THE LIBRARY
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in 2010
University of
ive
ibrary
THE UNIVERSITY OF
BRITISH COLUMBIA
http://www.archive.org/details/lespinozismedemoOOoudi
LE SPINOZISME
DE
MONTESQUIEU
ÉTUDE CRITIQUE
J'AR
CH. OUDIN
LICENCIE ES LETTRES
ANCIEN ÉLÈVE DE LA FACULTÉ DES LETTRES
DE l'université DE PARIS
PARTS
LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT & DE JURISPRUDENCE
Ancienne Librairie Clievalier-Murescti ff C" et ancienne Librairie F. Pic)ion réunies
F. PIGHON ET DURAND-AUZIAS, admimstratkurs
Librairie du Conseil d'Etat et de la Société de LégislatioD comparée
:20, HUE SOUKKLOT (.')« ARR')
1911
LA MONARCHIE ET LA LIBERTÉ
D'APRÈS MONTESQUIEU
Daus un précédent travail, nous avons essayé de
dégager les parties essentielles de ï Esprit des Lois et
de montrer leur enchaînement étroit suivant un plan
d'ensemble nettement tracé. D'après le « dessein »
même de cet ouvrage, il ne semble pas que l'on puisse,
sans dommage, en détacher, comme on le fait trop
souvent, pour les étudier à part, les considérations
politiques qui forment les onze premiers livres. L'objet
principal de l Esprit des Lois, en ellét, est moins de
donner le modèle du meilleur gouvernement que de
fonder une méthode générale capable d'aider à créer
et à interpréter le droit en établissant sur des l)as('s
certaines la science jui'idi(|ii(' jusqu'alors perdue dans
une extrême confusion de principetj, aussi bien dans
l'ordre politique que dans l'ordre civil.
La multiplicité des législations en vigueur et leur
diversité, ne le cédaient qu'à la variété des principes
sur lescpiels elles s'appuyaient. Le droit couluiuiei-, l»>
Oudin 1
_ ç)
(h'oil IV'.mI.iI. !•• (Iniit idiii.iiii. !'• droit ciikiii, \r droit
issu drs oi'doiiii.iiicrs royalrs iiuii sculciiKMif cocxis-
Liinit. iii.iis niforc se sii|i('r|)iis,iiriit i-t •'•tnidaiciif sur
les socit'tfS nccidcilt.lN'S 1111 ilH'Xtricdldc l'rsc.lll de lois
soinnit coiitradictoii'CïS dans leurs |)i-<'sti'ipti(jiis et tou-
jouis iiispiivcs iMi tous cas d'un esprit diU'éi'ent ])arcc
(|n aiirunc des aiitorit('-s dont (dles émanaient n en\is<i-
i;eait le monde et la société ave<' le même esprit.
S'il saisissait de rorgaiiisatiou politique, les théories
les plus diverses étaient mises au service de toutes les
passions, et le L:(tril de lautorité sans limites comme
<<dui de la lil»erl(' sans IVein trouvaient également des
raisons jiour jnstilier leiii's aj>|H'-tits.
l'oiir un étudiant oldii:é de s'assiniilei' tant de matières
diverses et incoJM'rentes. pour un maiiistrat cliari;é de
comprendi-e et d'aj)})li(pier s(doii la l'aison et l'écjuité
des lois de tout ordre, émanées de sources si ditiéreiites,
jtour un jurisconsulte soucieux de pénétrer au fond des
clntses, coinl»i(Mi ne de\ait pas paraître n(''cessaire
1 «'nonct'' de princij)es assez «MM'tains poui' que Irin put
résoudre par leur moyen toutes les hésitations et tous
les doutes, et assez uéïK'raiix cependant j)our simplitier
sans la di-iiaturer la complexité d'un aussi vaste
enseudde.
hepnis Hodin. eu passant par le [irésich-nt l'ahre,
iirotins, l.eihnitz et honiat. les esjnijs; les plus l'uiinents
avaient déjà essayé de mettre de Tordre <lans ce chaos,
et de .lé^aiicr les piiiuipes universels aux(]uels ju'uvent
— 3 ^
se rattacher les lois positives. Mais aucun deux ne
réalise aussi complètement ce dessein que .Montesquieu
Bodin avait bien tenté, il est vrai, dans sa République'
d'envisager la question dans toute son étendue en ne
séparant pas l'organisation civile de l'organisation jxjli-
tique ; le droit civil domine trop exclusivement les
préoccupations de Domat ou du président r\ii)re.
Montesquieu, le premier, sut coordonner les élé-
ments de toutes les lois et mettre en lumière lunité
réelle des principes dont elles s'ins])irent, en montrant
que toutes les lois politiques aussi bi(!n que les lois
civiles dépendent des conditions naturelles de la vie
sociale.
Ce principe n'était pas nouveau et l!om;it lavait déjà
exprimé avec force : « La justice univers(dl»' de toutes
les lois consiste dans leur ra]»port à Toi-di-c de l.i sori(''t(''
dont elles sont les règles ».
Cependant, tandis (jue Douiat loiidc Idrdre des
sociétés sur le j)lan divin, ce (jui exige de son Icclrtir
un acte Ac foi préalable, .M()ut(\s([ui('U s attaipic ;in
corps entiei' des lois jjositives et ue veut connailrr (|nc
la réalité sensi])le. Dans cette \()lonté réside loiilc lori-
ginalité (]ui a fait le succès de Y Esprit des Lois.
Par le fait même de son existence, la société lait
partie des j)li(''nomènes de ruiiiNcrs. A ce litre l(>s lois
<[ui la régissent sont de l.i iiK'iiie iialmc (|ii(' les lois de
tous les phénomènes : si les lois (jui l'èglent les actions
et les réactions de bi malière e\])i'imenl l(>s eondilions
(|U Vlli- doit if.ili^ri' |)(Hir r(iiisrr\r|- n.i ii.illirr cl >os
[)l(i|ilit'l('s : si It's Itiis ;iu\t|lH'll(*s olM'issciil les (•Ires
\i\;ilils l\o sont ([lir 1 cxpiTssioii des Itcsniiis ((u ils
il(»i\»'iit siilislaiic j)<»Ul' jx'l'NCN l'i'ci' dans leur r\l<\ les
luis i|iii i'('_ul('iit I (U'naiiisatioii sociale et les i-apports
des li<iiiiiiies (>iili-e eiiv t radiiironl à ii <'M pas douter les
exigences aiixtuicllcs sont liées la jU'ospérit»'' «'t la durée
de la ^ociete.
.\l(>iitcs([iiicii iliusli'c ainsi à sa jnanièi-c le mut de
Lcilinit/. : Fiat justi lia ne pereat miindus. Mais si i»oui-
Leilinity. les lois maintiennent l'harmonie nnivei'selle en
ratta<diant 1 liumanit*' a son oriuine di\ine. .M(»ntes-
<|nien, pins simplement, n enf dcmonti'cr (|ne pour eta-
Idir ! nni\ ci'salitc <'t 1 unitt' des j»i-incipes dn dritit cl
dissiper leur icm-cîtaldc conliisi(»n. il sutlit de les r.ip-
porter à la nature des cliosos de la vio social»' en
tenant toujonis compte des (•ii'c<)nstane<'s parti«'uliéres
<pii oldiuent la raison Inimaine à réaliser son\eiil par
des moNcns diUci-cnts l'ctpiilihre et 1 liai-nionic tpii sont
le jiiit commnn Ar Ions les cU'orts sociaux.
Si Ion peut se li'om])ercn xonlanl assiunei' an\ lois
mi fondement tlieolo_i;i(pn' et méta[)liN siipie parce <pie
1 on rais(jnne dans ce cas a priori et sui" îles liypolhèsi^s
incertaines, (pioi(pn' j)arfaitement lof^icpies, rien n'est
pins lacilemcnt cunlii^lahlc (pic les l»esoins aii\tpi(d>
doit satislaii'c tftute société liuniaiiic jiar le lait de sa
nature nuMuc: l'icn ne peut tfiinlier pins Mircmcnt sons
le Nciis (|uc lc> nccchsit^'s ipji dcj'i\enl de> conditions
— 5 —
d'existenco propres à chacune d'elles. L'observation
directe et l'histoire nous renseignent lareenient sur ce
dernier point. Par elles, on saisit les intluences ])h\si-
ques et économiques, on se rend compte des l)esoins
particuliers, on pénètre les mœurs dont les lois reflè-
tent les habitudes ou les exigences. D'un autre côté, les
lois révèlent à qui sait les interpréter bien des états
d'esprit et bien des faits dont l'histoire proprement dite
n'a point gardé la trace. Aussi Montesquieu n'a jamais
mieux défini sa méthode qu'en nous affirmant « (pi'il
éclaire les lois par l'histoire et l'histoire par les lois ».
Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de l'organi-
sation politique des sociétés ; car, dans sa recherche de
l'équilibre et de l'harmonie des forces sociales, l'homme
n'est pas arrivé du premier coup à la perfection.
Les ditï'érentes sortes d'état politique qu'il a mises en
pratique ont présenté bien des modalités. Si on peut
ramener la diversité de ces formes à trois grandes espè-
ces : la monarchie, l'aristocratie et la démocratie, il
n'en est pas moins évident que chaque peuple, suivant
son caractère et suivant les circonstances. <mi a orga-
nisé les rouages à sa façon, ou plutôt, que (hacjue peu-
ple a réalisé en elles, d'après son caractère particidier.
fl après les exigences aux(juelles il devait faii'e tare,
l'accord stable entre l'individu et le corps social ([ui est
à proprement parler l'olijet de toute organisation poli-
ti({ue. L étude, dans l'histoire ancienin^ et conteni|>o-
raine, de ces etl'orts réitérés j)eut doiie i-évéler au jui'is-
— (î —
l'iili^llllf li's (lillV'l't'iils lirsdilis (|||(' liiillc socirlt- doit
sfHiirtci- Ai- s.itisr.iiii' |> iir \i\n' srlmi l'oidi-c jxiliti —
(|ll(> l'I ii\ il. ( ;"<'st lin ciisriuiiriiiriil dr ce ucilir <|ll('
M<»lll('s(|uir|| lilr lie 1,1 11,1 1\ se (les r( mst itilt ioilS nilll.lim'
cl .iiml.iiM'. |»,ii- t'\('iiii>li\ «'} ("est hicii l.'i liiitc'Trt (juat-
tiich.iiciil ;iii\ t'-liKlrs (le (Iroif roiiiji.irt' iins i:ran(ls
jiii"isc»)iisiilf('s ilii wi'" siècle.
(',ej)eii(|,iiit ces études, poiii' tMre \r;iiiiieiif IV'Cdiides,
ne d<>i\cid point l'tre l'.iites au li,is,ird et par siin|de
eiii-idsil*' do<iinieiif,iii'e : il ne s,iL:it j»(»iiit d.in.ihseï"
siicccssiveiiKMit des CM^iistitutious. (^e ti'avail a\ail d ail-
liMii-s ét('' fait, et c'est ainsi ([iiuii «(Hiteiiipoi'aiii de Moii-
test|llieM. ( iasp.ird de {{('-aide (iuritail. S(''néclial de |''(»|'-
c;il(|nii'r. cnteiid.iit la science du i:oii\ eiiKMiieiit. ( !e (|iii
importe, c Cst de pt-iiétrer Tcspiit de toutes les «truani-
s.itioiis |ioliti(|lles et de les |-appol'te|- toujours ;i la
ll,lluredes (lioses dont <dles di''ri\('llt. I*,ir suite, poul-
ies r\poscr et les ap|ir(''cier ,1 pies |esa\oir connues, il
raiidr.i preiiifre coiniue iriiidc l,i nature des choses de
1,1 \ ie soci;ile, tidie (pielle se r(''\ è|e ;"l lions, ;i |;i fois
p.ir sa di'liiiition iiième et p,ir les .ispirations des Inmi-
llies dont les lois liousollt laisse le t/'Illoii: iiaiic
<tr. |;i \ic soci.ilc. coiisidc'ri'e d.iiis les /di'inenls (|ui
constituent s,i (h'-linitioii nn'ine. rej)reseii te I iiiiioii d'in-
dividus d.ins un liiit d action coniniuiie et de protection
iniitindle. M.'iis. ipn dit union en vue d'une action coiii-
niiiiii- |»osc p;ir l;i-iiiènie une ,iiitorit<'' cpii in,iiiitieiit
r.'iccord, diriLic les cITorts de |..iis d en ;i<sure |;i coiiti-
nuit/'. En dehors de cette autorité, il n'y a j)as de
société, il n'y a qu'une collection (Tindividus (ju'iiii
hasard réunit, qu'un autre hasard disperse. La i)i'e-
niière et la plus impérieuse des exigences de la \ie
sociale par suite de sa nature même est donc l'établis-
sement d'une autorité qui maintienne l'accord des for-
ces et des volontés particulières. Cette autorité nous
l'appelons le gouvernement. Kii ])riiicipe. la tonne de
ce gouvernement inqiorte peu : ici, roji l'ait aj)pel à
l'autorité d'un seul, là où s'appuie sur la collaboration
et la bonne volonté de tous les individus (hi gToui)e ;
ailleurs, ces deux formes extrêmes admettent des tem-
péraments divers. Mais toujours et partout, le gouver-
nement, quel qu'il soit, doit répondre à son oljjet cpii
est de maintenir l'union du corps social. Pour cela,
deux conditions sont nécessaires : il faut tout d'aliord
que le détail des dispositions organiques (pie pi'éseide
chaque forme de gouvernement résulte do sa nature
propre, c'est-à-dire du caractère <pii détermine sa défi-
nition môme. Ainsi, par exemple, dans la nionari lii(\
les lois constitutionnelles devront assurer l'exercice (hi
pouvoir unique et saconmmnication aux divers degrés ;
dans la démocratie, elles devront organiser, au con-
traire, la participation de tous au j)ouvoir en établis-
sant un système d'élection et de re]>rés(Mdation appro-
priée. De cette manièi'<>, b* r(>nclionn<Mnenl normal de
l'autorité sera assuré conformiMnent aux exigence-s pi'(»-
pres de chacune des formes (ju"(db' revèl. (l'est b* gai:('
— 8 —
priurip.il «lo Intilitô rt do la dui'cV do son arfion.
Ce ii'fst |(.is cf'pcnd.-mf lo seul, l/.iiitoritô <lii iionvrr-
llflliciil s'('\(M'c('l-.'l (lune lliailioi'c st.lhlc si Inill dans
snii oi'uaiiisatiiiii osf disposr do fa<^'oii à lui t'oiiniir pi-ô-
cisriiK'iit los iiioyiMis j)ai-fi<'uli('rs ((n'il lôclamo ; ollo
s'oxercri'a d une manirro <Micorp plus suit rt plus dura-
1)1»' si les individus (pii s'y sounu'ttont ont des senti-
ments et un esprit conformes à. celui du gouvernement
(pii les i-éiiit. l'ji d autres termes, le traire essentiel de
la j»rrnianence d'une l'orme ([uelcoufpio de gouverne-
ment de|iend de la force du principe psychologique ([ui
en assuie I intlnence et raiitoi'ité sur les masses. Il suit
de là <ju un gouvernement une fois établi, })ar le fait
même de son existence et par la lU'cessité oii il se
trouve de persévérer dans son être, organise <l une part
ses lois constitutionnelles de telle sorte qu'il puisse
dévelo})j)er harmonieusement par leur moyen toutes
les puissances de sa nature, et ([uil s'eilorce d'autre
part de modeler l'organisation sociale de manière à
assurer sans peine chez tous les individus du grouj)e
les sentiments capables de maintenir toujours vivant \o
principe dont il tire sa f<trce. Ainsi, avant toutes choses,
et pai<(' t\w lantorité nécessaire jtoui' maintenir
1 union et la cohésion du corps social revêt diverses
hirmes (pii ont chacune leur manière d'être et leurs
]>rincipes jjarticuliers. les ra])ports des individus entre
eu\ et des indi\ idus avec Ij^tat se trouvent «léjà déter-
— 0 —
^lincs dans un certain sens dont il est nécessaire de>
tenir compte.
(lest poiinjuoi, avant dT-tudiei- les diverses espèces
de lois qui rèalent les rapports individuels, il faut de
toute nécessité bien connaître les formes que peut
revêtir Fautorité organisatrice de la société, ainsi que
les conditions les plus favorables à son établissement,
à son exercice et à son influence. L'étude des lois de
l'organisation politique des sociétés, dès lors que Ton
ne veut s'en tenir (juà la réalité des faits, doit donc
dominer celle de toutes les autres lois.
C'est ce que l'on n'avait pas aperçu ou ce cjue l'on
n'avait entrevu que confusément avant Montesquieu, (^t
c'est pourquoi son ouvrage, qui ne néglige aucun des
rajjports sociaux qui sont appelés à régler les lois, est
par certains côtés un ouvrage de politique. Avant lui,
le domaine des lois politiques et celui des lois civiles
étaient complètement séparés : ces deux ordres de lois
puisaient leurs principes à deux sources diflerentes et
formaient l'oljjet de deux sciences distinctes. Aussi,
après lui, il n'est plus permis de négliger le facteur
politique dans It-tude des lois civiles, et c est là une
des nouveautés les plus oi'iginales de VEspril des
Lois.
Ce n'est pas la seule, et nous avons montré tout l'in-
térêt que fait prendre la science juridique à l'exposé
des relations que les lois d'un peuple ont avec la nature
des conditiftns physiques, morales et économiques dans
— 10 -
ïcsfpioUrs îl pouf sp trouver. 1>(^ iiirin(\ Montosquîoii
a mis 1<' ])i'«MiiiiT <'ii lumicrr ■• la (It-pciidaiicc » des lois
vis-à-vis les unes des auli('><, de «ii'tc (|il(' les l(»is Jiiv-
sfutcs lioiiiK'iit toujours par certains (■('•tes à dos lois
plus anciennos <|u'(dlos élarcissont ou ([u'ellcs rcstroi-
_L;ncnt. (pi (dlcs rcniplaccnt ou dont idlcs r(''pai'riit les
oMiissions.
Ainsi s'introduit dans la sciouco du droit, jus({u*alors
toute sul>jecti\(' et l'ondt'c tantôt sui- l(^s oxciuplcs do la
<li\iuit('', lanfiM sur l'idoc nioralo dr ["('([uitr. uiu»
luctliodc ol)j('cti\(' ccrtaini' l'oiuli-c sur lanalysf dos
faits sociaux et sin- l'ôtu^jc do lliistoiro. Dans rt^ vasto
onsoud)l<'. {l'Iudo des plirnoniôuos j)oliti(juos tient une
très uraudo place, et cette place est justifiée non soule-
luoiit pai' liniportance de l'oriiauisatiou politi(|ue dans
la \io sociale, lu'iis encore ])ar les pr(»l)l«'Uies l'ouda-
uientaux (|ui se pos<'nl à leur occasion.
Si Ton \a en ell'et au l'ond des ( Intses, !<■ |tl'.ddènie Af
rori:anisation ]toliti(|ue souiè\e je proldènie de la
lilierté du ciloNt'U.
Il ne l'aiit pas ouldier en ellel ipu' lautorih' du ■j.nw-
\erneiiienl s'exeive SUI' des indi\idus. el (|Ue si la
socit'-lt- (pi iU l'onnenl ncuI diu'ei-, ils onl enx-int'-nies
I appétit de persexci'or dans leur (dre et d être lèses le
moins possible dans leiii-s iiit(''r<''ts pai-liculieis |»ai l'oi'-
,i:ailisuie ((dleclir. Si le lait de \ i\ fe eil socii'te leur crée
des de\<>irs, la nécessite de satisfaire aux o\ii:('nces {\c
leurs hesoius persouiuds leur donne des droits <pio
— 11 —
l'Etat ne peut manquer de prendre en considération et
qu'ils doivent pouvoir veiller sans cesse à ne p;is laisser
entamer.
Or, la conception de la liberté politique et des droits
individuels dépend essentiellement de l'idée que l'on
se fait de la loi et du droit naturel.
L'étude attentive de VEsprit des Lois nous conduit
donc à des spéculations philosophi(pies ({ui send)lent
dépasser son objet, spécialenn^nt juridique, ou ses
préoccupations praticpies, mais (jui cependant ne leur
sont pas contraires.
Ces questions, Montescpiieu ne les traite pas dans
VEsprit des Lois d'une manière expresse, car elles
n'entrent pas dans le cadre qu'il s'est tracé et que nous
avons dû suivre pas à pas dans notre précédent travail,
(cependant, elles sont essentielles jxmr bien couqtren-
(Ire la pensée de Montes(|ni(Mi et (bdci-niiner les prin-
ci])(*s directeurs sur les((U(ds il s'appuie.
C'est ce conqilémeid indispeusaitlc (|U(' nous allons
tenter de donner dans les pau<'s (|ni vont suivi'e.
Si 1 (III constate rc ])i'(Mni('r fait d exp/'iiciicc <|ii(' l<'s
lois sont les l'èulcs t'taltlit's |»ar la raison liiiiiiaiiic jtoiii'
ordoimci' los r;ip])orts des lioimin-s rntr'c eux <lr
inanièrr ;'i niaiutonii' les ('oiiditioiis les plus favorables
à la eoiitiiiuité et à la ])rosj)(''iite de leurs soei(''t('>s. le
seul iiioveii de détei'iiiilier 1 « esprit <> des lois est de
coiiinieiifer |)ar exaiiiiiier ces ia|»|»o|'ts t(ds (juc les
êoiistitiic la nature des (dioses de la \ie sociale.
Mais ([ne l'anl-il eideinlre |»ar \ ie s((ciale. vie d(^s
hommes en société ou |dns siniplcnn-nt société loid
court ?
C.ei-tains j)liiloso|)lies. j>ar excès de scnijude. ne
\cnlent considérer (|ne ce (|ni loud»e niaterifdlement
sous le sens. Mans ces conditions, 1 indi\idu seul existe
|)oni' eux : et la soci(''t('' leui' parait une consti'uction
abstraite, sans r(''alit('' objective dont il ne l'ant pas tenir-
eomjite dans une discussion siM'ieuse.
Montescpiien n est pas de ceux-là. l'our lui. la societt''
est un l'ait conci'et dont on peut fort bien (dnti'('der la
réalité \i\ante. \']\\ (dl'et. (.-ntre une c(dlectioii (pnd^
— 13 —
conque cViiidividus et les mêmes individus groupés de
manière à former une société, il se rencontre une dillé-
rence essentielle. Dans la collection d'individus, cha-
que unité reste parfaitement indépendante de toutes
les autres. Cette collection d'individus ne forme une
société ({ue du jour où la réciprocité des services
étaldit entre tous les membres du groupe un état de
dépendance tel que chacun deux, non seulement se
sente solidaire de son voisin, mais encore se rende
compte de la nécessité de maintenir cette dépendance
par un organisme qni «Dordonne toutes les volontés
particulières, (jui en régularise l'exercice et qui leur
fixe des limites.
Cet organisme c est le gou\ ernement ou ce que .Mon-
tesquieu appelle l'Etat politicpie.
Il convient par conséquent d'étudier en premier lieu
le gouvernement ipii donne à la société sa hn-me con-
crète et tangible et (jui crée le premier fait social
sensible.
Alors on s'apereoit (pie si l'objet partienber <bi gou-
vernement est toujours d'établir l'unité (hi corps social
et la cohésion de toutes ses parties, sa l'oi-me est loin
d'être toujours identique : ici l'on fait appel à l'auto-
rité d'un seul ; là on s'appuie sur la bonne volonté de
tous; ailleurs ces deux formes extrêmes admettent des
tempéraments divers. Par délinition, cliacune de ces
formes de gouvernement reconnue p.ir l expérience
bumaine : desj)otisme ou républiipie — monarcbie on
- i4 -^
nrisliii Tiilic - - nii lnulr .iiilir (l<tnl <iii jMniira fdiisl.ilcr
l'e.vistcMicr se Iroiivc ;iv(»ir une ii.iliiif |t;iiti(iiliri'r Wicii
priMiso ;i [H'ojios dr l;i(|n('ll<' il in' |»t'nl y .iNoir d <''(nii-
\(M|ii('. nif'ii (!♦' [lins ii'cl (|nr rc> loiinrs. <• Sn|t|><>S(tns
trciis (It'linilions on |tlnt<it trois f.iits ■> dit .\Jonl('s«|ni<Mi
.'in nionnMil on il \ ;i 1rs ctndiiM-. délit' )»;ii'ole esl cai'ae-
lei'islitjne, el eCsl snrelle ([ne re|)((Se lonle I ;iru: nUM'n-
lidion p()liti(|ne «le mdie .inleni'. Il ne coiislniif pas drs
coiistitiilions ; il anahse d a]H'ès les données de 1 exj>é-
rience Iiimiaine relies (|ni ont existé juscjnà Ini. Il
s'elloite d"en r(M(iniiaiti-e la uatnre paitienliere et il
les elasse d a[)rès cette natin-e sons l un«' «les trois
rnltiiipn's an\(pi(dles tontes leiiis \ai'i(''l(''s penveni se
ranienei'. Ola l'ail, il l'echeirhe 1 intlnein-e (pn* rette
nainre pai-tienlière peni avoii- snr les ditlV'renls i-ona^cs
dont eliatpie i;i»n\('i'nenH'nt à l»esoin pour assni-ei' à la
l'ois s<tn loMclionnenient et sa dni-ee. Il met ainsi en
Inniiere [es besoins an\<pnds r<'pondent les lois eonsli-
Intionnelles an point de \nede lappliration iln prin-
cipe d aiilorite.
\ oici donc la iiia<diiiie ponr\nc de ^es oi'Lianes el
Jtl'ète à l'oliclioniier. A (|n(dle ioice eiiipriMltera-t-tdle
son acti\ il)' mol ricc ?
Ici illtec\ient ce (pie M ( )|| les( pi ic 11 ap|i(dle le principe
de clwnpie uoliv enicinelil . c Cst-à-dii-c lidee sn|ieiieill'e
(pii maintient et diriiic son acti\ile en donnant à la
niasse coiil'nse des citoyens niie inaniere de |teiiser
commune et niie raison commune d ai:ir.
- 18 —
La connaissance de ces principes divers, l'étude des
conséquences qu'engendre leur corruption, nous ren-
dront compte aisément d'une multitude de lois diffici-
lement cataloiial)les et appartenant tantôt au droit
public comme les lois de l'éducation ou celles (pii
règlent la part (pie doivent prendre les citoyens aux'
fonctions pul)li({ues, tantôt au droit civil comme les
lois qui déterminent les statuts personnels ou mobilier,
tantôt enfin au droit pénal comme celles qui veillent
à la sûreté de l'Etat.
Quelle que soit leur origine, ces lois pourraient bien
plus justement être ap[)elées lois d'organisation sociale,
parce qu'elles tendent toutes à faronner l'esprit des
individus de telle numière que suivant eux-mêmes,
comme par une jientc n.iturelle, l'ordre établi dans le
groupe, ils en conseivent sans ell'ort l'harmonie et en
perpétuent l'équilibre .
Quand nous aui'oiis recoiiiiii mjiiiitciiant les i';i|)]>ui(s
que ce groupe liiniiaiii. reinhi ])ai' ces moyens foi-lr-
nicut homogène, jxnit aAoir avec les grouj)es voisins,
soit (piil éprouve le besoin i\o se df^'cndre contre leurs
dangereuses aggressions, soit (ju il se trouve dans la
nécessité vitale de s'agrandir à leurs dépens; quand
nous aurons remarqué (pu' la. nature particulière de
chaque gouvernement et des dill'éreuts principes (pii
animent chacun d'eux exige une numière spéciale
d'agir, nous pourrons éta]>lir le cb'oit des gens sur des
- 16 —
]tiiii»i|»('N rcrtaiiis. fx.iclrmfiil iiiJprdiMirs ;iii\ laits <le
1.1 \ ic fi'cllc.
(les ])riiu'i|)«'s fondes sur 1 iiilt'rèt rt la lutte ne sei-out
peut-èti'e pas toujours aussi n<»l»les (|ue le voudrait lu
morale ])liilosoj)lii<|ue. dépendant. ( onmie linti-rèt de
1 luinianité est d assurer et de eonser\er la vie avant
toutes clioses, on peut être certain <pn' la modération
j)re\au(lra toujours. j»ar intérêt sinon par vertu, (j est
en j)artieulier sur cette considération (jue Montes([uieu
s apj)uie pour e\j)oser les conditions <lans les<]uelles
di>it s exercer le droit de complète. Il relait ainsi, à sa
façon, il' traite de la uuerre et de la paix (!<■ (il'otius
(pii. en etaldissant son argumentation sur les données
de la conscience morale, laissait bien s(»u\ent les laits
déjjoi'der ses j)rim'i])es.
dette t'tude j»i'('limiiuure aclie\c(\ Ion possède une
claire notion du pi-emier des besoins essentiels, innés
|tourrail-on dire, de la soci(-t('' : le besoin ipii' les
individus ont de se urouper sons uni- anlocite. de la
soutenir et de se coiiser\i'r cux-nH'un's en la déten-
dant «•outre toute corruption à 1 inti'i'ieur. contre toute
allacpn' au dehors et en ui-neral contre toute dinnnu-
tion de |or<e ou de puissance. |]n nn-nie temps. Ton a
\n a (pielles consi^pn-nces entraine la satisfaction de
ce besoin, soit dans 1 (daboration de^ lois constitntitni-
nelles. xdit d.ins le droit public, le droit |iri\e ou le
droit des ;^ens.
• ■ependant. si la Socit-t»: est par essence mie colb'C-
— 17 —
tivité organisée, il n'en est [)as moins vrai que l'indi-
vidu en est le substratum. De même cfue la collectivité
a ses besoins, de même l'individu ;i les siens. Leur
satisfaction est essentielle à sa nature et c'est en la
réalisant qu'il j)eut seulement espérer vivre. Dans
l'état actuel des sociétés humaines la condition pri-
mordiale d'où découle toute la vie de chaque individu
est (|u il j)uisse posséder en toute liberté le minimum
de ce qui est nécessaire à l'entretien de son existence.
On pourrait concevoir un état social dans lequel le soin
de pourvoir à la vie de chacun serait abandonné à la
collectivité. C'est ce qui se passe dans les sociétés des
insectes. Mais cet état social après avoir été réalisé dans
quelques sociétés humaines primitives a été abandonne
dès que les honmies parvinrent à une conscience j)lus
précise d'eux-mêmes et de leurs facultés propi-es. Il
en résulte que l'on trouve à la base de toutes les
sociétés civilisées, comme le fondement in(''branlal)le
suj' le({uel tout rep()S<'. le pi-iiiripe de la piopi-iété
'individuelle. Pourfjuoi en fut-il ainsi? .M()iites(|iiien
n'avait pas à le rechercher. 11 constate simplement les
faits sociaux et en étudie les conséquences. La propriété
individuelle est un de ces faits et il est facile de voir que
dans l'état de nos sociétés c'est sur elle que repose
toute l'existence des individus. C'est ce que Montes-
quieu résunn' d uih' manière saisissante en disant (jue
la propriété est a mère de tout ». Il faut donc, Jusqu'à
nouvel ordre et tant que l'on n'aura pas m<)difi('' les
UudiQ i
-^ 18 -
iiiii(llli(iii> d'- 1.1 \ ir (•.(.ILi'ttiv 4' ((nniiir «If la \ i4' iii<li\ i-
<liic||r. (|iif cillr |)r()|>j-i<'U'' s )it abstjlimji'iil .garantie à
riii<li\i(lii jjar 1rs luis jim"'Iih' «jui «'tablisscnt son iusso-
i-iafi(iii a\«*c s<'s sfinhlablcs. L Imhiiiiu' sociiil .que uoiUi
nmiiaissuiis. tii t'ilcJ, " n aiiit a\rc dcfisioJi, avt'/C forer,
avfc siiiir (|ur s il s»- sait uaraiiti <luns la lLl>r<' dispui»i-
ti<ni «If s<jii («tips ««jimiit' «laiis le 1lI>i'«' usuiic cU^ se*»
l»i«'iis » (i).
(les l)«>soiiis imii''s Jf riii<li\ i«ln \ ifiuicut d<>iic is'ajouter
aux besoins j)ai'ticulier.s de la C/oUectivilc pour ai'JvUT
chez cett»' «lei'iiii'i'e t«)ut<> tentative deiiipiè.tiîiueutK l't
d a])us. Ici. coiiiiuf dans la natnr«' «Mitiore. couiuw dicuK
i'cH'fianisalidn nn-nic des pouvoirs ]>ul)lics, des forces
anlauonistcs se «ontraricnt pour jinii- par s'équilii)ro4'
rt s'liarnionis«'r.
Ainsi l«'s lois ««Histitutionnelles <levi'ont Jion iseule-
incnt t«'nir compte de la ncecssiti* d«' i'oudcr s«jlitU'ni(.'nt
1 aut<»i-it«'', tout en répondant aux exifienres de la
nature de clnnpn' ^«»u\ t'rnennvnt. mais «-nidre elles
sermit iddiiices de uaraidir au\ indixidus un minimum
tl(î sécurité au rei:ard des app«'lils de la coUectivLlé.
t^es a|»pt''tits hc .satisfaisant par I intiM-UK-diaire du
KoUNcrain <pi«d <pi il soit, [)«;uple ou iuouar«(u«', déposi-
taire de I autoi'itc', c'est contre les al)us de c«4te auloriU'*
«pu- l<'s lois constilutionn«dles devront d<'fcndre le
citoyen en lui accordaut la lil»«'rf«' politique, c'est-à-
i. Montmy. P.tycholof/ic r/u peuple anglaig.
(lire le (li'oil de cftiiln^lci- les iictcs du ,i:ouvcriirnieiil
pour en arrêter 1 ai-hitraire.
(^jiiijuc exeii]j)le du jiniut exfrèiuc «m ces i;araiities
])<»uri'aient être poussiM-s. dans un l»a\s dont l or^^anisa-
tiou a ])<)ur (il)jet direct ia constitution de Ja lilierlé
politi(]ne, Montescfiiieii analyse avec soin la constitution
de FAniileterre et celle de la Rome i'é])ul)licaine dans
lesquelles, (|U(nque réalisée par des moyens diti'érents,
la séparation des pouvoirs sut mettre des l)ornes effi-
caces à rar])itraire des iiouvernements.
Pareillement, s'il s'aait de la jjersonne nuMue des
citoyens, les lois pénales, tout en veillant à la sûreté
collective, auront soin de ne pas livrer Findividu sans
défense aux vengeances publiques ou ])rivées. Est-il
reconnu cou])aJ»le, les jx'ines, loin de fondei- leui'
sévérité sur l'opinion <jue l'on peut avoir- du donnuage
causé à la société, devr(jnt uniquement tenir coiupt*^ de
la réalité tangilile des consé({uences du crime ou du
délit. Par suite tout procès de tendance (Miuai:!' pour
des paroles ou des ]»ens('M>s ne saurait être l«''i:itiuie-
meiit soutenu dans un h]fat soucieux de nn-naLicr la
liberté de ses citcnens.
Fe droit public enlin se tiou\e aussi diiritenn'ut
intéressé ])ar ces vues nouvelles sur les ra|)j)orls (piOid
entre eux les éléments jiriniitil's de la société. 11 lu^
suffit ])as eu effet cpu' liiulixiilu soit assui"('' que le
gouvern<'in<'nt n'abusera pas de son autoritt' en ('lablis-
sant conti'c lui des lois arbitraii-es, ou ne nu'ttra pas
— -20
Sii Idifc .111 ^ci'Ni»»' (le SCS l'aiicuiios ou (1<> orllrs (\o ses
.unis, suit (Il 1 fiiij)i-is()iiii.iiit sans jupMiHMit, soit ni Ir
r<iM(l.iIlill,ill( à (1rs |»cilirs liois de |il'i i|iMrti<ill iiwr s.l
laul»' : il r.iiil (Micorc (|iic crltc liln-r disjjositimi de v.i
jn'rsoiiiic cl (le SCS hiciis ne lui soit jxiinl rclin-c par*
(les Mi<>\eiiv (Ictoiirncs. et (juCn j)ai'lH iilicr. .iccaMc
sons le poids de liMijxM. il lie jtci'dc j>.is. en iteid.nit le
IVuit de son ti;i\.iil, tous les bienfaits (|ne l.i liberté
|io|ili(|iie et nue cx.iete disf ri 1 lUt ioll de 1.1 jnsliec lui
;i\;iienl coliserNcs. Il est doilc nécessaire (|Uc les lois
oi'i:anisenf 1 .issictte et l.i |»eirej»tion de 1 iiii|)('tt de
ni.iniei'e a léser le moins j)ossiMe rindi\idii dans l.i
lilice (lis|)(isition de ses biens. t(»ut en s.itislais.inf ;in\
bes(»ins n.itnnds du corps social.
(►il \(iit |»;ircet c\[)oS('' r.i])ide. e\|iosc des treize pre-
niiers li\rcs. .i\ec (pndle snrete et (pndle noii\eaiit(''
de inetliode Montesquieu j)oursuit sou analyse.
(icpcnd.int il n"a encoi'e fait (jue reconnaîtr<' I lior'izoïi
s<3cial et les dciix priiicipaiix soniniets (|iii le bornent :
la e<dlecli\ ite. Imdixidii. Mais il \ .i bien d.iiifrcs
.ispecls ;"i cx.iinincr. L.l soci(''l('' prise en (dle-ineine doit
salislaire a des besoins essentiels (|ni depeiideiif des
(dellienis de s,i nature et (pii sont simples. Mais cette
simplicité n est (pi ajtparcnte. |)cs (dcnicnls iioii\e;iii\
inter\ icnneiit ])oiir (li\«.M'sifier cet ('-tat seh<''niali(pic .lu
point ni('ine d \ introduire parfois des traits contr.idic-
toircs.
Ces (déments iioiINCiUX ce sont ccilX (pii dcliNcnt des
— 51 —
a>])ii;ilions ])ai-tiriilioi'os des hommes influencés diiiis
lêiir caractère ]y,iv le milieu physique et UKtrai dans
lecjuel ils vivent.
La nature du climat, celle du sol sont les causes
])rincipales de ces spécifications.
« Ces forces naturelles qui façonnent un j)eu|tl('. dit
u M. Boutniy ! 1), sont celles qui ont le plus de poids et
(' defficacité... lenr influence est aussi ancienne (pie
« Thomnie ; on m- peut, en remontant les siècles,
<c découvrir une période où elles n'aient ])as existé ;
« elles n'ont pas varié notablement, et si un chanue-
« ment s'est fait, c'est dans l'homme, qui est d('\«'nii
<■ sensible à une infinité d'autres causes. Au cnmmen-
« cément, (dles agissaient ])resque seules sni' nn i~'tf('
<( souple et neuf aux imjjressions ; elles ont prodnit
u alors des effets que nous jugeons invraiseml)lables. »
(^e sont elles dit-il encore, <[ui ont produit la race « à
» une époque où les prennères idées et les premiers
(( sentiments d'mi peuple ne s'étaient pas encore fixés
« et extériorisés dans aucun monument diune de
« mémoire. (]es monuments, coutnnu's. lois i:ravées
(( sur la ])iei'i'e. rites r(di,i:ienx, [)oèmes ('pitinc^. ont
" luf^nc r\r (Ml pi-emiei' lieu les jtrodiiits Jn milicn
« j)hysique et ce ncst (\u'i\ la lon,i:nf, (pi'axant acquis
(( une consistance et une \ ie proj)res, ils sont dcxcnns
« ca])ables d'ent:'endi'er eux-mêmes des imjjressions et
1. Psi/r/io/ogip (lu peuple anf//ois, I, 1.
Q^l
<• (1 ilili-rccplcl- 1rs cllcls (les ;^ l'.i lidi'S ciliscs ll.ltlM'cI-
Ics ... Al'iis il s est Idniic lin milieu nuirai, un rspril
uciiér.il t'I (1rs iiHiuis. (■iiiiinn- dit .Muiif('S(jui«Mi, ddiit
il r(»n\ init d a|i|»n'riiT les niaiiilVstations dans le s<'ns
dii fllrs jxiiiiiairiil iiiitdilicr I i>rt;"aiiisali<»n de Ja Nie
sociale piise i/i ali-^lrttcto.
(Test ji(iiii(|ii(ii. au iii<i\eii de ces eonsidf'rafiMUs sni'
le milieu |tliysi(|ue, qui inlliie |»ai' le (limât sur la seii-
siliilile el par suite sur la xidouti' (sensation. jM'rce|)-
tion et imagination et jtar la nature du teri-ain sur la
iialure des besoins |diysi(|ues et des eonditioiis d'exis-
tence, Moiites(|uieil corrige ce (|uil |)ellt y a\oir de
tro|» alisoln et de troj» i^'in-ral dans le mécanisme |)(di-
ti<|iie (|ii il \ ieiit d analyser.
l'oiir liieii comju'eiidi'e sa j»eus(''e. il ne laul jias isoler
les treize |U'eiuiei's li\ res des si\ li\ l'es sili\aiits destl-
iK's a atténuer ce i(ii ils [ieii\eiit aNoir de tro|» tln-ori-
<Iiii'. en |)eiieliaiil 111! |»eii jtliis a\aiil dans la r»''alit(''
\i\aiile. M.iis d antre pari, ces six li\res ne preiiiieiit
toute leur \aleur (pie par rapport aux |n'(''c(''deiits. j.e
(diiiiat. le terrain. res|irit i:(''iieral r\ les iineiirs ne
sont pas joui (dllinie on a \itulu Jtretelldre (pie le sou-
lell.lil Mollles(pii(.u. ( !e solll seulement des j'actelirs (pii
di\ ersilielll I asp(.(| d(. |a \ ie sociale toujours ideiilKpie
à (dle-UM'Ilie dans ses iiraiides liL;nes. (ioniliie le reiliai-
<pie M. lîoutmy. ils a-isseiit surtout au d(dml de la
lormalioll des |ieuples. Leur inllueiice se l'ait sentir
aujourd liui eii((U'e. Mais on peut eoiice\(iir un avenir
— 23 ~
où par l'effet de l'effort humain pour approprifc la
HâÉtape et grâce à la rapidité de plus eu plus grande des
comfmTinications, les eonditioTïs- de vie sV'tant uniliécs
par tout le globe, l'homnie n'aupà plus à se préoccu-
per que de réaliser le plus pleinement possible iOi-i;:!-
nisme de la société aïysfraite et idéale, il se peut (|ue
non» soyons entraînés vers cet état nouveau (riiimia-
nité. Cependant, eomine nous «nommes loin d'en ètce
encore là, même aujourd'hui, Montesquieu a eu raison
d'insister sur ces causes fi^econdes et de détepuniïor*,
par raj)port ailx nécessités générales de tciute \ ie
sociale, dans quelle mesui'e leur iiiflueuce se fait sen-
tir sur la vie civile et les mœurs (jui en (h'pendent
iiïimédiatemeiit et niènle sur les lois politiques ({ui
peuveftt, ait premier abord, t paraître soustraites.
C'est donc parce que, à ses yeux, le clunat est le fac-
tetir le plus inq)ortant dans la cottstittition de l'éticrgie
individuelle que Montesquieu aborde en prenne i* lieu
l'étude de son influence sur l'organisation sociale. Eu
gdllidtaiit ou en dépriinant la tendance à une activité
forte, décisive et suivie, le (diniat dévelo|)])(> le goût de
la liberté ou l'indifférence poui' la servitude. La cause
première de la servitude parait être, en effet, un m ni-
que d'énergie pour une action consciente et i'(''ll(''cliie.
une indifï'érence d'esj)rit ([ni \a jns(jn"à Inulili de la
personnalité et à l'abandon de soi-mênu'. Or b's (li-
mais trop chauds anéantissent la volonté et laissent à
peine à l'individu les forces nécessaires pour subvenir
— 5'f —
.•■| ses Ix'soiiis (le (li.Hlllc j'»!!!'. L.l \ ic l'sl (I .lilIcilfS
l'iicilc dans ces r»''i:ioiis <•! 1rs lirsoiiis y sont i-<'(liiits au
^tiirt iiiiiiiiiiiiiii. Ti-oiiNaiil l<iii_i<»ni's de (jiioi sr siifliiT.
les Immiiics n'ont iiufic le sent iniciit de la |tr<»j)i'i»''t(''
cl 1 rtlui'l ne sci'iMi contrant (|m' iMi'cnirnt : ils n"onf pas
da\ antai:<' le scnlinicnt de la \ alrnc indi\ idurljc.
(>r. ^i les lioninirs sont amoui-fiix de la lilx-i't»' cCst
|»i'(''cisi''nicnl parer (|u ds sentent en en\ une lorec
capalde de les distiiiiiuer- de lenc \oisin et (|ui donne à
chacun d t'U\ une valeur propre; c Cst aussi j)aree (ju ils
désirent se voir assurée la propriété do ce (pi ils ont si
chèrennMit acquis. I
Dans les climats ]dns rii:(»uren\. au contraire, <>t
même dans les climats t<Mnpérés, la nature moins lil)é-
rale exiuc de rhomnie ])lus dcllorts. Il a la sensation
aiguë d être toujours en lutte soit (piil demande sa
nourritui'c à la chasse, soit quil remprunte à l'auri-
cnltnre. Aussi ari-ive-t-il, déjà ]tar cette seule inllnenee
du climat a <''prou\('r plus \i\('ment que nulle |»art
ailleurs le iiesoin de la lihertt- «pii satisfait à la fois ses
intérêts et son orL:ueil. j) autres causes s ajouteront à
celh's-la poni' iciidre j)lus imjx-rieuse encore la satis-
laclion (II- ce hesoin. Montes(piieu les eludieia par la
suite, l'nur le nioun-nl il se horne à indnpier les
inllliences opposées de climats oj)jioses et comme les
peupli-s de 1 |-]urope ont plus facilement la notion de
la lilier-t»'. c'est à la ser\ilude qu il s attache de jn'éfé-
ri'uce : la ser\ itude j)oliti(jue a\ec ses deux coi'ojlaires
— 2S —
IVsclavjiii'o civil et rosclava.ef tlomostiqiio reprôsoiil r
|»ai' la polygamie dont les conséquences se font si vive-
ment sentir sur le statut personnel des femmes.
Montesquieu consacre deux livres à létude de ces
deux formes extrêmes d(^ servitude extrême. On ])()ur-
rait s'en étonner si Ton ne songeait ([uc l'esclavage
était la ])lai<' de tout r()rieid et des colonies euro-
péennes dans les Indes ; que les Européens eux-mêmes
y étaient exposés fréquemment de la part des Musul-
mans et que certains esprits eidin, dont Féconomiste
Melon, suivi par Fréron et plus tard par Linguet — ce
qui indique un courant (ro])inion assez général — sou-
tenaient sérieusement non seulement l'utilité, mais
encore la légitimité de l'esclavage dans les nations
modernes.
D'autre part, cette exception si fi-appantc an\ i-ésul-
tats de l'analyse })rt''liniiiiaii'c des hesoins inui's et
essentiels de la vie sociale, nu'ritaif d être f\pli((n(''e
aiin ([ue Fon perçut hicn (pi il n y a\ait pas contradic-
tion essentielle entre les deux ordres de pln-nomènes.
mais bien j)lutùt moditication (]o la règle générale sur
un point ])articulier, j)ai' rell'el de causes spéciales.
De son (•(')t(''. la nature dn ler'i'ain, par la nalni'c
des subsistances (pi'elle |)ent fournir. d(''ferniine une
certaine direction de 1 activité. d(''\elopj)e certaines
facultés aux dépens des antr<'s et inqiose en consé-
quence au droit ci\il, au di'oit politicpu' et au droit des
gens des pratiques que ni l'équité, ni la raison pure ne
— 56 —
<;miraî(Mit oxpllqticr et dont il faiif ocpoiidanf rfiio \q
jurisioiiMilh' sache la \ riifaldc cause |ii.iif ne ]»as ètr^'
e\|n»S('' à (les ;^ciieralis;ili()iis li;1li\('S.
(Jliaiit à les^n'it uéin'i'a! et aii\ iini-iiis. c'est le
D'SllItat (le (dlltes les causes secdildes (|lli collf l'ihuf'llt
à former' le carach'-fe de ( lia([ue t:i'(»iij)e j)arficnH('P
d liiiiiianit(''. (Test en Ini et en en\ (|ne se nianit'esleut
les tendances pntjtffs de la race, le point de \ ne
ail(|ind (die se place JxKir- en\ is;ii;ef la \ie sociale, le
sons lîétK'fal de I activité (pii l'epond à sa nature. Le
rai-aetère des lois doit leur «'tre e.xacteiueiit snhor-
(loIUK'.
l)e nuMne (pi nn nn'deein oi-donne à ses malades \o
foiiièdc s])éci(i(pn- de leni' aHectioii en a\aid soin de
1 appi'()piMer à leiii* temjteiament |taiti(idier' ]>oni' <pi il
])rodiiise son maximum d etfet ou du moins ne soit pas
nuisilde ; de même, le l(''i:islateur doit donner. j)ai" la
force des ( lioses, ;'i ( Iia(|ne peujde non seulement les
lois (pii con\iennent aiix Ix-soins L;(''n(''rau\ de toute
s(»ci(''l('', mais enc()i'e c(dles (|iii concordent le mieux
avec le caract(''re pl'opl'e de l;i race.
Pour oldenir ce r(''snltat. il lire ])aiti pliis oii moins
inconsciemment des ('déments psN( li(doL:i(|nes (pii f(»r-
menl ce caractère : il sa|tpuie sur la l'orce de ro|H-
nion (|iii en est la icsiillante. tàle se-, résistances, suit
ses pen( liants, utilise riinmeiir' sociale, la \anit('',
r<>r,i:lieil ; traite le peuple en un mot couime une per-
sonne et >;e L'uide totljoUI-s SIM' les pulsations de «tes
— 27 —
artères. Toiito loi, politicjuo (m civilo, porte Feniprointe
(le ce travail et c est I ('volutioii des mœurs (|ui «liriiie
révolution de la législation, (loutre cela le législateur
ne peut rien ou fort jxmi de chose. Il subit l)ieii plutôt
(piil ne dirige.
Cependant il arrive que lorsque los lois sont ainsi
appropriées aux mœurs et conformes à l'esprit général,
elles agissent à leur tour sur ces mœurs et sur cet
esprit général en précisant les tendances de l'un, en
développant tout ce cpii peut être contenu dans les
autres. (Test alors ([ue Montesquieu analyse iivcc une
tinessc jjleinc de jji-ofoudcnr les ctffts de l;i constitu-
tion anglaise sur le milieu liniii;iiii (pii \';\ ('IjiI» vrc de
sa propre substance. 11 monti-c, par les facilit('s ([uCllc
donnait tant à l'intérieur ([u ;'i Texléj-ieur, comment
elle contribue à développer tout ce ([u'il y a dans ce
peuple d'énergie et de liesoin d"a,i:ir, comment elle
accentue son être moi-al et intellectuel poiii- le |),irti-
culariser et lui donnei' l;i foiMne l.i plus |);ii'|;iilr (|iii
soit com])atible avec sa nature ' /: . L., MX, 27).
Tout(? cette })artie de l'/fs/;/-// des Lois est à l'ctenii'
car en a])])(daid l'attention sur l'élénuMit ])s\c|i()l(ii:i(|ne
(|ui <'ntre d;iiis l;i \ ie des jx-iipic^. .Montes(|ni('n donne
à la science (In droit ini pr(''cien\ inslrunn-nt (rMi\e>^li-
gatiou et une nouvelle ujir.intie de certiinde.
Mais lanalvse <'st loin d être encore lecmin/'e. Nous
venons de voii* ([uels liesoins, (|inds dc-^irs peiiAcnt
— 28 —
su>s(if('i' \i'< in''C('ssil»''s (If |;i \ ic en Sdcn'-tc joililfs ;iii\
1<'ii(|;iii(cs |i,iili(iilicirv (\(-s imli\i(liis.
Si rcs (Ifsii's. si ce licsoiii d ordre ont t;iiit de puis-
sance sur toutes les |)ai'ties du droit, (jue ne doit jxtiiit
être la j)art des intéi'èts inati-riels uràee à la satisfac-
tion des(|uels les |»eu|)les s en ricliisserd et |tI'os|)»"'rent ?
Au moment oil e(ri\ait .Montes(|llieil, le de\e|oHj»e-
nu'ul du connuerce et de I industrie, la concurrence
<|ue commençaient a se laire les nations occidentales
a\ait'ut (N'jà depuis (jU(d(|ue tenijts attiri- I alteiiti(Hi des
liouvoruciucuts sur les lois »''conoiui((ues et sur leui-s
rapjioi-ts avec lo droit et la jMditicpu'.
he |ten dimijortance cjie/. les |(eUJ>les priuiitd's
\i\antd(' la pèche, de la chasse ou de la culture siu- un
territoire peu étendu, elles dexienneut dans les jltats
civilisés le fond im''Uie de toute la \ ie sociale : ou
plutitt, la iomple\ite quelles re\ètent pai'ait leuratti'i-
huer ]dus de {\)vro (piautrefois. Kii réalit»' (dles doi\eut
a\()ir toujours eu une imj>oifance consideralde. Si
aujourdiiui en s'.ijipuvant sui- elles, les socialistes
piétendent m dilier non seulement les j:;-ouvei'uenients.
mais eju-ori' les statuts ])ersonuels et luohiliers et
niodilier louto les règles anciennes du droit puldic et
pri\<'. Moulesipiieu n a-l-il pas rais(»n île uioulrer
I intluence ipi fdies oul |MI aVoir slU' les lois |ioliti(pH'S
et ci\iles d un peuple cil tiaiii «le S Organiser soit «piil
S adonne a la chasse, soit <pi il se consacre a I auricul-
— 29 —
tui'o, soit cnliii (jiie faisant le coiiuiier-ce il use de la
nioiiiiaie ?
Mais à cô\r (le la question purement inatérielle. à
côté (le la trace sensible que laissent dans les lois d un
peuple les rapports économiques même les plus rudi-
mentaires. la vie économique soulève un ])rol)lème
moral (|ue Ton résout dilt'éremment snivant la tin que
l'on assigne aux efforts de Ihomme. La richesse signe
du travail et de la prospérité doit-elle être recherchée
pour elle-iuènie? X"engendre-t-elle pas la dureté et
légoïsnH' qui sont des vices anti-sociau\ piiiscpic par
détinition la société est fondée sur laccord des forces et
des volontés particulières? Est-il juste de s'iMiricliir
indéfiniment dans le seul but tlauginenter la somme
de ses jouissances personnelles? La ])lnloso])liir anti-
que, par la l)ouche de Plat n et des Stoïciens a\ait
ré])ondu non. Le christianisnu' à son toui'. en substi-
tuant <■ au désir de bien \i^ ri', le souci de !)ien mourir »
n"a\ait fait (jue dévelo})j)er ces ])récej)tes de morale
ascéti({ue (|ui eondiiniiaient toutes les j»r(''occuj»atious
économiques.
Montescpiieu (|ui se place toujoiu's au centre (le la
r(''alit('' des choses Ma\ait pas ;i traiter cette (|uestiou
d(> principi'. Il ne |i<iu\ail (|ue rcconniiili'e, d accord
avec le droit l'omain et sa propre conceptinn des lois
fond(''e sur la nécessité j)()ur tcjut être <ree <le se pei-
pétuer en satisfaisant à ses besoins essenli(ds, la iégiti-
- 30 -
mile (les rll'(i|-|s i|llc Inlll IcS | i.l ri ic II I ir l's j)ii|||' s cinirliil'
|»;ir I iiitlii><tiic fl le (••iiiiim-icr.
s il |)l(iMi-it le lll\c rf rccniiiiii.iiKir 1,1 IVlli:.! I il(''. l'Cst
an imiM île 1 iiili-n-l L:cii<-ral cl dans cfrlaincs luniics
srillriiM'lil (le snciclc l'iiiiinir la ( IcilH iira I ic. It'llf
(1 aillfiiis (|n il la coîicoif daitrès les seuls cveinplcs
(|n il en a\ait suiis les \eii\ dans |e> re|»nldii|iies
anrK|ue>. hans cette foniu" d iltat . en cU'et. le souci de
la collectivité romjxti-fe |>ai' déliiiitinn sur I inti-i-èt
])ai'ticMliei'. Ailleurs, au contraire, MoiitestjuicM niai-(jiie
l)ieii tout le |tri\ ([u'il faut atfacdier tlaiis les siM-ii-tés
modernes à I etloi't ccononii(|iM' lors(|u il loue la nnmar-
cliie l'rançaise de permettre à la ltonri:eoisie commer-
çante dont la ri( liesse ac(|uisc a |ti'ou\<" leneriiie et la
valeur S(»ciale. de |»enetrcr, |tar le seid l'ait de cetti-
ricdicsse, dans la (lasse des n(d)les.
Tous ces ellorls. en ell'et, ont leur raison d être dans
les besoins de la socif'ti' et les exigences (\u liien
piddii'. an même lilri- (|iie les satisfactions d oidre
nior-al données aux as|»iralions leiiitimes de 1 indi\idu
au rcLiard ilc I l!l,il. Il est nécessaire de les encourager,
de les faciliter, de les diriiier dans le sens de 1 utilitt'
la plus L:rande et c est ainsi ipie les exii;ences ('•ciuio-
mi(|Ues s(»nt relletees n(''cessa ilement dans les lois jndi-
1i(|tn's ou ci\ iles.
I, indust|-ie l'tait encore fm-t |)eil dc\ e|o|i]»ee au teuips
de \|ontes<piien . (lest la trace des prcoccujtat ions
cojuuM'rciale.s et liuaucicres cpiil .sellorcc surtout tic
^ 31 -
rccouiiaitrc dans le droit j)ul)lic ])ar rurgaaiisation des
])anqiies, des comjjagnies coiimierciales, dey (J.ouaj;i^s,
et par la réglemeiitaticm de la circulation monétaire ;
dans le droit privé par la législation concernant les
créanciers et le prêt à intérêt. Une histoire abrégée
du commerce cojnpjète cet exposé de princijjes. Mon-
tesquieu y détermiiie da.ns leurs grandes lignes les
routes commerciales suivies par riiumanité. Il insiste
sur les modifications qu'y apporta la découverte du
nouveau monde et sur l'orientation politique nouvelle
que peut donner aux uations occidentales l'essof de la
colonisaticni qui va dévelojjper dans le droit des gens
des principes nouveaux.
Enfin, comme la mise en valeur du sol aussi bien
que le commerce et les arts (entendez l'industrie) a
besoin de bras pour jprospérer, il n'est pas douteux
(jue les Jlois politiques et civiles ne répondent par cer-
tains côtés à la satisfaction de ce l^esoin. Montescpiicu
est donc ainsi amené ;"i ti-aitcr l;i (|in'stion de la j)oi)U-
lation et il le fait en étudiant sous ce poijit de \ ne b'
mariage qui organise et réglenuMite la pro])agalioii de
l'espèce dans nnr soci('>té policée. U détermine son but.
expose ses conditions et «uialyse les mesures de droit
politi({ue et de droit civil (ju<' les lioninu-s ont ])n insti-
tuer pour lui permettre de ju'oduire tous ses eliets.
Tels sont dans leur ordre logi(jU(% qui est en même
temps celui qu'à suivi Montescpiien. tous les éléments
— 3r> —
iilli iH'ini'iil (Irlrniiiiicr 1,1 liallIIT (1rs lois rt inlllH'iircr
leur rspril.
( !c|irii(l;ilil. |Millssf ,111 liiilirii décrite e|t,iisse fllliiie,
\(ii(i un .irltre «'livnii:»' qui ne resseiiilde |»;is à ses \(>i-
siiis et (|iii |i,irait |tiiiser d.nis un snl dillerent une sè\ c
|>;i ilicnliere. Il se dresse dnie fort et nien,Me d etoutrci'
le leste de la l'ofèl soUS ses r.l Mlilir;i t iniis |iuiss;i ides,
(let ,ll'lil'e c'est ('(dlli (|lle |i(illsse l;i cel iuii ni . Il se
dresse isolé et (lf'']),i\ si- sur un sol (|iii ii est j»,is |';iit
|»oiir lui. .Mais le forestier doit eu tenir eoiuple il
faut (|u il rn reeoiinaisse la u.iture, cju il eherc lie ,i
concilier sol! existence ;i\('c celle de tous les .lutres
arlires et (|u il deteriiiine (|iie|les iiKtdifications son
\oisiii;i,u(' peut ;ij»|)oi'ter a ceux (|ui |iousseiit sous son
olidu'e.
(Ju on nous jtardonne cette coiiip.iraisou ! Mais .Mon-
tes<[uieu. <|ui ne détestait |i,is les iniaties. uoUS coiice-
der,iil c(dle-ci (|ui répond assez hien à lidt'e «|u il se
fait de 1,1 r<diL:ioii.
h.ills la leli-ioii. en (dlél. .M( Ulles(|uien voit liioius
l'esprit r(dii:iell\ et les «roy.iuces ipie 1,1 loiiiie politi-
qiK' i|U (die ,1 re\(~'tu dans les j'it.ils iiindernes sous
I llllluelice de 1 i'!:^ lise (dl ret ieil lie .
I. i'isprit r(diL:ieu\ a son r(~)le dans la ((nistitiitioii du
c;ir,ictere (d d,ins |;i direction des teiid.inces des masses
limil.lilies : il intllle sur la l-.ice r\ les nhellls et ,'i ce
lill'c, il est un f.icteui' So(d,il. |Mliss;iilt et d ;iut,iiit |dus
loll (pi il s.ippllie sur les seiltllliellts les plus ilitiuies
— 33 —
de 1 lioiume. Montesquieu le recouuait sans cejjendaiit
y insister comme Fimijortance du sujet le mériterait.
C'est une lacune qu'il faut regretter, mais cjue l'on
peut explicfuer par ce fait (|ue le rôle politique joué
par l'Eglise dans les sociétés occidentales, avait con-
fisqué à son profit les effets naturels de l'esprit reli-
gieux. C'est sur ce rôle que s'étend Montesquieu parce
que d'alîord c'est un fait ])ien nettement défini et
ensuite parce que ses conséquences ont eu les résul-
tats les plus graves pour les lois positives. Le rôle
politique de la religion, représentée par la constitution
des Eglises, légiférant dans les sociétés humaines au
nom de principes qui regardent la vie éternelle. ])arait
en effet à Montesquieu une véritable anomalie une
source de confusion et de désordres sans iioinhi-c.
Cependant, comme le fait existe, il faut ({ue le juris-
consulte s'en occujje et que le législateur tâche de
s'accommoder le mieux possible de ces éléments
adventices pour en tirer le meilleur parti social.
Moiit('S(|ui<'u insiste donc a\('c foi-cc sur rv |)(iint.
Il montre coninienf tontes les religions et en partie la
religion chrétienne inthnMit sur h's mceurs et sin- I état
politi(]ue. Dans le premier cas, elles hahitnent l'individu
à riiumilit('': dans le second elles le forment à l'obéis-
sance. (]Vst un bien ([ui est un mal selon le point de
vue au([uel on se place.
Il <-lierclie dans (|U(dle niesnre leurs principes
sont utiles ou nuisibles au (l(''\ eloppcMneiit noi'nial
Oudia 3
34 -
(le l.'i \it' s(»(ijilc, t't ((iiiiiiiciit les luis iTlii;ifiis('s rt les
lois jM>siti\ rs |)t'ii\ fiit sr ((tiiihiiici' ]un\v Ir \nvn iréiiéral.
Iji Icriiiiiiiiiil. il pose res (l«'ii\ rrulcs foiiclaiiieiltales,
;i s;i\oii' (|ii(' c'est iiiniiis la \ri-it(' des clofriiies (|iii
imjHiilt' t|iu' Iriiis tonsé(|iu'iK-os sociales vi <|Uo les
i('lii:i()ii.s doivent toujours l'esjx'ctor les distinctions
sociales et les l»esoins sociaux.
Il suit (le la (jue la socii'té a le droit de se protcj^cr
contre les lois indigieuses lnrs(|ue les Euiises «pii les
édictent étahlissent des j)iali({ues capal>les de porter
atteinte aux cfuulitions essenti(dles de sou existence.
Parmi ces piati<jues, Moutescpiieu rauj;e par exeni})lc
le droit d'asile cpii bat m brèche le droit de contrôle
(|ue la société doit a\(»i[' sui' tous ses membres; — la
vie et les \ (eux UKUiast icpu's (|ui sé[)arent de la vie
commune des cito\ens dont lactiN ite [iroductrice serait
utile à la masse; — 1 accunudation tle richesses (pii
sont distraites de la circulatitju ; — la levée de tributs
i|ui saj utent à ceux ((Ue la («dliM-tivite i-éclame déjà
du citoyen ; — enliii la reunion du pontilicat spirituel
avec 1 aidorite du ,i:(>u\ ernenn-nt ci\ il ce (pii conduit à
détruire la lil»erl<'' de penser, la plus impoi-taide et la
])lus inlanuible de toutes.
(le droit de défense, la société le Jtosséde d autant
j)lus léuiliiiuMuent (pu- I adNci'saire est plus puissant et
mieux arme.Kien néuale en ell'i-t la j)uissance de sé<luc-
tiou des Jvi:lises et les artillces de sentiun'ut ou de raison
dont elles sa\enf userpour atlacherctro tenirles Ames.
En principe, la religion doit être inditférente à la vie
sociale, car elle est par elle-même du domaine indivi-
duel, et lEtat ne saurait intervenir soit pour (»l)liiier
les citoyens ;'i clian,i:er de i'(dii;i()n. soit pour iinjjoser la
prati((ue exclusive duii cidte an moyen de lois pénales.
La société, en délinitive, tolérera donc toutes les reli-
gions à la condition qu'elles n'entravent pas la i-éalisa-
tion des fins ({ui lui sont propres et elle veillera dans
l'intérêt du l)on ordre à ce quelles se tolèrent entre
elles.
Ces opinions sont Tort li.irdics pour rr'po(pie et,
débarrassées par 1 analyse d<'s J'onnes dont .\l<»ides- .
quieu leseidoure, elles peuvent paraître brutales, mais,
après tont ce cpi'on vient de lire, on se rend aisément
compte ipielles tiennent ('troitement au système tout
entier de Montesquieu. Si les lois en effet n'ont d'antre
ol)jet (jue d'assurer 1(^ développement de hi société
conformément aux hescnns de sa nature, il est évident
({ue le rôle social des lois de la religion doit être fort
atténué, car ces lois s'ins|)irent d'un idéal de vie con-
traire à c(dui ipii S(> inanitesle j)ai' 1 eNpiM'ience coinine
étant la lin ordinaii'e des sociétés humaines. On il y ait
des sociétés où tout soit organisé en fonction des lois
divines, Montes(]uieu ne le nie pas, mais ce <{u'il aflirnie,
c'est que ces lois ne sauraient asoir dans les états
actuels une valeur prédominante. Ouant au mélange
des deux tendances, il ne [>cnl, à son sens, (pi être ]»ré-
judiciablcà l'élaboration claire du droit pojilicpn' et du
;;«
(iroif cixil. Il fiiiil (loiif (l(\i;;is;rr les lois jxtiitiiiiics de
ce ([iiCllcs (l()i\ eut ;iii\ priiicijtcs de l;i i-clii^iuii consi-
(Iflfr ((iiiiiiic Inrrr socijilc, .llili d éviter |;i enlilusioll
(le (|en\ i)|(lre> de choses bien <lisliliels.
( !"est d .lilleiirs ;'i ce conseil iiciier.il (|H .1 liotll il , d.ilis
le li\re X.WI. le liMN.iil iiiét ln»di(|iie d.iiialyse dans
|e(|iie| nous \eiioiis de sili\ I'«' Moiilescjnicii. Aussi, le
livie XW I nous |»ai'ail-il rive le pixof de tout lOu-
Ni'aue. .\|ontes(|uieu, comme lieaucoujide ses contem-
porains, souHrait de la contusion de |(rinci|)es (|ui
Iroiddait la science du di'oil : |)our la dissipei- il ,1
entreju'is, a\ec ordre et un-tliode, une e\j)loratiou à
travers les ('h'UU'nts constitutils de la société alin de
reconnadre a (|uels hesoins répondent les lois (|ui I or-
uanisenl et dcddavei' le sol jniidi(pie des hronssailles
(MK Ih'\ (Mi-ees ipii lencondtraient ; lloraiscnis ti-op luxu-
riantes (In droit r(dii:ien\ et t\[\ droit natur<d : rameaux
gourmands issus du jardin voisin, t(ds (jue c<'U\
(piavait pousses le droit romain au ndheii de iioti'e
droit politi(pie et civil original.
(In Voit dans le livi-e X.WI. la dill'crence (|U il faut
i'ail-e avant tontes ( Inises, enll'c les lois divines et [es
lois linmaines, puis c(dle ipi d Tant elaldir entre les
|»rincipes de la loi ci\ ile et ceux de la loi naturelle ou
de 1,1 loi de la r(dif:ion. (les icllexions pei'inettent à.
.\|ontes(pneu de redresser (pndi|ue^ erreurs communi'S
aux jurisconsidles de son lem|is «pii. sons | inlUiencc
du droit canoni(pn' on du droit romain ((Uisideraient la
— 37 —
h-ansmissioii de l'hérédité coiuiup une oi iiatiirellc,
(|iii rii\ isaaoaiciit lo inariag'c uniqueineiit coiuiiie un
saeiM'iiieut et négligeaient son rôle social, qui a])pli-
(fnaient enfin couramment aux tribunaux humains les
maximes de ceux qui regardent l'autre vie. Là était, en
effet, la source d'innombrables abus et d'innoiiiljiablcs
confusions (|ui, de ces points fondamentaux, s'éten-
daient sur toutes les parties du droit pour les troublrr
et les obscurcir.
C'est avec ce même besoin de clarté et de pi-i'cision
que Mon esquieu examine les rapports du droit poli-
tique et du droit ci\il.
On a vu dans les jmges précédentes les rapports
étroits ([uil y a entre le droit politique et le droit ci\ il
lors([u'il s'agit des lois d'organisation sociale destiiK'es
à rendre le groupe plus homogène et plus attaché à
ses princijDcs. Mais cette dépendance, que Mont<'s(|iii('u
a ét('' un des premiers à bien mettre en huniér-c, cxii^e
([ue les limites de ces deuv (h'oits soient ti'és exacte-
ment marquées. Autrement, sous le premier [)r«dexte
venu, le droit politique, fort de sa prééminence, pour-
rait bien faire interveinr d'une manière al)usi\ c ses j)ro-
pres principes dans le ih'oit civil. ( Ida s'ctait \ ii son\ ciil
pendant les longues aunc'es (bu'ant h's(ju<dles s'élabo-
rèrent les sociétés nnxbMMies. I.<' (h'oit civil cependant a
un domaine propre qui est la défense de la propriété
])r'.vée dont il doit être le palladium. Les princi]>es du
di'oit politique doivent s'arrêter devant cette barrière,
— 38 —
M.lis 1,1 r('Mi|ti'(i(|llc est \ l'.iic l'ji m.ltirrc de ilolMclilK'
|i||l)li(- (ill <|i' Micccssinli .111 tirtiir. |i;il' exclu Jilc. ri in.il-
,i:r(' 1,1 siiiiil tiiilc tli- 1 i>|»jcl. 1rs; |iriii(ij)c^ du di'oil ciNil
ne s;mr;ii<'iil en ■iiiciiiic r,i(iiii |ii-('\ .iloir.
Lliistoirr t'iiiiriiil di- iKHidirciix r\i'iii|d<'s <\t' {t-Wr
cxleiisinii ,1 liilsiN r. M(»liti's(|iiir|| li'rii cite |i,is. mais
ji.iriiii liciiiciiiip d.iiitrcs. il ,iiir,iil pu i-,i|t|Md('i- |,i (|iir-
rrllr siir\ ciiiic ciilic UiMliii cf Henri III a |»l'(>|t<)S de
r.ili(''li;iti(iii i(lie xoldait faire ce |)riliee d'une p.irtie du
doni.iine i(iy,il en .NOriiiaiidie.
Les \ien\ juriseniisultes IV,iin;i i^. polir r(''j>riiii('i'
ti)||te ;irn''ll,ltiiiii du di)liiailie. p.irl.lieni <le celte idt'-e
ri>llil,'IIIie|il;ile d;iii^ IKiIre ancien dl'oil |)ll I die < | Ile le roi
dnil \i\re Illii(pie|lielll di'S pnidllils de soll d<»lli;iilie
(|iii cuiisliliicnl les ressitiirces nrdin.iires de I,i r(i\ .iiili'-.
h.ilis leur espril. les iiiip(ils sdill des ressources
e\lr,iordiii,iires ,ui\(|indles il ne laiil taire ,-ippe| cpie
d.ilis des cas d<''lerillilies e| |e iiloilis soUNCIll possil)ie.
Tons les ini[M">|s s.iiil a |»ro|irenienl ]>,irler des c aides ».
Il illl|>orle donc ipie les re\elll|s du dolii.illie lie solll"-
i'reiil |ias de diiiii nul ion . cl l.i prciiiiere condilion est
<|Ue le roi ne puisse en l.irir la source eu .ilieiliinl les
liielis ipii coiislillieill leur doIlLline.
lietle coiiceplioii ,i\,iil j»ii rf''poiidre ,i neieniieiiieiil ,'i
une l'éalile. A I lieiire où (•crisail Moiilesipii<'ii il \ ,i\,iil
|oiiL:te|llps <pie le doiil,lilie p,l l't icll I ier < les fois s'i'lait
l'olidu d,llis le ro\,IUIIie ou pllll('il ipie le loxauiue s'eljlit
ajoiile ,111 dolliailie l.iiidis ipie les il||p('its s"i'|,i ieli t r\;[-
- 39 —
blis solidement ne faisant ({11*1111 avec le trésor ])riv(''.
Il on était résulté que le domaine avait jn-is un ( ai-a( -
tère politique et que les ])iens de la coui'oiiiie ne j)()ii-
vaient plus être séparés de cette couronne. (Ida sim-
plifiait les choses et évitait toute discussion. De même
que le roi n'est point maitre de sa couronne dont les
lois du royaume rèaient la transmission, de même les
Ijiens qui y sont attachés ne sanraient être régis par les
principes du droit civil.
Par un etfet contraire, n'est-ce pas en se fondant.
par une confusion de principes, sur la loi ri\ile des
Flandres, que Louis XIV, soutenu dailleni-s j)ar de
complaisants jurisconsultes, avait revendi(|né les l'ays-
Bas au nom du droit de di'-vdlntion.
11 nnportait donc de mellie le droit à l'ahi'i de ces
interprétations fantaisistes, d'autant plus danizereuses
que par la confusion même des prhicipes. (dles pou-
vaient être de ])onne foi.
Si l'on considère entin le droit des gens, ('tant donné
que, en dehors de tout so])liisme sentimental, la seule
règle qui préside aux ridations internationales esl la
raison du plus fort, temj)érée il est vi-ai ])ai' le souci d un
intérêt bien entendu, il est évident (|u"il m' saur.iit
admettre les principes du droit civil doid la consei-va-
tion de la propriété forme la l>;ise. non |)lus (\\u' ceux
du droit politi([ue (jui à côté de la notion d'autorité
retient celle de la liberté et reconnaît les droits indivi-
duels,
- ;o —
Ndiis ;i\ttiis iii.iiiilcii.iiit p.u'cuiini ;i\('c Miirilcs(|iiicii
Idiis les i>|<-iiiriiK i|iii ciiln'iil dans la iuiiiiatiuii
(le la loi cl ra lactciisciil mmi (ili|rl. Nniis avons
Iromc daii'^ <('|lc aiialysr les iii(>\riis (\r li\('i' à
cliaciiii (It's droits |iar"licillicrs Iriii' dninaiin- |»i<)|)ir rt
de di'tciIllilHT les limites i\i' leur |»i-IH''t l'a t ioli I-rcj-
])I'(MH1<'.
Kestc rai)])ii(ati(iii. Ici nous muis tfoii\-oiis vu juv-
scnci' (\'[\\\ ('léiiiciit iiou\<'.iii <|n(' M<»iitcs(jiiicti a\ait du
l'orccnicnl n(''L:ii^ci' dans son ctndr d<'s conditions
csscnli(dlcs (|ni |»n''sidcnt à la vio s(M'ialc. (Ictfdcnn'id
(•"est le temps. Il sera rcpiM-scnti' |»ai- I inllnence (piOid
les niH's sur les anti-es h's lois an coiifs de la vie dnn
])OU|)le. Non seulement, en ellet. la loi di-pcnd des
capjxn'ls l'ssentiids nécessaires à la conser\ation et à la
|»ermanence de la >ie sociale à un instant donne, mais
(die est encoi'e solidaii'c du ]>ass<'' (|ni a determin('' les
situations, |»r(''|»art'' létal d <'S|)i'it, orient»' les nneurs.
( >n ne |H'ul donc l>i<'n connaître les lois (|u en les rap-
|>orfant a leui- histoire. Or cette histoire n est antre »pie
riiistoire des nneui's et de la civilisation sous I inllnence
des(ph'ls le droit Se crc'e de proi'he en |H'o(dM' par
limitations ou par dex eloj»|ienM'nls snccessil's.
Les jinisconsnltes du \\i' siè< le I avaient hieii pres-
senli. ( injas, sniv I an' w n'' sié(de parle |n'esideid l'alire
dans sa Jinisp/nf/f/K r l'a//inir/nir et dans ses l{<ili<t-
ii'i/iii ml I*(iikIc(/(i^ avaient appliipn' la méthode histo-
ri(|ne an droit civil romain, lîeaudoin, Hodin et
— M —
Hôtinan avaient montré toute riiti]it('' de l'histoire pour
étaldii' I<'s maximes du droit politique coiifoi-HM'meiit
aux cireoustauces partieulières dans lesquelles se sout
peu à peu coustitu<''s les Etats modernes.
(Test cette voie (|ue suit .Montesquieu, mais avec
plus (le sûreté (|ue ses devanciers, [)réciséuient parce
que Fanalyse (|iril \ieiit de faire siii- l'ohjet général
des lois lui donne des points de repère pins snrs p(inr
l'histoire des lois et de la civilisation.
fVjur mettre en lumière cette (h'penthince naturelle
et nécessaire Moutesqui<'U ('tudie tout d'abord ['('volu-
tion du droit successoral chez les Romains en s'atta-
chant à montrer comment il se modifie, se développe
et s'élargit suivant les jjrincipes dont il s'inspire suc-
cessivement selon que remportent tantôt les considé-
rations politi((ues, tantôt les considérations d'ordre
privé et humain. l*armi ces dernières, il l'aiil ranger
toutes celles f[u"amenèrent le (1(''\ (dop]).Mnent do la
conscience morale sous l'intluence (h- la |tliil(ts()])hie
grecque et la conversion du monde romain an diristia-
nisme.
Ainsi, à mesnre ([ne nous axançons dans I7„"sy//v/ (/cv
Lois, nous \()\()ns la \ ie p('-n(''li'er dans loiiles ses
pai'lies. Toiijonrs plus soucieux de la realit*'- ondoyante
et diverse. .Monles([nien |)rend hien soin de nous l'aii-e
sentir cependant le lien (pii en l'attache les unes aux
autres toutes les manifestations. Kien n'existe et ne
peut durer dans Tordre social (]ue ce (|ui s'est ('tabli
- 42 -
p;ii- r;i]>port aux rônditioiis; ossontidlc^ (\\\\ jionvrnf
(l;iii>< iiiK' (irciiiist.iiirc (IdiiiKM- («Il a^siifcr' la |)('niia-
llf'lirc et la cf m tiiiuih'-. l'ar ces rdi'ITclirs et ers limi-
tatiniis (If sa jx'lisi'c, M<iiit('S(Hii<Mi cvf luiii de ce
l'atalisiiic sciciitiliijiic (|u itii lui a si smunciiI icprnclu''
ot (|ui so jiiaiiifostc iirii(|iiriii('iit dans les jtrciniors
livi'cs.
Mi('ll\ nicoi'f ([Mr (l.iiis le li\|'r X \ \' Il . ce sourj
(le la ivaliti'' apparaît, dans Ir li\i<' XW'ill Mcii
(Hiil iK^ soit ])as tout à fait du iii(''iiic uviii-f «nn' le
]>i'('C(''d('iil.
h.iiis je li\rt' XWII. cil cHft. Miiiitcscpiicii iiiuntro
au uinycu d'un ('\<'uipl(' |»ai'li(idirr cdunucut I'c-ndIu-
tidii du dr-iiit suit l'/'X olution des uici-urs. Tnul d'aliiii-d.
et dans les t(^Mi|»s où la sncit't*' s oruanisc, le S(»uri
]t(»liti(|U(' de roi-uanisation sociale prime tous les
antres, ("/est ainsi <pi'an\ ]>reini<M's teni|>s de |{onie le
r<\i:inie de la JU'opric'te et celui des successions lient
]ilns de compte des inti'rèts i:cnei'au\ (|Ue des inli'-rèts
particidiers. Le testanieni esl alors un \<''rifaldr' acte
]Mditi(|in'. .\\cc le de\ elo|»penn'nt de la securil<'' et
l'état de slal(ilit('- (pii r(''sidte à la loni:n<' des lialiiludes
imjiosi'cs jKiur ialla(lier •'•troitenn'nl I individu an
corps social, il dexieiit possilde d accorder' plus de
place aux senlinieids individuels. Les lois s inspirent
alors de considi-raf ions jdus jinmaines (pii Iniil ]»r(''-
dominer les aU'ections |»articulières sur le senlinn-id
de ce (|ni est dû a la c<d|ecli\ iti'-. Il en est ainsi jus.
— 43 —
.qu'au jour où Foxcès (1(> l'individualismo, nionaçant do
l'uiuor le corps social, aiuciic un retour aux idcos
diroctricos uui(|U(Mnciit inspii-cos dos uécessitcs jtoli-
ti(]Uos. C'est co quo 2)rouvc encore dans riiistoire du
droit rouiaiu la suite des lois qui régisseut les suc-
cessious.
Encore faut-il (jue l'Etat ])t)liti(|ue jîerinette aux
lois d'exister et leur assure une autoriti' sul'iisante
pour reuqjlir leur objet ([ui est de uiaintenir l'oidre.
l^ji étudiant dans le livre XXVIII les révolutions (\\\
droit civil chez les iM'ançais, iNIoutesquieu n;i nous
exposer de ([uelles cii'constances extérieures à elle-
niênie et à ses préoccupations essentielles dt'jx'ud
encore la loi j)our ([u'idle ])uisse obtcMiir tout<' sa
force et manifester toute Tautoi'ité (pii est en elle.
L"a])plication du droit dépend en (^ffet du deuré
(rautoi'it('' des lois en \ii:ueur. l/olx-issance aux lois
est facilitf'e. on \ienl de le xoii-, si (dles sont lout
dahord l'ondé(>s en i-aison sui' i^'-tal des ino-urs: mais
C(da ne suffit ])as. Il faut encore qu'une auloiMlc'
c nsciente soit cai)al)le d inq)oser leur i-especl et
d'établir, pour les faire aj)})li(pM'r, un système d"en(pn''1e
et de jugement assez sur ])our que personne ne puisse
espérer pouvoir les éluder.
Or jamais cette vérité n a|)i)arut j)lus ( laircniiMil (pu-
lors du grand boule\ crsement |>roduit en occident j)ar
les invasions barbares. Pendant plusieurs siècles IV-tat
politique, toujours insta1tl<\ ne ])arvint ])as à trouver
— 44 —
s.i foriiM' |irii|»i<'. Il n'y ;i\;iif jutiiit (r.nitorili' nii. (|iinii(l
l'Ile cNist.iit. <'llc se hdiiN.iit i II li II i iiiri 1 1 iimrcclt'f.
ir.illll't' jt.llt tirs |H'll|(|fS (|r (MlMcli'lr l'I <li' liiirill'S
It's jtliis <li\ris sr I loin rrt'iit en picsciicc sans |Miu\<iii"
parx ciiir a sr IoikIit. l'airilir xai-irt»' se ict roin ait
dans les |tiiini|t<'s iii(iiaii\. Ajni's Ion \it cncxisfci-
dans laïKirii iiimikIc les Inis lia rlia rrs, |U'<Kliiil (\r>i
invasions — h- droit i-oinain de I lifodosr aïKpnd
('•taicnt al<ti"- soiiniiscs toiitrs les rcuioii- de I |-",ni|)i!T
— le droit <•(•( |('>iasti(|ii<' iirandi au niilirii de la toiir-
niciitf a la doiildr Iniiiirii- dr la raison roinaiiir *-t des
]»rf(«'|»ti's d(> rK\aiii:il<'. (ihaciiii de ers ::i'oiijm's de lois
i-cj)on(|ait à I rspiil d iiiir |»aitir dr la |io|Milatioii sans
|ioii\oii' |)ivtriidr(' 1 (»ldi,::('i" dans son cnscniMr.
I.r dioif de la forer donna la jinM'niiiK'ncc aii\ juiii-
ri])rs liarltarrs (|ui ilnirriit |iai- l'ain- doininn- une eoii-
roptioll lie I oldle sorial. du dloit et de la jllstiie dans
lai|ne||e les rioyaiices et les lineills d un |ieii|de |tri-
niitir>(' niidaieiit à d i'traiii:es sii|ierstitioiis issues diin
(diri tianisme ideniontairr sans (|n ainiiiie aiitoiili- fut
ea|ialde d inijMiseï" un système Itien lie.
hall-, la dissin-iatioii de l'iJat. en elj'et. daiis la
di'i lli-aiiee de la l'ofee |illlilii|l|e i|||i snrcedellt ail\ ili\a-
'ioiis. il ii\a |d Ils III droit, ni lois, thijteiil inr-nie dire
(|ll il II \ a jdlls de soiii'te, mais seulement des suiii'lt's
sni\aiit I liaruiie des lois |»a l'Iiculièles.
Ici. les lois jV'odales sont toutes insj>irees du désir
et lin liesoin de j»er|»i'tui'r par 1rs modes de li-aiisniis-
-^ 45 -
siuu du ti(d' la fortune de la l'aniille et de uiaiuteiiii-
parles rapports établis ciiti-e les individus la hiérar-
chie des personnes nécessaire à la prospc-rité de la
caste.
Là, au contraire, les i-apports sociaux, en rahsence
de tout intérêt nécessitant des dis2)()sitions spéciales,
sont uniquement refilés par les coutumes locales, (^est
ce qui a lieu pour tout ce (pii, dans la socitH*' (hi
moyen àue, n"aj)partient i)as à la t'éodalitc'. (les coutu-
mes suffisent lariiemcnt à maintenir lOi'ch'c^ parmi des
individus vivant sur des teri'itoire^ peu étenchis. Mais
elles sont extrêmement variahlcs, et si. dans leurs
])rinci])es, elles présentent assez d"uiiironiiit('. en par-
ticulier p<ini" tout ce (pii coiiccnie ril(''I'(''(nte et les
successions, où domine I esprit (h''mocrali([ne. cepen-
dant, les habitudes h)caleset h-s divorgeiices (Tint^'-riM
]>roduites par les diiferences dans forientation (h- hi
vie et dans les tradition > de chaipie ])ro\ince. modi-
tient très sensiblement les détails d application selon
([ue Ton considei-e 1 llst on M>nest. le Nord <in le
Midi.
\i\ï d anti'es endroits, la soci(''t('' ec(d(''siasti(pn' se uou-
V(M'ne pai' des lois où Ion re<dnnait. a ci')t('' de 1 in-
Ihu-nce (lu droit romain, la niai-ipu' de 1 esprit i lirelien.
A mesure «pu' croit rautorili- de i'Ktrlise, laultirile de
ses bus s'étend aussi. |)i-iiicipalement en ce (jui reii.irde
toutes les actions (pii ridèNcnldi- la conscience nior.ile
on (pu jH'Uvent iidlncr sni' le Itonlienr «mi sur le mal-
- 48 -
Iniir (Ir 1,1 \ ir riilmc Ainsi ICspril di- l;i li'uisl.iliitii tir
ri\::lisc |»cii('lrc 1,1 l«'L:is|;iti<)ii ciNilr iioii sciilcim'iit .111
siiji't (|c«s iii,iri;ii:t's ft des Icsl,! mmmiIs. iiiiiis cihoi-c
|i(iiir tmilcs les sdi'Ics (1 nliliii.iliniis ri (le ci ili I lals cl
sili'loiil |miir 1,1 rcprcssidii des IV,iiidcs. didiN <l
cl'iiiics.
Sur ce dcniici- |)<iiiil, le senliinriil de 1,1 justice
(li\ilie sjijollt.inl ;ill\ \ieilles I r,idil loiis i;enii;illif|lies,
coiltl'ilMir à ddllliei- [iliis d .iiitoiile et de iDice ;i l;i sellli'
jir;ili(|iie .idiiiise coiiruiiiuienl iilors jMHir |trnii\er le
dl'dil. je \eil\ Ji.lller du duel judici.iire sur le(|liel
M()lllesi|iiieu insiste dans le livre XW'lll a\ec tant de
raison.
pour (|U une S()ci»''l('' se m.iililienne et |)r(is|»ere. en
ell'el. il ne Millit jt.is (|n l'Wr |Missede nil sxstéllie de lois
réjulanl les rajtjiorfs piildus ou prixcs : il tant enctu-e
(|ne (liacun j>uisse l'aire recoiin.iili-e son di-oil. Le
(leure d aiiloi'il('' des lois, leur rôle l>ienlais;inl. dejten-
(leiit Jiloi's surtout de la ni.iniere dont est .Klniinistrée
la |tl'en\e ,iiissi hieii (|ne de la cl.irle et de la |»ro|)os
(jue la |iiiissaiice jiid)li(|iie ( lui r,L:»''e de 1 ('• l: i te re r aura
sn introdiiir»' d.ins leur n''d;ictioii.
I, iidniinislriilioii de l,i |tren\e e»l 1,1 Ha ire d'un tiei's
impartial i|ui se |)l;ice entre les individus on liieii entre
la société et lin<li\idu jtour accoi"<ler à chacun les
réparations .iiixtiindles il prétend.
j'our scflairer le juiie s'.ippiiie d'une p.irt sur l.i
lettre du droit, d autn- jtart. sur tout un eiisenildc de
— 47 —
témoiii liages et de preuves destinés à déterminer d'une
manière irréfutable le côté où se trouve le bon droit.
l>"aduiiuisti'ation de la preuve est donc un des objets
les plus essentiels à toute l)onne justice. C'est sur elle
que se fonde et se justifie la sanction.
Dans une société très civilisée, oîi les rapports
sociaux sont extrêmement divers et où les intérêts en
jeu sont par conséquent très délicats à apprécier,
l'action du tribunal denumde pour s'exercer un méca-
nisme subtil et sûr. Au contraire, dans une société
encore rudimentaire et dans laquelle, au demeurant,
étant donné l'état naturel de violence dans lequel elle
vit, on ne saurait ni donner conliance à l'autorité, ni
garantir rinipartialit('' des enquêteurs, ni assurei' la
sincérité des témoins, il faut que la preuve se j>ré-
sente aux yeux de tous d'une manière si frappante «[ue
personne ne puisse la récuser.
De là, cliez les peuples primitifs, le système drs
ordalies qui, pour suppléer à la faililesse liumaine,
fait intervenir la justice inunanente à la divinité. De là
l'importance (]ue j)rit dans la société du moyen âge, le
duel judiciaire aussitôt après la disparition du dernier
vestige de l'autorité j)ubli((ue. A cette é])oque à la fois
simpliste et supcM'stitieuse, le duel judiciaire devient,
en debors des tribuujiux d'Bglise (jui coiisci'vent les
anciennes fornu's de |)roeédure, la seule manière de
prouver le droit. Tout le monde y a i-ecoui's. mènn- les
vilains. Le duel judiciaire ne cédera la place que
- i8
(IcN.iiil 1rs jtiourcs <!•' 1.1 jiM-i»lirti()ii r<»\;ilf inanilcsti's
(Ml iMTiiiit'r lieu i>;ir r«'\t(Misi(Mi dos ;i|t|M'ls sans cum-
liaf. «'Il sfciunl lii'ii par If (|t\ ('ln|»|iciii«'iif de la j»i-<m-('-
diirc f<rit»'.
A snii tiiiir. Il- |)r(ti:frs de la iiirididinii i'ii\al<' favo-
i-is('i-a la ci-caliiiii |<'i:islati\(' <'t la lraiis|'(.riiiatiiiii des
coiitmiM's locales m \ critaldcs lois.
{. os\ liMiSfinM»' dt' ccttr t'\ (dlltioii des l'ollilrs cxtc-
ririii-cs du di'oit m (iaidf. jniis t'ii l'iaiicr, (|iir Moii-
t('s(|iiirii a|»|Hdl<' iJf / orKji/ie e/ ih's rt-rohil tons îles /ots
civilf^ chez /es hra/irais. il iir faut pas s ctomK'i' du
(•(Uitcmi de (•<' cliapitn'. Nous venons d CxplicpnM- pai-
l'idr»*! d<' ipudlcs cii'constancos la tonne extéi'ieuie du
droit en était \cnne à le repre-enter tout enti<'r si
l)ieu «pie .\|ont<"s«piieU. \ttulaiit <'tudiei' les lois ne
trouve de\aut lui (pU' des loruudes ou des e\J)»'dients
de proci'dul'e. Il laut aussi se rajtp(der le sens ipu"
1 on d(»nuait alor> a ces mots « droit ci\il - ■ loi-,
civiles •' dans notre ancienne langue jui-idicpu'. On
rangeait alors ^ous |r nom de droit ci\il non srule-
UM'ut toutes jcN matières d ordre prive tpu' renlerme
anjourdliui noli-e (iode civil, mais encore I ens<-ndde
des toiinides et des movens projues à nietiri' ii's |o|s
en O'UV re. tous oLjcIs ipn rep<uident à noire (Iode de
procédure. ()n les op|K»se ainsi en liloc au droit juiidio
<pii s occupe milipieiiieiit de i:oU V e riieilienl et dadiui-
iiistratioii. Moiitesipiicii est donc e-idement liien l'ondi-
d niie part en donminl a ce liv it |r litre d ••Inde sur
— 49 —
les révolutions du droit civil ciiez les Français et d'au-
tre part en n'y traitant jDoint du tout le sujet que nous
attendions et qu'il nous était permis de supposer après
le livre XXVII.
Arrivé à ce terme de son analyse, si logiquement
poursuivie à travers tant de faits contradictoires, Mon-
tesquieu clôt son étude par des conseils pratiques sur
la manière de composer les lois qu il désire toujours
claires et sans équivoque dans la précision de leur
texte .
Le livre de ï Esprit des Lois peut alors être considéré
comme complet et elle ctive ment les critiques regret-
tent que Montesquieu ne s'en soit j)as tenu là et ait
ajouté, conmie une sorte d'appendice, deux livres sur
les lois féodales qui paraissent au j)renii(M' alMird un
liors-d'œuvre inutile. On ])cut (•cj)en(lant essayer de
justifier cette étude (|ui an dire de M(;nles(|nien
lui-même lui donna plus de mal (|ne tout le reste de
son ouvrage.
D'après ce <jue nous xcnons de voir ï f'Jspri/ (1rs Lois
nous a montré connnent les lois s'organisent par raji-
port à la nature des choses de la \ le sociale considérée
dans les éléments constitutifs de sa nature ; — com-
ment elles tiennent compte de rinfluein-e (]u niili<'u
pliysi([ue et du milieu nioi'al : — ecnnmeid (dles se rat-
tachent aux traditions (hi passé; mais ])ar une appli-
cation ininu'diate de la méthode cr(''ée |tar Mindes-
quieu, on ]i<'ul se demander si (die > apidiipu' a la
Oudiri . 4
no -
rol'lliiitioll tirs socirtrs liKxlrnics cl si l'ilc peut irlull'C
cdinpti' (le 1.1 iiiaiiicrr dont se s(.iit orfzaiiisrrs les
sociôtrs Irodiilcs issues des iiivasi«»iis Itai'liarrs et <|ui
|)i-<''S('iilciil un ( aractriT si dillV-i'ciit dv tniitcs les lor-
liics socialrs dmil riiisloirc aiiciciiiit' a\aif dDiinc les
modrlcs. ('.est |>rc(is<'iii('nl |iiiiir it'jiondrr a cette
riiriusite hieii leiiiliiiie el iiioUNcr la valeur de 1 iiis-
Irunieut ((u'il a Ini-t:»' (|ue .\|nntes(|uieu ((Misaeie les
deux derniers livres de ï/'Jsfirit (/es Lois à l'ôtudo des
lois IV'odales dans leui- ra|t|Hirt axcc 1 ('taldisseiiient et
j|\ec les |i'\ iduliiHls de l;i Mouart llie.
Mais il |)eul \ avoir aussi une autre riiisou. Malgré
le earaclère tlie<)ri(jUe d<' ses pl-i'oeeupatioUs, Moutes-
(|uieu lie se (l(''siut(''resse |»as de la politi(ju«' active,
il a t(iu_inurs eouser\«'' ICspril dlishcck du de liica
ceiisuranl les juineipes de u iiveriieuieiit d »»ii snul
sortis les luallieurs des dernières années du rétine de
j>()uis XI\ et la eorrujttiou du t(>iiips de la HéK;«Mice.
Les flu'oriciens de laKsolutisine, en ellet. enfi'al-
naienl la Moiiart liie dans une direelioii e(»nlraire à l;i
raison si Ion considère les coiidilions esseiili(dles de
loule \ie social*' dans Lupielle le jtrinei|»e de liliel'lé
ne doit pas tenii' moins de place tpie le principe d au-
torité. Mais, d antre part, les tlit'oriciens de la liln'i'li'
exaj:<'iaieiit. surtout au xvi" siècle, le i-ôie cpii lui est
dévolu dans 1 oj-^anisation sociale. Los uns rt les
aiili'es. par I onidi des données liistor'i(|uca qui ont j)i'ô-
»ide a la rorinalioii de la nionart liie IVuDcaise, ue puU'
— 5i —
vaieiit que nuire à. réquililn'c de l'Etat eu i-oiiipant
la chaîne de ses traditious.
Ce sont ces traditious <{ue .Moutescjuicu veut rciKtuer
eu luoiiti'jiiit (1 alxii'd coiiuiiciit s'est loi'iiK'c la société
féodale et counueut ensuite <mi est soili un i-.\uinH'
]uouarclii([ue répondant dans ses prajides ligues à la
définition in ahstracto donnée par lui dès le déhnt de
son ouvrage, uuiis particularis('' |»ai' certaines nneni-s,
par certaines habitudes créées par les eii-constances
même de son éta])lissement.
Dans (juelle mesure ces nnenrs et ces lialiifndes
venant régler 1 exercice du jiouvoic ont-elles jiermis à
la monarchie française de satisfaire à la fois le pi-incipe
d'autorité et le j)rinci])e d<^ lihei'té. c'est une ([uestion
que Montesquieu n a pas rt'solue e\])ress(''nHMit mais
sur la(|uelle il nous a laiss«'' assez de renseiuncnn'nls
pour nous permettre de conccNoir sinon iteuf-ètie la
solution «pi il lui aurait doiuiéc, tout au moins celle (pii
se peut logicpuunent (h'duire de ses ])rincipes.
Lue pareille recherche ue scunlde pas inutile.
On connaît en etl'et l'usage (pii a v\v l'ail des tln-oi-ies
de IMontescpiien j)oui' r<''tal»liss(Mnenl de la inonarcliie
parlementaire. l*our ipii ne s'en lient i)as aux jtn'niiei-s
livres de VEsprit des Lois ou nn'-me au seul clia|)iti'e
sur la constitution anglaise il aj)])arait (pu' cet usage
a ét('' ])our le moins ahiisil". I-'J puisipu' Ion s est tant
réclamé des j)rincipes de Monles(|uieu, il nous a sendtle
intéi'essant de voir (pnds ra[>j)orls on i>eul (Maldir
— .>-
«Mltfc les |)llIKi|ics (If Mdlitcstjiiicil ri sil llicnric de la
iii)iiiar<-lii<-. iir r.iis.'iul ru cria (|ii a|i|)li(|(ici- a un |)iiiiit
|)ai-ti('tili<-i' l<°i iii('-tliii(ir iiiriiic (ioiil il .1 doiiiK-
1 (wniiplc.
III
Le libéralismo do Montesquieu est une Nriitt'
reconnue. L'Esprit des Lois peut passer en etiet dans
sa partie politique comme le Code des libertés du
citoyen, car on y trouve exjj rimes pour la première
fois sous une forme énergique et précise les principes
sur Icsfpiols j)eu\'ent se fonder les droits de 1 lioiuuic.
A ce titre, les constituants n'avaient point tort lors-
cju'ils se réclamaient de Montesquieu pour reconnaître
ces droits et leur assurer des garanties dans les
constitutions nouvelles qu'ils élaboraient.
Cependant, l'on se tromperait étrangement si Ton
supposait (pi il eut pu les suivre dans leurs aflirnia-
tions si absolues. Sa méthode, plus concrète et plus
sou})le, n'aurait pu- s'en acconnnoder, et jx'ut-ètre
aurait-il trouvé (ju'ils forc^-aient un peu trop la luiture
des choses.
Si Montescj[uieu proclame bien évidemment les droits
du citoyen à la liberté de penser, à la liberté indivi-
duelle, à la liberté de la ])ropriété et à l.i liberté
u
]K(riti(|iir (|iii u.irjiiilil ImiiIcs 1rs ;iiilrcs, il se ::;ir(l(»
Idcii (le |in's('iil('r CCS (linils coiiiiiic iiiuNcrscls et
.llisoliis |»;ir cil\-lliciiics. ;iii iioili des di'dits sil|ti''fieil l's
(le l.'i li.'illir." Iilllii.'illic. Il lciii|)c|'e celle lii(''t.'l|>ll \ si< | Ile
en lell.llil c(illl|tlc (li's CMiil iii-cjices de I nl'i:.-! MIS.l I H ill
Sdciii le j»;irlic|i||èl'e ,1 cli;i(|ile |)e:i|»|e. cl slirlniil. en ne
lieilliLii'.inl |»;is I iiillneiice du r.icteiir |)s\ c|iid(iL:i(|iie
l'cprrseiitr' j»,ir le d<'sir (>t l.i ci'()\,iiice. source pl'e-
init'i'e de Imites les .ispirat nuis des iiidi\idus cdiiiiiie
des ci)llecti\ il(''S.
Nuiis [tuiiNons donc. iii;iiiileii.int (|iie nous ;i\oiis
r;i|tj)ele d après nos |»reiiiières coikIiisioiis I ecoiioiuie
£;•(' 1 )»'■ la I e de 1 hlsjiril des Lois et le r\lliine de soli
d(''\ (do|»|)e||ieilt , préciser le sens (|ue .M< Hltesi |U ie||
;ittac|ie à la lilierti- et aux lilierlt's et di'terininei-
1 illlllleiice (|iie celle (dnce|»lio|| peut axoU' elii' sur ses
théories p ililnpies. en jtarticiilier sur cidle ijii il donne
de la iiioiia rcliie.
Tout dajiorl. il con\ieiit de renianpier «pie la
lln-orie di' Monte. (piieii sur la lilierl»'- |)o|ili(pie s(>
ratlaclie etroitenienl a I idée ipiil se l'ail de la loi et
du droit natuiid. Il ne pouvait jias en l'Ire aulrenient
s il est \rai <pie tous les theiricielis de la lilierle ont
loii|oiirs cherclii" dans ces iiièiiies iiolioiis les principes
ca|ialdes d<' l'ondcr <-t de soutenir en droit les reveii-
dicalioiis des |ieiip|es ojtpriuM's daiis leur liien-ètre
iiiiil(''rie| ou dans leur conscience.
(".<'s| au iioiii du i|i<(il naturel, olisciin-inenl |tres-
— 55 —
senti à travers les souffrances du ])oupl(', <]iie 2>i^i'l'^i*^"^
aux Etats-Généraux les orateurs du Tieis-Ktat, IHiilippe
Pot ou Robert Miron. Saint Tliomas d"A([niii ot les
docteurs scolastiques invocjuont aussi le droit naturel
lorsqu'ils proclament que les rois sont faits pour los
peuples et non les peuples ])()ur les rois.
Mais sur cpioi se fonde ce droit naturel perpétuelle-
ment invoqué ? Sur le sentiment de la justice et de
l'équité que Dieu dépose dans le cœur des honunes
par l'entremise des préceptes de sa loi d'amour et de
charité, proclament les théologiens : — sui* les données
de la conscience éclairée ])ar la lumière di\in<',
assurent Grotius et Putfendorf, en reprenant les théories
des philosojîhes anciens et les jurisconsultes rinnains.
Cela est bien, et ces efforts vers plus de justice et
d'équité attestaient un progrès certain sur le rèi;ne de
la force et dans la voie de l'unification du dioil à laid*^
des principes rationels. ('es solutions, cependant,
avaient un grave défaut. Les premièr<'s conrondaieul le
droit naturel avec la religion ; les s<M'ondes ne le
séparaient pas assez de la morale. Les unes et les
autres, enfin, malg:ré leur désir de déterniiner les
règles de l'équité et de la justice, en laissaient liop
encore la connaissance et l'application au senti nu-nl
que chacun ])oUNait en axoii'. ()i', (juelie cliose ])lus
variable et plus fugitiv(\ j)ius divei'se et moins sûre cl
dépendant de plus de facteui-s (|ue le sentiment. \<m'e
même le sentiment moral?
— rs —
(l'ost alors ([n"a]i|»,iinl daii^ Ic^ jucmiri'os annros du
Wlll'' siècle lllie innixelle école de dl'oit naturel lulKli'e
SUf I étude des lois tie I lioinuie \i\aiit a ji-tat de
liatiU'C. (• ost-à-dife en deliois de toutes les coutiu-
ii«Mices s(»cial<'s. Si la iiiultiplicile (\t'<. accidents de la
vie peut ohscui'cii' ( liez 1 individu la notion du droit et
tlYUlblor sa cnnscieuce. le nn-illeUI' ulo\eii de I (■( laiier
n"(»st-il |)as de lui nionlier ce (|iril était dans son état
jU'iiuitil" et a I oi-it;'ine nn^ne des socit'tes ?
PoUf ces del'uiei'S théoriciens, la loi naturelle n est
|dns celle (|ue dicte la conscience, mais au couti-aii'e
celle (|u imposent a I lionnne j>riniitil' ses hesoins inuu»'-
(liats. l'allé se conl'oiid alors avec la loi (\o nature.
Partant de ces piancipes. ils arri\«'nt à d<'s com lusious
(pu- 1 on peut lacileiuent rt-sumer dans les pro|iositions
sni\ antes : 1" les hommes naissent tous <''L:au\ et lihi'es ;
'1" le coidact de ces forces éiinles euLtcndre la L;iu'rre et
I incLialitt' ; 8" le i-»"»|e {\o la soci<''t('' doit èti-e de rf'-tahlir
l'oi'di'o, soit eu raintuiant surtei-re la liberté et Teualité
jiriuiitivos (I.oeUe;, soit eu niainteuaut j)ai" la force les
inc'iralités e«Misarrées (llohhes ; loi'scpu- les hommes
i-eclament la liherte et 1 cLialite. ils le l'ont donc, dans
le |u-emier cas, ,iii nom dn droit naturel dei'i\e d<' leur
état prinutit'. haiis le second cas. au coutrau'e, ce
uuMue droit naturel IcLiitinn- tout absolutisme et tout
despotisnu'.
Tontes ics constatations sont de la plus haute im]»or-
tance. car «dh-s nous j)erniettent de mieux saisir Tetat
— ?)7 —
d'esprit dans lequel se trouvaient les contemporains de
Montesquieu par suite de la confusion (juils faisaient
de ces ternies : nature, droit naturel, lois de nature,
lois naturelles qu'enqdoyaient indifiëreninieut lune et
Fautre école, en y attachant au fond, comme on vient
de le voir, des sens tout à fait différents.
Or, pour Montes(piieu. linterprétation des uns n'est
pas plus légitime que celle des autres.
Si l'on peut reju'ocher en effet aux premiei-s de faire
appel à des principes ])liilosoj)Iii([iies sans ancnne
réalité concrète, de telle sdi-te ([uil y a en somme
autant de droits natnrcds ([ne dr principes (litr('r('nts
dont on j)réten(l les tirer, on pent Manier les seconds.
avec non moins de vérité, d'aller chcrchei- lenis prin-
cipes dans une réalité si lointaine que nons ne pou-
vons à son sujet former (|ne des hypothèses. (Jui })eut
nous dire Torigine des sociétés et comment imaginer
avec sûreté 1 état de natui'c: " .h' n ai jam.'is onï jtarlei-
du droit public, dit Montesquieu. (piOn n'ait comnn'ncé
jiar rechercher soigneusement (|U(dl(> est l'oriuine des
sociétés; ce qui me parait ridicule. Si les lioniines n'en
formaient ])oint, s'ils se ([uittaient et se fn\aient les
uns les aiiti'cs, il fandrait en denian<ler raison et
cherchei- j)onr(|noi ils se ti<Minent s('j)ar(''S : mais ils
naissent tous liés les uns au.x autres; un lils est né
auprès de son père et il s'y tient ; voilà In société
et la cause de la société » (1). L'homme, par le
4. -^lontesquieu, Lettres persanes, lettre 9i.
- 58 -
soul fait (]•' la fillati..n <•! «1<' la raiiiillo foi'iiif (Lmo
toiif iiatiin-lIciiH'iit ;i\('(" 1rs siens un rniln-\<)M il<*
s<ni(''tt'' «jni SI- (l('vr|n]»]»cia |iimi à jirii. I, Imninic isolé,
riioninir à 1 «'lut (le naturr di- llolihi-s, nCsf (|u"nn('
m-ation ilr 1 iinauinalinn. ft a mi]>i»iisci' nn-nic (|n un
tri lioninic <'ùt ('\is|('', il aurait cIicicIk' a (•<)nsri-\ri'
son ('tiT l»ifn |ilutr>t m utilisant 1rs rrssuui'rrs di' sa
l'aiMrssr. ([u «ui rssa\ant d ini|tnsri' |iar la l'oivr sa
(joniination. << iKins rrt itat. dit .Mi)ntrs(|iiirn. rjiacuii
sr sriit inférirur. à j»rinr cliarun sr srnt-il <\L:al ■• 'IV
Aussi rrt t'tat (Ir rl'aiutr. ce srntiuM'Ut dr jrur lai-
MrSsr dans lrs(|Urls il est |dus laisounaidr Ai' suj)|nt-
srr <|u aurairni dû \i\i'r 1rs lioninirs à ICtat de naturr.
loin Ai' 1rs |)r»ussri' à la uurrrr. 1rs devaient eiii:a.î:«'r
i)ien j)lutùt à s iinif. s il n y avait eu <l<'jà la laniille.
car la société déru|de |tai' I rnti'aidr les forces de rlia-
CUll.
La socirt('' l"ond<''r sui' ! assistance mutuelle, est donc
de (|U(d(|ur la(;on ijin' I on i-aisonnr. Ir seul fait |U'inioc-
dial l'f'rl. siiil <|Ur I ou partr dr la l'aniillr. soit qur I on
\('ui]|r reniontri- jus(ju à 1 état dr ualiiir.
S"rnsuit-ij (|ur 1rs lioiuiurs naissent rL:an\ ainsi (|ue
le |i|i'lrud Loi l\r .' Ou |trlll Ir soulr n 1 C r I Moutrsi|U ir U
srnddr \ sousrrii<' h\ i/r\ /^.. \|||, .'{ ,i condition d ad-
Uirltlr I clat dr natllic. Mais, s il r\istr. rrt rtat nr
diiir pas. il l'ail j)la<r aussitôt a la sorirti' (|ui rsf Létat
1. Esfirit fipx /.ni s. \, ■j.
— no —
normal de riuimanifr. Or In socirti'' ])i'imitivo cVsf lo
pègno (le riii<\i:alit(''.
Si ];i f;i mille est riiiia.iio do cetto socii'tf', <|n y a-f-il
do moins compatihlo avor l"(''i:nlit('' ([tic l;i constitutioii
do lit famillo ? Lo prw y (h'-ficiit, siii-toiit dans les yo(i(''-
trs [)rimitivos, une antoi'itr ])i'os((uo ahsoluo. si hicn
([uo l'on a vonln xoir dans r-otto j)iii->sanc<' jjatcrncllr
rorig'ine do raiitoi'it»' jnMnai'cliiqn*' : la tVnnm* y est
jjresque esclave ; quant aux oïdants, riii(\L:alit('' de leur
aiio et de leui' force leur cvôo en lait des dcNoirs ditiV'-
ronts (jui se traduisent pai- des di-oits im\uau.\ a jouir
des avantages ([ui ('(diouent au i:rou})e.
(]()nsidère-t-on, au contraii-o. la soci(''t('' (■(•num' nnc
réunion d"indi\idus (|ui ont mis en commun leur l'ai-
Llosse pour s"eu faire un sontien. le sentiment dinéga-
lit('' de leurs forces (|ni a poussi'' les jiommes à se
rc'unir, engendrera ponr c()nnnencer ini sentiment
dinégalité dans les droits. l{n <'ll"et. on hien les pins
faibles tr(»uveront natnrellement .juste (pu' les plus
forts soient rt'compen >(''s, jiai' nn traitement meilleur,
de la snret('' (piils prncni'ent à la coIlecti\ it(''. bien
([n'en l'ait la honne xolunte de ton^ snil l'-^^ale dan-^
lienxre de s(''cnrite c<>nnnnm', on hien, et c est | opi-
nion de .Moides(|nien. " les pa et icid ier^. commençant
])ar l'elfet dn i:ronj)ement à |)erdi-e le sentinn-nt de lenr
faiblesse et (à sentir leni- force. (dH'r(dn'i'onl à tonr-
ner en loui- l'avein- les principanx axanlai^es de la
- fîO ^
sitiii-té (\) ». |ji tniis r.is. une ilirprnlitr .ici'f ]»t(''r (Hi
silltit' IM' in;ill(|llr|;i |i;is de s (''l.i 1 il i r. cl cil cclii les
liniimics lie Idiit (|ll<' Mli\|c |;i lui (le ji.itlll'c «le liMltes
les eliosr-s cl tic Idijs les cires. Iclle t|l|c Mi illtesc juicil
1.1 ef.iMic. Lrti (||ii les |((ilissc ;i |»crse\ ('•fer' (l;i Ils Icili'
ètl'c et ;i l'.iirc dloil jiMiir se e<tliser\c|- cil (|e\ clitli]);! lit
IdiiIcs les |)iiiss;iiic<'s (|iii soiil en cil\. (1 l'st dans ee hiit
(|lie les iii(li\i(llis isoles se Siiiil n''llllis en sofii'lc et
(•(•si |(,i|- rcll'et (le celle llK'lllc loi (|H a llssil(»t la soeii'tc
('•talilic. I iiicualile s \ inl !•( xlnil .
( !e|»eli(laiit . a iiiesiiic (|iic la |»r(i^|H'|-it(' st-taMit. (|llc
la ei\ ilisatidll se (|e\ t'|(i|)|»e. (|Mc I ordre se Inlldc. à cet
état on à ce scnliiiiciit |ii-iiiiitir d iiiriiîilit»'. succrde,
chez les moins liicn ]iarlaL:<'S. le seiitinicut de {l'iialitr
r(''ei|iro(Hle de tolls les iiicilll»res du (•or|)S social, seiiti-
iiiciil (|n ils |iiiisciil dans I indcjteiidaiice inutindlc <|iic
leur assiiic l'ordre et la stahilitc Ai- la société. l,o(d<c a
donc raison de dclinii- Tciialite •• le di-oit eiial (|ii a clia-
ciiii a la lilx'rtc et (|ni lait (|ne personne n est assujetti
à la \<doiitc ou a lantoiilc d un autre lioiume '2 <>.
Mais, an ic-a rd de Moiiles(niieu. il a toit cil ariimiaiit
<|Ue les liolliines sont lies euaUX, |Mlis(|Uc la (le|teil-
daiice. I iiH'ua lile. le rcLiiic de la l'oicc sont a la liase
de la \ ic sociale laiit (|llc ne s(nil [loilil iiiler\eiiues les
reL:lcs (In droit dont le résultai est |ii'ccis(''iiieiit de
i. Esprit ries Lois, \.'.\.
2. C.'osl la iilierlé fie l'Iiomnio dit >ront<^s(|iiifii i|iii luit la iilicrl*'
iJu ciloven [Esprit des Lois, XVIII. 14).
— 61 —
déga.ii'ei' la lilx'i'tc' de cliacmi eu mettant tles l)i)i'iies à
roxpaiision indéfinie des autres sui' lui 1). Les princi-
pes du droit natui'<d, du si l'on \cut du di'oit tout eo'nrt,
ainsi (ju<' la j)oi't(''e (piil (■(»n\ient de leur atti'iJ)uei-. nr
sauraient donc être recherchés d une manière efficace
et sûre que dans l'étude de la société complètement
org-anisée.
Au xvni" siècde (2), on a jjeaucoup i'ej)r<)clié à Mon-
tesquieu cette manière de voir, et on hii a l'ait nn ui'ief
de ce (ju'il sujjposait tout dun coup la société à sa j)er-
fectiou au lieu de voir coumient (die a\ait ])n naître.
Mais c'est précisément cette façon d en\ isaiii'i- le pro-
blème qui fait l'orig-iualité et la suj)ériorité de Montes-
(piieu. LVdat de nature est hypothétiipu' ; la socii'té est
lui fait (]ue 1 on peut anal\sci-('n toute certitude : cCst
un état réel tlout tous les éléments peuvent être con-
nus. ()\\ à quel uiomeut ces éléments ])euvent-ils ap])a-
raitre le mieu.x si ce n est lorsque la société a ])ris tous
le développement qui est conqjatihle avec sa nature •
11 ne vient à IVspi'it de |)ersonne de reclicrclicr. jxmr
analyser les ori:anes du (•or[)s humain, un cniUrxonou
un fœtus. Hit'ii au contraii'e, ou prend tout d ahord
l'homme normal et sainement (•()ustitue. < le nCst (pie
1. Dans ['l'Afii lic iiafiu-c. les liommes naissent i)ien dans l\'i.'a_
lit»', mais ils n'y sanraient rester. I.a sociétti la leur fait perrlre e(
ils ne redeviennent égaux que par les lois {Esprit fies Lois,
Vill, 3).
2. I-ini.'iiel. Thf'dvies dt's Lois civiles, lonic I. |). 3iH.
— 6-2
|)lll> l.inl. il i|ll.-|||(| Ir IriT.iill scr.l Ilirli lii;iliirr>lrlii('|l
ITcctilMll. iHlf 1 on s ;i|i|trK|llrr;i Si»if ;i I cfiulr de lii fol'-
llialioii cl illi (l<\ ('|iiii|iriii('lll (i«'S nru.iiics. suit ;'i celles
(les (IclMiiii.iliMiis |i,it!i<i|ui:i(|iies ciiisi'cs ji.il' l.i iii.i l.idie.
('.elle etuile seivilii ,i (lelenililiei- les <;i r.iclel'cs J)l"itJ)l"es
(le I ;icli\il('' (le cll.ltUle iil'U.lIlc. Ili.iis seilleilielll ji.ll'
ciilii|t;il;iis(ili ,i\cc les iiH'ilies ori:.-! lies s.iilis. ,iil lll(»\eM
(I une série (le liniil.il ions sinccssiv es.
(le. ;i re[M>(|Me de M()nlesi|llien . le li;i\;iil de recon-
ii.'iissîiiHM' j)i*(diniin;iii'e n Claiil encofe lad (|iie IVai:ineii-
taii'cMKMd (Ml c»' (\ui coiiccrn.iil les socieli-s liiiniaines.
M(»Mles((iiieu S(« j)i'(tj)(>s<« pivcis(''ilient de I acc(»iiij)iil'
dans \ Esjitit (/rs f.itis d une iiianiiîrt' coinj»l('te, de
façon à donnci' mie \ue d en-end)le de t«ms les oriia-
nisnies de ce yraiid coi-ps alin de fonder siii- une Ikisj'
solide toutes les discussions et toutes les cr'eatious jui'i-
(li(|IM'S.
Si Ton coUsidere donc la société à I état adulte. (Ul
la trouNc coinj)os<''e d'individus a\aid une existence
JiI'o|il'e et liieil dellnie. Mais. dlMl atdre ci'ite. |ia|- le
p»u\ criieuient et 1 lltat. la so(iel('' a . cfunnie col|ecli\ it(',
une existence reidie et \i\aide. SoUS ce ]>oinl de \ ue.
(die est une |)ersiinne an nuMuc titi'e (|ue liu(li\idu.
Toid rexienl doni a rei liei'c In-r (pndle doit être la loi
de natin-c de 1 individu et la loi de natni'e de la S(M-iôt«'',
et (|Ue|l(> sera par- suite la loi de leurs rappoils r(''ci-
j»ro(|ues.
Ces lois ont-(dl('s lui cnra(d<"M'e dilh-riMit ? Niui. leur
— 63 —
caractère se confond dans le caractère commun de
toute loi. Nous avons montré ailleurs comment, en par-
tant (lu caractère de la loi physique, Montesquieu
arrive à concevoir la loi positive. Fin réalité, il n y a pas
entré elles de différence. Toutes les deux ne font quex-
prilner les rapports essentiels à l'existence et à la per-
manence du phénomène qu'elles consacrent : à ce titre,
la loi de nature de la société est d'assurer les rapports
(pli lui permettent de subsister, et la loi de nature de
l'individu est de se ménager dans la société une place
telle qu'il puisse satisfaire, sans nuire aux exigences de
la collectivité, les besoins particuliers essentiels à la
conservation de sa propre vie. Le droit naturel n'est
donc pour Montesquieu que l'expression des nécessités
vitales les plus impérieuses, soit nu r(\L:;ir(l de la socic'dé,
soit au regard de l'individu, et il ICxprimc (pir-hiucfois
par le mot de « défense natur(dl(' » ({ui ('xpli(pie bien
sUr ce point le caractère de sa pensée.
Ainsi l'idée de droit naturel est loin de se confondre
pour Montesquieu avec celle (|Ue les philosophes de
son temps appelaient la loi de nafui'P. loi (pii s(> repor-
tait à un état jij'iinitir dans l(Mjn(d riidniinc vivait seul
eu face de lui-même et en (bdiois de tonli'> les contin-
gences sociales. De niénic la ('()nc('ptioii de .Moides-
quieu ne s'accorde pas davantage avec celle de (îrotius
et de son école ({ui confondaient le droit naturel avec
la morale.
Prise au pied de sa lettre et sans correctif, celte doc-
— ()'♦ —
liMiM'df .MiiiitcM|iiit'ii |iriit |i;ii'.iiti r clioiiuanlc. cii" cllr
ri"ii:«' 1 lllilif»' roimiit' suiix riMiiic in.iitlrssr des .ictioiis
lllIIHJlincs i'\ crl.i |i('ut r\riisr|- tous les .i]i|i('lils et tous
los criiiK's. Liiisliiirl scr.iil .iluis la >iij)n'iii(' rxjdrssiuii
(le crtfr loi naf iircllt' ainsi (•(»inj)risc. r\ 1 oii poiii-raif
souscrira à la (lcliiiiti<»ii <1 I IjtitMi. dans les instituts :
<' I.<* di-oit naturol c est «c <|ur la nature a rnsciuiié à
liiu> 1rs animaux ■>. ( ! Cst-à-dirc. 1 usaur dr tmis Jcs
ni(i\('iis capahlcs de leur assurer ••! de jcui- ioiisci-n cp
1 «'xistcncc. .Montcsijuicu. licunMisrnicnt. n Cst |»as
aussi ahsolu (|u<' ers |»i('niiss('S jjourraicid h- l'aire
ci'oin' et nous li- \rii-oiis tout à I lu'Uif.
Mais axant d allci- j)lus loin, une iTniar(jur s im-
pose : tris ((U ils \ irnnrnt d (Mlc drtrl'miut's, rrs |tiin-
cijtrs t\i- la [diilos ijdiic du droit jirrsrntrnt uni' analoi:ir
toi't urandr a\ ce la doctrinr dr Spinoza. Jusipià i|u<d
point Ir rappr<t( lirnirnt rst-il [)rrniis ? Crsf là unr
(|U«'stion dr la plus hautr imj)ortanrr. non sndrmrnt
|ia r 1 inti'rrt (|U (dlr présente en e||('-mt"nie. luais ruroi'e
par los pol(''mi(pn's (pu- sonlr\a au wui' siet |r Ir
' S|)iuozisnH' ■• de Molltrs(piirn.
I.r rapjMU't ipU' Ion |)riil ctaldir, rn rllrt. rlitrr 1rs
idrrs ^\^' .Montrs(pnrU rt la doetriur i\f S|tino/,a U a\ait
pas rr|iapj»r au\ journalistes (pii. dans les \inirrllcs
Ec('l(''siusliiiiirs du \) et du I») octojire \1 \\) . a\aient
lance forniellrnirnl «onlrr I l\^ji/if ilr^ Lm^ I arnisatioii
Ar sjtiuo/.lsmr.
lisse t'ondairnt j)riniipairmrnt sur la d»''linition (pu-
— 6o -—
Montes({uieii donnait des lois : '< Les lois sont les rap-
ports nécessaires qui dérivent de' la nature des choses » .
Us prétendaient, que dans cette affirmation, Montes-
quieu conçoit les choses de l'univers dans un enchahie-
ment si nécessaire que le moindre dérangement porte-
rait la confusion jusqu'au trône du premier être, et
que les choses n'ont pu être autrement quelles ne
sont. De là, ils affirmaient que Montesquieu, admettant
un principe aveugle et nécessaire })our gouverner
l'univers, est suspect d'athéisme et partant de spino-
zisme, car ces deux termes avaient pour les contem-
porains la même signification.
Montesquieu répond avec iiidigiiaticjii i^l ) à ces accu-
lions; il relève les phrases de son livre (I, 1) <iii il
repousse la fatalité aveugle, où il étahlit Dieu couinie
le créateur et le conservateur (h' l'univers, dû il dis-
tingue, contrairement à Spinoza, le monde de la matière
et celui de l'intelligence, où il démontre enfin que les
rapports de justice et d'équité sont antérieurs à toutes
les lois positives. Jouant un peu sur les mots, il ajout*' :
« Quand l'Auteur a dit ([ue la Création (|ui |);iraissait
être vui acte arhitraire, supposait des règles aussi
invariahles (pie la fatalité des athées, on n";i pas pu
l'entendre connue s'il disait que la création lut un
acte nécessaire comme la fatalité des atlié<'s. puisipi il
a déjà cond)attu cette fatalité. De plus, les deux ineni-
1. Df'ff'/isr, |ii-omièro partie, I.
Oudii)
— I)() —
lii'cs (1 iiiK" (•<»m]i.ii';iisoii (loivpiit se r.'ipjxir'tiM' ; aussi il
f.iiit .ilisdhiim'iit (jiic 1.1 |>liî"as(* \(Miill»> dire : la crra-
fi<»ii (|iii pai-ait d'ahonl dcMiir [irodiiirc des rriiics (\o
moiivciin'iif \ariald('S, en a d aussi iuvariahics (|uo la
lafaliti' des atli«''(>s «. VA il conclnt rorin<dl<'Uicnt ; <' Il
n y a doue jxtiuf dr sjiinnzisuic dans VEsprit des Lois ».
Il «'tait ('N idcinuKMd de linN'-irt de Moutcstjuiou de
repousSlM' de foutes sc> fol-ces (^rtlf acrusafloii fort
dancoreusc pour lui dans 1 ("Ixxiik* où il \ i\ait. (Jopcn-
daiif . nous ne 1 en (•roir<)ns ])as sui- parole ef les (pudques
phrases nithodoves cpiil insinue ca et l.'i ]»<iui' sauvo-
jiardei' ses princijx's ne doi\ eut pas nous faire illusion.
Il n'était pas dans son naturid de battre ouvertement
en hrètdu" les doi:nies reçus: et. s'il se Uiontn' irivdue-
tilde et inènie absolu sui- des erreurs de fait (»u de
raisonuenienl ;i|»|di(pH'' a des laits certains, il est l»eau-
coiip moins lran( liant hn-scpiil sai:if de dounu'^ et de
ci'o\,in<es. Sur ce point, il s a])pli(]ue à enxtdoppersa
jiensée de détouis uràce au\<pnds il lui soit loisildr, le
c.is éeliéant, de tronxcr une retraite facile. «' Tout
ce (jui est nouveau, dit-il. n est pas liardi ». Otons la
liaixliesx'. il reste la noUNcauté. et c'est eette noUNcanfé.
l'etrouxfe sons l<'s mots, «pii nous semlde liien proche
de Spiuftza.
Loi'S(pie nou> analysions dans n<»tre précédent travail,
rid<''e »pie Montes(piieu eut de la loi, nous montrions
comnieid d l'allait enten<lre le mol « nécessaire >» au
sens d " essentiel ... |,;i lui cdiisacre les rapports esseii-
— 6t -^
tiels qui dérivent de la nature des choses et par suite,
elle n'est autre chose que ces rapports. Tout ce qui est
en dehors de ces rapports est en dehors de la loi et il
n'y a pas de loi sur les matières iiidilférentes. Mais
d'autre part, si ces rapports essenti(>ls ne sont pris
suffisamment consacrés par la loi, la nature de la
chose dont elle s'occupe se trouve faussée et modiliéc
dans un de ses termes. Ainsi le gouvernement monar-
chique et le gouvernement républicain ont avec eux-
mêmes et avec la société de certains rapports (jui
doivent être consacrés dans leur orizanisation. sous
peine de détruire la nature monarcliicjuc ot répuhli-
f-aine du gouvernement.
La loi doit donc repos<>r sur la connaissance exacte
des rajjports, cest-à-dire en sinnme sur des déllnitions
précises qui fixent la nature exacte Ac ( liaijue chose. Il
résulte de cela ({ue les l'ajjports (jui ouf <''té é'tahlis par
Dieu entre les choses h)rs (h* la ci'éatiun s iinjxisent à
lui s'il veut la conserver dans l'état où il la créée. Xe
reconnaît-on point là la nécessité de Spinoza. Dieu
cependant reste toujours libre de nuxlifier ce:; ra})p<tits.
Voilà contre la fatalité aveug'le. Mais alors la cr.'-aliou
change de nature. C'est toujours Id'uvi-e volont:iii-e de
Dieu, mais ce n'est ])lus celle ([ue nous voyons. Cepen-
dant l'expérience que nous pouvons prendre des lois
du monde physique nous montre, par l'immutabilité de
ces lois, à notre connaissance du moins, que Dieu s'ap-
plique à conserver l'économie première établie par
— C)H -^
1 .icir .irliitiMiiv do sa vciloiit»' : nous pouvons ron-
cluif nlnrs ([lie les chosos so ])ass(Mif foiiiinc si hioii
(•tait lie iH'(('ssaii'«MM(Mil. et le j»riini|if i\i' ((Hisrrvatioii
apparait (•omiii»' l<' j»rimij»«' MijM-iiciir de la \\c do
1 uniM'is.
(Test ainsi quil rsi dans la nature de ( liacjur (Mit
vi^a^t de vivre, c'cst-à-dii'c de cuntiiiui'r d ('trc et il
ne le jx'ut (|u «Ml satisfaisant aux hcsitins de sa iiatuic
c'cst-à-diic en consorvant les ra])])orts «jui l't^lienl entre
eux ses oi\i:anes. sil sa.uit de lui-im-nie. ou ceux i|iii
I atta( lient aux autres ('-ti-es. si on le consid(''re non
plus isolement, mais dans rensemlde des choses (M'éé«^s.
Dans ce sens. S])inoza a pu dire \Ethif/iiP, j)art. I.
prop. 21* : ■ Toutes (dioses sans exception smit di'ler-
minf'es par des lois univei»(dles de la nature a exister
et à ai:ii' d une iiiani(''re donn('M^ ».
I ( jipres ce <pie Uous sa\ uns. <»n \ i)il «pie M<>nteM|uicu
souscri\ait assez \(dontiei's à cotte j)ropositi<in. 11 \ a
cependant une ditlVM'ouce. Tandis (pn^ Sj)in(»/.a rel'use
à Dieu la possibilité de clianLicr Tordre une l'ois etaldi.
(lU jdutiM. alors «pTil n admet jtas de création initiale,
le monde existant en Dieu de toute éternité. Montes-
f|uieu croit comme Descai'tes et comme I orllii>doxie a
cette cr('-ati<Mi premiei'e. maintenue a < lunpu' instant
jtarla Nolonli' liltre et essenti(dleiuent indillerenle d'un
Dieu ext(''rieur au monde. .Mais cpTimpoi-te au l'oud !
II \ a un lait d t'Xpei'ience. c'est (pu'. autant <pi.' les
lioliimes ont |iU le constalei'. le monde se ((^lUservc cl
- 69 —
CMjiitinuo ; c'est qu il y ;i dans son développciîKMit
sensible nne unité qui relie entre eux tous les })hén(t-
mènes dans le temjjs, de la même façon qu'ils sont
solidaires les uns des autres dans l'étendue. Les lois
physiques manifestent cette réalité et les lois positives
de l'organisation sociale la proclament aussi de l«Mir
côté. 11 n est pas besoin d aller au dcdà, et cCst ainsi
que Montesquieu, qui sépare la matière de liiitelli-
gence, qui admet un Dieu créateur doué dune volante
arbitraire pour moditier sa création, n'est j)as. il est
vrai, Spinoziste. mais qu'il l'est ])ourtant tout d(> inènie
si Ion veut, ])arce (pie la r-éalité dans Lupielle il se'
place répond aux conséquences mêmes de Ihypothèse
de Spinoza ; à savoir, ({ne dans l'état actuel des choses,
et tel que nous voyons Innix ers se conq)orter. soit (pie
Dieu reste le maitre d en modifier l'oi-donnance, soit
qu'il ne le puisse et reste lié éternellement par son
premier acte, toute chose créée ne peut assurer la
permanence de sa durée qu'en satisfaisant mix i-apj»(»rts
({ui dérivent de sa nature propre.
L'analogie de fait entre la conception de Moiites-
([uieu et celle de Spinoza devient ])lns étroite encore
si (le ridée de loi nous passons aux réalités |)liis prali-
(pies (le la politi(pie. One nous dit S]»in(»/,M ? ■■ (jiie si
ton- les hommes t'taient capables de vi\ re suivant la
i-aison, ils formeraient spontanément })ar le seul jeu de
leiii's libertés une association profonde et stable ■■ ;
mais que, comme « la plupart sont soumis à la pas-
- 70 -
siipii. iiiic iiii:,iiii>';ili<)ii |)iilili(|iir est iiiTcs^.iiic - et (|iU'
ccttr nrL:;iliis;ilinii ;i |)<iill' lillt ■■ de ci-r-ri- |i;ii- ri'<|iii-
lililT (1rs piissioiis un llliil i|ili |n'i'iin'llr ;'i (liaciiii de se
(|c\ rln|>|>rl- ;i\ ce sciiirili' •■.
N <'st-(t' |i(iiii( la jH'iisiT iiii'im' (If .M<»iil('s(|iii(Mi ?
Ajtrcs iKiiis ;i\iiir moiiti-c le moiiili- j)li\ si([iic LioiiNcriK'
|iar (les luis iii\ arialilc- (|ni iii;iiiiti<Miin'iif les i-a|»|Mii'ts
essentiels à la ctinliniiile '.le t.i en-.ilion. il conslate
(|ne ce inonde inleiliiienf « liien (ju il ;iif aussi des lois
i|ui p.ii- leui' nature sont in\ .iri.iltles ■•. est loin d"(*'ti-e
;iussi hien i:<in\ eim'' (jne le monde jili\si([in' et ■■ (|u il
ne suit j);is eoustannnent es lois eouinie le monde
j)li\si(|ue suit les siennes .>. — « La i-aison I .
ajoule-t-il. en (>sl. (|in- les ('ti-es jia l'I icu liei's inlidliuenis
sont horiM's jiai- leur nature et par (■ons(''(nn'nt sujets à
Terreur ». ce (|u il eom|)l(''te plus loin en ('((ustatant
(|lle 1 lioninu-, eoMUne l'tre sensilde. est sujet à mille
passi(nis. (! nnne di- plus, i! e^t de la natni'e des t'-lres
inltdlii:i'nts d aL:ir pa r env-incMues, « ils ne snivcnl |»as
eoustannnent leurs lois primitives; ((dles ummuc (piils
se donnent. iU ne les suivent pas toujours ".
Il residte de e(da i\\H' pour .Montes(piieu connue ])om"
Spinoza. 1 ollice des lois jiositixcs et de rori:anisatioii
]»o|ili(ph'. est de i-aniener les liomuM-s an\ lois ,\,- leur
n.iture. pai; la eoustalatiou de leurs rapports indiNJ-
dmds et sociaux, de manière à ce (pn-, ces rapports
I /.'sprif (hs [.ois I W
- 71 —
étant maintenus dans leur iiitéuTité, les s<K'irh''s .iussi
bien que les individus ]niissoiit sul)sist('r cf se jx-r-
pétuer.
On peut objecter à res rjiisoimonicnfs;, <■{ M(tll{('^-
quieu n"a pas niancpir de Je faire, (juil y a loiil de
même une différence essentielb» entre les dnix cmi-
ceptions dont nous ncnis occupons. Lune lait de It'la-
J)lissement de la société et des lois politi<[U('s. une (•*.!•-
rection à létat de guerre primitif et naturel ; 1 .luIrc
repousse cet état de guerre. Montescpiieu. eu clfct.
affirme qu'il a en vue d'attaquer le système de llol»bes
qui, « voulant prouver (jue les lioiiinies naissent tous
en état de guerre et ({ue la jireniière loi naturelle est
la guerre de tous contre tous », renverse eoninie Spi-
noza toute religion et toute morale. Sans (](»ute. mais il
n'y a là qu'une querelle de mots, r\ il inqxtrle peu (|ue
l'on déplace l'épocpie où s'établit l'état de :iiierre.
puisque dans les deux cas le résultat est toujours le
même : l'établissement de lois positises et d'une aiito-
l'ité publique destinées à r(''taldir cidre tons les lionnncs
la permanence des l'apports nécessaires jtonr assiii-cr
la libre existence et la sr-curil»' i\i' < liacini. soit en
enqjècbant, comme chez .Montes(|nien, la soci('>ti'' foi--
mée de se dissoudre dans l'anarc Ine. soit en aidant,
comme cliez Spinoza, à sa formation. V.w sonnue c'csl
toujours l'état de guerre, antérieur ou posh-rieur à la
société qui aboutit à la civalioii des lois. Le texte de
Montesr[uieu auffuel nous a\ons plusieurs fois d«'jà fait
- 7-2 —
iilliisioii csf |»ii>itir ; '• Sitf'if ijUr Ifs Iimuiiucs soiil en
S<)ci«'*(('', iU |n'nlr||| If srliliiiifllf (le Iciir t'.lildrssc ;
r(\u;ilil<' <liii l'Iait ciiln' <'ii\ cossr et 1 ct.'it <l<' i:ii('n'<'
cominciKf. (ili.KHU' s()ci»''l('' j);n'ti(iilirit' \iriit .1 sentir
sa foi-cc : ce (]ni |)i'(»(lnit un ('f.it tic i:iicri-c de nation à
nafi<»n : 1rs |)aili(iili«'is dans (lia(|ii<' Nocich' riiniiiH'n-
ccilt a gentil- IcUC Inicr ; ils clirlc lient a Inllliici' ril IcUl'
l'axenr li'^ principaux a\anlai:fs de («'Ile sdcii'li- ; ce
i|ui l'ail entre eux nii état de unerre. (les deux sortes
dftats de Liiierre l'ont etahlii' les lois painii les
hommes 1 1 >. »
Onoi(|n il en soit, dans l'un eomnie dans lauti-e eas.
la senl<' morale pour I l'itat est de subsister d aliord.
parce (pu-, mie l'ois l'omn'. il existe comme une \(''ri-
lal)l<' |»ersoiine morale, dom-e de tons les attriluits des
jxTsonnes ré(dles ; ensuite, paice (|u<' son existence ost
nécessaire à celle nn^'un» des indi\idus dont il disci-
pline les tV>rces et modère les éneriiies.
Par le fjiit mf'nie de son utilité pour maintenir les
i-a|)port«> soci.iux. li^tat aura donc un \erital»|e droit
de prééminence sur I indi\idu considert'' isolf-nient. I,a
loi de sa nature sera de maintenir ce rapport. Il v
arri\e. dit Spinoza, |»ar I aiitoritt'' di' ses recomjtenses
et de ses cliAtimeilts. Il s \ coid'olllie. dit Monles(piien.
en maintenant la coln-sion di' toutes les Nnlontesef de
tontes les lurces | ta ri ic u 1 ie res (pii lui ont donne nais-
I l'siiril ili'< l.nis. I. W.
— 73
sauce, au inoycii «le toutes les lois d Oi-aanisaticju
sociale (|ui dérivent de la nature et du principe du
gouvernement établi.
Ainsi, pour Spinoza, toute l'autorité de l'Etat réside
dans sa force, dans sa puissanc<^ à luaiuteiiir l'ordre,
et pour cha(]ue ])eu])le. le meilleur réuinu' est celui
« qui a le plus de chance de durer sans ci-ise ni catas-
trophe ». Mais le j)hilosophe ne justitie ce dej)loie-
nient de force et de puissance <jue par son utilitt' et
sa convenance. Montesquieu est bien j)lus complet et
bien plus vrai quand il nous montre la force de l'Etat
dans l'accord des forces et des volontés particulières
et quand il introduit dans chacpu' i:(»u\ (M'uenu'ut un
principe psych(tlo,i;ique fondanieiitai <|iii. ser\i et
encouragé j)ar les lois et les inirurs, assure de la
manière la j)lus ceitnine une ;iutoi'il('' (|ui ne saurait
trouver longt(Miq)s <lans la foice seule une garantie de
durée et de stabilité, (l'est là un des points b's j)lus
profonds et les plus vrais des conce])tions polili()ues
de Montesquieu et nous m- saui-ions li-op y insisler.
Cependant, ([uel(|ue crédit (jue les volonti's ])ai'ticu-
lières assurent à l'Etat. (piel({ue autorité nécessaire
qu'il possède légitimement. l'I'ltat, s'il veut se conser-
ver lui-mèm(^ doit i-especter les " limites (h' sa ])uis-
sance ». Spinoza lui accorde toute juridiction sui- les
actes extfMMeui's : mais il le force à sarrètei- ;iu seuil
de la ])ensée. L activité libre de l'esjji'it est en etl'el h'
propre de Ihomme. c Cst le seul moyen (pi il ait d assu-
vcv son (l(''V('l(i|>j)riii('iit Ir ]>liis coni])!»'!. ï.a mission dr
1 l']t,if (>Nt ])Pt'(is<''mriil (le lui en Mssiirrr les moyens.
Mais fctlr lilx'il*'. |iliil<is(i|(|ii(|iicm<'nl sullisanto,
soi'ait à elle seuil' une mince Milisr.iclinn |»<»ur la masses
• les linmmes. .M( »ntes(|uieu, |»lus ((luseient (le la n'alit»',
énonce (|uel(|ues autres llhei-h-s fondamentales dont
1 US.-iue im])ol'te à la Jier'manence et au dé\ eln|»|»enient
de 1,1 \ie (je 1 individu. Si la liliel'te de |)enst''e est
1 oi-di'é uni\cfs(d et :;.''nei'.il, les lijierles dont jiaide ici
.Montes(|nieii sont absolmuent ndalixes ;i lu nafiire de
la situation <|ui est faite .i lindix idii dans la vie soeialc
]«(Ui' assui-ei- son existence mati-i'ielle. (les libertés ont
donc leur londement dans des besoins nécossaircs,
et (-"est la nf'cessite ini|teiieuse de les satisfjuro j»onr
coiilinuer à vi\ le (|ui les tiansfoinie en droits (jui" 1 in-
di\idu. selon la loi de sa nature, est tlans lOMiiiation
de re\('ndi<|uer. 11 se j)roduit alors entre l'autorité de
la collecti\ iti- et la lilierti- de lindividu un i-onilit (|ue
les lois doi\cnt relier. (In ne Irouxe jtas trace de ce
ctuitlit elle/, Sjiino/.a. 11 lui sul'lit t|ue I lit it se conserNC
en se limitant lui-nnMue par oWeissamc à la loi de sa
natui'e propre.
l'oiir Montesipiieii. au contraire, aucun être ne sau-
i-ail se limiter liii-nM'nie. La loi île sa nature est de tou-
joui's de\e|(»pper sa |missance d auir pour s assurer la
|denilude i|e \ ie (MMipatilile a\('C ses l'aculti'S. |)e cette
eoustatation sort e\idemmenl sa i'orniule fanu'Use
« t<ait II OUI me (pii a du |»oii\oir est jiorl<' a en abuser <> ;
— 75 —
car liioiiuiio no fait ici ([uc suivre la loi do tons los
èti'os, et la ])sycli(»l()i;ic iiidividiicllo est ici daccord
avec les lois ,néiiérales de la nature. De nnnne donc-
que ri^tat est naturelkMnent porté à au.unienter son
autorité, de même lindividu cherche par tous les
moyens à développer son indépendance. (Test aux lois
de déterniinei- la part ([ue chacun doit ahandoiiner ou
conserver. l^^Ues y arriveid ])ar l'analyse des condi-
tions essenti(dles à l'existence tle cliacuuc des ])arties,
c'est-à-dire ilc celles en dehors (les(pHdles (dlcs ne
pourraient ])lus exister ou existeraient antreunnit.
Mais ({ue devient dans tout ceci l'idée de justice?
l']n se défendant d être s])inoziste, Montes(fuieu se
prévaut de ce qu'il a reconnu des ra])j)orts de justice
antérieurs à. toute vie sociale, tandis (|ne Sj)inoza j)ré-
tend cpiil n'y a de juste et d'injuste cpu' ce (pn' les lois
permettent ou défend(Mit. « Axant (|u'il y eut des éti-es
intelligents, dit Montes(piien, ils étaient jtossihlcs : ils
avaient donc des ra])ports possihlcs et ])ar consiMpu'nt
des lois possibles, .\\aiit <pi il y eut des lois laites, il y
avait des rapports de justice possildes. Dii'c (|u il ny a
rien de juste ni d injuste (pn> ce (pi Ordonnent on (l<''l"en-
dent les lois positives, c'est dii-e cpi'avant (|n"on eut ii'ac('>
le cercle tons les raxons n'étaieid pas égaux ■' I .
Qu'eidend donc Montescpiien par jnst(> on injuste?
Supposons comme lui une société d liommes possibles :
i . Esprit (/es f.ois. \, 2.
— 7B —
ci'ltt' siHii'tc cl.iiil un (•(iiii|)(>sf (If |t;iilics dnif siilisislcp
|t;ii- I .iccoid (les p.irlirs. Nmis avons ainsi 1 idée de
jnslicc |iri\i'(' iï\\ indix idiicl II- ipi ('\|trini(' la maxime
(|n il tant rendre à ( liarnn ee (|ui lui est dn : eetto
maxime n evjirime pas anli'c ehose (|ne la ((ineordanee
des ra|i|>u|'ts (|ni découlent de rlia(|lie acticui d llll |tai"-
ticuliei- a\<'c les actions du \nisin. I.e dr(tit prix»' se
l'oiideia donc sur la connaissance des dillei-ents cas où
se |ieu\eid mettre les pa rt iculiers les uns par ra|»|»orl
aux antres, dette c(mnaissance aide a d<'ternnner '-e
(piil con\ ieid a ( liacun de l'aii-e on de ne pas taire pour
<pn' les Itesoius esseuti«ds à 1 existence de 1 un ou de
laidre soient assurés.
Supposons maintenant un corps social coustitin- a\ec
tous ses (U'uaiies ; il y a entre la collectivité et les
individus. <-onime tout a I lieur<' entre les particidiei-s.
un idat d ('(inililtre stahlecpii residie de la satisfactiim
des liesoins essentiels à la naturi' de la socif'de et à
c(d|e des indi\ idus : c(d idat d i'(pn li lil'c sera la justice
et l.nde juste sera celui par le(phd on procni-era cet
étal. Iji dernh're anaixse. la justice pour \|ontes(piieu
est donc la con\enance de 1 acte a\ec les rapjtorts
aucpiel il doit satisf.iiie. Il \a sans dii-e ipie cette cou-
\enance peid se concevoir en soi, idt'aleuM'nt |»our
ainsi dii'c. comme lattrilmt essentiel de lacté app»dé
juste. Les rapjioils de justice scint iloUc jxissildes tou-
jours en eux-mêmes, i nd e| te nd a Ul U M'U t de toute l'calitê
et anlerieuremeid a tonte \ie sociale, piiistpi il s auit
_ 77 -
pôur les coniiUMMidro, de concevoir l'idée de conve-
iiaiicc (|ni |»('iil s";tj»[)liquei' à tous les rapports pos-
sibles et non j)as nnicjncinent aux seuls rapj)oi-ts
sociaux.
Appliquée niéiue aux rajjports sociaux, cette eonve-
uance ne réside pas toute entière dans les lois positi-
ves. Ces lois, (pii sont l'œuvre de la raison luuuainc.
s'exeryant sur des cas particuliers, s"(^tïbrcent Kicn de
réaliser telle couveiumce (jui est ])roprenicnt la justice,
mais sans y atteindre toujours, parce <{u elles ne [)er-
eoivent pas, dans tous les cas, les rapports essenti(ds
quelles doivent régler, ou que, tout en les ])ercevant,
de multiples contingences, tenant au caiactric cl
aux passions (l(>s hoinnies, \ icnncnt en niodilicr à tout
instant lOrdi-c absolu.
La science du législateur sera de connaître ces
rapports essentiels et toutes les causes seconiles (pii
peuvent en modifier Tasiject ; son art sera d \ con-
former les lois ({uil élaborera. De même, la science
du jurisconsulte sera d'ap[)récier ces mêmes ia|»|M>rts
et ces mêmes causes secondes pour pouvoir com})arer
à cet état normal et réel, c(dui cprétablissent les lois
positives, et son art ser.i 1 habileté axcc laquelle il
saura faire cette coniiiai'aisoii.
Si donc, nous consid<''rons les i'a|)|)oi'ls de I l.l.it <'t des
individus dans une société (pndcon(|ue, la justice idéale
et supérieure demande <]u'ils soient régies de manière
à ce que le gouvernement réponde aux exigence^
— 7.S —
(le s.i ii.iliiir <|iii l'sl (1 «•taldii- ,i son pinlil iiin- |M'fciiii-
iif'iiri' utile ;'i l.i pcrjH-t iiili'- <\i' l;i \ ir soci.ilc cl de
iii.iniri'c ;i ce (|ir;iiissi I iiii| ixidii piiissc s;it islaiiT les
ln'soiiis i|iii lui sniil |»r.>jir<'>. Mans 1 alisnlii. uii se jdac»'
Spinoza, «es licsoins de I individu se r.Mliiisrid à la
JXMisrc lihic ditut I rvci'cicc est prvcisénn'ul ce )|ui le
(listiii,i;ur <d If d<'siidri:ir jiMui' ainsi din- de la sociétt'
(|ui lui assure d auln- pai'l son rxistmcr niatt-i'irlh'.
haris la socit-tc (pic considcrc M(>nlcs(piicu. I individu
ne jtent \i\re saîis un domaine lualt'i'iid ahsoluincnt
lléeessail'c à son e\isfein-e rfwpondie et c Cst sur la
consei'x af ion de ce doniainc ipu' l'cposi-nl tons les
droits (pi il jiciit iMM lainer.
Cest un l'ait cerlain. en cll'ct. (|iie les s(»ciét(''S
liuinaiiics (pic lions (•onnaissoiis. cl dans IVdat on nous
les \(»\diis p.iiN (iiiics, ont pour roildciiieiit la pi'opi'iét(''
iiidi\idu(dlc et (pndles sont tontes oruaiiisf-es pour la
conscr\cr. M<iiites(piieu ariirnic l'oit jiisfeineni <pic la
proprici ' est nicrc de tout. ('.Csl (pie joute la \ic des
ili(li\idus est. dans ["('tat actind des (dioses. susjiendue
a la |)ropricte coiiimc la \ ic du corps à la circidatioii
ou a la respiration, (/est sur (die (pie se l'onde le
dcV(doj(|)cinent d(> la fainille : c Csl pour rac(picrir cl
la coii>er\cr (pic I lioinnic met en jeu toutes ses
«'liei'Uics. (piil loiic son fra\ai! et ses serx ices. ([il il
a(dicle, ([Il il Ncnd. (|U il contracte et sOldii:*». .\|»res la
liltci'fe de [iciisi'c. la Illicite r\ la sni'clc dan*; la jiosses-
sion de la [)ro|irietc est le droit le |»llls esscnli(d (If
— 79 —
riiulividii au regard do l'Jitat : tous los autres droits
dérivent de celui-là. Sans remonter jusqu'à Aristotc
qui aftirnie ([ue Ihonuiie a deux srands inol)iles de
sollicitude et d'amour : la propriété et les affections,
nous voyons Bodin re2)ousser la communauté au nom
de Famour qm attache l'homme à luL-uiênie et à ses
l)iens. Au wuf siècle, tous les économistes aftirment
avec force limportance sociale de la propriété'. Leur
opinion est assez l)ien représentée par ces paroles de
Mercier de la Rivière : « Vivre en société c'est con-
naître et juvitiquer les lois naturelles et fondanientah^s
de la société pour se procurer les avantages attachés
à. leur observation... Propriété, sûreté, lil)erté. voilà
l'ordre social dans son entier: V(tus poiixcz rei;ar(h'r
ce droit (h' ])r«»pi*i<''t('' (■«ymiiie un ai-luv dont toutes les
institutions sont les branches cpiil pousse de lui-
même, (juil nourrit et (pii j)ériraient (b''s (|u "lies en
seraient détachées » ({).
Mais en ])lus des avanta.a'cs mat(''ri(ds de \ir (|ue la
])i'opri('d('' seule [>eut assui'er aux individus dans Vr\;\\
actu(d des choses, rac(]uisition et la conserxation de la,
propri('t('' j)roduiseut un ri\o\ moral non moins iuq)or-
tant. En assurant à rindi\idu une r(\uioii disliiu-te rt
limitée où il peut en toute indépendance aHIrnier sans
entraves son activité volontaire, la propriété d(\ idoppe
4, Mei'cici' (lo la IViviore, (Jrdrf naturel et essp/itii'l 'les sociétés
politiques, (ollection Guilliuiiuiii. |i|'- 007-008.
— so
cil»'/ liii(li\i<lii (le f'.niillrs MiiiNciiiH's cl |»(Mi ,1 j)l»' aii\
seules Jdllissaiiccs di- in jhmiscc. le sciifillM'iit d iiii moi
j»,i lliillliiT et ili<lejM'ii(I;ilit (|lli ;mssit<»t perçu, teud à se
(Ie\ e|o]»|»e|- de tdilfe sa [(llissauee. I>es pliilosojilies se
Mietfaul alors de la partie re(dauièrent !a lil»erl('' j)<)li-
tiijue et civile au MoMi du dl'oit naturel de I individu,
sans soui:<>r (|ue sauf le dmit a la j)eusi'e lilire, i|ui est
I essence uiènu' de 1 liounue, aucun des aiiti-es droits ne
|»ent se légitimer auti-einenl (jin' pai- des (•(•uveuancos
Sociales, (lest seulement aussi eu fonction de ces
(•«uivenanees sociales (|ue .Montes(|uieu les <''tal)lit.
jji c(da il est l»eaucou[) moins ahsidn «|u on se j)l;ut
à l'iiUciginei-, et si l'on a voulu voir en lui un dos
ancêtres de la i1<m la ra t ion des droits de 1 liomiue et du
citoven. il me seudde (|ue c est parce (pie 1 oïl s eu est
tenu un peu troji aux aj)j»arences exfi-rieuiws. Les
plliloso|)lies (pii ont rédipt' en ell'et cette l'auieUse
déclaration concevaient un t-tre idéal et absti-ait, a la
natiiie de (pii étaient inli<'rents les droits tpi ils procla-
maient, si |)ien ipi on ne saurait pas pins les Im denier
'pi on ne |)eut lui denier sa nature. Montesipiicu est
loin d (Mre aussi catt-i^oricpie.
S il proclame ces droits, en eirel, ce n <'st pas en
cousider'a lion île la nature pro|)re de 1 individu, mais
••n louction des conditions essentielles tl l'xistence
•pi il trouve dans la vie sociale telle «pi idle est consti-
tuée. lma,i:inons un instant (pu- les conililious j)rimoi--
diales et fondamentales de notre vie sociale viennent
— 81 -
à changer et que la propriété imlividuelle qui en tonne
le substratum vienne à disparaître, un des termes du
problème étant changé, tous les autres le seront aussi
et certains de ces droits, dont rin(h\idu ]»eut se
réclamer légitime nient aujourdliui foiniiic de sa ])lus
noble conquête, n'existeront jdus.
Un pourrait se demander, il est \ i-ai, si le droit de.
propriété n'est pas comme le droit de penser libre un
droit inhérent à la naturr de lincUvidu et que rien par
conséquent ne saurait prescrire. 11 ne nous a|tj)aitieiit
pas de discuter cette grave question. Keniarquons
seulement ([uo la j^pnsée est une partie csseiitirllc de
l'être humain, tandis (|ue hi j)i'()])i-iété est une acquisi-
tion extérieure, ^hlis. dii'a-t-oii. la xoloiitc- l'ait aussi
partie intégrante dv la uatnn- huiuaiiic. et la |»i'iipri<''t(''
dune chose dont on peut disposera sa l'aiitaisi*' est le
seul moyen d'exercer sans entraves cette volonté (|ui
nous est naturelle ; donc, la j)ropi'iét('' nt'cessaire à
l'exercice d'une faculté natui<dle et essentielle se
trou\e jhir l;'i même. J)areilleuieilt esseutielle à la
nature de riioniuie en soi. (lu pourrait n''j)oiidi"e à
cela, (pie 1 acte \olontaire peut s"e\ercer sur Itieri
d autres uJtjets (|ue sur des objets extérieurs (l(Uit la
libre disposition soit re(|uis(>. Xe lui oll'rons-iious pas
nous-mêmes une matière suffisante en tf>ut ce ((ui con-
cerne noti'e actixite i ii l(d jecl md je et morale, (lomme
le remai-(|ue Spinoza, il n y a (|ue lacli' inl(dlectu«d
dont la liltert • soit essenticdie ;i 1,1 iLiture liumaine. à
Ouiliii I)
— 82 —
(•(Uiiliruui liii'ii i-iilciitlii i|u <'ll»' li-ouvc j);ii- .lillfuis
totilcs les (tMidilKiiis iM'ccssaii'f's à sou oxistoiicL' inatr-
ricllr.
h.iiis I Clat acfiK'l an iiniins, ces di-oits sont hirii i-rcls
car ils smil 1 Cxprcssioii du hrsoiu If j»lus iniuirduil <!»'
I individu. (|ni est d (Mit assui'»'- dans la liliic possession
di-s hicns nu'nldcs cl iuMncnlilrs d où il tir»' sa snlisis-
lancc et ((dh- drs siens. Tous les aulri'S droits d»'Ti\ rut
de c'(dui-là. (ionnneut serait-il en ell'et assuré dans celte
possession, si, pai' ailleurs, lautorité pouvait arlùtrai-
renu^ut c(»ulis(|uer sa liberté j)ersouuello, renij)risouu('r
sous un ]uéte\te (|uek-ou(jue ou 1 ac'cal)l«'r de peines
sans ](ro|)ortion avec ses fautes? (lonuuent, d'autre
]»art. j)onnait-il joiiii' en si'eui'iti- d<' cette liherti' dans
la. propriet('' de ses hicns et la disj)osition de sa per-
sonne, si le jeu de la constitution ne lui oH're pas
contre l arl»iti'aire des i:aranties (pii nn-ttent l exercice
de ces droits hors de latteinte du caju-ice <lu souve-
rain, (pnd (|n il soit : prince, jteuple ou corjts de inihles.
.\insi se fondent sur la loi:i(ph' in<-ni(> des choses les
droits esseidi(ds Ac l'indixidn au rcuai'd de ceux de
1 l']tat. .\insi sclahlissent |tonr rin<livi<iu des lihertc'S
correspondant a ces droits, (les liluM-tés sont en j»re-
niier lieu la lihcrtt' |)oliti(|ue. ,i:arantie de tontes l(>s
autres ou, |»oUi' eniplover le lanuauc ile Nhintes(piieu
la liheite du citoNcn dans ses iap|)oi-ts avec la consti-'
tiilion : en second lieu, la liheit»'- |»orsounelle (pii se
traduit snrtunl dans les rapports dii cito\en a\ec la
- 83 -^
forme Hes accusations, des jugements et des peines ;
en troisième et dernier lieu, la li])erté dans la posses-
sion des biens à laquelle concourent évidemment les
précédentes, mais ({ui se manifeste dune manière plus
précise encore dans les i-apports du citoyen aNcc la
nécessité de lever les impôts. (Test par rimjx»! en ell'et
(pie l'Etat peut avoii' le plus de prise sur la propriété
individuelle et il est nuMue des cas où ses (exigences
exagérées pourraient aller jusqu'à l'anéantir com-
plètement.
rie2)endant si ces lil>crt(''s sont ;il)s(dnnient (essen-
tielles en di'ojt j)our 1 indi\idn c(»nscicnl de sa per-
sonnalité et résolu à la (h'fendre contre toute .itteinte.
elles ne le sont en fait, (pu' dans la nn'sure dn i»ri\
qu'il y attache. Là encore, il n'\ ;i rien d'absolu o\ il
y a bien des manières j)oui' lindixidn d'être libre.
Montesquieu insiste particulièrement sui' ce j)oint. En
politique, en effet, il ne ])ent s'agir de la libeité
philosophicpie. La liberté conq)atii)le avec l'ordre
social est une lilierté d'(>])ini(»n beaiUMtnp pbis encitre
que fie fait. On s<» croit libre bien pins (uTon ne Test
réellement : " La liberti- |)liiloso|)lii(|in'. dit-il. consiste
dans l'exercice de sa V(dont('' ou du nmins (s il l'aut
parler dans tous les systèjues) dans ro|)inion oii l'on
est (pie \'<>\\ exerce sa volont*'. La liberté [»oliti(|ue
consiste dans la sûreté ou (hi moins dans l'o])inion (pu-
W a de sa sûreté » (1). Vu prisonnier peut se dire
1, Esprit des lois, .Vill. 2.
- ,st -
lihiT s il ne roiiii.iil pas le iihhkIc cxtcrifMir rt s'il a
(■(nisciriicc (|ii<' dans Icd-dn' iiatiir-cl des choses (|ii"il
est acrdutiiiiif a |»(M'(('\ i>ii', ri<Mi iir \i('iidra rcfrccir
les limites de I t-lioil espace dans le(|iie| il se ment.
()r lecit^xen ania cette cnnscience si. d'une |)art. la
t(tnte-|inissance de la loi le pi(»tèi:e contre 1 arliiti'aire,
<'t si. d anti'e part, ses désirs et ses passions ne \ien-
nenl |ias troubler I harmonie des rapports naturels de
son (>\istence indi\ iduelle et collecti\e.
hans scni discoui's sur 1 histoire uni\ers(dle. Kossiiet
disait déjà : " Sous ce nom «le liherte. les liomainsse
liiinraienl a\i'c les (îrecs mi Mtat où personne ne lut
sujet (\\\f de la loi et où la loi lut |dus puissante (pn-
les hommes ... .Monles(pùeu souscr'i\ait \(dontiers à
«M'tte |»ai'ole.
I )e miMue (|ue la liherte de I homme predis|(osea la
liln-rte du citoyen K. (1. L. WIN. li d<' nii-nn' c est
la puissance de la loi ipu garantit la liherte du citoyen.
à condition toutelois cpu- la loi S((it l'ondée suripielqne
chose de l'cla ti\ (Muent innniialde et ipii se lr<iu\e en
(hdiors de I atteinte un'-me des hoUMUes. cest-i-dire si
(die est lexprcssiou îles ra|)ports qui <leri\eut «II- la
nature des (dioses : i. (lest le triomphe de la liherte.
ilil Montescpiieu. a pro|)os des lois criminelhs A", il.
L. Ml. 4 loisipn- les lois criunmdies tirent ihacpie
peine de la nature pa rt icidièi-e du crinn'. TonI 1 arbi-
traire cesse, la peine ne ilesceild pas du ( a|»rice dll
iéuislaleur. mais de la nature de la chose <> . l/lioiiiiue
— 8n —
<|iii siusiiri^e assez fafiloincnt confie ihic autorité
iiii|)(''i'ativ(' venant d un auti'(> lioniine. ne se i'é\()lte
jjas contre la nature des choses si dures que soient
parfois ses lois. Il se contente aisément sur ce 2)oint
de l'illusion ; pourvu qu'il s'imagine agir li])rement il
est content, et souvent c'est lorsqu'il pi'oclaine les
lois naturelles <|ui Tohligcnt, (juil se croit le plus
libre. C'est jxnircpioi Montesqui<'u d(''linit la lilieile
plus profond(''nient que ses devanciers lorstpiil j»ro-
clame que la liberté politique ne consiste ])as à laii-e
ce que l'on veut. « mais à pouvoir faire ce (\[\o l'on
doit vouloir et à n'être j)as contraint à faiie ce (jtidn
ne doit pas vouloir ». bb'e (piil rej)i*end plus loin
[E. (I . L. XXVI, 20) ])our distinguer le prince du
citoyen : <■ La liberté consiste principalement à ne
pouvoir être forcé a faire une chose ((ue la loi ii'or-
donne pas et on n'est dans cet état (pu- pai-ce (piOn
est gouverné par des lois civiles : nous sommes donc
libres parce ([ue nous vivons sous des l(»is cixiles
les princes (jui ne vivent point entre eux sous les lois
civiles ne sont point libres : ils sont gouverin-s par la
force, ils peuvent continuellement f(»rcer et être
forcés ».
Mais (pu' doit-on souloii"? La r(''])onse est facile : on
iH' doit rien \ouloii' en dehors de la satisfaction des
rapports essenti(ds nécessaires à la pei-manence et à
la conservation de la vie sociale, c'est-à-dire rien en
dehors de ce (]ue consa<re la loi, (uii, si on la su|)jios
— 86 —
]):nr;iif('. cxihiiik' i("^ r;i|»)iMi"ls d iiiic r.icuii ;i(lt''(|iiat('.
I.;i liltri'tc se liiiii\c duiit' icsidri- m «le riiK'iT aii.i-
|\S(' (l,iii>> la «(iiisciciiic i|iii- I liiiiiiiiH- a (!<• sa di-jx-li-
(laiicc. < hi foiicuit aldis t^uc les droits et li's lilirrt/'s
])ai-ti(iiliri'('s ddid il ]>i'uf ('xiufr la iiar-antir sdirnf <'ii
r(dalinii ('Iritifi' a\ri- la ((Hiscirmc pinson moins nrllc
(|n il à des ra])|)oits essentiels à sa \ie. à son existence
dans nn état social donni'. et c Cst ici ((n intcr\ ient
rtdeincnl j)s\clndoi:i((ne (|in inodilie linipiM-lance t|n il
penf donner à la rechcridn' et à I acijnisition i\r ces
droits et de ces li ImtIi's.
Monlcs(|nien n (>id)li(' pas. et <'est là son oriuinalil»',
([n en politiipn' mi a tonjours allaii'c à des in»Minn's,
c'est-à-dire à des ètr'es chez li>s(pnds je selitinienf et la
])assion ont soiiNcnt Iteanconp jdns de force (pn- la
raison. Les trois libertés roiidainentales ipn- nons
venons de passer en re\ ne avec lui sont etaldies en
raison d après la constatation de la natnre des choses
de la \ ie sociale et des liesoins de I individn dans les
conditifins de \ie oi'i il est placi'. Hr. en etndiant les
uon\ ei nenuMits. nons axons recoimn la présence d nn
piincipe actif ipii dc-teianiiH' à la fois sa manière d'ai^ir
el c(dle des ciloNeils ipii | ont adopte. ( .e principe est
dordi-e alisolmnent sentimental en ce ipiil fait appel
à la passion. ( !e sentiment, assez \if et assez foit pour
ser\ il' ctimnn' de cinn-nt an\ paitii-s ipii coni|)osent le
c(»rps social, inllm'ra nt-cessairenn-nt snr ro]»inion (pn*
les in<li\idns poniiont y aM>ir de lenrs droits et de ja
— 87 -
nécessite de les satisfaire. Là, tout cédera dcv.int la
conviction d'une grande œuvre politique ou ('•(•(. ik.-
mique à accomplir, de sorte (ju<' la ,i:raii(l<>ur du l)iil
poursuivi fera oublier toutes los entraves à l.i lihcit»'
et Lien des atteintes à la propriété ou à l.i foitmic.
Ici, on fera bon marché des convenances individuelles
pour l'honneur et la gioire que l'on attend de l'Etat,
directeur et inspirateur de la collectivité. Ailleurs,
dominera au contraire le souci d'établir dans li^tat
toute une série de garanties sûres à l'usage de l'indi-
vidu. c< Quoique tous les Etats aient en général un
même objet, dit Montesquieu [E. <L L. XI. .") qui est
de se maintenir, clia(|ue Etat en a pourtant un (jui lui
est particulier. L'agrandissement <'daif lObjet de i\ome,
la guerre celui de LacédiMuoin', la i-fdiiiion celui des
lois judaïques, le conunerce celui de Maiseille. la
tranquillit('' ])id)li(pu' ccdui des lois de la ('.lune, la
navigation celui des lois des liliddiens, la liberté natn-
relle celui de la police des sau\a,i:('s, en iiénéral, les
délices du prince, celui des J']tats despoti(|tn's ; la
gloire et celle de l'I^tat, (-(dni des nionai-idiies : I indt'-
pendance de clia<{ue partieulier est l'objfd des lois de
Pologne, et ce qui en résulte est ropi)ressioii de Ions.
Il y a aussi une nation dans le momie ([ni a pcuir (d»jet
direct de sa constitution, la libelle |»oliti((ue '>.
Cet Etat, c'est l'Angleteri-e, dont Montes(|ui(U an;.-
lyse la constitution dans la prennère pai-tie du li\ re XI
(ch. VI). Mais après en avoii' monli-(' Ions les ;i\ anlaues
— 88 —
."i (•<• jMiiiit (Ir Vin- |i;iiliriilii'r. il .liniilc. cii triiniii.iiit
|r rli;i|»itic : ■• .!<' IH' | »li't('liii> |»Miiil |i;iil;'i i;i\;il<'l' 1rs
.iiitrcs uniiN ('iiii'iiH'iit^. ni «liir <|iH' («•llf lilH-ih- |n»li-
ti(jii«' rxtrèinc (liii\<' mndilici- ccmn qui n ru ont »jii iiih*
modéréo. (>)iimi('iit (lir;iis-j(' cela, moi «|iii crois (ju«^
l'oxcès inrmo <!<' I;i l'.iisoii ii Csl p.is toujours (Irsir.-iMc
et (lUf 1rs Ikhihih's s .icciiiiiiiiodciil jii'cs(|tic toujours
mit'iix (1("> iiiiliciix <|iir (1rs r\ti-('niif«'-s ».
Il II)- l.iiit donc |);is prendre dans I n-m !•<• de Moii-
tcscjuicu la tliéoi'ic i]^ la constitution anglaise connue
l'exprossion de ce (|u il considère coiunie le meilleur
iiouvornenient en soi. Il n y eu a pas pour Montos-
fuiieu. et ("est un jU'iucipe (ju il pose au (l(dtut UK-ine
(!«' VEftprit drs Lois (I, 3) : " Il vaut mieux dii-e ^\\\^' le
iLouvei-nement le ])lus courorme a la iiaturr ost c(dui
dont la disposition j)articuli("'re se ra])])orte mieux à la
dis[)osilion du jx'Uplc pour le(pi(d il est (daldi •■. La
rfmstilution anii'laise est donc le meilleur lidUNcrue-
Ilient pour le peU|tle (jui met la ci)n(pn"'te des droits
indi\idu(ds au-dessus de tout. I >e in("'me. a Konie. dont
M(»nteS(piiell. dans ce ni("'me li\ rc NI. étudie la \ ie
|»(diti(|iic (11. .\l\ à XlXi la constitution sori:anisa peu
,1 |)eu de mani('M'e a constituer un ('■(jiiilihi'e stalde, non
plus cnti'c les droits natur(ds de l'indisidn cl ceux de
ri'.lat , mais entre les (lasses composant le pcu|>lc. (pii
se dis|iutaient la |ireeminencc dans I lltat. Il faut noter
(Tailleurs (|u a lionu', au moins dans la |»eriode primi-
li\e et jus(prau temps de ll-jupiic. rin(li\i(lu n'avait
— 89 -
iM»ui' .liiisi (liiT ]);is (ICxistciicc j)r()])rc en (IcIku-s do In
t'aiiiillc (|iii IViitcriiiJiil dniis smi cercle (''troit.
(llu'z les peuples où existe un vif sentinicut d'iictioii
collective, ce sentiment j)i'iiiie celui de la liherlé. Il
suffit que le niécauisnie ])oliti(|ue assure à l'individu un
minimum de sécui-ité. I*eu importent alors les moyens
employés, pourvu (piils soient en rapj)ort avec le
caractère ,2én<''ral du peuple et ses tendances liistori-
(jues.
Ainsi. Montes([uieu. lidèle à la méthod<' (|ui est
d'arriver à atteindre la réalité par une série d a|)pro
ximations successives, sait atténuer par r(''tude des
caractères et l'étude de cjiaipie peuple, ce (|u"il |)eMt y
avoir de trop absolu dans les tln'ories i^énéi'ales (jne
lui suiTgère la seule raison. ()n \oit donc combien
Montesquieu est loin des piiilosophes de la ri'voliïfion
et comme ce serait mal le com])rendre (|ue de xouloir
isol<M' I une (|U(dcon(|ue de ses aflirmations de I eiiseui-
Ide de tout son ouvrai:*'. <)u saisit alors aussi pour-
(pioi Montes(piieii ])roclame si haut (pi il est I ajxitre de
la untdération et ([u'il n'a conq)os('' son li\ re (\\\o pour
en j)rouver la nécessih'. Les tli(''ories les j)lus ahsoliu's.
en eit'et, doivent loujours. hon i;ré mal ::r('. Unir ]iar
se ])lier <à la nature des (dioses <|ni leur ajijiorle des
temj)éi'anients varies, sans poui- c(da lu'iscr I unité l'on-
damentale des ra[)])orts sociaux, (les tempéraments
variés, au conti'aire, m- font (pi'en maintenir I écono-
mie, en étaldissant enti-e eux létjuilihi-e m-cessaire (pie
- 90 ~
fIoninii<lr> rliaquc r.is paificiiliiM'. VA cola f'<^st j^ivcis^-
liiciit (le la iiindi-ratidii au spiis t''tymul(»t;i([iH' «lu mot.
I.a iiiodt'ralioii i(''siiltr niiiu'i' <l<' 1 action des iiidiicii-
ers liistoi'iqin's aii\(|in'll<'s .\|i)iili'V(|uicii iiioiitic (ju'il
est iirfcssairt' «li- i-t'iiKUifri- iiis(|iir dans le j)ass»'' lo
plus lointain, alin de niiouv »'( laii-cr le jtiM'SPut. <>ii se
rond coinj)t(' qu'aucun (dianuomcnt m- se pinduit avoc
violence, cpu' les ti'aditions ne se i'onii»ent point sur le
coup, mais jxmi à j)eu. à mesure que se modilje l'état
(Tes esprits et des mo'urs. Si nn \fut les violenter, on
lo j)out sans tlout(\ sous l'eil'et d'un eiitraiiiomeut pas-
sager, mais lo clumucmout ainsi j)roduit est do pou de
durée et les ra])])orts anciens r«'Ni])])araissont bientôt.
Ce nost cpi au hoiil d un assez lom: lemj»s cpie les
somonces jeti'os lors du pi'emier (d)ranlemeid \ iennent
à ])l'oduil'e leuis IVuits, encore est-ce [oixjUe l't'tat
social entrevu j)ar les ])i'emiers théoriciens, vient à
passer conq)lètement dans l'ordre des faits. Montes-
«piiou ne jterd jamais de \ ne cette inodi'raticui néces-
saire, parce (|U elle est dans la uafuie même de la
\ir, et cCst pour c(da (|U il se Liarile liiell de dolinei'
des modèles ali^olus. Il jiri'teiid seldenieiif fournir di's
indications, j)r»q)oser une mai-cdie à suiv r<'. elaldir les
fondements d une nK'dliode d'oi-i:anisation sociale,
appi-opriée aux circonstances. Même en ce qui con-
cerne 1 Ani:le|erre. il insinue que si les lois soid assez
bien «'qiulilirees pour assurer jdeiuemcul la lil»ei-t('
Jtolilique, 1 etl'el ne r<'pond Jicul être i)as au liou AoU-
~ 91 —
loir qu'elles témoignent : <( Ce n'est point à njoi à exa-
miner si les Anglais jouissent aetuelieuient «le cette
lil)ertt"' ou lion : il me suffit de dire f[u elle est rtahlic
par leurs lois et je n'en cheiriie ])as davaiitafie ».
[E. d. /.., XI, 6, in fine).
Ce qui inqjorte, en efiet, ce n'est point (pie le méca-
nisme constitutionnel soit toujours et partout identique
à lui-même, c'est surtout (pi'il y en ait de telle façc)u
que le salut de l'Etat ne dépende point comme dit Spi-
noza {Traité politique, 1, G) de la seule honnêteté d'un
individu, mais au contraire « que les affaires publiques
y soient ordonnées de telle sorte que ceux qui les
manient, soit que la raison, soit (jue la passion les fasse
a,s"ir, ne puissent être tentés d'être de mauvaise foi et
de mal faire ».
Partant de ce principe, Spinoza a])rès avoir étal)li
les fondemeuts du droit de l'individu et du droit de
l'Etat, recherche ccnumeiit la monarchie, l'aristocratie
et la démocratie ])euvent être organisées confoi*mé-
ment aux exisrences de leur nature |»arti(niirrc. <'f de
manière à oll'rir le niaxiinum de iiai-antic Mais les
constructions politiques (pi'il ima.^im' de tontes pièces
et auxc[uelles ressemhlent heaucouj) les projets consti-
tutionnels de Siéyès (1) laissenl de c<M('' l<'s denx fac-
teurs essentiels' de l'org-anisation politicpie dans la |)en-
\. Parisol : Siéyès cl Spinoza, lievup iIp sijnt/irsf /iis(ori(jiie,
juin, 1906.
— 02 -
s»M' (Ir Moiilcstiiiifil : 1rs Icilil.llicfs | is\ di. ,|< i- i(|||<'S
|»;n liciilirifs a <lia(|iir |n'ii|ilr, I <'\ «iliil inii liiNtoiiqiif
(lui |Hilir cIlicuii il i'll\ .1 jil'cci'df I clat aifud. \.r srul
|iriM(i|ii' (I iiiM- ;i|i|)li(;ilinM iiiii\ <'rsrllc .idiiiis pal* Mon-
t('S(|iii«'u. fsl celui (|u <'\priuii'ul les uiols I'.ium'UX
« le poUMiir aiir-tr le |»iiu\oir ... Ndiis en ;i\(ius \u la
ucucsc cl cdUiMicul il (lcl"i\c (le la couccj)! I( >h (|U a
M(Ultcs(|uicU (le la loi lie nature des (•Ices cl des (dis-
ses ainsi que de la loi de Icuis rappoïK. l'niir c\ilei'
IkuI aihilrail-e et Inul excès de l'iUce. il es| iudi(|Ue |»aP
la nature des ( lioscs d airc( ter a dillci-cnles j)ers(Uines
(>U à diliei'euts corps les poiixiiirs entre les(puds s»'
partau'e rexci-cicc de I autorité alin de les halaucer les
uns |)ar les autres. (!e|)endant. Montes(|uieu ne consi-
dère pas connue altsoinnieni necessaii"e à la iiai'antii'
delà lil»cl"te cl a la sécurité de lindiNidu (pU' ces J>oU-
\oiis MtienI toujours el j>ailoid coiu|»lètenM'nl dis-
liuids. hu niouieul (pu' le pou\oii' pidiciaire est niis
didiliercUKMd a part de nianiei^e a ne |»ou\ oir l'Ire con-
Irainl |»ar les autres, il est assez indillerenl ipu- le
|»ou\oir |ei;islatir suit cnuroudu a\ec lexcculil. (!<da se
coniprend. car le i»ou\(iir judiciaire est cidui «pii
dtdieni 1 exercice des sanctions de la loi : lU', pour
parler' coUMue Montcsipiieii, tout est perdu si cidui
i|ui lait la loi ou cidui ipii adnnrusti'c |)cu\ent disposei-
lilu'einerd des sanctions de la loi. haiis le prenner' cas.
le jui;»' sorail lei:islateui". dans le secmid. il serait
oi>i)resseur. La réunion du législatif et de rexccutif
- 1>8 —
peut faire craindre, il est vrai, ([u'on ne fasse des lois
tyranniques pour les exercer tyranniquenient ; mais si
le pouvoir judiciaire est conscient de sa mission ef
assez indépendant pour exercer ses droits, il saura
arrêter rexécutioii tyranni<pM' des lois, en ne donnant
point de sanction aux l'ésistances du citoyen dont il
aurait à connaître.
Si donc, en prin<-ipe. on peut concevoir un nn-ca-
nisme, réalisé d ailleurs, (pioi<jue j)ar des moyens diliV'-
rents dans lAii^^leterre modei'uc et dans la Home
antiipu'. nuM'cinismc (|ui garantisse ;'i rimlixidu ICxer-
cicc le j)lus lari:<' de sa liliei't('" i\ de ses droits pouc
le cas où il consi(l(''rei'ait cet exercice coninie le souve-
rain bien de la \ie soci,ile. .Montes(|uieu l'tahlit aussi
une s(jrte di'clndle de l,i liJ)«M-ti'' suivant 1 intf'rèt <pi y
attachent les lionnnes. dette ec Indle s"('tend du ma\i-
nunn de iiarantie au miniminn nécessaii-e jiour i\\ir
1 individu sollicité d'auti'e C('>té par d'autres ])assions,
puisse tout de nuMiie satisfaii'e aux besoins essentiels
de sa condition et denuMii'e el'lic.icement [iroteiic'". Si la
c()nstitution aiii;laise rej)ond assez liien ,iu |ireniier
t\pe. la moii;i|-(dlie tV.iMcaise I l'adit ion md le représente
tout ;i l'ait le secoud .
IV
Aprrs le m'iiiid lnmlcN frsciiM'iil social (•.■ius('' j);u' les
iiixiisioiis (les liarharrs cl jM>Mi'sui\i pciidaiit ciii([ slc-
clcs a\cc (les allcniaf i\('s d ordi-c et de desdnirc. le
droit romain, si iiitiineiiieiit lie à I esprit et aii\ Icii-
daiiccs du jx'iijije (|iii Taxait construit. dis|»arMit avec
ICtat social même «loiit il lirait sa force et sa cohésion.
Il n <'li suhsisie d'iiiie Jiianière ('■j»<(rse (jne (juidcjnes
l)i'ati(|iies coiitiimièi'os. soiiviMiir loiiifaiii d un Atrr
ancien, ou (|U(d(|iies axiomes uém'i'nux (|u a\aient pré-
ser\(''s lid/'c morale sur la(|U(dle ils se roudaienl.
Les lois elles-mr'mes (|ue les liarhares a\aieiil ajipor-
li'-es a\ec eux. c(»dili«''es au «iidiul sous I intlm'Mce
encore \i\e du urand ordre romain et a\ec le désii-
d y atteindre. Unirent aussi jtar' dis|ia rail l'c dans la
ruine de I ordre |)oliti(|m> tente |)ar les |U'emier's l'ois
germains (-taldis dans ri'".m|iirc cl i-ealise un instant
])ar ( ;iiarli'ma'_;ne. l'jjes aussi ne sur\ ('curent (|U a I ('■lat
de tradition et de coutume locale, pour l'CLiler les
— 95 —
rapports individuels les plus usuels dérivés des biens
de famille ou des obligations contractuelles.
Dans ces conditions, la science du droit se réduisait
à la pratique des formules et à la connaissance des
coutumes, s'il s'agissait du droit civil ; à l'application
des règles grossières du duel judiciaire ou des ordalies,
s'il s'agissait du droit criminel, ou mèiuc de reconnaî-
tre des torts et de désigner des coupables (ju'on était
impuissant à déterminer par raison.
On ne peut donc pas dire que ce fut là de la science.
Toute science doit remonter à des principes et faire
en sorte que l'objet de nos connaissances ne reste pas
fragmentaire, mais soit au contraire lié ])ar un enclïaî-
nement logi(|uo (|ui satisfasse l'intelligence.
Or, dans ce baut moyen âge, on ne considérait d'une
part que des faits et d'autre ])art (pic des règb's,
règles transmises par la seub; tradition, dont l'origine
demeurait inconnue, que Ton appliquait parce que les
ancêtres faisaient ainsi, jnais en réalité issues de tous
les points de riiorizon, conservant le souviuiir d'un
état social différent et corrigées ])arfois inalbaliilcnient
dans certains détails pour mieux s'accordci- axrc l'c'-tat
présent (b^s raj)ports sociaux. Il aurait falhi (h-hrouiller
ce cbaos, mais qui le pouvait, et qui s'en stuiciail ?
Ce n étaient assurément j)as les seigneui's féddauw
plus courageux guerriers que grands jurisconsultes, (le
n'étaient pas non plus les hommes libres app<dés dans
certaines causes à former l'assenddée des ]taii's.
— l)(i
1><'U\ choses icii.iiclit lieu dr 1.1 silirtc «|ll<' dniuie
(l.iiis r;ij»j>li<;tf ioii ilr la jii>ti<r |,i cDiiiuiissaiicc de
Irsurit (1rs lois cl des piilHi |»cs sii|- lrs(|ind^ elles se
lulldeilt : il tllie part. 1 a llli hmIi- de i,i t r.idilioll . d autre
naii. I iliucilieu^e >ll I »t 1 lil e que 1 <tll ildl'odllisit dails la
procédure. |)es p|esclM|iti(iUS lua teriel les UliuiltieUSes
reiHciliaieiit eli ellel au delaul de direetinu cpie ceux
(pii appliipieiil le droit puisent ord iiia i renient dans les
idées ucnei'ales et dans les principes, quelle i|u en soit
d ailleurs leur \aleiir au point de \ ne pliilosopliiijue.
( hl peut se rendre aiseilieilt compte de ee l'ail |tai'
reusenihle couijditpie «les re^ili-^ <pii l'cuissaieut le
duel judiciaire et dont 1 <dtjel pi'eciscnient «'tait d assu-
rer les eoiidiliolls de conihal les plus iiii|)a rtia les et les
plus justes. Il en est ainsi dans toute le::islalion qui
se dcveloppo sous 1 iiillueiice de la i-outuuie et au ;:r(''
(les eireoustaiiccs locales : la loi dispai'ait deiwièi'e la
roriiie de pnwéduro uéressaire poiii- <d)teiiir le droit.
L WiiLilcIerri' par e\eni|)le «pii est le |ia\s daiisleipud
le droit. nK'Ilie écrit, est ri'ste presque coin | deleineii t
esclave de l.i I r.iditioii et de |;i coutlinie. est aussi le
pas^oii les l'ornies |ti'o<('durieres sont encore les j»|us
coiiipli<Jliees et les |dus strictes.
.\u ino\en à-e, c est dans les cours d riLlIlse. seule-
llieiil, que s étaient coiisejxees (pnd(|Ues pl'eoccupa-
tiolis moins lerie ;i tej-re. La, les lois en etlet. et.iieni
toujours rapportées ;i des principes. .Mais ces jn'ineipes
étaient l'oinli's sm- la tlieolo-ie et sur les lois de 1,1 reli-
— 97 —
giou ([ui paraissaiont alors iii(UiJ)itableiiient à tout lo
monde le modèle des lois humaines et ridéal que les
sociétés devaient tendre à réaliser.
Ajjpuyée sur ces principes qui nioiitraieiit. (((Hiiik'
émanés de Dieu, toutes les idées, tous les seutirueuts
de justice, de liberté, d'égalité entre tous les hoiuiues ;
— fortitiée ])ar son organisation savante (pii lui ihuinait
tant de prise sur les êtres (^t les caractères, conimeiit
lEgiise seule force alors couscicnte delle-mème. ru
fait et en esprit, ne dexait-ellc j)as ;ii;ii- sur la \ie
politicpie et civile 1 Si elle est riiuagc de la s(Hit''l('' de
Dieu et des créatures, c'est sur clic (|ii(' doit se mode-
ler la société laïque dans sou gouvernement j)oliti(pu',
aussi bien (pu? dans sou gouvernement civil. Aussi
est-ce à elle que les rois s'adi-essent |)oiir fonder
leur puissance sur des princijics au-dessus de toute
discussicju.
(lest 1 h]glise aussi (|ui i'aj)p(dle aux j)i'iuees leurs
de\(»irs de eliarit('' et de justice en\('l"s leurs sujets,
(lest au nom de ces nuMUcs dcNoii-s de justice et de
cliai'it('\ cl |»ar-ce qu elle |>i'(q)ar'e la Itouue mort. (|U elle
iutci'\ient dans les testaments et établit des l'èules de
droits successoral en l'appoi't axcc cet esprit, (lest
encore parce (]u elle guide et i)ré])ar<' la vie s(don la
loi de Dieu ([u <dle int(M'\ient dans b^ di-oit matrimonial,
fondement de la famille dans bupudle doit se pci'])é-
tuer le règne de Dieu. Enfui, c'est conune r(qu'cseiilaut
un hieu de Itoiitc'^ et ilaniour, (]u elle jiretcndil rciilcr
Ouiliii 7
— 1)K —
1rs i;i]»j)<ti-ts «lintri'tMs ruti'»' 1rs hoimnos cf iiih'i'Vniii-
dans Icms tiMiisjictions ruiimuTciali's eu inlcidisaut 1»'
jH'»"'t ;'i iiiti'i-rt.
Tous ers iaj»|Hiits <|iii tians les sociétés aiiti([uos
riaient ivi^lrs sniliMiiciif j»ai' la coiisidrfatiiiM des iiilr-
iiMs juu't'iiitMit humains de 1 individu ou dr la société,
( lian^éi'cnl donc de nature sous 1 intluoiu-o do 1 l\irlisc
et du i'(Miouv<dl(MiH'nt uKU-al <|u «d!»' ajijxti'tait avec
clic.
Ainsi, d un cnïv. r.ihsrncr de toute législatiou écrite,
a\ait. au tl(dnd du d«'\ «d<t]»|)('ni(Mit des sociétés occi-
dcutales luélc le dioit (|ui les régissait délénïouts hété-
i-oiién<'s «juc 1 1)0 tunsfix ait ti'a«litiouncllonicut coninir
une surAivan«i' des ancicnucs lois barbares et romai-
nes, ou t|ue l<'s nécessités du j)résciit avai<Mit intro-
duites, eu coul'ormite avec Telal social actuel. iJans
I un ou 1 autre eas. e «dait inie courusiou de i'<'i:les con-
Iradieloires. parée (|u"on avait perdu tout souvenir de
1 (U'i,i:iue lointaine de ces lois rt (|ue nul historien du
droit ne >e luéoecupail de la ie( her(duM'. Dautre par-t,
je ( hiistiani^^uie et surtout l llulise, a\aieiit imprimé,
(|Uoi(pi ;i des déniés tr'ès iné,i:au\ et ties mêles, la
man|ue profonde de l 1"]\ aiij^ile sur le droit jxditiipn- et
sur le droit ei\il dont les ju-ineipes relevaient. \\<ni
jdiis de iiiM essilis \ilales ])urement luiiuniues. niais
♦le lidéal dix in tprexpriiuaieut les Kci'ilures et «Inut
1 K^lise avait la i:ardi'.
La l'orme de .es pi-ineij»es. a]>puVé« sui' la rcliuiuii
— \)\) —
cf sur l;i morale, implantés dans les cceiirs pjii- lin-
fluciice 2)ré2)ondérante de IKylise fut longtemps invin-
ci])le et domina pendant de loni;s siècles la conc<'})tinii
sociale des esprits les plus (''clairc's, jns(pi à fnii'c ])(iur
Domat, ({ui écrivait à la lin du xwf siècle. le fond de-
tout ordre politique et de toute crèntion jni-idiejnc.
Cependant, il n y <i j)()inf dans ce monde (|ur des
sociétés chréti(Mines. Sur quelles id('M>s se fondait donc
la léi;islation des nations anti([in's (jni iiaNaicnt j)oint
connu la i:)arole divine? A (pnds principes renioiilaieni
les sociétés encoi'e paï(Mines? (liiez les nues et les
autres, il fallait bien (jue les hommes ensseni tidn\('
dans leurs intérêts ])urenH'nt mati-i-iids et tenq)oi'(ds
les él(''ments de l'ordre (pii a\ait jx'rmis à leurs soci(''-
tés de vi\re! A côti' de 1 idéal snperieni' propos»' par
lEtiiise, il v avait donc une oi-uanisalion s(»(iale pos-
sible fondée uni(]uement sur la l'aison humaine.
iJu Jour on la i'ais(m laïcpu' s'essaiei-ail a faire (en\re
juridi(jue en dehors de ri\i:lise la coexishnice de ces
deux conceptions diann'tralenn'nl oppost'es (le\ail for-
cément enu'cndrer la confusion. Tant (|in' les sociidés
occidentales resteraient en etl'el soumises à 1 idéal de
rj\u;lise. il ne pouvait y a\oir de coid'nsion. tout le
monde r-tant daccoi-d poiir recliei'cdu'r et elahlii' dans
le mènn^ s<'ns l'ordre social.
Malhenrensenienl . cet accord ne dura |)as |oiii;lenqis ;
de Ixtnne heure, l h^lal secoua le j'ni;: de 1 llulis»' cl
,l)ien(ôl l'inti-oduclion vn OccidenI du droil de .lusli-
101)
nicii. 1,1 (Icrolivcrfr <l('s (»ll\ r.iufs (I Ari>lMlc d des plii-
ItiMiplics uiTfs. \iiii('iil (humer ;iii\ cspiils ccl.iiiw's
I (MCisioii (le sr liltcrcr. (loiiiliir les .imhif iniis du jxtii-
Milici\il. rclilli(ilisi;isiiir ;i l,t l'ois cilldit cl iliuciill drs
|tiTiiii('i's (•(iiiiiiiriitatcui's des .iiiciciis dc\;iil .iNoir la
jiliis dan^ei'ousc l'épcirussioii sur la s(didaiiti' des
j>riii(i|>(>s sociaux et la \italit('' drs axiouM-s juridiiiiics
dout !"( Iccidcnt (diréticu était redevalde à I l'!i;lise.
Si dans certains l'^tats, 1 l'iulise était denieui-<''e j»re-
|»<p|i(lerante. dans d autl-es, à cause des relations conti-
nuelles (|ue lui ini|M)sait a\(M- le j»ou\oir ci\il sou exis-
tence tenipoielle a ]»art. elle s Ctait de\ el<i|i|iee à c<'tt(''
de ! l'itat et (die \i\ait a\('c raut(M'ite sur un |)ie(l de
transaction (|ni lui laissait la pleine Jui'idiclion sjiiri-
t ndle. tout en se sounn-ttant |ioui' le tenip(n'(d au |iou-
\(>ir politi(pn'. Ailleui-s, Ij-ltat lavait entierenn-nt domi-
née, se 1 était inc<)i'])oree polir ainsi dir(> et reiixci'saut
les rAles primitifs, il la faisait servir à ses pro|)res tins,
t. ('pendant, nulle part 1 lvt:lise navait al>a:idonne les
|irincipes ipn lui étaient ( liers et la coustMpieuce la |»lns
innin'dial(,' de ce coudiat d intluence a l)onlissa;:t a des
traitements si divers, lut (|ue les |trincipes directeurs
de la société piireUH'nt laKpU' se faisant jour a c ' te de
1 ancienne dis(i|dine de I l'iillise imposée au l'oUi de
1 l'.crilui'c et jtai'l'ois arrivant à les dominer, on
ni(dani:('a dans la |uati(pn' au i: r-e des iMti'r("'l^ en jeu.
mais au plirs ui'aiid domniaiic de la s.iinc lo;:i(|ue.
toutes les notions iuildKpU's et tolls les principes.
— 101 -
Il sciiiltU' iiii ])r(Miii('i' Jihofd ([iH' rEîilisc (Mil di'i s(^
ivjoiiii' (If (M^ttc f()nfusi(^ii ([ui, servie [);u' l.i puissance
réelle ({uelle conservait encore, semblait lui assurer
dans toutes les grandes questions de la vie humaine la
prépondc^'rance sjîi rituelle. En réalitc'', le fait même
que d'autres principes ([ue les siens aient pu prévaloir
en matière politique et civile, était un sympt(jnu^ dan-
gereux ])our les principes <[u'elle proclamait, laiit
au nom des Ecritui'es que ])our satisfaire son ^oTit par-
ticulier de domination.
A nn^sure en effet (jue l'Etat s'organisera daNaiitauc
en dehors de l'Eglise, les jurisconsultes connaissant
entin un(^ société laï(}ue indépendante s'efforceront de
dissi])er (M^tte confusion de jjrincijjcs faxoraldes à lin-
tluence de l'Eglise, mais fort dangereuse pour le jjlein
développement de la société nouvelle. Eeurs raisonne-
ments, d'abord réservés uniquement aux (piestions de
politi(|ue, s'étendront bieid(M au\ mati( res d ordre
civil. Des deux ])arts, ils s'eiforceronf (r(''faMir la
raison à la place du sentinu^nt et d'accorder les deux
aspects de la vie sociale en montrant sur la Nie i)oli-
t'ique comme sur la vie sociale, l'égale et la seule
influence des nécessités matérielles et humaines d'oi--
ganisation sociale, à rex(dusion de toutes causes ('tian-
gères à la nature même des choses.
Flntre I(>s d(^n\ tendances, la lutte fut Ionique et
acharnée. Menée avec vigueur au xvi' sie( le par de
libres esprits comme Bodiu ; reprise a\ ec nuHhode par
— 102 —
M<)lltrs(|ui('n ail Wlll'. c Cst à |irilic si de ikis juins
iiotis la \()\(>iis IciiiiiiKM' |))ir le I i'i<iiii|t|i(' |»i'(''S(Mit de
1 i'sj)i'it |t()silir.
A I t'|H)(|ii(' (Ml ('criNail M(iiit('s([iii('ti, la juisilioii dr
ll'li^lisc (IciiKMirail Irrs l'oflc. Nnii sciili'iiinil. il \ ;i\ail
riK'nfc un i:caii(| iiuinlirc de croNaids jerv ciil-^. mais
(!<' |)liis. rilulisc r(uis(M'\ ait une jiiridicli<iii |tai'liciiliri'(»
dans la(|iir||c iialiind li-iiicid 1 csjirit dt-s lois (-lail 1 cs-
|)iil de ri!i:lisc. Ajinitc/ à cida t|Ur li-diicarMUi de la
jciiiK'ssr clail loiilr culit'i'c cnlfc SCS iiiaiiis. Si dans la
])i-alii|iir. la siiiiiiiission rtail tiioins !il)S(diii' <|ii aiiti'c-
lois, si le levé de lliroci-alic iini\('i'S(dl<' (|U rllr avait
un instant can'ssf' s'(''fait d(''liiiiti\ cnn'ut l'-xanoiii dr\;int
la rudesse (|ue les ,unu\ ernenieids, et en pa l't ieul ief le
t:(in\ erneuM'ul de la h'i'anee. avaient mis ;'i f.iii'e l'cs-
]ieelei' leur droit, en r('a I it(-. ri'tat n'avait |Kdili(|ii('-
nienl asM'ivi ri",L;lise f|n en lui prêtant, jimii- laidet-
dans son d'uv re morale, tout le secours de sa l'oree, cl
jamais les lois de |;i i'(dii:ion cl les prineij)es du droit
canonit|ue n avaient pesé plus lourdemeni sur la
lihert»' de la science jiiridi(pn- cl sur I espril des lois
pOSltix CV.
A c (Me de la conlusion des coul iiun-s, oii aucun sv sh-iiu'
ne pouvait se di'couv rii- : à (ô|(' de la conriision inlr'o-
diiilc dau'^ les |tnn(ipes de droit ji(diti(pw cl civil par
I inllncncc de I l'i^lisc indiue d un idéal <''trani:cr a la
lerre. lions trouvons encore une autre cause de coul'ii-
si'Hi dans [e (|('v (doppcnn-id (jiiavail pris |c droit
— 103 —
romain sous lïmpressioii do la découvorfo de Justinicn.
D'abord, il semble que l'étude de ce droit, surgissant
en plein moyen âge comme la raison écrite, alLiit. en
détournant les esprits de la grossièreté des coutumes
ou de la minutie des procédures, contribuer à ci-écr
sur des principes sérieux, une science du droit i'ol)Ust<»
et saine, également éloignée de l'opportunisme tci-re à
terre du droit coutumier et de l'idéal surhumain de
perfection auquel tendaient les principes du droit
canonique. Et, en effet, c'est Inen ainsi (|ue le com-
prirent les premiers connnentateurs (|ui s'adonnèrent
avec enthousiasme à léfude du di-oit rouiain. Ils y
reconnaissaient la })uissauce construetiv(> de la raison
humaine appliquée à une société constituée unique-
ment pour elle-même et vivant pour elle-même, dans
laquelle les lois ne regardent })oint auti'e chose (fue h*s
intérêts pratiquement mis en Jeu. Ils \ trou\aienl
l'organisation d'un gouvernement très fort sei'\i par
une administration habilement dév(d(q)pée j)our l'aire
tout converger vers lui à. l'exchision de tons les
intérêts autres que ceux de l'I'Jat. \-a\ un mot, ils y
découvraient ■ un modèb' dont la Ixdle (.rdoiinam-e
contrastait heureusement avec l'inccdH-i-ence des cou-
tumes, en même teuq)s (|n'nne couceiition Juridi<|ue
dont les principes s'a})])li(|naienl plus étroitement et
avec moins d'effort aux intérêts politicpu's de la \ie
commune des hommes (Mi société. Aussi cette len.ns-
sance du droit romain marcpiait pour la science p<di-
— loi _
ti(|llc et pniil- I.l sciciicr jll lid ii |llf ] il< i| iitllicil t dite le
|ii)iiil lie i|i-|),'ii'l il une (■Ill.'lll('i|).'ltii)ll lie I.l |)('liscr. (Icj.'l
m- ]ii)ii\;iil (|iic srixir 1.1 cnisr de l.t |t)i:i(|lir rt Ac l;i
l'.iisoii et (• rst liifii .lilisi ([lie IrtiN is.ii:»' 1 lvi:lisc (1rs Ir
premier iiinniciil. |tnis<|iir !»• j).i|h' JiuiKtiiiis III lit on
1220 (li-l'cllM' (I riiS(ML:iH'r 1.1 sciciKT liolix cllr (l.llls les
iiiii\ risilt's rt (Ml |).irticiili('r (l.llls 1 I iii\cisitc «le P.ii-is
(|lli cl.iil citiisiih-i'cc ((IIIIIIK' lil loltcrt'ssc et le sailc-
lii.iirc lie I.l |>iiic (idciriiic ('(•flésiasf i(Hic.
( !c|t('il(l;i lil . 111,1 II: rc ce (|ii il \ .iv.iil en elles «le l'.-iNd-
r.llile ;i I essor de I.l peilvcc lilire. les ('■tildes de droit
riiiii.iiii cdiit riltiiereiit .ixcc le temps ,1 ;iiiL:iiieiitei' la
(■(iiiriisidii (|iii existait d<'j.i dans les pi'incijtes jiiri-
di(|iies. ji.ir le tait de l.t (•(•existence des coutumes de
droit l'eod.il et de droit canonique j)our n\i;l<'r les
miMiies objets.
{•]ll ellct. d une |»;irt. .'i cilise (\u respect llK-llie ipie
Idii ail riliii.lit ;'i ces textes, ils tiiiireiil p.ir |»elrilier l;i
science |iiridi(pi(; en 1.1 contin.iiil d.iiis l.i discussion
pUi'rile de siililililes u r.l llim.l I ici les, en I .icc.lld.int
solls le poids de coin liiell l.i i l'es ipil der( d >.l ieil I .111 .juris-
colislllte I.l n'.lllte \i\.ilile dolll seule il doit si iis| li i-cr.
I.oiiime tout le iiKHide .'iN.'iit iiiii par snltir (ddiu.itoire-
ineill celte l'.IUsse preji.l r.l 1 ioll . oll conçoit I esprit (pif
pon\;iient a|»poi'ter a reliide du droit \i\.iiil les juris-
colisnltes (pi (die ;i\;iil rorilies. l'.l l'on (dni]H('nd I.l
r.iisoii des iii\ ecli\ es des liodin, des ISeaudouili et des
llollm.iii (diilrc mil' mi-lliodr xi sti-rile cl si d(''s;is-
— 105 —
trousc. D'autre part, le succès uième de ces études
avait liui j)ar douiiei- à la législation de Justinieu une
influence empruntée, mais réelle, sur la direction de la
vie publique. On a supérieurement démontré comment
les principes tirés du droit romain inspiraient les
légistes dans l'aide ((uils prêtèrent à la royauté fran-
çaise pour Construire l'état rentralis('' (pii dcxait ahoutii*
à Fabsolutisme de Louis XIV.
Otte influence du di'oit de .Instinieii. si (die fut
utile au dévelo])])ement de l'autorité de nos rois, le
fut incontestablement moins pour le développement
de uos institutions politiques dont elle vint contrari<'r
l'évolution naturelle en introduisant dans notre droit
public, par l'effet d'une adaptatiou artificielle. d<'s
principes qui s'appliquaient à un état social difféi-ent
et ({ui étaient le résultat dune ionique ('vohition histo-
rique sans aucun rap])ort avec ((db^ des nations occi-
dentab^s, et en ])articulier de la l'rance.
Malg'ré cela. 1 accej)tation (b' ces pi'incij)es p.ii' b's
jurisconsultes fut aisée, car naturellement <'q)i'is doidrc.
ils étaient séduits ])ar la force et ])ai' la simj)licil<'- de
l'Etat romain. Le succès (pi ils cuicnt au])rès des rois
fut naturel car ils \ tron\aient à la fois un ])rcccdcnl
pour satisfaire le lioùt d antorité (|ue 1 exercice du pou-
voir dévelopjH' naliir(dlcniciit (diez tout (Mrc liuiii.iin.
et un a])]iui |)our i-ejetei' la théoci'atie Ncrs la(|n(dlc
tendait l'Lulise en tant (\uc corps j)oliti([ne : ainsi (pn-
l'esprit libéral, connnuniste nu'me, (|ue i'('pandaient
106 —
(Inns los mnssr'v; coiix dos hkmhIuos «le rFiiliso fpu
rt.iiciit \)\\\^ t''|ti'is (le ridi'.il ('-N ;iiii:rlitnir «jnc (les satis-
faclidiis (le la |i(iliti(|ii('.
( !<']>cii(Iailt , tous tt'\l\ ([Ile l<''sai<'||t ces (Idcfl'ilK'S Tioil-
vcllcs : les n(tl)I<'s, (|ui (•l'aiuiiaiciit jMHir Iciiis [»i'i\ ilriirs
somcraius ; lo clcrur, ([tii \ oyait ^oii iiitlnciicr jioliti([ii('
l'ôdiiitc : la lioiiraodisic. cnlin (|iii sentait lui rrliappcp
IC^lHiii- (riiiic |»;irtici|iatioii ;iu\ .ill'aii'fs i|Ui' son Iraxail,
SOS richi'ssos. sa scicinc et nn-nic 1 ajipui intoi'cssô dos
l'ois dans le nioniont on ils s Css.iyaiont à fonder loni'
autoi'ité, a\aioiit pu lui poianotti'out l(\uitini<'nioiit i{(^
concoNoii' ; toutes oos diiréroiites j)ai-ties de la uatiou.
coiisoiN aient los youx fixôs sui'los ti'a<litions ainiennes do
la niouai'c Jiie dont <dl<'s in\o(juaient les lois l'ontlanien-
tales jionr les o])|»osei' an non\td espcit dalisolutisine
(|ue (lé\ (dopjiait dans la nionait liie 1 e\enijde du dr(»it
romain.
Ainsi la scienee du droit puldir. jtar 1 elj'et de l'intro-
duction et i\\i succès dos priucijx-s romains, oscillait au
moment même où (die se constituait entre trois ten-
dances diilV'ri'nles issues de trois espèces dillV-i'outos
de j)rincipes contradictoires : ceux que pri'ni.iil rivi:lise.
au nom de la siiperitU'ité des lois dixines sur les |(»is
humaines ; ceux ipu" dè\ eIo|»|)aient les romanistes, ;iu
nom «le 1.1 force dr- 1 ad mi n isf rat ion impeiiale ; ceux
eniin dont se recl.imaienl les esprits hlii'r.inx .lU nom
des traditions paiticulières de la inon.irc liie française,
lous ces piin<ipes se nndaient s.ms ordre, cl cjiacuii
— 107 —
les iii\'n(]iiait tour à t(»ur'. jjliitnt pour los besoins do sa
cause ({uo jtjii'uuc \ Uf hion claire de la valeur louitjue
des foiideuiciits sur lesf{uels ils s"a])puyaient.
Dans le dcjinaine du dmit pi-i\(\ riiitr<Kluction des-
principes du droit romain eut aussi (pioiipià un degré
moindre, des conséquences importantes.
Tout dahord, l'exemple de la léirislation romaine
contribua à développer la j)roc(''dure dans un sens
plus rationnel. Sou^ cette iiitluence. le système (1(> la
preu\(' ])ar teiudins et ])ar eiicpiète, sétaMit ])Ius fci-ine-
ment et la justice devint plus impersonnelle en nuMue
temps (pie plus raisonnable. De plus, en présence du
droit féodal dont toutes les règ-les en matière privée
n'avaient d'autre but cpu' de soutenir le système j)oli-
ti([ue dont (dles sortaient, le di'oit romain, plus p'^ié-
ralenient linniaiii. jdus l'i'ellenient \i\ant, \int ])rèter
son appui au droit coutumier ([ui régissait la société de
tous ceux (pii n l'-taient ])oint uoMes l't ne ]»ou\aient
prétendre, pai- (pndcpie expédient (pie ce fut. aux privi-
lèges féodaux.
Le droit coutnniier. en ell'et. à rin\ei>e dn droit
féodal, et conJ'oi'nK'menl anx pi'inci[)es du droit roniain
déjà admis an temps de Th(''oi|ose. pratl(|nait le jiar-
taue des liiens pateinels ou malern(ds, nn-uliies on
immeuhles. entre tons les <mfants. reconnaissait en
général r<''i:alité des frères et des S(eui's. ])i'o< lam.iil
1(^ droit éi:al des ('-poux anx choses acijnises pendant
le mai'iaue et i^rand ntimljie d'autres rèi:les concer-
— 108
Il.llll 1rs iilili::,lti(ilis et 1rs cnlitl-.lls i|||i t l'i dl \ il ic II I li'llf
|iriiiri])<' (|,iii> lin seul di-sir d (''L:;ilil<' l'I dr iiislicc. |t(iiir
|i!'c(isi'r li's r;i|t|)(trls sdci.nix ;iii niifiix «les inli'ii'ts cl
ilfs ;ill'r(t|itlis. ( )r. (I.llis les sitilcifs ( »ic h le |il,i les. à
ciUsc (1rs |tfi\ ilriics .icrnrdi-s ;iii\ lirl's, il iM'I.iil prp-
soiilir d lin |tril ;iisr (|lli lir ( lir [•( li.'it .1 siissurrr Ir
liriirlicc d lllir IrlTr l'rud.llr on t\t' son r( | il i \ ,i Ir il t .
An <l<'tniiiriit i\c 1,1 socirlr iiomi.ilr, 1,1 sncirir IV-o-
d.'llr ;i\,'iit ;ir(';i|);i rr lolllr 1,'lltrnliMii ri l'.nl | trrdnini nr f
d.IllS IdIIs 1rs dimi.lilirs suli ili(]||rlMr spcrLilr, \'.\\r
ritiisrrva |i)|ii;t('lll|)S ses dclriisrills. rt. |i;il(r (|nun lir
sii\;iit |»;is rrcoiin.'iit rr roiiuiiii' |i;i rtir iilirrr drs lois
IV'odalrs. il y a\ait dans la soric'-t*'-. au iiraiid |ir<'JMdirr
i\r la loi:ii|nr. un conflit entre les |»riiici|»es nouveaux
et les ju'iiieipes aiieieiis de nature a entraiiier, sinon
dans la |)rati(|iie. au iiioins dans la tlieorie. une eonru-
sioii dont la scie liée du d l'oit était la \ ht une. Il est \ rai
de dire (|||e jdlls le tiers i'itat uiraiidil. et (|lle jiliis il
|tril uni' [ilace iniportante dans la \ i<' sociale, jdiis le
droit roiiiain se ri'|taii<lit cl |dus il sariirnia contre ta
rcLlIc idéale de la socii'de cixde, ail point (|ne jiar
|)<niial d alioid cl |iar polluer eiisiiitc. il huit jiar pas-
ser re(dlcliieiit dans la loi ci\ile de I ancien reiiiliii'
d oii il s est peip('lu('' jus(pic dans le inilre. Mais, ail
niollieiil où il apparut dans une société toute leodalc
et tonte r(dii:ie||se. sa lloll\eailte, ses disseliddanccs,
dues a la diUV-rciice des telli|»s et des IlliiMI l's. de\ a ieU t
jeter le troultle daiis Iticn des csprils. (Quelle science
— 109 —
dn (Iroil ]»(»n\ait cxistci- Jiloi's, <ju;ui(l le di-oif sr coni-
posjiil (le tant d élcinciits di\(M's. s'apj)uyant chacun,
tant au point do vue ])(»liti(pi(' ([u au point de vue civil
sur tant de pi'incijics différents.
Ajoutez à cela (pià partir du \V sicclc. le progrès du
travail libre, le développement des rapjjorts commer-
ciaux \ ini-ent forcer la théologie et la morale à recon-
naître la légitimité des ettbrts (jue tirent les particu-
liers pour s'enrichir par 1 industrie et le commerce. La
vie économicpie prit ainsi par la force des choses place
dans les j)réoccupations des lét;islateurs. et par suite
elle entra dans le (hunaiiie du droit. .Mais en y eidrant,
elle introduisit à son tour un princijx' nonxcau : c'est
(jue tous les eit'orts faits dans le sens de iacipiisition
des richesses ont leur raison d être dans les I)esoins (h-
la société et les exiu-ences du hien j)uldi<-. Les sc(jlas-
ticpu's le reconnui-ent les pi-eniiers : mais eiicid-e tout
ind)us de leur concejjtion religieuse et juoiah- de 1 oi-
dr<' social : il ne se doutaient pas de la foilnne cpii
de\ait ('(dioirà ce |»i'incipe dans la créatiou de la science
])ositi\e Au droit.
\]\\ allendaiil. de la coexisieiice de Ions ces droits el
de l(»us ces iiiter('ts. naissaient une <''trani:(' ciinlnsion.
(Uiacun s ('ll'orcait de taire |»re(lomiiier sa propre con-
ception de Tordre : selon le teni|)s et scdon h's aul<-urs,
on se réclamait des uns ou d<'s antres.
L'est dans l'oi'dre politicpii- surtout (iiie | on ne
savait au({U(d entemlre. Les uns faisaient de I autorité
— 110 —
(lu l'ni I im;ii:c dr 1 .lutniil»' (li\im' cl |iit'lrii(l;iiriil la
iiiiiilt'i' idiiniic celle (le Dieu, j»ar sa |>i(»j»re justice ef
])ai' sa pi'djii'e |»(»iile. se r'csei'Nanl toutefois je dntit de
la dii-iiiei- et de !'('( jaii'er eu leur ((ualité (ruiii(|UCK
deteufeui's de la sainte Parole. Les autl'es. ue Soii-
ucjint (|u à restaurer' la souvei'aiue |)uissauce de la
uiajeste iuijK'riale. ((iud(jiU's-uus eidiii. sentant la forer"
(\u j)fni|>l<\ osaient [jrétendre à la soUNcr'aiiielé de l.i
nation dont les i-ois ou los ]ua,i:istrats lu* scM'aient fjiie
les (l('l(\i;ués.
(lest aux \iv' et w' siècles surtout. (|U a j)|»a ta it
cette dernière lhe(»rie lol'S(|Ue les rois eurent Itesoiu
de l'aire aj»|)<d a la l>onrse de leurs sujets. Il \\'\ ;i
rien de t(d (|Ue de |ia\ei' |>ourse sentir aussit('it des
(h'oits : c est un sentiment (|ui durera autant (|in>
1 liuiuanit('-.
h un antre c(Me. les à|ii-es luttes r(diL;ieu>ses du
\\l'' si(''( je et la \i(dence (|Ue loi) prétendait l'aire aux
consciences, jil aj»|»re(ier /i\cc une s\in])atln<' .Jus-
tin alors inconnue les liienfaits de la lil»ert('. .Mais alors,
dès (|ne I on raisonna sur' ces besoins fondatuentaiix de
la \ie sociale, ajiparirt dans tonte sa force la liitle des
|»r'iiici|tes coiitradictoii-es. la confusion (|n (die enL:cn-
dr'ait et la m'-cessite d \ |»(U'ler icnhMJe.
pour c(da. il ue sufjisait jias (\\\ sentinteiit. iU\ c'est
au nom du sentimerd (|Ue les d(>|)ul(''s des l'itats Lîérré-
r-aux. comrtie les jurisconsultes faiseirrs de lilifdles,
|>i-o(laiuaierit leurs droits nu liAtiissaienl leurs théories
— ill —
dans Icsffuellos il faisaient ajjpel aux arguments d'ori-
gines les plus diverses.
Les protestants à l'aide de la Bible, les catholiques
ap[)uyés sur les Ecritures, les uns et les autres renfor-
çant de lautorilé des anciens leurs théories les phis
suhversivenient logiques, et les assaisonnant de leurs
passions, remettaient en (piestion tous les principes et
toutes les traditions qui avaient étayé jusqu'alors l'ordre
social. Blessés par le pouvoir qui les 2>ersécutaient ou
ne les soutenait pas assez, ils en discutaient l'origine,
l'usage et les devoirs, et ils |)roclaniaieiit le droit
aI)solu des gouvernés à. dresser contre lui le témoi-
gnage de leur conscience et le sentimcMit de h'ur
liberté.
Mais jamais le sentiment n a rien pi-ou\é dans la
])rati(pie ; il est aussi varié (jue la nature (b's in(li\i(his
(pii le ressentent et r«^xpriment et tous les ai'gumeiits
lui sont bons pourvu qu'il se satisfasse. Aussi le
déchainement des revendications i[uo l'on voit jiaraitro
alors, loin de dissi|)er la confusion ne fît encore (|ue
l'accroître en jusliliaiit ])artout la fi'xojte ouverte et le
n^épris des usages et des traditions, en poussant nn-me
au renversement des l'ôh's jus(|u"al(U-s teinis. il rs\
vrai que la spécieuses logi(jue de la théorie du contrat
originel fait de la niasse du peuple le souverain dont
le magistrat ne doit être (ju'un délégué obéissant.
Ce qu'il fallait ])oui' sortir de cette inipass<\ tant eu
droit public qu'<;n dnùt privé, c'était nn(> méthode
— 1 1 -J —
(1 ;iii.il\sr jilli(lii|ll(' <'\;i<t(' cl prt'cisc sci'N.llit <!•• l)asr à
lllif sviitlicsc l',iisiiliii;ili|(' lies cliMiiriiK itcomiiiis.
Hodiii (Mit 1 IloiilH'iir il cillirNitir un drs |»|-i'llliris ( rllc
issiK".
li'cst <"ll ITiiiuiil.iiil ,iii\ s(>iircr>s liislii|-i(|||fs. <l où
soi'l.iil I (>ri:;i iiis;ilii)ii ]»(iliti(|iir (lr> |i('ii|»l<'s iiifulrriir^,
<|iiil |»r('lcii(l;iil rcsoiiil rc i .ilKiiiiicllfinciil les |trn|ilr-
lucs (|iic s(Hil<'\;iit Ir droit puldic c Cst d.iiis iiiic ;iii;i-
l\st' dfs coiidilioiis iii;it(''ri(dlcs iiiipoM-cs a la \it'
sociale par la iialmc |tli\si(Hif ou |)ar ((dlc il<'S raj»-
|iorts sociaux, (|u il ci'o\ait lcou\cr les jti'inci|»i's cci*-
taius du di-oil cixil. counuc du dioil ccououiii|uc.
(iepciidant. lualurc loulc la \alcur des écrits de
Hodin. ils ue douuaieni (pu* des indications dont les
contemporains ne pou\aient saisir- toute la |ioi'tee.
Leur esjiril tlieo|oi;i(|Ue. les lialutudes étroites t\i' colU-
nuMitateiirs du droit i-ouiain. laltsence aussi de docii-
nu'ids |)our l<'s ('tudes jutsilahles nét-essaii'es. leurs
|)assions eiiliu s"\ opposaient. Hodin. lul-nn"uue. n est
dailleurs pas dtdtarrassc conijdetenient des idées
anciennes, et. a <(~ite des \ ues les |)|us neuxes et les
plus liardies. un trouve (die/, lui hien des sur\i\aiices
ou I ou rec(Uinait la niaripu' de lesjuil sc(dasti(pic de
ri:^lise, d'.Vristoti' et de IMaloii.
l'ourlant, couinu' I (ui sentait jdns (pie jamais, sur-
tout a|»res les luttes et les dt'cliii-ements <||| \ \ i' sièide,
le liesoiii d ce la irci r jia r des principes certains. uiii\er-
Sellemeilt accejiles, le sens des lois est de coordonner
— 113 —
en une science unique celle de tous les droits divers
auxquels la société faisait appel, quelques esprits pen-
sèrent trouver la clef en développant les notions de
droit naturel sur lesquelles les jurisconsultes romains
avaient étayé tous leurs raisonnements juridicjues et
qui avaient l'avantag-e d'appartenir, moins à telle ou
telle confession cpià l'humanité toute entière.
Ces nouveaux principes entrevus depuis longtemps,
mais développés avec ordre au commencement du
xvn'' siècle par Grotius et Puffendorf eurent bientôt
une vogue extraordinaire.
Dilierent en effet de la morale religieuse qui ne
s'adresse qu'à la conscience individuelle, et ne songe
qu'aux destinées futures de l'àme, le droit natui'cl
avait encore l'avantage de tenir plus de compte ((ue
Platon et Aristote des besoins de la société civile et
de ses conditions d'existence tout en restant assez géné-
ral pour s'appliquer à tous les hommes. D'après les
auteurs de cette école, les devoirs extérieurs de
riiomnie ue sont point (b'-tei-minés seulement j)ar le
souverain de l'I^tat. mais jjar la nature proj)re de
l'humanité dans laquelle on peut seulement retrouver
le fondement premier et légitime des sociétés bumai-
nes. Le droit naturel peut être envisagé sous trois
points de vue difterents qui se complètent niuluelle-
ment et finissent par embrasser tous les rapports
sociaux et l'idée de justice elle-même.
Sous un premier point de vue, le drait naturel ne
Oudin s
- 114 —
commit (}iu' dos i-;ij)j)<»rls (jui s inijioso»! à 1 lioniiuc
par le seul l'ait ilo sa naissance et par la place quil
tient au milieu des autres honmies. Dans ce sens, il
s';ippli([a<' j)airKnliri'(MU»'iit an niariag-e et aux liens de
famille, laissant de rCAo tous les rapports ({ui dérivent
du dévelop])ement de la civilisation.
Ces dernieî'S i'a]>ports forment comme une seconde
couche du droit naturel (jui s'occupe <ie la propriété
privée et des contrats usuels, ainsi que des fondements
naturels ot léi:itinics de la société.
i'infin, eii dernier lieu, et pni" une oxttMision abusive
des mots, le droit naturel est conçu comme la forme
supérieure de l;i justice ; il se confond avec l'étjuité
naturelle et avec la morale. .Vlors, les confusions (jue
l'on prétendait éviter reparaissent, car on réintroduit
dans une matièi-e essentiellement positive les spécula-
tions philosophiques. La loi naturelle devient Texpres-
ston de l'idéal divin déposé par Dieu même dans le
caMU- des hommes et c'est ainsi (pie l'entendent (îrotius
aussi bien <|ne Domat, lorscju ils assignent aux lois
j)our fondenieiil et ])our hase, rhonuctetc morale et la
volonté (JiNJne,
Mn résumé, an moment où Montes(jni<Mi <''j)r'on\e le
hesoin de i'(''tl('<liir sur \ Esjirit des Lois, on se tn^nait
an ferme d nn<' e\ohilinn de faits et d'idées foi't com-
]deN(' <|ni rcml.iit ni'-rcss.iiiT une < lassiiicatir»n ration-
nelle (Ir, I il.il de stabilité aloCK établi rnjjn «Ml
Occident [>;uini les rapports sociaux présentait l'occa-
sion la plus i'avoraljlc pour uiesurer le oheuiin par-
couru.
Partout, en effet, les j^ouvernenients avaient actjuis
une forme (jue Ion pouvait considf'rer connue di'-ilni-
tive. Partout les rapports sociaux s'étaient étendus ])ar
un dével<jppenient du coJuuuMxe et de Fiiulnstrie (]ui
multipliait les points de contact entre les nations ainsi
qu'entre les gouvernants et les gtmvernés. Vu champ
plus vaste et par suite plus tÏM-ond s ou\ iviit à 1 analyse.
Le déveloj^pement des classes moyennes en<în gran-
dies à travers une lutte opiniâtre contre les difficultés
matérielles et sociales de toute espèce, avait rvôô un
courant d'esprit plus vpvïs de r('M!it(''s (|U(' de spcrula-
tions vides, et cet état d'esjd'it »''tait (Muineinincnt favo-
ral)le à l'inti^oductioii dans les sciences jui'idi([U('s dnn
esj)rit d analyse p:;siti\(' où les faits tiendi'aicnt plus
de place que la théorie.
A tous les points de \ ne donc, le moment i'tait fa\(»-
i-al)lc pour entreprendi'c un \aste travail de cooi-din.i-
tion juridi(pie, c'est-à-dire pour la ciu'atioii <l une
méthode capalde de i-(''soudre les contradictions et les
confusions accumuh'es de])uis des siè(les ]iai' I etl'et
des causes que nous \enons d"ex])oser.
Le moment était favoralile j'oni' d'autres raisons
encore. Tout dahord. à moins d'un boulevei-sement
complet des fondenu'ids de la soci<'tt'>, on ne pou\ait
imaginer pour la science du droit d autres éh^nuMits
que ceux que connaissaient déjà les sociétés occideu-
— 1 m; —
talcs : ('Iriiionts puisés aux sources romaines, aux
sources Jjarhai'cs, aux sources écononii(|ues, aux souices
coutuniières, à l'équité, à la charité, à Tintéréf.
h autre [)art, il venait (i«» se produire sous le i'ét:ii(' de
Louis XIV, sous l'influence de (]oll»ert. de Pussoit d de
Lamoignoii. un \.iste uiouvemeul Icuislatif (pii n a\ail
pas encore j)roduit tous ses fruits et i\ur la inoiiaiM liie
se dis]iosaif à continuer.
Au [)<»int de vue politicpie enfin, le xvu'' sièi le avait
vu se développer deux formes contradictoires de u<ui-
MM'Uenient : en Angleterre, le gouvernement liheral
a\<'e le triomphe de la dé(dai'ation des droits accejitee
par (liiillaunn^ III ; en l'rance, c était laUsolutisnii'
sans contrepoids. inau,i;ui'é par Louis XIW Si Ton peut
dire «pie cette déviation était dans l'esprit des rois
capétiens, elle était ])our le moins contraire ajix j)ius
\ ieiljes traditions nationales.
\'A\ l'ait, il était donc utile de toutes façons de ramener
les esprits à une anaKse plus (laire de toutes les
notions jm-iditpM's dOù dépend lOrdi-e social.
I!n théorie, la tournui'e des esprits éprise de realité
et déraison, les |>rincipes de la \i'aie met hode scienti-
li(pu* exposés pal' l)es<-artes et dé\(doppes par ses
discij)lcs. pi'éparaient une \<iie sure oh I on |)on\ait
s'engager avec confiance à la r<Mliei( lu; de la véi-ité.
C'est dans cette \oie (|ue s'engagea Montesquieu.
Nous aNoiif. montre comment les principes de la
— 1 u —
méthode cartésienne peuvent s'appliquer à la méthode
suivie par Montesquieu.
Faisant abstraction des théories énoncées jusque-là
et ne s'en souvenant que pour leur opposer les résultats
de son analyse, Montesquieu se préoccupe selon les
précejîtes cartésiens de rechercher les éléments simples
de la vie sociale que les lois ont pour objet de régler,
de classer les rajjports qu'ils ont entre eux, de
manière à bien distinguer les principes qui s'appli-
quent à chaque ordre de phénomènes étudiés. Ainsi, il
pourra raisonner, sans risque de s'égarer, sur des
notions claires et évidentes, parce quelles se rapj)or-
tent toutes à la nature des choses. Aussi ne s'einbai-
rasse-t-il pas, avec raison, de rechercher l'origine de
la société ou du pouvoir, aussi ne se demande-t-il j)iis
à qui appartient ou n'appartient pas la souveraineté ;
ce sont là pour lui des spéculations abstraites et sans
aucune utilité pratique.
Deux faits primordiaux sont certains, c'est (jue h's
hommes vivent en société et que les lois continuent à
maintenir l'ordre de ces sociétés pour leur jjermettre
de se conserver.
Pour se rendre compte de Y Esprit des Lois, il sut'tira
d'analyser d'une part les besoins ])ermanents et géné-
raux de l'homme vivant en société, besoins innés,
pourrait-on dire, résultant en tous cas du fait social
dans ce qu'il a de plus général ; et d'autre part li's
besoins dérivés de certaines causes secondes (jui nioiH-
- IIS —
lient. |);ii- le ((tiif.irl (le 1,1 n'-.ilift'', l;i vie sr»ci;il('
al»sfi-;iit(* et lui (loiinciit les diUciTiifs .isjx'cfs (|u Cllr
|)(Mit rcvriir.
Les licsnilis ililli'S sont celui (l'.illturiN'' et de liliel't('' :
I ;iiif<>rite jxnir iii;iiiiteiiir uni le cdciis s(ici;il. |;i lilterte
])(>iii' satisf.-iii'e les hesnins j)ai'tienliei's des irnlixidiis
(|ni Ir e<tni]>n>«ent.
Paiini les liesoins (l(''ri\ l'-s. il faut ran;^er tous ceux
(|ui rt'snitent des relations niatéi-iellcs et mofalcs entre
les dill'erents ur'tujtes dlninianitc' (ni entre les indi-
\ idus.
Les lois de tout ordre j>o|ili(|ues, cixiles, »''(t>no-
jni(|nes. de droit des u(Mis. de discipline ec<d»''siasti(]nes
même, n ont d antre ohjet ([ne de rt-pondre à la satis-
l'actioli de ces Itesoins ([ne crée la nature des «dioses,
satislaction sans la([U(dle la soci(''ti'' ne sain-ait \i\re.
J'olU' connaître res|)rit de ces lois et leurs limites, il
>snl'lira de lonjoni's Ic^ ra|i|>orlerà I o|»jet nn^ne ([u (dles
(loi\ent r(''L:!er, (dtjet dont laii;d\^e a l'ait c(ninaitre le
caract("'i'e [)articnliei'.
lai ces (|U(d([nes mots r(''si(le t«nit 1 /•.%/>/■// ili'-~ l.nia ef
toute sa nu'tliode. Si I une [tarait tro[i sinijde et I autre
tro]i teia-e-à-terre. il ne laid |»as s en [daindre. c est la
conditinii nii^ne de son succ(''S et le -'i-e de la \(''rit(''
des [ti'inci[tex ([ni laninnui!. l'nissious-nous les axoir
(l(\i:*aLr('S dans toute leiu' imUNcaute. dans toide leur
unifi- et dans toute leni- force.
Montesquieu et Spinoza
lout porte à croire que Montesquieu connut par
lui-même, au moins dans leur ensemble les doctrines
de Spinoza. Dans quelle mesure ont-elles pénétré sa
pensée? Les accusations qu'on lui a. adressées sont-elles
justifiées ?
Il nous semble qu'il faut tout d'abord distinguer dans
cette recherche deux ordres d'idées et comme doux-
faces de la cjuestion.
Il y a dans le système de Spinoza toute une partie
abstraite et métaphysique dans laquelle le philosophe
expose sa conception do Dieu, de rame, de riioimiic,
et détermine les rapports de la divinité avecla ciMNiliDii.
Ces spéculations constituent l'otijet de l'Ethique <|ni a
pour but de fonder les liases (\o la vio morale et dCii
établir les règles, (j'est donc en vue dune action con-
crète sur les hommes que Spinoza rétlécbit et éci'it. Sa
niétaphysique est pour lui un nio)(Mi et non une lin. l'n
- h20 —
cela. iii,ili:i<' sou isolciin'iil \ oloiitaiir, il |)aiti(i](f à
r('S|il'il (Ir son siècle dont loiiies les leil<laiices |iliilo-
s<)plii(jiies sont tournées vers la praticjue beaucoup |»lus
(jue vers la théorie. Cette praticjue c'est celle de la vi(»
intellectuelle et morale. Etablir cette ])rati(|ue sur <les
principes solides avait été déjà ramliition <le hescai'tes.
("/('tait celle (le toiis les (trateui's de la cliaii'c clii-etieinie
(le}>Mis Hossuel jus(jU à HolirdaloUe. (ie l'ill aussi c(dle
des écrivains cpie Wwi a apjxdés moralistes, (les der-
niers sajjpuyaient sur 1 expérience journalière. Les
sermonnaires puisaient leurs principes dans F Ecriture
sans s'interdire toutefois les révélations d'expérience.
Les philosophes allaient chercher les leurs dans une
réflexion logiquement conduite sur la nature des choses
telle (|u*elle apparaissait à la raison. Ainsi le xvu*" siècle
qui semble au premier abord si terme et si assuré dans
ses principes nous présenti» au contraire une acti\ité
de l'ecliei'clies, une in(jui(''tude intellectuelle, nn debaf
angoisse'' sur les grandes (jueslions (|n! inl(''ressenl la vie
de riinnianit('' dont le sjiecfacle nous tonclie et nous
émeut.
Mais à (ot('' (le la vie ni(»rale. tonte indix idiielle, il
y a la \ ie sociale, la vie j)oliti((ue coninn' on disait alors
(|ni est la manifestation essentielle de la \ ie de I lin-
nianile. hescarles na pas en le lenqis d \ soniicr, mais
liossuel écrit sa jxditicpie tirée de ri'^critnic sainte et
Spinoza, (pii vivait dans la familiarité des Irercs de
Witt, dans cette Hollande du xvn'' siècle (jui nous donne
— 1-21 —
le spoctaclo d'un peuplo en train d'oruaiiiser son indô-
pendanco, Spinoza écrit son traité Theologico-Politicm.
Le traité est de 1670, l'Ethique de 1676 et tout son
système est déjà construit quand il écrit le premier
ouvrage (cf. Brochard, Le Dieu de Spinoza. Rev. de
droit et de morale, 1908, p. 129), et son traité politique
où il s'efïbrce d'appliquer ses j^rincipes directeurs à la
constitution des sociétés et à leur organisation poli-
ti([ue. De la spéculation, il passe à la réalité et cet etl'ort
est des plus intéressants par le souci d'exactitude et
d'observation qu'il manifeste. Après avoir écarté les
politiques théoriciens et utopistes qui raisonnent dans
le vide, aussi bien que les politiques empiriques qui ne
cherchent pas les lois profondes de la vie sociale et ne
connaissent que la surface des choses, Spinoza s'ex-
prime ainsi, et ces termes nous donnent la véritable
signification de son effort : « Pour moi, mon dessein
n'a pas été de rien découvrir de nouveau ni d'extraor-
dinaire, mais seulement de démontrer par des raisons
certaines, ou en d'autres termes de déduire de la condi-
tion même du genre humain un certain nond)i'(' Av
principes parfaitement d'accoi-d avec l'expérience, et
pour porter dans cet ordre àe recherches la même
liberté d'esprit dont on use en mathématiques, je me
suis soigneusement abstenu de tourner en dérision les
actions humaines, de les prendre en pitié ou en haine :
je n'ai voulu <[ue h's comprendre. » [Trai/'' ihèoloij.
polit., I, -4).
— 1-22 —
Or nVsf-ro point iHcWisriiu'iit cot osprit qui piîdo
M(»ntos(jui('n ilaiis sa l'cclicrchc de VEspril t/rs Lois.
Si nous voulons donc rtuclitT lo sj)inozisni(' de Mon-
osffuiou, il faudra faire doux pai-ts dans notro oxainon :
la pari de la lln'-oiio et des principes directrnrs. la part
de rajipliiatioii ]trati([n<'.
C'est sur ce 2)renii('r ]»(>int (piinsistent avec force les
contradicteurs de Moiitesipiieu et ils n'ont point tort îY
leur jjoint de vue car le caractère des ])iincipes admis
enjiacre toutes les solutions pratiques (pir I <»n jx-nt don-
niM" an proldrnic |tiditi(pie et social. I >ans (|nc|(|n(' hypo-
thèse (pic I on se j)lacc en ell'ct, cette snhltioii est le
résultat dune (h'-duction (h)nl h^s prémisses reposent
dans rid('»e ijue l'on S(^ fait connue le dit si nettement
Spinoza, de la condition même du i^cnre humain. Il en
est de Montescpiieu comme de Spinoza, comme de tous
les philosophes [)olitiqu<'S de ce temps (>t des ti'nq>s
sni\ants. I >e Locke et de I lohhes coillUie de jlossnet et
de Domal ; de llonssean comme de .h" Konald on de
Maistre ou même de nos socioloiines uiodernes.
Hr l'idée (|ne Ion se fait de la contlition du ui'Jire
linniain. snj)|)ose tonte une philosojihie. tonte nne in<''ta-
|>li\si(|ne même : idle enuai:*' non >enlenienl la ipies-
tion de sa\(iii qind est 1 t'-tat naturel des hommes sm- la
tei-re les uns vis-à-\is des auti'cs, mais celle de leurs
rapj»orts avec la |)i\initt' et ])ai- suite l'existence et la
nature même de cette hi\init(''; mais celle .mssi dt«
sa\oir dans (pielle mesure ils s(»nt soumis pour s'y
— 123 ^
adapter aux lois de la nature ou cajjablos de les
moditier quaud l'adaptation pure et simple -est difticile
ou impossible.
C'est là-dessus que les Nouvelles EccUsiasùfpifs cbei-
clieut cbicane à Montesquieu ; c'est à ce propos qu'elles
l'accusent de spinozisme et c'est sur ce terrain que nous
allons les suivre d'al^ord.
Pour tout chrétien, pour tous ceux qui connue Dagues-
seau par exemple, qui peut nous servir de type, sont
attacbés aux principes traditionnels de l'Eslise, si bien
appliqués aux sociétés civiles par Domat, Dieu, créateur
du monde et des honnnes qu'il a faits à son image, a
donné à ces dernières une loi, qui est la loi d'amour
conformément à laquelle ils doivent régler toutes leurs
actions pour tâcher de réaliser sur la terre la beauté de
l'amour divin. C'est vers cette tin qu'ils doi\('iit tendre
et c'est à la lumière de cet amour dix in (piil leur faut
organiser les rapports individuels qui constituent h'
droit civil. C'est encore Dieu (|ui, «"'réateur et ordonna-
teur souverain, donne j)ar son exenq)le aux honnnes
l'idée d'autorité et la notion d"(d)éissance (|ui doit for-
mer la liase (h' ions Jes rap[toi-ls |)olilii|ues. Dans cette
cone(q)ti(tn, hieii est consich'ri'' comme extéi-ienr à sa
création (piil aninu' de sa vie et de son esprit. l\ien
n'arrive que par sa volontc'. l'ji lui réside toute justice
et tout gouvernement : les choses n'existent que pour
offrir à l'homme l'occasion de sunnonter par sa volonté
les ol>stacles qu'elles hii pi'ésentent et toutes h-s solh-
— l-i'f —
«•itatioiis (le I;i ii.itiin' iiintci'irllf. ddiNcnt rrdci- à l.i
supiMMuatic (le l;i notion sjtiiitiK'Ilc fiiiaïKM' (lircclcnn'iil
(le l'esprit (le hicu. et j)ar la<jiioll(' est vaincue la uros-
sièret('' (les inslinrts et des passions et sont hrisc'-s les
liens (jui encdiainenf rimninie ,i l;i matière.
A e(~tté <les or<lres di\ins, les pliilosoplies |)oIitii|ues
inil)lis de l'esprit du droit romain l'ont intervi-nii' les
révélations de la ciMiscience morale (|ni ile<on\ re en
(die par I (dlét d im retoin- sur (dle-niùin(\ les prineijx's
(pii fondent au-dessus dos lois arhitraii'cs et («nitin-
gentes de la société un droit naturel, applicable à tous
les hommes, ]»ar le seul t'ait de leur liunianit('' nièun'
— comme 1«' droit de hoinal se |(nide sui- la nature
divine de 1 iiomme — ce droit naturcd sinsjure des
princij»es iiénéranx d (''(piiti- et de justice (pii pro(da-
ment I t'minente dii:nit('' de la |»ei'sonne humaine et
veulent en taire respecter toiijoui's et partout les ;ispi-
rations, tant (pu- leur satisfaction ne nuit pas ;i la lilterte
du voisin.
(l'est ce droit natur(d dont la prenn('-rc trace se
tl'oUNC dans les ecr'its des pliilosojdies de I anti(piite et
(pu' (liei'( lient à detinir des philosophes connue (iro-
tius et Pull'endorf ou dont ils essaient d étendre «m de
linntei' l'action. .Mais d Où jirovieniu'ut ces .in crtisse-
nients de la conscience (pi ils nous donnent ((tmine
t:ui(le .'(le sont des idées ium'-es en nous j);ir l (dlét de
notre nature dixine. .\invi les pliilosu|ilies du dioit
iiatur(d se i'atta( lient aux t lie(doi:iens eu ce (pi ils
— ira —
admettent comme eux une influence divine extérieure à
riîonune, supérieure à toutes les choses créées et direc-
trice de toute activité. La seule différence est qu'ils
font jDrovenir cette influence de la conscience tandis
que les théologiens nous renvoient directement à la
parole de Dieu telle qu'elle se trouve exprimée dans
les Ecritures.
Alors apparut dans les dernières années du xvn'' siè-
cle une nouvelle école philosophique qui voulut envi-
sager les rapports des hommes entre eux en dehors de
toute influence divine et dans les seules conditions
(pu^ leur impose la vie au milieu de la nature. Les lois
d'existence qui leur sont faites sont encore des lois
naturelles. Mais il no faut pas les confon(h'e avec le
droit naturel dont nous parlions tout à llieure : ce (h'oit
est la conséquence de la nature idéale que l'on suj)-
pose à l'homme, émanation de Dieu. Les h)is naturelles
dont il est ici (piestioii ne sont autre chose (pie hi
constatation des nécessités naturelles d'existence
qu'impose aux hommes ;V la fois la nature (hi monde
dans lequel ils sont j(>tés et la nature de leurs appétits
et de leurs passions (|ni ont a\ant tonte diosc Icnr con-
servation j»oni' Wnt. (]<'s h)is natnrcUcs, te sont ou réa-
lité les lois de la luiture.
Partant de ce point de vue, ces nouveaux philoso-
phes arrivent à des conclusions que l'on peut facile-
ment résumer dans les propositions suivantes :
i" Los hommes naissent tous éuaux et lihi-es ;
- 1-26 -
2" lj' (•f)iil;i(l (le CCS forces cigales (.Mi::('inlrc l.i i;(H*ri'ç
et coudiiil ;i I im'>i:alit<'' ;
3" Le rolc (le 1,1 s(ici(''t<'' et des lois doit cire de l't'-ta-
hlir Tordre, soit en raineiiaiit mit la terre 1.) lilieite et
léiialité piiiiiitivcs (Coiniiic le \eiil Locke , soit en
niaiiiteiiaiit jiar la force les inégalités consacrées (ainsi
que le s(»uliaite ll(d»l»es).
Ces constatations imiis perini'ttent de niienx saisir
l'état d'esjirit dans IcMjuei se trouvaient les contempo-
rains (le Montesquieu en pr(''s<Mice des iiran<ls prohlè-
nies sociaux et la confusion (pu- Ton taisait naturelle-
ment des termes : natui'c, di'oit natnrcd. lois de nature,
lois naturelles, employ(''s indilleremment pai- l<^s mis
ou les auti'es, cliacim y attachant des sens tout à fait
ditIV'rents.
Pour Spinoza, les ln»mme> ne sont ni eiiaiix ni lilires
par nature. Ils ne le sont j)as davantai:<' ]»our Montes-
quieu.
Hien de i r (pii existe n Ctant (pi une mo(Iifjcation des
attriluits ,\i' hicn. les hommes ne s(»nt <pi une modili-
cation de iMeu eonsidei-e en tant (ju «'tendue, si Ton
son.ijc à leur corps, et consid(''r('' (Mi tant (pi'int<dlii:ence
et volonté si Ton a en \ ne leur ;lme. Ainsi hieu. cause
de soi. est cause (\i' tout et tontes les ( hoses S(»nt
fléterniin(''es pai- l.i nccessiti' de la nature «le hieu à
existei- et à aiiir «lune façon donnée.
'/est sur cette idée de nécessit»' (pie les n'-dacleurs
des Muucellcs ecclé)>iastiques ont entrepris tout d ahord
— 1-27 -
Montesquieu, pour lui reprocher le spinozisme dont il
se défend avec tant de vivacité.
Voyons un peu le fond des choses.
Les lois dit Montesquieu, au dél)ut de livre I de
V Esprit des Lois, dans la signification la plus étendue,
sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature
des choses : et dans ce sens tous les êtres ont leurs lois ;
la divinité a ses lois ; le monde matériel a ses lois ; les
intelligences supérieures à l'homme ont leurs lois ; les
bêtes ont leurs lois ; l'homme a ses lois.
Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit
tous les effets xjué nous voyons dans le monde, ont dit
une grande absurdité : car quelle plus grande absur-
dité qu'une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres
intelligents ?
Jl y a donc une raison priuiitive ; et les lois sont les
rapports qui se trouvent entre elle et les dilférents
êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux.
Dieu a des rapports avec l'univers connue créateur
et comme conservateur ; les lois selon lesquelles, il a
créé sont celles selon lesciuelles il conserve. Il agit selon
ces règles parce qu'il les connaît ; il les connaît parce
qu'il les a faites ; ils les a faites parce quelles ont du
rapport avec sa sagesse et sa puissance.
Comme nous voyons que le monde, formé par le
mouvement de la matière et privé d'intelligence,
sulisiste toujours, il faut que ses mouvements aient des
lois invariables^ et si l'on pouvait imaginer un autre
— Ii'8 —
moiuk' (jiir coliii-ci, il aid-tiit des ri'tfics conslantfs ou il
sf'rai/ (hUndf .
Ainsi la «-iration (jui paraît être un artc .irliiliviifc
suppose des règles aussi inNai'ial)I<*s (|iir la f'ataiit»* des
éthers. // sérail ahsunlr <lr dire <jur h' Créateur, sans
ces rèij/es, pourrait gituvenirr !<• mmidr. jiuisijuc Ir
momie ne subsisterait pas sans elles.
Ces rèyles saut un rapport rimstaniinent èlahli >» (il.
</. L., 1, délnit).
De quelle nature est la uécessit<'' dont parle ii i Mon-
tesquieu. D'après les passages soulii;n«''!S, il ;ij»p;iiail
(|ue c'est poui' tonte chose créée, rol»li,i:iition dr suiNrc
dos règles constant<'s ])our conscrNcr l'ctrc. IlOii pi-ti-
viennent ces règles : de la nature même des cli<ises,
cest-à-dire de ce qui constituf^ leur essence. l'n exem-
ple fera mieux comprendre ce cpi'il faut entendre
])ar là : la société étant un l.iil donné et réel, malgré
'"opinion des philosophes de l'état de nature, son exis
tence enti-aine pour elle l'ohlluation d'oheir à eei-taiiies
lois sous p(Mne d'être aussitôt <h'trniles on d exister
autrement, ce (jui i-evient an um'um-.
(x'S loiîs son! r(dati\<'s à sa nature. e"<'st-à-dire à sa
déliniti(»n. Oi', s il est \rai (|in' la société soil une <ol-
ledion d indi\i(his niellant en conininn leurs l'orces
j>artirnlieres pour l'onner IV-lat jt<dili(|ne. et leurs
Volontés [)our l'ormer l'état ci\il ; s il est \rai d anti-e
]>art, coninic le dit Sj)inoza. ipn^ la icalite d Une colloc-
tjon se i'('sol\e dans c(dle des «déments i|ni la eoinpo-
— 1-J9 -
sent, tout revient donc à chercher quelle doit être la
loi de nature de l'individu et la loi de nature de la
société et quelle sera par suite la loi de leurs rapports
réciproques.
Ces lois ont-elles un caractère ditterent ? Non, leur
caractère se confond dans le caractère commun à toute
loi, que ce soit une loi physique ou une loi d'organi-
sation politique et sociale. Toutes deux ne font qu'ex-
])rimer les rapports essentiels à la permanence du phé-
nomène quelles consacrent : à ce titre, la loi de
nature de la société est d'assurer les rapports qui lui
permettent de subsister, et la loi de nature de l'indi-
vidu est de se ménager dans la" société une place telle
(|u"il puisse satisfaire, sans nuire aux exigences de la
collectivité, les besoins particuliers essentiels à la con-
servation de sa propre vie. Le droit naturel n'est donc
pour Montesquieu que l'expression des nécessités
vitales les plus impérieuses, soit au regard de hi
société, soit au regard de l'individu, et il l'exprimo
quelquefois par le mot de « défense naturelle » <pii
explique bien sur ce point le caractère de sa pensée.
La nécessité à la(juelh' les hommes, comme toutes
les choses sont soumis, est donc double, (l'est d nbord
une véritable contrainte, au sens ordinaire <hi mot,
puis(|ue la non-observation des h>is ipii h'ur sont pro-
pres entraîne pour eux le plus grave des chAtiments,
c'est-à-dire la perte de l'être. Dans ce sens, c est une
contrainte à raison des conséquences possibles de
Uudiu t)
r.ict»'. (le 11 est j>;is il est \ rai tout ;"i l'ait la jx'iisiV do
Spinoza pour (|iii mir tli(>s«' est iiérrssaii'c siirloiif an
siijrt (Ir la cause. Mais pminiis i^ai'de <|Mf S|»iin>za,
expliquant If (|u"il faut (Mitt-udir par «liose néoessaire
[Et/i. /. Tli. 'V^. sctt. I), coiuniente pai" dii-e (pi'idjo IVst
avant tout à rais»ui de sou essence : " On dit qu'une
chose est nécessaire, soit à laison de son essence,
soit à raison de sa cause. Vax effet IVvistenee dune
chose résulte nécessairement soit de son essence et de
sa définition, soit d'une cause efticiente donnée ». Sur
ce second point, remontant si nous le pouvons de
causes en causes suivant leui' oi'dre, nous arrivons à
l)ieu " cause efficiente de tontes les choses qui ]>enAent
tomber sous un cntend(Mneiit inlini >> (Et/i. /. Tli. 16.
Cor. Il, I), ce (]ui à la riuueiir pourrait se rapprocher de
l'ariirniation de Montescpiieu " que les lois selon les-
(jnelles l)ieu a créé sont celles selon Ies(pi<dles il con-
serve ». Sur le premier point, consi(h';rons la manière
dont Spinoza détinit l'essence d'une chose (^M. //. Héfi-
nit. Il : " .le dis (|ne l'essence dune chose comport(^ ce
(jui, étant donne, l'ait nécessairement que la chose existe
et qui, si (Ml le supj>i-ime. fait nécessairement que la
chose n existe jias ; aulicment dit. ce sans (juoi la chose
ne peut ni exister, ni être conçue <'t réciproquement, ce
(jiii. sans la (diose, ne peut ni evistei'. ni être con(;U »,
et ia])p(dous-iMiu's ((ne j»lns liant Fjli. I. Tli. IG,
l)<'Mnonstr./ Sjiinoza avait d<'\);'i dit : <« De la définition
d'une < hose fpndconqu(\ rtMitendenuMit déduit un cer-
— 131 —
taiu nombre de propriétés qui en fait l'ésultciit iiéces-
sairomcnt de cette chose (c'est-à-dire de lessence
iiiènie de cette chosej, et ces propriétés sont crautaiil
plus iiomlueuses que la détiiiition de la chose exprime
plus de réalité, c'est-à-dire «fue l'essence de la chose
définie enveloppe plus de ivalitt' o : iiu rap[n)i't (''transe
nous apparaîtra alors cnti-e la pensée de Ahmlcscpiini
et celle de Spinoza.
(vomme nous le démontrions en effet dans notre pre-
mier travail, le mot nécessaire doit s'entendre, dans la
définition fameuse de Montesquieu, dans le sens d'essen-
tiel, de conséquence de l'essence dune chose, sur
lequel insiste ici Spinoza. (Jiiaiid M()ntos(jiii<Mi dit (jue
les lois sont les rapports néc(;ssaires (]ui d('"ri\('iit (h' hi
nature des choses, toute la suite même (hi (h'vcdojjpc-
ment de ÏEsprif des lois montre (piil mtcnd ((uc les
lois consacrent les rapports essentiels ([ui dérivent de
la nature des clioses. L'oi-die social qu'assure la loi
n'est que la permanence des rapports nécessaires à la
vie sociale comme Tordre physique n'est que la per-
manence des rapports nécessaires à la continuation de
l'existence du monde créé. Par suite, les lois sont l»ien
l'expression de rapports essentiels au niainlicii d un
état donné. Tout ce <jui est en (hdioi-s (h' («-s ra^qiorts
est en d(diors (h^ la hii et " il n'> a [las (h' hii snr les
matières inditîërentes ». Il n") a point d'autre nécessité
(pie l'oblipafion de maintenir les i-a|)por(s essentiels à
l'ordre c'ftabli : rapports saus lesi]u<ds cet ordre cesse-
— !:;:> —
rail trcxisici' et uo saiii"ait (*tr<> «'oiicii. (los i-aj)|M»i-ts
sont inipliciteiiuMit contenus dans la «Idinifioii nirnic
(le la élusse. Ils dérivent. <'n rc (|ni ciincerne les
sociétés, de la nature des choses de la vie sociale,
comme en droit par exemple, les conditions essen-
ti(dles à la validité des contrats dérivent de la nature
j»articnliére de la conventi(»n. Si ces rappoi'ts essentiels
ne sont pas suffisamment consacrés pai' la loi. la nature
d(; la chose dont elle s'occupe se trouNc faussée et
modifiée dans un de ses termes.
La loi doit donc reposer sur la connaissance exact»»
d(>s rapports, c'est-à-dire en somme sur <les défini-
tions pr<''cises (pii fixent la natui'e exacte de cl)a(|iie
(diose.
Képoiidaiif au ci-itique «les \ttuve//f's ri< Icsiaslii/ues,
Montes(juieu indii;iié sécrie avec ironie : « L auteur a
dit (jue les lois étaient un rapport nécessaire : voilà
donc du spinozisme, parce (pie Noilà du nécessaire ! »
h après ce (pii précède, on j>eut se rendi'c <(iniple (pie
ce; critique poussé par son instinct n avait peiil-(-tre j»as
si mal jugé.
1 ne autre preuNede ce (jue nous ;i\aii(;oiis [tuurrai
encore être li'oii\(''e dans la iiiaiiieic dont [nocèdc
MollleS(|uieil dillis ses de\ ('lo|)penieiils.
Si la nécessité, en etlcl. (pii delenuiiie le sens et
rorientation des lois est pour .Montes(pii(>u cou • pour
Spinoza la Veconnaissance de ce lail (|iie leur inlinie
>ariété n Cst (pie le dév(doppenieiif de 1 esxMice nK'iiie
— 133 —
des choses, il faut de toute nécessité commencer par
déterminer cette essence, c'est-à-dire commencer par
des définitions dont on déduira un certain nombre de
propriétés qui en fait en résultent nécessairement.
C'est ainsi que, voulant traiter des luis (jui régissent
l'organisation de viivers gouvernements, Montesquieu
commence par les définir : « Je suppose, dit-il, trois
détinitions... » et il tirera de cette définition tout le
contenu de son développement et il y trouvera les
motifs d'exclusions qui peuvent nous paraître étranges à
considérer superficiellement les choses.
De la définition même de la monarchie en efiet,
c'est-à-dire de sa nature et de son essence dérivent
tous les rouages qui en assurent le fonctionnement, on
premier lieu l'organisation d'un corj)s des noljles ou
des principaux de l'Etat qui forme une sorte d'inter-
médiaire entre le monarc|ue et le jîeuple et qui, possé-
dant quekjues prérogatives particulières, gage de son
indépendance, se trouve intéressé à retenir la monar-
chie sur la pente du despotisme ; en second lieu, l'orga-
nisation d'un corps politique gardien des lois (pii les
jinnonce lorsqu'elles sont f.iites et les rappelle lors-
qu'on les oublie.
De même, la démocratie étant, par sa nature, une
forme d'Etat dans laquelle le peuple en cor[)s a la
souveraine puissance, les lois fondamentales du gou-
vernement démocratique, partout oîi on le tiouNc
organisé, s'attachent à permettre l'expression (^t à
— {?vt —
t'.ivol'isci' l.'l r('';ilis;itiMii de l;i Nnlmitt'' li.ilioll.-ilc. h.lIlK
it'ttr ililflllinii. nii I;i \(iil p.irtollt. iWcr le llirilir <'S|U-it,
(JlloKjiif ]»;il' (les lii<>\<Mis tlillV-lTiifs. r(Hl>lil' le dl'oit <!<'
suIIV.'il:*'. (|(''liiiiili'r son iHcihliir. (l/'lcnniiici- les (•;i|);i-
citrs iMMCSv.lilTS |»<i|ir rll'i' suil t'Icftriir. snit t'li'-:il)l<'.
[\\rv \,' iiKiilr (ri-liM-lioii, n'-ulcr riiliii l.itli'iliiilioii (lu
poUMiii' l<''L:isl;ilir.
Ihi \()il |);ii- 1.1, |)(»iir(jnoi ]);irl;mt de la mmiarchic
liamaisc, M(tiit('S([ui(Mi, co (lu'oM lui a sijuvciit rcprocli»',
ne dit jtas un mol d(^s lofais uAnôraux. C/ost <|u"uno
iiislilutifiu (oiiiinc cidlf il<'s |''lafs i:i''m''rau\. issur du
jtriiicijti- de la souv craiiirh' naticinalc ne l't'jtdiid [tas à
la nature de la inonanliic trllf (|u'ollc ajtparait jiai* sa
di'dinition (^t par son csscuco. l ne inonai'cliir aduu't-
tant le coutrôlc de la souveraineté nationale i-ppré-
sentee pai' des députés de toutes les elasses de la
nation ne sei'ait j)lus une nionai'i liie et la nionar(diie
parlenii'utaire est un mot vide île sens, (lest |iour(pioi
Ioi<(|u il a Uni danaNseï- la constitution de I .\m:le-
Iclie dan^ laipiellr l'existence di' la (diaudu-e des
comnunies inliodnil rid(''e de sou\ eiainett- nationale
s"e\ei-canl par im coniri'de pci'manent sni- les aele«< du
i:<»n\ ei'neuH'nl et |>ai' la rcspon^alnlili' des mini^ti'cs du
j)oii\oir (l('\ant (die. Monles(|nien est amem'' à i-econ-
nadre .pic n' n'est pas là une constilidion nionaii lii(pie,
mais hieii plufi')t une constitution d<'Mnoci'ati<pM\
Ainsi le i:(»u\ cnM'iuent inonarclu<pu' et le i:ou\erne-
nn-id d«''UJoci'atique ont avec eu\-iuéuies et avec la
— 135 —
société de certains i'a|jpoi'ts dérivant de leiu' essence
propre qui doivent être consacrés dans leur ortianisa-
tion sous peine do voir détruite la nature monarchique
et républicaine du gouvernement.
Il résulte de là que Tessence des choses comprenant
toutes les modifications dont elles sont suscepti])les,
aucune volonté arbitraire, pas même celle de Dieu ne
peut en changer l'ordre ni le cours.
C'est ce que Montesquieu exprime fortement ou
disant que « les lois selon lesquelles Dieu a créé sont
celles selon lesquelles il conserve ».
Gomme le dit Spinoza (EÛi., 1, Th. 33, Scholie) <> il
dépend de la seule décision et de la seule volonté de
Dieu que chaque chose soit ce qu'elle est ». Mais ces
décisions « ont été arrêtées par lui de tout(> éternité »
et il n'y saurait rien changer.
Dans la doctrine orthodoxe qui est celle du critique
des Nouvelles ecclésiastiques. Dieu est considéré comme
cause libre parce quil pourrait {Etii., I,Th. 17, Scholie)
« faire que les choses qui résulte de sa nature, cVst-à-
dire les choses qui sont rn sa puissance ne S(^ pro-
duisent pas : autrement dit ne soient jioint |»iiMhiites
par lui ». Mais « cela, ajoute Spinoza, c'est comme s'ils
(lisaient que Dieu peut faire qu'il ne résulte ])as île la
nature du triangle que la somme de ses trois ani;les
soit égale à deux angles droits ».
Montesquieu admet parlaitement une ]»areiile «nn-
clusion :1a nature d'une chose étant donnée, les lois
— l.SO —
«1p cctto nature s'iinposeiit ."i Dieu inrnio sil \«miI ron-
st'i'V(M" la cliosc dans Irtat oii il la < rtM-o « les lois
selon l<'S(juell('s il a ci'éô sont (elles selon les(|uelles
il »(»nser\ e .•. ( hi ne sauiail li'oji le réprtec.
(iependanl nous \ on ons nialui'»' ICn idence îles textes
(|n il se ([('l'end d adnielli-e I i nira nsii:cante lnL;i(|U(' de
Sj)inoza. (Jn(dles raisons V\ autorisent ?
La distinction est assez suhtile. " ' H/'/r/isf, picnii»"-!'*'
partie, l). Oiiand lauteur, ré|)(»nd-il. a dit <juc la créa-
tion (|ni paraissait ('di-e un acte ai-Witrairo, supj)osait
des iviiles aussi invariables (pie la fatalité des athées,
(»n n'a pas pu l'entendre comme s'il disait que la créa-
tion fut un acte nécessaire comme la fatalité des
athées, j)uis(ju"il a déjà cond)attu cette fatalit*'. \)o
]»lus. les deux membres dune conipai-aison doixcnt se
rapp(»i'ter. Aussi, il faut alis(dunieiit (pie la |tlii"ase
veuille dii-e : la création (jui |>arait d'ahoid dexoic
[d'oduii-e des relaies de mouvement variahh's, en a
d'aussi invariables (pie la fatalit('' des atln'es ... Kf il
(«MK lut formellement : " Il n y a donc point de s|»ino-
/.isme dans YEsprit r/rs Lois ».
Il clail e\ideniinent de I ild(''l(''t de .\lontes(pneil de
l'cjtousser de ioiiles ses forces cette accusation fort
danii'ci'euse pour lui. (lejK'ndaut nous ne 1 en croirons
pas sur pai'ole. Il n était j)as dans son natiir(d de
battre ouvertement en brèche les domnes ic( us ; et sil
se Mionlre irrednctiide et même absolu sur des erreurs
de l'ail ou de lai^oiiiiement ajipli(|uc à des faits ii^v-
— 137 —
tains, il est beaucoup moins tranchant lorsqu'il s'asit
de dogmes et de croyances. Sur ce point il s'applique
à envelopper sa pensée de détours dans lesquels il lui
soit loisible de tromor le cas échéant une retiviitc
facile. Nous en avons i( i un exemple frappant.
Moiitf'^iqniru. en t'tli't. scinlde faire une distinction
entre la erration initiale de Dieu et la conservation de
cette création.
Pour lui. coiunif pDurson contradicteur, l;i création
initiale a été un acte arbitraire de la volonté de |)itMi
qui aurait pu créer ou ne pas créer. Or ce n'est évidem-
ment pa*; là la doctrine de Spinoza. Chez ce dernier,
en ellet. Ijirii ji'est considéré comme cause libre que
{Eth.. 1. Tli. 17 " parce qu'il asit en vertu des seules
lois (Je sa ii.iturr r\ >aii^ vuliii' la rniitr-ainte d'aucune
chose ». Mais les choses résultt-nt nécessairement <h'
la nature Ac Iheu et i] ne pouvait eu être autrement ;
d'ailleurs elles mit i-te créf'es avec la plus grande per-
fection Eili.. 1. Th. 33) puisqu'elles résultent néces-
sairement d une nature donnée, la plus parfaite pos-
sible. Expliquant celte junjii.sitioii. Spinoza ajoute
[Eth.. 1. Tli. 33. S(diuliei - <'<tijinie dans Téternité il
n existe ni pendant, id avant, ni après, il résidte de là
et cela de la stidc perfection de Dieu, ({ue Dieu ne
peut jamais, ni n a jamais pu prendre une d<'cision
diU'érente, autrement dit Dieu n'a pas existé avant ses
décisions et ne peut exister sans elles... Si Dieu en
avait décidé de la nature et de son ordre autrement
— 138 —
qu'il n'en a décidf^, c'ost-à-<liro s'il avait autroment
convii ot aiitreiiKMit voulu la uatinc il aurait ou nôccs-
saii-oiHoiit iiiic aiilrr iiit<'lliL:('in(> ri iiim- aiifi'c volfiutô
(|U<' rt'llf (||| il a... lldlic les clinscs ne pcilVOllt otrO
aiiln'iiHuI (inCIlcs iit> sont »...
Si l on s'en tient ;iu\ mots, il ny a rien tlicz Montes-
quieu (|ui puisse aiiloiiser un lapju-oelienient l'oruiel
aussi a-t-il Ix'au Jeu de reponsseï- .. la latalitc' aveu-
gle ». Mais lardeui- t\u d/'iuenti ue peut tenir lieu de
preuve. Nous pouv(jns ieniai'(|uei-d"ailleuis (pu' Moides
(piieu à des accusations précises i'é]>ond par des uéiié-
ralités vagues ou poi'te la discussion sur un autre
terrain.
Il nest pas spiuoziste parce qu'il a distingué le
monde luatériel d'avec les intelliireuees sj)iritu(dles
( Df'fensf, j)reinière partie, Ij, parce qn il a |»ro(danié
(pi une l;italit('' aveugle ne saui-ait sans aitsurdil»' jiro-
dnire des êtres inlellii:('nls. p.iree iph' les lois du monde
ont du rap}»oit avec la sagesse et la puissance de hieu,
]>nree que les rap})orls de justice et d «''([uit»'* sont anté-
rieurs à toutes les lois positives, ]iai'ce (pie nous a\(»us
rid(''e d'ini ciM'.itenr. parée (pi enlin il ;i Mudn «•ond>;illr(^
e\pi'ess(''menl les idées de Sj)ino/,,i : et l.'i-dessns il se
})lainl (pie ! oïl prenne <■ pour des opinions de S|iiii(tza
les ohjeclions (piil r.iil eoiilre le spinozisnie •> ' />é/r//sY',
]ireiuière partie, lleponse à la j)reu»ière (dqectioii).
Mais pren(tns garde «pi'au wm" siè(de c'était ju'écisé-
iiient Sous l'oi-UK* d'ohjecliou à Spinoza (pi'ou se don-
— 139 —
nait le plaisir d'exposer sa doctrine et de communier
avec sa pensée, et revenons au point précis du dduit,
eest-à-dire à la (|uestion de savoir comment il faut
envisag-er la création et ses suites.
Montesquieu ne va pas jusqu'à proclamer que la
création ait été déterminée dans son essence et dans sa
forme par la nature même de Dieu. Il accorde au Oéa-
teur une certaine li])erté au s<ms commun du mot et
a.ssure qu'il ne conqjare point des causes mais des
effets. Admettons-le et proclamons avec Montes([uieu
que Dieu ([ui a été lilu'c de créer, reste lil)re de
modifier les rapports qui résultent de sa création.
Ou'arrivera-t-il alors. Précisément les mêmes consé-
({uences pour Montesquieu que pour Spinoza. Que
Dieu vienne à modifier les rapports constamment
étaljlis selon lesquels l'existence du monde a été conçue
et sa conservation assurée, la création, dans le systènn^
de Montesquieu, changera de nature. Ce sera toujours
sans doute l'œuvre volontaire de Dieu, mais ce ne sera
pins celle que nous admirons. Cependant, l'expérience
(jue nous pouvons prendre des lois dn monde pli\si(|ne
nous montre, par riinniul;H)ilité de (m^s lois, à notre
connaissance du moins, (|iie Dien s"appli([ne à con-
server récononiie première établie par l'acte arhiti'aire
de sa volonté, et nous pouvons conclure alors (pie les
choses se passent comme si Dieu était lié nécessaire-
ment, et le principe de consei-vation apjiarail comme h;
principe supérieur qui règle la vie de l'niii\<'rs : « Si
^ l'.n —
Ton pouvait iiiae-inor un aiitro niondo i\\n^ ( rlni-<'i, i
aurait dos rrizlcs coiistaiitos où il scr.iit <l<''ti'uit »
{M. E. L.. I. .Ichut).
Sans (IcMitc M(>ntos(|iii<'U nr \a ji.is aussi loin (|uo
SpiiKiza (|iii .illiniir ([uc si le luondc t-tail iititi'c (|m il
iiCst. il ("aiidrail su|t|»os('i' à hicii une .iiiIit iiitrlli-ciirc
cl niir antre Nnloiih- (|iic crllt' (|n il a et (|tii' |)uis(|U("
M»ii iiit(dlii;(Mict' et sa \<di»nt(' ne se distiiii:u<'nt pas de
stjii cssiMicc. il l'andi'aif nt-ccssairmiciil «pir cotte
essence l'ut (litlV'i-ente de rr (piclle est. ce ipii ;iii sens
de notre philosophe est une grande absurdité, (lejn'u-
d.int. .M(int(>s([uien ne sendde pas croire (pie l'on puisse
imaginer un autre monde (pie (-«dni cpu' nous voyons et
il al'linne en tout cas — ahsolunuMit connue Spinoza
(pr<''tant diuinc la nature de hieu. c est-à-dire sa sai:esse
cl sa puissance (Elh.. I. Th. \\\ . les lois (pii r<'i:issent
le monde et .issurent sa conservatictn sont les mêmes
que celles (pii ont pr«''sidé à sa creatitm jiarce tpi elles
dérivent à la l'ois de la nature de hieu et de ressence
des choses.
Il ne sendde |)as douteux <pi il \ dit l;i un l'apport
ctraULie entre |;i conce|)tion. de Montcs(piieu l'I icllc de
Spinoza. Toiiterois Mniitcscpiicu ;i |)lus l'acilcmciit raison
ipiand il se détend dadinettre la l'atalitc des athées,
in.ii'^ ce 11 »'st p.is contre S[)iiio7.a. Sj)iiio/,a. en etrel,
pense comme l'Iaton (]ue 1 athéisme l'st une maladie de
1 àme plutôt qu'une erreur de 1 int<dlii:ence et il est
d(''iste 2)uis(}U il soutient (pie hieu existe comme <ause
libre — à condition d'entendre par libre ce qui n'est
déterminé que par sa propre nature. S'élevant d ail-
leurs contre l'opinion de ceux qui décident que Dieu
fait tout au point de vue du bieu, il s'écrie {Eth.. I,
ïli. 33, Scliolie 2) : « Ceux-ci paraissent admettre
(juelque chose en dehors de Dieu qui ne dépend pas de
Dieu et à quoi Dieu s'attache en agissant comme à un
modèle ou vers quoi il s'efforce comme vers un but
déterminé, ce qui relient à soumettre Dieu au destin^
opinion la plus absurde que l'on puisse avoir de Dieu
qui, comme nous l'avons montré, est la cause première
et la seule cause libre, aussi bien de l'osscncc (jiic de
l'existence de toutes les choses ».
La difficulté vient de ce qu il faut cntciKhr soiis ces
deux termes atli(''isme et fatalité : les adversaires (hi
spinozisme n enveloppaient [)as sous ces tei'ines b'S
mêmes idées que Spinoza.
Etre athée pour Spinoza c'est ne pas adnudti'e un
Dieu créateur, cause libre du monde par la seule néces-
sité de sa nature. Admettre la fatalité, c'est soumettre
Dieu à quelque chose d'extérieur à lui (|ui hii impose
la n'alisatiou aveugle de desseins (|iril n'a ])as conçus.
A son compte il est loin d'être athée <'t .Montes(|uieu,
malgré sa fameuse (b'iinitiou (b's lois, ne 1 est pas n(»n
plus. Ce dernier d'ailleurs a soin de le faire renuirquer
à son contradicteur : il a attaipié lathi-isme, pid( lame-
t-il, parce qu'il a aftirmé l'altsurchté dune t'ataliti-
aveugle ({tii aurait j)r()duit «les èti-es intelligents, [)arce
- 142 -
((llil ;i srji.irr le iiiulidr lii.il(''rifl du iimiKlr spiriliM'l,
(■ Cst-.i-dirr l>i<'U (le s;i crc'atioii.
Lil Nt'rilf (• «'St «inil N m cII [H'csciirr (l('ll\ |illll«is(i-
pliirs. I iiiir (|iii loiit cil .'kIiiicII.'iiiI hicu. n-olt à l.'i
iilM'l'Ic dixilli' ri ;'i l.i ctinruiiiciicc des «''\ •'•IH'llli'lil> dll
lliolidr. cl Ijilllfc ijiii dil <|lic iniil csl pour j;ilii,-|is
oi'doiiiK'. r<''i:I«'', fi\('' cl d(-lcniiiin''. h.iiis iiiic Icllc pliili»-
sophic, sil n'y ,1 pas de hicii. il ny a tpic la iialiirc
iiupassiltlc, i'ci:ulicrc cl in-ccssaii-c, cl s il y a iiii IMcii.
011 doit dii-c de lui cDiiiiuc faisaient les SlMjciciis : Srmf/
jussif. sniipor pnvcl . Ce tpii rc\iciil à i»eu pi'cs à dire
«jiie ce l>ieii n est pas un l>i<'ii cl (pi il se coiilniid a\cc
la iialurc.
(lest parce (jiie le hicii de S])in<»za est IIM j>iciideee
i:-enrc (pie S])in()/,a. cl Ions cenx (pii admettent ses
j)i'iiicipcs ont ('te trait(''s {\'n//ii''f's par les j)ai'lisaiis de la
jii'cniicrc l'orme de philosophie, c Cst-à-dire non seide-
mciil par les ( hr(''lieiis. mais encore jiar Ions les spiri-
tnalistcs.
Analysant la docti'ine (h Spinoza, lîayle en cll'et
insiste sur cette dillnsion de I id('c de hicn dans la
nalni'c dont il l'ail nue des (•arac|eristi(pics du s\s|èinc
l!a\lc. Uiil. (ir(. SpiiiDza] '. <• Il sii|ii)o>sr (pi il ii"\ a
(prune snltslancc dans la nalni'c des (di(»ses.et (|iic cette
siilisfancc iini(pic est doin-c d une inlinite il atlrihiits et
entre antres de l'ctciKlne et de la |»cnsee. I!n suite de
(pioi il assure (pie tous les corps (pn se trouvent dans
J unJNcrs sont des modilicalions de cette suhslaïue en
- 143 —
tant qirt'teiKlue et que par exemple les Ames des
hommes sont les modifications de cette substance en
tant ([ue pensée : de sorte que Dieu TEtre nik-essaire et
intlninicnt parfait, est bien la cause de toutes les choses
qui existent, mais il ne diffère point d'elles. 11 n'y a
qu'un être et qu'une nature, et cette nature produit en
elle-même et par une action immanente tout ce qu'on
appelle créatures. Il est tout ensend^le agent et patient,
cause efficiente et sujet ; il ne produit rien qui ne soit
sa propre modification ».
C'est pour cela que Montesquieu procbinie ])ien haut
qu'il distingue le monde matériel d'avec le mon<h' s])i-
rituel et que sans tirer toutes les conséquences de sa
pensée, il laisse la divinité extérieure à sa création eu
ce c]ui concerne le premier acte. Et en ce sens Montes-
quieu peut honnêtement se défendre d'être spinoziste
et nier être athée au sens orthodoxe du mol.
Cependant, en ce qui concerne les conséquences de
cette création, il n'a plus la partie aussi beHe ef la
comparaison de sa doctrine avec le système de Spinoza
s'impose en elfet à l'esprit.
Si les lois seh)u les(|uelles l>i('u a crée « son! cidles'
selon lesquelles il conserve » il se trouve li('' par les
rapports établis entre les choses et qui dérivent de leur
nature particulière et l'univers se trouve soumis à des
lois invariables sous peine d'être détruit. iSest-ce point
là une conséquence bien proche de celles qui décou-
lent du système de Spinoza. Mais qu'importe au fond !
— 144 —
11 y ,1 un fait (rt'XJxMicilcr, r"«'sl (|il<'. .illliilil «[ll»' 1rs
hoimiies ont pu le constater, le monde se conserve et
eoiitinno: c est <ju il y a dans son dév(do|)j)einent sen-
silde une uniti' <|ui relie enti'e eux tous les iditMioinènes
dans le temps, de la même l'aeon (|u ils sont scdidaires
les uns des autres dans l'étendue. Les lois j)li\si(|ues
manifestent cette réalitc' et les lois positives de l'oi'iia-
nisation sociale la pi'oclament aussi de leui- côté. Il n'est
pas besoin d aller au dcdà (^t c est ainsi (pie Montes-
<piieu, (jui sépai'e la matière de rint(dlii;ence, qui admet
un Dieu créateur doué d une \olout<' arliitraii-e nVst
pas, il est vrai, spinoziste, mais cpi il 1 est jioui-laiif tout
de même jiai'c*- (pie la r(''alit('' dans hupudle il se pl.u-e
rejMtud aux consécjuences même de 1 liyj»otliése de Sj)!-
noza : à savoir ({ue dans l'état actuel des choses et tel
«pie nous Noyons lunivers se com])orter, soit (pu* hieu
reste le maître d en niodilier 1 oi-donnance, soit (pi il ne
le puisse et reste Tk' éternellement par sou pieuiier
acte, toute chose créée ne |tcut assurer la permanence
de sa dur(''e (pi'en iiiainteuant les rapports (pli déri\(Mit
de s<n\ essence et en suivant les lois de sa nature.
Toutefois à y rei:ar(ler de jdiis j)i-cs. uieinc sur- la
(piesti(Ui de la création un doute suruil dans l'esprit.
Le hicll de .\|onlcs(|nieu est-il si exlerieiir (pic cela a sa
création .'
Les lois (pii fjouvernent le monde jtourraient-elles
être autres «pi (dics ne sont . I )icii p<>uri ait-il les niotlifier
— l'io -
à un moment quelconque par un acte arbitraire de sa
volonté.
Assurément non. Montesquieu l'a dit dans le premier
livre de Y Esprit des Lois, il le répète plusieurs fois dans
sa défense et nous-même l'avons cité plus d'une fois
après lui : « Les lois selon lesquelles Dieu a créé sont
celles selon lesquelles il conserve ». L'acte unique de
la création détermine donc une fois pour toutes, toutes
les conséquences futures. Mais ces lois d'où dépendent-
elles au moment du premier acte? Sont-elles inditl'é-
rentes et pourrait-on concevoir que Dieu les eut faites
autrement. Il ne le semble pas car si Dieu les a faites
c'est « qu'elles ont du rapport avec sa sagesse et sa
puissance ».
Or que peut vouloir dire cela ? N'est-ce point que ces
lois elles-mêmes déterminées par la nature de Dieu.
Les termes sagesse et puissance de Dieu sont couram-
ment employés en théologie, et les théologiens leur
attachent un sens particulier. Pai- puissance de Dieu,
le vulgaire, suivant en cela la théologie, comprend le
libre arbitre de Dieu et son pouvoir sur toutes les choses
qui existent ; par sa sagesse il entend son intelligence
c'est-à-dire sa faculté de comprendre et de comparer
au sens huniain des mots, des causes ou des effets (|ii"il
voit dans l'avenir pour choisir ce qui concorde le mieux
avec la fm qu'il se propose. Mais Spinoza donne à ces
termes un sens différent. << La puissance de Dieu est
son essence elle-même » {Età., 1, Th. 34). autî-emcut
Oudin lu
<lit son cssmcc ai;is>;iiitr l'jh.. II. Th. 3, Scjiolir)
[E///.. 1. I II. ^{"> et rllc II",! lien de ci (|ll|»;ir;ilil«' ;iNfC l:i
puissance liimiaim* (l<'.s rois on leur |»niiv(>ir. Uieii ai;it
(Ml Vorlii (le la inèiiic iitTcssilc [lar lacjiiclle il se coin-
prend et >< huile (Imse (|iie nous cnnccNous èli'c dans
la piiissjiiice (le I lieu existe n(''ce>saii'eniont ». Uiiaiit à
sa sagesse, elh' ne pent »~'tie jinlre chose (pn' son intel-
ligence, selon 1,1 signilication «un- tous les hommes attri-
huent .111 mot saiiesse. (h- <• si I intelligence appai-tieiit
à la nattii'e de IHeu. rintidliyciice ne pourra être
connue la n('»ti'e, de nattiic postérieure ou de natui'e
simultanée ;ni\ ( lios(>s coinprisi's (E(h., I. Th. 17. Scho-
lie) ; jMiiMjiie l'ien est antc'i'ienr a toutes les choses
comme étant liMir cause : mais la xCrité et lesscuce l'or-
nndh' des ( hoses n existent ttdies (piClIes sont «jiu'
parce »|U «dles existent ohjecti\ement telles <lans 1 in-
telligence de Dieu, (lest j»our([uoi Tintelli^cnce de
Dieu, en tant (|n"elle est conçue comnu> constituant
Tessence de Dieu est en ic-alitt- la cause (h\s <dioses et
tant (h- ItMU' essence (|U<' de jenr existence : MM'ite (|ui
iiai'ait avoir et<'> a|)eri;iu' pai- ceux (pii ont al'linne ijue
TinteJlig(Mice de Dieu, sa \olouté et sa jiuissauce
n'étaient (JU une seule et UMMoe t hose ».
l,ors(jue .Montes(|nieu atlirme donc (jue Dieu a l'ait les
lois {\y\ monde ■■ j)arc<' (|n •dlc'^ oïd du ra|»|toil avec sa
sagesse et sa puissance ». (>n peu! aussi hien coni-
prendi'e cett»* pensiM» au s<'ns ortlntdoxe <pn^ rev(MJ-
dique Montes^pneu dans sa di'h'Use. comme au sens
^ 147 —
spinoziste. Le premier sens a poui' lui la conception
ordinaire et naturelle, mais le second a trop de rapport
avec la conception générale que Montescpiieu, d'après
tout ce que nous venons de dire, se fait du monde et de
ses lois pour que malgré les apparences, nous ne soyions
})as tentés de nous y arrêter. D'ailleui's (H-outons ce (\\w
dit Spinoza sur Torigine de toute discussion [lU/i., II,
Th. 47, Scholie) : « Il est bien certain que la plupart
des erreurs consistent en ce que nous appliquons aux
choses des dénominations inexactes. En effet, lorsqu'un
homme dit (]ue les lignes (pii sont menées (hi centi'c (hi
cercle à la circonférence ne sont pas égales entre eUes,
il comprend sûrement à ce ni!»iiieiit-là du moins, sous
le nom de ceride autre chose <pie les matln'maticieiis...
(Test de là que naissent la plupart (h's (hscussioiis el
cela, soit parce (pie les hommes n e\])riment pas hien
ce qu'ils veulent dir<', soit parce (|u ils iiilerj)rètent mal
le'sentiment dautrui. (lai'eii i'«''alitr', au iiiomeiit oii ils
soutiennent a\(M- le j)lus de force lun h> conti'aire de
l'autre, ou hien ils sont d accord, on hien ne jtaileiit
pas du même sujet: de t(dle sorh' <jue les eiicnis ou
les ahsurdités (piils cr(tient exister chez leur contra-
dicteur n'existent pas».
Ainsi jMontesquieu ne s'est [leut-étre jamais pins
lrouv('' d'accord avec Spinoza (|n(Mi (''cri\anl les phrases
jjiémes par lesquelles il entend nionirer (juil le com])at.
Mais après avoir discuté ])ai' rapjxtrt à Sj)inoza ces
deux premiei'S points de la ni(''tapliysi(]iu' sj)éciale à
- lis
Mi>iitrs(|mcii : la riolioii dr iMM-cssift' et (!<■ foiililiLiciicr ;
le r<"il(' (!<> hini dans la cii-atioii cl dans la coiiscfN atioii
i[r 1 iiiii\rr>. il nous icstc a altordcr un IroiNirnic point
dont la s(dution dt-jx-nd iinni('Mliatcni<>nt Ar la inaniri'c
dont on a résolu les deux jUTuiitTs : je \cu\ |»arl<M" di'
1 id<'<' dr jlisticf.
Si en <'tlVt. ri le consenr dis Sniirflh'^ rrclf^sifistt(/ttrs
1 a liirn (dni|»iis. il n \ a l'icn (juc d»' n('-<-<'ssaiiT, si
rcssoiice des clioses détermine leui- manière dr-lre ; si
tout acte a une cause efficienle (|ui a elle-nn'me sa
cause. la((Ueile n est (jn Un elf'et et ainsi de suite en
remontant de proche en pro(lie jus(|u à Ihen, <|ue
de\iennent les notions du Ideil t't du mal .' ((lie de\ ieiit
1 idée de justice? Spinoza l'i'polld (pu- le liien est ce
<pii saccorde avec notre natur<'. le mal ce qui lui est
contraire. Dans cette conception, le bien concorde donc
avec lutilité : le juste et l'injuste sont des «■ notions
extrinsè(]iies » (Et/i., \\\ Th. 37, S( h«die 2) residtaiil de
la vie de société et « dans le statut natui<d il n arri\e
lien ipie l'on puisse dire jnsie (»u injuste ». (!"est la une
consé(juence lo,ui(pie de la docti'im' de Spinoza sur
hieu «'t sur l'àme et c est c«'tle même conserpu-nce (jne
1 on a repro(diée à Montescpiieii. Si en eti'et les lois
n ont d autre esprit cpie de manilester les rapports
esseiiti<ds necessaii'cs à l'existence et a la durée des
choses, et en particulier si elles nOiit au point de \ ne
social (|u à maintenir les rapjtorts harmoni<pies des
indivitius entre eux et des individus avec la société, la
— 149 —
justico qu'elles représentent n'existe qu'en fonction
d'un état donné et elle ne vaut que par son utilité à la
conserver. La justice n'est donc pas antérieure aux
lois positives, comme le veulent les spiritualistes et
les théologiens, et elle se confond avec l'utile.
A cette ol)jection fondée, on en conviendra. Montes-
ffuieu répond (Espri/ des Lois, 1, 2 et Défense, première
partie, I, et réponse à la première objection) : « Avant
qu'il y eut des êtres intelligents, ils étaient possible :
ils avaient donc des rapports possibles et par consé-
quent des lois possibles. Avant qu'il y eut des lois
faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire
qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent
ou défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on
eut tracé le cercle tous les rayons n'étaient pas
égaux ».
Cette simple affirmation que rien ne développe et
que semble contredire l'esprit môme du livre de
Montesquieu ne doit pas nous faire illusion.
Que signifie-t-elle d'abord exactement? Sup[)os(»HS
comme Montesquieu une société dlionmies possibles :
cette société étant \\\\ composé de paitics doit subsister
par l'accord des parties. Nous avons ainsi l'idée de
justice privée ou individuelle qu'exprime la maxime
qu'il faut rendre à chacun ce qui lui est dû ; cette
maxime n'exprime pas autre chose que la concordance
des rapports qui découlent de cha({ue action d'un parti-
culier, avec les actions du voisin. Le droit piivé se
— laO
riiinlcr.i (litiic sur l,i ((Uiii.iiss.niiT des ilillV-i'ciils c.-is où
se j»<'ii\ciit iiictln- les p.titiciiliri's les uns j);ii- ivipport
;m\ .illlirs. (!cl|c (•(iilll.iis>;iiicc ,ii(I<' ."i (l(''t('rillill('l' ce
(jnil idiixiciil ;'i cliactiii di- r.iii-c ou di- ne jt.is laii'c
|M)lli' (|||c les lu-soins csscillirls ;"l ICxisIciicr Je I llli nll
(le 1 .iiitrc Soient .issuri's.
Supposons maintenu ni un roi|is social tonstilui'' a\('c
tous SCS oi'uancs : il y a cuire la coHoctivitc cl les
individus, connue tout à 1 heure cnti-e les pai-ticuliei-s,
un état d «Mpiililu-e staldc ipii n-sultc de la satisfaction
des l)(>soins es>-enti(ds à la naliu'c de la socit-té et à c(dle
des indiNiilus : ce! ('lai d cipiilihi'c sei-a la Justice et
lacté juste sera cidui par IcMpnd on procurera cet l'-tat.
l'n deiaiière analyse, la pistice |)oui- Moutescjuieu sera
dnic la convenance de lacté axci- les la j)|ioi-fs au\(pi(ds-
il doit satisl'aii'c. Il \a sans dire (|ue celle counc-
uance jieid se couccNoir eu soi, id^'aleuM'ut pour ainsi
dire, connue 1 allriliiit essenti(d de l'acte a|tp(di'' juste.
Les rap|)orls de justice sont donc possildes toiijoiU's eu
eu\-nuMues, ind(''|)endannnenl di' toute n''alit('' et anti'-
rieui'cuieid à toute \ ie sociale, pniscpi il s aL:il j»our les
(olu|irendre de ctUM-cNoU' I idi'c de coUXeiiaUcc <pii
peut s appli(pici' ,1 Ions les ra|)ports possibles d non
|)as uuitpu'uieiil aux senls rapports Sociaux. (]'es| .unsi
ipi en ell'el I (''L:allle des ra\ons est contenue dans rid(''('
du cer( le i ndi'']:endannueii I de toute réalit)' olijei-|i\e
de 1,1 li-ure. c est-.'i-dire axaut ipi on I ait ti-ac<-e. car
— 451 ^
rég-alifé dos rayons i-ôsulfo do l'esscnco niôino du
cercle.
Or c'est précisément sur ce point que nous sommes
fondés à trouver et jusque dans sa défense un rapport
trop particulier avec le spinozisme pour no j)as le
signaler.
Tout d'abord l'exemple du cercle est un exemple
affectionné par Spinoza. 11 s'en sert {Eth., Il, Th. 7)
pour démontrer que l'idée des choses est un mode do
la pensée de Dieu, tandis que leur forme particidiére
est un mode de sa sul)stance considérée connue
étendue; de même [Eth.. II, Tii. 8, Coroll.) c'est au
moyen des propriétés du cercle qu'il jDrouve qu'aussi
longtemps que les choses particulières n'existent pas
sauf en tant qu'elles sont contenues dans les attributs
de Dieu, leur être objectif, autrement dit leurs idéos
n'existent pas non plus, si ce n'est ([uoii t.iiit (inCxisto
l'idée infinie de Dieu. C'est encore au cercle i /•'///., II,
Th. -47, Scholie), nous l'avons vu plus haut, (pi'il a
recours pour nous faire comprendre eomment les
hommes ne s'entendent pas le plus souvent l'.intc d'en-
fermer sous les mêmes mots les nnMiies idées.
INIais il est un de ces exemjtlcs dont le sens cl l,i
forme sont à retenir en présenc(^ de la comparaison de
Montes(piieu {Et/i., II, Tli. 7, Scholie). « Un (-(U'clo
existant dans la n;itnre, dit Spinoza et l'idée de ce
cercle existant, (pii existe aussi en l>icn, ne sont (|n Une
seule et nu^no chose, exprinu'c ])ar des .ittriluits dittc'--
— in2 —
rmits ». Notion qu'il ])rô(iso (l;iiis lo tlx-ortMiio suivjint
[lù/i., II. Th. 8 : <. Les idc-rs Ai' rlioscs p.iI'ticllIiriTS
— anti'(>m(Mit dit des iiiodos — (jui ii Cxistrnt j)as,
doivent (Mrr contfMUics dans lidre infinio de Ihru de la
luônic niaiiirrc i\[\r sont contcnuos dans les attributs
do I)i('U los cssencos i'oriiiolh's dos cliosos pai'ticuliôros
— .luticinout dit dos uiodos ({ui oxistont on l'ait ». Oi*.
dans le sclndio ((ni o\])li({uo oo thôorriiio rt son ((trol-
laii'o. S|)inoza constaliint (|uo le <rnlc t-^t dr sa natiu'o
t(d (jnc les rcctaniulos sous 1rs srqnioiifs de toufos los
liiiiies droit<'s «jui so coujXMit à 1 intoi'iour du corclo
soiont ôiiaux outro ou\ ot roniarquons quo c ost aussi
la naturo du cerch' (juo tous ses rayons soient égaux)
en conclut qu'on ne peut pas dire qu'aucun d'eux existe
si rc n'ost cpi autant que lo («'rclc lui-niTMiio existe et
([uo non j)lns l'idi-e de lim quolcon<[ue de i-es i-ectan-
gles existe, si ce n"es4 (ju'autant qu'elle est contenue
dans l'idée du corclo. Or cette idée dans le système
spinozisle <'sl coexistante à Dieu ({ui eontiont en lui
l'essencf' de tontes les choses.
Ainsi donc il l'-iut que Montesqnien \fnille dire (pn-
I id<'e de justice existe dans I idée de \;\ societ»' (pli
«'niiloho I idée de I lioninie. (•oninio 1 égalité des ra\ons
(lu cercle n Cxiste (pi autant <pi elle «^st eontenin' dans
l'idée du corclo sans (pi il s(tit hosoin ni (pie la société
sftit réalisée, ni (pie le corclo soit tracé.
(!e(piisoiiI peut faire illusion ici. ce sont les mots.
l"n ellct, il s"a::it d ('xjdi(pn'i' comment Ton coiuoif celle
- lo.S —
iiaturo d'idéo. Pour les spiritualistes, poiii* \o critique
des Xoiiv&lles ecclésiastiques l'idée des choses existe
bien en Dieu, mais comme manifestation possible de sa
volonté et de sa puissance et Dieu a d'abord la connais-
sance des choses qui se réaliseront ; l'idée de justice
dépend de lui seul et c'est lui (jui la révèh^ à notre
ànie. r^our Spinoza cette même idée est une consé-
quence des divers attributs qui composent la substance
et les choses dont Dieu a l'idée [Eth., 11. Th. 6, de
Dieu) « résultent et se déduisent de leurs attributs
respectifs ». Or Montesquieu a émis un aphorisme sous
une forme générale et vague : il n'a point expliqué le
sens qu'il donne aux termes qu'il emploie. On peut les
prendre dans le sens usuel, comme tout à l'beure les
termes de sagesse et de puissance divines, mais on
peut aussi leur donner tiu sens plus spécial cjuautorise
la conception particulière qu'il se fait de la loi et des
rapports des choses. Cette interprétation est nettement
spinoziste et le seul fait qu'elle puisse être j)ossible est
une présomption grave du spinozisnie de Montesquieu.
Si nous ne pouvons pas le détei-miiiei' phis clairement,
la faute en est aux précautions qu il prcMid ])oui* ne
pas domier une jirise trop facile contre lui, cai' il sait
bien quel sort attend le penseur trop audacieux. Il en
résulte que, cpiand après avoii' lu Spinoza, on aborde
Montesquieu, on éprouve une s<Misation mal définie de
déjà vu ptMiibb^ poui' ICspcit et (|ui autorise toutes les
sujîpositions. Nous venons de voir par l'analyse rigou-
o*
reiiso dos passages 1rs jilus s.iill.inls <ln ]»i'oiiii(M' livro
et pai- l<Mii- coiiijtar.iisdii ;i\<'r les pdiiifs |iiiii(ipaii\ «le
la iii»''f;ij)li\si(|ii(' <!<' Spiimz.i (|in' ers suppositions
peuvent ti'oUNer dans les textes une liasc assrz scdide
iu)taniinent en ce «|ui eoncei-nc la enii(('|ili(tn des rap-
ports nécessaires dont le maintien est lOltjcl de la loi
— pour ce <|ui louche à la |tuissance et à la \(donte de
l)i(Mi coiisidei't' cduinie cri'alcui' et ciiniUM' c(in>cr\ atmir
de 1 uiii\ers — pour ce (|ui reuardt- mlin I idt'c de
justice.
Or, ces trois points sont l'oiulanicnlaux et ils dt'ter-
niineid l'anule sous le(pnd on envisagera les rajiports
sociaux. Parlant de ces [»rincipes. counnent Montes-
quieu et Sj)inoza eoniprcniicid-ils donc l'oriianisalion
des soci<''tés liumaines ?
A])rès nous avoir inonti-é le monde pli\si(|ue l:(iu-
verni' jtai- des lois inxarialdi-^ <|ui maintiennent les
rapports essenti(ds à la continuité de la cr<''ation. Mon-
ies(|uieu constate [Esprit t/fs /ois, 1, '^) (|in' le monde
des intelligences « liien «pi il ait aussi des lois «jui,
par leui' natui-e, sont invarialdes ■> est loin d'être aussi
liien i:on\('riic cpu' le monde |tli\si([in' et •■ (|u il ne
suit |ias constamnienl ses lois comme le monde |)|i\».i-
«im- suit les siennes ■■.
Mais (pw faut-il enl<Midie par le monde des intidli-
geiu-es ? I']vi«lennnent celui i|ui comprend llnUMme et
les soeji^és <[U il l'olIUi'. l'olU' Montesipiieu . en ellef.
riiouune, dès que l'on soi-t de I oliser\ aliou pliiloso-
— 435 —
plii({uc pour aborder la réalité, ne peut être conçu en
(leliors de la société. Il repousse de toutes ses forces
Fétat de nature cher à Hobbes et à Rousseau dans
lequel, rbonmie serait en possession de tous les droits (>t
de toutes les vertus, serait égal à son send)lable comme
formé de la même essence et également libre. Loin de
là, dans cet état, à supposer qu'il ait existé, ù cha-
cun se sent inférieur, à peine chacun se sent-il égal »
{Esprit des Lois\ I, 2V Comment en effet, en présence
des forces naturelles écrasantes, rhomme n"cùt-il ])as
été pénétré du sentiment i\e sa proj»re faiblesse, (^'est
la société de ses semJ)lti])les qui hii fait sentir sa
force, cette société qui est apparue dans le monde en
même temps que la famille, c'est-à-dire en même
temps que l'homme lui-môme : « Je (LeUres pers., 91).
n'ai jamais ouï jîarler « de droit puldic qu'on n'ait
commencé par rechercher soigneiiscnicnt (pndle est
l'origine des sociétés ; ce ([ui me j)arait i-iiliculc. Si les
hommes n'en formaient point, s'ils se (jiiittaient <'l se
fuyaient les uns les autres, il fauîlrait en demander la
raison et cherclier pour([uoi ils se liciinent sé])arés :
mais ils naissent tons li<''s les uns an\ antres : nn lils
est né anj)ri''s de son jx-rc cl il s'y ticnl : xoilà la
soci(''t('' et la cansc de la sorii-h' ■>. !•]( si la l'aniillc n'est
pas l'origine de la société (|ni coexisterait ainsi avec
l'origine nn'Mue de l'homme, la nécessité d'assistance
nmtuelle l'aurait aussitôt fait naître, car l'homme isolé,
rhomme à l'état de nainre. à snj)poser qu'un t(d
liDinmc (Mif oxistô, aurait clierclu' à conservor son «Mi-o
hicii plutôt on utilisant los rossouires do sa laililoss»'
qu on ossayant d iiiiposoi' par la forco sa doniinatioii.
Acceptons donc cette idi'e ([lie le monde intelligent
ne se conçoit pas en deliois de la societi'. One \a-t-il
se passer ! E^^jinf des Jjiis, 1. 8 . •■ Sitcd (|ue 1rs
Ininunos sont en société ils perdfMit le sentinieni de lenr
faiblesse : l'égalité cpii («tait eiili-e eux cesse et l'elal
do liuori'o coniuionce. Cliacpn' société jt.nliculiére vient
à sentir sa force, ce qui j)iiidiiit un tdat de iiuorro do
nation à nation : les particnliej-s. dans cluujue société,
coniinenc<Mit à sentir leur force, ils chercluMit à tonrnor
en lenr laveur los principaux avantages do cotto société,
ce ([ui lait oidro eux un état {\o auerro. (]os doux soi'tos
«l'états {\(^ ii'uorre vont (daalir los lois parmi les liom-
nios ». et ailleurs J-^s/iri/ (!(•< Lois. \III, 3 : " hans
Tetal de nafni'e, les liommes naissent Wien dans 1 (''i:a-
lili-, mais ils n y sauraient rester. La sociétt- la lenr fait
jierdre et ils ne rede\ionnont éuaiix «pie ]»ar les lois ••.
Ces lois, ce S(»ut c(dles ((ui, toni comme dans le
monde pliysi(|ne, ('daldisseni l'iMpiililire entre les pal-
lies dont se com|>ose la société en \ maiiitenani la
variété dans I iinile pai' le maintien d un rapport cons-
tant entre la collecli\ it('' et lindixidii. La société no
sauiait exister sans cola et sans idle I lionnne indivi-
duel sei'ait dfdruit. Spinoza nous l'ait compi'ondre ce
phiMiomène exccdiemmenf : " La natnre l'orme nue
existence jdeine et indépendante, une en soi cl cuve-
I
— 157 —
loppant toutefois une diversité infinie. Et il n'y a point
Je contradiction. Qu'est-ce, en eti'et, qui constitue
l'unité d'un être corporel ? Qu'est-ce qui en constitue
la variété ? (Considérons les composés les plus simples,
par exemple un minéi'al. Ce minéral n'existe comme
individu qu'à une condition, c est qu il y ait un rapport
constant entre le mouvement et le repos de ses pai-
ties » (Cf. Mont. Esprit des Lois, 1, 1). « Chaque diver-
sité est uniforme, cha({ue chaque changement est
constance ». Il en est pour la société comme de tout ce
qui engiol)e l'existence.
C'est dans ce sens qu'il y a pour la société une loi de
nature constante qui dérive des rapports essentiels
issus de sa définition même.
Si les hommes qui composent la société n'étaient pas
ce qu'ils sont, ces lois seraient naturellement suivies
et jamais l'écpiilibre n'sultant de l'essence d<'s choses
ne serait troublé. Mais deux raisons s'opposent à ce
que les sociétés, c'est-à-dire le monde des intelligences,
suive rigoureusement sa loi. La première est que
{Esprit des Lois, 1, 3) « les êtres particuliers intelli-
gents sont l)(»rnés p.ir h-ur natnre et par cons('Mjucnt
sujets à l'erreur n. I*ai- h'i, il faut (Mitcnch'c (|nc h's
hommes souli'rent diin ^ mau(|ne (k' connaissance »,
comme dit Spinoza, provenant d'idées in^nléquates
[E/h. //, Th. 3")), autrement dit partielles et confuses
(h>nt la cause est l'ignorance où ils se ti'ou\cnt th'S
causes véritables de leurs <'tats <hi <h' Icujs actes. Si
— lo.S
telle H Cl.iit pas ! idi'c ilc Mitiitestjuii'U. jHUli'JjlKii se
serail-il doiiiie tant <le mal pour élaMir dans \ ilspril
(Ifs Loi^, |»ai' mie analyse ni(''Hi()di<jne <'t claire. le>
f (iiidilions e>seii liidles de la \ ie M)riale. les ra]t|t<)i'ts
(|n il s ai:il de maintenir <;(iiii°iirmemeiil a la nalnic de
eliaillle eliose. et les mnxens d e\itei- de .. de nn'lfle de
la eonlusion parmi les principes (jni d(»ivent j^omei'ner
les liDinmes » (Esprit des Lois. .X.W'J. 1 i. Ponrcpioi
s'écri(M'a-t-il dans sa prélace : <- 11 nCst pas indillV-rent
(jne le jM'iiple soil !•( laire. Les [)réjii,::(''s des ma;^islrats
ont e(immene<- par être des j»r(''jnL:<''s de la nati(ni -'.
Mai^ il y a nne antre raison meore. c'est (jne
1 lionnne est nn ('-Ir*' sensilde. et comme tel snjet à
<( mille passions ... Entre tontes, la pi'incipale est 1 aj»-
pétit qui le ponsso à toujours dévolojjper sa ])uissauce
(l'aii'iF pour sassnrt'i- la plénitude île \ie compalilde
avec ses l'acultc-s. |)e cette constatation sort e\ idem-
nuMd la l'ormnle lann-use Espiit drs Lm^. XI. ."» : .. Tout
houune (]ui a du pon\oir est porte à en ahuser ", com-
])lét<''e par cette aidre non moins c('lèl»re : « Le pou-
Nitirarièle je jtonxoir '< [Esprit ths Ay/s. XI. 'i) : car
llKimnii" ne l'ail ici (pie Mli\|-e la loi de nalnre de toutes
les créatures «pii est de perscM'rer dans leur <"'tre et la
psV( liolouie individuelle est ici d accord a\ec les joj.si
^^('•m'rales de la nalnre.
(ionune d autre part il est de la natui'c des eti'cs
iutellii;('nts «< d'ai;ir par r-ux-mèmes ■>. " ils ne siii\ent
pas cruistammeiit leius lois primiti\es : celles mèmcH
— lo9 —
qu'ils se donnent, ils ne les suivent pas toujours ».
Il résulte de cela que Toffice des lois positives et de
l'organisation politique est de ramener les hommes aux
lois de leur nature, par la compréhension, sous forme
d'idée adéquate, de leurs véritables rapports indivi-
duels et sociaux, de manière à ce que ces rapports,
étant maintenus dans leur intégrité, lee sociétés aussi
bien que les individus puissent subsister et se per-
pétuer.
La science du législateur sera de connaître ces rap-
ports essentiels et toutes les causes secon(h»s (|ui peu-
vent en modifier Faspect ; son art sera d'y conformer
les lois quil élaljorera. De môme, la science du juris-
consulte sera d'apprécier ces mêmes rapports et ces
mêmes causes secondes pnur pouvoir comparer à cet
état normal et réel, celui qu'établissent les lois posi-
tives, et son art sera l'habileté avec laquelle il saura
faire cette comparaison. Quant à l'autorité de la loi,
elle sera fondée d'une part sur la conformité avec la
réalité des rapports qu'elle doit maintenir, et c'est la
première condition par laquelle elh' siiiqKiscra, mais
elle s'appuiera aussi sur la puissance dv ÏKUd, c'est-à-
dire sur le droit (|ui hii est dévolu j);ir la nature des
choses de maintenir et de faire respecter Idrdrc néces-
saire pour assurer la durée de la société.
Que nous dit Spinoza ? Il suffit de le citer p<»ur être
saisi d'une analogie presque complète entre sa pensée
et celle de Montesquieu que nous venons d'auahscr.
— I(»() —
« Tout iiii chaciiii. (l('(lai-('-t-il E/h. I\\ Tli. 37,
Scholic 2), existe en vertu <lu di-nit si>u\ t'raiii de la
nature et eonsé<ju<Munieut c est en \rrtii de ce dmit
souveraiu que chacun accomplit les ( lioscs (|ui i-esul-
tent de la nécessité de sa nature, et |»ar c<)nsé(|uent
c'est <'ii vcriii du droit souNcr-ain de la naliirc t|n<' tout
un (diacun juj;e ce qui lui est hou, ce (|ui lui est mau-
vais, et prend les mesures qui lui sout utiles, comme il
lui convient, et ([u'il se ven^e. et qu il s'efforce de con-
server ce qu il aime et de détruire ce ijuil a en liainr.
^'/ les hommes vivaient sous la coinluitt' île la liaison,
cliacmi jouirait de ce droit </ui lui est pro/^rp, .sans causer
à autrui aucun «laminage. Mais coiunu: 1rs liuninws sont
sujets aux affections qui surpassent beaucoup la puis-
sance, autrement dit la vertu liumaine, pour cette raison
il arrive souvent (juils sont entraînés en sens contraii-e
et (|u'ils sont c»tnt!'aires les uns aux autres: alors »|u ils
ont besoin de I aide les uns des autres.
Donc, pour ([Ile les jiommes j)uisseid \i\re d accord
et saidei- les uns les auties, il est néccss/rirr </u ils uhan-
donncnt <lc leurs droits naturels I '. rt t/u'ils s'assurent
les uns aux autres i/u'ils ne feront rien ipii puisse tour-
ner an domniaiic daiilrui. I>e <|iHdle iiiaiiieic il jteiil se
]»rodnire (pie les hommes (pii sont nul urelInnenL sujets
{. Cf. .Molli. Ksi, rit ites Lot.^, .V.Wl. 15.
« Comme tes fiommes ont renonré à teiir i/idr/if/uto/irr natu-
rottc },niir vivre stnis itrs fois potitii/ues, ils ont rtMionrc à la rom-
muiiaulé nulureiie "les biens pour vi\rc sous tics lois civiles ».
— 161 -
aux passions et inconstants et changeants puissent s'as-
surer les uns les autres, et avoir confiance les uns dans
les autres, cela résulte... de ce fait qu'aucune affliction
ne peut être entravée^ si ce nest par une affection plus
forte et contraire à l'action à entraver et que tout un
chacun s'abstient de porter dommage par la peur d'un
dommage plus grand. Donc, c'est sur cette règle que la
société pourra se fonder, pourvu qu'elle reprenne par
devers elle le droit que chacun a de se venger et de
juger ce qui est bien et ce qui est mal. Par suite, la
société devra avoir le droit de prescrire les règles de la
vie commune et d'édicter des lois en les appuyant, non
pas sur la Raison qui ne peut entraver une affection,
mais sur la menace. Une telle société établie sur des
lois et sur le pouvoir de se conserver elle-même, s'ap-
pelle cité, et ceux qui sont défendus par ses lois
citoyens ».
Il est impossible de ne pas être frappé de l'analogie
qui existe ici entre la pensée de Montesquieu et celle
de Spinoza. L'office des lois positives et de l'organi-
sation politique n'a-t-il pas pour objet pour l'un comme
pour l'autre de ramener les hommes aux lois de leur
nature par la constatation de leurs rapports individuels
et sociaux de manière à créer par l'équilibre des pas-
sions un Etat qui permette à chacun de se dévelopjjcr
avec sécurité.
On peut toutefois objecter à ce rapprochement qu'il
y a tout de môme une différence essentielle entre les
Oudin 11
- lG-2 —
(leii\ foiifcjttioMs dont iKUis nous (tcriijKiim. L iiin*.
cellt' "le Spiiiozn. (.oiriiic j)ar rct.ildisssiuciit «le l.i
socirfi' ri des lois |»oliti<]U("s Irt.it de uiirrir |»l-'mntif r*f
iiiiturol. Or Moid('S([iii(Mi ariiiiic (|u d a ru \ur d atta-
«|llf'l' le SNstfliic dr I loldir> (|lli •■ \oidaid jH-(>ll\ «T ijllf
l(^s lioiiiiiK's naissent t >us en état de i:iieiie et (|ne la
premi«'ie loi natiii-elle est la inieiic de Ions contre tous
ronvorse coninie Spinoza t nte i(di::ion et toute
morale ■>. Sans doute .Montes(|uieu ne parait pas sous-
ei'ire à cette ariirniation de Spinoza fjuo cVst on \ei-tu
du droit >oii\ l'rain île la nature (|ue fnni un ( liacnii ,iuL:<>
ce (|Ue lui e>t lion, ce ([ni lui est nianxais. et |u-end les
iiiesurt's ({ui lui sont utiles couiun- il lui con\ ient et (ju il
se veni:r> et ([u'il s'elVoi-ce dp conserNcr ce (|U il ainu' et
de détruire ce cpi il a en haine ... \ oilà en ell'et i|ui
justilie la satisfaction des pii-es instincts. i|ui Jette les
lioinnies les mis contre les autres, <jui le ra\al<- au
lani; di' !a Itète en ne lui donnant comme lui ([ue son
iiitei-r-l imnieilial.
Mais [»cnt-<~'lre M(UlteS(]uieU est-il ici dujie de
Ini-iuènie ou ( lier< In^-t-il à nous faii'e illusion.
Adnietloijs nii instant, connue Spinoza, *[\ir I ctal de
iiuerre soit I état uatufid aux liommrs. il n en est |»,is
moins \i-ai ipir la société y met liien \ite nii terme en
ramenaiil pai- I autor-itt' de ses lois les indi\idus à la
conscience et au resjiect des iidércts conunmis. (lest
cette conception de I IjouMue primitif, loup poiu" son
semlilalde ipii lie plait j)as à Montesipiieu il almrd par<e
— 103 —
qu clic rcpui;Mc à sou sriitiiiicut, ensuite parce qu elli^
hii parait fausse : nous lavons vu, pour lui la société
est l'état normal et naturel de Ihuiiiaiiité. Mais il ne
paraît pas sapcrcevoir (ju'il ne fait (pic déplacer
lépoque où sétahlit cet état de guerre contre lequel il
s'élève si fort. Pour Spinoza. ]iour Hol)l)es, c'est létat
naturel (\r 1 lioninie ^ti'indtif, poui- ^lontesquieu c'est
leur premier contact dans la vie sociale. « Sitôt que les
lioninies sont en société, ils perdent le sentiment de
leur faiblesse : régalité qui était entre eux cesse et
l'état de guerre commence ». Dans l'une comme dans
l'autre conception il faut toujours en arriver au même
résultat à l'étaljlissement de lois positives et d'une auto-
rité publi(pie destinées à rétablir entre tous les liommes
la permanence des rapports nécessaires pour assurer la
libre existence et la sécurité de cbacun, soit en empê-
chant comme chez Montesquieu, la société formée de
se dissoudre dans l'anarchie, soit en aidant, comme
chez Spinoza, à sa formation. En somme c'est toujours
l'état de guerre, antérieur ou jxtstérieur à la société
qui aboutit à la création des lois.
I \\ Al . — IMPRIMERIE L. B.VRNEOUD ET C'
92
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DUE DATE
FORM 310
University of British Columbia Library
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