compagnie [130].
Puurlaiil réternelle misère la révolte et, si elle a d'abord
rt'îusè d'enlendre Etienne Lantier et son rêve d'une huma-
nité meilleure, le charme agit lentement sur son esprit, elle
entre dans le monde merveilleux de l'espoir, Tidée de justice
la passionne [189]. Son esprit de bonne ménagère l'a d'instinct
rendue hostile à la grève, mais le malheur s'acharne trop, les
aînés sont partis, Jeanlin a été estropié dans un éboulemen*,
le vieux Donnemort est perclus de rhumatismes, il faut vivre
à sept sur les trois francs du père ; raisonnablement, l'heure
semble venue d'obtenir justice [256], Plus tard, l'excès du mal-
heur fera d'elle la plus acharnée à ne pas se rendre, elle ne
voudra pas avoir pour rien crevé pendant deux mois, vendu
son ménage', vu AIzire mourir de faim et ses autres enfants
mendier sur les roules. Longtemps elle est restée modérée,
à présent c'fst elle qui excite Maheu à jeter des briques aux
soldats et, Uiéme lorsqu'elle le voit tué par une balle, même
brisée dans cette terrible chute du haut de Tidéal, elle
s'exaspère encore contre ceux qui parlent de retourner à la
fosse [40S].
11 faut d'autres malheurs, Zacharie calciné par le grisou,
Catherine ensevelie dans le Voreux, pour que la mère tragique
retrouve son ancien calme de femme raisonnable. On lui fait
alurs l'exception charitable de l'admettre à quarante ans aux
travaux de la mine, on lui donne trente sous par jour pour
louriicr une roue pendant dix heures, sous l'enfer du Tartaret,
au fond d'un boyau ardent. El comme il faut nourrir les petits,
MJie vit là. les reins cassés, la chair cuite par quarante degrés
de L'h.ileiir. uniquement soutenue par le sourd travail qui s'est
fait tn file, la cerîitudc que l'injustice ne peut durer davantage,
e'i qiij s'il n'y a plus de bon Dieu, il en repoussera un autre.
pour venger les misérables [58o]. {Gcnnt'naL)
Lïahoudeau. — Un sculpteur ami Je Claude Lantier et
de S:i:ii' z. lils d'un tailleur de pierres de l'iassans. il a rcm-
pcilê là-bas de grands succès aux concours du Musée; }«uis, il
DtS liOUCON-MACQUART 295
est venu n Piiris comme lauréat de la ville, avec une pension
annuelle de huit cents francs pour quatre années. Â Paris, il a
vécu dépaysé, sans défense, ratant l'École des Beaux-Arts, man-
geant sa pension à ne rien faire ; si bien que, les quatre ans
linis, il s'est vu forcé, pour vivre, de se mettre aux jrafres d'un
marchand de bons dieux, où il a gratté dix heures par jour des
Suint-Joseph, des Saint-Boch, des Madeleine, tout le calendrier
des paroisses.
11 est petit, maigre, la figure osseuse, déjà creusée de rides
à vingl-sept ans; ses cheveux de crin noir s*cnihroussaillent
sur un front très bas; et dans ce masque jaune, dune laideur
féroce, s'ouvrcnl des yeux d'enfant, clairs et vides, qui sourient
avec une puérilité charmante. L'ambition Ta repri<, lorsqu'il a
retrouvé les camarades de Provence, connus autrefois chez
tata Giraud, des gaillards dont il était Tainé et qui sont aujour-
d'hui de farouches révolutionnaires. Dans cette fréquentation
d'artistes passionnés, c|ui lui troublent la cervelle avec rem-
portement de leurs théories, son ambition tourne au gigan-
tesque [70]. En sculpture, il pose pour la force, il s'ignore et
méprise la grâce invincible qui repousse quand même de ses
gros doiirls d'ouvrier s;ms éducation. La lutte entre ses ten-
dances naturelles et l'inlluence de Claude produit une œuvre
débordante et colossale, Bacchante d'abord, puis Vendan-
geuse, avec une surabondance de cuisses et de gorge, et des
attaches de membres Hues et jolies.
Mahoudoau a installé son atelier rue du Cherche-Midi, à
quelques pus du boulevard Montparnasse, dans la boutique
d'une fruitière tombée en faillite; il couche là, en compagnie
de son camarade Chaîne, partageant avec lui les bonnes grâces de
l'herborisle voisine, Mathilde Jabouille. Ce sont des années de
dure misère, les bons dieux Iraversenlunc crise, riierborisle-
rie périrlile, Mahoudeau en est réduit à faire des bustes de
bourgeois, notamment celui d'un avocat, à la figure longue,
allongée eneore par des favoris, monstrueuse de prétention et
d'infinie bêtise. On n'a pas toujours du pain, les deux artistes
se brouillent un soir que Mahoudeau, le ventre vide, a surpris
Chaîne mangeant un pot de confitures avec Matliiid»' ; la raiH
cuno persiste, sans une délente, sans une explicalioii ; ils
réduisent les rapports strictement nécessaires à de cou ries
phrases, charbonnées !e long des murs, et Mahoudeau se loue
de ctflle conihitiaison. il trouve que. (juand on crève de laini,
ce n'est pas désagréable de ne jamais s'adresser la parole, on
-29'} LES PERSONNAGE^
s'abrutit dans le silence, c'est un empâtement qui calme un peu
les maux d*estomac [323].
Après la rupture définitive avec Cliaine et Tenvolement de
Mathilde, le sculpteur, expulsé de sa boutique, s'installe dans
un petit atelier de la rue des Tilleuls ; il vit seul, dans un
redoublement de misère, mangeant lorsqu'il a dos ornements
de façade à gratter ou quelque figure d'un confrère plus heu-
reux à mettre au point ; la Vendangeuse, exposée jadis au
Salon, trop grande pour l'atelier, se pourrit dehors, pareille à
un tas de gravats déchargés d'un tombereau, rongée, laroen-
tal)le [-293].
Et Malioudeuu limite peu à peu son rêve. Depuis longtemps,
il a l'idée d'une Baigneuse debout, tAtant l'eau de son pied ; la
maquette contenait déjà des concessions, un épanouissement
du joli sous l'exagération persistante des formes, une envie
naturelle de plaire, sans trop lâcher encore le parti-pris du
colossal [:2â:2] ; lorsqu'il réalise Toeuvre, c'est une Baigneuse
toute de charme, à la gorge enfantine, aux cuisses allongées; la
nature vraie du sculpteur perce sous le dégonflement de l'am-
i)ition. Puis un malheur sur\ient : faute d'argent, Mahoudeau a
fait une armature avec des manches à balai ; sous faction du
dégel, la terre rompt le bois trop faible, et la statue s'écroule
comme une femme qui se jette, écrasant presque l'artiste, qui
sanglote devant ce cadavre mutilé [298]. Plus tard, gagnant
quelque argent, grâce à un fabricant de bronzes d art qui lui
fait retoucher ses modèles, il finit par exposer sa Baigneuse,
mais rapetissée encore, «i peine grande comme une ûlletle de
dix ans, et d'une élégance charmante, les cuisses fines, la
gorge toute petite, une hésitation exquise de bouton naissant
[ilO]. Et la vie devient meilleure, son fabricant lance de lui
des statuettes charmantes, que l'on commpnce à voir sur les
ciieminées et les consoles bourgeoises [440]. Mais la longue
misère de Mahoudeau l'a aigri, il donne avec Gagnière des
coups de dent aux amis d'autrefois et accuse formellement
Claude de l'avoir paralysé et exploité [449], comme si lui seul
n'avait pas gâté son propre talent, en prétendant le hausser à
un idéal supérieur. (LOEiivre,)
Maigrat. — Le principal débitant de Montsou. Ancien sur-
veillant du Voreux, il avait débuté par une étroite cantine ;
puis, grâce à la protection des chefs, son commerce s'est
élargi, tuant peu à peu le détail. Il centralise les marchan-
DKS ROUGON-MACQUART ti)l
dises, la clientèle considérable des corons lui permet de vendre
moins cher et de faire des crédits plus grands. D*ailleiirs, il est
resté dans la main de la Compagnie, qui lui a hâti sa petite
maison et son magasin, séparés par un simple mur de Thôtel
du directeur Hennebeau. Maigrat possède là un entrepôt, un
long bâtiment qui s'ouvre sur la route, en une boutique sans
devanture ; il y tient de tout, de l'épicerie, de la charcu-
terie, de la fruiterie, y vend du pain, de la bière, des casse-
roles.
Gros, froid et poli, autoritaire et rapacc, il accorde difficile-
ment une prolongation de crédit, mais comme il a du goût
pour les hercheuses, un mineur qui veut Pattendrir n*a qu'à
lui envoyer sa femme ou sa fille, laides ou belles, pour\ii
qu'elles soient complaisantes [98]. Pendant la grève, il a mis
les femmes en fureur par sa grossièreté et son enlêtcnient à
refuser toute fourniture sans argent comptant; s'il affame l'ou-
vrier, c'est pour répondre au désir des chefs, pressés d'en finir,
mais il a ainsi attiré sur sa maison bondée de vivres la colère
des ventres creux et c'est là, devant la porte close, que
s'acbarnent les grévistes en criant : cDu pain ! Il y a du pain
l.i-dedans! Foutons la baraque à Maigrat par terre!» L'assiégé
pourrait fuir, il revient, au contraire, car en lui lavarice est
plus forte que la lâcheté ; il veut défendre son bien et va
gagner son magasin par le toit, lorsque, tremblant de peur, il
glisse le long des tuiles et vient s'écraser le crâne à l'angle
d'une borne.
Alors, les femmes, prises de l'ivresse du sang, entourent le
cadavre encore cbaud, elles l'insultent avec des rires, hurlant à
la face du mort la longue rancune de leur vie sans pain ; la
Maheude lui emplit la bouche de deux poignées de terre, il ne
mangera plus autre chose maintenant; la Drùlé le coupe
comme un matou, vengeant toutes celles qui ont souffert de sa
bestialité. Et Tabominable trophée, le paquet de chair velue
et sanglante, est plante nu bout d'un bâton et promené dans
Monlsou, ainsi qu'un drapeau [iio]. {Germinal.)
Maigrat (Madame). — Femme du débitant. Créature clié-
tive, battue, trahie à chaque heure et qui passe les journées
sur un registre, sans même oser lever la lélc [90]. Lo jour de
l'énieute, debout derrière sa fenêtre, elle a vu toute la scène,
les grévistes envahissant Montsou, se ruant sur sa maison,
Maigrat tombant du toit et mutilé par les femmes. Elle ne
LES PBI180Î(.NACES
bouge pas, mais les défauts brouillés des vitres déforment sa
face J)Innche, qui semble rire [415]. {Gevminfil,)
Malgras (Le ?tnz). — Marchand de tableaux. Un gros
horniDc, enveloppé dans une vieille redingote verte, très sale,
qui lui donne I*air d'un cocher de fiacre mal tenu, avec ses
ch veux blancs coupés en brosse et sa face rouge, plaquée de
violet ; carrément planté sur ses fortes jambes, il examine les
tableaux, de ses yeux tachés de sang. Le père Malgras, sous
iV'[*ai5se couche de sa crasse, est un bonhomme très fin, qui a
le ^'oùl et le flair de la bonne peinture; Claude Lanticr rrçoil
souvent sa visite; jamais il ne s*égare chez les barbouilleurs
ni»riiocres, il va droit, par instinct, aux artistes personnels,
encore contestés, dont son nez flamboyant d'ivrogne sent de
loin le grand avenir. Avec cela, il a le marchandage féroce, il
-e montre d'une ruse de sauvage pour acheter à bas prix la
toi.'e qu'il convoite. Ensuite, il se contente d'un bénéfice de
hr:.vc homme, vingt pour cent, trente pour cent au plus, ayant
hiiié son aflaire snr le renouvellement rapide de son petit capi-
tal, n'achftant jamais le malin sans savoir auquel de ses ama-
teurs il vendra le soir, mentant d'ailleurs superbement [61].
F lein de ressources, il commande aux peintres besoigneux
des natures mortes et fournit le modèle, gigot, barbue ou
iiOî.arJ, qu'il leur laisse pour la peine [6'»]; il prêle une cou-
sia-i de sa femme, quand on veut bien lui en faire une acadé-
in\^ [IkH]. Les millions peu solides de Naudet, le marchand à
'.a Liod^, lui inspirent le plus profond dédain et il se retire, en
hoî.me prudent, avec une très modeste fortune, une rente
'l'ur.e Jiz.'iinc de mille francs, qu'il s'est décidé à manger dans
un«- petite maison de Bois-Colombes [278]. (L'Œuvre.),
Iilalignon. — Ami des Deberle. Grand jeune homme mis
i:Û5 corrertement, fort riche, au courant de tout. On l'appelle
ie L;au Malignon. C'est un connaisseur qui trouve de loin en
iou. une page bien écrite dans Balzac et estime que le réalisme
ù'''p:;ide rarl[^l]. Jugeant amusant de devenir amoureux de
hili !le Deber e, il esquisse avec elle une aventure dans Toisi-
V'iv estivale de ïrouville et, revenu à Paris, obtient de cette
j !\i:.2 éuervelée un rendez-vous dans un petit appartement qu'il
;. meublé irune façon ridicule. L'adultère n'aboutit point, g. àce
à 1 intervention inattendue d'Hélène riramljtan. Malignon,
r.s: : ami îles Deberle, trouve un mari pour Pauline Leteilier,
s^^ur do Juliette. (U?ie Page dWmonr.)
DES ROUGON-MACQUART â99
Maliverne (Rose). — Femme du père Fouan. Elle a tr.!-
vaille* plus qu'un homme, levée avant les autres, Ciisant la
soupe, balayant, récurant, les reins cassés par mille soins, les
vnclies, lo cochon, le pétrin, toujours couchée la dernière, et sa
seule récompense est d*avoir vécu [79]. Stupîde, réduite à un
rôle de béte docile et laborieuse, elle a toujours tremblé
devant Tautorité despotique de son mari. Elle a élevé ses
enfants sans tendresse, dans une froideur de ménagère qui
reproche aux peliii de trop manger de ce qu'elle épargne ; sa
préférence a été pour Tainé, Jésus-Christ ; ce chenapan u*a
rieu d'elle ni de son mari et pourtant il sera jusqu'au bout le
chéri de son cœur [133]. Devenue vieille, Rose semble être
restée grasse, le ventre gros d*un commencement d'hydropisîe,
le visage couleur d*avoino, troué d'yeux ronds, d*unc bouche
ronde, qu'une inriuilé de rides serrent ainsi que des bourses
d'avare [17j. Elle survivra peu à la démission de biens du
père Fouan. Ses faiblesses pour Jésus-iGhrist excitent la. fureur
de son autre ûls, Buteau, qui la traite de vieille coquine, la
jette violemment à terre et casse cette pauvre tête grise, usée
et lasse. La niùrc Fouan meurt après trente-six heures d'ago-
nie [-213], (Fm Terre.)
Malivoire. — Loueur de voitures a Arromanchcs. H a
i entreprise de l'omnibus dWrromanches à Uaycux [2]. {La
Joie de vivre.)
Maloir (Madame). — Dame âgée, Tair respectable, ayant
des manières. Elle sert de vieille amie et de secrétaire à Nana,
lui tient société, l'accompagne et écrit pour elle des lettres
pleines de cœur. Madame Maloir reçoit les secrets^ des.autnes
sttns jamais rien lâcher sur elle-même. Ou dit qu'elle vit d'une
pension mystérieuse, dans une chambre où personne ne
pénètre ; le certain est qu'elle n'a jamais sur elle que les six
sous d'un omnibus [.55]. Sa manie est de refaire Ions ses cha-
peaux; seule, elle sait ce qui lui va, et elle transforme eu cas-
quette la plus éh-ganle coilfure [i6]. {Nana.)
Manguelin (.Madame). — Protégée de madame Deberle.
Allure di>crùie el ellacée. Vient en visite pour remercier
madame Deberle d'un service ['^l]. (Une Page d* Amour.)
Manoury. — Facteur aux Halles. Patron du crieur Logre
eldj la tabletticre Géraeuce [139]. {Le Ventre de Paris.)
] ue iruiis en gros aux naiies ^idj. {i,e
Ventre de Paris.)
Mardienne frères. — Fabricanis d'ornements d'église, me
Sainl-Sulgiice. Mademoiselle >lenu a traraillé dans leurs aie-
liers [163]. {Pot-BoailU.)
Maréchal. — Bookmaker vêreui, ancien cocher du comte
de Vandeuvres. Énorme, les épaules d'un bœur, la face haute
en couleur. Il a lenlé la forluue aux courses avec des Tonds
d'originç louche el le comle le charge de ses paris secrets, le
irailant toujours en domestique dont on ne se cache pas [403].
P.nr suite d'une fausse manœuvre, Maréchal est nettoyé de
cent mille francs sur la pouliche Sana; ruiné, sentant tout
crouler sous ses pas, il tait publiquement une scène affreuse,
rnrontnnt l'histoire avec des mois atroces, entraînant par ce
scandale la disigualificalion du comte de Vandeuvres [419].
(.Vana.)
Marescot. — Propriétaire de la maison de la rue de la
Goulte-d'Or, où hahilent les Lorilleux et les Coupeau. C'est un
grnnd coutelier de la rue de la Paix, un homme de cinquante*
cinij ans, fort, osseux, décoré, étalant ses mains immenses
d'ancien ouvrier. Il a jadis tourné la meule, le long des trot-
toirs, et maintenant on le dit riche à plusieurs millions. Un de
^ci bonheurs, lorsqu'il lisite ses locataires, est d'emporter les
couteaux el les ciseaux, pour les aiguiser lui-même, par plai-
sir [161]. Mais, quand on lui demande des réparations, II a des
crampes d'avare [163], réclame ses termes avec insolence [38i]
et. dés qu'on est retard, a immédiatement le mot d'expulsion
à h bouche [il5]. {L'AiSommoir.]
Mareuil (De). — Père de Louise. C'est un aticien raflineur
du ilavre, dont le nom réel est Bonnet, et qui a pris le nom de
sa femme [U3]. Grand bel homme, sérieux, à cervelle incroya-
lileincrt Tide. Au physique, une ressemblance frappante avec
le valet de chambre Ilaptiste [â3]. Très riche et ^ilein d'ambi-
lion, M. de .Mareuii aspire au Corps législatif; longtemps caa-
JiJ.it niallieurcux [^9], jl dépense trois cent mille francs pour
>e faire élire et voit son élection cassée, ù cause de scandales
parirop vifs [213]. Tout à l'idée fixe d'èlre un personnage poti-
lique, il maquignonne le mariage de sa fille et de Maxime Sac>
card, dont il apprécie vivemenl l'étroite parenté avec le
ministre de l'inièrieur Eugène ftougon [iii]. Resté candidat
DES ROUGON-ftUCQUART 301
officiel, il a le bonheur d*étre définitivement élu député [3ii].
{fM Curée.)
Mareuil (Madame Hélène de). — De famille noble, fort
riche, elle a voulu épouser un imbécile de grande mine et
s*est mariée avec l'ancien raffineur Bonnet, qui a pu devenir
ainsi M. de Mareuil. Cette femme, grande et forte, de mœurs
extrêmement libertines, a mis au monde une enfant rabougrie,
Louise, a vécu dans les débordements les plus honteux et est
morte rongée par les plaisirs comme par un ulcère [14i]. {La
Curée,)
Mareuil (Louise de) (1). — C*est une enfant de dix-sept ans,
chétive, légèrement bossue, d'une grAcc maladive [i]. Fille
d*un colosse sain et d*une mère bien bâtie, sa diCTormilc, ses
allures de bohémienne millionnaire, sa laideur effrontée et
charmante s*expli«|uent par la nymphomanie maternelle [14i].
.\vec sa poitrine plate, sa petite tête laide et futée de gamin,
elle ressemble à un garçon déguisé en fille, elle a des plaisan-
teries de pensionnaire émancipée [197], un sourire vague de
sphinx vicieux [-i^i], des instincts mauvais. C'est d'un air tran-
quillement amical qu'elle a surpris l'inceste de Maxime Sac-
card et de Renée. Déjà très malade à la veille de son mariage
avec Maxime, elle meurt pendant le voyage de noces et est
enterrée dans une petite ville de Lombardie [337]. {La Curée )
Mareuil (Comtesse de). — Prenait dans son château la
petite Clara Prunaire pour les raccommodages [62]. {Au
Bonheur des Dames,)
Margaillan. — Un gros entrepreneur de maçonnerie, plu-
sieurs fois millionnaire, et qui fait sa fortune dans les grands
travaux de Paris, bâtissant à lui seul des boulevards entiers.
Gras et court, il a la face cuite d'un sang trop chaud. Lui, sa
femme et sa (ille ont sur la face, au dire de Claude I^ntier»
tous les crimes de la bourgeoisie; ils suent la scrofule et la
bêtise [157]. Margaillan possède, au-dessus de Dennecourt, en
remontant du cfHé de La Roche-Guyon, une vaste propriété, la
Richaudière, qu'il a payée quinze cent mille francs et où il a
fait des embcliissemcnts pour plus d'un million, par une
(1) Louise (le Mareuil, mariée, en J8G3, à Maxime Rougon, dit
Saccard ; meurt la même auvee sans enfant. (Arbre généalofjique des
Hovgon-Macquart.)
ZO'l LES PERSONNAGES
vanité d'ancion gâcheur de plâtre. Cest ua Oer homme dans sa
pnrtie. il a une activité du diable, un sens étonnant de la
bonne administration, un flair merveilleux des rues â construire
et des matériaux à acheter [20-i].
Per.i^nt trente ans, il a acquis des terrains, bâti, revendu^
en établissant d'un coup d*œil les devis des maisons de rap-
port ; mais, comme tous les parvenus, il a rêvé de trouver un
gendre qui lui apportât, dans sa partie, des dipiùraes authen-
tiques et d*élégantes redingotes. Enthousiasmé parla médaille
de Dubuche, par ce jeune élève de l'École des Beaux-Arts, dont
les noies sont excellentes, si appliqué, si recommandé par ses
maîtres, il lui donne sa Olle, il prend cet associé qui décuplera
les millions en caisse, puisqu'il sait ce qu'il est nécessaire de
savoir pour bâtir [^15]. Mais Dubuche montre une incapacité
déplorable, il a des inventions coûteuses, se trompe sur la
chaux, la brique, la meulière, met du chêne où le sapin doit
sufûre, et n*: se résigne pas à couper un étage, comme un pain
béniu en autant de petits carrés qu'il le faut. Margaillan, dont
les millions périclitent, finit par se révolter contre l'art et il
jette son gendre à la porte de ses bureaux, en lui défendant
d y re:netire les pieds [422]. (L'Œuvre.)
Margaillan (>!adame). — Femme de l'entrepreneur.
Ct.-lui-:i a eu l'ambition d'épouser une fille de bourgeois et,
co:nn'.^ il avait le sang gâté par des générations d'ivrognes,
cornir^ die était épuisée, la chair mangée de tous les vices des
races unissantes, ils ont mis au monde Régine, un malheureux
petit bat éjurché [215]. Madame Margaillan, très maigre, cou-
leur de cire, mangée d'anémie, finit par mourir phtisique [422].
(LŒjcre.)
Margaillan (Régine). — Fille de l'entrepreneur. Si chétive
à dix-huil ans qu'elle a encore la pauvreté grêle de la première
ejiîan e [tôT]. Toujours triste, d'une santé chancelante, elle
ép>^us} Dubuche, un mari bien portant, et lui donne deux
enfar.ts, Gaston et Alice, des fœtus à peine viables. C'est a ces
avori j:is, produits d'une dégénérescence dernière, qu'iront les
millions du [«ère Margaillan. Régine souffre de la phtisie mater-
nelle, elle tousse depuis son mariage et fait des cures au Mont-
Dore. pendant que ses enfants, trop débiles pour supporter un
air si rif, sont soignés à la Ricbaudière. La famille ne s'accroî-
tra p:us ; U^^gine a failli mourir à ses secondes couches, elle
s'évar.ouit au moindre contact trop vif; Dubuche considère
DES ROUGON-MACQUART 303
comme un devoir de cesser tous rapports conjugaux avec elle
[\i-\], (L'Œuvre.)
BSaria. — Figuraiile des Yariélés. Est traitée de chameau
par Dordenave [14G]. (Nana,)
Marjolin. — Orphelin, a été trouvé sous les légumes au
marché des luuocf;nts, vers Tâge de trois ans, blond, gras, très
heureux de vivre, mais si peu précoce qu*il bredouillait à peine
quelques mots. Devient Venfant des Halles, accroché aux jupes
de l'une et de Taulre. Une belle fille rousse, qui vend des
plantes oflicinalcs, l'a baptisé Marjolio. Lorsque la mère
Chantemessc adopte Cadine, Marjolin se fait ucceplcr aussi et
les deux enfants grandissent ensemble. 11 a dfux ans de plus
que la lillette, mais reste enfant très tard, n'ayant pas plus
d'idée qu'un chou, ne sachant -même pas faire une commission.
L'industrieuse Cadine ne peut rien tirer du petit bonhomme,
((ui n'est bon qu'à crier : c Mouron pour les p'iits oiseaux». Il
porte un grand gilet rouge qui lui descend jusqu'aux genoux,
le gilet du défunt père Chantemcsse, ancien cocher de fiacre
Cadine et Marjolin s'épanouissent dans les Halles, grandis-
sent et s*aiment librement comme de jeunes hétes livrées à
Tiustinct. Après avoir tenté tous les menus métiers des Halles,
Marjolin est recueilli par Gavard [75]. C'est maintenant un
iirand garçon d'une épaisseur et d'une douceur flamandes, fort
comme un cheval, d'intelligence nulle, vivant par les sens. Il
voue à Lisa Quenu une adoration silencieuse, arrive à la désirer
follement et tente un jour de la violenter. Rudement repoussé,
ii tombe sur la tète et cette fracture du crâne fait de lui une
brute complète. On l'occupe désormais a gaver et a tuer les
pigeons dans le sous-sol du pavillon de la vohiille, il est tou-
jours chéri de sa fidèle Cadine qui le mange de pelilcs caresses.
(Lv Ventre ilc Paris,)
MarsouUier. — Tenancier de l'hôlel Dor.cœiir, où Ger-
vaise Macquaiti'l Lanlier sont descendus {})]. {L'Assommoir.)
Martin. — Amien Uiatelut opéré autrefois par le chirurgien
de marine Cazenove i*t resté ensuite à son service. Un vieil
homme à jambe de bois [8]. {La Joie de vivre.)
Martine. — Vieille servante de Pascal lîougon, devenue
la vraie maîïresse de la maison, depuis près de trente ans
3C4 LES PERSONNAGES
qu'elle est au service du docteur. A soixante ans passés, elle
garde un air jeune, elle est active el silencieuse, dans son
éternelle robe noire et sa coifie blanche qui la font ressembler
à une religieuse, avec sa petite figure blême et reposée, où
semblent s*étre éteints ses yeux couleur Ae cendre [6] C'est
elle qui a élevé Clotilde Rougon, dont la tendre aflection pour
le docteur excitera plus tard sa jalousie. Brûlée d'une flamme
dévote, Martine, qui adore son maître, voudrait le forcer à faire
sa paix avec Dieu, mais Clotilde, d'abord sa complice, a échappé
aux influences religieuses pour se donner entièrement à Pascal,
et Martine, béante devant ce qu'elle voit, n'a plus que la res-
source de prier, pour tenter d'arracher le maître à l'enfer. Son
avarice est sordide; pourtant, lorsque Clotilde a quitté la
maison et que Martine reste seule en présence du docteur
Pascal ruiné, la vieille servante trouve, dans son amour de chien
docile, l'héroïsme extraordinaire de sortir son propre argent,
heureuse de nourrir le savant sans qu*il se doute que sa vie
vient d'elle [3 10]. N'aimant que lui pour le bonheur de l'aimer,
d'être avec lui et de le servir [330], Martine est afl'olée par sa
mort soudaine et, pour le sauver de la damnation, pour lui
gagner le paradis, elle aide madame Félicité à anéantir l'œuvre
diabolique. Puis, comme rien ne la retient plus à la maison,
comme elle ne veut servir personne après monsieur, pas même
l'enfant que l'on attend et qui vient do lui, elle va vivre à
Sainte-Marthe, dans un trou perdu, reprise de sa fureur
d'avarice [371]. {Le Docteur Pascal.)
Martineau. — Frère de madame Mélanie Correur. Notaire
à Coulonges, dans les Deux-Sèvres, où les Martineau sont
notaires de père en fîls, depuis sept générations [58]. C'est un
grand vieillard de soixante-trois ans, à la figure froide, à l'air
grave, aux yeux énergiques. Sa sœur Mélanie, qui s'était enfuie
jadis avec un garçon boucher et qu'il n'a pas consenti à revoir,
imagine, pour hériter plus vite, de le dénoncer au ministre
Rougon comme républicain dangereux [307]. On l'arrête en
vertu de la loi de Sûreté générale, Gilquin est chargé de l'opé-
ration et Taccomplit avec une telle brutalité que Martineau,
déjà frappé d'une attaque de paralysie, agonise en route, est
refusé parle directeur de la prison el va mourir le soir même
dnns un hôtel de Niort, en face des fenêtres de la préfecture,
où la hande Rougon donne une soirée magnifique [337]. {Son
E.rrcHence Eugène Hougon.)
DtS liOlGON-MACQlAliT 305
Martineau (Madame). - - Femme du nolaire de Couiongcs.
Petite et grasse, face calme. Elle reçoit avec une parfaite
dignité les gendarmes chargés d'arrêter son mari. C'est une
femme forte qui ne compte pas sur ses larmes [330]. Elle suit
le cortège qui emporte le paralytique et, quand on se décide à
le lut rendre, elle le fait transporter à riiôtcl de Paris, où elle
défend les dernières minutes du moribond contre TalTreuse ma-
dame Correur [336]. {Son Excellence Eugène Rougon,)
Marsy (De). — Président du Corps législatif. A vingt-huit
ans, il était colonel ; plus lard, on le trouve à la télé d'une
grande usine ; puis, il s*est occupé successivement d'agriculture,
de tinaiice, de commerce ; enfin, il a fait des portraits et écrit
des romans [84]. Un mystère plane sur sa naissance ; on assure
qu* il est né sur les marches d*un trône. De gros potins circulent
sur lui : avant Tempire, il était entretenu par sa maîtresse,
une baronne dont il a mangé les diamants en trois mois ; pas
une affaire véreuse ne se traite sans lui sur la place de Paris.
Sa tétc pâle est One et méchante, il a une haute mine d'aven-
turier élégant [14]. Comme homme politique, il a de la poigne,
une main de fer, hardie, résolue, très déliée pourtant [84], une
iine main gantée qui étrangle et que l'empereur fait alterner
avec le poing de Rougon, un poing velu qui assomme [433].
Marié avec une princesse valaque, il renoue six mois après
avec madame de Llorentz, une ancienne maîtresse qui possède
une arme contre lui. Son antagoniste Rougon parvient à le
remplacer au ministère de Tintérieur [263] et 11 devient alors
président de la Chambre, apportant le sang-froid le plus parfait
à la direction des débals, tenant tête aux Cinq avec une auto-
rité mordante [452]. {Son Excellence Eugène Rougon.)
Marty. — Professeur de cinquième au lycée Bonaparte.
Prolil pauvre, redingote étriquée et propre, visage blêmi par
le professoral [93]. 11 gagne six mille francs par an et doit
doubler ses appoinlements en courant le cachet, pour suffire
au budget sans cesse croissant du ménage [74]. Devant les
aciials désordonnés de sa femme, il a l'angoisse résignée d'un
pauvre homme, qui assiste à la débâcle de son ar^^^ni, si clir-
remenl gagné. Chaque nouveau bout de ruban est l'our lui un
désastre, d'amères journées d'enseignement englouties, des
courses au cachet dévorées, l'eiïort continu de sa vieahoulissant
à une gène secrète, à l'enfer d'un ménage nécessileux [99]. A
la suile de violenles scènes d'intérieur, il est frappé du délire
-0.
'-m LES PERSONNAGES
lies grandeurs et enfermé dans une maison de fous [477],
Liv Bonhrur des Dames,)
Marty (Madame). — Femme du professeur. Maigre, laide,
ravj^ée de petite vérole, mise avec une élégance compliquée,
elle esl sans Age; ses trente-cinq ans en valent quarante ou
ircDle, selon la fièvre qui Tanirne [71], Fille d'un petit
employé, elle ruine son mari par des achats désordonnés dans
les ^Tuiids magasins. On la connaît pour sa rage de dépense,
sans force devant la tentation, d'une honnêteté stricte, incapa-
ble Je céder ù un amant, mais tout de suite lâche et la chair
vaincue, devant le moindre bout de cbifTon [li]. Elle prend
tout nu Coiihuur des Dames, sans choioL^au hasard des étalages.
La iiévrose des grands bazars l'a complètement détraquée [322].
(juaiil son mari devient fou, elle continue sa course à travers
les comptoirs, mangeant un vieux bonhomme d'oncle qui, après
son veuvage, s'est retiré chez elle ['i77]. (Au Bonheur des
Da}j(cs,)
Marty rVALEXTiXE). — Fille de Marty. Une grande demoi-
selle de quatorze ans, maigre et hardie, une des coquetteries
les pius chères de sa mère, qui l'habille comme elle, de toutes
les nouveautés de la moue [li], Valenline jette déjà sur les
marchandises des regards coupables de femme [124]. (.1m
Bonheur des Dames,)
Mascart (Le père). — Aveugle paralytique. Habite rue
Liasse, à lieaumont. Angélique Marie lui fait manger elle-même
rassijlice de soupe qu'elle lui apporte [119]. {Le lièce.)
Massacre. — L'un des chiens du berger Soûlas. Partage
rexé-Taiion de son maître pour la Goguette [100]. (La Terre,)
Massias. — Remisier. Fils d'un magistrat de Lyon, frappé
triiuli^nité. Esl devenu employé à la Bourse, n'ayant pas
vouIj continuer ses études de droit, après la disparition de
son {• re. C'est un gros garçon rougeaud, aux jambes courtes,
aux \ -ux bleus d'une limpidité enfantine. Longtemps malehan-
«•euN, :ivcc son air inquiet de bon chien battu pji], il a pris
une inji'oriaiice énorme depuis qu'il est au service delà Banque
UnivL-rselle, il réalise des gains superbes et ne dit plus, comme
aiilref -is, qu'il faut être juif pour réussir. .Mais s'il a violé la
clian: , sur les talons de Saccard, il sort de son rêve les reins
casîjt:;. Au jour delà catastrophe, il doit soixante-dix mille
francs et, alors «ju'il pourrait, comme tant d'autres, invoquer
DES KOUGON-MACQUAUT 307.
rc.\C(»plion de jeu, il failcellc bôlise sublime et inulile de payer,
il euipruutc à des amis, s*cngageant pour la vie eutièiv, sans
que personne lui en sache gré, car on hausse même un peu les
épaules derrière lui [îîî)i]. (L'Argent.)
Massicot. — Dourgeois de Plassans, enrôlé et armé par
Pierre Iiou^ron pour délivrer la mairie occupée par les répu-
blicains [272]; est pris d'émotion et tire eu Tair, dans la
mairie, sans savoir [289]. (La Fortune des Rougon)
Masson (Colonel). — A dirigé avec le préfet des Bouches-
du-UliOne, eu 1851, la terrible répression des troubles qui sui-
virent le coup d'Étal. .\u retour, il s'arrête à Plassans, ayant
soin de faire passer hors de la ville ses soldats, las et muets,
encore saignaiils delà tuerie de Saint-Roure [3G0].(La Fortune
des llougon.)
Mathias. — Vieux bossu travaillant à la ferme de la Dor-
deric. Il a possédé la Cognelle lorsqu'elle avait quatorze ans
[28S]. {^La Terre.)
Mathieu. — Une des bêles préférées de Désirée Mouret.
Un cochon qu'elle engraisse amoureusement et qu'elle a baptisé
du nom de Mathieu, parce qu'il ressemble au gros homme qui
apporte les lettres [2ÎK]. (La Faute de Vabbe Mouret.)
Mathieu. — Gros chien de montagne, croisé de lerre-neuve,
appartenant aux Chaiiteau [8]. Robe blanche aux longs poils
frisés, une seule tache noire à l'œil gauche [18]. Cette bête
affectueuse, au regard presque humain, remplit la maison, se
faufilant partout, partageant les joies et les peines de tous. Dès
le premier jour, il a deviné en Pauline une amie des bêles et
des gens. Mathieu a quatorze ans à la mort de sa maîtresse,
madame Chantoau. Encore très vif, il passe des nuits à chasser
les souris [220]. Vieillesse pénible ; son arrière-train se para-
lyse, des hémorragies continuelles l'épuisenl peu à peu. Il
meurt doucement dans les bras de son mailre Lazare [280], (La
Joie de vivre.)
Mathilds. — Actrice drs Variétés, l'a pelil lorchou d'in-
génue [172J. iXana.)
Matignon. — Drapier rue Croi^•-dcs-Pctil^-Champs, coii-
curreiu de IJaudu. 11 lui enlève un cxcL-llcnl courtier [20.')].
(Au Bonheur des Damc.'i.)
Mauduit (ADiiK). — Vicaire à Sainl-Uoch. Visage gras et
3nS LES PERSONNAGES
fjn, caractère affable d*boinme du monde. L'abbé confesse ces
dames et ces demoiselles de la bourgeoisie, les connaît toutes
dans leur chair et, pénétré de son impuissance à les moraliser,
finil par ne plus veiller qu'aux apparences, en maître des céré-
monies jetant sur cette société gâtée le manteau de la religion
[12'?]. 11 fréquente chez ses pénitentes, offrant les conseils de
son expérience pour mettre fin aux scandales des familles, se
heurtant parfois à des impossibilités, subissant des avanies,
sanctionnant quand il le faut certains désordres et se consolant
d'une aussi lamentable besogne par Tédification à Saint-Roch
d'un magnifique calvaire, où il va réaliser de "beaux effets de
théâtre. (Pot-Bouille.)
Maugendre. — Beau-père de Jordan. Avait à la Villetle
une manufacture de bâches où il a gaî^né quinze mille francs
de rente. Gros homme calme et chauve, à favoris blancs. S'est
retiré avec sa femme en un petit hôtel, avec un beau jardin,
rue Legendre. Les deux époux, vivent trop grassement, s'en-
nuyant à ne plus rien faire. C'est à contre-cœur qu'ils ont vu
leur lille Marcelle épouser Jordan, jeune écrivain dont le père
est mort ruiné. Ils se méfient d'un poète, croient avoir beau-
coup fait en consentant au mariage et n'ont rien donné, sous
le prétexte que .Marcelle, après eux, aura leur fortune intacte,
engraissée d'économies [19].
Dans sa vie désœuvrée, Tancien fabricant, qui tonnait autre-
fois contre les agioteurs, s'est intéressé à la cote de la Bourse,
lue chaque soir dans le journal. Une somme importante lui
rentre un jour, il a l'idée de l'employer en reports, un simple
placement, pas encore de la spéculation; puis la fièvre com-
mence à le brûler, devant la danse des millions, dans cet air
empoisonné du jeu. Un gain de six mille francs achève de le
Jtiraquer, il se met à opérer, d'abord au comptant, puis à
terme, petitement pour commencer, s'enhardissant chaque fois
davantage, malgré les premières résistances de sa femme et le
blâme formel de son beau-frère Chave pOâ]. Le coup deSadowa
lui a fait perdre cinquante mille francs [215]. Il croit réparer
le mal en achetant cinquante actions de l'Universelle au cours
de douze cents francs ; il les voit progressivement monter et en
achète encore; on dépasse le cours de trois mille francs; une
première baisse laisse intacte la foi de .Maugendre dans le
gt'i.ie de Saccard ; pour se rattraper, il joue à découvert,
achetant toujours, et à l'heure définitive de l'effondrement, c'est
I DES ROUGON-MACQUART 301)
t
un désastre irréparable, d*énormes différences à payer, plus
de deux cent mille francs, qui achèveront d'emporter la
fortune gagnée si rudement par trente années de travail [386].
{U Argent.)
Maugendre (Madamb). — Originaire de Marseille, sœur
du capitaine Ghave. Sèche, active, elle a travaillé comme son
mari et gagné sa part de la fortune. Elle voit avec inquiétude
Maugendre se lancer dans les spéculations de Bourse, car
elle a toujours professé contre le jeu une haine de bonne mé-
nsigère. Mais, si des angoisses l'agitent, elle a les yeux enflam-
més au moindre gain [2ûâ]. Un jour, elle devient plus enfiévrée,
plus âpre que son mari, c'est elle qui le gourmande de sa timi-
dité; acharnée aux grands coups de hasard, elle s'exalte sur les
renseignements de la Cote financière t une vieille feuille honnête
qui inspire confiance à tous les rentiers, mais qui a été achetée
par Saccard [301]. Et madame Maugendre, si prudente autrefois,
si économe, la terreur de ses bonnes, toujours sur leurs talons,
à éplucher leurs comptes, ne parle plus que par centaines de
mille francs [386]. Après la ruine, elle et son mari sont secou-
rus par le gendre qu'ils avaient méprisé, et qui les installe à
Clichy, dans un rez-de-chaussée, avec jardin pas cher [388].
{VArgeni.)
Maugendre (Marcelle). — Amie d'enfance de Paul Jordan
et fiancée à lui au temps où il était riche, elle s'est entêtée à
vouloir quand même l'épouser lorsqu il est dev. *. i pauvre
[18]. Marcelle est une petite personne grasse et bnioo, elle a
un clair visage aux yeux rieurs, à la 'bouche saine, et qui exprime
ie bonheur, même aux heures difficiles [191]. Elle a une bra-
voure souriante, l'air décidé, très pratique dans son désir de
rendre heureux son cher mari, son poète, qui travaille tant.
Le rêve de sa vie est de le rendre riche un jour, d'être, comme
en un conte de fées, la bonne magicienne qui met des trésors
aux pieds du prince ruiné, pour l'aider à conquérir le monde.
En attendant, c'est la grande gône ; les quatre meubles d'acajou
dont Marcelle est fière, dans ses deux étroites pièces, si enso-
leillées, de l'avtMiue de Clichy, sont menacés par l'usurier Dusch
[:299], et ce n'est pas Jordan qui sauvera la situation, car ces
questions d'argent le paralysent. Alors, pleine de vaillance,
la jeune femme va essuyer les rebuffades de ses parents, ces
Maugendre qui, autrefois, auraient tout dépensé pour lui faire
des cadeaux et, aujourd'hui, ne se soucient plus de rien, hors
o
10 LES PERSONNAGES
des opérations de Bourse. Énergique cl adroite, elle lulle bra-
vcn^ent avec les huissiers, elle sait se tirer d'affaire, elle ose,
devant son mari, intéresser le grand patron Saccard aux mal-
heurs du jeune ménage, et tout est sauvé [310]. Mais le conte
de fées ne se réalisera pas. Le trésor, des Maugendre a été
enp^louli dans le gouffre de l'Universelle et il semble à 3Iar-
celle qu'elle ne sera plus, avec sa famille, qu'un obstacle pour
fton Paul. Elle lui a apporté sa jeunesse, sa tendresse, sa belle
humeur, pas une princesse au monde ne pourrait donner
davantage, un enfant viendra bientôt, et, gentiment, elle croit
que son mari ne lui. doit rien [388]. (U Argent.)
Mauriac (Bauon de). — Starter aux courses de Longchamp
[109]. {Xana,)
Maurin. — Maître chapelier à Plassans, bonhomme très
aimé des ouvriers. Il est le candidat des républicains aux
éleclions législatives [310] et, grâce aux manœuvres de l'abbé
Faujas, n'obtient que les «{uinze cents voix irrécûnciliables du
faubourg [321]. (La Conquête de Plassans,)
Maurin. — Notaire des Tuletlcs et maire de la commune.
Veuf depuis une dizaine d\innées, il vit en compagnie de sa
fille, également veuve et sans enfants. C'est lui qui dresse l'acte
de décès d'Antoine Macquart, mort de combustion spontanée
[-235]. (Le Docteur PascaL)
Mazaud. — Un des plus jeunes agents de change, comblé
{>ar le sort, ayant eu la chance de la mort de son oncle, qui l'a
rendu titulaire d'une des plus fortes charges de Paris à trente-
deux ans, à un âge où l'on apprend encore les affaires. De petite
taille, il est de figure agréable, avec de minces moustaches
brunes, des yeux noirs perçants. Il a fait un ni:!riage d'amour
qui lui apportait plus d'un million [86] , deux enfants sont
venus, et, après quatre ans de mariage, on ne lui pri?te qu'une
eûurle curiosité pour une chanteuse de TOpéra-Comique. 11 vit
lians une bonne odeur de chance, de félicité sans nuage.
Mazaud montre une grande activité, l'inlelligeiice très alerte
elle aus>i, beaucoup de flair, une intuition remarquable. Il a
une voix aiguë (|ui, autour de la corbeille, fait contraste avec
Il voix mugissante de son collègue Jncohy ; à roi»po>é de celui-
ci, il a la réputation de ne pas encore trop jouer pour son
compte. La Hantjue Universelle va lui être fune>le. Très engagé
avoc Saccard, qu'il reporte pour des sommes coii^idérables, il
DES ROUGOX-MACQU.VKT 311
a cru à Tappiii dôcisif du syndical Daigreiiionl, il s*esl laissé
conquérir au point d'acccplcr encore, le malin même de la
débâcle, des ordres d'achat sans couverture pour plusieurs
millions [3G0]. El il est ruiné par la catastrophe; il se suicide
chez lui d'un coup de revolver cl son sang tombe goulle à
goulte, dans le luxe el le parfum des roses, éclaboussant sa
femme el ses petits [401]. (U Argent.)
Mazaud (Madame). — , Épousée par amour, elle a apporté
à son mari une dot de douze cenl mille francs. C'est une jeune
femme charmante, qui devient mère de deux enfants, une fillette
el un garçon. Comme eux, elle esl blonde, d'une blancheur de
lait, elle a Pair aussi délicat el ingénu que ces petits êtres [87].
Devant Mazaud étendu, la tête fracassée, elle forme avec eux
un groupe lamentable, hurlant de douleur [100]. (V Argent.)
Mazel. — Un maître de TÉcole, un peintre fameux, le der-
nier représentant de la conTention élégante et beurrée. Fage-
rolles raconte qu'un jour, comme il dessinait d'après la petite
Flore Beaucbanip, Mazel s'est approché el lui a dit: «Les
deux cuisses ne sont pas d'aplomb > ; et comme il réftondait :
« Voyez, monsieur, elle les a comme ça >, Mazel s'est écrié,
furieux: t Si elle lésa comme ça, elle a tort. > La première
année où le jury du Salon est élu par les artistes, c'est Mazel
ru'on nomme président. 11 a de fâcheuses distractions, faisant
refuser étourdiment un hors concours, ou se laissant aller à
dire: c tjuel esl donc le cochon...? > au moment même où
il va reconnaître la signature d'un ami, rempart comme lui de
la saine doctrine [^iT'iJ. {L'Œuvre,)
Méchaln. — Propriétaire d'une écurie de courses. Hasard,
un de ses chevaux, court dans le Grand Prix de Paris [388].
(San a.)
Méchain (Madame). — Petite-cousine de Rosalie Chavaille,
dont elle a recueilli le lils, Victor Saccard. Une femme éiiorme,
bien connue des habitués de la Bourse. Son visage de pleine
lune, bouffi et rouge, aux minces yeux bleus, au petil nez
perdu, à la petite houche d'où sort une voix flùléc d'eufani,
semble déborder d'un vieux chapeau mauve, noué de travers
par des brides grenat. La gorge géante et le ventre hydropiquc
crèvent la robe île popeline rerte, mangée de boue, tournée
au jaune. Se dit veuve, mais personne n'a connu son mari.
:nt ' LES PERSONNAGES
Elle vient on ne sait d'où et parait avoir eu toujours cinquante
ans.
La Méchnin est une de ces enragées et misérables joueuses,
dont les mains grasses tripotent dans toutes sortes de louches
Ix'sognes. Elle ne quitte jamais un antique sac de cuir, innmense,
aussi profond qu'une valise, où vont tomber les titres déclassés,
les actions des sociétés mises en faillite, marchandise scélérate
qu*on cède avec bénéfice aux banqueroutiers désireux de
gonfler leur actif. Dans les batailles meurtrières de la finance,
c'est le corbeau qui suit les armées en marche [17]. Elle pos-
sède, derrière la butte Montmartre, toute une cité, la cité de
Xaples, un vaste terrain planté de huttes branlantes, dont elle
touche les loyers avec âpreté, jetant les familles à la rue dès
qu'on ne lui donne pas à l'avance ses deux francs, faisant elle-
même sa police, si redoutée que les mendiants sans asile n'o-
seraient dormir pour rien contre un de ses murs [159]. .Xfiiliée
à Busch, elle organise avec lui un chantage contre Aristide
Saccard et parvient à soutirer deux mille francs de madame
Caroline, navrée devant la déchéance du petit Victor [163].
Mal rassasiée par ce maigre résultat, la Méchain aura plus tard
la satisfaction d'engloutir dans son sac les actions de la Banque
Liiiverselle [436]. {L*Argent,)
Mégot (Justine) (i). — Jeune femme de chambre de Elenée
Saccard. Séduite par Maxime et devenue enceinte, elle accouche
en 1857 d'un Ois, Charles Rougon, obtient une petite rente de
douze cents francs et est renvoyée dans son pavs avec Tcnfant
[119]. (La Curée.)
A l'époque de la séduction, c'était une fillette blonde de dix-
sept ans, docile et douce. Originaire des environs de Plassans
el installée dans cette ville, elle a épousé, trois ans plus tard,
un bourrelier du faubourg, Anselme Thomas. Devenue d*une
conduite exemplaire, engraissée, guérie d^une toux qui avait
lail craindre une hérédité fâcheuse, due à toute une ascendance
alcoolique, Justine a deux nouveaux enfants qui grandissent
admirablement, tandis que le fils de Maxime Saccard, le petit
r.liarles, est atteint de dégénérescence [62]. (Le Docteur
PascaL)
H) Justine Mégota iervaute chlorotique, fille d'alcooliques, maîtresse
tic Maxime Hougon, dit Saccard. {Arbre fjénéalogique des Rougon^
MnijuarL)
f
DES ROUGON-MACQUAnT 313
Méhudin (La mérb). — Vieille poissonnière aux Halles.
Tassée, avachie, énorme de vie sédentaire, la taille débordante,
elle a conservé la robe à ramages, le fichu jaune, la marmotte
des harengères classiques. Pratique d'une voix enrouée Ten-
gueulade du catéchisme poissard. Doit avoir amassé une belle
fortune, révélée seulement par les bijoux en or massif dont
elle se charge dans les grands jours. Originaire de Rouen,
arrivée à Paris avec des anguilles dans un panier, elle n'a plus
quitté la poissonnerie et a épousé un employé de Foctroi, qui
est mort en lui laissant deux enfants, Louise et Claire [136].
Elle a cédé plus tard son banc it ratnée. Habite rue Pirouette
en compagnie de ses filles. La mère Méhudin hait le maigre
Florent et voudrait le jeter à la porte [164]. Elle pousse Louise
vers Lebigre et, comme la résistance de sa fille Ta rendue furi-
bonde, elle dénonce Florent par une lettre à la préfecture,
quatre pages presque indéchiffrables, d'un style orduricr [310].
(Af Ventre de Paris.)
Méhudin (Cxaiue). — Marchande à la poissonnerie d*eau
douce. Seconde fille de la mère Méhudin, sœur de la belle
Normande. Blonde paresseuse. Est à vingt-deux ans un Murillo,
suivant le mot de Claude Lantier, un Murillo décoifi'é souvent,
avec de gros souliers, des robes taillées à coups de hache qui
rhabillent comme une planche [21]. Pas coquette, pleine de
mépris pour les élégances de sa sœur, Claire est une créature
fantasque, très douce et en continuelle querelle, d'une droiture
absolue un jour, d*une injustice révoltante le lendemain. A dé-
claré qu'elle ne serait jamais la bonne de sa sœur, habite avec
elle rue Pirouette, mais vexée de voir que Louise s'est attribué
la plus belle chambre, refuse la pièce voisine et adopte, de
Taulre côté du palier, un galetas qu'elle ne fait même pas
blanchir à la chaux. A l'égard de Florent, son caprice est aus-
sitôt de contrecarrer sa sœur. Quand Louise ameutait le pavil-
lon contre lui, elle était seule à le défendre [1i^]. Mais, dès
que la belle Normande change de tactique, Claire se fâche
avec Florent, s'enfermant dans un mutisme jaloux, parlant
d'aller le dénoncer et de se jeter ensuite à Tcau; elle s'exalte
au point de faire brûler des cierges à l'église [!253] et, quand
Florent va être arrêté, elle veut le sauver et se bat avec sa
sœur qu'elle accuse de l'avoir vendu; affolée, échevclée, elle
arrive trop tard, derrière le fiacre qui emporte le conspira-
teur au dépôt [336]. Après cette crise, Claire revient plus
314 LES PERSONNAGES
molle, plus paresseuse que jamais, à ses poissons (l*eau douce.
{Le Ventre de Paris,)
Méhudin (Loeise). — Surnommée la belle Normande.
Poissonnière superbe, d*une beaulé bardie, très blanche et
délicate de peau, d'œil effronté et de poitrine vivante [88].
Fille aînée de la mère Méhudin, deviendra plus tard madame
Lebigre. Les Méhudin habitent rue Pirouette, dans Tancienne
maison des Quenu, au second. Elles sont une puissance à la
poissonnerie, où elles dirigent les cabales et font trembler le
personnel. La belle Normande a dû se marier avec un employé
de la Halle au blé, mais celui-ci s'est cassé les reins dans une
chute. Sept mois plus tard, elle a accouché d'un garçon, le
gros Muche, et, dans Tcntourage, on la considère comme veuve
[138].
Très coquette, toujours parée, étalant des nœuds de rubans,
une chaîne d*or qui sonne sur son tablier, ses cheveux nus
peignés à la mode, elle est une des reines des Halles et, an-
cienne voisine de la belle Lisa Quenu, reste son amie intime,
avec une pointe de rivalité. Elles ont afieclé de s'aimer beaucoup,
jusqu'au jour où une banale querelle en a fuit deux ennemies
acharnées. C*esl alors un gros conflit dont les Halles vont être
spectatrices, une formidable guerre entre grasses marchandes,
où le maigre Florent recevra tous les coups.. Louise Méhudin
Fa d'abord persécuté dans ses nouvelles fonctions d'inspecteur
de la marée, puis, gagnée par TalTection de Florent pour le
petit Muchc qu'il cherche à instruire [loi], elle s'applique à
le détacher de Lisa dont elle le croit Famant. Elle manœuvre
pour le séduire, refuse à son profit les avances de Lebigre, se
compromet ù tous les yeux, et soutient de terribles altercations
avec sa sœur et sa mère. Mais Florent, plein de son idée fixe,
reste insensilile; et lorsque la découverte du complot provoque
une perquisition chez la belle Normande, celle-ci, humiliée dans
son orgueil, tourne sa rage contre le grand innocent qui n'a
satisfait ni ses vanités ni ses rancunes; elle livre aux policiers
les cahiers de Muche contenant des modMes d'écriture subver-
sifs [o3l], se réconcilie publiquement avec la charcutière et
achève de se relever aux yeux du quartier en épousant Lebigre,
dont elle tiendra superbement le comptoir [357]. (Le Ventre de
Paris.)
Meinhold (Madame de). — Mondaine du second Empire,
belle femme à double menton, faisant payer son luxe par ses
DES llOUGOS-MACQUART 315
amants el allant beaucoup chez matlnme de Lauwerens [239].
Amie des Saccard. (La Curée.)
Mélanie. — Cuisinière des Grégoire. Vieille femme maigre,
qui les sert depuis (rente ans [80]. Folle de penr devant un
carreau cassé à la Piolaine par les grévistes, elle transforme
Tunique pierre lancée par Jeanlin Maheu en une canonnade en
règle, dont les murs restent fendus |4 10], (Gerininal.)
Mélanie. — La bonne du juge d'instruction Denizct. Ce
dernier voudrait de Tavancement pour qu'elle soit mieux nourrie
et moins acariâtre [150]. (La Bêle humaine.)
Mélie. — Nièce des Faucheur. Une Olle du village de Ben-
necourt, qui est entrée au service de Claude Lanlior et de Chris-
tine. Sa stupidité les enchante. Après la mort des Faucheur,
l'auberge, tombée à ses mains, devient répugnante de saleté
et de grossièreté [i2S]. (LCEuvre.)
Menu (Mademoiselle). — Tante de Fanny. Originaire de
Villeneuve, près de Lille. A été pendant trente ans brodeuse
chez Mardienne frères. Ayant hérité d'une maison au pays, elle
a eu la chance de la louer en viager, mille francs par an, à des
gens qui croyaient l'enterrer le lendemain. \ soixante-quinze
ans, elle habile avec sa nièce, rue Saint-Marc, au troisième
étage, et reste en une inaction d'ancienne ouvrière qui a juré
de ne plus toucher une aiguille [163]. Mademoiselle Menu a
vécu dans un célibat el une chastelé qui ne lui ont rien coûté;
file a des dents de jeune fille, un visage blanc et reposé de
sœur lourière. Pour assurer l'avenir de Fanny, elle lui a cherché
un vieil entrctencur el elle vil entre sa 'nièce et Narcisse Da-
c)ielard, dans une heureuse l)onhomie. (Pot-Bouille.)
Menu (Fanxy), dite Fin. — Fille du capitaine Menu, mort
sans lui laisser un sou. Elle est tombée sur les bras de sa tante,
qui l'a retirée de la pension, en a fail une brodeuse et lui a
trouvé un bienfaiteur dans la personne du vieux Bachelard.
C'est une grande jeune lille blonde, jolie, à l'air simple. Ba-
chelard rajipeile Fiti, la baise au front el lui donne des pièces
de quatre sous qu'elle doit conserver comme des médailles.
Mais rinnoccnte Fifi s'est laissé surprendre au lil avec Gueiilin,
lout en gardant, à travers tout, ses yeux in;j:«''nus, son odeur
de chasielé, la naïveté d'une petite fille incapable encoî'e de
distinguer un monsieur d'une dame [o87] ; Toiicle Bachelard
marie les deux amants en leur donnant les ciii(|uanle mille
316 LES PERSONNAGES
francs de dot qu*ii a obstinément refusés à sa nièce Bertbe.
(Pot-Bouille.)
Merle. — Protégé de madame Correur. Homme superbe
qui a servi dans la cavalerie. Rougon, président du Conseil
d'Etat, Ta accepté comme huissier ["29]. Renvoyé pour incon-
duitc après la chute du grand homme [260], il suit la fortune de
son prolecteur et redevient huissier) lorsque Rougon redevient
ministre [:265]. {Son Excellence Eiigène Rougon.)
Mes-Bottes. — Camarade de Coupeau, toujours chez le
marchand de vin ou à Tassommoir, célèbre pour son formidable
appétit. On Ta invité comme boute-en-train au mariage de
Coupeau et de Gervaise, il fait la profonde admiration de toute
la noce, dévorant comme un ogre et buvant comme un trou [105].
Mes-Boites se range en épousant une femme galante de la rue
des Martyrs, très décatie, mais à son aise, et il vit en sou-
teneur bourgeois, les mains dans ses poches, bien vêtu, bien
nourri [523]. {L'Assomtnoir,)
Meyer. — Patron de la boulangerie viennoise du faubourg
Poissonnière. Les Coupeau prennent le pain chez lui pour faire
plaisir à Lanlier [316]. {U Assommoir.)
Michelin. — Chef du bureau de la voirie à la préfecture
de la Seine, sous le second Empire [29]. La tête la plus nulle
et la plus vide qu'on puisse imaginer [95]. Il a toute une jolie
collection de sourires qui le dispensent presque toujours de se
servir de la parole [33]. Magistralement poussé par sa femme,
il a su faire le jeu dWristide Saccard dans ses opérations immo-
bilières [91] et, mari plein de complaisance, il se laisse pousser
aux honneurs, à la décoration [277] et à la fortune, toujours nul
et toujours souriant. {La Curée.)
Michelin (Maoame). — Femme du chef de bureau, jolie
brune toute potelée [29]. De mœurs aimables, elle a su agir
pour ravancement de son mari, visitant ses chefs et obtenant
chaque fois un avantage pour Michelin, dont elle a consolidé la
forUine en le poussant vers .\rislide Saccard [95]. Eile va tran-
quillement dans la vie, utilisant Sidonie Rougon pour trouver
d»^s amants généreux, se faisant donner dix mille francs par
M. de Madré [192], une propriété à Louveciennes par le vieux
baron GourauJ [-81], un coupé par M. Hupel de La Noue et
espérant obtenir bientôt une voiture découverte [344]. iLa
Curée)
DES ROUGON-MACQUAUT 317
Miette. — Marie Clianlegreil, dite Miellé, née en 1838, fille
du braconnier Chantegreil, nièce d'Eulalie Rébufat, la femme
du méger du Jas Mcllren. A perdu sa mère dès le berceau et
vil entre son père et son grand-père à Chavanoz, village des
bords de la Seille. Quand elle a neuf ans, son père est envoyé
au bagne pour avoir tué un gendarme, son grand-père meurt de
chagrin, elle est recueillie parles ftébufat, rudoyée par le mari,
soutenue en cachette par la femme, persécutée par le fils, son
cousin Justin, honnie de tout le faubourg qui accable d'outrages
cette innocente, dont le père est forçat. Elle a onze ans quand sa
tante meurt et c^est alors pour Miette une vie de pénible tra-
vail, de durs affronts qui l'aigriraient à jamais et la rendraient
mauvaise si, dans son idylle avec Silvcre Mouret, elle ne retrou-
vait les tendresses de sa nature aimante [212]. A treize ans,
elle est nubile, la femme s'épanouit rapidement en clN^ ; avec un
front très bas, des yeux à fleur de tète, un nez court et des
lèvres trop rouges, qui examinés à part seraient autant de
laideurs, son visage, couronné de superbes cheveux noirs, est
d'une étrange et ravissante beauté [16]. Depuis deux ans.
Miette et Silvère s'aiment en enfants innocents, se retrouvant
chaque soir au fond de Taire Saint-BIillre, goûtant des bon-
heurs innocents et profonds. Cet amour sauve Miette de ses
désespoirs, elle adore ce doux et pensif Silvère qui la libère de
son existence de paria et qui, plein d*idées hautes, chasse en
elle les mauvais instincts, la rend meilleure: Aussi, lorsque, au
coup d'Etat, Silvère s'enrôle parmi les insurgés, veut-elle le
suivre et partager ses périls. L'enthousiasme communicatif de
Silvère, le pressentiment d'une mort prochaine, les suprêmes
injures du haineux Justin, jettent Miette dans une exaltation
qui la fait défiler à la tète de la troupe insurrectionnelle,
échevelée, niante au vent, brandissant le drapeau rouge. C'est
pendant un repos de celte longue marche qui les mène à la
mort que Miette et Silvère échangent leur premier baiser
d'amour, encore plein d'ignorance [206]. Miette meurt quatre
jours après, tuée dans la fusillade de Saint-Roure [263]. (La
Fortune des Bougon.)
Miette. — Une belle fille du village des Artaud, mariée par
l'abbé Caffin [288]. {La Faute de l'abbé Mouret.)
Mignon. — Gros entrepreneur, associé de Cliarrier [126].
(La Curée.)
Mignon. — Mari de Tactrice des Variétés. Gaillard très
;J1S LES PEUSOXVGES
^Tand, 1res large, avec une lète carrée d'hercule de foire. 11
porle un gros diamant au doigt [7]. Quand Uose Ta épousé.
Mignon était chef d*oi*chestre dans le café-concert où elle
L-haiitail. Aujourdliui, ils restent bons amis. C'est réglé entre
eii\ : elle travaille le plus qu*elle peut de tout son talent et de
lùuie sa beauté, lui a lâché son violon pour mieux veiller sur
ses succès d'artiste et de femme. On ne trouverait pas un
ménn^'^e plus bourgeois, plus uni. Quand Mignon parle de ses
enfants, il sourit complaisamment, il a les yeux humides de
leuJresse paternelle; il adore les petits; une seule préoccupa-
tion le tient, grossir leur fortune en administrant avec une
rigidité d'intendant fidèle Targent que gagne Uose au théâtre
ou ailleurs [109].
Mignon est toujours Tinséparahle île l'amant de Rose; au
besoin, il l'aide à la tromper; puis, la fantaisie passée, il le
ramène, repentant et fidèle. Complaisant aux banquiers comme
Sleiner, il a vu d'un mauvais œil Rose perdre son temps avec
le journaliste Fauchery qui n'apporte au ménage qu'une publi-
cité discutable. 11 a imaginé de se vengir de Fauchery en le
comblant de marques d'amitié et en le bourrant de coups,
coiTime emporté par un excès de tendresse. D'ailleurs, tout
s'arrange entre eux par l'accoutun.aiice. Le principe de Mignon
est qu'il ne faut se fâcher avec personne [146]. Expérimenté et
sup»}rieur, il n'entre pas dans les querelles de femmes ; les
rcfsentiments de Rose ne l'empèchen! pas d'admirer Nana. H
•'•|;rouve, devant l'énormilé du travail de cette fille, devant
l'eLla^sement de ses richesses, cette sensation de respect
éprouvée par lui un soir de fête, dans le château qu'un rafûneur
s'ttait fait construire, un palais dont une matière unique, le
^U'.re, avait payé la splendeur royale. Elle, c'est avec autre
cliose, une petite bêtise dont on rit, un peu de sa nudité déli-
cate, c'e^l avec ce rien honteux et si puissant, dont la force
suu ève le monde, que toute seule, sans ouvriers, sans machines
iiventt^es par des ingénieurs, elle a su ébranler Paris et bâtir
iiij ■ foilune où dorment des cadavres. El dans son ravissement,
.'.vrc un retour de gratitude personnelle, il laisse échapper ce
lUL't : — c Ah ! nom de Dieu ! quel outil! > [500]. (A*a««.)
Mignon (Chaules).— Fils cadet des Mignon ['2ïï],{Xana:}
Mignon (IlENni). — Fils aîné des .Mignon; à neuf ans, c'est
un .çraiiJard. On l'élève avec son frèie dans un pensionnat [-1 ij.
DES ROUGON-MACQUART 319
Mignon (Rose). — Étoile des Varictcs, fine comédienne et
adorable chanteuse [G]. Maigre et noire, elle est d*une laideur
charmante de gamin parisien [15]. L'argent (jumelle gagne au
théâtre et à la ville est sévèrement administré par son mari,
esprit pondéré qui sait calmer, au besoinfSes ressentiments de
femme et d'actrice. Un peu aigrie par la rivalité de Nana, une
actrice de trottoir qui lui enlève ses rôles et ses amants, elle
a, en un jour de colère, dénoncé au comte Muiïatles amours de
la comtesse avec Fauchery [129]. Mais au fond, Rose n'est pas
méchante; cVsl elle qui, prise de pitié devant Nana atteinte de
la petite vérole, prend Tinitiative dt- la faire transporter au
Grand Hôlel; elle l'y soigne avec dévouement [507]. {Nana).
Mignot. — Commis du rayon de ganterie, au Bonheur
des Dames. Un des rares Parisiens de la maison, le joli Mignot,
comme on -l'appelle. iSâtard d'une maîtresse de harpe [54]. 11
affecte de coqueter avec les clientes et vit sur la légende d'une
femme de commissaire de police, tombée amoureuse de lui [120].
C'est un ami d'.Vlbert Lhonime; il avantage les maîtresses que
celui-ci lui adresse, des filles en cheveux qui fouillent pendant
des heures dans les cartons [166]. Quant ù lui, il joue aux
courses, toujours serré d'argent, empruntant aux camarades
[335]. Mignot finit par se faire chasser pour une série de vols
de marchandises, accomplis avec le concours d\\lbert Lhomme
[116]. Plus tard, devenu courtier, il reparaît effrontément au
magasin [i9G]. {Au Bonheur des Dames.)
Mimi-la-Mort. — Un élève du collège de Plassans, qu'on
nomme aussi le S(juelette-Externe. C'est un maigre garçon qui
apporte en contrebande le tabac à priser de toute la classe. On
fait un jour la bonne blague de brûler ses souliers dans le
poêle [37]. {LŒuvrc.)
Minouche. — Petite chatte blanche, apparlenant aux Chan-
teau [8]. D'une propreté minutieuse, froidement égoïste, elle
traverse les événements avec le continuel souci de ne pas se
salir. C'est la parfaite indifférence, opposée aux débordantes
démonstrations du chien Mathieu. Quatre fois par an, elle tire
des bordées terribles, disparaissant des deux et troisjours. Elle
rentre abominable, si sale qu'elle se lèche pendant une semaine;
puis elle reprend son air débouté de princesse. .Ses perlées
sont jetées à l'eau sans qu'elle s'en inrjuièlc, pensant que la
maleriiilé finit h\ [G8j. A seize an>, elle perd un peu la vue [iOlJ.
32u LES PERSONNAGES
Misard. — Stationnaire de la Compagnie de POuest, à la
Croix-de-Maufras,enlreMaIaunay et Barentin. Un petit homme
malingre, les cheveux et la barhe rares, décolorés, la figm*e
creusée et pauvre. Sa femme, une cousine de Jacques Lantier
qui l'appelle tante Pbasie, garde la barrière du passage à
niveau. 5fisard est un ancien poseur de la voie, il gagne main-
tenant douze cents francs à une besogne toujours la même
pendant douze heures : sonner de la trompe à chaque tinte-
ment électrique annonçant un train, puis le train passé, la voie
fermée, pousser un bouton pour le signaler au poste suivant et
un autre bouton pour rendre la voie libre au poste précédent ;
il vit là, mange là, sans lire trois lignes d*un journal, sans
paraître même avoir une pensée, sous son crâne oblique.
Silencieux, effacé, sans colère, d'une politesse obséquieuse
devant les chefs, cet humble, ce chétif, qui tousse d'une petite
toux mauvaise, empoisonne lentement sa femme, mêlant d'abord
une poudre au sel qu'elle absorbe, puis lorsqu'elle s'en ^st
aperçue, jetant de la mort-aux-rats dans ses lavements. Ce
crime patient et sournois, commis dans la continuelle trépida-
tion des trains, en un désert où nul ne s'arrête, a pour cause
la convoitise d'une somme de mille francs qui a été léguée à
lantePhasie par son. père et qu'elle a refusé de remettre à
Misard. Durant des mois et des mois, celui-ci ne songe qu'àl'ar-
geut, fouillant partout, supposant en vain mille cachettes.
Pour s'emparer du trésor, il a fini par tuer sa femme, une
grande et belle femme, une gaillarde, peu à peu mangée par
lui comme le chêne est mangé par Tinsecte. Elle est mainte-
nant sur le dos, réduite à rien, et lui dure encore [309]. Mais
tante Phasie triomphe quand même, Misard reste battu,
retournant la maison, creusant le jardin, cherchant éperdument
le jour et la nuit, sous l'afToIement de Tidée fixe, et ne trouvant
décidément rien. Une vieille femme du voisinage, la Ducloux,
qu'il a prise pour tenir la barrière, exploite sa manie, elle se
fait épouser [408] et, désormais, tous deux cherchent avec la
même fièvre, tous deux chercheront éternellement, sans que
l'assassinée consente à livrer son secret. {La Bête humaine.)
Misard (Madame). — Voir Phasie (Tante).
Morange (Charlot). — Fils de Silvine Moraoge et de
Goliath Sleinberg. Rose et blond, très fort, il a une tignasse
pâle frisée et de gros yeux bleus, il ressemble extraordinaire-
ment à son père, il est bien de race germanique» dans sa belle
DES RÛl'GON-MACQUÂRT 3Sl
santé d*enfance, souriante et fraîche. C'est le Prussien, comme
les farceurs de Remilly le nomment [168]. Il a trois ans au mo-
ment de Toccupation allemande. Ou lui a appris une injure :
cCochons, les Prussiens! > qu'il répète avec obstination [518].
Caché derrière Silvine, sans qu'elle s'en doute J*enfant assiste
à la moi*t de son père, égorgé comme un porc par les francs-
tireurs des bois de Dieulet. A présent, on ne dira plus que
Chariot est un Prussien, il sera élevé dans Texécraiion de sa
famille paternelle et ira peut-être un jour exterminer les siens
[540]. {La Débâcle.)
Morange (Silvine). — Servante de ferme à Remilly. Elle
a perdu toute jeune sa mère, ouvrière séduite, qui travaillait
dans une usine de Uaucourt. Son parrain d'occasion, le doc-
teur Dalichamp, Ta placée comme petite servante chez le père
Fouchard. A seize ans, elle a été aimée du fils du maître et,
devant Topposilion du vieux, le jeune homme s*est engagé.
Alors, dans une minute d'inconscience, malade de chagrin,
affaiblie encore par les larmes de la séparation, la malheureuse
fille s'est donnée à un valet de ferme, Goliath Steinberg, elle
est devenue enceinte, puis Thomnic a disparu, le petit Chariot
est né. Mais elle n*a jamais cessé d'aimer Honoré Fouchard,
elle ose le lui écrire trois ans après, à Theure de la guerre ;
elle ne veut pas qu*il meure sans savoir qu'elle n'a jamais
aimé que lui ; c'est un adieu plein d'une infinie tendresse.
Très brune, Silvine a d'épais cheveux noirs et de grands
beaux yeux qui suffisent à sa beauté, dans son visage ovale,
d'une tranquillité forte de soumission [165]. Elle est toute
saignante de Tinvasion ; à Raucourt, elle a vu les Bavarois
ivres de fureur; près de Villers, elle a rencontré une femme
de Deaumont, qui fuyait devant eux et qui, sur la grande routd
du village, a assisté au terrible passage de l'artillerie ennemie,
menée d'un train d'enfer, se hâtant dans la diabolique pour-
suite des troupes françaises [i70]. Silvine adore son enfant,
elle étreint sur son cœur le fils du Steinberg qui, à cette heure
même, ^ruide les colonnes prussiennes à travers les bois. Une
félicité survient : Honoré a pardonné sa faute, il est de nou-
veau à elle, lui qu'elle avait perdu; maintenant, elle mourra
plutôt que de se le laisser reprendre [1 73]. Et quand, le lendemain
de Sedan, elle apprend qu'il a été tué, c'est ua écroulement,
un besoin fou de le revoir.
Avec Prosper Sambac, elle va chercher le corps au calvaire
Zi'2 LES PEUSONNAGES
d'Illy; elle traverse la Meuse où des cadavres passent au fil de
l'eau ; elie parcourt Cazeilles effondré [ilC] ; devant Montivil-
Jiers,elle rencontre des tombereaux débordanis de morts [418];
elle voit à FErmitage les petits soldats français, tués la veille
et rangés par les Prussiens dans des pobcs ridicules, en déri-
sion delà vieille gaieté française [ilH]; elle traverse le bois
de la Garenne, la forêt bombardée, où tant d*hommes sont
tombés fraternellemeut avec les arbres [i21]; et elle aboutit
enlin au vrai champ de bataille, au plateau d'illy. plein d*hor-
reur, où d'immondes rôdeurs détroussent les morts, où des
chevaux errants, libres et affamés, les naseaux couverts
d'écume, se livrent à des charges furieuses, au travers de la
campagne vide et muette [424]. Elle retrouve le cher mort, cet
homme si bon qui lui a pardonné et qui, entre ses doigts
cri>pés, tient encore la lettre où elle lui disait son amour [430].
Ellerantène le corps à Hemilly, en passant par Sedan, la ville
devenue immonde, le cloaque où, depuis trois jours, s'entassent
les déjections et les excréments de cent mille hommes [432].
Et Silvine, très belle dans sa pâleur, avec les grands yeux
superbes qui éclairent tout son visage, pleure le seul homme
qu'elle ait aimé; ses lourds cheveux noirs la coiffent comme
d un calque de deuil éternel [52G]. Aussi repousse-l-elle farou-
chement les avances de Goliath, revenu avec les armées alle-
mandes; les menaces du Prussien Taffolent, elle le livre aux
francs -tireurs [531], et, la face rigide, absente d'elle-même,
en proie à l'idée ûxe qui la pousse, elle assiste à Taffreuse
mort de l'espion [537]. .\près cette scène tragique, elie rede-
vient la fille courageuse et soumise de jadis, dirigeant la ferme
ou rai)sence du maître, pendant que Chariot saute et rit autour
d'elle [542]. {La Débâcle.)
Morizot. — Amateur courant les salons, où il fait des tours
de physique. Il est amené par Malignon au bal d'enfants des
Deberie[l30]. (Une Page d'Amour,)
Moser. — Un habitué de la Bourse. Taille courte, le teint
jaune, ravngé par une maladie de foie. Se lamente sans cesse,
en proie à de continuelles craintes de cataclysme, qu'il exprime
de sn voix aigre et très aiguë [7]. 3îême quand les liquidations
sont bonnes, il empoche ses gains d'un air havre [91]. (VAr-
ffcnt.)
Mouche (Le PÊnL). — De son vrai nom Michel Fouan. C'est
le troisième enfant de Joseph-Casimir. Fière de ia Grande, du
DES nOUCO^'-MACQUAUT 3!î3
père Fouan et de Laure Badeail. Père de Lise el de Françoise
Moache. Possélanl sept arpents de terre, il s*est cmliarrassé
d'une amoureuse qui ne devait avoir en héritage que deux
arpenti de vi'/ne. Dans ie partage des biens paternels, on a
attribué à Miclit^l r.inti«]ue maison patriarcale, bâtie par un
ancêtre, il y a trois siècles, et que la famille honore d'une
sorte de culte. Veuf jeune, le père Mouche vil dans une aigreur
de malchanceux, encore humilié de son mariage pauvre, accu-
sant son frète et la Grande, après quarante ans, de l'avoir volé
lors du tirage dfs lois; et, à la vérité, il est devenu si raison-
neur et si mou au travail que sa part, entre ses mains, a perdu
de moitié [33]. A soixante ans, gros, court, il meurt d'une
attaque d'apoplexie, pendant une tempête de grcJe dévastatrice
qui affole les paysans et les jette eu pleine nuit dans leurs
champs, avec des lanternes, pour constater le désastre [100].
(La Terre.)
Mouche (FuANÇoiSE) (1). — Fille cadette de Michel F.»uan,
dit Mouche. Orpiieline à quinze ans. Elle a une petite gorge
dure qui se forme, une face allongée aux yeux noirs très pro-
fonds, aux lèvre> épaisses, d'une chair fraîche et rose de fruit
mûrissant. Lipcau est très brune, hàlée et dorée du soleil [5].
Le grand air el les durs travaux n'ont pas eu le temps de
Fenlaidir. Françuiso a le renom d'une fameuse tète, l'injustice
l'exaspère; qnaml elle a dit : ça c'est à moi, ça c'est à toi, elle
n'en démordrait pas sous le couteau. Raisonnable, très sage,
sans vilaines pensées, seulement tourmentée par un sang
hAtif, ellt; a été élevée par Lis»*, leur mère étant morte, et
c'est une aJoralion entre les deux sœurs, on les rencontre tou-
jours ensemble.
Lorsque Dueaii a abandonné Lise, dont il était Tamanl,
Françoise a éprouvé une grande antipathie pour lui, -i..' a été
soulevée par une de ses révoltes d'honnêteté, comme si elle
avait à venger un dommage personnel [118]. Puis, lorsque
Buteau a r«iparê su faute par un mariage, il a semblé à Fran-
çoise qu'on lui pre.iail sa sœur ; puisque celle-ci est mainte-
nant à un autre, elle la lui laisse. Au fond, elle désire Buteau
sans le savoir; sa coicre n'est que de la jalousie inconsciente ;
mais uniqueai.jnl préoccupée du lien et du mien, elle mourrait
(I) Frvif-me Mtu'Ue, mariée, en LSGT, à Jean Macquari. {Arhre
Qénédloni'iiie dca Ujunon-Macmart.)
3-2i LES PEUSO.NXAGES
plutôt que de partager. Le désaccord s'est accentué entre les
deux sœurs. Duleau, qui les a désunies, rêve de les posséder
toutes deux, d'être l'amant de sa belie-sœur pour garder tout
le bien. Et c'est une longue lutte entre lui et Françoise, celle-ci
résistant à ses attaques brutales, faisant tète avec une sorte de
rage, allant jusqu'à se réfugier dans un mariage avec Jean
Macquart, qui Fa possédée par surprise et qu'elle n'aime pas.
car elle le considère comme unami très âgé et bonhomme [117].
Devenu son mari, Jean n'est pour elle qu'un étranger, elle
se sent bouleversée à chaque rencontre avec Duteau et lorsque
enûn, à vingi-trois ans, enceinte de cinq mois, presque consen-
tante au viol, elle subit l'étreinte du mâle si longtemps repoussé,
elle est emportée dans un spasme de bonheur aigu, elle serre
Butcau à rétouITer, en poussant un grand cri. La mort vient
alors, dans un meurtre lâchement conçu par Lise, et, gisante,
le flanc troué, assassinée par les siens, Françoise conserve dans
Tagonie son profond sentiment de la famille, plus fort que le
besoin de vengeance. Dans son idée puérile et têtue de la jus-
tice, elle ne veut pas laisser la terre, la maison, à son mari, à
l'homme venu d'ailleurs et qui n'a fait que traverser son exis-
tence, en passant [453]. Elle meurt silencieuse, ainsi qu^une
béte terrée au fond de son trou [457]. (La Terre.)
Mouche (Lise). — Sœur aînée de Françoise. Fille de la
Vierge, elle est enceinte des œuvres de son cousin Buteau»
Grasse et ronde, la mine gaie, Lise est grande, elle a l'air
a;;réable, malgré ses gros traits et la boufûssure commençante
de toute sa personne. Plus âgée de dix ans que Françoise, elle
apporte à la besogne un tel cœur, tapant, criant, riant, qu'elle
réjouit la vue. Le petit Jules a près de trois ans, lorsque
Duteau, longtemps réfractaire au mariage, est séduit par une
opération de t<'rrains qui avantage les sœurs Mouche ; il se
décide à épouser Lise.
De uouveuu enceinte, celle-ci accouche le jour de la Saint-
Fiacre, en même temps que la Coliche [248], et la femme oublie
ses propres douleurs pour s'intéresser au travail de la vache.
Depuis qu'un homme est là, avec ses volontés et ses appétits
de mâle, une haine lente, inconsciente, s'est levée entre Lise
et Françoise. Plus Tainée a grossi, plus elle t'est tassée dans
sa graisse. s<itislaile de vivre, d'une gaieté d'égoïsme rapace,
ramenant à elle la joie d'alentour [301]. Comme Duteau devient
brutal et qu'il casse tout lorsqu'il est repoussé par Françoise,^
DES «OUr.ON-MACQUAnT 325
Lise voudrait voir sa sœur céder; son unique désir est d'être
lieureuse, môme au prix d'un partage. Puis, rageant de voir
son mari s'échauQer inutilement auprès de la jeune fille, elle
prend en exécration ce joli corps qui se refuse, elle voudrait
que r>uteuu abîme tout ça [«^oO], et c'est dnns ce sentimen
qu'elle aide plus tard au viol, espérant aussi queDuteau pourra,
par un rite convenu, détruire Tenfant que la femme de Jean
porte en elle. Mais dans K* cœur qu'il y mettait, Duteau a. tout
oublié. Et une jalousie éclate tout à coup en Tàme de Lise, une
jalousie qui porte moins sur l'acte que sur tout ce qu'il a fallu
partager, dès la naissance, avec cette sœur maudite. Elle
hait Françoise d'être plus jeune, plus fraîche, plus désirée»
et, dans un paroxysme de colère, elle la cuihute de toute la
force de ses poignets sur une pointe de faux [147]. Le crime
reste impuni, grùce au silence volontaire de la victime. Lise
aide ens liie à l'assassinat du père Fouau. {La Terre.)
Moulin. — Sous-chef de gare au Havre, collègue de Rou-
baud [l'l\.[La Bcic humaine.)
Moulin (Mahame). — Femme du sous-chef de gare. Petite
personne timide et frêle, qu'on ne voit jamais et qui a un
enfant tous les vingt mois [85]. {La Bc te humaine.)
Moumou. — l'ne des bêtes préférées de Désirée Mouret ;
c'est un gros chat noir qui lèche avec douceur le menton de sa
maîtresse [340]. (La Faute de Vabbé Mouret.)
Mounier. — Ténor de l'Opéra. Donne la réplique à une
cantatrice mondaine, madame Daigremont [309]. {VArgent.)
Mouque. — Père de Mouquet et de Mouquette. Court,,
chauve, ravagé, mais resté gros quand môme, ce qui est rare
chez un ancien mineur deciujjuanleans ; a été gardé au Voreux
comme palefrenier. La Compagnie l'a logé dans les ruines de
liéquillard, pleines de trous perdus où les galants culbutent les
lilles; le p<Tc Mouque achève ainsi de vieillir, au milieu des
amours [|:V.)]. 11 chique à un tel point que ses gencives saignent
dans sa boiiclie noire [^rl]. Chaque soir, il reçoit la visite de son
vieux camarade DonneDiort [lil]. {Germinal.)
Mouquet. — Moulincnr au Voreux. Petit et i:ros comme
son père, le vieux Mou'jue, il a le nez elTrontê d'un gaillard
I «pli mange tout, sans nul souci du lendemain [08j. C'est Tinsé-
parable ami de Zacharie 3Iaheu. Venu en curieux, pendant la
|:rève, à la fosse gardée mililairemenl et assaillie par les gré-
dâC LES PERSONNAGES
TisteSyil est tué par une balle qui lui entre dans la bouche [488].
(Germinal.)
Mouquette. — Une hercheuse de dix-huit ans, bonne
fille dont la gorge et le derrière énormes crèvent la veste et
la culotte. Elle habite avec son père et son frère, dans les
ruines de Kéquillart. Au milieu des blés en été, contre un
mur en hiver,elle se donne du plaisir avec son amoureux de la
semaine; toute la raine y passe, une vraie tournée de cama-
rades, sans autre conséquence. On ne la fâche qu*en lui
attribuant des amours extérieures; elle se respecte trop pour
aller avec un autre qu*un charbonnier [29]. Le lundi, lors-
qu'elle est lasse des farces du dimanche, elle se donne un vio-
lent coup de poing sur le nez, quitte sa taille sous prétexte
d'aller chercher de Teau, et vient se réfugier à l'écurie, dans
la litière chaude [62].
Pour la iMouquette, la suprême expression du dédain consiste
à montrer son derrière ; pendant la marche des grévistes au
travers des fosses, elle le présente, énorme et nu, aux bour-
geois de Montsou et quand l'émeute gronde autour du Voreux,
quand les soldats chargent leurs fusils, elle leur crache d'abord
tous ses gros mots, puis, n'ayant plus que cette nouvelle
offense à bombarder au nez de la troupe, elle lui montre son
cul [483]. Peu sentimentale de nature, la Mouquette s'est éprise
pourtant d'I^ltienne Lanlier [286]; c'est une très courte liaison
qu'Etienne rompt bientôt, car il est hanté par son amour pour
Catherine Maheu. Celle-ci est sauvée le jour de l'émeute par la
Mouquette qui, d'un mouvement instinctif, s'est jetée devant
elle en lui criant de prendre garde. La bonne fille reçoit deux
balles dans le ventre, elle s'étale sur les reins et, mourante,
elle hoqueté sans cesser de sourire à Catherine et à retienne,
comme si elle était heureuse de les voir ensemble, maintenant
qu'elle s'en va [488]. (GerminaL)
Mouret (l). — Était ouvrier chapelier dans un faubourg
de Plassans lorsqu'il s'est épris d'Ursule Macquart, frêle et
blanche comme une demoiselle du quartier Saint-Marc. Il
réponse en 1810, faisant un mariage d'amour, ne demandant
pas un sou de dot et il emmène sa femme à Marseille oî^il va
travailler de son étal [60], Lorsque, cinq ans après, .\nloine
(1) Mouretf ouvrier chapelier^ bien portant et pondéré, mcrié à
Ursule Macqua'^t. {Arbre généalogique des Rovgon-MaC'^uart.)
DES KOUGON-MACQUAUT 357
Macquart vient lui demander son concours contre Pierre
RougOQ qui s*est approprié le patrimoine maternel, Mouret
conserve son attitude désintéressée et se refuse à tout démêlé
avec la famille. 11 8*est établi rue des Petites-Mariés, a trois
enfants, Hélène, François et Siivère, perd en 1840 sa femme
qu'il adorait et, terrassé par le coup, se traîne encore un an,
ne s'occupant plus de ses affaires, perdant Targent qu*ii avait
amassé. []n matin, on le trouve pendu dans un cabinet où
I étaient encore accrochées les robes d'Ursule [160]. {La For-
I tune des Bougon.)
Mouret (Madame Ursule). — Voir Macquart (Ursule).
Mouret (Désirée) (1). — Troisième enfant de François
Blouret et de .Marthe Rougon. Sœur d'Octave et de Serge. Née
en 18 U a Plassans [ICI]. (La Fortune des Bougon.)
A quatorze ans, forte pour son âge, clic a un rire de petite
fille de cinq ans. C'est une innocente [16] qui n'aime que les
bêtes et ne se porte bien que chez sa nourrice, où elle vit dans
la basse-cour [95]. Marthe qui, avant son détraquement reli-
gieux, aimait tendrement cette petite, la néglige de plus en
plus [185] et finit par la prendre en grippe [:235], au point
qu'un matin, Mouret ramène l'enfant à Saint-Eutropc, chez sa
nourrice. {La Conqunte de Plassans,)
Orpheline en 1864, Désirée est recueillie par son frère Serge
qui, après le séminaire, est devenu curé des Artaud. A vingt-
deux ans, rinnocente est une forte fille, aux cheveux noirs
noués puissamment derrière la nuque, à l'air enfant, aux
pensées puériles, que la Teuse couche tous les soirs en lui
racontant des histoires pour l'endormir. Passant ses journées
parmi les hétes dont elle est la fraternelle amie, son grand
coq fauve Alexandre qui commande la basse-cour, sa chèvre,
ses lapins, son cochon Mathieu, sa vache Lise, adorant les
oiseaux, protégeant même les fourmis qui ont envahi l'église,
elle vil heureuse, le cerveau vide, sans curiosité dépravée,
goûtant dans le pullulement qui l'entoure toutes les joies de la
fécondité, devenant une belle bête fraîche, blanche, au sang
(Ij Désirée Mouret, née en 18ii. (Élection de la mère. Ressem-
blanc ; phy5i«juc de la m»''re. Hêréililé d'une névrose se tournant en
inibécillilêl. Vit encore à Saiut-Eutrope, arec non frère. {Arhre
nénénîomnue des Roiuion-Macnuarl.s '
(
I
328 I.ES PtUSON.NAGtS
ro<e, à la peau fine [68J. L'oncle Pascal, qui éludie les Rougon-
Macquarl t\ leurs inslincls si difficiles à assouvir, diique cVst
Désirée qui a eu le plus de chance [17]. (La Faute de Vabbé
Mount.)
Eilc a suivi son frère à Saint-Eulrope, où il est devenu curé,
et elle reste innocente el saine comme unejeune bête heureuse
[122]. {Le Docteur Pascal.)
Mouret (François) (1). — Fils, aîné d'Ursule Macquîirl el
du chapelier Mourel. Frère d'Hélène et de Silvère. Père d'Oc-
tave, Serge et Désirée. Né à Marseille en 1817. Grande ressem-
blance physique avec sa mère cl avec l'aïeule Adélaïde Fouque;
lieiit de son père un cerveau étroit et juste,: aimant dinsiinct
h vie réglée. C'esl un garçon paisible et méticuleux, un peu
lourd de sang. Il a reçu une bonne éducation commerciale tl,
après la mort de son père, en ISiU, a. quitté Marseille et est
entré, à titre de rommis, chez son oncle Pierre llougon, à Plas-
sans. Trois mois après, François épouse sa cousine, Marthe
r«ou.::on, avec qui il a une grande ressemldance physique el
une grande dissemblance morale. De 1840 à 18i4, :es deux
époux ont trois enfants; quand Pierre Piougon se rtiirc, en
ItSî', ils refusent de prendre le fonds el vont s'établir a Mnr-
S'.illc. avec quelques économies [161]. (La Fort if ne des
liOH'/On.)
En quinze ans, François a gagné une fortune dans le com-
iiHjrce lies vins, des huiles et des amandes [o3]. Il se relire
av..c sa femme et ses enfants à Plassans, où il a acheté rue
L ilan.U une maison avec grand jardin, attenant en haut à la
sous-préfeclnre, en bas à la propriété de M. Piastoil. A qua-
r.nt'-cinq ans, Mourel, sous son épaisseur de négociant retiré,
a conservé un esjiril lin et frondeur, il tyrannise sou entourage
[' rues iroùls d'ordre minutieux ; ses instincts d'homme rangé
le porU;il à l'avarice.
Fo: l Leurcux, niailre chez lui, concluant encore dos alfaires
!i Iiiif'.ifi Mourel, ne cn 1817; cpous", eii ISi'K >«j routine
j,' ; <'."j liHi'j'jn. donl il a trois e}iftuils\ non ri fou, t'n iS'-i. li'ins
v. \t\ tf ie luhnnc jntr lui. tlcclion du )•• rc. lîcs^cmblan «^ j ysi jii»'
«!■.• ] n." re. 1 raiiçois it Mi.illic, les «l«;i:x é|i'>u\, se rc-soi:;t^I'-'î:t}.
M'!i.>>t,. ' //»_• /•/// r,) fjruc, fitds rentier. lArhn' ijt')i('ali>fjt'i-fe 'les
Il'jr'j 'j<-MtU',uiirl.)
DES nOUGON-MACQUAin*
3*y
pour le plaisir ["IS], il s'avise un jour que deux chambres du
second ûtnge lui sont inutiles et il les loue :\ un prêtre, l'abbé
Faujns, qui bientôt va s*eniparer de la maison tout entière, fai-
sant d'elle, entre les deux sociétés qu'elle sépare, le quartier
général de ses manœuvres. Dés lors, Mouret a perdu sa belle
tranquillité égoïste. Habilement circonvenu par Faujas, il le
laisse pénétrer dans son foyer, s'habitue aux parties de piquet
avec la mère de l'abbé [9^], voit peu ù peu Marthe lui échapper
sans avoir l'énergie de la reprendre. Il se console on la criblant
de plaisanteries, puis s'irrite contre la prétraille [ill']; mais
au fond, il est faible comme un enfant et en arrive à loui sup-
porter [1*28], s\ittachant à ne pas laisser deviner sa détresse,
cachant soigneusement ses émotions [UO], refusant de livrer
les secrets de son ménage perdu [It»"»].
Tout craque autour de lui, Marthe vit enfoncée dans son rêve,
l'aîné Octave ^^àle sa jeunesse à Marseille [I8ij, Serge s'est
réfugié au séminaire, Désirée est-presque idiote, la vieille ser-
vante Dose e>t devenue grondante et hostile, les Faujas et les
Trombe eiilin se partagent la maison. Cette lente expro-
}riation écrase Mouret. 11 se concentre dans des silences mornes
!225], vit oublié à sa propre table [-1:2], s'enferme pendant des
leures au premier étagf^ où il reste les bras ballants, la tète
blanche et fixe, le regard perdu [iôo].
Mais toi homme inollensif tient encore trop de place, sa
seule présence excède Marthe, il gène les Tronche qui révent
d'être les seuls maîtres, Félicité Dougon voit dans cet opposant
aimé des petits bourgeois et des faubourgs un danger pour les
élections imminentes. Et tous ces appétits qui souillent détra-
quent l'esprit alfaibli de Mouret, une légende habilement
répandue montre en lui un monomane dangereux; on l'enferme
enlin aux Tuleltes. à deux pas de l'aïeule Adélaïde Fouque,
et bieniôl il devient complètement fou {3ti:2].
Lâché un soir par le gardien Alexandre, complice d'Antoine
.Macquni t, il court à Plassans, rentre dans son jardin dévasté,
dans sa maison au pillage, découvre les Trouehe vautrés sur
son lit et appelh; en vain Marthe et Us enfants disparus. Alors,
plein d'un»' fureur homicide, il décide de tout détruire ; avec
une ellroyalde lucidité, il dresse silencieusement des bûchers
et il allume en pleine nuit un terrible incendie où tout llambe,
la maison s'.i bal tant sur le fou, sur les Trouche, sur les Faujas,
au njilieu d'une poussière d'étincelles [oS.')]. {La Comjui'lc de
Plassans.)
-6.
3J0 LES PERSONNAGES
Mouret (Madame Fhançois). — Voir RoicoN (Marthe).
Mouret (Hélène) (J). — Deuxième enfant du chapelier
.Mouret el d'Ursule Macquart. Née à Marseille en lb2i, devient
orpheline en 1840. Sœur de François el de Silvcre. {La For-
tune des Rougon.)
Grandjean, son prenoîer mari, plus âgé qu'elle de six ans,
sVst pris d'un grand amour pour cette belle jeune fille qui
avait alors dix-sept ans cl habitait avec son père à Marseille.
Les Grandjt.'an, riches bourgeois exaspérés de la pauvreté
d'Hélène, ont rompu avec le jeune ménage qui végète longtemps
et vivra enfin à l'aise, grâce à dix mille francs de rente, légués
par un oncle du mari. Mais Grandjean, venu à Paris avec sa
femme el son enfant pour s'y fixer, est enlevé par une brusque
maladie. Les seuls amis qu'Hélène ail à Paris, l'abbé Jouve et
Piambaud, rinstallent avec sa fillette Jeanne, dans le quartier
de Passy, sur les hauteurs du Trocadéro, d'où elle contemplera
Paris, l'océan humain sans bornes et sans fond.
A vingt-huit ans, grande, magnifique, d'une beauté correcte,
Hélène est une Junon châtaine, d'un châtain doré à reflets
blonds [13]. Elle a des yeux gris à transparence bleue, des
dents blanches qui lui éclairent toute la face, un menton rond
un peu fort. Saine et chaste, avec un air grave et bon, c'esi
une nature droite, à sang calme. Elle vil dans une paix très
douce, cousant des layettes pour les pauvres de l'abbé, le rece-
vant à dincr tous les mardis avec le bon Rambaud, n'ayant
d'autre sortie qu'une promenade quotidienne de deux heures
au Dois de Doulognc, avec sa fille, enfant délicate et nerveuse
qui lui a voué une adoration jalouse.
Hélène a perdu depuis dix-huit mois son mari qui l'adorait,
mais pour qui elle n'eut jamais qu'une amitié calme, lors-
qu'une crise maladive de Jeanne la met en présence du docteur
l)eberle. Portée d'abord par un élan de reconnaissance vers.
celui qui a sauvé son enfant, rapprochée de lui par de com-
(1) Hélène Mouret, née en J82i ; épouse en 1811, Grandjeati, chétif
el prédisposé à la phtisie ; en a une fille en 18-i3 ; perd son mari
d'tine bronchite en I8ô3; se remarie, en 1857, avec M. Rambaud,
dont elle n'a pas d'enfants. (Inncité. Combinaison où se confondent
les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d'eux
semble se retrouver dans le nouvel être.'. Vit encore à Marseille
ai ec son second mari. {Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
DES nOUGON-MACQUART 331
rounes TÎsitcs chez une pauvresse, la mère Fétu, puis entrée
dans rintimitê des Debcrlc, elle se prend pour le docteur d'un
profond amour, le premier amour de sa vie, qu'elle rêve
d*abord chaste, mais qui, bientôt, la jettera dans les bras
de Henri, frémissante, oubliant un instant sa fille, ne soup-
çonnant pas le i r: ibie mal qui va emporter Tenfant.
La fin tragique de Jeanne, cette mort muette sans une
plainte, ce masque sombre et sans pardon de fille jalouse [382],
ébranle violemment Hélène et déchire dans sa vie la page
d*amour à peine commencée. Fidèle aux conseils de Tabbé
Jouve, elle épouse plus tard le fidèle et paternel Hambaud qui
l'emmène à Marseille et quand, revenue deux ans apvt's au
cimetière de Passy, sur la tombe de Jeanne, elle apprend ?a'un
autre enfant est né aux Deberle, cette fin mélancolique la laisse
sans colère; le cœur muet, les sens pleins de sérénité. (Une
Page d* Amour,)
Elle vit de longues années, très heureuse, très à l'écart,
idolâtrée de Rambaud, dans la petite propriété qu'ils possèdent,
près de Marseille, au bord de la mer [129J. {Le Docteur
PascaL)
Mouret (Octave) (I). — Fils aîné de François Mouret et
de Marthe Rougon. Frère de Serge et de Désirée. Né en 1840
à Plassans [161]. {La Fortune des Rougon.)
A dix-neuf ans, il s'est fait refuser trois fois au baccalauréat.
C*est un garçon gai, bien portant, toujours le nez en l'air, sou-
riant sous les reproches [15]. Comme il flâne dans la ville de
Plassans, où ses parents se sont retirés, on Tenvoie à Marseille
pour apprendre le commerce [145]. Il mène là-bas joyeuse vie,
criblé de dettes, cachant des maltresses dans ses armoires [184].
{La Conquête de Plassans.)
Après la mort tragique de ses parents, Serge, qui va entrer
dans les ordres, renonce en faveur d*Octave à sa part de la
fortune paternelle [25]. {La Faute de Vabbé Mouret.)
(1) Octave Mouret, né en \H iO; épouse, en \%o, madame lïèdouin,
qu* il perd la même année; se remarie, en 1809, avec Denise Daudu,
saine et équilibrée, dont il a deux enfantft, une fille et un garçon,
trop jeunes encore pour être classés. (Élection du pète. Ressemblance
physique de son oncle, Eugène Kougon, hérédiU' indirecte]. Fon-
dateur et directeur des qrands magasins : Au Bonheur des Dames,
Vit encore à Paris. {Arbre généalogique des Flougott-Macquart.)
C3-2 LES PERSONNAGES
Il est membre du conseil de famille de sa cousine Pauline
Queiiu [2G] el consent à rémancipalion [117]. (Lt Joie de
vicre,)
Octave Gisl venu fi Paris, très décidé à y faire fortune. 11 est
grand, Jirun, beau {,'arçon, il a les moustacbes et la barbe
so'^nées, une belle main aux ongles taillés correctement. Avec
ses veux couleur de vieil or, d'une douceur de velours, et
malgré ses larg<.*s épaules, il est femme, il a un sens des
femmes qui loi.t de suite le met dans leur cœ*ir. C'est une
possession lente, par dos paroles dorées cl des regards adula-
teurs [li], et, sous son air d'adoration amoureuse, c'est aussi
un fond de brutalité, un dédain féroce [il]. Les stériles années
de Marseille Tcnt révélé à lui-même, e commerce de luxe de
la femme le passionne, ses facultés vont s'élargir au contaci
de Paris, il concevra vite l'idée de grands comptoirs modcrrse?
écrasant l'ancien commerce, se développant sous des coups
d'audace. Mais avant tout, il est bien décide à parvenir par les
femmes. Ses premières tentatives sont médiocres; plusieurs
mois de patientes manœuvres, dans, l'immeuble Vaitre où il
habite, rue de Cboiseul, n'ont fait de lui que l'amant de l'in^i-
guitiaiîle Marie Pichon; puis il a possédé Derlhe Vabre, la
femme de son patron, bourgeoise en qui sa gloriole de provin-
cial voyait une jolie créature de luxe et d<* grâce et qui n a
été «ju'une maîtresse vénale, trop chère à sa bourse de méri-
«îioiia! avare. Eiilin, la chance le favorise et, en 18G5, il épi-.ù-
madame Caroline liédouin, la fille des fondateurs du Bonheur
des iKimes, une commerçante avisée qu'il a séduite par «os
seules fa<ultt''S manhandes et grâce à qui il va enlin conquérir
Parii.[lU-2J. {Pot'BoiiiUe.)
Dientùt veuf, seul héritier de la belle fortune de sa femme,
il coiiliiiue les agrandissements commencés par madame
Héiouin. Le lloi.heur des Dames menace maintenant d'envahir
tout If quartier. Mourct s'est jeté dans la spéculation avec un
tel faste, un besoin tel du colossal que tout 5vml»!e devoir
cr;i'|u».'r sous lui; au milieu de l'eifaremcnt général, il a déve-
loj.pé daiigereu-emenl ses magasins, avant de pouvoir compter
sur une augmentation sufllsante de clientèle; chaque mise en
v'.'iiie e>t un coup de carte, où il met tout l'argonl de la caisse ;
il emplit les conq)toirs d'un entassement de marchandises, sans
^aidor un sou de réserve; toujours il s'agit de vaincre ou de
mourir. Et dans celle lutte qui fait frémir les timorés comme
l)tS nOlGON-MACQLAKl 3:]^
Dourdoncle, Mourct garde une gaieté triomphante, une certitude
des milJions, en homme adoré des femjues et qui ne peut être
trahi [il]. Quand il a des accès de brusque franchise, il se
déclare au fond plus juif que tous les juifs; il tient de son
père, un gaillard qui connaissait le prix des sous et auquel il
ressemble physiquement et moralement; et sa fantaisie ner-
veuse lui vient de sa mère, il y voit le plus clair de la chance
qui le pousse, la force invincible de sa grâce à tout oser.
-Sa conception du nouveau commerce des nouveautés est
basée sur le renouvellement continu et* rapide du capital [88],
sur la puissance décuplée de Tentassement [80], le prestige de
la marque en chilTres connus, (|ui rassure les gens et étale la
concurrence sous les yeux mêmes du public [00], l'annonce
retentissante de ventes, à perte, qui fouette Tàpreté de lu
cliente et double sa jouissance d'ncheteaise, car elle croit voler
ie marchand [97 J. Tout le systèitie aboutit à une féroce exploi-
tation de la femme, séduite et détraquée, payant d'une goutte
de sang chacun de ses caprices [9^].
Entre ses commis, Mourct a créé une lutte pour l'existence,
dont il bénéficie; cette lutte est sa formule favorite, le prin-
cipe d'organisation qu'il applique constamment; avec sa
guelte, il lùche les passions, met les forces en présence,
laisse les gros manger les petits, et s*engraisse de celte bataille
des intérêts. Il a créé une dualité entre les chefs de rayon qui.
louchant leur lant pour cent sur le chiffre d'affaires, poussent
àprcmenl à la vente, et les intéressés qui, eux, touchent sur le
bénéfice total et empochent l'avilissement des prix [IG].
Plein de la passion.de son époque, il raille Paul de Valla-
gnosc et, avec lui, les désespérés, les dégoûtés, les pessi-
mistes, tous ces malades de nos sciences commençantes, qui
prennent des airs pleureurs de poètes ou des mines pincées de
sceptiques, au milieu de l'immense chantier contemporain [80].
Chaque luaiin, même après les nuits de fêle, Mourel est là,
solide, l'ail vif, la peau fraîche, tout à la besogne, comme s'il
avait passé dix heures dans son lit. Il gouverne tout, avec le
concours lîe se.> inlêressès, des commis qu'il a, au début,
décidés à înelire de l'argent dans la maison, (jui forment
quebjue chose comme un conseil des njinislres sous un -roi
absolu et veillent chacun sur une province. Devant la femme,
il affecte des e.\lases, reste ravi et c;\!in. emporté continuelle-
ment dans lie nouvelles amours, cl ses coups de cœur sont
comme une réclame à sa vente, on dirait qu'il envelop(»e tout
33i LES PERSONNAGES
le sexe de la même caresse, pour mieux Tétourdir et le garder
à sa merci. D'ailleurs, il garde son ancien fond de brutalité;
quand les- femmes Tauront aidé à faire sa fortune, il compte
bien les jeter toutes par terre, comme des sacs vides [40].
Sans vains scrupules, il a demandé à sa maîtresse, Henriette
Desforges, de le présenter au baron Hartmann, il a séduit le
grand fmancier et obtenu par lui le concours du Crédit
Immobilier.
L'alTiiire devient alors formidable ; elle englobe tout le pâté
de maisons, Tilot compris entre les rues de la Micbodière,
Saint-Augustin, Monsigny et la future rue du Dix -Décembre,
sur laquelle s'ouvrira plus tard une façade majestueuse. Le
Bonheur des Dames emplit le quartier de ruines, détruisant
tout le petit commerce, dépouillant les entêtés comme Bourras,
tuant les Baudu et les Robineau; il est une terrible force oui
exerce au loin ses ravages, pousse au vol la comtesse de Boves,
accule au cabanon le professeur Marty, dénoue les liens de
famille comme dans le ménage Lhomme et réduit en poussière
les fabriques mal outillées, comme celle de Gaujean.
Pour mieux trafiquer des désirs de la femme, pour exploiter
plus sûrement sa fièvre, Mouret la grise d'attentions galantes;
ce sont maintenant des ascenseurs capitonnés, des distribu-
lions de bouquets de violettes, un bulfet où se plaisent les
gourmandes, un salon de lecture qui facilite les rendez-vous
d'amour; à Ténorme publicité en catalogues, annonces el
affiches, il ajoute les primes aux bébés, des images, des bal-
lons surtout, qui, tenus au bout d'un fil, voyageant en Tai:,
promènent parles rues une réclame vivante [^83]. Enfin, il a
imaginé les c rendus >, un chef-d'œuvre de séduction jésui-
tique, donnant une dernière excuse à la femme qui résiste, lui
laissant la possibilité de revenir sur une folie, mettant sa
conscience en règle et la livrant désarmée aux tentations [^Si].
Au jour d'une grande vente, la recette dépasse aujourd'hui un
million.
Mais en face de Paris dévoré et de la femme conquise, le
triomphateur éprouve une faiblesse soudaine, une défaillance
de sa volonté, qui le renverse à son tour, sous une force supé-
rieure. Cette défuite du grand capitaine, cette revanche de la
femme va être assurée par la petite vendeuse Denise Baudu.
Mouret l'a vue arriver au Bonheur des Dames, il y a sept ans,
avec ses gros souliers, sa mince robe noire, son air sauvage;
«llf bégayait, tous se moquaient d'elle, lui-m»'me l'avait
DES nOUCOX-MACQCAUT 335
trouvée laide d^abord. Long^temps, elle est restée la deniièrc
de la maison, rebutée, plaisantéc, traitée par lui en bétc
curieuse. Pendant des mois, il a voulu voir comment une fille
poussait, il s*est amusé à cette expérience, sans comprendre
qu*il y jouait son cœur. Elle, peu à peu, grandissait, devenait
redoutable. Peut-être Ta-t-il aimée depuis la première minute,
même à Tépoque où il ne croyait avoir que de la pitié. C'est en
vain qu*il a voulu se dégager de cette possession, Denise
apportait tout ce qu'on trouve de bon chez la femme, le cou-
rage, la gaieté, la simplicité; et de sa douceur montait un
charme, d'une Sfublilité pénétrante de parfum [401]. Elle s'est
obstinément refusée à lui, montrant à son scepticisme que la
sagesse d'une femme n'est pas toujours une chose relative. 11
trouve en elle une résurrection de madame Hédouin, c'est le
bon sens, le juste équilibre de celle qu'il a perdue, jusqu'à la
voix douce, avare de paroles inutiles [42i].
Et ce vainqueur plie devant elle, tremblant delà voir refuser
sa main et repousser la royale fortuue qu'il lui offre. Mais
Denise ne ré>iste plus, elle l'aimait et il va l'épouser. La
revanche de la femme aura seulement apporté dans le méca-
nisme trop rude de la maison, un peu de justice et de bonté.
Grâce a Denise, les commis n'ont plus le sort précaire d'autre-
fois; aux conpos sombres, on a substitué un système de congés;
il y a un corps de musique, une salle de jeux, des cours du
soir, des consultations gratuites. Le Bonheur des Dames se
suffit, plaisirs et besoins, au milieu du grand Paris, occupé de
ce tintamarre, de cette cité de travail qui pousse si largement
dans le fumier des vieilles rues, ouvertes enfin au plein soleil.
On va créer une caisse de secours mutuels, qui mettra les
employés à l'abri des chômages forcés, et leur assurera une
retraite. C'est l'embryon des vastes sociétés du vingtième
siècle. Et ce progrès, Denise l'a obtenu en plaidant la cause
des rouages de la machine, non par des raisons sentimentales,
mais par des arguments tirés de l'intérêt même des patrons
[l"28]. (Au Bonheur des Dames.)
Octave assiste à renlerremenl de son pelit-cousin, le peintre
Claude Lantier. Très riche, bon prince dans son élégance, il a
voulu prouver son goût élevé des arts. II mène le deuil avec
une correction charmante et fière [i77]. [L'Œuvre.)
Octave Mourel, dont la fortune colossale grandit toujours, a,
vers la fin de l'hiver 1872, un deuxième enfant de sa femnjc
33C LES PEUSONNAGES
lienise Daudu, qu*i] adore, bien qu'il recommeoce à se
«léran^er un peu [129]. La. petite fille deuicurc chétive,
iiiqtiiétanlc, tandis qne le polit garçon, qui tient de sa mère,
est magnifique [13!]. (Le Docteur Pascal.)
Mouret (Madame Octave), née Baudu. — Voir BArDU
• Denise).
Mouret (Madame Octave), née Deleize. — Voir Delelze
«Caroline).
Mouret (SEncE) (I). — Deuxième enfant de François
Mouret et de Marthe Bougon. Frère d'Octave et de Désirée. Né
eu \^\ 1 îi Plassans [IGl]. {La Fortune des liougon.)
II fait ses études au collège dé Plassans et; à dix-sept ar". *'
est bachelier. C'est le savant de la famille, un esprit très ten-
•in* el très grave,un tempérament nerveux qui, sous rinflueir.e
iii- Tablié Faujas, s'exaltera vite dans le sens de la mysticité.
In refroidissement contracté à la veille de son départ pour
l'uris, où il devait finir ses études, le met aux portes de la
luort, l'abbé devient son grand ami, et à peine convalescent,
) !t.Mti d'une extase religieuse, il demande à entrer au séminnî: .
['tX'j]. C'est là qu'on ira le chercher pour venir au lit de sa
iiièro mourante [iOû]. {La Conquête de Plassaus,)
Au séminaire de- Plassans, ancien couvent tout plein d'une
o.îeur séculaire de dévotion [117], .Serge a vécu cinq ann^'u.
Loureuscs. Indiflérent aux faiblesses de ses camarades, il s'est
replié sur lui-mt'me, se donnant à Dieu, l'approchant chaque
année do plus près, emporté dans un rêve d'amour et de foi.
Devenu curé des Artaud, coin de Provence aride et perdu, il a
laissé toute la fortuuc palornelle à son frère Octave et ne tient
]'.us au monde que par sa sœur l'innocente Désirée, dont il
>'esl chargé. Il vit dans un désir d'anéantissement, dans une
aideur mystique, dans une adoration éperdue de la Vierge,
fi-nivi aux joies terrestres, sourd aux voix qui moment de celle
l : Tc ardente où grouille une incessante fécondation, mort ifiant
< cil lir. s'abimaut en de profondes extases qui. à vingt-cinq ans.
<\ I Sti^je }fourel, itéeu 1811. IMéluri^'c disscininalioii. llossem-
l.lviice luorale et |ilivsiqvc de lu ini-re. Cerveau du p«Te troublé par
\'::.ï\ l'iMic laurbidc de la uière. llérédilé d'une ncvro<e 50 loiirnatit
o(. nn-li'.ismoj. l*iélre. Vit encore, curé de S^tint-Eutropc. ^Arirc
i!'''i':ulogi'pie dea lloHgon^Macqiiurt.)
DES r.OUCON-MACQUART 337
rentraincront au délire, terrassé par une fièvre qui le meUraà
deux doigts de la folie et de la mort.
Mené au Paradou par son oncle, le docteur Pascal, qui Ta
sauvé cl qui rêve une cure merveilleuse en ce Paradis terrestre
où le malade, redevenu enfant, doit vivre une existence nou-
velle, Serge se trouve en présence d'Ailune, la délicieuse fille
qui est comme l'ùine vivante et un peu sauvage de Tadmirable
foret vierge. Et c'est, entre le jeune prêtre qui a tout oublié
de sa vie passée, et la ]mre enfant qui s'ignore, une douce
amitié qui naît, puis un amour candide, puis une adoration
grandissante, c*est le lent apprentissage de leur tendresse, une
Genèse nouvelle où la nature splendide et complice leur en.-
scigne le bonheur. Mais, a l'heure même de la possession,
quand Serge et Albine sont encore dans la stupeur de leur
félicité, l'irruption de frère Archangias, dans cet Êden nouveau,
replace brus. jiiiMnent l'abbé Mouret en présence de son passé
[278]. Invinciblement entraîné vers ce clocher des .\rtaud où
sonne Taogelus, il qnitte le Paradou sans détourner la tête,
rentre en sa cure et vil de longs jours en une agonie muette,
s'écrasanl le cœur, luttant pour la mort de son sexe, cherchant
on vain l'oubli, n'osant pins adorer l'Immaculêe-Conceplion,
dont lu grâce féminine était un piège. H se réfugie en une
dévotion extraordinaire pour la Croix [323], trouve enfin la
grâce et redevient la chose de Dieu, au point de résister victo-
rieusement aux appels poignants d'Albine et de revenir au
Paradou, de revoir ces fleurs, ces arbres» ces rochers, ces
sources, toute cette nature imprégnée de passion, sans un
frisson de sa chair anéantie. Et il achève sa lutte victorieuse
contre la vie, en jetant sur le corps d'Albine morte, la poignée
de terre df Tofficiant [123J. (La Faute de l'abbè Mouret.)
Envoyé plus lard à Saint-Eulrope, au fond d'une gorge maré-
cageuse, il s'est cloilré là avec sa sœur Désirée, dans une
grande humililc, refusant loul avancement de son évêque,
atlendanl hi niorl en sainl homme qui repousse les remèdes,
bien qu'il souIIie d'une phlisie commençante |I29J, (Le Docteur
PdH'al.)
Mouret (Silvki.e) (1). — Troisième enfant d'Ursule Mac-
(1; Sili'érc .Mouret, ne eu 183i ; }neart. en 1SÔ1, la téli' c</<f.srf
tl'itx coup (la jùstolel, pur vu ijcndurme. (Klcciion de i ^ mère.
li.néilL de la ivr^scuiblaiice physique]. {Arbre (jenéalofjiquc ilea
linuijnH'MuCfjuart.)
m K
33S LïS PbUSONNAGES
quart et du chapelier Mouret. Frère de François et d'Hélène.
Né à Marseille, en 1834, orphelin à six ans, il vient à Plassans
avec François. Accueilli de noauvaise grâce par l'oncle Pierre
Rougon, Silvère grandit dans les larmes, comnne un malheu-
reux abandonné, jusqu'au jour où sa grand'mère Adélaïde
Fouque, ayant pitié de lui, l'emmène en son logis de l'impasse
Saint-Mittre. C'est alors une heureuse vie pour Tenfant, en qui
la vieille femme, pleine de tendresse contenue, trouve une
lointaine ressemblance avec le grand-père Macquart. Silvère la
cajole, il invente pour elle le nom caressant dç tante Dide ;
d*abord effrayé des crises nerveuses qui la secouent périodi-
quement, il s^habitue à ces fureurs incompréhensibles, il est
pris de pitié devant la douloureuse aïeule victime de maux
inconnus, il la soigne doucement et Tainie d'une affection Si-
lencieuse et attendrie [165].
A douze ans, ayant seulement quelques notions d'orthogra-
})lie et d*arithmétique, il entre comme apprenti chez Vian, un
charron voisin, et devient en peu de temps un excellent ouvrier.
Plein du désir de s'instruire, il fréquente l'école de dessin,
puis il s^enfonce dans l'étude sans guide, acquérant des brihe?
de science, s'appliquant à lire tous les volumes dépareilles,
science, histoire, philosophie, qui lui tombent sous la main,
se faisant une idée sainte de tant de grandes choses qu'il
entrevoit. Cette vie sérieuse lui donne une âme exaltée, où
s'amassent tous les enthousiasmes [167].
Les idées républicaines le passionnent ; prédisposé à Tutopie
par certaines inÛuences héréditaires [226], il veut le bonheur
universel, un gouvernement idéal d'entière justice et d'entière
liberté. Ces belles aspirations, que l'oncle Antoine Macquart
essaye vainement d'exploiter au profit d'une vengeance
personnelle [179], ces rêveries sans fin surexcitent le
généreux enfant dont le docteur l^ascal va dire un peu
plus lard : La famille est complète, elle aura un héros
[•257] ; mais ce n'est pas seulement la déesse Liberté qui
exalte Silvère, il éprouve une tendresse infinie pour Miette,
la fille du forçat Chantegreil, innocente enfant persécutée
de tous et dont il a voulu être Tami, la sauvant du déses-
poir, lui apportant la rédemption. Leurs pures amours
au fond de l'aire Saint-Mittre durent deux belles années
pleines de douceurs infinies et s'achèvent dans un ardent
l)ai$er [200], que le coup d'État noie dans le sang. Deux
jours après la mort de Miette, tuée à Saint-Roure par les
U£S nOUGO.X-MACQUART 339
troupes de l'ordre [!ÎC3], Silvèro qui avait accidentellement
éborgoé le gendarme Rengade [189] est assassiné par celui-ci,
dans le coin même de Taire Saiot-Mittre où avait fleuri la
fraîche idylle [38â]. {La Fortune des Rougon,)
Mousseau (Abbé). — Prôtre du clergé de Plassans. A
prêché au pèlerinage de Saint-Janvier [236]. {L% Conquête de
Plaisans.)
Mourgue. — Paysan de Poujols, cinquante ans, voûté,
mains raidies, face plate. Parti, armé d'une fourche, avec tout
son village qui s'insurgeait contre le coup d*Etat, il a été
arrêté à Saint-Rourc ; puis, ramené dans un complet ahuris-
sement avec les autres prisonniers accouplés deux à deux,
attaché par un bras au jeune Silvère Alouret, Mourgue est
assassiné en même temps que ce dernier par le gendarme
Rengade [383]. {La Fortune des Rougon,)
Mouton. — Chat des Quenu, aimé delà petite Pauline [101].
Sa peau pète de graisse. C'est un gros chat jaune, avec un
double menton, plein de quiétude dans ce milieu d'abondante
nourriture. Troublé par l'intrusion du triste Florent, Mouton
ne digère plus en paix ; il participe à l'hostilité générale et ne
retrouvera son bel appétit qu'après le départ de ce maigre
inquiétant [319]. (L« Ventre de Paris.)
Muche. — Fils de Louise Méhudin, la belle Normande,
qui Fa mis au monde sept mois après la mort d'un fiancé,
employé à la Halle. A grandi librement au milieu de la pois-
sonnerie, exprimant ses admirations par un éternel c C'est
rien muche ! > qui lui vaut son surnom. Est, à sept ans, un
petit bonhomme joli comme un ange et grossier comme un
roulier. Cheveux châtains crépus, beaux yeux tendres, bouche
pure, il dit des mots gras i écorcher un gosier de gendarme.
Son grand succès est de faire la maman Bléhudin quand elle
est en colère [119]. Attiré par la chaleur du poêle vers le
bureau de l'inspection, il a intéressé Florent qui, dans son
rêve secret de dévouement, veut l'instruire, retrouvant en lui
son jeune frère Quenu au bon temps de la rue lioyer-Collard.
Muche, docile et aimant, s'attache à Florent et devient le trait
d^union entre sa mère et son professeur ; les leçons continuent
rue Pirouette, Muche étudie gravement, il apprend récriture
sur des cahiers où Florent a tracé des modMes subversifs,
formules lapidaires qui seront une lourde charge contre lui
dans l'affaire du complot des Halles [335]. {Le Ventre de Paris.)
310 LtS PERSOXNAGLS
Muflat (Maman). — Femme du général Muiïat de Dcuville,
créé comte par Napoléon ^^ Une vieille insnpporuble, tou-
jours dans les curés ; d'ailleurs, un grand air, un geste d*auto-
rité qui pliait tout devant elle [74]. Tant que la maman
MuOTal a vécu, Tliôtelde la famille, rue de Miromesnil au coin
de la rue de Pentliiévre, a gardé une mélancolie de couvent ;
on entrait là dans une dignité froide, dans des mœurs anciennes,
un âge disparu exhalant une odeur de dévotion [08]. (Xana.)
Muffat de Beuville (Comte). — Fils du général. Mari
de Snbine deChouard. Pérc d*EsteIle. La maman MuITat lui «i
donné une éducation sévère :tous lesjours a confesse, pas d'esca-
pades, pas de jeunesse d'aucune sorte [7'i].Sa chambre d'enfani
était ioute froide ; p!ustard,à seize ans, lors<{u'il embrassa:, bu
mère, chaque soir, il emportait jusque dans son somniei! b
glace de ce baiser. Un jour, en passant, il a aperçu par t n
porte entre-bùillée, une servante qui se débarbouillait, et c*est
l'unique souvenir qui Tait troublé, de la puberté au mariage.
Entré vierge dans la chambre nuptiale, il a trouvé chez sa
femme une stricte obéissance aux devoirs conjugaox ; lui-m^'-me
éprouvait une sorte de répugnance dévote. 11 a grandi, li a
vieilli, ignorant de la chair, pHé à de rigides pratiques reli-
gieuses, ayant réglé sa vie sur des préceptes et des lois [loij,
avec des crises de foi d'une violence sanguine, pareilles à des
accès de lièvre chaude. Grâce au souvenir de son père, il 5'- s*
naturellement trouvé en faveur après le Deux-Décembre. Il
est maintenant chambellan de l'impératrice.
Carré et solide, avec sa chevelure fortement plantée [5*c»J,
son visage encadré de favoris, sans moustaches [74], il sent
brusquement sa jeunesse qui s'éveille devant Nana, devant In
soudaine révélation de la femme; c'est une puberté goulue
d'adolescent, brûlant tout à coup dans sa froideur Je catho-
lique et danssadignité d'homme mûr [179]. La savante tactique
lie Nana, qui se refuse obstinément, déterniin»^ en lui de
terril)!»^s ravages, il mord la nuit son traversin et sanglote,
exaspêiv, évoquant toujours la même image sensuelle. Malgré
Vonot. malgré tout un passé de vertu rigoriste, il se donne
épcrdumciit à celte fille, qui va corrompre sa vie ; en trois
mois, il se sent gâté jusqu'aux moelles par des ordures qu'il
n'avait pas soupçonnées. Tout pourrit en lui. Il a commencé
par souffrir des mensonges de Nana, il s'est senti lâche devant
elle; pour contenter ses curiosités, il l'a rens-ign^re sur la
DKS r.OUGON-M.VCUU.VriT 311
comtesse, lui a même donné des détails sur sa nuit de noces
[2Î1]. Une courte révolte a paru le sauver, lorsque, surprise
par lui aux bras du hideux Foatan, cette fille Ta traité de cocu
et, furieuse de s'entendre appeler putain, lui a répondu cynique-
ment : Et la femme ! [258]. Mais fuITront a été vite ouîdié.
Nana disparue, rempiacée un instant par Iiose Mignon,
reconquiert lenlenicnt MuiT.tpar les souvenirs, par les lâchetés
de la chair. Il a une passion jalouse de cette fe!ii()ie, un
besoin d'elle senlr*, de ses cheveux, de son corps. Pour cire de
nouveau accepté, il ohtient de Ilnrdenave, contie argent, un
rôle de femme honnête qu'elle convoite dans la Pclile Duchesse;
il s'abaisse même à solliciter Tiiuleur, ce Faucheiy qu'il
soupçonne d'être l'amant de la comtesse ; il installe luxueuse-
ment Nana d;insun hôtel de l'avenue de Villiers.ne demandant,
en échange de ses ruineuses folies, qu'une promesse de lidé-
lilé. Dicntùt, d'ailleurs, il se résignera à n'être plus l'amant
exclusif. Le chien Ihjuu est le preniier petit hommme dont il
soit jaloux [oo'»] ; puis, il lulère Satin pCOJ ; il surprend Nana
aux bra> de Georges llugon [152] ; ensuac, c'est Foncarmonl
[175], d'uulres encore ; il en arrive plus lard à accepter les
inconnus, lont un troupeau d'hommes galopant au travers de
l'alcôve [lS-2].
Il a eu d«:s crises de remords ; cet homme, qui fait .sa
prière tons les soirs avant de mont» r dans le lit de Nana, a
voulu se réfugier dajis la religion, ses crises de foi ont repris
une violer.ce de coups de sang, le laissant comme assommé ;
dans sa déiresse, il a répété continueilemenl : € Mon Dieu...
mon Iiieu... nion iJieu.j Celait le cri de son impuissance, le cri
de son péché, contre lequel il esl resté sans force, malgré la
certitude de sa damnation [iiî5]. L'influence de la dangereuse
fille demeure entière; il accepie pour gendre Uaguenel, un
ancien amanl de cœur de .\ana [3^2]. Eclairé sur l'aduilère de
sa femme, il a passé une nuit atroce, rêvant dtî vengeance,
voulant souflleler l'amant, }»laider vu séparation ; mais dans
l'élan de sa colère, quelque chose d'appauvri et de honteux
esl venu l'amollir; sa maîtresse Ta convaincu qu'il devait par-
donner et se remettre avec sa fennne. El il a consenti à cette
ha?sess»\ parce «ju'il esl à court d'argent et qu'une signature
de Sabine lui esl nécessaire pour trouver des fonds. Sa viri-
lité, e:.ra;^é<' par l'injure, s'en esl allée à la chaleur du lil
«le N.îiia [i;;.5J.
Toute la dignité lîc .Mufful s'esl écroulée. Rue de Mironiesnil,
sa LES l'EUSONNAGKS
il (Icnno h main à ramant de la comtesse ['il 8] '.avenue de
Villiers, il met son dernier amour-propre a rester monsieur
pour les domestiques et les familiers de la maison ; il subit le
pouvoir lyrannique de la fille, marche à quatre pattes, fait le
cheval ou le chien ; il apporte son costume de chambellan, un
costume plein d'iipparat, évoquant la majesté de la cour impé-
riale, et Nana, dans une rancune inconsciente de famille, léguée
avec le sang, l'oblige à cracher dessus, à le piétiner, à écraser
les aigles et les décorations [il)2]. Puis, c'est une dernière
honte. Dans un lit magnifique dont il vient de faire don à cette
femme, un lit d'or et d'argent où elle pourra étendre la royauté
de ses membres nus, un autel d'une richesse byzantine, digne
delà toute-puissance de son sexe, Muiïat, le petit Mufe comme
t'Ue l'appelle, surprend son beau-père, le vieux marquis c .
ChouanI, épave comi((ue et lamentable, loque humaine tombée •
au gùlisnie et qui met un coin de channer dans la gloire d' .
chairs éclatantes de la monstrueuse idole [^94].
C'est alors un dernier élan vers Dieu. La vie de Mufîat est
foudroyée ; les pudeurs révoltées des Tuileries l'ont obligé à
donner sa démission de chambellan ; Estelle, sa fille, lu*
inlcnte un procès, pour une somme de soixante mille franco,
l'héritage d'une tante qu'elle aurait dû toucher à son mariage ;
ruiné, il vit étroitement avec les débris de sa grande fortune ;
après des aventures, la comtesse est rentrée ; il la reprend,
dans la résignation du pardon chrétien ; elle l'accouipag::
partout comme sa honte vivante. Et définitivement reconquis
par Venot, il oublie au fond des églises les voluptés de Nana *
les genoux glacés par les dalles, il retrouve ses jouissances
d'autrefois, les spasmes de ses muscles et les ébranlements
délicieux do son intelligence, dans une même satisfaction des
obscurs besoins de son être [497]. (Nana.)
Muffat de Beuville (Comtesse). — Voir Chocard (Sabine
de).
Muffat de Beuville (Estelle). — Fille du comte. Mariée à
Daguen»M. \ seize ans, c'est une jeune personne mince et insi-
^nufiante [<V<], nulle et guindée [70]. Une jolie planche, dit-on,
à mettre dans un lit [83]. .Après le mariage, chez cette fille
plate, une femme d'une volonté de fer apparaît tout à coup ;
elle domine complètement son mari [476] [Nano.)
Mûller (Blanche). — .\ctrice en vogue. Joue la Lellf
Ib'b^ie aux Variétés. Très lancée, elle donne un bal aux prin-
DES nOrCON-MACQUAIîT; 343
cesses de la rampe el aux reines du demi-monde [154], trompe
son allaoiic d'ambassade avec son coifrcur [135] el rcmj3lace
l^ure dWurigny comme maîtresse du duc de Uozan, à qui elle
mange un second demi-million [3i3]. (La Curée.)
Mussy (de). — Jeune diplomate de vingt-six ans qui fait
son chemin en conduisant le cotillon avec des grâces particu-
lières. C'est rôîre le }»lus insignifiant du monde [130]. Quatrième
amant de Renée Saccard et lâché par elle, il intéresse en vain
à sa cause Maxime, un ancien ami de collège [39J. Attaché
à l'ambassade d'Angleterre, où le ministre lui a dit qu'une tenue
sévère est de rigueur, il se guindé, affecte de vieillir [ÎÎ8G], et
ne redevient galant que lorsqu'il est nommé à l'ambassade
d'Italie [3 in]. {La Ctnre.)
N
Nana ^1). — Fille de (iervaise Macqunri cl de Coupeau.
'"'.r^' de Loiiis Coupeau dit Louisel. Née à Paris, rue Neuve de
la Goulle-d'Or, le 30 avril 185:2. On rappelle Nana à cause de
^• :i prénom d'Anna qu'elle tient de sa marraine, madame Loril-
leux [13'"»]. A six ans, elle va dans une pelite pension rue
Polonceau; c'est déjà une vaurienne finie, insupportable en
clause; elle rogne sur tous les galopins du quartier el grandit
sous les mauvais oxcmplts du ménage, le père ivrogne, la mère
; partîigcaiU entre Coupeau el I^nlier [317). A ircize ans,
déjà remplie de vice, elle fait sa première communion el entre
cOiiime a^'prenlie (leuriste dans un atelier de la rue du Caire [i 13]
où s'achève sa démoralisation. Elle n'a aucun goût pour le tra-
vail, esl mal embouchée, méprise profondément ses p^irents et
se galvaude d.nns le quartier. Ouvrière, elle gagne deux francs
par jour; c'est déjà une belle fille blonde, très blanche de
chair, très grasse, très dodue; elle a une peau veloutée de
pèche, un ntz drôle, un bec rose, des ytux luisants [40 1].
Devenue très coquelle, elle se fait suivre par un vieux roquen-
lin, fiihricant de boulons en os boulevard de la Villclte et,
comme l'existence est devenue impossible chez les Coupeau,
elle làclie définitivement l'atelier et fde un beau jour avec son
vieux [175]. Retrouvée dans un bastringue, elle rentre pour
(\) Al lin Cofj.ean. dite Xana, née en 1852, a, (Vun inc^mmi^ un
enfant f Louis, en l^f.l7. el le perd en 1870; meurt vUe-nieme »/<• la
petite iciolCy quelques jours ] lus tard. (Mélange souiliirc. Prédomi-
naïue m'icile du pcrc. Ressemblance physique, par iiifluciic-, avec
le |treniicr a:nani de sa mère, Lanticr. llcrédilé de ralconiisiriO at
tournaiil en perversion morale cl pliysiquc. État de vice \ {.\rhre
généaloni'jue des liourjon-Mocquart.)
3IC LES PERSONNAGES \
quelques jours à la mnison, puis elle disparaîl définiiivement,
nynnt eu la clianco de rencontrer un vicomte qui l'a mise dans
la soie [502], {L* Assommoir.)
A seize ans, elle a eu un enfant de père inconnu, Louiset, un
enfant cliélif qui lui inspire des crises d*amour maternel [40].
A dix-huit ans, elle est très grande et très forte, elle a une
petite bouche rouge, un adorable trou au menton et des grands
yeux d'un bleu très clair. Vn riche marchand de Moscou, venu
passer un hiver à Paris, Ta installée dans un appartement du
boulevard Haussmann, entre la ru** de l'Arcade et la rue Pas-
quier. Elle vit là en fille lâchée trop lot par un premier mon-
sieur sérieux, retombée à des amants louches, tout un début
difficile, un départ manqué [36]. Deux hommes payent, un
commerçant du faubourg Saint-Denis, de tempérament économe,
qu'elle appelle le vieux grigou, et un Valaque, un prétendu
comte, qu'elle appelle le moricaud; tous deux sont trompés
pour un amant de cœur, Daguenet, son Mimi [39].
ïîordenave, directeur des Variétés, toujours à rafifùt des
belles filles, a Fidée de la lancer dans une pièce, la Blonde
Veiius^ où elle n'aura qu*à se montrer pour vaincre. Malgré sa
voix faubourienne et son ignorance des planches, elle dégage
une odeur de vie, une toute-puissance de femme dont le public
va se griser. Par la simple exhibition de son éclatante beauté
blonde, Nana obtient un succès étourdissant, c'est le lançage
immédiat; toute une meute d'hommes, aiïolée par le rut qui
monte d'elle, l'a suivie à la trace; sûre désormais de l'avenir,
elle pourra choisir ses amants, chasser le vieux grigou et le
moricaud, dédaigner Sleiner, tenir la dragée haute à .Muffat;
un héritier royal, le prince d'Ecosse, traversera le détroit pour
lui offrir ses hommages.
Lhisloire de son existence va se trouver tout entière dans une
chronique de Fauchery, intitulée la Mouche d'Or. C'est l'his-
toire d'une fille, née de quatre ou cinq générations d'ivrognes,
le sanpr giilé par une longue hérédité de misère et de boisson,
qui se transforme chez elle en un délraqncmenl nerveux de son
sexe de femme; elle a poussé dans un faubourg, sur le pavé
parisien; cl, grande, belle, de chair superbe ainsi qu'un
plante de plein fumier, elle venge les gueux et les abandonnés
dont elle est le produit. Avec elle, la pourriture qu'on laisse
feruienler dans le peuple, remonte et pourrit Taristocralie ;
elle devient une force de la nature, un ferment de destruc-
DES KOL'GUN-MACUIÎAKT 347
lion, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant
Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des
femmes, chat(ue mois, font tourner le lait; et c'est à la fin de
rarlicle que se trouve la comparaison de la mouche, une
mouche couleur de soleil, envolée de Tordure, une mouche
qui prend la mort sur les charognes tolérées le long des che-
mins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un éclat de
pierreries, empoisonne les hommes rien qu'à se poser sur eux,
dans les palais où elle entre par les fenêtres [:237].
Toujours convaincue de sa supériorité sur les honnêtes ^ens
qui russomnient, Nana fait le mal avec une inconscience par-
faite. Le petit Geoii^es Hugon Tamuse, elle le traite en gamin,
ne prenant pas ses déclarations au sérieux, s*amusant de lui
comme d'un petit homme sans conséquence [191]; par une lan-
u.isic de lilie sentimentale, elle lui cède; elle cède aussi au
Irère de Georges, le lieutenant Philippe Hugon, un robuste
gtirçon qui lui plait. Et cette double liaison se dénoue tragique-
ment, dans la honte ' : la mort, sans que Nana soupçonne un
instant sa propre cul{..>ilité. Une fugue a traversé sa liaison
nvec Muffat : elle a disparu pour vivre avec l'acteur Fontan
qui la bat, l'exploite et la rejette dans la crotte du début [292].
Vais après ce coup de tête, Nana redevient une femme chic, ren-
tière de la bêtise et de Tordure des maies, marquise des hauts
trottoirs [330]. C'est une ascension brusque et définitive, un
train qui dépasse trois cent mille francs par an, un appétit de
dépenses toujours éveillé, un dédain naturel de l'homme qui
paye, un continuel caprice de mangeuse et de gâcheuse, tiére
de la ruine de ses amants [3i3]. Elle jure fidélité à Muiïat, ce
qui ne l'emftéche pas de céder à Vandeuvres, non par toquade,
mais pour se prouver qu'elle est libre. Nana ne sait pas se
refuser; elle st; donne aux amis, aux passants, en bonne béte
née pour vivre sans chemise [i'ô]. Comme elle a, dans son
gaspillage eifr*^ lê, de continuels besoins d'argent, elle s'en
lire par des visi.»> à la Tricon, elle va chez l'entremetteuse avec
l'aisaiice de l'habitude, comme les pauvres gens vont au Mont-
de-pit-lé [10.-.].
Dans son luxe, elle s'ennuie à crever. Une ancienne amie de
pension, avec qui elle a baltu le pavé, la petite Satin, devient
son vice: elle la dispute à madame Robert et finit par l'acca-
parer, riniposanl à Muffat et aux autres; et Satin règne avec
elle, Jans le tranquille abus de leur sexe et leur mépris avoue
de l'homme r307].
318 LKS PEIISONNAOES
Nana est avant tout une brave fille ; le chagrin autour d^elle la
fait souifrir; si elle a été trop dure pour ses domestiques, elle
leur présente des excuses [37^]. Quant aux gens chics, ils ne
l'épatent plus, saleté en haut, saleté en bas, c'est toujours
saleté et compagnie [393]. Son bonheur semble être d'avilir
MufTat, de le jeter à la boue. Elle lui a imposé Daguenet pour
gendre [36^]; de MufTat elle a fait c petit mufe > et c'est ainsi
qu'elle le nomme; elle lui prêche des complaisances, d'accord
en ceci avec le doux Venot; elle le décide à renouer avec sa
femme qui le trompe. El les catastrophes qui l'entourent,
Vandeuvres flambé dans son écurie, Foucarmont perdu dans
les mers de la Chine, Steiner dépouillé et. réduit à vivre en
honnête homme/les MufTat efTondrés, l'imbécile La Faloise à
la côte, le blanc cadavre de Georges, que garde Philippe sorti
la veille de prison, tous ces malheurs, ce peuple abattu à ses
pieds, la laissent insensible. Elle conserve son inconscience de
bêle superbe, ignorante de sa besogne, restée grosse, restée
grasse, d'une belle santé, d'une belle gaieté.
Maintenant, son œuvre de ruine et de mort est faite, la
mouche envolée de l'ordure des faubourgs, apportant le ferment
des pourritures sociales, a empoisonné ces hommes rien qu'à
se poser sur eux [50i]. Et Nana va mourir en hèle putréflée.
Apres une retentissante exhibition au théâtre de la Gaité,
dans Mèliisinc, où Bordenave lui a ménagé trois poses plas-
tiques, où Paris l'a revue dans toute sa gloire, elle est allée
en Orient, de prodigieuses légendes ont circulé, la conquête
d'un vice-roi, une colossale fortune faite en Russie ; puis elle
revient, elle retrouve chez sa tante, madame Lerat, le petit
Loui>el atteint de la variole, la contagion s'abat sur elle et,
secourue par Rose Mignon, elle va mourir dans une chambre
du Grand-Hôtel, formant là un charnier, un tas d'humeur et
de sang, une pelletée de chair corrompue [5:21]. (Xana.)
Nana. — Pouliche do l'écurie Vandeuvres. C'est pour faire
Jjonneur à l'aclrice des Variétés qu'on a donné à ce pur-sang
le nom de >'ana. La pouliche est d'une blondeur de fille
rousse ; elle luit à la lumière comme un louis neuf, la poitrine
profondt-, la tcle et l'encolure légères, dans l'élancement ner-
veux et tiu de la longue échine [lUU]. Raltue honteusement
(lîins le prix de Diane, non placée en avril en courant le prix
hos Cars cl la Grande Poule des Produits, Nana montée par
Price est Toulsidcr du Grand Prix de Paris [3S3]. Le succès
I»tS nOUGON-MACQUAUT 349
irauilulcux de la pouliche amène la disqualification de son pro-
priétaii-e. ^Nana.)
Nathansohn. — Coulissier. Telil blond très actif. Est
venu de Besançon où son père, d'origine autrichienne, est
horloger. Entre au Crédit Mobilier, il a compris le mécanisme
de la rinance et sVst dit que ce n*est pas si malin, qu'il n'y a
qu u ouvrir un guichet [2:]]. Il a rapidement prospéré et, favo-
risé de la chance, cs\ devena un gros monsieur [338]. Son
flair de juif l'avorlit «mi temps utile de la position de Saccard;
grâce à un ^aia de trois millions réalisé dans la débâcle de
la Lanque rnivcrsolle, il devient un des rois de la coulisse [39^].
\ L'Argent,)
Naud. — Cordonnier do la rue d'Anlin. Le Donheur des
-.i(> lui fait une grosse concurrence [^iT]. (Au Bonheur
ac$ Dinnes.)
Naudet. — Cousin des Quenu. Membre du conseil de
famille de Pauline [iO]. Consent T- !'émancipation [il7J. {La
Joli de t/'/v.)
Naudet. — L*n grand niarchand de tableaux, qui révolu-
!'.:ije le comuierce de la peiuture. Ce n'est plus le vieux jeu
du père .Malgras. Naudet a des allures de gentilhomme,
;a»juettc* de fantaisie, brillant à la cravate, pommadé, astiqué,
veini ; gr;::id train d'ailleurs, voiture au mois, fauteuil à l'Opéra,
table réservée chez lîignon, fréquentant partout où il est décent
uc se nioairor. Pour le reste, un spéculateur, un boursier,
qui se moque radical .'ment de la bonne peinture. 11 apporte
Tunique fidir du succès, il devine l'artiste à lancer, non pas
celui qui promet le pénie discuté d'un grand peintre, mais
Celui dent le talent menteur, emp>i de fausses hardiesses, va
r.iire prime sur le marché Iwurgeois. C'est lui qui invente
I l'agtM'olles. I! spécule surTignoranceet la vanité des amateurs ;
j avec lui, Il peinture n'e^t |>lus qu'un terrain louche,.des ifiines
t d'or aux bulles Montmartre, lancées par des banquiers, et
I autour de5qu'îîle> o i se bat à coups de billets de banque ["2li].
lias tarJ, rarnliitiuii lui tourne la t«Ue, il parle dd couler
tous les .':!ilre5 niareliMiids, il a fait bâtir un palais, où il se
pose eu roi du iiiairlic centralisant les chefs-d'œuvre, ouvrant
le> grani'b magasins modernes de l'art, faisant sonner des
bruits (le millions dt's son vestibule [390]. Mais- la débâcle
liiiiî |»ar voni/-; Nau'lcl. dont les «lêpenses ont grandi avec les
:).')<) LES PERSONNAGES
pains, en a clé réduit à l'expédient des ventes fictives, il a
culbuté dans routrance cl les mensonges de Tagio ; maintenant
les prix s'effondrent de jour en jour, c*est parmi les amateur^:
un affolement pareil aux paniques de Hourse, et Naudet sent
crouler sous lui son hôtel royal [ii3]. {L'Œuvre.)
Négrel (Madame). — Sœur d'IIennebeau. Mère de Paul
Négrel. Elle a été mariée à un capitaine provençal et, devenue
veuve, a vécu à Avignon d'une maigre rente, se contentant de
pain et d'eau pour faire parvenir son fils [226]. {Germinal.)
Négrel (Paul). — Fils de madame Nê^'rel. Sorti de Tiî^cole
poiylecl)ni4|ue dans un mauvais rang, il a donné sa démission
sur le conseil de son oncle llennebeau, directeur général des
mines de Montsou, et il a été attaché au Voreux comme ingé-
nieur. Les ouvriers rappellent le petit Négrel. C/esl un garçon
de vingt-six ans, mince et joli, avec des cheveux frisés et des
moustaches brunes; son nez pointu, ses yeux vifs, lui donnent
un air de furet aimable, d*une intelligence sceptique, qui se
change en une autorité cassante avec son personnel. H se
prétend républicain, ce qui ne l'empéche pas de conduire les
ouvriers avec une rigueur extrême, et de les plaisanter line-
nient, en compagnie des dames [23i]. Vêtu comme eux dans
ia mine, barbouillé comme eux de charbon, il montre un cou-
rage à se casser les os, il les réduit au respect en passant par
les endroits les plus difficiles, toujours le premier dans les
t'boulements et dans les coups de grisou [06].
Chez son oncle, il est traité en enfant de la maison; il y a su
chambre, y mange, y vil, ce qui lui permet d'envoyer à sa more
ia moitié de ses appointements de trois mille francs [226]. Il
se laisse rapidement séduire par sa tante, une maîtresse ma-
ternelle et avisée, qui le récompenserait par un beau mariage
avec Cécile Grégoire, si celle-ci n'était étranglée avant la noce
par Honneniort. Malgré son ironique insouciance des hommes et
des choses, le jeune ingénieur se sent blêmir, pendant la grève,
devant la marche furieuse des mineurs; c'est la vision rouge
lie la révolution, il est saisi là d'une épouvante supérieure à sa
volonté, une de ces épouvantes qui soufflent de l'inconnu [303].
Vn peu plus tard, lors du terrible attentat de Souvarine, il est
glacé d'horreur à la pensée de l'homme qui, froidement, a
voulu et consommé la destruction du Yoroux [5*2^]. Enlin, dans
la recherche des victimes, il oublie son scepticisme, il est pris
d'une fièvre de dévouement qui, après la réussite, le jette au
DES ROIGON-MACQUAUT 351
COU (l'un ouvrier sauvé par lui, le révolté Etienne Lantier, tous
deux san;:lotant à gros sanglots, dans le bouleversement
profond de toute l'humanité qui est en eux [57 7j. {Ger-
minal.)
Noéxni. — Actrice du Vaudeville. Madame Deberle admire
sa façon réaliste de mourir [18], {Une Page d* Amour.)
Norine. — Marchande de salaisons. Parcourt les marchés
autour de Cloyes [IG3]. {La Terre.)
Nougarède (De). — Vieux sénateur très friand. A failli
demander la main de Cloriude, après Tavoir vue dans un bal»
en Diane chasseresse [13]. {Son Excellence Eugène Hougon.)
Octave. — Amanl île cœur de Blanche de Sivry. Vn jour
qu*il étui t avec elle, voilà le vieux qui arrive; que fait Zoé?
elle feint de tomber en traversant le salon, le vieux se préci-
pite, court lui clierch*»r un verre d'eau à la cuisine, et monsieur
Octave s'échappe [47]. {Nana,)
Orviedo (Prince d*). — Venu d'Espagne avec une immense
fortune linancicrc, a acquis dans la succession d'nne demoiselle
Saint-Germ.iin un hôtel de la rue Saint-Lazare, attenant à l'an-
cienne Folic-IJeauvillicrs. De singulières histoires ont couru
sur le prince, sur les origines de sa royale fortune, évaluée à
trois cents millions, toute une vie de vols effroyables, non plus
au coin des bois, à main armée, comme les nobles aventuriers
de jadis, mais en correct bandit moderne, au clair soleil de la
Bourse, dans la poche du pauvre monde crédule, parmi les
efTondrements et la mort. Pendant vingt ans, il s'est fait sa
part de butin dans toutes les grandes canailleries légen-
daires [18]. Le prince meurt foudroyé par une apoplexif*.
(L'Argcnt^)
Orviedo (Princesse d'). — Femme du prince. Fjiie de la
duchesse de Conibeville. Mariée à vingt «^ns sur un ordre for-
mel de sn mère, elle avait un grand renom de beauté et de
sagesse, elle »'tait très religieuse, un peu trop grave, bien
qu'aimant le monde avec passion. La princesse ignorait le
passé ih" son mari; elle a cependant éprouvé pour lui, di>s la
première rencontre, une répulsion que sa religion devait clro
impuissante à vaincre, et bientôt une rancune sourde, grandis-'
santé, s'est jointe à cette antipathie, celle de n'avoir pas un
enfant de ce mariage sul)i par obéissance. Elle s'est jetée dans
un luxe inouï, aveuglant Paris de l'éclat de ses fêtes, menant
30.
304 LES PtnSONNAOES
un Irain que les Tuileries ont jalousé. Puis, après la mor! de
son mari, ayant hérité de la fortune totale, elle a été mise
au courant de Tontine abominable dos trois cents millions et
une révolte d'honnêteté, peut-être une terreur superstitieuse,
roni poussée à vouloir réparer tant de monstrueuses ini-
(|uités.
Soudainement, elle n'a plus vécu que dans une ardente
fh-vre de renoncement et de réparation, se retirant comme une
r» cluse dans trois petites pièces du second étage de Thôtel,
avec la vieille Sophie. Toutes ses tendresses refoulées s'épa-
panouissenl en une véritable passion pour les pauvres, pour les
faillies, les déshérités, les soufTrants, ceux dont elle croit
détenir les millions volés, ceux à qui elle jure de les restituer
royalement, en pluie d*aumônes. Dans son éternelle robe noire,
uit fichu de dentelle sur la tête, elle ne se considère plus que
comme un l'anquier, chez qui les pauvres ont déposé un Irést:
pour qu'il fût employé au mieux de leur usage; elle jette 1*0:
à pleines mains, fondant des crèches, des orphelinats, des asiles,
des hôpitaux et enfin TŒuvre du Travail, qui doit remplacer
les maisons de correction. Cent millions ont été dépensés en
cinq ans. Aristide Saccard, propriétaire d'un terrain qu'ellt
u acliêlé à Neuilly. boulevard Bineau, pour l'Œuvre du Travail,
l'a séduite par la façon vive dont il traite les affaires, elle lui
a demandé plus tard sa collaboration et, vivant au fond de son
petit logement, comme la bonne déesse invisible, elle l'alaissé
paraître partout, adoré, béni, accablé do toute la reconnais-
sance dont elle ne voulait pas [52j. Quand Saccard a dû vendre
son palais de la rue de Monceau, il a sous-loué le rez-de-chaus-
sée de l'hôtel d'Orviedo. La plus grande partie de l'hôtel
sera plus tard affectée aux bureaux de la Banque Universelle,
sans que la princesse veuille s'intéresser dans la moindre
mesure à celte création de ses deux locataires, Saccard et
Hamelin.
En dix ans, madame d'Orviedo s'est complètement ruinée.
Jolie encore à trente-neuf ans, avec son visage rond aux dents
de perles, mais le teint jaune, la chair morte comme après
dix ai. s de cloître, elle va finir sa vie dans un couvent de car-
mélites, muré au monde entier [405]. (L'Argent.)
Ozil. — Aiguilleur de l'embranchement de Dieppe, entre le
lunnêl Cl la station de Malaunay. Un garçon d'une trentaine d'an-
nées, ancieii militaire maigre et peu bavard, très honnête, tout
DES HOUGON-MACQUAKT 355
à la consigne. 11 aimait Flore qui a paru l'encourager un ins-
tant; s'iiîiaginant qu'elle se livrait, il a, un soir, essayé de la
prendre et a failli être tué par elle d'un coup de bâton [53].
On le déplace à la suite d'une grave négligence, intention-
nellement causée par Flore, qui rêvait de jeter, par un faux
aiguillage, Texpress du Havre sur un train de ballast [316].
{La Brie humaine.)
Pache. — Soldat au 100* de ligne (colonel de Vineuil).
Appartient à Fescouade du caporal Jean Macquart. Chétif et la
tète en pointe, arrivé d'un village perdu de Picardie, Hdèle aux
: -ritiques religieuses, il est le souffre-douleur deTescouade et se
iaisse plaisanter avec la douceur muette des martyrs. Traité
de cafard, il fait sa prière a genoux derrière la tente et se signe
devant les croix de pierre rencontrées sur les routes [30|. L'in-
fluence dfs camarades finit par faire de lui un mauvais soldat.
Le 1'' septembre, dans le torrent de fuyards qui coule a plein
cliemin vers Sedan, il quitte le rang et se laisse entraîner à
''rîubcrge [3C5]. Interné avec son régiment dans la presqu'île
d'iges, où règne Li famine, il a pu faire secrètement une petite
provision de vivres; dénoncé par Chouteau, surpris sur le fait,
il Oit soii.mé de donner son dernier morceau de pain et, comme
il rôsisie faroucbenienl, Lapoulle le tue -d'un coup de couteau
[XQ]. {La Dcbnde.)
Paillot. — Fermier des environs de Montsou, à trois kilo-
mètres d-; Voreux [310]. (Germinal.)
Palette (La mère). — Marcbandc de volailles aux Halles.
Vieille fcinme jaune. A failli tout brûler dans les resserres en
éclairant ses jioules [232]v {Le Ventre de Paris)
Paloque. — Juge au tribunal de Plassans. Forme avec sa
femme le ménage le plus laid du pays [16]. Leurs affreux
visages, coutures, livides de bile, sont un éternel sujet de
moqueries [76]. Décoré grâce à madame deCondamin, Paloque
oublie toutes ses rancunes et se rallie au parti de l'abbé Faujas
[344]. {Li Conquête de Plassans,)
Paloque (Madame). — Femme du juge. D'une laideur
repoussante, aigrie par sa disgrâce pbysique et par la médio-
r
3:S LKS PERSONNAGES
criié de sa vie, dévorée d'ambition impuissante, madame Pa-
loque est une des plus mauvaises langues de la ville. Tréso-
rière de TŒuvrede la Vierge, où elle est entrée pour se mettre
en vue [i 12] et furieuse d'être laissée à l'écart [133], elle voue
à l*abbé Faujasunc haine féroce et se fait contre lui Tinstrument
du vicaire général Penil; elle espionne les relations de l'abbé
avec Marthe Mouret [230]. Une décoration opportunément pro-
mise à Paloque musèle cette dangereuse mégère [315] et la
ramène à Faujas, à qui elle a aussitôt l'impudence de livrer
une arme contre Fenil [3I(>]. {La Conquête de Pla$$ans,)
Parabouloxnenos. — Surnom donné par les élèves du
collège de Plassans à un marmiton de la cuisine [37]. {L'Œu-
vre.)
Paralleluca. — Surnom d'une laveuse de vaisselle. C'est
un monstre, comme Paraboulomenos. Les élèves du collège de
Plassans les accusent d'une idvlle dans les épluchures [37].
{UCEuvre.)
Pascal (Le docteur) (1). — Second fils de Pierre Bougon et
de Félicité Puech. Frère d'Eugène. Aristide, Sidonie et Marthe.
Né à Plassans en 1813, il ne parait pas appartenir à la famille.
Grand, le visage doux et sévère, il a une droiture d'esprit, un
amour de l'étude, un besoin de modestie, une sobriété, un
beau mépris de la fortune qui l'isolent complètement, au milieu
des appétits désordonnés qui l'entourent. Après de brillantes
études médicales à Paris, il rentre à Plassans, s'enferme en une
petite maison claire de la ville neuve, s'absorbe amoureuse-
ment dans des découvertes scientifiques, se contentant des
quelques malades que le hasard lui envoie, gagnant juste de
quoi vivre. Sans qu'on s'en doute autour de lui, il adresse d'in-
téressants mémoires à TAcadémie des Sciences et devient un
homme très connu et très écoulé du monde savant [79]. Plein
de perspicacité, il a, dès longtemps, entrevu l'avenir des
(i; Pascal Hovgon, né en 1813 ; céWmtaire; a un enfant posthume
de sa nièce CloliUle Rongon^ en 1871; meurt d'une maladie de
cœur, le 7 novembre 1873. [Innéité. Combinaison où se confondent
le> caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d'eux
semble se retrouver dans le nouvel être]. Médecin. (Arbre gènéa-
logique des Rougon-Macquarl .)
DES KOUGON-MACQUAUT 359
Rougon-Macquart et, da fond de son laboratoire, il observe
curieusement leurs évolutions. {La Fortune des Rougon.)
En i85i, il a recueilli sa nièce Clotilde, fille d'Aristide, alors
àgéc de sept ans. Plusieurs fois déjà, il avait offert de la
prendre avec lui, pour égayer sa maison de savant [76]. On la
lui donne après la mort de la mère. {La Curée.)
A cinquante ans, il est déjà d*un blanc de neige, avec une
grande barbe, de grands cheveux, au milieu desquels sa belle
figure régulière prend une finesse pleine de bonté [45]. A Plas-
sans, où il soigne les pauvres gens pour rien, le peuple le
nomme c monsieur Pascal » tout court, supprimant d'instinct le
lien nominal qui attache aux Uougon ce savant si parfaitement
é ^ulliijré. II soigne le curé des Artaud, son neveu Serge Mouret,
observant avec une égale curiosité ce garçon qui agonise dans
su soutane et l'innocente Désirée qui vit si heureuse parmi les
bétes [330]. Serge malade, acculé à la folie mystique, a été
sauvé par le docteur Pascal ; celui-ci Ta mené au Paradou pour
achever de lo guérir par un retour vers la nature saine et
féconde. (La Faute de Vabbé Mouret.)
A suixanle ans, Pascal est d'une solidité vigoureuse, la face si
fraîche, les traits si fins, les yeux restés limpides, d'une telle
enfance, qu'on le prendrait, serré dans son veston de velours
marron, pour un jeune homme aux boucles poudrées [2]. 11 vil
ûepuis dix-sept ans à la Souleiade, prés de Plassans, entre sa
nièce Clotilde et sa vieille servante Martine, ayant amassé une
rente de six mille francs qui suffit à sa vie de savant modeste
et désintéressé, n'ayant gardé qu'une clientèle d'amis qui
fournissent l'argent de ses expériences scientifiques [35].
11 étudie passionnément le problème de l'hérédité, question
obscure, comme toutes les sciences balbutiantes encore, où
riniaglnation est maîtresse [40]. Sa propre famille est un magni-
fique champ d'expériences; on y trouve les accidents nerveux
et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une
première lésion organique, et qui déterminent, selon les
milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments,
les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines,
naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms
de vertus et de vices; cette famille est aussi un document d'his-
toire, elle raconte le second Empire, du coup d'État à Sedan,
car les Rougon-Macquart sont partis du peuple, se sont répandus
largement parmi toute la société contemporaine, ont envahi
3G0 LES PEUSONNACES
loulcs les situations, emportés par le débonieinent des appétits,
par celte impulsion essentiellement moderne, ce coup de fouet
((ui jette aux jouissances les basses classes, en marche à travers
le corps social [127].
Dans cet amas colossal de faits, il y a de Thistoire pure,
Tenipire fondé dans le sang, d'abord jouisseur et durement
autoritaire, conquérant les villes rebelles, puis glissant à une
désorganisation lente, s*écroulant dans le sang, dans une telle
mer de sang, que la nation entière a failli en être noyée. 11 y a
des études sociales, le petit et le grand commerce, la prostitu-
tion, le crime, la terre, Targent, la bourgeoisie, le peuple,
celui qui se pourrit dans le cloaque des faubourgs, celui qui se
révolte dans les grands centres industriels, toute celte poussée
croissante du socialisme souverain, gros de Tenfantement du
nouveau siècle. Il y a de simples études humaines, des pages
intimes, des histoires d'amour, la lutte des intelligences et des
cœurs contre la nature injuste, l'écrasement de ceux qui crient
sous leur tâche trop haute, le cri de la bonté qui s'immole
victorieuse de la douleur. 11 y a de la fantaisie, Tenvolée de
l'imagination hors du réel, des jardins immenses, fleuris en
toutes saisons, des cathédrales aux fines aiguilles précieusement
ouvragées, des contes merveilleux tombés du paradis, des ten-
dresses idéales remontées au ciel dans un baiser. Il v a de tout,
de rexcellcnl et du pire, du vulgaire et du sublime, les ileurs,
lii bouc, les sanglots, les rires, le torrent même de la vie char-
1 iant sans fin Thumanité [i28J.
1/étude du problème de rbcrédité, où tant de maux et de
soiiiïrances apparaissent au docteur Pascal, éveille d'abord en
lui une pitié militante de médecin guérisseur; son rêve est
de hàier le bonheur universel par la santé rendue à tous; il
imagine des injections hypodermiques, destinées à combattre
la débilité humaine, seule cause de tous les maux [\'2] ;
nuel(|u»?s cures heureuses montrent la valeur de sa dt-couverte,
liiais des scrupules lui sont venus, il tremble à la pensée de
celle alchimie qui prétend refaire l'humanité en contrariant la
nature dans son but, et alors il ne veut plas songer qu'à soula-
ger, à empêcher la souffrance, qu'il considère co.nme une
cruauté monstrueuse et inutile [-I7J; dans les dernières années,
il finira par mettre son unicjuc croyance en la vie, certain qu'elle
doit lirer d'elle seule sa santé et sa force, que ruiii«iae sagesse
est de laisser faire la nature [337].
D'esprit large, il a élevé Clolilde, sans lui imposer son credo
DES ROIGON-M.VCQUAUT 3r.!
philosophique, veillaot seulement à rinstruction de la jeune
iilie, lui doanaiU en toutes choses des idées pures et saines. Il
a permis à Martine de mener Tenfant à l'église, les a laissées
toutes deux à leur joie de croire, ne se sentant pas le droit
d'interdire à personne le bonheur de la foi [7J. Mais cette belle
tolérance Je savant aurait le plus désastreux effet, créerait
entre Clotilde et son maître un irréparable malentendu, si,
a rhcure de la crise décisive, Pascal ne se décidait à opposer
la force de la vérité humaine aux chimères du mysticisme.
L'immense amour qui, à leur insu, les aenyahis, va renouveler,
en leur personne, la sublime légende du vieux roi David et
d'Abisnïg, la jeune Sunamite [170]. Et c'est alors une idylle
I heureuse, un ruyonnement de bonheur, un hymne à la nature
. liioinpliante, jusqu'au jour où, ruiné par la fuite du notaire
I riraudguillot, désespéré de n'avoir pu donner à Clotilde l'enfant
qui eût consacré leur amour, Pascal a l'héroïsme de s'arracher
le cœur en exigeant une séparation qui doit assurer l'avenir
de la jeune femme. Pour lui, l'existence ne sera plus qu'une
torture, il s'est remis à la besogne, complétant ses glorieux
travaux, gardant jalousement l'œuvre dont il est fier, mais cet
enthousiaste qui a vécu de passion va être emporté par -une
maladie de cœur; sous les yeux de son cher disciple Uamond,
il en note Us progrès, jusqu'au dernier soufile, minute par
minute, comine un professeur qui dissèque à ramphithéàlrc
11 meurt solitaire, à l'heure même oii Clotilde revient, annon-
çant la naissance prochaine de l'enfant tant désiré. Et avec
Pascal incurL son œuvre, sa magnifique enquête sur les lois de
rhêrédilc, le monument de sa gloire future, anéanti en un ,
iinmf.nse autodafé par Félicité Rougon, farouche dans sa haine i
de la vêriic • : de k science [3G3]. (Le Docteur Pascal,)
Patoir. — Vétérinaire de Cloyes. Petit gros, sanguin, d'es-
prit jovial, av»;c une tète de troupier et des moustaches fortes
\lo]. Parcourt les routes dans une vieille guimbarde disloquée.
[La Terre.)
Pauline. — Une fomme rencontrée par des ouvriers en
bordée [.V.jîî]. (L Assommoir.)
Pauvre Enfant. — Un petit troupier du 5* de ligne. C'est
uneng-'cré vo ontaire, qui n'a pas vingt ans. 11 se meurt àlam-
liulance de l'ieiuilly, d'une blessure reçue au flanc gau«-.lie,
pendant hi bataille de Sedan. Le surnom de c Pauvre Enfant >
SGi LES PERSONNAGES
lui esl resié, parce que, sans -cesse, il répète ces mots en par-
lant de lui-même; et, comme un jour on lui en demandait la
raison, il a répondu que c*est sa mère qui l'appelait toujours
ainsi [502]. Pauvre Enfant meurt dans les premiers jours de
décembre, appelant Henriette Weiss: c Maman! Maman! » et lui
tendant des bras si tendres qu'elle a dû le prendre sur ses
|:enou\. La souffrance Ta tellement diminué qu'il ne pèse pas
)»lus lourd qu'un petit garçon, et Henriette le berce pour qu'il
meure content [509]. {La Débâcle.)
Payan. — Un des amants de Clarisse Docquet. Gaillard à
encolure de paysan. C'est un tailleur de pierre débarqué du
Midi, et dont sa ville natale est en train de faire un artiste
[i73J. il croque à Clarisse vingt-cinq mille francs de meubles
donnés par Duveyrier. (PoUBouille.)
Péchard (Antoine). — Voisin des Fouan. Possédait dix-
huit arpents de terre et a épousé la Grande qui lui en apportait
sept. Meurt jeune, laissant une fille [3i|. (La Terre),
Péchard (Madame). — Voir Grande (La).
Péchard (.Mademoiselle). — Fille d'Antoine Péchard et de
Marianne Fouan. Celle-ci a chassé sa Hlle, parce que la gueuse
s'est obstinée à épouser contre son gré un garçon pauvre,
Vincent Houleroue. La femme et le mari ont eu deux enfants,
la malchance les a poursuivis, ils sont morts laissant les petits
dans une misère profonde [32]. {La Terre.)
Pecqueux. — Chauffeur de la Compagnie dcTOuest. Marié
à la mère Victoire, ancienne nourrice de Séverine Aubry. C'est
un grand gaillard de quarante-trois ans, maigre avec de gros
os, la face cuite par le feu et par la fumée ; ses yeux gris sous
le front bas, sa bouche large dans une mâchoire saillante, rient
d'un cûntinuel rire de noceur. Natif d'un village prés de Kouen,
il est entré tout jeune dans la Compagnie, comme ouvrier ajus-
teur. Puis, à trente ans, s'ennuyant à Patelier, il a voulu être
chaudeur, pour devenir mécanicien. C'est alors qu'il a épousé
Victoire, du môme village que lui. Mais les années s'écoulent, il
reste chauffeur, gagnant, tant pour les primes que pour le fixe,
deux mille huit cents francs par an, e( mangeant tout en bom-
bance, aux deux bouts de la ligne; jamais, maintenant, il ne
f Hssora mécanicien, car il est sans conduite, sans bonne tenue,
Jiuveur, coureur de femmes, et devient même à craindre lorsqu'il
DES ROUGON-MACQUAIIT 3C3
esl ivre, car il se change alors en vraie béte brute, capable d'un
mauvais coup.
Son existence est réglée : il a deux femmes, une à chaque
extrémité du parcours, son épouse Victoire à Paris, pour
les nuits qu*il y couche, et Philomène Sauvagnat, au Havre,
pour les heures d*attente qu'il passe là-bas. Entre Victoire trjop
grasse et Philomène trop maigre, il répète par farce qu'il n'a
plus besoin de chercher ailleurs [81]. Pecqueux a un dévoue-
ment de chien pour son mécanicien, Jacques Lantier, qui
couvre ses vices; tous deux forment avec leur machine, la
Lison, un vrai ménage à trois, uni par la même besogne et les
mêmes dangers, sans jamais une dispute [165]. Plus tard, cette
bonne eiitenle est rompue, la Lison meurt dans la catastrophe
J'j laCrjix-de-Maufras [336J, Thilomène excite la colère jalouse
du chau.Teur en se montrant trop empressée à plaire au méca-
nicien, i t vie devient un enfer sur l'étroit plancher où vivent
les deux rivaux, leur haine grandit et, un jour où le train
emporte vers la Prusse dix-huit wagons de soldats criants et
chantants, Pec<{ueux en qui une ivresse mauvaise a déchaîné la
brute, sr.isit brusquemenlJacques à bras-le-corps pour le pousser
iiors de ::i plate-forme; cramponnés l'un à l'autre, ils sont en-
traînés .^ous les roues par la réaction de la vitesse et ces deux
nommes, qui avaient longtemps vécu en frères, sont coupés,
hachés mus leur étreinte, réduits à l'état de troncs sanglants,
se serra:.: encore comme pour s'étouffer [iii]- (La Béte hu-
iiiaine.)
Peirotte. —Receveur particulier à Plassans [102]. Tient
sa place de la réaction cléricale [119]. .\u coup d'Etat, les
insurgé> renimôncnt en otage avec les autres aiUcrités de la
ville [l>T], le traitent avec douceur [25GJ et hii assignent
comme i rison une auberge de Saint-lloure [-ôiJJ. Sorti trop
tôt dans son aûolcment, alors que les troupes de Tordre, ivres
de fureu:-. liront encore, Peirotte est tué par la dernière
décharge; [-67 1; il laisse enfin sa place de receveur aux Rougon
qui la cur.voiient depuis longtemps. On ramène le corps à Plas-
sans [oTV. [La Fortune des Rougon.)
Péqueur des Saulaies. — Sous-préfet de Plassans. Pas
encore m .aranle ans. Très brun, moustaches cirées, d'une cor-
rection irréprochable [47]. Fonctionnaire médiocre, a laissé
une coalition roya isle s'emparer de Plassans et faire l'élection
Lagrifoui. On le maintient à son poste pour ne pas donner
3iîi LES PERSONNAGES
réveil aux 1 cgi li mi s les, mais il reste en dehors des savantes
ninndiuvres gouvernementales et n'aurait même pas le flair de
faire bonne figure à Tabbé Fanjas, sans les judicieux conseils
de la précieuse madame de Condamin, ancienne amie pari-
sienne qui lui ouvre l'intelligence [201]. {La Conquête de
Plassftns,)
Péquignot. —Ami de Lorilleux. Vend des meubles grand'-
rue de la Chapelle [109]. (L'Assommoir,)
Perdigudt. — Chanteur connu de Matignon, qui a promis
de ramener au bal d'enfants des Deberle [130]. (Une Page
(C Amour,)
Pérou (LA mère). — Vieille femme employée par le con-
cier^'e Gourd. Elle fait les gros neltoynges de la maison, à
quiirc sous de l'heure. Terrorisée par les violences de Tan-
cien hirbin, qui lui reproche de n'être plus assez forte et qui
rogno sur son misérable salaire, elle accepte une réduction en
plt'uranl [3-28]. (Pot-Bouille.)
Phasie (Tante). — Femme de 31i5ard. Mère de Flore et de
Louiseite. C'est une cousine des Lanticr; elle a servi de mar-
raine au petit Jacques et Ta pris chez elle» à Plassans, lorsque
Gervaise^Macquart etson amant se sont envolés à Pari s. Jacques
l'appelait dès Tenfance tante Phasie. Elle a eu deux filles,
Flore cl Louisette, est devenue veuve et s'est remariée à trente-
cinq ans avec Misard, un petit homme sournois et avare, de
cinq ans plus jeune qu'elle. Jacques Ta retrouvée plus tard
avec ses filles et son mari, vivant en undésertde la Normandie,
la Croix-de-Maufras, sur la ligne du Havre, où elle est garde-
barrière et où Misard est chargé d'un cantonnement. C'est
une existence de misère, un ennui à périr, de n'avoir jamais
personne à qui causer, pas même un voisin, dans l'éternel flux
de voyageurs roulant sans lin sur la voie ferrée. Dès le début,
on a (Jonné à tante Phasie cinquante francs par mois, c'est le
présent et l'avenir, sans autre espoir, la certitude de vivre et
de crever dans ce trou, à mille lieues des vivants; elle a eu
loii,i:ienips des consolations, lorsque son mari travaillait au
liai las l et qu'elle demeurait seule à garder la barrière avec ses
filles ; elle possédait alors, de lioueii au Havre, sur toute la
lipriie, une telle réputation do belle f^inme que les inspecteurs
de la voie la visitaient au passage.
Mais à quarante-cinq ans, la robuste personne d'autrefois, si
DES ROUGOX-MACQUART SCS
grande, si forte, en parait soixante ; amaigrie et jaunie^
secouée de continuels frissons, elle reste là, les semaines, les
mois, sur une chaise» dans cette solitude, sentant son corps
s*en aller un peu plus d'heure eu heure. La solide gaillarde a
été peu à peu rongée par le maigre et souffreteux Misard.
Entre eux, il y a un duel à mort : tante Phnsie possède mille
francs, hérités Tan dernier de son père, et elle veut garder
Cette somme, elle la refuse obstinément à son mari. Celui-ci
peut Lien la tuer, elle ne cédera pas ; même s*il Tempoisonne,
il n'aura rieu, elle laissera plutôt les mille francs à la terre.
Certes, elle se n]éfie, elle a même une peur secrète, grandis-
sante, la peur du colosse devant Tinsccte dont il se sent mangé
[•i'»], elle n\accepte rien de lui, sauf le sel, parce que le sel
l'uiifie tout, et c'est justement dans le sel qu'il nriet sa drogue.
Après le <fl, ce son! les lavements qui introduisent le poison
vians son corps; et mourante, elle se console à la pensée de la
tt'te que son mari fera en ne découvrant pas le magot [^3^].
Morte, ses yeux obstinés restent ouverts, sa tête s*est raidie,
un peu penchée sur l'épaule, comme pour regarder dans la
chambre, tandis qu'un retrait des lèvres semble les retrousser
u un oir ^o^uenard [308]. Et c'est bien elle, définitivement,
nui trbniphp. car le petit Misard l'a tuée inutilement, il ne trou-
vera j. mais le trésor. (La Bête huiiuiine,)
Pichenette. — Cheval engagé dans le Grand Prix de Paris
l3SI]. Il est retiré avant la course [405], XSana.)
Pichon (.ÎL'LES). — Employé de ministère. 11 habite avec
sa feUime l'immeuble Vabre, rue de Choiseul, au quatrième
sur la cour. Grand et maigre, l'air dolent. Dernier-né d'une
fruitière qui a m.m^^é sa boutique pour faire de son fils un ba-
cbelie: piirce que tout le quartier le disait très intelligent,
PicliOL a vu st nicre mourir insolvable trois jours avant le
triomphe en Sorijonne. .\près trois ans »le vache enragée chez
un onc'.c, il a eu ]«.• bonheur inespéré d'obtenir un emploi pu-
blic, ï. a cf>ojsé Marie Vuillaume, lille d'un collègue retiré, et
il vil l'.iê à li. niécaniijue du bureau, ayant dans ses yeux ternes
la résirnalion li«!)élée des chevaux de manège, calculant ma-
chinalement iju'il a encore trente -six ans à attendre pour être
dêcor^^ el oljl« nir dt^ux mille francs de retraite [8*2]. Plein de
mrmiei conimencanles, il parle continuellement de son sous-
chef, Kii travaillé dans la rue du seul tourment des éclabous-
sures ûc boue et ne connaîtrait aucun imprévu si, déciilé à
360 LES PERSONNAGES
n*avoir jamais qu'un enfant, comme la saine raison Texige, il
ne voyait sa femme continuellement enceinte, malgré les
précautions les plus strictes. {Pot-Bouille,)
Pichon (Madame Jules). — Voir Vuillaume (.Marie).
Pichon (LlLiTTE). — Fille aînée des Pichon. Elle a dix-
huit mois quand sa mère devient la maîtresse d'Octave Mou-
rct [71)]. {Pot-Bouille.)
Pichon (Rosalie). — Donne de madame Grandjean.
Courte, grasse, la figure ronde sous son étroit bonnet, nez
écrasé, bouche rouge, cheveux noirs et drus. Beauceronne.
Elle avait été donnée à Hélène par Tabbé Jouve à qui elle avait
été recommandée par un curé de village, ancien camarade de
séminaire. Rosalie a grandi au presbytère, avec la servante,
qui était sa marraine. Elle triomphe dans les petits plats.
Avec la permission de madame, elle reçoit chaque dimanche la
visite de son fiancé, le soldat Zéphyrin Lacour, en l'honneur
de qui elle fait tous les samedis un formidable nettoyage dans
sa cuisine [86] et qui se tient bien sage dans un coin.
{Une Page (T Amour,)
Picot. — Soldat d'infanterie. Appartient à la première
division du 7* corps, engagée à Frœschwiller, où toute une
armée allemande est tombée sur les quarante mille Français
de Mac-Mahon. Ceux-ci avaient évacué, le matin, le gentil vil-
lage de Wœrlh et, tout le jour^ se sont usé les dents et les
ongles pour le réoccuper; on s*est cogné ensuite autour
d'Elsasshausen, les Français ont été canardés par un tas de
canons qui tiraient à leur aise du haut d'une colline, lâchée
aussi le malin; et il n'est resté d'autre ressource que de sacri-
fier inutilement les cuirassiers. On s'est battu longtemps dans
Frœscliwiller ; un autre que Mac-Mahon aurait refusé la ba-
taille, puisqu'on n'était pas de force, il a tenu jusqu'au bout;
pendant près de deux heures, les ruisseaux ont roulé du sang.
Et alors que la gauche culbutait les Bavarois, la droite et le
centre ont dû céder, les régiments débandés, démoralisés,
affamés, ontfui a travers champs, les grands chemins ont vu
une affreuse confusion d'hommes, de chevaux, de voitures, de
canons, toute la débâcle d*une armée détruite, fouettée du
vent fou de la panique. Au lieu de faire sauter les ponts, de
combler les tunnels, les généraux ont galopé dans reflarement,
et une telle tempête de stupeur a soufQé, emportant a la fois
DES ROUGOX-MACQUART 367
les vaincus et les vainqueurs, qu*un instant les deux armées se
sont perdues, dans cette poursuite à tâtons [65].
Picot, roulé dans la fatigue et dans là déroute, est resté à
demi mort de futigue au fond d*un fossé, avec son camarade
Coutard, du 1*^ corps. Traînant des lors la jambe à la queue de
Tarmée, forcés de s'arrêter dans les villes par des crises
épuisantes de fièvre, ils arrivent seulement le 2'I août à Reims,
un peu remis, en quèie de leur escouade. Ils sont dans une dé-
chéance lamentable de soldats sans armes, velus de pantalons
rouges et de capotes si rattachées de ficelles, rapiécées de tant
de lambeaux différents, qu'ils ressemblent à des pillards, à des
bohémiens, achevant d*user la défroque de quelque champ de
bataille [01], {La Débâcle.)
Picou. — Petit rentier de la ville neuve, à Plassans. Fré-
.w.nte u li café de la place des Récollets où il commente d*une
voix aigre les nouvelles politiques [299]. {La Fortune des
Hougon.)
Pied-de- Céleri. — Ami de Goupeau. II a une jambe de
Lois, d'où son surnom [178]. {L'Assommoir.)
Piédeier (Laure). — Tient une table d*hôle rue des Mar-
rrs. C'est une dame de cinquante ans, aux formes débor-
darites, sanglée dans des ceintures et des corsets. La bonne,
au contraire, est une grande maigre, ravagée, aux paupières
noires, aux regards flambant d'un feu sombre [278]. Laure Pié-
dcfer fait manger pour trois francs les petites femmes dans
rembarras; toutes la baisent sur la bouche avec une familia-
rité tendre [Si] et ce monstre, les yeux mouillés, tâche, en se
partageant, de ne pas faire de jalouses. U y a, dans les trois
salons, une centaine de client- ^, mêlées au hasard des tables,
la plupart touchant à la quarantaine, énormes, avec des empâ-
tements de chairs, des bouffissures de vice noyant les bouches
inolles; et, au milieu de ces ballonnements de gorges et de
ventres, apparaissent quelques jolies filles minces, l'air encore
ir.^énu sous leffronterie du geste, des débutantes levées dans
u:. bastringue et amenées la par une cliente [278]. {Nana.)
Piédefer (Zoé). — Un modèle qui loge rue Campagne-
Preinicre |17]. C'est une grande brune dont le ventre s'abime
[.'•ôj. (UŒuvre.)
Pierre. — Valet de chambre des Deberle. (Une Page
368 LES PERSONNAGES
Pierre. — Employé au Bonheur des Dames ; est garçon de
table au réfectoire [205]. {Au Bonheur des Dames.)
Pierron. — Un mineur du Voreux, affecté à ]*accrochage.
Veuf, ayant une fille de huit ans, la petite Lydie, il s'est marié
avec la fille de la Brûlé. Le ménage, installé au coron des Deux
cent quarante, en face des Maheu, vit très heureux, au milieu
des bavardages, des histoires qui courent sur les complaisances
du mari et sur les amants delà femme : pas une dette, deux
fois de la viande par semaine, une maison si nettenicnt tenue
qu'on se mir»^rail dans les casseroles [i 10], Pierron a un visage
doucereux [65]. Forcé de participer à la grève et de faire partie
de la délégation, il a écrit au directeur Ilennebeau pour se jus-
tifier respectueusement [232]. Lorsque les choses se gâtent, il
simule une maladie et s'enferme av(.>c sa femme pour se gorger
de lapin au milieu du coron afifamé [29i]. Après l'émeute de
^lontsou, ou Ta arrêté par erreur et il est allé les menottes
aux poings jusqu'à Marchicnnes [420]. C'était mal reconnaître
K'S services qu'il avait rendus en vendant ses camarades, en les
esjûonnant pour le compte du maître porion Dansaerl, amant
de sa femme. A la fin de la grève, il redescend l'un des pre-
miers dans la mine, avec une dizaine de cafards de son espèce
[103]. Il devient chef d'équipe à Taccrocliage et se fait rapide-
ment détester par ses excès de zèle [585]. (GertninaL)
Pierron (Lydie). — Fille de Pierron. Une chétive fillette
de dix ans, déjà hercheuse au Voreux. Éreintée, boueuse, rai-
dissant ses bras et ses jambes d'insecte pour pousser sa berline,
elle est, au fond de la mine, pareille à une maigi'e fourmi noire
en lutte contre un fardeau trop lourd [GO]. Détestée de la
Pierronnc, elle empoche en gifles fréquentes les vivacités de
la famille [110]. Devant son ami Jeanlin Maheu, elle éprouve
une peur et une tendresse de petite femme battue ; elle joue à
faire c papa et maman > avec lui; quand il l'emmène, elle
galope, elle se laisse prendre avec le tremblement délicieux
de l'instinct, souvent fâchée, mais cédant toujours, dans l'at-
tente de quelque cliose qui ne vient point [138J. Comme
Hébert Levaquc, elle est exploitée par Jeanlin, elle est de
toutes les parties de maraude, et elle en partage tous les
risques sans profit. Au tyrannique Jeanlin, elle linit par pré-
férer do beaucoup le doux et câlin Lôbert, son compagnon de
peine ; elle voudrait bien être serrée dans ses bras [302].
Mais pendant la grève de Montsou, un feu de peloton arrête
DES ROUGOX-MACQUART 36J
ridylle commençante et Lydie est tuée raide par une balle,
devant la fosse du Voreux [487]. {Germinal,)
PiexTonne (La). — La seconde femme de PieiTon. Ving^-
huit ans. Elle passe pour la jolie femme du coron, brune, le
front bas, los yeux grands, la bouche étroite; avec cela, co>
qnctle, d*une propreté de chatte, la gorge restée belle, car
elle n*a pas* eu d*eufant [liO]. Grâce à des protections, la
Compagnie Ta autorisée à vendre des bonbons et des biscuits,
dont elle étale les bocaux sur deux planches, derrière les
vitres de la fenêtre; ce sont six ou sept sous de gain par jour,
quelquefois douze le dinunche. Maîtresse du maître porion
Oansacrt, grâce à qui Pierron obtient toutes les faveurs, très
méprisante, dans sa certitude d*étre la plus belle et la plus
riclie, elle sait répondre aux gros mots des mineurs [-138].
'. -'■'? In grève, la Pierronne possède restarainel du Progrès,
place à Tappui de tous ces messieurs de la direction, qui se
montrent très bons pour elle [582]. {Germinal.)
Pifard. — Censeur du collège de Plassans. Son nez fameux
s'embusque derrière les portes, pareil à une couleuvrine, dé-
•"!nî!t au loin sa présence [^(j].(L Œuvre.)
Pillerault. — Un habitué de la Bourse. Très grand, très
.iiaigre, avec dos gestes saccadés et un nez en lame de sabre,
dans un visage osseux de chevalier errant. C'est un joueur qui
"ig'* en principe le casse-cou, déclarant qu'il culbute dans
ûes catastrophes, chaque fois qu'il s'applique à réfléchir. Tout
à l'opposé de son ami Moser, Pillerault est une nature exubé-
rante de haussier qui, même quand les baissiers triomphent,
paye ses dilïérences avec des éclats de voix, l'air agressif et
superbe, comme après une victoire [01]. {V Argent,)
Piot. — De la maison Piot et Piivoire, marclïands de meu-
bles dont les magasins dorment à l'ombre du passigc Sainte-
Anne; le iJonheur des Dames a créé un rayon de meubles qui
leur porte un coup funeste [263]. (.-lu Bonheur des Dames.)
Piquette. — Tient à Monlsou un estaminet où loge Chaval
[I i3]. {(]crminal.)
Plouguern (De). — Sénateur de l'Empire. Grand vieillard
(l«i Sùixcinl.'- lix ans, sec, osseux, ressemblant à Voltaire [^'ô].
Déjtui»' ir-^iliniisle sous Louis-Philippe, il a montré une sou-
daine t^nilress»' [»our la République après Février et, mis au
Sénat par l'Empereur, il est devenu bonapartiste. Mais son
3T0 L£S personnages
passé ik gentilhomme Toblige à défendre la religion et la
famille, tout en restant sceptique jusqu'aux moelles, très dis-
solu, très inventif, raffinant les jouissances. Il a été pendant
trente ans Famant de la comtesse Dalbi; tant que Clorinde a
t'tc petite, il a laissé dire qu'elle était sa fille; mais, quand elle
est devenue femme, grasse et désirable, il se laisse seulement
appeler parrain et la couve de ses veux restés vifs. Elle se sert
de lui pour surexciter le Sénat contre Rougon [398]. {Son
Excellence Eugène Rougon,)
Pluchax*!. — Un ancien mécanicien, affilié à TAssocialion
internationale des travailleurs, secrétaire de la fédération du
Nord. Depuis cinq ans, il n'a pus donné un coup de lime ;
mince, bellâtre, la tête carrée et trop grosse, il a sous sa re-
dingote noire rendimanchement d*un ouvrier cossu ; il se
soigne, se peigne surtout avec correction, vaniteux de ses
succès de tribune, mais il garde des raideurs de membres, les
ongles de ses mains larges ne repoussent pas, mangés par le
fer. Très actif, il sert son ambition, en battant la province sans
relâche, pour le placement de ses idées. Sa voix sort pénible
et rauque; peu à peu, il l'enfle et en tire des effets pathé-
tiques; il promène sa laryngite avec son programme. Les bras
ouvert>', accompagnant les périodes d'un- balancement d'é-
piules, il a une éloquence qui tient du prône, une façon reli-
gieuse de laisser tomber la fin des phrases, dont le ronflement
monotone finit par convaincre [278]. Pluchart a été le contre-
jiiaiire d'Etienne Laniier à Lille ; c'est par lui qu'il obtient,
dans la hâte d'une réunion dissoute par la police, Taffiliation
en bloc des dix mille mineurs de Montsou à l'Internationale
[2$1]. Quand cette association se désorganise, Pluchart change
de terrain, il conquiert Paris, on lui fait des ovations au sortir
des réunions, il est lancé malgré son rhume et ira où il voudra
désormais [oOC»]. (GerminaL)
Poirette (Le père). — Un paysan de Bennecourt, aux yeux
rapetisses de vieux loup. Il possède une grande lanterne de
maison que Claude Laniier et Christine prennent en location
pour deux cent cinquante francs par an [184]. {VŒuvrc,)
Poisson. — Mari de la grande Virginie. Ancien ouvrier
ébéniste devenu sergent de ville a sa sortie du service [225].
C'est un honmiede trente-cinq ans, à la face terreuse, avec des
moustaches et une impériale rouges. Il a gardé le goût de son
ancien métier, il fabrique constamment de petits objets en
DES ROUGON-MACyUART 371
*
bois, se livrant au découpage à la scie dans de vieilles boites
à cigares ['2'2GJ. Un modeste héritage qu'il a fait permet a Vir-
ginie de monter un commerce d*épicerie fine, dont Lantier
viendra rapidement à bout. Poisson, trompé au su de tout le
quartier, ne voit rien ; il garde imperturbablement sa rêverie
calme et sévère de sergent de ville, son habitude de ne penser
à rien, les yeux voilés, pendant ses longues factions sur les
trottoirs [ii'2]. Lantier, qui l'appelle Badingue par biRgue, à
cause de sa ressemblance avec l'empereur, est surpris un jour
par lui dans les bras de Virginie, mais une explication amicale
empêche les choses d*aller plus loin [567]. (UAssominoir.)
Poisson (Madame). — Voir Viiiginie (La grande.)
Pologne. — Un lapin familier, appartenant aux Rasseneur,
": . ;^ro5se mère toujours pleine, qui vit lâchée en liberté,
iiaus la maison. Cette lapine, que Souvarine a baptisée du nom
r«o Pologr.e, s'est mise à l'adorer, venant flairer son pantalon,
se dressant, ie ^rrattant de ses pattes, jusqu'à ce qu'il Tait prise
comme un entant ; puis, tassée contre lui, les oreilles rabattues,
' ' e ferme !e> yeux, tandis que, sans se lasser, il passe la main
sur la soie grise de son poil [15G]. Surprise un jour par Jeanlin
'' ^?u à la [' >rle de l'estaminet, martyrisée par lui, elle n'a
plus fiit depuis que des lapins morts. Pour ne pas nounir une
j oucLe inutil'*, les Rasseneur raccommodent aux pommes de
i riC [153]. {G nninal.)
Poxnaré (La reine). — Chiffonnière de la plaine Monceau.
Autrefois un.' (ille superbe, qui occupait tout Paris de sa
beauté; et un chien, et un toupet, les hommes conduits comme
des bêles, d-e frrdnns personnages pleurant dans son escalier !
A pré5?nt, el e se soiile, les femmes du quartier, pour rire un
peu, lui font boire de l'absinthe; puis, sur les trottoirs, les
^^alop!ns la { oursuivcnt à coups de pierres. Dans son paquet de
liaillor.i, sou^ un foulard en loques, elle aune face blême, cou-
turée, avec 1- trou édenté de la bouche el les meurtrissures
•^iilîan.nié-s i ;s yeux [376]. (.Varia.)
Porquier (hocTEcr.). — Médecin à Plassans, soixante ans,
.L'ros nioiîsieîir à cravate blanche [/|6] ; après ses visites, vient
passer un-j l.eure à la sous-préfecture pour entretenir sa bell»;
rlienl-rle ['JO.] el serait le plus heureux du monde sans son
^'arnerjjenî d* liis, Guillaume F*orquicr, jeune débauché qui
srandclise F-a.-sans, et que le docteur rêve de caser à tout
37:2 LES PEHSONNACES
prix. Celle ambilion lui inspire d'excessives complaisances qui
aboulissenl à rinlcrnemenl de François Mourel [301] et à
rentrée de Guillaume à la poste, comme commis principal
[3-26]. (Le docteur Pascal.)
Porquier (Guillaume). — Fils du docteur, qu'il chagrine
par son inconduite. Grand jeune homme déjà fatigué [72],
menant une vie de petites débauches provinciales, entraînant
avec lui les jeunes gens de la ville dans des maisons de femmes,
où Ton joue de l'argent et où se fait un train d*enfer [76].
Dans son existence nocturne, il s*est lié avec Trouche qui le
met au courant des manigances de son père cl de Tabbé
Faujas contre François Mouret [299]. Aussitôt, Faujas devient
prudemment Fami de Guillaume et Timpose au Cercle de la
Jeunesse, où par compensation le jeune homme se fait le séide
de l'abbé. Et c'en est fait de la bonne tenue du cercle; Guil-
laume y met à la mode les polissonneries [312], il mène des
bandes <lc tout jeunes gens faire des gueuletons chez les Tron-
che [330]. Enlin, dans la pluie de faveurs qui tombe sur Plassans
à l'heure des élections, il obtient un bon em])loi [32G]. (La
Conquête de Plassans.)
Pouillaud. — Un condisciple de Claude Lantier et de
Pierre Saiidoz au collège de Plassans. C'était un farceur émé-
rite : il a transformé, un jour, en chambre ardente, Farmoire
du professeur Lalubie; une autre fois, il a attaché tous les pots
de chambre du dortoir à une même corde qui passait sous les
lits, puis au malin, un matin de grandes vacances, il s'est mis
à tirer en fuyant par le corridor et par les trois étages de
l'escalier, avec celte effroyable queue de faïence, qui bondissait
el volait en éclats derrière lui [38]. Mais ces folies de collégien
ne rempéchent pas d'avoir, dés l'âge de vingt ans, toute la
gourme imbécile d'un bourgeois qui se range, il fait son droit,
reprend l'étude d'avoué de son père, et plus tard, devenu très
grave, il a des ennuis pour s'être laissé pincer avec des petites
gueuses de douze ans [-148]. (L'Œuvre,)
Powell (Miss). — La seconde des corsets, au Bonheur des
Dames. Tape du piano. Son talent est jalousé par ces demoi-
selles [328]. (Au Bonheur des Dames.)
Pozzo (LuiGi). — Secrétaire de la légation d'Italie. Di-
plomate, peintre, musicien et amoureux [(j6j. Se dit le cousin
de Clorinde, parce qu'ils sont nés dans la même rue, à Florence
DES ROCGON-MACQUART 373
[71]. 11 vit dans rintimité de sa prétendue cousine, lui jouant
<ie la musique langoureuse, sortant de chez elle à des heures
singulières [ITG]. (Son Excellence Eugène Hougon.)
Price. — Le jockey qui monte la pouliche Nana, dans le
Graii'i Prix (!>• Paris. C'est une célébrité anglaise, inconnue en
France ^30'JJ. In homme de quarante ans, qui parait un vieil
enfaïUd-ssêché, avec une longue iigure maigre, creusée de plis,
Jare cl :iiorle. Le corps est si noueux, si réduit, que la casaque
bleu»:;, aux manches blanches, semble jetée sur du bois [405].
Et Prie*: gagne la course dans un élan de furieuse audace, de
voIoLlé triomphante, donnant du cœurù la pouliche, la soute-
l-nackt, la portant trempée d*écume, les yeux sanglants [iJo].
Princess. — Jument de courses. Lusignan, de l'écurie
Vuiii uvres, est par Lanib et Princess [388]. {Nana.)
Prouane (Fa>iille). — Habitants de Donneville. Prouane,
qui a eu u!i grade tians la flotte et qui écrit comme un maître
<l'»}coie, »»sl beileau de Tabbé Horleur et secrétaire de la mairie.
Li w.'hv ze coîiifirenii le mari, la femme et une fillette scrofu-
I-u? -. à uîio ihaigreur ardente, avec de gros yeux à fleur de
t'.te. uù, dès l'fige de onze ans, a flambé Thystérie. Les deux
i'.jiiaiiL' viveni de la pèche aux crevettes; ils sont presque
lu.i.jours ivres. L'enfitut finit par boire connne eux et vient,
licl)''t c ;»ar fnresse, mendier chez Pauline Quejiu. La femnu
a gar iê Hiaian.èChaiiteau morte [438]. Gomme tout le village,
Prou.;!ie se mo'jue de l'estacade construite par Lazare Clian-
teiiu l'Our endiguer la mer ['JGD]. (La Joie de vivre.)
PruUière. — Acteur des Variétés. Il joue avec une fatuité
a:im?;nl : «J^ jeune premier en bonne fortune, roulant des yeux
• le bi !V.. .lie. Si vanité d'acteur aimé du public souffre devant
uîi rù!e trop court [3*2'J]. Prullière joue un Mars de la Courlille
di:is 11 Lloitde Venus et Saint-Firmin, dans la Petite Duchesse.
Cesx ':n vain i] l'il cbrrche à devenir l'amant de Nana, alors en
ni'^iia^ri uv'^c Tonlan; elle trouve dégoiltant qu'il veuille
Il -niî'-r un anii [-87]. {Xana.)
Prunaire «Lf: peuE). — Sabotier des bois de Vivet [G'2].
Furieux .e i iiicontluit».' de sa fille Clara, il menace de tombera
Poi'i- el i'j lui casser les bras et les jambes, à coups de sabot
[i•VJ^ 'A'/. Uonhcur d-:s Dames.)
Prunaire (Claha;. — Vendeuse du rayon de confections
37i LES PERSONNAGES
au Bonheur des Damet. A été jadis débauchée |Mir les valets
de chambre du château de Hareuîl. Est venue plus tard d'un
magasin de Langres et se venge à Paris, sur les hommes, des
coups de pied dont le père Pmnaire lui bleuissait les reins.
Grande et mince, la téie trop longue ornée d*un chignon de
cheveux roux, elle a une allure de clieva) échappé [60j. Clara
est un scandale, on assure qu'elle a des entreleoeurs, sans
compter la queue d*amants de hasard, traînée derrière elle; si
elle ne quitte pas le magasin, où elle travaille le moins pos-
sible, dans le dédain d'un argent gagné plus agréablement
ailleurs, c'est pour se couvrir aux yeux de sa famille [f59].
Octave Mouret a eu un court caprice pour Clara [ili]. Cette
lille pervertie est à la fois envieuse et malfaisante. Longtemps
hostile à Denise Baudu, qu'elle ne pouvait souffrir au rayon,
la poursuivant de ses sarcasmes, elle a la méchanceté de* dé-
baucher Colomban, pour frapper Denise dans les siens [é26].
Mademoiselle Pmnaire disparait un jour, enlevée selon les
uns par le mari d'une acheteuse, tombée à la débauche de la
rue, selon les autres [iO\], (Au Bonheur dêtDamei.)
Puech. — Père de Félicité Pnech. Marchand d'huile à
Plassans, principal associé de la maison Puech et I^camp,
située dans une des ruelles les plus noires du vieux quartier.
Cette maison est à la veille de sombrer, lorsque Pierre
Piou^on demande la main de Félicité, appoiiant avec lui
cinquante mille francs qui rétabliront rapidement un crédit
fort ébranlé [65]. Pnech, heureux d'être sauvé de la faillite,
donne sa fille, reste encore cinq ans dans l'affaire, passe la
main à Rougon, et se retire en même temps que Lacamp,
satisfaits tous deux d'avoir amassé quelques rentes [68]. Puech
possi^de à ce moment une quarantaine de mille francs qu'il met
égoîstemenl en viager pour mieux dorloter ses vieux jours;
il meurt vers 18i5, ne laissant pas un sou à Félicité consternée
[G9]. (La Fortune des Rou§on,)
Puech (FÉLICITÉ) (1). — Fille du marchand d'huile. Née
en 1791, elle est à dix-neuf ans une petite femme noire,
maigre, la gorge plate, les épaules pointues, le visage en mu-
seau de fouine, avec des cheveux superbes. Douée d'une intel-
ligence très remarquable, elle a une physionomie de naine
{[) Félicité Puech, intelligente, active^ bien portante; mariée
e\ 1810 à Pierre Rougon. (Arbre généalogique de$ Hougon^Macquërt,)
^ m *
375
[uU'e où se retrouTi-nl les IraiLs d'un nol>le Au quartier Sainl-
.^lai'c. M. Je Carnavant, qui, selon la. chronique, serait son
ïùrilable père [66]. ilésignée & n'Alre qu'un laideron, Félicilé,
iJauée liu génie de l'inlrigue, pleine d'une ambilion active et
envieuse, s'est juré d'éblouir un jour celle ville oii elle végëte
tristement, au fond d'une liuuiiqac, dans la plus complote ma-
iliuoriti'. Elle poursuivra ce but jusqu'au linut, se servant an
loiymari, l'Jcrri; llougon, comme d'un iuslrument, lullanl avec
opiniiltreiK contre une |tersi$lanle malchance, ;;3rdaul la foi
la plus ilpre en son éloiU-, piiMe i loul pour assouvir son
mluation,
flnn<
Elle a t ru Hiire fort
Iravuil KcUn
le^ Jeux époux
irop u).-sq.ii
î pour qu
s nombre,
quartier,
ligure. Ils
âme de la .
ville des gens r
louent un logement rue
urrc promise, que Félii i,
fentMres[8l}. Elle avait wj, ..
Pascal et Aristiile, puis d
Oelks-ci, trop lard venues^
rêvant toujours de ricliess
capnbl<>s de vaincre le t
solide, comptant sur eu
Son second Hls, Pascal,
desi*: il fuit faillite au: .,
«1 Aristide, au cuniraij , r
famille. I.a révolution de
lustre, l'autre petit fane
laulETS les besognes, aij
lïur mire loul son esp< -c.
A celte époque, Féli u ] i; c'est toujours h
même peiile r<;mmc noire, à la marcuc leste, aui épaules
sèches; sa IJgure de fouine semble s'être parclieminée [81].
l)iri?F!ant son mari sans qu'il s'en doute, elle le met en avant,
(.lit de son snlun un centre de politique réactionnaire el, dans
I aveulisse ment général, ces Bougon de piètre allure, de passé
compromeltant, méprisés des riches bourgeois ijui s'assemblent
t-hez cu\, deviennent des personnages et se liciment i^ l'affût,
prêts à proliler des événements. Secrètement renseig'nés par
Eugène, le fils aine, que sa mère avait d'abord méconnu et
qui s'est poussé à l'aris, k-s Rougon jouent dans l'Iïssan^, à
contemple
les lois à l'Iussans.
■intéressé et mo-
îiIm [TU]; Eugène
iTos appétits de la
. l'un avocat sans
îPlassans, aptes â
amées, rendant à
37G LES PERSONNAGES
répoque du coup d'État, un rôle plein de fourberie où éclate
toute rinlelligente audace de Félicité. Les autorités emprison-
nées par les insurgés laissent la place libre à Pierre Rougon,
qui s'empare de la mairie, rassure les bourgeois claquant des
dents derrière leurs portes, et, par un coup de maître, combine
avec son frère ennemi Macquart un guct-apens sanguinaire,
une fusillade nocturne qui fera définitivement accepter les Rou-
gron comme les sauveurs de Plassans [351]
Alors, tous les bonbcurs arrivent à la fois: Aristide, Teufant
prîTéré de Félicité, se rallie à la bonne cause, Fencombrant
Antoine M.icqunrt se sauve au deh\de la frontière, un gendarme
fait justice du petit Silvère Mouret dont les opinions démago-
giques compromettaient la famille, Paîeule Adélaïde dont on a
si longtemps rougi est enfermée dans une maison de folles,
enfin les soldats, comme s*ils obéissaient à une suggestion de
Félicité, ont tué, dans le hasard d'une décharge, le receveur
particulier Peirotte, dont madame Uougon contemplait les
fenéires avec envie depuis des anuées. La recette particulière
«le Plassans est donnée à Bougon, et Félicité, devenue riche et
puissante, réalise dans le sang le rêve de sa vie en s'ins-
ta liant triomphante dans le grand quartier. {La Fortune des
Itougon.)
hl\ ans après le coup d'État, madame Rougon règne en
souveraine à Plassans; elle a été chargée par son fils Eugène^
devenu ministre, de personnilier là-bas les douceurs et les
amabilités de l'Empire [\i]. Restée à soixante-dix ans d'une
maigreur et d'une vivacité de jeune fille [50], elle possède
encore tout son goût pour Fintrigue. Plassans, dompté en 1851,
vient de revenir à Fopposilion royaliste, en élisant député le
marquis de Lngrifoul; c'est un grave échec pour les Rougon,
(jui trionijdiaicnt depuis les grandes journées de Décembre.
Çélicilé agit aussitôt, se tenant à Fécart par une manœuvre de
haute habileté [311], mais surveillant avec attention les opé-
rations de son collaborateur secret, Fabbé Faujas, lui donnant
discrètement de bons conseils qu'il n'a pas toujours la sou-
plesse de suivre, et coopérant grandement à la reprise et à la
conqnèle défini live de Plassans. Comme son grand souci est de
supprimer François Mouret, qui mène, dit-on, la canaille des
faubourgs [:277], elle a dirigé la campagne de persuasion qui
doit aeculer ce malheureux à l'aliénation mentale [2^8]. Tout
réussit ù Félicité, comme en 1851. Après la victoire, quand
DES ROUCON-MACQUART 377
Faujas, hruta! et autoritaire, va devenir un danger, Mouret
le supprime, dans un coup de folie furieuse, et madame Pierre
Rougon reste seule maltresse de la ville reconquise [401].
{La Conquête de Plassans.)
En 1^50, elle s*est intéressée aux Gharbonnel, anciens mar-
chands d'huile, et les a recommandés à son fils Eugène, pré-
ident du Cooreil d'Etat [54]. {Son Excellence Eugène Rougon,)
A qurttre-virâgts ans, elle est restée la petite femme maigre
de J2. ils. Très élégante, vôtue de soie noire, de taille encore
fîoc, elle gard^ son allure d'ambitieuse ardente. Ses yeux ont
conserv} tout*: leur Oamme [10]. Après les désastres de la
guerre, Plassans a échappé à sa domination et, sans un regre*
ni une {ijaintf . devenue très riche, Félicité se désintéresse, con-
sentant à n'étr*^ plus que la reine détrônée du régime déchu,
n'ayant plus (]u*une passion, celle de défendre la légende des
Rougon, en écartant tout ce qui, dans la suite des âges, pour-
rait la salir 12]. Elle voit avec bonheur s'éteindre enfin
Taïeule Ad é la; le Fouque, mère de tous les Rougon et de tous
les Mac|urirl. témoin desséché d'un passé de honte; eilt
assist.', sans un geste pour intervenir, à la terrible lin du vieil
oncle Al îciiio Macquart, dont elle guettait la mort depuis long-
leinj'?, uvanl r-^urde cet ancien complice; et enfin, c'est le
petit Cl.arles Lougon qui s'en va, cet humiliant dégénéré qui
Liesse sin orgueil parce qu'il semble marquer la fin de la race.
Mais ell-:' ne sera tranquillisée sur la pure gloire des siens
qu'après avoir anéanti l'œuvre du docteur Pascal, le seul fils
dont ^W-: roii^'isse, et qui a scientifiquement établi, dossier par
dossier, l'histoire vraie de celte tragique famille aux appétits
débordants. Et toute sa longue patience, tout son esprit d'acti-
vité t:l tie ruse, elle les retrouve pour ce dernier effort, cir-
coiivenar.t, «i'a ord, puis éloignant Clotilde, isolant Pascal,
g:igna:il la s^^rvante Martine, dont elle fait sa complice. L'acte
conso:ni:ié, loruvre patiente et énorme de toute une vie
détruite un d-rix heures par le feu, Félicité connaît les joies
du trioii {tli'i infinitif et, pour consacrer par un monument
durable ia gloir,* éternelle de la famille, elle emploie sa fortune
à la consirujlion et à la dotation d'un asile pour les vieillards,
qui s'api eli-ra i'asile Rougon [37^]. Elle pose à quatre-vingt-
(i'Ux aiis ii; [^ ;emièie pierre de cet édifice et, par lui, elle
conquie:: l'ias5i!is pour la troisième fois [382]. {Le Docteur
PasC'l. \
Om.
178 .LtS l'EKSOSSACES DES IlOUCOS-MAr.QUART
Putois (Madame). — Oun-iâre blanchisseuse chez GerTatse
:o.ipeau {\'i). IJuaraiitc-cinq ans, maigre, petite [i'iô]. Après
n décoiilltiire de sa patronne, elle enlre chei madame Faucon-
liiT [iid]- [L'Assommoir.)
Quandieu. — Le doyen des porions de Monlsou, un vieux
tout blanc de peau et de poils, qui va sur ses soixante-dix ans,
\:r. vrni miracle de belle santé dans les mines. Le père Quan-
aieu s*est raidi dans son entêtement du devoir militaire, le
cràue étroit, Tœi) éteint par la tristesse noire d'un demi-
siècio de fond. Pendant la grève, son attitude énergique sauve
la fosse de Mirou [371]. (Germinal.)
Quenu (Madame), née Gradelle. — Sœur de Gradelle,
cliarculicr rue Pirouette. Mariée à un Provençal qui Ta aimée
,. c!) mourir, et mère du jeune Florent qu'elle a mis au col-
lège, elle épouse en secondes noces un Normand, le sieur
Ouenu, d'Yvetot, amené dans le Midi et oublié par un sous-
préfet. Ce second mari, emporté par une indigestion, la laisse
veuve au bout de trois ans, avec un gros garçon. Concentrant
toutes ses ambitions sur le fils du premier lit, elle fait de ter-
ribles sacrifices, s'immolant et immolant le petit Quenu pour
que Florent devienne avocat et soit bien posé dans la ville du
Vi^.in, qu'elle habite. Elle meurt à la peine, avec le désespoir
immense de n'avoir pu achever sa tâche [16]. {Le Ventre de
Paris.)
Quenu (1). — Frère de Florent, que sa mère eut d'un
premier lit. Mari de Lisa Macquart et père de Pauline. Né au
Vigan. Son père est mort lorsqu'il avait deux ans, le laissant
pour tout héritage à sa mère. Madame Quenu avait mis toutes
ses espérances en Florent, intelligent et doux, et elle a négligé
ce second Dis trop gras, trop satisfait. Le petit Quenu galopine
\) Quenu, sain et pondéré, marié à Lisa Macquart en 1852.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquarl.)
3S0 LES PERBOXKAGES
avec des euloUes percéei; ta mère meurt lorsqu'il a douie
ans. Florent qai ne soupçonnait rien relrouve son Trére dans
une misère d'enfant perdu. 1] te prend pour lui d'une tendresse
paternelle, l'emmène à Paris et, dévoué jusqu'au sacrilicc,
abandonne ses éludes, courant le cachet, élevant ce jeune
frère au logis comme un enfant gàlé [i8J.
OucDU est alors un petit bonhomme tout rond, un peu béls,
mais d'une bonne humeur inaltérable. Incapable de Iraraux
plus compliqués, il fait le ménage el la popoie, arrive ainsi à
dix-liuil ans, toujours traité comme une demoiselle, décide
qu'il dtfvra gagner sa vie et, après quelques essais iiifructueuXr
trouTO enfin sa voie en apprenant la cuisine cbez le rôtisseur
Gavard. De cérébralité nulle, Quenu ignore les hautes pensées
de son frère; il engraisse dans la joie. L'aventure il a coup
d'Ëlat, Florent jeté dans une casemate de Bicélre et transporté
à Cayenne, celte tragique lecousse donne à Quenu, alors âgé
de vrngt-deu\ ans, une fièvre qui le laisse tiébêlé pemlant trots
semaines; puis ia bonne humeur l'emporte. Ouenu est entré
chez son oncle Gradelle,.nie Pirouette, pour apprendre la char-
cuterie, cette existence l'enchante et, sevré d'argent, brutalisé
parfois, il est parfaitement satisfait [Xô].
Ilieulût Gradelle prend une fille de boutique, Lisa Macqu.irt,
qui produit une profonde impression sur Quenu. l/amour va
être chez eux une bonne amitié dans une paiv heureuse. Ils
s'épousenl raisonnablement après la mort subite du vieux
Gradelle, unissant les fonds de l'héritage au\ dh mille francs
de Lita et ils quittent bi entât la rue Pirouette pour fonder,
rue Ram bute au, une belle charcuterie, toute brillante de glaces.
Cinq ans après, ils ont déjA quatre-vingt mille francs placés en
bonnes rentes. Une lîile leur est née, Pauline, grosse et belle
enfant qui leur fait honneur dans le quartier. Jusqu'en 185^,
de loin en loin, Ouenu a reçu des lettres de Florent, puis les
lettres ont cessé et, comme un journal annonce que trois éva- .
dés de nie du Diable se sont noyés avant d'atteindre la cite, il
en a conclu que son frère était mort et il l'a pleuré [65].
Lorsque Florent revient, Quenu a trente ans. 11 est gras, il
déborde dans sa chemise, dans son tablier, dans ses linges
blancs qui l'emmaillotent comme co énorme ponpoo. Sa face
ra.sée s'est allongée, elle a pris i la longue une lointaine res-
semblance arec le groin de ses cochons. Il accueille avec joie
ce revenant dont il n'a pas oublié la tendresse de jadis, il
r&brile sous son toit et resterait placidement beureui si Usa
DES ROCGON-MACQUART 3:51
ne soulevait la question de rhéritage à partager. Son avarice,
rassurée par le désintêressemenl de Florent, le jette plus tard
dans uu trouble profond ; lorsque sou frère demande quelques
acomptes, il s'affole devant ces billets de mille francs volati-
lisés, il perd sa belle humeur, sa graisse jaunit et, ayant une
peur atroce de compromettre sa santé, il donne blanc seing à
Lisa pour être délivré de ce Florent qui le rend malade. Lu
groa. chagrin l'agite lorsqu'on arrête son frère, il se reproche
de l'avoir livré, nviis c'est une courte crise [353], vite apaisée
dans la plénitude du bonheur reconquis. {Le Ventre de Paris,)
Il perd sa femme en 1863 et meurt six mois après, d'une
attaque d'apoplexie, laissant sa fille Pauline sous la tutelle
i.u cousin Chanteau, maire de Bonneville [3]. {La Joie de
i a/Y.)
Quenu (Madame). — Voir Macquart (Lisa).
Quenu (Paulinh) (1). — Fille de Lisa Macquart et de
Ouenu, née en 1î^i3 [Ci]. A cinq ans, c'est une superbe enfant,
ayant une ;M'os>e figure ronde. Pauline est la fidèle amie du
' lien M«>iilon. Elle écoute avec bonheur les terribles histoires
de son oncle Florent [260]. {Le Ventre de Paris,)
Elle est orpheline à dix ans« Son père a choisi le cousin
Cliauteau comme tuteur. Madame Chanteau vient la chercher
i» Paris et remmène à Bonneville. On a désigné, pour être
jiubrogé-tuléur, un parent de Lisa, Aristide Saccard. La for-
tune s'élève à cent cinquante mille francs.
Pauline, très forte pour ses dix ans, aies lèvres grosses, la
ligure pleine et blanche, de cette blancheur des fillettes éle-
vées dans 1 «s arrière-boutiques de Paris [9], grands yeux,
cheveux châtains [25]. Elle a une grâce de petite Parisienne
[10]. Vaillante et douce, elle fait aussitôt la conquête de la
maison, du chien M.ithieu, de la chatte Minouchc, de tout le
mon-ie, sauf de la servante Véronique, restée glacée et jalouse.
Image physiiiue de son père et de sa mère, parfaitement équi-
liijrê'S P;»uliiie est bonne, d'une bonté infinie, avec un perpé-
tuel hfsoin (le dévouement. Elle a pourtant des colères sou-
(] Pa..i:>»' Qii^^h:. liée en 18ô3, ve s'est pas marier, [Mt-lange
êqiiilil»: :•. riC'Spml-.inco pliysique cl morale du père et de la ukto.
ÉLit dhomiêîct'-]. Vit encore à DounevUlc. (Arbre gr.nèalnrjiqHe îles
T'iOugon-Macquori.)
3Sà LES l'EUSON^AGES
(laines, det Yiolences jalouses venues de quelque aïeul ma-
Icrnel [5-i] et un fond d*avarice héréditaire, le respect de Var»
gcnt, la peur d*en manquer [73]. Ces traits rendent plus dou-
loureux et plus méritoires les perpétuels sacrifices de Fauline»
qui luttera contre ses instincts, coupera les liens de son égoisme
[310], souffrira et se dépouillera Yictorieusement pour les
autres.
Elle fait sa première communion à douze ans et demi [59].
la grande simplicité du curé Ta cliarmée et elle a communié
(l*un air très sérieux [60]. Plus tard, rebutée par les questions
et les commentaires lourdauds de l'abbé Horteur, elle cesse
(l'aller au confessionnal et ne retourne à la messe que pour ne
pas chagriner sa tante [87J. Aucune religiosité dans ses
instincts de charité active.
Formée avant quatorze ans [6i]. curieuse de la révolution
(|ui s^opcre en elle, n'obtenant de madame Chameau aucune
explication intelligible, elle se plonge dans la lecture d'ou-
vrages de médecine trouvés au fond d*ùne armoire et apprend,
comme dans un devoir, ce que Ton cache aux vierges jusqu'à
la nuit des noces [66]. Elle est sauvée des idées charnelles par j
son amour de la santé. Après VAnatomie descriptive et le ;
Traité de physiologie^ elle a trouvé un Manuel de pathologie \
et elle sort de cette étude, pourtant rudimentaire, brisée de t
pilic, faisant le rêve de tout connaître afin de tout guérir [67]. i
En moins d'une année, elle est devenue une jeune fille déjà
robuste, les hanches solides, la poitrine large [09]. Elle va \
avoir seize ans, lorsque commencent les manœuvres de madame
Chanteau sur sa fortune. C'est d'abord trente mille francs
pour la création de l'usine rêvée par lazare [73], puis dix
mille francs pour la marche de Taffaire [95], d'autres sommes
[07], des prélèvements continus pour les besoins du ménage,
tombé dans la gène [98]. Lorsque Pauline a dix-sept ans, on
lui a déjà mangé près de cent mille francs [101]. Ce gaspillage
a éié facilité par l'amour de la jeune fille pour Lazare, par
son ardent désir de le jeter dans l'action. Pour couvrir leur
responsabilité, les Chanteau font émanciper leur pupille à dix-
huit ans [117] et l'argent continue à couler.
C'est maintenant l'exploitation réglée par petites sommes,
Pauline consent à tout, le chiff're de sa pension est augmenté
[13^], puis c'est douze mille francs pour Testacade [136], dix
mille francs pour réparer la maison qui tombe en ruine.
L'hcritiérc des Quenu a depuis longtemps vaincu ses instincts
DES ROUCON-MACQUAIlT :j83
I iravarice; elle répand des aumôaes dans le Tillage, parmi tout
j un petit monde de souffrants qui hurlent leur douleur; elle
s*ingénie à rendre la maison heureuse [262]. Pitoyable dus
: Torigine, elle a été pour Chanteauune précieuse garde-malade,
■ ne se rebutant de rien, soignant le vieux bougon jour et nuit.
A madame Chanteau qui, jusque dans l'agonie, Tinjuriait et
l'accusait de Tcmpoisonner, elle a doucement fermé .les yeux.
Elle sacrifie tout à Lazare, sourde aux remontrances du clair-
voyant Cazenove, et, par un admirable oubli de soi, lorsqu'elle
pense que son cousin aime Louise Thibaudier, elle dissimule
i son propre amour et, malgré la révolte de sa puberté féconde,
i accomplit le suprême sacrifice de donner l'un à Tautre les deux
i ninoureux. La servante Véronique, dont elle a fait enfin la con-
quête, Ta définie très justement: c Misère 1 a-t-elie dii, il y en a
.1* sont nés pour être mangés par les autres i [190].
Ace moment, la fortune delà jeune fille est réduite à qua-
vnnte mille francs. Fidèle à tous, trompée par tous [â07], Pau-
line s'est décidée à quitter Donneville, mais les souffrances
ambiantes l'y retiennent. Toujours saine et toujours pondérée à
.1 avers une existence de douleurs, elle reste là, son invincible
bonté de vier<,re qui sait et qui accepte la vie la cloue à celte
'raison où elle a gaiement sacrifié sa fortune, son cœur, sa
jt^unesse. £lle achèee de se dépouiller en employant les deux
!iers de ce qui lui reste à une assurance de cent mille francs
sur son filleul, IViifant de Lazare, elle n'a plus que cinq cents
francs de rente, elle consacre vaillamment son existence à cet
• itfant qu'on a laissé pour mort lorsqu'il est né et qui est bien
devenu sien, car il ne respirait pas, le médecin l'avait abandonné,
et elle l'a fait renaître en insufllant la vie dans ses poumons
inertes. {La Joie de vivre.)
Après la mort de Chanteau, elle reste à Bonneville, en face
du vaste océan, toujours gaie dans son coin de morne solitude,
résolue à ne pas se marier, à se donner toute au petit Paul
f 1-29]. (Le Docteur PascaL)
Quinette. — Gantier de la rue Saint-Augustin, miné par
la concurrence du Bonheur des Dames [203]. Tombé en fail-
lite, il reprend du travail chez les autres, du côlé de la I>as-
lilh* [li3J. (Ah Bonheur des Dames.)
Quittard (.\uguste). — Fils de Françoise. L'n pauvre gamin
de dix ans, si malade d'une fièvre typhoïde qui! n'est pas
iransporlahlc. Resté à Cazeilles, il est dans un lit très blanc,
381 LES PERSOSÏIiCES DES ItOCGOX-HACQUART
s» face est empourprée de Airrs et, poudant l<?s aares
bataille, il regarde Uxeneiit sa mère Je ses ycui Uu
[âl5]. Lorsqu'elle eit morte, tuée jtar un olius, et ■]
mouches diji volent et se posent sur sa lâie, le ["lit .V
l>rÎ3ilu délire, appelle, demaailfl à boire, d'une voix b
suppliaote : c Hère, réTeille>toi, rèveille-luî... J'ai s
bien soif, t [ââ3]. Il meurt brûlé dans son lil, quand le
■ ois, pris de folie furiense, descendus uunegueri-edcsii'
euragés par la longueur de la lutte, allument le rillaj
des torches et font de Bazeillei un brasier pour venge
morts, leur tas de morts stir lesquels ils marchent (^
Débâcle.)
Qulttard (Fii.\nçoise). ~ VeuTe d'un maçon, ^ai
de la teinturerie ficlahcrcbe, à Baieilles. Avant la 11
lous les ouvriers ont Tui à travers bois, gagnant la B<;
Françoise est resléo seule, tremblante, éperdue, retenu*
son gm-çon, le petit Auguste, atteint de lièvre typhoïde
Aux premières heures de la lutte, un éclat d'obus l'a j
travers de la façade éventrée, morte, les reins cassés,
bj'ovée; ce n'est plus qu'une loque humaine, toute
allrcusc [âlC]. (La DèbùcU.)
Rabier (Les). — Tanneurs à Deaumom, dans la ville basse,
lu l'Ord du Li^-neul. Le mari boit, la femme a uqe mauvaise
ooniuite. Angélique Marie, fille non déclarée de Sidonie Rou-
. j:i. leur û élé confiée par la sœur de Rabier, Thérèse Fran-
chomtne. Injuriée, battue, souffrant le martyre, traitée d'enfant
Je la borne, feiifant s'enfuit peu après et est recueillie pur
les Hub'^rt "l.V. (Le Piéve,)
RacheL — Donne de Berthe Vabre. Grande fille de vingl-
V..U.J .lus, ai viiag* dur, au grand nez, aux cheveux très noirs.
Hoit être j::ive, mais elle le nie et dissimule ses origines.
.Avec son oi/éis-ance muette, son air de tout comprendre et de
ne rien d'ui, s:> yeux ouverts et sa bouche serrée, elle a pris
obsession iu ménage, en servante de flair attendant Theure
lalale et pi 'vue où madame n*aura rien à lui refuser ['190],
Elle .1 ï jrp.is 1^:5 amours de Berthe et d'Octave Mourel, et ne
denianderaÎL qu'aies favoriser; mais cbmme on n'a pas eu
l'adress-f d»; la récompenser, elle dit tout au mari et provoque
le renvui ùe 1 1 fem.aie, devenant alors maîtresse du logis,
volant et qu^îre^Iaiit son maître avec la tranquille impudence
d'une é| ouie [îiS]. Chassée après la réconciliation des époux,
celte iille 2:lei:cieuse, dont les autres bonnes de la maison
n'avalent rim pu tirer, se venge de ses maîtres par un flot de
furieUïes i;:jures, qui dépassent toutes les bornes. (Pot-
Bouille*
Rambaud • 1). — Frère cadet de l'abbé Jouve. Grand,
carr»>. Irrire fig.ire de notaire de province, déjà tout gris à
(1) PiC-^biL e iiiarie en 1857, arec fJtléue Mouret, veuve en
première: /.;:Cà de Grjmljean, [Arbre généalogique des Roiujon-
Mitcfj.i'jr!.'
3sa i^ PEasa53(AGes
1
1
quaraiUc*cinq ans^ il garde daos ses gros jreax Ueas ViAr
étonné, naïf et doax d*iin enfant [32]. IJ a fondé me de Ram«-
butean une sfiédalité d'boiles et de produits du Midi, il j-
gagne beaucoup d'argent. Originaire de Marseille où il a connu
lesGrandjean,il aide son frère à tirer d'embarras Hélènederenue
subitement veuve. Fréquente chez celle-ci et se prend bientôt
pour elle d'une affection profonde, presque patemelley dont 11
reporte une belle part sur la fillette Jeanne. Partageant la
haute tolérance de Tabbé, il assiste, plein d'une douletir muette,
à la crise passionnelle d'Hélène Grandjean et s'offre ensuite à
Tabaudonnée, comme un refuge tendre et doux. (Um Page
d\{mour.)
llambaud s*est retiré des affaires et est allé habiter Marseille
avec sa femme. Son mariage a fait de lui im cousin par alliance
de Lisa Quenu. A ce titre, il est nommé membre du conseil de
famille de la petite Pauline [%]. Il consent par lettre à rémao-
cipation [117]. {La Joie de vivre.)
Rambaud mène une heureuse existence avee Hélène, qu'il
idolâtre [129] . {Le Docteur Pascal.)
Rambaud (MADiUiE). — Voir Mouret (Hélène).
Ramond. — Élère et confrère du docteur Pascal. S'est fait une
belle clientèle à Plassans. Refusé par Clotilde Bougon qui n'a pour
lui qu'une très sincère affection [182], il épouse mademoiselle
Lévéque [â07]. Lorsque Pascal est atteint de palpitations, ill'aus-
culte, d^ourre de la sclérose [318] et le soigne avee la défé-
rence d'un disciple [334]. Bouleversé de pitié et d'admiration, il
voit mourir ce savant resté enthousiaste et passionné jusqu'à
son dernier souffle [342]. {Le Docteur Paecat.)
Ramond (Madave) — Voir Levêque (Mademoiselle).
Ranvier (Abbé). — A succédé à l'abbé Jouve comme curé
(le Moiiisou. C'est un abbé maigre, aux yeux de braise rouge
\t%]. Il attaque violemment la bourgeoisie, et rejette sur elle
toute la responsabilité des faits de grève ; c'est la bourgeoisie
qui, en dépossédant TÉglise de ses libertés antiques pour en
mésuser elle-niôme, a fait de ce monde un lieu maudit d'injus-
tice et de souffrance [421]. Tout Montsou tremble devant ce
socialiste chrétien ; ainsi que Dansaert, avec ses gendarmes,
recrute des hommes poiur la mine, il raccole, lui, des hommes
de bonne volonté pour l'église ; son Dieu seul peut tout
sauver; il exploite là grève, cette misère affreuse, cette rancune
DES noUGON-M.VCQUAnT 387
exaspérée de la faim, avec l'ardeur d*uu missionnaire qui
prév'he des sauvages, pour la gloire de sa religion [iiO]. Et il a
pour les faits un tel dédain, il vit .si haut dans son rêve du
triomphe final d'.* TÉglise, qu'il court les corons sans aumônes,
les mains vides au milieu de cette armée mourante de hesoins,
en pauvre diable lui-même qui r«>garde la souffrance comme
l'aiguillon du salut [4i:^]. Devant les mineurs tués par la troupe,
il appelle sur les assassins la colère de Dieu, annonçant, dam
une fureur de prophète, l'heure de la justice, la prochaine exter-
n)ination de la bourgeoisie par le feu du ciel [489]. L'évéque
finit par déplacer cet a!ibé compromettant [501]. (Germinal,)
Rasseneur. ^ Tient un cabaret entre le coron des Deux
cent quarante et la fosse du Voreux, avec cette enseigne :
A rAtantnjc. Très bon ouvrier jadis, parlant bien, il se met-
iuit à la iê:e de toutes les grèves et avait flni par être Je chef
des, mécontents. La Compagnie Ta congédié, il a trouvé de
l'argent et a planté son cabaret en face du Voreux, comme une
provocation. C'e^t un gros homme de trente-huit ans, rasé, à la
figure ronie, au sourire débonnaire. Sa maison est en pleine
l*rospériic, il devient un centre, il s'enrichit des colères qu'il
a peu à peu soufrées au cœur de ses anciens camarades [73].
Les théorie^soci:i!istes luisent étrangères; il prétend demander
seu'ement le possible aux patrons, sans exiger, comme tant
l'autres, ùts choses trop dures à obtenir [75].
Ce qui fjit son inQuence sur les ouvriers des fosses, c'est la
facilité de sa parole, la bonhomie avec laquelle il peut leur
parler pendant des heures, sans jamais se lasser; il ne risque
aucun geste, reste lourd et souriant, les noie, les étourdit,
jusqu'à ce que tous crient : c Oui, oui, c'est bien vrai, tu as
raison ! » Une rivalité éclate entre lui et un nouveau venu,
Etienne Lantier, ]ui, sans respect pour sa situation acquise,
apporte aux minears des idées nouvelles.
La jalousie de lîa^seneur s'nggrave bientôt de la désertion
«le son «l'il»;!, où ies ouvriers du Voreux entrent moins boire et
récouter [î'-'T]. Aissi en arrive-l-il parfois à défendre la Com-
pagnie, oubliant sa rancune d'ancien haveur congédié; il se
déclare nitoie ce .ire la grève, uniquement parce qu'elle est
préconisée par Liienne et qu'à son avis, ce dernier augmente
sans doute le gûoliis pour y pécher une position [269]. Celle
attitude re:. 1 très vite lUsseneur impopulaire; dans la forêt de
VanJame, on le Irae, on crie : « A bas le traître! » [323]. Mais,
t
i
38S tKS PERSONNAGES
après la grève de Nontson, après récrasemeat qu'il avait
prédit, rinconstance des foales inexercé en sa faVeur; e'esllaîy
celte fois, qui sauve Êlienne» et il retrouve sa popiiJariti sans
effort, naturellement L50i]. (GernUnat.)
Rassenenr (Hadave). — Tenait déjà uu débit, ^mme
beaucoup de femmes de mineurs, i l'époque où Rasseneur a été
congédié du Yoreus; ils ae sont alors déplacés et agnmdi8[73].
C'est une grande femme maigre et ardente^ le nex long, les
pommettes violacées. Elle est en politique beaucoup plus
radicde que son mari [7o]. Son mot est qu'il faut que ça pète
[158]. Dans ses violences révolutionnaires, elle se montre tou-
jours d'une grande politesse; quand son locataire Souvarine
parle de laver la terre par le sang, de la purifier parrioeeudle,
elle dit courtoisement : c Monsieur a bien raison » [ifiO].
{Germinal.)
Rastoil. — Président du tribunal de Plassans. Soixante ans
environ, gros homme un peu court, chauve sans barbe, la* tète.
ronde comme une boule. Deux filles montées en graine. Un fits
incapable, Sévertn, qu'il rêve de caser dans la magistrature
assise. La fine fleur de la légitimité se réunit chei lui ; pour
narguer la sous-préfecture qui est voisine, on a illuminé son
jardin le soir de l'élection du marquis de Lagrifoul [17]. Peu â
peu, l'abbé Fatyas usera cette opposition ; il olTre à Rastoil
1 illusion d'un terrain neutre, et le président, habilement cir-
convenu par madame de Condamin, finit par Iftcher Lagri&ml»
devant la perspective d'un mariage pour une de ses filles et la
promesse d'un emploi àh substitut pour Séverin [318]. (La
Conquête de Plassans.)
Rastoil (Madame). — Femme dn président du tribunal de
Plassans. Quarante-cinq ans environ. (Yesi une petite femme
grasse, à tête de brebis bêlante, très prude, pleine de dévo-
tion, qui en a fait voir de rudes à son mari [ii]. Elle a tiré
autrefois l'avocat Delangre de la misère, loi envoyant jusqu'à .
du bois l'hiver, pour qu'il ait bien chaud [7i]. Sa fille aînée est
venue au monde i l'époque de cette liaison; on est d'accord
pour attribuer à la jeune fille une ressemblance physique avec
Delangre. (La Conquête de Plassans») i
Rastoil (AngélinÉ). — Fille aînée du président Rastoil. .
Vingt-six ans, pas belle, toute jaune, l'air maussade [i3]. Elle . j
s'attarde à des jeux de fillette, déployant des grâces pour trouver
DES ROUCON-MACQUART *<{89
un mari. Des combinaisons politiques lui permettront d'épouser
le fils du dépulé Delangre, Lucien, presque un frère pour elle,
s*il faut en croire la légende [3i5]. (La Conquête de Plassans.)
Rastoil (AuRÉLiE). — Seconde fille du président. Mngl-
quatre ans euTiron. Un peu moins disgraciée physiquement que
sa sœur, elle aurait sans doute été choisie par Lucien Dclangre,
mais on ne pouvait décemment marier la cadette avant Tainée
[o25]. (La Conquête de Plassans.)
Rastoil (SÊvERiN). — Fil? du président du tribunal de
Plassans. Grand jeune homme de vingt-cinq ans, le crâne mal
fait, la cervelle obtuse [172]. Reçu avocat grâce a la position
occupée par son père, il est à peine capable de plaider. Il fait
p.'irtie du Cercle de la Jeunesse, qu*il a aidé ù organiser, faisant
les courses, crevant d'importance [173]. Quand son père se
rallie à 1 Empire, on nomme Séverin substitut à FaveroUes [325].
(La Conquête de Piassans.)
Ravaud. — Capitaine au 106* de ligne (colonel de Vincuil).
L'n jeune soldat d<t sa compagnie est le premier blessé amené,
le malin du 1" septembre, à l'ambulance Delaberche [2G8].
En mars 1871, on retrouve le capitaine Ravaud â Paris, dans
un régiment de formation récente, le 124« de ligne, logé à la
caserne du Prince-Eugène. Jean Macquart est incorporé dans
sa compagnie [581]. (La Débâcle.)
Reading (Lord). — Propriétaire d'une écurie de courses.
L'n de ses chevaux, Rramah, a gagné le Grand Prix de Paris
[389]. (y (tua.)
Rébufat. — Mari d'Eulalie Ghanlefrreil, tante de Miette.
Méger du Jas Mcffren, aux portes de P)i:ins, avare, âpre à la
besogne et au gain, il consent à recueillir Miette resiée seule
au monde à V^v^c de neuf ans. Il la traite en valet de ferme,
raccabie de besognes grossières, so sort d'elle comme d'une
bête (le soniino, surtout après la mon l'ICulalio qui protégeai!
l'enfant contre ses rudesses [209]. Informe par son (ils Justin
des sorties noclurnes de Miellé, il jure de la chasser à coups
de pied si elle a l'audace de revenir [192). {La Fortune des
Roufjon.)
Rébufat (Madame). — Voir Chantegrkil (^El'lalie).
Rébufat (Jl'>tin). — Fils du méger du Jas Meflren. Garçon
d'une vin^'taine d'années, grêle, blafard, les membres trop
3X» LES PERSONNAGES
longs, le visage de travers; hait violemment sa cousine Miette,
rêvant de se venger sur celte belle et puissante fille de sa
propre laideur [193]. Il Tinjurie lâchement, l'alfole en lui
reprochant son père, l'espionne sans cesse, surprend son idylle
avec Siivèrc Mouret et la dénonce au brutal Rébufat. Cet aiTreux
galopin ne sera satisfait qu*en voyant Miette éperdue de honte
[193] et Silvère assassiné [383]. (La Fortune des Bougon,)
Rexnanjou (Mademoiselle^ — Voisine des Lorilleux, rue
lie la Goutte-d'Or. Petite vieillequi habille des poupées à treize
sous [71]. Toute fluette dans réternelie robe noire qu'elle
semble garder niémc pour se coucher [85]. Elle est conviée à
la noce des Coupcau et, sous le pont Hoyal elle raconte ses
souvenirs : en 1817, elle allait dans un coin de Marne, avec un
jeune homme qu'elle pleure encore [99]. (LWssommoir,)
Renaudin. — Notaire à Paris, rue de Grammont. Jeune
lionime aimable. C'est lui qui dresse le contrat de mariage
dWuguste Yabre et' de Berthe Josserand [175]. Il s*entend avec
Duveyrier pour réaliser une vente d'immeuble au détriment
des autres membres de la famille [28-i]. (Pot-Bouille.)
Renaudin. — .Médecin à Grenelle. Joséphine Dejoie a été
cuisinière chez lui [13i]. {LWrgent.)
Rengade. ^ Gendarme à Plassans. Quand les insurgés
ont envahi la caserne de la rue Canquoin, Silvère Mouret s*est
attaqué à ilengade et, d*un mouvement brusque, lui a enlevé sa
carabine. Dans cette courte lutte, Tanne a frappé violemment
le gen<larme à la face et lui a crevé l'œil droit [189]. Une
semaine aprôs, Rengade, Tœil bandé, la face sanguinolente,
retrouve Silvère arrêté à Saint-Roure et ramené à Plassans;
il lui casse la tète d'un coup de pistolet, assassinant avec lui
un paysan de Poujols, Mourgue, à qui le jeune homme était
accouplé dans la colonne de prisonniers [376]. {La Fortune des
Bougon.)
Reuthlinguer (De). — Banquier à Paris, une des plus
grosses fortunes de l'Europe. BIème, froid, de mœurs austères.
Il fait antichambre chez Clorinde [375]. (Son Excellence
Eugène Bougon.)
Rhadamante. ~ Surnom d*un professeur du collège de
Plassans, un maître qui n'a jamais ri [37]. (L'Œuvre)
Richomme. — Porion au Vor»»ux, un gros à figure de
bon gendarme, barrée de moustaches grises [25]. Jl s'épuise
DtS r.OUCOX-MACQUAUT 391
en vain à vouloir éviter une collision entre les grévistes et la
troupe; peiid«int que les briques pleuvent sur les soldats, il
supplie d*un côté, il exhorte de Tautre, insoucieux du péril, si
désespéré, que de grosses larmes lui coulent des yeux [485].
Et il est tué Tun des premiers [487]. (Germinal.)
Rivoire. — Associé de la maison Piot cl Ui voire [^G3].
{Au Bonheur des Dames.)
Robert (Madame). — Tne habituée de la table d*hôte de
Laure Piédefcr. Cesl une femme très brune, jolie, au visage
allongé, aux lèvres pincées dans un sourire discret. Elle
occupe ru^ Mosnicr un appartement sévère et bourgeois, tendu
u'éiolles «ombres, avec le comme il faut d*un boutiquier pari-
sit'U, rniirr aj»rès fortune faite. On ne lui connaît qu*un amant
.1 la ioi«, ]>as plu^, et toujours un homme respcrtable. C'était
au[»aravani un chef de bureau au ministère de rinlérieur [30].
four le m tinent, elle a un ancien chocolatier, esprit grave;
quand il vient, charmé de la bonne tenue de la maison, il se
fait annon er et l'appelle « mon enfant > [i276]. Madame lîobert
e>l la rivi.'e de Nana auprès de Satin; évincée, elle se venge
en ôcrivaM des lettres anonymes à MulTat et aux autres amants
de son ennemie [359]. (Nana.)
Robin-Chagot (Vicomte de). — Agronome, ancien con-
«eiler d'ttal. devenu vice- président du conseil d'admiiiislra-
lioD de la [ianque Universelle. C'est un homme doux et ladre,
uneexcelîfnte m-ichine à signatures [Ui]. Il touche cent mille
francs do primes secrètes pour tout signer sans examen, pen-
dant les longues absences d'Hamelin, président de la Société
[tl'l]. (U Argent.)
Robineau. — A élé second du rayon de soieries, au Bon-
heur des Dames. La maison s*est mal conduite à son égard ; on
lui avait promis depuis longtemps la situation de premier, et
DouthemùnU arrivé du dehors, Ta obtenue du coup; le rayon,
excité par llulin et Favier, n'aime pas Robineau; on lui en
veul surinit de ses nerfs de femme, de ses raideurs, de sa
>usceplil«i.ité [lOô]. Renvoyé brusquement, après scpl ans de
service, ii se décide à acheter le fonds de Vincard, marchand de
soieries ne Neuve-des-Petils-Champs ; longtemps il a hésité,
Ie5 soixante mi'le francs dont il dispose appartiennent à sa
femme et il est plein de scrupules devant celte somme, aimant
.i-.;^y, ^ '.jj cû ««onnor fni]| dp cuite les deux noinîTs ouc de la
3aJ LES PEBSONXACES
comproiueltru anus du mauvHJses alTaires [SI]. Le fonds lui a
coùl« lei deux lier^ de sod avoir, il ne lui reste que viupL
mille fraDC* pour marcher, mais le fabricant Gaujcan, acquis
aux ialér£ls du petit commerce, le soutiendra par de longs
crédit!.
C'est le conHiKjui divise la maison de spècialitûs et les grands
magasiiu; une Inlie restée célébra s'engnge entre le mioce
Itobtneau et le puissant Octave ïlourci, leur riv:i1ité sur les
failles de Lyon aboutit à un massacre des prii, â un écrase-
ment du boutiquier sous les reins plus solides du Itonhcur des
Dames. [338]. L'ancienne maison Vinçard \n mourir de sa
lémérilé. Itobîneau restreint son personnel; Denise Baudu,
employée chez lui, le quille pour rentrer chei .Mouret; ÏI vil
dans des brusqueries continuelle;, perdant patience devant
l'injustice des clientes [230] : mais surtout il s'alTole en pensant
i'i la ruioe qui menace sa femme, élevée dans une paix heu-
reuse, incapable de vivre pauvre ; le jour, il repaie sans cesse :
ï Je t'ai volée, l'argent venait de toi i ; la nuit, il rave des
soixante mille francs, se réveillant en sueur, se Iraitanl d'inca-
pable, apercevant sa cbère fi^uime dans la inie, en guenilles,
mendiant, elle qu'il aime si fort, qu'il désire riche, beureuse
[159]. Cette obsession le mène à l'idée de suicide; réduit aux
expédients,' m enani une vie d'enfer pour éviter d'élre mis en
faillite, il Bnil par se jeter sous un omnibus, au carrefour
Gaillon, devant les étalages du Bonlieur des liâmes iriompbanl
[i'>i].{Au Bonlirur des Dama.)
Roblneau (Madame). — Femme du msrcimnd de soieries.
C'est la mie d'un piqucur des ponts et chaussées, absolument
ignorante de; clioses du commerce. Élevée dans nn couvent de
lilois, très brune. Iras jolie, avec une douceur yaie qui lui
donne un grand charme, elle a encore la ganclierie d'une pen-
sionnaire. Adorant son mari et ne vÎTanl que de cet amour,
elle le console dans les heures difficiles; pubqu'tl l'aime bien,
elle n'eu demandt; pas davantage, elle lui dunne1oul,son cœur,
sa vie [iZS]. L'utilité de la lutte lui écliapp.!. Effarée, dépaysée
dans ces affaires, auxquelles sa nature tendre ne ntord pas, el
qui tournent mal, il lui semble que ce serait plus gentil de
vivre tranquille, au fond d'un petit lo^i.>menl, oit l'on ne man-
gerait que du pain [157]. .Madame Itobineau est dans un élat
<i^ grossess-; avancée lorsqu'on lui rapporte son mari, une
jambe brisée sous l'omnibus ; cet affreux malbeur la bouleverse,
DES nOUCOX-MACQUAUT 393
mais la cassure est simple, aucune complication ne doit se pro-
duire et la jeune femme se réjouit en pensant ()ue, puisque la
déclaration de faillite est déHnitive, son mari sera maintenant
débarrassé du tracas des affaires [461]. {Au Bonheur des
Dames,)
Robine. — Fait partie du groupe Gavard. Cinquante ans,
air pensif et doux, avec un chapeau douteux et un grand par-
dessus marron. Le menton appuyé sur la pomme d*i voire d\m
gros jonc, i! a la bouche tellement perdue au fond d'une forte
barbe, que sa face semble muette et sans lèvres [1:28]. On ne
l'a jamais vu sans chapeau sur la tète. Robine est le silencieux
du groupe. Il écoute les autres jusqu'à minuit, mettant quatre
heures à vider sa chope, regardant successivement ceux qui
parlent comme s'il entendait avec les yeux. Gavard le consi-
dère comme un homme très fort. 11 habite rue Saint-Denis, ne
iait absolument rien et vit d'on ne sait quoi. Son si!ence per-
pétuel Tcm pèche d'être compromis dans le complot des Halles,
mais il assiste à l'audience, où Florent raperroit, s'en allant
doucement au milieu de la foule [355]. (Le Veuirc de Paris.)
Robine (Madame). — Femme de Robine, habite avec lui,
rue Saini-benis, un logement où personne ne pénètre. Gavard
qui croit l'avoir vue de dos, entre deux portes, pense qu'elle
est une vieille dame très comme il faut, coiffée avec des an-
plaisHS, mais il ne pourrait TafOrmer [129]. {Le Ventre de
Paris.)
Robinot (Madame). — Connaissance des Deberle [25].
{Vue Po'jc d^ Amour.)
Robiqnet. — Fermier de la Chamade. A bout de bail. 11
ne fume plus la terre, laisse le bien se détruire [100] et finit
par se faire expulser, parce qu'il ne paye pas les fermages [-173].
{La Terre)
Rochart (Monseioxecr). — Évêque de Faverolles. Appuie
les sœurs dans l'affaire Chevassu [55], est battu par le mi-
nistre Eugène Rougon et prend sa revanche contre lui, lors du
scanJaie soulevé par la visite domiciliaire pra'iquée chez
les sœurs [iO^J. {Son Excellence Emjène Roujon.)
Rochas. — Lieutenant au 106* de li.s^ne (colonel de Vineuil).
Fils iluM ouviier maçon venu du Limousin. Né à Paris et répu-
gnant à Téiat de son père, il s'est engagé à dix-huit ans; sol-
dat d^j fortune, il a porté le sac, caporal en Afrique, sergent à
3H LtS PBItSON^AUES
Scbaïlopol, lieiilennnl sfirès Solferino ; il a mis qiiinic ans itu
dure eiislciiceel d'Iiéroîiiuc. bravoure pour conquérir ce grade,
d'un manque let d'insli-uciioa qu'il ne doil jamais pnsser capi-
tnÏQf [17]. En t870, il a pri-s de cinquanic nm. Ceil un grand
ilinlpii: maigre, avec uni: ligure longue et creusée, iniinée, enfo-
méo; son nez énorni-!, Iiusquê, tombe dans une liirge bouche
violenle el lionne, où se hérissent de rudes moustni-Les grisou-
iinnles [t5]. Pus commode, d'une grossièreté parfois à lui licber
des gillcs, il csl iiiniê de se^ hommes, qui l'invilcjil â leurs
repnii 'lo maraude quand la l'aiiline des ofliciers e^t vide. Il
pariiiiie le m.-pris îles soldais pour le capilaiiie ReauJoin, un
friOuqucl îoiû de Sainl-CjT [92].
Les apprêhtnsiontdes ^ens leuséi lur le sort de la campagne
le font éclnier d'un rire énorme; il en est i la légende, le
troupier françRis parcourant le monde, entre sa bi.'lle et une
bouteille du hon vin, la conquête de la lerre faite en chantant des
rerraint de goguette. Tout ion grand corps de chevalier errant
exprime l'absolu mépris de l'ennemi, quel qu'il soit, dani son
insouciance complète des temps et des lieux [18]. On recon-
duira les Prussiens jusqu'à tlertiu A coupa de pied dans le cul
[30]. Lorsqu'il apprend la premîire défaite, une immense stu-
peur se peint dans ses yeux vides d'enlant [â3], mais, tnalgré
Frccscliwillcret la déroute sur Ch&lous,il est retombé d'aplomb
dans sa foi au courage invincible, les Prussieni seront aplatis
comme des mouches [6ÏJ. L'elTroyable désordre de la marche
vers In Meuse, n'etiiamc point son entêtée conHance; puisque les
Prussinssont \i, on va les battre [IS8]. Quand on monte vers
Vjllers, tournant le dos au canon de Deaumont, il mâche sour-
dement des ^ros roots, des injures contre tous et contre Ini-
mi>mepi6]; près de Itemilly, on est harcelé par l'artillerie
prussienne, un éetat d'obus lui effleure la tële [iôl]; dans
SL'dan, il tombe foudroyé de sommeil devant la statue de Tu-
renne [180]; sur le plateau de Flaingoii, dédaigneux de tout .
abri, simplement enveloppé d'une couverture, il ronde en héros
sur ta terre humide [2U3], son képi est jauni par les pluies,
dis lioutous manquent à fa capote, toute sa maigre et dégin-
gandée personne est dans un pitoyable état d'abandon et de
misère; mais le malin de la bataille, il n'en est pas moins -
d'uue RrAiierie victorieuse, les yeux élincelanls, les moustaches
hérissées [â3I].
il, en sa cervelle étroite, l'idée de trahison, répandue dans
l'armée, n'est pas loin de paraître naturelle, car elle explique
DES ROUGOrC-MACQUART û*93
les défaiies surrenues, il garde quand même son mépris fanfa-
ron de rennemi. son ignorance absolue des conditions nouvelles
de la guerre, son obstinée certitude qu*un vieux soldat
d'Afrique, de Crimée et d^Italie ne peut pas être battu [^3^].
Après le plateau de l'Algérie et le calvaire d'illy, dans la re-
traite en désordre qui refoule sa compagnie vers le bois de la
Garenne, il garde sa belle conflance inébranlable [358]. Cerné
vers quatre heures dans l'Ermitage, avec une poignée d*homnies,
il reste gai, il va culbuter les armées allemandes d'un coup,
très à l'aise.
Jusqu'au bout, il n'aura rien compris à cette ûchue guerre,
où l'on se rassemble dix pour en écraser un, où l'ennemi ne se
montre que le soir après \ous avoir mis en déroute par toute
une journée de prudente canonnade. Et dans son obstination,
enveIo[ipé de toutes parts, il répète machinalement: c Courage,
mes enfants, la victoire est là-bas >, tandis qu'il se sent do-
miné, emporté par quelque chose de supérieur, auquel il ne
réiiste plus [375] Sans songer une minute à fuir, il essaye
d'anéantir le drapeau. Frappé au cou, à la poitrine, aux
jannbes. il s'aifaisse parmi ces lambeaux tricolores^ comme
vrtu J*eu\ [37G]. El il meurt dans son ahurissement d enfant,
tel qu'un pauvre être borné, un insecte joyeux, écrasé sous la
nécessité de l'énorme et impassible nature [376]. (La Dé-
bâcle.)
Rochefontaine. — Propriétaire des ateliers de construc-
tion de Ohâieaudun. Grand garçon intelligent et actif, très
riche, trente-huit ans à peine, les cheveux ras, la barbe taillée
carrément, mise correcte sans recherche, froideur brusque,
voix brt'ie, autoritaire. Tout en lui dit l'habitude du comman-
dement, i'ohéissance dans laquelle il tient les douze cents
ouvriers de son usine. C'est un libre-échangiste enragé, il veut
que le p lin coûte hou marché pour n'avoir pas à augmenter
les salaires de son personnel. Tout prêt à servir l'Empire,
mais blessé de n'avoir pu obtenir l'appui du préfet aux élec-
li 'US. il 2'est obstiné à se poser en candidat indépendant, mais
re titre lui a enlevé toute chance, les habitants des campagnes
Wui traité en ennemi public, du moment qu'il n'était pas du
(Clé du !iiai)che [U3]. Plus tard, par suite de la disgrâce de
M. de CLéJeville, il devient candidat officiel, ses rudesses en
iniposeci aux paysans qui marchenl plus que jamais avec l'au-
torité et. du moment où il a été désigné par l'empereur, son
39G LES PEnSO^NAOES
libre-écliangism«, pourtanl fune^lc à la lerre, ne ri.'in|)i'('.liu
pas d'être éla [36i]. {La Terre.)
Bodriguez. — Parent éloigné de l'impérarrice. Iléctamc
au gouvernement français ntie somme de deux millions, depuis
ISUÛ. Celte revendicalioD, poilue ilevaiii le Conseil <i'ÉIat, est
cainbatlue par le président Eo^'ène Itoii^'on, i[ui jiiccuDleale
ainsi l'impénitrice [S] et est Itîentôt obligé de se retirer pour
c des raisons de sanlé >. (Son Exaltence Eugène Rougo»)
Bognes-Bouqueval (Les). — Vieille famille noble de
l'ancien Dunois, dont le domaina leignenrial, déjù entamé pour
subvenir à des besoins d'argent, a été déclitré bien national en
\''J"i, et racbeté, pièce à pièce, par Isidore Hourdequia [31].
(La Tenc )
Rolville (Les de). — Uondains parisiens, cbei qui la ba-
roniiu Sandorir a rencontré quelquefois Gnndermanu [29%].
{L'Argent.}
Rosalie. — (tempailleuse à Bonnes. Pauvre femme TÎTaiil
toute seule, malade et sans un sou. L'abbé Godard lui TÎeut
en aide [513]. {La Terre.)
Rose. — Fille de comptoir chez Lebigre. Petite fomme
blonde très douce, très soumise, poussnnl la soumission fort
loin avec te patron. C'est elle qui sert les clients du cabinet
vitiv, les membres du groupe (^av&rd. Elle entre, elle sort, de
son iiir humble et heureux, au milieu des plus oraf^uses dis-
eussions poliliijues. Lorsque Lebigre recherche la main de Is
belle Normande, c'est par Rose qu'il envoie tous les dimanches
aux .Mébudin une bouieille de liqueur. Et flose se trouve chaque
fois chargée pour la Normande d'un compliment qu'elle répète
d'un air soumis, pas du tout emiuvé [3sG]. {Le Ventre de
Paru.)
Rose. — Vieille servante des Mouret, à l'Inssans. Bougon et
dévole, elle admire l'abbé Paujaa et applaudit A l'évolution de
Mai'Ilic, livrée à des pratiques religieuses qui lui feront peu à
peu iléserlcrle logis. Dose devient maltresse de la maison [liJ},
s'eiileiid à merveille avec la mère de l'ahUé, puis avec Olympe
Fanjis el, de libre allure, elle morigène François Mouret [I8i],
allHnl bientôt jusqu'à le bousculer et contribuant pour une
bonne puri à la déchéance mentale de ce malheureux. (La
Coii'juéle de Plassani.)
DES ROL'GO.N-MACQUART 397 i
Rose. — Petite paysanne des Artaud, sœur cadette de Lisa.
Elle se moque des timidités de Tabbé Mourel, qui n'ose rien
lui dire à confesse [iS6]. {La Faute de Vabbé Mouret.)
Rose. — Femme de cbambre de madame Hennebeau [383].
L'émeute de Montsou la laisse très gaie, elle est du pays, elle
connaît les mineurs, elle assure qu'ils ne sont pas méchants
[103]. (Germinal.)
Rose. — Fille du concierge de la sous^préfecture, à Sedan.
Petite blonde, à l'air délient et joli. Travaille à la fabrique
Delaherche. Le 31 août et le f septembre i870, pendant que
Tarmce succombe sous le fer, elle assiste aux va-et-vient des
olficiers de Téiai-major général. Son impression est qu'ils ont
tous Pair d*ô(re fous, toujours du monde qui arrive, et les
portes qui battent, et des gens qui se fâchent, et d'autres qui
^•icureat, et un vrai pillage dans la maison, les chefs buvant
aux bouteilles, couchant dans les lits avec leurs hottes. Le
maréchal de Mac-Mahon a bien dormi, tandis que l'empereur,
soutirant de son aiïreuse maladie, gémissait toule la nuit,
criant à vous faire dresser les cheveux sur la télé ; do tout ce
mond'.', d'ailleurs, c*est encore lui le plus gentil et qui tient le
moins de place, dans le coin où il se cache pour crier [â56]. Le
matin du 1<^*, avant de partir vers les avant-postes, il s*est fait
peindre la figure, pour ne pas promener, parmi son armée,
l'etlVoi de son masque blôme, décomposé par la soulfrance, au
nez aminci, aux yeux troubles [2â0]. Dans raprès-niidi, Rose
l'a vu sortir encore et aller sous les obus, jusqu*au pont de
Meuse, puis lentement revenir, en fataliste résigné qui com-,
prend que son destin lui refuse la mort d'un soldat. El lorsque
Napoléon 111, sous le coup du sort qui brise et emporte sa for-
tune, réclame un armistice pour mettre fin à regorgement,
c*est la jeune fille qui fournit une nappe à l'officier chargé de
hisser le drapeau blanc.
Dans le trouble général, Rose est restée d'une fraîcheur
gaie, avec ses cheveux uns, ses yeux clairs d'enfant qui s'agite,
au milieu de ces abominations, sans trop les comprendre [J:2î)].
Elle voit le tuiuiilte causé par l'annonce de la capitulation, des
ofiicitTS arra.hanl leurs épaulettes et pleurant coninic des
eiiliu.ls, un vieux ser^'ent frappé de folie subite et traitant les
cliofs de lâches, des cuirassiers jetant leur sabre à leau, des
arlill'.-uis précipitant le mécanisme de leurs mitrailleuses au
fond des éij'outs, certains enterrant ou brûlant des drapeaux.
o t
3'J8 LES PERSONNAGES
beaucoup semblanl hébclés, d'autres, le plus grandi nombre,
ayant des yeux qui rient d'aise, un allégement ravi de toute
leur personne, devant le bout de leur misère, après tant de
jours ou ils ont souffert de trop marcher et de ne pas manger
[390j. (La Débâcle.)
Rose. — Nièce du coiffeur d'Arî&tide Saccard. Petite jeune
lille de dix-huit ans, très blonde, Taîr candide. Saccard Ta
[)lacée auprès de son fils malade, Maxime, avec mission de lui
donner des soins, mais, en réalité, pour enlever à l'ataxiqne le
reste de ses moelles [315]. Quand elle aura réussi, Aristide la
payera d*un tant pour cent généreux [384]. (Le Docteur Pos-
caL)
Roubaud. — Sous-chef de gare au Ilavre. Mari de Sére-
riue Auhry. 11 est né dans le Midi, à Piassaus, d'un père char-
retier. Sorti ilu service avec les galons de sergent-major,
longtemps facteur mixte à la gare de liantes, passé factenr-
clief à celle de Darentin, il a connu là Séverine, filleule du pré-
sideiil Grandiiiorin, et l'a longtemps désirée de loin, avec la pas-
sion d'un ouvrier dégrossi, pour un objet délicat qu'il juge
précieux. Le roman de son existence a été d'obtenir cette
jeune fi)le, de quinze ans moins âgée que lui, et qui lui sem-
blait d'une essence supérieure; pour comble de fortune, le
président a doté l'épouse et accordé sa protection au mari :
c'est le Ii'.ndemain de la cérémonie que RoubtiuJ est passé
sous-chef.
H est de taille moyenne, mais d'une extraordinaire vigueur;
la quarantaine approche, sans que le roux ardent de ses che-
veux frisés ait pâli; sa barbe, qu'il porte entière, reste drue,
elfe aussi, d*un blond de soleil. Il a la tête un peu plate, un
front bas marqué de la bosse des jaloux, une nuque épaisse ; .
sa face ronde et sanguine est éclairée de deux gros yeux vifs
[5]. Ses notes d'employé sont très bonnes, il est solide i son
poste,- ponciu»'l, honnête, d'un esprit borné, mais très droit,
toutes sortes de qualités excellentes [6]. On le soupçonne seu-
iein'Mil «féire républicain; à un petit crevé de sous-préfet qui
^'entêtait à monter en première, classe avec un chien, il s'est
oublié à dire : c Vous ne serez pas toujours les maîtres! > Ce
sera il une disgrâce inévitable, sans le tout-puissant appui du
précieux Granlniorin. Mais au moment même où Itoubaud
s'émerveille des bienfaits que lui vaut Ta mi lié d'un si haut
personnage, il apprend brusquement la vérité : Séverine qu'il
DES nOUGON-MACQUART 309
aime, qui est sa femme depuis trois ans, a été toule jeune
«lêbauchée par cet homme, elle a subi ses impuissantes
caresses de vieux.
Mordu alors d'une jalousie atroce, il éprouve une faim de
vengeance qui lui tord le corps et ne lui laissera plus aucun
repos, tant qu*il ne Taura pas satisfaite [%]. De ses poings
d*ancjen homme d'équipe, redevenant parfois la brute incon-
sciente de sa force, il a contraint sa femme à lui dire toute la
vérité; co:nnie mal;n*é tout il l'aime encore, il va mettre
quelque cho^e de solide entre eux en la rendant complice de
lassassinat qu'il médite. C'est dans Texpress du Havre que le
président Grandmorin est égorgé par le mari, pendant que la
femme pèse sur ses jambes pour empêcher toute résistance
L*alibi des Roubaud a été assez habilement établi ; ils ont su
iaire croire à un vol^ en emportant Targent et la montre du
mort; le juge Denizet, après les avoir soupçonnés un instant,
s*est égaré sur la piste du malheureux Cabuchc et il a même
phiidé leur innocence devant les Lacbesnayé, fille et gendre du
président, enragés de voir Séverine hériter de la maison de
Ja Croix-di'-Maufras ; pourtant, une complication a failli tout
"tf^rdre : dans les papiers du défunt, M. Camy-Lamotte a trouvé
la lettre par laquelle les Roubaud avaient attiré Grandmorin
dans Te.xpress ; c'était leur perte, si la politique n'était inter-
venue et si Ton ne s'était, en haut lieu, décidé à étouffer l'af-
faire, pour ne pas mettre au jour des débauches trop compro-
mettantes. Ils semblent donc sauvés.
Jamais Rouljaud ne s'est montré un employé si exact, si
conscienci'^ux. Il vit sans remords. Mais le crime a introduit en
lui une désorganisation progressive, il s'est assombri de plus
en plus, n'étant vraiment gai qu'avec son nouvel ami, le méca-
nicien Jac<|ncs Lantier, originaire de Plassans comme lui, et
qu'un hasnrd a placé devant le train, juste au moment où
Grandmorin tombait assassiné. Jacques est le seul témoin
que Roubaud redoute, il a voulu le conquérir, se l'attacher
par des liens de fraternité étroite, Tempôcber ainsi de parler,
cl il a niéine chargé sa femme de circonvenir le camarade,
l'eu a peu, tout lien s'est rompu entre les époux, la présence
de Jacques n'a plus sufli à retenir UoubauJ à son foyer.
. Épaissi, vieilli, devenu plus sombre, il s'est mis à fréquenter
un petit café du cours Napoléon, où il retrouvait Gauche, le
commissaire de surveillance administrative.
iOO LES PKIlSO.NNAGtS
Des perles de jeu l'amènent à puiser dans la cachelle où
est enfoui le portefeuille de Grandmorin ; la pensée de cet
argent le brûlait, dans les premiers temps, il avait juré de n'y
porter jamais la main. Mais ses scrupules parlent un peu
chaque jour. C'est une gangrène morale, à marche envahis-
sante, qui désorganise la conscience entière [278]. 11 a tué,
maintenant il vole et il va être un mari complaisant; c'est .avec
indifférence qu'il surprend le flagrant délit de sa femme et de
Jacques Lantier ['28'2]. 11 se porte fort bien, d'ailleurs, en
dehors de la fatigue des nuits blanches; il engraisse même,
d'une graisse lourde, les paupières pesantes sur ses yeux
troubles. Et dans cette bouffissure, tout s'en va, même ses
anciennes opinions politiques [30G].
L'assassinat inexpliqué de Séverine, la trouvaille de la
montre du président chez Cabuche, provoquent une nouvelle
instruction du juge Denizet; celui-ci imagine un système fort
logiquement déduit, d*où il résulte que Cabuche a été, dans
les deux crimes, l'instrument de Roubaud et c'est en vain que
celui-ci se décide à avouer la vérité pure et simple, l'unique
meurtre, le meurtre passionnel qu'il a accompli en un jour de
fureur. Cette version authentique n'est pas assez ingénieuse
pour renverser l'échafaudage du juge d'instruction et les pré-
tendus complices sont condamnés aux travaux forcés à perpé-
tuité [i05]. {La Bête humaine.)
Roubaud (Madame). — Voir Aubry (Séverine).
Roudier. — Ancien bonnetier parisien, retiré à Plassans,
riche propriétaire, fait partie du groupe réactionnaire qui se
réunit chez les Rougon [93]. Visage grassouillet et insinuant.
Roudier, autrefois garde national à Paris et fournisseur de la
cour, possesseur d'une belle fortune, a beaucoup de prestige
parmi les bourgeois de Plassans. A l'heure du coup d'État, il
sauve l'ordre en compagnie de Pierre Rougon et de Granoux.
Son passé lui vaut alors le commandement de la garde natio-
nale réorganisée [^8G], poste d'honneur où Rougon le laissera
à l'écart, voulant accaparer toute la gloire du massacre, se
méfiaiit aussi de l'humanité de ce bourgeois parisien égaré eu
province [313]. (La Fortune des Rougon.)
Rouge d'Auneau (Le). — Lieutenant du Beau-François,
chef de la bande d'Orgères. A composé une complainte en pri-
son fr)8]. (La Terre.)
DES ROIGON-MACQUART iOl
•
Rougette. — Vache aclicue par les sœurs Blouche, au
marché de Cloyes. C'est une cotentine blanche et noire, tète
sèche, aux cornes fines et aux grands yeux bleuâtres, le ventre
un peu fort sillonné de grosses veines, les membres plutôt
grêles, la queue mince plantée très haut [169]. {La Ten-e.)
Bougon (1). — Mari d'Adélaïde Fouque. Père de Pierre
liougon. Paysan mal dégrossi, épais et commun, venu des
Basses-Al(>es et entré chez les Fouque comme garçon jucdinier,
Uougon a la chance d'être là quand la détraquée Adélaïde
ilevient or{iheline. Elle Tépouse six mois après, en 1786, et a
de lui un fils, au bout d'une année. Rougon meurt presque
subitement, en 1787, d*un coup de soleil reçu en sarclant un
plant de carùlies [i9]. {La Fortune des Rougon.)
Rougon < Angélique). -— Voir Angélique Marik.
Rougon (Ap.istide). — Voir SAca\RD (Aristide).
Rougon (Madame Aristide) née Déraud Do Chatel. — Voir
Bkraud Du Chatel (Renée).
Rougon i Madame Aristide) née Sicardot. — Voir Sic.\rdot
(Angèle).
Rougon (Charles). — Voir Saccard (Charles).
Rougon «Clotilde). — Voir Saccard (Clotilde).
Rougon (Eugène) (:2). — Premier fils de Pierre Rougon et
de Félicité Puech. Frère de Pascal, Aristide, Sidonie et
Marlho. 11 a le visage de son père, une tôle de structure mas-
sive ei carrée, aux traits larges. De taille moyenne, il est, à
quarante ans, légèrement chauve et tourne déjà à Tobésité.
Dans CCS chairs épaisses, héritées du père, sont enfouies des
qualité? morales et intellectuelles, des ambitions hautes, des
inslinc's autoritaires, un mépris singulier pour les petits
moyens et les petites fortunes, où Ton retrouve, amplifiés, les
traits du caiaclère maternel. Les appétits de jouissance
fl) li.xti'ii. lourd et placide jardinier f marié en 1786 à Adélaïde
Fovnue. [Arbr- fjeiiéalogique des Hougon-Macquart.)
(-' EfjefC fioufjon, né en iSW; épouse^ en 1857, Véronique Deulin
'VQjch'* e^, 'lo< l \l n'a pas d'enfanls. [Mélange, fusion. Prédominance
morale, an. -ition de la mère. Ressemblance physique du père].
Homme p'j'.ilirue. ministre. Vit encore à PariSj député. [Arbre
fjénealo.'ique «>« Hougon-Macquart.)
3i
402 LES PtRSON:^AGES
extraordÎTïairemcnl développés dans celte famille sont, ici,
épurés; Eugène Rougon jouira par les voluptés de Tespril,
en satisfaisant ses besoins de domination [73].
n a fait son droit à Paris, est rentré à IMassans, s*est fait
inscrire au tableau des avocats, plaidant de temps à autre,
gagnant maigrement sa vie, végétant ainsi pendant quinze ans,
paraissant destiné à s'alourdir dans une honnête médiocrité.
31ais, dans ce garçon endormi, il y a une force qui se cherche.
Un mois avant les journées de Février, Eugène secoué d*un
pressentiment se rend à Paris, n*ayanl pas cinq cents francs
en poche [7 5], et lorsqu'il revient passer quinze jours à Plas-
sans, en avril 1849, il a lié partie avec le prioce-présidenl,
dont il est Tun des agents secrets les plus actifs.
Son voyage a pour but de tàter le terrain [06]. Il trouve le
salon maternel devenu le centre réactionnaire de la ville; il
décide de convertir à l'idée napoléonienne ces bourgeois
attardés dans les anciens partis, conûe secrètement la besogne
ù son père qui recevra de lui des instructions minutieuses et
fréquentes, réussit sans difficulté à créer dans la petite ville
cléricale un courant très nettement bonapartiste et, plus tard,
au jour du triomphe, il obtient pour son père, décoré par ses
soins, le poste de receveur particulier de Plassans [30 1]. (La
Fortune des Rougon,)
Au début de i85i, il habite, rue de Penthicvre, deux grandes
pièces froides à peine meublées. C'est déjà une puissance
occulte, l'embryon d'un grand homme politique, plein de
dédain pour le naïf appât de Targenl, animé d'ambitions vers
la puissance pure [57]. Sollicité par Aristide venu de Plassans
pour con(îuérir Paris, et comprenant à merveille que les
grosses faims aiguisées par le coup d'Étal devront être satis-
faites, il le case rapideiuenl dans un modeste emploi où Ton
n'a qu'à regarder et à écouter pour trouver la fortune. Mais,
soucieux des intérêts du régime et des siens propres, il conseille
à son frère de changer de nom et le prévient qu'au premier
scandale trop bruyant, il n'hésitera pas à le supprimer [58].
Dêj>uté de rurrondissemeut de Plassans [59], puis ministre de
l'inlérieur, il suit de loin les progrès d'Aristide Rougon devenu
Arisli'Je Saccard ; quand cela devient nécessaire, il lui rend
le service de paraître Taimer beaucoup ['290]. {La Curée.)
A son arrivée à Paris, avant les journées de Février, il avait
crevé de faim avec Du Poizat et Gilquiil, chez madame iMéla-
DLS r.Oir.ON-SACQUART 403
nie Corrcur. La première maison qui l'ait accueilli a été celle
de Bouchard, chef de bureau à rintérieur. Devenu député des
Deux-Sèvres à la Législative, où il a connu Delc$tang'. il a
pressenti Textraordinaire fortune du prince Louis Napoléon, a
été un instant ministre des travaux publics sous la rrésidencé
et a coopéré activement au coup d*É(at; c*est lui qui s'est
emparé du Palais- Bourbon, à la tète d*an régiment de ligne
[41]. Plus tard, Tempereur Ta chargé d'une mission en Angle-
terre, puis il est entré au Conseil d*État et au Sénat. Chevalier
de la L''gion d*honneur après le Dix-Décembre, oflicier en jan-
vier ISo^, commandeur le io août 1854, grand officier en
1$56, parvenu à la présidence du Conseil d'État, il est l'un des
dignitaires impériaux les plus en vue. Il habite rue Marheuf un
liùlel dont Tempereur lui a fait radeau [129]. A quarante-six
ans, ses épaules se sont encore élargies, il a une grosse che-
velure grisonnanie plantée sur son front carré; son gruinl nez,
ses lèvres taillées en pleine chair, ses joues longues, sans une
ride, ont une vulgarité rude, que transfigure par éclairs la
beauté de la force [15]. Au repos, il a une attitude de taureau
assoupi [21].
L'erreur de Bougon, qui est un chaste, est de ne pas croire
à la toute-puissance de la femme. Sa rencontre avec Ciorinde,
une aventurière de haut vol qui a rêvé de se faire épouser par
lui, et dans laquelle il n'a su entrevoir qu'une maîtresse exci-
tante, va lui prouver son erreur; Ciorinde se vengera en lui
faisant retirer le pouvoir, qu'il mettra trois ans à reconquérir,
l'ne autre faiblesse de Rougon est dans sa bande; il souffre
du même mal que l'empereur lui-même : les faméliques qui
l'entourent et dont il a besoin ne lui restent fidèles qu'à la
condition d'être constamment gorgés ; pour s'appuyer sur eux,
il doit les combler de faveurs compromettantes, reculer à leur
profit les limites de l'arbitraire, prêter ainsi le Ûanc à ses enne-
mis, tout en se grisant avec bonheur de l'orgueil de ses propres
al)us. Entouré de cette bande aux dents aiguës, il n'éprouve,
lui, qu'un amour du pouvoir pour le pouvoir, dégagé des
)>e5oiîis d-^vamté, de richesses, d'honneurs. 11 est certainement
le plus gr:uui iUs Uougon [155]. Son rêve, pendant qu'il paraît
s'al.-orber à faire des réussites compliquées [-31], e<l de
devenir très puissant, afin de satisfaire ceux qui l'entourent,
au 'lelà du ncaurel et du possible [-i5].
Puliticpieinent, il est l'homme des situations graves, Pliomme
aux grosses pattes, suivant le mot de Marsy [lôS]. Son nom
ioi LES PEUSONNACES
signiiie répression à oulrance, refus de toutes les libertés»
gouvernement absolu [267]. 11 est de ceux qui ont fondé FEin-
pire dans la boue et dans le sang. Au lendemain de Tattenlat
de la rue Le Peletier, attentat que Gilquinluia révélé quelques
heures à Tavance et qu'il a froidement laissé s'accomplir,
parce qu'il espérait bien ramasser le pouvoir dans les
décombres, l'empereur le rappelle au ministère et c'est alors
un coup de balai parmi les dix mille suspects oubliés au Deux-
l)écenjbre [^GQ]y il répartit à sa guise les arrestations par
départements, ne se souciant que des chiffres et laissant le
choiv des noms à ses sous-ordres [-1)7], il censure tout, même
les feuilletons [300], il patauge en plein arbitraire.
Mais au fond, il a plutôt des bt^soins que des opinions, il
estime le pouvoir trop nécessaire à sa fureur de domination
pour ne pas l'accepter sous quelque condition qu'il se pré-
sente. £i quand la cervelle fumeuse de Napoléon III trouve
l'idée de l'Empire libéral, c'est Rougon qui, donnant un
démenti à sa vie entière, se cbîirge d'appliquer la nouvelle
politique. Cet homme, pour qui le parlementarisme n'était que
le fumier des médiocrités, et qui se vantait de mater les
évéi|ues, célébrera de sa grosse voix brutale le rétablissement
de la tribune et s'agenouillera devant le pape. Il a reconquis
le pouvoir, en marche vers sa royauté triomphale de vice-
empereur. {Son Excellence Eugène Hongon.)
En 18GS, toujours au pouvoir, il a vu son frère Succard s'en-
liser dans les affaires. II voudrait se défaire de lui, l'envover
dans une colonie comme gouverneur, mais Aristide ne s'est
pas laissé convaincre, il a fondé la Banque Universelle, et ses
allures de casse-cou batailleur, enragé contre la banque juive,
ont causé les plus graves ennuis au ministre. Ilongon, prison-
nier de sa politique romaine, tiraillé entre l'opposition libérale
ei les ultramontains, est furieux des manigances du député
llurel et de la dernière déconlilurede Saccard; il prend Téner-
gifjuc parti d'en finir avec ce membre gangrené de sa famille,
qui, depuis des années, le gône, dans d'éternelles terreurs
d'accidents malpropres. 11 le force à s'expatrier, en lui
facilitant la fuite, après une bonne condamnation [376].
1/appélit souverain du pouvoir se satisfait en lui pendant
(lûuze années consécutives de minislère. Puis, après la chute
de l'Empire, redevenu simple député, réduit à l'élal de majesté
DES ROUGON-MACQUAKT 4«)5
déchue, il est à la Chambre le témoin, le défenseur impassible
de Tancien niouJc emporté par la débâcle [128]. (Le Docteur
Pascal.)
Rougon (Madame Eugène). — Voir Beulin d'Orchêres
(Véronique).
Rougon (Marthe) (1). — Fille de Pierre Rougon et de
Félicité Pucch. Sœur de Pierre, Pascal, Aristide et Sidonie.
. Mère d'Octave, Serge et Désirée Mouret. Née à Plassans en
1820, cin<{uième enfant des Rougon, tard venue, a élé mal
accueillie par ses parents [70]. Elle a ving! ans, son père qui
ne possèd'^ point de dot pour elle ne sait comment s'en défaire;
à ce moment, François Mouret, fils d'Ursule Macquarl et
cousin germain de Marthe, devient commis dans la maison.
F.nlre les jeunes gens naît rapidement une tendresse détermi-
née sans doute par leur ressemblance physique. Gommé Fran-
çois, Mnrllie est le portrait même de Taïeule Adélaïde Fouque,
mais tandis que François est un gros garçon laborieux, Marihe
a toutreflaremei)t,tout le détraquement intérieur de la grand*-
mère [81]. Pierre Rougon les marie en 1840. Ils ont trois
enfants et quittent avec eux Plassans en 1845, pour aller s'éta-
blir à Marseille [161). {La Fortune des Rougon.)
A quarante ans, madame Mouret est parfaitement heureuse
entre ses enfants et son mari, la fortune est venue, les Mouret
se sont retirés à Plassans. Une vie réglée, les soucis quotidiens
du commerce, ont assoupi en Marthe l'antagonisme de nature
qui la séparait de François. Sa nature nerveuse a subi un
amollissement qui serait sans doute déûnilif, si l'entrée de
Tordent ahbé Faujas dans cette existence douce et comme rési-
gnée ne réveillait brusquement la névrose endormie. Le prêtre,
qui a btrsoiii de Marthe pour s'imposer au monde féminin de
Piassans, a vile fait de s'emparer de son faible esprit. Comme
elle n'est jias dévote, ne fréquentant même pas l'église, Faujas
la prend par des idées de charité, elle se laisse entraîner aune
fondation pieuse et devient présidente de l'Œuvre de la Vierge
l'I) Marthe Ilougon, née en 18-20 ; épouse, en 1840, son cousin
François Mouret, dont elle a trois enfants ; meurt , en 186i, dans
Une crise nerveu^e. [Hérédité en retour sautant une génération.
Hystérique. Kes-emblance morale et physique d'Adélaïde Fouque.
Marthe et Frauç 'i-, les deux époux, se ressemblent. (Arbre généa-
logique de Îlou'jon-Macquarl.)
40G Lf:S PERSONNAGES
[113]. Amusée d'abord par les détails matériels de Porganisa-
tion, elle s'habitue à l'église [118], se désintéresse des siens el
s'abandonne à une vague extase qui met dans sa vie un înlérêt
inconnu; puis le détraquement s'aggrave, elle arrive aux pra-
tiques religieuses, glisse à la dévotion, s'abtme en des eoniies-
sions interminables, goûtant des joies naïves de communiante,
se détachant de tout, laissant sa maison à vau-l'eau, regardant
d'un œil sec le départ successif de ses enfants qu'elle avijt
adorés, éprouvant enfîn une véritable haine pour ce mari
silencieux, qui rôde sans cesse autour d'elle, pareil i nn
remords [23G].
C'est un affolement de l'être entier, la terrible crise de la
quarantaine, où Marthe, toute brûlante d'ardeurs, confond
dans un même culte la religion et son ministre, Dieu et l'abbé
Faujas, «se prenant peu à peu pour celui-ci d'une adoration
charnelle. L'indifférence, la brutalité de Faujas, qui dans eette
détraquée ne voit qu'un obstacle à briser, déterminent des
crises nerveuses de plus en plus graves, des attaques de cata-
lepsie qui anéantissent Marthe et lui donnent l'apparence d'une
femme rouée de coups. C'est alors que s'établit la légende des
brutalités de Mouret, soigneusement répandue parles Tronche
et confirmée par les silences approbateurs de Marllie. La crise
Jinale a lieu après une affreuse explication avec faujas, où
l'hystérique, écrasie sous les duretés du prêtre, violumment
chassée par lui du paradis entrevu, court à l'Asile des Tulettes
pour délivrer son mari, le trouve en état de folie complète et,
frappée de terreur, se sauve chez sa mère, où elle meurt le
même soir, dans la rouge clarté de l'incendie allumé par le fon
[ïOî], {La Conquête de Plaetam.)
Bougon (Maxime). — Voir Sagcard (Maxime).
Bougon (Madame Maxime). — Voir Maheuil (Louise de).
Bougon (Pascal). — Voir Pascal (Le docteur).
Bougon(PiERRE)(l). — Fils d'Adélaïde Fouque et du jardi-
nier Rougon. Père dTugène, Pascal, Aristide, Sidouie et
(1) Pierre Bougon, né en 1787 ; se marie, en 1810. à FélicUi
Puechy intelligente, active, bien portante; en a cinq enfants; meurt
en 1870, au ùndemain de Sedan ^ d'une congestion cérébrale déter^
minée par wu indigestion, [Mélange équilibre. Moyenne morale
et ressemblance physique du père et de la mère]. Marchand d'huile,
puis receveur particulier» (Arbre généalogique des Rougon-Macquart)
DES I^OUCOX-MACQUART 407
Marthe. Né en 1787, Pierre n'a point connu son père, raort
après quinze mois de mariage. J) est élevé dans Tenclos
Fouque en compagnie d*Ântoine et dXVsule, les «nfants nés des
amours <ie sa inère avec le contrebandier Macquart, ceux que
le faubourg de Plassans appelle les louveteaux. De taille
moyenne, île face longue et blafarde, un peu grosse, il a les
traits de Piougon, avec certaines finesses du visage maternel.
11 est un paysan comme son père, mais un paysan à la peau
moins rude, au masqui moins épais, à Tintelligence plus large
et plus souple. Ce mélange équilibré se retrouve au moral.
Pierre Piongon a une ambition sournoise et rusée, un besoin
insatiable d'assouvissement, un cœur sec, un fond de sagesse
raisoniiée, où se sont mêlés les traits du caractère de ses
pp.rents [r»f»].
A dix-sept ans, Tégoïsme s'éveille en lui, il juge froidement
la situation, constate le gaspillage qui va tout emporter et,
jugeant que, seul fils légitime, il a droit à la fortune entière, il
ilécide d'évincer tout le monde et de rester seul mailre. En
peu d*année>, servi par les circonstances, doué d'une invincible
téaaciié, il s*ost débarrassé des louveteaux, il a réduit sa mère
à une coinplète soumission, réalisé la fortune et mis dans sa
poche, [«ar un véritable vol légal, les cinquante mille francs
qui forniaie.it tout le patrimoine de famille [G4].
ComniL* il a un invincible besoin de jouissances régulières et
qu'il rêve d'appartenir au monde du commerce, il épouse Féli-
cité Paech, en 1810, s'associe avec son beau-père dans la
vente Jt^s huiles et devient dès lors un polit bourgt'ois, très
supérieur d\jà à son père, le rustre venu des Basses- Alpes
pour travailler chez les Fouq^ie. Après quelques bonnes années,
une s 'rie de malchances atteint le ménage Piougon, où l'am-
bition terre à terre du mari, facilement désemparée, est sou-
tenue, ranimée, entraînée par la femme. Cinq enfants sur-
viennent, (ie 1811 à 1820, dont trois garçons, que llougon,
désalrjsé. laisserait croupir dans l'ignorance, si l'intelligente
Félici'é n'y mettait hon ordre, reconstituant déjà sur leur tête
l'éJiii.e «'e sa fortune. Ce sont alors de longues années de
lulle j'ciiiln", «le travail incessant, de mesquineries misérables,
au buul (le.-quelles les Rougon doivent s'avouer vaincus, ayant
a:na-^é en lonl une maigre rente de deux mille francs qui les
réduit à IVlat de petits rentiers et ne leur donne même pas
accès .inus !o (juariier neuf, objet de leurs convoitises [81].
Oii e>t à la veille de la révolution de 18 i8. A celle époque.
408 LES person:(ages
Pierre Roogon a pris da Tentre, Tinsuccës semble Tavoir rendu
plus épais et plas mou, il a toute Tallare d'un respectable
bourgeois, un air nul et solennel, mais il lui manque de
grosses rentes pour être tout à fait digne. Sous la placidité
naturelle de ses traits, il cache des sentiments haineux, il est
sourdement exaspéré par sa mauvaise chance et, comme Féli-
cité, comme son frère Macquart, comme ses fils Eugène et
Aristide, il est prêt à tout pour assouvir enûn son âpre désir
de fortune. Couseillés par le marquis de Carnavant, qui a
besoin de leur intermédiaire pour parvenir jusqu'aux bour-
geois de Plassans, les Hougon réussissent à centraliser chez
eux le mouvement réactionnaire. Un peu méprisé des riches
qui l'entourent, mais n'hésitant pas à se compromettre parce
qu'il a tout à gagner et rien à perdre, poussé ardemment par
sa femme, Pierre semble bientôt être le chef actif du parti
conservateur. D'abord royaliste, il s*est rallié au bonapartisme
dés que son fils atné Ta mis dans la confidence des événements
ci lui a promis, après réussite, un poste dans les finances.
Au coup d'État, Rougon, soigneusement stylé par Eugène,
guidé par Félicité qui' lui laisse Tillusion de tout conduire,
ilcvient dans Plassans l'homme nécessaire. Il se cache au
moment opportun, reparaît pour délivrer la mairie, sVmpare
lie la poignée d'émeuliers dirigés par Antoine Macquart, orga-
nise un simulacre de bataille pour se donner les apparences de
rhéroïsme, piiis s'institue président de la commission munici-
pale. Craignant de n'être pas pris au sérieux dans son rôle de
sauveur, il organise, avec la complicité du l&che Antoine, un
abominable guet-apens qui glace de terreur la population de
la ville et fait du mari de Félicité un terrible monsieur dont
personne n'osera plus rire [353]. Encore rouge du sang v,er$é,
Piougon reçoit la croix de la Légion d'honneur, en attendant le
poste rémunérateur qui va payer ses honteux services [361].
{La Fortune des Rougon,)
Les Rougon sont les maîtres de Plnssans. Eugène, devenu
miaislre de l'empereur, a fondé leur fortune. Le receveur par-
ticulier Pierre Rougon est, à soixante-dix ans, un gros homme
bièmc, il a une belle tête, une tête blanche et muette de per-
sonnage politique, une mine solennelle de millionnaire [68].
1/ùge et la prospérité ont annihilé sa cervelle, ses besoins tout
physiques sont largement satisfaits, il orne d'un bel efl*et déco-
ratif le salon où trône sa femme. (La Conquête de Plassans.)
DES ROCGON-MACQVART WJ
Devenu si gros qn'il ne remuait plus, Pierre Rougon suc-
ccjaLe, ttoulTé par une indigestion, le 3 septembre 1870, après
avoir ap}*rii la catastrophe de Sedan. L'écroulement du régime
dont il se flattait d*étre l'un des fondateurs, semble l'avoir fou-
droyé [1 i]. {Le Docteur Pascal.)
Rougon (Madame Pierre). — Voir Puecii (Félicité).
Rougon (Sidonu) (I). — Fille de Pierre Rougon et de
F^.icité Puech. Sœur d'Eugène, Pascal, Aristide et Marthe.
Mtre d'Angélique Marie. Elle est née en 1818 à Plassans. A
vir.gt ans, elle a épousé un clerc d'avoué de Plassans et est
ali^e se lixer avec lui à Paris [81]. (La Fortune des Rougon.)
Elle s'vst établie rue Saint-Honoré, où elle a tenté avec son
uvTï, un sieur Touche, le commerce des fruits du Midi. Mais
les affaires ifont pas été heureuses et, en 1850, on la retrouve
veive. pratiquant des métiers interlopes, dans une boutique
avr: entresol et entrée sur deux rues, faubourg Poissonnière et
ru<r Papillon.
l'etite, rnnigre, blafarde, doucereuse, sans âge certain [231],
el!-: tient bien aux Rougon par cet appétit de l'argent, ce
ué'oin de Tintrigue qui caractérisent la famille. Les influences
(le son milieu en ont fait une sorte de femme neutre, homme
J'oi^aiies et entremetteuse à la fois [69]. La fêlure de cet esprit
déVA e>t Je croire elle-même à une fantastique histoire de
ini '.iaiJs ]ue IWngleterre doit rembourser, appât magique
dort elle sait se servir avec habileté pour griser ses clientes.
Soi frère aine Eugène Rougon, qui estime fort son intelligence,
remploie à des besognes mystérieuses ; elle a puissamment
aiù-; aux débuts de son frère cadet Aristide, en combinant son
niuriage avec Renée Béraud Du Châtel et elle continue ses bons
ofi..es au ménage, servant les intérêts du mari auprès des
puirsants ['.*8], oUrant des amants à la femme, dont elle abrite
les passades [131], mettant son entresol à la disposition du
jeu:.e Maxime Saccard [133]. Elle juge les femmes d*un coup
J*œ:i, corn ne les amateurs jugent les chevaux [I3"2] et s*em-
{. SiJou.^ Jiougon, née en 1818 ; épouse, en 1838, un clerc d'avoué
>{e ■ las^'Hi . qn'clU perd à Paris, en 1850 ; a d^un inconnu, en 1851,
un-: (de ■l'eUe tuel aux Enfants Assistés, lÉlectioii du père.
Ile.-:inblai:c îihvîiquc de la mère]. Courtière, entremetteuse, tous
Iry métier, jui^ austère. Vit encore à Paris, trésoriere de
i'Œ .:7c -lu Sacren.'.iit. ^ Arbre (jénéalogique des Rougon-Macquart.)
I
I
410 LES P£RSû:(.NJIGES
ploie, moyennant finances» à {protéger tontos l£s turpitudes et
à ctoufTer tous les scandales. Mielleuse et aimant réglise,
Sidonie est au fond très vindicative. Pleine de colère contre
Renée, qui s*cst révoltée devant la grossièreté d'un de ses mar-»
chés d'amour [iSo], elle se charge de l'espionner et dénonce
à Aristide ses amours avec Maxime [310]. Cette dernière
infamie lui rapporte dix mille francs [33G], qu'elle va manger
à Londres, à la recherche des milliards fabuleux. {La Curée.)
Son mari mort et enterré, elle a eu une fille quinse mois
après, en janvier 1831, sans savoir au juste où elle l'a prise.
L'enfant, déposée sans état ci\îl, par la sage-rfemme Foucart, à
FAssistince publique, a reçu les prénoms d* Angélique Marie.
Jamais le sou^-enir de cette enfant, née d'un hasard, ii'a échauffé
le cœur de la mère [ôO]. {Le Rêve.)
Sidonie vient è rentcrrement de son cousin le peintre
Claude I^ntier. Elle a toujours sa tournure louche de brocan-
teuse. Arrivée rue Tourlaque, elle monte, fait le tour de
râtelier, ilaire celte misère nue et redescend, la bouche dure,
irritée d*uiie corvée inutile [477]. {VŒutre.)
Beaucoup plus tard, lasse de métiers louches, elle se retire,
désormais d*une austérité monacale, à Tombre d'une sorte de
maison religieuse; elle est trésorière de TŒuvre du Sacre-
ment, pour aider au mariage des filles-mères [làO]. {Le Doc^
tcur Pascal.)
Rougon (Victor). — Voir Saccard (N'ictor)*
Bougon (X...) (1). — Fils de Clotilde Rougon, dite Saccard, et
de son oncle Pascal Rougon. Sa mère était enceinte de deux
mois lorsque Pascal est mort, emporté par une angine de poitrine
[34 â]. Il vient au monde dans les derniers jours de mai 187i.
Et Clotilde, allaitant l'enfant né de son amour, tâche de lui
trouver des ressemblances. De Pascal, il a le front et les yeux,
quelque chose de haut et de solide dans la carrure de la tète.
Élle-uièine se reconuutt en lui, avec sa bouche fine et son
menton délicat. Muis elle a de sourdes inquiétudes en pensant
aux terribles ascendants inscrits sur Tarbre généalogique, con-
fiante nouTtaiit, rassurée devant les yeux limpides qui s'ouvrent
ravis, désireux de la lumière [390]. (Le Docteur Pascal,)
{\) Enfant inconnu, à naître en ld7i. Quel sera^t^Ut iArbre
gén^aloijique des liougoit^àîaequarL)
DES ROUCOX-MACQUART 411
Rousse (La). — Jeune paysanne des Artaud. Fille superbe,
cheveux- et peau de cuin*e [283]. (La Faute de l* abbé Mou-
rct .)
Rousse (L\). — Une vache des Hamelin, cultivateurs à
Sou!an^«*s (Nièvre). Angélique Marie la conduisait aux champs
[U]. (Le Rêve.)
Rousseau. — Commissaire-censeur de la Danque Univer-
selle. P;;ri.igc cette fonction avec Lavignière, à qui il est com-
plètt.-nionl inlêodc [139]. (LArgent.)
Rousselot (Mo.nseigneur). — Archevêque de Plassans.
Soixante ans. Vil frileusement dans son cabinet, en douairière
'vlirée du moside, ayant horreur du bruit, se déchargeant sur
le vicaire général Fenil du soin de son diocèse. Il adore les litté-
ratures anciennes et traduit Horace en secret [loi]. Cet indo-
lent prélat, à ramabilité enjouée, aux manières exquises,
tremble d»rvaut son vicaire général, qui le mène par le bout du
nez, jusqu'au jour où Faujas, venu de Paris pour arracher
Tiussans aux influences ultramontaines, engage la lutte avec
i'euil eî s'empare à son tour de Parchevêque. Au fond, celui-ci
est un aiinahle sceptique ; il se moque de tout le monde, ne se
assior.aaiii que pour les petits vers de l'Anthologie grecque et
5e bori.anl à >ouhaiter que les loups qui Tentoureul se mangent
eniie eux. (La Conquête de Plassans,)
Roussie (La). — Une hercheuse d'autrefois. Vivait au
t2n:|»s du vieux Bonnemort et du père Mouque [lil]. {Ger-
liliiial.t
Roustan CAcbé). — Vicaire à Saint-Eustache. Bel homme,
d'une quarantaine d'années, Fair souriant et bon. Discret et
sape, l'abbé est consulté par Lisa Quenu dans les cas difficiles,
sans que jamais il soit question de religion entre eux [251].
C'e=t à lui qu'elle demande conseil sur la conduite que Thon-
iiêieié iaulorise à tenir vis-à-vis de son beau-frère ; elle est
décidée à se débarrasser de Florent, et l'abbé Roustan met une
hahilcl-^ essentiellement ecclésiastique à lui faire comprendre
que tous les moyens sont bons. {Le Ventre de Paris.)
Rouvet. — Vieux paysan beauceron, du village de Zéphyrin
Lacour et de lîosalie l'ichon. Une de leurs joies consiste à se
rappeler l^s raves du père Rouvet [338]. (Une Page d'amour.)
Rozan (1»lc de). — A été le premier aijiant de Renée Sac-
412 LES PtKSONNAGES DES KOUCON-MACQUAUT
card, grâce à l'obligeant intermédiaire de madame de Lauwe
rcns [133]. Remarqué pour sa douceur et sa tenue, il a été
trouvé, en téte-à-tôte, nul, déteint, assommant [130]. A trente-
cinq ans, las d*ennuyer les femmes de son monde, il aspire aux
faveurs exclusives de Laure d'Aurigny ; mais, tenu en laisse
par la duchesse sa mère, il se met entre les mains de l'usurier
Larsonneau, qui lui fait des prêts a cinquante pour cent [254].
Devenu maître de son patrimoine, il laisse cinq cent mille francs
aux mains de Laure et mange son second demi-million avec
Blanche Mûller [313J. {La Curée.)
Rozan (Duchesse de). — Mère du jeune duc, qu'elle tient
en charte privée jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, au point de
ne pas lui donner plus d'une dizaine de louis à la fois [^54].
Cette mère, trop rigide, meurt de saisissement devant les cent
cinquante mille francs de billets souscrits par son fils à l'usu-
rier Larsonneau [343]. {La Curée.)
Rusconi (Chevalier). — Légat d'Italie. Beau brun, diplo-
mate grave à ses heures. Il traite les affaires politiques chez la
comtesse Balbi, tourne autour de Clorinde avec sa galanterie
langoureuse de bel Italien [185] et seconde activement les vues
de Cavour en wit d'une alliance contre l'Autriche [370]. {Son
Excellence Eugène Rougon.)
s
Sabatani. — Un habitué de la Bourse. Grand jeune homme
à la face lon;;ue et brune, aux yeux noirs magnifiques, à la
bouche mauvaise, inquiéiante. Il a une grâce caressante
d'Oriental mâtiné d'Italien. C'est un gaillard mystérieux, aimé
>les femmes ; la légende lui attribue un prodige physique, une
exception géante dont rêvent les filles du monde de la Bourse,
tourmentées de curiosité [123]. Associé secret de l'escroc
Schiosser. Sahaiani a peu à peu conquis la confiance de la cor-
beille et ie la coulisse par beaucoup de correction et une bonne
^r^ce infatigable [lu]. 11 est client de la charge Mazaud, où il
n'a iiépos- qu'une légère couverture, donnant des preuves de
sagesse, n'au^inentant que graduellement l'importance de ses
ordres, ci nttenJant le jour où il culbutera dans une grosse
lii{ lidatioi [Oj]. Gai, d'apparence riche, avec cette tenue élé-
gante qui est indispensable., comme l'uniforme même du vol à
la Dourse, il devient très volontiers le prèle-nom d'Aristide
Saccard ; il est le complaisant au compte de qui figurent ficti-
vement les litres non vendus de TUniverselle [123]. Et, au jour
de la déli.Je, il disparait ; il va écumer la Bourse de quelque
capitale t:?rangêre. Plus tard, oublié a Paris, il y reviendra, de
no jvefiu s ilu •. prêt à recommencer son coup, au milieu de la
tolvraiice ^'^hiérale [::{93]. {UArgent.)
Sabot. — Vigneron de Brinqueville. Un farceur renommé,
qui venlt à Ttire tourner les moulins, mais qui est battu à ce
jeu par j -sus-Christ [332]. (La Terre.)
Saccard ^\f.istide)(1). — Troisième fils de Pierre Rougon et
Ij Aii.^:'i-le liougon, dit Saccanl^ né en 1815; épouse cj/ . 1836
Ah'jéle St- Ti'd >ty Ciilnie et réreusCf fille (Tuu commandant; en a un
fih en Ibï ', et une fille en I^l7. et perd sa femme en 185-1; a eu en
414 LES PERSONNAGES
de Félicité Puech. Frère d'Eugène, Pascal, Sidoiiie et Marthe
Rou^on. Père de Maxime, Clotilde et Victor Bougon, dits Sac-
card. Petit, la mine chafouine, il a le visage de sa mère, avec
des avidités, un caractère sournois, apte aux intrigues vul-
gaires, où les instincts dé son père dominent [74]. En lui s'épa-
nouissent tous les besoins de jouissance matérielle; son appé-
tit se rueù l'argent, à la femme, au luxe. Envoyé ù Paris pour
faire son droit, il mène pendant deux ans une vie paresseuse et
débraillée, ne passe pas un seul examen et, rentré à Plassans,
se laisse vivre longtemps sans voir clair dans ses ambitions.
Marié en 1836 à Angèie Sicardot, qui lui apporte une dot de
dix mille francs, il place habilement ce petit capital dans la *
maison paternelle et se fait entretenir avec sa femme jusqu'au
moment lointain où son père peut enfin lui restituer sa com-
mandite. Le ménage s'établit alors place Saint-Louis; un fils
vient, Maxime, dont la grand*mère Félicité paye, par bonheur,
la pension; Aristide mène une belle existence de fainéantise,
jouant au cercle, cultivant sa paresse avec amour, jusqu'à
l'heure où, toutes ressources épuisées, la pauvre Angèie mou-
rant de faim, il cousent à chercher une place et réussit à entrer
à la sous-préfecture de Plassans.
Cest, pendant dix ans, la médiocre existence de remployé à
dix-iiuit cents fi*ancs, encore gênée par la naissance d'un nou-
vel enfant. Sevré dos joies dont il a une continuelle envie, Aris-
tide devient haineux ; le fiel s'amasse en lui et, l'oreille au
guet, il voit arriver la révolution de 1818, il Ûaire avec joie
une catastrophe, prêt à sauter sur la première proie veaue [78].
Trompé d'abord, par les apparences, il afiiche le plus vif
enthousiasme pour la République; plein de mépris pour l'im-
puissance bourgeoise, manquant de renseignements sur ce qui
se prépare, il croit au triomphe de la démocratie, se fait jour-
naliste, livre aux réactionnaires une guerre sans merci, se
compromet à plaisir, jusqu'au jour où, ayant surpris une édi-
llanle conversation politique entre sa mère et le marquis de
1S53 M7J fds adultérin d'une ouvrière, liosalie ChavaiUe qui comptait,
des phtLsiqnes et des épileptiques dam son ascendance ; se remarie, en
18.'»5, avec Renée Déraud Du Châlel, qui meurt sans enfants en ISW.
[Mclan^'e soutiurc. Prédominance nior.ile du père et ressemblance
physique de la mère. Ambition de la mï-'ie gâtée par les appéiits du
pcrol. Employé, puis grand brasseur d'affaires. Vit encore à Paris,
directeur d'un journal. {Arbre généalogique des Hougon-Macquart.)
DES ROCGON-MACQUART 415
Carnavant [125], il prend uoe attitude expectante, cherchant
le Tent, prêt à se Tendre le plus cher possible.
Pendant les journées de Décembre , il feint une soudaine
maladie qui lui pennet de louvoyer ; il esquisse une conver-
sion au bonapartisme, revient prudemment aux ouvriers, et
c'est seulement lorsqu'il a palpé, sur la place de la Mairie, les
cadavres républicains [354], qu'il voit enfin la lumière et publie
a grand fracas an superbe article d'adhésion au coup d'État.
Pour attester son loyalisme, il laisse assassiner sous ses yeux
son malheureux cousin Silvère Mouret [374]; puis, réconcilié .
avec son beau-père, le commandant Sicardot, il en obtient
cinq cents francs qui lui permettront de quitter Plassans. (La
Fortune des Hougon,)
A Paris, après un très court séjour rue dé la Harpe, où, sous
le nom de Sicardot, il a séduit Rosalie Chavaille, il s'installe
pauvrement rue Saint-Jacques et, par son frère Eugène Rou-
goQ, devient cotumissaire-voyer adjoint, emploi bien inférieur
à ses prétentions, mais qui le mettra en situation de surprendre
le vaste projet de la transformation de Paris [63]. Pour ne pas
pêner son aîné, devenu une puissance politique, il a troqué le
nom palern^rl contre celui de Saccard, un nom, a dit Eugène,
à aller au bagne ou à gagner des millions [59]. Écœuré de la
mesquine existence qui lui est imposée, entre sa femme, la
molle .Vngèle, et sa fillette Clotilde^ il a rôdé pendant deux ans
dans les couloirs de THôtel de Ville; il a senti venir le flot
Uioutant de la spéculation à outrance, il a flairé les beaux
coup? à faire, mais, faute des premiers fonds, il resterait
frappé d'impuissance, si la mort fortuite dWngèle ne le rendait
sulùtcmenl libre et ne lui permettait d'atteindre la fortune,
gr-àce à un honteux mariage maquignonné par sa sœur, l'intri-
gante SiJonie Rougon.
Ce petit liomine chafouin, devenu le mari de Renée Réraud
Du Ciiàîel. occupe maintenant un superbe appartement de lu
rue Je l'ùvoli et va devenir un des brasseurs d'atfaires les plus
en vue de l'époiue. 11 commence par s'enrichir en dépouillant
sa femme (allaire de la rue de la Pépinière), gagne habilement
la prût''otion des Gouraud et des Toutin-Laroche, se fait le
pré:e-nom de la Ville dans d'imporlantes opérations immobi-
lières, s'associe avec les gros entrepreneurs Mignon et Char-
rier pour éventrer Paris, et met le comble à sa gloire en fon-
dant le Crédit Viticole, entreprise toute puissante grâce à
ilG LIf;S PEKSONNAGES
Inquelle il tiendra TadininistratioD préfectorale à la gorge [lâp].
Il bâtit alors, sur un terrain volé à la Villèy son magnifique
hôtel du parc Monceau, et là c*esl un étalage, une profusion,
un écrasement de ricli esses [18]. La fortune de Saccard est à
son apogée.
11 se lance dans des opérations de plus en plus hardies, se
plaisant aux complications folles, à Tentasscment des impossi-
bilités [:260] ; ses affaires sont tellement enchevêtrées qu*il ne
dort plus que trois heures par nuit ; c*esl le' jeu continu, un
tour de force quotidien, une succession d'aventures où les mil-
lions s'entassent et s'engloutissent aussitôt, où tout n'est que
façade dorée. Le faste inouï où se complaît Aristide, les étour-
dissantes prodigalités où il pousse sa femme, l'afiectation qu*il
met à feindre d'entretenir des maîtresses coûteuses, toute cette
poudre aux yeux lui est indispensable pour maintenir son
crédit. De mauvaises spéculations, dues à son génie trop
inventif, ont séparé de lui Mignon et Charrier; il a essuyé de
grosses pertes ; un mauvais vent souffle sur ses affaires lorsqu*il
se décide a tout réparer par une œuvre de scélératesse exquise,
une duperie colossale dont la Ville, l'État, sa femme et jusqu^à
son homme de paille, Larsonneau, doivent être les victimes
[185]. 11 va gagner trois millions en s'emparant des terrains de
Charonne, que Renée possède et qui seront absorbés par le
percement du boulevard du Prince-Eugène.
Mais une terrible complication se dresse tout à coup. Son fils
Maxime est devenu l'amant de Renée*. 11 lapprend au moment
même où la signature de celle-ci lui est nécessaire pour pa-
rachever l'œuvre entreprise. Comme il ne veut pas se con-
damner à la ruine en chassant l'épouse incestueuse, il feint de
ne pas comprendre, s'empare de l'acte par surprise et marie le
jeune Maxime à une riche héritière, Louise de Mareuil, dont il
convoitait depuis longtemps le million de dot pour ses spécu-
lations futures. En 1860, Saccard a été décoré à la suite d'un
service mystérieux rendu au préfet de la Seine [149]. (La Curée,)
Cousin de Lisa .Macquart, il a été désigné comme subrogé-
tuteur de la petite Pauline Quenu [26]. 11 écrit aux Chanteau
diverses lettres réclamant des comptes [103] et consent à
rémancipalion de la jeune fille après trois visites de madame
Chanteau, qui a ilalté son goût des grandes affaires en lui
apportant une idée superbe : l'accaparement des beurres du
Colenlin [117]. {La Joie de vivre.)
DtS KOUGON-MACQUAnT 417
En octobre 1864, une suile d'affaires désastreuses Tont obligé
à liquider sa situation» à vendre l'bôtel du parc Monceau. Tou-
jours affamé, inassouvi toujours, il se retrouve sur le pavé de
l*ari«, en relations avec la princesse d*Orviedo qui, pendant
quelque temps, a fait de lui le préfet de ses charités, l'a trans-
formé en une sorte de petit manteau bleu, adoré et béni, et a
consenti ù lui louer un rez-de-chaussée dans son hôtel de la
rue Saint-Lazare. Saccard a cinquante ans, mais Tùge n'ayant
pas mordu sur sa petite personne, il n'en paraît guère que
trente-huit; il garde une maigreur, une vivacité de jeune
homme; même, avec les années, son visage noir et creusé de
marionnelte, au nez pointu, aux minces yeux luisants, s'est
comme arrangé, a pris le charme de cette jeunesse si persis-
tante, si souple, si active, les cheveux toufl'us encore, sans un
m blanc [(>].
De nouveau, il cherche la chance, il rêve non plus la richesse
menteuse de la façade, mais rédifice soliflc de la fortune, la
vraie royauté de l'or trônant sur des sacs plt ins [7]. Sonen"réné
besoin de revanche lui inspire un désir chimérique : abattre
Gundcrmann, le banquier-roi, ce juif contre U^quel il a l'antique
rancune d.^ race, au point que lui, le terrible brasseur d'allaires,
le bourreau d'argent aux mains louches, perd la conscience de
lui-même dès qu'il s'agit d'un juif, en parle avec ûpreté, avec
des indignations vengeresses d'honnête homme, vivant du
travail de ses bras, pur de tout négoce usuraire [92]. Irrésis-
tiblement attiré vers la Bourse, il va y entrer bientôt en
triompliateur.
Un hasard de voisinage Ta mis en relations avec l'ingénieur
Hamelin, à qui un long séjour en Orient a inspiré une séri^^ de
projets, la conquête de la Méditerranée, la mise en valeur de
la Palestine, la libération des Lieux-Saints, idées grandioses
d'où sorti :-a, grâce à l'ardente imagination de Saccard, la Banque
l'niverselle, destinée d'abord à féconder l'œuvre d'Hamelin,
mais surtout à exterminer la banque juive [59]. L'adhésion du
ca|iit:ilist«^ Daigremont assure les concours indispensables ; le
marquis ùc Cubain, Sédille, Huret, Kolb entrent dans le syn-
dical : Saîjatani est le prête-nom nécessaire au jeu des actions;
on aclièiL' une feuille catholique, VEspérance, où Jantrou fera
(les arlicl'js politicjues favorables et hostiles tour à tour au mi-
nistre Uougon, et où de savantes annonces subjugueront les
souscripteurs pieux; on achète aussi la Cote financière, qui
séduira les rentiers crédules. Une immense publicité s'orga-
418 LES PERSONNAGES
nise. On aura les gros capitaux et les économies ramassées
sou à sou, les Beauvilliers, les Mau^endre et les Dejoie.
Saccard sait combattre les scrupules des Hamelin, Tiagé-
nicur et sa so&ur Caroline, trop honnêtes pour goûter pleine-
nient la saveur de ses conceptions hardies. Il célèbre les vertus
de la spéculation; c*est l'appât même de la vie, c'est réternel
désir qui force à lutter et à vivre ; elle décuple les énergies;
sans elle, Texistence serait un désert d'une extrême platitude;
par elle, on accomplit des choses vivantes, grandes et belles.
Va elle est nécessaire, malgré ses hontes, qui ne sont au fond
que Texcés indispensable, de méiue qu'il faut l'appât de la
luxure pour créer beaucoup d'enfants [i i3].
Les commencements de l'Uni verselle sont honorables et cor-
rects, dans l'hostilité de la haute banque ; puis, on double le
capital; Saccard fait un magnifique coup de Bourse après Sa-
dowa; c'est l'heure d'une de ces poussées folles de la ûnauce
qui, toutes les dix ou quinze années, obstruent et empoisonnent
Paris, ne laissant après elles que des ruines et du sang ; on
double encore le capital; les illégalités s'accumulent; Saccard
est sans lien ni barrières, allant à ses besoins avec Tinstinct
déchaîné de l'homme qui ne connaît d'autre borne que son im-
puissance ; il jette à la fonte les choses et les êtres pour en tirer
d'j l'argent ; ce bandit du trottoir financier est aimé d'une ado-
rable femme, madame Caroline, parce qu'elle le voit actif et
brave, créant un monde à travers tant de folies ; de l'hôtel
d'Orviedo, où s'était d'abord installée l'Universelle, Saccard a
transféré la banque dans un hôtel monumental, rue de Londres;
et les clients sont foudroyés d'admiration et de respect.
La fièvre augmente; plein d'une forfanterie batailleuse, Sac-
card se voit le maître ; il déclare la guerre à son frère, le mi-
nistre; il va enfin se poser en rival de Gundermann, en roi voi-
sin, d'une puissance égale; c'est une fringale de jouissances;
depuis longtemps, il possédait les bonnes grâces de la baronne
Sandord; maintenant, il achète deux cent mille francs la gloire
de coucher avec madame de Jeumont et de l'afficher dans un
bal officiel, sous l'œil amusé du comte de Bismarck; autour de
lui, un concert de bénédictions monte de la foule heureuse des
petits et des grands, les filles enfin dotées, les pauvres brus-
quement enrichis, assurés d'une retraite ; les riches, brûlantde
l'insatiable joie d'être plus riches encore [287]. Le capital so-
cial atteint cent cinquante millions, d'éaormes dividendesont été
distribués, les actions dépassent le cours de trois mille francs.
DtS KOUGON-MACQUAUT -419
Mais Texcès même de celte prospérité doit causer la ruine
de rUniversclle ; en une ;rrande journée dont on parle encore,
comnte on parle dWusterlitz et de Marengo [345],Gundcrraann
qui, depuis ion^'lemps, {guettait l*heure propice, délruirad*un
coup cett*i; ban(}ue catholique, minée si profondément par les
imprulences de Saccard. Et celui-ci fait une b(-lle défense;
jusqu'au bout, il inspire confiance à ses victimes. Définitive-
ment lâché par le ministre Rougon, dénoncé par Busch, livré
aux vengeances de Ddcambre.il est traduit en correctionnelle,
conserve une bêroïqui- altitude devant le tribunal et se voit con-
damné à cinq ans de prison et trois mille francs d*aniende,
toujours plein, d'ailleurs, de croyance en lui-même. Son in-
conscience en arrive à une véritable grandeur.
PcnJaLl les délais d*appel, il quitte la France et va en Hol-
lande : il s'v consacre à une affaire colossale : le dessèchement
d'imiricnses marais, tout un petit royaume conquis sur la mer,
grâce à un syitèrne compliqué de canaux [4-45]. {L'Argent,)
Après la chute de l'Empire, il a osé rentrer en France, mal-
gré sa coiidaninulion; des influences nouvelles, toute une in-
trigue extraordinaire l'ont remis sur pied [15]. En 1872. on le
rclro».ve. lancé «ians le grand journalistnc, brassant des affaires
cens: : t.IjI -s, devenu directeur de VÉpoque^ le journal répu-
blicain a gros succès où l'on publie les papiers des Tuile-
ries [vl]. F.niprL-Sjé auprès de Maxime, dont il a toujours con-
voité ia fort'jiie, il bâte la fm de l'ataxique en lui envoyant de
belles iilles. notarnmant la petite Rose, qui l'acbèvent [315], et
il linit )'rr mettre dans sa poche l'argent et l'hôtel de son fils
\oSÏ]. U.veiiu â son républicanisme originel, Aristide va, par
un rr-io:ir ironique des choses, protéger sou frère Eugène
Pioug »u. qu'il a\ait compromis si souvent lorsque le simple dé-
puté i'auiour.lliuiéiail vice-empereur [io]. (Le DoctcttrPasca/.)
Saccard (Madame Atustide). — Voir Dêral'd Du Ciiatel
(Uemiz).
Saccard (Madame Aristide). — Voir Sicardot (Angèle).
Saccard kIhahles; (1). — Fils de Maxime Rougou, dit
1 'Ih •/'.> Il .ufffiii. dit Saccard, vc en 18ôT, meurt d'une hémcr-
ragi'^ ;;■•'''. cii l^TJ, [Hérédité en retour sautîiiit trois {çéiicralions.
Ke>s?: il>.a'i' ■• fil\^i<]lle et morale d'Adélaïiie Foiiqne. Dernière
cx[»rc-'i.:i «.c r'-puiseiiiunt d'une race]. {Arbre fjcnédlo(jique (I':s
ïi'in- /i- V.i. u-:rt. i
itO LES PERSONNAGES
Saccarti, et de Jusline Mégot. Sa mère, femme de chambre de
[icnée, a été séduite par le jeune Maxime, alors âgé de dix-
sept ans. L'enfanl et la mère sont envoyés à la campagne ^ avec
uDf» pi'lile rente de douze cents francs [H9]. {La Curée,)
A quinze ans, il vit à Plassans, chez sa mère, mariée à un
bourrelier du faubourg, Anselme Thomas. Charles est un dé-
généré qui reproduit, à trois générations de distance, sa
trisaïeule, la vieille Adélaïde Fouque enfermée auxTulettes.il
parait à peine douze ans et il en est resté à Tintelligence
balbulianle d'un enfant de cinq ans. Ses grands yeux clairs
sont villes, sa ))cauté inquiétante a une odeur de mort, ce n*est
qu'un petit cliien vicieux qui se frotte aux gens, pour se ca-
resser, et qu'on a dû renvoyer du- collège dès les premiers
mois, sous Taccusation de vices inavouables [63]. 11 y a en lui
un lelâchenient des tissus dû à la dégénérescence; le moindre
froissement détermine une hémorragie.
Sa mère adore ce bel eufant à la royale chevelure blonde,
mais il est détesté du mari et vit le plus souvent chez les
llougon, habillé par son arrière-grand'mère Félicité qui souffre
(levant ce rejeton épuisé de sa race, le comble de bijoux et le
vêt de velours noir soutaché d'une ganse d'or, tel qu'un jeune
seigneur d'autrefois ['2:29]. 11 se plaît en la compagnie de la
vieille Adélaïde Fouque, avec qui il a une ressemblance phy-
sique extraordinaire. Et c'est là, dans l'Asile des Tulettes,sous
les yeux fixes de l'ancêtre, que cet enfant, pris d'un dernier
saignement de nez, meurt sans une secousse, épuisé comme
une source dont l'eau s'est écoulée, pareil à un de ces petits
dauphins exsangues qui n'ont pu porter l'exécrable héritage de
leur race ['2i2]. {Le Docteur Pascal.)
Saccard (Clotilde) (t). — Fille d'Aristide Rougon, dit
Saccard, et d'Angèle Sicardot. Née à Plassans on 1847, elle
;i\ait quatre ans, lorsque ses parents l'ont emmenée à Paris,
Aiigèl'* ayant refusé de se séparer de cette enfant [32]. En 1854,
la petite Clotilde assiste à la mort de sa mère et, trois jours
1) Clolildc Hougon, dile Saccard, née en 1847; a, en 1874, de
^un ohcle I*ascal, un fils. [Élection de la mère, liurédilc en retour,
::\c prodofiiiiiance morale et physique de son grand-père mnlernci,
le .ommainlant Sicardot]. Vit encore à Plasi>ans. (Arbre (jénénlogique
des Ilougon-Mdcquart.)
DES ROUGO.V-MACQUAUT 4il
après, on la confie à une vieille dame qui se rend dans le
Midi et qui la ramène à son oncle Pascal [76]. (La Curée,)
Chez le docteur Pascal, elle a vécu librement. A Tâg^e ingrat,
de douze à dix-huit ans, elle a paru trop grande, dégin-
gandée, montant aux arbres comme un garçon, puis en elle
s'est dégagée une fine créature de charme et d'amour, élancée,
la laille mince, la gorge menue, le corps souple. Elle a des
cheveux blonds et coupés court, un exquis et sérieux profil, le
front droit, Tœil bleu ciel, le nez fin, le menton ferme; sa
nuque est d*une fraîcheur de lait sous l'or des frisures folles.
A vingt-cinq ans, elle reste enfantine et en parait à peine
dix-huit [2].
Elle n*a appris qu*à lire et à écrire; elle se fait ensuite une
instruction assez vaste, en aidant son oncle qui l'emploie volon-
tiers comme secrétaire et pour qui elle dessim; des planches
destinées à illustrer ses ouvrages [5J. En cet • jeune fille, on
retrouve Tinfluence maternelle par ses quritllés féminines,
comme par sa i^réoccupation du mystère et ^on inquiétude de
l'inconnu; mais la principale empreinte héréditaire lui vient
de son grand-pére, le commandant Sicardot, homme de droi-
ture et d*énergie. Il lui a donné le meilleur de son être, le
courage de la lutte, la fierté et la franchise [134].
En Clotilde, les instincts mystiques se sont développés sous
l'action de la servante Martine qui Ta beaucoup menée à
Téglise, lui communiquant un peu de sa flamme dévote, sans
que Pascal, d*esprit large et tolérant, ait rien fait pour com-
battre ce besoin de croire. L'aveugle foi religieuse accomplit ses
ravages : Clotilde, qui a pourtant, suivant le mot de son oncle,
une bonne petite caboche ronde, nette et solide, ne peut pas
vivro sans illusion et sans mensonge, le mystère la réclame et
rinquiète. Elle voudrait convertir Pascal, elle rêve de détruire
la pensée de son maître, d*anéantir des œuvres qui blessent sa
foi catholique, elle va se faire la complice inconsciente des
lâches (lessoins de sa grand*mère Félicité Rougon, lorsque,
surprise par le docteur au moment où elle pillait les manus-
crits, elle est domptée sous son autorité virile et jetée brus-
quement en présence des faits, de la vérité nue, de l'exécrable
réalité qui révolutionnera son être et lui donnera une terrible
leçon de vie [1 1-*].
l'ascal a recon<juis Clotilde; la révoltée, Tenneniie d'hier est
rodevenue l'élève soumise d'autrefois, elle a cessé d'aller à
36
42i LES PEnSONXAGES
l'église et bientôt la mystique est définitivement vaincue par
faniour connu et satisfait. Les belles itlvlles de la Bible, le roi
David et Abisaïg, Abraham et Agar, Ruth et Booz vont renaître
entre le vieux maître et sa blonde servante. Mais les scrupules
de Pascal mettent fin à cette joie délicieuse, il ne vent pas
sacrifier Tadorable jeunesse de Clotilde à sa stérilité de vieillard
et, par une fatalité lamentable, il meurt seul, loin d'elle, a
rheure même où elle accourt, portant en son sein l*enfant qui
va naître. (Le Docteur Pascal,)
Saccard (Maxime; (1). — Fils d'Aristide Bougon, dit Sac-
card, et dWngèle Sicardot. Père de Charles. Il €st né en 13i0 à
Plassans. Enfance terne, dans la médiocrité du ménage pa-
ternel. Semble avoir été assez mal élevé, car son grand-oncle,
Antoine .Macquart, se plaint que le mioche lui lire la langue
chafjue fois qu'il le rencontre [176]. Sa grand'mère Félicité
Bougon le fait entrer au collège et paye secrètement sa pension
[78]. {La Fortune des Rougon,)
Il reste à Plassans jusqu'en 1855 et, sa cinquième achevée,
va rejoindre à Paris son père, alors remarié à Benée Béraud
Du Cliàtel. A (]uinzeans,c'est un grand galopin fluet, à figure de
iille, l'air délicat et effronté, d'un blond très doux [107]. Il
termine ses études au lycée Bonaparte et vit dans Tintimité de
sïi belle-mère, jeune femme à la mode, qui joue avec lui ti la
pclilc inaman. 11 a vite fait de s'émanciper, adorant se perdre
ilans les jupes, dans la poudre de riz, se glissant autour des
belles mondaines, amusées par son air de fille [118].
A dix-^ept ans, c'est un jeune homme mince et joli, aux
cheveux bouclés, en qui la race des Bougon esi devenue dé-
licate et vicieuse. Né d'une mère trop j^^une, molle et aban-
donnée, et d'un père aux furieux appétits, il est un pro-
duit df'feclueux, sans personnalité, mais avide de jouissance,
uniquement apte à dévorer les fortunes édifiées par d'autres.
(1) Maxime UougorXy dit Saccard, ne en I8i0; a un fils, d*une
!»ervante, Justine Mégot, clilorotique, fille d'alcooliques ; épouse, en
1803, Louise de M>.reuil, qud perd la même année et dont il na pas
d'enfants; ntcurl ataxxque en IST.J. îMclange ili.'«cminalion. Prédo-
min;in:e morale du p'jre et resseiiildance pliysnjuc de la nicre].
Oisif, manjeur de fortunes faites. {Arbre généalogique des Rougon-
Macquart,)
DES ROUGO.N-MACQUART 423
Joli et lâche, il aime le plaisir sans fatigne, avec une passivité
de fille [131].
Pour son début, Maxime a séduit la femme de chambre de
Kenée, Justine Mégot, et lui a fait un enfant ; il fréquente Feu-
tresol de sa tante, la complaisante Sidonie Rougon, fait la noce
à cùlé do son père dans les restaurants de nuit, s*offre le luxe
d'une niaiiresse, la petite actrice Sylvia, et continue à vivre
dans la plus entière familiarité avec sa jeune belle-mère,
Tamusant pnr des détails intimes sur les demoiselles haut
Cotées, traitant en camarade et en complice cette inassouvie qui
cherche un frisson nouveau. Un beau soir, il accepte l'inceste,
sans ravoir voulu ni prévu, uniquement parce que Renée le
hù a imposé [205]. Il sort d*atlleurs avec la plus parfaite aisance
de ce drame où sa veulerie n'a vu qu'un moyen de se faire
. iitretenir [319] et il se laisse marier par son père ù une petite
jjossue, Louise de Mareuil, qui lui apporte la jolie dot d'un
million. Dicntùt veuf, il va vivre en garçon dans un bel hôtel
de l'avenue de riinpératrice et il fait courir [337]. (La Curée.)
Il a organisé sa vie avec un sage et féroce égoïsme, mangeant
ii> fortune Je la morte, sans une faute, en garçon de faible
santé que le vice a précocement mûri [45]. Il a abandonné
jvpiiis longtemps ?on idée d'entrer au Conseil d'État, il ne fait
même plus courir, les chevaux l'ayant rassasié comme les filles.
Avec son aplomb d'homme d'expérience, il a gardé son ancien
rire perlé de demoiselle, mais il a déjà des rhumatismes [130].
Son petit hôtel de Tavenue de l'Impératrice est installé avec
un raffinement ex'juis de luxe et de bien-être; c'est joli, tendre
et discret. Et Maxime vit seul, oisif, parfaitement heureux,
dune férocité de b».'au fils pervers et entretenu, devenu sérieux
[101]. A pris la débâcle de l'Universelle, il va s'installer à
Naples j»our fuir l'ennui de voir son père passer en correc-
liûunelle [ilSJ. (L'Argent.)
Après la guerre, on le trouve réinstallé dans son hôtel de
l'avenue du Dois-Je-Boulogne, où il mange la fortune que lui
a laissée sa femme; il est devenu prudent, d'une sagesse
d'iionirne atteint dans ses moelles, rusant avec la paralysie
menaçante [15]. A trente-trois ans, la face s'est creusée, les
cli'Vtîux s'éclaircissenl, semés de fils blancs; il garde sa tête
jolie et fine, d'une grâce inquiétante de fille jusque dans sa
décrépitude précoce [bô]. Se voyant infirme, cloué dans un
tuuleuil, ayant peur de la solitude, rêvant d'être aimé, choyé,
4^i LES PERSONNAGES
défendu, il a obtenu «[ue sa sœur Clolilde quitte Plassans et
vienne le rejoindre à Paris; mais, dans sa contÎDuelle inquiér
tude d'être exploité et dévalisé, il commence bieutôt a la
prendre en méfiance, comme toutes les personnes qui le
servent; il la torture par ses exigences d*eitfant gâté et de
malade. Son pcre, qui voudrait h&ter Théritagc, lui envoie
une jolie fille, la jeune Rose, qui achevé bientôt ce ricieoXi
resté friand de petites femmes. Maxime finit par mourir
ataxique, à trente-trois ans [341]. (Le Docteur Pascal,)
Saccard (Madame Maxime). — Voir Maheuil (Louise de).
Saccard (ViCTon) (I). — Fils naturel d*Arislide Bougon, dit
Saccard, et de Uosalie Chavaille. Né en 1853. A été élevé dans
la cité de Naples, chez la Méchain, petite-cousine de sa mère.
Celle-ci se prostituait en sa présence avec des hommes, il vivait
sur les fortifications et faisait avec les petites filles ce qu'il
vovait faire chez lui.
A douze ans, sa ressemblance avec Aristide Saccard est
extraordinaire ; il parait prodigieusement développé pour son
âge, pas très grand, trapu, entièrement formé, déjà poilu,
ainsi qu'une béte précoce ; les yeux hardis, dévorants, la bouche
sensuelle, sont d*un homme. 11 a toute une moitié de la face
plus grosse que l'autre, le nea tordu à droite, la tète comme
écrasée sur la marche où sa mère, violentée. Ta conçu. Il ne
sait pas écrire, à peine lire. De sa face d'enfant mûri trop vite,
ne sortent que les instincts exaspérés de sa race, une hâte, une
violence à jouir, aggravées par le terreau de misère et
d'exemples abominables, dans lequel il a grandi [169].
Ce gamin de douze ans, ce petit monstre couche avec la
mère Eulalie, une femme de quarante ans, ravagée et malade,
qu'il appelle sa femme [i6â]. Un chantage organisé contre
Aristide Saccard par Dusch et la Méchain aboutit au placement
de Victor à l'Œuvre du Travail. Dans une cruelle réminiscence
de l'acte de son père, prenant la misérable Rosalie sur une
marche et lui démettant l'épaule au moment de la conception
[iOT], Victor Saccard se jette comme un jeune fauve sur Alice
de l>cauvilliers, la viole et s'enfuit de l'Asile. On perd sa trace.
{L* Argent.)
(1 ) Victor Houyon, dit Saccard, né en 1853. [Mélange soudure.
Kesscinblancc pliysique du père]. Digparu. {Arbre généalogique des
Roufjon-Macquavl.)
DES KOl'GON-MACQUAKT 425
Ea 1870, il n*a point reparu, rôdant dans l'ombre du crime,
puisqu'il n*e§i pas au ba^ne, lâché par le monde, à Tavenir, à
rinconnu de Téchafaud [1*28]. {Le Docteur Pascal,)
Saffré (De). — Secrétaire du minisire Eugène Rougon,
charmant jeune homme, le sceptique et le viveur le plus aimable
du monde. Devenu amoureux de Renée Saccard, qu'il avait
rencontrê-isans la reconnaître au bal masqué deDIancheMûller
[107], il subit ses refus, s*en console avec la petite madame
Michelin WO^] et plus tard s'enflamme pour la comtesse Yanska
[34 i]. (La Curée.)
Saget (Mademoiselle). — Petite vieille habitant, depuis
quarante ans, rue Pirouette, la même maison que les Méhudin.
A dit un jour qu'elle est née à Cherbourg, on ignore tout le
rc>te. C'est une mauvaise langue extraordinaire, redoutée de
tout le quartier. Elle s'est logé dans la télé Thistoire complète
des mai>ons, des étages, des gens. Longtemps, Florent reste
pour elle un mystère qui la mine, car il y a là une intolérable
lacune dans sa connaissance des faits et gestes de tous. Elle se
livre aux machinations les plus savantes, brouillant et récon-
ciliant les gens, se répandant en potins venimeux qui se colpor-
tent à tous les coins des Halles. Pour obtenir quelques aliments
gratis, elle llatte les colères et les passions des marchandes et
voue une violente haine à Gavard, parce qu'il Vu vue achetant
des rogatons et qu'il a colporté partout cette humiliante nou-
velle. Lu mot soutiré à la petite Pauline Quenu lui apprend
enfin le )>ass»> de Florent, elle tient alors sa vengeance contre
l'insoleni Gavard et contre ce forçat qui avait osé Tintriguer si
longtemps. Mademoiselle Saget devient la cheville ouvrière de
lu Jênouci.ition, surexcitant Lisa, madame Lecœuret les autres,
écrivant «.-Ilè-ménie à la préfecture et assistant, dans une
triom^iliuate joie, a Tarrestalion des deux conspirateurs. La
Sarriette •]ii'elle a suivie chez Gavard la récompense de son
zèle par un Jon de cinquante francs [347]. (Le Ventre de
Par h.)
Saint-Firmin (Oscar de). — Personnage de la Petite
Duclcif^ . \*li'cc de Faucliery, jouée aux Variétés. Cousin de la
duchesse ll»'ièrie. c'est lui qui l'a introduite chez la blonde
G» ral.iiii;, espérant la débaucher [3li^]. Le rôle est confié à
Prulliêre. (yana.)
Saint-Germain . (Mademoiselle de). — Possédait rue
36.
Aî(\ LES PERSONNAGES
Sciiiil-Lazarc un hôl»*! princier qui, après sa mort, est devenu
riiolel d'Orviedo [40]. (L* Argent.)
Saints-Anges {L\ mère des). — Supérienre du couvent
de la Visitation, ù Clermont. A sauvé du cloitre Christine Halle-
grain, qui n^avait pas la vocation religieuse, et Ta placée à
Paris, comme lectrice, chez madame de Vanzade [121].
{r:Œucre.)
Salmon. — Habitué de la Dourse. C'est un très bel homme,
hillant contre la cinquantaine, étalant une barbe superbe, d'uu
noir d'encre. H passe pour un gaillard extraordinairemenlfort.
Jamais il ne parle, il ne répond que par des sourires; on ne
peut savoir dans quel sens il joue, ni même s'il joue [3]. {VAr-
geuL)
Salneuve (De). — Homme considérable du second Empire;
a été îjagné par Clorinde à la cause d'Eugène Rougon [291].
(Son Excellence Eugène Rougon,)
Sambuc (Gcillaume). — Terrible chenapan, digne fils
d'une famille de bûcherons qui a mal tourné, le pore ivrogne,
trouvé un soir la gorge coupée, au coin d'un bois, la mère et
la fille mendiantes et voleuses, tombées à quelque maison de
tolérance; lui braconne et fait la contrebande ; son frère Pros-
pt^r est le seul petit de cette portée de loups qui ait grandi
honnête. Pendant la guerre de 1870, Guillaume appartient à
une de ces compagnies franches qui devaient faire la guerre
d'embuscade, tuer les sentinelles de l'ennemi, tenir les bois d'où
pas un Prussien ne sortirait, et qui devinrent vite la terreur
des paysans, qu'elles défendirent mal et dont elles ravagèrent
les champs, il est le sergent d'un groupe de francs-tireurs
dissimulés dans les bois de Oieulet. Grand et maigre, avec une
épaisse barbe en broussaille, il porte une blouse grise, serrée
à la taille par une ceinture rouge [139].
C'est lui qui, dans la soirée du 29 août, fournit inutilement
au général Dourgain -Desfeuilles de précieux renseignements
sur la marche de l'ennemi à travers les bois, mouvement qui
va entraîner la surprise de Beaumonl. Plus tard, pendant Toc-
cupation, Guillaume et ses hommes rôdent la nuit par les
routes, tuent et dévalisent les Prussiens qu'ils peuvent sur-
prendre, se rabattent sur les fermes et les rançonnent quand
le gibier ennemi vient à manquer. Parcourant le pays en tous
sens, ils sont devenus les pourvoyeurs du père Fouchard, dont
DES nOUCON-MACQUAIlT HT
ils reçoivent des fournées de pain, en échange des bétes crevées
qn'ils lui procurent pour l'approvisionnement des troupes
allemandes [5:21]. Comme les francs-tireurs ont une haine par-
ticulière contre Goliath Steinberg, qui leur fait une chasse
dangereuse, Guillaume, sur Tindication de Silvine Morange,
organise un guet-apens contre l'espion, s*empare de lui avec
Taide de Cahassc et de Ducat, Fétend ligotté sur une table et
lui ouvre la gorge en faisant lentement couler le sang dans un
baquel [.'ïoS]. Le corps jeté dans la Meuse est retrouvé par les
Prussiens, et, à partir de ce moment, les francs-tireurs, traqués
comme des fauves, ne reparaissent plus [565]. {La Débâcle,)
Saxnbuc (Pr.osPER). — Frère de Guillaume. De nature
laborieuse et docile, il a, par haine de la forêt, voulu, être
garron de f«rme. Puis, tombé au sort, incorporé aux chasseurs
d'Afrique, il est d"venu ordonnance d'officier. Prosper a une
longue face sèche, des membres souples et forts, d'une adresse
extraordinaire. 1! aime la vie d'.Afrique, cette existence d'im-
prévu et d'aventures, cette guerre d'escarmouches, si propre à
1 éclat de la bravoure personnelle, amusante comme la conquête
dune ile sauvage, égayée par les razzias, les petits vols des
chapardeurs, dont les bons tours légendaires font rire jusqu'aux
g:éucrau.\ [TU]. Il était là-bas depuis trois ans lorsque éclate la
guerre de J8T0.
Euvoyé en France, il a entrevu les batailles sous Metz et, à
Graveloiic, au moment d'entrer en ligne, son corps a été dési-
gné pour former l'escorte de l'empereur, qui filait sur Verdun
en calèche. On a fait quarante-deux kilomètres au galop, avec
la peur, à chaque instant, d'être coupé par les Prussiens [70]
Sous Melz, Prusper n'a vu que quatre uhlans, derrière une
haie [1»NJ ; dans la marche vers Montmédy, il n'aperçoit que
deux uhlans encore, des bougres qui apparaissent et dispa-
raissent, saiJi. tju'on sache d'où ils sortent ni où ils rentrent,
foraïaut un mouvant rideau den*ière lequel l'infanterie' dissi-
mule sesujouveaients et marche en toute sécurité, alors que les
Français ne savent pas utiliser leurs chasseurs et leurs hussards,
sy5témali'|iiement laissés hors du contact de Fennemi [119]. Son
réginienl appartient à une division de la cavalerie de réserve,
coninianJée par le général Margueritte, dont Prosper ne parle
qu'avL-c une lenJresse enthousiaste [70].
A Sedan, le chasseur dWfrique pleure devant son cheval
épui-é par la faim [178], ce vieux Zéphir qu'il aime plus que
4iH LES PERSON.NxVGES
tout au monde. Dans les marches et contremarches, de vallons
en vallons, autour du plateau d*IIiy, où errent les escadrons,
précieux et inutiles, Prosper tombe de sommeil ; c*est la
grande souiïrance, les nuits Mauvaises, la fatigue amassée, une
somnolence invincible au bercement du cheval; pendant des
minutes, malgré l'efifroyable fracas de la bataille, il s'endort
réellement sur sa selle, il n*est plus qu'une chose en marche,
emportée an hasard du trot [318]. Puis, voici l'heure héroïque.
Le généi*al Margueritte est hlessé à mort en allant reconnaître
le terrain, ses cinq régiments vont s'élancer furieusement pour
le venger [320]. Prosper se trouve au premier rang, presque à
l'extrémité de Tuile droite. Après plusieurs charges, il tombe
sous son cheval, sa hanche droite est comme écrasée, il perd
connaissance.
Revenu à lui vers la fin du jour, il réussit à se dégager,
gagne les bois, atteint péniblement la frontière belge, puis,
ayant troqué son uniforme contre des vêtements de paysan,
bien déterminé à ne plus combattre, puisque la cavalerie ne
sert absolument à rien et que son pauvre Zéphir est mort, il
décide de se remettre à la terre et rentre à Rcmilly où le père
Fouchard Taccepte comme garçon de ferme [ill]^ (La Dé-
bâcle,)
Sandorll (Baron). — Conseiller à l'ambassade d'Autriche.
A épousé mademoiselle de Ladricouri, qui a trente-cinq ans de
moins que lui et qui Ta positivement rendu fou, avec ses regards
de feu [-2-2]. Il est très ladre [-2i]. {L'Argent.)
Sandorff (Baronne). — Fille du comte de Ladricourl.
Celui-ci étant mort ruiné, elle a dû se résoudre à épouser le
vieux baron Sandorff. La baronne a une tète brune très étrange,
des yeux noirs brûlants sous des paupières meurtries, un visage
de passion à la bouche saignante et que gâte seulement un nez
trop long. Elle semble fort jolie, d'une maturité précoce pour
ses vingt-cinq ans, avec son air de bacchante habillée par les
grands couturiers. Elle joue à la Bourse, c'est une joueuse âpre,
enragée. Aux jours do crise, on la voit, dans sa voilure, guettant
les cours, prenant fiévreusement des notes sur son carnet,
donnant des ordres [i'2]. Apre au jeu, elle soulève toutes sortes
de chicanes lorsqu'elle vient paver ses différences à la charge
Mazaud [89].
L'avarice de son mari Ta amenée à prendre un amant, le
procureur général Delcambre; cette liaison est pour elle une
DES ROUCON-MACQUART 4*9
corvée aliominable. Son iadifférence sensuelle, le mépris secret
où elle lient l'homme, se montrent parfois en une lassitude
blême, sur son visage de fausse passionnée, que Tespoir du
gain enflamme seul [i'iS]. Et celle Glle de sang noble, celte
femme Je diplomate, saluée très bas par la colonie étrangère
de Paris, se promène en soUicileuse louche chez tous les gens
de finance. II y a, dans la passion du jeu, un tel ferment désor-
ganisuteur (|ue celte créature de belle race deviendra une
loque humaine, un déchet balayé au ruisseau. Elle cède à
SaccarJ, ainsi qu'une fille, voulant pour salaire des renseigne-
ments de Bourse ; elle lui donne des caresses dépravées, le
traitant comme un fétiche, un objet qu'on baise, même mal-
propre, pour la chance qu*il vous porte [1229]; elle va ensuite
s'offrir nu vieux Gundermann et, roulant toujours de plus en
plus bas, par les lois mêmes de la chute, elle tombe jusqu'à
Jantrou. cet ancien laquais, perdu d'alcool et de vices, sur qui
elle compte pour rattraper son argent perdu dans TUniver-
selle, cl qui la bat avec une brutahlé de cocher [390]. (VAr^
cent.)
Sandoz père. — Un Espagnol réfugié en France à la
suite d'une bagarre politique. A installé près de Plassans une
papeterie où fonctionnaient des engins de son invention. Est
mort, abreuvé d'amertume, traqué par la méchanceté locale,
en laissant à sa veuve une situation si compliquée, toute une.
série de procès si obscurs, que la fortune entière a coulé dans
le désastre [35]. {VŒuvre,)
Sandoz mère (Madame). — Une Bourguignonne. Cédant
à sa rancune contre les Provençaux qui ont fait mourir son
mari, souffrant d'une paralysie lente dont elle les accuse aussi
d'être la cause, elle s'est réfugiée à Paris avec Pierre, son fils,
qui la fait vivre, grâce à un maigre emploi [35]. Rue d'Enfer,
clouée par la soullrance, elle habite une chambre sur le même
palier que lui, et se cloître là eu une solitude chagrine et volon-
taire [75], entourée de tendres soins. Plus lard, Pierre Sandoz,
marié, pagnant plus largement sa vie, s'est installé dans un
petit pavillon de la rue Noilet et c'est là, dans la douce intimité
d'une existence à trois, que madame Sandoz a vécu ses der-
nières années [itô]. {LŒuvrc.)
Sandoz (Pierre). — Un grand romancier, dont la jeunesse
s'est écoulée à PJassans. Au collège, Claude Lanlier, Dubuche
et lui étaient les trois inséparables; ils ont usé ensemble, en
iSO LES PERSONNAGES
huitième, leur première culotte. Hors du collège, Dubuche,
qui était pensionnaire, ne se joignait aux deux autres que les
jours de vacances. Claude et Pierre, eux, ont été sauvés de
reugourdisscment du milieu par leur amour des grandes
marches à des lieues de Plassahs, parla fringale de lecture qui
les a entraînés vers la passion et les larmes de Musset après le
décor énorme dllugo, par leur dédain des joies provinciales,
de la partie de dominos sans cesse recommencée, de la même
promenade à la même heure sur la même avenue; ils ont
même banni la femme, érigeant leurs timidités en une austérité
de gamins supérieurs [12]. A Paris, Sandoz, employé à la mairie
du cin|uième arrondissement, bureau des naissances, gagne
cent cinquante francs par mois; il est cloué là par la nécessité
de nourrir sa mère, qu*ii aime tendrement.
A vinj;t-deux ans, il est très brun, il a la tête ronde et volon-
taire, le nez carré, les yeux doux, dans un masque énergique,
encadré d'un collier de barbe naissante [31]. Hanté de gloire
lillérnire, il public un premier livre, suite d*esquisses aimables,
rap[>orl(''es de Plassans, parmi lesquelles, ça et là, quelques
notes plus rudes indiquent le révolté, le passionné de vérité
et de puissance. 11 habite, rue d'Enfer, un petit logement du
quatrième, dont les fenêtres donnent sur le vaste jardin des
Sourds-Muets, dominé par la tête arrondie d'un grajid arbre et
le clocher carré de Saint-Jacques-du-llaut-Pas. C'est là qu'il
reçoit chaque jeudi ses condisciples de Plassans, Claude,
Dubuche et avec eux Fagerolles, Mahoudeau, Jorj-, Gagnière,
retrouvés à Paris, tous animés de la mètiie passion de Part;
le grand peintre Bongrand vient parfois se réchauffer à cette
jeunesse. iMôme aux heures de misère, Sandoz a toujours un
pot-au-feu à partager avec les camarades; ce sont des dîners
simples, de longues soirées, arrosées de thé; cela l'enchante
d'être en bande, tous amis, tous vivant de la même idée. Bien
«ju'il soit de leur âge, une paternité Tépanouil, une bonhomie
heureuse, quand il les voit chez lui, autour de lui, la main
dans la main, ivres d'espoir [90]. .\ cette heure de leur vie, la
sève fermente en eux; ils débordent de dévouement, ils recom-
mencent l'éternel rêve de s'enrégimenter pour la conquête de
la terre, chacun donnant son effort, celui-ci poussant celui-là,
la bande arrivant d'un bloc, sur le même rang; c'est la belle
folie des vingt ans, le dédain du monde entier, la seule
passion de l'œuvre, dégagée des infirniiiés humaines [1Û8].
Ayant soif de besognes géantes, Sandoz conçoit le projet d'une
DES UOCGON-MACOUAUT 431
genèse lîe l'univers, en trois phases, dont la dernière, l'avenir,
le refroiilit par ses hypothèses hasardeuses. Il cherche un cadre
plus re>sen*é, plus humain, où il fera tenir pourtant sa vaste
ambition; né nu confluent d*IIogo et tJe fialiac, s'eiforçant
d'échapper ù l'influence romaniifjue, il rêve dVtudier Tboinme
tel qu'il est, riioiniiie physiologique déterminé par le milieu,
a^'issaut sous le jeu de tous ses organes; les métajihysiciens le
révoltent, il n'admet pas qu'on se cantonne dans Tétude con-
tinue et exclusive de la fonction du cerveau, sous Je prétexte
i| le le cerveau est Torgane noble, comme si la pensée n*était
p:s le produit du corps entier; puisijue le mécanisme de
j'hoiume aboutit à la somme totale de ses fonctions, puisque la
physiologie et la psychologie se sont pénétrées, ces idées nou-
vt.lltà al»jutisseut nécessairement à un nouvel art, à une littéra-
ture neuve qui doit germer dans le prochain siècle de science
et de dé'.nocralie. Et Sandoz trouve le coiu cherché : il prend
une famille, il en étudie les membres, un à un, d*où ils
viennent, où ils vont, comment ils réagissent ks uns sur les
autres; enlin ur.c humanité en petit, la façon dont Thumanilé
pousse et se comporte ; d*autre part, il met ses bonshommes dans
un(* période historique déterminée, ce qui lui donne le milieu
61 les circonstances, un morceau d'histoire; ce sera une série
(le l)OU'|uins, quinze, vingt bouquins, des épisodes qui se
tiendront, tout en ayant chacun un cadre à part, une suite de
romans à se bâtir une maison pour ses vieux jours, s'ils ne
l'écrasent pas. Et la force première de son œuvre, le moyen et
le but, ce sera la terre, mère commune, unique source de la
vie, rét'.rnelle terre où circule Tàme du monde, où toutes les
choses s'animent du souffle de tous les êtres [-H].
11 a donné sa démission d employé, il se lance dans le jour-
nalisine et organise bourgeoisement sa vie. Pour lui, le maringe
est la condition même du bon travail, de la besogne réglée et
5 li'le, pour les grands producteurs modernes; tout dépend du
clioix, et il a trouvé dans Henriette celle qu'il cherchait. 11 veut
i'.'xiitence à trois, entre sa femme et sa mère, il se sent les
leins ai:fez forts pour nourrir tout son monde. Le niéinge s'est
installé rue Nullet, au fond des Datiguuiles, dans un petit
f avillon en contre-bas, au delà de trois cours, une petite
i:.aison Je travail et d'espoir, égayée déjà d'un commenc 'ment
d" hieii-ètre et de luxe. Le premier roman de la série a paru.
i; a été accueilli par un hurlement de la critique; et Sam.'uz
s'élonne seulement de la profonde inintelligence de ces gaillarde,
i3-2 LES PERSONNAGES
dont les articles bâclés sur des coins de bureau le cou^Teut
de bouc, sans paraître soupçonner la moindre de ses intentions;
nu lieu de comprendre ses audaces, on lui prête des saletés
imbéciles, tout se trouve jeté dans le baquet aux injures: son
étude nouvelle de Tbomme pbysiologique, ie rôle tout-puissant
rendu aux milieux, la vaste nature éternellement en création,
la vie enOn, la vio totale, universelle, qui va d*un bout de Tani-
malité à Tautrc, sans baut ni bas, sans beauté ni laideur; et
les audaces de jaugeage, la conviction que tout doit se dire, qu*il
y a des mots abominables nécessaires comme des fers rouges,
qu^une langrue sort enricliie de ces bains de force; et surtout
Tacte sexuel, Turigine et Tacbévemenl continu du monde, tiré
de la bonté où on le cache, remis dans sa gloire, sous le soleil.
Dans cette meute aboyante, il va plus de niais que de mécbants;
leur meilleure invention est d'accuser Sandoz d'orgueil, alors
qu'il écrit dans le tourment, que Tiroperfection de son œuvre
le poursuit jusque dans le sommeil et qu'il ne relit jamais ses
pages de la veille, craignant de les trouver trop exécrables pour
trouver ensuite la force de travailler [250].
Il a gardé ses jeudis, qui datent de la sortie du collège, au
temps des premières pipes; Henriette est un camarade de plus;
si les humbles menus de la rue d'Enfer ont fait place à de la
bonne cuisine, ce sont bien toujours les mêmes amis, autour de
la table. Mais on les sent transformés, Mahoudeau aigri de mi-
sère, Jory enfoncé dans sa jouissance, Gagnière plus lointain
qu'autrefois, détaché ailleurs, Fagerolles dégageant du froid
malgré sa cordialité, Dubucbe plein de sa nouvelle impor-
tance, Claude enfin, le chef accepté du début, ravagé aujourd'hui
d'incertitude. Des vides paraissent se faire entre eux, la bataille
conmience, chaque aflfamé donne son coup de dent. Et Sandoz
seul n'a pas bougé, aussi entêté dans ses habitudes de cœur
que dans ses habitudes de travail, immobilisé par un rôve d'é-,
icniclle amitié, des jeulis pareils se succédant à l'infini, jus-
qu'aux derniers lointains deTâge, tous éternellement ensemble,
tous partis à la même heure et arrivés à la même victoire [251].
Dans la lente rupture qui s'aggrave entre Claude et ses amis,
Sandoz reste lidôle au peintre, tombé dans la misère et la déses-
pérance; il vient rue Tourlaque pour le petit Jacques-Louis, son
lilleul, pour la triste Christine aussi, dont le visage de passion
le remue profondément, comme une de ces visions de grandes
amoureuses qu'il voudrait faire passer dans ses livres ; et surtout,
sa fraternité d'artiste augmente, depuis qu'il voit Claude perdre
DES ROUCON-MACQUAUT 433
pied, sombrer au fond de là folie héroïque de Tart [313]. Lui
aussi connait la lutte, il supporte gaillardement les attaques et
ignore le besoin peu fier de se créer des sympathies; Tinsulte
lui parait saine, c'e^t une mâle école que Timpopularité, rien
ne vaut, pour vous entretenir en souplesse et en force, la huée
des imbéciles. Il suffit de se dire qu'on a donné sa vie à une
œuvre, qu'on iraltend ni justice immédiate, ni même examen
sérieux, qu'on travaille enfin sans espoir d'aucune sorte, uni-
quement parce que le travail bat sous votre peau comme le
cœur, en dehors de la voloulé, et Ton arrive très bien à en
mourir, avec riUusion consolante qu'on sera aimé un jour
L'n brus({ue succès se déclare dans la vente jusque-là pénible
de ses livres; le ménage, comblé de cette richesse, s'installe
dans un vaste appartement de la rue de Londres, où le romancier
contente d'anciens désirs de jeunesse, des ambitions roman-
tiques, nées jadis de ses premières lectures, si bien que cet
écrivain, si farouchement moderne, se loge dans un moyen
ùge veriiioulu [13G]. Sa mère est morte, toute son existence a
été bouleversée, seules les réunions d'autrefois continuent,
iDoius réi:iiliêres, toujours fermées, les Sandoz ne racolant pas
Je clieiits littéraires et ne muselant pas la presse à coups d'invi-
lalions. Ce sont maintenant des dîners fins, agrémentés de
curiosit^'S .ïaslrononnques. Mais les vieilles amitiés de la bande
n'en sont {)liis à la fissure, à la fente à peine sensible que
San Joz n'apercevait i»as, dans ses jeudis de la rue Nollet; ce
n'est plus l'ennui vague, la satiété somnolente qui attristait
parfois les anciennes soirées; c'est maintenant la férocité dans
la lutte, un besoin de détruire. Mahoudeau et Gagnière
dévorent Fa^'erolles, celui-ci a depuis longtemps tiré un
égoïste prùlli lie la haine qu'inspire la bande, le lamentable
Uubuclie il raié sa vie, Jory arrivé ne donne jamais un coup
de main au\ ciuiarades, et ils ne sont tous d'accord que contre
Claude, contre ce grand enfant d'artiste qu'ils accusent de les
avoir expluiiés. C'est le sauve-qui-peut, les derniers liens qui
se roni|>eiiu<lans la stupeur de se voir tout d'un coup étrangers
et enne.iiis. ai-ré.- une longue jeunesse de Irateniilé. La vie
les a dé.'iaiidt'S en chemin, les profondes dissemblances appa-
raissent, il n»- leur reste à la gorge que l'aniertume de leur
ancien rêve •îilliousiasle, cet espoir de bataille et de victoire
eût»' à cûl<;, .1 li maintenant aggrave leur rancune [iiV»).
El Saiilvz vjit fuir sa chimère d'élernellc amitié [iôj]. C'est
37
431 LES PEUSONNAGES
la fin de la longue illusion qui lui a fait mettre le bonheur
dans quelques amitiés choisies dès Tenfance, puis goûtées
jusqu'à l'cxtrcMne vieillesse. Et devant rinconsistance des
hommes, des doules lui viennent sur l'enquête des siècles à
venir; on se console d'être injurié, nié. on compte sur la justice
de la postérité, on est comme le fidèle qui supporte l'abomi-
nation de celle terre, dans la ferme croyance à une autre vie, où
chacun sera traité selon ses mérites; mais peut-être n'y aura-t-il
pas plus de paradis pour l'artiste que pour le catholique, les
générations futures se tromperont comme la nôtre, continuant
le malentendu, préférant aux œuvres puissantes les petites
bêtises aimables [13-].
Ce qui le réconforte, c'est de croire que nous marchons à la
raison et à la solidité de la science. On ne s'est jamais tant
querellé, on n'y a jamais vu moins net, et c'était futai ; ce siècle
qui a fait déjà tant de clarté, devait s'achever sous la menace
d'un nouveau Ûot de ténèbres, cet excès d'activité et d'orgueil
devait nous rejeter au doute; on a trop promis, on a trop
espéré, on a attendu la conijuéte et l'explication de tout, et
rim)iatience gronde, le pessimisme tord les entrailles, le mysti-
cisme embrume les cervelles; c'est une faillite du siècle, une
conviiWion dernière du vieil effarement religieux, l'impuissante
révolte du surnaturel sous les grands coups de lumière de
l'analyse, une courte halte de fatigue et d'angoisse. £t devant
la tombe de Claude Lantier, creusée dans la froide banlieue de
Saint-Ouen, en ce plat cimetière de Cayenne où pas une tombe
ne parle d'orgueil ni d'éternité, Pierre Saudoz, encore aveuglé
par les larmes, secoue son désespoir, et, n'attendant ni bonne
foi ni justice, retourne au travail, unique source d'énergie et
de joie. {UŒuvrc.)
Sandoz (M.\dame Pierre). — Une orpheline, la simple fille
de petits comiuerçants sans un sou, mais belle, intelli-
gente ['208]. Porte le prénom d'Henriette. Grande, le vidage
cabne et gai, avec de beaux cheveux bruns. S'occupe de la
cuisine, e>t lière de certains de ses plats ['219]. C'est elle qui»
maintenant, les soirs de réception, va faire sans bruit des
visites discrètes et souriantes à In nit*re du romancier [-G0].
Lorsijue, plus tard, le ménaj^e s'installe dans un vaste appar-
leineiil delà rue de Londres, Henriette a tout un petit [►ersonnel
à diii;;er, et, si elle ne fait plus le> plats elle-même, elle
continue à tenir la maison sur uu pied de chère trèa délicate.
DES ROUGON-MACQUAUT 4:>5
p&r teiidrrsse pour son mari, dont la gourmandise est 1c seul
vice [i:î5\ {L'OEnvre.)
Sanquirino (Duchesse). — Dame de l'aristocratie italienne,
installée à Pans. Elle a fourni au ministre Rougfon les (ilus
déploralnt^s renseignements sur la comtesse Dalbi et sa iillc
Clorinde J3:ij. (Son Excellence Eugène Bougon.)
Sans-Pouce. — L*un des chauffeurs de la bande du Itcnu-
François [67J. {La Terre.)
Sapin. — Sergent au lOG* de ligne (compagnie Beau^îoin).
Homme menu et pincé, aux grands yeux \agues,à1a voix grêle.
Fils de peiiis épiciers de ÎAon. Gâté par sa mère qu'il a perdue,
n'ayant p'i s'entendre avec son pore, il est resté au régiment,
dégoûté de tout, sans vouloir se laisser racheter. Puis, pendant
un congé, il s'est rois d'accord avec une de ses cousines, se
reprenant à Texistence, faisant l'heureux projet de tenir un
roininerc". grâce aux quelques sous que la demoiselle doit
apporter. Il a de l'instruction, récriture, l'orthographe, le
calcul: <]»'f»uis un an, il ne vil plus que pour la joie de cet
av»nir. M is, dr-s l'arrivée à Sedan, il a lu son malheur à
l'horizon de cette ville inconnue [179], il est sûr d'èire tué le
lenleinaia. El ie 1" septembre, sur le plateau de l'Algérie,
pKin «Je son idée fixe, répétant d'un air calme qu'il va être tué,
le scrgeiit .Sapin a le ventre ouvert par un obus qu'il a vu venir
trop tard, pour l'éviter; il dit simplement : < Ah voilà! > et sa
petite ligure, aux grands yeux bleus, n'est que profondément
triple, sans terreur [2 In]. (La Débâcle,)
Sapin (La). — Vieille sorcière de Magnolles. Pratique l'a-
vortemen! et enseigne des moyens magi((ues pour supprimer
le> grossesses [-iiâ], {La Terre.)
Sarriet (Madvmc). — Sœur de madame Lecœur et de ma-
dame Gav. rd. Mère de la Sarriette. Elle a envoyé un jour sa
fille à jnn hme Lecœur, sans plus s'en occuper [76]. {Le Ventre
de Pari^.)
Sarriette (La). — Nièce de madame Lecœur et de feue
mn.lnme «iavnrd. Marchande de fruits aux Halles. Adorable
j'Cîite f<-h::Me brune, à voix douce et lente, riant toujours,
montrant -es dents; elle a un fichu rouge mal attaché qui
laisse voir une ligne blanche de sa gorge au milieu [16].
Envoyée de la campagne par sa mère, madame Sarriet, elle a
grandi pr ■- .le ?n tante Lecœur, au milieu des Halles [76].
430 LtS PKIîSONNAGLS
PopulîuitTe, avec son visaj^'e |»ii!*î de vierge i»rune, elle a
dt'dai{:nê les messieurs qui veiuiienl acheter dos fromages
uni«nMMiienl pour Ja voir, et elle a choisi le. beau Jules, un
porleur des Halles, qui, ayant ainsi la chance de posséder une
petite ienime qui travaille pour deux, se livre aux douceurs de
roisivelt*. Ils habitent ensemble rue Vauvilliers. Les aventureî^
de Gavard font cesser une brouille survenue entre la nièce et
la tante, mais pendant que celle-ci prend la vie au iraprique,
l'aniic de Jules reste amusée de tout, ravie devant les affolants
j»otins de la Sapet [280]. Pris dans une souricière de police,
sous les yeux de «a nièce qui pourrait le sauver d'un mot,
Gavard lui a remis une clé de son apparlement, raulorisant à
prendre Tor si elle brûle les papiers politiques. L'insouciante
Sarriette, dominée par sa tante, partage avec elle les dix mille
francs de Parmoire et néglige de faire disparaître les pamphlets
ei caricatures, qui vont être contre Gavard une charge écra-
sante [3i5J. {Le Ventre de Paris,)
Sarteur. — Ouvrier chapelier à Plassans. Petit, très brun,
le Iront fuyani, la face en bec d'oiseau, avec un grand nez et
un menton très court, la joue gauclie sensiblemenî plus grosse
que la droite. C'est un impulsif, enfermé à l'Asile d'aliénés des
Tulettes, où lui-même était venu supplier qu'on rinlernût pour
lui éviter un crime [78]. Soigné par le docteur Pascal, qui lui
fait lies piqûres de substance nerveuse, Sarteur sort guéri de
l'AsilL-, il est maintenant d'une raison et d'une douceur par-
faites [^\\], Mais quelques mois après, repris par un accès et
gardant assez de lucidité pour lutter encore contre la folie
lioiiiicfdt', Sarteur se pend, changeant ainsi son besoin de
meurtre en suicide [320]. {Le Docteur Pascal.)
Satin. — Une amie d'enfance de Nana; allait avec elle à la
pension de mademoiselle Josse, rue Polonceau. A «lix-huit ans,
c'est une rouleuse de bou'evard. Sous les frisures naturelles
de ses beaux cheveux cendrés, elle a une fi^rure de vierge, aux
yeux de velours, doux et candides [30]. Satin a débuté au
quartier latin et habite maintenant rue La llochefoucauld. Elle
est >i voyou qu'on s'amuse à la faire causer. L'argent la laisse
indilTcrenle; quand elle a un béguin, elle s'en fait crever [273].
Les gins rhics la dégoûtent; aux avances du marquis de
Cliouaid, elle répond en allant rejoindre un anci»'n à elle, un
pâtissier, qui lui a déjà donné toute une semaine d'amour et de
gilles [177]. Longtemps, tdle a couché avec un inspecteur des
DES nul'i;OX-MACQUAliT 437
mœurs pour que la police la laissât tranquille; à deux reprises,
il avait empèclié qu*on ne la mit en carte. Elle finit par se
laisser surprendre dans un petit hôlel meublé de la rue de
Laval et Nana, qui était avec elle, réussit à se sauver [303].
Satin fré:{ueii(e la table d'bôle de Laure Piédefer; c*est elle
qui initie Nana aux plaisirs des habituées et dès lors, Nana y
prend goût, Salin devient son vice, s'installant chez elle,
lâchant en sa faveur madame Robert iit peu a peu régentant
toute la maison. Disparue dans une foucade, elle va mourir à
Lariboisière [500]. {Nana.)
Saucisse (Le père). — Vieux paysan de Rognes. On dit
que c est un des anciens amoureux de la Grande [391]. Il ne
possède qu'un arpent de terre et a su se faii*e une rente viagère
de quinze sous par jour en vendant son bien au père Fouan.
Pour duper le vieux, il a feint d'être très malade [336]. Plus
tard^, terrorisé par Duteau, il consent à rompre Tengrigement
et reuibours*^ niènic la moitié des sommes acquises. El il se
lait, par une vanité de gueux, qui ne veut pas avoir été roulé
à son tour [^'10]. (La Terre.)
Sauvagnat. — Dn ami de Pluchart. Habite Marcbiennes
[^75]. {Geruthial )
Sauvagnat. — Chef de dépôt à la gare du Havre. Occupe
près du dèfiù! des machines une petite maison que sa sœur tient
fort salement. Auvergnat, têtu, très sévère sur la discipline,
très estimé d'i ses chefs, il a eu les plus gros ennuis au sujet
de Philomène, jusqu*au point d'être menacé de renvoi. Si,
maintenant, on la tolère à cause de lui, il ne s*obsline lui-
même à la garder que par esprit de famille, ce qui ne l'eni-
péche pas. lorsqu'il la surprend, avec un homme, de la rouer
de couj'S, si rudtruient qu'il la laisse sur le carreau [81]. {La
Bi'tc hinii'jiu..)
Sauvagnat (PiiiLOMÉNE). — Sœur du chef de dépôt. Cest
une gruinie 1' mine sèche, encore jeune pour ses trente-deux
ans., aiîi-^nleuje, io poitrine plate, la chair brûlée de continuels
désirs: •il'.* a la t»ite lon;îue, aux yeux llambants, dune ca\ale
maigre et lier.nissante. On l'accuse de boire. Tous les hommes
lie la ?are nui di'filé chez elle. Fuis, il v a eu entre Pliilomène
et le clinutleu:' IVci^ueux une vraie rencontre: elle, assouvie
enfin, au bras de ce grand diable rigoleur; lui, changé de sa
femme trop grasse [81]. Longtemps, elle a été en mauvais
37.
4:î8 les personnages
termes avec Séverine Rouhaud, contre qui elle soutenait les
j.rélenlions de madame Leideu. Mais IVcqueux, pour être
agréa))le à son inécanicien,afait cesser la brouille; F^liilomène,
mêlée à l\imoiir de Séverine et de Jacques Lantier, s'est éprise
de celui-ci, elle s'est frottée ù lui comme une maigre chatte
amoureuse el a fini par Tavoir [379], excitant en Pecqueux une
jalousie saugruinaire [413]. (La Béte humaine)
Sauveur (Madame). — Grande couturière qui habille
madame Desforges. Elle guelte les occasions du Bonheur des
Dames, fait des provisions considérables à chaque exposition, et
les écoule en doublant et en triplant les prix [06]. (.Au Bonheur
tics Dames.)
Sauvigny (de). — Juge au Grand Prix de Paris [400]
{Xana,}
Schlosser. — Spéculateur affiché ù la Bourse. Était seeré-
temeiil associé avec Sabalani, tous deux jouant le jeu connu,
l'un à la hausse, l'autre à la baisse sur une même valeur, celui
qui perd en étant quille pour disparaître après avoir reçu sa
part du hénélice de l'autre [10]. (L'Argent,)
Sédille. — Fabricant de soieries, rue des Jeûneurs. A des
aieliors à Lyon. Face grasse, gros favoris blonds. Vient enfin
(le faire de son commerce de soies un des plus connus et des
plus solides de Paris, lorsqu'à la suite d'un incident de hasard,
la passion du jeu se déclare el se propage en lui, avec la vio-
lence destructive d'un incendie. 11 regrelte d'avoir donné trente
ans (le sa vie pour gagner un pauvre million, lorsque, en une
heure, par une simple opération de Bourse, on peut conquérir la
fortune. Il s'est peu à peu désintéressé de sa maison qui marche
par la force acquise, il ne vil plus que dans l'espoir d'un coup
d'acrio triomphant. Puis, lorsqu'après deux gains considérables,
la déveine est venue, persistante, il engloutit là tous les béné-
fices de son coininerce. C'est un joueur s'ans negme,sans philo-
so[)lne, vivant dans le remords, toujours espérant, toujours
ahatiu, malade d'incerlilude, cl cela j»arce rju'il reste honnête
au fond [lUNj. Daigremont le met dans la Banque L'iiiverselie,
il fait p iriie du conseil d'administration, son sort est bientôt
lié à Cl lui d«' Saccard et, au jour de la catastrophe, Sédille
foudioy.', .Jéiliu, incapable el indigne de reprendre les alfaircs,
est déclaré en faillite [oOi]. [LWrfjcni.)
Sédille ^Gi sTAv:.). — Fils du fabricant. Grand garçon élé-
DES ROUGON-MACQUAHT 43'J
gnntjtrês lancé, pourvu d'argent. Il a été placé chez l'agent de
clmnge Mazaud, pour étudier le mécanisme des affaires finan-
citTcs, et il prend à Taise son emploi, en simple amateur qu'on ne
paye pas. résigné à passer là un an ou deux pour faire plaisir
à son ptTC [8i]. Distingué par la petite madame Conin [11*^],
amant d-; Germaine Cœur qui lui coûte cher [316], Gustave
Sê'iille est une âme de joie et de fête, apportant les dents
blanches des fils de parvenus; bonnes seulement à croquer les
fortunes faites [108]. A la débâcle paternelle, il se trouve
co.nproc.is dans une vilaine histoire de billets ; la misère fera
peul-ètr^ de lui un escroc [394]. (f^' Argent,)
Sicardot. — Père d'Angèle Sicardot, beau-père d'Aristide
Hougon. <'/est un vieux capitaine retraité, qu'on appelle le
commaninnt Sicardot. Taillé en hercule, le visage rouge
brique, couturé, planté de bouquets gris, il compte parmi les
plus glorieuses ganaches de la grande armée [93]. Il s'est
retiré à Pla>saiis et a marié, en 1836, sa lille Angèle avec
Aristide Rougon, en lui donnant une dot de dix mille francs,
toutes s. -s économies [76]. Ce vieux soldat de Napoléon, plein
(le droit :re et il*êncrgie, toujours prêt à foncer sur les pertur-
Lc.leur.-. est l'un des familiers du salon de Pierre Piougon ;
i! y roîiéstMiie l'élément bonapartiste. Devenu chef de la
G:rde : 'itionale, il se charge de maintenir l'ordre [120]. Mais
PU COU]' d'État, chef sans troupe, il est pris par les insurgés et
é.nmenv avec les autres autorités de la ville [187]; quand il
r-vient à Plassans, il trouve Pierre en pleine apothéose.
D'ahoni ennuyé de n'être plus le seul homme décoré de la
Imnde, il s'échauffe sur le courage déployé par Rougon, le
ù'^core ie S'is mains loyales et, réconcilié du même coup avec
son jjcu ire Aristide, il fournil à cet ancien démagogue les fonds
ii-ressaires pour aller chercher fortune à Paris [37*2]. (Im
F'trtKn: (les llouffon.)
Sicardot. — A son arrivée à Paris, en 1851, Aristide
I.ou^'o:. a |tri> d'altord ce nom, qui est celui de sa femme. Il a
L.<l»iif une huitaine de jours, rue de la Harpe, dans une
•.iiaml)!'- que sous-louail une dame, el ce n'est qu'après ce
.ûurl ï-.iûur qu'il est allé rue Saint-Jacques. Aristide a signé
•îu no::: d».' Sicardot les six cents francs de billets souscrits à la
mère ii-^ lio^aiie «liiavaille [31]. iV Argent.)
-I.l» LES !'KKSO>NAr.KS
Sicardot (Axgèlk) (1). — Femme dWrislide Rougon,
dil SaccarJ. More de Maxime el de Clolilde. Mari«>c en 1836,
c'est une bloutle molle et placide, avec nn goùl prononcé pour
les toilelles voyantes; elle a un appétit formidable, très curieux
chez u!ie créature aussi frêle [70]. Elle adore les romans,
ralloie des histoires de nourrice, se fait faire les caries et con-
sulte volontiers les somnambules. Dominée par son mari,
An((èle vit très eiïacée et meurt presque de faim pendant
(]uel(]ue ttMups (78). Après le coup d*htat, Aristide Temmène
à Paris [372J. (La Fortune des Rougon.)
Son mari Tinstallc dans un étroit loçrement do la rue Sainl-
.lacques. comme un meuble gênant dont il a bâte de se débar-
rasser. Elle vit là, entre sa cbére fillette Clotilde et son mari,
acceptant la misère avec la mollesse d*une femme chlorotiqut
[51 )J. Au moment où elle va devenir une frêne insurmontable
pour Arisiide, elle est emportée par un cbaud et froid. F*endanl
«lu'elle râle, Sidonie Itougon, pres^ée d'apir, maquignonne déjà
avec Aristide un second mariage; leur honteuse uégociation,
surprise par .\ngèle, emplit d'épouvante cette nature inofîensive,
qui enirexoit à la dernière heure les infamies de ce monde
el n'a d'ailleurs que des pensées de pardon [75]. {La Curée)
Simon (La MÊriE}. — Vieille femme de ménage des Roubaud
(173). {La Bi'tc humaine,)
Simonnot. — Épicier à lîaucourt. Après la bataille de
lieaumont, les liavarois, en marche vers le nord, traversent
liaucourt où il ne reste rien à manger, depuis quarante-huit
lieurcs que passent les troupes de Mac-Mahon. Et comme les
envaliisseiirs crèvent de faim, les yeux hors de la tête, à moitié
fous, ils enfoncent les portes el les fenêtres, s'acharnent à tout
démolir, parce qu'ils croient qu'on leur reluse la nourriture.
Clie/ Simonnot, ils puisent avec leur casque dans un tonneau
(ie mélasse, d'autres mordent dans des morceaux de lard cru,
l'auires mâchent de la farine [1G7]. (La Débâcle,)
Simpson. — .Attaché à l'ambassade américaine. A rem-
placé le duc de Piozan comme amant de Renée Saccard, a failli
l>âltre celle-ci el doit à cela d'être resté plus d'un an avec
'Il Augrie Sicanlof, calme el lèveuy*; fille i/'w?} V'>mma)ulanlf
nidiiC'' en ISiH à Aristide llouyon, dil SitccanL 'Arbre fjniétdofjique
'/cn riOU'jOii'Miicquart.)
i
UES UOUGON-MACQUART 411
elle [i:*t't]. Ost un froid humoriste, plein d'iinaginntious fan-
tasques et niaiicieuses [302]. {La Curée.)
Sivry (IiLANCIIE de). — De son vrai nom Jacqueline
BnuJu. Originaire (Pun village près «rAmiens. Ctsi une grosse
fille Llo::!e liont le joli visage s'empûle [9], une magni-
fique )> 'r>on!ie, bête et menteuse, qui se dit potite-fille d'un
général et n'avoue pas ses trente-deux ans. Elle est très goûtée
des Russes, à cause de son embonpoint [Ht]. Blanche de
Sirr}' rst indignée au moment de la guerre, parce qu'on a
expulsé S'jiï peiil Prussien» un garçon 1res riche, très doux,
incapaldé «le faire du mal à personne. Elle crie à la rume. Si
on rembéte. elle ira le retrouver en Allemagne [519]. (Sana.)
Snielten. — Boulanger & Montsou. Fait crédit pendant
quelque temps aux grévistes, pour tâcher de reconquérir la
clientéie attirée par Maigrat [^^^î]- (Germinal,)
Smithson (Mademoiselle). — Gouvernante anglaise chez
les Deberle [iC]. {Une Page d'Amour.)
Sonneville. — Usinier à Marchiennes. Forte crise pen-
dant }:. ^TÔve des mineurs de Montsou [i2o]. {Germinal.)
1 ' Sophie. — Ouvrière fteuriste chez Titrevillc. Petite per-
sonne ;.'r;.S5e [403], {LAssommoir.)
Sophie. — Ancienne femnic de chambre de la duchesse de
Conib viiio. A élevé la princesse d'Orviedo et est restée seule
avec c'ile. lorsque la princesse a quitté le monde [-18]. Se
retire ]>!us tard dans son pays, du côté d*Angouléme, avec
une r»:ïte de deux mille francs [i05]. {L'Argent.)
Sophie. — Fille de Guiraude. Prédestinée à la phtisie par
héré'iît»}, elle est sauvée, grâce au docteur Pascal, qui l'envoie
chez vr.\r tante à la campagne, la faisant pousser en plein
soleil ['*!]. Pen lant que son frère Valeutin s'étiole et meurt
dans \^ ]o'^\- maternel, à Plassans, Sophie, loin de la contajxion
du niilic.i.a pris de la chair; elle est d^aplombsur ses jambes,
elle a 1l> joues remplies, les cheveux abondants [53]. A dix-
sept a:i5. on la marie avec un garçon meunier des environs
[-213]. iL D tci'^nr Pnscal)
Sophie Tourne de Toeil. — La dernière bonne amie des
pocli.".tl< [5 .S]. { LAssommoir.)
Soûlas. — Le vieux berger de la Borderie, où il sert depuis
un d-'îii-siècle. Très grand, très maigre, visage long coupé de
I
I
4ie LES PEliSONN.Vr.tS
plis, comme taillé a la serpe dans un nœud do cliéne [OG], sous
l'eminêlemenl de ses cheveux dcleiuls, couleur de terre [i85].
A soixante-cinq ans, il n*a rien amassé, mangé par sa femme,
ivrognesse et câlin, qu'il vient enfin d'avoir la joie de porter
en terre. Toujours droit, résistant et noueux ainsi qu'un bâton
d'épine, n'ayant «jue deux camarades, ses chiens Empereur et
Massacre, il s'est lait une ennemie de Jacqueline Cognet, qu'il
ext'cre, d'une haine d'ancien serviteur jaloux, révolté par la
rapide fortune de celle dernière venue. Il évite tout conflit et
se lait dans la peur d'être jeté dehors comme une vieille bête
iniiruïe [-S7]. Mais la Cognclle, lasse de le voir toujours entre
elle et ses amants, finit par le faire congédier et alors il dit
loutau maître Alexandre llourdequin [483]. (La Terre.)
Sourdeau. — Un rehouteur de Piazoches-le-Doven, bon
égalemenl pour les blessures. Il dit des paroles et referme les
plaies, rien qu'en soufflant dessus [4."i5]. (La Terre,)
Souvarine. — Machineur à la fosse du Voreux, logé chez
Piasseneur. Il est Russe. C'est le dernier-né d'une famille noble
du gouvernement de Toula. \ Saint-Pétersbourg, où il faisait
sa n)édecine, la passion socialiste l'a décidé à apprendre un
métier manuel, celui de mécanicien, pour se mêler au peuple,
le connaître et l'aider en frère. C'est de ce métier qu'il vil
maintenant, après s'être enfui à la suite d'un attentai contre la
vie de l'empereur ; pendant un mois, il a vécu dans la cave
d'un fruitier, creusant une mine au travers de la rue, chargeant
des bombes sous la continuelle menace de sauter avec la
maison fl5G]. Une fois déjà, il avait failli être pris dans une
autre alTixire, une explosion sous ia voie ferrée; plusieurs
conjurés et sa maîtresse Aunouchka avaient été pendus sous ses
yeux [509]. Pienié par sa famille, sans argent, mis comme
ctninger à l'index des ateliers français qui voient en lui un
espion, il allait mourir de faim lorsque la Compagnie de
Montsou l'a embauché, dans une heure de presse. Depuis un
nn, il travaille là en bon ouvrier, sobre, silencieux, faisant une
semaine le service de jour et une semaine le service de nuit, si
exact que les chefs le citent en exemple [156].
Agé d'une trenlaine d'années, il est élancé, blond, avec une
ligure fine encadrée de grands cheveux el d'une barbe légère;
ses doiils hlanclies cl pointues, sa bouche el son nez minces, le
rose de son teint, lui donnent un air de lille, un air de douceur
oiilrtce, que le rclîel gris de ses yeux d'acier eiisuuvage par
DES ROUGON-MACQUÀRT 413
éclairs. Dans sa chambre d'ouvrier pauvre, il n*y a qu'une
caisse do }iapiers et de livres. Pour lui, la femme est un garçon,
un caui.iraJe, quand elle a la fraternité et le courage d*un
homme; autrement, à quoi bon se mettre au cœur une lâcheté
possible? Ni femme, ni ami, il ne veut aucun lien, il est libre
de son sang et du sang des autres. II ne boit jamais, il fume
d'éternelles cigarettes, il vit dans Testaminet de Rasseneur,
aimant avoir sur ses genoux un lapin familier, grosse mère
toujours pleine, qu'il appelle Pologne; et chaque jour, sans se
lasser, d'un geste inconscient, il caresse cette bêle, il passe la
main sur la soie grise de son poil, Tair calmé par la douceur
tiède et vivante qui s'en dégage.
La théorie poh'tique et sociale de Souvarine est celle de la
dcstnictioM, le feu aux quatre coins des villes, les lations
fauchée^, ne moiide anéanti pour qu'il en repousse un meilleur;
il faut qu'une série d'effroyables attentats épouvante les
puissants el réveille le peuple [-72] ; tous les raisonne-
ment? sur l'avenir sont criminels, parce qu'ils empêchent la
destrutiion pure et entravent la marche de la révolution [273].
C'est avec un air de ferveur religieuse qu'il parle de Bakou-
nine r«'.\lerminateur, qui va prendre en main l'Internationale
e(. nv !iit trois ans, écrasera le vieux monde. En attendant, il
hausse Ils épaules devant les palliatifs du socialisme : béiise
la croyance en Tamélioration possible des salaires, bôtises les
sociéi-rs toopératives, bêtises les grèves [198], bêtise aussi
l'aciion lies masses se jetant vers les puits pour arrêter le
travail ; deux gaillards résolus font plus de besogne qu'une
foule [-îôT]. H a le mépris des beaux parleurs, des gaillards
qui entrent dans la politique comme on entre au barreau, pour
y gagner des rentes, à coups de phrases; il s'irrite contre ces
ouvri-rs dont la haine des bourgeois vient uniquement du
besoiîi enrcp^é d'être des bourgeois à leur place; il voudrait
auéaLtir ct'lie race de poltrons et de jouisseurs [-153].
Et qu ind le troupeau vaincu reprend le chemin de la fosse,
ce Souv;i:ine qui avait eu de grosses larmes devant sa lapine
Poio-!!^ mise en ragoût, décide froidement de supprimer le
VoreMx ♦î tjiil ce qu'jl contient, clioses, bêtes et hommes, en y
]»:c -i. iicMit les eaux d'une untv souterraine. Il accomplit celle
Oruvrc u,' l-niérilé foile, dans une fureur de deslruclion où il
ri^'ju ^;n;:t fois sa vie. Et lorsque le torrent envahit la mine,
lorsrie l'U* s't^Hondre sur la poi;^Miée de niisérahlcs aj:onisaiil
un io-.id. Sjuvarine jette sa dernière cigarette et s'éloigne sans
iU LES PERSONNAGES
un regard en arrière, allant, de son air tranquille, à Texler-
niinalion, vers l'inconnu [536]. {Germinal,)
Spirit. — Cheval anglais, monté par Burne. Court dans le
Grand Prix de Paris. C*est un grand bai brun superbe, dont les
couleurs dures, citron et noir, ont une tristesse britannique [409].
Pondant la course, quand Spirit tient la tête, un sentiment
d'angoisse patriotique semble étrangler tout ce monde entassé;
une ardeur de vœu extraordinaire, presque religieuse, monte
pour le favori français [il 2]. (Nana,)
Spontini. — Un maître répétiteur du collège de Plassans.
L'n pion, originaire de Corse. Montre son couteau rouillé du
sang de trois cousins [37]. (LŒuire.)
Squelette-Externe (Le). — Voir Mimi-la-Moi;t.
Staderino. — Uéfugié politique vénitien. Frcjjuento avec
Draniblllji et Viscardi chez la comtesse Balbi [6G]. {Son Excel-
lence Eufjùne llougon.)
Steinberg (Goliath). — Engagé en i867, comme garçon
iU ferme, chez le père Fouchard, à llemilly. C'est un grand
bon (.'ufant, aux petits cheveux blonds, à la large face rose tou-
jours souriante. Il est le camarade d'Honoré Foucliard. Quand
«•elni-ci, désespéré de ne pouvoir épouser Silviue Morange,
s'en^Mge t*t part pour l'Afrique, Goliath devient Paniant de
Silvine, sans la forcer d'ailleurs, mettant seulement à profjtune
.ninule d'inconscience. Silvine enceinte, il a promis le uiariage,
reculant la formalité jusqu'à la naissance du petit, puis, brus-
quement; au septième mois de la grossesse, il a disparu. On
raconte qu'il est allé servir dans d'autres fermes, du côté de
Beiiumont et de Raucourt. C'est un de ces espions dont l'Aile-
uiagni' a peuple nos provinces de l'Est [96].
An début de la campagne, rôdant autour du 7* corps, près
(le .Mulhouse, il est simplement expulsé du camp, ses papiers
se trouvant sans doute en règle [7]. Pendant lu marche vers
Montincdy, se disant Alsacien emporté dans la débâcle de
Frœschwiller, il est entré au service d'un fermier, à Conlreuve,
cl il écoute les imprudents commentaires du général Courgain-
hcslouilles [80]; Goliath est un des énnssaires ijui lireni con-
naiin*. au grand état-major allemand la marche exacte de
rarn)ée de Chàlons et suggérèrent ainsi le changement de front
de la IIP année [^8] ; quelques jours plus tard, dans les bois
de Uieulet, il guide les Bavarois qui vont surprendre le
DES ftOUGON-MACyUAUT Ul
î 5* corps y^'l'l]. Enfin, pendant l'occupation, il possède, à la
I
cominami ture de Sedan, une situation indéterminée, parcou<
rar.: de nouveau IfS villages, comme chargé de dénonctT les
un?, de tr\er les autres, de veiller au bon fonctionnement des
réquisitions dont on écrase les habitants [517].
Tiranl, larpc, le visage toujours gai, avec ses gros yeux
bleus i|ui luisent d*un éclat de faïence, l'ancien garçon de
lenac est vétii d'une sorte de capote en gros drap bleu, coiffe
d'une cas :uetl»* de même étoff»*, Tair cossu et content île lui ;
il parlo sns accent, avec la lourdeur cmpâti'e dos gens du
pays ['j'IZ . Très raisonnable, Ires conciliant, il s'étonne de la
hait.e soir de, du m»'îpris épouvanté qu'on lui témoigne à lle-
niiliy: il trouve tout simple qu*; chacun serve sa patrie comme
il r*Mitt*nii. Et comme Goliath aime toujours Silvine et veut la
p055»Ml^r »r:icore, il croit vaincre sa résistance en la nienaçani
d'enimene- le petit Chariot en Allemagne ; il parle de repré-
sailles [5i^J. Cette imprudence le livre aux francs-tireurs, à
Tiulilauinf Sambuc, Cabasse et Ducat; les trois hommes le
prennent nu piî'^e et, après un simulacre de jugement, sous
i*œ!l lérri:i'i de Silviue coniplir»*, le saignent comme un porc,
•lai.2 la ferme du père Fouchard [ôricSJ. {La Débâcle.)
Steiner. — Banquier à Paris. Lu terrible juif allemand, un
brr.?seur /afluires dont les mains fondent des millions. Tout
peîi', Ir? v-rntrc déjà fort, la face ronde et encadrée d*un collier
•ie i'.irbe ;Tisonuante [7], les oreilles velues. Steiner devient
iml-ècil-f i\ laïul il se to*|;*^ d'une femme, les voulant toutes, ne
pouvant e:; voir une paraître au théâtre sans Tacheter, si chère
<|ir-ile soi:. A deux reprises, ce furieux appétit l'a ruiné; les
till-r> ven.'nt la morale en nettoyant sa caisse [110]. Rose
Mig;iou ei Nana se sont succédé pour manger ses bènélices
sur les Si-liiTS d'.< Landes. Tombé dans le gâchis, mis aussitôt
dch TS ]> : Nina, il s'est refait avec un projet de tunnel sous
!♦• I;.»Sfiio:j, et alors Nana le nettoie défTnilivement [183].
(J\V n.- ' '
Sternich 'nicilESSE de). — Célèbre mondaine du second
E;r:; ire. . iiiiiiaiit tontes ses galantes amies |)ar la gloire
li'avoir p; îs»* uue liuit dans le lit impérial. Laide, viriilie,
ia^^ c. «liv ^'iirde Taurcolc du vice olliciel 1-4(^|. Elle a enlevé
un LMifiiît .1 Ueiiée Saccard, le comte de Chibray [1151. [La
Cui Cl
Stewart <LucY). — Une femme galante, la plus ciiic de
il\ LKS PERSONNAGES DES UOUGON-MACQUART
toutes ces dames; elle a eu trois princes et un duc [110]. C'est
la lille d'au graisseur d'origine anglaise, employé à la gare du
Nord. A treute-ueuf ans, Lucy est une petite femme maigre,
mais si vive, si gracieuse, qu'elle a un grand charme [8]. Le
cou trop long, la face maigre, tirée, avec une bouche épaisse,
elle est phtisique et ne meurt jamais. Très méchante langue,"
Lucy est parfois d*un esprit féroce [IIGJ. Laure Piédefer la
compte au nombre de ses clientes [:281]. Lucy a un fils, Olli-
vicr, et se fait passer à ses yeux pour une actrice; quand ils
sont ensemble, elle prend des airs de distinction [38G]. Comme
elle a couché avec un prince du sang, elle défend TEmpire au
moment de la guerre; c'est comme une affaire de famille,
quoique le prince ait été d'un rat extraordinaire : le soir, en se
couchant, il cachait ses louis dans ses bottes [520]. {Xana,)
Stewart (Ollivier). — Fils de Lucy. Aspirant de marine.
11 est très gentil en uniforme et ne se doute pas du métier de
sa mère; elle lui trouvera une héritière en province [387].
(Xana,)
Surin (Addê). — Secrétaire de monseigneur Rousselot,
archevêque de Plassans. Grand, jeune, élégant, fort aimable
[i2J, longs cheveux blonds. L'abbé fréquente chez les Rastoil,
eiiij)ressé auprès des dames, se plaisant aux futihtés, organi-
sant avec les demoiselles des parties de c torchon brûlé > et
s>^ distinguant surtout à la raquette par un jeu raffiné, par une
façon superbe de renvoyer le volant [-07J. Monseigneur Taime
comme un lils et se fait lire par lui les odes d'Horace. [LaCon-
qw'tc (le Plassans.)
Sylvia. — Petite actrice très appréciée des hommes du
rnonile. Fille d'un honnête papetier, horriblement bourgeoise au
fonJ; fVst un cœur d'usurier [1-15]. Elle est la maitressie de
Maxime Saccard, et celui-ci se fait aider par Pienée pour payer
)•• iMJoiiiier de l'aclrice [Hoo]. (La Curcc.)
ï
T... (Marquis de). — Lantier, lisant les faits divers, raconte
il Mes-Fîoitcs, à Rcc-Salé, à Bibi-la-Grillade et à Coupeau que
le marquis de T..., sortant d'un bal à deux heures du malin et
se dt'fethlant contre trois mauvaises gouapes, boulevard des
Invalides, s'est débarrassé des deux premiers scélérats avec
dvs coups de tète dans le ventre, et a conduit le troisiènie au
poste, i»ar une oreille [310]. {FJ Assommoir,)
Taboureau (Madame). — Boulangère rue Turbigo. La
plus belle bouinngerie du quartier, toute une vitrine est ré-
servée à la pâtisserie. Madame Taboureau est une amie de Lisa
Que nu [lU]. {Le Ventre de Paris,)
Tatln (Mademoiselle). — Lingère passage Choiseul. Pour
lutter de bon inarclié avec le Bonheur des Dames, elle a dû
263] et a repris
. {Au Bonheur
baisser ses prix [^8], elle est tombée en faillite
du travail chez les autres, aux Batignolles [i-iS^
des Dames.)
Tardiveaja (Barox de). — Personnage de la Petite Duchesse,
pièce de Fauchery. Cn vieux beau qui prend la duchesse Hé-
lène pour ui!»-* cocotte et se montre très vif. Le rôle est joué
par Fonlan [312]. {Sana.)
Ta tan Néné. — Une blonde bonne enfant, à la poitrine de
nourri'jv. Elle a gardé les vaches jusqu'à vingt ans, dans la
Champngne pouilleuse [111]. Aujourd'hui, c'est la plus belle
gorge de Paris. On se moque de sa naïveté, on lui fait croire
dos histoires énormes, par exemple que Bismarck mange de la
viande crue, qu'il emporte les femmes sur son dos quand il les
rencontre près de son repaire et qu'il a déjà eu de cette ma-
ni« r».; trcnle-thnix enfants à quarante ans [11 ï]. (Xana.)
ils LES PEHSONNAGES
Tavernier. — \^i\ vieux inéJeciu d'Orh'ans, (|ui ne sort
plus, (ieor^es llii}:on invoque ie prêtexie de visites chez lui,
pour aller rejoindre Nana à la Mi^nolte [^10]. (\ana,)
Teissière (Madame). — Mondaine du second Empire; se
livre à la p:aliinlerie et trouve des amants chez madame de Lau-
wcrens [tlO]. Amie des Saccard. (La Cnr-éc»)
Testanière (Madame). — Prolé;rée de madame Mélanie
CurrtMir, qui Ta recommandée au minislre Rougon [58]. {Son
Excellence Eugène Rougon.)
Teuse (La). — Vieille .servante du curé des .\rlaud, amenée
de Normandie par Tahlié Caffin et léguée par lui à son suc-
ceî^seur, Serge Mouret. Soixante ans, grosse comme une tour,
ÏA'C larjre. La Teuse hoite fortement, avec des déhanchements
lourds. Toujours grondante, maîtresse de la cure et de l'église,
a» ioutuu)ée aux manières pleines de rondeur de son premîci
nmilre, elle bouscule Serge dont raflinemenl la déroute, dont
1rs silences la blessent comme des cachotteries; mais
elle le sert avec (les attentions de inère [Gl], l'aimant d'une
allLction tyrannique et jalouse, n'.iyant au fond d'antre souci
que son bonheur et allant jusqu'à accepter Albine, si cette fille
(ju'elle abomine est la santé de monsieur le curé [38i]. {La
Faute de l'abbé Mourei.)
Théodore. — Professeur de piano. C'est un Belge à large
faïc rose [JOS]. Il donne des leçons à Clarisse Rocquet et
devient ^on amant. (Poi-Botiille,)
Théodore. — Fils d'un cartonnier. Doit se marier avec Xa-
lli.'die Di'joic, mais il veut s'établir et demande une dot de six
mille francs [135]. Las d'attendre, Théodore épouse la fille
d'une ouvrière, qui lui apporte près de huit mille francs [383].
{LWnjcnt.)
Thérèse. — .\nciennc voisine des Lorilleux, rue de la
Gouiie-d'Or. Les Lorilleux trouvent à Gervaise une certaine
re?se'Mblance avec cette femme qui est morte de la poitrine [73].
{L'Assommoir.)
The Truth. — Étalon de courses. Frangipane, au baron
VerJier, est par The Truth et Leiiore [388]. {Nana.)
Thibaudier. — Banquier à Caen. Père de Louise Thibau-
ditr. P.»r/'iiiu et beau-père de Lazare Chanteau. Thibaudier,
re:iiarié six mois après la mort de sa première femme, a trois
DES nOUGON-MACQUART 44 J
enfants du second lit [53] et, pris par sa nouvelle famille, la
It'te cassée de chiffres, s'intéresse peu à Louise (|u'il a placée
dans un pensionnat et qu'il envoie passer ses vacances chez des
parents ou chez des amis [HS]. Après le mariage des jeunes
gens, Thihaudier trouve pour Lazare une place à Paris. Il
n'intervient pas dans les brouilles du ménage et se home à
blâmer les combinaisons industrielles de son gendre, lui refu-
sant toute aide pécuniaire. (La Joie de vivre.)
Thihaudier (Louise). — Fille du banquier. Madame Thi-
haudier est morte jeune, entre les bras de madame Chanteau, à
qui elk' a recommandé sa fille. A onze ans et demi, Louise est
niincc et fine; elle a le visap'c irrégulier, mais d'un 1res grand
charme, avec Je beaux chcMux blonds, noués et frisés comme
ceux d'uDe dame. Tliibaudier lui donnera cent mille francs de
dot, qui s'njoulcront aux cent mille francs qu'elle lient de sa
mère [ÎJ8J. .Madame Chanteau flaire cette fortune pour son
fils ; elle poussera plus tard celui-ci dans les brns de Louise
[I90J, espérant, provoquant même une faute qui rendrait le
mariage iiicvilablc.
(iOqui tte et superficielle, Louise est devenue une jeune fille
troublai. Il\ pleine de l'homme dans sa virginité, ayant, au fond
de ses \>ux liiiipid«'S, le mensonj^e de son éducation [UO].Elle
ollre avec Pauline, si complètement équilibrée, un parfait con-
traste et fait pensera la Minouche, qui se caresse aux autres
tant qu'on ne trouble pas son plaisir [1-42]. Détestée de la
servante Véronique, qui l'appelle c la duchesse > [180], elle a
vingt ans lorsque Pauline la surprend au cou de Lazare et la
cha?se violemment [1*J2] ; elle se réfugie à .Vrromanches, où
sa tante Léonie a loué un chalet [ll»7], et d'où elle revient plus
lard, ramenée par Pauline qui, désolée des tristesses de son
liuiicé, sacrifie son propre amour pour rendre Lazare heureux
[31 i]. Lt- mariage a lieu à Caeii [323], les jeunes époux vont
vivre à l'aris, où Thihaudier a placé le mari dans une compa-
gnie J'a^ïuranccs. Mais Lazare ne garde pas cet emploi, il
entame Ja dot <Jo sa femme en des spéculations malheureuses,
1«.' mén-iç-i; so U'-lrariue vile, donnant à Pauline la rancœur d'une
inmiohilion inutile. Louise, incapable de comprendre et de
iliriger >on niori, partajre ses aflolements devant l'idée de la
inorl [}j'r2]: tiUr accouche à huit mois du jietit Paul [38^»], el
fonlinuf. avec Lnzare une existence de pauvreté relative, pleine
de rc'criminalions el de querelles. [La Joie de vivre.)
38.
;5U LES PERSONNAGES
Louise meurt jeune [129]. {Le Docteur Pascal.)
Thomas. — Traiteur à Montmartre [298]. {L'Assom-
moir.)
Thomas (Anselme). — Ouvrier bourrelier du faubourg, à
Plassans. Bon travailleur, garçon raisonnable; a épousé Justine
Mégot, tenté par la rente de douze cents francs que lui font les
Snccard. C*est un gros bomme brun. Quand le ménage a deux
enfants, Tbomas prend en grippe le petit Cbarlcs; il exècre ce
fils d'un autre, ce dégénéré fainéant et imbécile [229], {Le
Docteur Pascal.)
Thomas (Madame Anselme). — Voir Mégot (Justine).
Tison. — Tient mi estaminet à Montsou [170]. {Germinal,)
Tissot (Les). — Amis des Dcberle. Madame Tissot a des
opinions littéraires, elle déclare Balzac impossible. Le fils Tissot
est un grand jeune bomme à qui Pauline Letellier trouve une
boiine tète. I| y a une fillette de cinq ans, Valentine [i9]. {Une
Paye d^ Amour.)
Titreville (Madame). — Fleurisle-feuillagiste rue du
Caire. Lonjîue face sèche, personne sévère, ne plaisantant
jamais [iGl]. C'est cbez elle quWnua Coupeau fait son appren-
tissage. (LWssommoir.)
Touche. — Petit rentier de la ville neuve, a Plassans. Fré-
<]uente un café delà place des Iiécollets, où il commente d'une
voix grasse les nouvelles politiques [299]. (La Fortune des
Ucitfjon.)
Touche <1). — Clerc d'avoué à Plassans. Épouse Sidonie
liougon en 1838, va avec elle à Paris, tente un commerce de
pruJuils du Midi et meurt en 1850, après une existence très
médiocre [05]. {La Curée.)
Tourmal (Famille). — Famille de Bonneville, vivant de
rapines. Le pore aide à la contrebande, le grand-père va Ja
nuit ramasser des buîtres à Hoqueboise, dans le parc de l'État
[130]. On les condamne tous deux à ia prison. La femme ïour-
jiial ravage lescbamps ; la fillette, dressée à la mendicité, par-
i\) Sidonie Hoiigon épouse en ISoS vu clerc <(' avoué de Plassans^
iju'ellc perd à Paris en 1S50. Arbi'' (jcnétilorjujue des llouyon-
Macquarl.)
DES ROUCON-MACQUART 451
court le pays en tendant la maia et en Tolant ce qu^elle trouve.
Secourue par Pauline Quenu, elle cherche à dérober uni» tim-
bale [577], puis une cafetière [i30]. {La Joie de vivre.)
Toutin- Laroche. — L*un des protecteurs et complices
d'Aristide Saccîird. Ancien invenleur d'un mélange de suif et
de stéarine pour la fabrication des bougies, homme maigre et
considérable, cerveau étroit ayant le génie des tripotages in-
I dustriels. Au conseil municipal de Paris, il passe pour un admi-
nistrateur de premier ordre et possède une grosse influence
(]u*il n'hésité pas à nvltre au scmce d'Aristide Saccard, hardi
spéculateur dans lequ»^! il a pressenti une force [98]. Membre
du conseil de surveillance de la Société générale des ports du
Maroc, directeur du Crédit Viticole,il se pousse à travers mille
trafics scandaleux, fait des bêtises en Bourse [180], et au mo-
ment où Tescroquerie des ports du Maroc devrait le conduire
en corroctionnelle, il sait se faire nommer sénateur par Na-
poléon 111 ['278]. {La Curée.)
Tricon (La). — Une entremetteuse connue. Vieille dame de
haute tnillo, portant des anglaises, ayant la tournure d'une
conUesse qui court les avoués. Elle fait des affaires avec toutes
ces dames. Les petites femmes des Variétés la contemplent
avec une émotion respectueuse [168], Au Grand Prix, du haut
d'un liacro, elle domine la foule et semble régner sur tout son
peuple de femmes; toutes lui sourient discrètement. D'ailleurs,
elle n'a j>as l'air de les connaître, elle uest pas là pour travail-
ler; c'est une joueuse enragée, qui a la passion des chevaux
[o87]. Nana est une de ses clientes assidues. (Xana.)
Trompette. — l'n cheval bai, de trois ans à peine, qu'on
a descendu dans la fosse du Voreux, où il est le compagnon de
Dataille. Il ne s'acclimate pas dans ce trou noir, il tir»; ses
berlines sans goût, restant la tète basse, aveuglé de nuit, avec
lecûnslanl regret du soleil [2iO]. Trompette meurt au bout de
quelques mois [475] et, comme on le remonte le malin de
réiiieiile, son cadavre, un tas de chair morte, monstrueux et
laiiu'n!al»K', iril au milieu des cadavres d'hommes, tout petits,
Yiûv [lauvre avec leur maigreur de misère [180]. (GcrminaL)
Tron. — Garçon de cour à la ferme de la Borderie. Sorte de
géant à la peau blanche, au poil roux, à l'air enfantin, avec
des yeux doux et stupides. Il est originaire du Perche. Amant
i\r la Copiietlc^ à qui ce beau mâle inspire de véritables frin-
Vrl LES PEIlSONNAr.ES
j:ales, il ressen! pour elle une jalousie <le brute, il a des colères
somiioises que sa force rend terribles [^87]. Conprôiiiù par le
iii.iiire, il ouvre une trappe sous les pas dWlexanJre Uourde-
qiiiii; puis, coniuie la COiînetle ne lui pardonne pas ce meurtre
iinbcfile, qui la ruine, il nid le feu à la ferme [515]. (La
Terre.)
Tronche (IIonokê). — liiau-frère de Tabbé fanjas et mari
d'Olympe. C'est un garnement «le ïîesançon, ii bas instincts, un
cyiiiquH personnage qui lient l'abbé par des bistoires du passé
o( que Taujas utilise à de sales b.sogntrs. Sa face toute cou-
turée, suant le vice, est comme allum^^e par deux petits yeux
noirs qui roulent d'un air de convoitise, des yeux de voleur.
Il a un cou rougeàire et sa bouche est vide de dents ['38].
Taujas le place comme socrélaire chez les Dames de la Vie:^
aux appointements annuels de (juiaze cenis francs [lil]. I*'*r-
d; !il que sa femme envabil lenleinent la maison dés .Mou'.'eî,
lluiioi é Si', répand au deliors, fréquente des maiso::» loucbes où
il rcnconlre le fils l'orquier, s'eni\re. débaucbe les fiîleltes de
l'Œuvre; mais il rend d'éminents services à Tabbé Faujas en
piuclamanl parlent la folie de François Mounl ['-l'I'], puis en
ti.Mvaillani les faubourgs, où 11 ruine en douceur la candidulurt
Maiiriu [olO]. {La Conquête de PlussariS.)
Trouche (Madame). — Voir Faujas (Olympe).
Trouille (La).— Fille d'Ilvacintbe Fouan, dit JésusClirist.
Son véiilable prénom est Olympe, son surnom vieni de ce que,
niatin el soir, Jésus-Cbrist la traite de s.ile trouille. Elle est
lir" d'une rouieuse de roules ramassée sur le revers d'un fossé,
à la suite d'une foire, et recueillie par Ilyacintue ; après trois
aii> de vie commune, la gueuse est partie comme elle était
v(.'iiue. emmenée par un autre bonnne. K'eufant a poussé dru.
.Mivi.:jre et neiveuse comme une brandie de boux. elle a un
njii-eau ellVohlé de chèvre, une jîrantl'' buuclie se tordant à
'j.iUfii;', (\c< yeux verts à fixité hanlie, des «beveux blonds
iiiiiioussailles, l'allure d'un îrarçoa. Sa passion est dans ses
; elle po-séde une viiiglaii.e 'ie bêles qu'elle nourrit de
iij;.;Mude [:]!»]. pès l'enfance, elle se laissai! cuihuîcr par des
li.'n (lins de son âge, Delphin lléi.ii, .Nénesse I)elliom:nc, et son
pèle la corri^M'îul à coups de fou«'t ['J^ni. Klle est en admira-
tii'ii (ontiiiuj^lle devant ce Jésu-Cli:i>t venteux tl gueulard,
^e; lil seulement lorsqu'il est soûl, et «jui lui inspire à la fois
Je la leadresïC cl de la terreur, .v dix-liuil ans, elle reste un
f
(-i<
1»LS nOlT.0N-MACQUAi:T i:.3
vrai frai'(«^ii, qui iraimc que ses ht^les et se moque l>i»'n de?
hoiinnos. c«* qui ne l'empôclie pas, qunn-l elle joue »i se laper
avec (jurl'jiii' galopin, de linir le jeu sur U dos, nalurelleinenl,
parce que cfsl fait pour ça et que ça ne tire pas «à consé-
(jiuMice [MIÎ^]. llonni>le à sa façon, elle l'^fuse les avances de
Lrroi, dil Canon pl-i] et éclate eu larnK'> lorsque Nêues^e lui
lait riJlVnMil de 'en^Mger à travailler dans une maison pu-
blique [i'*''i]. ihi Terre.)
Trublot «Hf.ctor). — Fils de famille, employé chez raj^enl
de change Ik'stnarquay, en attendant l'achat d'une part. Forle
barbe noire, séréniié de jeune dieu indien, grande myopie. Ce
m;i!e sulitle, enlèté dans ses goûts, a une haine tranquille du
njaria;:e, il ul' cherche ses maîtresses ni parmi les femmes de
la «ociété. à cause des embêtements du lendemain [101], ni
pnrmi l«»s filles, av«c lesquelles, suivant lui, on n'eu a jamais
pour son a?*i;'*ni [-i-]. N'ayant pas de posiiion à se faire e!
n'écoutant que son goût, il couche tranquillement avec les
bonnes. (Jmiud Trublot dîne en ville, il s*échappe du salon
pour aller piîjcer les cuisinières devant leur fourneau etjorsque
lune d'elles veut bien lui donner sa clé, il file avant minuit et
monte raîloi.ilre pitiemment dans sa chambre, assis sur une
rnalle, eu b Jiit uuir et en cravate blanche [130]. t^.es robustes
lllios lui donnent plus de plaisir que toutes les fenniies de la
bourgeoisie, maniérée? et sans tempérament. (Pot-Douille,)
Tu- m'as -trompé-Adèle. — Surnom d'un professeur de
pliysi'iue du collège de IMassans, un cocu légendaire, auquel
dix généraiiuns de galopins jetaient le nom de sa femnie, jadis
surpris»', dit-on, entre les bras d'un carabinier [3']. (L'Œuvre.)
y
Vabre. — Père d'Auguste, Clolilde et Théophile. Deau-père
de Duveyrier. Propriétaire d'un immeuble delaruedeClioiseul,
où i) lo^'e dans l'appartement de son gendre. Vabre est petit et
gros, complètement chauve avec deux touffes de cheveux blancs
sur les oreilles; il a une face rougeaude, la bouche lippue, des
yeux ronds et à fleur de tète [106]. C'est un ancien notaire de
Versailles, qui a vendu son étude après quarante ans d'exercice,
parce qu'aucun de ses fils ne s*est montré capable de lui suc-
céder. La maison de la rue de Clioiseul lui rapporte vingt-deux
mille francs; tous ses enfants sont venus se loger là, avec Tes-
poir de ne pas payer de loyer, mais il présente lui-même les
quittances le quinze, et chacun s'exécute, dans la crainte d'être
rayé du testament. Le vieux Vabre travaille à un grand ou-
vrage de statistique, le dépoi|illement des catalogues officiels
du salon de peinture; il portefsur des fiches, à chaque nom de
peintre, les tableaux exposés et, tous les ans, il met ses indi-
cations à jour [107]. En dehors de celte imbécile besogne qui
l'absorbe, il n'a plus que qu itre ou cinq idées qui se déroulent
toujours dans le même ordre. Ses héritiers attendent patiem-
ment sa mort, mais lorsqu'irest emporté par une attaqut; d'a-
poplexi»;. on constate quef la passion du jeu entretenue en
secret, la complètement rniné, qu'il a perdu sa forlune dans
des opérations de Dourse et que la maison est lourdement gre-
vée' d'hynollit'ques [2s-2]. (Pot-Bouille.)
Vabre (Aigtste). — Fils aîné du propriétaire. Grand garçon
maussihlr, ausau^^ pâle, ligure de mouton malade, toujours des
ninu\ lit* K'h* qui lui tirenl les yeux et qui l'ont empêché autre-
fois d<.' C'-nliiuier le lalin. Très timoré, il csl resté quinze ans
}»etit e!n|ilo\t"' de coniinorce, sans oser risquer les cent mille
.l.-;6 LES PERSONNAGES
francs Ié<^ués par sa mère, puis il s*est établi marchand de
soici'K'S au rez-de-chaussée de la maison paternelle. Il épouse
Derthe Josserand, tombant dans un véritable traquenard, se
laissant duper au contrat, perdant toute lucidité par ses mi-
graines qui le rendent fou; et il est un mari maus>ado, méti-
ciii'ux. bonhomme au fond, simplement désagréable et volon-
tiers ré>igné, tant qu'on ne le jette pas hors de lui en dépen-
sant son argent ou en touchant à sa morale [302].
Auguste souffre devant les toilettes trop éclatantes de sa
femme, il a pour les dettes une horreur de garçon plaident,
mais voudrait ne rien voir, défendant désespérément son coin
de tranquillité somnolente et maniaque, vivant dans la conti-
nuelle terreur de découvrir quelque abomination qui le met-
trait hors de lui [307]. Lorsqu'il surprend Bf^rthe en flagrant
délit, il la chasse, rêve de se battre avec Octave Mouret et
couri Paris à la recherche de témoins ; puis, déprimé par son
éternelle névralgie, il craint d*ètre tué, redevient pacifique,
accepte un peu {dus tard de reprendre sa femme si la dot est
entin ver>ée, pardonne sans avoir obtenu un sou et revient
enlin à la vie conjugale, ne demandant qu*à être en paix avec
tout le monde. Ses embarras d'argent et la concurrence gran-
dissante du Itonhcur des Dames Tout obligé à prendre un
associé qui sera le second amant de Derthe. (Pot-Bouille.)
Son magasin est dénnitivemenl tué par la concurrence.
Va!>re a laissé dans le quartier le souvenir d'un grand serin [20]
(.1// bonheur des Dames,)
Vabre (Madame Auguste). — Voir Josseraxd (Berthe).
Vabre (Camille). — Fils de Théophile Vabre et de Valérie
Louhctte. On assure qu'après deux mois de mariage, déses-
pt rée de voir qu'elle n'aurait jamais d*enfant et craignant de
iMMJre sa part de l'héritage du vieux Vabre si Théophile venait
ï niourii', Valérie s*est fait faire son petit Camille par un garçon
l)oucher [7<S]. L'enfai.t désespère les honnes par sa malpropreté;
il lail caca dans la cuisine [::75] (Pot- Bouille.)
Vabre (Clotildk). — Fille du notaire Vabre. Femme de
Duv( yrier. Elle est grande et belle, avec de magnifiques
• lieveux i.ioirs, un visage long, d'une pâleur et d'un froid de
nei^e, des yeux gris. Clotilde a une passion exagérée pour la
:niisii[iie, sans aucun autre besoin d'esprit ni de cliair. A son
itiano, elle est comme une écuvère sur son cheval, mais cet
DES KOCGON-MACQUAnT iôl
enthousiasme qui fait de la maison un enfer pour Duveyrier,
n'est ^\\x'h. (lotir lie peau: Clotilde chante avec une expression
passionnée, (]u*cile laisse tomber comme un masi|ue dès ia tin
du morceau [i'Mj]. La jeune femme, qui possédait cent mille
francs pnr sa mère, devait apporter en outre une dot de quatre-
vingt mille francs, mais le père n'en a versé que div mille; les
DuveyriiT nllojnlent toujours le reste, ils ont même recueilli le
vieux Vabre, roulant l'avoir sous la main, l'intéressant à leur
lils Gustave qu'ils révent de faire avantager dans la succes-
sion.
Le m»magft vit avec une correction tout extérieure. Dès la
preuiicr » n:iit. Clotilde a pris son mari en horreur, dégoûtée
dr ses taches rouîmes; elle accepte encore parfois Taliominable
corvée, avec une résignation de femme honnête qui est pour
tous les devoirs, assez forte pour cacher à tous la haine et la
répulsion physique que son mari lui inspire. Mais elle tolère
volontiers des maîtresses, dont les complaisances la débar-
rassent. Et elle ignore si peu les habitudes extérieures de son
mari qu'elliî envoie Irnnquillement Octave Mouret chez (Clarisse
Hocquel, dont elle sait Failresse, pour prévenir Duveyricr que
le vieux Vjibrc est à Tagonie. Celte femme, égoïste et rapace,
a beau être iiulillerente aux plaisirs des sens, elle sait par-
failefiienl s'entendre avec le mari dédaigné, pour frustrer ses
frères. Elle abandonne un instant ses attitudes olympiennes,
se querelle violemment a\ec sa belle-sœur Valérie et, devant
la m;«ig:'vur de l'héritage, reste inconsolable d'avoir inutilement
nourri le vieux pendant douze ans [^83]. {Pot-Bon il le.)
Vabre (TnÉOiHiLE). — Second lils du notaire. Mari de
VîJÎérie Louhelte. Avorton aux cheveux jaunes, à la barbe
clairsemée. Dès vingt-huit ans, c'est un petit vieux secoué par
des qaiiil'js de toux ei de rage. Il a talé une douzaine de
métier^, comniem'é son droit, tenté Tinîluslriechez un fondeur,
essaye C[r i ;idinini>tnttion dans le< bureaux du Mont-de-Piélt'-,
s'est occupé de photographie, a cru avoir trouvé une invention
pour taire marcher les voitures toutes seules; enlin il place
par goiiîili .'S>e des piano>-flù(es. invention d'un de ses amis.
Avec ses nie.'dbres grêles, sa face de lille ratée, toussant et
trichant, ^'relouant la lièvre, vivant dans la rage éplorée de
son impui-isaiH ♦', il bail sa femme, dont les ncrlsle tuont [<i5].
Troinj'j pa" elle, il s'agile en fureurs ridicules, se lais>e viio
convaincre Jerreur «jI termine su courte révolte en demandant
158 LES PERSONNAGES
parJoii. <^ osl un pauvre caractère. Devant son père mort d*unc
attaque, il $*éaieut en pensant qu'il mourra peut-être de la
mèaio maladie [^05]. Les malheurs conjugaux de sud frère
Au^Hi>te lui inspirent une commisération où perce la gaieté: il
es! enchanté de n'être plus le seul homme ridicule de la famille,
lùché avec les Duveyrier qui ont mal agi daus des affaires
do succession, il se réconcilie avec eux lorsqu'il comprend
que son iiilérèt n'est pas de bouder davantage. {Pot- Bouille,)
Vabre (Madame Théophile). — Voir Lochette (Valérie).
Vadon (MAnGUEiiiTE). — Vendeuse du rayon de confections,
au lîoiihenr des Dames. Née à Grenoble, où sa famille tient
un commerce de toiles, elle a dû être expédiée à Paris pour y
cacher une faute, un enfant fait par hasard [62J. Petite, d'une
mauvaise chair Manche, avec une mine innocente et dégoûtée,
se rouduisanl très bien, elle offre un parfait contraste avec ce
•rrand cheval de Clara Prunaire. Marguerite est très âpre au
gain [1 10], elle prend avec les clientes une voix sèchement
polie, une attitude désagréable de fille velue de soie, frottée à
toutes les élégances ilonl elle garde, à son insu même, la ja-
iou>io »'l la rancune [1.%]. Après quelques années, elle retourne
pivii.lre la direction du petit magasin de Grenoble v.l se marie
ià-ic's. avec un cousin qui l'alteudait [i^l]. iAu Bonheur des
"Valençay (Baron de). — Aide de camp de l'empereur.
Epou>o la lille aînée de la comtesse de Drétigny [310].
(L Assommoir.)
"Valençay (Paule de). — A dix-neuf ans, très riche, mira-
ru ltr.><-' meut belle, mademoiselle de Valençay épouse le
niaTijn s .1 an XII de Ilautecœur. Neuf mois après, ellemeurt en
«•ou'liv-, h'issaul un fils, Félicien [Go]. (Le Réce.)
Valentin. — Fils de Guiraude, frère de Sophie. Son père,
oiivrirT ta iiieur, tst mort phtisique. A vingtclun ans, Valentin,
<|ui . \'k\i dans le contact quotidien du père, est chétif, les
cil -v-'iiv et la barliC rares, les pommettes saillanl»*s ft rosées
:i;i:.- u;. leiîil de cire. Le docteur Pascal parvient à rciarder la
«il! -;rj}.}.e par (Il'S piqûres de substance nerveuse, mais Va-
v/'wi iiii'uri Je la phtisie hérédilaire [-11], pendant que sa
SM'iii's éjjiappé'i au milieu, grandit en santé et en
ii'.'i'ii'-. [L': Djct'.'ur Pascal.)
!•.'
^■T''.
DES ROUCON-MACQUART 15J
Valério II. — Cheval de l*écurie Corbreusc. Court dans le
Tirand Prix de Paris. Petit, très vif. Couleurs de Têcurie, vert
tendre liseré de rose [io9j. {Nana.)
Vallagnosc (Madame de). — D'une vieille famille de
Plassans. Veuve et ruinée, n'ayant pour vivre que les débris de
son ancienne fortunei elle est restée là-bas avec ses deux filles^
tandis que son fils Paul, honteux de roanp^er le pain des trois
femmes, se plaçait à Paris, dans un ministère [77]. (Au
Bonheur des Dames,)
Vallagnosc (Paul de). — Un ancien camarade de collège
d'Octave Mouret, à Plassans. Grand garçon paie, d'une pauvreté
de sang distinguée [75]. Dernier rejeton d'une vieille famille
parl»;ii:iiilaire, de petite noblesse ruinée et boudeuse, il a été
un fort en thème, tonjours premier, donnéen continuel exemple
par le professeur, qui lui prédisait le plus bel avenir, tandis
qu'Octave, à la queue de la classe, pourrissait parmi les
cancres, heureux et gras, se dépensant au dehors eu plaisirs
violents. 1/histoire de Paul est celle des garçons pauvres, qui
iToient devoir à leur naissance de rester dans les professions
libéral'.s, ot qui s'enterrent au fond d'une médiocrité vaniteuse,
heureux encore quand ils ne crèvent pas la faim, avec des
diplôihcs plein leurs tiroirs. Lui, a fait son droit par ti'adition
de famille et est venu occuper une petite place au ministère
de l'intérieur, où il se tient enfoui, comme une taupe dans un
trou; il y gagne trois mille francs [77].
D'avant les ardeurs du passionné Octave Mouret, il prend une
pos«^ Je fatigue et de dédain, mélange d'affectation et de réel
épuisement de race : la vie ne vaut pas tant de peine, rien n'est
drôle, tout arrive et rien n'arrive, autant rester les bras
croisés. Un moment, il a rêvé de littérature, et il lui est resté
de sa fréquentation avec des poètes une désespérance univer-
ïoilc; toujours, il conclut à l'imitilité de Tcfforl, à l'ennui
des heures également vides, à la bêtise finale du monde [79].
<!et a!j.i du néaiil ne consent pas à s'étonner devant les ma-
gnificences (lu Bonh'ur des Dames, car après tout, pense-t-il
-ians sa nonchalance de pessimiste, ce n'est jamais que
heaucoiip de calicot à la fois [137].
H luel une sorte de fanfaronnade dans l'immobilité de son
existeiiCe, toutes les jouissances ratent, vivre est inepte et, si l'on
î:e Se luc pas, c'csl par simple paresse, pour éviter de se
déranger; au fond, il n'y a peut-être que le mal qui soit un
liJi UKS l'KIISONSVCtS
(■eu ,\ri>lv IW»]. Pom-lanl, Jcvcnu L; iiiiin Je lilunclie d^ lîoves,
ipi'il .1 r'-iuiii-j^i- sans cmljalleineiil, pour fir-; npi'calilena i-^re,
il '*'{iriiiiv>t uni' rude sccoussi^ ilevnnt la. i-Diiilcsse. sur|>rise eu
lln;;riiii lii-lil <it vol. Celle rtvùlaltoii le fait [ikut-er, il ne (itul
f-'ilii',!)!''!' sn l'Iiiloscijjliie co ni [ira mise, iciiitc soir éilui^alion
liotit-cui^ii' reiiail en iiidî^naiioNs lerlueuîcï coiilre su li*I!e-
nii'ip'; ri l'cfl en vnin qu'OcInve Jlourei lui rap|>dle ses
niii'i' tiiics iiiD\inics : ilùs (|ue ]'t;:(|>êrieiii;e est tuiiiliêc sur lui,
nu iii'iiii'Ire <'flli:uri^mfnl de la iiiisr-rc humnine, doiil il ric.-imiil
.'i IimM, le ^ceiniiiiie riiiiraron s'esl uliallu el n Joigne [âlâ].
{.I.r U.j:.I.:-i- JfS DllUieS.)
VaUagnosc (Mmiaue Paul bv.i. — Voir Pmv::* (Llasv.hï
îtn
Valqueyraa (Comte de). — l'areiil du niarquii da Carnn-
v,\mI. r.i iFnidlli dans son liùlel ou quartier Saint-Marc, à
l'l.ir-,iii>j;!.'l]. (/,(( Fortune dei Rougon.)
r,tr<-iit i1:i Ljiartiuis Je Lngrifoul. député de l'iassans. Le
rcioii dans sou liel IiûIl-I du quartier Sainl-.Marc, lorsque
[.ii;;r;;i'iil, r[!ii lialiite La l'aluil, vient toir ses élecleur; [3ÙÎ*].
(/.'( C:i<',u.:i,- lie Phissmis.)
ValqueyrasiMAiiQUliE de). — En IS73, elle reste l'unique
i-r^pi. ; niiiii- ri'uii.' in'-s iiiicicnne ramille; fort ricliu el d'oue
ai.iLi. L' ■■.■l.-'i..c, veuve, avec une (illetle de dix nu?. La mar-
i]iii>i ijil>iu-à i'iassnns, au i)as du cours Sauvairc, l'antique
lii'iti'' (aiiiili.il, une coustruclion nionumcnlale, dti temps de
M:i/:i''iii. Li' dnrteur Pascal, venu |-nur demander ses liouo-
r^iiic- .'i i'-IIl- vieille avare, se laisse itnier par elle el ne sait
pl^ i<ia>';:' uwi consuliation gr.iluilu à la demoiselle [2Glij.
;;,'■ li'<cl-"i- Pn'^cal]
Vanderhaghen. — Médecin de la Compagnie des mines
i\-j Mip ,i-.' I. Tu pi-lit liouinie pressé, ttra-é dt lit-so^iie el qui
du:iip.' -I - < liii- iliaiLoiis en couranl. Tutoie loui l^^ nionJe.
\u\ Ip-hiii:!'- qui ne iK'rnieut plus et qui ont mal |i»rti}ul, i!
r.'i.rn; I iji'r'll." jioivent trop d i : I- ■ ; ,■/,- i] ;i o.it des
svl.'i 11 M.iii-u.l.'. doiil un lils a n, ' .■■ < dans un
él)..'il uMI Uii ilil que le p.-lil ..r n ,■■.! i :< i.-r ;2i:], cl,
div.ii.i Aliir- M.ilieu morte de faim, il dci;U'it:, toujours cou-
r;iiii. jui' li.'^ niiui'urs ont liieii lorl de l'appeler, car cVsi de la
ïiaii.i - qu'il leur faut pour les guérir ;117]. {Germîi.al.i
DES HOUGON-MACQUAUT 46!
Vandeuvres (Comte Xavier de). — Le dernier d'une
granule race, féminin el spiriluel. C*esl un lioaim<* ihiet, très
soigné, d'une nire distinction. Rien n\npaise ses appétits; son
écurie de courses, une des plus célèbres de Paris, lui coule
un argent fou; sesp<*rlps au Cercle Impérial se chilfrent chaque
mois par un nombre de louis inquiétant; ses maîtresses lui
dévorent bon au mal an une ferme et quelques arpents de terre
ou de forêts, tout un lambeau de i>es vastes domaines de
Picardie [TU]. Et il achève sa fortune avec .Nana. C'est un coup
de lièvre chaude, il a comnie uue hûte de tout balayer, jus-
qu'aux d»'!ombres de la vieille tour bâtie par un Vandeuvres
sou- l'lii:ippe-Augu>le, irouvant beau de laisser les derniers
liesints (for de son blason aux mains de cette tille, que Paris
désire (ni*)]. •
A la Veille île la ruine, le comte devient nerveux, avec un pli
cassé ()e la bouche et lie vaLillanles lueurs au fond de ses veux
claire ; mais ii ga!<le une hauteur aristocratique, la fine élé-
gance de >a race aj>pauvrie; et ce n*est encore par UKunenls,
qu'un court vertige tournant sous ce crâne vidé par le jeu et
les fe^llnc^ [3TUj. 11 joue sa dernière carte au Grand Prix; si
ses ciievaux ne gagnent pas, s'ils lui emportent encore les
soniMies coiisiilêrables pariées sur eux, c'est un désastre, un
écroulement [i«Mi]. Le comte de VanJeuvres ne résiste pas à la
tentation du coup suprême qui peut le sauver : faire de son
cheval Lusignan le grand favori et, sous mains, jouer sur sa
pouliche Nana, systématiquement dépréciée depuis deux ans
el doni personne ne veut. L'affaire réussit, c'est un gain de
douze cent mille francs. Mais Vandeuvres a tout gâté par une
plate bêtise, un<.' négligence qui prouve bien sa fêlure, l'oubli
d'avertir le book laker Maréchal [41U]. Exclu des champs de
courte:, exécuté le soir même au Cercle Impérial, le comte,
qui liepuis longtemps rêvait une iin releiitissante, se fait
llamnoi- dans son écurie, avec ses chevaux [i20j. {Xnita.)
Vandorpe. — Chef de gare à Paris (chemin de fer du
H a vre ) ['So] . [La Bèt c h h m a in c . )
"Vanpouille (riiKCESi. — Fourreurs, rue Neuve-iles-Petits-
Clia:iips. Ne peuvent teiiii' le coup devant la conciuTence du
lîonh'ur des Darnes [•2^]. lis. sont oliligés de sous-loaer une
parii-; de leurs magasin? ['JGH] {An Bonheur des Dames )
Vanska Cumtessk). — Mondaine fort riche. Elle a chanté
dans les cours, avant de se faire épouser par un Polonais qui
39.
i(2 LKS PEIÎSONNACES
In bat, dit-on [^1«^]. Elte conserve des mœurs galantes et
accorde ses baisers à prix lixe [129]. [La Curée.)
Vanzade (Madame). — La veuve d'un géuéral. C*est une
vieille dame très riche, presque aveugle, impotente. £lle
habite ù Passy un petit hôtel silencieux et fermé, où Texisteoce
passe régulière, avec le tic tac alfaibli des vieilles horloges ;
les deux serviteurs antiques, une cuisinière et un valet de
chambre, sont depuis quarante ans dans la famille ; de loin en
loin, vient une visite, quelque général octogénaire, si desséché
qu'il pèse à peine sur le tapis; c'est la maison des ombres, le
soleil s*v meurt en lueurs de veilleuse, à travers les lames des
Persiennes [1-1]. C'est à madame Vanzade qu'une ancienne
amie, la niôre des Saints-Anges, envoie, comme liemoiselle de
compagnie, Tardente Chrisline Hallegrain, qui devra lire inler-
niinahleinent des livres de piété ; mais, étouÛant dans cette
demeure close et rigide, Chrisline unit par s'enfuir, quoique
sa maîtresse la traite doucement, la comble de cadeaux et
l'appelle sa fille [12^]. Madame Vanzade meurt quatre ans
après et ses millions, qui eussent peut-être doté Christine,
passent aux hospices, sauf une rente que les deux vieux
serviteurs mangent en petits bourgeois [289]. (L'Œuvre.)
Vaquez (Judith). — Un modèle qui habite 09, rue du
lioclier. Ji'cst une grande juive assez fraîche, mais trop maigre
[oô]. (L'Œuvre.)
Vaucogne (IIectop.). — Mari d'Estelle Badeuil. Lors de
son mariage, Vaucogne était un jeune employé d'octroi, joli
garçon ï;àlant de belles qualités par une paresse extraordinaire.
Quand les parents de sa femme se sont retirés, il a repris leur
maison publique, niais, dépourvu du sens administratif, il a
laissé toute la besogne à Estelle, passant ses journées à fumer
des pipes, ne veillant pas à la casse, montant parfois avec une
fcMime, mangeant l'établissement de toutes les façons. Après
la mort d'Estelle, il u«:glige tout à fait le 19, on se bat dans
les roiil-'irs, on ne paye même plus, tant la surveillance est mal
faite; Ih'ctor pousse rineonsciencc jusqu'à aller au café, au
grand scandale de ses beaux-parents [340]. 11 finit par se
luire évincer au profil de sa fille Êlodic, en qui se retrouve heu-
reuscnioi.t le sang des Charles [192]. {La Terre.)
Vaucogne (Madame Hector). — Voir Dadeuil (Estzlle.)
Vaucogne «Élodie . — Fille d'Hector Vaucogne et d'Estelle
DES UOLCON-MACQUART 463
Badeuil. Pclite-nile de 31. cl Madame Charles. Elle avait sept
ans lorsque ses parents ont repris la maison publique du grand-
père. Ou Ta mise alors dans un pensionnat de Cliàteaudun,
chez les sœurs de la Visitation, pour y être élevée religieu-
sement, comme Ta été sa mère, selon les principes les plus
stricts de la morale. Ses grands-parents la reçoivent en
vacances. Mangée de chlorose, trop grande pour ses douze
ans, elle a la laideur molle et bouffie, les cheveux raros et
décolorés do son sang pauvre, si comprimée d'ailleurs par son
éducation de vierge innocente qu'elle en est imbécile [ii]; le
grand air de la campagne semble Tanémier encore [18U]. Par
un pieux mensonge, on a transforme pour elle le 19 en une
boutique de conhserie où ses parents sont si occupés qu'ils
ne peuvcMil la recevoir. Mais Victoriue, une bonne renvoyée
pour sa perversité, l'a renseignée depuis longtemps et, lorsqu'à
di\-i)uit ans, Hlodie est demandée en mariage par son cousin
Eriicsl Delhomme, elle entend succéder aussitôt à sa
mère, qui vient de mourir. Très grande, très mince, d'une
pâleur lie lis qui végète à Tombre, cette vierge aux yeux vides,
aux clii'veux incolores, parle avec sérénité du niétier où se
sont illMhlrés les siens; et à peine débarquée k Chartres, elle
se iiiiMilre élonnanle, aussi énergique et maligne que son mari.
Les Charles peuvent être rassurés sur le sort du 19, leur
peiile-liile a le don [510]. (La Terre)
Vaugelade (Uuc de). — Ancien maître du valet de chambre
Gourd [}*j]. {Pot'BouUle,)
Venot (Théophile). — Un ancien avoué qui a eu la spé-
cialité des procès ecclésiastiques et a fait sa fortune en servant
les Jé^uiles. Il s'est retiré avec de belles renies et mène une
existence as>ez mystérieuse, reçu partout, salué très bas, même
un peu craint, comnie s'il représentait une grande force, une
force CMfulle qu'on sent derrière lui. C'est un petit homme de
soixante ans. avec des dents mauvaises et un sourire fin. 11 se
nioiilft' très humble, est marguillier à la Madeleine et a
simplement acc<*j»lê, pour occuper ses loi.sirs, une situation
d'adjoint à la mairie du neuvième arrondissement [70] ; mais
avec sa mine «iouce ei jrrasse, c'est un terrible monsieur, qui
trempe dans tous les tripotages de la prètraiile [-(M>]. Installé
chez les Mullat comme chez lui, écoutant tout le inonde, ne
lâchaul pas une parole, souriant toujours, il surveille les
i«;i LES PERSONNAGES
évt'iienients, ayant Tunique souci de les faire tourner à la
gloirv tiii ciel.
(jaanii il voit le comte Muflal sur la pente du vice qui va le
ruiner cl Tavilir, monsieur Venol ne sourit plus, il a le visage
tornux, des yeux d'acier clairs et aigus [93]. 11 prodigue à
Miillat les meilleurs arguments contre les tentations de la
eliair, puis feint de s'incliner devant la volonté de Dieu, qui,
«iitil religieusement, prend tous les chemins pour assurer son
triomplie [±2o]. Avec la conscience très nette de son impuis-
sance, il accepte tout, la passion enragée du comte pour Nana,
la |>iê-ence de Fauchery prés de la comtesse, même le mariage
dT>ielle et àe bii^'uenet. Plus la situation s'aggrave, plus il
devioni soupie et mystérieux, nourrissant Fidéc de s'emparer
(la jeune uiéna,;e comme du ménaj(e désuni, sachant bien que
lus ;:rands déionlres jettent aux grandes dévotions [i-i3]. Pour
rai'iuo-lier le comte et sa femme, il n'hésite pas à mettre
.Nana ilans son jeu, il la supplie de rendre le bonheur à une
famille [iiSI]. il se fait tolérer chez elle afin de surveiller
MulTai [i7<>], et entin, quand tout semble perdu, quand la
liunte et la ruine accablent le comte, il le sauve du scandale
et 1'' console par un retour définitif aux pratiques religieuses.
{y a II a,)
Verdier (HAiiON). — Propriétaire d'une écurie de courses.
lai: courir Sun cheval Frangipane dans le Grand Prix de Paris
^ '>^>i;. iXana.)
•' j
Verdier. — Un avocat de quarante ans, qu'Hortense
,lo>>«'ianil jug'- très fort et par qui elle veut se faire épouser. Il
vit depuis quinze ans avec une maîtresse qui passe pour sa
feni:n«; dans le quartier, une bonne fille qui s'est rangée, le
s<'i;: liant, veillant à son linge; quant à lui, il fait des appa-
riiions dans les soirées, on le voit en conversations mvsté-
rieu<«»s et rapides avec llortense, qui n'a aucun doute sur un
}!o iiain mariage et pousse tranquillement au renvoi de la
niii ie>se. Uaburd, Vei'dier a acheté des chemises à celle-ci,
} '>u. «pfeile ne s'en aille pas nue, puis il l'accoutume à l'idée
ù une rupture en découchant trois fois par semain-, mais au
LuiiiHiii décisif un enfant survient; alors, Hortensc espère que
hv iJliette ne vivra pas, elle la dit toute scrofiileusc; elle
D' <•. m| • seuJeiiienl que le mariage soit reculé au printemps,
V<j!\l e." ne pouvant pas jeter la femme et l'enfant à la rue en
1 Iciii hiver [i'J.iJ. {Pot'Ùouillc.)
lïES lîOLT.ON-MACQrART 405
Verdonck. — Épicier û Moiitsou. Un pctil dêtaillarit dont
le coinmtM'ce est atteint par la concurrence de Maigrit. 11 fait
cré«lit pendant une sonmine aux prrévistea, dans fespoir de
relrouver son ancienne clientèle [:28l]. (Germinal.)
Verlaque. — Inspecteur à la marée. Petit homme pùle,
toussant beaucoup, emmailloté de flanelle, de foulards, de
cuclic-nez ; il a des jambes maigres dVnfant maladif. Lodenr
du poisson lui faisant mal, il va se reposer à Clamnrl [1:2:)] cl
se fait suppléer par Florent, qui lui abandonne génùreusemcnt
une partie, puis la totalité de ses appointcroenls. VVrlaquo
meurt dans une agonie affreuse [32â]. (Le Ventre de Puris.)
Verlaque (Madame). — Petite, molle, tn-s lurmoyantf.
Ou:ind Fl'iront vient rendre visite à Verlaque et lui rcni'M 1rs
cinquante francs qu'il lui .'sbandonne chaque mois, elle lac-
eriliîe de conversatioi:s dolentes, l'apitoie, obtient qu^* le
sccour.< soit doublé ; puis, dans Tintervalle des visites, elle
l'crii S'Hivent à celui qu'elle nomme son sauveur, lui soutirant
ainsi d>' petites sommes qu'il envoie par la post<'. Les cent
cin4|uantt* francs mensuels du bon Florent passent ainsi au
mênajre. Li- j(uir de Penterrcment de son mari, madame Ver-
la({ue, la voix larmoyante, mais sans une larme aux yeux, fait
payer jmr Florent le cercuei! et le convoi, jusqu'an pourboire
(les cro jue-morts, et, au moment de partir, elle le regarde
d'un air si navré qu'il lui laisse vingt francs [3i3]. (Le Ventre
(le Paris.i
Vernier. — Critique d'art. A publié une étude sur le
peintre Fagerolles. Jory assure que cet article ne fait que
répéter les siens ['lot)], (L'Œuvre.)
Véronique. — Servante des Chauleau. Entrée chez eux à
l'àgc de quinze ans [3]. Grande fille avec des mains d'homme
et une face de jrendarme, joues a peau rnde. Fantasque cl vio-
lenle. (l'un naturel jaioux, lonjours furieuse conlre quelqu'un,
Véroiii'!îîe a ]»onr ses iriaitres un dévouement de béh- de
soinni'*. Lors de Tarrivée «le Pauline Qucnu, l'il»; est dans la
n)aison d-puis vingt ans. D'abord hostile à lanouvelie venue,
}»leine de colère conlre l'iiilruse, elle se laisse prendre peu
à peu par le cliarni»* de l'eni.inl, voit les manigance^ «lunt Pau-
line e>l l'objet, se révolte contre l'égoïsme des Clianlean et
dénonce iMilin à la jeune lille leurs basses nianœuvr.'s [l'*"»].
Puis, à la mort de madame Chanteau. une nouvelle révolution
400 LES l'ERSONNAGES
s'opère en elle; le retour de Louise, son mariagre avec Lazare,
la naissance du petit Paul, les sacrifices continus de Pauline,
auxquels Véronique ne peut rien comprendre, achèvent de la
dL'lrai]uer, elle linit dans son désarroi par se pciidre à un poi-
rier, dau< le fond du jardin [447]. {La Joie de viire.)
Vial «Abué). — Second grand vicaire du diocèse de Plas-
sans. Sa place, qui va devenir vacante, a été promise à Tabbé
llûurrette [100]; elle est donnée à Tabbé Faujas [;Uo]. {La
Conquête (le Pla8san$.)
Vial iMÉLANiE) (1). — Seconde femme de Jean Macquarl.
Fille uni*{ue d*un paysan aisé; c*est une robuste campagnarde.
Grosse des la nuit de noces, elle est accoucliée d'un superbe gar-
çon, puis de deux <iu(res en trois ans, dans un de ces cas de
récuntiilé pullulante qui ne laissent pas aux mères le temps
d*;illaiier leurs petits [130]. (Le Doctenr Pascal.)
Vian. — Maître charron, établi dans Timpasse Sainl-Mittrc,
voisin d'Adélaïde Fouque. Il prend en apprentissage le jeune
SiUcre Mourel [166]. <7esl un brave homme, qui défend
Miette contre la méchanceté locîile [-15], {La Fortune des
hougon.}
Victoire. — Cuisinière des Canipardon. Vieille femme de
soixaiile-ùi\ ans, débordante de graisse. Elle n'est plus très
propre à cause de son grand âge, mais elle a vu naître mon-
sieur, cVst une ruine de famille que les maîtres respectent
['1\]. Llle raconte à l'oflice les vieilles histoires des Canipar-
don el s'entend bien avec la femme de chambre Lisa, chacune
•rûtégearii le vice de l'autre. Celui de Victoire est l'ivrognerie
;io:j]. [Poi-Bouille.)
Victoire (La mère). — Femme du chauffeur Pecqueux. A
clé autre lois la nourrice de Séverine Aubry, qui venait de cou-
ler la vie à sa mère. Plus tard, mariée avec Pecqueux, vivant
mal à Paris, d'un peu de couture, exploitée par son mari qui
mangeait tout, elle a renconiré sa fille de lait, et, par elle, est
de\'.nue la protégée du président Grandmorin. Celui-ci lui a
ul>tt-iiu un poste à la salubrité, la garde des cabinets de luxe
;. la gare i>aint-Lazare, le côté des dames, ce qu'il y a de
!' Mchn.ie Vialy pnyS'Diue forte et saine, mariée e^ ISTl à Jean
Mii'.'judit, veuf de Françoise Mouche. (Arbre fjcuc^htgifjvc des
llov'joh'}î-::quart.)
DtS nOLCON-MACQUAlîT 407
meilleur; la Compagtn'i ne donne que cent francs par an, .lais
elle s'en fait près de quatorze cents avec la rccclle, s.ii^.s
compter une chambre de l'impasse d'Amsterdam, où elle
est même chautréc, et que les Rouhaud utilisent comme pied à
terre lorsqu'ils passent une journée à Paris [12]. Devenue
énorme, difficile à remuer, elle glisse des pièces de cent
sous dans les poches de Pecqueux, afm qu'il prenne du plaisir
au dehors. Très économe, vivant chichement elle-même, Vic-
toire, qui accepte le second ménage du Havre et qui traite son
mari maternellement, répète volontiers qu'elle ne veut pas le
laisser en all'ront là-bas; môme, à chaque départ, elle veille
sur son linpr.*, car il lui serait très sensible que l'autre femme
l'aciusô de ne pas tenir leur homme proprement [îSO]. Devenue
impotente à la suite d'une foulure, elle lâche son poste Je la
salubrité et se fait admettre dans un hospice [HS'*]. {La Béte
Victorine. — Cuisinière de Nana. Elle est mariée à Fran-
çois, le concierge et valet de pied [313]. {Nana,)
Victorine. — Une bonne des Dadeuil, retirés à D ^nes.
C'est par «lie que la petite Elodie Vaucogne a été renseignée
sur If cofiunorce de ses parents. Victorine est renvoyée pour
inconihiiic [100]. {La Ferre.)
Vigoureux. — Charbonnier rue de la Goutte-d'Or. Vend
il Gervaise son coke au prix de la Compagnie du gaz [ioZ].
{L\\S^om/."'ir\)
Vigoureux. — Marchand de marrons. Est installé rue (^e
In Mitliouêre, dans une étroite guérit»', prise sur la boutique
d'uij niajTli.-nd de vin [U4]. {Au Bonheur des Dames.)
Vigoureux (Madame). — Femme du charbonnier. Voisine
de rnTvni>e. ['élite femme frrasse, la f:»cc noire, les veux lui-
soiîts, fainéantanf à rire avec des hommes [ITI]. {LWssom-
mon'.)
Vinieux. — Petit huissier minable, qu'on charge des cor-
vées dui;! Min confrère d(; Cloves ne veut nas. Dont d'iioinme
très ma!|i'0[»rH. un pauuel de barbe jaune, d'où ne sorfeiit
(ju'un iirz ru:ige ei des yeux chassieux. Pcliie voix jrrè'e. Tou-
jours vi.hi on monsieur, il a un chapeau, une reilin;.'cle. un
païUaloii noirs, aliominaldes d'usure et (Je taches. \ injt.ux e<t
rL'I..l»ie li-u? le canlon, pour les terribles raclées <iu*il reçoit
i > LKS PEKSONNAfpES
Jls p.Mysans, charjuc fois qu'il se trouve obligé d'inslruinenter
contre eux, loin de lout recours [o2G]. (La Terre.)
Vincard. — Marchand de soieries rue Neuve-des-Pelils-
('.i.aiiii'S, pr.'s du passaj^e Clioisi/ul ; un magasin propre et
il ir. «J'un luxe lout moderne, petit pourtant et pauvre de
nj.tichnuiises. Avec ses veux ronds et sa bouche lovale. Vin-
ça <1 a I air franr, la mine ouverte, il donne sa parole d*bon-
near avec la facilité dun homme que les serments ne gênent
p 5. «/esl un finaud qui joint les deux bouts avec une a?arice
<i- clii^'n et tjui, batlu en brèche j»ar le Bonheur des liâmes
lève <ie vendre son fonds avant la débâcle; voulant séduire
H-'Mi: au, il lui présente la maison comme une all;iire ti'or
01 -iiiîeiTonîpl pour geindre, malgré rôclat d'une ;.'ro5?e santé,
>•* plai.:iianl de ses sacrées douleurs, qui le forcent à manquer
SI ionijiie ['20]. Le coup fait, ses riiumaiismes ont disparu.
Avvc les quarante niille francs de Robineau, il a pris un res-
t i\:raiil à N incennes ; celte idée d'un commerce de bouche, où
Voi: p ut voler à l'aise, lui est venue après la noe d'un cou-
si: . où IViii a fait payer dix francs par tète des pâtes nageaiil
<la..< lie l'eai de vaisselle ['236]. (Au Bonheur des Dames.)
Vincent. — Tient un estaminet dans les environs de Monl-
5o;: [".il I]. {Germinal.)
Vineuil (CoMMANnANT de). — Père de Gilberte. Hetraité à
.! ! ^'liIe de ses blessures, il a été nommé directeur des
Jo nes, à Charleville. Le commandant, hanté par la mort de
-a 1 inine, que la phtisie a enlevée toute jeune, a envoyé Gil-
|.ei!o dans une ferme, prés du Chènc-Populeux. Il meurt après
avoir îDarié la jeune lille à Tinspecleur des forêts Maginot
[l'Gj]. iLa Dcbàcle.)
Vineuil (Colonel de). — Frère du commandant. En 1870,
il ■ '^aiiiaii'ie le lUG* de ligne, de la brigade Bourgain-bes-
îcuiJijs ^7' cojps). Le colonel a un grand air noble, une longue
f ict j.r.'.'ie (oiipêe de longues monsiaches tombantes; ses yeux
Si./ îv -.Môs très noirs, dfuis la blancheur des épais cheveux de
; '-i^'. Le juur de Frœschwiller, le 10(3* campe à deux kilo-
f.t : •> ie Mulhouse, vers le Uhiu. Le lendemain, 7 août, avec
{•.'W". la ilivision, déjà démoralisée, il se replie vers le sud,
c ; ':ie /. hanneniarie et rentre le soir du 8 à lielloit, d'où il
« :.:i! ]>a;ii «phtre jours auparavant. Après une période d*inac-
r.oii •-! -.' ujal lise, dans l'attente d'ordres supérieurs, on part
iiKs r.(iii.ox-MA(:QU.vr.T 4r.y
lo 18 pour rejoindre Tarmêe de CliAlons, en passant par
Langres el Taris. Le :21 août, le 100* est à Heims, il va prendre
part it la marche sur Verdun et Metz, qui, hientOt déviée dans
la direction de3 Ard^^nnes, al)Outira au cul-de-sac de Sedan.
Cet aclicininemeul de quatre corps d'armée vers Tabime sera
rendu plus poignant par la présence du souverain qui, n*ayant
fins de place dans son empire, va être emporte comme un
paquet inutile et encombrant, parmi les bagages de ses
troupes, condamné à traîner derrière lui Tironic de sa maison
impériale ["iî]. On s. 'ael en route du. $ une extrême con-
fusion.
Ce qu'j le colonol de Vineuil a vu et entendu pendant
le prcinit'r mois de la campagne rnnêantit; il ne lui
reste plus que son cournpe. dans son autorité de chef un peu
faible 4|ui le fait aimer plutùl que craindre de son régiment.
Le H» couche le 'Sô août u Dutrien [80], le 24 à Conlreuve
[Soj et, comme le convoi s'est égaré, les soldats vivent de ma-
raude, les ofliciers jfûnent. Le !25, on atteint Vouziers [98];
1.1, mal renseigné sur les mouvements de Tennemi, on garde
jusqu'au "1' une position de combat; les troupes, immobilisées
>;ins raison, dévort-cs par l'attente, éprouvent le malaise
dV'lre m:i! coiuluito>, attardées à tort, poussées au hasard
dans lîi plus di'sastreuse des aventures [110]; le colonel a
bien inuliiement harangué stiS hommes : c Tenez-vous prêts
et souvt'nez-vous que le ]<»G* n'a jamais reculé > [10<»1. La
marche reproiid le :28, h»''siiante, sous un ellroyable déluge et
un vent turieux [1:22]. Dans la soirée, le régiment est à lîoult-
aux-i»uis; harassé, il n'y reçoit qu'une maigre distribution de
pommes de terre [127]. Le 20, la pluie n'a pas cessé ; refoulée
par les Prussiens, novée dinis la boue, l'armée a dû abandon-
ner la direction de Stenay, qui la rapprochait de l'immobile
Liizaii»e, et elle va plus au nord, vers la Uesace, dans un pié-
tinement de troupeau pressé, harcelé par les chiens. On atteint
péiiibleiiieiil Oclies [I3ô], et à partir de ce moment il n'y a plus
de distribiition> de vivres.
La disciplinr a disparu, les soldats ont cessé de croire à
leurs elnl'ï. hans racharn«Miient de ia malchance, dans
l'excès des fautes commises, il n'v a olus, au font! de ces cer-
veaux i»orn»''N, qtie l'i'.iîM* de trnhi^on (|ui puisse expli(|uer une
lolie séiir .ie dé>a^lres [151^. Le oO, on se dirige sur Mouzon,
puis sur Vjllers, puis sur ricrnilly, par le défilé d'HaraucourI,
<.»n est allolé par le c .noa de Deautaont et la surprise de Var-
4!»
i: ' LES l'EUSONNAf.tS
iiii^irêt; le soleil a reparu, il fait très cliaad; ù pirlir de Rau-
cciaI'I. ta queue îles colonnes est atteinte par les obus eniicniis,
1*" soldats exténui'fS, tombant d'inanition, se raniment sous
lVi>eroii cuisant du péril. Et c'est maintenant, dans une démo-
ralisation et une anxiété croissantes, Tagonie dernière de la
rt'.raite forcée sur Sedan. A Remilly, après des heures angois-
>:t:ile? d'.'vant le pont encombré par la cavalerie, la brigade
renonce à passer la Meuse; elle suit la rive gauche. Le 31, au
}«e:il jour, elle enire dans Sedan par la porte de Torcy [176],
nv fait i]uc travers'^r la ville et va camper pins au nord, près
dv Fluin;', sur le plaleau de rAlg»^rie. On est enlin parvenu au
iiri «lu massacre. Engourdies sous les brumes de la rivière,
\i'< troupes 5ont ivres de fatigue, de faim et de froid.
' i.e culouel est là, û l'angle de deux routes, très grand, très
Yi.-fj tel i)u'un marbre de la désespérance; son cheval fris-
so.nj au froid du matin, les naseaux ouverts, tournés là-bas,
vers le canon. \ dix pas en arriére, flotte le drapeau qui,
da:.s la blancheur molle et mouvante des vapeurs matinales,
se: ibie en plein ciel de rêve, une apparition do gloire, prête à
<'c.avi>»ulr [-34]. Dans la terrible journée du 1*^ septembre,
le lOG', allongé sur le plateau, à plat ventre dans les choux,
Il ; À[ les feux croisés des batteries prussiennes établies sur le
II toy et à Frénois; vers midi, par un suprême effort, il se
perle vers le calvaire d'illy; le colonel de Vineuil soutient ses
soJats sous le feu, trouvant des paroles pour chacun, parlant
(Il la France d'une voix tremblante de larmes; mais on no
pc:l l'unir longtemps sous un déluge de feu et, bientôt, c'est la
li:.. cVsl l'inévilablc déroute de malheureux qui, pendant
«lo.zi heures, ont attendu, immobiles, sous la foudroyante
ar::llot le d'un ennemi invisible, contre lequel ils ne pouvaient
ri-..i [:;i;<;j.
iillu, écrasé avec toute l'armée, le régiment en retraiie par
1» Suis J»; la Garenne n'aura vu d'autres Prussiens, dr?puis
le lie'j ru carnpaj^ne, que trois uhlaiis trop hardis, le -9 août,
|t: s <i Auihf [l-)l] rt, le jour de Sedan, une dizaine de casques
à : ii.te. vile dissiinnlés d:ms un p»'lil bois [liôn]. Internés
(L; s 1 • (^ainp d«.' la .Misère, sur la rive droite de la presqu'île
• ri..»*s. \r< surviva:.ts du lUG* sont emmenés en captivité, après
'p::.qnes jours J'allreuse détresse [4i3].
Lo r«>lo;iel d».* Vin«'uil, blessé sur le champ de L^laille. était
vvT '': '.: cin'Viil jusqu'au bout, puis on l'avait trans}«'»rtê à ^':rvlan,
cl i h'I.iiieiclR*, 1»^ mari de sa nièce (iilherle. En djct.':!ii)re.
DKS PiOLT.ON-MACQrAi: F 471
sa blessure est guérie, mais il reste dans un grand accable-
ment moral, il maigrit, devient une ombre, sans que le méde-
cin qui le soigne puisse découvrir la cause de cette mort
lente; ainsi qu'une flamme, il s'éteint [513]. Pendant de
lon;rues semaines, il a vécu cloitré, sourd aux bruits du dehors,
atterré par les catastrophes qu*il devinait, acceptant Funique
compagnie df. sa vieille amie, madame Uelaliercbe mère. A la
lin de déc«'mbre,' il meurt foudroyé par la lectwe d'un vieux
journal, où se trouve le récit de la reddition de Metz [566].
{La Débâcle.)
Vineuil (Gilp.erte de). — Fille du commandanl. Mariée
en premières noces à Maginot et en secondes noces à Jules
Delahercbe. Ouand elle avait neuf ans, son père, inquiet de
i'enioiidic tousser, l'a envoyée dans une ferme, près du Chéne-
Po}»nli'u\, où elle a connu iienriette I.elellier ICIle était déjà
d*une coquetterie turbulente, elle jouait la tomédic, voulait
ton/onrs faire la reine, drapée dans tous les chiffons qu'elle
trouvait, gardant le papier d*argent du chocolat pour s'en
fabriquer des bracelets et des couronnes. Plus tard, elle reste
la luème. l'»rsque. à vingt ans, elle épouse un inspecteur des
forets. Ma^'inot. .Méziéres lui déplaisant par sa tristesse, elle
« oi.îinue d'habiter Charleville, dont elle aime la vie large,
èguvèe de fêles. Son père est mort, Maginot est un niari paci-
liqiio, Gilherle jouit d'une liberté entière. Dans le flot d'uni-
foruit» s où. jrrjre .aix anciennes relations paternelles, elle a vécu
:'» cf.ilo époque, son seul amant a été le capitaine Deaudoin.
Sans niéchancelé perverse, aiorant simplement le plaisir,
elle a cédé à son irrésistible besoin d'être belle et gîiie [562].
En IvSOO, devenue veuve, et malgré les histoires qu'on chu-
chote sur son compte, elle trouve un second mari, Jules Dela-
herclie.
Grande. Tair souple el fort,' avec de beaux cheveux noirs,
de beaux y',*ux noirs, et pourtant très rose de teint, la mine
rieuse, un peu folle, Gilberleva traverser la guerre, elle verra
les horreurs <lc l'ambulance cl restera toute à sa joie; elle
.frnrà«ra son air d'oiseau qui seeone les ailes niénu' sous
l'orage. El, malgré la surveillance de madame Delahercbe
Miér»', elle couche gentiment, la veille de Sedan, avec son
ancien ami lîoaudoin, trouvant naturel de faire un dernier
cadeau de plaisir à l'ami qui va se battre [-61]. Pendant
l'occupation, elle se montre aimable pour le capitaine de
i . .
LLs m:i;so.nna(;ls
(iiMlaiil» II, de la laiulwelir, elle coquelle avec lui comme elle
hii ai! auhcfois, à Charleville, avec les ofilciers fraiirais, et,
(iat s un l»esoin ilc se partager, ne se contenlani pas d'amuser
la vauiié <lu PrussicMi, elle est la maîtresse du jeune Edmond
La.-ai .1(\ si l»rave, si joli, â qui elle n*a pas pu se refuser [5GIJ.
I /- . ]J b'ii'lf.) \
Violaine (Lolisl). — Petite actrice des Variélés, poussée
>•.!• le jKivé parisien [111]. Elle double Nana dans la iJlondn
V jii.< et obtient un très joli succès [205]. (.Vana.)
Virginie iLa r.RANDs). — Sœur de la brunisseuse Adèle.
Ouvrier.* laisanl la noce. C'est une grande brune, jolie malgré
>;' ii^r.re un peu longue [ii]. Lorsijue Lantier, devenu l'amant
j Wilil •. aluinilonne Gervaise, Virginie vient narguer colle-ri
au lavoir, se bal avec elle et est vigoureusement le^sêe devant
!oMes les i)laniliisseuses [3.">]. Elle quitte le (juartier et n'y
re ieiil (ju'aprês plusieurs années, mariée à Poisson qu'elle a
: nu au '^iros-Caillou et avec qui elle s'installe rue Neuve de
ia (io;:îl« -TOr, dans la maison des Goujet [225]. Les querelles
i" it!'.t')i> souiblent oubliées, Virginie pousse Lantier dans
;••- !»;; - (]•' fi- rvaise [•>"«] et assiste avec une joie silencieuse
.'. la r un ' lies Couper.u; elle reprend leur boutique pour y
.!• r ui; pe'it commerce de bonbons et cbocolats [iO.')] et
:;i.: !• s lors la dame de comptoir, trompant Poisson avec
I.i. lir:. se v^•ngeant cruellement de Gervaise qui, réduite à la
::i:- r- . vIlmiI l'aire les grosses besognes dans son ancienne
ho i! r:e, >ous les yeux îles deux amants [iSi]. Le petit com-
i. : .e finît d'ailleurs far mal tourner cl, (juand le papier tim-
■.ri la l <ou apparilio:», Virginie est lAcbêc à sou tour par
L;...li'.: . iL'A.<somwoir.}
Viscardi. — riéfugiê politique vénitien [60]. Attend mé-
].\: '!: {ueiiirin l'écraseiueut de rAulricbe. Fré<}uente cbez les
];. i ji. S'ni K.vccUi'ace IUngrue Hotnion.]
Voincourt (ComTl:??.: de). — )Ièrc de Claire dcVoincourt.
:I : il- à icauiiJûnt un bel bôtel aliénant à révêcbé [207]. (Le
II •■.
Voincourt Claip.?: dz). — Doit être mariée à Félicien
;c il : • -lu:-. l>f part et d'autre, on ne peut soubailer mieux
. 1. 1. -ai et coiiim»' ari-enl. C'est une prande deinoiselle
■ ^ ' ! là ê d An.tréli nie Marie, fori belle, d'une beauié écla-
e. . •■' r ii:i • démareiie de rovale distinclion. On la dit très
DES nOUGON-M.Vr.QUAin 47:{
bonne, malgré son air de froideur [208]. Un miracle ayant
réalisé le rêve de mariage d'Angélique Marie, mademoiselle de
Voincourl assiste à la cérémonie nuptiale, et elle y chante,
d'une voix très belle, tri*? pure [30G]. (Le Béve,)
Voriau. — Grand chien noir appartenant à Bamboussc, le
mairo dos Artaud [30]. {La Faxite de Cahhé Mouret.)
Vuillauxne. — Père de madame Marie Pichon. Petit ei
sec, très vi«'ux, mine gri^e. A été pendant trente-neuf ans
commis rédacteur au ministère de Tinstruction publique. On
Ta décoré à soixante ans, Retraité avec deux mille francs, il
est r»»n«ré dans les bureaux comme expéditionnaire à quinze
cents Irancs, la petite Marie étant née sur le tard. Plus tard,
la joinio fille mariée, les Vuillaunie se sont retirés à Mont-
martre, rui; Durantin, venant chaque dimanche passer lo
journée chez leur gendre. Une première grossesse de Marie
leur a paru normale, mais ils ont bien spécifié que le jeune
ménnirc dovail s'aiTèter là. Deux autres enfants coup sur coup
lo^ ^Mnpl:>5o:u «le ronsternation et de colore, ils s'alitent,
ronip'-nt tv'iile relation avec les Pichon et veulent même les
dé^îiéril'M- [-iGG]. (Pot-BoviUc)
Vuillaunie (Madame). — Ressemblance physique avec son
mari. Elle p* «Ué mère qu'à quarante-neuf ans. Ses idées sur
réducalion «it*:? illles se résument en c«»ci qu'une demoiselle en
sait lonjoiir.? de trop [81], Cest elle qui, en mariant sa fille,
a exigé (jue le joune ménage n*ail qu un enfant. {Pot-Bouille.)
Vuillaume (Marie). — Femme de Jules Pichon. Mère de
la petite Lililte. C'est une jeune femme blonde, au pâle visage de
fille tardive, née dv parents trop vieux, à la peau d*une finesse
et d'un»' iraiispareiice de chlorose, aux cheveux rares serrés en
un niiucj* rlii;:iion, aux yeux clairs et vides, avec des traits fins
et jolis pourtant [81]. Son enfance a été tenue dans une ignp-
rancL et une niaiserie systématiques. Elle est très réservée,
presque sauvji^'e, avec des confusions qui, à chaque instant,
sans cause iipparr'nte, lui jettent tout le sang au visage. Devenue
mère, elle r"i:ardc sa fille avec riiébèlenient d'une vierge stu-
péfaite d'avoir pu fai.'e ça [STj. Elle a le r'-prel maladif d'une
;iutre exiiPînce, r»}vêe jadis au pays des chimères, elle a un
besoin Je l'au-delà, la lecture du premier roman l'affole et,
sans presque s'en apercevoir, elle gliss»' à l'adultère, elle ^••
h'.iii'- j'.» Util/ |.;;r Oclave Mouret, devant Lililte endornii»^ Kl
lu
474 LES PEBSOXNACES DES nOUCO.N-MACQUAKT
oilo conlinuc à vivre avec son clair regard d*iiinocente, sans une
émotion a voir son amanl si prés de son mari, les servant tous
deux selon leurs ^oûts, de son air un peu las d'obéissance
passive. Octave a rompu avec elle, elle le laisse revenir quand
il le veut, sans force, paralysée par celte volonté d'homme qui
>'iinpose. Cest à la fois chez elle de la boulé, de ia peur et de
la bètisc [3G0], logique résultat de son éducation de poupée.
iPo!-nouHle.)
Vuillet. — Libraire à Plassans. Personnage aux mains
humido?, aux regards louches, catholique pratiquant, honoré
de \\ clientèle des nombreux couvents et des paroisses. A pris
un»- iniporfance politique par la publication d'un petit journal
reli^ii'ux qu'il rédige dans uu style plein d'humilité cl de
liel ÎU] Vuillet vend aussi, sous le manteau, drs gravures et
des ouvrages obscènes qui Toxposentà la police correctionnelle
.:l lui valent la clientèle assidue des collégiens ili Plassans.
Abouché aux Uougon, il suit les événements, prêt à pêcher en
eau troulde. Dans le désarroi du coup d'Étal, il occupe tran-
• ]ui;!enieut, de sa seule initiative, l'hôtel des Postes, dont le
liirTCleur a été arrêté par les insurgés, et là, il fouille dans le
Courier, llaire la correspondance de Pierre Piougou et y trouve
!ine lettre confidenlielle d'Eugène, grâce à la )U»:rlle il rallie
-or. journal au nouveau pouvoir, alors que les autres cherchent
eU' 're leur voie. Félicité, qui l'a pris la main dans le sac,
5'ei.t>M)d facilement avec ce fripon et, pour prix du traité, lui
1 lit rendre la clientèle du collège, vente assurée de quatre à
• in f inlllt? francs par an, qu'on lui avait retirée à cause de
SCS sjH'culations pornographiques [321]. (La Fortune des
Ro 'fjon.)
w
Weiss. — Mari irilenriiMlc Levasscur. Cousin germain
«rOlU» (iuullior, i»p.r les fcMnnus. Eiilré ù la IiiiMineric j^cnéralc
ilu Gliô • -IV^iuiImux, }Mvsqu^ à litre d'iionmic de peine, il s'est
fnil une insiruclion el. à force de Iravail, est parvenu à
l'emploi «le comp!al>le. We.ss est heureux depuis qu'il a épousé
Henrit>tto, si long^iemps désirée, connue au Cliéne, chez son
père. Il est aujourd'hui, à Sedan, contremaître chez Dclaherche,
tpii pnrh* de Tassocier à sa maison; ce sera le bonheur Jorsque
des eufatits seront venus fl8M]. En 1870, il a trenie-six ans.
!iûnx, avec une face de bon chien, éclairée de deux gros yeux
lileus à Heur de tête, des yeux de myope qui l'ont fait rê-
for.her, Weiss est un AliJ.oien de Mulhouse; son grand-père et
sa <irand'mère ont été as>assinés par les Cosaques, en 1811.
Snilevé de colère devant récrasement certain de la France, il
devine les causes lentes et cachées de notre aflaiblissement; il
a compris que la victoire ne va pas à qui s'arrête dans retiort
continu d»»s nations, qu'elle est à ceux qui marchent à l'avant-
garde, aux plus savants, aux plus sains, aux plus forts [07] ; il
a vu l'Allemagne prtHe, mieux commandée, mieux armée, sou-
levée par un grand élan de patriotisme, et la France effarée,
livrée au désordre, attardée et pervertie, n'ayant ni les chefs,
ni les lioiiimrs, ni les armes nécessaires [195].
Wi>i>> p'sideâ Sedan, rue des Voyards, et possède h lîîizeilles
une pehir habitation de plaisance; il va y coucher la veille de
i:i b.ilaille. l ne fureur monle en lui à l'idée que les Prussiens
ponrrai<-nt venir saccager celte maison si désirée, si diflici-
lenieni r.Cfjnisc. Le h'' seplembre, dans l'exquise matinée d'un
ai]jniral»K' jour d'élé [:iOS], il voit les préparalifs de défense
lu ]"! corps, les bavarois passant le pont ilu chemin de fer,
qu'on n oublié de faire sauter, leurs colonnes se glissant vers
Moniivillicrs [-0»]; il regarde avec une angoi>se terriliée ces
coteaux de \Vadelincourl, de Frénoîs, de Noyers, de la Marfée,
•a
"t
4: •• m:s ri:i:M»>.NAi;Ks di:.s iîoi'{.un-m.\(:«,»u\ijt
•••■II" «liil»» (lo vallons «ju'il a toujours crus là j»our le plaisir «le
i. vu •. il (jui son! devenus lout à coup rcIÏVayaule cl pripan-
i»-j\i iorleres>e, eu Irain iréciascr les iuuliles iorlilications
J' S l.'ii f-I')j. 11 va relourner à In ville, où IJfnrieUe
i'.v.t'*: i. quaîiil la secousse nerveuse proiluile en lui par la niorl
!•• Il urnise Quillard, atteinte sous ses yeux d'un éclat d'olms,
i • Mit».' dans une exaspération folie, agrandie encore par la vue
in lo dt; sa uinison, à moitié crevé [-10]. 11 resl^î à Hazeilles
.apnraiil du cliassepot et d«-S cartouches d'un soldai tué
II' s c- lui. il se met à faire le coup de feu.
'e ^'o< bour^^eois en paletot, à la lionne face ronde «pn» la
•.olrr ir:iîi»!iL'ure, presque coinicpic et superb? d'Iiéroïsnie, aux
V'.'i \ i.jiiis de lunettes, lire dans !•* tas des lîavarois; 1 réclls
. ; iNi 1 portent leurs fruits ; il ne recule pas devant la menace
-• •- îiiillions d'hofunies, se ruant sur quelfpies c»*nlaines de
! :; e^. La veille, il avnit conseillé à Ducroî la marche sur
'*' .iéi-s par le délilé de Saint-Alhert ; aujourd'hui, il >«.- «iêses-
: •:•• li • voir celle idée odoptée viii^t-(|uatre heures trop tard
•.: i izilles évacué, lorsque des reiilorts pernictlrai«'nt de cul-
.V ;: :• .'"iniemi. liés lors. ri»'n n'existe plus que srt ra;^e, une
. :•;.'.• !;.e\tinguilde, à l'idée que rétran^^er entrera chez lui,
^ >■•!;; sur sa chaise, hoira dan> son verre. Cela soulève
: • -r: eîre, emporte son existence accoutumée, sa lemme,
:; :.'>, sa prudence de petit hourg^eois raisoniM-.bîe. li
r... -I ...e «ians sa maison avec le fjarçon jardinier Laurent et
poi-iiéo de soldats, d'^cidésà vendre clnTemenl !enr [»eau;
p»,'tiie ffarnison eiirai/ée, résoLie à ne pas se rendre
Miîra jusqu'au bout ['IHÔ]. E.ifiêvré, les mains Irem-
désrspéré de sa mauvaise vue, mais indillèrent au
il lire un peu au hasard: la violenc- des h;:lles a
in^' persieiine, il se précipite et rétablit la meurtrière
lune armoire poussée contre la femtre: sous ie feu,
►^ (Jes munitions parmi les morts et, lorsque la lutte
. faute d'.- cartou-'hes, il meurt en brave, fusill-; sous
• - .;. !•• sa chère Ileiirioite ["200]. i La Drliàclc.)
'Veiss «.MaL'AVe). — V,.ir LLVA<s;:rn (HLMUtiïïi:).
'.Vomis. — lllnslre t; illcui-, devant qui les reir.os du
■ L .ipift. se metleni à ^^enoux. I! le-» habille av.-c l'inspi-
: •; •• ;<.' lecueiil-Muenl d'un arliN!.- p-énia!. ri'-ii'-f .Saccaril
. 1;! . • >■> cîieules et 1 -isse chez lui, en rrii»uranl. une dette
• .. -h! ciiiqiii'.nle-sr'ît inillf frahCrj [-jÔUJ. iL'i (J'Ut-..)
L.
.•: po:
C
.-■ r..
1
l/.e?
1:
. ': 'i'-
a
'.•.■.'\--
1
;j ;•«
r
t
Jl ■ . i
Zéphir. — Cheval du chasseur d'Afrique Prosper Sanihuc.
>0!itlic u une telîf faim à Sedan qu*ii allonge le cou pour
niatv'.tr l''s pliju'hfcs d'un fourgon stationnant contre le trottoir;
se> î^ios>e> dents font un bruit de râpe contre le bois [1T8J.
Sui' !»• (thiteau d'illy, Zéphir, aussi abruti que son n.aîlro. est
érointc du Ix'le de métier qu'on lui fait faire, depuis si
on;jlenjps [!Î1>S]. I»ans les tbiu-ges successives de la division
Mar-n«.riii«\ un»* blessure à Toreillc Taffole. Puis, à la qua-
trième ;"{»iiNO. atteint d'une balle en plein poitrail, il s'ahat,
icra-;i:,t sous lui la harrbe droite de son cavalier [.'VJ2]. Resté
iiiuUîaii pouiiaiit des heures, il rouvre les yeux quand Prosper,
revi nu de son évanouissement, l'appelle avec douceur et lui
dii ;..li.. u. Il a alors u» e ^ecousse (|ui permet à son maître di*
se iîégr'jror. ri Zéphir meurt, ayant dans les yeux de grosses
hruit- [ iMiij. [La Déf»àcle.)
Zéphyrin. — Valet de ferme à la Borderic. Se moqu«» dr<
inac!ii!i-s a^MJcoles, adoptées par son maître Alexandre Ilour-
d'N|uiii [1. ■'»!]. [La Terre.)
m
Zidore. — Gamin de dix-sept ans, fluet cl blond, apprenti
zin^ii. ur. Il est l'aide de Coupeau [I ilj. (L\[s.<o)itmoir.)
Zoé. — La femme de chambre de Nana. Se dil fille d'un»*
s: ;: ■-r'-iiiiiio (\ti Lîercy, ijui a fait de mauvaises adaircs; oll»* est
eiitiéc ciii'Z i\n dentiste, puis chez un courtier d'a>"îUraiHes,
mais (a no lui allait pas, et elle énumére, avec uno pointe
d'orgueil, les daines où elle a servi comme femme de chambre.
S>.uviM:t. elle a tenu leur fortune dans sa main, le« jiitlaiit à
duper leurs messieurs sérieux, à dissimuler ramant de rœur.
A va lit ij'tlrc chez Nana, elle a servi Pdanche de Sivry. Très
hruiio, coilléc de petits bandeaux, elle a une ligure longue, en
ITH
IE> l'EKSONX^CES BES Ruw;nN-M4ryrAr-.T
ïiiuEi^aii âe rilicn. livjdo el coulurée, avec un utz éj'nlé, ie
•;lo^>l;s K-vi^ct cl ilps ycm noirs sans «sse en iiioiivinent [38].
Srtn; lie l'avenir Je .Naoîi, recCTant loulos se* cou! î-tcc» arec
une sytnpalliie rpipccliunsf-, lui ilonnniit de! c^ns-ilï iliscrcis,
elle ne »e JKcauTitgv pas devant une Tii^c bclf i^iii 3. niis la
ca))Diiiie aux Lrai de Tncteur Foitla]]. La cri^e pn5!-:<?, madame
çDiJi;>tueii£cmen( instullée avenue de Yiliiers, '/.ai irJoni|<lie; elle
esl la niattreï»e tie l'hôtel, faisant sa jwloie tout en servant lu
(iliis liotinâlenienl po^ible, orffnnisnni le dêjoiilr.? rour gagnoi*
Ij'Miicoup (l'nrg«nt cl s'ètaWir [179]- EIIl- rejni:iijf,i r^iiibli*-
seiif-iit dclaTricon, un vieux projet lon:teii)|i§ m ..é: yl in.v
'l'idi'e* larges, elle doit agrandir la chose, luuer m. iii;:iieiiljlfi
entier et y réunir («ui lei agrinwnu [ifiS]. [Xana.)
BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER
EUGÈNE FASQUELLE, ÉDITEUR, 1), RUE DE grenelle
CHOIX DE ROMANS
COxNTES — NOUVELLES
Collection dite BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER
A 3 Fn. SO LE VOLDMB (FRAN'CO)
Ces ouvrages sont envoyés franco contre mandat ou timbres-poste
adressés à l'ordre de U. Eugène FASQUELLE, éditeur, 11, rue
de Grenelle, Paris.
vol.
ALEXIS vPAUL) La Fin de Lucie Pellegrin
— Le besoin d'aimer
— L'Éducation ainoureus'j
— Madame Meuriot
— Trente Romans
— La Comtesse
— Vallobra
ARÈNE (PAUL) La Gueuse parfumée
— Au Bon Soleil
— Paris ingénu
— Les Ogresses
AUJ AR (LËOPOLD) , . Mousse
BANVILLE (TH. DE) Esc{uisses parisiennes
— Contes pour les Femmes
— Contes féeriques
— Contes héroïques
— La Lanterne magique
— Pari s vécu
— L'Ame de Paris
— Lettres chimériques
— Contes bourgeois
— Dames cl Demoiselles
— Les Délies Poupées.
— Marcelle Rabe î
BARRÉS .MAURICE) Le Culte du moi : Trois Ro:n:uis
idcolopriques.
— Sous rU'^il dos Dnrbares I
L'n Homme libre I
— Le Jardin de Bérénice 1
— L'Ennerni des lois 1
»)
blBLlOTIir.QUC-CHAnPENTIEK
BARFES (MAUF.ICE)
BARF.'JCAND (VICTOR)
BAUER (HENRY)
bern:roin de st-pierre
berton «claude) ,
BIART (LUCIEN)
BOISSIERE (ALBERT;
BONNETAIN (PAUL)
BOSQ PAUL)
BQUHELIER ^ST-GEGRQES DE).
BRUL:T .PAUL),
CAMVET CHiRLESi...
CHKfr-:ON ALFRED)...
CHArvFSAlR (FËLICIEN)
CLADE..
CLAP.E'IE JULES;
CLEr.E-:E:u .georges)
vol.
Du Sang, de la Volupté et de la
Mort 1
Le Roman de rEnenne^ natio-
nale :
Les Déracinés
L'Appel au Soldat
.\ vec le feu
Une Comédienne
Mémoires d*un Jeune Homme..
Paul et Virpcinie
\\i Coin d*un bois
La Conversion d'Angèle
Laborde et C'«
L*Eau donnante
La Terre cbaude
La Capitnna
Les Magloire
Une Garce
Lhs Trois Fleurons de la Cou-
ronne
I/Opiura ,
Le nommé Ferreux /.
Amours nomades
Au Tonkin
Désillusion
La lioule noire
La Tragédie du Nouveau Ciirisi.
L'Ame errante
La Rédemption
L'Ennemie
Pauvres Diables.
Le Gêneur
Sa Fleur
La Faute des Roses
Poupée japonaise
La Glaneuse
Lulu (Collection illuslr-e)
Donsliommes
N*a-qu'ui)-œil
L'Accu?alcur
iJricbanlcau
Le Sang franyais î
Les Plus Foris 1
BlBL101HtVi:E-.tllAi;i*tNTIIi:iî
-)
VUI.
CLEMENCEAU (GEORGES)...
CONTI (HENRI)
CORDAY (MICHEL)
COUTURIER (CLAUDE)
DAUDET (A.)
DAUDET 'M^cA.)..
DAUDET (E.i
DAUDET (LÉON-A.)
DESCKAUMtS (ED.)..
DONEL (LUCIEN)....
FABRE (FERDINAND).
.\u fîl des Jours
(lui^nol (Coïleclion iïluslréc). . .
Vénus ou les Deux His«|ucs . .
Nise
I/Inespcrc
Fromont jeune et Itisler aine. . .
Le I*etit Chose
Lettres de mon Moulin
Snpho
Contes du Lundi
1^ Nabab
Numa Kouniestan
Soutien de Famille
hniiressions de Nature et d Art
Journées de femnies
Le Kotiian d'une Jeune Fille...
Hierés
L'Astre noir
Les Morticoles
Les c Kamtchatka >
Les Idées en niarcho
Le Voyage de Shakespeare ....
Suzanne
1^ Flamme et VOr i»re
Sébastien Gouvi'S
La Homance du temps présent.
Les Deux Étreintes
.Vlphonse Daudet
La Kreutzer
L'Auteur mondain
Corniche
Le Uoman d'un Peintre
Julien Savignac
Le Chevrier
L'Ahhé Tigrane
Les Courbezon
M "•de .Malavieille
Mon Oncle (^élestin
Le Uoi llamire
Lucifer
Rarnabé
Monsieur Jean
Madame Fusler
BlBLlOTUÊQUE-CllARPENTIEk
vol
Ff BRE (FERDINAND) Toussaint Galabru
— Noriiie
-- Un Illuminé
— Xavicre
— Sylviane
— Taillevt/nl
FÉVP.E .HENRY) Au pori d'uniie
— i^es Liens factices
FUUBERT (G.) Madame Dûvary
— Salammbô
— La TeiitatiGn de saint Antoine..
— Trois Contes ... .
— L'Education sentimentale
— l*arlcsClKi:iipselpar lesGicvca.
— iSouvard et Pécuchet
FORTHUKY (PASCAL» Les Etapes inquiètes
FOURNIÉRE (EUG.) Chez nos Petits-Fils
FRANCE (HECTOR) Croquis d'Outre-Maniho
— Les Va-Nu-Pieds de Londres. . .
— Les Nuiis de Londres
— Sous le Durnous
— En € Tolice Court »
t?it.?\i LÉON) L'institutrice de province
GAUTIER (TH.) M"* de Maupin
— Le Capitaine Fracasse
— Le Roman de la Momie
— Spirite
— Romans et Contes
— Nouvelles
— Les Jeunes-France
— Les Grotesques
— Caprices et Zigzag^s
— Fortunio
— Partie Carrée
— Un Trio d«; Romans
GlFFF.OY (GUSTAVE) Pays d'Oueit
— Le Cœur et TE^prit
— L'Enfermé
— L'Apprentie'
GCîiCOUF.T (EOr.OND DE) La Fill- Elisa
— Les Frères Zcniganno
— La Faustin
— Chérie
BlHL!'»THEQUE-r.llAK»»KNTIEK
(E. ET J. DE En i8**
— Germinie Lacerleux
— Madame Gcrvaisais
— licnée Mauporin
— Mani'lte Salomon
— Charités Ueniailly
— Sœur Philomène
— nueltjues Crûalun;s de ce temps.
— ldê«'S ol SHn>alicns
il) B.) L'Alibc l'aul Allitin
Du liant eu lias
— Le Journal «l'un Philosophe....
— Le IJaron Sinaï
Caries c\ Jacques
RT (EDM.) Amis
^LEON ) La D«*îvoucc
— L'Accident de M. Ilêhert
— Minnie flrandon
[XAKDRE) Conir d'Anionl
.E Di Histoires divertissantes
— Histoires de Mariages
— D'ilervil!y-Ca|irices
— Coni''s pour les grandes personnes
— Mesdames les Parisiennes
tARSEfiEj Les grandes Dames
— La Femme fusillée
— Madame Lucrèce
— Hodolphc et Cynlhia *
— Histoire d'une Filic du monde. .
— Les Larmes de Mathilde
nGES) Souvenirs d'un Mattiot
lESi Tout veux, lou( oreilles
«J.-K.. Les Sœurs Vaiard
— En Ménage
— A Uehours
ALEEr.Ti \a'< l'eclieurs d'Iioinnies
— Sous !ri TcMjue
: tC; Viîiis '-n Aniêri(|ue
— \.ti !*riiice Caniche
— Ai>u;iliah
— Coiit'S hiens.
— Nouvmiix 'iout'js hîous
Souvcr.irs d'un Voy.iL;:i'ur
BIBUItTllGuUE-tilljrj'ENTIEK
LU FDSTUrNÏ (J.t Cniilos fl Xoiiïelles
Ll JEUNESSE «ERHEST L'Iinilaiion de noire -Maitre Na-
— l.'|[olo(^»iislc.
~ l,"tnniiibl)le ;
— Scrûniciime
LEBET (ANDRE) Les [ii-eiiiiârâs I.ulles
LECCMTE (GEORGES) l.es Viilels
— Siiiiej'aititi
— ha )tii>soD en llcnrs
— l^s l'.iirKma verts
IVWM LDUISI .Mailemoiaollt; Clierrillitv
li..'>.:!..>IEE iC.) I'liêr>.-i« Monique ,'
— l.'llyslèrii|aB
— llnptie-Cliuir
— Mailame tupar
— I.e l'ossi! Je
LE BCUÏ (HU&UES) Amour inUrmc
— Les l^rroni
tESiEE HUloire de Cil Btas
— I.e bialile lioileux
LEIRET (KEHRf) Eu plein rnuhour;
— Pourquoi aimer?
lîRHMN (JH«) Sonyeose
— Buveurs d'&iiies.
— Si-nsation» cl Souvenirs
— l.'Omlire ardenli;
lOUÏS'PIERREI.. Aplirodilo
— Les Ctiuiisons de Ililitia
— La Kcmme el le Haxin
— Les Avcnlui-es du Hoi fanjole..
LU'i'Ci I-elires à répondre
fl'.iCE \E.) Crimes iinimnls
— Laiarctie
— I'd Ceiil-'t*rde
M;D£LE1N£ JACQUES) L"n Coupte
— Fils d'Eloile
— Sétame
K£ETcEllliCK La Suftesie et )s Detlinéc
— L'Injiislici:
■VL'Vi .«■FfPHBNEi.... iHT'.r:-(i£:v
t..i..C-, iHECTOR j Michdiue
BIBLIDTnEgUE-CnAni'LM lEIt
ECTOR). I,e Sang [Sleu
— L.e l.iculeiianl Bonnei
— Le docteur ClaiiJe
— La Itnhùmu tapageuse
— Ikiccm-a
— Itoinain Knllinî
— L'llériiB),'e d'Arltiur
— L'Aubergu du Mon<le
— ïï'«
— Les Victinieï d'Amour
— Vices (l'aiiçais
— Gliislaiiie
— Pompon
— l'ne Femme J'argenl
— Sans Famille
— La lielle .Madame DoiiJs
— ConscieDce
— L«i Besogneux
— Jusike.
— îloniiaine
— ïlére
— L ne belle- .Mère
— Madame iTétavoine, ... ;
— Allie
— Miss Clifion
— Suianiie
— Oloiilde Jhriory
— Marithette
— In Cuiô de province
— lu Miracle
— Séduciion
■■•■ H.) Folie (I-Amour
L'Ëtitrig des Sœurs grises , . . .
— Zoé Cliieu-Cliien
— Le Mai'iH(;t: du Suicidé
— La i'onue dEiifanls
— 1^ Drame de la Croix-liouge. .
— . La F-'ninn; de Judas
— Lii iirésilitime
— La lleviiiitiju de Cloiiior.
— Les Aiiiauis di' l'aris
— L'Enrayé
— Le toiiil UL-.r
BIDLIOTHÈ'^HK-CIIAUI'KNTIEI;
Vu!
rULLE»
l*n Gendre
Marcelle Mauduit
La n-lle Fille
Le Dillel de mille
189. II. 981
Le comte Amaurv
Fatima
La Croix-Pater
Le Serment d'une mère
Zo'liar
}SCAR I
OCTAVE)
■ ••••••
URICEi...
Les)3ia
La première Maîtresse
Grand'.-Maîruet
Le Confessionnal
La Femme-Enfant
La Messe ros>i
La Maison de la Vieille
Rue des Filles-l)ieii, 5G
Gog
Arc-eii-Ciel et Sourcil-l'iou^'c . .
Le Chercheur de Tares
Le Hoi Vitr;;e
L'Homme tout nu
Madame La Boule
La Lutte pour l'Amour
Zézette
Le F^olicier
Les Caliots
Le Beau Monde
Demi-Cnstors
Le 40' d'Artillerie
L'Amour vaincu
Séhaslien K-ich
Jardin dos Siipplico>
Le Journal d'une feinni^' dv
chambre
Les Vin.Cil et un Jours d'un N-ju-
raslliéni<nio
La Famille Cai'inclt'.'S
Marllie Aml".Tno:i
D^Tni<*r Cri
Anloinetîe Marju^^r •.)
neiiiielle br-.'V
1 S
BIBLIOTHÊQLL-CllAîll'ENTItU
•J
vo!
nONTEIL^EDGAR)
WONTESQUIOU^C»» ROBERT DE)
MUSSET (A. DE)
MUSSET (P. DE)
KCOIER (CHARLES)
fiOEL EDOUARD)...
Ol'DINOT (CAHILLE)
PmZ (f r^xiriE)
PEfREF^-UNE (G. DE>
FC!?;SGT ET NOnMANDY
Rt'JLlN .G. DE)
REISRACH (JEAN)
r.EVEL rj:A!;
Madame de Féroni
Cornchois
Iioclirfière
Les Petites Mariées
Le Grand Villajre
La Tournée dramali»|ue
Iioscaux pensants
AiUels privilégiés
Confession d*un Enfant du Siècle
Nouvelles
Contes
Extraits pour la Jeunesse
Lui et Elle
Nouvel Aladiii .
Lauzun
Histoire de Trois Maniaques. . .
Souvenirs de Jeunesse
Contes de la Veillée
Contes fantastiques
Nouvelle?
Hoîiians
Rosie
Noël Savare
Fille> du Monde
Adultère sentimental
Un Anjour d'aujourd'hui
l'ne Séparation
Mademoiselle de Trémor
L'Échelle
Rasqucux
Un Coin de Bataille
La riamelle
La Vie hrnlale
Aller et Retour
Chez nos Ancélrt^s
Testament d'un Moderne
La lin d'une Ame
I«inl'^q:ue> des Vivants
Ascensirri
Mnl!ij«le Vie
UiiMres
In C»'i'Ll'r:il
Contes i.'»rinaîiils
BlBUOlIlEQL'E.r.llAlil'tNTIEn
vol.
RCKIPIN (JEAN, La Glu
— .Madaine André
— Les Morls bizarres
— Miarkîi la Fille à lOurse
— Le Pavé
— Braves Gens
— Césarinc
— Le Cadet
— Truandailles
— Cauijpmars
— La .Mis»flo({ue
— L'Aimé
— riamboclie
— Graiidf s Amoureuses
— Conle? de la Décadenco ro-
maine
— Lagih.isse
RCSE^T LOUIS DE) Un Tendre
— î*a|ia
— L'Annrnn
— La U»|'risc
— Le l'a: tagr- du Cœur
— Le Mauvais Amanl
FCCHEr Or T (HENRI) L'Evadé
— Le PaleiVeiiier
RCD EDOUARD) Le Mi-nage du Pasleur Njtudit-.
— Au mil. eu liu Chemin
RC:ESE::H (GEORGES) Le CarilloLncur
— Le Muiée de Déguines
— L'Élite
SAi ME-EÎUVE Voluplé
SiîST-GEPruIN (J.-T.DE)... Coules et Légendes 2
StSDE:U J. ; Madeleine
— Mademoiselle de la Sei;:lièrt:... .
— Mariannii
— Le docteur Herbcau
— Fernruni. — Vaillance. — Kiclmrd.
— Valcrenst*
— M"c (le Sommcr\ille. — La
Clia^"" au roîiian
SC-:LL «A'JRÈLIEN) Les In-Miues de Paris
i'.tt;LiorHCuL'ti-(:iiAiii>i;M'icii
(PtUL) Coules populairei de la Ilaute-
UriiiBsne
— CoiitesdiisPayianset<lu!>râcheuri
— l.ùgeuHes de la Mer (3 téries). .
— CoiiKrs l1"3 Marini
(ARMIND) In l'ientler Amant
— La Kosake
(THEOPHILE) Plaisirs lusliquei
(AN Ditt) Madmiioiselle Guignoo
— Le Mariage de Gérard. — Une
Oadiiie
— La Foniine d'Ajigète
— ItayriioDde
— Le Filleul d'un Marquis
— 1^ Fils Maugars
— Tante Aurélie
— . Toute seule
— Madame llenrleloup
— Le Journal de Tristan
— Hélène
_ Sous Dois
— L'AlTaire Froideville
âerU'ude et Véronique
— L'Amouicuv de la Préfète
— l'.eiue des Bois
— Lb .M;iri de acqueline
— Jfunes el Vieilles fiarbes
— Flovie
arjolaiiie..
Les liéfractuiri
Jacques Vingiras.— L'Enfant...
— l,e Daelidicr-
— L'Insurgé . . .
L-Ev-i Fiiliire
Les lloi':ion-ihioi>i(irt :
r • • • •
En
J.-
Va
-L
ŒUVRES \^^tU .
LES RouGoxT:^ ;
r.lJTOlI.K NATLKLLLH tT SOCIM.L h\- j^'" '^ ^ *
L.a Oiii-éo «-.Of#
L.O %'eiiLi"e do l^ai^is. . ' ' '
La OoïKiiiel© de JPla<a!sân*^
La Fauto do l'al^bé Mout-et
Son li^xcollexico Eixsèue ic
I-j*--\.'?>*^oninioii^ , ^ ^^^lâ,^^
LJiio I^aî2;o d.'aiiionr*. ....*'''
ÎNT •> 1"» *^ * * * ' '
I^or-f:5oillllO * * • • '
Au I^.otilieui' des Dames ..''''
La ooio <lo vivre * '
Oei^niliial
L'<li:uvi*o
ï^a "l'oi^r^Oo
Le* I < <>\'o
î_^a Etiole 11 ixmaino. .
L'A i\-. eut
La IJv liàclo
Le L><;,oieu.r* JPasoal
LES TROIS VILLES
Loi:i*clo.*5j
^V*-'"^ • • ^ '^^■
î^^-^-'-- \ V ,1
LES QUATRE EVANGILES
l^ùooiicliLé 1 vol
'l^x^a\'ail . 1 voL
ROMAISTS ET XOUVELLES
Thcii.£C Requin 1 vol. Contes à Ninon 1 vol.
îïadeleinc Ferat 1 vol.
La Conii-:ssicn de Claude . 1 vol.
ICc.:2 I.licoalin 1 vol.
Kuuveaux Contes à Ninon. 1 vol.
Le capitaine Burle . . . 1 vol.
LesLlystéres de Marseille. 1 vol.
Le Vœu d'une morts ... 1 vol.
CEUVRES CRITIQUES
McG Haines 1 vol. | Nos auteurs dramatiques. 1 vol.
Le IiOixiC.: ci'pcrimental . 1 vol. j l'ccucienis liltcraires . . \ voL
LciI.o:j^:îc:-^rs n^.turcilistccl vol. I T;n3 Cainpr.gne(io£0-îSS'l) ! vo'.
Le iNLiuiLiiLiceaa tbcâtre. 1 vol. 1 Nouvelle Campagne (iSt'j) i \ui.
La Vérité en marche .... 1 voî.
THÉÂTRE
Tlicrérc r..;c;iiu. — Les IléritierG Rriourdin. — Lt Loulcn de Rose
'j.N V(,:.L :r
Eu ccii;il.'oriitioii avec Guy de ji-.upassant, lluysrjar.i, C-Jur^,
llen'iiqi't', .■..v..\i<.
Les Scirées da I-Icdc/j I vcl.
r.T "i. — L.-ln.|.ii:ucric» réunies, ru.- .Sai:»l-U<.noîl» 7, l'an^.
niBLlOTIItylE-CHAUPENTlER
L'Assommoir
Une Page d'Amour
Nana
Pot-Bouille
Au bonheur des Dames
La Joie de vivre
Germinal
L'Œuvre
La Terre
Le Rêve
La Dd'te humaine
L'Argent
La Dtrbâcle
Le liocleur Pascal
Les Trois Villes :
Lourdes
Rome
Paris
Les Quatre Évangiles :
Fécondilé
Travail
La Vt-riié en marche
— Le Capitaine Burle
— Naïs Micoulin
— Les Mvstères de Marseill»i
— l>e Vœu d'une Morte
— Thérèse Raquin
— Madeleine Férat
— La Confession de Claude
— Contes à Ninon
— Nouveaux Contes à Ninon
En collaboration avec G. de AlALFAi^SAM,
J.-K. HUYSMANS, LÉON HeNNIQUE, H. l F.Af.i',
Paul Alexis :
Les soirées de Médar. i
■". — L.- lmf'riir;urics rci:nics, i . e Siint-Ucr.c :'. T, Tur'.».
ŒUVRES D'EMILE ZOLA
LES ROUGOJST-MAGQUART
RiSTOn.r. NATLr^LLLL ET SOCIALE D'UNE FAMILLE SOIS LE SECONl) EV
La l-^ofiuno des JFtouson
I^a Oui'ée
Le \'eiiti"e d© l^ax^is
La Ooxiciixôto cl© JPia«.sarLS
La Kiiut© cl© l'aV>l>© Moni^et
Son Kx-celloiic© Eixsèn© r^ouson. . .
L*-*v.'î>*^oiiiiiioir*
Une r*aj^© d'anxoixi^
IVaiia
F>0l-F:501llll©
Au I^otilieiii* des I>aiiies
La *Ic)ie <l© vivi^o
Oei^nilnal
L'<JL£:uvi-e
La Tei^i-eo
Le Mc>^'©
La £iôie liixuLiaiEL© . .
L*Ai%\eiit
La JL>v bàcl©
Le LX^aiGixr^ r*ascal
LES TROIS VILLES
i^01Ll''Cie.*S
1-toiiie . .
LES QUATRE EVAXGILES
I^ùooiicliLé .
^J?x^a\'ail
JAOMAKS ET
Thérisc Rr:quin 1 vol.
Madeleine l'erat 1 vol.
La Cûiueusicn de Claude . 1 vol.
llàiz r.licoaiin 1 vol.
Le Vœa d'une morts .
XOUVELLES
Contes à Ninon
Nouveaux Contes à Ninon.
Le capitaine Burle . . .
Les Idystères de Marseille .
PIRE
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
vol.
1 vol.
CEUVRES CRITIQUES
r.lcG liair.eG 1 vol. i Nos autâurs dramatiques.
Le IiOiiicr. ei'pcrimental . 1 vol. j Dccuments littéraires . .
Les iiorLJaUcicrsnftturalistecI vol. , Une Campngne(iSS0-iS8l)
LcIxûLuraiiiiiieaathcàtre. i vol. j Nouvelle Campagne (iS9G)
La Vérité en marche .... 1 vol.
vol.
1
] voi.
1 vol.
i vol.
THKATRE
TiicrcEC LcLcuin. — Les Héritiers Rcbourdin. — Le Bouton de Rose
El) ccii-iboralioii avec (juy de .M-;upassant, lluysraans, Céarù,
llennique, .'i.c:à<.
Les Soirées do Llcdr.'j J vol.
"i. — L.-ln.[>u:ucTicâ réunivS, ruv- .'>ai:»l-U«.noîl, 7, Pari*.
juu 201883^
DOC OCr 16l33i:
JUN '■n
jaatL