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Full text of "Le spinozisme de Montesquieu : étude critique"

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THE  UNIVERSITY  OF 
BRITISH  COLUMBIA 


http://www.archive.org/details/lespinozismedemoOOoudi 


LE  SPINOZISME 


DE 


MONTESQUIEU 


ÉTUDE    CRITIQUE 


J'AR 


CH.  OUDIN 


LICENCIE    ES    LETTRES 

ANCIEN    ÉLÈVE    DE    LA    FACULTÉ    DES    LETTRES 

DE    l'université    DE    PARIS 


PARTS 

LIBRAIRIE  GÉNÉRALE  DE  DROIT  &  DE  JURISPRUDENCE 

Ancienne  Librairie  Clievalier-Murescti  ff  C"  et  ancienne  Librairie  F.  Pic)ion  réunies 

F.  PIGHON  ET  DURAND-AUZIAS,  admimstratkurs 

Librairie  du  Conseil  d'Etat  et  de  la  Société  de  LégislatioD  comparée 

:20,     HUE    SOUKKLOT     (.')«    ARR') 

1911 


LA  MONARCHIE  ET  LA  LIBERTÉ 

D'APRÈS  MONTESQUIEU 


Daus  un  précédent  travail,  nous  avons  essayé  de 
dégager  les  parties  essentielles  de  ï  Esprit  des  Lois  et 
de  montrer  leur  enchaînement  étroit  suivant  un  plan 
d'ensemble  nettement  tracé.  D'après  le  «  dessein  » 
même  de  cet  ouvrage,  il  ne  semble  pas  que  l'on  puisse, 
sans  dommage,  en  détacher,  comme  on  le  fait  trop 
souvent,  pour  les  étudier  à  part,  les  considérations 
politiques  qui  forment  les  onze  premiers  livres.  L'objet 
principal  de  l  Esprit  des  Lois,  en  ellét,  est  moins  de 
donner  le  modèle  du  meilleur  gouvernement  que  de 
fonder  une  méthode  générale  capable  d'aider  à  créer 
et  à  interpréter  le  droit  en  établissant  sur  des  l)as('s 
certaines  la  science  jui'idi(|ii('  jusqu'alors  perdue  dans 
une  extrême  confusion  de  principetj,  aussi  bien  dans 
l'ordre  politique  que  dans  l'ordre  civil. 

La  multiplicité  des  législations  en  vigueur  et  leur 
diversité,  ne  le  cédaient  qu'à  la  variété  des  principes 
sur  lescpiels  elles  s'appuyaient.  Le  droit  couluiuiei-,  l»> 
Oudin  1 


_    ç)    

(h'oil  IV'.mI.iI.  !••  (Iniit  idiii.iiii.  !'•  droit  ciikiii,  \r  droit 
issu  drs  oi'doiiii.iiicrs  royalrs  iiuii  sculciiKMif  cocxis- 
Liinit.  iii.iis  niforc  se  sii|i('r|)iis,iiriit  i-t  •'•tnidaiciif  sur 
les  socit'tfS  nccidcilt.lN'S  1111  ilH'Xtricdldc  l'rsc.lll  de  lois 
soinnit  coiitradictoii'CïS  dans  leurs  |)i-<'sti'ipti(jiis  et  tou- 
jouis  iiispiivcs  iMi  tous  cas  d'un  esprit  diU'éi'ent  ])arcc 
(|n  aiirunc  des  aiitorit('-s  dont  (dles  émanaient  n  en\is<i- 
i;eait  le  monde  et  la  société  ave<'  le  même  esprit. 

S'il  saisissait  de  rorgaiiisatiou  politique,  les  théories 
les  plus  diverses  étaient  mises  au  service  de  toutes  les 
passions,  et  le  L:(tril  de  lautorité  sans  limites  comme 
<<dui  de  la  lil»erl(' sans  IVein  trouvaient  également  des 
raisons  jiour  jnstilier  leiii's  aj>|H'-tits. 

l'oiir  un  étudiant  oldii:é  de  s'assiniilei'  tant  de  matières 
diverses  et  incoJM'rentes.  pour  un  maiiistrat  cliari;é  de 
comprendi-e  et  d'aj)})li(pier  s(doii  la  l'aison  et  l'écjuité 
des  lois  de  tout  ordre,  émanées  de  sources  si  ditiéreiites, 
jtour  un  jurisconsulte  soucieux  de  pénétrer  au  fond  des 
clntses,  coinl»i(Mi  ne  de\ait  pas  paraître  n(''cessaire 
1  «'nonct''  de  princij)es  assez  «MM'tains  poui'  que  Irin  put 
résoudre  par  leur  moyen  toutes  les  hésitations  et  tous 
les  doutes,  et  assez  uéïK'raiix  cependant  j)our  simplitier 
sans  la  di-iiaturer  la  complexité  d'un  aussi  vaste 
enseudde. 

hepnis  Hodin.  eu  passant  par  le  [irésich-nt  l'ahre, 
iirotins,  l.eihnitz  et  honiat.  les  esjnijs;  les  plus  l'uiinents 
avaient  déjà  essayé  de  mettre  de  Tordre  <lans  ce  chaos, 
et  de  .lé^aiicr  les  piiiuipes  universels  aux(]uels  ju'uvent 


—  3  ^ 

se  rattacher  les  lois  positives.  Mais  aucun  deux  ne 
réalise  aussi  complètement  ce  dessein  que  .Montesquieu 
Bodin  avait  bien  tenté,  il  est  vrai,  dans  sa  République' 
d'envisager  la  question  dans  toute  son  étendue  en  ne 
séparant  pas  l'organisation  civile  de  l'organisation  jxjli- 
tique  ;  le  droit  civil  domine  trop  exclusivement  les 
préoccupations  de  Domat  ou  du  président  r\ii)re. 

Montesquieu,  le  premier,  sut  coordonner  les  élé- 
ments de  toutes  les  lois  et  mettre  en  lumière  lunité 
réelle  des  principes  dont  elles  s'ins])irent,  en  montrant 
que  toutes  les  lois  politiques  aussi  bi(!n  que  les  lois 
civiles  dépendent  des  conditions  naturelles  de  la  vie 
sociale. 

Ce  principe  n'était  pas  nouveau  et  l!om;it  lavait  déjà 
exprimé  avec  force  :  «  La  justice  univers(dl»'  de  toutes 
les  lois  consiste  dans  leur  ra]»port  à  Toi-di-c  de  l.i  sori(''t('' 
dont  elles  sont  les  règles  ». 

Cependant,  tandis  (jue  Douiat  loiidc  Idrdre  des 
sociétés  sur  le  j)lan  divin,  ce  (jui  exige  de  son  Icclrtir 
un  acte  Ac  foi  préalable,  .M()ut(\s([ui('U  s  attaipic  ;in 
corps  entiei'  des  lois  jjositives  et  ue  veut  connailrr  (|nc 
la  réalité  sensi])le.  Dans  cette  \()lonté  réside  loiilc  lori- 
ginalité  (]ui  a  fait  le  succès  de  Y  Esprit  des  Lois. 

Par  le  fait  même  de  son  existence,  la  société  lait 
partie  des  j)li(''nomènes  de  ruiiiNcrs.  A  ce  litre  l(>s  lois 
<[ui  la  régissent  sont  de  l.i  iiK'iiie  iialmc  (|ii('  les  lois  de 
tous  les  phénomènes  :  si  les  lois  (jui  l'èglent  les  actions 
et  les  réactions  de  bi   malière  e\])i'imenl  l(>s  eondilions 


(|U Vlli-  doit  if.ili^ri'  |)(Hir  r(iiisrr\r|-  n.i  ii.illirr  cl  >os 
[)l(i|ilit'l('s  :  si  It's  Itiis  ;iu\t|lH'll(*s  olM'issciil  les  (•Ires 
\i\;ilils  l\o  sont  ([lir  1  cxpiTssioii  des  Itcsniiis  ((u  ils 
il(»i\»'iit  siilislaiic  j)<»Ul'  jx'l'NCN  l'i'ci'  dans  leur  r\l<\  les 
luis  i|iii  i'('_ul('iit  I  (U'naiiisatioii  sociale  et  les  i-apports 
des  li<iiiiiiies  (>iili-e  eiiv  t radiiironl  à  ii  <'M  pas  douter  les 
exigences  aiixtuicllcs  sont  liées  la  jU'ospérit»''  «'t  la  durée 
de  la    ^ociete. 

.\l(>iitcs([iiicii  iliusli'c  ainsi  à  sa  jnanièi-c  le  mut  de 
Lcilinit/.  :  Fiat  justi lia  ne  pereat  miindus.  Mais  si  i»oui- 
Leilinity.  les  lois  maintiennent  l'harmonie  nnivei'selle  en 
ratta<diant  1  liumanit*'  a  son  oriuine  di\ine.  .M(»ntes- 
<|nien,  pins  simplement,  n  enf  dcmonti'cr  (|ne  pour  eta- 
Idir  !  nni\  ci'salitc  <'t  1  unitt'  des  j»i-incipes  dn  dritit  cl 
dissiper  leur  icm-cîtaldc  conliisi(»n.  il  sutlit  de  les  r.ip- 
porter  à  la  nature  des  cliosos  de  la  vio  social»'  en 
tenant  toujonis  compte  des  (•ii'c<)nstane<'s  parti«'uliéres 
<pii  oldiuent  la  raison  Inimaine  à  réaliser  son\eiil  par 
des  moNcns  diUci-cnts  l'ctpiilihre  et  1  liai-nionic  tpii  sont 
le  jiiit  commnn  Ar  Ions  les  cU'orts  sociaux. 

Si  Ion  peut  se  li'om])ercn  xonlanl  assiunei'  an\  lois 
mi  fondement  tlieolo_i;i(pn'  et  méta[)liN  siipie  parce  <pie 
1  on  rais(jnne  dans  ce  cas  a  priori  et  sui"  îles  liypolhèsi^s 
incertaines,  (pioi(pn'  j)arfaitement  lof^icpies,  rien  n'est 
pins  lacilemcnt  cunlii^lahlc  (pic  les  l»esoins  aii\tpi(d> 
doit  satislaii'c  tftute  société  liuniaiiic  jiar  le  lait  de  sa 
nature  nuMuc:  l'icn  ne  peut  tfiinlier  pins  Mircmcnt  sons 
le   Nciis    (|uc    lc>  nccchsit^'s  ipji  dcj'i\enl   de>  conditions 


—  5  — 

d'existenco  propres  à  chacune  d'elles.  L'observation 
directe  et  l'histoire  nous  renseignent  lareenient  sur  ce 
dernier  point.  Par  elles,  on  saisit  les  intluences  ])h\si- 
ques  et  économiques,  on  se  rend  compte  des  l)esoins 
particuliers,  on  pénètre  les  mœurs  dont  les  lois  reflè- 
tent les  habitudes  ou  les  exigences.  D'un  autre  côté,  les 
lois  révèlent  à  qui  sait  les  interpréter  bien  des  états 
d'esprit  et  bien  des  faits  dont  l'histoire  proprement  dite 
n'a  point  gardé  la  trace.  Aussi  Montesquieu  n'a  jamais 
mieux  défini  sa  méthode  qu'en  nous  affirmant  «  (pi'il 
éclaire  les  lois  par  l'histoire  et  l'histoire  par  les  lois  ». 

Cela  est  encore  plus  vrai  lorsqu'il  s'agit  de  l'organi- 
sation politique  des  sociétés  ;  car,  dans  sa  recherche  de 
l'équilibre  et  de  l'harmonie  des  forces  sociales,  l'homme 
n'est  pas  arrivé  du  premier  coup  à  la  perfection. 

Les  ditï'érentes  sortes  d'état  politique  qu'il  a  mises  en 
pratique  ont  présenté  bien  des  modalités.  Si  on  peut 
ramener  la  diversité  de  ces  formes  à  trois  grandes  espè- 
ces :  la  monarchie,  l'aristocratie  et  la  démocratie,  il 
n'en  est  pas  moins  évident  que  chaque  peuple,  suivant 
son  caractère  et  suivant  les  circonstances.  <mi  a  orga- 
nisé les  rouages  à  sa  façon,  ou  plutôt,  que  (hacjue  peu- 
ple a  réalisé  en  elles,  d'après  son  caractère  particidier. 
fl  après  les  exigences  aux(juelles  il  devait  faii'e  tare, 
l'accord  stable  entre  l'individu  et  le  corps  social  ([ui  est 
à  proprement  parler  l'olijet  de  toute  organisation  poli- 
ti({ue.  L  étude,  dans  l'histoire  ancienin^  et  conteni|>o- 
raine,  de  ces  etl'orts  réitérés  j)eut  doiie  i-évéler  au  jui'is- 


—  (î  — 


l'iili^llllf  li's  (lillV'l't'iils  lirsdilis  (|||('  liiillc  socirlt-  doit 
sfHiirtci-  Ai-  s.itisr.iiii'  |>  iir  \i\n'  srlmi  l'oidi-c  jxiliti  — 
(|ll(>  l'I  ii\  il.  (  ;"<'st  lin  ciisriuiiriiiriil  dr  ce  ucilir  <|ll(' 
M<»lll('s(|uir||    lilr    lie  1,1 11,1 1\  se  (les  r(  mst  itilt  ioilS  nilll.lim' 

cl  .iiml.iiM'.  |»,ii- t'\('iiii>li\  «'}  ("est  hicii  l.'i  liiitc'Trt  (juat- 
tiich.iiciil  ;iii\  t'-liKlrs  (le  (Iroif  roiiiji.irt'  iins  i:ran(ls 
jiii"isc»)iisiilf('s  ilii  wi'"  siècle. 

(',ej)eii(|,iiit  ces  études,  poiii'  tMre  \r;iiiiieiif  IV'Cdiides, 
ne  d<>i\cid  point  l'tre  l'.iites  au  li,is,ird  et  par  siin|de 
eiii-idsil*'  do<iinieiif,iii'e  :  il  ne  s,iL:it  j»(»iiit  d.in.ihseï" 
siicccssiveiiKMit  des  CM^iistitutious.  (^e  ti'avail  a\ail  d  ail- 
liMii-s  ét(''  fait,  et  c'est  ainsi  ([iiuii  «(Hiteiiipoi'aiii  de  Moii- 
test|llieM.  (  iasp.ird  de  {{('-aide  (iuritail.  S(''néclial  de  |''(»|'- 
c;il(|nii'r.  cnteiid.iit  la  science  du  i:oii\  eiiKMiieiit.  (  !e  (|iii 
importe,  c Cst  de  pt-iiétrer  Tcspiit  de  toutes  les  «truani- 
s.itioiis  |ioliti(|lles  et  de  les  |-appol'te|-  toujours  ;i  la 
ll,lluredes  (lioses  dont  <dles  di''ri\('llt.  I*,ir  suite,  poul- 
ies r\poscr  et  les  ap|ir(''cier  ,1  pies  |esa\oir  connues,  il 
raiidr.i  preiiifre  coiniue  iriiidc  l,i  nature  des  choses  de 
1,1  \  ie  soci;ile,  tidie  (pielle  se  r(''\  è|e  ;"l  lions,  ;i  |;i  fois 
p.ir  sa  di'liiiition  iiième  et  p,ir  les  .ispirations  des  Inmi- 
llies  dont  les  lois  liousollt  laisse  le    t/'Illoii:  iiaiic 

<tr.  |;i  \ic  soci.ilc.  coiisidc'ri'e  d.iiis  les  /di'inenls  (|ui 
constituent  s,i  (h'-linitioii  nn'ine.  rej)reseii  te  I  iiiiioii  d'in- 
dividus d.ins  un  liiit  d  action  coniniuiie  et  de  protection 
iniitindle.  M.'iis.  ipn  dit  union  en  vue  d'une  action  coiii- 
niiiiii-  |»osc  p;ir  l;i-iiiènie  une  ,iiitorit<''  cpii  in,iiiitieiit 
r.'iccord,  diriLic   les  cITorts  de    |..iis  d   en  ;i<sure  |;i  coiiti- 


nuit/'.  En  dehors  de  cette  autorité,  il  n'y  a  j)as  de 
société,  il  n'y  a  qu'une  collection  (Tindividus  (ju'iiii 
hasard  réunit,  qu'un  autre  hasard  disperse.  La  i)i'e- 
niière  et  la  plus  impérieuse  des  exigences  de  la  \ie 
sociale  par  suite  de  sa  nature  même  est  donc  l'établis- 
sement d'une  autorité  qui  maintienne  l'accord  des  for- 
ces et  des  volontés  particulières.  Cette  autorité  nous 
l'appelons  le  gouvernement.  Kii  ])riiicipe.  la  tonne  de 
ce  gouvernement  inqiorte  peu  :  ici,  roji  l'ait  aj)pel  à 
l'autorité  d'un  seul,  là  où  s'appuie  sur  la  collaboration 
et  la  bonne  volonté  de  tous  les  individus  (hi  gToui)e  ; 
ailleurs,  ces  deux  formes  extrêmes  admettent  des  tem- 
péraments divers.  Mais  toujours  et  partout,  le  gouver- 
nement, quel  qu'il  soit,  doit  répondre  à  son  oljjet  cpii 
est  de  maintenir  l'union  du  corps  social.  Pour  cela, 
deux  conditions  sont  nécessaires  :  il  faut  tout  d'aliord 
que  le  détail  des  dispositions  organiques  (pie  pi'éseide 
chaque  forme  de  gouvernement  résulte  do  sa  nature 
propre,  c'est-à-dire  du  caractère  <pii  détermine  sa  défi- 
nition môme.  Ainsi,  par  exemple,  dans  la  nionari  lii(\ 
les  lois  constitutionnelles  devront  assurer  l'exercice  (hi 
pouvoir  unique  et  saconmmnication  aux  divers  degrés  ; 
dans  la  démocratie,  elles  devront  organiser,  au  con- 
traire, la  participation  de  tous  au  j)ouvoir  en  établis- 
sant un  système  d'élection  et  de  re]>rés(Mdation  appro- 
priée. De  cette  manièi'<>,  b*  r(>nclionn<Mnenl  normal  de 
l'autorité  sera  assuré  conformiMnent  aux  exigence-s  pi'(»- 
pres  de  chacune  des  formes  (ju"(db'  revèl.  (l'est  b*  gai:(' 


—  8  — 

priurip.il  «lo  Intilitô  rt  do  la  dui'cV  do  son  arfion. 
Ce  ii'fst  |(.is  cf'pcnd.-mf  lo  seul,  l/.iiitoritô  <lii  iionvrr- 
llflliciil  s'('\(M'c('l-.'l  (lune  lliailioi'c  st.lhlc  si  Inill  dans 
snii  oi'uaiiisatiiiii  osf  disposr  do  fa<^'oii  à  lui  t'oiiniir  pi-ô- 
cisriiK'iit  los  iiioyiMis  j)ai-fi<'uli('rs  ((n'il  lôclamo  ;  ollo 
s'oxercri'a  d  une  manirro  <Micorp  plus  suit  rt  plus  dura- 
1)1»'  si  les  individus  (pii  s'y  sounu'ttont  ont  des  senti- 
ments et  un  esprit  conformes  à.  celui  du  gouvernement 
(pii  les  i-éiiit.  l'ji  d  autres  termes,  le  traire  essentiel  de 
la  j»rrnianence  d'une  l'orme  ([uelcoufpio  de  gouverne- 
ment de|iend  de  la  force  du  principe  psychologique  ([ui 
en  assuie  I  intlnence  et  raiitoi'ité  sur  les  masses.  Il  suit 
de  là  <ju  un  gouvernement  une  fois  établi,  })ar  le  fait 
même  de  son  existence  et  par  la  lU'cessité  oii  il  se 
trouve  de  persévérer  dans  son  être,  organise  <l  une  part 
ses  lois  constitutionnelles  de  telle  sorte  qu'il  puisse 
dévelo})j)er  harmonieusement  par  leur  moyen  toutes 
les  puissances  de  sa  nature,  et  ([uil  s'eilorce  d'autre 
part  de  modeler  l'organisation  sociale  de  manière  à 
assurer  sans  peine  chez  tous  les  individus  du  grouj)e 
les  sentiments  capables  de  maintenir  toujours  vivant  \o 
principe  dont  il  tire  sa  f<trce.  Ainsi,  avant  toutes  choses, 
et  pai<('  t\w  lantorité  nécessaire  jtoui'  maintenir 
1  union  et  la  cohésion  du  corps  social  revêt  diverses 
hirmes  (pii  ont  chacune  leur  manière  d'être  et  leurs 
]>rincipes  jjarticuliers.  les  ra])ports  des  individus  entre 
eu\  et  des  indi\  idus  avec  Ij^tat  se  trouvent  «léjà  déter- 


—  0  — 

^lincs  dans  un  certain  sens  dont  il  est  nécessaire  de> 
tenir  compte. 

(lest  poiinjuoi,  avant  dT-tudiei-  les  diverses  espèces 
de  lois  qui  rèalent  les  rapports  individuels,  il  faut  de 
toute  nécessité  bien  connaître  les  formes  que  peut 
revêtir  Fautorité  organisatrice  de  la  société,  ainsi  que 
les  conditions  les  plus  favorables  à  son  établissement, 
à  son  exercice  et  à  son  influence.  L'étude  des  lois  de 
l'organisation  politique  des  sociétés,  dès  lors  que  Ton 
ne  veut  s'en  tenir  (juà  la  réalité  des  faits,  doit  donc 
dominer  celle  de  toutes  les  autres  lois. 

C'est  ce  que  l'on  n'avait  pas  aperçu  ou  ce  cjue  l'on 
n'avait  entrevu  que  confusément  avant  Montesquieu,  (^t 
c'est  pourquoi  son  ouvrage,  qui  ne  néglige  aucun  des 
rajjports  sociaux  qui  sont  appelés  à  régler  les  lois,  est 
par  certains  côtés  un  ouvrage  de  politique.  Avant  lui, 
le  domaine  des  lois  politiques  et  celui  des  lois  civiles 
étaient  complètement  séparés  :  ces  deux  ordres  de  lois 
puisaient  leurs  principes  à  deux  sources  diflerentes  et 
formaient  l'oljjet  de  deux  sciences  distinctes.  Aussi, 
après  lui,  il  n'est  plus  permis  de  négliger  le  facteur 
politique  dans  It-tude  des  lois  civiles,  et  c  est  là  une 
des  nouveautés  les  plus  oi'iginales  de  VEspril  des 
Lois. 

Ce  n'est  pas  la  seule,  et  nous  avons  montré  tout  l'in- 
térêt que  fait  prendre  la  science  juridique  à  l'exposé 
des  relations  que  les  lois  d'un  peuple  ont  avec  la  nature 
des  conditiftns  physiques,  morales  et  économiques  dans 


—  10  - 

ïcsfpioUrs  îl  pouf  sp  trouver.  1>(^  iiirin(\  Montosquîoii 
a  mis  1<'  ])i'«MiiiiT  <'ii  lumicrr  ■•  la  (It-pciidaiicc  »  des  lois 
vis-à-vis  les  unes  des  auli('><,  de  «ii'tc  (|il('  les  l(»is  Jiiv- 
sfutcs  lioiiiK'iit  toujours  par  certains  (■('•tes  à  dos  lois 
plus  anciennos  <|u'(dlos  élarcissont  ou  ([u'ellcs  rcstroi- 
_L;ncnt.  (pi  (dlcs  rcniplaccnt  ou  dont  idlcs  r(''pai'riit  les 
oMiissions. 

Ainsi  s'introduit  dans  la  sciouco  du  droit,  jus({u*alors 
toute  sul>jecti\('  et  l'ondt'c  tantôt  sui-  l(^s  oxciuplcs  do  la 
<li\iuit('',  lanfiM  sur  l'idoc  nioralo  dr  ["('([uitr.  uiu» 
luctliodc  ol)j('cti\('  ccrtaini'  l'oiuli-c  sur  lanalysf  dos 
faits  sociaux  et  sin-  l'ôtu^jc  do  lliistoiro.  Dans  rt^  vasto 
onsoud)l<'.  {l'Iudo  des  plirnoniôuos  j)oliti(juos  tient  une 
très  uraudo  place,  et  cette  place  est  justifiée  non  soule- 
luoiit  pai'  liniportance  de  l'oriiauisatiou  politi(|ue  dans 
la  \io  sociale,  lu'iis  encore  ])ar  les  pr(»l)l«'Uies  l'ouda- 
uientaux  (|ui  se  pos<'nl  à  leur  occasion. 

Si  Ton  \a  en  ell'et  au  l'ond  des  (  Intses,  !<■  |tl'.ddènie  Af 
rori:anisation    ]toliti(|ue     souiè\e     je    proldènie    de    la 

lilierté  du    ciloNt'U. 

Il  ne  l'aiit  pas  ouldier  en  ellel  ipu'  lautorih'  du  ■j.nw- 
\erneiiienl  s'exeive  SUI'  des  indi\idus.  el  (|Ue  si  la 
socit'-lt-  (pi  iU  l'onnenl  ncuI  diu'ei-,  ils  onl  enx-int'-nies 
I  appétit  de  persexci'or  dans  leur  (dre  et  d  être  lèses  le 
moins  possible  dans  leiii-s  iiit(''r<''ts  pai-liculieis  |»ai  l'oi'- 
,i:ailisuie  ((dleclir.  Si  le  lait  de  \  i\  fe  eil  socii'te  leur  crée 
des  de\<>irs,  la  nécessite  de  satisfaire  aux  o\ii:('nces  {\c 
leurs  hesoius   persouiuds   leur    donne   des   droits   <pio 


—  11  — 

l'Etat  ne  peut  manquer  de  prendre  en  considération  et 
qu'ils  doivent  pouvoir  veiller  sans  cesse  à  ne  p;is  laisser 
entamer. 

Or,  la  conception  de  la  liberté  politique  et  des  droits 
individuels  dépend  essentiellement  de  l'idée  que  l'on 
se  fait  de  la  loi  et  du  droit  naturel. 

L'étude  attentive  de  VEsprit  des  Lois  nous  conduit 
donc  à  des  spéculations  philosophi(pies  ({ui  send)lent 
dépasser  son  objet,  spécialenn^nt  juridique,  ou  ses 
préoccupations  praticpies,  mais  (jui  cependant  ne  leur 
sont  pas  contraires. 

Ces  questions,  Montescpiieu  ne  les  traite  pas  dans 
VEsprit  des  Lois  d'une  manière  expresse,  car  elles 
n'entrent  pas  dans  le  cadre  qu'il  s'est  tracé  et  que  nous 
avons  dû  suivre  pas  à  pas  dans  notre  précédent  travail, 
(cependant,  elles  sont  essentielles  jxmr  bien  couqtren- 
(Ire  la  pensée  de  Montes(|ni(Mi  et  (bdci-niiner  les  prin- 
ci])(*s  directeurs  sur  les((U(ds  il  s'appuie. 

C'est  ce  conqilémeid  indispeusaitlc  (|U('  nous  allons 
tenter  de  donner  dans  les  pau<'s  (|ni  vont  suivi'e. 


Si  1  (III  constate  rc  ])i'(Mni('r  fait  d  exp/'iiciicc  <|ii('  l<'s 
lois  sont  les  l'èulcs  t'taltlit's  |»ar  la  raison  liiiiiiaiiic  jtoiii' 
ordoimci'  los  r;ip])orts  des  lioimin-s  rntr'c  eux  <lr 
inanièrr  ;'i  niaiutonii'  les  ('oiiditioiis  les  plus  favorables 
à  la  eoiitiiiuité  et  à  la  ])rosj)(''iite  de  leurs  soei(''t('>s.  le 
seul  iiioveii  de  détei'iiiilier  1  «  esprit  <>  des  lois  est  de 
coiiinieiifer  |)ar  exaiiiiiier  ces  ia|»|»o|'ts  t(ds  (juc  les 
êoiistitiic  la  nature  des  (dioses  de  la   \ie  sociale. 

Mais  ([ne  l'anl-il  eideinlre  |»ar  \  ie  s((ciale.  vie  d(^s 
hommes  en  société  ou  |dns  siniplcnn-nt  société  loid 
court  ? 

C.ei-tains  j)liiloso|)lies.  j>ar  excès  de  scnijude.  ne 
\cnlent  considérer  (|ne  ce  (|ni  loud»e  niaterifdlement 
sous  le  sens.  Mans  ces  conditions,  1  indi\idu  seul  existe 
|)oni'  eux  :  et  la  soci(''t(''  leui'  parait  une  consti'uction 
abstraite,  sans  r(''alit(''  objective  dont  il  ne  l'ant  pas  tenir- 
eomjite  dans  une  discussion  siM'ieuse. 

Montescpiien  n  est  pas  de  ceux-là.  l'our  lui.  la  societt'' 
est  un  l'ait  conci'et  dont  on  peut  fort  bien  (dnti'('der  la 
réalité    \i\ante.    \']\\    (dl'et.   (.-ntre    une    c(dlectioii    (pnd^ 


—   13  — 

conque  cViiidividus  et  les  mêmes  individus  groupés  de 
manière  à  former  une  société,  il  se  rencontre  une  dillé- 
rence  essentielle.  Dans  la  collection  d'individus,  cha- 
que unité  reste  parfaitement  indépendante  de  toutes 
les  autres.  Cette  collection  d'individus  ne  forme  une 
société  ({ue  du  jour  où  la  réciprocité  des  services 
étaldit  entre  tous  les  membres  du  groupe  un  état  de 
dépendance  tel  que  chacun  deux,  non  seulement  se 
sente  solidaire  de  son  voisin,  mais  encore  se  rende 
compte  de  la  nécessité  de  maintenir  cette  dépendance 
par  un  organisme  qni  «Dordonne  toutes  les  volontés 
particulières,  (jui  en  régularise  l'exercice  et  qui  leur 
fixe  des  limites. 

Cet  organisme  c  est  le  gou\  ernement  ou  ce  que  .Mon- 
tesquieu appelle  l'Etat  politicpie. 

Il  convient  par  conséquent  d'étudier  en  premier  lieu 
le  gouvernement  ipii  donne  à  la  société  sa  hn-me  con- 
crète et  tangible  et  (jui  crée  le  premier  fait  social 
sensible. 

Alors  on  s'apereoit  (pie  si  l'objet  partienber  <bi  gou- 
vernement est  toujours  d'établir  l'unité  (hi  corps  social 
et  la  cohésion  de  toutes  ses  parties,  sa  l'oi-me  est  loin 
d'être  toujours  identique  :  ici  l'on  fait  appel  à  l'auto- 
rité d'un  seul  ;  là  on  s'appuie  sur  la  bonne  volonté  de 
tous;  ailleurs  ces  deux  formes  extrêmes  admettent  des 
tempéraments  divers.  Par  délinition,  cliacune  de  ces 
formes  de  gouvernement  reconnue  p.ir  l  expérience 
bumaine  :  desj)otisme  ou   républiipie  —   monarcbie  on 


-  i4  -^ 


nrisliii  Tiilic  -  -  nii  lnulr  .iiilir  (l<tnl  <iii  jMniira  fdiisl.ilcr 
l'e.vistcMicr  se  Iroiivc  ;iv(»ir  une  ii.iliiif  |t;iiti(iiliri'r  Wicii 
priMiso  ;i  [H'ojios  dr  l;i(|n('ll<'  il  in'  |»t'nl  y  .iNoir  d  <''(nii- 
\(M|ii('.  nif'ii  (!♦'  [lins  ii'cl  (|nr  rc>  loiinrs.  <•  Sn|t|><>S(tns 
trciis  (It'linilions  on  |tlnt<it  trois  f.iits  ■>  dit  .\Jonl('s«|ni<Mi 
.'in  nionnMil  on  il  \  ;i  1rs  ctndiiM-.  délit'  )»;ii'ole  esl  cai'ae- 
lei'islitjne,  el  eCsl  snrelle  ([ne  re|)((Se  lonle  I  ;iru:  nUM'n- 
lidion  p()liti(|ne  «le  mdie  .inleni'.  Il  ne  coiislniif  pas  drs 
coiistitiilions  ;  il  anahse  d  a]H'ès  les  données  de  1  exj>é- 
rience  Iiimiaine  relies  (|ni  ont  existé  juscjnà  Ini.  Il 
s'elloite  d"en  r(M(iniiaiti-e  la  uatnre  paitienliere  et  il 
les  elasse  d  a[)rès  cette  natin-e  sons  l  un«'  «les  trois 
rnltiiipn's  an\(pi(dles  tontes  leiiis  \ai'i(''l(''s  penveni  se 
ranienei'.  Ola  l'ail,  il  l'echeirhe  1  intlnein-e  (pn*  rette 
nainre  pai-tienlière  peni  avoii-  snr  les  ditlV'renls  i-ona^cs 
dont  eliatpie  i;i»n\('i'nenH'nt  à  l»esoin  pour  assni-ei'  à  la 
l'ois  s<tn  loMclionnenient  et  sa  dni-ee.  Il  met  ainsi  en 
Inniiere  [es  besoins  an\<pnds  r<'pondent  les  lois  eonsli- 
Intionnelles  an  point  de  \nede  lappliration  iln  prin- 
cipe d  aiilorite. 

\  oici    donc    la    iiia<diiiie   ponr\nc    de   ^es    oi'Lianes   el 

Jtl'ète    à    l'oliclioniier.     A    (|n(dle    ioice    eiiipriMltera-t-tdle 

son  acti\  il)'   mol  ricc  ? 

Ici  illtec\ient  ce  (pie  M  (  )||  les(  pi  ic  11  ap|i(dle  le  principe 
de  clwnpie  uoliv  enicinelil .  c  Cst-à-dii-c  lidee  sn|ieiieill'e 
(pii  maintient  et  diriiic  son  acti\ile  en  donnant  à  la 
niasse  coiil'nse  des  citoyens  niie  inaniere  de  |teiiser 
commune  et  niie  raison  commune  d  ai:ir. 


-  18  — 

La  connaissance  de  ces  principes  divers,  l'étude  des 
conséquences  qu'engendre  leur  corruption,  nous  ren- 
dront compte  aisément  d'une  multitude  de  lois  diffici- 
lement cataloiial)les  et  appartenant  tantôt  au  droit 
public  comme  les  lois  de  l'éducation  ou  celles  (pii 
règlent  la  part  (pie  doivent  prendre  les  citoyens  aux' 
fonctions  pul)li({ues,  tantôt  au  droit  civil  comme  les 
lois  qui  déterminent  les  statuts  personnels  ou  mobilier, 
tantôt  enfin  au  droit  pénal  comme  celles  qui  veillent 
à  la  sûreté  de  l'Etat. 

Quelle  que  soit  leur  origine,  ces  lois  pourraient  bien 
plus  justement  être  ap[)elées  lois  d'organisation  sociale, 
parce  qu'elles  tendent  toutes  à  faronner  l'esprit  des 
individus  de  telle  numière  que  suivant  eux-mêmes, 
comme  par  une  jientc  n.iturelle,  l'ordre  établi  dans  le 
groupe,  ils  en  conseivent  sans  ell'ort  l'harmonie  et  en 
perpétuent  l'équilibre . 

Quand  nous  aui'oiis  recoiiiiii  mjiiiitciiant  les  i';i|)]>ui(s 
que  ce  groupe  liiniiaiii.  reinhi  ])ai'  ces  moyens  foi-lr- 
nicut  homogène,  jxnit  aAoir  avec  les  grouj)es  voisins, 
soit  (piil  éprouve  le  besoin  i\o  se  df^'cndre  contre  leurs 
dangereuses  aggressions,  soit  (ju  il  se  trouve  dans  la 
nécessité  vitale  de  s'agrandir  à  leurs  dépens;  quand 
nous  aurons  remarqué  (pu'  la.  nature  particulière  de 
chaque  gouvernement  et  des  dill'éreuts  principes  (pii 
animent  chacun  d'eux  exige  une  numière  spéciale 
d'agir,  nous  pourrons  éta]>lir  le  cb'oit  des  gens  sur  des 


-   16  — 

]tiiii»i|»('N  rcrtaiiis.  fx.iclrmfiil  iiiJprdiMirs  ;iii\  laits  <le 
1.1  \  ic  fi'cllc. 

(les  ])riiu'i|)«'s  fondes  sur  1  iiilt'rèt  rt  la  lutte  ne  sei-out 
peut-èti'e  pas  toujours  aussi  n<»l»les  (|ue  le  voudrait  lu 
morale  ])liilosoj)lii<|ue.  dépendant.  (  onmie  linti-rèt  de 
1  luinianité  est  d  assurer  et  de  eonser\er  la  vie  avant 
toutes  clioses,  on  peut  être  certain  <pn'  la  modération 
j)re\au(lra  toujours.  j»ar  intérêt  sinon  par  vertu,  (j  est 
en  j)artieulier  sur  cette  considération  (jue  Montes([uieu 
s  apj)uie  pour  e\j)oser  les  conditions  <lans  les<]uelles 
di>it  s  exercer  le  droit  de  complète.  Il  relait  ainsi,  à  sa 
façon,  il'  traite  de  la  uuerre  et  de  la  paix  (!<■  (il'otius 
(pii.  en  etaldissant  son  argumentation  sur  les  données 
de  la  conscience  morale,  laissait  bien  s(»u\ent  les  laits 
déjjoi'der  ses  j)rim'i])es. 

dette  t'tude  j»i'('limiiuure  aclie\c(\  Ion  possède  une 
claire  notion  du  pi-emier  des  besoins  essentiels,  innés 
|tourrail-on  dire,  de  la  soci(-t(''  :  le  besoin  ipii'  les 
individus  ont  de  se  urouper  sons  uni-  anlocite.  de  la 
soutenir  et  de  se  coiiser\i'r  cux-nH'un's  en  la  déten- 
dant «•outre  toute  corruption  à  1  inti'i'ieur.  contre  toute 
allacpn'  au  dehors  et  en  ui-neral  contre  toute  dinnnu- 
tion  de  |or<e  ou  de  puissance.  |]n  nn-nie  temps.  Ton  a 
\n  a  (pielles  consi^pn-nces  entraine  la  satisfaction  de 
ce  besoin,  soit  dans  1  (daboration  de^  lois  constitntitni- 
nelles.  xdit  d.ins  le  droit  public,  le  droit  |iri\e  ou  le 
droit  des  ;^ens. 

•  ■ependant.  si    la    Socit-t»:    est   par   essence    mie    colb'C- 


—  17  — 

tivité  organisée,  il  n'en  est  [)as  moins  vrai  que  l'indi- 
vidu en  est  le  substratum.  De  même  cfue  la  collectivité 
a  ses  besoins,  de  même  l'individu  ;i  les  siens.  Leur 
satisfaction  est  essentielle  à  sa  nature  et  c'est  en  la 
réalisant  qu'il  j)eut  seulement  espérer  vivre.  Dans 
l'état  actuel  des  sociétés  humaines  la  condition  pri- 
mordiale d'où  découle  toute  la  vie  de  chaque  individu 
est  (|u  il  j)uisse  posséder  en  toute  liberté  le  minimum 
de  ce  qui  est  nécessaire  à  l'entretien  de  son  existence. 
On  pourrait  concevoir  un  état  social  dans  lequel  le  soin 
de  pourvoir  à  la  vie  de  chacun  serait  abandonné  à  la 
collectivité.  C'est  ce  qui  se  passe  dans  les  sociétés  des 
insectes.  Mais  cet  état  social  après  avoir  été  réalisé  dans 
quelques  sociétés  humaines  primitives  a  été  abandonne 
dès  que  les  honmies  parvinrent  à  une  conscience  j)lus 
précise  d'eux-mêmes  et  de  leurs  facultés  propi-es.  Il 
en  résulte  que  l'on  trouve  à  la  base  de  toutes  les 
sociétés  civilisées,  comme  le  fondement  in(''branlal)le 
suj'  le({uel  tout  rep()S<'.  le  pi-iiiripe  de  la  piopi-iété 
'individuelle.  Pourfjuoi  en  fut-il  ainsi?  .M()iites(|iiien 
n'avait  pas  à  le  rechercher.  11  constate  simplement  les 
faits  sociaux  et  en  étudie  les  conséquences.  La  propriété 
individuelle  est  un  de  ces  faits  et  il  est  facile  de  voir  que 
dans  l'état  de  nos  sociétés  c'est  sur  elle  que  repose 
toute  l'existence  des  individus.  C'est  ce  que  Montes- 
quieu résunn'  d  uih'  manière  saisissante  en  disant  (jue 
la  propriété  est  a  mère  de  tout  ».  Il  faut  donc,  Jusqu'à 

nouvel    ordre  et  tant  que  l'on  n'aura  pas   m<)difi(''  les 
UudiQ  i 


-^  18  - 

iiiii(llli(iii>  d'-  1.1  \  ir  (•.(.ILi'ttiv  4'  ((nniiir  «If  la  \  i4' iii<li\  i- 
<liic||r.  (|iif  cillr  |)r()|>j-i<'U''  s  )it  abstjlimji'iil  .garantie  à 
riii<li\i(lii  jjar  1rs  luis  jim"'Iih'  «jui  «'tablisscnt  son  iusso- 
i-iafi(iii  a\«*c  s<'s  sfinhlablcs.  L  Imhiiiiu'  sociiil  .que  uoiUi 
nmiiaissuiis.  tii  t'ilcJ,  "  n  aiiit  a\rc  dcfisioJi,  avt'/C  forer, 
avfc  siiiir  (|ur  s  il  s»-  sait  uaraiiti  <luns  la  lLl>r<'  dispui»i- 
ti<ni  «If  s<jii  («tips  ««jimiit'  «laiis  le  1lI>i'«'  usuiic  cU^  se*» 
l»i«'iis  »  (i). 

(les  l)«>soiiis  imii''s  Jf  riii<li\  i«ln  \  ifiuicut  d<>iic  is'ajouter 
aux  besoins  j)ai'ticulier.s  de  la  C/oUectivilc  pour  ai'JvUT 
chez  cett»'  «lei'iiii'i'e  t«)ut<>  tentative  deiiipiè.tiîiueutK  l't 
d  a])us.  Ici.  coiiiiuf  dans  la  natnr«'  «Mitiore.  couiuw  dicuK 
i'cH'fianisalidn  nn-nic  des  pouvoirs  ]>ul)lics,  des  forces 
anlauonistcs  se  «ontraricnt  pour  jinii-  par  s'équilii)ro4' 
rt  s'liarnionis«'r. 

Ainsi  l«'s  lois  ««Histitutionnelles  <levi'ont  Jion  iseule- 
incnt  t«'nir  compte  de  la  ncecssiti*  d«'  i'oudcr  s«jlitU'ni(.'nt 
1  aut<»i-it«'',  tout  en  répondant  aux  exifienres  de  la 
nature  de  clnnpn'  ^«»u\ t'rnennvnt.  mais  «-nidre  elles 
sermit  iddiiices  de  uaraidir  au\  indixidus  un  minimum 
tl(î  sécurité  au  rei:ard  des  app«'lils  de  la  coUectivLlé. 
t^es  a|»pt''tits  hc  .satisfaisant  par  I  intiM-UK-diaire  du 
KoUNcrain  <pi«d  <pi  il  soit,  [)«;uple  ou  iuouar«(u«',  déposi- 
taire de  I  autoi'itc',  c'est  contre  les  al)us  de  c«4te  auloriU'* 
«pu-  l<'s  lois  constilutionn«dles  devront  d<'fcndre  le 
citoyen  en    lui   accordaut    la   lil»«'rf«'   politique,   c'est-à- 

i.  Montmy.  P.tycholof/ic  r/u  peuple  anglaig. 


(lire  le  (li'oil  de  cftiiln^lci-  les  iictcs  du  ,i:ouvcriirnieiil 
pour  en  arrêter  1  ai-hitraire. 

(^jiiijuc  exeii]j)le  du  jiniut  exfrèiuc  «m  ces  i;araiities 
])<»uri'aient  être  poussiM-s.  dans  un  l»a\s  dont  l  or^^anisa- 
tiou  a  ])<)ur  (il)jet  direct  ia  constitution  de  Ja  lilierlé 
politi(]ne,  Montescfiiieii  analyse  avec  soin  la  constitution 
de  FAniileterre  et  celle  de  la  Rome  i'é])ul)licaine  dans 
lesquelles,  (|U(nque  réalisée  par  des  moyens  diti'érents, 
la  séparation  des  pouvoirs  sut  mettre  des  l)ornes  effi- 
caces à  rar])itraire  des  iiouvernements. 

Pareillement,  s'il  s'aait  de  la  jjersonne  nuMue  des 
citoyens,  les  lois  pénales,  tout  en  veillant  à  la  sûreté 
collective,  auront  soin  de  ne  pas  livrer  Findividu  sans 
défense  aux  vengeances  publiques  ou  ])rivées.  Est-il 
reconnu  cou])aJ»le,  les  jx'ines,  loin  de  fondei-  leui' 
sévérité  sur  l'opinion  <jue  l'on  peut  avoir- du  donnuage 
causé  à  la  société,  devr(jnt  uniquement  tenir  coiupt*^  de 
la  réalité  tangilile  des  consé({uences  du  crime  ou  du 
délit.  Par  suite  tout  procès  de  tendance  (Miuai:!'  pour 
des  paroles  ou  des  ]»ens('M>s  ne  saurait  être  l«''i:itiuie- 
meiit  soutenu  dans  un  h]fat  soucieux  de  nn-naLicr  la 
liberté  de  ses  citcnens. 

Fe  droit  public  enlin  se  tiou\e  aussi  diiritenn'ut 
intéressé  ])ar  ces  vues  nouvelles  sur  les  ra|)j)orls  (piOid 
entre  eux  les  éléments  jiriniitil's  de  la  société.  11  lu^ 
suffit  ])as  eu  effet  cpu'  liiulixiilu  soit  assui"(''  que  le 
gouvern<'in<'nt  n'abusera  pas  de  son  autoritt'  en  ('lablis- 
sant  conti'c  lui  des  lois   arbitraii-es,  ou  ne    nu'ttra  pas 


—  -20 


Sii  Idifc  .111  ^ci'Ni»»'  (le  SCS  l'aiicuiios  ou  (1<>  orllrs  (\o  ses 
.unis,  suit  (Il  1  fiiij)i-is()iiii.iiit  sans  jupMiHMit,  soit  ni  Ir 
r<iM(l.iIlill,ill(  à  (1rs  |»cilirs  liois  de  |il'i  i|iMrti<ill  iiwr  s.l 
laul»' :  il  r.iiil  (Micorc  (|iic  crltc  liln-r  disjjositimi  de  v.i 
jn'rsoiiiic  cl  (le  SCS  hiciis  ne  lui  soit  jxiinl  rclin-c  par* 
(les  Mi<>\eiiv  (Ictoiirncs.  et  (juCn  j)ai'lH  iilicr.  .iccaMc 
sons  le  poids  de  liMijxM.  il  lie  jtci'dc  j>.is.  en  iteid.nit  le 
IVuit    de    son   ti;i\.iil,    tous  les  bienfaits  (|ne    l.i    liberté 

|io|ili(|iie  et  nue  cx.iete  disf  ri  1  lUt  ioll  de  1.1  jnsliec  lui 
;i\;iienl  coliserNcs.  Il  est  doilc  nécessaire  (|Uc  les  lois 
oi'i:anisenf  1  .issictte  et  l.i  |»eirej»tion  de  1  iiii|)('tt  de 
ni.iniei'e  a  léser  le  moins  j)ossiMe  rindi\idii  dans  l.i 
lilice  (lis|)(isition  de  ses  biens.  t(»ut  en  s.itislais.inf  ;in\ 
bes(»ins  n.itnnds  du  corps  social. 

(►il  \(iit  |»;ircet  c\[)oS(''  r.i])ide.  e\|iosc  des  treize  pre- 
niiers  li\rcs.  .i\ec  (pndle  snrete  et  (pndle  noii\eaiit('' 
de  inetliode  Montesquieu  j)oursuit  sou  analyse. 

(icpcnd.int  il  n"a  encoi'e  fait  (jue  reconnaîtr<'  I  lior'izoïi 
s<3cial  et  les  dciix  priiicipaiix  soniniets  (|iii  le  bornent  : 
la  e<dlecli\  ite.  Imdixidii.  Mais  il  \  .i  bien  d.iiifrcs 
.ispecls  ;"i  cx.iinincr.  L.l  soci(''l(''  prise  en  (dle-ineine  doit 
salislaire  a  des  besoins  essentiels  (|ni  depeiideiif  des 
(dellienis  de  s,i  nature  et  (pii  sont  simples.  Mais  cette 
simplicité  n  est  (pi  ajtparcnte.  |)cs  (dcnicnls  iioii\e;iii\ 
inter\  icnneiit  ])oiir  (li\«.M'sifier  cet  ('-tat  seh<''niali(pic  .lu 
point  ni('ine  d  \  introduire  parfois  des  traits  contr.idic- 
toircs. 

Ces  (déments  iioiINCiUX  ce  sont   ccilX  (pii  dcliNcnt  des 


—  51  — 

a>])ii;ilions  ])ai-tiriilioi'os  des  hommes  influencés  diiiis 
lêiir  caractère  ]y,iv  le  milieu  physique  et  UKtrai  dans 
lecjuel  ils  vivent. 

La  nature  du  climat,  celle  du  sol  sont  les  causes 
])rincipales  de  ces  spécifications. 

«  Ces  forces  naturelles  qui  façonnent  un  j)eu|tl('.  dit 
u  M.  Boutniy  !  1),  sont  celles  qui  ont  le  plus  de  poids  et 
('  defficacité...  lenr  influence  est  aussi  ancienne  (pie 
«  Thomnie  ;  on  m-  peut,  en  remontant  les  siècles, 
<c  découvrir  une  période  où  elles  n'aient  ])as  existé  ; 
«  elles  n'ont  pas  varié  notablement,  et  si  un  chanue- 
«  ment  s'est  fait,  c'est  dans  l'homme,  qui  est  d('\«'nii 
<■  sensible  à  une  infinité  d'autres  causes.  Au  cnmmen- 
«  cément,  (dles  agissaient  ])resque  seules  sni'  nn  i~'tf(' 
<(  souple  et  neuf  aux  imjjressions  ;  elles  ont  prodnit 
u  alors  des  effets  que  nous  jugeons  invraiseml)lables.  » 
(^e  sont  elles  dit-il  encore,  <[ui  ont  produit  la  race  «  à 
»  une  époque  où  les  prennères  idées  et  les  premiers 
((  sentiments  d'mi  peuple  ne  s'étaient  pas  encore  fixés 
«  et  extériorisés  dans  aucun  monument  diune  de 
«  mémoire.  (]es  monuments,  coutnnu's.  lois  i:ravées 
((  sur  la  ])iei'i'e.  rites  r(di,i:ienx,  [)oèmes  ('pitinc^.  ont 
"  luf^nc  r\r  (Ml  pi-emiei'  lieu  les  jtrodiiits  Jn  milicn 
«  j)hysique  et  ce  ncst  (\u'i\  la  lon,i:nf,  (pi'axant  acquis 
((  une  consistance  et  une  \  ie  proj)res,  ils  sont  dcxcnns 
«  ca])ables  d'ent:'endi'er  eux-mêmes  des  imjjressions  et 

1.  Psi/r/io/ogip  (lu  peuple  anf//ois,  I,  1. 


Q^l 


<•  (1  ilili-rccplcl-  1rs  cllcls  (les  ;^  l'.i lidi'S  ciliscs  ll.ltlM'cI- 
Ics  ...  Al'iis  il  s  est  Idniic  lin  milieu  nuirai,  un  rspril 
uciiér.il  t'I  (1rs  iiHiuis.  (■iiiiinn-  dit  .Muiif('S(jui«Mi,  ddiit 
il  r(»n\  init  d  a|i|»n'riiT  les  niaiiilVstations  dans  le  s<'ns 
dii  fllrs  jxiiiiiairiil  iiiitdilicr  I  i>rt;"aiiisali<»n  de  Ja  Nie 
sociale  piise  i/i  ali-^lrttcto. 

(Test  ji(iiii(|ii(ii.  au  iii<i\eii  de  ces  eonsidf'rafiMUs  sni' 
le  milieu  |tliysi(|ue,  qui  inlliie  |»ai'  le  (limât  sur  la  seii- 
siliilile  el  par  suite  sur  la  xidouti'  (sensation.  jM'rce|)- 
tion  et  imagination  et  jtar  la  nature  du  teri-ain  sur  la 
iialure  des  besoins  |diysi(|ues  et  des  eonditioiis  d'exis- 
tence, Moiites(|uieil  corrige  ce  (|uil  |)ellt  y  a\oir  de 
tro|»  alisoln  et  de  troj»  i^'in-ral  dans  le  mécanisme  |)(di- 
ti<|iie  (|ii  il  \  ieiit  d  analyser. 

l'oiir  liieii  comju'eiidi'e  sa  j»eus(''e.  il  ne  laul  jias  isoler 
les  treize  |U'eiuiei's  li\  res  des  si\  li\  l'es  sili\aiits  destl- 
iK's  a  atténuer  ce  i(ii  ils  [ieii\eiit  aNoir  de  tro|»  tln-ori- 
<Iiii'.  en  |)eiieliaiil  111!  |»eii  jtliis  a\aiil  dans  la  r»''alit('' 
\i\aiile.  M.iis  d  antre  pari,  ces  six  li\res  ne  preiiiieiit 
toute  leur  \aleur  (pie  par  rapport  aux  |n'(''c(''deiits.  j.e 
(diiiiat.    le    terrain.    res|irit    i:(''iieral    r\    les    iineiirs    ne 

sont  pas  joui  (dllinie  on  a  \itulu  Jtretelldre  (pie  le  sou- 
lell.lil  Mollles(pii(.u.  (  !e  solll  seulement  des  j'actelirs  (pii 
di\  ersilielll  I  asp(.(|  d(.  |a  \  ie  sociale  toujours  ideiilKpie 
à  (dle-UM'Ilie  dans  ses  iiraiides  liL;nes.  (ioniliie  le  reiliai- 
<pie  M.  lîoutmy.  ils  a-isseiit  surtout  au  d(dml  de  la 
lormalioll  des  |ieuples.  Leur  inllueiice  se  l'ait  sentir 
aujourd  liui  eii((U'e.   Mais  on   peut  eoiice\(iir  un   avenir 


—  23  ~ 

où  par  l'effet  de  l'effort  humain  pour  approprifc  la 
HâÉtape  et  grâce  à  la  rapidité  de  plus  eu  plus  grande  des 
comfmTinications,  les  eonditioTïs-  de  vie  sV'tant  uniliécs 
par  tout  le  globe,  l'homnie  n'aupà  plus  à  se  préoccu- 
per que  de  réaliser  le  plus  pleinement  possible  iOi-i;:!- 
nisme  de  la  société  aïysfraite  et  idéale,  il  se  peut  (|ue 
non»  soyons  entraînés  vers  cet  état  nouveau  (riiimia- 
nité.  Cependant,  eomine  nous  «nommes  loin  d'en  ètce 
encore  là,  même  aujourd'hui,  Montesquieu  a  eu  raison 
d'insister  sur  ces  causes  fi^econdes  et  de  détepuniïor*, 
par  raj)port  ailx  nécessités  générales  de  tciute  \  ie 
sociale,  dans  quelle  mesui'e  leur  iiiflueuce  se  fait  sen- 
tir sur  la  vie  civile  et  les  mœurs  (jui  en  (h'pendent 
iiïimédiatemeiit  et  niènle  sur  les  lois  politiques  ({ui 
peuveftt,  ait  premier  abord,  t  paraître  soustraites. 

C'est  donc  parce  que,  à  ses  yeux,  le  clunat  est  le  fac- 
tetir  le  plus  inq)ortant  dans  la  cottstittition  de  l'éticrgie 
individuelle  que  Montesquieu  aborde  en  prenne i*  lieu 
l'étude  de  son  influence  sur  l'organisation  sociale.  Eu 
gdllidtaiit  ou  en  dépriinant  la  tendance  à  une  activité 
forte,  décisive  et  suivie,  le  (diniat  dévelo|)])(>  le  goût  de 
la  liberté  ou  l'indifférence  poui'  la  servitude.  La  cause 
première  de  la  servitude  parait  être,  en  effet,  un  m  ni- 
que d'énergie  pour  une  action  consciente  et  i'(''ll(''cliie. 
une  indifï'érence  d'esj)rit  ([ni  \a  jns(jn"à  Inulili  de  la 
personnalité  et  à  l'abandon  de  soi-mênu'.  Or  b's  (li- 
mais trop  chauds  anéantissent  la  volonté  et  laissent  à 
peine  à  l'individu  les  forces  nécessaires  pour  subvenir 


—  5'f  — 

.•■|  ses  Ix'soiiis  (le  (li.Hlllc  j'»!!!'.  L.l  \  ic  l'sl  (I  .lilIcilfS 
l'iicilc  dans  ces  r»''i:ioiis  <•!  1rs  lirsoiiis  y  sont  i-<'(liiits  au 
^tiirt  iiiiiiiiiiiiiii.  Ti-oiiNaiil  l<iii_i<»ni's  de  (jiioi  sr  siifliiT. 
les  Immiiics  n'ont  iiufic  le  sent iniciit  de  la  |tr<»j)i'i»''t('' 
cl  1  rtlui'l  ne  sci'iMi  contrant  (|m'  iMi'cnirnt  :  ils  n"onf  pas 
da\  antai:<'  le  scnlinicnt   de   la   \  alrnc  indi\  idurljc. 

(>r.  ^i  les  lioninirs  sont  amoui-fiix  de  la  lilx-i't»'  cCst 
|»i'(''cisi''nicnl  parer  (|u  ds  sentent  en  en\  une  lorec 
capalde  de  les  distiiiiiuer-  de  lenc  \oisin  et  (|ui  donne  à 
chacun  d  t'U\  une  valeur  propre;  c Cst  aussi  j)aree  (ju  ils 
désirent  se  voir  assurée  la  propriété  do  ce  (pi  ils  ont  si 
chèrennMit  acquis.  I 

Dans  les  climats  ]dns  rii:(»uren\.  au  contraire,  <>t 
même  dans  les  climats  t<Mnpérés,  la  nature  moins  lil)é- 
rale  exiuc  de  rhomnie  ])lus  dcllorts.  Il  a  la  sensation 
aiguë  d  être  toujours  en  lutte  soit  (piil  demande  sa 
nourritui'c  à  la  chasse,  soit  quil  remprunte  à  l'auri- 
cnltnre.  Aussi  ari-ive-t-il,  déjà  ]tar  cette  seule  inllnenee 
du  climat  a  <''prou\('r  plus  \i\('ment  que  nulle  |»art 
ailleurs  le  iiesoin  de  la  lihertt-  «pii  satisfait  à  la  fois  ses 
intérêts  et  son  orL:ueil.  j)  autres  causes  s  ajouteront  à 
celh's-la  poni'  iciidre  j)lus  imjx-rieuse  encore  la  satis- 
laclion  (II-  ce  hesoin.  Montes(piieu  les  eludieia  par  la 
suite,  l'nur  le  nioun-nl  il  se  horne  à  indnpier  les 
inllliences   opposées   de    climats    oj)jioses    et    comme    les 

peupli-s  de  1  |-]urope  ont  plus  facilement  la  notion  de 
la  lilier-t»'.  c'est  à  la  ser\ilude  qu  il  s  attache  de  jn'éfé- 
ri'uce  :  la  ser\  itude  j)oliti(jue  a\ec  ses  deux  coi'ojlaires 


—  2S  — 

IVsclavjiii'o  civil  et  rosclava.ef  tlomostiqiio  reprôsoiil  r 
|»ai'  la  polygamie  dont  les  conséquences  se  font  si  vive- 
ment sentir  sur  le  statut  personnel  des  femmes. 

Montesquieu  consacre  deux  livres  à  létude  de  ces 
deux  formes  extrêmes  d(^  servitude  extrême.  On  ])()ur- 
rait  s'en  étonner  si  Ton  ne  songeait  ([uc  l'esclavage 
était  la  ])lai<'  de  tout  r()rieid  et  des  colonies  euro- 
péennes dans  les  Indes  ;  que  les  Européens  eux-mêmes 
y  étaient  exposés  fréquemment  de  la  part  des  Musul- 
mans et  que  certains  esprits  eidin,  dont  Féconomiste 
Melon,  suivi  par  Fréron  et  plus  tard  par  Linguet  —  ce 
qui  indique  un  courant  (ro])inion  assez  général  —  sou- 
tenaient sérieusement  non  seulement  l'utilité,  mais 
encore  la  légitimité  de  l'esclavage  dans  les  nations 
modernes. 

D'autre  part,  cette  exception  si  fi-appantc  an\  i-ésul- 
tats  de  l'analyse  })rt''liniiiiaii'c  des  hesoins  inui's  et 
essentiels  de  la  vie  sociale,  nu'ritaif  d  être  f\pli((n(''e 
aiin  ([ue  Fon  perçut  hicn  (pi  il  n  y  a\ait  pas  contradic- 
tion essentielle  entre  les  deux  ordres  de  pln-nomènes. 
mais  bien  j)lutùt  moditication  (]o  la  règle  générale  sur 
un  point  ])articulier,  j)ai'  rell'el  de  causes  spéciales. 

De  son  (•(')t(''.  la  nature  dn  ler'i'ain,  par  la  nalni'c 
des  subsistances  (pi'elle  |)ent  fournir.  d(''ferniine  une 
certaine  direction  de  1  activité.  d(''\elopj)e  certaines 
facultés  aux  dépens  des  antr<'s  et  inqiose  en  consé- 
quence au  droit  ci\il,  au  di'oit  politicpu'  et  au  droit  des 
gens  des  pratiques  que  ni  l'équité,  ni  la  raison  pure  ne 


—  56  — 


<;miraî(Mit  oxpllqticr  et  dont  il  faiif  ocpoiidanf  rfiio  \q 
jurisioiiMilh'  sache  la  \  riifaldc  cause  |ii.iif  ne  ]»as  ètr^' 
e\|n»S(''  à   (les  ;^ciieralis;ili()iis   li;1li\('S. 

(Jliaiit  à  les^n'it  uéin'i'a!  et  aii\  iini-iiis.  c'est  le 
D'SllItat  (le  (dlltes  les  causes  secdildes  (|lli  collf l'ihuf'llt 
à  former'  le  carach'-fe  de  (  lia([ue  t:i'(»iij)e  j)arficnH('P 
d  liiiiiianit(''.  (Test  en  Ini  et  en  en\  (|ne  se  nianit'esleut 
les  tendances  pntjtffs  de  la  race,  le  point  de  \  ne 
ail(|ind  (die  se  place  JxKir-  en\  is;ii;ef  la  \ie  sociale,  le 
sons  lîétK'fal  de  I  activité  (pii  l'epond  à  sa  nature.  Le 
rai-aetère   des   lois   doit    leur    «'tre   e.xacteiueiit    snhor- 

(loIUK'. 

l)e  nuMne  (pi  nn  nn'deein  oi-donne  à  ses  malades  \o 
foiiièdc  s])éci(i(pn-  de  leni'  aHectioii  en  a\aid  soin  de 
1  appi'()piMer  à  leiii*  temjteiament  |taiti(idier' ]>oni'  <pi  il 
])rodiiise  son  maximum  d  etfet  ou  du  moins  ne  soit  pas 
nuisilde  ;  de  même,  le  l(''i:islateur  doit  donner.  j)ai"  la 
force  des  (  lioses,  ;'i  (  Iia(|ne  peujde  non  seulement  les 
lois  (pii  con\iennent  aiix  Ix-soins  L;(''n(''rau\  de  toute 
s(»ci(''l('',  mais  enc()i'e  c(dles  (|iii  concordent  le  mieux 
avec    le   caract(''re    pl'opl'e   de    l;i    race. 

Pour  oldenir  ce  r(''snltat.  il  lire  ])aiti  pliis  oii  moins 
inconsciemment  des  ('déments  psN(  li(doL:i(|nes  (pii  f(»r- 
menl  ce  caractère  :  il  sa|tpuie  sur  la  l'orce  de  ro|H- 
nion  (|iii  en  est  la  icsiillante.  tàle  se-,  résistances,  suit 
ses  pen(  liants,  utilise  riinmeiir'  sociale,  la  \anit('', 
r<>r,i:lieil  ;  traite  le  peuple  en  un  mot  couime  une  per- 
sonne   et  >;e    L'uide    totljoUI-s    SIM'    les  pulsations  de   «tes 


—  27  — 

artères.  Toiito  loi,  politicjuo  (m  civilo,  porte  Feniprointe 
(le  ce  travail  et  c  est  I  ('volutioii  des  mœurs  (|ui  «liriiie 
révolution  de  la  législation,  (loutre  cela  le  législateur 
ne  peut  rien  ou  fort  jxmi  de  chose.  Il  subit  l)ieii  plutôt 
(piil  ne  dirige. 

Cependant  il  arrive  que  lorsque  los  lois  sont  ainsi 
appropriées  aux  mœurs  et  conformes  à  l'esprit  général, 
elles  agissent  à  leur  tour  sur  ces  mœurs  et  sur  cet 
esprit  général  en  précisant  les  tendances  de  l'un,  en 
développant  tout  ce  cpii  peut  être  contenu  dans  les 
autres.  (Test  alors  ([ue  Montesquieu  analyse  iivcc  une 
tinessc  jjleinc  de  jji-ofoudcnr  les  ctffts  de  l;i  constitu- 
tion anglaise  sur  le  milieu  liniii;iiii  (pii  \';\  ('IjiI»  vrc  de 
sa  propre  substance.  11  monti-c,  par  les  facilit('s  ([uCllc 
donnait  tant  à  l'intérieur  ([u  ;'i  Texléj-ieur,  comment 
elle  contribue  à  développer  tout  ce  ([u'il  y  a  dans  ce 
peuple  d'énergie  et  de  liesoin  d"a,i:ir,  comment  elle 
accentue  son  être  moi-al  et  intellectuel  poiii-  le  |),irti- 
culariser  et  lui  donnei'  l;i  foiMne  l.i  plus  |);ii'|;iilr  (|iii 
soit  com])atible  avec  sa  nature  ' /: .  L.,  MX,  27). 

Tout(?  cette  })artie  de  l'/fs/;/-//  des  Lois  est  à  l'ctenii' 
car  en  a])])(daid  l'attention  sur  l'élénuMit  ])s\c|i()l(ii:i(|ne 
(|ui  <'ntre  d;iiis  l;i  \  ie  des  jx-iipic^.  .Montes(|ni('n  donne 
à  la  science  (In  droit  ini  pr(''cien\  inslrunn-nt  (rMi\e>^li- 
gatiou  et  une  nouvelle  ujir.intie  de  certiinde. 

Mais  lanalvse  <'st  loin  d  être  encore  lecmin/'e.  Nous 
venons   de    voii*  ([uels    liesoins,    (|inds    dc-^irs    peiiAcnt 


—  28  — 


su>s(if('i'  \i'<  in''C('ssil»''s  (If  |;i  \  ic  en  Sdcn'-tc  joililfs  ;iii\ 
1<'ii(|;iii(cs  |i,iili(iilicirv  (\(-s  imli\i(liis. 

Si  rcs  (Ifsii's.  si  ce  licsoiii  d  ordre  ont  t;iiit  de  puis- 
sance sur  toutes  les  |)ai'ties  du  droit,  (jue  ne  doit  jxtiiit 
être  la  j)art  des  intéi'èts  inati-riels  uràee  à  la  satisfac- 
tion des(|uels  les  |»eu|)les  s  en  ricliisserd  et  |tI'os|)»"'rent  ? 
Au     moment    oil    e(ri\ait     .Montes(|llieil,     le     de\e|oHj»e- 

nu'ul  du  connuerce  et  de  I  industrie,  la  concurrence 
<|ue  commençaient  a  se  laire  les  nations  occidentales 
a\ait'ut  (N'jà  depuis  (jU(d(|ue  tenijts  attiri-  I  alteiiti(Hi  des 
liouvoruciucuts  sur  les  lois  »''conoiui((ues  et  sur  leui-s 
rapjioi-ts  avec  lo  droit  et  la  jMditicpu'. 

he  |ten  dimijortance  cjie/.  les  |(eUJ>les  priuiitd's 
\i\antd('  la  pèche,  de  la  chasse  ou  de  la  culture  siu-  un 
territoire  peu  étendu,  elles  dexienneut  dans  les  jltats 
civilisés  le  fond  im''Uie  de  toute  la  \  ie  sociale  :  ou 
plutitt,  la  iomple\ite  quelles  re\ètent  pai'ait  leuratti'i- 
huer  ]dus  de  {\)vro  (piautrefois.  Kii  réalit»'  (dles  doi\eut 
a\()ir  toujours  eu  une  imj>oifance  consideralde.  Si 
aujourdiiui  en  s'.ijipuvant  sui-  elles,  les  socialistes 
piétendent  m  dilier  non  seulement  les  j:;-ouvei'uenients. 
mais  eju-ori'  les  statuts  ])ersonuels  et  luohiliers  et 
niodilier  louto  les  règles  anciennes  du  droit  puldic  et 
pri\<'.     Moulesipiieu     n  a-l-il     pas    rais(»n     île     uioulrer 

I  intluence  ipi  fdies    oul    |MI    aVoir    slU'    les   lois    |ioliti(pH'S 

et  ci\iles  d  un  peuple  cil  tiaiii  «le  S  Organiser  soit  «piil 
S  adonne  a  la  chasse,  soit  <pi  il   se  consacre  a  I  auricul- 


—  29  — 

tui'o,  soit  cnliii  (jiie  faisant  le  coiiuiier-ce  il  use  de  la 
nioiiiiaie  ? 

Mais  à  cô\r  (le  la  question  purement  inatérielle.  à 
côté  (le  la  trace  sensible  que  laissent  dans  les  lois  d  un 
peuple  les  rapports  économiques  même  les  plus  rudi- 
mentaires.  la  vie  économique  soulève  un  ])rol)lème 
moral  (|ue  Ton  résout  dilt'éremment  snivant  la  tin  que 
l'on  assigne  aux  efforts  de  Ihomme.  La  richesse  signe 
du  travail  et  de  la  prospérité  doit-elle  être  recherchée 
pour  elle-iuènie?  X"engendre-t-elle  pas  la  dureté  et 
légoïsnH'  qui  sont  des  vices  anti-sociau\  piiiscpic  par 
détinition  la  société  est  fondée  sur  laccord  des  forces  et 
des  volontés  particulières?  Est-il  juste  de  s'iMiricliir 
indéfiniment  dans  le  seul  but  tlauginenter  la  somme 
de  ses  jouissances  personnelles?  La  ])lnloso])liir  anti- 
que, par  la  l)ouche  de  Plat  n  et  des  Stoïciens  a\ait 
ré])ondu  non.  Le  christianisnu'  à  son  toui'.  en  substi- 
tuant <■  au  désir  de  bien  \i^  ri',  le  souci  de  !)ien  mourir  » 
n"a\ait  fait  (jue  dévelo})j)er  ces  ])récej)tes  de  morale 
ascéti({ue  (|ui  eondiiniiaient  toutes  les  j»r(''occuj»atious 
économiques. 

Montescpiieu  (|ui  se  place  toujoiu's  au  centre  (le  la 
r(''alit(''  des  choses  Ma\ait  pas  ;i  traiter  cette  (|uestiou 
d(>  principi'.  Il  ne  |i<iu\ail  (|ue  rcconniiili'e,  d  accord 
avec  le  droit  l'omain  et  sa  propre  conceptinn  des  lois 
fond(''e  sur  la  nécessité  j)()ur  tcjut  être  <ree  <le  se  pei- 
pétuer  en  satisfaisant  à  ses  besoins  essenli(ds,  la  iégiti- 


-  30  - 


mile   (les  rll'(i|-|s  i|llc   Inlll    IcS  |  i.l  ri  ic  II  I  ir  l's  j)ii|||'  s  cinirliil' 

|»;ir  I  iiitlii><tiic  fl  le  (••iiiiim-icr. 

s  il    |)l(iMi-it    le   lll\c  rf    rccniiiiii.iiKir  1,1  IVlli:.!  I  il(''.  l'Cst 

an  imiM  île  1  iiili-n-l    L:cii<-ral    cl  dans   cfrlaincs    luniics 

srillriiM'lil     (le      snciclc      l'iiiiinir      la      (  IcilH  iira  I  ic.      It'llf 

(1  aillfiiis  (|n  il  la  coîicoif  daitrès  les  seuls  cveinplcs 
(|n  il  en  a\ait  suiis  les  \eii\  dans  |e>  re|»nldii|iies 
anrK|ue>.  hans  cette  foniu"  d  iltat .  en  cU'et.  le  souci  de 
la  collectivité  romjxti-fe  |>ai'  déliiiitinn  sur  I  inti-i-èt 
])ai'ticMliei'.  Ailleurs,  au  contraire,  MoiitestjuicM  niai-(jiie 
l)ieii  tout  le  |tri\  ([u'il  faut  atfacdier  tlaiis  les  siM-ii-tés 
modernes  à  I  etloi't  ccononii(|iM' lors(|u  il  loue  la  nnmar- 
cliie  l'rançaise  de  permettre  à  la  ltonri:eoisie  commer- 
çante dont  la  ri(  liesse  ac(|uisc  a  |ti'ou\<"  leneriiie  et  la 
valeur  S(»ciale.  de  |»enetrcr,  |tar  le  seid  l'ait  de  cetti- 
ricdicsse,  dans  la   (lasse  des  n(d)les. 

Tous  ces  ellorls.  en  ell'et,  ont  leur  raison  d  être  dans 
les  besoins  de  la  socif'ti'  et  les  exigences  (\u  liien 
piddii'.  an  même  lilri-  (|iie  les  satisfactions  d  oidre 
nior-al  données  aux  as|»iralions  leiiitimes  de  1  indi\idu 
au  rcLiard  ilc  I  l!l,il.  Il  est  nécessaire  de  les  encourager, 
de  les  faciliter,  de  les  diriiier  dans  le  sens  de  1  utilitt' 
la  plus  L:rande  et  c  est  ainsi  ipie  les  exii;ences  ('•ciuio- 
mi(|Ues  s(»nt  relletees  n(''cessa  ilement  dans  les  lois  jndi- 
1i(|tn's  ou  ci\  iles. 

I,  indust|-ie  l'tait  encore  fm-t  |)eil  dc\  e|o|i]»ee  au  teuips 
de  \|ontes<piien .  (lest  la  trace  des  prcoccujtat  ions 
cojuuM'rciale.s  et  liuaucicres  cpiil  .sellorcc   surtout   tic 


^  31  - 

rccouiiaitrc  dans  le  droit  j)ul)lic  ])ar  rurgaaiisation  des 
])anqiies,  des  comjjagnies  coiimierciales,  dey  (J.ouaj;i^s, 
et  par  la  réglemeiitaticm  de  la  circulation  monétaire  ; 
dans  le  droit  privé  par  la  législation  concernant  les 
créanciers  et  le  prêt  à  intérêt.  Une  histoire  abrégée 
du  commerce  cojnpjète  cet  exposé  de  princijjes.  Mon- 
tesquieu y  détermiiie  da.ns  leurs  grandes  lignes  les 
routes  commerciales  suivies  par  riiumanité.  Il  insiste 
sur  les  modifications  qu'y  apporta  la  découverte  du 
nouveau  monde  et  sur  l'orientation  politique  nouvelle 
que  peut  donner  aux  uations  occidentales  l'essof  de  la 
colonisaticni  qui  va  dévelojjper  dans  le  droit  des  gens 
des  principes  nouveaux. 

Enfin,  comme  la  mise  en  valeur  du  sol  aussi  bien 
que  le  commerce  et  les  arts  (entendez  l'industrie)  a 
besoin  de  bras  pour  jprospérer,  il  n'est  pas  douteux 
(jue  les  Jlois  politiques  et  civiles  ne  répondent  par  cer- 
tains côtés  à  la  satisfaction  de  ce  l^esoin.  Montescpiicu 
est  donc  ainsi  amené  ;"i  ti-aitcr  l;i  (|in'stion  de  la  j)oi)U- 
lation  et  il  le  fait  en  étudiant  sous  ce  poijit  de  \  ne  b' 
mariage  qui  organise  et  réglenuMite  la  pro])agalioii  de 
l'espèce  dans  nnr  soci('>té  policée.  U  détermine  son  but. 
expose  ses  conditions  et  «uialyse  les  mesures  de  droit 
politi({ue  et  de  droit  civil  (ju<'  les  lioninu-s  ont  ])n  insti- 
tuer pour  lui  permettre  de  ju'oduire  tous  ses  eliets. 

Tels  sont  dans  leur  ordre  logi(jU(%  qui  est  en  même 
temps  celui  qu'à  suivi  Montescpiien.  tous  les  éléments 


—  3r>  — 

iilli  iH'ini'iil  (Irlrniiiiicr  1,1  liallIIT  (1rs  lois  rt  inlllH'iircr 
leur  rspril. 

(  !c|irii(l;ilil.  |Millssf  ,111  liiilirii  décrite  e|t,iisse  fllliiie, 
\(ii(i  un  .irltre  «'livnii:»'  qui  ne  resseiiilde  |»;is  à  ses  \(>i- 
siiis  et  (|iii  |i,irait  |tiiiser  d.nis  un  snl  dillerent  une  sè\ c 
|>;i  ilicnliere.  Il  se  dresse  dnie  fort  et  nien,Me  d  etoutrci' 
le  leste  de  la  l'ofèl  soUS  ses  r.l  Mlilir;i  t  iniis  |iuiss;i  ides, 
(let  ,ll'lil'e  c'est  ('(dlli  (|lle  |i(illsse  l;i  cel  iuii  ni .  Il  se 
dresse  isolé  et  (lf'']),i\  si-  sur  un  sol  (|iii  ii  est  j»,is  |';iit 
|»oiir  lui.  .Mais  le  forestier  doit  eu  tenir  eoiuple  il 
faut  (|u  il  rn  reeoiinaisse  la  u.iture,  cju  il  eherc  lie  ,i 
concilier  sol!  existence  ;i\('c  celle  de  tous  les  .lutres 
arlires  et  (|u  il  deteriiiine  (|iie|les  iiKtdifications  son 
\oisiii;i,u('  peut  ;ij»|)oi'ter  a  ceux  (|ui  |iousseiit  sous  son 
olidu'e. 

(Ju  on  nous  jtardonne  cette  coiiip.iraisou  !  Mais  .Mon- 
tes<[uieu.  <|ui  ne  détestait  |i,is  les  iniaties.  uoUS  coiice- 
der,iil  c(dle-ci  (|ui  répond  assez  hien  à  lidt'e  «|u  il  se 
fait  de   1,1   r<diL:ioii. 

h.ills  la  leli-ioii.  en  (dlél.  .M(  Ulles(|uien  voit  liioius 
l'esprit  r(dii:iell\  et  les  «roy.iuces  ipie  1,1  loiiiie  politi- 
qiK'  i|U  (die  ,1  re\(~'tu  dans  les  j'it.ils  iiindernes  sous 
I   llllluelice  de    1    i'!:^  lise    (dl  ret  ieil  lie  . 

I.  i'isprit  r(diL:ieu\  a  son  r(~)le  dans  la  ((nistitiitioii  du 
c;ir,ictere  (d  d,ins  |;i  direction  des  teiid.inces  des  masses 
limil.lilies  :  il  intllle  sur  la  l-.ice  r\  les  nhellls  et  ,'i  ce 
lill'c,  il  est  un  f.icteui'  So(d,il.  |Mliss;iilt  et  d  ;iut,iiit  |dus 
loll   (pi   il    s.ippllie    sur    les    seiltllliellts     les     plus    ilitiuies 


—  33  — 

de  1  lioiume.  Montesquieu  le  recouuait  sans  cejjendaiit 
y  insister  comme  Fimijortance  du  sujet  le  mériterait. 
C'est  une  lacune  qu'il  faut  regretter,  mais  cjue  l'on 
peut  explicfuer  par  ce  fait  (|ue  le  rôle  politique  joué 
par  l'Eglise  dans  les  sociétés  occidentales,  avait  con- 
fisqué à  son  profit  les  effets  naturels  de  l'esprit  reli- 
gieux. C'est  sur  ce  rôle  que  s'étend  Montesquieu  parce 
que  d'alîord  c'est  un  fait  ])ien  nettement  défini  et 
ensuite  parce  que  ses  conséquences  ont  eu  les  résul- 
tats les  plus  graves  pour  les  lois  positives.  Le  rôle 
politique  de  la  religion,  représentée  par  la  constitution 
des  Eglises,  légiférant  dans  les  sociétés  humaines  au 
nom  de  principes  qui  regardent  la  vie  éternelle.  ])arait 
en  effet  à  Montesquieu  une  véritable  anomalie  une 
source  de  confusion  et  de  désordres  sans  iioinhi-c. 
Cependant,  comme  le  fait  existe,  il  faut  ({ue  le  juris- 
consulte s'en  occujje  et  que  le  législateur  tâche  de 
s'accommoder  le  mieux  possible  de  ces  éléments 
adventices  pour  en  tirer  le  meilleur  parti  social. 

Moiit('S(|ui<'u  insiste  donc  a\('c  foi-cc  sur  rv  |)(iint. 
Il  montre  coninienf  tontes  les  religions  et  en  partie  la 
religion  chrétienne  inthnMit  sur  h's  mceurs  et  sin-  I  état 
politi(]ue.  Dans  le  premier  cas,  elles  hahitnent  l'individu 
à  riiumilit('':  dans  le  second  elles  le  forment  à  l'obéis- 
sance. (]Vst  un  bien  ([ui  est  un  mal  selon  le  point  de 
vue  au([uel  on  se  place. 

Il     <-lierclie     dans    (|U(dle     niesnre     leurs     principes 
sont     utiles    ou    nuisibles    au    (l(''\  eloppcMneiit     noi'nial 
Oudia  3 


34  - 


(le  l.'i  \it'  s(»(ijilc,  t't  ((iiiiiiiciit  les  luis  iTlii;ifiis('s  rt  les 
lois  jM>siti\  rs  |)t'ii\  fiit  sr  ((tiiihiiici'  ]un\v  Ir  \nvn  iréiiéral. 
Iji  Icriiiiiiiiiil.  il  pose  res  (l«'ii\  rrulcs  foiiclaiiieiltales, 
;i  s;i\oii'  (|ii('  c'est  iiiniiis  la  \ri-it('  des  clofriiies  (|iii 
imjHiilt'  t|iu'  Iriiis  tonsé(|iu'iK-os  sociales  vi  <|Uo  les 
i('lii:i()ii.s  doivent  toujours  l'esjx'ctor  les  distinctions 
sociales  et  les  l»esoins  sociaux. 

Il  suit  (le  la  (jue  la  socii'té  a  le  droit  de  se  protcj^cr 
contre  les  lois  indigieuses  lnrs(|ue  les  Euiises  «pii  les 
édictent  étahlissent  des  j)iali({ues  capal>les  de  porter 
atteinte  aux  cfuulitions  essenti(dles  de  sou  existence. 
Parmi  ces  piati<jues,  Moutescpiieu  rauj;e  par  exeni})lc 
le  droit  d'asile  cpii  bat  m  brèche  le  droit  de  contrôle 
(|ue  la  société  doit  a\(»i['  sui'  tous  ses  membres;  —  la 
vie  et  les  \  (eux  UKUiast icpu's  (|ui  sé[)arent  de  la  vie 
commune  des  cito\ens  dont  lactiN  ite  [iroductrice  serait 
utile  à  la  masse;  —  1  accunudation  tle  richesses  (pii 
sont  distraites  de  la  circulatitju  ;  —  la  levée  de  tributs 
i|ui  saj  utent  à  ceux  ((Ue  la  («dliM-tivite  i-éclame  déjà 
du  citoyen  ;  —  enliii  la  reunion  du  pontilicat  spirituel 
avec  1  aidorite  du  ,i:(>u\  ernenn-nt  ci\  il  ce  (pii  conduit  à 
détruire  la  lil»erl<''  de  penser,  la  plus  impoi-taide  et  la 
])lus  inlanuible  de  toutes. 

(le  droit  de  défense,  la  société  le  Jtosséde  d  autant 
j)lus  léuiliiiuMuent  (pu-  I  adNci'saire  est  plus  puissant  et 
mieux  arme.Kien  néuale  en  ell'i-t  la  j)uissance  de  sé<luc- 
tiou  des  Jvi:lises  et  les  artillces  de  sentiun'ut  ou  de  raison 
dont  elles  sa\enf  userpour  atlacherctro  tenirles  Ames. 


En  principe,  la  religion  doit  être  inditférente  à  la  vie 
sociale,  car  elle  est  par  elle-même  du  domaine  indivi- 
duel, et  lEtat  ne  saurait  intervenir  soit  pour  (»l)liiier 
les  citoyens  ;'i  clian,i:er  de  i'(dii;i()n.  soit  pour  iinjjoser  la 
prati((ue  exclusive  duii  cidte  an  moyen  de  lois  pénales. 
La  société,  en  délinitive,  tolérera  donc  toutes  les  reli- 
gions à  la  condition  qu'elles  n'entravent  pas  la  i-éalisa- 
tion  des  fins  ({ui  lui  sont  propres  et  elle  veillera  dans 
l'intérêt  du  l)on  ordre  à  ce  quelles  se  tolèrent  entre 
elles. 

Ces  opinions  sont  Tort  li.irdics  pour  rr'po(pie  et, 
débarrassées  par  1  analyse  d<'s  J'onnes  dont  .\l<»ides-  . 
quieu  leseidoure,  elles  peuvent  paraître  brutales,  mais, 
après  tont  ce  cpi'on  vient  de  lire,  on  se  rend  aisément 
compte  ipielles  tiennent  ('troitement  au  système  tout 
entier  de  Montesquieu.  Si  les  lois  en  effet  n'ont  d'antre 
ol)jet  (jue  d'assurer  1(^  développement  de  hi  société 
conformément  aux  hescnns  de  sa  nature,  il  est  évident 
({ue  le  rôle  social  des  lois  de  la  religion  doit  être  fort 
atténué,  car  ces  lois  s'ins|)irent  d'un  idéal  de  vie  con- 
traire à  c(dui  ipii  S(>  inanitesle  j)ai'  1  eNpiM'ience  coinine 
étant  la  lin  ordinaii'e  des  sociétés  humaines.  On  il  y  ait 
des  sociétés  où  tout  soit  organisé  en  fonction  des  lois 
divines,  Montes(]uieu  ne  le  nie  pas,  mais  ce  <{u'il  aflirnie, 
c'est  que  ces  lois  ne  sauraient  asoir  dans  les  états 
actuels  une  valeur  prédominante.  Ouant  au  mélange 
des  deux  tendances,  il  ne  [>cnl,  à  son  sens,  (pi  être  ]»ré- 
judiciablcà  l'élaboration  claire  du  droit  pojilicpn'  et  du 


;;« 


(iroif  cixil.   Il    fiiiil    (loiif   (l(\i;;is;rr  les  lois  jxtiitiiiiics  de 
ce  ([iiCllcs  (l()i\ eut  ;iii\  priiicijtcs  de    l;i    i-clii^iuii  consi- 

(Iflfr    ((iiiiiiic    Inrrr    socijilc,    .llili    d  éviter    |;i     enlilusioll 
(le    (|en\    i)|(lre>    de    choses     bien    <lisliliels. 

(  !"est  d  .lilleiirs  ;'i  ce  conseil  iiciier.il  (|H  .1  liotll  il ,  d.ilis 
le  li\re  X.WI.  le  liMN.iil  iiiét ln»di(|iie  d.iiialyse  dans 
|e(|iie|  nous  \eiioiis  de  sili\  I'«'  Moiilescjnicii.  Aussi,  le 
livie  XW  I  nous  |»ai'ail-il  rive  le  pixof  de  tout  lOu- 
Ni'aue.  .\|ontes(|uieu,  comme  lieaucoujide  ses  contem- 
porains, souHrait  de  la  contusion  de  |(rinci|)es  (|ui 
Iroiddait  la  science  du  di'oil  :  |)our  la  dissipei-  il  ,1 
entreju'is,  a\ec  ordre  et  un-tliode,  une  e\j)loratiou  à 
travers  les  ('h'UU'nts  constitutils  de  la  société  alin  de 
reconnadre  a  (|uels  hesoins  répondent  les  lois  (|ui  I  or- 
uanisenl  et  dcddavei'  le  sol  jniidi(pie  des  hronssailles 
(MK  Ih'\  (Mi-ees  ipii  lencondtraient  ;  lloraiscnis  ti-op  luxu- 
riantes (In  droit  r(dii:ien\  et  t\[\  droit  natur<d  :  rameaux 
gourmands  issus  du  jardin  voisin,  t(ds  (jue  c<'U\ 
(piavait  pousses  le  droit  romain  au  ndheii  de  iioti'e 
droit  politi(pie  et  civil  original. 

(In  Voit  dans  le  livi-e  X.WI.  la  dill'crence  (|U  il  faut 
i'ail-e  avant  tontes  (  Inises,  enll'c  les  lois  divines  et  [es 
lois  linmaines,  puis  c(dle  ipi  d  Tant  elaldir  entre  les 
|»rincipes  de  la  loi  ci\  ile  et  ceux  de  la  loi  naturelle  ou 
de  1,1  loi  de  la  r(dif:ion.  (les  icllexions  pei'inettent  à. 
.\|ontes(pneu  de  redresser  (pndi|ue^  erreurs  communi'S 
aux  jurisconsidles  de  son  lem|is  «pii.  sons  |  inlUiencc 
du  droit  canoni(pn'  on  du  droit  romain  ((Uisideraient  la 


—  37  — 

h-ansmissioii  de  l'hérédité  coiuiup  une  oi  iiatiirellc, 
(|iii  rii\  isaaoaiciit  lo  inariag'c  uniqueineiit  coiuiiie  un 
saeiM'iiieut  et  négligeaient  son  rôle  social,  qui  a])pli- 
(fnaient  enfin  couramment  aux  tribunaux  humains  les 
maximes  de  ceux  qui  regardent  l'autre  vie.  Là  était,  en 
effet,  la  source  d'innombrables  abus  et  d'innoiiiljiablcs 
confusions  (|ui,  de  ces  points  fondamentaux,  s'éten- 
daient sur  toutes  les  parties  du  droit  pour  les  troublrr 
et  les  obscurcir. 

C'est  avec  ce  même  besoin  de  clarté  et  de  pi-i'cision 
que  Mon  esquieu  examine  les  rapports  du  droit  poli- 
tique et  du  droit  ci\il. 

On  a  vu  dans  les  jmges  précédentes  les  rapports 
étroits  ([uil  y  a  entre  le  droit  politique  et  le  droit  ci\  il 
lors([u'il  s'agit  des  lois  d'organisation  sociale  destiiK'es 
à  rendre  le  groupe  plus  homogène  et  plus  attaché  à 
ses  princijDcs.  Mais  cette  dépendance, que  Mont<'s(|iii('u 
a  ét(''  un  des  premiers  à  bien  mettre  en  huniér-c,  cxii^e 
([ue  les  limites  de  ces  deuv  (h'oits  soient  ti'és  exacte- 
ment marquées.  Autrement,  sous  le  premier  [)r«dexte 
venu,  le  droit  politique,  fort  de  sa  prééminence,  pour- 
rait bien  faire  interveinr  d'une  manière  al)usi\ c  ses  j)ro- 
pres  principes  dans  le  ih'oit  civil.  (  Ida  s'ctait  \  ii  son\  ciil 
pendant  les  longues  aunc'es  (bu'ant  h's(ju<dles  s'élabo- 
rèrent les  sociétés  nnxbMMies.  I.<'  (h'oit  civil  cependant  a 
un  domaine  propre  qui  est  la  défense  de  la  propriété 
])r'.vée  dont  il  doit  être  le  palladium.  Les  princi]>es  du 
di'oit  politique  doivent  s'arrêter  devant  cette  barrière, 


—  38  — 


M.lis  1,1  r('Mi|ti'(i(|llc  est  \  l'.iic  l'ji  m.ltirrc  de  ilolMclilK' 
|i||l)li(-  (ill  <|i'    Micccssinli  .111    tirtiir.   |i;il'  exclu Jilc.   ri    in.il- 

,i:r('  1,1  siiiiil  tiiilc  tli-  1  i>|»jcl.  1rs;  |iriii(ij)c^  du  di'oil  ciNil 
ne  s;mr;ii<'iil  en  ■iiiciiiic  r,i(iiii  |ii-('\  .iloir. 

Lliistoirr  t'iiiiriiil  di-  iKHidirciix  r\i'iii|d<'s  <\t'  {t-Wr 
cxleiisinii  ,1  liilsiN  r.  M(»liti's(|iiir||  li'rii  cite  |i,is.  mais 
ji.iriiii  liciiiciiiip  d.iiitrcs.  il  ,iiir,iil  pu  i-,i|t|Md('i-  |,i  (|iir- 
rrllr  siir\  ciiiic  ciilic  UiMliii  cf  Henri  III  a  |»l'(>|t<)S  de 
r.ili(''li;iti(iii  i(lie  xoldait  faire  ce  |)riliee  d'une  p.irtie  du 
doni.iine  i(iy,il  en  .NOriiiaiidie. 

Les  \ien\  juriseniisultes  IV,iin;i  i^.  polir  r(''j>riiii('i' 
ti)||te  ;irn''ll,ltiiiii  du  di)liiailie.  p.irl.lieni  <le  celte  idt'-e 
ri>llil,'IIIie|il;ile  d;iii^  IKiIre  ancien  dl'oil  |)ll  I  die  <  |  Ile  le  roi 
dnil     \i\re    Illii(pie|lielll     di'S     pnidllils     de    soll    d<»lli;iilie 

(|iii  cuiisliliicnl  les  ressitiirces  nrdin.iires  de  I,i  r(i\  .iiili'-. 
h.ilis  leur  espril.  les  iiiip(ils  sdill  des  ressources 
e\lr,iordiii,iires  ,ui\(|indles  il  ne  laiil  taire  ,-ippe|  cpie 
d.ilis  des  cas  d<''lerillilies  e|  |e  iiloilis  soUNCIll  possil)ie. 
Tons  les  ini[M">|s  s.iiil  a  |»ro|irenienl  ]>,irler  des  c  aides  ». 

Il    illl|>orle    donc    ipie    les    re\elll|s    du    dolii.illie    lie    solll"- 

i'reiil  |ias  de  diiiii  nul  ion .  cl  l.i  prciiiiere  condilion  est 
<|Ue  le  roi  ne  puisse  en  l.irir  la  source  eu  .ilieiliinl  les 
liielis  ipii    coiislillieill    leur  doIlLline. 

lietle  coiiceplioii  ,i\,iil  j»ii  rf''poiidre  ,i  neieniieiiieiil  ,'i 
une  l'éalile.  A  I  lieiire  où  (•crisail  Moiilesipii<'ii  il  \  ,i\,iil 
|oiiL:te|llps  <pie  le  doiil,lilie  p,l  l't  icll  I  ier  <  les  fois  s'i'lait 
l'olidu  d,llis  le  ro\,IUIIie  ou  pllll('il  ipie  le  loxauiue  s'eljlit 
ajoiile   ,111    dolliailie    l.iiidis   ipie    les    il||p('its   s"i'|,i  ieli  t    r\;[- 


-   39  — 

blis  solidement  ne  faisant  ({11*1111  avec  le  trésor  ])riv(''. 
Il  on  était  résulté  que  le  domaine  avait  jn-is  un  (  ai-a( - 
tère  politique  et  que  les  ])iens  de  la  coui'oiiiie  ne  j)()ii- 
vaient  plus  être  séparés  de  cette  couronne.  (Ida  sim- 
plifiait les  choses  et  évitait  toute  discussion.  De  même 
que  le  roi  n'est  point  maitre  de  sa  couronne  dont  les 
lois  du  royaume  rèaient  la  transmission,  de  même  les 
Ijiens  qui  y  sont  attachés  ne  sanraient  être  régis  par  les 
principes  du  droit  civil. 

Par  un  etfet  contraire,  n'est-ce  pas  en  se  fondant. 
par  une  confusion  de  principes,  sur  la  loi  ri\ile  des 
Flandres,  que  Louis  XIV,  soutenu  dailleni-s  j)ar  de 
complaisants  jurisconsultes,  avait  revendi(|né  les  l'ays- 
Bas  au  nom  du  droit  de  di'-vdlntion. 

11  nnportait  donc  de  mellie  le  droit  à  l'ahi'i  de  ces 
interprétations  fantaisistes,  d'autant  plus  danizereuses 
que  par  la  confusion  même  des  prhicipes.  (dles  pou- 
vaient être  de  ])onne  foi. 

Si  l'on  considère  entin  le  droit  des  gens,  ('tant  donné 
que,  en  dehors  de  tout  so])liisme  sentimental,  la  seule 
règle  qui  préside  aux  ridations  internationales  esl  la 
raison  du  plus  fort,  temj)érée  il  est  vi-ai  ])ai'  le  souci  d  un 
intérêt  bien  entendu,  il  est  évident  (|u"il  m'  saur.iit 
admettre  les  principes  du  droit  civil  doid  la  consei-va- 
tion  de  la  propriété  forme  la  l>;ise.  non  |)lus  (\\u'  ceux 
du  droit  politi([ue  (jui  à  côté  de  la  notion  d'autorité 
retient  celle  de  la  liberté  et  reconnaît  les  droits  indivi- 
duels, 


-  ;o  — 


Ndiis  ;i\ttiis  iii.iiiilcii.iiit  p.u'cuiini  ;i\('c  Miirilcs(|iiicii 
Idiis  les  i>|<-iiiriiK  i|iii  ciiln'iil  dans  la  iuiiiiatiuii 
(le  la  loi  cl  ra  lactciisciil  mmi  (ili|rl.  Nniis  avons 
Iromc  daii'^  <('|lc  aiialysr  les  iii(>\riis  (\r  li\('i'  à 
cliaciiii  (It's  droits  |iar"licillicrs  Iriii'  dninaiin-  |»i<)|)ir  rt 
de    di'tciIllilHT    les     limites    i\i'     leur     |»i-IH''t  l'a  t  ioli     I-rcj- 

])I'(MH1<'. 

Kestc  rai)])ii(ati(iii.  Ici  nous  muis  tfoii\-oiis  vu  juv- 
scnci'  (\'[\\\  ('léiiiciit  iiou\<'.iii  <|n('  M<»iitcs(jiiicti  a\ait  du 
l'orccnicnl  n(''L:ii^ci'  dans  son  ctndr  d<'s  conditions 
csscnli(dlcs  (|ni  |»n''sidcnt  à  la  vio  s(M'ialc.  (Ictfdcnn'id 
(•"est  le  temps.  Il  sera  rcpiM-scnti'  |»ai-  I  inllnence  (piOid 
les  niH's  sur  les  anti-es  h's  lois  an  coiifs  de  la  vie  dnn 
])OU|)le.  Non  seulement,  en  ellet.  la  loi  di-pcnd  des 
capjxn'ls  l'ssentiids  nécessaires  à  la  conser\ation  et  à  la 
|»ermanence  de  la  >ie  sociale  à  un  instant  donne,  mais 
(die  est  encoi'e  solidaii'c  du  ]>ass<''  (|ni  a  determin(''  les 
situations,  |»r(''|»art''  létal  d  <'S|)i'it,  orient»'  les  nneurs. 
(  >n  ne  |H'ul  donc  l>i<'n  connaître  les  lois  (|u  en  les  rap- 
|>orfant  a  leui-  histoire.  Or  cette  histoire  n  est  antre  »pie 
riiistoire  des  nneui's  et  de  la  civilisation  sous  I  inllnence 
des(ph'ls  le  droit  Se  crc'e  de  proi'he  en  |H'o(dM'  par 
limitations  ou  par  dex  eloj»|ienM'nls  snccessil's. 

Les  jinisconsnltes  du  \\i'  siè<  le  I  avaient  hieii  pres- 
senli.  (  injas,  sniv  I  an' w  n'' sié(de  parle  |n'esideid  l'alire 
dans  sa  Jinisp/nf/f/K  r  l'a//inir/nir  et  dans  ses  l{<ili<t- 
ii'i/iii  ml  I*(iikIc(/(i^  avaient  appliipn'  la  méthode  histo- 
ri(|ne     an     droit     civil     romain,     lîeaudoin,      Hodin     et 


—   M   — 

Hôtinan  avaient  montré  toute  riiti]it(''  de  l'histoire  pour 
étaldii'  I<'s  maximes  du  droit  politique  coiifoi-HM'meiit 
aux  cireoustauces  partieulières  dans  lesquelles  se  sout 
peu  à  peu  coustitu<''s  les  Etats  modernes. 

(Test  cette  voie  (|ue  suit  .Montesquieu,  mais  avec 
plus  (le  sûreté  (|ue  ses  devanciers,  [)réciséuient  parce 
que  Fanalyse  (|iril  \ieiit  de  faire  siii-  l'ohjet  général 
des  lois  lui  donne  des  points  de  repère  pins  snrs  p(inr 
l'histoire  des  lois  et  de  la  civilisation. 

fVjur  mettre  en  lumière  cette  (h'penthince  naturelle 
et  nécessaire  Moutesqui<'U  ('tudie  tout  d'abord  ['('volu- 
tion  du  droit  successoral  chez  les  Romains  en  s'atta- 
chant  à  montrer  comment  il  se  modifie,  se  développe 
et  s'élargit  suivant  les  jjrincipes  dont  il  s'inspire  suc- 
cessivement selon  que  remportent  tantôt  les  considé- 
rations politi((ues,  tantôt  les  considérations  d'ordre 
privé  et  humain.  l*armi  ces  dernières,  il  l'aiil  ranger 
toutes  celles  f[u"amenèrent  le  (1(''\  (dop]).Mnent  do  la 
conscience  morale  sous  l'intluence  (h-  la  |tliil(ts()])hie 
grecque  et  la  conversion  du  monde  romain  an  diristia- 
nisme. 

Ainsi,  à  mesnre  ([ne  nous  axançons  dans  I7„"sy//v/ (/cv 
Lois,  nous  \()\()ns  la  \  ie  p('-n(''li'er  dans  loiiles  ses 
pai'lies.  Toiijonrs  plus  soucieux  de  la  realit*'- ondoyante 
et  diverse.  .Monles([nien  |)rend  hien  soin  de  nous  l'aii-e 
sentir  cependant  le  lien  (pii  en  l'attache  les  unes  aux 
autres  toutes  les  manifestations.  Kien  n'existe  et  ne 
peut  durer  dans  Tordre  social  (]ue  ce  (|ui  s'est  ('tabli 


-  42  - 


p;ii-  r;i]>port  aux  rônditioiis;  ossontidlc^  (\\\\  jionvrnf 
(l;iii><  iiiK'  (irciiiist.iiirc  (IdiiiKM-  («Il  a^siifcr'  la  |)('niia- 
llf'lirc  et  la  cf m tiiiuih'-.  l'ar  ces  rdi'ITclirs  et  ers  limi- 
tatiniis  (If  sa  jx'lisi'c,  M<iiit('S(Hii<Mi  cvf  luiii  de  ce 
l'atalisiiic  sciciitiliijiic  (|u  itii  lui  a  si  smunciiI  icprnclu'' 
ot  (|ui  so  jiiaiiifostc  iirii(|iiriii('iit  dans  les  jtrciniors 
livi'cs. 

Mi('ll\     nicoi'f     ([Mr    (l.iiis     le     li\|'r    X  \  \' Il .    ce     sourj 

(le  la  ivaliti''  apparaît,  dans  Ir  li\i<'  XW'ill  Mcii 
(Hiil  iK^  soit  ])as  tout  à  fait  du  iii(''iiic  uviii-f  «nn'  le 
]>i'('C(''d('iil. 

h.iiis  je  li\rt'  XWII.  cil  cHft.  Miiiitcscpiicii  iiiuntro 
au  uinycu  d'un  ('\<'uipl('  |»ai'li(idirr  cdunucut  I'c-ndIu- 
tidii  du  dr-iiit  suit  l'/'X  olution  des  uici-urs.  Tnul  d'aliiii-d. 
et  dans  les  t(^Mi|»s  où  la  sncit't*'  s  oruanisc,  le  S(»uri 
]t(»liti(|U('  de  roi-uanisation  sociale  prime  tous  les 
antres,  ("/est  ainsi  <pi'an\  ]>reini<M's  teni|>s  de  |{onie  le 
r<\i:inie  de  la  JU'opric'te  et  celui  des  successions  lient 
]ilns  de  compte  des  inti'rèts  i:cnei'au\  (|Ue  des  inli'-rèts 
particidiers.  Le  testanieni  esl  alors  un  \<''rifaldr'  acte 
]Mditi(|in'.  .\\cc  le  de\  elo|»penn'nt  de  la  securil<''  et 
l'état  de  slal(ilit('-  (pii  r(''sidte  à  la  loni:n<' des  lialiiludes 
imjiosi'cs  jKiur  ialla(lier  •'•troitenn'nl  I  individu  an 
corps  social,  il  dexieiit  possilde  d  accorder'  plus  de 
place  aux  senlinieids  individuels.  Les  lois  s  inspirent 
alors  de  considi-raf ions  jdus  jinmaines  (pii  Iniil  ]»r(''- 
dominer  les  aU'ections  |»articulières  sur  le  senlinn-id 
de  ce    (|ni   est    dû    a    la    c<d|ecli\  iti'-.    Il    en    est    ainsi    jus. 


—  43  — 

.qu'au  jour  où  Foxcès  (1(>  l'individualismo,  nionaçant  do 
l'uiuor  le  corps  social,  aiuciic  un  retour  aux  idcos 
diroctricos  uui(|U(Mnciit  inspii-cos  dos  uécessitcs  jtoli- 
ti(]Uos.  C'est  co  quo  2)rouvc  encore  dans  riiistoire  du 
droit  rouiaiu  la  suite  des  lois  qui  régisseut  les  suc- 
cessious. 

Encore  faut-il  (jue  l'Etat  ])t)liti(|ue  jîerinette  aux 
lois  d'exister  et  leur  assure  une  autoriti'  sul'iisante 
pour  reuqjlir  leur  objet  ([ui  est  de  uiaintenir  l'oidre. 

l^ji  étudiant  dans  le  livre  XXVIII  les  révolutions  (\\\ 
droit  civil  chez  les  iM'ançais,  iNIoutesquieu  n;i  nous 
exposer  de  ([uelles  cii'constances  extérieures  à  elle- 
niênie  et  à  ses  préoccupations  essentielles  dt'jx'ud 
encore  la  loi  j)our  ([u'idle  ])uisse  obtcMiir  tout<'  sa 
force  et  manifester  toute  Tautoi'ité  (pii  est  en  elle. 

L"a])plication  du  droit  dépend  en  (^ffet  du  deuré 
(rautoi'it(''  des  lois  en  \ii:ueur.  l/olx-issance  aux  lois 
est  facilitf'e.  on  \ienl  de  le  xoii-,  si  (dles  sont  lout 
dahord  l'ondé(>s  en  i-aison  sui'  i^'-tal  des  ino-urs:  mais 
C(da  ne  suffit  ])as.  Il  faut  encore  qu'une  auloiMlc' 
c  nsciente  soit  cai)al)le  d  inq)oser  leur  i-especl  et 
d'établir,  pour  les  faire  aj)})li(pM'r,  un  système  d"en(pn''1e 
et  de  jugement  assez  sur  ])our  que  personne  ne  puisse 
espérer  pouvoir  les  éluder. 

Or  jamais  cette  vérité  n  a|)i)arut  j)lus  (  laircniiMil  (pu- 
lors  du  grand  boule\ crsement  |>roduit  en  occident  j)ar 
les  invasions  barbares.  Pendant  plusieurs  siècles  IV-tat 
politique,  toujours  insta1tl<\   ne  ])arvint   ])as  à  trouver 


—  44  — 


s.i  foriiM'  |irii|»i<'.  Il  n'y  ;i\;iif  jutiiit  (r.nitorili'  nii.  (|iinii(l 
l'Ile    cNist.iit.     <'llc    se     hdiiN.iit     i II li II i iiiri 1 1     iimrcclt'f. 

ir.illll't'     jt.llt    tirs    |H'll|(|fS    (|r   (MlMcli'lr     l'I     <li'    liiirill'S 

It's  jtliis  <li\ris  sr  I  loin  rrt'iit  en  picsciicc  sans  |Miu\<iii" 
parx  ciiir  a  sr  IoikIit.  l'airilir  xai-irt»'  se  ict  roin  ait 
dans  les  |tiiini|t<'s  iii(iiaii\.  Ajni's  Ion  \it  cncxisfci- 
dans  laïKirii  iiimikIc  les  Inis  lia rlia  rrs,  |U'<Kliiil  (\r>i 
invasions  —  h-  droit  i-oinain  de  I  lifodosr  aïKpnd 
('•taicnt  al<ti"-  soiiniiscs  toiitrs  les  rcuioii-  de  I  |-",ni|)i!T 
—  le  droit  <•(•(  |('>iasti(|ii<'  iirandi  au  niilirii  de  la  toiir- 
niciitf  a  la  doiildr  Iniiiirii-  dr  la  raison  roinaiiir  *-t  des 
]»rf(«'|»ti's  d(>  rK\aiii:il<'.  (ihaciiii  de  ers  ::i'oiijm's  de  lois 
i-cj)on(|ait  à  I  rspiil  d  iiiir  |»aitir  dr  la  |io|Milatioii  sans 
|ioii\oii'  |)ivtriidr('  1  (»ldi,::('i"  dans  son  cnscniMr. 

I.r  dioif  de  la  forer  donna  la  jinM'niiiK'ncc  aii\  juiii- 
ri])rs  liarltarrs  (|ui  ilnirriit   |iai- l'ain-  doininn-  une  eoii- 

roptioll  lie  I  oldle  sorial.  du  dloit  et  de  la  jllstiie  dans 
lai|ne||e  les  rioyaiices  et  les  lineills  d  un  |ieii|de  |tri- 
niitir>('  niidaieiit  à  d  i'traiii:es  sii|ierstitioiis  issues  diin 
(diri  tianisme  ideniontairr  sans  (|n  ainiiiie  aiitoiili-  fut 
ea|ialde  d  inijMiseï"  un  système   Itien    lie. 

hall-,     la     dissin-iatioii     de     l'iJat.     en      elj'et.    daiis    la 
di'i  lli-aiiee  de   la    l'ofee   |illlilii|l|e   i|||i  snrcedellt  ail\    ili\a- 

'ioiis.   il   ii\a   |d  Ils  III  droit,  ni  lois,  thijteiil   inr-nie  dire 

(|ll  il  II  \  a  jdlls  de  soiii'te,  mais  seulement  des  suiii'lt's 
sni\aiit    I  liaruiie   des    lois  |»a  l'Iiculièles. 

Ici.    les   lois   jV'odales    sont    toutes    insj>irees    du    désir 
et  lin  liesoin  de  j»er|»i'tui'r  par  1rs  modes  de  li-aiisniis- 


-^  45  - 

siuu  du  ti(d'  la  fortune  de  la  l'aniille  et  de  uiaiuteiiii- 
parles  rapports  établis  ciiti-e  les  individus  la  hiérar- 
chie des  personnes  nécessaire  à  la  prospc-rité  de  la 
caste. 

Là,  au  contraire,  les  i-apports  sociaux,  en  rahsence 
de  tout  intérêt  nécessitant  des  dis2)()sitions  spéciales, 
sont  uniquement  refilés  par  les  coutumes  locales,  (^est 
ce  qui  a  lieu  pour  tout  ce  (pii,  dans  la  socitH*'  (hi 
moyen  àue,  n"aj)partient  i)as  à  la  t'éodalitc'.  (les  coutu- 
mes suffisent  lariiemcnt  à  maintenir  lOi'ch'c^  parmi  des 
individus  vivant  sur  des  teri'itoire^  peu  étenchis.  Mais 
elles  sont  extrêmement  variahlcs,  et  si.  dans  leurs 
])rinci])es,  elles  présentent  assez  d"uiiironiiit('.  en  par- 
ticulier p<ini"  tout  ce  (pii  coiiccnie  ril(''I'(''(nte  et  les 
successions,  où  domine  I  esprit  (h''mocrali([ne.  cepen- 
dant, les  habitudes  h)caleset  h-s  divorgeiices  (Tint^'-riM 
]>roduites  par  les  diiferences  dans  forientation  (h-  hi 
vie  et  dans  les  tradition >  de  chaipie  ])ro\ince.  modi- 
tient  très  sensiblement  les  détails  d  application  selon 
([ue  Ton  considei-e  1  llst  on  M>nest.  le  Nord  <in  le 
Midi. 

\i\ï  d  anti'es  endroits,  la  soci(''t(''  ec(d(''siasti(pn'  se  uou- 
V(M'ne  pai'  des  lois  où  Ion  re<dnnait.  a  ci')t(''  de  1  in- 
Ihu-nce  (lu  droit  romain,  la  niai-ipu'  de  1  esprit  i  lirelien. 
A  mesure  «pu'  croit  rautorili-  de  i'Ktrlise,  laultirile  de 
ses  bus  s'étend  aussi.  |)i-iiicipalement  en  ce  (jui  reii.irde 
toutes  les  actions  (pii  ridèNcnldi-  la  conscience  nior.ile 
on  (pu  jH'Uvent    iidlncr   sni'  le  Itonlienr  «mi  sur  le  mal- 


-  48  - 


Iniir  (Ir  1,1  \  ir  riilmc  Ainsi  ICspril  di-  l;i  li'uisl.iliitii  tir 
ri\::lisc  |»cii('lrc  1,1  l«'L:is|;iti<)ii  ciNilr  iioii  sciilcim'iit  .111 
siiji't  (|c«s  iii,iri;ii:t's  ft  des  Icsl,!  mmmiIs.  iiiiiis  cihoi-c 
|i(iiir  tmilcs  les  sdi'Ics  (1  nliliii.iliniis  ri  (le  ci  ili  I  lals  cl 
sili'loiil  |miir  1,1  rcprcssidii  des  IV,iiidcs.  didiN  <l 
cl'iiiics. 

Sur  ce  dcniici-  |)<iiiil,  le  senliinriil  de  1,1  justice 
(li\ilie  sjijollt.inl  ;ill\  \ieilles  I  r,idil  loiis  i;enii;illif|lies, 
coiltl'ilMir  à  ddllliei-  [iliis  d  .iiitoiile  et  de  iDice  ;i  l;i  sellli' 
jir;ili(|iie  .idiiiise  coiiruiiiuienl  iilors  jMHir  |trnii\er  le 
dl'dil.  je  \eil\  Ji.lller  du  duel  judici.iire  sur  le(|liel 
M()lllesi|iiieu  insiste  dans  le  livre  XW'lll  a\ec  tant  de 
raison. 

pour  (|U  une  S()ci»''l(''  se  m.iililienne  et  |)r(is|»ere.  en 
ell'el.  il  ne  Millit  jt.is  (|n  l'Wr  |Missede  nil  sxstéllie  de  lois 
réjulanl  les  rajtjiorfs  piildus  ou  prixcs  :  il  tant  enctu-e 
(|ne  (liacun  j>uisse  l'aire  recoiin.iili-e  son  di-oil.  Le 
(leure  d  aiiloi'il(''  des  lois,  leur  rôle  l>ienlais;inl.  dejten- 
(leiit  Jiloi's  surtout  de  la  ni.iniere  dont  est  .Klniinistrée 

la    |tl'en\e    ,iiissi    hieii    (|ne   de    la   cl.irle    et    de    la    |»ro|)os 

(jue  la  |iiiissaiice  jiid)li(|iie  (  lui r,L:»''e  de  1  ('•  l: i te re r  aura 
sn   introdiiir»'  d.ins  leur  n''d;ictioii. 

I,  iidniinislriilioii  de  l,i  |tren\e  e»l  1,1  Ha  ire  d'un  tiei's 
impartial  i|ui  se  |)l;ice  entre  les  individus  on  liieii  entre 
la  société  et  lin<li\idu  jtour  accoi"<ler  à  chacun  les 
réparations  .iiixtiindles  il   prétend. 

j'our  scflairer  le  juiie  s'.ippiiie  d'une  p.irt  sur  l.i 
lettre  du  droit,  d  autn-  jtart.  sur  tout    un  eiisenildc  de 


—  47  — 

témoiii liages  et  de  preuves  destinés  à  déterminer  d'une 
manière  irréfutable  le  côté  où  se  trouve  le  bon  droit. 
l>"aduiiuisti'ation  de  la  preuve  est  donc  un  des  objets 
les  plus  essentiels  à  toute  l)onne  justice.  C'est  sur  elle 
que  se  fonde  et  se  justifie  la  sanction. 

Dans  une  société  très  civilisée,  oîi  les  rapports 
sociaux  sont  extrêmement  divers  et  où  les  intérêts  en 
jeu  sont  par  conséquent  très  délicats  à  apprécier, 
l'action  du  tribunal  denumde  pour  s'exercer  un  méca- 
nisme subtil  et  sûr.  Au  contraire,  dans  une  société 
encore  rudimentaire  et  dans  laquelle,  au  demeurant, 
étant  donné  l'état  naturel  de  violence  dans  lequel  elle 
vit,  on  ne  saurait  ni  donner  conliance  à  l'autorité,  ni 
garantir  rinipartialit(''  des  enquêteurs,  ni  assurei'  la 
sincérité  des  témoins,  il  faut  que  la  preuve  se  j>ré- 
sente  aux  yeux  de  tous  d'une  manière  si  frappante  «[ue 
personne  ne  puisse  la  récuser. 

De  là,  cliez  les  peuples  primitifs,  le  système  drs 
ordalies  qui,  pour  suppléer  à  la  faililesse  liumaine, 
fait  intervenir  la  justice  inunanente  à  la  divinité.  De  là 
l'importance  (]ue  j)rit  dans  la  société  du  moyen  âge,  le 
duel  judiciaire  aussitôt  après  la  disparition  du  dernier 
vestige  de  l'autorité  j)ubli((ue.  A  cette  é])oque  à  la  fois 
simpliste  et  supcM'stitieuse,  le  duel  judiciaire  devient, 
en  debors  des  tribuujiux  d'Bglise  (jui  coiisci'vent  les 
anciennes  fornu's  de  |)roeédure,  la  seule  manière  de 
prouver  le  droit.  Tout  le  monde  y  a  i-ecoui's.  mènn-  les 
vilains.   Le   duel  judiciaire    ne    cédera   la  place  que 


-    i8 


(IcN.iiil  1rs  jtiourcs  <!•'  1.1  jiM-i»lirti()ii  r<»\;ilf  inanilcsti's 
(Ml  iMTiiiit'r  lieu  i>;ir  r«'\t(Misi(Mi  dos  ;i|t|M'ls  sans  cum- 
liaf.  «'Il  sfciunl  lii'ii  par  If  (|t\  ('ln|»|iciii«'iif  de  la  j»i-<m-('- 
diirc  f<rit»'. 

A  snii  tiiiir.  Il-  |)r(ti:frs  de  la  iiirididinii  i'ii\al<'  favo- 
i-is('i-a  la  ci-caliiiii  |<'i:islati\('  <'t  la  lraiis|'(.riiiatiiiii  des 
coiitmiM's  locales  m   \  critaldcs   lois. 

{.  os\  liMiSfinM»'  dt'  ccttr  t'\  (dlltioii  des  l'ollilrs  cxtc- 
ririii-cs  du  di'oit  m  (iaidf.  jniis  t'ii  l'iaiicr,  (|iir  Moii- 
t('s(|iiirii  a|»|Hdl<'  iJf  /  orKji/ie  e/  ih's  rt-rohil tons  îles  /ots 
civilf^  chez  /es  hra/irais.  il  iir  faut  pas  s  ctomK'i'  du 
(•(Uitcmi  de  (•<'  cliapitn'.  Nous  venons  d CxplicpnM-  pai- 
l'idr»*!  d<'  ipudlcs  cii'constancos  la  tonne  extéi'ieuie  du 
droit  en  était  \cnne  à  le  repre-enter  tout  enti<'r  si 
l)ieu  «pie  .\|ont<"s«piieU.  \ttulaiit  <'tudiei'  les  lois  ne 
trouve  de\aut  lui  (pU'  des  loruudes  ou  des  e\J)»'dients 
de  proci'dul'e.  Il  laut  aussi  se  rajtp(der  le  sens  ipu" 
1  on  d(»nuait  alor>  a  ces  mots  «  droit  ci\il  -  ■  loi-, 
civiles  •'  dans  notre  ancienne  langue  jui-idicpu'.  On 
rangeait  alors  ^ous  |r  nom  de  droit  ci\il  non  srule- 
UM'ut  toutes  jcN  matières  d  ordre  prive  tpu'  renlerme 
anjourdliui    noli-e   (iode  civil,    mais    encore    I  ens<-ndde 

des  toiinides  et  des  movens  projues  à  nietiri'  ii's  |o|s 
en  O'UV  re.  tous  oLjcIs  ipn  rep<uident  à  noire  (Iode  de 
procédure.  ()n  les  op|K»se  ainsi  en   liloc  au  droit   juiidio 

<pii    s  occupe    milipieiiieiit     de    i:oU  V  e  riieilienl    et    dadiui- 

iiistratioii.  Moiitesipiicii  est  donc  e-idement  liien  l'ondi- 
d  niie  part   en    donminl   a   ce   liv  it    |r    litre    d  ••Inde    sur 


—  49  — 

les  révolutions  du  droit  civil  ciiez  les  Français  et  d'au- 
tre part  en  n'y  traitant  jDoint  du  tout  le  sujet  que  nous 
attendions  et  qu'il  nous  était  permis  de  supposer  après 
le  livre  XXVII. 

Arrivé  à  ce  terme  de  son  analyse,  si  logiquement 
poursuivie  à  travers  tant  de  faits  contradictoires,  Mon- 
tesquieu clôt  son  étude  par  des  conseils  pratiques  sur 
la  manière  de  composer  les  lois  qu  il  désire  toujours 
claires  et  sans  équivoque  dans  la  précision  de  leur 
texte . 

Le  livre  de  ï Esprit  des  Lois  peut  alors  être  considéré 
comme  complet  et  elle ctive ment  les  critiques  regret- 
tent que  Montesquieu  ne  s'en  soit  j)as  tenu  là  et  ait 
ajouté,  conmie  une  sorte  d'appendice,  deux  livres  sur 
les  lois  féodales  qui  paraissent  au  j)renii(M'  alMird  un 
liors-d'œuvre  inutile.  On  ])cut  (•cj)en(lant  essayer  de 
justifier  cette  étude  (|ui  an  dire  de  M(;nles(|nien 
lui-même  lui  donna  plus  de  mal  (|ne  tout  le  reste  de 
son  ouvrage. 

D'après  ce  <jue  nous  xcnons  de  voir  ï  f'Jspri/  (1rs  Lois 
nous  a  montré  connnent  les  lois  s'organisent  par  raji- 
port  à  la  nature  des  choses  de  la  \  le  sociale  considérée 
dans  les  éléments  constitutifs  de  sa  nature  ;  —  com- 
ment elles  tiennent  compte  de  rinfluein-e  (]u  niili<'u 
pliysi([ue  et  du  milieu  nioi'al  :  —  ecnnmeid  (dles  se  rat- 
tachent aux  traditions  (hi  passé;  mais  ])ar  une  appli- 
cation ininu'diate  de  la  méthode  cr(''ée  |tar  Mindes- 
quieu,   on    ]i<'ul    se    demander   si    (die  >  apidiipu'   a    la 

Oudiri  .  4 


no  - 


rol'lliiitioll  tirs  socirtrs  liKxlrnics  cl  si  l'ilc  peut  irlull'C 
cdinpti'  (le  1.1  iiiaiiicrr  dont  se  s(.iit  orfzaiiisrrs  les 
sociôtrs  Irodiilcs  issues  des  iiivasi«»iis  Itai'liarrs  et  <|ui 
|)i-<''S('iilciil  un  (  aractriT  si  dillV-i'ciit  dv  tniitcs  les  lor- 
liics  socialrs  dmil  riiisloirc  aiiciciiiit'  a\aif  dDiinc  les 
modrlcs.  ('.est  |>rc(is<'iii('nl  |iiiiir  it'jiondrr  a  cette 
riiriusite  hieii  leiiiliiiie  el  iiioUNcr  la  valeur  de  1  iiis- 
Irunieut  ((u'il  a  Ini-t:»'  (|ue  .\|nntes(|uieu  ((Misaeie  les 
deux  derniers  livres  de  ï/'Jsfirit  (/es  Lois  à  l'ôtudo  des 
lois  IV'odales  dans  leui-  ra|t|Hirt  axcc  1  ('taldisseiiient  et 
j|\ec    les   |i'\  iduliiHls  de    l;i    Mouart  llie. 

Mais  il  |)eul  \  avoir  aussi  une  autre  riiisou.  Malgré 
le  earaclère  tlie<)ri(jUe  d<'  ses  pl-i'oeeupatioUs,  Moutes- 
(|uieu  lie  se  (l(''siut(''resse  |»as  de  la  politi(ju«'  active, 
il  a  t(iu_inurs  eouser\«''  ICspril  dlishcck  du  de  liica 
ceiisuranl  les  juineipes  de  u  iiveriieuieiit  d  »»ii  snul 
sortis  les  luallieurs  des  dernières  années  du  rétine  de 
j>()uis  XI\    et  la  eorrujttiou   du    t(>iiips  de  la  HéK;«Mice. 

Les  flu'oriciens  de  laKsolutisine,  en  ellet.  enfi'al- 
naienl  la  Moiiart  liie  dans  une  direelioii  e(»nlraire  à  l;i 
raison  si  Ion  considère  les  coiidilions  esseiili(dles  de 
loule  \ie  social*'  dans  Lupielle  le  jtrinei|»e  de  liliel'lé 
ne  doit  pas  tenii'  moins  de  place  tpie  le  principe  d  au- 
torité. Mais,  d  antre  part,  les  tlit'oriciens  de  la  liln'i'li' 
exaj:<'iaieiit.  surtout  au  xvi"  siècle,  le  i-ôie  cpii  lui  est 
dévolu  dans  1  oj-^anisation  sociale.  Los  uns  rt  les 
aiili'es.  par  I  onidi  des  données  liistor'i(|uca  qui  ont  j)i'ô- 
»ide  a  la  rorinalioii  de  la  nionart  liie  IVuDcaise,  ue  puU' 


—  5i  — 

vaieiit  que  nuire  à.  réquililn'c  de  l'Etat  eu  i-oiiipant 
la  chaîne  de  ses  traditious. 

Ce  sont  ces  traditious  <{ue  .Moutescjuicu  veut  rciKtuer 
eu  luoiiti'jiiit  (1  alxii'd  coiiuiiciit  s'est  loi'iiK'c  la  société 
féodale  et  counueut  ensuite  <mi  est  soili  un  i-.\uinH' 
]uouarclii([ue  répondant  dans  ses  prajides  ligues  à  la 
définition  in  ahstracto  donnée  par  lui  dès  le  déhnt  de 
son  ouvrage,  uuiis  particularis(''  |»ai'  certaines  nneni-s, 
par  certaines  habitudes  créées  par  les  eii-constances 
même  de  son  éta])lissement. 

Dans  (juelle  mesure  ces  nnenrs  et  ces  lialiifndes 
venant  régler  1  exercice  du  jiouvoic  ont-elles  jiermis  à 
la  monarchie  française  de  satisfaire  à  la  fois  le  pi-incipe 
d'autorité  et  le  j)rinci])e  d<^  lihei'té.  c'est  une  ([uestion 
que  Montesquieu  n  a  pas  rt'solue  e\])ress(''nHMit  mais 
sur  la(|uelle  il  nous  a  laiss«''  assez  de  renseiuncnn'nls 
pour  nous  permettre  de  conccNoir  sinon  iteuf-ètie  la 
solution  «pi  il  lui  aurait  doiuiéc,  tout  au  moins  celle  (pii 
se  peut  logicpuunent  (h'duire  de  ses  ])rincipes. 

Lue  pareille  recherche  ue  scunlde  pas  inutile. 

On  connaît  en  etl'et  l'usage  (pii  a  v\v  l'ail  des  tln-oi-ies 
de  IMontescpiien  j)oui'  r<''tal»liss(Mnenl  de  la  inonarcliie 
parlementaire.  l*our  ipii  ne  s'en  lient  i)as  aux  jtn'niiei-s 
livres  de  VEsprit  des  Lois  ou  nn'-me  au  seul  clia|)iti'e 
sur  la  constitution  anglaise  il  aj)])arait  (pu'  cet  usage 
a  ét(''  ])our  le  moins  ahiisil".  I-'J  puisipu'  Ion  s  est  tant 
réclamé  des  j)rincipes  de  Monles(|uieu,  il  nous  a  sendtle 
intéi'essant    de    voir    (pnds    ra[>j)orls    on    i>eul    (Maldir 


—    .>- 


«Mltfc  les  |)llIKi|ics  (If  Mdlitcstjiiicil  ri  sil  llicnric  de  la 
iii)iiiar<-lii<-.  iir  r.iis.'iul  ru  cria  (|ii  a|i|)li(|(ici-  a  un  |)iiiiit 
|)ai-ti('tili<-i'  l<°i  iii('-tliii(ir  iiiriiic  (ioiil  il  .1  doiiiK- 
1  (wniiplc. 


III 


Le  libéralismo  do  Montesquieu  est  une  Nriitt' 
reconnue.  L'Esprit  des  Lois  peut  passer  en  etiet  dans 
sa  partie  politique  comme  le  Code  des  libertés  du 
citoyen,  car  on  y  trouve  exjj rimes  pour  la  première 
fois  sous  une  forme  énergique  et  précise  les  principes 
sur  Icsfpiols  j)eu\'ent  se  fonder  les  droits  de  1  lioiuuic. 
A  ce  titre,  les  constituants  n'avaient  point  tort  lors- 
cju'ils  se  réclamaient  de  Montesquieu  pour  reconnaître 
ces  droits  et  leur  assurer  des  garanties  dans  les 
constitutions  nouvelles  qu'ils  élaboraient. 

Cependant,  l'on  se  tromperait  étrangement  si  Ton 
supposait  (pi  il  eut  pu  les  suivre  dans  leurs  aflirnia- 
tions  si  absolues.  Sa  méthode,  plus  concrète  et  plus 
sou})le,  n'aurait  pu-  s'en  acconnnoder,  et  jx'ut-ètre 
aurait-il  trouvé  (ju'ils  forc^-aient  un  peu  trop  la  luiture 
des  choses. 

Si  Montescj[uieu  proclame  bien  évidemment  les  droits 
du  citoyen  à  la  liberté  de  penser,  à  la  liberté  indivi- 
duelle,  à   la    liberté    de    la    ])ropriété    et   à    l.i    liberté 


u 


]K(riti(|iir  (|iii  u.irjiiilil  ImiiIcs  1rs  ;iiilrcs,  il  se  ::;ir(l(» 
Idcii  (le  |in's('iil('r  CCS  (linils  coiiiiiic  iiiuNcrscls  et 
.llisoliis  |»;ir  cil\-lliciiics.  ;iii  iioili  des  di'dits  sil|ti''fieil  l's 
(le  l.'i  li.'illir."  Iilllii.'illic.  Il  lciii|)c|'e  celle  lii(''t.'l|>ll  \  si<  |  Ile 
en  lell.llil  c(illl|tlc  (li's  CMiil  iii-cjices  de  I  nl'i:.-!  MIS.l  I H  ill 
Sdciii  le  j»;irlic|i||èl'e  ,1  cli;i(|ile  |)e:i|»|e.  cl  slirlniil.  en  ne 
lieilliLii'.inl  |»;is  I  iiillneiice  du  r.icteiir  |)s\  c|iid(iL:i(|iie 
l'cprrseiitr'  j»,ir  le  d<'sir  (>t  l.i  ci'()\,iiice.  source  pl'e- 
init'i'e  de  Imites  les  .ispirat nuis  des  iiidi\idus  cdiiiiiie 
des   ci)llecti\  il(''S. 

Nuiis  [tuiiNons  donc.  iii;iiiileii.int  (|iie  nous  ;i\oiis 
r;i|tj)ele  d  après  nos  |»reiiiières  coikIiisioiis  I  ecoiioiuie 
£;•(' 1  )»'■  la  I  e  de  1  hlsjiril  des  Lois  et  le  r\lliine  de  soli 
d(''\  (do|»|)e||ieilt ,       préciser     le      sens      (|ue      .M<  Hltesi  |U  ie|| 

;ittac|ie    à     la    lilierti-    et     aux     lilierlt's    et     di'terininei- 

1  illlllleiice  (|iie    celle    (dnce|»lio||    peut    axoU'   elii'    sur  ses 

théories  p  ililnpies.  en  jtarticiilier  sur  cidle  ijii  il  donne 
de   la   iiioiia  rcliie. 

Tout  dajiorl.  il  con\ieiit  de  renianpier  «pie  la 
lln-orie  di'  Monte. (piieii  sur  la  lilierl»'-  |)o|ili(pie  s(> 
ratlaclie  etroitenienl  a  I  idée  ipiil  se  l'ail  de  la  loi  et 
du  droit  natuiid.  Il  ne  pouvait  jias  en  l'Ire  aulrenient 
s  il  est  \rai  <pie  tous  les  theiricielis  de  la  lilierle  ont 
loii|oiirs  cherclii"  dans  ces  iiièiiies  iiolioiis  les  principes 
ca|ialdes  d<'  l'ondcr  <-t  de  soutenir  en  droit  les  reveii- 
dicalioiis  des  |ieiip|es  ojtpriuM's  daiis  leur  liien-ètre 
iiiiil(''rie|  ou  dans  leur  conscience. 

(".<'s|    au    iioiii    du    i|i<(il    naturel,    olisciin-inenl    |tres- 


—  55  — 

senti  à  travers  les  souffrances  du  ])oupl(',  <]iie  2>i^i'l'^i*^"^ 
aux  Etats-Généraux  les  orateurs  du  Tieis-Ktat,  IHiilippe 
Pot  ou  Robert  Miron.  Saint  Tliomas  d"A([niii  ot  les 
docteurs  scolastiques  invocjuont  aussi  le  droit  naturel 
lorsqu'ils  proclament  que  les  rois  sont  faits  pour  los 
peuples  et  non  les  peuples  ])()ur  les  rois. 

Mais  sur  cpioi  se  fonde  ce  droit  naturel  perpétuelle- 
ment invoqué  ?  Sur  le  sentiment  de  la  justice  et  de 
l'équité  que  Dieu  dépose  dans  le  cœur  des  honunes 
par  l'entremise  des  préceptes  de  sa  loi  d'amour  et  de 
charité,  proclament  les  théologiens  :  — sui*  les  données 
de  la  conscience  éclairée  ])ar  la  lumière  di\in<', 
assurent  Grotius  et  Putfendorf,  en  reprenant  les  théories 
des  philosojîhes  anciens  et  les  jurisconsultes  rinnains. 

Cela  est  bien,  et  ces  efforts  vers  plus  de  justice  et 
d'équité  attestaient  un  progrès  certain  sur  le  rèi;ne  de 
la  force  et  dans  la  voie  de  l'unification  du  dioil  à  laid*^ 
des  principes  rationels.  ('es  solutions,  cependant, 
avaient  un  grave  défaut.  Les  premièr<'s  conrondaieul  le 
droit  naturel  avec  la  religion  ;  les  s<M'ondes  ne  le 
séparaient  pas  assez  de  la  morale.  Les  unes  et  les 
autres,  enfin,  malg:ré  leur  désir  de  déterniiner  les 
règles  de  l'équité  et  de  la  justice,  en  laissaient  liop 
encore  la  connaissance  et  l'application  au  senti nu-nl 
que  chacun  ])oUNait  en  axoii'.  ()i',  (juelie  cliose  ])lus 
variable  et  plus  fugitiv(\  j)ius  divei'se  et  moins  sûre  cl 
dépendant  de  plus  de  facteui-s  (|ue  le  sentiment.  \<m'e 
même  le  sentiment  moral? 


—  rs  — 


(l'ost  alors  ([n"a]i|»,iinl  daii^  Ic^  jucmiri'os  annros  du 

Wlll''  siècle  lllie  innixelle  école  de  dl'oit  naturel  lulKli'e 
SUf  I  étude  des  lois  tie  I  lioinuie  \i\aiit  a  ji-tat  de 
liatiU'C.  (•  ost-à-dife  en  deliois  de  toutes  les  coutiu- 
ii«Mices  s(»cial<'s.  Si  la  iiiultiplicile  (\t'<.  accidents  de  la 
vie  peut  ohscui'cii' (  liez  1  individu  la  notion  du  droit  et 
tlYUlblor  sa  cnnscieuce.  le  nn-illeUI'  ulo\eii  de  I  (■(  laiier 
n"(»st-il  |)as  de  lui  nionlier  ce  (|iril  était  dans  son  état 
jU'iiuitil"  et  a  I  oi-it;'ine  nn^ne  des  socit'tes  ? 

PoUf  ces  del'uiei'S  théoriciens,  la  loi  naturelle  n  est 
|dns  celle  (|ue  dicte  la  conscience,  mais  au  couti-aii'e 
celle  (|u  imposent  a  I  lionnne  j>riniitil' ses  hesoins  inuu»'- 
(liats.  l'allé  se  conl'oiid  alors  avec  la  loi  (\o  nature. 
Partant  de  ces  piancipes.  ils  arri\«'nt  à  d<'s  com  lusious 
(pu-  1  on  peut  lacileiuent  rt-sumer  dans  les  pro|iositions 
sni\  antes  :  1"  les  hommes  naissent  tous  <''L:au\  et  lihi'es  ; 
'1"  le  coidact  de  ces  forces  éiinles  euLtcndre  la  L;iu'rre  et 
I  incLialitt' ;  8"  le  i-»"»|e  {\o  la  soci<''t(''  doit  èti-e  de  rf'-tahlir 
l'oi'di'o,  soit  eu  raintuiant  surtei-re  la  liberté  et  Teualité 
jiriuiitivos  (I.oeUe;,  soit  eu  niainteuaut  j)ai"  la  force  les 
inc'iralités  e«Misarrées  (llohhes  ;  loi'scpu-  les  hommes 
i-eclament  la  liherte  et  1  cLialite.  ils  le  l'ont  donc,  dans 
le  |u-emier  cas,  ,iii  nom  dn  droit  naturel  dei'i\e  d<'  leur 
état  prinutit'.  haiis  le  second  cas.  au  coutrau'e,  ce 
uuMue  droit  naturel  IcLiitinn-  tout  absolutisme  et  tout 
despotisnu'. 

Tontes  ics  constatations  sont  de  la  plus  haute  im]»or- 
tance.   car  «dh-s  nous  j)erniettent  de  mieux  saisir  Tetat 


—  ?)7  — 

d'esprit  dans  lequel  se  trouvaient  les  contemporains  de 
Montesquieu  par  suite  de  la  confusion  (juils  faisaient 
de  ces  ternies  :  nature,  droit  naturel,  lois  de  nature, 
lois  naturelles  qu'enqdoyaient  indifiëreninieut  lune  et 
Fautre  école,  en  y  attachant  au  fond,  comme  on  vient 
de  le  voir,  des  sens  tout  à  fait  différents. 

Or,  pour  Montes(piieu.  linterprétation  des  uns  n'est 
pas  plus  légitime  que  celle  des  autres. 

Si  l'on  peut  reju'ocher  en  effet  aux  premiei-s  de  faire 
appel  à  des  principes  ])liilosoj)Iii([iies  sans  ancnne 
réalité  concrète,  de  telle  sdi-te  ([uil  y  a  en  somme 
autant  de  droits  natnrcds  ([ne  dr  principes  (litr('r('nts 
dont  on  j)réten(l  les  tirer,  on  pent  Manier  les  seconds. 
avec  non  moins  de  vérité,  d'aller  chcrchei-  lenis  prin- 
cipes dans  une  réalité  si  lointaine  que  nons  ne  pou- 
vons à  son  sujet  former  (|ne  des  hypothèses.  (Jui  })eut 
nous  dire  Torigine  des  sociétés  et  comment  imaginer 
avec  sûreté  1  état  de  natui'c:  "  .h'  n  ai  jam.'is  onï  jtarlei- 
du  droit  public,  dit  Montesquieu.  (piOn  n'ait  comnn'ncé 
jiar  rechercher  soigneusement  (|U(dl(>  est  l'oriuine  des 
sociétés;  ce  qui  me  parait  ridicule.  Si  les  lioniines  n'en 
formaient  ])oint,  s'ils  se  ([uittaient  et  se  fn\aient  les 
uns  les  aiiti'cs,  il  fandrait  en  denian<ler  raison  et 
cherchei-  j)onr(|noi  ils  se  ti<Minent  s('j)ar(''S  :  mais  ils 
naissent  tous  liés  les  uns  au.x  autres;  un  lils  est  né 
auprès  de  son  père  et  il  s'y  tient  ;  voilà  In  société 
et    la    cause   de   la   société    »    (1).    L'homme,    par   le 

4.  -^lontesquieu,  Lettres  persanes,  lettre  9i. 


-  58  - 

soul  fait  (]•'  la  fillati..n  <•!  «1<'  la  raiiiillo  foi'iiif  (Lmo 
toiif  iiatiin-lIciiH'iit  ;i\('("  1rs  siens  un  rniln-\<)M  il<* 
s<ni(''tt''  «jni  SI-  (l('vr|n]»]»cia  |iimi  à  jirii.  I,  Imninic  isolé, 
riioninir  à  1  «'lut  (le  naturr  di-  llolihi-s,  nCsf  (|u"nn(' 
m-ation  ilr  1  iinauinalinn.  ft  a  mi]>i»iisci'  nn-nic  (|n  un 
tri  lioninic  <'ùt  ('\is|('',  il  aurait  cIicicIk'  a  (•<)nsri-\ri' 
son  ('tiT  l»ifn  |ilutr>t  m  utilisant  1rs  rrssuui'rrs  di'  sa 
l'aiMrssr.  ([u  «ui  rssa\ant  d  ini|tnsri'  |iar  la  l'oivr  sa 
(joniination.  <<  iKins  rrt  itat.  dit  .Mi)ntrs(|iiirn.  rjiacuii 
sr  sriit  inférirur.  à  j»rinr  cliarun  sr  srnt-il  <\L:al  ■•  'IV 
Aussi  rrt  t'tat  (Ir  rl'aiutr.  ce  srntiuM'Ut  dr  jrur  lai- 
MrSsr  dans  lrs(|Urls  il  est  |dus  laisounaidr  Ai'  suj)|nt- 
srr  <|u  aurairni  dû  \i\i'r  1rs  lioninirs  à  ICtat  de  naturr. 
loin  Ai'  1rs  |)r»ussri'  à  la  uurrrr.  1rs  devaient  eiii:a.î:«'r 
i)ien  j)lutùt  à  s  iinif.  s  il  n  y  avait  eu  <l<'jà  la  laniille. 
car  la  société  déru|de  |tai'  I  rnti'aidr  les  forces  de  rlia- 

CUll. 

La  socirt(''  l"ond<''r  sui'  !  assistance  mutuelle,  est  donc 
de  (|U(d(|ur  la(;on  ijin'  I  on  i-aisonnr.  Ir  seul  fait  |U'inioc- 
dial  l'f'rl.  siiil  <|Ur  I  ou  partr  dr  la  l'aniillr.  soit  qur  I  on 
\('ui]|r  reniontri-  jus(ju  à  1  état  dr  ualiiir. 

S"rnsuit-ij  (|ur  1rs  lioiuiurs  naissent  rL:an\    ainsi  (|ue 

le  |i|i'lrud  Loi  l\r  .'  Ou  |trlll  Ir  soulr  n  1  C  r  I  Moutrsi|U  ir  U 
srnddr  \  sousrrii<'  h\  i/r\  /^..  \|||,  .'{  ,i  condition  d  ad- 
Uirltlr  I  clat  dr  natllic.  Mais,  s  il  r\istr.  rrt  rtat  nr 
diiir    pas.   il  l'ail  j)la<r  aussitôt  a   la  sorirti'  (|ui  rsf  Létat 


1.  Esfirit  fipx  /.ni s.  \,  ■j. 


—  no  — 

normal  de  riuimanifr.  Or  In  socirti''  ])i'imitivo  cVsf  lo 
pègno  (le  riii<\i:alit(''. 

Si  ];i  f;i mille  est  riiiia.iio  do  cetto  socii'tf',  <|n  y  a-f-il 
do  moins  compatihlo  avor  l"(''i:nlit(''  ([tic  l;i  constitutioii 
do  lit  famillo  ?  Lo  prw  y  (h'-ficiit,  siii-toiit  dans  les  yo(i(''- 
trs  [)rimitivos,  une  antoi'itr  ])i'os((uo  ahsoluo.  si  hicn 
([uo  l'on  a  vonln  xoir  dans  r-otto  j)iii->sanc<'  jjatcrncllr 
rorig'ine  do  raiitoi'it»'  jnMnai'cliiqn*'  :  la  tVnnm*  y  est 
jjresque  esclave  ;  quant  aux  oïdants,  riii(\L:alit(''  de  leur 
aiio  et  de  leui'  force  leur  cvôo  en  lait  des  dcNoirs  ditiV'- 
ronts  (jui  se  traduisent  pai-  des  di-oits  im\uau.\  a  jouir 
des  avantages  ([ui  ('(diouent  au  i:rou})e. 

(]()nsidère-t-on,  au  contraii-o.  la  soci(''t(''  (■(•num'  nnc 
réunion  d"indi\idus  (|ui  ont  mis  en  commun  leur  l'ai- 
Llosse  pour  s"eu  faire  un  sontien.  le  sentiment  dinéga- 
lit(''  de  leurs  forces  (|ni  a  poussi''  les  jiommes  à  se 
rc'unir,  engendrera  ponr  c()nnnencer  ini  sentiment 
dinégalité  dans  les  droits.  l{n  <'ll"et.  on  hien  les  pins 
faibles  tr(»uveront  natnrellement  .juste  (pu'  les  plus 
forts  soient  rt'compen  >(''s,  jiai'  nn  traitement  meilleur, 
de  la  snret(''  (piils  prncni'ent  à  la  coIlecti\  it(''.  bien 
([n'en  l'ait  la  honne  xolunte  de  ton^  snil  l'-^^ale  dan-^ 
lienxre  de  s(''cnrite  c<>nnnnm',  on  hien,  et  c  est  |  opi- 
nion de  .Moides(|nien.  "  les  pa et icid ier^.  commençant 
])ar  l'elfet  dn  i:ronj)ement  à  |)erdi-e  le  sentinn-nt  de  lenr 
faiblesse  et  (à  sentir  leni-  force.  (dH'r(dn'i'onl  à  tonr- 
ner    en    loui-    l'avein-    les    principanx   axanlai^es    de    la 


-  fîO  ^ 

sitiii-té  (\)  ».  |ji  tniis  r.is.  une  ilirprnlitr  .ici'f ]»t(''r  (Hi 
silltit'  IM'  in;ill(|llr|;i  |i;is  de  s  (''l.i  1  il  i  r.  cl  cil  cclii  les 
liniimics  lie  Idiit  (|ll<'  Mli\|c  |;i  lui  (le  ji.itlll'c  «le  liMltes 
les  eliosr-s  cl  tic  Idijs  les  cires.  Iclle  t|l|c  Mi  illtesc  juicil 
1.1  ef.iMic.  Lrti  (||ii  les  |((ilissc  ;i  |»crse\  ('•fer'  (l;i  Ils  Icili' 
ètl'c  et  ;i  l'.iirc  dloil  jiMiir  se  e<tliser\c|-  cil  (|e\  clitli]);!  lit 
IdiiIcs  les  |)iiiss;iiic<'s  (|iii  soiil  en  cil\.  (1  l'st  dans  ee  hiit 
(|lie  les  iii(li\i(llis  isoles  se  Siiiil  n''llllis  en  sofii'lc  et 
(•(•si    |(,i|-  rcll'et    (le  celle   llK'lllc    loi    (|H  a  llssil(»t   la   soeii'tc 

('•talilic.  I  iiicualile  s  \  inl !•( xlnil . 

(  !e|»eli(laiit .  a  iiiesiiic  (|iic  la  |»r(i^|H'|-it('  st-taMit.  (|llc 
la  ei\  ilisatidll  se  (|e\  t'|(i|)|»e.  (|Mc  I  ordre  se  Inlldc.  à  cet 
état  on  à  ce  scnliiiiciit  |ii-iiiiitir  d  iiiriiîilit»'.  succrde, 
chez  les  moins  liicn  ]iarlaL:<'S.  le  seiitinicut  de  {l'iialitr 
r(''ei|iro(Hle  de  tolls  les  iiicilll»res  du  (•or|)S  social,  seiiti- 
iiiciil  (|n  ils  |iiiisciil  dans  I  indcjteiidaiice  inutindlc  <|iic 
leur  assiiic  l'ordre  et  la  stahilitc  Ai-  la  société.  l,o(d<c  a 
donc  raison  de  dclinii- Tciialite  ••  le  di-oit  eiial  (|ii  a  clia- 
ciiii  a  la  lilx'rtc  et  (|ni  lait  (|ne  personne  n  est  assujetti 
à    la    \<doiitc   ou    a    lantoiilc   d  un  autre   lioiume    '2     <>. 

Mais,  an  ic-a rd  de  Moiiles(niieu.  il  a  toit  cil  ariimiaiit 

<|Ue  les  liolliines  sont  lies  euaUX,  |Mlis(|Uc  la  (le|teil- 
daiice.  I  iiH'ua  lile.  le  rcLiiic  de  la  l'oicc  sont  a  la  liase 
de  la  \  ic  sociale  laiit  (|llc  ne  s(nil  [loilil  iiiler\eiiues  les 
reL:lcs  (In    droit    dont     le     résultai    est    |ii'ccis(''iiieiit    de 


i.  Esprit  ries  Lois,  \.'.\. 

2.  C.'osl  la  iilierlé  fie  l'Iiomnio  dit  >ront<^s(|iiifii  i|iii  luit  la  iilicrl*' 
iJu  ciloven  [Esprit  des  Lois,  XVIII.  14). 


—  61   — 

déga.ii'ei'  la  lilx'i'tc'  de  cliacmi  eu  mettant  tles  l)i)i'iies  à 
roxpaiision  indéfinie  des  autres  sui' lui  1).  Les  princi- 
pes du  droit  natui'<d,  du  si  l'on  \cut  du  di'oit  tout  eo'nrt, 
ainsi  (ju<'  la  j)oi't(''e  (piil  (■(»n\ient  de  leur  atti'iJ)uei-.  nr 
sauraient  donc  être  recherchés  d  une  manière  efficace 
et  sûre  que  dans  l'étude  de  la  société  complètement 
org-anisée. 

Au  xvni"  siècde  (2),  on  a  jjeaucoup  i'ej)r<)clié  à  Mon- 
tesquieu cette  manière  de  voir,  et  on  hii  a  l'ait  nn  ui'ief 
de  ce  (ju'il  sujjposait  tout  dun  coup  la  société  à  sa  j)er- 
fectiou  au  lieu  de  voir  coumient  (die  a\ait  ])n  naître. 
Mais  c'est  précisément  cette  façon  d  en\  isaiii'i-  le  pro- 
blème qui  fait  l'orig-iualité  et  la  suj)ériorité  de  Montes- 
(piieu.  LVdat  de  nature  est  hypothétiipu'  ;  la  socii'té  est 
lui  fait  (]ue  1  on  peut  anal\sci-('n  toute  certitude  :  cCst 
un  état  réel  tlout  tous  les  éléments  peuvent  être  con- 
nus. ()\\  à  quel  uiomeut  ces  éléments  ])euvent-ils  ap])a- 
raitre  le  mieu.x  si  ce  n est  lorsque  la  société  a  ])ris  tous 
le  développement  qui  est  conqjatihle  avec  sa  nature  • 
11  ne  vient  à  IVspi'it  de  |)ersonne  de  reclicrclicr.  jxmr 
analyser  les  ori:anes  du  (•or[)s  humain,  un  cniUrxonou 
un  fœtus.  Hit'ii  au  contraii'e,  ou  prend  tout  d  ahord 
l'homme  normal   et   sainement   (•()ustitue.  <  le   nCst  (pie 


1.  Dans  ['l'Afii  lic  iiafiu-c.  les  liommes  naissent  i)ien  dans  l\'i.'a_ 
lit»',  mais  ils  n'y  sanraient  rester.  I.a  sociétti  la  leur  fait  perrlre  e( 
ils  ne  redeviennent  égaux  que  par  les  lois  {Esprit  fies  Lois, 
Vill,  3). 

2.  I-ini.'iiel.    Thf'dvies  dt's  Lois  civiles,  lonic  I.   |).  3iH. 


—  6-2 


|)lll>  l.inl.  il  i|ll.-|||(|  Ir  IriT.iill  scr.l  Ilirli  lii;iliirr>lrlii('|l 
ITcctilMll.  iHlf  1  on  s  ;i|i|trK|llrr;i  Si»if  ;i  I  cfiulr  de  lii  fol'- 
llialioii  cl  illi  (l<\  ('|iiii|iriii('lll  (i«'S  nru.iiics.  suit  ;'i  celles 
(les  (IclMiiii.iliMiis  |i,it!i<i|ui:i(|iies  ciiisi'cs  ji.il'  l.i  iii.i l.idie. 
('.elle  etuile  seivilii  ,i  (lelenililiei-  les  <;i  r.iclel'cs  J)l"itJ)l"es 
(le  I  ;icli\il(''  (le  cll.ltUle  iil'U.lIlc.  Ili.iis  seilleilielll  ji.ll' 
ciilii|t;il;iis(ili  ,i\cc  les  iiH'ilies  ori:.-!  lies  s.iilis.  ,iil  lll(»\eM 
(I  une  série  (le  liniil.il  ions  sinccssiv  es. 

(le.  ;i  re[M>(|Me  de  M()nlesi|llien .  le  li;i\;iil  de  recon- 
ii.'iissîiiHM'  j)i*(diniin;iii'e  n Claiil  encofe  lad  (|iie  IVai:ineii- 
taii'cMKMd  (Ml  c»'  (\ui  coiiccrn.iil  les  socieli-s  liiiniaines. 
M(»Mles((iiieu  S(«  j)i'(tj)(>s<«  pivcis(''ilient  de  I  acc(»iiij)iil' 
dans  \  Esjitit  (/rs  f.itis  d  une  iiianiiîrt'  coinj»l('te,  de 
façon  à  donnci'  mie  \ue  d  en-end)le  de  t«ms  les  oriia- 
nisnies  de  ce  yraiid  coi-ps  alin  de  fonder  siii-  une  Ikisj' 
solide  toutes  les  discussions  et  toutes  les  cr'eatious  jui'i- 
(li(|IM'S. 

Si  Ton  coUsidere  donc  la  société  à  I  état  adulte.  (Ul 
la    trouNc    coinj)os<''e    d'individus  a\aid     une    existence 

JiI'o|il'e    et     liieil     dellnie.    Mais.    dlMl    atdre   ci'ite.     |ia|-     le 

p»u\  criieuient  et  1  lltat.  la  so(iel(''  a .  cfunnie  col|ecli\  it(', 

une    existence    reidie    et     \i\aide.    SoUS   ce    ]>oinl    de    \  ue. 

(die  est  une  |)ersiinne  an  nuMuc  titi'e  (|ue  liu(li\idu. 
Toid  rexienl  doni  a  rei  liei'c  In-r  (pndle  doit  être  la  loi 
de  natin-c  de  1  individu  et  la  loi  de  natni'e  de  la  S(M-iôt«'', 
et  (|Ue|l(>  sera  par-  suite  la  loi  de  leurs  rappoils  r(''ci- 
j»ro(|ues. 

Ces   lois  ont-(dl('s  lui  cnra(d<"M'e  dilh-riMit  ?  Niui.  leur 


—  63  — 

caractère  se  confond  dans  le  caractère  commun  de 
toute  loi.  Nous  avons  montré  ailleurs  comment,  en  par- 
tant (lu  caractère  de  la  loi  physique,  Montesquieu 
arrive  à  concevoir  la  loi  positive.  Fin  réalité,  il  n  y  a  pas 
entré  elles  de  différence.  Toutes  les  deux  ne  font  quex- 
prilner  les  rapports  essentiels  à  l'existence  et  à  la  per- 
manence du  phénomène  qu'elles  consacrent  :  à  ce  titre, 
la  loi  de  nature  de  la  société  est  d'assurer  les  rapports 
(pli  lui  permettent  de  subsister,  et  la  loi  de  nature  de 
l'individu  est  de  se  ménager  dans  la  société  une  place 
telle  qu'il  puisse  satisfaire,  sans  nuire  aux  exigences  de 
la  collectivité,  les  besoins  particuliers  essentiels  à  la 
conservation  de  sa  propre  vie.  Le  droit  naturel  n'est 
donc  pour  Montesquieu  que  l'expression  des  nécessités 
vitales  les  plus  impérieuses,  soit  nu  r(\L:;ir(l  de  la  socic'dé, 
soit  au  regard  de  l'individu,  et  il  ICxprimc  (pir-hiucfois 
par  le  mot  de  «  défense  natur(dl('  »  ({ui  ('xpli(pie  bien 
sUr  ce  point  le  caractère  de  sa  pensée. 

Ainsi  l'idée  de  droit  naturel  est  loin  de  se  confondre 
pour  Montesquieu  avec  celle  (|Ue  les  philosophes  de 
son  temps  appelaient  la  loi  de  nafui'P.  loi  (pii  s(>  repor- 
tait à  un  état  jij'iinitir  dans  l(Mjn(d  riidniinc  vivait  seul 
eu  face  de  lui-même  et  en  (bdiois  de  tonli'>  les  contin- 
gences sociales.  De  niénic  la  ('()nc('ptioii  de  .Moides- 
quieu  ne  s'accorde  pas  davantage  avec  celle  de  (îrotius 
et  de  son  école  ({ui  confondaient  le  droit  naturel  avec 
la  morale. 

Prise  au  pied  de  sa  lettre  et  sans  correctif,  celte  doc- 


—  ()'♦    — 


liMiM'df  .MiiiitcM|iiit'ii  |iriit  |i;ii'.iiti  r  clioiiuanlc.  cii"  cllr 
ri"ii:«'  1  lllilif»'  roimiit'  suiix  riMiiic  in.iitlrssr  des  .ictioiis 
lllIIHJlincs   i'\   crl.i    |i('ut  r\riisr|-  tous    les   .i]i|i('lils   et   tous 

los  criiiK's.  Liiisliiirl  scr.iil  .iluis  la  >iij)n'iii(' rxjdrssiuii 
(le  crtfr  loi  naf iircllt'  ainsi  (•(»inj)risc.  r\  1  oii  poiii-raif 
souscrira  à  la  (lcliiiiti<»ii  <1  I  IjtitMi.  dans  les  instituts  : 
<'  I.<*  di-oit  naturol  c  est  «c  <|ur  la  nature  a  rnsciuiié  à 
liiu>  1rs  animaux  ■>.  (  ! Cst-à-dirc.  1  usaur  dr  tmis  Jcs 
ni(i\('iis  capahlcs  de  leur  assurer  ••!  de  jcui- ioiisci-n cp 
1  «'xistcncc.  .Montcsijuicu.  licunMisrnicnt.  n  Cst  |»as 
aussi  ahsolu  (|u<'  ers  |»i('niiss('S  jjourraicid  h-  l'aire 
ci'oin'  et  nous  li-  \rii-oiis  tout  à  I  lu'Uif. 

Mais  axant  d  allci-  j)lus  loin,  une  iTniar(jur  s  im- 
pose :  tris  ((U  ils  \  irnnrnt  d  (Mlc  drtrl'miut's,  rrs  |tiin- 
cijtrs  t\i-  la  [diilos  ijdiic  du  droit  jirrsrntrnt  uni'  analoi:ir 
toi't  urandr  a\ ce  la  doctrinr  dr  Spinoza.  Jusipià  i|u<d 
point  Ir  rappr<t(  lirnirnt  rst-il  [)rrniis  ?  Crsf  là  unr 
(|U«'stion  dr  la  plus  hautr  imj)ortanrr.  non  sndrmrnt 
|ia  r  1  inti'rrt  (|U  (dlr  présente  en  e||('-mt"nie.  luais  ruroi'e 
par    los    pol(''mi(pn's    (pu-    sonlr\a    au    wui'     siet  |r    Ir 

'     S|)iuozisnH'    ■•  de   Molltrs(piirn. 

I.r  rapjMU't  ipU'  Ion  |)riil  ctaldir,  rn  rllrt.  rlitrr  1rs 
idrrs  ^\^'  .Montrs(pnrU  rt  la  doetriur  i\f  S|tino/,a  U  a\ait 
pas  rr|iapj»r  au\  journalistes  (pii.  dans  les  \inirrllcs 
Ec('l(''siusliiiiirs  du  \)  et  du  I»)  octojire  \1  \\) .  a\aient 
lance  forniellrnirnl  «onlrr  I  l\^ji/if  ilr^  Lm^  I  arnisatioii 

Ar  sjtiuo/.lsmr. 

lisse  t'ondairnt  j)riniipairmrnt   sur    la  d»''linition  (pu- 


—  6o  -— 

Montes({uieii  donnait  des  lois  :  '<  Les  lois  sont  les  rap- 
ports nécessaires  qui  dérivent  de'  la  nature  des  choses  » . 
Us  prétendaient,  que  dans  cette  affirmation,  Montes- 
quieu conçoit  les  choses  de  l'univers  dans  un  enchahie- 
ment  si  nécessaire  que  le  moindre  dérangement  porte- 
rait la  confusion  jusqu'au  trône  du  premier  être,  et 
que  les  choses  n'ont  pu  être  autrement  quelles  ne 
sont.  De  là,  ils  affirmaient  que  Montesquieu,  admettant 
un  principe  aveugle  et  nécessaire  })our  gouverner 
l'univers,  est  suspect  d'athéisme  et  partant  de  spino- 
zisme,  car  ces  deux  termes  avaient  pour  les  contem- 
porains la  même  signification. 

Montesquieu  répond  avec  iiidigiiaticjii  i^l  )  à  ces  accu- 
lions; il  relève  les  phrases  de  son  livre  (I,  1)  <iii  il 
repousse  la  fatalité  aveugle,  où  il  étahlit  Dieu  couinie 
le  créateur  et  le  conservateur  (h'  l'univers,  dû  il  dis- 
tingue, contrairement  à  Spinoza,  le  monde  de  la  matière 
et  celui  de  l'intelligence,  où  il  démontre  enfin  que  les 
rapports  de  justice  et  d'équité  sont  antérieurs  à  toutes 
les  lois  positives.  Jouant  un  peu  sur  les  mots,  il  ajout*'  : 
«  Quand  l'Auteur  a  dit  ([ue  la  Création  (|ui  |);iraissait 
être  vui  acte  arhitraire,  supposait  des  règles  aussi 
invariahles  (pie  la  fatalité  des  athées,  on  n";i  pas  pu 
l'entendre  connue  s'il  disait  que  la  création  lut  un 
acte  nécessaire  comme  la  fatalité  des  atlié<'s.  puisipi  il 
a  déjà  cond)attu  cette  fatalité.  De  plus,  les  deux  ineni- 


1.  Df'ff'/isr,  |ii-omièro  partie,  I. 

Oudii) 


—  I)()  — 

lii'cs  (1  iiiK"   (•<»m]i.ii';iisoii  (loivpiit  se  r.'ipjxir'tiM' ;  aussi  il 
f.iiit   .ilisdhiim'iit  (jiic  1.1  |>liî"as(*  \(Miill»>   dire  :   la  crra- 
fi<»ii  (|iii  pai-ait  d'ahonl  dcMiir    [irodiiirc    des  rriiics  (\o 
moiivciin'iif  \ariald('S,  en  a   d  aussi    iuvariahics  (|uo  la 
lafaliti'  des  atli«''(>s  «.   VA  il  conclnt  rorin<dl<'Uicnt   ;  <'   Il 
n  y  a  doue  jxtiuf  dr  sjiinnzisuic  dans  VEsprit  des  Lois  ». 
Il  «'tait  ('N  idcinuKMd  de   linN'-irt   de   Moutcstjuiou  de 
repousSlM'   de    foutes    sc>    fol-ces    (^rtlf    acrusafloii    fort 
dancoreusc  pour  lui  dans  1  ("Ixxiik*  où  il  \  i\ait.  (Jopcn- 
daiif .  nous  ne  1  en  (•roir<)ns  ])as  sui-  parole  ef  les  (pudques 
phrases  nithodoves  cpiil    insinue  ca  et  l.'i  ]»<iui'  sauvo- 
jiardei'  ses  princijx's  ne  doi\  eut  pas  nous  faire  illusion. 
Il  n'était  pas  dans  son    naturid  de  battre  ouvertement 
en  hrètdu"  les  doi:nies  reçus:  et.  s'il  se  Uiontn'  irivdue- 
tilde   et   inènie   absolu    sui-   des   erreurs  de  fait   (»u  de 
raisonuenienl  ;i|»|di(pH''  a  des  laits  certains,  il  est  l»eau- 
coiip  moins  lran(  liant  hn-scpiil  sai:if  de  dounu'^   et  de 
ci'o\,in<es.  Sur  ce  point,   il  s  a])pli(]ue  à  enxtdoppersa 
jiensée  de  détouis  uràce  au\<pnds  il   lui  soit  loisildr,  le 
c.is   éeliéant,    de    tronxcr   une    retraite    facile.    «'    Tout 
ce   (jui    est    nouveau,  dit-il.  n  est  pas  liardi  ».  Otons  la 
liaixliesx'.  il  reste  la  noUNcauté.  et  c'est  eette  noUNcanfé. 
l'etrouxfe  sons  l<'s  mots,  «pii   nous  semlde   liien  proche 
de  Spiuftza. 

Loi'S(pie  nou>  analysions  dans  n<»tre  précédent  travail, 
rid<''e  »pie  Montes(piieu  eut  de  la  loi,  nous  montrions 
comnieid  d  l'allait  enten<lre  le  mol  «  nécessaire  >»  au 
sens  d    "  essentiel  ...  |,;i  lui  cdiisacre  les  rapports  esseii- 


—  6t  -^ 

tiels  qui  dérivent  de  la  nature  des  choses  et  par  suite, 
elle  n'est  autre  chose  que  ces  rapports.  Tout  ce  qui  est 
en  dehors  de  ces  rapports  est  en  dehors  de  la  loi  et  il 
n'y  a  pas  de  loi  sur  les  matières  iiidilférentes.  Mais 
d'autre  part,  si  ces  rapports  essenti(>ls  ne  sont  pris 
suffisamment  consacrés  par  la  loi,  la  nature  de  la 
chose  dont  elle  s'occupe  se  trouve  faussée  et  modiliéc 
dans  un  de  ses  termes.  Ainsi  le  gouvernement  monar- 
chique et  le  gouvernement  républicain  ont  avec  eux- 
mêmes  et  avec  la  société  de  certains  rapports  (jui 
doivent  être  consacrés  dans  leur  orizanisation.  sous 
peine  de  détruire  la  nature  monarcliicjuc  ot  répuhli- 
f-aine  du  gouvernement. 

La  loi  doit  donc  repos<>r  sur  la  connaissance  exacte 
des  rajjports,  cest-à-dire  en  sinnme  sur  des  déllnitions 
précises  qui  fixent  la  nature  exacte  Ac  (  liaijue  chose.  Il 
résulte  de  cela  ({ue  les  l'ajjports  (jui  ouf  <''té  é'tahlis  par 
Dieu  entre  les  choses  h)rs  (h*  la  ci'éatiun  s  iinjxisent  à 
lui  s'il  veut  la  conserver  dans  l'état  où  il  la  créée.  Xe 
reconnaît-on  point  là  la  nécessité  de  Spinoza.  Dieu 
cependant  reste  toujours  libre  de  nuxlifier  ce:;  ra})p<tits. 
Voilà  contre  la  fatalité  aveug'le.  Mais  alors  la  cr.'-aliou 
change  de  nature.  C'est  toujours  Id'uvi-e  volont:iii-e  de 
Dieu,  mais  ce  n'est  ])lus  celle  ([ue  nous  voyons.  Cepen- 
dant l'expérience  que  nous  pouvons  prendre  des  lois 
du  monde  physique  nous  montre,  par  l'immutabilité  de 
ces  lois,  à  notre  connaissance  du  moins,  que  Dieu  s'ap- 
plique  à  conserver  l'économie    première    établie    par 


—  C)H  -^ 

1  .icir  .irliitiMiiv  do  sa  vciloiit»'  :  nous  pouvons  ron- 
cluif  nlnrs  ([lie  les  chosos  so  ])ass(Mif  foiiiinc  si  hioii 
(•tait  lie  iH'(('ssaii'«MM(Mil.  et  le  j»riini|if  i\i'  ((Hisrrvatioii 
apparait  (•omiii»'  l<'  j»rimij»«'  MijM-iiciir  de  la  \\c  do 
1  uniM'is. 

(Test  ainsi  quil  rsi  dans  la  nature  de  (  liacjur  (Mit 
vi^a^t  de  vivre,  c'cst-à-dii'c  de  cuntiiiui'r  d  ('trc  et  il 
ne  le  jx'ut  (|u  «Ml  satisfaisant  aux  hcsitins  de  sa  iiatuic 
c'cst-à-diic  en  consorvant  les  ra])])orts  «jui  l't^lienl  entre 
eux  ses  oi\i:anes.  sil  sa.uit   de   lui-im-nie.    ou  ceux  i|iii 

I  atta(  lient  aux  autres  ('-ti-es.  si  on  le  consid(''re  non 
plus  isolement,  mais  dans  rensemlde  des  choses  (M'éé«^s. 
Dans  ce  sens.  S])inoza  a  pu  dire  \Ethif/iiP,  j)art.  I. 
prop.  21*  :  ■  Toutes  (dioses  sans  exception  smit  di'ler- 
minf'es  par  des  lois  univei»(dles  de  la  nature  a  exister 
et  à  ai:ii'  d  une  iiiani(''re  donn('M^  ». 

I  (  jipres  ce  <pie    Uous  sa\ uns.   <»n  \  i)il   «pie   M<>nteM|uicu 

souscri\ait  assez  \(dontiei's  à  cotte  j)ropositi<in.  11  \  a 
cependant  une  ditlVM'ouce.  Tandis  (pn^  Sj)in(»/.a  rel'use 
à  Dieu  la  possibilité  de  clianLicr  Tordre  une  l'ois  etaldi. 
(lU  jdutiM.  alors  «pTil  n  admet  jtas  de  création  initiale, 
le  monde  existant  en  Dieu  de  toute  éternité.  Montes- 
f|uieu  croit  comme  Descai'tes  et  comme  I  orllii>doxie  a 
cette  cr('-ati<Mi  premiei'e.  maintenue  a  <  lunpu'  instant 
jtarla  Nolonli'  liltre  et  essenti(dleiuent  indillerenle  d'un 
Dieu   ext(''rieur  au  monde.    .Mais    cpTimpoi-te   au    l'oud  ! 

II  \   a   un    lait   d  t'Xpei'ience.   c'est    (pu'.    autant    <pi.'    les 

lioliimes  ont    |iU    le    constalei'.    le     monde    se    ((^lUservc  cl 


-    69  — 

CMjiitinuo  ;  c'est  qu  il  y  ;i  dans  son  développciîKMit 
sensible  nne  unité  qui  relie  entre  eux  tous  les  })hén(t- 
mènes  dans  le  temjjs,  de  la  même  façon  qu'ils  sont 
solidaires  les  uns  des  autres  dans  l'étendue.  Les  lois 
physiques  manifestent  cette  réalité  et  les  lois  positives 
de  l'organisation  sociale  la  proclament  aussi  de  l«Mir 
côté.  11  n  est  pas  besoin  d  aller  au  dcdà,  et  cCst  ainsi 
que  Montesquieu,  qui  sépare  la  matière  de  liiitelli- 
gence,  qui  admet  un  Dieu  créateur  doué  dune  volante 
arbitraire  pour  moditier  sa  création,  n'est  j)as.  il  est 
vrai,  Spinoziste.  mais  qu'il  l'est  ])ourtant  tout  d(>  inènie 
si  Ion  veut,  ])arce  (pie  la  r-éalité  dans  Lupielle  il  se' 
place  répond  aux  conséquences  mêmes  de  Ihypothèse 
de  Spinoza  ;  à  savoir,  ({ne  dans  l'état  actuel  des  choses, 
et  tel  que  nous  voyons  Innix  ers  se  conq)orter.  soit  (pie 
Dieu  reste  le  maitre  d  en  modifier  l'oi-donnance,  soit 
qu'il  ne  le  puisse  et  reste  lié  éternellement  par  son 
premier  acte,  toute  chose  créée  ne  peut  assurer  la 
permanence  de  sa  durée  qu'en  satisfaisant  mix  i-apj»(»rts 
({ui  dérivent  de  sa  nature  propre. 

L'analogie  de  fait  entre  la  conception  de  Moiites- 
([uieu  et  celle  de  Spinoza  devient  ])lns  étroite  encore 
si  (le  ridée  de  loi  nous  passons  aux  réalités  |)liis  prali- 
(pies  (le  la  politi(pie.  One  nous  dit  S]»in(»/,M  ?  ■■  (jiie  si 
ton-  les  hommes  t'taient  capables  de  vi\  re  suivant  la 
i-aison,  ils  formeraient  spontanément  })ar  le  seul  jeu  de 
leiii's  libertés  une  association  profonde  et  stable  ■■  ; 
mais  que,  comme   «  la  plupart   sont   soumis  à  la  pas- 


-  70  - 

siipii.  iiiic  iiii:,iiii>';ili<)ii  |)iilili(|iir  est  iiiTcs^.iiic  -  et  (|iU' 
ccttr  nrL:;iliis;ilinii  ;i  |)<iill'  lillt  ■■  de  ci-r-ri-  |i;ii-  ri'<|iii- 
lililT  (1rs  piissioiis  un  llliil  i|ili  |n'i'iin'llr  ;'i  (liaciiii  de  se 
(|c\  rln|>|>rl-  ;i\  ce    sciiirili'    •■. 

N  <'st-(t'  |i(iiii(  la  jH'iisiT  iiii'im'  (If  .M<»iil('s(|iii(Mi  ? 
Ajtrcs  iKiiis  ;i\iiir  moiiti-c  le  moiiili-  j)li\  si([iic  LioiiNcriK' 
|iar  (les  luis  iii\  arialilc-  (|ni  iii;iiiiti<Miin'iif  les  i-a|»|Mii'ts 
essentiels  à  la  ctinliniiile  '.le  t.i  en-.ilion.  il  conslate 
(|ne  ce  inonde  inleiliiienf  «  liien  (ju  il  ;iif  aussi  des  lois 
i|ui  p.ii-  leui'  nature  sont  in\  .iri.iltles  ■•.  est  loin  d"(*'ti-e 
;iussi  hien  i:<in\  eim''  (jne  le  monde  jili\si([in'  et  ■■  (|u  il 
ne  suit  j);is  eoustannnent  es  lois  eouinie  le  monde 
j)li\si(|ue  suit  les  siennes  .>.  —  «  La  i-aison  I  . 
ajoule-t-il.  en  (>sl.  (|in-  les  ('ti-es  jia l'I icu liei's  inlidliuenis 
sont  horiM's  jiai-  leur  nature  et  par  (■ons(''(nn'nt  sujets  à 
Terreur  ».  ce  (|u  il  eom|)l(''te  plus  loin  en  ('((ustatant 
(|lle  1  lioninu-,  eoMUne  l'tre  sensilde.  est  sujet  à  mille 
passi(nis.  (!  nnne  di-  plus,  i!  e^t  de  la  natni'e  des  t'-lres 
inltdlii:i'nts  d  aL:ir  pa r  env-incMues,  «  ils  ne  snivcnl  |»as 
eoustannnent  leurs  lois  primitives;  ((dles  ummuc  (piils 
se  donnent.   iU  ne   les  suivent    pas  toujours    ". 

Il  residte  de  e(da  i\\H'  pour  .Montes(piieu  connue  ])om" 
Spinoza.  1  ollice  des  lois  jiositixcs  et  de  rori:anisatioii 
]»o|ili(ph'.  est  de  i-aniener  les  liomuM-s  an\  lois  ,\,-  leur 
n.iture.  pai;  la  eoustalatiou  de  leurs  rapports  indiNJ- 
dmds  et    sociaux,    de    manière    à    ce    (pn-,    ces    rapports 


I      /.'sprif  (hs  [.ois     I     W 


-  71  — 

étant  maintenus  dans  leur  iiitéuTité,  les  s<K'irh''s  .iussi 
bien  que  les  individus  ]niissoiit  sul)sist('r  cf  se  jx-r- 
pétuer. 

On  peut  objecter  à  res  rjiisoimonicnfs;,  <■{  M(tll{('^- 
quieu  n"a  pas  niancpir  de  Je  faire,  (juil  y  a  loiil  de 
même  une  différence  essentielb»  entre  les  dnix  cmi- 
ceptions  dont  nous  ncnis  occupons.  Lune  lait  de  It'la- 
J)lissement  de  la  société  et  des  lois  politi<[U('s.  une  (•*.!•- 
rection  à  létat  de  guerre  primitif  et  naturel  ;  1  .luIrc 
repousse  cet  état  de  guerre.  Montescpiieu.  eu  clfct. 
affirme  qu'il  a  en  vue  d'attaquer  le  système  de  llol»bes 
qui,  «  voulant  prouver  (jue  les  lioiiinies  naissent  tous 
en  état  de  guerre  et  ({ue  la  jireniière  loi  naturelle  est 
la  guerre  de  tous  contre  tous  »,  renverse  eoninie  Spi- 
noza toute  religion  et  toute  morale.  Sans  (](»ute.  mais  il 
n'y  a  là  qu'une  querelle  de  mots,  r\  il  inqxtrle  peu  (|ue 
l'on  déplace  l'épocpie  où  s'établit  l'état  de  :iiierre. 
puisque  dans  les  deux  cas  le  résultat  est  toujours  le 
même  :  l'établissement  de  lois  positises  et  d'une  aiito- 
l'ité  publique  destinées  à  r(''taldir  cidre  tons  les  lionnncs 
la  permanence  des  l'apports  nécessaires  jtonr  assiii-cr 
la  libre  existence  et  la  sr-curil»'  i\i'  <  liacini.  soit  en 
enqjècbant,  comme  chez  .Montes(|nien,  la  soci('>ti''  foi-- 
mée  de  se  dissoudre  dans  l'anarc  Ine.  soit  en  aidant, 
comme  cliez  Spinoza,  à  sa  formation.  V.w  sonnue  c'csl 
toujours  l'état  de  guerre,  antérieur  ou  posh-rieur  à  la 
société  qui  aboutit  à  la  civalioii  des  lois.  Le  texte  de 
Montesr[uieu  auffuel  nous  a\ons  plusieurs  fois  d«'jà  fait 


-    7-2  — 

iilliisioii  csf  |»ii>itir  ;  '•  Sitf'if  ijUr  Ifs  Iimuiiucs  soiil  en 
S<)ci«'*(('',  iU  |n'nlr|||  If  srliliiiifllf  (le  Iciir  t'.lildrssc  ; 
r(\u;ilil<'  <liii  l'Iait  ciiln'  <'ii\  cossr  et  1  ct.'it  <l<'  i:ii('n'<' 
cominciKf.  (ili.KHU'  s()ci»''l(''  j);n'ti(iilirit'  \iriit  .1  sentir 
sa  foi-cc  :  ce  (]ni  |)i'(»(lnit  un  ('f.it  tic  i:iicri-c  de  nation  à 
nafi<»n  :    1rs  |)aili(iili«'is  dans  (lia(|ii<'  Nocich'  riiniiiH'n- 

ccilt  a  gentil-  IcUC  Inicr  ;  ils  clirlc  lient  a  Inllliici'  ril  IcUl' 
l'axenr  li'^  principaux  a\anlai:fs  de  («'Ile  sdcii'li- ;  ce 
i|ui  l'ail  entre  eux  nii  état  de  unerre.  (les  deux  sortes 
dftats  de  Liiierre  l'ont  etahlii'  les  lois  painii  les 
hommes   1  1  >.    » 

Onoi(|n  il  en  soit,  dans  l'un  eomnie  dans  lauti-e  eas. 
la  senl<'  morale  pour  I  l'itat  est  de  subsister  d  aliord. 
parce  (pu-,  mie  l'ois  l'omn'.  il  existe  comme  une  \(''ri- 
lal)l<'  |»ersoiine  morale,  dom-e  de  tons  les  attriluits  des 
jxTsonnes  ré(dles  ;  ensuite,  paice  (|u<'  son  existence  ost 
nécessaire  à  celle  nn^'un»  des  indi\idus  dont  il  disci- 
pline les  tV>rces  et  modère  les  éneriiies. 

Par  le  fjiit  mf'nie  de  son  utilité  pour  maintenir  les 
i-a|)port«>  soci.iux.  li^tat  aura  donc  un  \erital»|e  droit 
de  prééminence  sur  I  indi\idu  considert''  isolf-nient.  I,a 
loi  de  sa  nature  sera  de  maintenir  ce  rapport.  Il  v 
arri\e.  dit  Spinoza,  |»ar  I  aiitoritt''  di'  ses  recomjtenses 
et  de  ses  cliAtimeilts.  Il  s  \  coid'olllie.  dit  Monles(piien. 
en  maintenant  la  coln-sion  di'  toutes  les  Nnlontesef  de 
tontes    les  lurces  | ta  ri ic u  1  ie res   (pii    lui    ont  donne   nais- 


I      l'siiril  ili'<  l.nis.   I.  W. 


—  73 

sauce,  au  inoycii  «le  toutes  les  lois  d Oi-aanisaticju 
sociale  (|ui  dérivent  de  la  nature  et  du  principe  du 
gouvernement  établi. 

Ainsi,  pour  Spinoza,  toute  l'autorité  de  l'Etat  réside 
dans  sa  force,  dans  sa  puissanc<^  à  luaiuteiiir  l'ordre, 
et  pour  cha(]ue  ])eu])le.  le  meilleur  réuinu'  est  celui 
«  qui  a  le  plus  de  chance  de  durer  sans  ci-ise  ni  catas- 
trophe ».  Mais  le  j)hilosophe  ne  justitie  ce  dej)loie- 
nient  de  force  et  de  puissance  <jue  par  son  utilitt'  et 
sa  convenance.  Montesquieu  est  bien  j)lus  complet  et 
bien  plus  vrai  quand  il  nous  montre  la  force  de  l'Etat 
dans  l'accord  des  forces  et  des  volontés  particulières 
et  quand  il  introduit  dans  chacpu'  i:(»u\  (M'uenu'ut  un 
principe  psych(tlo,i;ique  fondanieiitai  <|iii.  ser\i  et 
encouragé  j)ar  les  lois  et  les  inirurs,  assure  de  la 
manière  la  j)lus  ceitnine  une  ;iutoi'il(''  (|ui  ne  saurait 
trouver  longt(Miq)s  <lans  la  foice  seule  une  garantie  de 
durée  et  de  stabilité,  (l'est  là  un  des  points  b's  j)lus 
profonds  et  les  plus  vrais  des  conce])tions  polili()ues 
de  Montesquieu  et  nous  m-  saui-ions  li-op  y  insisler. 

Cependant,  ([uel(|ue  crédit  (jue  les  volonti's  ])ai'ticu- 
lières  assurent  à  l'Etat.  (piel({ue  autorité  nécessaire 
qu'il  possède  légitimement.  l'I'ltat,  s'il  veut  se  conser- 
ver lui-mèm(^  doit  i-especter  les  "  limites  (h'  sa  ])uis- 
sance  ».  Spinoza  lui  accorde  toute  juridiction  sui-  les 
actes  extfMMeui's  :  mais  il  le  force  à  sarrètei-  ;iu  seuil 
de  la  ])ensée.  L  activité  libre  de  l'esjji'it  est  en  etl'el  h' 
propre  de  Ihomme.  c  Cst  le  seul  moyen  (pi  il  ait  d  assu- 


vcv  son  (l(''V('l(i|>j)riii('iit  Ir  ]>liis  coni])!»'!.  ï.a  mission  dr 
1  l']t,if  (>Nt  ])Pt'(is<''mriil  (le  lui  en  Mssiirrr  les  moyens. 

Mais  fctlr  lilx'il*'.  |iliil<is(i|(|ii(|iicm<'nl  sullisanto, 
soi'ait  à  elle  seuil'  une  mince  Milisr.iclinn  |»<»ur  la  masses 
•  les  linmmes.  .M( »ntes(|uieu,  |»lus  ((luseient  (le  la  n'alit»', 
énonce  (|uel(|ues  autres  llhei-h-s  fondamentales  dont 
1  US.-iue  im])ol'te  à  la  Jier'manence  et  au  dé\  eln|»|»enient 
de  1,1  \ie  (je  1  individu.  Si  la  liliel'te  de  |)enst''e  est 
1  oi-di'é  uni\cfs(d  et  :;.''nei'.il,  les  lijierles  dont  jiaide  ici 
.Montes(|nieii  sont  absolmuent  ndalixes  ;i  lu  nafiire  de 
la  situation  <|ui  est  faite  .i  lindix  idii  dans  la  vie  soeialc 
]«(Ui' assui-ei-  son  existence  mati-i'ielle.  (les  libertés  ont 
donc  leur  londement  dans  des  besoins  nécossaircs, 
et  (-"est  la  nf'cessite  ini|teiieuse  de  les  satisfjuro  j»onr 
coiilinuer  à  vi\  le  (|ui  les  tiansfoinie  en  droits  (jui"  1  in- 
di\idu.  selon  la  loi  de  sa  nature,  est  tlans  lOMiiiation 
de  re\('ndi<|uer.  11  se  j)roduit  alors  entre  l'autorité  de 
la  collecti\  iti-  et  la  lilierti-  de  lindividu  un  i-onilit  (|ue 
les  lois  doi\cnt  relier.  (In  ne  Irouxe  jtas  trace  de  ce 
ctuitlit  elle/,  Sjiino/.a.  11  lui  sul'lit  t|ue  I  lit  it  se  conserNC 
en  se  limitant  lui-nnMue  par  oWeissamc  à  la  loi  de  sa 
natui'e  propre. 

l'oiir  Montesipiieii.  au  contraire,  aucun  être  ne  sau- 
i-ail  se  limiter  liii-nM'nie.  La  loi  île  sa  nature  est  de  tou- 
joui's  de\e|(»pper  sa  |missance  d  auir  pour  s  assurer  la 
|denilude  i|e  \  ie  (MMipatilile  a\('C  ses  l'aculti'S.  |)e  cette 
eoustatation  sort  e\idemmenl  sa  i'orniule  fanu'Use 
«  t<ait  II  OUI  me  (pii  a  du  |»oii\oir  est  jiorl<'  a  en  abuser  <>  ; 


—  75  — 

car  liioiiuiio  no  fait  ici  ([uc  suivre  la  loi  do  tons  los 
èti'os,  et  la  ])sycli(»l()i;ic  iiidividiicllo  est  ici  daccord 
avec  les  lois  ,néiiérales  de  la  nature.  De  nnnne  donc- 
que  ri^tat  est  naturelkMnent  porté  à  au.unienter  son 
autorité,  de  même  lindividu  cherche  par  tous  les 
moyens  à  développer  son  indépendance.  (Test  aux  lois 
de  déterniinei- la  part  ([ue  chacun  doit  ahandoiiner  ou 
conserver.  l^^Ues  y  arriveid  ])ar  l'analyse  des  condi- 
tions essenti(dles  à  l'existence  tle  cliacuuc  des  ])arties, 
c'est-à-dire  ilc  celles  en  dehors  (les(pHdles  (dlcs  ne 
pourraient  ])lus  exister  ou  existeraient  antreunnit. 

Mais  ({ue  devient  dans  tout  ceci  l'idée  de  justice? 

l']n  se  défendant  d  être  s])inoziste,  Montes(fuieu  se 
prévaut  de  ce  qu'il  a  reconnu  des  ra])j)orts  de  justice 
antérieurs  à.  toute  vie  sociale,  tandis  (|ne  Sj)inoza  j)ré- 
tend  cpiil  n'y  a  de  juste  et  d'injuste  cpu'  ce  (pn'  les  lois 
permettent  ou  défend(Mit.  «  Axant  (|u'il  y  eut  des  éti-es 
intelligents,  dit  Montes(piien,  ils  étaient  jtossihlcs  :  ils 
avaient  donc  des  ra])ports  possihlcs  et  ])ar  consiMpu'nt 
des  lois  possibles,  .\\aiit  <pi  il  y  eut  des  lois  laites,  il  y 
avait  des  rapports  de  justice  possildes.  Dii'c  (|u  il  ny  a 
rien  de  juste  ni  d  injuste  (pn>  ce  (pi Ordonnent  on  (l<''l"en- 
dent  les  lois  positives,  c'est  dii-e  cpi'avant  (|n"on  eut  ii'ac('> 
le  cercle  tons  les  raxons  n'étaieid  pas  égaux  ■'    I   . 

Qu'eidend  donc  Montescpiien  par  jnst(>  on  injuste? 
Supposons  comme  lui  une  société  d  liommes  possibles  : 

i  .  Esprit  (/es  f.ois.  \,  2. 


—  7B  — 


ci'ltt'  siHii'tc  cl.iiil  un  (•(iiii|)(>sf  (If  |t;iilics  dnif  siilisislcp 
|t;ii-  I  .iccoid  (les  p.irlirs.  Nmis  avons  ainsi  1  idée  de 
jnslicc  |iri\i'('  iï\\  indix  idiicl II-  ipi  ('\|trini('  la  maxime 
(|n  il  tant  rendre  à  (  liarnn  ee  (|ui  lui  est  dn  :  eetto 
maxime  n  evjirime  pas  anli'c  ehose  (|ne  la  ((ineordanee 
des  ra|i|>u|'ts  (|ni  découlent  de  rlia(|lie  acticui  d  llll  |tai"- 
ticuliei-  a\<'c  les  actions  du  \nisin.  I.e  dr(tit  prix»'  se 
l'oiideia  donc  sur  la  connaissance  des  dillei-ents  cas  où 
se  |ieu\eid  mettre  les  pa rt iculiers  les  uns  par  ra|»|»orl 
aux  antres,  dette  c(mnaissance  aide  a  d<'ternnner  '-e 
(piil  con\  ieid  a  (  liacun  de  l'aii-e  on  de  ne  pas  taire  pour 
<pn'  les  Itesoius  esseuti«ds  à  1  existence  de  1  un  ou  de 
laidre  soient  assurés. 

Supposons  maintenant  un  corps  social  coustitin-  a\ec 
tous  ses  (U'uaiies  ;  il  y  a  entre  la  collectivité  et  les 
individus.  <-onime  tout  a  I  lieur<'  entre  les  particidiei-s. 
un  idat  d  ('(inililtre  stahlecpii  residie  de  la  satisfactiim 
des  liesoins  essentiels  à  la  naturi'  de  la  socif'de  et  à 
c(d|e  des  indi\  idus  :  c(d  idat  d  i'(pn  li  lil'c  sera  la  justice 
et  l.nde  juste  sera  celui  par  le(phd  on  procni-era  cet 
étal.  Iji  dernh're  anaixse.  la  justice  pour  \|ontes(piieu 
est  donc  la  con\enance  de  1  acte  a\ec  les  rapjtorts 
aucpiel  il  doit  satisf.iiie.  Il  \a  sans  dii-e  ipie  cette  cou- 
\enance  peid  se  concevoir  en  soi,  idt'aleuM'nt  |»our 
ainsi  dii'c.   comme   lattrilmt    essentiel   de    lacté    app»dé 

juste.  Les  rapjioils  de  justice  scint  iloUc  jxissildes  tou- 
jours   en   eux-mêmes,    i  nd  e|  te  nd  a  Ul  U  M'U  t   de    toute   l'calitê 

et   anlerieuremeid   a    tonte   \ie    sociale,    piiistpi  il  s  auit 


_  77  - 

pôur  les  coniiUMMidro,  de  concevoir  l'idée  de  conve- 
iiaiicc  (|ni  |»('iil  s";tj»[)liquei'  à  tous  les  rapports  pos- 
sibles et  non  j)as  nnicjncinent  aux  seuls  rapj)oi-ts 
sociaux. 

Appliquée  niéiue  aux  rajjports  sociaux,  cette  eonve- 
uance  ne  réside  pas  toute  entière  dans  les  lois  positi- 
ves. Ces  lois,  (pii  sont  l'œuvre  de  la  raison  luuuainc. 
s'exeryant  sur  des  cas  particuliers,  s"(^tïbrcent  Kicn  de 
réaliser  telle  couveiumce  (jui  est  ])roprenicnt  la  justice, 
mais  sans  y  atteindre  toujours,  parce  <{u  elles  ne  [)er- 
eoivent  pas,  dans  tous  les  cas,  les  rapports  essenti(ds 
quelles  doivent  régler,  ou  que,  tout  en  les  ])ercevant, 
de  multiples  contingences,  tenant  au  caiactric  cl 
aux  passions  (l(>s  hoinnies,  \  icnncnt  en  niodilicr  à  tout 
instant  lOrdi-c  absolu. 

La  science  du  législateur  sera  de  connaître  ces 
rapports  essentiels  et  toutes  les  causes  seconiles  (pii 
peuvent  en  modifier  Tasiject  ;  son  art  sera  d  \  con- 
former les  lois  ({uil  élaborera.  De  même,  la  science 
du  jurisconsulte  sera  d'ap[)récier  ces  mêmes  ia|»|M>rts 
et  ces  mêmes  causes  secondes  pour  pouvoir  com})arer 
à  cet  état  normal  et  réel,  c(dui  cprétablissent  les  lois 
positives,  et  son  art  ser.i  1  habileté  axcc  laquelle  il 
saura  faire  cette  coniiiai'aisoii. 

Si  donc,  nous  consid<''rons  les  i'a|)|)oi'ls  de  I  l.l.it  <'t  des 
individus  dans  une  société  (pndcon(|ue,  la  justice  idéale 
et  supérieure  demande  <]u'ils  soient  régies  de  manière 
à    ce    que    le    gouvernement    réponde    aux    exigence^ 


—  7.S  — 


(le  s.i  ii.iliiir  <|iii  l'sl  (1  «•taldii-  ,i  son  pinlil  iiin-  |M'fciiii- 
iif'iiri'  utile  ;'i  l.i  pcrjH-t iiili'-  <\i'  l;i  \  ir  soci.ilc  cl  de 
iii.iniri'c  ;i  ce  (|ir;iiissi  I  iiii| ixidii  piiissc  s;it islaiiT  les 
ln'soiiis  i|iii  lui  sniil  |»r.>jir<'>.  Mans  1  alisnlii.  uii  se  jdac»' 
Spinoza,  «es  licsoins  de  I  individu  se  r.Mliiisrid  à  la 
JXMisrc  lihic  ditut  I  rvci'cicc  est  prvcisénn'ul  ce  )|ui  le 
(listiii,i;ur  <d  If  d<'siidri:ir  jiMui'  ainsi  din-  de  la  sociétt' 
(|ui  lui  assure  d  auln-  pai'l  son  rxistmcr  niatt-i'irlh'. 

haris  la  socit-tc  (pic  considcrc  M(>nlcs(piicu.  I  individu 
ne  jtent  \i\re  saîis  un  domaine  lualt'i'iid  ahsoluincnt 
lléeessail'c  à  son  e\isfein-e  rfwpondie  et  c Cst  sur  la 
consei'x  af  ion  de  ce  doniainc  ipu'  l'cposi-nl  tons  les 
droits  (pi  il   jiciit   iMM  lainer. 

Cest  un  l'ait  cerlain.  en  cll'ct.  (|iie  les  s(»ciét(''S 
liuinaiiics  (pic  lions  (•onnaissoiis.  cl  dans  IVdat  on  nous 
les  \(»\diis  p.iiN  (iiiics,  ont  pour  roildciiieiit  la  pi'opi'iét('' 
iiidi\idu(dlc  et  (pndles  sont  tontes  oruaiiisf-es  pour  la 
conscr\cr.  M<iiites(piieu  ariirnic  l'oit  jiisfeineni  <pic  la 
proprici  '  est  nicrc  de  tout.  ('.Csl  (pie  joute  la  \ic  des 
ili(li\idus  est.  dans  ["('tat  actind  des  (dioses.  susjiendue 
a  la  |)ropricte  coiiimc  la  \  ic  du  corps  à  la  circidatioii 
ou  a  la  respiration,  (/est  sur  (die  (pie  se  l'onde  le 
dcV(doj(|)cinent  d(>  la  fainille  :  c Csl  pour  rac(picrir  cl 
la  coii>er\cr  (pic  I  lioinnic  met  en  jeu  toutes  ses 
«'liei'Uics.  (piil  loiic  son  fra\ai!  et  ses  serx  ices.  ([il  il 
a(dicle,  ([Il  il  Ncnd.  (|U  il  contracte  et  sOldii:*».  .\|»res  la 
liltci'fe  de  [iciisi'c.  la  Illicite  r\  la  sni'clc  dan*;  la  jiosses- 
sion    de    la    [)ro|irietc    est     le     droit     le    |»llls   esscnli(d    (If 


—  79  — 

riiulividii  au  regard  do  l'Jitat  :  tous  los  autres  droits 
dérivent  de  celui-là.  Sans  remonter  jusqu'à  Aristotc 
qui  aftirnie  ([ue  Ihonuiie  a  deux  srands  inol)iles  de 
sollicitude  et  d'amour  :  la  propriété  et  les  affections, 
nous  voyons  Bodin  re2)ousser  la  communauté  au  nom 
de  Famour  qm  attache  l'homme  à  luL-uiênie  et  à  ses 
l)iens.  Au  wuf  siècle,  tous  les  économistes  aftirment 
avec  force  limportance  sociale  de  la  propriété'.  Leur 
opinion  est  assez  l)ien  représentée  par  ces  paroles  de 
Mercier  de  la  Rivière  :  «  Vivre  en  société  c'est  con- 
naître et  juvitiquer  les  lois  naturelles  et  fondanientah^s 
de  la  société  pour  se  procurer  les  avantages  attachés 
à.  leur  observation...  Propriété,  sûreté,  lil)erté.  voilà 
l'ordre  social  dans  son  entier:  V(tus  poiixcz  rei;ar(h'r 
ce  droit  (h'  ])r«»pi*i<''t(''  (■«ymiiie  un  ai-luv  dont  toutes  les 
institutions  sont  les  branches  cpiil  pousse  de  lui- 
même,  (juil  nourrit  et  (pii  j)ériraient  (b''s  (|u  "lies  en 
seraient  détachées  »  ({). 

Mais  en  ])lus  des  avanta.a'cs  mat(''ri(ds  de  \ir  (|ue  la 
])i'opri('d(''  seule  [>eut  assui'er  aux  individus  dans  Vr\;\\ 
actu(d  des  choses,  rac(]uisition  et  la  conserxation  de  la, 
propri('t(''  j)roduiseut  un  ri\o\  moral  non  moins  iuq)or- 
tant.  En  assurant  à  rindi\idu  une  r(\uioii  disliiu-te  rt 
limitée  où  il  peut  en  toute  indépendance  aHIrnier  sans 
entraves  son  activité  volontaire,  la  propriété  d(\  idoppe 


4,  Mei'cici'  (lo  la  IViviore,  (Jrdrf  naturel  et  essp/itii'l  'les  sociétés 
politiques,  (ollection  Guilliuiiuiii.  |i|'-  007-008. 


—  so 


cil»'/  liii(li\i<lii  (le  f'.niillrs  MiiiNciiiH's  cl  |»(Mi  ,1  j)l»'  aii\ 
seules  Jdllissaiiccs  di-  in  jhmiscc.  le  sciifillM'iit  d  iiii  moi 
j»,i  lliillliiT  et  ili<lejM'ii(I;ilit  (|lli  ;mssit<»t  perçu,  teud  à  se 
(Ie\  e|o]»|»e|-  de  tdilfe  sa  [(llissauee.  I>es  pliilosojilies  se 
Mietfaul  alors  de  la  partie  re(dauièrent  !a  lil»erl(''  j)<)li- 
tiijue  et  civile  au  MoMi  du  dl'oit  naturel  de  I  individu, 
sans  soui:<>r  (|ue  sauf  le  dmit  a  la  j)eusi'e  lilire,  i|ui  est 
I  essence  uiènu'  de  1  liounue,  aucun  des  aiiti-es  droits  ne 
|»ent  se  légitimer  auti-einenl  (jin'  pai-  des  (•(•uveuancos 
Sociales,  (lest  seulement  aussi  eu  fonction  de  ces 
(•«uivenanees  sociales  (|ue   .Montes(|uieu   les  <''tal)lit. 

jji  c(da  il  est  l»eaucou[)  moins  ahsidn  «|u  on  se  j)l;ut 
à  l'iiUciginei-,  et  si  l'on  a  voulu  voir  en  lui  un  dos 
ancêtres  de  la  i1<m  la ra t ion  des  droits  de  1  liomiue  et  du 
citoven.  il  me  seudde  (|ue  c  est  parce  (pie  1  oïl  s  eu  est 
tenu     un    peu    troji   aux    aj)j»arences    exfi-rieuiws.    Les 

plliloso|)lies     (pii     ont      rédipt'     en     ell'et      cette     l'auieUse 

déclaration  concevaient  un  t-tre  idéal  et  absti-ait,  a  la 
natiiie  de  (pii  étaient  inli<'rents  les  droits  tpi  ils  procla- 
maient, si  |)ien  ipi  on  ne  saurait  pas  pins  les  Im  denier 
'pi  on  ne  |)eut  lui  denier  sa  nature.  Montesipiicu  est 
loin  d  (Mre  aussi  catt-i^oricpie. 

S  il    proclame    ces    droits,    en     eirel,     ce     n  <'st     pas    en 

cousider'a lion  île  la  nature  pro|)re  de  1  individu,  mais 
••n  louction  des  conditions  essentielles  tl  l'xistence 
•pi  il  trouve  dans  la  vie  sociale  telle  «pi  idle  est  consti- 
tuée. lma,i:inons  un  instant  (pu-  les  conililious  j)rimoi-- 
diales  et   fondamentales  de    notre  vie   sociale  viennent 


—  81  - 

à  changer  et  que  la  propriété  imlividuelle  qui  en  tonne 
le  substratum  vienne  à  disparaître,  un  des  termes  du 
problème  étant  changé,  tous  les  autres  le  seront  aussi 
et  certains  de  ces  droits,  dont  rin(h\idu  ]»eut  se 
réclamer  légitime  nient  aujourdliui  foiniiic  de  sa  ])lus 
noble  conquête,  n'existeront  jdus. 

Un  pourrait  se  demander,  il  est  \  i-ai,  si  le  droit   de. 
propriété  n'est  pas  comme  le  droit  de  penser  libre  un 
droit  inhérent  à  la  naturr  de  lincUvidu  et  que  rien  par 
conséquent  ne  saurait  prescrire.  11  ne  nous  a|tj)aitieiit 
pas    de    discuter    cette    grave    question.    Keniarquons 
seulement  ([uo  la  j^pnsée  est  une  partie  csseiitirllc  de 
l'être  humain,  tandis  (|ue  hi  j)i'()])i-iété  est  une  acquisi- 
tion   extérieure,   ^hlis.    dii'a-t-oii.    la    xoloiitc-   l'ait    aussi 
partie  intégrante  dv  la  uatnn-  huiuaiiic.  et  la  |»i'iipri<''t('' 
dune  chose  dont  on  peut  disposera   sa  l'aiitaisi*'  est  le 
seul  moyen  d'exercer  sans  entraves  cette  volonté  (|ui 
nous  est  naturelle  ;  donc,    la    j)ropi'iét(''    nt'cessaire    à 
l'exercice    d'une    faculté    natui<dle     et    essentielle    se 
trou\e     jhir    l;'i     même.     J)areilleuieilt     esseutielle     à     la 
nature   de    riioniuie    en    soi.    (lu    pourrait    n''j)oiidi"e   à 
cela,    (pie    1  acte    \olontaire     peut    s"e\ercer    sur    Itieri 
d  autres    uJtjets  (|ue  sur  des  objets  extérieurs    (l(Uit  la 
libre  disposition  soit  re(|uis(>.  Xe  lui  oll'rons-iious  pas 
nous-mêmes  une  matière  suffisante  en  tf>ut  ce  ((ui  con- 
cerne noti'e  actixite    i  ii  l(d  jecl  md  je   et    morale,   (lomme 
le    remai-(|ue    Spinoza,    il    n  y    a    (|ue  lacli'  inl(dlectu«d 
dont  la   liltert  •   soit  essenticdie  ;i   1,1    iLiture  liumaine.  à 
Ouiliii  I) 


—  82  — 

(•(Uiiliruui  liii'ii  i-iilciitlii  i|u  <'ll»'  li-ouvc  j);ii-  .lillfuis 
totilcs  les  (tMidilKiiis  iM'ccssaii'f's  à  sou  oxistoiicL'  inatr- 
ricllr. 

h.iiis  I Clat  acfiK'l  an  iiniins,  ces  di-oits  sont  hirii  i-rcls 
car  ils  smil  1  Cxprcssioii  du  hrsoiu  If  j»lus  iniuirduil  <!»' 
I  individu.  (|ni  est  d  (Mit  assui'»'-  dans  la  liliic  possession 
di-s  hicns  nu'nldcs  cl  iuMncnlilrs  d  où  il  tir»'  sa  snlisis- 
lancc  et  ((dh- drs  siens.  Tous  les  aulri'S  droits  d»'Ti\  rut 
de  c'(dui-là.  (ionnneut  serait-il  en  ell'et  assuré  dans  celte 
possession,  si,  pai'  ailleurs,  lautorité  pouvait  arlùtrai- 
renu^ut  c(»ulis(|uer  sa  liberté  j)ersouuello,  renij)risouu('r 
sous  un  ]uéte\te  (|uek-ou(jue  ou  1  ac'cal)l«'r  de  peines 
sans  ](ro|)ortion  avec  ses  fautes?  (lonuuent,  d'autre 
]»art.  j)onnait-il  joiiii' en  si'eui'iti-  d<'  cette  liherti' dans 
la.  propriet(''  de  ses  hicns  et  la  disj)osition  de  sa  per- 
sonne, si  le  jeu  de  la  constitution  ne  lui  oH're  pas 
contre  l  arl»iti'aire  des  i:aranties  (pii  nn-ttent  l  exercice 
de  ces  droits  hors  de  latteinte  du  caju-ice  <lu  souve- 
rain, (pnd  (|n  il  soit  :  prince,  jteuple  ou  corjts  de  inihles. 

.\insi  se  fondent  sur  la  loi:i(ph'  in<-ni(>  des  choses  les 
droits  esseidi(ds  Ac  l'indixidn  au  rcuai'd  de  ceux  de 
1  l']tat.  .\insi  sclahlissent  |tonr  rin<livi<iu  des  lihertc'S 
correspondant  a  ces  droits,  (les  liluM-tés  sont  en  j»re- 
niier  lieu  la  lihcrtt'  |)oliti(|ue.  ,i:arantie  de  tontes  l(>s 
autres  ou,  |»oUi'  eniplover  le  lanuauc  ile  Nhintes(piieu 
la  liheite  du  citoNcn  dans  ses  iap|)oi-ts  avec  la  consti-' 
tiilion  :  en  second  lieu,  la  liheit»'-  |»orsounelle  (pii  se 
traduit    snrtunl    dans    les    rapports   dii    cito\en   a\ec  la 


-  83  -^ 

forme  Hes  accusations,  des  jugements  et  des  peines  ; 
en  troisième  et  dernier  lieu,  la  li])erté  dans  la  posses- 
sion des  biens  à  laquelle  concourent  évidemment  les 
précédentes,  mais  ({ui  se  manifeste  dune  manière  plus 
précise  encore  dans  les  i-apports  du  citoyen  aNcc  la 
nécessité  de  lever  les  impôts.  (Test  par  rimjx»!  en  ell'et 
(pie  l'Etat  peut  avoii'  le  plus  de  prise  sur  la  propriété 
individuelle  et  il  est  nuMue  des  cas  où  ses  (exigences 
exagérées  pourraient  aller  jusqu'à  l'anéantir  com- 
plètement. 

rie2)endant  si  ces  lil>crt(''s  sont  ;il)s(dnnient  (essen- 
tielles en  di'ojt  j)our  1  indi\idn  c(»nscicnl  de  sa  per- 
sonnalité et  résolu  à  la  (h'fendre  contre  toute  .itteinte. 
elles  ne  le  sont  en  fait,  (pu'  dans  la  nn'sure  dn  i»ri\ 
qu'il  y  attache.  Là  encore,  il  n'\  ;i  rien  d'absolu  o\  il 
y  a  bien  des  manières  j)oui'  lindixidn  d'être  libre. 
Montesquieu  insiste  particulièrement  sui'  ce  j)oint.  En 
politique,  en  effet,  il  ne  ])ent  s'agir  de  la  libeité 
philosophicpie.  La  liberté  conq)atii)le  avec  l'ordre 
social  est  une  lilierté  d'(>])ini(»n  beaiUMtnp  pbis  encitre 
que  fie  fait.  On  s<»  croit  libre  bien  pins  (uTon  ne  Test 
réellement  :  "  La  liberti-  |)liiloso|)lii(|in'.  dit-il.  consiste 
dans  l'exercice  de  sa  V(dont(''  ou  du  nmins  (s  il  l'aut 
parler  dans  tous  les  systèjues)  dans  ro|)inion  oii  l'on 
est  (pie  \'<>\\  exerce  sa  volont*'.  La  liberté  [»oliti(|ue 
consiste  dans  la  sûreté  ou  (hi  moins  dans  l'o])inion  (pu- 
W  a  de   sa  sûreté  »  (1).  Vu    prisonnier  peut  se  dire 

1,  Esprit  des  lois,  .Vill.  2. 


-  ,st  - 

lihiT  s  il  ne  roiiii.iil  pas  le  iihhkIc  cxtcrifMir  rt  s'il  a 
(■(nisciriicc  (|ii<'  dans  Icd-dn'  iiatiir-cl  des  choses  (|ii"il 
est  acrdutiiiiif  a  |»(M'(('\  i>ii',  ri<Mi  iir  \i('iidra  rcfrccir 
les  limites  de  I  t-lioil  espace  dans  le(|iie|  il  se  ment. 
()r  lecit^xen  ania  cette  cnnscience  si.  d'une  |)art.  la 
t(tnte-|inissance  de  la  loi  le  pi(»tèi:e  contre  1  arliiti'aire, 
<'t  si.  d  anti'e  part,  ses  désirs  et  ses  passions  ne  \ien- 
nenl  |ias  troubler  I  harmonie  des  rapports  naturels  de 
son    (>\istence  indi\  iduelle    et    collecti\e. 

hans  scni  discoui's  sur  1  histoire  uni\ers(dle.  Kossiiet 
disait  déjà  :  "  Sous  ce  nom  «le  liherte.  les  liomainsse 
liiinraienl  a\i'c  les  (îrecs  mi  Mtat  où  personne  ne  lut 
sujet  (\\\f  de  la  loi  et  où  la  loi  lut  |dus  puissante  (pn- 
les  hommes  ...  .Monles(pùeu  souscr'i\ait  \(dontiers  à 
«M'tte    |»ai'ole. 

I  )e  miMue  (|ue  la  liherte  de  I  homme  predis|(osea  la 
liln-rte  du  citoyen  K.  (1.  L.  WIN.  li  d<'  nii-nn'  c  est 
la  puissance  de  la  loi  ipu  garantit  la  liherte  du  citoyen. 
à  condition  toutelois  cpu-  la  loi  S((it  l'ondée  suripielqne 
chose  de  l'cla ti\  (Muent  innniialde  et  ipii  se  lr<iu\e  en 
(hdiors  de  I  atteinte  un'-me  des  hoUMUes.  cest-i-dire  si 
(die  est  lexprcssiou  îles  ra|)ports  qui  <leri\eut  «II-  la 
nature  des  (dioses  :  i.  (lest  le  triomphe  de  la  liherte. 
ilil  Montescpiieu.  a  pro|)os  des  lois  criminelhs  A",  il. 
L.  Ml.  4  loisipn-  les  lois  criunmdies  tirent  ihacpie 
peine  de  la  nature  pa rt icidièi-e  du  crinn'.  TonI  1  arbi- 
traire cesse,  la  peine  ne  ilesceild  pas  du  (  a|»rice  dll 
iéuislaleur.   mais  de  la  nature  de   la   chose   <> .    l/lioiiiiue 


—  8n  — 

<|iii  siusiiri^e  assez  fafiloincnt  confie  ihic  autorité 
iiii|)(''i'ativ('  venant  d  un  auti'(>  lioniine.  ne  se  i'é\()lte 
jjas  contre  la  nature  des  choses  si  dures  que  soient 
parfois  ses  lois.  Il  se  contente  aisément  sur  ce  2)oint 
de  l'illusion  ;  pourvu  qu'il  s'imagine  agir  li])rement  il 
est  content,  et  souvent  c'est  lorsqu'il  pi'oclaine  les 
lois  naturelles  <|ui  Tohligcnt,  (juil  se  croit  le  plus 
libre.  C'est  jxnircpioi  Montesqui<'u  d(''linit  la  lilieile 
plus  profond(''nient  que  ses  devanciers  lorstpiil  j»ro- 
clame  que  la  liberté  politique  ne  consiste  ])as  à  laii-e 
ce  que  l'on  veut.  «  mais  à  pouvoir  faire  ce  (\[\o  l'on 
doit  vouloir  et  à  n'être  j)as  contraint  à  faiie  ce  (jtidn 
ne  doit  pas  vouloir  ».  bb'e  (piil  rej)i*end  plus  loin 
[E.  (I .  L.  XXVI,  20)  ])our  distinguer  le  prince  du 
citoyen  :  <■  La  liberté  consiste  principalement  à  ne 
pouvoir  être  forcé  a  faire  une  chose  ((ue  la  loi  ii'or- 
donne  pas  et  on  n'est  dans  cet  état  (pu-  pai-ce  (piOn 
est  gouverné   par  des  lois  civiles  :  nous  sommes  donc 

libres  parce  ([ue   nous  vivons   sous  des  l(»is  cixiles 

les  princes  (jui  ne  vivent  point  entre  eux  sous  les  lois 
civiles  ne  sont  point  libres  :  ils  sont  gouverin-s  par  la 
force,  ils  peuvent  continuellement  f(»rcer  et  être 
forcés  ». 

Mais  (pu'  doit-on  souloii"?  La  r(''])onse  est  facile  :  on 
iH'  doit  rien  \ouloii'  en  dehors  de  la  satisfaction  des 
rapports  essenti(ds  nécessaires  à  la  pei-manence  et  à 
la  conservation  de  la  vie  sociale,  c'est-à-dire  rien  en 
dehors  de  ce  (]ue  consa<re  la  loi,  (uii,  si  on  la  su|)jios 


—  86  — 


]):nr;iif('.  cxihiiik'  i("^   r;i|»)iMi"ls    d  iiiic    r.icuii   ;i(lt''(|iiat('. 

I.;i  liltri'tc  se  liiiii\c  duiit'  icsidri-  m  «le riiK'iT  aii.i- 
|\S('  (l,iii>>  la  «(iiisciciiic  i|iii-  I  liiiiiiiiH-  a  (!<•  sa  di-jx-li- 
(laiicc.  <  hi  foiicuit  aldis  t^uc  les  droits  et  li's  lilirrt/'s 
])ai-ti(iiliri'('s  ddid  il  ]>i'uf  ('xiufr  la  iiar-antir  sdirnf  <'ii 
r(dalinii  ('Iritifi'  a\ri-  la  ((Hiscirmc  pinson  moins  nrllc 
(|n  il  à  des  ra])|)oits  essentiels  à  sa  \ie.  à  son  existence 
dans  nn  état  social  donni'.  et  c Cst  ici  ((n  intcr\  ient 
rtdeincnl  j)s\clndoi:i((ne  (|in  inodilie  linipiM-lance  t|n  il 
penf  donner  à  la  rechcridn'  et  à  I  acijnisition  i\r  ces 
droits  et   de  ces   li  ImtIi's. 

Monlcs(|nien  n  (>id)li('  pas.  et  <'est  là  son  oriuinalil»', 
([n  en  politiipn'  mi  a  tonjours  allaii'c  à  des  in»Minn's, 
c'est-à-dire  à  des  ètr'es  chez  li>s(pnds  je  selitinienf  et  la 
])assion  ont  soiiNcnt  Iteanconp  jdns  de  force  (pn-  la 
raison.  Les  trois  libertés  roiidainentales  ipn-  nons 
venons  de  passer  en  re\  ne  avec  lui  sont  etaldies  en 
raison  d  après  la  constatation  de  la  natnre  des  choses 
de  la  \  ie  sociale  et  des  liesoins  de  I  individn  dans  les 
conditifins  de  \ie  oi'i  il  est  placi'.  Hr.  en  etndiant  les 
uon\  ei  nenuMits.  nons  axons  recoimn  la  présence  d  nn 
piincipe  actif  ipii  dc-teianiiH'  à  la  fois  sa  manière  d'ai^ir 
el  c(dle  des  ciloNeils  ipii  |  ont  adopte.  (  .e  principe  est 
dordi-e  alisolmnent  sentimental  en  ce  ipiil  fait  appel 
à  la  passion.  (  !e  sentiment,  assez  \if  et  assez  foit  pour 
ser\  il' ctimnn'  de  cinn-nt  an\  paitii-s  ipii  coni|)osent  le 
c(»rps  social,  inllm'ra  nt-cessairenn-nt  snr  ro]»inion  (pn* 
les  in<li\idns  poniiont   y  aM>ir  de  lenrs  droits  et  de  ja 


—  87  - 

nécessite  de  les  satisfaire.  Là,  tout  cédera  dcv.int  la 
conviction  d'une  grande  œuvre  politique  ou  ('•(•(. ik.- 
mique  à  accomplir,  de  sorte  (ju<'  la  ,i:raii(l<>ur  du  l)iil 
poursuivi  fera  oublier  toutes  los  entraves  à  l.i  lihcit»' 
et  Lien  des  atteintes  à  la  propriété  ou  à  l.i  foitmic. 
Ici,  on  fera  bon  marché  des  convenances  individuelles 
pour  l'honneur  et  la  gioire  que  l'on  attend  de  l'Etat, 
directeur  et  inspirateur  de  la  collectivité.  Ailleurs, 
dominera  au  contraire  le  souci  d'établir  dans  li^tat 
toute  une  série  de  garanties  sûres  à  l'usage  de  l'indi- 
vidu. c<  Quoique  tous  les  Etats  aient  en  général  un 
même  objet,  dit  Montesquieu  [E.  <L  L.  XI.  .")  qui  est 
de  se  maintenir,  clia(|ue  Etat  en  a  pourtant  un  (jui  lui 
est  particulier.  L'agrandissement  <'daif  lObjet  de  i\ome, 
la  guerre  celui  de  LacédiMuoin',  la  i-fdiiiion  celui  des 
lois  judaïques,  le  conunerce  celui  de  Maiseille.  la 
tranquillit(''  ])id)li(pu'  ccdui  des  lois  de  la  ('.lune,  la 
navigation  celui  des  lois  des  liliddiens,  la  liberté  natn- 
relle  celui  de  la  police  des  sau\a,i:('s,  en  iiénéral,  les 
délices  du  prince,  celui  des  J']tats  despoti(|tn's  ;  la 
gloire  et  celle  de  l'I^tat,  (-(dni  des  nionai-idiies  :  I  indt'- 
pendance  de  clia<{ue  partieulier  est  l'objfd  des  lois  de 
Pologne,  et  ce  qui  en  résulte  est  ropi)ressioii  de  Ions. 
Il  y  a  aussi  une  nation  dans  le  momie  ([ni  a  pcuir  (d»jet 
direct  de  sa  constitution,  la  libelle  |»oliti((ue   '>. 

Cet  Etat,  c'est  l'Angleteri-e,  dont  Montes(|ui(U  an;.- 
lyse  la  constitution  dans  la  prennère  pai-tie  du  li\  re  XI 
(ch.  VI).  Mais  après  en  avoii'  monli-('  Ions  les  ;i\  anlaues 


—  88  — 

."i  (•<•  jMiiiit  (Ir  Vin-  |i;iiliriilii'r.  il  .liniilc.  cii  triiniii.iiit 
|r  rli;i|»itic  :  ■•  .!<'  IH'  |  »li't('liii>  |»Miiil  |i;iil;'i  i;i\;il<'l'  1rs 
.iiitrcs  uniiN  ('iiii'iiH'iit^.  ni  «liir  <|iH'  («•llf  lilH-ih-  |n»li- 
ti(jii«'  rxtrèinc  (liii\<'  mndilici-  ccmn  qui  n  ru  ont  »jii  iiih* 
modéréo.  (>)iimi('iit  (lir;iis-j('  cela,  moi  «|iii  crois  (ju«^ 
l'oxcès  inrmo  <!<'  I;i  l'.iisoii  ii Csl  p.is  toujours  (Irsir.-iMc 
et  (lUf  1rs  Ikhihih's  s  .icciiiiiiiiodciil  jii'cs(|tic  toujours 
mit'iix  (1(">  iiiiliciix  <|iir  (1rs  r\ti-('niif«'-s    ». 

Il  II)-  l.iiit  donc  |);is  prendre  dans  I  n-m  !•<•  de  Moii- 
tcscjuicu  la  tliéoi'ic  i]^  la  constitution  anglaise  connue 
l'exprossion  de  ce  (|u  il  considère  coiunie  le  meilleur 
iiouvornenient  en  soi.  Il  n  y  eu  a  pas  pour  Montos- 
fuiieu.  et  ("est  un  jU'iucipe  (ju  il  pose  au  (l(dtut  UK-ine 
(!«'  VEftprit  drs  Lois  (I,  3)  :  "  Il  vaut  mieux  dii-e  ^\\\^'  le 
iLouvei-nement  le  ])lus  courorme  a  la  iiaturr  ost  c(dui 
dont  la  disposition  j)articuli("'re  se  ra])])orte  mieux  à  la 
dis[)osilion  du  jx'Uplc  pour  le(pi(d  il  est  (daldi  •■.  La 
rfmstilution  anii'laise  est  donc  le  meilleur  lidUNcrue- 
Ilient  pour  le  peU|tle  (jui  met  la  ci)n(pn"'te  des  droits 
indi\idu(ds  au-dessus  de  tout.  I  >e  in("'me.  a  Konie.  dont 
M(»nteS(piiell.  dans  ce  ni("'me  li\  rc  NI.  étudie  la  \  ie 
|»(diti(|iic  (11.  .\l\  à  XlXi  la  constitution  sori:anisa  peu 
,1  |)eu  de  mani('M'e  a  constituer  un  ('■(jiiilihi'e  stalde,  non 
plus  cnti'c  les  droits  natur(ds  de  l'indisidn  cl  ceux  de 
ri'.lat ,  mais  entre  les  (lasses  composant  le  pcu|>lc.  (pii 
se  dis|iutaient  la  |ireeminencc  dans  I  lltat.  Il  faut  noter 
(Tailleurs  (|u  a  lionu',  au  moins  dans  la  |»eriode  primi- 
li\e  et   jus(prau    temps  de    ll-jupiic.   rin(li\i(lu   n'avait 


—  89  - 

iM»ui'  .liiisi  (liiT  ]);is  (ICxistciicc  j)r()])rc  en  (IcIku-s  do  In 
t'aiiiillc  (|iii  IViitcriiiJiil  dniis  smi  cercle  (''troit. 

(llu'z  les  peuples  où  existe  un  vif  sentinicut  d'iictioii 
collective,  ce  sentiment  j)i'iiiie  celui  de  la  liherlé.  Il 
suffit  que  le  niécauisnie  ])oliti(|ue  assure  à  l'individu  un 
minimum  de  sécui-ité.  I*eu  importent  alors  les  moyens 
employés,  pourvu  (piils  soient  en  rapj)ort  avec  le 
caractère  ,2én<''ral  du  peuple  et  ses  tendances  liistori- 
(jues. 

Ainsi.  Montes([uieu.  lidèle  à  la  méthod<'  (|ui  est 
d'arriver  à  atteindre  la  réalité  par  une  série  d  a|)pro 
ximations  successives,  sait  atténuer  par  r(''tude  des 
caractères  et  l'étude  de  cjiaipie  peuple,  ce  (|u"il  |)eMt  y 
avoir  de  trop  absolu  dans  les  tln'ories  i^énéi'ales  (jne 
lui  suiTgère  la  seule  raison.  ()n  \oit  donc  combien 
Montesquieu  est  loin  des  piiilosophes  de  la  ri'voliïfion 
et  comme  ce  serait  mal  le  com])rendre  (|ue  de  xouloir 
isol<M'  I  une  (|U(dcon(|ue  de  ses  aflirmations  de  I  eiiseui- 
Ide  de  tout  son  ouvrai:*'.  <)u  saisit  alors  aussi  pour- 
(pioi  Montes(piieii  ])roclame  si  haut  (pi  il  est  I  ajxitre  de 
la  untdération  et  ([u'il  n'a  conq)os(''  son  li\  re  (\\\o  pour 
en  j)rouver  la  nécessih'.  Les  tli(''ories  les  j)lus  ahsoliu's. 
en  eit'et,  doivent  loujours.  hon  i;ré  mal  ::r('.  Unir  ]iar 
se  ])lier  <à  la  nature  des  (dioses  <|ni  leur  ajijiorle  des 
temj)éi'anients  varies,  sans  poui- c(da  lu'iscr  I  unité  l'on- 
damentale  des  ra[)])orts  sociaux,  (les  tempéraments 
variés,  au  conti'aire,  m-  font  (pi'en  maintenir  I  écono- 
mie, en  étaldissant  enti-e  eux  létjuilihi-e  m-cessaire  (pie 


-  90  ~ 


fIoninii<lr>  rliaquc  r.is  paificiiliiM'.  VA  cola  f'<^st  j^ivcis^- 
liiciit  (le  la  iiindi-ratidii  au  spiis  t''tymul(»t;i([iH'  «lu  mot. 
I.a  iiiodt'ralioii  i(''siiltr  niiiu'i'  <l<'  1  action  des  iiidiicii- 
ers  liistoi'iqin's  aii\(|in'll<'s  .\|i)iili'V(|uicii  iiioiitic  (ju'il 
est  iirfcssairt'  «li-  i-t'iiKUifri-  iiis(|iir  dans  le  j)ass»''  lo 
plus  lointain,  alin  de  niiouv  »'(  laii-cr  le  jtiM'SPut.  <>ii  se 
rond  coinj)t('  qu'aucun  (dianuomcnt  m-  se  pinduit  avoc 
violence,  cpu'  les  ti'aditions  ne  se  i'onii»ent  point  sur  le 
coup,  mais  jxmi  à  j)eu.  à  mesure  que  se  modilje  l'état 
(Tes  esprits  et  des  mo'urs.  Si  nn  \fut  les  violenter,  on 
lo  j)out  sans  tlout(\  sous  l'eil'et  d'un  eiitraiiiomeut  pas- 
sager, mais  lo  clumucmout  ainsi  j)roduit  est  do  pou  de 
durée  et  les  ra])])orts  anciens  r«'Ni])])araissont  bientôt. 
Ce  nost  cpi  au  hoiil  d  un  assez  lom:  lemj»s  cpie  les 
somonces  jeti'os  lors  du  pi'emier  (d)ranlemeid  \  iennent 
à  ])l'oduil'e  leuis  IVuits,  encore  est-ce  [oixjUe  l't'tat 
social  entrevu  j)ar  les  ])i'emiers  théoriciens,  vient  à 
passer  conq)lètement  dans  l'ordre  des  faits.  Montes- 
«piiou  ne  jterd  jamais  de  \  ne  cette  inodi'raticui  néces- 
saire, parce  (|U  elle  est  dans  la  uafuie  même  de  la 
\ir,  et  cCst  pour  c(da  (|U  il  se  Liarile  liiell  de  dolinei' 
des  modèles  ali^olus.  Il  jiri'teiid  seldenieiif  fournir  di's 
indications,  j)r»q)oser  une  mai-cdie  à  suiv  r<'.  elaldir  les 
fondements  d  une  nK'dliode  d'oi-i:anisation  sociale, 
appi-opriée  aux  circonstances.  Même  en  ce  qui  con- 
cerne 1  Ani:le|erre.  il  insinue  que  si  les  lois  soid  assez 
bien  «'qiulilirees  pour  assurer  jdeiuemcul  la  lil»ei-t(' 
Jtolilique,    1  etl'el    ne    r<'pond   Jicul    être    i)as  au    liou  AoU- 


~  91  — 

loir  qu'elles  témoignent  :  <(  Ce  n'est  point  à  njoi  à  exa- 
miner si  les  Anglais  jouissent  aetuelieuient  «le  cette 
lil)ertt"'  ou  lion  :  il  me  suffit  de  dire  f[u  elle  est  rtahlic 
par  leurs  lois  et  je  n'en  cheiriie  ])as  davaiitafie  ». 
[E.  d.  /..,  XI,  6,  in  fine). 

Ce  qui  inqjorte,  en  efiet,  ce  n'est  point  (pie  le  méca- 
nisme constitutionnel  soit  toujours  et  partout  identique 
à  lui-même,  c'est  surtout  (pi'il  y  en  ait  de  telle  façc)u 
que  le  salut  de  l'Etat  ne  dépende  point  comme  dit  Spi- 
noza {Traité  politique,  1,  G)  de  la  seule  honnêteté  d'un 
individu,  mais  au  contraire  «  que  les  affaires  publiques 
y  soient  ordonnées  de  telle  sorte  que  ceux  qui  les 
manient,  soit  que  la  raison,  soit  (jue  la  passion  les  fasse 
a,s"ir,  ne  puissent  être  tentés  d'être  de  mauvaise  foi  et 
de  mal  faire  ». 

Partant  de  ce  principe,  Spinoza  a])rès  avoir  étal)li 
les  fondemeuts  du  droit  de  l'individu  et  du  droit  de 
l'Etat,  recherche  ccnumeiit  la  monarchie,  l'aristocratie 
et  la  démocratie  ])euvent  être  organisées  confoi*mé- 
ment  aux  exisrences  de  leur  nature  |»arti(niirrc.  <'f  de 
manière  à  oll'rir  le  niaxiinum  de  iiai-antic  Mais  les 
constructions  politiques  (pi'il  ima.^im'  de  tontes  pièces 
et  auxc[uelles  ressemhlent  heaucouj)  les  projets  consti- 
tutionnels de  Siéyès  (1)  laissenl  de  c<M(''  l<'s  denx  fac- 
teurs essentiels' de  l'org-anisation  politicpie  dans  la  |)en- 


\.   Parisol  :  Siéyès  cl   Spinoza,    lievup  iIp  sijnt/irsf  /iis(ori(jiie, 
juin,  1906. 


—    02  - 


s»M'  (Ir  Moiilcstiiiifil  :  1rs  Icilil.llicfs  |  is\  di.  ,|<  i- i(|||<'S 
|»;n  liciilirifs  a  <lia(|iir  |n'ii|ilr,  I  <'\  «iliil  inii  liiNtoiiqiif 
(lui  |Hilir  cIlicuii  il  i'll\  .1  jil'cci'df  I  clat  aifud.  \.r  srul 
|iriM(i|ii'  (I  iiiM-  ;i|i|)li(;ilinM  iiiii\  <'rsrllc  .idiiiis  pal*  Mon- 
t('S(|iii«'u.  fsl  celui  (|u  <'\priuii'ul  les  uiols  I'.ium'UX 
«  le  poUMiir  aiir-tr  le  |»iiu\oir  ...  Ndiis  en  ;i\(ius  \u  la 
ucucsc  cl  cdUiMicul  il  (lcl"i\c  (le  la  couccj)!  I(  >h  (|U  a 
M(Ultcs(|uicU  (le  la  loi  lie  nature  des  (•Ices  cl  des  (dis- 
ses ainsi  que  de  la  loi  de  Icuis  rappoïK.  l'niir  c\ilei' 
IkuI  aihilrail-e  et  Inul  excès  de  l'iUce.  il  es|  iudi(|Ue  |»aP 
la  nature  des  (  lioscs  d  airc(  ter  a  dillci-cnles  j)ers(Uines 
(>U  à  diliei'euts  corps  les  poiixiiirs  entre  les(puds  s»' 
partau'e  rexci-cicc  de  I  autorité  alin  de  les  halaucer  les 
uns  |)ar  les  autres.  (!e|)endant.  Montes(|uieu  ne  consi- 
dère pas  connue  altsoinnieni  necessaii"e  à  la  iiai'antii' 
delà  lil»cl"te  cl  a  la  sécurité  de  lindiNidu  (pU'  ces  J>oU- 
\oiis  MtienI  toujours  el  j>ailoid  coiu|»lètenM'nl  dis- 
liuids.  hu  niouieul  (pu'  le  pou\oii'  pidiciaire  est  niis 
didiliercUKMd  a  part  de  nianiei^e  a  ne  |»ou\  oir  l'Ire  con- 
Irainl  |»ar  les  autres,  il  est  assez  indillerenl  ipu-  le 
|»ou\oir  |ei;islatir  suit  cnuroudu  a\ec  lexcculil.  (!<da  se 
coniprend.     car     le    i»ou\(iir     judiciaire    est    cidui    «pii 

dtdieni      1  exercice    des     sanctions    de     la     loi    :     lU',     pour 

parler'  coUMue  Montcsipiieii,  tout  est  perdu  si  cidui 
i|ui  lait  la  loi  ou  cidui  ipii  adnnrusti'c  |)cu\ent  disposei- 
lilu'einerd  des  sanctions  de  la  loi.  haiis  le  prenner'  cas. 
le  jui;»'  sorail  lei:islateui".  dans  le  secmid.  il  serait 
oi>i)resseur.   La    réunion  du    législatif   et    de   rexccutif 


-    1>8  — 

peut  faire  craindre,  il  est  vrai,  ([u'on  ne  fasse  des  lois 
tyranniques  pour  les  exercer  tyranniquenient  ;  mais  si 
le  pouvoir  judiciaire  est  conscient  de  sa  mission  ef 
assez  indépendant  pour  exercer  ses  droits,  il  saura 
arrêter  rexécutioii  tyranni<pM'  des  lois,  en  ne  donnant 
point  de  sanction  aux  l'ésistances  du  citoyen  dont  il 
aurait  à  connaître. 

Si  donc,  en  prin<-ipe.  on  peut  concevoir  un  nn-ca- 
nisme,  réalisé  d  ailleurs,  (pioi<jue  j)ar  des  moyens  diliV'- 
rents  dans  lAii^^leterre  modei'uc  et  dans  la  Home 
antiipu'.  nuM'cinismc  (|ui  garantisse  ;'i  rimlixidu  ICxer- 
cicc  le  j)lus  lari:<'  de  sa  liliei't('"  i\  de  ses  droits  pouc 
le  cas  où  il  consi(l(''rei'ait  cet  exercice  coninie  le  souve- 
rain bien  de  la  \ie  soci,ile.  .Montes(|uieu  l'tahlit  aussi 
une  s(jrte  di'clndle  de  l,i  liJ)«M-ti''  suivant  1  intf'rèt  <pi  y 
attachent  les  lionnnes.  dette  ec  Indle  s"('tend  du  ma\i- 
nunn  de  iiarantie  au  miniminn  nécessaii-e  jiour  i\\ir 
1  individu  sollicité  d'auti'e  C('>té  par  d'autres  ])assions, 
puisse  tout  de  nuMiie  satisfaii'e  aux  besoins  essentiels 
de  sa  condition  et  denuMii'e  el'lic.icement  [iroteiic'".  Si  la 
c()nstitution  aiii;laise  rej)ond  assez  liien  ,iu  |ireniier 
t\pe.  la  moii;i|-(dlie  tV.iMcaise  I  l'adit  ion  md  le  représente 
tout  ;i   l'ait  le   secoud . 


IV 


Aprrs  le  m'iiiid  lnmlcN  frsciiM'iil  social  (•.■ius(''  j);u'  les 
iiixiisioiis  (les  liarharrs  cl  jM>Mi'sui\i  pciidaiit  ciii([  slc- 
clcs  a\cc  (les  allcniaf i\('s  d  ordi-c  et  de  desdnirc.  le 
droit  romain,  si  iiitiineiiieiit  lie  à  I  esprit  et  aii\  Icii- 
daiiccs  du  jx'iijije  (|iii  Taxait  construit.  dis|»arMit  avec 
ICtat  social  même  «loiit  il  lirait  sa  force  et  sa  cohésion. 
Il  n  <'li  suhsisie  d'iiiie  Jiianière  ('■j»<(rse  (jne  (juidcjnes 
l)i'ati(|iies  coiitiimièi'os.  soiiviMiir  loiiifaiii  d  un  Atrr 
ancien,  ou  (|U(d(|iies  axiomes  uém'i'nux  (|u  a\aient  pré- 
ser\(''s  lid/'c   morale  sur  la(|U(dle  ils  se  roudaienl. 

Les  lois  elles-mr'mes  (|ue  les  liarhares  a\aieiil  ajipor- 
li'-es  a\ec  eux.  c(»dili«''es  au  «iidiul  sous  I  intlm'Mce 
encore  \i\e  du  urand  ordre  romain  et  a\ec  le  désii- 
d  y  atteindre.  Unirent  aussi  jtar'  dis|ia  rail  l'c  dans  la 
ruine  de    I  ordre     |)oliti(|m>    tente    |)ar    les    |U'emier's     l'ois 

germains  (-taldis  dans  ri'".m|iirc  cl  i-ealise  un  instant 
])ar  (  ;iiarli'ma'_;ne.  l'jjes  aussi  ne  sur\  ('curent  (|U  a  I  ('■lat 
de    tradition    et    de    coutume     locale,    pour     l'CLiler    les 


—  95  — 

rapports  individuels  les  plus  usuels  dérivés  des  biens 
de  famille  ou  des  obligations  contractuelles. 

Dans  ces  conditions,  la  science  du  droit  se  réduisait 
à  la  pratique  des  formules  et  à  la  connaissance  des 
coutumes,  s'il  s'agissait  du  droit  civil  ;  à  l'application 
des  règles  grossières  du  duel  judiciaire  ou  des  ordalies, 
s'il  s'agissait  du  droit  criminel,  ou  mèiuc  de  reconnaî- 
tre des  torts  et  de  désigner  des  coupables  (ju'on  était 
impuissant  à  déterminer  par  raison. 

On  ne  peut  donc  pas  dire  que  ce  fut  là  de  la  science. 
Toute  science  doit  remonter  à  des  principes  et  faire 
en  sorte  que  l'objet  de  nos  connaissances  ne  reste  pas 
fragmentaire,  mais  soit  au  contraire  lié  ])ar  un  enclïaî- 
nement  logi(|uo  (|ui  satisfasse  l'intelligence. 

Or,  dans  ce  baut  moyen  âge,  on  ne  considérait  d'une 
part  que  des  faits  et  d'autre  ])art  (pic  des  règb's, 
règles  transmises  par  la  seub;  tradition,  dont  l'origine 
demeurait  inconnue,  que  Ton  appliquait  parce  que  les 
ancêtres  faisaient  ainsi,  jnais  en  réalité  issues  de  tous 
les  points  de  riiorizon,  conservant  le  souviuiir  d'un 
état  social  différent  et  corrigées  ])arfois  inalbaliilcnient 
dans  certains  détails  pour  mieux  s'accordci-  axrc  l'c'-tat 
présent  (b^s  raj)ports  sociaux.  Il  aurait  falhi  (h-hrouiller 
ce  cbaos,  mais  qui  le  pouvait,  et  qui  s'en  stuiciail  ? 

Ce  n  étaient  assurément  j)as  les  seigneui's  féddauw 
plus  courageux  guerriers  que  grands  jurisconsultes,  (le 
n'étaient  pas  non  plus  les  hommes  libres  app<dés  dans 
certaines  causes  à  former  l'assenddée  des  ]taii's. 


—  l)(i 


1><'U\  choses  icii.iiclit  lieu  dr  1.1  silirtc  «|ll<'  dniuie 
(l.iiis  r;ij»j>li<;tf ioii  ilr  la  jii>ti<r  |,i  cDiiiuiissaiicc  de 
Irsurit  (1rs  lois  cl  des  piilHi  |»cs  sii|-  lrs(|ind^  elles  se 
lulldeilt  :  il  tllie  part.  1  a  llli  hmIi- de  i,i  t  r.idilioll .  d  autre 
naii.  I  iliucilieu^e  >ll  I  »t  1  lil  e  que  1  <tll  ildl'odllisit  dails  la 
procédure.  |)es  p|esclM|iti(iUS  lua  teriel  les  UliuiltieUSes 
reiHciliaieiit  eli  ellel  au  delaul  de  direetinu  cpie  ceux 
(pii  appliipieiil  le  droit  puisent  ord iiia i renient  dans  les 
idées  ucnei'ales  et  dans  les  principes,  quelle  i|u  en  soit 
d  ailleurs  leur  \aleiir  au  point  de  \  ne  pliilosopliiijue. 
(  hl  peut  se  rendre  aiseilieilt  compte  de  ee  l'ail  |tai' 
reusenihle  couijditpie  «les  re^ili-^  <pii  l'cuissaieut  le 
duel  judiciaire  et  dont  1  <dtjel  pi'eciscnient  «'tait  d  assu- 
rer les  eoiidiliolls  de  conihal  les  plus  iiii|)a  rtia  les  et  les 
plus  justes.  Il  en  est  ainsi  dans  toute  le::islalion  qui 
se  dcveloppo  sous  1  iiillueiice  de  la  i-outuuie  et  au  ;:r('' 
(les  eireoustaiiccs  locales  :  la  loi  dispai'ait  deiwièi'e  la 
roriiie  de  pnwéduro  uéressaire  poiii-  <d)teiiir  le  droit. 
L WiiLilcIerri'  par  e\eni|)le  «pii  est  le  |ia\s  daiisleipud 
le  droit.  nK'Ilie  écrit,  est  ri'ste  presque  coin  |  deleineii  t 
esclave  de  l.i  I  r.iditioii  et  de  |;i  coutlinie.  est  aussi  le 
pas^oii  les  l'ornies  |ti'o<('durieres  sont  encore  les  j»|us 
coiiipli<Jliees  et    les   |dus   strictes. 

.\u  ino\en  à-e,  c  est  dans  les  cours  d  riLlIlse.  seule- 
llieiil,  que  s  étaient  coiisejxees  (pnd(|Ues  pl'eoccupa- 
tiolis    moins    lerie    ;i     tej-re.    La,    les    lois  en    etlet.    et.iieni 

toujours  rapportées  ;i  des  principes.  .Mais  ces  jn'ineipes 

étaient   l'oinli's  sm-  la    tlieolo-ie   et    sur  les   lois  de    1,1    reli- 


—  97  — 

giou  ([ui  paraissaiont  alors  iii(UiJ)itableiiient  à  tout  lo 
monde  le  modèle  des  lois  humaines  et  ridéal  que  les 
sociétés  devaient  tendre  à  réaliser. 

Ajjpuyée  sur  ces  principes  qui  nioiitraieiit.  (((Hiiik' 
émanés  de  Dieu,  toutes  les  idées,  tous  les  seutirueuts 
de  justice,  de  liberté,  d'égalité  entre  tous  les  hoiuiues  ; 
—  fortitiée  ])ar  son  organisation  savante  (pii  lui  ihuinait 
tant  de  prise  sur  les  êtres  (^t  les  caractères,  conimeiit 
lEgiise  seule  force  alors  couscicnte  delle-mème.  ru 
fait  et  en  esprit,  ne  dexait-ellc  j)as  ;ii;ii-  sur  la  \ie 
politicpie  et  civile  1  Si  elle  est  riiuagc  de  la  s(Hit''l(''  de 
Dieu  et  des  créatures,  c'est  sur  clic  (|ii('  doit  se  mode- 
ler la  société  laïque  dans  sou  gouvernement  j)oliti(pu', 
aussi  bien  (pu?  dans  sou  gouvernement  civil.  Aussi 
est-ce  à  elle  que  les  rois  s'adi-essent  |)oiir  fonder 
leur  puissance  sur  des  princijics  au-dessus  de  toute 
discussicju. 

(lest  1  h]glise  aussi  (|ui  i'aj)p(dle  aux  j)i'iuees  leurs 
de\(»irs  de  eliarit(''  et  de  justice  en\('l"s  leurs  sujets, 
(lest  au  nom  de  ces  nuMUcs  dcNoii-s  de  justice  et  de 
cliai'it('\  cl  |»ar-ce  qu  elle  |>i'(q)ar'e  la  Itouue  mort.  (|U  elle 
iutci'\ient  dans  les  testaments  et  établit  des  l'èules  de 
droits  successoral  en  l'appoi't  axcc  cet  esprit,  (lest 
encore  parce  (]u  elle  guide  et  i)ré])ar<'  la  vie  s(don  la 
loi  de  Dieu  ([u  <dle  int(M'\ient  dans  b^  di-oit  matrimonial, 
fondement  de  la  famille  dans  bupudle  doit  se  pci'])é- 
tuer  le  règne  de  Dieu.  Enfui,  c'est  conune  r(qu'cseiilaut 
un  hieu  de  Itoiitc'^  et  ilaniour,  (]u  elle  jiretcndil  rciilcr 
Ouiliii  7 


—   1)K   — 


1rs  i;i]»j)<ti-ts  «lintri'tMs  ruti'»'  1rs  hoimnos  cf  iiih'i'Vniii- 
dans  Icms  tiMiisjictions  ruiimuTciali's  eu  inlcidisaut  1»' 
jH'»"'t  ;'i  iiiti'i-rt. 

Tous  ers  iaj»|Hiits  <|iii  tians  les  sociétés  aiiti([uos 
riaient  ivi^lrs  sniliMiiciif  j»ai' la  coiisidrfatiiiM  des  iiilr- 
iiMs  juu't'iiitMit  humains  de  1  individu  ou  dr  la  société, 
(  lian^éi'cnl  donc  de  nature  sous  1  intluoiu-o  do  1  l\irlisc 
et  du  i'(Miouv<dl(MiH'nt  uKU-al  <|u  «d!»'  ajijxti'tait  avec 
clic. 

Ainsi,  d  un  cnïv.  r.ihsrncr  de  toute  législatiou  écrite, 
a\ait.  au  tl(dnd  du  d«'\  «d<t]»|)('ni(Mit  des  sociétés  occi- 
dcutales  luélc  le  dioit  (|ui  les  régissait  délénïouts  hété- 
i-oiién<'s  «juc  1  1)0  tunsfix  ait  ti'a«litiouncllonicut  coninir 
une  surAivan«i'  des  ancicnucs  lois  barbares  et  romai- 
nes, ou  t|ue  l<'s  nécessités  du  j)résciit  avai<Mit  intro- 
duites, eu  coul'ormite  avec  Telal  social  actuel.  iJans 
I  un  ou  1  autre  eas.  e  «dait  inie  courusiou  de  i'<'i:les  con- 
Iradieloires.  parée  (|u"on  avait  perdu  tout  souvenir  de 
1  (U'i,i:iue  lointaine  de  ces  lois  rt  (|ue  nul  historien  du 
droit  ne  >e  luéoecupail  de  la  ie(  her(duM'.  Dautre  par-t, 
je  (  hiistiani^^uie  et  surtout  l  llulise,  a\aieiit  imprimé, 
(|Uoi(pi  ;i  des  déniés  tr'ès  iné,i:au\  et  ties  mêles,  la 
man|ue  profonde  de  l  1"]\  aiij^ile  sur  le  droit  jxditiipn-  et 
sur  le  droit  ei\il  dont  les  ju-ineipes  relevaient.  \\<ni 
jdiis  de  iiiM  essilis  \ilales  ])urement  luiiuniues.  niais 
♦le  lidéal  dix  in  tprexpriiuaieut  les  Kci'ilures  et  «Inut 
1  K^lise  avait  la   i:ardi'. 

La  l'orme  de  .es  pi-ineij»es.  a]>puVé«  sui'  la   rcliuiuii 


—  \)\)  — 

cf  sur  l;i  morale,  implantés  dans  les  cceiirs  pjii-  lin- 
fluciice  2)ré2)ondérante  de  IKylise  fut  longtemps  invin- 
ci])le  et  domina  pendant  de  loni;s  siècles  la  conc<'})tinii 
sociale  des  esprits  les  plus  (''clairc's,  jns(pi  à  fnii'c  ])(iur 
Domat,  ({ui  écrivait  à  la  lin  du  xwf  siècle.  le  fond  de- 
tout  ordre  politique  et  de  toute  crèntion  jni-idiejnc. 

Cependant,  il  n  y  <i  j)()inf  dans  ce  monde  (|ur  des 
sociétés  chréti(Mines.  Sur  quelles  id('M>s  se  fondait  donc 
la  léi;islation  des  nations  anti([in's  (jni  iiaNaicnt  j)oint 
connu  la  i:)arole  divine?  A  (pnds  principes  renioiilaieni 
les  sociétés  encoi'e  paï(Mines?  (liiez  les  nues  et  les 
autres,  il  fallait  bien  (jue  les  hommes  ensseni  tidn\(' 
dans  leurs  intérêts  ])urenH'nt  mati-i-iids  et  tenq)oi'(ds 
les  él(''ments  de  l'ordre  (pii  a\ait  jx'rmis  à  leurs  soci(''- 
tés  de  vi\re!  A  côti'  de  1  idéal  snperieni'  propos»'  par 
lEtiiise,  il  v  avait  donc  une  oi-uanisalion  s(»(iale  pos- 
sible fondée  uni(]uement  sur  la   l'aison  humaine. 

iJu  Jour  on  la  i'ais(m  laïcpu'  s'essaiei-ail  a  faire  (en\re 
juridi(jue  en  dehors  de  ri\i:lise  la  coexishnice  de  ces 
deux  conceptions  diann'tralenn'nl  oppost'es  (le\ail  for- 
cément enu'cndrer  la  confusion.  Tant  (|in'  les  sociidés 
occidentales  resteraient  en  etl'el  soumises  à  1  idéal  de 
rj\u;lise.  il  ne  pouvait  y  a\oir  de  coid'nsion.  tout  le 
monde  r-tant  daccoi-d  poiir  recliei'cdu'r  et  elahlii' dans 
le  mènn^  s<'ns  l'ordre  social. 

Malhenrensenienl .  cet  accord  ne  dura  |)as  |oiii;lenqis  ; 
de  Ixtnne  heure,  l  h^lal  secoua  le  j'ni;:  de  1  llulis»'  cl 
,l)ien(ôl  l'inti-oduclion  vn    OccidenI    du   droil    de   .lusli- 


101) 


nicii.  1,1  (Icrolivcrfr  <l('s  (»ll\  r.iufs  (I  Ari>lMlc  d  des  plii- 
ItiMiplics  uiTfs.  \iiii('iil  (humer  ;iii\  cspiils  ccl.iiiw's 
I  (MCisioii  (le  sr  liltcrcr.  (loiiiliir  les  .imhif iniis  du  jxtii- 
Milici\il.  rclilli(ilisi;isiiir  ;i  l,t  l'ois  cilldit  cl  iliuciill  drs 
|tiTiiii('i's  (•(iiiiiiiriitatcui's  des  .iiiciciis  dc\;iil  .iNoir  la 
jiliis  dan^ei'ousc  l'épcirussioii  sur  la  s(didaiiti'  des 
j>riii(i|>(>s  sociaux  et  la  \italit(''  drs  axiouM-s  juridiiiiics 
dout   !"(  Iccidcnt  (diréticu  était  redevalde  à  I  l'!i;lise. 

Si  dans  certains  l'^tats,  1  l'iulise  était  denieui-<''e  j»re- 
|»<p|i(lerante.  dans  d  autl-es,  à  cause  des  relations  conti- 
nuelles (|ue  lui  ini|M)sait  a\(M-  le  j»ou\oir  ci\il  sou  exis- 
tence tenipoielle  a  ]»art.  elle  s Ctait  de\  el<i|i|iee  à  c<'tt('' 
de  !  l'itat  et  (die  \i\ait  a\('c  raut(M'ite  sur  un  |)ie(l  de 
transaction  (|ni  lui  laissait  la  pleine  Jui'idiclion  sjiiri- 
t  ndle.  tout  en  se  sounn-ttant  |ioui'  le  tenip(n'(d  au  |iou- 
\(>ir  politi(pn'.  Ailleui-s,  Ij-ltat  lavait  entierenn-nt  domi- 
née, se  1  était  inc<)i'])oree  polir  ainsi  dir(>  et  reiixci'saut 
les  rAles  primitifs,  il  la  faisait  servir  à  ses  pro|)res  tins, 
t. ('pendant,  nulle  part  1  lvt:lise  navait  al>a:idonne  les 
|irincipes  ipn  lui  étaient  (  liers  et  la  coustMpieuce  la  |»lns 
innin'dial(,'  de  ce  coudiat  d  intluence  a  l)onlissa;:t  a  des 
traitements  si  divers,  lut  (|ue  les  |trincipes  directeurs 
de  la  société  piireUH'nt  laKpU'  se  faisant  jour  a  c  '  te  de 
1  ancienne  dis(i|dine  de  I  l'iillise  imposée  au  l'oUi  de 
1  l'.crilui'c  et  jtai'l'ois  arrivant  à  les  dominer,  on 
ni(dani:('a  dans  la  |uati(pn'  au  i:  r-e  des  iMti'r("'l^  en  jeu. 
mais  au  plirs  ui'aiid  domniaiic  de  la  s.iinc  lo;:i(|ue. 
toutes    les   notions    iuildKpU's   et    tolls    les   principes. 


—  101    - 

Il  sciiiltU'  iiii  ])r(Miii('i'  Jihofd  ([iH'  rEîilisc  (Mil  di'i  s(^ 
ivjoiiii'  (If  (M^ttc  f()nfusi(^ii  ([ui,  servie  [);u'  l.i  puissance 
réelle  ({uelle  conservait  encore,  semblait  lui  assurer 
dans  toutes  les  grandes  questions  de  la  vie  humaine  la 
prépondc^'rance  sjîi rituelle.  En  réalitc'',  le  fait  même 
que  d'autres  principes  ([ue  les  siens  aient  pu  prévaloir 
en  matière  politique  et  civile,  était  un  sympt(jnu^  dan- 
gereux ])our  les  principes  <[u'elle  proclamait,  laiit 
au  nom  des  Ecritui'es  que  ])our  satisfaire  son  ^oTit  par- 
ticulier de  domination. 

A  nn^sure  en  effet  (jue  l'Etat  s'organisera  daNaiitauc 
en  dehors  de  l'Eglise,  les  jurisconsultes  connaissant 
entin  un(^  société  laï(}ue  indépendante  s'efforceront  de 
dissi])er  (M^tte  confusion  de  jjrincijjcs  faxoraldes  à  lin- 
tluence  de  l'Eglise,  mais  fort  dangereuse  pour  le  jjlein 
développement  de  la  société  nouvelle.  Eeurs  raisonne- 
ments, d'abord  réservés  uniquement  aux  (piestions  de 
politi(|ue,  s'étendront  bieid(M  au\  mati(  res  d  ordre 
civil.  Des  deux  ])arts,  ils  s'eiforceronf  (r(''faMir  la 
raison  à  la  place  du  sentinu^nt  et  d'accorder  les  deux 
aspects  de  la  vie  sociale  en  montrant  sur  la  Nie  i)oli- 
t'ique  comme  sur  la  vie  sociale,  l'égale  et  la  seule 
influence  des  nécessités  matérielles  et  humaines  d'oi-- 
ganisation  sociale,  à  rex(dusion  de  toutes  causes  ('tian- 
gères  à  la  nature  même  des  choses. 

Flntre  I(>s  d(^n\  tendances,  la  lutte  fut  Ionique  et 
acharnée.  Menée  avec  vigueur  au  xvi'  sie(  le  par  de 
libres  esprits  comme  Bodiu  ;  reprise  a\  ec  nuHhode  par 


—  102  — 


M<)lltrs(|ui('n  ail  Wlll'.  c Cst  à  |irilic  si  de  ikis  juins 
iiotis  la  \()\(>iis  IciiiiiiKM'  |))ir  le  I  i'i<iiii|t|i('  |»i'(''S(Mit  de 
1  i'sj)i'it   |t()silir. 

A  I  t'|H)(|ii('  (Ml  ('criNail  M(iiit('s([iii('ti,  la  juisilioii  dr 
ll'li^lisc  (IciiKMirail  Irrs  l'oflc.  Nnii  sciili'iiinil.  il  \  ;i\ail 
riK'nfc  un  i:caii(|  iiuinlirc  de  croNaids  jerv  ciil-^.  mais 
(!<'  |)liis.  rilulisc  r(uis(M'\  ait  une  jiiridicli<iii  |tai'liciiliri'(» 
dans  la(|iir||c  iialiind  li-iiicid  1  csjirit  dt-s  lois  (-lail  1  cs- 
|)iil  de  ri!i:lisc.  Ajinitc/  à  cida  t|Ur  li-diicarMUi  de  la 
jciiiK'ssr  clail  loiilr  culit'i'c  cnlfc  SCS  iiiaiiis.  Si  dans  la 
])i-alii|iir.  la  siiiiiiiission  rtail  tiioins  !il)S(diii'  <|ii  aiiti'c- 
lois,  si  le  levé  de  lliroci-alic  iini\('i'S(dl<'  (|U  rllr  avait 
un  instant  can'ssf'  s'(''fait  d(''liiiiti\ cnn'ut  l'-xanoiii  dr\;int 
la  rudesse  (|ue  les  ,unu\  ernenieids,  et  en  pa  l't  ieul  ief  le 
t:(in\  erneuM'ul  de  la  h'i'anee.  avaient  mis  ;'i  f.iii'e  l'cs- 
]ieelei'  leur  droit,  en  r('a I it(-.  ri'tat  n'avait  |Kdili(|ii('- 
nienl  asM'ivi  ri",L;lise  f|n  en  lui  prêtant,  jimii-  laidet- 
dans  son  d'uv  re  morale,  tout  le  secours  de  sa  l'oree,  cl 
jamais  les  lois  de  |;i  i'(dii:ion  cl  les  prineij)es  du  droit 
canonit|ue  n  avaient  pesé  plus  lourdemeni  sur  la 
lihert»'    de    la   science    jiiridi(pn-    cl    sur   I  espril    des   lois 

pOSltix   CV. 

A  c  (Me  de  la  conlusion  des  coul  iiun-s,  oii  aucun  sv  sh-iiu' 
ne  pouvait  se  di'couv  rii- :  à  (ô|('  de  la  conriision  inlr'o- 
diiilc  dau'^  les  |tnn(ipes  de  droit  ji(diti(pw  cl  civil  par 
I  inllncncc  de  I  l'i^lisc  indiue  d  un  idéal  <''trani:cr  a  la 
lerre.  lions  trouvons  encore  une  autre  cause  de  coul'ii- 
si'Hi    dans     [e    (|('v  (doppcnn-id    (jiiavail    pris    |c    droit 


—  103  — 

romain  sous  lïmpressioii  do  la  découvorfo  de  Justinicn. 
D'abord,  il  semble  que  l'étude  de  ce  droit,  surgissant 
en  plein  moyen  âge  comme  la  raison  écrite,  alLiit.  en 
détournant  les  esprits  de  la  grossièreté  des  coutumes 
ou  de  la  minutie  des  procédures,  contribuer  à  ci-écr 
sur  des  principes  sérieux,  une  science  du  droit  i'ol)Ust<» 
et  saine,  également  éloignée  de  l'opportunisme  tci-re  à 
terre  du  droit  coutumier  et  de  l'idéal  surhumain  de 
perfection  auquel  tendaient  les  principes  du  droit 
canonique.  Et,  en  effet,  c'est  Inen  ainsi  (|ue  le  com- 
prirent les  premiers  connnentateurs  (|ui  s'adonnèrent 
avec  enthousiasme  à  léfude  du  di-oit  rouiain.  Ils  y 
reconnaissaient  la  })uissauce  construetiv(>  de  la  raison 
humaine  appliquée  à  une  société  constituée  unique- 
ment pour  elle-même  et  vivant  pour  elle-même,  dans 
laquelle  les  lois  ne  regardent  })oint  auti'e  chose  (fue  h*s 
intérêts  pratiquement  mis  en  Jeu.  Ils  \  trou\aienl 
l'organisation  d'un  gouvernement  très  fort  sei'\i  par 
une  administration  habilement  dév(d(q)pée  j)our  l'aire 
tout  converger  vers  lui  à.  l'exchision  de  tons  les 
intérêts  autres  que  ceux  de  l'I'Jat.  \-a\  un  mot,  ils  y 
découvraient  ■  un  modèb'  dont  la  Ixdle  (.rdoiinam-e 
contrastait  heureusement  avec  l'inccdH-i-ence  des  cou- 
tumes, en  même  teuq)s  (|n'nne  couceiition  Juridi<|ue 
dont  les  principes  s'a})])li(|naienl  plus  étroitement  et 
avec  moins  d'effort  aux  intérêts  politicpu's  de  la  \ie 
commune  des  hommes  (Mi  société.  Aussi  cette  len.ns- 
sance  du  droit  romain  marcpiait    pour  la   science  p<di- 


—  loi    _ 


ti(|llc  et  pniil-  I.l  sciciicr  jll  lid  ii  |llf  ]  il<  i|  iitllicil  t  dite  le 
|ii)iiil  lie  i|i-|),'ii'l  il  une  (■Ill.'lll('i|).'ltii)ll  lie  I.l  |)('liscr.  (Icj.'l 
m-  ]ii)ii\;iil  (|iic  srixir  1.1  cnisr  de  l.t  |t)i:i(|lir  rt  Ac  l;i 
l'.iisoii  et  (•  rst  liifii  .lilisi  ([lie  IrtiN  is.ii:»'  1  lvi:lisc  (1rs  Ir 
premier  iiinniciil.   |tnis<|iir    !»•   j).i|h'  JiuiKtiiiis   III   lit  on 

1220    (li-l'cllM'    (I  riiS(ML:iH'r    1.1    sciciKT    liolix cllr    (l.llls    les 

iiiii\  risilt's  rt  (Ml  |).irticiili('r  (l.llls  1  I  iii\cisitc  «le  P.ii-is 
(|lli  cl.iil  citiisiih-i'cc  ((IIIIIIK'  lil  loltcrt'ssc  et  le  sailc- 
lii.iirc  lie  I.l  |>iiic  (idciriiic  ('(•flésiasf i(Hic. 

(  !c|t('il(l;i  lil .  111,1  II:  rc  ce  (|ii  il  \  .iv.iil  en  elles  «le  l'.-iNd- 
r.llile  ;i    I  essor   de    I.l    peilvcc    lilire.     les    ('■tildes    de    droit 

riiiii.iiii  cdiit riltiiereiit  .ixcc  le  temps  ,1  ;iiiL:iiieiitei'  la 
(■(iiiriisidii  (|iii  existait  d<'j.i  dans  les  pi'incijtes  jiiri- 
di(|iies.  ji.ir  le  tait  de  l.t  (•(•existence  des  coutumes  de 
droit  l'eod.il  et  de  droit  canonique  j)our  n\i;l<'r  les 
miMiies  objets. 

{•]ll  ellct.  d  une  |»;irt.  .'i  cilise  (\u  respect  llK-llie  ipie 
Idii  ail  riliii.lit  ;'i  ces  textes,  ils  tiiiireiil  p.ir  |»elrilier  l;i 
science    |iiridi(pi(;   en    1.1    contin.iiil   d.iiis    l.i    discussion 

pUi'rile  de  siililililes  u  r.l  llim.l  I  ici  les,  en  I  .icc.lld.int 
solls  le  poids  de  coin  liiell  l.i  i  l'es  ipil  der(  d  >.l  ieil  I  .111  .juris- 
colislllte   I.l    n'.lllte   \i\.ilile  dolll   seule     il    doit   si  iis|  li  i-cr. 

I.oiiime  tout    le  iiKHide  .'iN.'iit    iiiii   par  snltir  (ddiu.itoire- 

ineill    celte    l'.IUsse    preji.l  r.l  1  ioll .     oll    conçoit     I   esprit    (pif 

pon\;iient  a|»poi'ter  a    reliide  du  droit   \i\.iiil   les   juris- 

colisnltes  (pi  (die  ;i\;iil  rorilies.  l'.l  l'on  (dni]H('nd  I.l 
r.iisoii  des  iii\  ecli\ es  des  liodin,  des  ISeaudouili  et  des 
llollm.iii    (diilrc    mil'    mi-lliodr    xi    sti-rile    cl    si    d(''s;is- 


—   105  — 

trousc.  D'autre  part,  le  succès  uième  de  ces  études 
avait  liui  j)ar  douiiei-  à  la  législation  de  Justinieu  une 
influence  empruntée,  mais  réelle,  sur  la  direction  de  la 
vie  publique.  On  a  supérieurement  démontré  comment 
les  principes  tirés  du  droit  romain  inspiraient  les 
légistes  dans  l'aide  ((uils  prêtèrent  à  la  royauté  fran- 
çaise pour  Construire  l'état  rentralis(''  (pii  dcxait  ahoutii* 
à  Fabsolutisme  de  Louis  XIV. 

Otte  influence  du  di'oit  de  .Instinieii.  si  (die  fut 
utile  au  dévelo])])ement  de  l'autorité  de  nos  rois,  le 
fut  incontestablement  moins  pour  le  développement 
de  uos  institutions  politiques  dont  elle  vint  contrari<'r 
l'évolution  naturelle  en  introduisant  dans  notre  droit 
public,  par  l'effet  d'une  adaptatiou  artificielle.  d<'s 
principes  qui  s'appliquaient  à  un  état  social  difféi-ent 
et  ({ui  étaient  le  résultat  dune  ionique  ('vohition  histo- 
rique sans  aucun  rap])ort  avec  ((db^  des  nations  occi- 
dentab^s,  et  en  ])articulier  de  la  l'rance. 

Malg'ré  cela.  1  accej)tation  (b'  ces  pi'incij)es  p.ii'  b's 
jurisconsultes  fut  aisée,  car  naturellement  <'q)i'is  doidrc. 
ils  étaient  séduits  ])ar  la  force  et  ])ai'  la  simj)licil<'-  de 
l'Etat  romain.  Le  succès  (pi  ils  cuicnt  au])rès  des  rois 
fut  naturel  car  ils  \  tron\aient  à  la  fois  un  ])rcccdcnl 
pour  satisfaire  le  lioùt  d  antorité  (|ue  1  exercice  du  pou- 
voir dévelopjH'  naliir(dlcniciit  (diez  tout  (Mrc  liuiii.iin. 
et  un  a])]iui  |)our  i-ejetei'  la  théoci'atie  Ncrs  la(|n(dlc 
tendait  l'Lulise  en  tant  (\uc  corps  j)oliti([ne  :  ainsi  (pn- 
l'esprit    libéral,    connnuniste    nu'me,    (|ue   i'('pandaient 


106  — 


(Inns  los  mnssr'v;  coiix  dos  hkmhIuos  «le  rFiiliso  fpu 
rt.iiciit  \)\\\^  t''|ti'is  (le  ridi'.il  ('-N ;iiii:rlitnir  «jnc  (les  satis- 
faclidiis  (le  la  |i(iliti(|ii('. 

(  !<']>cii(Iailt ,   tous   tt'\l\  ([Ile  l<''sai<'||t  ces  (Idcfl'ilK'S  Tioil- 

vcllcs  :  les  n(tl)I<'s,  (|ui  (•l'aiuiiaiciit  jMHir  Iciiis  [»i'i\  ilriirs 
somcraius  ;  lo  clcrur,  ([tii  \  oyait  ^oii  iiitlnciicr  jioliti([ii(' 
l'ôdiiitc  :  la  lioiiraodisic.  cnlin  (|iii  sentait  lui  rrliappcp 
IC^lHiii-  (riiiic  |»;irtici|iatioii  ;iu\  .ill'aii'fs  i|Ui'  son  Iraxail, 
SOS  richi'ssos.  sa  scicinc  et  nn-nic  1  ajipui  intoi'cssô  dos 
l'ois  dans  le  nioniont  on  ils  s Css.iyaiont  à  fonder  loni' 
autoi'ité,  a\aioiit  pu  lui  poianotti'out  l(\uitini<'nioiit  i{(^ 
concoNoii'  ;  toutes  oos  diiréroiites  j)ai-ties  de  la  uatiou. 
coiisoiN  aient  los  youx  fixôs  sui'los  ti'a<litions  ainiennes  do 
la  niouai'c  Jiie  dont  <dl<'s  in\o(juaient  les  lois  l'ontlanien- 
tales  jionr  les  o])|»osei'  an  non\td  espcit  dalisolutisine 
(|ue  (lé\  (dopjiait  dans  la  nionait  liie  1  e\enijde  du  dr(»it 
romain. 

Ainsi  la  scienee  du  droit  puldir.  jtar  1  elj'et  de  l'intro- 
duction et  i\\i  succès  dos  priucijx-s  romains,  oscillait  au 
moment  même  où  (die  se  constituait  entre  trois  ten- 
dances diilV'ri'nles  issues  de  trois  espèces  dillV-i'outos 
de  j)rincipes  contradictoires  :  ceux  que  pri'ni.iil  rivi:lise. 
au  nom  de  la  siiperitU'ité  des  lois  dixines  sur  les  |(»is 
humaines  ;  ceux  ipu"  dè\  eIo|»|)aient  les  romanistes,  ;iu 
nom  «le  1.1  force  dr-  1  ad  mi  n  isf  rat  ion  impeiiale  ;  ceux 
eniin  dont  se  recl.imaienl  les  esprits  hlii'r.inx  .lU  nom 
des  traditions  paiticulières  de  la  inon.irc  liie  française, 
lous  ces   piin<ipes  se  nndaient  s.ms   ordre,   cl  cjiacuii 


—  107  — 

les  iii\'n(]iiait  tour  à  t(»ur'.  jjliitnt  pour  los  besoins  do  sa 
cause  ({uo  jtjii'uuc  \  Uf  hion  claire  de  la  valeur  louitjue 
des  foiideuiciits  sur  lesf{uels  ils  s"a])puyaient. 

Dans  le  dcjinaine  du  dmit  pi-i\(\  riiitr<Kluction  des- 
principes  du  droit  romain  eut  aussi  (pioiipià  un  degré 
moindre,  des  conséquences  importantes. 

Tout  dahord,  l'exemple  de  la  léirislation  romaine 
contribua  à  développer  la  j)roc(''dure  dans  un  sens 
plus  rationnel.  Sou^  cette  iiitluence.  le  système  (1(>  la 
preu\('  ])ar  teiudins  et  ])ar  eiicpiète,  sétaMit  ])Ius  fci-ine- 
ment  et  la  justice  devint  plus  impersonnelle  en  nuMue 
temps  (pie  plus  raisonnable.  De  plus,  en  présence  du 
droit  féodal  dont  toutes  les  règ-les  en  matière  privée 
n'avaient  d'autre  but  cpu'  de  soutenir  le  système  j)oli- 
ti([ue  dont  (dles  sortaient,  le  di'oit  romain,  plus  p'^ié- 
ralenient  linniaiii.  jdus  l'i'ellenient  \i\ant,  \int  ])rèter 
son  appui  au  droit  coutumier  ([ui  régissait  la  société  de 
tous  ceux  (pii  n  l'-taient  ])oint  uoMes  l't  ne  ]»ou\aient 
prétendre,  pai-  (pndcpie  expédient  (pie  ce  fut.  aux  privi- 
lèges féodaux. 

Le  droit  coutnniier.  en  ell'et.  à  rin\ei>e  dn  droit 
féodal,  et  conJ'oi'nK'menl  anx  pi'inci[)es  du  droit  roniain 
déjà  admis  an  temps  de  Th(''oi|ose.  pratl(|nait  le  jiar- 
taue  des  liiens  pateinels  ou  malern(ds,  nn-uliies  on 
immeuhles.  entre  tons  les  <mfants.  reconnaissait  en 
général  r<''i:alité  des  frères  et  des  S(eui's.  ])i'o<  lam.iil 
1(^  droit  éi:al  des  ('-poux  anx  choses  acijnises  pendant 
le    mai'iaue    et    i^rand  ntimljie    d'autres  rèi:les  concer- 


—   108 


Il.llll    1rs    iilili::,lti(ilis    et    1rs    cnlitl-.lls    i|||i    t  l'i  dl  \  il  ic  II  I    li'llf 

|iriiiri])<'  (|,iii>  lin  seul  di-sir  d  (''L:;ilil<'  l'I  dr  iiislicc.  |t(iiir 
|i!'c(isi'r   li's  r;i|t|)(trls   sdci.nix  ;iii    niifiix  «les  inli'ii'ts  cl 

ilfs  ;ill'r(t|itlis.  (  )r.  (I.llis  les  sitilcifs  (  »ic  h  le  |il,i  les.  à 
ciUsc  (1rs  |tfi\  ilriics  .icrnrdi-s  ;iii\  lirl's,  il  iM'I.iil  prp- 
soiilir  d  lin  |tril  ;iisr  (|lli  lir  (  lir [•(  li.'it  .1  siissurrr  Ir 
liriirlicc   d  lllir  IrlTr    l'rud.llr   on    t\t'   son  r(  |  il  i  \  ,i  Ir  il  t . 

An  <l<'tniiiriit  i\c  1,1  socirlr  iiomi.ilr,  1,1  sncirir  IV-o- 
d.'llr  ;i\,'iit  ;ir(';i|);i  rr  lolllr  1,'lltrnliMii  ri  l'.nl  |  trrdnini  nr  f 
d.IllS  IdIIs  1rs  dimi.lilirs  suli  ili(]||rlMr  spcrLilr,  \'.\\r 
ritiisrrva  |i)|ii;t('lll|)S  ses  dclriisrills.  rt.  |i;il(r  (|nun  lir 
sii\;iit  |»;is  rrcoiin.'iit  rr  roiiuiiii'  |i;i  rtir  iilirrr  drs  lois 
IV'odalrs.  il  y  a\ait  dans  la  soric'-t*'-.  au  iiraiid  |ir<'JMdirr 
i\r  la  loi:ii|nr.  un  conflit  entre  les  |»riiici|»es  nouveaux 
et  les  ju'iiieipes  aiieieiis  de  nature  a  entraiiier,  sinon 
dans  la  |)rati(|iie.  au  iiioins  dans  la  tlieorie.  une  eonru- 
sioii  dont  la  scie  liée  du  d  l'oit  était  la  \  ht  une.  Il  est  \  rai 
de  dire  (|||e  jdlls  le  tiers  i'itat  uiraiidil.  et  (|lle  jiliis  il 
|tril  uni'  [ilace  iniportante  dans  la  \  i<'  sociale,  jdiis  le 
droit  roiiiain  se  ri'|taii<lit  cl  |dus  il  sariirnia  contre  ta 
rcLlIc     idéale    de     la     socii'de     cixde,     ail     point     (|ne     jiar 

|)<niial  d  alioid  cl  |iar  polluer  eiisiiitc.  il  huit  jiar  pas- 
ser re(dlcliieiit  dans  la  loi  ci\ile  de  I  ancien  reiiiliii' 
d  oii  il  s  est  peip('lu(''  jus(pic  dans  le  inilre.  Mais,  ail 
niollieiil  où  il  apparut  dans  une  société  toute  leodalc 
et  tonte  r(dii:ie||se.  sa  lloll\eailte,  ses  disseliddanccs, 
dues  a  la  diUV-rciice  des  telli|»s  et  des  IlliiMI  l's.  de\  a  ieU  t 
jeter   le    troultle    daiis    Iticn    des   csprils.    (Quelle    science 


—   109  — 

dn  (Iroil  ]»(»n\ait  cxistci-  Jiloi's,  <ju;ui(l  le  di-oif  sr  coni- 
posjiil  (le  tant  d  élcinciits  di\(M's.  s'apj)uyant  chacun, 
tant  au  point  do  vue  ])(»liti(pi('  ([u  au  point  de  vue  civil 
sur  tant  de  pi'incijics  différents. 

Ajoutez  à  cela  (pià  partir  du  \V  sicclc.  le  progrès  du 
travail  libre,  le  développement  des  rapjjorts  commer- 
ciaux \  ini-ent  forcer  la  théologie  et  la  morale  à  recon- 
naître la  légitimité  des  ettbrts  (jue  tirent  les  particu- 
liers pour  s'enrichir  par  1  industrie  et  le  commerce.  La 
vie  économicpie  prit  ainsi  par  la  force  des  choses  place 
dans  les  j)réoccupations  des  lét;islateurs.  et  par  suite 
elle  entra  dans  le  (hunaiiie  du  droit.  .Mais  en  y  eidrant, 
elle  introduisit  à  son  tour  un  princijx'  nonxcau  :  c'est 
(jue  tous  les  eit'orts  faits  dans  le  sens  de  iacipiisition 
des  richesses  ont  leur  raison  d  être  dans  les  I)esoins  (h- 
la  société  et  les  exiu-ences  du  hien  j)uldi<-.  Les  sc(jlas- 
ticpu's  le  reconnui-ent  les  pi-eniiers  :  mais  eiicid-e  tout 
ind)us  de  leur  concejjtion  religieuse  et  juoiah-  de  1  oi- 
dr<'  social  :  il  ne  se  doutaient  pas  de  la  foilnne  cpii 
de\ait  ('(dioirà  ce  |»i'incipe  dans  la  créatiou  de  la  science 
])ositi\e  Au  droit. 

\]\\  allendaiil.  de  la  coexisieiice  de  Ions  ces  droits  el 
de  l(»us  ces  iiiter('ts.  naissaient  une  <''trani:('  ciinlnsion. 
(Uiacun  s  ('ll'orcait  de  taire  |»re(lomiiier  sa  propre  con- 
ception de  Tordre  :  selon  le  teni|)s  et  scdon  h's  aul<-urs, 
on  se  réclamait  des  uns  ou  d<'s  antres. 

L'est  dans  l'oi'dre  politicpii-  surtout  (iiie  |  on  ne 
savait  au({U(d  entemlre.  Les   uns  faisaient  de   I  autorité 


—    110  — 

(lu  l'ni  I  im;ii:c  dr  1  .lutniil»'  (li\im'  cl  |iit'lrii(l;iiriil  la 
iiiiiilt'i'  idiiniic  celle  (le  Dieu,  j»ar  sa  |>i(»j»re  justice  ef 
])ai'  sa  pi'djii'e  |»(»iile.  se  r'csei'Nanl  toutefois  je  dntit  de 
la  dii-iiiei-  et  de  !'('(  jaii'er  eu  leur  ((ualité  (ruiii(|UCK 
deteufeui's  de  la  sainte  Parole.  Les  autl'es.  ue  Soii- 
ucjint  (|u  à  restaurer'  la  souvei'aiue  |)uissauce  de  la 
uiajeste  iuijK'riale.  ((iud(jiU's-uus  eidiii.  sentant  la  forer" 
(\u  j)fni|>l<\  osaient  [jrétendre  à  la  soUNcr'aiiielé  de  l.i 
nation  dont  les  i-ois  ou  los  ]ua,i:istrats  lu*  scM'aient  fjiie 
les  (l('l(\i;ués. 

(lest  aux  \iv'  et  w'  siècles  surtout.  (|U  a  j)|»a  ta  it 
cette  dernière  lhe(»rie  lol'S(|Ue  les  rois  eurent  Itesoiu 
de  l'aire  aj»|)<d  a  la  l>onrse  de  leurs  sujets.  Il  \\'\  ;i 
rien  de  t(d  (|Ue  de  |ia\ei'  |>ourse  sentir  aussit('it  des 
(h'oits  :  c  est  un  sentiment  (|ui  durera  autant  (|in> 
1  liuiuanit('-. 

h  un  antre  c(Me.  les  à|ii-es  luttes  r(diL;ieu>ses  du 
\\l''  si(''(  je  et  la  \i(dence  (|Ue  loi)  prétendait  l'aire  aux 
consciences,  jil  aj»|»re(ier  /i\cc  une  s\in])atln<'  .Jus- 
tin alors  inconnue  les  liienfaits  de  la  lil»ert('.  .Mais  alors, 
dès  (|ne  I  on  raisonna  sur'  ces  besoins  fondatuentaiix  de 
la  \ie  sociale,  ajiparirt  dans  tonte  sa  force  la  liitle  des 
|»r'iiici|tes  coiitradictoii-es.  la  confusion  (|n  (die  enL:cn- 
dr'ait  et   la   m'-cessite  d  \   |»(U'ler  icnhMJe. 

pour  c(da.  il  ue  sufjisait  jias  (\\\  sentinteiit.  iU\  c'est 
au  nom  du  sentimerd  (|Ue  les  d(>|)ul(''s  des  l'itats  Lîérré- 
r-aux.  comrtie  les  jurisconsultes  faiseirrs  de  lilifdles, 
|>i-o(laiuaierit  leurs  droits  nu  liAtiissaienl   leurs  théories 


—  ill  — 

dans  Icsffuellos  il  faisaient  ajjpel  aux  arguments  d'ori- 
gines les  plus  diverses. 

Les  protestants  à  l'aide  de  la  Bible,  les  catholiques 
ap[)uyés  sur  les  Ecritures,  les  uns  et  les  autres  renfor- 
çant de  lautorilé  des  anciens  leurs  théories  les  phis 
suhversivenient  logiques,  et  les  assaisonnant  de  leurs 
passions,  remettaient  en  (piestion  tous  les  principes  et 
toutes  les  traditions  qui  avaient  étayé  jusqu'alors  l'ordre 
social.  Blessés  par  le  pouvoir  qui  les  2>ersécutaient  ou 
ne  les  soutenait  pas  assez,  ils  en  discutaient  l'origine, 
l'usage  et  les  devoirs,  et  ils  |)roclaniaieiit  le  droit 
aI)solu  des  gouvernés  à.  dresser  contre  lui  le  témoi- 
gnage de  leur  conscience  et  le  sentimcMit  de  h'ur 
liberté. 

Mais  jamais  le  sentiment  n  a  rien  pi-ou\é  dans  la 
])rati(pie  ;  il  est  aussi  varié  (jue  la  nature  (b's  in(li\i(his 
(pii  le  ressentent  et  r«^xpriment  et  tous  les  ai'gumeiits 
lui  sont  bons  pourvu  qu'il  se  satisfasse.  Aussi  le 
déchainement  des  revendications  i[uo  l'on  voit  jiaraitro 
alors,  loin  de  dissi|)er  la  confusion  ne  fît  encore  (|ue 
l'accroître  en  jusliliaiit  ])artout  la  fi'xojte  ouverte  et  le 
n^épris  des  usages  et  des  traditions,  en  poussant  nn-me 
au  renversement  des  l'ôh's  jus(|u"al(U-s  teinis.  il  rs\ 
vrai  que  la  spécieuses  logi(jue  de  la  théorie  du  contrat 
originel  fait  de  la  niasse  du  peuple  le  souverain  dont 
le  magistrat  ne  doit  être  (ju'un  délégué  obéissant. 

Ce  qu'il  fallait  ])oui'  sortir  de  cette  inipass<\  tant  eu 
droit  public  qu'<;n    dnùt   privé,    c'était  nn(>    méthode 


—  1 1  -J  — 


(1  ;iii.il\sr  jilli(lii|ll('  <'\;i<t('  cl  prt'cisc  sci'N.llit  <!••  l)asr  à 
lllif  sviitlicsc  l',iisiiliii;ili|('  lies  cliMiiriiK  itcomiiiis. 
Hodiii  (Mit  1  IloiilH'iir  il  cillirNitir  un  drs  |»|-i'llliris  (  rllc 
issiK". 

li'cst  <"ll  ITiiiuiil.iiil  ,iii\  s(>iircr>s  liislii|-i(|||fs.  <l  où 
soi'l.iil  I  (>ri:;i iiis;ilii)ii  ]»(iliti(|iir  (lr>  |i('ii|»l<'s  iiifulrriir^, 
<|iiil  |»r('lcii(l;iil  rcsoiiil  rc  i  .ilKiiiiicllfinciil  les  |trn|ilr- 
lucs  (|iic  s(Hil<'\;iit  Ir  droit  puldic  c Cst  d.iiis  iiiic  ;iii;i- 
l\st'  dfs  coiidilioiis  iii;it(''ri(dlcs  iiiipoM-cs  a  la  \it' 
sociale  par  la  iialmc  |tli\si(Hif  ou  |)ar  ((dlc  il<'S  raj»- 
|iorts  sociaux,  (|u  il  ci'o\ait  lcou\cr  les  jti'inci|»i's  cci*- 
taius  du  di-oil  cixil.  counuc  du  dioil  ccououiii|uc. 

(iepciidant.  lualurc  loulc  la  \alcur  des  écrits  de 
Hodin.  ils  ue  douuaieni  (pu*  des  indications  dont  les 
contemporains     ne    pou\aient    saisir-     toute    la    |ioi'tee. 

Leur   esjiril    tlieo|oi;i(|Ue.  les  lialutudes  étroites   t\i'   colU- 

nuMitateiirs  du  droit  i-ouiain.  laltsence  aussi  de  docii- 
nu'ids  |)our  l<'s  ('tudes  jutsilahles  nét-essaii'es.  leurs 
|)assions  eiiliu  s"\  opposaient.  Hodin.  lul-nn"uue.  n  est 
dailleurs  pas  dtdtarrassc  conijdetenient  des  idées 
anciennes,  et.  a  <(~ite  des  \  ues  les  |)|us  neuxes  et  les 
plus  liardies.  un  trouve  (die/,  lui  hien  des  sur\i\aiices 
ou  I  ou  rec(Uinait  la  niaripu'  de  lesjuil  sc(dasti(pic  de 
ri:^lise,  d'.Vristoti'   et   de  IMaloii. 

l'ourlant,  couinu'  I  (ui  sentait  jdns  (pie  jamais,  sur- 
tout a|»res  les  luttes  et  les  dt'cliii-ements  <|||  \  \  i'  sièide, 
le  liesoiii  d  ce  la irci r  jia r  des  principes  certains.  uiii\er- 

Sellemeilt    accejiles,    le    sens  des    lois    est    de    coordonner 


—  113  — 

en  une  science  unique  celle  de  tous  les  droits  divers 
auxquels  la  société  faisait  appel,  quelques  esprits  pen- 
sèrent trouver  la  clef  en  développant  les  notions  de 
droit  naturel  sur  lesquelles  les  jurisconsultes  romains 
avaient  étayé  tous  leurs  raisonnements  juridicjues  et 
qui  avaient  l'avantag-e  d'appartenir,  moins  à  telle  ou 
telle  confession  cpià  l'humanité  toute  entière. 

Ces  nouveaux  principes  entrevus  depuis  longtemps, 
mais  développés  avec  ordre  au  commencement  du 
xvn''  siècle  par  Grotius  et  Puffendorf  eurent  bientôt 
une  vogue  extraordinaire. 

Dilierent  en  effet  de  la  morale  religieuse  qui  ne 
s'adresse  qu'à  la  conscience  individuelle,  et  ne  songe 
qu'aux  destinées  futures  de  l'àme,  le  droit  natui'cl 
avait  encore  l'avantage  de  tenir  plus  de  compte  ((ue 
Platon  et  Aristote  des  besoins  de  la  société  civile  et 
de  ses  conditions  d'existence  tout  en  restant  assez  géné- 
ral pour  s'appliquer  à  tous  les  hommes.  D'après  les 
auteurs  de  cette  école,  les  devoirs  extérieurs  de 
riiomnie  ue  sont  point  (b'-tei-minés  seulement  j)ar  le 
souverain  de  l'I^tat.  mais  jjar  la  nature  proj)re  de 
l'humanité  dans  laquelle  on  peut  seulement  retrouver 
le  fondement  premier  et  légitime  des  sociétés  bumai- 
nes.  Le  droit  naturel  peut  être  envisagé  sous  trois 
points  de  vue  difterents  qui  se  complètent  niuluelle- 
ment  et  finissent  par  embrasser  tous  les  rapports 
sociaux  et  l'idée  de  justice  elle-même. 

Sous  un  premier  point  de  vue,  le  drait  naturel  ne 
Oudin  s 


-  114  — 

commit  (}iu'  dos  i-;ij)j)<»rls  (jui  s  inijioso»!  à  1  lioniiuc 
par  le  seul  l'ait  ilo  sa  naissance  et  par  la  place  quil 
tient  au  milieu  des  autres  honmies.  Dans  ce  sens,  il 
s';ippli([a<'  j)airKnliri'(MU»'iit  an  niariag-e  et  aux  liens  de 
famille,  laissant  de  rCAo  tous  les  rapports  ({ui  dérivent 
du  dévelop])ement  de  la  civilisation. 

Ces  dernieî'S  i'a]>ports  forment  comme  une  seconde 
couche  du  droit  naturel  (jui  s'occupe  <ie  la  propriété 
privée  et  des  contrats  usuels,  ainsi  que  des  fondements 
naturels  ot  léi:itinics  de  la  société. 

i'infin,  eii  dernier  lieu,  et  pni"  une  oxttMision  abusive 
des  mots,  le  droit  naturel  est  conçu  comme  la  forme 
supérieure  de  l;i  justice  ;  il  se  confond  avec  l'étjuité 
naturelle  et  avec  la  morale.  .Vlors,  les  confusions  (jue 
l'on  prétendait  éviter  reparaissent,  car  on  réintroduit 
dans  une  matièi-e  essentiellement  positive  les  spécula- 
tions philosophiques.  La  loi  naturelle  devient  Texpres- 
ston  de  l'idéal  divin  déposé  par  Dieu  même  dans  le 
caMU-  des  hommes  et  c'est  ainsi  (pie  l'entendent  (îrotius 
aussi  bien  <|ne  Domat,  lorscju  ils  assignent  aux  lois 
j)our  fondenieiil  et  ])our  hase,  rhonuctetc  morale  et  la 
volonté  (JiNJne, 

Mn  résumé,  an  moment  où  Montes(jni<Mi  <''j)r'on\e  le 
hesoin  de  i'(''tl('<liir  sur  \  Esjirit  des  Lois,  on  se  tn^nait 
an  ferme  d  nn<'  e\ohilinn  de  faits  et  d'idées  foi't  com- 
]deN('  <|ni  rcml.iit  ni'-rcss.iiiT  une  <  lassiiicatir»n  ration- 
nelle (Ir,  I  il.il  de  stabilité  aloCK  établi  rnjjn  «Ml 
Occident  [>;uini  les  rapports  sociaux  présentait  l'occa- 


sion  la  plus  i'avoraljlc   pour  uiesurer  le  oheuiin    par- 
couru. 

Partout,  en  effet,  les  j^ouvernenients  avaient  actjuis 
une  forme  (jue  Ion  pouvait  considf'rer  connue  di'-ilni- 
tive.  Partout  les  rapports  sociaux  s'étaient  étendus  ])ar 
un  dével<jppenient  du  coJuuuMxe  et  de  Fiiulnstrie  (]ui 
multipliait  les  points  de  contact  entre  les  nations  ainsi 
qu'entre  les  gouvernants  et  les  gtmvernés.  Vu  champ 
plus  vaste  et  par  suite  plus  tÏM-ond  s  ou\  iviit  à  1  analyse. 

Le  déveloj^pement  des  classes  moyennes  en<în  gran- 
dies à  travers  une  lutte  opiniâtre  contre  les  difficultés 
matérielles  et  sociales  de  toute  espèce,  avait  rvôô  un 
courant  d'esprit  plus  vpvïs  de  r('M!it(''s  (|U('  de  spcrula- 
tions  vides,  et  cet  état  d'esjd'it  »''tait  (Muineinincnt  favo- 
ral)le  à  l'inti^oductioii  dans  les  sciences  jui'idi([U('s  dnn 
esj)rit  d  analyse  p:;siti\('  où  les  faits  tiendi'aicnt  plus 
de  place  que  la  théorie. 

A  tous  les  points  de  \  ne  donc,  le  moment  i'tait  fa\(»- 
i-al)lc  pour  entreprendi'c  un  \aste  travail  de  cooi-din.i- 
tion  juridi(pie,  c'est-à-dire  pour  la  ciu'atioii  <l  une 
méthode  capalde  de  i-(''soudre  les  contradictions  et  les 
confusions  accumuh'es  de])uis  des  siè(les  ]iai'  I  etl'et 
des  causes  que  nous  \enons  d"ex])oser. 

Le  moment  était  favoralile  j'oni'  d'autres  raisons 
encore.  Tout  dahord.  à  moins  d'un  boulevei-sement 
complet  des  fondenu'ids  de  la  soci<'tt'>,  on  ne  pou\ait 
imaginer  pour  la  science  du  droit  d  autres  éh^nuMits 
que  ceux  que  connaissaient   déjà  les  sociétés  occideu- 


—  1  m;  — 

talcs  :  ('Iriiionts  puisés  aux  sources  romaines,  aux 
sources  Jjarhai'cs,  aux  sources écononii(|ues,  aux  souices 
coutuniières,  à  l'équité,  à  la  charité,  à  Tintéréf. 

h  autre  [)art,  il  venait  (i«»  se  produire  sous  le  i'ét:ii('  de 
Louis  XIV,  sous  l'influence  de  (]oll»ert.  de  Pussoit  d  de 
Lamoignoii.  un  \.iste  uiouvemeul  Icuislatif  (pii  n  a\ail 
pas  encore  j)roduit  tous  ses  fruits  et  i\ur  la  inoiiaiM  liie 
se  dis]iosaif  à  continuer. 

Au  [)<»int  de  vue  politicpie  enfin,  le  xvu''  sièi  le  avait 
vu  se  développer  deux  formes  contradictoires  de  u<ui- 
MM'Uenient  :  en  Angleterre,  le  gouvernement  liheral 
a\<'e  le  triomphe  de  la  dé(dai'ation  des  droits  accejitee 
par  (liiillaunn^  III  ;  en  l'rance,  c  était  laUsolutisnii' 
sans  contrepoids.  inau,i;ui'é  par  Louis  XIW  Si  Ton  peut 
dire  «pie  cette  déviation  était  dans  l'esprit  des  rois 
capétiens,  elle  était  ])our  le  moins  contraire  ajix  j)ius 
\  ieiljes  traditions  nationales. 

\'A\  l'ait,  il  était  donc  utile  de  toutes  façons  de  ramener 
les  esprits  à  une  anaKse  plus  (laire  de  toutes  les 
notions  jm-iditpM's  dOù  dépend  lOrdi-e  social. 

I!n  théorie,  la  tournui'e  des  esprits  éprise  de  realité 
et  déraison,  les  |>rincipes  de  la  \i'aie  met  hode  scienti- 
li(pu*  exposés  pal'  l)es<-artes  et  dé\(doppes  par  ses 
discij)lcs.  pi'éparaient  une  \<iie  sure  oh  I  on  |)on\ait 
s'engager  avec  confiance  à  la  r<Mliei(  lu;  de  la  véi-ité. 

C'est  dans  cette  \oie  (|ue  s'engagea  Montesquieu. 
Nous     aNoiif.    montre    comment     les     principes    de    la 


—    1  u    — 

méthode  cartésienne  peuvent  s'appliquer  à  la  méthode 
suivie  par  Montesquieu. 

Faisant  abstraction  des  théories  énoncées  jusque-là 
et  ne  s'en  souvenant  que  pour  leur  opposer  les  résultats 
de  son  analyse,  Montesquieu  se  préoccupe  selon  les 
précejîtes  cartésiens  de  rechercher  les  éléments  simples 
de  la  vie  sociale  que  les  lois  ont  pour  objet  de  régler, 
de  classer  les  rajjports  qu'ils  ont  entre  eux,  de 
manière  à  bien  distinguer  les  principes  qui  s'appli- 
quent à  chaque  ordre  de  phénomènes  étudiés.  Ainsi,  il 
pourra  raisonner,  sans  risque  de  s'égarer,  sur  des 
notions  claires  et  évidentes,  parce  quelles  se  rapj)or- 
tent  toutes  à  la  nature  des  choses.  Aussi  ne  s'einbai- 
rasse-t-il  pas,  avec  raison,  de  rechercher  l'origine  de 
la  société  ou  du  pouvoir,  aussi  ne  se  demande-t-il  j)iis 
à  qui  appartient  ou  n'appartient  pas  la  souveraineté  ; 
ce  sont  là  pour  lui  des  spéculations  abstraites  et  sans 
aucune  utilité  pratique. 

Deux  faits  primordiaux  sont  certains,  c'est  (jue  h's 
hommes  vivent  en  société  et  que  les  lois  continuent  à 
maintenir  l'ordre  de  ces  sociétés  pour  leur  jjermettre 
de  se  conserver. 

Pour  se  rendre  compte  de  Y  Esprit  des  Lois,  il  sut'tira 
d'analyser  d'une  part  les  besoins  ])ermanents  et  géné- 
raux de  l'homme  vivant  en  société,  besoins  innés, 
pourrait-on  dire,  résultant  en  tous  cas  du  fait  social 
dans  ce  qu'il  a  de  plus  général  ;  et  d'autre  part  li's 
besoins  dérivés  de  certaines  causes  secondes  (jui  nioiH- 


-   IIS  — 


lient.  |);ii-  le  ((tiif.irl  (le  1,1  n'-.ilift'',  l;i  vie  sr»ci;il(' 
al»sfi-;iit(*  et  lui  (loiinciit  les  diUciTiifs  .isjx'cfs  (|u Cllr 
|)(Mit  rcvriir. 

Les  licsnilis    ililli'S  sont  celui    (l'.illturiN''   et   de  liliel't(''   : 

I  ;iiif<>rite  jxnir  iii;iiiiteiiir  uni  le  cdciis  s(ici;il.  |;i  lilterte 
])(>iii'   satisf.-iii'e    les    hesnins    j)ai'tienliei's    des  irnlixidiis 

(|ni    Ir    e<tni]>n>«ent. 

Paiini  les  liesoins  (l(''ri\  l'-s.  il  faut  ran;^er  tous  ceux 
(|ui  rt'snitent  des  relations  niatéi-iellcs  et  mofalcs  entre 
les  dill'erents  ur'tujtes  dlninianitc'  (ni  entre  les  indi- 
\  idus. 

Les  lois  de  tout  ordre  j>o|ili(|ues,  cixiles,  »''(t>no- 
jni(|nes.  de  droit  des  u(Mis.  de  discipline  ec<d»''siasti(]nes 
même,  n  ont  d  antre  ohjet  ([ne  de  rt-pondre  à  la  satis- 
l'actioli  de  ces  Itesoins  ([ne  crée  la  nature  des  «dioses, 
satislaction  sans  la([U(dle  la  soci(''ti''  ne  sain-ait  \i\re. 
J'olU'  connaître  res|)rit  de  ces  lois  et  leurs  limites,  il 
>snl'lira  de  lonjoni's  Ic^  ra|i|>orlerà  I  o|»jet  nn^ne  ([u  (dles 
(loi\ent  r(''L:!er,  (dtjet  dont  laii;d\^e  a  l'ait  c(ninaitre  le 
caract("'i'e  [)articnliei'. 

lai  ces  (|U(d([nes  mots  r(''si(le  t«nit  1  /•.%/>/■//  ili'-~  l.nia  ef 
toute  sa  nu'tliode.  Si  I  une  [tarait  tro[i  sinijde  et  I  autre 
tro]i  teia-e-à-terre.  il  ne  laid  |»as  s  en  [daindre.  c  est  la 
conditinii  nii^ne  de  son  succ(''S  et  le  -'i-e  de  la  \(''rit('' 
des  [ti'inci[tex  ([ni  laninnui!.  l'nissious-nous  les  axoir 
(l(\i:*aLr('S  dans  toute  leiu'  imUNcaute.  dans  toide  leur 
unifi-  et  dans  toute  leni-  force. 


Montesquieu  et  Spinoza 


lout  porte  à  croire  que  Montesquieu  connut  par 
lui-même,  au  moins  dans  leur  ensemble  les  doctrines 
de  Spinoza.  Dans  quelle  mesure  ont-elles  pénétré  sa 
pensée?  Les  accusations  qu'on  lui  a.  adressées  sont-elles 
justifiées  ? 

Il  nous  semble  qu'il  faut  tout  d'abord  distinguer  dans 
cette  recherche  deux  ordres  d'idées  et  comme  doux- 
faces  de  la  cjuestion. 

Il  y  a  dans  le  système  de  Spinoza  toute  une  partie 
abstraite  et  métaphysique  dans  laquelle  le  philosophe 
expose  sa  conception  do  Dieu,  de  rame,  de  riioimiic, 
et  détermine  les  rapports  de  la  divinité  avecla  ciMNiliDii. 
Ces  spéculations  constituent  l'otijet  de  l'Ethique  <|ni  a 
pour  but  de  fonder  les  liases  (\o  la  vio  morale  et  dCii 
établir  les  règles,  (j'est  donc  en  vue  dune  action  con- 
crète sur  les  hommes  que  Spinoza  rétlécbit  et  éci'it.  Sa 
niétaphysique  est  pour  lui  un  nio)(Mi  et  non  une  lin.  l'n 


-   h20  — 

cela.  iii,ili:i<'  sou  isolciin'iil  \  oloiitaiir,  il  |)aiti(i](f  à 
r('S|il'il  (Ir  son  siècle  dont  loiiies  les  leil<laiices  |iliilo- 
s<)plii(jiies  sont  tournées  vers  la  praticjue  beaucoup  |»lus 
(jue  vers  la  théorie.  Cette  praticjue  c'est  celle  de  la  vi(» 
intellectuelle  et  morale.  Etablir  cette  ])rati(|ue  sur  <les 
principes  solides  avait  été  déjà  ramliition  <le  hescai'tes. 
("/('tait  celle  (le  toiis  les  (trateui's  de  la  cliaii'c  clii-etieinie 
(le}>Mis  Hossuel  jus(jU  à  HolirdaloUe.  (ie  l'ill  aussi  c(dle 
des  écrivains  cpie  Wwi  a  apjxdés  moralistes,  (les  der- 
niers sajjpuyaient  sur  1  expérience  journalière.  Les 
sermonnaires  puisaient  leurs  principes  dans  F  Ecriture 
sans  s'interdire  toutefois  les  révélations  d'expérience. 
Les  philosophes  allaient  chercher  les  leurs  dans  une 
réflexion  logiquement  conduite  sur  la  nature  des  choses 
telle  (|u*elle  apparaissait  à  la  raison.  Ainsi  le  xvu*"  siècle 
qui  semble  au  premier  abord  si  terme  et  si  assuré  dans 
ses  principes  nous  présenti»  au  contraire  une  acti\ité 
de  l'ecliei'clies,  une  in(jui(''tude  intellectuelle,  nn  debaf 
angoisse''  sur  les  grandes  (jueslions  (|n!  inl(''ressenl  la  vie 
de  riinnianit(''  dont  le  sjiecfacle  nous  tonclie  et  nous 
émeut. 

Mais  à  (ot(''  (le  la  vie  ni(»rale.  tonte  indix  idiielle,  il 
y  a  la  \  ie  sociale,  la  vie  j)oliti((ue  coninn'  on  disait  alors 
(|ni  est  la  manifestation  essentielle  de  la  \  ie  de  I  lin- 
nianile.  hescarles  na  pas  en  le  lenqis  d  \  soniicr,  mais 
liossuel  écrit  sa  jxditicpie  tirée  de  ri'^critnic  sainte  et 
Spinoza,  (pii  vivait  dans  la  familiarité  des  Irercs  de 
Witt,  dans  cette  Hollande  du  xvn''  siècle  (jui  nous  donne 


—  1-21   — 

le  spoctaclo  d'un  peuplo  en  train  d'oruaiiiser  son  indô- 
pendanco,  Spinoza  écrit  son  traité  Theologico-Politicm. 
Le  traité  est  de  1670,  l'Ethique  de  1676  et  tout  son 
système  est  déjà  construit  quand  il  écrit  le  premier 
ouvrage  (cf.  Brochard,  Le  Dieu  de  Spinoza.  Rev.  de 
droit  et  de  morale,  1908,  p.  129),  et  son  traité  politique 
où  il  s'efïbrce  d'appliquer  ses  j^rincipes  directeurs  à  la 
constitution  des  sociétés  et  à  leur  organisation  poli- 
ti([ue.  De  la  spéculation,  il  passe  à  la  réalité  et  cet  etl'ort 
est  des  plus  intéressants  par  le  souci  d'exactitude  et 
d'observation  qu'il  manifeste.  Après  avoir  écarté  les 
politiques  théoriciens  et  utopistes  qui  raisonnent  dans 
le  vide,  aussi  bien  que  les  politiques  empiriques  qui  ne 
cherchent  pas  les  lois  profondes  de  la  vie  sociale  et  ne 
connaissent  que  la  surface  des  choses,  Spinoza  s'ex- 
prime ainsi,  et  ces  termes  nous  donnent  la  véritable 
signification  de  son  effort  :  «  Pour  moi,  mon  dessein 
n'a  pas  été  de  rien  découvrir  de  nouveau  ni  d'extraor- 
dinaire, mais  seulement  de  démontrer  par  des  raisons 
certaines,  ou  en  d'autres  termes  de  déduire  de  la  condi- 
tion même  du  genre  humain  un  certain  nond)i'('  Av 
principes  parfaitement  d'accoi-d  avec  l'expérience,  et 
pour  porter  dans  cet  ordre  àe  recherches  la  même 
liberté  d'esprit  dont  on  use  en  mathématiques,  je  me 
suis  soigneusement  abstenu  de  tourner  en  dérision  les 
actions  humaines,  de  les  prendre  en  pitié  ou  en  haine  : 
je  n'ai  voulu  <[ue  h's  comprendre.  »  [Trai/''  ihèoloij. 
polit.,  I,  -4). 


—  1-22  — 

Or  nVsf-ro  point  iHcWisriiu'iit  cot  osprit  qui  piîdo 
M(»ntos(jui('n  ilaiis  sa  l'cclicrchc  de  VEspril  t/rs  Lois. 

Si  nous  voulons  donc  rtuclitT  lo  sj)inozisni('  de  Mon- 
osffuiou,  il  faudra  faire  doux  pai-ts  dans  notro  oxainon  : 
la  pari  de  la  lln'-oiio  et  des  principes  directrnrs.  la  part 
de  rajipliiatioii   ]trati([n<'. 

C'est  sur  ce  2)renii('r  ]»(>int  (piinsistent  avec  force  les 
contradicteurs  de  Moiitesipiieu  et  ils  n'ont  point  tort  îY 
leur  jjoint  de  vue  car  le  caractère  des  ])iincipes  admis 
enjiacre  toutes  les  solutions  pratiques  (pir  I  <»n  jx-nt  don- 
niM"  an  proldrnic  |tiditi(pie  et  social.  I  >ans  (|nc|(|n('  hypo- 
thèse (pic  I  on  se  j)lacc  en  ell'ct,  cette  snhltioii  est  le 
résultat  dune  (h'-duction  (h)nl  h^s  prémisses  reposent 
dans  rid('»e  ijue  l'on  S(^  fait  connue  le  dit  si  nettement 
Spinoza,  de  la  condition  même  du  i^cnre  humain.  Il  en 
est  de  Montescpiieu  comme  de  Spinoza,  comme  de  tous 
les  philosophes  [)olitiqu<'S  de  ce  temps  (>t  des  ti'nq>s 
sni\ants.  I  >e  Locke  et  de  I  lohhes  coillUie  de  jlossnet  et 
de  Domal  ;  de  llonssean  comme  de  .h"  Konald  on  de 
Maistre  ou  même  de  nos  socioloiines  uiodernes. 

Hr  l'idée  (|ne  Ion  se  fait  de  la  contlition  du  ui'Jire 
linniain.  snj)|)ose  tonte  une  philosojihie.  tonte  nne  in<''ta- 
|>li\si(|ne  même  :  idle  enuai:*'  non  >enlenienl  la  ipies- 
tion  de  sa\(iii  qind  est  1  t'-tat  naturel  des  hommes  sm-  la 
tei-re  les  uns  vis-à-\is  des  auti'cs,  mais  celle  de  leurs 
rapj»orts  avec  la  |)i\initt'  et  ])ai-  suite  l'existence  et  la 
nature  même  de  cette  hi\init('';  mais  celle  .mssi  dt« 
sa\oir   dans   (pielle   mesure   ils   s(»nt    soumis   pour  s'y 


—  123  ^ 

adapter  aux  lois  de  la  nature  ou  cajjablos  de  les 
moditier  quaud  l'adaptation  pure  et  simple  -est  difticile 
ou  impossible. 

C'est  là-dessus  que  les  Nouvelles  EccUsiasùfpifs  cbei- 
clieut  cbicane  à  Montesquieu  ;  c'est  à  ce  propos  qu'elles 
l'accusent  de  spinozisme  et  c'est  sur  ce  terrain  que  nous 
allons  les  suivre  d'al^ord. 

Pour  tout  chrétien,  pour  tous  ceux  qui  connue  Dagues- 
seau  par  exemple,  qui  peut  nous  servir  de  type,  sont 
attacbés  aux  principes  traditionnels  de  l'Eslise,  si  bien 
appliqués  aux  sociétés  civiles  par  Domat,  Dieu,  créateur 
du  monde  et  des  honnnes  qu'il  a  faits  à  son  image,  a 
donné  à  ces  dernières  une  loi,  qui  est  la  loi  d'amour 
conformément  à  laquelle  ils  doivent  régler  toutes  leurs 
actions  pour  tâcher  de  réaliser  sur  la  terre  la  beauté  de 
l'amour  divin.  C'est  vers  cette  tin  qu'ils  doi\('iit  tendre 
et  c'est  à  la  lumière  de  cet  amour  dix  in  (piil  leur  faut 
organiser  les  rapports  individuels  qui  constituent  h' 
droit  civil.  C'est  encore  Dieu  (|ui,  «"'réateur  et  ordonna- 
teur souverain,  donne  j)ar  son  exenq)le  aux  honnnes 
l'idée  d'autorité  et  la  notion  d"(d)éissance  (|ui  doit  for- 
mer la  liase  (h'  ions  Jes  rap[toi-ls  |)olilii|ues.  Dans  cette 
cone(q)ti(tn,  hieii  est  consich'ri''  comme  extéi-ienr  à  sa 
création  (piil  aninu'  de  sa  vie  et  de  son  esprit.  l\ien 
n'arrive  que  par  sa  volontc'.  l'ji  lui  réside  toute  justice 
et  tout  gouvernement  :  les  choses  n'existent  que  pour 
offrir  à  l'homme  l'occasion  de  sunnonter  par  sa  volonté 
les  ol>stacles  qu'elles  hii  pi'ésentent  et  toutes  h-s  solh- 


—  l-i'f  — 

«•itatioiis  (le  I;i  ii.itiin'  iiintci'irllf.  ddiNcnt  rrdci-  à  l.i 
supiMMuatic  (le  l;i  notion  sjtiiitiK'Ilc  fiiiaïKM'  (lircclcnn'iil 
(le  l'esprit  (le  hicu.  et  j)ar  la<jiioll('  est  vaincue  la  uros- 
sièret(''  (les  inslinrts  et  des  passions  et  sont  hrisc'-s  les 
liens  (jui  encdiainenf  rimninie  ,i  l;i   matière. 

A  e(~tté  <les  or<lres  di\ins,  les  pliilosoplies  |)oIitii|ues 
inil)lis  de  l'esprit  du  droit  romain  l'ont  intervi-nii'  les 
révélations  de  la  ciMiscience  morale  (|ni  ile<on\  re  en 
(die  par  I  (dlét  d  im  retoin-  sur  (dle-niùin(\  les  prineijx's 
(pii  fondent  au-dessus  dos  lois  arhitraii'cs  et  («nitin- 
gentes  de  la  société  un  droit  naturel,  applicable  à  tous 
les  hommes,  ]»ar  le  seul  t'ait  de  leur  liunianit(''  nièun' 
—  comme  1«'  droit  de  hoinal  se  |(nide  sui-  la  nature 
divine  de  1  iiomme  —  ce  droit  naturcd  sinsjure  des 
princij»es  iiénéranx  d  (''(piiti-  et  de  justice  (pii  pro(da- 
ment  I  t'minente  dii:nit(''  de  la  |»ei'sonne  humaine  et 
veulent  en  taire  respecter  toiijoui's  et  partout  les  ;ispi- 
rations,  tant  (pu-  leur  satisfaction  ne  nuit  pas  ;i  la  lilterte 
du  voisin. 

(l'est  ce  droit  natur(d  dont  la  prenn('-rc  trace  se 
tl'oUNC  dans  les  ecr'its  des  pliilosojdies  de  I  anti(piite  et 
(pu'  (liei'(  lient  à  detinir  des  philosophes  connue  (iro- 
tius  et  Pull'endorf  ou  dont  ils  essaient  d  étendre  «m  de 
linntei'  l'action.  .Mais  d  Où  jirovieniu'ut  ces  .in  crtisse- 
nients  de  la  conscience  (pi  ils  nous  donnent  ((tmine 
t:ui(le  .'(le  sont  des  idées  ium'-es  en  nous  j);ir  l  (dlét  de 
notre  nature  dixine.  .\invi  les  pliilosu|ilies  du  dioit 
iiatur(d    se    i'atta(  lient     aux    t lie(doi:iens    eu     ce    (pi  ils 


—  ira  — 

admettent  comme  eux  une  influence  divine  extérieure  à 
riîonune,  supérieure  à  toutes  les  choses  créées  et  direc- 
trice de  toute  activité.  La  seule  différence  est  qu'ils 
font  jDrovenir  cette  influence  de  la  conscience  tandis 
que  les  théologiens  nous  renvoient  directement  à  la 
parole  de  Dieu  telle  qu'elle  se  trouve  exprimée  dans 
les  Ecritures. 

Alors  apparut  dans  les  dernières  années  du  xvn''  siè- 
cle une  nouvelle  école  philosophique  qui  voulut  envi- 
sager les  rapports  des  hommes  entre  eux  en  dehors  de 
toute  influence  divine  et  dans  les  seules  conditions 
(pu^  leur  impose  la  vie  au  milieu  de  la  nature.  Les  lois 
d'existence  qui  leur  sont  faites  sont  encore  des  lois 
naturelles.  Mais  il  no  faut  pas  les  confon(h'e  avec  le 
droit  naturel  dont  nous  parlions  tout  à  llieure  :  ce  (h'oit 
est  la  conséquence  de  la  nature  idéale  que  l'on  suj)- 
pose  à  l'homme,  émanation  de  Dieu.  Les  h)is  naturelles 
dont  il  est  ici  (piestioii  ne  sont  autre  chose  (pie  hi 
constatation  des  nécessités  naturelles  d'existence 
qu'impose  aux  hommes  ;V  la  fois  la  nature  (hi  monde 
dans  lequel  ils  sont  j(>tés  et  la  nature  de  leurs  appétits 
et  de  leurs  passions  (|ni  ont  a\ant  tonte  diosc  Icnr  con- 
servation j»oni'  Wnt.  (]<'s  h)is  natnrcUcs,  te  sont  ou  réa- 
lité les  lois  de  la  luiture. 

Partant  de  ce  point  de  vue,  ces  nouveaux  philoso- 
phes arrivent  à  des  conclusions  que  l'on  peut  facile- 
ment résumer  dans  les  propositions  suivantes  : 

i"  Los  hommes  naissent  tous  éuaux  et  lihi-es  ; 


-  1-26    - 

2"  lj'  (•f)iil;i(l  (le  CCS  forces  cigales  (.Mi::('inlrc  l.i  i;(H*ri'ç 
et  coudiiil  ;i  I  im'>i:alit<''  ; 

3"  Le  rolc  (le  1,1  s(ici(''t<''  et  des  lois  doit  cire  de  l't'-ta- 
hlir Tordre,  soit  en  raineiiaiit  mit  la  terre  1.)  lilieite  et 
léiialité  piiiiiitivcs  (Coiniiic  le  \eiil  Locke  ,  soit  en 
niaiiiteiiaiit  jiar  la  force  les  inégalités  consacrées  (ainsi 
que  le  s(»uliaite  ll(d»l»es). 

Ces  constatations  imiis  perini'ttent  de  niienx  saisir 
l'état  d'esjirit  dans  IcMjuei  se  trouvaient  les  contempo- 
rains (le  Montesquieu  en  pr(''s<Mice  des  iiran<ls  prohlè- 
nies  sociaux  et  la  confusion  (pu-  Ton  taisait  naturelle- 
ment des  termes  :  natui'c,  di'oit  natnrcd.  lois  de  nature, 
lois  naturelles,  employ(''s  indilleremment  pai-  l<^s  mis 
ou  les  auti'es,  cliacim  y  attachant  des  sens  tout  à  fait 
ditIV'rents. 

Pour  Spinoza,  les  ln»mme>  ne  sont  ni  eiiaiix  ni  lilires 
par  nature.  Ils  ne  le  sont  j)as  davantai:<'  ]»our  Montes- 
quieu. 

Hien  de  i  r  (pii  existe  n Ctant  (pi  une  mo(Iifjcation  des 
attriluits  ,\i'  hicn.  les  hommes  ne  s(»nt  <pi  une  modili- 
cation  de  iMeu  eonsidei-e  en  tant  (ju  «'tendue,  si  Ton 
son.ijc  à  leur  corps,  et  consid(''r(''  (Mi  tant  (pi'int<dlii:ence 
et  volonté  si  Ton  a  en  \  ne  leur  ;lme.  Ainsi  hieu.  cause 
de  soi.  est  cause  (\i'  tout  et  tontes  les  (  hoses  S(»nt 
fléterniin(''es  pai-  l.i  nccessiti'  de  la  nature  «le  hieu  à 
existei-  et  à  aiiir  «lune  façon  donnée. 

'/est  sur  cette  idée  de  nécessit»'  (pie  les  n'-dacleurs 
des  Muucellcs  ecclé)>iastiques  ont  entrepris  tout  d  ahord 


—  1-27  - 

Montesquieu,  pour  lui  reprocher  le  spinozisme  dont  il 
se  défend  avec  tant  de  vivacité. 

Voyons  un  peu  le  fond  des  choses. 

Les  lois  dit  Montesquieu,  au  dél)ut  de  livre  I  de 
V Esprit  des  Lois,  dans  la  signification  la  plus  étendue, 
sont  les  rapports  nécessaires  qui  dérivent  de  la  nature 
des  choses  :  et  dans  ce  sens  tous  les  êtres  ont  leurs  lois  ; 
la  divinité  a  ses  lois  ;  le  monde  matériel  a  ses  lois  ;  les 
intelligences  supérieures  à  l'homme  ont  leurs  lois  ;  les 
bêtes  ont  leurs  lois  ;  l'homme  a  ses  lois. 

Ceux  qui  ont  dit  qu'une  fatalité  aveugle  a  produit 
tous  les  effets  xjué  nous  voyons  dans  le  monde,  ont  dit 
une  grande  absurdité  :  car  quelle  plus  grande  absur- 
dité qu'une  fatalité  aveugle  qui  aurait  produit  des  êtres 
intelligents  ? 

Jl  y  a  donc  une  raison  priuiitive  ;  et  les  lois  sont  les 
rapports  qui  se  trouvent  entre  elle  et  les  dilférents 
êtres,  et  les  rapports  de  ces  divers  êtres  entre  eux. 

Dieu  a  des  rapports  avec  l'univers  connue  créateur 
et  comme  conservateur  ;  les  lois  selon  lesquelles,  il  a 
créé  sont  celles  selon  lesciuelles  il  conserve.  Il  agit  selon 
ces  règles  parce  qu'il  les  connaît  ;  il  les  connaît  parce 
qu'il  les  a  faites  ;  ils  les  a  faites  parce  quelles  ont  du 
rapport  avec  sa  sagesse  et  sa  puissance. 

Comme  nous  voyons  que  le  monde,  formé  par  le 
mouvement  de  la  matière  et  privé  d'intelligence, 
sulisiste  toujours,  il  faut  que  ses  mouvements  aient  des 
lois  invariables^  et  si  l'on  pouvait  imaginer  un  autre 


—    Ii'8  — 

moiuk'  (jiir  coliii-ci,  il aid-tiit  des  ri'tfics  conslantfs  ou  il 
sf'rai/  (hUndf . 

Ainsi  la  «-iration  (jui  paraît  être  un  artc  .irliiliviifc 
suppose  des  règles  aussi  inNai'ial)I<*s  (|iir  la  f'ataiit»*  des 
éthers.  //  sérail  ahsunlr  <lr  dire  <jur  h'  Créateur,  sans 
ces  rèij/es,  pourrait  gituvenirr  !<•  mmidr.  jiuisijuc  Ir 
momie  ne  subsisterait  pas  sans  elles. 

Ces  rèyles  saut  un  rapport  rimstaniinent  èlahli  >»  (il. 
</.  L.,  1,  délnit). 

De  quelle  nature  est  la  uécessit<''  dont  parle  ii  i  Mon- 
tesquieu. D'après  les  passages  soulii;n«''!S,  il  ;ij»p;iiail 
(|ue  c'est  poui'  tonte  chose  créée,  rol»li,i:iition  dr  suiNrc 
dos  règles  constant<'s  ])our  conscrNcr  l'ctrc.  IlOii  pi-ti- 
viennent  ces  règles  :  de  la  nature  même  des  cli<ises, 
cest-à-dire  de  ce  qui  constituf^  leur  essence.  l'n  exem- 
ple fera  mieux  comprendre  ce  cpi'il  faut  entendre 
])ar  là  :  la  société  étant  un  l.iil  donné  et  réel,  malgré 
'"opinion  des  philosophes  de  l'état  de  nature,  son  exis 
tence  enti-aine  pour  elle  l'ohlluation  d'oheir  à  eei-taiiies 
lois  sous  p(Mne  d'être  aussitôt  <h'trniles  on  d  exister 
autrement,  ce  (jui  i-evient  an  um'um-. 

(x'S  loiîs  son!  r(dati\<'s  à  sa  nature.  e"<'st-à-dire  à  sa 
déliniti(»n.  Oi',  s  il  est  \rai  (|in'  la  société  soil  une  <ol- 
ledion  d  indi\i(his  niellant  en  conininn  leurs  l'orces 
j>artirnlieres  pour  l'onner  IV-lat  jt<dili(|ne.  et  leurs 
Volontés  [)our  l'ormer  l'état  ci\il  ;  s  il  est  \rai  d  anti-e 
]>art,  coninic  le  dit  Sj)inoza.  ipn^  la  icalite  d  Une  colloc- 
tjon  se  i'('sol\e  dans  c(dle  des  «déments  i|ni   la   eoinpo- 


—  1-J9    - 

sent,  tout  revient  donc  à  chercher  quelle  doit  être  la 
loi  de  nature  de  l'individu  et  la  loi  de  nature  de  la 
société  et  quelle  sera  par  suite  la  loi  de  leurs  rapports 
réciproques. 

Ces  lois  ont-elles  un  caractère  ditterent  ?  Non,  leur 
caractère  se  confond  dans  le  caractère  commun  à  toute 
loi,  que  ce  soit  une  loi  physique  ou  une  loi  d'organi- 
sation politique  et  sociale.  Toutes  deux  ne  font  qu'ex- 
])rimer  les  rapports  essentiels  à  la  permanence  du  phé- 
nomène quelles  consacrent  :  à  ce  titre,  la  loi  de 
nature  de  la  société  est  d'assurer  les  rapports  qui  lui 
permettent  de  subsister,  et  la  loi  de  nature  de  l'indi- 
vidu est  de  se  ménager  dans  la"  société  une  place  telle 
(|u"il  puisse  satisfaire,  sans  nuire  aux  exigences  de  la 
collectivité,  les  besoins  particuliers  essentiels  à  la  con- 
servation de  sa  propre  vie.  Le  droit  naturel  n'est  donc 
pour  Montesquieu  que  l'expression  des  nécessités 
vitales  les  plus  impérieuses,  soit  au  regard  de  hi 
société,  soit  au  regard  de  l'individu,  et  il  l'exprimo 
quelquefois  par  le  mot  de  «  défense  naturelle  »  <pii 
explique  bien  sur  ce  point  le  caractère  de  sa  pensée. 

La  nécessité  à  la(juelh'  les  hommes,  comme  toutes 
les  choses  sont  soumis,  est  donc  double,  (l'est  d  nbord 
une  véritable  contrainte,  au  sens  ordinaire  <hi  mot, 
puis(|ue  la  non-observation  des  h>is  ipii  h'ur  sont  pro- 
pres entraîne  pour  eux  le  plus  grave  des  chAtiments, 
c'est-à-dire  la  perte  de  l'être.  Dans  ce  sens,  c  est  une 
contrainte    à    raison    des    conséquences    possibles    de 

Uudiu  t) 


r.ict»'.  (le  11  est  j>;is  il  est  \  rai  tout  ;"i  l'ait  la  jx'iisiV  do 
Spinoza  pour  (|iii  mir  tli(>s«'  est  iiérrssaii'c  siirloiif  an 
siijrt  (Ir  la  cause.  Mais  pminiis  i^ai'de  <|Mf  S|»iin>za, 
expliquant  If  (|u"il  faut  (Mitt-udir  par  «liose  néoessaire 
[Et/i.  /.  Tli.  'V^.  sctt.  I),  coiuniente  pai"  dii-e  (pi'idjo  IVst 
avant  tout  à  rais»ui  de  sou  essence  :  "  On  dit  qu'une 
chose  est  nécessaire,  soit  à  laison  de  son  essence, 
soit  à  raison  de  sa  cause.  Vax  effet  IVvistenee  dune 
chose  résulte  nécessairement  soit  de  son  essence  et  de 
sa  définition,  soit  d'une  cause  efticiente  donnée  ».  Sur 
ce  second  point,  remontant  si  nous  le  pouvons  de 
causes  en  causes  suivant  leui'  oi'dre,  nous  arrivons  à 
l)ieu  "  cause  efficiente  de  tontes  les  choses  qui  ]>enAent 
tomber  sous  un  cntend(Mneiit  inlini  >>  (Et/i.  /.  Tli.  16. 
Cor.  Il,  I),  ce  (]ui  à  la  riuueiir  pourrait  se  rapprocher  de 
l'ariirniation  de  Montescpiieu  "  que  les  lois  selon  les- 
(jnelles  l)ieu  a  créé  sont  celles  selon  Ies(pi<dles  il  con- 
serve ».  Sur  le  premier  point,  consi(h';rons  la  manière 
dont  Spinoza  détinit  l'essence  d'une  chose  (^M.  //.  Héfi- 
nit.  Il  :  "  .le  dis  (|ne  l'essence  dune  chose  comport(^  ce 
(jui,  étant  donne,  l'ait  nécessairement  que  la  chose  existe 
et  qui,  si  (Ml  le  supj>i-ime.  fait  nécessairement  que  la 
chose  n  existe  jias  ;  aulicment  dit.  ce  sans  (juoi  la  chose 
ne  peut  ni  exister,  ni  être  conçue  <'t  réciproquement,  ce 
(jiii.  sans  la  (diose,  ne  peut  ni  evistei'.  ni  être  con(;U  », 
et  ia])p(dous-iMiu's  ((ne  j»lns  liant  Fjli.  I.  Tli.  IG, 
l)<'Mnonstr./  Sjiinoza  avait  d<'\);'i  dit  :  <«  De  la  définition 
d'une  <  hose  fpndconqu(\  rtMitendenuMit  déduit    un  cer- 


—  131  — 

taiu  nombre  de  propriétés  qui  en  fait  l'ésultciit  iiéces- 
sairomcnt  de  cette  chose  (c'est-à-dire  de  lessence 
iiiènie  de  cette  chosej,  et  ces  propriétés  sont  crautaiil 
plus  iiomlueuses  que  la  détiiiition  de  la  chose  exprime 
plus  de  réalité,  c'est-à-dire  «fue  l'essence  de  la  chose 
définie  enveloppe  plus  de  ivalitt'  o  :  iiu  rap[n)i't  (''transe 
nous  apparaîtra  alors  cnti-e  la  pensée  de  Ahmlcscpiini 
et  celle  de  Spinoza. 

(vomme  nous  le  démontrions  en  effet  dans  notre  pre- 
mier travail,  le  mot  nécessaire  doit  s'entendre,  dans  la 
définition  fameuse  de  Montesquieu,  dans  le  sens  d'essen- 
tiel, de  conséquence  de  l'essence  dune  chose,  sur 
lequel  insiste  ici  Spinoza.  (Jiiaiid  M()ntos(jiii<Mi  dit  (jue 
les  lois  sont  les  rapports  néc(;ssaires  (]ui  d('"ri\('iit  (h'  hi 
nature  des  choses,  toute  la  suite  même  (hi  (h'vcdojjpc- 
ment  de  ÏEsprif  des  lois  montre  (piil  mtcnd  ((uc  les 
lois  consacrent  les  rapports  essentiels  ([ui  dérivent  de 
la  nature  des  clioses.  L'oi-die  social  qu'assure  la  loi 
n'est  que  la  permanence  des  rapports  nécessaires  à  la 
vie  sociale  comme  Tordre  physique  n'est  que  la  per- 
manence des  rapports  nécessaires  à  la  continuation  de 
l'existence  du  monde  créé.  Par  suite,  les  lois  sont  l»ien 
l'expression  de  rapports  essentiels  au  niainlicii  d  un 
état  donné.  Tout  ce  <jui  est  en  (hdioi-s  (h'  («-s  ra^qiorts 
est  en  d(diors  (h^  la  hii  et  "  il  n'>  a  [las  (h'  hii  snr  les 
matières  inditîërentes  ».  Il  n")  a  point  d'autre  nécessité 
(pie  l'oblipafion  de  maintenir  les  i-a|)por(s  essentiels  à 
l'ordre  c'ftabli  :  rapports  saus  lesi]u<ds  cet  ordre  cesse- 


—  !:;:>  — 

rail  trcxisici'  et  uo  saiii"ait  (*tr<>  «'oiicii.  (los  i-aj)|M»i-ts 
sont  inipliciteiiuMit  contenus  dans  la  «Idinifioii  nirnic 
(le  la  élusse.  Ils  dérivent.  <'n  rc  (|ni  ciincerne  les 
sociétés,  de  la  nature  des  choses  de  la  vie  sociale, 
comme  en  droit  par  exemple,  les  conditions  essen- 
ti(dles  à  la  validité  des  contrats  dérivent  de  la  nature 
j»articnliére  de  la  conventi(»n.  Si  ces  rappoi'ts  essentiels 
ne  sont  pas  suffisamment  consacrés  pai'  la  loi.  la  nature 
d(;  la  chose  dont  elle  s'occupe  se  trouNc  faussée  et 
modifiée  dans  un  de  ses  termes. 

La  loi  doit  donc  reposer  sur  la  connaissance  exact»» 
d(>s  rapports,  c'est-à-dire  en  somme  sur  <les  défini- 
tions pr<''cises  (pii  fixent  la  natui'e  exacte  de  cl)a(|iie 
(diose. 

Képoiidaiif  au  ci-itique  «les  \ttuve//f's  ri< Icsiaslii/ues, 
Montes(juieu  indii;iié  sécrie  avec  ironie  :  «  L  auteur  a 
dit  (jue  les  lois  étaient  un  rapport  nécessaire  :  voilà 
donc  du  spinozisme,  parce  (pie  Noilà  du  nécessaire  !  » 
h  après  ce  (pii  précède,  on  j>eut  se  rendi'c  <(iniple  (pie 
ce;  critique  poussé  par  son  instinct  n  avait  peiil-(-tre  j»as 
si  mal  jugé. 

1  ne  autre  preuNede  ce  (jue  nous  ;i\aii(;oiis  [tuurrai 
encore    être    li'oii\(''e    dans   la  iiiaiiieic    dont    [nocèdc 
MollleS(|uieil  dillis  ses  de\  ('lo|)penieiils. 

Si    la    nécessité,    en    etlcl.    (pii   delenuiiie    le  sens  et 

rorientation  des  lois  est  pour  .Montes(pii(>u  cou •  pour 

Spinoza  la  Veconnaissance  de  ce  lail  (|iie  leur  inlinie 
>ariété  n Cst  (pie  le  dév(doppenieiif   de    1  esxMice  nK'iiie 


—  133  — 

des  choses,  il  faut  de  toute  nécessité  commencer  par 
déterminer  cette  essence,  c'est-à-dire  commencer  par 
des  définitions  dont  on  déduira  un  certain  nombre  de 
propriétés  qui  en  fait  en  résultent  nécessairement. 
C'est  ainsi  que,  voulant  traiter  des  luis  (jui  régissent 
l'organisation  de  viivers  gouvernements,  Montesquieu 
commence  par  les  définir  :  «  Je  suppose,  dit-il,  trois 
détinitions...  »  et  il  tirera  de  cette  définition  tout  le 
contenu  de  son  développement  et  il  y  trouvera  les 
motifs  d'exclusions  qui  peuvent  nous  paraître  étranges  à 
considérer  superficiellement  les  choses. 

De  la  définition  même  de  la  monarchie  en  efiet, 
c'est-à-dire  de  sa  nature  et  de  son  essence  dérivent 
tous  les  rouages  qui  en  assurent  le  fonctionnement,  on 
premier  lieu  l'organisation  d'un  corj)s  des  noljles  ou 
des  principaux  de  l'Etat  qui  forme  une  sorte  d'inter- 
médiaire entre  le  monarc|ue  et  le  jîeuple  et  qui,  possé- 
dant quekjues  prérogatives  particulières,  gage  de  son 
indépendance,  se  trouve  intéressé  à  retenir  la  monar- 
chie sur  la  pente  du  despotisme  ;  en  second  lieu,  l'orga- 
nisation d'un  corps  politique  gardien  des  lois  (pii  les 
jinnonce  lorsqu'elles  sont  f.iites  et  les  rappelle  lors- 
qu'on les  oublie. 

De  même,  la  démocratie  étant,  par  sa  nature,  une 
forme  d'Etat  dans  laquelle  le  peuple  en  cor[)s  a  la 
souveraine  puissance,  les  lois  fondamentales  du  gou- 
vernement démocratique,  partout  oîi  on  le  tiouNc 
organisé,    s'attachent    à  permettre    l'expression    (^t    à 


—  {?vt  — 

t'.ivol'isci'  l.'l  r('';ilis;itiMii  de  l;i  Nnlmitt''  li.ilioll.-ilc.  h.lIlK 
it'ttr  ililflllinii.  nii  I;i  \(iil  p.irtollt.  iWcr  le  llirilir  <'S|U-it, 
(JlloKjiif  ]»;il' (les  lii<>\<Mis  tlillV-lTiifs.  r(Hl>lil'  le  dl'oit  <!<' 
suIIV.'il:*'.  (|(''liiiiili'r  son  iHcihliir.  (l/'lcnniiici-  les  (•;i|);i- 
citrs  iMMCSv.lilTS  |»<i|ir  rll'i'  suil  t'Icftriir.  snit  t'li'-:il)l<'. 
[\\rv  \,'  iiKiilr  (ri-liM-lioii,  n'-ulcr  riiliii  l.itli'iliiilioii  (lu 
poUMiii'  l<''L:isl;ilir. 

Ihi  \()il  |);ii-  1.1,  |)(»iir(jnoi  ]);irl;mt  de  la  mmiarchic 
liamaisc,  M(tiit('S([ui(Mi,  co  (lu'oM  lui  a  sijuvciit  rcprocli»', 
ne  dit  jtas  un  mol  d(^s  lofais  uAnôraux.  C/ost  <|u"uno 
iiislilutifiu  (oiiiinc  cidlf  il<'s  |''lafs  i:i''m''rau\.  issur  du 
jtriiicijti-  de  la  souv craiiirh'  naticinalc  ne  l't'jtdiid  [tas  à 
la  nature  de  la  inonanliic  trllf  (|u'ollc  ajtparait  jiai*  sa 
di'dinition  (^t  par  son  csscuco.  l  ne  inonai'cliir  aduu't- 
tant  le  coutrôlc  de  la  souveraineté  nationale  i-ppré- 
sentee  pai'  des  députés  de  toutes  les  elasses  de  la 
nation  ne  sei'ait  j)lus  une  nionai'i  liie  et  la  nionar(diie 
parlenii'utaire  est  un  mot  vide  île  sens,  (lest  |iour(pioi 
Ioi<(|u  il  a  Uni  danaNseï-  la  constitution  de  I  .\m:le- 
Iclie  dan^  laipiellr  l'existence  di'  la  (diaudu-e  des 
comnunies  inliodnil  rid(''e  de  sou\  eiainett-  nationale 
s"e\ei-canl  par  im  coniri'de  pci'manent  sni-  les  aele«<  du 
i:<»n\  ei'neuH'nl  et  |>ai'  la  rcspon^alnlili' des  mini^ti'cs  du 
j)oii\oir  (l('\ant  (die.  Monles(|nien  est  amem''  à  i-econ- 
nadre  .pic  n'  n'est  pas  là  une  constilidion  nionaii  lii(pie, 
mais  hieii   plufi')t  une  constitution  d<'Mnoci'ati<pM\ 

Ainsi  le  i:(»u\ cnM'iuent  inonarclu<pu'  et  le  i:ou\erne- 
nn-id    d«''UJoci'atique   ont    avec    eu\-iuéuies    et    avec    la 


—  135  — 

société  de  certains  i'a|jpoi'ts  dérivant  de  leiu'  essence 
propre  qui  doivent  être  consacrés  dans  leur  ortianisa- 
tion  sous  peine  do  voir  détruite  la  nature  monarchique 
et  républicaine  du  gouvernement. 

Il  résulte  de  là  que  Tessence  des  choses  comprenant 
toutes  les  modifications  dont  elles  sont  suscepti])les, 
aucune  volonté  arbitraire,  pas  même  celle  de  Dieu  ne 
peut  en  changer  l'ordre  ni  le  cours. 

C'est  ce  que  Montesquieu  exprime  fortement  ou 
disant  que  «  les  lois  selon  lesquelles  Dieu  a  créé  sont 
celles  selon  lesquelles  il  conserve  ». 

Gomme  le  dit  Spinoza  (EÛi.,  1,  Th.  33,  Scholie)  <>  il 
dépend  de  la  seule  décision  et  de  la  seule  volonté  de 
Dieu  que  chaque  chose  soit  ce  qu'elle  est  ».  Mais  ces 
décisions  «  ont  été  arrêtées  par  lui  de  tout(>  éternité  » 
et  il  n'y  saurait  rien  changer. 

Dans  la  doctrine  orthodoxe  qui  est  celle  du  critique 
des  Nouvelles  ecclésiastiques.  Dieu  est  considéré  comme 
cause  libre  parce  quil  pourrait  {Etii.,  I,Th.  17,  Scholie) 
«  faire  que  les  choses  qui  résulte  de  sa  nature,  cVst-à- 
dire  les  choses  qui  sont  rn  sa  puissance  ne  S(^  pro- 
duisent pas  :  autrement  dit  ne  soient  jioint  |»iiMhiites 
par  lui  ».  Mais  «  cela,  ajoute  Spinoza,  c'est  comme  s'ils 
(lisaient  que  Dieu  peut  faire  qu'il  ne  résulte  ])as  île  la 
nature  du  triangle  que  la  somme  de  ses  trois  ani;les 
soit  égale  à  deux  angles  droits  ». 

Montesquieu  admet  parlaitement  une  ]»areiile  «nn- 
clusion  :1a  nature  d'une  chose  étant  donnée,   les  lois 


—   l.SO  — 

«1p  cctto  nature  s'iinposeiit  ."i  Dieu  inrnio  sil  \«miI  ron- 
st'i'V(M"  la  cliosc  dans  Irtat  oii  il  la  <  rtM-o  «  les  lois 
selon  l<'S(juell('s  il  a  ci'éô  sont  (elles  selon  les(|uelles 
il  »(»nser\  e   .•.  (  hi  ne  sauiail   li'oji  le  réprtec. 

(iependanl  nous  \ on ons  nialui'»'  ICn  idence  îles  textes 
(|n  il  se  ([('l'end  d  adnielli-e  I  i nira nsii:cante  lnL;i(|U('  de 
Sj)inoza.  (Jn(dles  raisons  V\  autorisent  ? 

La  distinction  est  assez  suhtile.  "  '  H/'/r/isf,  picnii»"-!'*' 
partie,  l).  Oiiand  lauteur,  ré|)(»nd-il.  a  dit  <juc  la  créa- 
tion (|ni  paraissait  ('di-e  un  acte  ai-Witrairo,  supj)osait 
des  iviiles  aussi  invariables  (pie  la  fatalité  des  athées, 
(»n  n'a  pas  pu  l'entendre  comme  s'il  disait  que  la  créa- 
tion fut  un  acte  nécessaire  comme  la  fatalité  des 
athées,  j)uis(ju"il  a  déjà  cond)attu  cette  fatalit*'.  \)o 
]»lus.  les  deux  membres  dune  conipai-aison  doixcnt  se 
rapp(»i'ter.  Aussi,  il  faut  alis(dunieiit  (pie  la  |tlii"ase 
veuille  dii-e  :  la  création  (jui  |>arait  d'ahoid  dexoic 
[d'oduii-e  des  relaies  de  mouvement  variahh's,  en  a 
d'aussi  invariables  (pie  la  fatalit(''  des  atln'es  ...  Kf  il 
(«MK  lut  formellement  :  "  Il  n  y  a  donc  point  de  s|»ino- 
/.isme  dans  YEsprit  r/rs  Lois  ». 

Il  clail  e\ideniinent  de  I  ild(''l(''t  de  .\lontes(pneil  de 
l'cjtousser  de  ioiiles  ses  forces  cette  accusation  fort 
danii'ci'euse  pour  lui.  (lejK'ndaut  nous  ne  1  en  croirons 
pas  sur  pai'ole.  Il  n  était  j)as  dans  son  natiir(d  de 
battre  ouvertement  en  brèche  les  domnes  ic(  us  ;  et  sil 
se  Mionlre  irrednctiide  et  même  absolu  sur  des  erreurs 
de   l'ail    ou  de    lai^oiiiiement    ajipli(|uc  à    des  faits   ii^v- 


—  137  — 

tains,  il  est  beaucoup  moins  tranchant  lorsqu'il  s'asit 
de  dogmes  et  de  croyances.  Sur  ce  point  il  s'applique 
à  envelopper  sa  pensée  de  détours  dans  lesquels  il  lui 
soit  loisible  de  tromor  le  cas  échéant  une  retiviitc 
facile.  Nous  en  avons  i(  i  un  exemple  frappant. 

Moiitf'^iqniru.  en  t'tli't.  scinlde  faire  une  distinction 
entre  la  erration  initiale  de  Dieu  et  la  conservation  de 
cette  création. 

Pour  lui.  coiunif  pDurson  contradicteur,  l;i  création 
initiale  a  été  un  acte  arbitraire  de  la  volonté  de  |)itMi 
qui  aurait  pu  créer  ou  ne  pas  créer.  Or  ce  n'est  évidem- 
ment pa*;  là  la  doctrine  de  Spinoza.  Chez  ce  dernier, 
en  ellet.  Ijirii  ji'est  considéré  comme  cause  libre  que 
{Eth..  1.  Tli.  17  "  parce  qu'il  asit  en  vertu  des  seules 
lois  (Je  sa  ii.iturr  r\  >aii^  vuliii'  la  rniitr-ainte  d'aucune 
chose  ».  Mais  les  choses  résultt-nt  nécessairement  <h' 
la  nature  Ac  Iheu  et  i]  ne  pouvait  eu  être  autrement  ; 
d'ailleurs  elles  mit  i-te  créf'es  avec  la  plus  grande  per- 
fection Eili..  1.  Th.  33)  puisqu'elles  résultent  néces- 
sairement d  une  nature  donnée,  la  plus  parfaite  pos- 
sible. Expliquant  celte  junjii.sitioii.  Spinoza  ajoute 
[Eth..  1.  Tli.  33.  S(diuliei  -  <'<tijinie  dans  Téternité  il 
n  existe  ni  pendant,  id  avant,  ni  après,  il  résidte  de  là 
et  cela  de  la  stidc  perfection  de  Dieu,  ({ue  Dieu  ne 
peut  jamais,  ni  n  a  jamais  pu  prendre  une  d<'cision 
diU'érente,  autrement  dit  Dieu  n'a  pas  existé  avant  ses 
décisions  et  ne  peut  exister  sans  elles...  Si  Dieu  en 
avait  décidé   de  la   nature  et  de  son  ordre    autrement 


—  138  — 

qu'il  n'en  a  décidf^,  c'ost-à-<liro  s'il  avait  autroment 
convii  ot  aiitreiiKMit  voulu  la  uatinc  il  aurait  ou  nôccs- 
saii-oiHoiit  iiiic  aiilrr  iiit<'lliL:('in(>  ri  iiim-  aiifi'c  volfiutô 
(|U<'  rt'llf  (|||  il  a...  lldlic  les  clinscs  ne  pcilVOllt  otrO 
aiiln'iiHuI  (inCIlcs  iit>  sont  »... 

Si  l  on  s'en  tient  ;iu\  mots,  il  ny  a  rien  tlicz  Montes- 
quieu (|ui  puisse  aiiloiiser  un  lapju-oelienient  l'oruiel 
aussi  a-t-il  Ix'au  Jeu  de  reponsseï-  ..  la  latalitc'  aveu- 
gle ».  Mais  lardeui-  t\u  d/'iuenti  ue  peut  tenir  lieu  de 
preuve.  Nous  pouv(jns  ieniai'(|uei-d"ailleuis  (pu'  Moides 
(piieu  à  des  accusations  précises  i'é]>ond  par  des  uéiié- 
ralités  vagues  ou  poi'te  la  discussion  sur  un  autre 
terrain. 

Il  nest  pas  spiuoziste  parce  qu'il  a  distingué  le 
monde  luatériel  d'avec  les  intelliireuees  sj)iritu(dles 
( Df'fensf,  j)reinière  partie,  Ij,  parce  qn  il  a  |»ro(danié 
(pi  une  l;italit(''  aveugle  ne  saui-ait  sans  aitsurdil»'  jiro- 
dnire  des  êtres  inlellii:('nls.  p.iree  iph'  les  lois  du  monde 
ont  du  rap}»oit  avec  la  sagesse  et  la  puissance  de  hieu, 
]>nree  que  les  rap})orls  de  justice  et  d  «''([uit»'*  sont  anté- 
rieurs à  toutes  les  lois  positives,  ]iai'ce  (pie  nous  a\(»us 
rid(''e  d'ini  ciM'.itenr.  parée  (pi  enlin  il  ;i  Mudn  «•ond>;illr(^ 
e\pi'ess(''menl  les  idées  de  Sj)ino/,,i  :  et  l.'i-dessns  il  se 
})lainl  (pie  !  oïl  prenne  <■  pour  des  opinions  de  S|iiii(tza 
les  ohjeclions  (piil  r.iil  eoiilre  le  spinozisnie  •>  ' />é/r//sY', 
]ireiuière  partie,   lleponse  à  la  j)reu»ière  (dqectioii). 

Mais  pren(tns  garde  «pi'au  wm"  siè(de  c'était  ju'écisé- 
iiient  Sous  l'oi-UK*  d'ohjecliou  à  Spinoza  (pi'ou   se   don- 


—  139  — 

nait  le  plaisir  d'exposer  sa  doctrine  et  de  communier 
avec  sa  pensée,  et  revenons  au  point  précis  du  dduit, 
eest-à-dire  à  la  (|uestion  de  savoir  comment  il  faut 
envisag-er  la  création  et  ses  suites. 

Montesquieu  ne  va  pas  jusqu'à  proclamer  que  la 
création  ait  été  déterminée  dans  son  essence  et  dans  sa 
forme  par  la  nature  même  de  Dieu.  Il  accorde  au  Oéa- 
teur  une  certaine  li])erté  au  s<ms  commun  du  mot  et 
a.ssure  qu'il  ne  conqjare  point  des  causes  mais  des 
effets.  Admettons-le  et  proclamons  avec  Montes([uieu 
que  Dieu  ([ui  a  été  lilu'c  de  créer,  reste  lil)re  de 
modifier  les  rapports  qui  résultent  de  sa  création. 
Ou'arrivera-t-il  alors.  Précisément  les  mêmes  consé- 
({uences  pour  Montesquieu  que  pour  Spinoza.  Que 
Dieu  vienne  à  modifier  les  rapports  constamment 
étaljlis  selon  lesquels  l'existence  du  monde  a  été  conçue 
et  sa  conservation  assurée,  la  création,  dans  le  systènn^ 
de  Montesquieu,  changera  de  nature.  Ce  sera  toujours 
sans  doute  l'œuvre  volontaire  de  Dieu,  mais  ce  ne  sera 
pins  celle  que  nous  admirons.  Cependant,  l'expérience 
(jue  nous  pouvons  prendre  des  lois  dn  monde  pli\si(|ne 
nous  montre,  par  riinniul;H)ilité  de  (m^s  lois,  à  notre 
connaissance  du  moins,  (|iie  Dien  s"appli([ne  à  con- 
server récononiie  première  établie  par  l'acte  arhiti'aire 
de  sa  volonté,  et  nous  pouvons  conclure  alors  (pie  les 
choses  se  passent  comme  si  Dieu  était  lié  nécessaire- 
ment, et  le  principe  de  consei-vation  apjiarail  comme  h; 
principe   supérieur  qui  règle   la  vie  de  l'niii\<'rs  :  «  Si 


^   l'.n  — 

Ton  pouvait    iiiae-inor   un   aiitro  niondo  i\\n^  (  rlni-<'i,  i 
aurait    dos    rrizlcs    coiistaiitos    où    il     scr.iit    <l<''ti'uit     » 
{M.  E.  L..  I.  .Ichut). 

Sans  (IcMitc  M(>ntos(|iii<'U  nr  \a  ji.is  aussi  loin  (|uo 
SpiiKiza  (|iii  .illiniir  ([uc  si  le  luondc  t-tail  iititi'c  (|m  il 
iiCst.  il  ("aiidrail  su|t|»os('i'  à  hicii  une  .iiiIit  iiitrlli-ciirc 
cl  niir  antre  Nnloiih-  (|iic  crllt'  (|n  il  a  et  (|tii'  |)uis(|U(" 
M»ii  iiit(dlii;(Mict'  et  sa  \<di»nt('  ne  se  distiiii:u<'nt  pas  de 
stjii  cssiMicc.  il  l'andi'aif  nt-ccssairmiciil  «pir  cotte 
essence  l'ut  (litlV'i-ente  de  rr  (piclle  est.  ce  ipii  ;iii  sens 
de  notre  philosophe  est  une  grande  absurdité,  (lejn'u- 
d.int.  .M(int(>s([uien  ne  sendde  pas  croire  (pie  l'on  puisse 
imaginer  un  autre  monde  (pie  (-«dni  cpu'  nous  voyons  et 
il  al'linne  en  tout  cas  —  ahsolunuMit  connue  Spinoza 
(pr<''tant  diuinc  la  nature  de  hieu.  c  est-à-dire  sa  sai:esse 
cl  sa  puissance  (Elh..  I.  Th.  \\\  .  les  lois  (pii  r<'i:issent 
le  monde  et  .issurent  sa  conservatictn  sont  les  mêmes 
que  celles  (pii  ont  pr«''sidé  à  sa  creatitm  jiarce  tpi  elles 
dérivent  à  la  l'ois  de  la  nature  de  hieu  et  de  ressence 
des  choses. 

Il  ne  sendde  |)as  douteux  <pi  il  \  dit  l;i  un  l'apport 
ctraULie  entre  |;i  conce|)tion.  de  Montcs(piieu  l'I  icllc  de 
Spinoza.  Toiiterois  Mniitcscpiicu  ;i  |)lus  l'acilcmciit  raison 
ipiand  il  se  détend  dadinettre  la  l'atalitc  des  athées, 
in.ii'^  ce  11  »'st  p.is  contre  S[)iiio7.a.  Sj)iiio/,a.  en  etrel, 
pense  comme  l'Iaton  (]ue  1  athéisme  l'st  une  maladie  de 
1  àme  plutôt  qu'une  erreur  de  1  int<dlii:ence  et  il  est 
d(''iste  2)uis(}U  il  soutient  (pie    hieu  existe  comme  <ause 


libre  —  à  condition  d'entendre  par  libre  ce  qui  n'est 
déterminé  que  par  sa  propre  nature.  S'élevant  d  ail- 
leurs contre  l'opinion  de  ceux  qui  décident  que  Dieu 
fait  tout  au  point  de  vue  du  bieu,  il  s'écrie  {Eth..  I, 
ïli.  33,  Scliolie  2)  :  «  Ceux-ci  paraissent  admettre 
(juelque  chose  en  dehors  de  Dieu  qui  ne  dépend  pas  de 
Dieu  et  à  quoi  Dieu  s'attache  en  agissant  comme  à  un 
modèle  ou  vers  quoi  il  s'efforce  comme  vers  un  but 
déterminé,  ce  qui  relient  à  soumettre  Dieu  au  destin^ 
opinion  la  plus  absurde  que  l'on  puisse  avoir  de  Dieu 
qui,  comme  nous  l'avons  montré,  est  la  cause  première 
et  la  seule  cause  libre,  aussi  bien  de  l'osscncc  (jiic  de 
l'existence  de  toutes  les  choses  ». 

La  difficulté  vient  de  ce  qu  il  faut  cntciKhr  soiis  ces 
deux  termes  atli(''isme  et  fatalité  :  les  adversaires  (hi 
spinozisme  n  enveloppaient  [)as  sous  ces  tei'ines  b'S 
mêmes  idées  que  Spinoza. 

Etre  athée  pour  Spinoza  c'est  ne  pas  adnudti'e  un 
Dieu  créateur,  cause  libre  du  monde  par  la  seule  néces- 
sité de  sa  nature.  Admettre  la  fatalité,  c'est  soumettre 
Dieu  à  quelque  chose  d'extérieur  à  lui  (|ui  hii  impose 
la  n'alisatiou  aveugle  de  desseins  (|iril   n'a  ])as  conçus. 

A  son  compte  il  est  loin  d'être  athée  <'t  .Montes(|uieu, 
malgré  sa  fameuse  (b'iinitiou  (b's  lois,  ne  1  est  pas  n(»n 
plus.  Ce  dernier  d'ailleurs  a  soin  de  le  faire  renuirquer 
à  son  contradicteur  :  il  a  attaipié  lathi-isme,  pid(  lame- 
t-il,  parce  qu'il  a  aftirmé  l'altsurchté  dune  t'ataliti- 
aveugle  ({tii  aurait  j)r()duit  «les  èti-es  intelligents,  [)arce 


-  142    - 


((llil  ;i  srji.irr  le  iiiulidr  lii.il(''rifl  du  iimiKlr  spiriliM'l, 
(■  Cst-.i-dirr  l>i<'U  (le  s;i  crc'atioii. 

Lil    Nt'rilf    (•  «'St    «inil    N     m    cII     [H'csciirr    (l('ll\    |illll«is(i- 

pliirs.  I  iiiir  (|iii  loiit  cil  .'kIiiicII.'iiiI  hicu.  n-olt  à  l.'i 
iilM'l'Ic  dixilli'  ri  ;'i  l.i  ctinruiiiciicc  des  «''\  •'•IH'llli'lil>  dll 
lliolidr.  cl  Ijilllfc  ijiii  dil  <|lic  iniil  csl  pour  j;ilii,-|is 
oi'doiiiK'.  r<''i:I«'',  fi\(''  cl  d(-lcniiiin''.  h.iiis  iiiic  Icllc  pliili»- 
sophic,  sil  n'y  ,1  pas  de  hicii.  il  ny  a  tpic  la  iialiirc 
iiupassiltlc,  i'ci:ulicrc  cl  in-ccssaii-c,  cl  s  il  y  a  iiii  IMcii. 
011  doit  dii-c  de  lui  cDiiiiuc  faisaient  les  SlMjciciis  :  Srmf/ 
jussif.  sniipor  pnvcl .  Ce  tpii  rc\iciil  à  i»eu  pi'cs  à  dire 
«jiie  ce  l>ieii  n  est  pas  un  l>i<'ii  cl  (pi  il  se  coiilniid  a\cc 
la  iialurc. 

(lest  parce  (jiie  le  hicii  de  S])in<»za  est  IIM  j>iciideee 
i:-enrc  (pie  S])in()/,a.  cl  Ions  cenx  (pii  admettent  ses 
j)i'iiicipcs  ont  ('te  trait(''s  {\'n//ii''f's  par  les  j)ai'lisaiis  de  la 
jii'cniicrc  l'orme  de  philosophie,  c Cst-à-dire  non  seide- 
mciil  par  les  (  hr(''lieiis.  mais  encore  jiar  Ions  les  spiri- 
tnalistcs. 

Analysant  la  docti'ine  (h  Spinoza,  lîayle  en  cll'et 
insiste  sur  cette  dillnsion  de  I  id('c  de  hicn  dans  la 
nalni'c  dont  il  l'ail  nue  des  (•arac|eristi(pics  du  s\s|èinc 
l!a\lc.  Uiil.  (ir(.  SpiiiDza]  '.  <•  Il  sii|ii)o>sr  (pi  il  ii"\  a 
(prune  snltslancc  dans  la  nalni'c  des  (di(»ses.et  (|iic  cette 
siilisfancc  iini(pic  est  doin-c  d  une  inlinite  il  atlrihiits  et 
entre  antres  de  l'ctciKlne  et  de  la  |»cnsee.  I!n  suite  de 
(pioi  il  assure  (pie  tous  les  corps  (pn  se  trouvent  dans 
J  unJNcrs  sont   des    modilicalions   de  cette  suhslaïue  en 


-  143  — 

tant  qirt'teiKlue  et  que  par  exemple  les  Ames  des 
hommes  sont  les  modifications  de  cette  substance  en 
tant  ([ue  pensée  :  de  sorte  que  Dieu  TEtre  nik-essaire  et 
intlninicnt  parfait,  est  bien  la  cause  de  toutes  les  choses 
qui  existent,  mais  il  ne  diffère  point  d'elles.  11  n'y  a 
qu'un  être  et  qu'une  nature,  et  cette  nature  produit  en 
elle-même  et  par  une  action  immanente  tout  ce  qu'on 
appelle  créatures.  Il  est  tout  ensend^le  agent  et  patient, 
cause  efficiente  et  sujet  ;  il  ne  produit  rien  qui  ne  soit 
sa  propre  modification  ». 

C'est  pour  cela  que  Montesquieu  procbinie  ])ien  haut 
qu'il  distingue  le  monde  matériel  d'avec  le  mon<h'  s])i- 
rituel  et  que  sans  tirer  toutes  les  conséquences  de  sa 
pensée,  il  laisse  la  divinité  extérieure  à  sa  création  eu 
ce  c]ui  concerne  le  premier  acte.  Et  en  ce  sens  Montes- 
quieu peut  honnêtement  se  défendre  d'être  spinoziste 
et  nier  être  athée  au  sens  orthodoxe  du  mol. 

Cependant,  en  ce  qui  concerne  les  conséquences  de 
cette  création,  il  n'a  plus  la  partie  aussi  beHe  ef  la 
comparaison  de  sa  doctrine  avec  le  système  de  Spinoza 
s'impose  en  elfet  à  l'esprit. 

Si  les  lois  seh)u  les(|uelles  l>i('u  a  crée  «  son!  cidles' 
selon  lesquelles  il  conserve  »  il  se  trouve  li(''  par  les 
rapports  établis  entre  les  choses  et  qui  dérivent  de  leur 
nature  particulière  et  l'univers  se  trouve  soumis  à  des 
lois  invariables  sous  peine  d'être  détruit.  iSest-ce  point 
là  une  conséquence  bien  proche  de  celles  qui  décou- 
lent du  système  de  Spinoza.  Mais  qu'importe  au  fond  ! 


—   144  — 

11  y  ,1  un  fait  (rt'XJxMicilcr,  r"«'sl  (|il<'.  .illliilil  «[ll»'  1rs 
hoimiies  ont  pu  le  constater,  le  monde  se  conserve  et 
eoiitinno:  c  est  <ju  il  y  a  dans  son  dév(do|)j)einent  sen- 
silde  une  uniti'  <|ui  relie  enti'e  eux  tous  les  iditMioinènes 
dans  le  temps,  de  la  même  l'aeon  (|u  ils  sont  scdidaires 
les  uns  des  autres  dans  l'étendue.  Les  lois  j)li\si(|ues 
manifestent  cette  réalitc'  et  les  lois  positives  de  l'oi'iia- 
nisation  sociale  la  pi'oclament  aussi  de  leui-  côté.  Il  n'est 
pas  besoin  d  aller  au  dcdà  (^t  c  est  ainsi  (pie  Montes- 
<piieu,  (jui  sépai'e  la  matière  de  rint(dlii;ence,  qui  admet 
un  Dieu  créateur  doué  d  une  \olout<'  arliitraii-e  nVst 
pas,  il  est  vrai,  spinoziste,  mais  cpi  il  1  est  jioui-laiif  tout 
de  même  jiai'c*-  (pie  la  r(''alit(''  dans  hupudle  il  se  pl.u-e 
rejMtud  aux  consécjuences  même  de  1  liyj»otliése  de  Sj)!- 
noza  :  à  savoir  ({ue  dans  l'état  actuel  des  choses  et  tel 
«pie  nous  Noyons  lunivers  se  com])orter,  soit  (pu*  hieu 
reste  le  maître  d  en  niodilier  1  oi-donnance,  soit  (pi  il  ne 
le  puisse  et  reste  Tk'  éternellement  par  sou  pieuiier 
acte,  toute  chose  créée  ne  |tcut  assurer  la  permanence 
de  sa  dur(''e  (pi'en  iiiainteuant  les  rapports  (pli  déri\(Mit 
de  s<n\  essence  et  en  suivant  les  lois  de  sa  nature. 

Toutefois  à  y  rei:ar(ler  de  jdiis  j)i-cs.  uieinc  sur-  la 
(piesti(Ui  de  la  création  un  doute  suruil  dans  l'esprit. 
Le  hicll  de  .\|onlcs(|nieu  est-il  si  exlerieiir  (pic  cela  a  sa 
création  .' 

Les  lois  (pii  fjouvernent  le  monde  jtourraient-elles 
être  autres  «pi  (dics  ne  sont .  I  )icii  p<>uri  ait-il  les  niotlifier 


—   l'io    - 

à  un  moment  quelconque  par  un  acte  arbitraire  de  sa 
volonté. 

Assurément  non.  Montesquieu  l'a  dit  dans  le  premier 
livre  de  Y  Esprit  des  Lois,  il  le  répète  plusieurs  fois  dans 
sa  défense  et  nous-même  l'avons  cité  plus  d'une  fois 
après  lui  :  «  Les  lois  selon  lesquelles  Dieu  a  créé  sont 
celles  selon  lesquelles  il  conserve  ».  L'acte  unique  de 
la  création  détermine  donc  une  fois  pour  toutes,  toutes 
les  conséquences  futures.  Mais  ces  lois  d'où  dépendent- 
elles  au  moment  du  premier  acte?  Sont-elles  inditl'é- 
rentes  et  pourrait-on  concevoir  que  Dieu  les  eut  faites 
autrement.  Il  ne  le  semble  pas  car  si  Dieu  les  a  faites 
c'est  «  qu'elles  ont  du  rapport  avec  sa  sagesse  et  sa 
puissance  ». 

Or  que  peut  vouloir  dire  cela  ?  N'est-ce  point  que  ces 
lois  elles-mêmes  déterminées  par  la  nature  de  Dieu. 
Les  termes  sagesse  et  puissance  de  Dieu  sont  couram- 
ment employés  en  théologie,  et  les  théologiens  leur 
attachent  un  sens  particulier.  Pai-  puissance  de  Dieu, 
le  vulgaire,  suivant  en  cela  la  théologie,  comprend  le 
libre  arbitre  de  Dieu  et  son  pouvoir  sur  toutes  les  choses 
qui  existent  ;  par  sa  sagesse  il  entend  son  intelligence 
c'est-à-dire  sa  faculté  de  comprendre  et  de  comparer 
au  sens  huniain  des  mots,  des  causes  ou  des  effets  (|ii"il 
voit  dans  l'avenir  pour  choisir  ce  qui  concorde  le  mieux 
avec  la  fm  qu'il  se  propose.  Mais  Spinoza  donne  à  ces 
termes  un  sens  différent.   <<   La  puissance  de   Dieu  est 

son  essence  elle-même  »  {Età.,  1,  Th.  34).  autî-emcut 
Oudin  lu 


<lit    son    cssmcc  ai;is>;iiitr     l'jh..    II.    Th.   3,   Scjiolir) 

[E///..  1.  I  II.  ^{">  et  rllc  II",!  lien  de  ci  (|ll|»;ir;ilil«'  ;iNfC  l:i 
puissance  liimiaim*  (l<'.s  rois  on  leur  |»niiv(>ir.  Uieii  ai;it 
(Ml  Vorlii  (le  la  inèiiic  iitTcssilc  [lar  lacjiiclle  il  se  coin- 
prend  et  ><  huile  (Imse  (|iie  nous  cnnccNous  èli'c  dans 
la  piiissjiiice  (le  I  lieu  existe  n(''ce>saii'eniont  ».  Uiiaiit  à 
sa  sagesse,  elh'  ne  pent  »~'tie  jinlre  chose  (pn'  son  intel- 
ligence, selon  1,1  signilication  «un-  tous  les  hommes  attri- 
huent  .111  mot  saiiesse.  (h-  <•  si  I  intelligence  appai-tieiit 
à  la  nattii'e  de  IHeu.  rintidliyciice  ne  pourra  être 
connue  la  n('»ti'e,  de  nattiic  postérieure  ou  de  natui'e 
simultanée  ;ni\  (  lios(>s  coinprisi's  (E(h.,  I.  Th.  17.  Scho- 
lie)  ;  jMiiMjiie  l'ien  est  antc'i'ienr  a  toutes  les  choses 
comme  étant  liMir  cause  :  mais  la  xCrité  et  lesscuce  l'or- 
nndh'  des  (  hoses  n  existent  ttdies  (piClIes  sont  «jiu' 
parce  »|U  «dles  existent  ohjecti\ement  telles  <lans  1  in- 
telligence de  Dieu,  (lest  j»our([uoi  Tintelli^cnce  de 
Dieu,  en  tant  (|n"elle  est  conçue  comnu>  constituant 
Tessence  de  Dieu  est  en  ic-alitt-  la  cause  (h\s  <dioses  et 
tant  (h-  ItMU'  essence  (|U<'  de  jenr  existence  :  MM'ite  (|ui 
iiai'ait  avoir  et<'>  a|)eri;iu'  pai-  ceux  (pii  ont  al'linne  ijue 
TinteJlig(Mice  de  Dieu,  sa  \olouté  et  sa  jiuissauce 
n'étaient  (JU  une  seule  et  UMMoe  t  hose    ». 

l,ors(jue  .Montes(|nieu  atlirme  donc  (jue  Dieu  a  l'ait  les 
lois  {\y\  monde  ■■  j)arc<'  (|n  •dlc'^  oïd  du  ra|»|toil  avec  sa 
sagesse  et  sa  puissance  ».  (>n  peu!  aussi  hien  coni- 
prendi'e  cett»*  pensiM»  au  s<'ns  ortlntdoxe  <pn^  rev(MJ- 
dique   Montes^pneu   dans   sa    di'h'Use.    comme    au   sens 


^  147  — 

spinoziste.  Le  premier  sens  a  poui'  lui  la  conception 
ordinaire  et  naturelle,  mais  le  second  a  trop  de  rapport 
avec  la  conception  générale  que  Montescpiieu,  d'après 
tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  se  fait  du  monde  et  de 
ses  lois  pour  que  malgré  les  apparences,  nous  ne  soyions 
})as  tentés  de  nous  y  arrêter.  D'ailleui's  (H-outons  ce  (\\w 
dit  Spinoza  sur  Torigine  de  toute  discussion  [lU/i.,  II, 
Th.  47,  Scholie)  :  «  Il  est  bien  certain  que  la  plupart 
des  erreurs  consistent  en  ce  que  nous  appliquons  aux 
choses  des  dénominations  inexactes.  En  effet,  lorsqu'un 
homme  dit  (]ue  les  lignes  (pii  sont  menées  (hi  centi'c  (hi 
cercle  à  la  circonférence  ne  sont  pas  égales  entre  eUes, 
il  comprend  sûrement  à  ce  ni!»iiieiit-là  du  moins,  sous 
le  nom  de  ceride  autre  chose  <pie  les  matln'maticieiis... 
(Test  de  là  que  naissent  la  plupart  (h's  (hscussioiis  el 
cela,  soit  parce  (pie  les  hommes  n  e\])riment  pas  hien 
ce  qu'ils  veulent  dir<',  soit  parce  (|u  ils  iiilerj)rètent  mal 
le'sentiment  dautrui.  (lai'eii  i'«''alitr',  au  iiiomeiit  oii  ils 
soutiennent  a\(M-  le  j)lus  de  force  lun  h>  conti'aire  de 
l'autre,  ou  hien  ils  sont  d  accord,  on  hien  ne  jtaileiit 
pas  du  même  sujet:  de  t(dle  sorh'  <jue  les  eiicnis  ou 
les  ahsurdités  (piils  cr(tient  exister  chez  leur  contra- 
dicteur n'existent  pas». 

Ainsi  jMontesquieu  ne  s'est  [leut-étre  jamais  pins 
lrouv(''  d'accord  avec  Spinoza  (|n(Mi  (''cri\anl  les  phrases 
jjiémes  par  lesquelles  il  entend  nionirer  (juil  le  com])at. 

Mais  après  avoir  discuté  ])ai'  rapjxtrt  à  Sj)inoza  ces 
deux  premiei'S   points  de  la    ni(''tapliysi(]iu'  sj)éciale   à 


-  lis 


Mi>iitrs(|mcii  :  la  riolioii  dr  iMM-cssift'  et  (!<■  foiililiLiciicr  ; 
le  r<"il('  (!<>  hini  dans  la  cii-atioii  cl  dans  la  coiiscfN  atioii 
i[r  1  iiiii\rr>.  il  nous  icstc  a  altordcr  un  IroiNirnic  point 
dont  la  s(dution  dt-jx-nd  iinni('Mliatcni<>nt  Ar  la  inaniri'c 
dont  on  a  résolu  les  deux  jUTuiitTs  :  je  \cu\  |»arl<M"  di' 
1  id<'<'  dr  jlisticf. 

Si  en  <'tlVt.  ri  le  consenr  dis  Sniirflh'^  rrclf^sifistt(/ttrs 
1  a  liirn  (dni|»iis.  il  n  \  a  l'icn  (juc  d»'  n('-<-<'ssaiiT,  si 
rcssoiice  des  clioses  détermine  leui-  manière  dr-lre  ;  si 
tout  acte  a  une  cause  efficienle  (|ui  a  elle-nn'me  sa 
cause.  la((Ueile  n  est  (jn Un  elf'et  et  ainsi  de  suite  en 
remontant  de  proche  en  pro(lie  jus(|u  à  Ihen,  <|ue 
de\iennent  les  notions  du  Ideil  t't  du  mal  .'  ((lie  de\  ieiit 
1  idée   de    justice?   Spinoza     l'i'polld    (pu-    le    liien    est    ce 

<pii  saccorde  avec  notre  natur<'.  le  mal  ce  qui  lui  est 
contraire.  Dans  cette  conception,  le  bien  concorde  donc 
avec  lutilité  :  le  juste  et  l'injuste  sont  des  «■  notions 
extrinsè(]iies  »  (Et/i.,  \\\  Th.  37,  S(  h«die  2)  residtaiil  de 
la  vie  de  société  et  «  dans  le  statut  natui<d  il  n  arri\e 
lien  ipie  l'on  puisse  dire  jnsie  (»u  injuste  ».  (!"est  la  une 
consé(juence  lo,ui(pie  de  la  docti'im'  de  Spinoza  sur 
hieu  «'t  sur  l'àme  et  c  est  c«'tle  même  conserpu-nce  (jne 
1  on  a  repro(diée  à  Montescpiieii.  Si  en  eti'et  les  lois 
n  ont  d  autre  esprit  cpie  de  manilester  les  rapports 
esseiiti<ds  necessaii'cs  à  l'existence  et  a  la  durée  des 
choses,  et  en  particulier  si  elles  nOiit  au  point  de  \  ne 
social  (|u  à  maintenir  les  rapjtorts  harmoni<pies  des 
indivitius  entre  eux  et  des  individus  avec  la  société,  la 


—   149  — 

justico  qu'elles  représentent  n'existe  qu'en  fonction 
d'un  état  donné  et  elle  ne  vaut  que  par  son  utilité  à  la 
conserver.  La  justice  n'est  donc  pas  antérieure  aux 
lois  positives,  comme  le  veulent  les  spiritualistes  et 
les  théologiens,  et  elle  se  confond  avec  l'utile. 

A  cette  ol)jection  fondée,  on  en  conviendra.  Montes- 
ffuieu  répond  (Espri/  des  Lois,  1,  2  et  Défense,  première 
partie,  I,  et  réponse  à  la  première  objection)  :  «  Avant 
qu'il  y  eut  des  êtres  intelligents,  ils  étaient  possible  : 
ils  avaient  donc  des  rapports  possibles  et  par  consé- 
quent des  lois  possibles.  Avant  qu'il  y  eut  des  lois 
faites,  il  y  avait  des  rapports  de  justice  possibles.  Dire 
qu'il  n'y  a  rien  de  juste  ni  d'injuste  que  ce  qu'ordonnent 
ou  défendent  les  lois  positives,  c'est  dire  qu'avant  qu'on 
eut  tracé  le  cercle  tous  les  rayons  n'étaient  pas 
égaux  ». 

Cette  simple  affirmation  que  rien  ne  développe  et 
que  semble  contredire  l'esprit  môme  du  livre  de 
Montesquieu  ne  doit  pas  nous  faire  illusion. 

Que  signifie-t-elle  d'abord  exactement?  Sup[)os(»HS 
comme  Montesquieu  une  société  dlionmies  possibles  : 
cette  société  étant  \\\\  composé  de  paitics  doit  subsister 
par  l'accord  des  parties.  Nous  avons  ainsi  l'idée  de 
justice  privée  ou  individuelle  qu'exprime  la  maxime 
qu'il  faut  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  est  dû  ;  cette 
maxime  n'exprime  pas  autre  chose  que  la  concordance 
des  rapports  qui  découlent  de  cha({ue  action  d'un  parti- 
culier, avec   les  actions   du  voisin.    Le  droit    piivé  se 


—    laO 


riiinlcr.i  (litiic  sur  l,i  ((Uiii.iiss.niiT  des  ilillV-i'ciils  c.-is  où 
se  j»<'ii\ciit  iiictln-  les  p.titiciiliri's  les  uns  j);ii-  ivipport 
;m\  .illlirs.  (!cl|c  (•(iilll.iis>;iiicc  ,ii(I<'  ."i  (l(''t('rillill('l'  ce 
(jnil  idiixiciil  ;'i  cliactiii  di-  r.iii-c  ou  di-  ne  jt.is  laii'c 
|M)lli'  (|||c  les  lu-soins  csscillirls  ;"l  ICxisIciicr  Je  I  llli  nll 
(le  1  .iiitrc  Soient  .issuri's. 

Supposons  maintenu  ni  un  roi|is  social  tonstilui''  a\('c 
tous  SCS  oi'uancs  :  il  y  a  cuire  la  coHoctivitc  cl  les 
individus,  connue  tout  à  1  heure  cnti-e  les  pai-ticuliei-s, 
un  état  d  «Mpiililu-e  staldc  ipii  n-sultc  de  la  satisfaction 
des  l)(>soins  es>-enti(ds  à  la  naliu'c  de  la  socit-té  et  à  c(dle 
des  indiNiilus  :  ce!  ('lai  d  cipiilihi'c  sei-a  la  Justice  et 
lacté  juste  sera  cidui  par  IcMpnd  on  procurera  cet  l'-tat. 
l'n  deiaiière  analyse,  la  pistice  |)oui-  Moutescjuieu  sera 
dnic  la  convenance  de  lacté  axci-  les  la  j)|ioi-fs  au\(pi(ds- 
il  doit  satisl'aii'c.  Il  \a  sans  dire  (|ue  celle  counc- 
uance  jieid  se  couccNoir  eu  soi,  id^'aleuM'ut  pour  ainsi 
dire,  connue  1  allriliiit  essenti(d  de  l'acte  a|tp(di''  juste. 
Les  rap|)orls  de  justice  sont  donc  possildes  toiijoiU's  eu 
eu\-nuMues,  ind(''|)endannnenl  di'  toute  n''alit(''  et  anti'- 
rieui'cuieid  à  toute  \  ie  sociale,  pniscpi  il  s  aL:il    j»our  les 

(olu|irendre     de     ctUM-cNoU'     I  idi'c     de     coUXeiiaUcc     <pii 

peut  s  appli(pici' ,1  Ions  les  ra|)ports  possibles  d  non 
|)as    uuitpu'uieiil  aux  senls  rapports  Sociaux.   (]'es|   .unsi 

ipi  en  ell'el  I  (''L:allle  des  ra\ons  est  contenue  dans  rid(''(' 
du  cer(  le  i ndi'']:endannueii I  de  toute  réalit)'  olijei-|i\e 
de    1,1    li-ure.    c  est-.'i-dire  axaut  ipi  on   I  ait   ti-ac<-e.    car 


—  451  ^ 

rég-alifé    dos   rayons    i-ôsulfo    do    l'esscnco    niôino  du 
cercle. 

Or  c'est  précisément  sur  ce  point  que  nous  sommes 
fondés  à  trouver  et  jusque  dans  sa  défense  un  rapport 
trop  particulier  avec  le  spinozisme  pour  no  j)as  le 
signaler. 

Tout  d'abord  l'exemple  du  cercle  est  un  exemple 
affectionné  par  Spinoza.  11  s'en  sert  {Eth.,  Il,  Th.  7) 
pour  démontrer  que  l'idée  des  choses  est  un  mode  do 
la  pensée  de  Dieu,  tandis  que  leur  forme  particidiére 
est  un  mode  de  sa  sul)stance  considérée  connue 
étendue;  de  même  [Eth..  II,  Tii.  8,  Coroll.)  c'est  au 
moyen  des  propriétés  du  cercle  qu'il  jDrouve  qu'aussi 
longtemps  que  les  choses  particulières  n'existent  pas 
sauf  en  tant  qu'elles  sont  contenues  dans  les  attributs 
de  Dieu,  leur  être  objectif,  autrement  dit  leurs  idéos 
n'existent  pas  non  plus,  si  ce  n'est  ([uoii  t.iiit  (inCxisto 
l'idée  infinie  de  Dieu.  C'est  encore  au  cercle  i /•'///.,  II, 
Th.  -47,  Scholie),  nous  l'avons  vu  plus  haut,  (pi'il  a 
recours  pour  nous  faire  comprendre  eomment  les 
hommes  ne  s'entendent  pas  le  plus  souvent  l'.intc  d'en- 
fermer sous  les  mêmes  mots  les  nnMiies  idées. 

INIais  il  est  un  de  ces  exemjtlcs  dont  le  sens  cl  l,i 
forme  sont  à  retenir  en  présenc(^  de  la  comparaison  de 
Montes(piieu  {Et/i.,  II,  Tli.  7,  Scholie).  «  Un  (-(U'clo 
existant  dans  la  n;itnre,  dit  Spinoza  et  l'idée  de  ce 
cercle  existant,  (pii  existe  aussi  en  l>icn,  ne  sont  (|n Une 
seule  et  nu^no  chose,  exprinu'c  ])ar  des  .ittriluits  dittc'-- 


—  in2  — 

rmits  ».  Notion  qu'il  ])rô(iso  (l;iiis  lo  tlx-ortMiio  suivjint 
[lù/i.,    II.    Th.  8     :    <.    Les    idc-rs    Ai'    rlioscs    p.iI'ticllIiriTS 

—  anti'(>m(Mit  dit  des  iiiodos  —  (jui  ii Cxistrnt  j)as, 
doivent  (Mrr  contfMUics  dans  lidre  infinio  de  Ihru  de  la 
luônic  niaiiirrc  i\[\r  sont  contcnuos  dans  les  attributs 
do  I)i('U  los  cssencos  i'oriiiolh's  dos  cliosos  pai'ticuliôros 

—  .luticinout  dit  dos  uiodos  ({ui  oxistont  on  l'ait  ».  Oi*. 
dans  le  sclndio  ((ni  o\])li({uo  oo  thôorriiio  rt  son  ((trol- 
laii'o.  S|)inoza  constaliint  (|uo  le  <rnlc  t-^t  dr  sa  natiu'o 
t(d  (jnc  les  rcctaniulos  sous  1rs  srqnioiifs  de  toufos  los 
liiiiies  droit<'s  «jui  so  coujXMit  à  1  intoi'iour  du  corclo 
soiont  ôiiaux  outro  ou\  ot  roniarquons  quo  c  ost  aussi 
la  naturo  du  cerch'  (juo  tous  ses  rayons  soient  égaux) 
en  conclut  qu'on  ne  peut  pas  dire  qu'aucun  d'eux  existe 
si  rc  n'ost  cpi  autant  que  lo  («'rclc  lui-niTMiio  existe  et 
([uo  non  j)lns  l'idi-e  de  lim  quolcon<[ue  de  i-es  i-ectan- 
gles  existe,  si  ce  n"es4  (ju'autant  qu'elle  est  contenue 
dans  l'idée  du  corclo.  Or  cette  idée  dans  le  système 
spinozisle  <'sl  coexistante  à  Dieu  ({ui  eontiont  en  lui 
l'essencf'  de  tontes  les  choses. 

Ainsi  donc  il  l'-iut  que  Montesqnien  \fnille  dire  (pn- 
I  id<'e  de  justice  existe  dans  I  idée  de  \;\  societ»'  (pli 
«'niiloho  I  idée  de  I  lioninie.  (•oninio  1  égalité  des  ra\ons 
(lu  cercle  n Cxiste  (pi  autant  <pi  elle  «^st  eontenin'  dans 
l'idée  du  corclo  sans  (pi  il  s(tit  hosoin  ni  (pie  la  société 
sftit  réalisée,  ni  (pie  le  corclo  soit  tracé. 

(!e(piisoiiI  peut  faire  illusion  ici.  ce  sont  les  mots. 
l"n  ellct,  il  s"a::it  d  ('xjdi(pn'i'  comment  Ton  coiuoif  celle 


-     lo.S    — 

iiaturo  d'idéo.  Pour  les  spiritualistes,  poiii*  \o  critique 
des  Xoiiv&lles  ecclésiastiques  l'idée  des  choses  existe 
bien  en  Dieu,  mais  comme  manifestation  possible  de  sa 
volonté  et  de  sa  puissance  et  Dieu  a  d'abord  la  connais- 
sance des  choses  qui  se  réaliseront  ;  l'idée  de  justice 
dépend  de  lui  seul  et  c'est  lui  (jui  la  révèh^  à  notre 
ànie.  r^our  Spinoza  cette  même  idée  est  une  consé- 
quence des  divers  attributs  qui  composent  la  substance 
et  les  choses  dont  Dieu  a  l'idée  [Eth.,  11.  Th.  6,  de 
Dieu)  «  résultent  et  se  déduisent  de  leurs  attributs 
respectifs  ».  Or  Montesquieu  a  émis  un  aphorisme  sous 
une  forme  générale  et  vague  :  il  n'a  point  expliqué  le 
sens  qu'il  donne  aux  termes  qu'il  emploie.  On  peut  les 
prendre  dans  le  sens  usuel,  comme  tout  à  l'beure  les 
termes  de  sagesse  et  de  puissance  divines,  mais  on 
peut  aussi  leur  donner  tiu  sens  plus  spécial  cjuautorise 
la  conception  particulière  qu'il  se  fait  de  la  loi  et  des 
rapports  des  choses.  Cette  interprétation  est  nettement 
spinoziste  et  le  seul  fait  qu'elle  puisse  être  j)ossible  est 
une  présomption  grave  du  spinozisnie  de  Montesquieu. 
Si  nous  ne  pouvons  pas  le  détei-miiiei'  phis  clairement, 
la  faute  en  est  aux  précautions  qu  il  prcMid  ])oui*  ne 
pas  domier  une  jirise  trop  facile  contre  lui,  cai'  il  sait 
bien  quel  sort  attend  le  penseur  trop  audacieux.  Il  en 
résulte  que,  cpiand  après  avoii'  lu  Spinoza,  on  aborde 
Montesquieu,  on  éprouve  une  s<Misation  mal  définie  de 
déjà  vu  ptMiibb^  poui'  ICspcit  et  (|ui  autorise  toutes  les 
sujîpositions.  Nous  venons  de  voir  par  l'analyse  rigou- 


o* 


reiiso  dos  passages  1rs  jilus  s.iill.inls  <ln  ]»i'oiiii(M'  livro 
et  pai-  l<Mii-  coiiijtar.iisdii  ;i\<'r  les  pdiiifs  |iiiii(ipaii\  «le 
la  iii»''f;ij)li\si(|ii('  <!<'  Spiimz.i  (|in'  ers  suppositions 
peuvent  ti'oUNer  dans  les  textes  une  liasc  assrz  scdide 
iu)taniinent  en  ce  «|ui  eoncei-nc  la  enii(('|ili(tn  des  rap- 
ports nécessaires  dont  le  maintien  est  lOltjcl  de  la  loi 
—  pour  ce  <|ui  louche  à  la  |tuissance  et  à  la  \(donte  de 
l)i(Mi  coiisidei't'  cduinie  cri'alcui'  et  ciiniUM'  c(in>cr\ atmir 
de  1  uiii\ers  —  pour  ce  (|ui  reuardt-  mlin  I  idt'c  de 
justice. 

Or,  ces  trois  points  sont  l'oiulanicnlaux  et  ils  dt'ter- 
niineid  l'anule  sous  le(pnd  on  envisagera  les  rajiports 
sociaux.  Parlant  de  ces  [»rincipes.  counnent  Montes- 
quieu et  Sj)inoza  eoniprcniicid-ils  donc  l'oriianisalion 
des  soci<''tés  liumaines  ? 

A])rès  nous  avoir  inonti-é  le  monde  pli\si(|ue  l:(iu- 
verni'  jtai-  des  lois  inxarialdi-^  <|ui  maintiennent  les 
rapports  essenti(ds  à  la  continuité  de  la  cr<''ation.  Mon- 
ies(|uieu  constate  [Esprit  t/fs  /ois,  1,  '^)  (|in'  le  monde 
des  intelligences  «  liien  «pi  il  ait  aussi  des  lois  «jui, 
par  leui' natui-e,  sont  invarialdes  ■>  est  loin  d'être  aussi 
liien  i:on\('riic  cpu'  le  monde  |tli\si([in'  et  •■  (|u  il  ne 
suit  |ias  constamnienl  ses  lois  comme  le  monde  |)|i\».i- 
«im-  suit    les   siennes   ■■. 

Mais  (pw  faut-il  enl<Midie  par  le  monde  des  intidli- 
geiu-es  ?  I']vi«lennnent  celui  i|ui  comprend  llnUMme  et 
les  soeji^és  <[U  il  l'olIUi'.  l'olU'  Montesipiieu .  en  ellef. 
riiouune,  dès  que   l'on    soi-t  de  I  oliser\ aliou    pliiloso- 


—  435  — 

plii({uc  pour  aborder  la  réalité,  ne  peut  être  conçu  en 
(leliors  de  la  société.  Il  repousse  de  toutes  ses  forces 
Fétat  de  nature  cher  à  Hobbes  et  à  Rousseau  dans 
lequel, rbonmie  serait  en  possession  de  tous  les  droits  (>t 
de  toutes  les  vertus,  serait  égal  à  son  send)lable  comme 
formé  de  la  même  essence  et  également  libre.  Loin  de 
là,  dans  cet  état,  à  supposer  qu'il  ait  existé,  ù  cha- 
cun se  sent  inférieur,  à  peine  chacun  se  sent-il  égal  » 
{Esprit  des  Lois\  I,  2V  Comment  en  effet,  en  présence 
des  forces  naturelles  écrasantes,  rhomme  n"cùt-il  ])as 
été  pénétré  du  sentiment  i\e  sa  proj»re  faiblesse,  (^'est 
la  société  de  ses  semJ)lti])les  qui  hii  fait  sentir  sa 
force,  cette  société  qui  est  apparue  dans  le  monde  en 
même  temps  que  la  famille,  c'est-à-dire  en  même 
temps  que  l'homme  lui-môme  :  «  Je  (LeUres  pers.,  91). 
n'ai  jamais  ouï  jîarler  «  de  droit  puldic  qu'on  n'ait 
commencé  par  rechercher  soigneiiscnicnt  (pndle  est 
l'origine  des  sociétés  ;  ce  ([ui  me  j)arait  i-iiliculc.  Si  les 
hommes  n'en  formaient  point,  s'ils  se  (jiiittaient  <'l  se 
fuyaient  les  uns  les  autres,  il  fauîlrait  en  demander  la 
raison  et  cherclier  pour([uoi  ils  se  liciinent  sé])arés  : 
mais  ils  naissent  tons  li<''s  les  uns  an\  antres  :  nn  lils 
est  né  anj)ri''s  de  son  jx-rc  cl  il  s'y  ticnl  :  xoilà  la 
soci(''t(''  et  la  cansc  de  la  sorii-h'  ■>.  !•](  si  la  l'aniillc  n'est 
pas  l'origine  de  la  société  (|ni  coexisterait  ainsi  avec 
l'origine  nn'Mue  de  l'homme,  la  nécessité  d'assistance 
nmtuelle  l'aurait  aussitôt  fait  naître,  car  l'homme  isolé, 
rhomme    à    l'état    de     nainre.    à    snj)poser    qu'un    t(d 


liDinmc  (Mif  oxistô,  aurait  clierclu'  à  conservor  son  «Mi-o 
hicii  plutôt  on  utilisant  los  rossouires  do  sa  laililoss»' 
qu  on  ossayant  d  iiiiposoi'  par  la  forco  sa  doniinatioii. 

Acceptons  donc  cette  idi'e  ([lie  le  monde  intelligent 
ne  se  conçoit  pas  en  deliois  de  la  societi'.  One  \a-t-il 
se  passer  !  E^^jinf  des  Jjiis,  1.  8  .  •■  Sitcd  (|ue  1rs 
Ininunos  sont  en  société  ils  perdfMit  le  sentinieni  de  lenr 
faiblesse  :  l'égalité  cpii  («tait  eiili-e  eux  cesse  et  l'elal 
do  liuori'o  coniuionce.  Cliacpn'  société  jt.nliculiére  vient 
à  sentir  sa  force,  ce  qui  j)iiidiiit  un  tdat  de  iiuorro  do 
nation  à  nation  :  les  particnliej-s.  dans  cluujue  société, 
coniinenc<Mit  à  sentir  leur  force,  ils  chercluMit  à  tonrnor 
en  lenr  laveur  los  principaux  avantages  do  cotto  société, 
ce  ([ui  lait  oidro  eux  un  état  {\o  auerro.  (]os  doux  soi'tos 
«l'états  {\(^  ii'uorre  vont  (daalir  los  lois  parmi  les  liom- 
nios  ».  et  ailleurs  J-^s/iri/  (!(•<  Lois.  \III,  3  :  "  hans 
Tetal  de  nafni'e,  les  liommes  naissent  Wien  dans  1  (''i:a- 
lili-,  mais  ils  n  y  sauraient  rester.  La  sociétt-  la  lenr  fait 
jierdre  et  ils  ne  rede\ionnont  éuaiix  «pie  ]»ar  les  lois  ••. 

Ces  lois,  ce  S(»ut  c(dles  ((ui,  toni  comme  dans  le 
monde  pliysi(|ne,  ('daldisseni  l'iMpiililire  entre  les  pal- 
lies dont  se  com|>ose  la  société  en  \  maiiitenani  la 
variété  dans  I  iinile  pai'  le  maintien  d  un  rapport  cons- 
tant entre  la  collecli\  it(''  et  lindixidii.  La  société  no 
sauiait  exister  sans  cola  et  sans  idle  I  lionnne  indivi- 
duel sei'ait  dfdruit.  Spinoza  nous  l'ait  compi'ondre  ce 
phiMiomène  exccdiemmenf  :  "  La  natnre  l'orme  nue 
existence  jdeine  et  indépendante,   une  en  soi   cl  cuve- 


I 


—  157  — 

loppant  toutefois  une  diversité  infinie.  Et  il  n'y  a  point 
Je  contradiction.  Qu'est-ce,  en  eti'et,  qui  constitue 
l'unité  d'un  être  corporel  ?  Qu'est-ce  qui  en  constitue 
la  variété  ?  (Considérons  les  composés  les  plus  simples, 
par  exemple  un  minéi'al.  Ce  minéral  n'existe  comme 
individu  qu'à  une  condition,  c  est  qu  il  y  ait  un  rapport 
constant  entre  le  mouvement  et  le  repos  de  ses  pai- 
ties  »  (Cf.  Mont.  Esprit  des  Lois,  1,  1).  «  Chaque  diver- 
sité est  uniforme,  cha({ue  chaque  changement  est 
constance  ».  Il  en  est  pour  la  société  comme  de  tout  ce 
qui  engiol)e  l'existence. 

C'est  dans  ce  sens  qu'il  y  a  pour  la  société  une  loi  de 
nature  constante  qui  dérive  des  rapports  essentiels 
issus  de  sa  définition  même. 

Si  les  hommes  qui  composent  la  société  n'étaient  pas 
ce  qu'ils  sont,  ces  lois  seraient  naturellement  suivies 
et  jamais  l'écpiilibre  n'sultant  de  l'essence  d<'s  choses 
ne  serait  troublé.  Mais  deux  raisons  s'opposent  à  ce 
que  les  sociétés,  c'est-à-dire  le  monde  des  intelligences, 
suive  rigoureusement  sa  loi.  La  première  est  que 
{Esprit  des  Lois,  1,  3)  «  les  êtres  particuliers  intelli- 
gents sont  l)(»rnés  p.ir  h-ur  natnre  et  par  cons('Mjucnt 
sujets  à  l'erreur  n.  I*ai-  h'i,  il  faut  (Mitcnch'c  (|nc  h's 
hommes  souli'rent  diin  ^  mau(|ne  (k'  connaissance  », 
comme  dit  Spinoza,  provenant  d'idées  in^nléquates 
[E/h.  //,  Th.  3")),  autrement  dit  partielles  et  confuses 
(h>nt  la  cause  est  l'ignorance  où  ils  se  ti'ou\cnt  th'S 
causes  véritables  de  leurs  <'tats  <hi  <h'  Icujs  actes.  Si 


—    lo.S 


telle  H Cl.iit  pas  !  idi'c  ilc  Mitiitestjuii'U.  jHUli'JjlKii  se 
serail-il  doiiiie  tant  <le  mal  pour  élaMir  dans  \  ilspril 
(Ifs  Loi^,  |»ai'  mie  analyse  ni(''Hi()di<jne  <'t  claire.  le> 
f  (iiidilions  e>seii  liidles  de  la  \  ie  M)riale.  les  ra]t|t<)i'ts 
(|n  il  s  ai:il  de  maintenir  <;(iiii°iirmemeiil  a  la  nalnic  de 
eliaillle  eliose.  et  les  mnxens  d  e\itei-  de  ..  de  nn'lfle  de 
la  eonlusion  parmi  les  principes  (jni  d(»ivent  j^omei'ner 
les  liDinmes  »  (Esprit  des  Lois.  .X.W'J.  1  i.  Ponrcpioi 
s'écri(M'a-t-il  dans  sa  prélace  :  <-  11  nCst  pas  indillV-rent 
(jne  le  jM'iiple  soil  !•(  laire.  Les  [)réjii,::(''s  des  ma;^islrats 
ont  e(immene<-  par  être  des  j»r(''jnL:<''s  de  la  nati(ni  -'. 

Mai^  il  y  a  nne  antre  raison  meore.  c'est  (jne 
1  lionnne  est  nn  ('-Ir*'  sensilde.  et  comme  tel  snjet  à 
<(  mille  passions  ...  Entre  tontes,  la  pi'incipale  est  1  aj»- 
pétit  qui  le  ponsso  à  toujours  dévolojjper  sa  ])uissauce 
(l'aii'iF  pour  sassnrt'i-  la  plénitude  île  \ie  compalilde 
avec  ses  l'acultc-s.  |)e  cette  constatation  sort  e\  idem- 
nuMd  la  l'ormnle  lann-use  Espiit  drs  Lm^.  XI.  ."»  :  ..  Tout 
houune  (]ui  a  du  pon\oir  est  porte  à  en  ahuser  ",  com- 
])lét<''e  par  cette  aidre  non  moins  c('lèl»re  :  «  Le  pou- 
Nitirarièle  je  jtonxoir  '<  [Esprit  ths  Ay/s.  XI.  'i)  :  car 
llKimnii"  ne  l'ail  ici  (pie  Mli\|-e  la  loi  de  nalnre  de  toutes 
les  créatures  «pii  est  de  perscM'rer  dans  leur  <"'tre  et  la 
psV(  liolouie  individuelle  est  ici  d  accord  a\ec  les  joj.si 
^^('•m'rales  de  la   nalnre. 

(ionune  d  autre  part  il  est  de  la  natui'c  des  eti'cs 
iutellii;('nts  «<  d'ai;ir  par  r-ux-mèmes  ■>.  "  ils  ne  siii\ent 
pas   cruistammeiit    leius   lois  primiti\es  :  celles  mèmcH 


—  lo9  — 

qu'ils  se   donnent,  ils  ne   les  suivent  pas   toujours  ». 

Il  résulte  de  cela  que  Toffice  des  lois  positives  et  de 
l'organisation  politique  est  de  ramener  les  hommes  aux 
lois  de  leur  nature,  par  la  compréhension,  sous  forme 
d'idée  adéquate,  de  leurs  véritables  rapports  indivi- 
duels et  sociaux,  de  manière  à  ce  que  ces  rapports, 
étant  maintenus  dans  leur  intégrité,  lee  sociétés  aussi 
bien  que  les  individus  puissent  subsister  et  se  per- 
pétuer. 

La  science  du  législateur  sera  de  connaître  ces  rap- 
ports essentiels  et  toutes  les  causes  secon(h»s  (|ui  peu- 
vent en  modifier  Faspect  ;  son  art  sera  d'y  conformer 
les  lois  quil  élaljorera.  De  môme,  la  science  du  juris- 
consulte sera  d'apprécier  ces  mêmes  rapports  et  ces 
mêmes  causes  secondes  pnur  pouvoir  comparer  à  cet 
état  normal  et  réel,  celui  qu'établissent  les  lois  posi- 
tives, et  son  art  sera  l'habileté  avec  laquelle  il  saura 
faire  cette  comparaison.  Quant  à  l'autorité  de  la  loi, 
elle  sera  fondée  d'une  part  sur  la  conformité  avec  la 
réalité  des  rapports  qu'elle  doit  maintenir,  et  c'est  la 
première  condition  par  laquelle  elh'  siiiqKiscra,  mais 
elle  s'appuiera  aussi  sur  la  puissance  dv  ÏKUd,  c'est-à- 
dire  sur  le  droit  (|ui  hii  est  dévolu  j);ir  la  nature  des 
choses  de  maintenir  et  de  faire  respecter  Idrdrc  néces- 
saire pour  assurer  la  durée  de  la  société. 

Que  nous  dit  Spinoza  ?  Il  suffit  de  le  citer  p<»ur  être 
saisi  d'une  analogie  presque  complète  entre  sa  pensée 
et  celle  de  Montesquieu  que  nous  venons  d'auahscr. 


—  I(»()  — 

«  Tout  iiii  chaciiii.  (l('(lai-('-t-il  E/h.  I\\  Tli.  37, 
Scholic  2),  existe  en  vertu  <lu  di-nit  si>u\  t'raiii  de  la 
nature  et  eonsé<ju<Munieut  c  est  en  \rrtii  de  ce  dmit 
souveraiu  que  chacun  accomplit  les  (  lioscs  (|ui  i-esul- 
tent  de  la  nécessité  de  sa  nature,  et  |»ar  c<)nsé(|uent 
c'est  <'ii  vcriii  du  droit  souNcr-ain  de  la  naliirc  t|n<'  tout 
un  (diacun  juj;e  ce  qui  lui  est  hou,  ce  (|ui  lui  est  mau- 
vais, et  prend  les  mesures  qui  lui  sout  utiles,  comme  il 
lui  convient,  et  ([u'il  se  ven^e.  et  qu  il  s'efforce  de  con- 
server ce  qu  il  aime  et  de  détruire  ce  ijuil  a  en  liainr. 

^'/  les  hommes  vivaient  sous  la  coinluitt'  île  la  liaison, 
cliacmi  jouirait  de  ce  droit  </ui  lui  est  pro/^rp,  .sans  causer 
à  autrui  aucun  «laminage.  Mais  coiunu:  1rs  liuninws  sont 
sujets  aux  affections  qui  surpassent  beaucoup  la  puis- 
sance, autrement  dit  la  vertu  liumaine,  pour  cette  raison 
il  arrive  souvent  (juils  sont  entraînés  en  sens  contraii-e 
et  (|u'ils  sont  c»tnt!'aires  les  uns  aux  autres:  alors  »|u  ils 
ont  besoin  de  I  aide  les  uns  des  autres. 

Donc,  pour  ([Ile  les  jiommes  j)uisseid  \i\re  d  accord 
et  saidei-  les  uns  les  auties,  il  est  néccss/rirr  </u  ils  uhan- 
donncnt  <lc  leurs  droits  naturels  I  '.  rt  t/u'ils  s'assurent 
les  uns  aux  autres  i/u'ils  ne  feront  rien  ipii  puisse  tour- 
ner an  domniaiic  daiilrui.  I>e  <|iHdle  iiiaiiieic  il  jteiil  se 
]»rodnire  (pie   les   hommes  (pii   sont  nul urelInnenL  sujets 


{.  Cf.  .Molli.  Ksi, rit  ites  Lot.^,  .V.Wl.  15. 

«  Comme  tes  fiommes  ont  renonré  à  teiir  i/idr/if/uto/irr  natu- 
rottc  },niir  vivre  stnis  itrs  fois  potitii/ues,  ils  ont  rtMionrc  à  la  rom- 
muiiaulé  nulureiie  "les  biens  pour  vi\rc  sous  tics  lois  civiles  ». 


—  161   - 

aux  passions  et  inconstants  et  changeants  puissent  s'as- 
surer les  uns  les  autres,  et  avoir  confiance  les  uns  dans 
les  autres,  cela  résulte...  de  ce  fait  qu'aucune  affliction 
ne  peut  être  entravée^  si  ce  nest  par  une  affection  plus 
forte  et  contraire  à  l'action  à  entraver  et  que  tout  un 
chacun  s'abstient  de  porter  dommage  par  la  peur  d'un 
dommage  plus  grand.  Donc,  c'est  sur  cette  règle  que  la 
société  pourra  se  fonder,  pourvu  qu'elle  reprenne  par 
devers  elle  le  droit  que  chacun  a  de  se  venger  et  de 
juger  ce  qui  est  bien  et  ce  qui  est  mal.  Par  suite,  la 
société  devra  avoir  le  droit  de  prescrire  les  règles  de  la 
vie  commune  et  d'édicter  des  lois  en  les  appuyant,  non 
pas  sur  la  Raison  qui  ne  peut  entraver  une  affection, 
mais  sur  la  menace.  Une  telle  société  établie  sur  des 
lois  et  sur  le  pouvoir  de  se  conserver  elle-même,  s'ap- 
pelle cité,  et  ceux  qui  sont  défendus  par  ses  lois 
citoyens  ». 

Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  l'analogie 
qui  existe  ici  entre  la  pensée  de  Montesquieu  et  celle 
de  Spinoza.  L'office  des  lois  positives  et  de  l'organi- 
sation politique  n'a-t-il  pas  pour  objet  pour  l'un  comme 
pour  l'autre  de  ramener  les  hommes  aux  lois  de  leur 
nature  par  la  constatation  de  leurs  rapports  individuels 
et  sociaux  de  manière  à  créer  par  l'équilibre  des  pas- 
sions un  Etat  qui  permette  à  chacun  de  se  dévelopjjcr 
avec  sécurité. 

On  peut  toutefois  objecter  à  ce  rapprochement  qu'il 
y  a  tout  de  môme  une  différence  essentielle  entre  les 

Oudin  11 


-   lG-2  — 

(leii\  foiifcjttioMs  dont  iKUis  nous  (tcriijKiim.  L  iiin*. 
cellt'  "le  Spiiiozn.  (.oiriiic  j)ar  rct.ildisssiuciit  «le  l.i 
socirfi'  ri  des  lois  |»oliti<]U("s  Irt.it  de  uiirrir  |»l-'mntif  r*f 
iiiiturol.  Or  Moid('S([iii(Mi  ariiiiic  (|u  d  a  ru  \ur  d  atta- 
«|llf'l'  le  SNstfliic  dr  I  loldir>  (|lli  •■  \oidaid  jH-(>ll\  «T  ijllf 
l(^s  lioiiiiiK's  naissent  t  >us  en  état  de  i:iieiie  et  (|ne  la 
premi«'ie  loi  natiii-elle  est  la  inieiic  de  Ions  contre  tous 
ronvorse  coninie  Spinoza  t  nte  i(di::ion  et  toute 
morale  ■>.  Sans  doute  .Montes(|uieu  ne  parait  pas  sous- 
ei'ire  à  cette  ariirniation  de  Spinoza  fjuo  cVst  on  \ei-tu 
du  droit  >oii\  l'rain  île  la  nature  (|ue  fnni  un  (  liacnii  ,iuL:<> 
ce  (|Ue  lui  e>t  lion,  ce  ([ni  lui  est  nianxais.  et  |u-end  les 
iiiesurt's  ({ui  lui  sont  utiles  couiun-  il  lui  con\  ient  et  (ju  il 
se  veni:r>  et  ([u'il  s'elVoi-ce  dp  conserNcr  ce  (|U  il  ainu'  et 
de  détruire  ce  cpi  il  a  en  haine  ...  \  oilà  en  ell'et  i|ui 
justilie  la  satisfaction  des  pii-es  instincts.  i|ui  Jette  les 
lioinnies  les  mis  contre  les  autres,  <jui  le  ra\al<-  au 
lani;  di'  !a  Itète  en  ne  lui  donnant  comme  lui  ([ue  son 
iiitei-r-l  imnieilial. 

Mais  [»cnt-<~'lre  M(UlteS(]uieU  est-il  ici  dujie  de 
Ini-iuènie  ou  (  lier<  In^-t-il  à  nous  faii'e  illusion. 

Adnietloijs  nii  instant,  connue  Spinoza,  *[\ir  I  ctal  de 
iiuerre  soit  I  état  uatufid  aux  liommrs.  il  n  en  est  |»,is 
moins  \i-ai  ipir  la  société  y  met  liien  \ite  nii  terme  en 
ramenaiil  pai-  I  autor-itt'  de  ses  lois  les  indi\idus  à  la 
conscience  et  au  resjiect  des  iidércts  conunmis.  (lest 
cette  conception  de  I  IjouMue  primitif,  loup  poiu"  son 
semlilalde  ipii  lie  plait  j)as  à  Montesipiieu  il  almrd  par<e 


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qu  clic  rcpui;Mc  à  sou  sriitiiiicut,  ensuite  parce  qu  elli^ 
hii  parait  fausse  :  nous  lavons  vu,  pour  lui  la  société 
est  l'état  normal  et  naturel  de  Ihuiiiaiiité.  Mais  il  ne 
paraît  pas  sapcrcevoir  (ju'il  ne  fait  (pic  déplacer 
lépoque  où  sétahlit  cet  état  de  guerre  contre  lequel  il 
s'élève  si  fort.  Pour  Spinoza.  ]iour  Hol)l)es,  c'est  létat 
naturel  (\r  1  lioninie  ^ti'indtif,  poui-  ^lontesquieu  c'est 
leur  premier  contact  dans  la  vie  sociale.  «  Sitôt  que  les 
lioninies  sont  en  société,  ils  perdent  le  sentiment  de 
leur  faiblesse  :  régalité  qui  était  entre  eux  cesse  et 
l'état  de  guerre  commence  ».  Dans  l'une  comme  dans 
l'autre  conception  il  faut  toujours  en  arriver  au  même 
résultat  à  l'étaljlissement  de  lois  positives  et  d'une  auto- 
rité publi(pie  destinées  à  rétablir  entre  tous  les  liommes 
la  permanence  des  rapports  nécessaires  pour  assurer  la 
libre  existence  et  la  sécurité  de  cbacun,  soit  en  empê- 
chant comme  chez  Montesquieu,  la  société  formée  de 
se  dissoudre  dans  l'anarchie,  soit  en  aidant,  comme 
chez  Spinoza,  à  sa  formation.  En  somme  c'est  toujours 
l'état  de  guerre,  antérieur  ou  jxtstérieur  à  la  société 
qui  aboutit  à  la  création  des  lois. 


I    \\  Al  .    —    IMPRIMERIE    L.   B.VRNEOUD    ET   C' 


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Uni\ersity  of  British  (^oliimbi.i  Libr.iry 

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FORM    310 

University  of  British  Columbia  Library 

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"N'VERS  TY  OF  B.C.   LIBRARY 


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255  7325 


3  9424  01 


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