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Full text of "Les éreintés de la vie; pantomime en un acte"

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LES    ÉREINTÉS 


DE    LA    VIE 


IL   A  ETE    TIRE 

Trente  exemplaires  sur  papier  japon 

numérotés  de  i  à  jo 

et    signés    par    l'auteur. 


Exemplaire  sur  papier  japon 


FÉLICIEN    CHAMPSAUR 


r 

Les  Ereintés 

DE    LA   VIE 


PANTOMIME    EN    UN    ACTE 

ILLUSTRÉE 

Par 

HENRY     OERBAULT 


PARIS 
E.    DENTU,   ÉDITEUR 

LIBRAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ    DES    GENS    DE    LETTRES 
3,   PLACE  VALOIS,  PALAIS-ROYAL 

1888 

Tous  droits   de   reproduction    et  de    représenution    réservés 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  British  Columbia  Library 


littp://www.archive.org/details/lesreintsdelOOcham 


ERNEST  MOLIER 


\ 


^A    EUNEST    V\iOLIER 


Mon  cher  Ami 

Vous  avez  mis  en  scène  cette  panto- 
mime, pour  en  donner  deux  représenta- 
tions chez  vous,  dans  les  soirées  que 
vous  offrez  au  Paris  artiste  et  mondain, 
les  6  et  1 1  juin.  Vous  l'avez  très  habile- 
ment dirigée  ;  elle  vous  appartient  un 
peu. 

Ce  sera  aussi  un  souvenir  de  nos 
assauts  d'armes,  les  matins  d'hiver.  Très 
affectueusement. 

FÉLICIEN  CHAMPSAUR 

Paris,  1"  Juin  l888 


PERSONNAGES 


Uutûck 

de    IB    Uoclorcs^^^i   .  yy 


(Doctoresse) 


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'ilne   ijanseu 


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2"''  CuUle-jafie 


1''  Ca  -Je  -lalle 


0115 


Un  musicien  lôiilasaue 


Ma  ClWf  X  'Orckestr 


PERSONNAGES 


LOUFOCK,  valet  de  la  doctoresse. 

M"*  LavIGNE,  du  Palais-Royal. 

LA  FÉE  D'UNE  SOURCE. 

M"'  RIVOLTA,  de  l'Eden-Théâtre. 
BEAUTY,  doctoresse. 

M"'   Dezodek,  du  Palais-Royal. 

LA  FORTUNE. 

M"°  MauPIN,  de  l'Opéra. 

LU  LU,  clownesse. 

M"°  Menty,  du  Gymnase. 

Danseuses  ; 

Une  voiture  de  jolies  filles  ; 

Le  cocher; 

Banquiers  ; 

Cavaliers-sandwiches  ; 

Miss  Réclame  ; 

Apothicaires  ; 


38        LES  ÉREINTÉS  DE   LA   VIE 


I   1"  cul-de-jatte, 

i  2'    cul-de-jatte, 

Gommeux  'J  un  ataxique, 

un  gaga, 

deux  exsangues, 

Un  lycéen,  qui  s'est  trop  amusé,    ramolli  de  la 

moelle  épinière  ; 

Joseph  Prud'homme; 

Un  chef  d'orchestre  ; 

Musiciens  fantasques  ; 

f  d'abord  petit  ; 
L  amour   J 

(  gros  ensuite  ; 

Un  veau  d'or. 


LES  EREINTES  DE  LA  VIE 


PANTOMIME  EN  UN  ACTE 


SCÈNE    I 


NE  petite  Fée  en  hail- 

ons  portant  une  source 

sous  le  bras  —  un  seau 

entouré  de   roseaux  — 

entre  sur  la  piste. 

Elle   erre,    depuis  longtemps, 

chassée  toujours  plus  loin  par  la 

Ville  qui  s'agrandit.  C'est  une  petite 

fée,   autrefois  rêveuse    paisiblement 


40        LES   EREINTÉS   DE   LA    VIE 

à  côté  de  sa  source;  les  ingénieurs, 
les  entrepreneurs ,  les  maçons ,  — 
constructeurs  de  nouveaux  quartiers, 
—  l'ont  à  mesure  délogée  et  chassée. 
Tandis  que  ses  camarades  ont  cha- 
cune déniché  un  coin,  dans  les  envi- 
rons, de  ci,  de  là,  elle  vagabonde  sans 
trouver  un  creux  à  son  gré  pour  s'y 
installer. 

Arrivée  au  milieu  du  Cirque,  elle 
regarde,  étonnée  et  ravie,  les  specta- 
trices, et,  sans  doute,  prenant  pour 
des  corolles  printanières,  pour  des  per- 
venches et  des  roses ,  les  yeux  et  les 
lèvres  de  tant  de  jolies  femmes, 

elle  s'arrête. 


SCÈNE  II 


Surviennent  des  banquiers  à  longue 
redingote. 

Ils  sont  accompagnés  par  la  Fortune, 
une  jeune  capricieuse  :  grand  chapeau 
élégant,  un  peu  excentrique,  de  jeune 
Fortune,  qui  se  fait  remarquer;  coquet 
waterproof  de  voyage,  serrant  la  fine 
taille;  à  la  ceinture,  comme  agrafe,  un 
taureau  en  or. 


LES  éreis'tés:de  la  vie      43 

A  l'inspection  de  la  source,  aussitôt 
les  banquiers  de  flairer  quelque  affaire, 
une  bonne  aubaine, 

un  trou  à  202:05. 


44        LES  ÉREINTÉS  DE   LA   VIE 

L'un  d'eux  appelle  un  docteur  — 
dont  ils  voient  la  maison  toute  proche, 
—  pour  le  consulter  sur  les  vertus  de 
cette  eau. 

Le  docteur  est  une  doctoresse, 
M"*  Beauty,  en  villégiature,  pour  re- 
faire sa  santé  compromise,  ébranlée,  à 
la  ville,  par  le  nombre  des  clients. 

Elle  sort  de  sa  maison,  avec  un  do- 
mestique malade  et  démoli ,  Loufock. 

Après  avoir  bu  un  verre  de  l'eau  — 
que  lui  verse  la  Fée  —  confuse,  ingé- 
nue, toute  déconcertée,  ignorant  ce 
qu'on  lui  veut  —  elle  affirme  ne  trou- 
ver à  la  source  aucune  qualité  médi- 
cale. 


Les   banquiers     pensent,     tout    de 
même,    que  la  source  est  gentille  et 


4^' 


LES  ÉREIKTÉS  DE  LA    VIE 


qu'elle  doit  attirer  à  elle  beaucoup  de 
monde.     Sur    un    signe 
M^     d'eux,  la  Fortune  câline 

Wj^x)    ^^  ^^^'  ^^  comme  elle  ne 
réussit    pas    à    la    con- 
vaincre ,     brusquement , 
elle  ôte  son  water- 
elle 


proof; 
apparaît    res- 
plendissante 
en  maillot, 


costumée  d'or  et  de  billets  de  ban- 
que. 


LES  ÉREIXTÉS 


DE  LA    VIE        47 


Des 

apothi- 
caires en 
robe  et 
bonnet 
pointu, 
appor- 
tent   sur 


la    piste    une    immense   bou- 
teille. 


48        LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE 

La  source  commence  à  écouter  les 
propositions  de  la  Fortune  ;  elles  en- 
trent toutes  deux  dans  la  bouteille, 
par  l'étiquette  :  Eau  régénératrice. 


LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE        49 

Pendant  ce  temps,  les  banquiers  glis- 
sent à  la  doctoresse  une  bourse.  Elle 
prend  un  second  verre  et  elle  le  donne 
à  boire  à  son  domestique.  Loufock  se 
redresse  ;  il  devient  entreprenant. 

C'est  une  source  d'amour, 

régénératrice. 

La  doctoresse,  à  qui  les  banquiers 
remettent  encore  un  portefeuille  — 
c'est  une  concession  de  terrains  près 
du  nouveau  Casino  —  aussitôt, 

mieux  informée, 

déclare  que  cette  eau  a  des  qualités 
extraordinaires  pour  la  guérison  des 
maladies  de  Paris,  pour  le  relèvement 
des  éteintes  de  la  haute  noce.  Loufock 
l'exprime  par  ses  attitudes.  —  Spécia- 


50        LES  ÉREIXTÉS   DE  LA    VIE 

cialité  de  névroses  et  d'ataxies  locomo- 
trices. 

Les  deux  petites  «  amies  »  sortent  de 
la  bouteille;  mais  la  Fée  n'est  plus  hail- 
lonneuse.  Exquise  de  luxe  et  de  pres- 
que nu,  elle  semble  toute  honteuse; 
elle  n'ose  pas  regarder  la  Fortune,  sa 
nouvelle  camarade,  qui  rit. 

Elle  ne  sait  comment  se  tenir,  la 
mignonne  Fée  ;  les  banquiers  ont  décidé 
de  lui  prendre  son  capital, 

et  de  le  mettre  en  actions. 

Sauterie  joyeuse  et  comique  des  fi- 
nanciers pour  exprimer  leur  joie. 

Ils  s'en  vont  tous,  gigotant  et  chan- 
tant;   ils  emmènent  la  pauvre  petite 


52        LES  ÉREINTÉS  DE  LA    VIE 

Fée,  encore  toute  décontenancée,  dans 
la  maison  du  docteur, 
pour  exploiter  son  capital. 


SCÈNE  III 


Manœuvre   de   l'émission   par 
des  cavalier-sandwiches, 


54        LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE 

Leur  chef,  miss  Réclame  —  une 
femme  déshabillée,  se  montrant  beau- 
coup —  porte  une  banderolle  sur  la- 
quelle, en  grosses  lettres  d'or,  des 
deux  côtés,  la  raison  sociale  : 


LES  EAUX  REGENERATRICES 
CAPITAL 
DIX    MILLIONS 


SCÈNE  IV 


Réussite. 


La  Fortune,  jo3^euse,  sort  de  la 
maison  du  docteur,  avec  Loufock , 
derrière ,  raide  d'abord  comme  un 
valet  anglais. 


TPf 


LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE        57 

Elle  fait  poser  sur  la  façade,  au- 
dessous  de  la  porte,  une  large  plaque  : 

On  place  la  bouteille  d'eau  régéné- 
ratrice, au  coin  de  la  maison,  en  guise 
de  tourelle,  d'enseigne.  Et,  de  ci,  de  là, 
d'autres  écriteaux,  que  Loufock,  à 
mesure,  avec  des  intonations  ahuries, 
a  lues  à  haute  voix, 

SOURCE  d'amour 

EAU     RÉGÉNÉRATRICE 

TONIQ.UE    ET    DÉPURATIVE 

MALADIES    SECRÈTES 

VICES    DU    SANG 


58         LES  ÉREINTÉS  DE  LA   Vit 

PLUS   d'éreintés 
PLUS  d'impuissance 

ON    GUÉRIT    LES    HESITATIONS 
EROS     HERCULE 


SCÈNE  V 


Les  gens  qui 
ont  arrangé  la 
maison  de  la  doc- 
toresse —  tou- 
jours  sous   les 


6o        LES  ÉRETNTÉS  DE  LA    VIE 

ordres  de  M"^  Fortune  —  et  parmi  les 
zigzags  excentriques  de  Loufock,  très 
affairé,  installent  des  bancs. 

Sur  les  sièges,  ils  éparpillent  des 
journaux  et  des  livres. 

Quand  tout  est  disposé,  la  Fortune 
s'en  va  et  laisse  rm  domestique  le  soin 
de  recevoir  les  malades. 

ENTRÉES  SUCCESSIVES 

1°  Danseuses  en  maillot,  jupes  de 
gaze,  danseuses  infirmes,  pâles,  l'air 
fatigué,  éreinté,  av(X  des  béquilles. 

Avec  les  danseuses ,  la  clownesse 
Lulu,  béquillarde  aussi,  en  costume 
d'as-de-cœur  :  crèfe  de  chine  noir  par- 
semé de  petites  étDiles  d'or,  sur  maillot 
chair  et  bas  noirs;  fiants  noirs  jusqu'aux 


62         LES  ÉREINTÉS  DE  LA    VIE 

coudes  ;  perruque  à  houpe  blonde  et 
chapeau  pointu  ;  un  petit  masque  de 
dentelles  transparentes,  noir  comme 
les  bas  et  les  gants;  impression  de  nu; 
derrière  un  cœur. 

2°  Gommeux. 

Deux  culs-de-jatte ,  un  sur  plateau 
roulant,  l'autre  sur  un  trépied  à  échas- 
ses,  carreau  dans  l'œil,  diamants  à  la 
cravate  et  à  la  chemise,  gardénia  à  la 
boutonnière. 

Un  énervé  du  boulevard,  atteint  de 
cremblements  dans  les  mains  et  dans 
les  jambes;  danse  de  Saint-Gui,  pa- 
roxiste. 

Un  gaga ,    dans    une  petite  voiture 


LES  ÉREINTES  DE   LA   VIE        63 

de  paral3^tique  poussée  par  une  vieille 
garde,  s'abritant  de  l'ombrelle. 

D'autres  encore,  —  viveurs,  érein- 
tés  de  la  vie,  —  abrutis,  exsangues, 
brisés,  ils  semblent  se  raviver  un  peu  à 
l'aspect  des  danseuses.  A  mesure,  ils 
vont  s'asseoir  à  la  file  sur  les  bancs  ; 
quelques-uns  lisent  distraitement,  pour 
attendre  leur  tour. 

Le  cul-de-jatte  sur  plateau  roulant  se 
pousse  vers   les    jupes  pour  regarder 
par-dessous,  et  le  second,  sur  échasses 
pour  voir  par-dessus,  plongeant  dans 
les  corsages. 

Le  gommeux  ataxique  essaie  d'em- 
brasser une  des  ballerines  ;  mais  il  n'y 
parvient  pas,  bien  qu'elle  donne  ses 
lèvres  gentiment,  par  habitude. 


64         LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE 

3°  Une  voiture  de  jolies  femmes  ma- 
lades, fatiguées,  lèvres  épuisées,  les 
yeux  cernés  ; 


l'attelage,  un  bidet. 
4°   L'Amour;     un    petit    Eros,    les 
ailes  dans  le   dos,    baissées;    l'enfant 


LES  ÉREIXTÉS   DE  LA   VIE        65 

s'appuie  sur  son  carquois,  où  sont  en- 
core quelques  flèches  empennées  de 
billets  de  mille.  Il  va  frôler,  avec  des 
allures  de  vieux  ramolli,  les  ballonnés 
des  danseuses. 

5°  Un  chef  d'orchestre,  sourd. 

6°  MonsieurPrud'homme,  obèse. 

7°  Un  potache,  ramolli  de  la  moelle 
épinière. 

T^ous  les  clients  sont  arrivés. 

Loufock^  le  boy,  les  surveille,  leur 
donne  des  numéros. 

La  petite  Source  —  qu'amusent  de 
plus  ce  mouvement  amené  de  Paris, 
ces  élégances  de  plaisir  —  se  tient 
dans  la  grande  bouteille  d'eau  régéné- 
ratrice flanquée,  comme  une  tourelle,  à 
l'angle  de  la  maison  de  la  doctoresse.  Un 
petit  coup  sur  l'étiquette;  la  bouteille 
tourne,  et  la  Fée   apparaît;    telle  une 


66        LES  ÉREINTÉS  DE   LA    VIE 


sainte  dans  une  niche.  «  Vous  voulez, 
monsieur  (ou  madame)  ?  Voilà.  »  Elle 
offre  à  tout  venant  ses  vertus. 

La  doctoresse  se 
montre  enfin. 

Elle  fait  marcher 

chacun,    pour  voir 

ce  qu'il  a. 


4 


LES  ÉREIXTÈS   DE  LA   VIE        67 


PAS  DES    BÉQUILLES 

Les  ballerines  expriment  qu'elles  ont 
trop  dansé  et  trop  aimé. 

Lulu,  la  clownesse^  cabriole;  mal; 
elle  s'est  blessée  en  tournant  plastique- 
ment,  suspendue  à  Taile  d'un  moulin. 


MARCHE  DES  GOMMEUX 

Devant^  l'Amour^  qui  n'en  peut 
plus; 

derrière  de  jolies  femmes. 

Les  culs-de-jatte  paradent  comme  ils 
peuvent,  de  ci,  delà,,  se  fourrant  dans 
les  jambes. 


68        LES  ÉREINTÉS   DE  LA    VIE 


ENSEMBLE 

par  les  danseuses  en  béquilles;  la 
clownesse  invalide,  le  troupeau  de  jo- 
lies femmes  éreintées,  en  toilettes  du 
Bois,  les  gommeux  patraques  et  l'A- 
mour^ hors  de  service. 

Tout  ce  monde  entre  chez  le  doc- 
teur et  subit,  en  passant,  les  plaisante- 
ries du  domestique ,  la  blague  de  ses 
gestes,  de  ses  danses ^  parodie  bur- 
lesque ,  et  "de  ses  physionomies  à  la 
hurluberlu  ; 

un  des  gommeux  cul-de-jatte  veut 
passer  devant  l'autre;  bousculade  co- 
mique. 


SCI: NE   VI 


Restent  seule  nient  le  lycéen,  al- 
longé par  des  veillées  solitaires  et  le 
ramollissement  des  os,  et  M.  Prud'- 
homme; l'un  est  trop  grand,  l'autre 
est  trop  gros;  ils  ne  peuvent  pas 
franchir  la  pc^rte. 

lO 


70        LES  ÉREINTÉS  DE   LA   VIE 


La  doctoresse  dit  à  son  domestique 
d'aller  chercher  une  seringue. 

Loufock  en  rapporte  une  trop 
grande  —  une  seringue  de  cheval^  puis 
une  autre  trop  petite, 


■    ,'^:-'V^APOFil5^TI0^ 


^ 


D'EAU  REGEiNER/.TRICL 


V-'^ 


d'oiseau. 


L't:^ 


LES  ÉREIXTÉS  DE  LA    VIE         71 

Et,  désespérée,  M"^  Beauty  renonce 
à  ce  procédé. 

Sur  ses  indications,  Loutock  va 
quérir  une  grande  boîte,  sur  laquelle 
est  écrit  : 


VAPORISATION  D'EAU 
RÉGÉNÉRATRICE 


Le  potache  ramolli  et  le  gros  bour- 
■  geois  entrent  dedans  tour  à  tour  ; 

l'un  —  après  un  traitement  qui  le 
fait  se  pâmer  de  plaisir,  et  qu'il  ne 
veut  pas  cesser  —  en  sort  amaigri. 


l 


72         LES  ÉREIXTÉS  DE  L4    VIE 

et  l'autre  —  après  des  grimaces  dou- 
loureuses et  comiques  —  diminué  de 
trente  centimèrres,  et  raffermi. 


SCÈNE  VII 


Le  chef  d'orchestre  sourd  s'impa- 
tientait dans  la  maison  de  la  docto- 
resse ;  il  sort  sur  la  place  en  gesticu- 
lant. Il  va  vers  Loufock  et  joue,  sans 
bruit,  du  violon,  un  tout  petit  violon; 
il  témoigne  au  domestique  —  pour  im- 
plorer sa  protection  près  de  la  docto- 
resse —  avec  des  lamentations  drôles 
qu'il  n'entend  rien. 


LES  ÉKEINTÉS  DE  LA    VIE 


Pour  s'en^dé- 
barrasser  très 
rapidement, 
Loufock  lui  fait 
gicler  à  la  figure 
un  siphon  d'eau 
régénératrice. 

Aussitôt    — 
comme     M . 
Prud'homme, 
maintenant  aus- 
si   fluet     qu'au 
temps  où  il  était 
poète,   ressem- 
blant presque  à 
sa      jeunesse, 
éternue  —  le  mélomane  en  saisit   le 
bruit,  et  il  s'en  va,  cabriolant,  jouant 
avec  des  gestes  fous,  sur  son  violon, 
sa  joie  d'entendre  encore  sa  musique. 


SCÈNE  VIII 


L'Amour  revient,  tout  petit  encore; 
il  n'est  pas  réconforté. 

Loufock  le  fait  entrer  dans  la  boîte 
«  des  vaporisations  d'eau  régénéra- 
trice »;  la  Fée  et  les  danseuses,  de  retour, 
triomphantes  et  roses,  ayant  jeté  leurs 
béquilles  —  dansent, 

voluptueuses, 

autour  de  l'appareil;  elles  le  frôlent. 

BALABILE  DES  FRICTIONS 

L'Amour  sort  ;  il  est  énorme. 
La  Fée  a  peur  de  son  œuvre;  la  co- 
quette  s'enfuit;  mais  on   voit  qu'elle 
est  conquise. 


I 


LES  ÉREIKTÉS  DE  LA   VIE 

Eros    court  et  saute 
après    les 
femmes;  il  veut 
les     embrasser 
toutes.   Il  ren- 
verse culs -de - 
jatte,     revenus 
sans  être  guéris. 
In  table,  les  ver- 
res, les  chaises. 
Enfin,     il 
rentre  dans   la 
maison    de    la 
doctoresse, 
poursuivant  les 
dernières    dan- 
seuses,   moins 
ingambes  ou  plus  curieuses, 

lui-même,  poursuivi  par  le  domes- 
tique, qui  le  frappe  avec  un  bâton. 


SCÈNE    IX 


Effet  de  nuit  ;  Loufock  est  seul. 

Portant  des  lanternes  de  couleur^ 
s'avance  en  procession  : 

une  troupe  de  musiciens  fantasques, 
conduits  par  le  chef  d'orchestre , 
guéri; 

Lulu,  clownesse; 


78        LES  ÉREISTÉS  DE  LA    VIE 

le  bataillon  de  jolies  femmes;  sur 
leur  drapeau  :    à  louer  ou   à   vendre; 

les  danseuses; 

M.  Joseph  Prud'homme,  donnant  le 
bras  à  Eros. 

Ils  précèdent  le  dieu,  le  Veau  d'Or, 
tenu  en  laisse, 

respectueusement, 

par  deux  banquiers,  un  Veau,  cou- 
vert d'un  magnifique  caparaçon  d'ar- 
gent, de  chèques  et  de  billets  bleus. 

Dessus,  la  Fortune, 

et,  sur  un  pavois  porté  sur  les  épau- 
les par  quatre  gommeux  guéris  et  en- 
thousiastes, la  petite  haillonneuse  d'au- 


8o        LES  ÉREINTES  DE  LA    VIE 

trefois,  la  Source  d'amour,  en  transpa- 
rent de  courtisane  souveraine. 

Ensuite  : 

la  doctoresse^  dans  la  charrette  qui 
amena  les  jolies  filles^  avec  ses  apothi- 
caires (le  bidet  est  remplacé  par  un 
attelage  de  cochons; 

les  cavaliers-sandwiches,  vêtus  de 
bouteilles  ; 

et,  clôturant  le  cortège,  leur  chef, 
miss  Réclame ,  —  la  femme  désha- 
billée^ se  montrant  beaucoup. 

La  Fée  descend  et  mime  devant  le 
veau  d'or  : 

LA  DANSE  DU  VENTRE 


I 


82         LES  ÉREIXTÉS   DE   LA   VIE 

Les  quatre  gorameux  sont  age- 
nouillés, les  mains  jointes,  à  chaque 
bout  du  tapis,  dans  une  attitude  reli- 
gieuse d'adoration. 

Les  autres  danseuses  accompagnent 

de  leur  corps, 

en  balançant  des  encensoirs. 

Le  veau,  d'abord  impassible,  mani- 
feste son  émotion  par  des  roulements 
d'yeux,  des  lippes  sensuelles^  sa  queue 
qui  se  redresse,  et,  dessous^  une  pluie 
d'or  et  de  billets  de  banque,  de  bijoux 
et  de  pierres  précieuses.  Loufock  les 
ramasse  sur  un  plateau  d'argent. 

Les  musiciens  fantasques  ont,  dans 
leurs  rythmes  bizarres^  une  phrase  de 
Gounod  :  (Le  veau  d'or  est  toujours 


LES  ÉREIXTÉS  DE  LA   VIE        83 

debout  !)  qui,  çà  et  là,  revient.  — 
Puis,,  la  mélodie  s'accentue,  plus  pas- 
sionnée, quand,  soudain, 

un  coup  strident  de  cymbales, 

évocation  des  dénouements  de  la  Vie 
parisienne,  à  la  Salpêtrière,  et  finit, 
aussitôt,  en  pleine  folie,  l'invocation 
du  ventre. 

Loufock^  qui  a  disparu  un  instant, 
arrive  monté  sur  le  bidet.  —  Défilé 
d'apothéose. 

La  pénombre  est  éclairée  seulement 
par  les  lumières  rouges^  vertes,  bleues, 
jaunes,  des  lanternes  et  des  teux  de 
bengale  en  des  torchères; 


84        LES  ÉREINTÉS   DE  LA    VIE 

les  clartés  disparaissent,  et  Loufock, 
en  dernier,  sur  son  bidet;  la  musique 
s'atténue  doucement, 

doucement. 

Les  culs-de-jatte  suivent,  en  retard, 
et  furieux. 

Û 


Achevé  d'imprimer 

le  2  juin  i8S8 

PAR    CH.    UNSINGER 

PO  u» 

lî.    DENTU,    LIBR,\IRE-ËDITEUR 


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