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Full text of "Les tremblements de terre; géographie séismologique, avec und préface par M.A. de Lapparent ... 89 cartes et figures et 3 cartes hors texte"

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UNIVhiCilTY  UF  CALÏFORNIA 


LES 

TREMBLEMENTS 
DE  TERRE 


GÉOGRAPHIE    SÉISMOLOGIQUE 


F.  DE  MONTESSUS  DE  BALLORE 

Ancien  Élève  de  l'Ecole  polytechnique. 


LES 


rREMBLEMENTS 
DE  TERRE 


GÉOGRAPHIE    SÉISMOLOGIQUE 


Arec  une  Préllue  par  M.  ▲.  DE  L^PPARENT,  Membre  de  l'Iastitut. 


cartes  et  figures  et  3  cartes  hors  texte. 


Librairie  Armand  Colin 

Paris,  5,  rue  de  Mézières 
1906 

Toos  droits  réserrés. 

UNIVERSITY  OF  CALIKORNLA 
DAVIS 


Droits  de  tradveUoD  et  de  reproduction  réeerrés  povr  to«t  les  paye, 
y  compris  U  BolUade. 

Pnbllshed  Jannary  il^,  niaeteen  hnndrod  aad  six. 
PriTllege  or  Copyright  ia  the  Uolted  SUIes  Nserred, 
nader  tlie  Aet  approted  Mareh  9**^  19M, 
by  Max  Leclerc  aod  U.  Bouireller,  proprietors  ot  Librairie  Armand  Colin 


PRÉFACE 


Si  quelqu'un  s'était  avisé,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  d'écrire  un 
gros  livre  sur  la  répartition  géographique  des  tremblements  de 
terre,  il  est  à  croire  qu'aucun  éditeur  n'eût  osé  assumer  les 
risques  d'une  telle  publication. 

Personne,  au  moins  en  France,  n'aurait  compris  qu'on  voulût 
diriger  son  attention  vers  un  ordre  de  phénomènes  dont  notre 
pays  semblait  n'avoir  rien  à  redouter.  A  cette  époque  on  eût 
difficilement  trouvé  sur  notre  sol  un  appareil  enregistreur  des 
secousses.  Même  le  patronage  des  géologues  aurait  probable- 
ment fait  défaut  à  l'auteur  de  cette  tentative  ;  car  l'opinion 
régnante  était  que  la  cause  des  tremblements  de  terre  devait 
être  tout  simplement  cherchée  dans  des  explosions  volcaniques 
souterraines;  et  c'est  à  peine  si  quelques  esprits  supérieurs 
commençaient  à  soupçonner  une  relation  entre  ces  phénomènes 
et  les  conditions  générales  qui  règlent  l'équilibre  de  l'écorce 
terrestre. 

Aujourd'hui  les  choses  ont  bien  changé  !  L'opinion  publique 
s'est  émue,  frappée  par  une  suite  d'avertissements  retentissants, 
d'où  les  Européens  ont  appris  que  le  danger,  non  seulement 
était  à  leurs  portes,  mais  ne  se  faisait  pas  faute,  à  l'occasion, 
d'envahir  leur  territoire.  C'est  l'Andalousie  qui,  la  première,  en 
a  fait  l'expérience  à  la  fin  de  1884.  Puis,  en  1887,  la  Côte 
d'Azur,  en  plein  carnaval,  a  fait  cruellement  connaissance  avec 
ce  fléau,  qu'elle  paraissait  devoir  ignorer  à  jamais.  Une  année 
avant,  aux  États-Unis,  de  fortes  secousses  endommageaient  la 


II  PRÉPAGE 

ville  de.  Charleston,  s'étendant  à  presque  tout  le  bassin  du 
Mississipi.  En  1892,  une  grande  partie  du  Japon  était  dévastée  ; 
7  000  morts  et  17000  blessés  restaient  sur  le  terrain.  En  1894^ 
ce  fut  le  tour  de  laLocride,  et,  un  an  plus  tard,  celui  du  Tur- 
kestan  ;  de  1895  à  1897,  au  cœur  de  rAUemagne  alpine,  une 
suite  incessamment  renouvelée  de  secousses,  funestes  pour 
les  édifices,  tint  en  éveil  les  habitants  de  la  paisible  ville  de 
Laibach  en  Carniole.  En  1897,  le  Bengale  et  TAssam  subirent 
le  désastre  le  plus  complet  qu'on  eût  enregistré  dans  ces 
parages;  et  comme  si  Tlnde  n'avait  pas,  à  cette  occasion,  payé 
un  tribut  suffisant,  la  vallée  du  Gange  et  le  Cachemire  devaient, 
huit  ans  plus  tard,  être  le  théâtre  d'une  catastrophe  presque 
aussi  terrible.  Enfin  voilà  qu'il  y  a  peu  de  semaines,  la  Calabre, 
si  fort  éprouvée  à  tant  de  reprises,  est  redevenue,  comme  en 
1783,  un  champ  de  morts  et  de  ruines^  Ainsi,  à  un  sujet  auquel 
naguère  les  spécialistes  seuls  auraient  accordé  leur  attention, 
les  événements  se  sont  chargés  de  donner  une  telle  actualité, 
qu'un  livre  traitant  de  cette  matière  peut  se  présenter  tout  seul, 
même  au  grand  public. 

D'autre  part,  pendant  que  se  déroulait  cette  suite  de  catas- 
trophes, la  science  en  faisait  son  profit.  On  n'avait  pu  s'empê- 
cher de  remarquer  que,  le  plus  souvent,  les  tremblements  de 
terre  les  plus  destructeurs  sévissaient  dans  des  pays  dépourvus 
de  volcans  actifs,  et  atteignaient  leur  maximum  d'intensité  juste 
dans  les  régions  de  l'écorce  terrestre  que  la  géologie  désigne 
comme  étant  les  plus  disloquées.  Mieux  on  étudie  cette  écorce 
dans  le  détail,  et  plus  on  est  obligé  d'y  reconnaître  partout  la 
trace  de  nombreux  efforts  de  rupture  ou  de  flexion.  C'est, 
comme  on  l'ajustement  dit,  une  \ér\lablemarqueierie,  composée 
d'une  foule  de  compartiments,  différents  de  composition  et  de 
structure,  qui  ont  dû  Joue?*  maintes  fois  les  uns  par  rapport  aux 
autres.  A  coup  sûr,  ce  jeu  doit  se  poursuivre  encore,  puisque 
la  déperdition  de  la  chaleur  interne  et  l'éjaculation  des  matières 
éruptives  suffisent  à  troubler  perpétuellement  l'équilibre  de 
l'écorce.  Ne  serait-ce  pas  là  le  principe  de  tous  les  tremblements 


PRÉFACE  III 

de  terre  de  grande  amplitude,  de  ceux  au  moins  qui  couvrent 
un  espace  incomparablement  supérieur  à  celui  qu'une  explosion 
volcanique  pourrait  ébranler  ? 

Pour  résoudre  cette  question,  une  étude  d'ensemble  s'impo- 
sait. Elle  a  été  poursuivie  de  deux  façons. 

D'une  part,  depuis  plus  de  vingt  ans,  sous  l'active  impulsion 
d'un  savant  anglais,  M.  John  Milne,  V Association  britannique 
pour  ravancement  des  sciences  a  réussi  à  coordonner  dans  ce 
but  les  efforts  de  tous  les  spécialistes.  Elle  a  ainsi  créé  une 
véritable  ligue,  comprenant  une  quarantaine  d'observatoires, 
convenablement  répartis  sur  la  surface  de  la  terre,  et  tous 
munis  d'appareils  enregistreurs  identiques.  Après  moins  de  trois 
années  de  fonctionnement  régulier,  la  centralisation  des  dia- 
grammes obtenus  a  fait  tout  récemment  ressortir  des  résultats 
infiniment  remarquables,  lesquels  confirment  avec  éclat  la 
liaison  des  tremblements  de  terre  avec  les  ruptures  d'équilibre 
de  notre  écorce.  Du  même  coup  s'est  révélé  ce  fait  inattendu, 
que,  chaque  année,  une  centaine  d'ébranlements  sont  assez 
forts  pour  secouer  la  masse  entière  du  globe,  et  se  propager  à 
son  intérieur  de  manière  à  parvenir  même  aux  antipodes,  dans 
des  conditions  qui  permettent  d'apprécier  la  distance  de  l'obser- 
vatoire au  centre  d'ébranlement. 

Or,  pendant  que  se  poursuivaient  ces  études  délicates,  qui 
nécessitent  le  concours  d'un  bon  nombre  d'observateurs  et 
d'instruments,  un  homme  s'est  trouvé,  en  France,  pour  entre- 
prendre à  lui  seul  un  travail  de  coordination  analogue  par  la 
voie  d'une  statistique  graphique  bien  comprise.  Avec  autant  de 
patience  que  de  discernement,  il  a  catalogué,  et  marqué  sur  des 
cartes,  tous  les  tremblements  de  terre  authentiquement  enre- 
gistrés, en  leur  appliquant  un  figuré  en  rapport  avec  la  fréquence 
et  l'intensité  des  secousses.  Cette  monographie  du  phénomène, 
le  même  homme  l'a  mise  en  rapport  constant  avec  la  structure 
géologique  et  la  topographie  des  contrées  correspondantes,  et 
ce  seul  rapprochement  lui  a  suffi  pour  formuler,  dès  1895,  une 
loi  qui,  affranchissant  le  phénomène  séismique  de  toute  dépen- 


IT  PRÉFACE 

dance  directe  vis-à-vis  du  volcanisme,  proclame  que  son  inten- 
sité est  partout  proportionnelle  à  la  raideur  moyenne  du  relief 
terrestre. 

L'homme  dont  nous  parlons  est  l'auteur  du  présent  ouvra^. 
A  une  époque  où  la  France  semblait  se  désintéresser  presque 
complètement  de  ce  genre  d'études,  il  a  su  trouver  avant  tout 
autre  l'exacte  formule  générale  du  phénomène,  conservant  ainsi 
à  notre  pays  l'honneur  d'une  constatation  de  première  impor- 
tance. Ce  n'est  pas  dans  une  imagination  plus  ou  moins  riche 
qu'il  en  a  trouvé  les  éléments.  Nul  n'a  plus  consciencieusement 
étudié  que  lui  la  répartition  des  régions  instables  à  travers  le 
globe.  Nul  n'a  dépouillé  avec  plus  de  soin  tous  les  documents 
scientifiques  ayant  trait  aux  pays  considérés.  Nul  n'a  pris  plus 
de  souci  de  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  toutes  les  pièces  de 
son  enquête. 

Aussi,  nous  en  sommes  persuadé,  ceux  qui  liront  cet  «  ouvrage 
de  bonne  foi  »  et  en  même  temps  de  science,  qui  s'appelle  la 
Géographie  séismologique,  n'auront-ils  pas  de  peine  à  souscrire 
aux  conclusions  de  l'auteur.  Avec  lui,  ils  s'étonneront  qu'il  ait 
fallu  tant  d'efforts  et  de  temps  pour  arriver  à  chercher  dans 
l'écorce  elle-même,  et  non  au  dehors,  la  cause  des  mouvements 
qui  l'agitent.  A  la  lumière  des  statistiques  et  des  cartes  de  l'au- 
teur, ils  reconnaîtront  que  les  régions  instables  du  globe  coïn- 
cident avec  les  bandes  plissées  et  disloquées  où  se  sont  autrefois 
déposés  les  sédiments  marins  épais,  au  fond  de  plis  à  la  place 
desquels  se  dressent  aujourd'hui  les  chaînes  de  montagnes  les 
plus  modernes. 

De  cette  façon,  les  tremblements  de  terre  apportent  la  preuve 
du  défaut  d'équilibre  de  ce  c  plancher  des  vaches  »,  sur  la  sta- 
bilité indéfinie  duquel  le  vulgaire  est  si  accoutumé  à  compter. 
De  même  que,  sous  l'influence  des  variations  de  la  chaleur  ou  de 
la  sécheresse,  les  pièces  d'un  meuble  jouent  le  long  de  leurs 
assemblages^  en  faisant  parfois  entendre  des  craquements,  ainsi 
les  éléments  de  la  marqueterie  terrestre  laissent  voir  qu'ils 
n'ont  pas  conquis  leur  assiette  définitive,  et  le  jeu  en  est  d'au- 


PRÉFACE  V 

tant  plus  sensible  qu'il  s'agit  de  portions  plus  récemment  dislo- 
quées par  les  phénomènes  orogéniques.  Les  compartiments 
glissent  le  long  des  cassures  qui  les  limitent,  et  chacun  de  ces 
déplacements,  opérés  par  saccades,  fait  vibrer  toute  la  région 
avoisinante. 

Mais,  ainsi  que  l'établit  clairement  la  statistique  de  M.  de 
Montessus,  les  effets  de  ce  tassement  s'atténuent  avec  le 
temps.  Pendant  que  l'impitoyable  érosion,  poursuivant  tou- 
jours son  œuvre,  rabote  patiemment  les  montagnes  pour  en 
mener  les  débris  à  l'océan,  le  territoire  correspondant  gagne 
peu  à  peu  en  stabilité  ce  qu'il  perd  en  relief.  Un  jour  viendra 
où,  réduit  à  la  condition  de  ce  qu'on  nomme  une  pénéplaine, 
il  sera  incorporé  aux  massifs  de  très  ancienne  consolidation 
qui  ont  formé  les  premiers  noyaux  des  masses  continentales; 
noyaux  qu'il  est  bon  de  choisir  de  préférence  pour  y  asseoir 
sa  demeure,  si  Ton  veut  se  mettre  le  mieux  possible  à  l'abri  d'un 
danger  justement  redouté. 

Il  y  a  peu  de  jours,  devant  les  cinq  Académies  réunies, 
M.  de  Foville  faisait  applaudir  une  apologie  de  la  statistique, 
qu'il  présentait  comme  la  source  féconde  de  toutes  les  consta- 
tations utiles  à  l'humanité.  C'est  de  cette  école  que  procède 
M.  de  Montessus,  et  on  doit  le  féliciter  d'avoir  donné,  dans  le 
domaine  des  sciences  naturelles,  une  démonstration  aussi  con- 
vaincante de  la  thèse  soutenue  par  l'éminent  académicien. 

Â.  DE  Lapparent. 

Novembre  1905. 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


INTRODUCTION 

LA  MÉTHODE  ET  LES  RÉSULTATS  GÉNÉRAUX 


1.  —  Historique  succinct  des  théories  séismoloffiques. 

Les  tremblements  de  terre^  ou  les  séismes  (séismos;  ébranlement) , 
relèvent  en  général  de  causes  géologiques  plus  ou  moins  profondes, 
dont  le  mystère  se  manifestait  encore  il  y  a  une  trentaine  d'années 
par  l'exagération  même  du  nombre  des  théories  et  des  hypothèses 
arbitraires  que  l'imagination  faisait  éclore  à  chaque  catastrophe. 
On  peut  dire  que  depuis  l'antiquité  et  le  moyen  âge  jusqu'au  dernier 
tiers  du  xix*  siècle  aucun  progrès  sérieux  ne  s'était  produit  dans  cette 
branche  des  connaissances  humaines,  dont  l'importance  se  mesure 
cependant  par  le  nombre  des  victimes  et  la  grandeur  des  dommages 
qui,  chaque  année,  forment  le  triste  bilan  du  terrible  phénomène  séis- 
mique.  C'était  le  chaos,  la  confusion  ;  des  lois  empiriques,  basées 
sur  des  statistiques  locales  et  restreintes,  quand  elles  n'étaient  pas 
le  simple  fruit  de  la  fantaisie  scientifique,  mettaient  les  séismes  en 
relation  avec  les  plus  disparates  manifestations  des  forces  qu'étudie 
une  science  moderne,  la  Géophysique,  science  de  ce  qu'on  pourrait 
appeler  la  Vie  du  globe  :  la  nuit  et  le  jour,  ou  la  rotation  de  la  Terre  ; 
les  saisons,  ouïe  mouvement  de  la  Terre  autour  du  Soleil;  les  phases 
et  les  distances  apogées  ou  périgées  de  la  Lune,  ou  son  mouvement 
autour  de  la  Terre  et  du  Soleil  ;  les  pluies  d'étoiles  filantes  et  les 
chutes  d'aérob'thes  ;  les  variations  de  la  température  et  de  la  pres- 
sion atmosphériques,  etc.  On  pourrait  presque  indéfiniment  allonger 
cette  liste  de  relations  astronomiques  et  météorologiques. 

Toutes  ces  théories,  exposées  par  Gunther  ^  et  plus  spécialement 

*  Handbuch  derGeophysik  (I.  p.  437,  Stuttgart.  1897). 

De  MoanmtUB.  —  TrembleoieBU  de  terre.  1 


2  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

pour  ce  qui  concerne  Tantiquité  classique  par  Otto  S  péchaient  parla 
base  ;  elles  cherchaient  les  causes  des  mouvements  de  Técorce  ter- 
restre hors  de  cette  écorce  même,  en  un  mot  hors  du  milieu  où  ils  se 
produisent,  erreur  capitale  qui  régnait  en  maîtresse  dans  toutes  les 
études  relatives  aux  tremblements  de  terre  :  sa  disparition  fera  la 
gloire  des  séismologues  modernes,  lorsque  plus  tard  on  aura  peine 
à  comprendre  combien  de  temps  et  d'efforts  il  aura  fallu  pour  arriver 
à  l'idée  simple  de  faire  des  secousses  du  sol  un  phénomène  purement 
géologique  et  de  toutes  les  époques. 

Ce  n'est  pas,  cependant,  que  certains  esprits,  plus  avisés  et  plus 
clairvoyants,  n'aient  jamais  entrevu  la  bonne  voie  :  au-dessous  de  la 
^urfaoe  terrestre  y  non  au-dessus.  Les  anciens  Japonais  croyaient  aux 
soulèvements  d'un  gigantesque  animal  vivant  sous  terre,  et  divers 
peuples  de  l'Orient  ont  partagé  de  semblables  opinions  ou  supersti- 
tions ;  les  cyclopes  ou  autres  géants  n'ont-ils  pas  joué  un  rôle  sis- 
mogénique  dans  l'antiquité  classique?  Des  philosophes  comme  Aris- 
tote  ■  mettaient  en  avant  le  mouvement  de  l'air  dans  les  entrailles 
de  la  Terre  et  les  chocs  qui  en  résultaient,  pensaient-ils,  contre  les 
piliers,  soutiens  de  l'écorce  solide.  A  cette  cause,  Lucrèce  '  ajoute 
les  éruptions  volcaniques  et  des  éboulements  souterrains.  Il  est 
permis  de  penser  que  l'intervention,  dont  parle  Sénèque*,  d'un  spi- 
ritus  doit  être  identifiée  avec  celle  de  la  vapeur  d'eau,  ce  qui  nous 
rapprocherait  sensiblement  de  plusieurs  conceptions  très  modernes, 
celles  de  Daubrée',  de  Stanislas  Meunier'  et  de  Gerland%  action  de 
la  vapeur  d'eau  surchauffée  au  contact  des  masses  internes  à  haute 
température  et  explosions  gazeuses  à  la  surface  limite  du  magma 
interne. 

Ainsi  donc,  dès  l'antiquité,  de  bons  esprits  cherchaient  l'origine 
des  tremblements  de  terre  là  seulement  où  logiquement  on  pouvait 
espérer  la  rencontrer,  mais  sans  que  leurs  opinions  isolées  aient  joui 
d'une  vogue  plus  durable  que  les  autres,  tellement  que  Galilée  %  dans 

•  Anschauungen  der  Griechen  und  RCmer   ùber  Erdbeben  und  Valkaniemus  (Pro- 
gramm  d.  deutschen  K.  K,  StoaU-ReaUchule  in  Budweis,  1903). 

•  Meleorologia,  lib.  II,  cap.  6. 

•  De  natura  rerum,  lib.  VI,  vers  534  et  suiv. 

•  Nat.  quœst.,  lib.  VI,  cap.  21. 

•  Los  régions  invisibles  du  globe  et  les  espaces  célestes  (Bibl.  scient,  inlem.,  488S, 
p.  105,  Paris). 

•  Théorie  nouvelle  des  tremblements  de  terre  [Mém.  Soc.  se,  nat.  de  ScLÔne-et-Loire, 
VI,  107,  1887). 

'  Das  sûdwestdeutsche  Erdbeben  yom  22.  Januar  1896  {VerfiandL  d.   Ges.  f.  Brd- 
ieunde  zu  Berlin,  XXXI.  129). 

•  Opère  di  Galileo  Galilei,  éd.  Alberî.  XIV.  Florence,  1856. 


INTRODUCTION  3 

une  liste  de  questions  à  Tordre  du  jour  de  son  temps,  se  posait 
la  suivante  sans  la  résoudre  :  Se  la  cagione  de  tremuoti  si  deve  sti^ 
mare  esse  sopra  o  sotto  de  la  terra  ?  Plus  tard,  les  théories  chimiques^ 
voire  même  électriques  et  magnétiques,  qui  d'ailleurs  sont  loin  d'être 
complètement  abandonnées  encore,  virent  le  jour  à  mesure  que  la 
science  s'appropriait  de  nouveaux  ordres  de  phénomènes,  de  sorte 
qu'on  peut  dire  que  chacun  de  ces  progrès  successifs  a  enrichi  la  séis** 
mologie  d'une  conception  nouvelle,  mais  aussi  éphémère  que  ses 
devancières.  Comme  le  but  ici  poursuivi  n'est  pas  de  faire  l'histoire 
de  ces  diverses  théories,  on  se  contentera  de  ces  quelques  détails 
destinés  seulement  à  faire  comprendre  combien  le  problème  séismo- 
logique  a  tenu  de  place  dans  les  préoccupations  des  savants  de  toutes 
les  époques.  C'était  inévitable  devant  les  ruines  accumulées  de  tout 
temps. 

Il  faut  arriver  au  xix*  siècle  pour  voir  la  géologie  suffisamment 
développée  revendiquer  hautement  les  tremblements  de  terre  comme 
lui  appartenant  en  propre.  Actuellement,  on  ne  voit  dans  ces  phéno- 
mènes que  des  incidents  qui  préparent,  accompagnent  ou  suivent 
les  grandes  vicissitudes  de  la  vie  du  globe,  c'est-à-dire  les  phases 
successives  par  lesquelles  a  passé  et  passe  constamment  Técorce 
terrestre,  et  dont  nous  ne  percevons  jamais  qu'un  état  momentané 
et  passager,  devant  le  lent  cinématographe  du  perpétuel  devenir  géolo- 
gique de  la  planète. 

Déjà  C.-F.  Naumann^  avait  divisé  les  tremblements  de  terre  en 
platoniques  et  volcaniques,  classification  longtemps  et  assez  géné- 
ralement acceptée,  malgré  l'opposition  que  lui  fit  de  Humboldt  avec 
toute  l'autorité  qui  s'est  toujours  attachée  à  son  fameux  Cosmos^. 
Mais  cette  division  apparut  bientôt  comme  insuffisante,  et  surtout 
vague  en  ce  qui  concerne  les  secousses  plutoniques,  et  l'on  peut 
dire  que  c'est  à  Hœmes*  que  revient  l'honneur  d'avoir  donné 
droit  de  cité  à  la  nomenclature  actuellement  adoptée  par  tout  le 
monde  :  tremblements  de  terre  volcaniques,  d'éboulement  et  tecto- 
niques, suivant  qu'ils  sont  en  relation  avec  les  volcans,  avec  les 
ruptures  d'équilibre  qui  doivent  se  produire  à  la  suite  des  phéno- 
mènes de  dissolution  dans  l'intérieur  des  couches  sédimentaires,  ou 


*  Lehrbuch  der  Geognosie,  I,  281.  Leipzig,  1850. 

■  Traduction  de  Faye  et  Galuski.  IV,  p.  202,  Paris.  1859.  Cf.  J.  Dûck.  Die  Stellung 
Alezander  von  Unmboldts  zur  Lelire  von  den  Erdbeben  {Die  Erdbebenwarte,  HI.  59, 
Lûbach.  1903). 

'  Die  Erdbebentheorie  Rudolph  Falbs  und  ih^  wisaenscfidfllichê  Grundlage  krilisck 
erôrUrt  (p.  118,  Wîen,  1881). 


4  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

avec  les  dislocations  qui  ont  façonné  l'ossature  terrestre,  ou  mieux 
son  toit  {Tectonikè,  art  du  charpentier). 

Depuis  cette  époque  mémorable  pour  la  séismologie,  puisqu'elle 
date  son  entrée  dans  une  voie  féconde,  et  même  auparavant,  bien 
des  séismologues  et  des  géologues  ont  cherché,  pour  un  grand 
nombre  de  tremblements  de  terre,  à  déterminer  dans  les  régions 
ébranlées  quels  accidents  tectoniques  en  peuvent  avec  plus  ou  moins 
de  vraisemblance  être  rendus  responsables.  Cette  étude  ne  donne 
pas  toujours  de  résultat  bien  probant,  soit  qu'il  y  ait  à  choisir  arbi- 
trairement entre  plusieurs  phénomènes  géologiques,  soit  même  qu'il 
ne  s'en  manifeste  pas  d'apparent  à  la  surface.  En  tout  cas,  aucune  loi 
générale  ne  s'est  encore  dégagée  de  ces  recherches,  et  on  ne  s'explique 
guëre  jusqu'à  présent  comment,  par  exemple,  des  failles  analogues  et 
de  même  âge  peuvent  ici  conserver  un  reste  de  mobilité,  se  tradui- 
sant par  des  secousses  du  sol,  et  là  se  montrer  en  parfait  repos. 

Entre  temps,  et  à  mesure  que  l'influence  de  la  géologie  se  faisait 
sentir,  la  séismologie  avait  suivi  le  courant  de  la  science  moderne  et 
éprouvé  l'impérieux  besoin  de  se  soumettre  aux  méthodes  de  mesure. 
A  la  suite  des  Italiens  surtout,  d'innombrables  instruments  ont  été 
inventés,  séismoscopes  et  séismographes,  pour  signaler  et  enregis- 
trer les  tremblements  de  terre,  ces  derniers  appareils  permettant  de 
mesurer  toutes  les  circonstances  du  mouvement.  En  1898,  Ehlert* 
pouvait  en  classer  plus  de  200,  et  en  donner  la  théorie  sommaire. 
Ce  nombre  n'a  cessé  de  s'augmenter.  Pour  leur  invention  et  leur 
usage,  on  fait  appel  aux  plus  délicates  théories  de  la  physique 
mathématique  et  de  la  mécanique  rationnelle  et  moléculaire.  Des 
observatoires  spéciaux  se  sont  créés  dans  beaucoup  de  pays,  et  cou- 
vrent maintenant,  malgré  de  regrettables  et  trop  nombreuses  lacunes 
encore,  presque  toute  la  terre  d'un  réseau  tel  que  l'on  observe  non 
seulement  les  secousses  séismiques  du  voisinage,  mais  même  celles 
qui  se  produisent  aux  plus  grandes  distances,  tant  est  grande  la 
sensibilité  des  appareils  modernes,  dont  les  organes  se  mettent 
en  mouvement  sous  l'action  des  plus  infimes  vibrations  de  Técorce 
terrestre.  Malheureusement,  dans  un  certain  sens  du  moins,  ces 
brillantes  études  ont  fait  oublier  le  but,  et  les  hautes  questions 
mécaniques  ont  tellement  accaparé  l'attention  des  savants,  et  même 
des  associations  séismologiques,  privées  ou  officielles,  que  Ton  est 
arrivé  à  négliger  le  problème  fondamental,  à  savoir  la  cause  même 

*  ZusammenBtellang,  Erlâuterung  und  kritische  Beuriheilung  der  wichtigsten  Seis- 
mometer  mit  besondere  Beiilcksichtigiuig  ilirer  praktischer  Verwendbarkeit  {Beitrâge 
sur  Geophysik,  III.  330.  Leipzig,  1898). 


INTRODUCTION  5 

des  mouvements  de  la  surface  terrestre,  pour  s'en  tenir  aux  particu- 
larités de  ses  vibrations  et  de  ses  ondulations.  Qu'importe  de  signaler 
à  Borne  un  tremblement  de  terre  de  Tokyo,  et  inversement,  de  savoir 
avec  quelle  vitesse  il  s'est  propagé,  de  décider  même  que  ses  vibra- 
tions ont  suivi  l'écorce  terrestre  ou  la  corde  intérieure  qui  joint  ces 
deux  villes,  si  l'on  ignore  pourquoi  il  tremble  constamment  en  Italie 
et  au  Japon,  mais  presque  jamais  en  Sardaigne  et  en  Corée? 

L'extrême  sensibilité  des  séismographes,  que  décelé  l'allusion 
précédemment  faite  à  la  possibilité  d'observations  aussi  lointaines, 
n'a  pas  été  sans  un  très  grave  inconvénient  :  elle  a  introduit  une 
complication  à  laquelle  on  était  tout  d'abord  loin  de  s'attendre,  ces 
appareils  enregistrant  toutes  sortes  de  mouvements  qui  n'ont  rien  à 
faire  avec  les  tremblements  de  terre  :  effets  sur  l'écorce  terrestre 
des  variations  de  la  pression  et  de  la  température  atmosphériques, 
des  attractions  lunaire  et  solaire,  des  marées,  des  accumulations  de 
neiges  et  de  glaces  sur  les  calottes  polaires,  du  vent,  des  phéno- 
mènes mêmes  de  l'activité  humaine.  C'est  ainsi  que,  pour  en  citer 
un  exemple  récent  et  bien  frappant,  les  instruments  de  la  station 
séismologique  de  Leipzig  notaient  depuis  longtemps  des  vibrations, 
très  faibles  d'ailleurs,  mais  d'origine  tout  à  fait  mystérieuse,  d'après 
leur  allure  très  particulière  ;  or  on  vient  de  découvrir  *  qu'elles  résul- 
taient simplement  des  sonneries  des  cloches  d'églises.  Ce  n'est  pas 
que  cette  introduction  d'éléments  étrangers  aux  mouvements  d'ori- 
gine purement  tellurique  n'ait  son  intérêt  et  son  utilité,  puisqu'Omôri' 
est  parti  de  là  pour  étudier  l'état  d'usure  des  ponts  métalliques  des 
chemins  de  fer,  Belar  *  celui  des  voies  ferrées,  et  Napier  Dennison  * 
pour  prédire  le  temps,  dernière  application  dont  l'imprévu  n'exclut 
pas  une  parfaite  réalité,  dans  certaines  circonstances  favorables  telles 
qu'elles  se  présentent  à  Victoria  de  Vancouver.  Mais  on  est  là  dans 
le  domaine  des  applications  et  non  de  la  véritable  séismologie. 

Tous  ces  mouvements,  d'origine  tellurique  ou  non,  sont  enregis- 
trés par  les  séismographes  et  confondus  sous  le  nom  de  microséismes^ 
celui   de  macroséismes    étant  réservé    aux   secousses  sensibles    à 


*  Etzold.  Ueber  die  Aurzcichnung  der  infolge  des  Lautens  der  Kirchenglocken  zu 
Leipzig  erzeugten  Bodenschwingungen  {Ber.  d.  mat,  phys.  Kl.  d.  Kôn,  sdcfis,  Ges.  d, 
Wiss,  zu  Leipzig.  Silz.  vom  14  nov.  1904,  p.  304). 

*  Note  on  the  vibration  of  railway-bridge  piers  (Publ.  of  Ihe  earthquake  inv.  comm. 
in  foreign  language,  Tokyo,  1903,  n»  12,  p.  39). 

*  Ueber  Verwendung  von  Erdbebenmesser  bei  Eisenbahnbrùcken  (Die  Erdbebenwarte^ 
I,  N«2.  Laibach  ,1901). 

*  The  seismograph  as  a  sensitive  barometer  [Quart.  Journ.  of  the  Roy.  Met.  Soc, 
XXVJI,  N«  120,  1901). 


6  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

rhorame,  ainsi  réduit  au  rôle  de  séismoscope,  et  c'est  à  ces  derniers 
seulement,  ceux  d'origine  terrestre  bien  incontestable,  qu'on  donne 
en  propre  le  nom  de  tremblements  de  terre.  Ce  compromis  néces- 
saire avec  la  réalité  des  choses  ne  présente,  d'ailleurs,  aucun  incon- 
vénient dans  la  recherche  que  nous  poursuivons  ici,  celle  de  la 
répartition  des  tremblements  de  terre  à  la  surface  du  globe  et  celle  des 
lois  d'ordre  géologique  qui  doivent  en  découler,  —  cela  tout  à  fait 
indépendamment  de  l'autre  brancfie  si  importante  et  si  intéressante 
de  la  séismologie,  où  l'on  étudie  pour  lui-même  le  mouvement  séis- 
mique  vibratoire  et  ondulatoire, 

S.  —  La  répartition  géographique  des  régions  à,  tremblements 
de  terre.  Intensité  des  séismes  et  mesure  de  la  séismieité. 

Du  fait  même  que  les  tremblements  de  terre  prennent  naissance 
au  sein  môme  de  Técorce  terrestre,  la  recherche  de  leurs  causes  géo- 
logiques suppose  la  connaissance  de  la  manière,  certainement  non 
arbitraire,  dont  ils  se  distribuent  à  la  surface  des  différents  pays, 
et  du  globe.  On  pourra  donc  leur  trouver  des  relations  avec  les 
phénomènes  qui  ont  donné  lieu  à  la  structure  des  contrées  où  ils 
sévissent,  puis,  s'élevant  à  de  plus  amples  généralisations,  les  mettre 
en  parallèle  avec  les  grandes  vicissitudes  de  l'écorce  terrestre  tout 
entière.  C'est  exactement  de  la  même  façon  que  les  météorolo- 
gistes se  sont  progressivement  élevés  de  l'étude  des  climats 
régionaux  à  celle  des  grands  mouvements  généraux  de  l'atmo- 
sphère. Inversement,  en  ce  qui  concerne  la  séismologie,  si  Ton 
parvient  à  mettre,  d'une  manière  concordante  sur  toute  la  terre,  les 
séismes  en  relation  avec  les  mêmes  phénomènes  géologiques,  cet 
accord  dûment  constaté  montrera  définitivement  que  les  tremble- 
ments de  terre  constituent  des  épisodes  réguliers  et  normaux  dans  la 
vie  du  globe  terrestre,  en  un  mot  des  phénomènes  purement  géolo- 
giques. 

La  question  ainsi  posée,  il  devenait  absolument  nécessaire  de  con- 
naître tout  d'abord,  et  d'une  manière  approfondie,  la  répartition  des 
régions  à  tremblements  de  terre  à  la  surface  du  globe,  problème 
préliminaire  qui  ne  pouvait  être  utilement  abordé  qu'à  notre  époque, 
où  les  explorations  géographiques  ont  amené  à  connaître  suffisam- 
ment en  détail  toutes  les  contrées,  môme  celles  qui  naguère  étaient 
encore  presque  complètement  inconnues.  En  même  temps,  le  progrès 
des  études  géologiques  a  marché  du  même  pas,  surtout  en  conséquence 
de  l'immense  développement  atteint  par  la  construction  des  voies  fer- 


INTRODUCTION  T 

rées  dans  tous  les  pays  du  monde,  et  d'une  âpre  poursuite  des  métaux 
précieux  dans  les  contrées  les  moins  accessibles.  Ainsi  donc,  seule 
la  mise  en  valeur  du  domaine  imparti  à  l'homme  a  permis,  à  ce 
moment  précis  du  commencement  du  xx^  siècle,  d'aborder  rationnel* 
lement  le  problème  séismico-géologique. 

En  ce  qui  concerne  les  tremblements  de  terre,  les  grands  catalogues 
généraux  des  Mallet  S  Perrey*,  Fuchs',  O'Reilly*,  Rudolph*,  don- 
nent le  moyen  de  rechercher  comment  ils  se  distribuent,  au  moins, 
pour  les  pays  d'ancienne  civilisation  et  de  longue  culture  scientifique^ 
et  moins  exactement,  mais  d'une  manière  suffiseufnment  approché» 
toutefois,  pour  les  autres.  Non  seulement  beaucoup  de  périodiques 
ont  des  annexes  séismologiques  générales'  ou  régionales,  ainsi 
qu'on  le  verra  lors  de  la  description  des  différents  pays,  relatant  le 
plus  grand  nombre  des  macroséismes  observés,  mais  encore  il  s'en 
est  fondé  de  spéciaux^,  s'étendantà  toute  la  terre.  Enfin  beaucoup 
d'États  se  sont  donné  des  organisations  systématiques,  ne  laissant 
échapper  pour  ainsi  dire  aucune  secousse  de  leur  sol  plus  ou  moins 
souvent  ébranlé.  Par  suite  de  circonstances  fort  heureuses,  plusieurs 
États  qui  comptent  parmi  les  plus  tard  venus  à  la  civilisation,  et 
sont  dénués  de  tout  passé  scientifique,  se  sont  si  bien  mis  à  la 
besogne  que  l'absence  de  documents  anciens  y  a  été  vite  et  large-^ 
ment  compensée.  De  la  sorte,  il  s'est  établi  un  commencement 
d'équilibre  entre  nos  connaissances  séismologiques  relatives  à  Tan-^ 
cien  monde  et  celles  que  l'on  possède  maintenant  sur  les  régions  les 
plus  exotiques.  Assurément,  il  reste  encore  bien  des  lacunes  à 
combler,  des  doutes  à  éclaircir,  mais,  tels  qu'ils  sont,  les  ren- 
seignements actuels  sont  suffisants  pour  que  l'on  en  puisse  tirer 
des  vues  d'ensemble  et  des  lois  générales. 

*  The  earthquake  Catalogue  of  ihe  British  Association  [Trans.  of  the  Br.  Ass.  f.  the 
adv.  of.  se,  1832  lo  1858). 

•  Catalogues  annuels  1844-1872  [Mém.  de  l'Ac.  roy.  de  Belgique). 

•  Slatistik  der  Erdbeben  von  1865-1883  {Silzungsberichle  d.  K.  K.  Ak.  d.  Wm..  XCII,. 
I.  Abth.,  Wien,  1886). 

*"  Alphabetical  Catalogue  of  the  earthquakes  recorde  d  as  having  occurred  in  Europe 
and  adjacent  countries  (Trans.  of  the  roy.  Irish  Ac,  XXVIII,  Art.  XXII.  Dublin,  1886). 

•  Ueber  submarine  Erdbeben  und  Eniptionen  (Beilrdge  zur  Geophysik,  Bd.  I.  133, 
1887.  —  Bd.  H,  537,  1895.  —  Bd.  III,  273,  1898). 

*  C.  Détaille.  Statistique  des  tremblements  de  terre,  1883-1888  (VAslronomie).  —  D» 
Montessus  de  Ballore  {Ciel  et  Tei-re»  Bruxelles,  1903...). 

*  Â.  Belar.  Mittheilungen  der  Erdbebenwarte  an  d.  K.  K.  Staats-Oberrealschule  la 
Laibach  (1900).  Neueste  Erdbeben-Nachrichlen  (Die  Erdbebenwarte,  Laibach,  1901). 

6.  Gerland,  und  Br.  Weigand.  Monatsbericht  d.  K.  liaupstation  f .  Erdbebenforschung 
xu  Slrassburg  in  E.  (Juli.  1900...). 
R.  Schûtt.  Mittheilungen  d.  Horizontalpendel  Station  Hamburg  (October  1900...). 


8  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Cette  masse  de  documents  a  permis  de  récoler  un  nombre  d'obser- 
vations de  tremblements  de  terre  assez  grand  —  actuellement  plus 
de  170  000  —  pour  qu'une  description  séismique  de  l'univers  ne 
présente  plus  que  des  lacunes  sans  importance^  et  n'attende  que  les 
améliorations  correspondant  au  progrès  futur  de  la  civilisation  sur 
toute  la  surface  de  la  terre.  En  un  mot,  le  problème  est  devenu 
abordable. 

Du  même  coup  il  était  devenu  possible,  au  moyen  de  ces  maté- 
riaux considérables,  de  réfuter  par  la  statistique  les  nombreuses  lois 
empiriques  énoncées  sur  les  relations  entre  les  tremblements  de 
terre  et  les  phénomènes  naturels  les  plus  hétéroclites,  lois  qui,  basées 
sur  des  observations  en  nombre  très  insuffisant,  étaient  le  plus  sou« 
vent  contradictoires  de  pays  à  pays,  ce  qui  en  prouvait  le  peu  de 
valeur.  Il  est  entendu  qu'il  faut  faire  exception  en  faveur  d'une 
importante  catégorie  de  mouvements  pseudo-séismiques  enregistrés 
par  les  appareils  séismographiques  et  qui,  ne  provenant  pas  de  véri- 
tables tremblements  de  terre,  peuvent,  dès  lors,  relever  de  phéno- 
mènes extérieurs  à  la  planète,  et  dont  on  ne  saurait  nier  l'action  sur 
Técorce  terrestre  ;  ceux-ci  peuvent  obéir  à  des  lois  de  périodicité. 

Il  s'agit  de  voir  maintenant  comment  a  été  conduite  la  mise  en 
oeuvre  de  ce  vaste  catalogue,  en  vue  de  la  description  séismique  de 
l'univers. 

Tout  d'abord,  il  nous  avait  paru  désirable,  nécessaire  même,  d'in- 
troduire un  élément  de  mesure,  une  appréciation  numérique  de 
l'instabilité  relative  des  diverses  régions  du  globe.  C'est  ainsi  que 
nous  avons  été  amené,  il  y  a  longtemps  déjà,  à  définir  la  séismicûé 
d'un  pays  petit  ou  grand. 

Il  est  évident  a  priori  que  l'importance  des  tremblements  de  terre 
résulte,  pour  une  contrée  donnée,  de  deux  éléments  :  leur  fréquence 
annuelle  moyenne  et  l'intensité  qu'ils  y  atteignent.  Le  premier  fac- 
teur est  facile  à  obtenir  ;  il  suffit  que  des  observateurs  s'attachent 
pendant  un  certain  nombre  d'années  à  recueillir  et  à  discuter  les 
secousses  sensibles  à  l'homme.  Ce  résultat  a  été  obtenu  pour  un  ti-ès 
grand  nombre  de  régions,  et  il  s'en  ajoute  chaque  année  de  nou- 
velles, sous  l'impulsion  qu'ont  fait  naître  dans  le  monde  entier  les 
deux  conférences  séismologiques  internationales  de  Strasbourg  en 
1901  et  1903.  L'expérience  montre  qu'il  faut,  pour  compter  sur  une 
approximation  suffisante,  posséder  au  moins  50  années  d'obser- 
vations, ce  qui  n'a  encore  lieu  actuellement  que  pour  Zante  et  cer- 
taines des  îles  des  Indes  néerlandaises.  C'est  que  le  phénomène 
séismique  est  extrêmement  irrégulier  dans  son  allure.  On  rencontre 


INTRODUCTION  9 

des  pays  où  les  secousses  se  font  sentir  assez  régulièrement,  mais 
d'autres  aussi  où  elles  présentent  des  maximums  de  fréquence,  des 
paroxysmes,  que  séparent  de  plus  ou  moins  longs  intervalles  de 
repos.  Ce  dernier  cas  se  présente  souvent  à  la  suite  des  grands  trem- 
blements de  terre,  accompagnés  parfois  de  nombreuses  secousses 
prémonitoires  et  consécutives.  11  faut  donc  de  longues,  très  longues 
périodes  pour  éliminer  leur  influence  sur  la  moyenne  vraie. 

L'intensité  est  un  élément  beaucoup  plus  difficile  à  apprécier  numé- 
riquement d'une  manière  rationnelle  ;  on  peut  même  dire  qu'on  n'y 
est  pas  encore  parvenu,  tant  s'en  faut.  On  a  bien  des  échelles,  mais 
elles  sont  toutes  fort  arbitraires.  La  plus  communément  employée 
est  celle  dite  de  Rossi-Forel,  basée  sur  les  effets  des  tremblements 
de  terre  sur  les  sens  de  l'homme  et  les  éléments  de  ses  habitations. 
On  comprend  de  suite  que  les  constructions,  leurs  matériaux,  et  la 
nature  du  sol  sur  lequel  elles  sont  établies,  introduisent  de  pays  à 
pays  des  différences  qui  faussent  toute  comparaison.  Quoi  qu'il  en 
soit,  voici  cette  échelle  avec  tous  ses  défauts  constitutifs  : 

Intensités  (de  I  à  X). 

Microséismes  : 

l.  Mouvement  non  noté  par  tous  les  appareils  de  systèmes  diffé- 
rents. Senti  par  quelques  observateurs  exercés. 

Macroséismes  : 

IL  Tous  les  instruments  sont  actionnés.  Le  mouvement  est  cons- 
taté par  un  petit  nombre  d'observateurs  au  repos. 

IIL  Ébranlement  senti  par  un  grand  nombre  de  personnes  au 
repos.  La  durée  et  la  direction  sont  discernables. 

IV.  Ébranlement  perçu  par  des  personnes  en  état  d'activité.  Mou- 
vement d'objets  mobiles,  portes  et  fenêtres  ;  craquement  des  plan- 
chers. 

V.  Ressenti  par  tout  le  monde.  Mouvement  d'objets  importants, 
meubles,  lits.  Les  sonnettes  sont  actionnées. 

VI.  Réveil  général  des  dormeurs.  Oscillations  des  lustres,  arrêt 
des  pendules  et  horloges,  mouvement  sensible  des  arbres.  Quelques 
personnes  effrayées  s'enfuient  hors  des  habitations. 

VIL  Objets  mobiles  renversés,  chute  du  mortier  et  des  plâtres  des 
toits  et  des  murs,  arrêt  des  horloges  publiques,  effroi  général. 

VIII.  Chute  des  cheminées,  crevasses  dans  les  murs. 

IX.  Ruine  partielle  ou  totale  de  quelques  édifices. 

X.  Désastres  et  ruines.  Bouleversement  de  couches  terrestres, 
crevasses  et  failles.  Ëboulements  de  montagnes. 


40  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Gancani  *  a  tenté  d'améliorer  l'échelle  de  RoBsi-Forel  en  lui  don- 
nant une  base  mécanique,  mais  jusqu'à  présent  l'usage  de  cette  nou- 
velle échelle  n'a  point  prévalu,  parce  qu'elle  nécessite  des  mesures 
délicates,  impraticables  pour  le  plus  grand  nombre  des  observateurs. 
Le  regretté  séismologue  fait  intervenir  les  accélérations  du  mouve^ 
ment  imprimé  aux  particules  terrestres  par  les  secousses  des  divers 
degrés  de  l'écheUe  précédente  prolongée  de  deux  degrés,  ainsi  qu'il 
suit  : 

AGGBLÉRATIONS 
INTENSITÉS  correspondantes,  en  millimètres 

par  seconde. 

I.  Secousse  instrumentale Au-dessous  de  2,5 

II.  Très  légère —     2,5  à  5,0 

III.  Légère —        5  à  40 

IV.  Sensible  ou  médiocre —      10  à  25 

V.  Assez  forte —      25  à  50 

VI.  Forte —      50  à  100 

VII.  Très  forte —     100  à  250 

VIII.  Ruineuse —    250  à  500 

IX.  Désastreuse —    500  à  1000 

X.  Très  désastreuse —  1000  à  2500 

XI.  Catastrophe —  2500  à  5000 

XII.  Grande  catastrophe —  5000  &  10000 

Même  en  considérant  l'échelle  de  Cancani  comme  véritablement 
rationnelle,  son  emploi  dans  la  recherche  de  la  séismicitédes  diverses 
régions  du  globe  serait  tout  à  fait  illusoire,  en  raison  de  la  pauvreté 
des  renseignements  donnés  sur  la  plupart  des  tremblements  de 
terre.  Dans  ces  conditions,  il  fallait  de  toute  nécessité  chercher  à 
éliminer  l'intensité,  et  nous  avons  pu  heureusement  le  faire  grâce  à 
une  statistique  particulière*.  Pour  7  924  séismes  japonais,  Milne'  a 
donné  les  axes  soigneusement  déterminés  des  aires  elliptiques  ou 
ovales  ébranlées.  Or,  pour  un  très  grand  nombre  de  secousses,  cette 
aire  peut  être  considérée  comme  une  mesure  approximative  de  leurs 
intensités.  En  divisant  la  surface  du  Japon  en  44  régions  séismiques 
particulières,  nous  sommes  arrivés  à  ce  résultat  que  fréquence 
et  intensité  moyenne  varient  grosso  modo  dans  le  même  sens. 
Dès  lors,  on  pouvait  se  passer  de  la  connaissance  de  l'intensité  pour 
l'évaluation  de  la  séismicité,  et  s'en  tenir  uniquement  à  la  recherche 

*  Sur  remploi  d'une  double  échelle  séismique  des  intensités  empirique  et  absolue 
(C.  R.  2*  Conférence  séismologique  iniem.  de  Strasbourg^  24-28  juillet  1903,  p.  281). 

*  Relation  entre  la  fréquence  des  tremblements  de  terre  et  leur  intensité  [Bail.  Soc. 
sism.  liai.,  III,  9.  Modène,  1897). 

*  A  catalogue  of  8331  earthquakes  recorded  in  Japan  between  1885  and  1892.  Ares  of 
shaken  areas  (The  seism.  joum.  ofJapan^  IV,  245.  Tokyo,  1895). 


INTRODUCTION  M 

de  la  fréquence,  à  condition  toutefois  de  disposer  d'un  nombre  suf- 
fisant d'années  d'observations. 

Si  maintenant,  dans  une  région  de  surface  A,  exprimée  en  kilo- 
mètres carrés,  on  a  en  p  années  observé  n  séismes,  la  fréquence 

annuelle  moyenne  sera  «  =  —  ;  -i-  sera  le  nombre  annuel  moyen  de 

séismes  par  kilomètre  carré,  et  V/  -r-  le  côté  des  carrés  en  lesquels 

on  pourrait  décomposer  la  région  de  telle  sorte  qu'il  y  tremble  une 
fois  par  an,  à  supposer  que  les  tremblements  de  terre  s'y  produisent 
uniformément  et  à  des  intervalles  réguliers.  C'est  ce  nombre  qu'on 
a  pris  pour  mesure  de  la  séismicité  de  la  région  considérée,  de  sorte 
qu'elle  est  d'autant  plus  stable  ou  instable  que  ce  nombre  est  plus 
grand  ou  plus  petit.  Cette  méthode  a  été  appliquée  au  monde  entier, 
mais  nous  devons  reconnaître  qu'elle  n'a  pas  donné  les  résultats 
que  nous  en  attendions,  non  seulement  parce  que  les  fréquences  ne 
sont  pas  connues  avec  des  approximations  sufGsantes  dans  les 
diverses  régions,  ni  surtout  comparables,  mais  encore  parce  que 
l'uniformité  supposée  de  la  séismicité  est  d'autant  plus  éloignée  de 
la  réalité  que  la  surface  A  est  plus  grande.  La  méthode  ne  donnerait 
de  bons  résultats  qu'en  l'appliquant  à  des  surfaces  égales,  ou  sensi- 
blement égales,  le  degré  carré  par  exemple.  Il  a  donc  fallu  l'aban- 
donner, en  dépit  de  son  apparence  rationnelle,  et  s'en  tenir  à  une  clas- 
sification empirique  des  caractères  de  stabilité  ou  d'instabilité.  Nous 
appellerons  donc  dans  cet  ouvrage  séismiques  les  pays  où  les  trem- 
blements de  terre  sont  fréquents  et  parfois  plus  ou  moins  désas- 
treux, pénéséismiques  ceux  où,  à  des  degrés  divers  fréquents,  ils 
restent  simplement  sévères,  aséismiques  enfin  ceux  où  ils  sont  faibles 
et  rares,  ou  même  complètement  inconnus.  Cette  classification,  pour 
artificielle  qu'elle  soit,  a  cependant  suffi  pour  faire  découvrir,  ainsi 
qu'on  le  verra  plus  loin,  les  relations  générales  des  tremblements 
de  terre  avec  la  géologie  des  pays  qu'ils  ébranlent,  et  c'est  bien 
tout  ce  qu'on  pouvait  lui  demander. 

3.  ~  Les  mappemondes  séismographiques  antérieures. 

11  existe  deux  mappemondes  séismographiques,  antérieurement 
établies  par  Mallet  et  par  Milne.  On  ne  peut  négliger  d'en  parler  ici 
parce  qu'elles  sont  fort  connues,  et  que,  bien  des  fois  reproduites, 
elles  ont  été  et  sont  encore  le  point  de  départ  de  travaux  de 
valeur.  Il  faut  bien  aussi  justifier,  par  l'amélioration  des  résultats 


42  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

plus  précis  obtenus,  le  travail  considérable  que  nous  nous  sommes 
imposé  depuis  plus  de  vingt  ans  pour  établir  la  mappemonde  qui 
figure  dans  cet  ouvrage,  et  en  constitue  la  base  fondamentale. 

En  1858,  Mallet  a  publié  à  la  suite  de  son  grand  catalogue  séis- 
mique  un  quatrième  et  dernier  rapport,  mémoire  d'ensemble  sur 
ce  que  Ton  savait  alors  sur  les  tremblements  de  terre,  et  il  le  termina 
par  une  mappemonde  séismographique,  qui  n'a  pas  été  refaite  depuis 
sous  cette  forme.  Remarquable  pour  une  époque  où  les  observations 
systématiques  n'existaient  encore  nulle  part,  elle  était  malheureuse- 
ment, en  partie  du  moins,  basée  sur  l'estime,  les  documents  de  cette 
époque  étant  aussi  insuffisants  qu'était  incomplète  et  remplie  de 
lacunes  considérables  l'exploration  des  pays  exotiques.  Il  ne  faut 
donc  pas  s'étonner  de  la  voir  différer  sensiblement  de  la  nôtre,  le 
grand  séismologue  anglais  n'ayant  pu,  comme  nous,  utiliser  l'énorme 
matériel  des  observations  recueillies  partout  depuis.  Mais,  défaut 
certainement  beaucoup  plus  grave,  Mallet,  conformément  aux  idées 
en  cours  de  son  temps,  confondait  activité  volcanique  et  instabilité 
séismique,  deux  manifestations  proche  parentes,  mais  non  identiques 
et  indépendantes  l'une  de  l'autre,  des  forces  terrestres  internes.  Ce 
n'est  pas  avec  le  but  puéril  d'établir  une  comparaison  avantageuse, 
si  bien  facilitée  par  l'augmentation  des  matériaux  séismologiques, 
que  nous  parlons  de  cette  ancienne  mappemonde,  mais  seulement 
pour  mettre  en  garde  contre  les  théories  qu'elle  a  suggérées,  et  aux- 
quelles elle  a  servi  de  base  supposée  exacte,  comme  par  exemple  la 
théorie  deLallemand',  lorsqu'il  l'a  utilisée  pour  mettre  les  volcans  et 
les  tremblements  de  terre  en  relation  avec  les  lignes  de  déformation 
de  l'écorce  terrestre  dans  le  système  tétraédrique  fameux  de  Low- 
thian  Green.  Cette  manière  d'interpréter  les  principales  lignes  de 
relief  ou  de  corrugation  de  la  surface  terrestre  trouve  dans  la  nou- 
velle mappemonde  une  confirmation  beaucoup  moins  probante. 

Ainsi  qu'en  témoignent  de  nombreux  travaux,  la  fameuse  tliéorie 
tétraédrique  de  Lowthian  Green*,  condensée  et  résumée  avec  tous 
ses  développements  ultérieurs  par  Arldt',  occupe  une  telle  place 
dans  les  spéculations  de  la  géographie  et  de  la  géologie  générales, 
qu'il  serait  étrange  de  voir  la  répartition  actuelle  des  régions  à  trem- 
blements n'apporter  aucun  argument  pour  ou  contre  cette  brillante 

•  Volcans  et  tremblements  de  terre  ;  leur  relation  avec  la  flgure  du  globe  (Bull.  soc. 
astron.  de  France,  Mai  1903,  213.  Paris). 

■  Vestiges  of  the  mollen  Globe  as  exhibiled  in  the  figure  of  Ihe  eartKs  volcanic  action 
and  physiography  (Part  I.  London,  1875.  Part  II.  Uonolulu,  1887). 

'  Arldt.  Die  Gestalt  der  Erde  {Beitrdge  zur  Geophyslk,  VII,  283.  Leipzig,  1905). 


INTRODUCTION  13 

conception.  On  ne  peut  entrer  ici  dans  le  détail  des  résultats  que 
cette  comparaison  permettra  d'obtenir  d'une  recherche  spéciale  non 
encore  terminée,  et  fort  délicate  ;  il  suffira  d'en  indiquer  succincte- 
ment la  portée  probable.   Si  l'on  prend  le  tétraèdre  de  Lowtliian 
Green,  avec  ses  paires  de  masses  continentales  méridiennes  accou- 
plées, figurant  les  arêtes  émanées  du  quatrième  sommet  situé  aux 
terres  antarctiques,  on  voit  que  les  régions  instables  ne  se  coordon- 
nent pas  sur  ces  arêtes,  qui  devraient  être,  pensait-on,  des  lignes 
de  moindre  résistance  et  de  plus  grande  mobilité.  Elles  ne  corres- 
pondent pas  davantage  aux  arêtes  du  tétraèdre  admis  par  Michel 
Lévy^,  ni  à  celles  de  la  double  pyramide  triangulaire  de  Marcel 
Bertrand*.  On  ne  trouve  de  relation  un  peu  conforme  aux  éléments 
d'un  tétraèdre  de  déformation,  celui  d'ailleurs  de  Lowthian  Green, 
qu'en  se  rappportant  à  l'opinion  émise  par  de  Lapparent',  d'après 
laquelle  «  la  logique  et  l'observation  conduisent  à  penser  que  les 
compartiments   soulevés    [sommets  :  boucliers   canadien,  baltique, 
sibérien]  sont  limités,  relativement  aux  autres  [faces  :  dépressions 
océaniques],   par  des  cassures,  lesquelles,  au  lieu  d'être  dirigées 
suivant  les  arêtes  du  tétraèdre,  doivent,  au  contraire,  les  couper 
obliquement.  Tel  est  justement  le  cas  de  la  grande  dépression  du 
Pacifique,  si  constante  au  travers  de  tant  de  périodes  géologiques...  » 
11  y  aurait  donc  accord  suffisant  entre  ces  déformations  tétraédriques 
et  la  distribution  des   régions  à  tremblements   de  terre,  puisque 
ceux-ci,  ainsi  qu'on  le  verra,  s'accumulent  sur  le  géosynclinal  cir- 
cumpacifique,  dont  la  relation  avec  le  tétraèdre  vient  d'être  énoncée, 
et  sur  le  géosynclinal  méditerranéen,   résultant  d'une  torsion  du 
tétraèdre  de  Green,  sous  l'influence  de  causes  d'ordre  astronomique. 
Dès  lors  Taséismicité  des  sommets  serait  pleinement  justifiée  aussi 
par  la  théorie  tétraédrique. 

C'est  dans  un  tout  autre  ordre  d'idées  que  Milne,  dans  un  mémoire 
récent,  et  à  juste  titre  fort  remarqué,  a,  en  1903  *,  cherché  la  forme  et 
la  situation  des  zones  limitées  de  la  surface  terrestre  d'où  émanent 
ce  qu'il  appelle  les  macroséismes,  c'est-à-dire  les  tremblements  de 
terre  enregistrés  dans  les  observatoires  séismologiques  situés  à  grande 
distance  de  l'origine,  lorsque  ces  mouvements  se  font  sentir  sur  une 

*  Sar  la  coordination  el  la  répartition  des  fractures  et  des  effondrements  de  l'écorce 
terrestre  en  relation  avec  les  épanchements  volcaniques  (Bull.  soc.  géol.  France t  3«  sér., 
XXVI,  103,  1898). 

*  Déformation  tétraédrique  et  déplacement  du  pôle  (C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  GXXX,  1900. 
449). 

'  Sur  la  symétrie  tétraédrique  du  globe  terrestre  (Ici.,  614). 

*  Seismological  observaUons  and  Earth  Physics  (Geo^r.  Joum.  London,  January,  1903). 


14  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

notable  partie  de  la  surface  terrestre,  ou  même  sur  sa  totalité.  Ce  der- 
nier cas  s'est  présenté  notamment  pour  le  grand  désastre  de  rAssam, 
du  12  juin  1897  :  ses  vibrations,  propagées  dans  tous  les  sens  autour 
de  l'origine,  se  sont  rencontrées  à  l'antipode,  centime  de  conca- 
mération,  puis  sont  revenues  se  faire  de  nouveau  enregistrer  dans 
rinde  après  avoir  fait  deux  fois  le  tour  du  globe,  imitant  de  la 
sorte  les  ondes  atmosphériques  et  marines  déterminées  par  la  gigan- 
tesque explosion  du  Krakatoa  en  1883.  Passant  légèrement  sur  l'in- 
convénient qu'il  y  a  de  détourner  le  mot  macroséisme  de  sa  signiGcation 
généralement  adoptée,  pour  désigner  seulement  les  secousses,  faibles 
ou  violentes,  mais  sensibles  à  l'homme  considéré  comme  un  véritable 
séismoscope,  alors  que  le  terme  de  téléséisme  est  couramment  adopté 
pour  celles  que  Milne  a  en  vue,  et  dont  les  vibrations  se  propagent 
au  loin,  —  il  y  a  lieu  de  discuter  ici  cette  seconde  mappemonde 
séismique,  établie  par  une  méthode  extrêmement  originale.  Elle  est 
basée  sur  la  possibilité  de  déterminer  dans  les  observatoires  la  dis^ 
tance  à  laquelle  s'est  produit  un  tremblement  de  terre  qui.  a  ébranlé 
un  pays  inconnu,  au  moyen  des  séismogrammes  qu'il  a  tracés  sur 
les  appareils  de  plusieurs  stations.  La  solution  de  cet  intéressant 
problème  est,  au  moins  tliéoriquement,  assez  simple,  ainsi  qu'on  va 
le  yoir.  Cette  question  a  été  fort  lucidement  exposée  par  M.  de  Lappa- 
rent,  pour  le  grand  public  d'abord  S  puis  plus  techniquement  dans 
un  rapport  présenté  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris  ^ 

Sans  vouloir  ici  exposer  une  des  méthodes  les  plus  ingénieuses 
de  la  séismologie  physique,  il  est  nécessaire  toutefois  de  donner 
quelques  détails  succincts,  pour  faire  apprécier  exactement  à  leur 
juste  valeur  les  résultats  qu'on  peut  attendre  de  la  mappemonde  de 
Milne. 

.  Un  séismogramme  complet,  c'est-à-dire  la  courbe  tracée  sur  un 
appareil  quelconque  par  un  tremblement  de  teri'e,  petit  ou  grand, 
d'origine  rapprochée  ou  éloignée,  présente  trois  genres  distincts 
d'ondulations  ou  de  vibrations  :  1"^  des  frémissements  préliminaires, 
décelant  de  très  courtes  oscillations  inférieures  au  millimètre  et 
d'une  période  variant  deO",l  à  5'',2  ;  2^  des  vibrations  de  plus  d'am- 
plitude et  de  plus  longue  durée  ;  3**  de  grandes  ondulations  d'une 
période  de   15  à  20".  On  admet  généralement'  que  les  premières 

*  Les  frémissements  de  Tëcorce  terrestre  (Le  Correspondant,  n»  du  10  avril  1903, 110). 

*  Journal  des  savants  (1903, 113). 

*  À.  Belar.  Einiges  ûber  die  ÂufzeichBungen  der  Erdbebenmesser  (Die  Erdbebenwarte. 
Jahrg.  1,  77,  95.  Laibach,  1901). 

A.  Sieberg.  Wie  pûanzen  sich  die  Ërdbebeuwellen  fort?  (Dos  Wellall,  60, 75,  Berlin.  1902). 


INTRODUCTION 


15 


résultent  de  la 
propagation  du 
mouvement 
séismique      au 
travers  de  toute 
la  masse  terres- 
tre avec  une  vi- 
tesse  de   quel- 
ques   10    kilo- 
mètres à  la  se- 
conde, et    que 
les  autres  cor- 
respondent aux 
mouvements 
horizontaux  et 
verticaux   de 
Técorce  terres- 
tre ,    avec    des 
vitesses  respec- 
tives d'environ 
5  et  2,5  à  3  ki- 
lomètres   à  la 
seconde.    L'in- 
tervalle    de 
temps    écoulé , 
et  mesuré    au 
séismographe, 
entre  ces  di- 
verses inscrip- 
tions, permet- 
tra de  calculer 
la  distance   de 
l'épicentre    in  - 
connu  du  trem- 
blement de 
terre.  Que  plu- 
sieurs ohserva- 
toires  se  livrent 
au  même  calcul 
pour  un  même 
téléséisme ,    et 


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12 


46  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

l'origine  en  pourra  être  localisée  par  ses  coordonnées  géographiques, 
sans  qu'on  ait  besoin  d'autres  informations,  dont  précisément  la 
connaissance  ultérieure  permettra  de  vérifier  l'exactitude  de  Temploi 
ainsi  fait  des  séismogrammes. 

Cette  méthode  est  assurément  fort  ingénieuse^  mais  de  quel  degré 
d'approximation  est-elle  susceptible  ?  C'est  ce  qu^il  importe  d'exa- 
miner. Pour  nous  en  faire  une  idée,  reprenons  par  exemple  le  trem- 
blement de  terre  de  l'Assam  du  12juin  1897.  Il  n'eut  pas  d'épicentre 
véritable,  mais  il  présentait  une  énorme  surface  épicentrale  en  forme 
de  triangle  curviligne  dont  la  base  s'étendait,  en  direction  E.S.E.,  de 
Rangpur  au  delà  de  Sylhet,  sur  plus  de  340  kilomètres,  et  sa  hauteur, 
de  160  kilomètres,  franchissait  la  vallée  de  Brahmapoutre  pour 
atteindre  le  pied  de  l'Himalaya  oriental.  Le  mouvement  géologique 
a  vraisemblablement  affecté  d'un  bloc  toute  cette  aire  immense. 
On  doit  donc  admettre  que,  dans  ce  cas,  les  erreurs  de  la  méthode 
auraient  atteint  au  moins,  sinon  dépassé,  les  dimensions  de  ce  vaste 
triangle.  Autrement  dit,  la  localisation  de  l'épicentre  par  la  méthode 
indiquée  aurait  pu  tomber  hors  du  triangle. 

Autre  difficulté,  peut-être  encore  plus  grave.  Beaucoup  de  télé- 
séismes,  observés  par  les  séismogrammes  seuls,  ne  trouvent  pas  de 
contre-partie  en  des  tremblements  de  terre  signalés  plus  tard,  et 
cependant  il  est  à  penser  qu'aucun  séisme  important  n'échappe 
maintenant  à  l'observation,  tant  sont  développés  les  moyens  d'infor- 
,  mations,  de  sorte  que  toute  vérification  ultérieure  manque.  Il  est 
d'ailleurs  juste  de  reconnaître  que  cette  objection  pourrait,  dans  une 
certaine  mesure,  confirmer  les  résultats  de  la  mappemonde  de  Milne, 
dont  les  zones  séismiques  sont  en  grande  partie  situées  en  plein  océan, 
où  les  observations  séismiques  sont  fort  difficiles  et  assujetties  aux 
hasards  d'une  navigation  plus  ou  moins  intensive. 

Ce  n'est  pas  tout  :  si  la  vitesse  de  propagation  des  vibrations  de 
la  première  espèce  paraît  à  peu  près  constante,  parce  qu'elles  traver- 
sent un  milieu  sinon  isotrope,  du  moins  composé  de  couches  con- 
centriques vraisemblablement  homogènes,  et  devant  les  dimensions 
radiales  desquelles  on  peut  négliger  Técorce  externe,  il  n'en  va  pas 
de  même  des  vibrations  des  deuxième  et  troisième  espèces  qui,  elles, 
se  propagent  le  long  et  au  travers  de  l'écorce  hétérogène  et  irrégu- 
lière. Leurs  vitesses  de  propagation  sont  très  variables,  dans  des 
limites  impossibles  à  prévoir,  et  de  fait  les  meilleures  évaluations 
difièrent  considérablement  entre  elles,  les  nombres  mentionnés  plus 
haut  n'étant  que  des  indications  sur  leur  ordre  moyen  de  grandeur, 
soumises  à  de  nombreuses  et  importantes  perturbations  suivant  les 


INTRODUCTION  47 

lieux  et  le  trajet  parcouru.  Il  faut  aussi,  de  toute  nécessité,  que  les 
séismographes  employés  par  les  divers  observatoires  soient  identi- 
ques, condition  d'ailleurs  réalisée  dans  le  travail  de  Milne. 

Il  est  donc  prudent  de  considérer  comme  entachées  d'erreurs 
notables  les  déterminations  de  distances  faites  jusqu'à  présent  par 
cette  méthode,  malgré  les  vérifications  qu'elles  a  permises,  et  nous 
ne  pensons  pas  que,  dans  Tétat  actuel  de  la  séismologio,  on  puisse 
aller  plus  loin  que  d'y  voir  une  simple  indication  par  estime  de  la 
région  probable  où  s'est  produit  le  séisme,  tant  que  des  informations 
régulières  n'auront  pu  limiter  son  épicentre.  C'est  beaucoup  et  peu 
tout  à  la  fois. 

Ceci  posé,  et  sans  entrer  comme  nous  l'avons  fait  ailleurs'  dans 
la  critique  de  détail  des  résultats  obtenus  par  Milne  dans  le  mémoire 
précité,  et  qu'il  a  complétés  dans  ses  rapports  annuels  de  1903  et 
de  1904  à  l'Association  britannique  pour  l'Avancement  des  Sciences, 
voici  comment  le  savant  séismologue  anglais  a  utilisé  265  téléséismes 
des  années  1899  à  1903,  qui  ont  été  observés  dans  les  38  stations 
du  réseau  mondial  anglais  pourvues  de  son  séismographe.  Il  a  trouvé 
que  leurs  épicentres  calculés  se  groupent  sur  12  régions  bien  déter- 
minées, et  régulièrement  ovalaires,  forme  assez  étrange  a  priori. 
Cinq  d'entre  elles  sont  purement  océaniques,  six  sont  situées  sur 
terre  et  sur  mer,  et  une  seule  est  exclusivement  continentale.  Ces 
ovales  sont  les  régions  d'où  sont  émanés  pendant  la  période  consi- 
dérée les  tremblements  de  terre  que  Milne  regarde  comme  liés  aux 
mouvements  généraux  de  l'écorce  terrestre,  ainsi  qu'à  ses  principales 
lignes  de  relief  et  de  corrugation.  A  tenir  les  12  ovales  de  Milne 
comme  la  représentation  de  la  manière  dont  les  tremblements  de 
terre  se  répartissent  sur  la  surface  terrestre,  et  en  comparant  sa 
mappemonde  séismique  à  la  nôtre,  dont  l'exactitude  repose  sur  plus 
de  170  000  observations  utilisées,  il  n'y  a  pas  lieu,  pour  donner 
l'avantage  à  cette  dernière,  de  s'arrêter  à  l'objection  que  ces  ovales 
ne  recouvrent  point  certaines  régions  connues  par  leur  instabilité 
bien  avérée  et  très  caractérisée,  comme  l'Andalousie,  la  Californie, 
et  à  un  moindre  degré  la  Baïkalie  et  la  Nouvelle-Zélande,  car  on 
pourrait  répondre  que  cela  tient  uniquement  au  petit  nombre 
d'années,  cinq  seulement,  dont  Milne  a  pu  disposer,  ces  lacunes  pou- 
vant se  combler  ultérieurement.  Mais  ce  qu'on  ne  saurait  admettre, 
c'est  l'existence  môme  de  deux  ovales,  celui  de  Terre-Neuve  et  sur- 
tout celui  de  l'Océan  Indien,   avec   respectivement  5    et  21   ori- 

'  Sar  les  régions  océaniques  instables  et  les  côtes  à  vagues  sismiques  (Arch.  Se.  pk. 
et  nat.  de  Genève,  Juin  1903, 640). 

Di  lIoHTissot.  —  Tremblements  de  lerre.  2 


18  GEOGRAPHIE  8ÉI8MOLOGIQUE 

gines  de  téléséismes  sur  265,  soit  10  p.  100,  alors  que  ce  sont  des 
régions  maritimes  d'une  parfaite  stabilité,  ainsi  qu'on  le  verra. 
Gomment  admettre  encore  que  ces  zones  d'instabilité^  car  il  faut 
bien  entendre  de  la  sorte  les  ovales  en  question,  mordent  notable- 
ment sur  le  Nord  de  l'Australie,  l'Hindoustan  et  le  Sénégal,  où  les 
tremblements  de  terre  sont  à  peu  près  inconnus?  La  moitié  tout 
entière  de  Fovale  des  Açores  couvre  une  partie  de  l'Atlantique  pour 
laquelle,  en  dépit  d'une  navigation  fort  intense,  on  ne  connaît  pour 
ainsi  dire  aucun  séisme  sous-marin,  ce  qui  contraste  avec  ce  que 
Ton  sait  de  sa  moitié  méridionale.  Que  dire  enfin  de  l'ovale  des 
terres  antarctiques,  avec  seulement  deux  épicentres,  il  est  vrai  ?  Ces 
remarques  suffisent  à  faire  condamner  l'application  pratique  d'une 
méthode  théorique  que  son  ingéniosité  ne  suffit  pas  à  justifier, 
quoique,  à  dire  vrai,  elle  ait  donné  d'une  manière  générale  une  dis- 
tribution des  centres  d'instabilité,  et  qu'elle  puisse  probablement 
être  grandement  améliorée,  quant  à  ses  résultats,  si  l'on  disposait 
d'un  plus  grand  nombre  d'années  d'observations;  mais  cela  ne  ferait 
peut-être  qu'accentuer  la  séismicité  apparente  des  régions  océaniques 
mentionnées  plus  haut,  malgré  tout  ce  qu'on  sait  de  leur  immimité 
séismique. 

4.  —  Influence  séismogénique  du  relief  et  des  principaux 
accidents  géologiques. 

Les  foyers  d'instabilité  ne  se  répartissent  pas  arbitrairement  à  la 
surface  des  pays  à  tremblements  de  terre  :  cette  première  recherche 
a  permis  de  mettre  dans  beaucoup  de  cas  les  séismes  en  relation 
directe  et  évidente  avec  la  géologie  des  régions  ébranlées,  et  celte 
répartition  une  fois  connue  a  permis  de  voir  combien  les  phénomènes 
séismiques  sont  en  étroite  dépendance  avec  l'histoire  géologique  ; 
elle  fait  nettement  ressortir  les  caractères  différentiels  des  régions, 
suivant  l'importance  de  ceux  qui  les  agitent*. 

Par  suite  de  sa  simplicité,  l'influence  du  relief  est  la  première  qui 
se  soit  dévoilée*.  D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que  de  deux 
régions  contiguës,  par  exemple  les  deux  versants  d'une  vallée,  les 
deux  flancs  d'une  chaîne  de  montagnes,  les  plaines  et  les  hauteurs 
voisines,  etc.,   la  plus  instable  est  celle  qui  présente  la  plus  forte 

*  De  Montessus  de  Ballore.  Introduction  &  un  essai  de  description  séismique  du  globe 
et  mesure  delà  séismicité  (Beitràge  zur  Geophysik,  IV,  334.  Leipzig,  1900). 

*  Idem,  Relations  entre  le  relief  et  la  séismicité  (C.  R.  Ac,  Se,  GXX,  1183.  Paris,  1895. 
Arch,  se.  ph.  nat.  de  Genève,  15  sept.  1895). 


INTRODUCTION  19 

pente  moyenne,  ou  les  plus  grandes  différences  d'altitude,  c'est-à-dire 
le  plus  grand  relief  relatif  ou  absolu.  La  raison  en  est  sans  doute  que  le 
relief  estleplus  souvent  en  raison  de  Timportance  des  dislocations,  qui, 
soit  par  leur  manque  d'équilibre,  soit  par  la  continuation  des  efforts 
tectoniques  qui  les  ont  causées,  appellent  tout  naturellement  une  plus 
fticile  production  des  tremblements  de  terre.  Une  telle  loi  était  loin 
d'embrasser  tout  le  problème;  d'ailleurs,  elle  est  seulement  relative,  et 
s'applique  même  dans  les  pays  de  faible  séismicité.  Elle  suffit  cepen- 
dant pour  faire  soupçonner  que  les  tremblements  de  terre  sont  en 
intime  relation  avec  les  principales  vicissitudes  géologiques,  surrec- 
tion  des  grandes  chaînes  de  montagnes  et  creusement  des  océans. 

Il  est  beaucoup  plus  malaisé  de  déterminer  l'influence  séismogé- 
nique  locale,  ou  régionale,  des  principaux  accidents  tectoniques,  plis- 
sements, effirondements,  surrections,  failles,  etc.  \  Ëtant  donné  un 
tremblementde  terre,  pour  être  certain  qu'il  a  été  déterminé  par  l'un  de 
ces  accidents,  il  faut,  si  Ton  ne  veut  pas  faire  d'hypothèse,  vérifier 
que  ses  isoséistes,  c'est-à-dire  les  courbes  qui  sur  le  terrain  limitent 
les  surfaces  où  il  a  atteint  les  divers  degrés  de  l'échelle  des  intensités, 
présentent  des  formes  allongées  dont  l'axe  coïncide  avec  l'accident. 
Gela  suppose  des  relations  minutieusement  circonstanciées,  qui  sont 
bien  loin  d'exister  en  nombre  aussi  considérable  qu'il  le  faudrait. 
Cette  coïncidence  doit  être  assez  parfaite  pour  dissiper  toute  espèce 
de  doute.  Il  faut,  en  outre,  que  plusieurs  tremblements  de  terre  de  la 
région  présentent  ce  caractère.  Si  l'accident  est  d'une  grande  lon- 
gueur, il  arrive  souvent  que  ce  ne  sont  pas  toujours  ses  mêmes  par- 
ties qui  jouent,  et  cette  circonstance,  si  elle  se  reproduit  un  assez 
grand  nombre  de  fois,  augmentera  la  probabilité  du  rôle  séismogé- 
nique  à  démontrer. 

La  plupart  du  temps,  ce  n'est  pas  ainsi  que  se  présente  le  résultat 
des  observations  ;  le  plus  souvent,  on  sait  seulement  qu'un  certain 
nombre  de  points  d'un  pays  ont  été  chacun  le  siège  de  séismes. 
Les  épicentres,  c'est-à-dire  les  foyers  dont  ils  sont  émanés,  ou  mieux 
leurs  lignes  épicentrales,  ne  sont  pas  connues,  parce  que  les 
secousses  modérées  —  et  c'est  le  plus  grand  nombre  —  ne  sont 
signalées  que  pour  les  villes  importantes.  Au  voisinage  de  ces 
épicentres,  plus  apparents  que  réels,  passe-t-il  un  plissement,  une 
faiUe  ?  l'affirmation  que  l'accident  a  joué  un  rôle  séismogénique  est 
infiniment  moins  certaine  que  dans  le  cas  précédent,  à  moins  que 
les  mêmes  circonstances  se  reproduisent  dans  les  pays  où  se  ren- 

^  De  Montesstis  de  Ballore.  Essai  snr  le  rôle  séismogénique  des  principaux  accidents 
géologiques  (Beitrdgezur  Geophysik,  IV,  21.  Leipzig,  1903). 


20  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0G1QUE 

contrent  les  mêmes  accidents  tectoniques,  résultant  de  phénomènes 
géologiques  analogues  et  contemporains. 

D'éminents  géologues  ont  appelé  lignes  de  choc  des  lignes  qui 
joignent  sur  les  cartes  des  points  connus  pour  être  fréquemment 
épicentres  de  tremblements  de  terre.  Cette  notion  est  extrêmement 
féconde,  si  elle  est  maniée  avec  prudence,  car  elle  permet  d'assigner 
une  cause  à  ces  séismes,  et  si  ces  lignes  coïncident,  ne  fut-ce  qu' ap- 
proximativement, avec  un  accident  géologique.  Elle  ne  diflTfere  pas, 
d'ailleurs,  de  la  méthode  précédente,  essentiellement  du  moins. 
Malheureusement,  elle  donne  lieu  à  de  graves  erreurs  si  on  prolonge 
ces  lignes  arbitrairement  à  Textérieur  des  régions  où  elles  ont  un  rôle 
séismogénique  bien  défini,  et  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  ne  pas 
pousser  ces  prolongements  fort  loin,  jusqu'à  rencontrer  d'autres 
épicentres,  ce  qui  est  toujours  possible.  C'est  ainsi  que  Hôfer  '  a 
mené  jusqu'à  Cologne  la  ligne  de  choc  bien  réelle  de  la  vallée 
carinthienne  de  la  Malta.  Par  une  coïncidence  assez  remarquable, 
mais  qui,  en  tout  cas,  ne  dépasse  pas  ce  qui  pouvait  advenir  d'un 
certain  nombre  de  lignes  analogues,  à  peu  de  chose  prës  parallèles, 
et  dont  la  direction  se  définit  dans  des  limites  assez  larges,  plu- 
sieurs autres  de  ces  lignes  passent  aussi  à  proximité  de  l'Odenwald 
et  de  Cologne.  En  Carinthie  même^  ces  lignes  n'ont  pas  toutes  une 
signification  tectonique  déterminée.  Cette  première  objection  enlève 
déjà  toute  probabilité  d'une  dépendance  réelle  entre  les  centres 
séismiques  de  la  vallée  du  Rhin  et  ceux  de  la  province  autrichienne. 
Par  une  méthode  encore  plus  dangereuse,  Hôfer  a  cru  établir  cette 
relation  en  mettant  en  pai*allèle  les  secousses  qui  ont,  pendant  de 
longs  mois,  ébranlé  l'Odenwald  à  partir  du  mois  d'octobre  1869  et  les 
quelques  séismes  observés  en  Carinthie  pendant  cette  même  période. 
Les  différences  de  temps  des  secousses  comparées  atteignent  jusqu'à 
seize  jours,  chiffre  qui  suffit  à  faire  condamner  irrémédiablement  la 
méthode.  Il  était  nécessaire  de  montrer  le  point  faible  d'un  procédé 
qui  a  donné  lieu  à  des  considérations  géologiques  et  séismologiques 
du  plus  haut  intérêt,  mais  qui  pèchent  malheureusement  par  la  base. 

Il  arrive  souvent  que  des  tremblements  de  terre  importants  suf- 
fisent à  en  déterminer  d'autres,  plus  faibles  il  est  vrai,  au  voisinage, 
mais  en  dehors  de  la  région  pléistoséiste,  c'est-à-dire  du  principal 
ébranlement.  On  leur  a  donné  '  le  nom  très  suggestif  de  tremble- 

*  Die  Erdbeben  K&rntens  und  deren  Stosslinlen  (Denksckr.  d.  Mai,  nat.  wiss.  Cl.  d, 
K.  Akad.  d.  Wisa.,  XLII.  Wien,  4880). 

*  A.  von  Lasaulx.  Die  Erdbeben  {Kenngolls  HandwOrterbuch  d.  Miner.  Geol.  und 
Paleont.,  I,  p.  364.  Breslau,  1885). 


INTRODUCTION  21 

ments  de  terre  de  relai  {Relaisbeben),  tout  d'abord  employé  par  les 
séismologues  allemands.  Lorsqu'ils  sont  une  habituelle  conséquence 
des  chocs  de  la  première  région,  on  peut  et  même  on  doit  établir 
entre  eux  une  relation,  dont  la  signification  géologique  ne  sera 
peut-être  découverte  que  plus  tard,  et  c'est  dans  ce  cas  seulement 
que  les  lignes  de  chocs,  sans  caractère  tectonique  encore  connu  sur 
tout  leur  parcours,  n'en  conserveront  cependant  pas  moins  une 
réalité  objective  propre.  Mais,  là  encore,  la  plus  grande  prudence  doit 
être  la  règle;  on  conçoit  en  effet  très  bien  qu'étant  donnés  deux  acci- 
dents tectoniques  non  trop  éloignés,  si  l'un  est  le  siège  d'un  trem- 
blement de  terre,  la  mise  en  mouvement  des  couches  affectées  parle 
premier  pourra,  par  un  simple  effet  consécutif,  déterminer  par  contre- 
coup la  rupture  d'équilibre  de  celles  du  second,  qui,  déjà  préparée, 
n'attend  plus  qu'un  faible  effort  pour  se  produire  ;  et  alors  le  séisme 
de  relai  n'aura  qu'une  relation  occasionnelle  avec  le  premier. 

Un  autre  écueil  à  éviter  consiste  à  expliquer  un  tremblement  de 
terre  par  l'existence  d'une  dislocation  encore  inconnue  dans  l'aire 
épicentrale,  avec  l'espérance  que  des  recherches  géologiques  ulté- 
rieures la  feront  découvrir  à  une  plus  ou  moins  grande  profondeur. 
C'est  ce  qu'a  fait  notamment  Davison^  pour  plusieurs  séismes 
modernes  de  la  Grande-Bretagne,  et  malgré  Tautorité  qui  s'attache 
aux  travaux  de  cet  éminent  séismologue,  nous  ne  saurions  souscrire 
à  l'emploi  de  ce  genre  d'hypothèse. 

Les  séismologues  anglais  ont  cherché  à  démontrer  expérimenta- 
lement que  les  lèvres  des  failles  sont  le  siège  de  mouvements  relatifs, 
au  moyen  de  mesures  très  délicates  et  d'installations  permanentes  '. 
Ces  recherches  n'ont  pas  abouti  jusqu'à  présent,  mais  leur  insuccès 
ne  prouve  rien  contre  la  réalité  de  ces  mouvements  lors  des  trem- 
blements de  terre,  les  premiers,  origine  et  cause  des  seconds.  Il  eût 
été  plutôt  singulier  que  l'on  fût  justement  tombé  sur  une  faille  encore 
séismiquement  mobile,  tant  est  considérable  le  nombre  de  celles  qui 
sont  arrivées  à  un  repos  parfait,  et  malgré  le  soin  avec  lequel  Darw^in  * 
a  choisi  celle  de  Ridgeway  (Dorsetshire)  pour  y  exécuter  ses  mesures. 

En  résumé,  la  recherche  des  accidents  géologiques  à  rôle  sismo- 
génique  indiscutable  est  extrêmement  délicate  dans  le  détail,  et  c'est 

*  Ch.  Davison.  On  the  british  earthquakes  of  the  years  4889-1900  {Beilrdge  zur  Geo- 
physik,  y,  242.  Leipzig,  1901). 

*  Clément  Reid.  Sélection  of  a  fault  and  localily  suitable  for  observations  on  earth- 
movements  {BriL  Ass.  for  IheAdvanc.  ofSc.FifthRep.  on  aeismol.  invesL,  108, 1900)  — 
H.  Darwin.  An  Âttempt  to  detect  and  investigate  and  measure  any  relative  movement 
of  the  npway,  that  may  now  be  taking  place  at  the  Ridgeway  Fault,  near  Strata  Dor- 
setshire (Id.,  Sixth.  Rep,,  13, 1901). 


22  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

là  un  terrain  sur  lequel  on  ne  saurait  s'avancer  avec  trop  de  pru- 
dence, d'autant  plus  que  de  tels  accidents  sont  souvent  très  nombreux 
et  très  rapprochés  les  uns  des  autres  dans  les  pays  à  tremblements 
de  terre.  Aussi,  malgré  bien  des  études  dans  ce  sens,  les  cas  où 
Taffirmative  est  possible  sont-ils  encore  plutôt  rares.  On  a  cependant 
pu  dégager  ce  résultat  général  que,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
les  phénomènes  de  plissement  sont  plus  favorables  à  l'instabilité  séis- 
mique  que  les  effondrements  ou  les  surrections  d'un  caractère  local,  et 
ceux-ci  plus  que  les  failles  et  les  fractures.  Cette  observation  est 
bien  d'accord  avec  l'influence  du  relief,  puisque  l'écorce  terrestre 
doit  surtout  aux  plissements  ses  plus  importantes  chaînes  de  mon- 
tagnes. 

Le  facteur  temps  ne  pouvait  manquer  d'intervenir.  Et  en  effet, 
l'observation  montre,  conformément  au  simple  bon  sens,  qu'un  phé- 
nomène géologique  a,  dans  des  conditions  identiques,  d'autant  plus 
de  chance  de  se  perpétuer  sous  forme  de  séismes  qu'il  est  moins 
ancien.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'en  Europe  les  plissements  calé- 
doniens, armoricains  et  alpins  sont  respectivement  aséismiques, 
pénésismiques  et  séismiques.  Les  régions  qu'ils  affectent  ont  res- 
senti les  0,4  p.  100,  4,6  p.  100  et  86,4  p.  100  de  69315  secousses, 
tandis  que  les  territoires  non  plissés,  ou  d'architecture  tabulaire  ne 
correspondent  qu'à  8,6  p.  100*.  Il  est  très  probable  que  la  même 
proportion  se  maintient,  tout  au  moins  dans  le  même  ordre  de  gran- 
deur, pour  les  autres  parties  du  globe,  et  l'on  ne  saurait  trouver 
une  démonstration  plus  éclatante  de  l'influence  séismogénique  pré- 
pondérante des  plissements  sur  la  genèse  des  tremblements  de  terre. 
S'il  était  permis  de  penser  que  les  mouvements  orogéniques  perdent 
leur  vitalité  proportionnellement  au  temps,  ou,  ce  qui  revient 
au  même,  que  les  couches  dérangées  et  disloquées  reprennent  leur 
équilibre  suivant  une  lenteur  conforme  à  la  même  loi,  on  aurait  là 
sous  une  forme  inattendue  un  rapport  des  durées  des  diverses  ères 
géologiques,  ne  différant  d'ailleurs  pas  sensiblement  des  temps 
qu'on  leur  assigne  généralement  d'après  les  puissances  relatives  des 
dépôts  correspondants. 

Toujours  pour  l'Europe,  l'influence  du  temps  se  manifeste  aussi  en 
cherchant  les  n  pour  cent  des  séismes  originaires  des  terrains  archéens 
et  primaires,  secondaires,  tertiaires  et  quaternaires,  et  l'on  trouve  par 
réduction  à  des  surfaces  égales,  d'après  les  chiffres  donnés  parle  général 


*  De  Montessns  de  Ballore.  La  séismicité,  critérium  de  l'&ge  géologique  d  une  chaîne 
ou  d'une  région  (C.  H.  Ac.  Se,  CXXXVHI,  318.  Paris,  1904). 


INTRODUCTION  » 

de  TilloS  les  nombres  suivants  respectivement  :  18,3;  39,4;  42,3. 
Cette  dernière  généralisation,  très  probable  en  elle-même,  nous 
conduit  tout  naturellement  à  parler  de  la  mappemonde  séismogra- 
phique,  synthétisant  tout  cet  ouvrage. 


5.  —  La  mappemonde  séismoirrapliiqae. 

La  mappemonde  séismographique  établie  au  moyen  des  catalo- 
gues de  tremblements  de  terre  conduit  à  un  certain  nombre  de  con- 
clusions, qui  intéressent  la  géologie  générale  et  qui  vont  être  expo- 
sées, en  insistant  sur  ce  point  que  ces  résultats  dérivent  uniquement 
de  l'observation,  sans  théorie  préconçue,  de  quelque  espèce  que  ce 
soit,  n  a  sufQ  de  la  mettre  en  regard  des  cartes  géologiques,  et 
malgré  les  nombreuses  lacunes  existant  encore  pour  les  phénomènes 
étudiés  par  l'une  et  l'autre  science,  géologie  et  séismologie,  les 
déductions  tireront  une  partie  de  leur  évidence  du  fait  que,  sur  toute 
la  surface  du  globe,  des  faits  analogues  de  l'histoire  des  différents 
pays  amènent  des  conditions  presque  toujours  identiques  quant  à 
leur  stabilité  ou  à  leur  instabilité.  Il  apparaît  immédiatement  que 
les  régions  séismiques,  pénéséismiques  et  aséismiques  ne  se  répar- 
tissent ni  uniformément,  ni  arbitrairement  à  la  surface  du  globe,  et 
que  leur  distribution  doit  manifester  d'intimes  relations  avec  les 
grandes  vicissitudes  d'ensemble  de  la  surface  terrestre  ;  de  la  même 
façon,  la  distribution  des  foyers  d'ébranlement  dans  les  différents 
pays  a  conduit,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  à  découvrir  l'influence  séismo- 
génique  du  relief  et  des  principaux  accidents  géologiques  locaux.  Il 
y  a  plus,  ces  nouvelles  conséquences  de  la  dépendance  entre  les 
phénomènes  séismiques  et  géologiques  acquerront  peut-être  un 
caractère  plus  décidé  de  certitude  que  certaines  de  celles  qui  font 
dépendre  tel  ou  tel  foyer  d'ébranlement  des  dislocations  locales 
les  plus  voisines,  et  qui  seront  ultérieurement  détaillées  dans  tout  le 
cours  de  cette  géographie  séismologique. 

La  description  séismique  du  globe,  telle  que  nous  l'avons  exécutée 
de  1890  à  1903,  a  conduit  à  un  résultat  important,  à  savoir  l'indé- 
pendance entre  les  phénomènes  séismiques  et  volcaniques,  ce  qui 
complète  l'indépendance  de  ces  derniers  et  des  failles  ou  fractures 
préexistantes  énoncée  par  Branco,  mais  encore  combattue*.  Cette 

*  Superficies  absolues  et  répartition  relative  des  terrains  occupés  par  les  principaux 
groupes  géologiques  (C.  R.  Ac.  Se,  CXLV,  246.  Paris,  1892). 

•  W.  Branco.  Neue  Beweise  fur  die  UnabhSlngigkeit  der  Vulkane  von  pr&existirenden 
Spalten  (Neues  Jahrhuchf,  Min.  GeoL  u,  Paleont.,  1898,  Ed.  1,  133). 


24  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

observation  n'exclut  pas  l'existence  de  séismes  d'origine  volcanique, 
elle  signifie  seulement  que  les  régions  séisrniqnes  ne  sont  pas  géné- 
ralement situées  au  voisinage  des  volcans  actifs  ou  éteints,  et  que 
les  évents  éruptifs  se  rencontrent  aussi  bien  dans  des  régions 
pénéséismiques  ou  même  aséismiques.  Dans  cet  ouvrage,  on  ne  s'as- 
treindra pas  à  'signaler  tous  les  cas  oit  cette  indépendance  est  mani- 
feste, on  se  contentera  des  plus  typiques. 

Un  autre  résultat  plus  inattendu  est  qu'une  statistique,  portant 
en  1903  sur  159781  séismes,  nous  a  conduit^  à  la  loi  suivante  : 

Vécorce  terrestre  tremble  à  peu  près  également  et  presque  unique- 
ment le  long  de  deux  étroites  zones^  qui  se  couchent  suivant  deux 
grands  cercles  (dans  le  sens  géométrique  du  mot)  faisant  entre  eux 
un  angle  dt environ  67*.  Le  cercle  méditerranéen  ou  alpino-caucasien" 
himalayen  (53,54  p.  100  des  séismes),  et  le  cercle  circumpacifique 
ou  ando' japonais-malais  (41,08  p.  100  des  séismes).  Ces  deux  zones 
coïncident  avec  les  deux  plus  importantes  lignes  de  relief  de  la  sur- 
face  terrestre. 

Ces  deux  grands  cercles  ont  pour  pôles  les  points  45"*  45'  N.  150*30' 
W.  Gr.  et  35*  40'  N.  23*  10  E.  Gr. 

Cette  relation  purement  géométrique  appelait  une  interprétation 
géologique.  Elle  se  lit  immédiatement  sur  une  mappemonde  : 

Les  zones  renfermant  les  régions  séismiques  coïncident  exactement 
avec  les  géosynclinaux  de  t époque  secondaire,  tels  que  les  a  figurés 
Haug  dans  son  mémoire  bien  connu  :  Les  géosynclinaux  et  les  aires 
continentales^. 

C'est  bien  là  une  loi  synthétique  générale,  mettant  nettement  les 
séismes  sous  la  dépendance  directe  des  principaux  mouvements 
récents  de  l'écorce  terrestre,  puisque  c'est  le  long  de  ces  zones  qu'ils 
ont  atteint  leurs  plus  grandes  amplitudes  positives  ou  négatives. 
Conséquence  exclusive  de  la  pure  statistique,  et,  par  suite  ne  rele- 
vant que  de  l'observation  sans  l'introduction  d'aucune  hypothèse, 
cette  loi  peut  s'énoncer  ainsi  : 

Les  géosynclinaux  [bandes  les  plus  mobiles  de  la  surface  ter- 
restre), où  les  sédiments  déposés  sous  les  plus  grandes  épaisseurs  ont 
été  énergiquement  plissés,  disloqués  et  relevés  à  Fépoque  tertiaire^ 
lors  de  la  formation  des  principales  chaînes  actuelles,  {ou  géanticli- 
naux),  renferment  à  eux  seuls,  à  deux  ou  trois  exceptions  douteuses 

*  Loi  générale  do  la  répartilion  des  régions  séismiques  instables  à  la  surface  du  globe 
(Berichle  d.  //'«»,  intern.  Konferenz  zu  Strassburg,  325, 1903).  —  Sur  l'existence  de  deux 
grands  cercles  d'instabilité  séismique  maxima  [C.  R.  Ac.  Se,  GXXXVI,1707.  Paris,  1903). 

«  Bull.  Soc.  géol.  France.  3«  série,  XXVIII,  633. 


INTRODUCTION  25 

près,  toutes  les  régions  séismiques  (dans  le  sens  que  nous  avons 
donné  à  ces  deux  mots),  qui,  par  conséquent  les  caractérisent. 

L'instabilité  séismique  ne  pouvait  être  uniforme  le  long  de  ces 
bandes,  à  cause  du  non-synchronisme  des  mouvements  de  leurs 
diverses  parties  et  de  leurs  différences  d'amplitude.  Elles  renferment 
donc  ça  et  là  des  régions  pénéséismiques,  parfois  même  aséismi- 
ques,  dont  la  raison  d'être  se  découvre,  ou  se  découvrira  plus  tard, 
dans  le  détail  de  Thisloire  géologique.  Souvent  aussi  la  séismicité, 
déjà  en  rapport  avec  le  plus  ou  moins  d'ancienneté  des  mouvements 
et  l'importance  absolue  ou  relative  du  relief  émergé  ou  immergé, 
se  montre  encore  en  proportion  de  la  puissance  des  sédiments  rele- 
vés, ce  qui  est  tout  simplement  une  autre  expression  de  la  loi  de 
l'influence  séismogénique  du  relief. 

Dans  bien  des  cas,  les  régions  séismiques  particulières  épousent 
nettement  le  tracé  des  ^éosynclinaux  de  second  ordre,  attestant 
ainsi  plus  étroitement  encore  leur  liaison  avec  les  mouvements  ulté- 
rieurs nés  au  sein  des  géosynclinaux. 

Les  géosynclinaux  plus  anciens  qui,  à  des  époques  géologiques, 
ont  donné  lieu  à  des  chaînes  plissécs  maintenant  arasées  et  à  peine 
discernables  dans  leur  état  actuel  de  pénéplaines,  présentent  des 
régions  pénéséismiques,  restes  d'anciennes  régions  séismiques  ten- 
dant à  la  stabilité;  tandis  que  les  aires  continentales,  —  au  sens  de 
M.  Haug,  —  que  leur  architecture  tabulaire  démontre  n'avoir  jamais 
été  que  le  siège  de  mouvements  d'ensemble,  de  faible  amplitude  rela- 
tive et  sans  grands  dérangements  des  couches  sédimentaires  sous- 
jacentes,  sont  très  généralement  aséismiques,  ou  à  peine  pénéséis- 
miques dans  des  cas  particuliers  souvent  explicables.  Ainsi,  l'on  peut 
dire  d'une  façon  abrégée  que  : 

V  architecture  plissée  des  géosynclinaux  est  instable  y  à  rinverse  de 
^architecture  tabulaire  des  aires  continentales ^  et  cela,  vraisemblable-- 
ment,  a  été  vrai  à  toutes  les  époques  géologiques. 

Telle  est  la  loi  qui  dominera  dans  cet  Essai  de  géographie  séis^ 
miquCy  qu'il  est  donc  rationnel  de  diviser  en  quatre  parties  cor- 
respondant aux  aires  continentales  et  aux  géosynclinaux  de  M.  Haug. 
Ce  sont,  avec  les  nombres  correspondants  de  séismes  et  les  p.  100 
du  total  : 


26  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

NOMBRE       P.  100. 
de  Béismes. 

I.  Goniînent  nord-aUantique 8  939        5.21 

/Continent  sino-sibérien.  .   .   .        3  479        2,03 

II .  Aires  continen- 1  Continent    australo-indo-mal- 

tales  extra-    <      gâche 374        0,22 

européennes,  f  Continent  africano-brésilien  ^ .  457        0,27 

V  Le  Pacifique 2  033        1,19 

15  282        8,92 
m.  Géosjrnclinal  méditerranéen 90  126      52,57 

IV.  Géosynclinal  circumpaciûque 66  026      38,51 

156152      91,08 

171434    100,00 

Les  géosynclinaux  renferment  91,08  p.  100  des  tremblements  de 
terre  que  nous  avons  pu  recueillir,  contre  les  8,92  p.  100  correspon- 
dant aux  aires  continentales,  en  dépit  de  la  bien  plus  grande  sur- 
face que  celles-ci  recouvrent. 

On  pourrait  à  la  rigueur  objecter  que  les  observations  séismolo- 
giques  ne  sont  anciennes  que  pour  le  seul  continent  nord-atlantique 
et  que,  par  suite,  cette  énorme  prépondérance  de  séismicité  en 
faveur  des  géosynclinaux,  plus  apparente  que  réelle,  est  faussée  par 
le  manque  d'informations  relatives  aux  autres  aires  continentales.  A 
cela  on  peut  répondre  que  la  complexité  des  conditions  géogra- 
phiques et  géologiques  du  continent  nord-atlantique  par  rapport  à 
celles  des  quatre  autres,  qui  se  décèle  à  première  vue  par  la 
complication  des  contours,  n'est  pas  étrangère  au  plus  grand  nombre 
de  séismes  qu'on  a  observés  pour  le  premier,  5,21  p.  100  contre 
3,71  p.  100  signalés  pour  les  autres  ensemble.  Si. même  Ton  ne 
veut  pas  tenir  compte  de  cet  argument,  il  faut  admettre  cependant 
qii'au  maximum  les  cinq  aires  continentales  ne  pourront  jamais 
fournir  plus  de  25  p.  100  des  tremblements  de  terre,  ce  qui  réduirait 
à  75  p.  100,  au  lieu  de  91,08  p.  100  la  séismicité  des  géosynclinaux 
par  rapport  à  celle  des  aires  continentales.  La  loi  n'en  subsisterait 
pas  moins. 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  de  résoudre  complètement  le  pro- 
blème séismologique  par  cette  loi  synthétique.  Mais  c'est  déjà  un 
résultat  important  que  de  pouvoir  afflrmer,  sur  la  seule  foi  de  la 
statistique,  l'intime  dépendance  entre  les  tremblements  de  terre  et 

*  La  Syrie  et  la  Palestine  ont  été,  dans  ce  tableau,  comptées  avec  le  géosynclinal  médi- 
terranéen auquel  elles  appartiennent,  séismiquement  parlant,  mais  on  les  étudiera  dans 
la  seconde  partie,  parce  qu'elles  ne  font  pas  partie  du  géosynclinal,  tout  au  moins  au 
point  de  vue  géologique. 


INTRODUCTION  27 

les  zones  de  l'écorce  terrestre  où  les  plissements  ont  atteint  leur 
plus  grande  énergie  à  une  époque  récente,  en  même  temps  que  les 
mouvements  verticaux  avaient  leur  plus  grande  amplitude.  Gela 
n'exclut  pas,  dans  le  détail,  l'existence  de  causes  séismogéniques 
locales  et  d'action  plus  immédiate,  comme  on  le  verra  dans  cette 
description  séismologique  du  globe^  dont  les  lacunes  inévitables 
seront  en  proportion  du  degré  d'avancement  des  recherches  géolo- 
giques et  séismologiques  régionales. 

La  loi  synthétique  a  été  établie  a  posteriori  ;  sonyeni  cependant, 
pour  plus  de  clarté,  on  en  parlera  comme  d'un  résultat  a  priori, 
simple  artifice  de  langage. 

La  plupart  des  cartes  schématiques  données  sont  exécutées  au 
moyen  de  points  dont  le  rayon  représente  à  une  échelle  convention- 
nelle le  nombre  de  séismes  observés  dans  diverses  localités.  On  se 
demandera  pourquoi  l'on  n'a  pas  employé  des  courbes  et  des 
teintes  dégradées,  comme  dans  tant  de  travaux  sur  la  répartition  de 
l'instabilité  à  la  surface  des  pays  considérés.  C'est  qu'il  s'agit  là  d'un 
procédé  continu,  inapte,  par  conséquent,  à  représenter  un  phéno- 
mène essentiellement  discontinu  tel  que  les  tremblements  de  terre, 
ainsi*  que  nous  l'avons  démontré  par  l'analyse  mathématique,  quoi- 
que au  fond  la  démonstration  en  soit  pour  ainsi  dire  intuitive  ^ 

Il  nous  reste  maintenant  un  devoir  de  gratitude  à  remplir  envers 
M.  de  Lapparent,  qui  a  bien  voulu  par  la  préface  dont  il  a  honoré 
notre  travail,  résultat  de  vingt-cinq  années  de  recherches,  confirmer 
l'approbation  qu'il  a  depuis  longtemps  donnée  à  notre  méthode.  Nous 
devons  aussi  beaucoup  à  M.  de  Margerie,  qui  en  revoyant  les  épreuves, 
nous  a  libéralement  fait  profiter  par  ses  corrections  du  trésor  de  son 
inépuisable  érudition  géologique.  C'est  bien  certainement,  et  dans  une 
mesure  notable,  grâce  à  leur  aide  et  à  leurs  encouragements,  que 
nous  avons  pu  mener  à  bien  une  œuvre  entreprise  au  pied  de  l'Izalco, 
le  phare  du  Pacifique,  et  au  milieu  d'un  pays,  le  Salvador,  où  le 
spectacle  des  ruines  accumulées  par  les  tremblements  de  terre  nous 
a  permis  de  poser  devant  la  seule  Nature,  et  tout  à  fait  en  dehors 
des  discussions  d'école,  le  problème  séismico-géologique  de  la  solu- 
tion duquel  nous  avons  la  conviction  do  nous  être  tout  au  moins 
rapproché.  Nous  serions  bien  ingrat  aussi  d'oublier  que  d'illustres 
Français,  les  regrettés  Daubrée,  Cornu  et  Callandreau,  nous  ont 
longtemps  encouragé  dans  la  voie  que  nous  nous  étions  tracée. 
Quant  aux  séismologues  étrangers  qui  nous  ont  aidé  depuis  de 

*  Non  existence  et  inutilité  des  courbes  isosphygmiques  ou   d'égale  fréquence  des 
tnmblements  de  terre  (BeitrOge  zur  Geophysik,  V,  467.  Leipzig,  1902). 


t8  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

longues  années  dans  Texécution  d'un  travail  qui  est  un  peu  leur 
œuvre,  nous  serions  mal  venus  de  ne  pas  rappeler  combien  nous  a 
été  utile  la  lecture  de  leurs  travaux,  commentée  par  une  correspon- 
dance assez  assidue  pour  avoir  créé  de  solides  liens  d'amitié  :  les 
Agamemnone,  Baratta,  Belar,  Credner,  Davison,  Eginitis,  Forel, 
Gerland,  Gunther,  Hepites,  Karpinski,  Knett,  Kolderup,  Kôto,  Lan- 
caster,  Mercalli,  Milne,  Oldham,  Omôri,  Palazzo,  Rudolph,  Sieberg, 
Svedmark,  Van  denBroeck,  Watzoff,  pour  ne  citer  que  les  vivants, 
dont  les  noms,  d'ailleurs,  se  retrouveront  à  chaque  page  avec  l'indi- 
cation de  leurs  travaux  bien  connus. 

Presque  toujours  éloigné  des  centres  universitaires  et  scienti- 
fiques, et  sans  avoir  pu  par  conséquent  utiliser  les  grandes  biblio- 
thèques, il  ne  paraîtra  pas  étonnant  que  bien  des  erreurs  de  détail 
nous  aient  échappé,  et  que  nous  n'ayons  pas  toujours  pu  consulter 
les  meilleurs  ou  les  plus  récents  travaux,  surtout  en  ce  qui  concerne 
la  géologie  ;  mais  nous  avons  Tintime  conviction  que  Tensemble 
subsistera,  et  suscitera  des  recherches  plus  autorisées  dans  une  voie 
certainement  féconde  pour  l'avenir  de  la  séismologie,  basée  qu'elle 
est  sur  l'unique  observation.  C'est  notre  ferme  espoir  et  notre  plus 
vif  désir. 

Note.  Références  bibliographiques. 

Les  grands  travaux  synthétiques  de  Marcel  Bertrand*,  de  Lappa- 
rent*,  de  Launay',  et  Suess*,  sont  véritablement  comme  l'âme  de 
cet  ouvrage  ;  aussi  n'avons-nous  pas  jugé  nécessaire  de  les  rap- 
peler à  chaque  pas  au  souvenir  du  lecteur,  qui  saura  bien  recon- 
naître la  part  revenant  à  chacun  de  ces  savants  géologues,  dont  les 
œuvres  sont  si  connues.  Les  données  sur  les  mouvements  séculaires, 
ou  bradiséismes,  ont  généralement  été  extraites  du  travail  d'Issel'. 

La  littérature  séismologique  est  d'une  richesse  dont  on  se  fait 
difficilement  une  idée,  ce  qui  tient  à  l'intérêt  puissant  que  les  trem- 
blements de  terre  excitent  dans  les  pays  qu'ils  désolent,  et  par  suite 
à  la  place  considérable  qu'ils  occupent  dans  les  préoccupations  de 

*  La  chaîne  des  Âlpes  et  la  formation  du  continent  européen  (Bull.  Soc.  géol.  Fr., 
XV,  423,  1887). 

■  Traité  de  Géologie  (4«  édition,  1900).  —-  Leçons  de  Géographie  physique  (2«  édi- 
tion, 1898). 

'  La  Science  géologique  (Paris,  1905). 

*  La  Face  de  la  terre  (Traduction  française  sous  la  direction  de  Emm.  de  Margerie,  I, 
n,  m.  1897-1902). 

*  Le  Oscillazioni  lente  del  suolo,  o  bradisismi.  Saggio  di  geologia  storica  (Genova,  1883). 


INTRODUCTION  29 

leurs  habitants  ;  cet  état  d'esprit  est  inconnu  en  France,  où  les  séismes 
ne  sont  guère  que  de  curieux  et  rares  faits  divers  sans  importance, 
heureuse  circonstance  qui  excuse  en  partie  l'abandon  de  la  séismo- 
logie  dans  la  patrie  d'Alexis  Perrey,  et  le  peu  de  part  qu'ont  pris  les 
savants  français  dans  la  rénovation,  on  pourrait  presque  dire  la 
naissance,  des  études  séismologiques  modernes.  C'est  ainsi  que  la 
bibliographie  spéciale  réunie  par  Baratta  pour  la  seule  Italie  ne 
comprend  pas  moins  de  104  pages  in-8^^,  et  en  1863,  Alexis  Per- 
rey  *  avait  pu  réunir  une  collection  de  3  376  mémoires.  Nous  nous 
sommes  contenté  pour  chaque  pays  d'indiquer  les  catalogues  séis- 
miques,  les  monographies  de  tremblements  de  terre  lorsqu'elles 
renferment  des  observations  intéressantes  au  point  de  vue  géogra- 
phique et  géologique,  ou  qu'elles  ont  été  le  point  de  départ  de  déduc- 
tions importantes,  ainsi  que  les  travaux  géologiques  directement 
utiUsés. 

*  1  terremoH  (Tltalia  (Turin,  1901) 

'  Bibliographie  sismique  (Mémoires  deCAcad.  de  Dijon,  IV,  1, 1855.  —  V,  183,  1856.  — 
IX,  87,  1861). 


PREMIÈRE  PARTIE 

LE  CONTINENT  NORD-ATLANTIQUE 


Le  continent  nord-atlantique  comprend,  des  Rocheuses  à  rOural, 
les  terres  et  les  mers  au  nord  de  la  grande  ride  tertiaire  himalayenne, 
alpine  et  antillienne.  On  va  voir  comment  l'instabilité  s'y  répartit 
d'une  manière  générale,  avant  d'entrer  dans  le  détail  de  ses  diverses 
divisions. 

Les  pays  Scandinaves  sont  généralement  trës  stables.  Or  il  s'agit 
là  d'un  ancien  môle  de  terrains  archéens  et  primaires,  le  bouclier 
baltique  de  Suess,  ou  ûnno-scandinave  de  Bamsay,  s'étendant  à  la 
Finlande  par-dessus  la  Baltique  et  faiblement  agité  par  des  tremble- 
ments de  terre.  C'est  une  aire  de  surélévation,  dont  les  mouvements 
récents  n'ont  que  peu  ou  pas  d'influence  séismogénique,  parce  qu'ils 
se  sont  produits  sur  une  vaste  surface  en  forme  de  dôme  très  sur- 
baissé. 

Le  socle  de  la  côte  de  Norvège  tombe  sur  l'Océan  par  un  escarpe- 
ment disloqué  attestant  l'ouverture  peu  ancienne  —  fin  de  l'époque 
tertiaire  —  de  l'Atlantique  entre  les  parties  septentrionales  de  l'Europe 
et  de  l'Amérique,  mouvement  qui  s'est  produit  sans  grands  effondre- 
ments ou  fractures,  puisqu'il  n'y  a  pas  de  véritables  abîmes  océa- 
niques le  long  de  ce  littoral.  Aussi  cette  aire  continentale,  plutôt 
ennoyée  partiellement  qu'effondrée,  ne  présente-t-elle  que  des  régions 
pénéséismiques.  Les  secousses  norvégiennes  sont  en  relation  incon- 
testable avec  les  fjords,  cassures  dont  l'état  de  fraîcheur,  favorisé, 
il  est  vrai,  par  la  couverture  glaciaire,  n'en  atteste  pas  moins  la 
jeunesse  relative,  qui  en  explique  une  certaine  mobilité  traduite  par 
des  séismes.  D^autres  se  font  sentir  aussi  autour  du  golfe  de  Chris- 
tiania, que  prolongent  dans  l'intérieur  de  puissantes  fractures  dispo- 


32  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

sées  comme  les  failles  périadriatiques.  C'est  d'ailleurs  l'emplacement 
d'un  synclinal  silurien,  trop  ancien  donc  pour  donner  lieu  encore  à 
un  district  séismique. 

La  Gothie,  quelquefois  ébranlée,  parfois  môme  sévèrement, 
montre  des  cassures  dont  la  plus  importante,  de  direction  méridienne, 
est  accusée  par  la  ligne  des  lacs,  maintenant  émergée  à  la  place  d'un 
ancien  détroit,  et  joue  un  rôle  séismogénique  bien  défini. 

Le  long  du  golfe  de  Botnie,  d'autres  secousses  rappellent  sans 
doute  les  mouvements  très  connus  de  la  mer  pléistocène,  que  beau- 
coup veulent  voir  encore  actifs,  tandis  qu'à  l'autre  extrémité  de  la 
Baltique,  celles  duJutland  correspondent  aux  fractures  récentes  qui 
ont  ouvert  les  détroits  postérieurement  aux  dépôts  glaciaires  les  plus 
anciens. 

Enfin  les  Lofoten,  qui  représentent  peut-être  les  restes  de  la  chaîne 
calédonienne  plissée  franchissant  l'Atlantique,  sont  agitées  de  séismes 
dont  la  rareté  semble  venir  tout  exprès  à  l'appui  de  la  stabilité  des 
plissements  très  anciens. 

Le  reste  de  la  Scandinavie  et  de  la  Finlande  est  nettement  aséis- 
mique,  comme  il  convient  à  un  massif  de  très  ancienne  consolidation 
dès  longtemps  réduit  à  l'état  de  pénéplaine  par  les  agents  extérieurs. 

Cette  stabilité  s'étend  aux  terres  arctiques  d'Europe,  où  l'exis- 
tence de  sédiments  variés  de  toutes  les  époques  paraît  indiquer  la 
permanence  d'un  domaine  polaire  maritime,  et  peut  expliquer  ainsi 
Tabsence  de  séismes,  faute  de  dérangements  de  suffisante  ampli- 
tude. 

Les  Iles  Britanniques  se  trouvent  à  peu  près  dans  les  mêmes  con- 
ditions, et  les  tremblements  de  terre  y  sont  en  relation  avec  la  frac- 
ture du  Canal  calédonien  ou  la  grande  faille  bordière  des  terrains 
carbonifériens  de  la  basse  Ecosse. 

L'Europe  moyenne  est  caractérisée  par  une  série  de  massifs  gra- 
nitiques ou  primaires,  formant  des  îlots  montagneux,  plus  ou  moins 
élevés,  qui  ont  joui  du  singulier  privilège  de  rester  constamment  émer- 
gés au  milieu  des  mers  successives  qui,  déposant  leurs  sédiments  tout 
autour,  s'avançaient  etse  retiraient  alternativement.  Ce  sont  l'Irlande, 
le  Pays  de  Galles,  la  Cornouailles,  la  Bretagne  et  la  Vendée,  le  Pla- 
teau Central  français,  la  Meseta  ibérique,  les  Vosges,  la  Forêt-Noire, 
rOdenw^ald,  le  Spessart,  la  Bohême,  les  Balkans,  les  bas  pays  du 
Boug  et  du  Dniepr,  l'Oural  enfin.  D'une  façon  générale,  ils  sont  aséis- 
miques,  ainsi  que  les  aires  sédimentaires  interposées  entre  eux.  Les 
exceptions  qui  s'y  rencontrent,  sous  forme  de  régions  pénéséismiques 
d'importance  variée,  coïncident  toutes  avec  des  plissements  post- 


LE  CONTINENT   NORD-ATLANTIQUE  33 

carbonifériens^  Pays  de  Galles,  Gornouailles  et  Vendée,  Russie  mérn 
dionale  et  surtout  l'Erzgebirge  au-dessus  de  la  fracture  bohémienne, 
ou  bien  avec  de  grands  accidents  dont  Tâge  n'est  pas  trop  ancien, 
comme  la  rupture  de  la  voûte  vosgienne  pour  l'établissement  de  la 
vallée  du  lUiin,  et  enfin,  plus  particulièrement,  avec  la  traînée  des 
bassins  houillers  déposés,  en  avant  des  plissements  hercyniens,  dans 
un  vaste  géosynclinal  primaire  s'étendant  de  l'Irlande  à  la  Belgique, 
la  Westphalie,  la  Silésie,  au  Donetz  et  à  l'Oural,  chaîne  qui  d'après 
Haug  aurait  conservé  le  même  caractère  au  moins  jusqu'aux  temps 
secondaires.  Or  ces  bassins,  auxquels  le  plus  souvent  se  limitent 
exactement  les  régions  pénéséismiques  en  question,  ont  été  plissés 
et  disloqués  à  plusieurs  reprises  et  sont  beaucoup  plus  instables  non 
seulement  que  les  massifs  situés  en  arrière  et  les  aires  sédimentaires 
interposées,  mais  même  que  les  bassins  houillers  de  Tintérieur,  par 
exemple  ceux  du  Plateau  Central  français  et  de  la  Sarre,  de  sorte  que 
l'influence  séismogénique  de  l'ancien  géosynclinal  apparaît  claire* 
ment. 

II  est  bien  connu  que  les  massifs  primaires  de  l'Europe  moyenne 
ont  arrêté  les  plissements  tertiaires  alpins,  et  c'est  là  tout  le  secret  de 
leur  stabilité,  ainsi  que  celle  des  sédiments  interposés  entre  eux. 

La  position  horizontale  ou  presque  horizontale  des  dépôts  de  la 
plate-forme  russe  et  Tabsence  de  toute  grande  dislocation  récente  ren- 
dent bien  compte  de  l'aséismicité  de  tous  ces  vastes  territoires. 

L'Oural  a  joué  le  rôle  de  géosynclinal  jusqu'à  la  fin  de  l'époque 
primaire,  puis  a  seulement  servi  de  limite  aux  transgressions  secon- 
daires ou  tertiaires,  qui  au  moins  jusqu'à  l'Oligocène  formaient  la 
séparation  entre  la  Russie  et  la  Sibérie.  Mais  au  lieu  de  se  trans- 
former ensuite,  comme  les  géosynclinaux  circumpacifique  et  médi- 
terranéen, en  hautes  chaînes  plissées  et  instables,  formant  géan- 
ticlinal,  il  n'y  a  pas  eu,  à  proprement  parler,  de  surrection,  et  le 
bras  de  mer  a  simplement  disparu  par  suite  d'un  minime  relèvement. 
On  s'explique  ainsi  que  l'Oural  soit  stable,  sauf  en  une  région 
restreinte  de  son  développement,  le  district  pénésismique  de  Nijné- 
Taguilsk,  où  interviennent  des  dislocations  particulières.  Il  en 
résulte  que  les  aires  continentales  nord-atlantique  et  sino-sibérienne 
sont  peu  nettement  séparées  l'une  de  l'autre  ;  on  pourrait  donc  les 
considérer  comme  n'en  formant  qu'une  seule. 

On  va  maintenant  examiner  la  partie  occidentale  du  continent 
nord-atlantique,  récemment  coupé  en  deux  par  ennoyage,  bien 
plutôt  que  par  véritable  effondrement. 

Malgré  une  navigation  intensive,  on  n'a  jusqu'ici  relaté  presque 

Di  HoHTissi;*.  —  TremblemenU  de  terra.  3 


34  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUË 

aucun  séisme  sous-marin  dans  rAtlantique  septentrional;  les 
secousses,  inconnues  dans  les  FaBrôer,  sont,  quoi  qu'on  en  ait  dit, 
assez  rares  en  Islande.  Gela  s'accorde  parfaitement  avec  ce  que  Ton 
sait  de  l'histoire  de  cet  Océan,  aire  continentale  reliant  naguère 
TEurope  et  TAmérique  du  Nord,  puisque  des  couches  terrestres  mio- 
cènes se  retrouvent  dans  ces  îles. 

Le  Groenland  est  un  ancien  plateau  non  dérançé,  tout  à  fait  aséis- 
mique,  comme  les  autres  terres  arctiques  de  l'Ouest,  dans  le  Nord 
de  l'Amérique. 

Le  bouclier  canadien,  fragment  réduit  à  l'état  de  pénéplaine  d'un 
vieux  continent  précambrien,  partage  les  conditions  pénéséismiques 
de  son  homologue  d'Europe,  le  bouclier  finno-scandinave.  Le  Saint- 
Laurent  occupe  une  fosse  d'affaissement,  quelquefois  ébranlée.  Les 
séismes  du  Maine  sont  en  relation  avec  les  Qords  qui  l'indentenL, 
ceux  du  Nouveau-Brunswick  et  de  la  Nouvelle-Ecosse  avec  les  plis- 
sements calédoniens  ou  avec  l'affaissement  océanique  représenté  par 
les  grandes  profondeurs  de  l'Océan  dans  ces  parages,  ceux  des  Appa- 
laches  enGn  avec  les  plissements  hercyniens.  Dans  le  Tennessee  et 
rOhio,  des  tremblements  de  terre  ébranlent  les  bassins  houillers, 
comme  dans  l'Europe  moyenne. 

L'homologie  entre  TAmérique  et  l'Europe  septentrionales  se  pour- 
suit encore  par  l'aséismicité  des  plaines  paléozoïques  du  centre  des 
États-Unis  et  des  grandes  plaines  crétacées  qui  s'étendent  du  Texas 
à  Tembouchure  du  Mackenzie.  Il  est  remarquable  que  la  zone  des 
grands  lacs  soit  tout  au  plus  pénéséismique  ;  c'est  que  ce  trait  géo- 
graphique si  important  ne  résulte  pas  de  causes  tectoniques  profon- 
des» mais  seulement  de  phénomènes  glaciaires  superficiels. 

Les  tremblements  de  ten-e  violents  qui  ont,  en  1811,  ébranlé  le 
Mississipi  moyen  ne  se  sont  plus  reproduits  depuis  avec  la  même 
intensité.  Quoi  qu*il  en  soit,  il  existe  là  une  région  séismique  peut- 
être  attribuable  à  des  phénomènes  de  tassement  de  la  «  Sunk 
Gountry  ». 

La  Floride  est  absolument  aséismique,  ainsi  que  les  Bahamas.  Or, 
il  s'agit  là  de  sédiments  très  récents,  horizontaux  et  probablement 
déposés  sur  un  plateau  sous-marin  sans  profondeur. 

Gharleston  et  Summerville  ont  été  ravagées  en  1886  par  un  trem- 
blement de  terre  désastreux.  Faut-il  en  conclure  à  l'existence  d'une 
région  séismique  dans  ces  parages?  La  question  est  difficile  à  résoudre, 
les  secousses  n'y  étant  vraiment  pas  trop  fréquentes,  et  cet  événe- 
ment restant  unique  jusqu'à  présent.  Il  y  aurait  là  une  singulière 
exception,  à  moins  que  le  voisinage  du  géosynclinal  méditerranéen 


LE   CONTINENT  NORD-ATLANTIQUE  35 

dans  sa  traversée  de  TAtlantique  subtropical,  entre  l'Atlas  et  les 
AnlilleSy  par  un  trajet  encore  inconnu,  ne  permette  de  rattacher  cette 
région  au  géosynclinal  lui-môme.  On  peut  aussi  se  rappeler  que  les 
terres  atlantiques  du  Nord  ont  été  rompues  après  l'époque  miocène, 
mais  on  ignore  l'exacte  position  de  leur  ancien  littoral  vers  le 
Sud.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  avoir  la  prétention  de  tout  élu- 
cider, et  il  n'est  loi  naturelle  si  bien  établie  qui  ne  souffre  quelque 
exception. 

Ainsi,  Taire  continentale  nord-atlantique  est  assujettie  à  la  relation 
annoncée,  et  Ton  s'en  rendra  encore  mieux  compte  par  le  contraste 
avec  l'extrême  séismicité  des  géosynclinaux,  jalonnés  sur  tout  leur 
parcours  par  un  grand  nombre  de  régions  fréquemment  et  violem- 
ment ébranlées  par  les  tremblements  de  terre. 


CHAPITRE  1 

LE  BOUCLIER  FINNO-SCANDINAVE 

La  Laponie,  jusques  et  y  compris  la  presqu'île  de  Kola,  la  pénin- 
sule Scandinave  et  la  Finlande  forment  une  des  terres  les  plus 
anciennement  émergées  de  toute  la  surface  du  globe.  C'est  le  bou- 
clier baltique,  ainsi  appelé  par  Suess  de  sa  forme  en  voûte  très  sur- 
baissée, l'analogue  et  le  contemporain  du  bouclier  canadien  et 
arctique  américain,  situé  de  l'autre  côté  de  l'Atlantique.  Une  couver- 
ture algonkienne,  cambrienne  et  silurienne  très  puissante  l'a  com- 
plètement recouvert,  mais  a  en  grande  partie  disparu  par  l'érosion 
qui  a  commencé  à  agir  dès  avant  le  Cambrien.  Il  y  avait  déjà  eu 
deux  émersions  à  cette  époque  reculée,  la  seconde,  définitive,  avant 
la  fin  des  temps  primaires.  Ces  lambeaux  de  Cambrien  et  de  Silu- 
rien ont  été  sauvés  de  la  destruction  par  leur  descente  le  long  de 
failles  profondes.  Depuis  lors,  le  régime  continental  a  largement 
prévalu  dans  la  Finnoscandie  et  n'a  guère  été  troublé  que  par  les 
oscillations  récentes  de  la  mer  Baltique  et  les  mouvements  de  la 
côte  atlantique  occidentale.  Pas  de  plissements  récents  non  plus.  De 
ces  conditions,  résumées  par  Hôgbom  \  résulte  une  stabilité  séis- 
mique  relative  que  les  observations  vont  mettre  en  évidence. 

On  connaît  bien  la  répartition  des  tremblements  de  terre  des  pays 
Scandinaves.  En  effet,  depuis  1887,  Beusch*,  Thomassen  ',  Bekstad^ 
et  Kolderup  *  ont  publié  le  catalogue  annuel  des  secousses  norvé- 
giennes, et  Svedmark*  celui  des  séismes  suédois  depuis  1892.  Moberg  ^ 

*  Sur  la  tectonique  et  l'orographie  de  la  Scandinavie  (Ann.  de  Géographie,  u*  56, 
11*  année.  15  mars  1902,  117). 

*  Jordskjaelv  i  Norge,  1887  {Chrisliania  Vidensskabet  Forhandlinger,  1888,  n*  8).  — 
Jordskjaelv  i  Norge,  1895  (/.  c,  n»  16). 

*  Berichte  ùber  die  wesenUich  seit  1834  in  Nor^'egen  eingetroffenen  Erdbeben  (Bergeru 
Muséums  aarsberelning,  1890).  —  Jordskjaelv  i  Norge,  1888-1890  (Id.,  1891). 

*  Jordskjaelv  i  Norge  aarene  1895-1898  {Id.,  1899,  n«  IV). 

B  Jordskjaelv  i  Norge,  1899-1900 (Bergens  Muséums  Aarbog,  1899,  1900 ). 

*  Meddelanden  om  Jordstôtari  Sverige  1892-1903  (Geol,  Fat,  i  Stockholm  Fôr.,  Bd.  XVI, 

xvn,  xviii,  XIX,  XX,  xxiii,  xxiv,  xxvi). 

^  Upgirier  om  jordskalfven  i  Finland  fdre  aar  1882  (Fennia,  IV,  n*  8)  (Ce  catalogue 
commence  à  1626.) 

Gumaelius.  Samiing  af  underrattelser  om  jordstôtar  i  Sverige.  (Geol.  Fôren.  i  Stock* 
holm  Fôrh.,  VI,  1883,  509  ;  VII,  1884.  107). 


Fig.  2.  —  Les  pays  Scandinaves. 


38  GÉOGRAPUIË  SÉISMOLOGIQUË 

s'est  occupé  spécialement  de  la  Finlande^  pays  pour  lequel  le  grand 
•catalogue  russe  de  Mouchkétov  et  Orlov  donne  aussi  de  nombreux 
renseignements.  On  a  enfin  pour  les  temps  anciens  le  catalogue 
d'Alexis  Perrey  ',  dont  nous  rencontrerons  le  nom  pour  ainsi  dire 
.à  la  description  séismologîque  de  toutes  les  contrées  du  monde. 
Ainsi,  la  distribution  de  la  séismicité  dans  les  pays  Scandinaves  doit 
être  considérée  comme  connue  d'une  manière  très  satisfaisante. 

Les  données  sur  les  tremblements  de  terre  sont  en  Laponie  plus 
rares  que  partout  ailleurs,  mais  ce  n'est  point  seulement  parce  qu'il 
s'agit  là  d'une  population  clairsemée  et  peu  cultivée  ;  en  effet,  au 
témoignage  de  tous  les  voyageurs,  et  surtout  des  botanistes,  on  y 
rencontre  nombre  de  personnes  curieuses  des  choses  de  la  nature, 
en  particulier  parmi  le  clergé  luthérien.  La  stabilité  bien  réelle 
de  la  Laponie  résulte  de  ce  que  la  chaîne  des  Alpes  Scandinaves 
n'a  subi  que  des  mouvements  très  anciens,  entièrement  éteints 
maintenant.  Les  plissements  mêmes  y  sont  un  phénomène  secon- 
daire et  accessoire  qui  s'efface  complètement  devant  l'importance 
des  chevauchements.  On  verra  plus  loin  que  le  Sud  de  la  chaîne 
«st  plus  exposé  aux  secousses  du  sol  que  le  Nord.  On  ne  connaît 
aucun  séisme  pour  la  presqu'île  de  Kola  et  la  côte  mourmane 
privées  de  fjords,  et  on  n'en  connaît  qu'un  seul  pour  Arkhangelsk. 
JKarasjok,  à  l'ouest  du  grand  lac  Ënare,  est  un  foyer  apparent  d'insta- 
bilité faible,  mais  sa  position  réelle  n'est  pas  exactement  connue  ;  les 
environs  du  lac  sont  eux-mêmes  parfois  ébranlés. 

Toute  la  côte  norvégienne  à  fjords,  depuis  le  fjord  de  Yaranger  au 
Nord  jusqu'au  fjord  de  Stavanger  au  Sud,  est  le  théâtre  de  secousses 
plus  fréquentes  qu'étendues.  Leur  répartition  n'est  pas  uniforme  et 
elle  atteint  un  maximum  bien  marqué  de  Trondhjem  à  Stavanger. 
Peu  de  côtes  présentent  sur  une  aussi  grande  longueur  un  caractère 
aussi  constamment  identique,  et  ce  fait  seul  démontre  que  sans 
aucun  doute  les  fjords  sont  le  phénomène  général  auquel  on  doit 
attribuer  le  rôle  séismogénique  principal,  conclusion  corroborée  par  le 
manque  simultané  de  Qords  et  de  secousses  sur  la  côte  mourmane, 
de  même  constitution  géologique.  Ces  longues,  étroites  et  profondes 
indentations  s'ouvrent  indifféremment  dans  des  terrains  variés,  dans 
le  Précambrien  ou  l'Algonkien,  dans  le  gneiss  fondamental,  dans  le 
granité  et  le  porphyre,  exceptionnellement  enfin  dans  le  Gambrien, 
mais  au  hasard  de  la  nature  des  roches.  Ce  littoral  forme  une  péné- 
plaine à  pente  raide,  ce  qui  confirme  la  loi  du  relief,  l'autre  versant 

'  Les  Iremblcmcnts  do  terre  de  la  pÔDinsuio  Scandinave  {Voyage  de  la  commiesion 
scientifique  du  ^ord  en  Scandinavie,  Laponie,  etc..  Paris,  1845). 


LE  BOUCLIER  FINNO-SGANDINAVE  39 

des  Alpes  Scandinaves  étant  à  la  fois  de  pente  plus  douce  et  plus 
stable.  Ce  sont  des  cassures  ouvertes  dans  des  roches  trop  ancien- 
nement consolidées  pour  avoir  pu  céder  à  un  plissement,  et  elles 
sont  bien  manifestement  en  relation  avec  le  mouvement  de  bascule 
qui  a  relevé  vers  le  N.  W.  l'ancien  plateau  Scandinave,  tranché  net 
par  Teffondrement  assez  récent,  pléistocëne  seulement  peut-être,  de 
l'Atlantique  septentrional.  Il  y  a  là  un  ensemble  largement  suffisant 
de  causes  de  mobilité  pour  expliquer  les  secousses  des  côtes  norvé- 
giennes, et  si  le  Sognefjord,  en  particulier,  avec  le  Sôndmore  et  les 
environs  de  Bergen,  sont  notablement  plus  secoués  que  les  autres,  il 
faut  observer  que  c'est  là  une  très  ancienne  ligne  de  moindre  résis- 
tance, qui  sépare  les  parties  orientale  tabulaire  et  occidentale  plissée 
de  la  chaîne  Scandinave. 

Du  28  septembre  1819  au  19  novembre  1829,  Keilhau^  a  men- 
tionné le  nombre  considérable  de  130  secousses,  toutes  très  faibles 
d'ailleurs,  dans  Tîle  de  Lurœ,  à  moins  de  un  degré  au  sud  du  cercle 
polaire.  De  ce  chef,  ce  point  constitue  un  des  plus  importants  foyers 
d'instabilité  de  la  côte  norvégienne.  Kolderup  '  a  fortement  critiqué 
l'existence  de  ce  centre,  que  nous  avons  mise  en  évidence  dans  un 
travail  antérieur'.  Quoi  que  l'on  fasse,  il  ne  sufQt pas,  pour  rayer  ce 
foyer,  de  constater  que  ces  circonstances  ne  se  sont  plus  reproduites 
depuis  ;  les  tremblements  de  terre  présentent  dans  les  divers  pays 
qu'ils  ébranlent  trop  d'irrégularités,  irréductibles  à  toute  loi  de  pério- 
dicité, pour  rendre  valable  un  tel  argument  qui  pourrait  être  facile- 
ment invoqué  dans  beaucoup  d'autres  cas,  et  il  n'y  a  aucune  raison 
de  douter  des  observations  relatées  par  Keilhau. 

Les  côtes  norvégiennes  sont  tout  à  fait  à  l'abri  de  vagues  séis- 
iniques,  et  cette  partie  de  l'Océan  est  indemne  de  tremblements  sous- 
marins.  Il  faut  donc  dénier  tout  rôle  séismogénique  actuel  à  l'effondre- 
ment atlantique,  et  aussi  au  mouvement  qui  a  fait  basculer  de  30  ou 
40  mètres  une  ancienne  surface  d'abrasion  marine,  morcelée  en 
nombreuses  îles  restées  comme  témoins,  large  de  40  à  50  kilomètres 
et  dont  l'époque  de  formation  a  été  fixée  à  la  fin  du  Crétacé  ou  au 
commencement  du  Tertiaire.  Reusch  *  s'est  occupé  des  mouvements 
d'affaissement  du  littoral  norvégien,  que  Ton  suppose,  dans  le  pays, 

•  Efterrotniogen  om  Jordskjaelv  i  Norge  (Mag.  f.  Naturvidenskaberne,  XH,  82.  Chris- 
Uania,  1836). 

•  Ërdbebenforschnng  in  Norwegen  im  XiX.  Jahrhundert  {Verhandl.  d.  ersten  intem. 
jrâMo/.  Konferenz  zu  Strassàurg,  1901,  428) . 

'  Le  monde  Scandinave  séismique  [Geol.  Fôren.  i  Stockholm  Fôrhandl.,  1894). 

•  Die  vermûtete  Wirkung  eines  Ërdbebens  an  der  Kiisle  Norwegens  (Geogr.  ZeiUchr. 
Leipzig,  II,  52). 


40  GEOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

suivre  les  tremblements  de  terre  qui  s'y  font  sentir  :  leur  réalité 
est  loin  d'être  prouvée. 

Plus  au  Sud^  le  Qord  de  Christiania  s'ouvre  au  bord  oriental  d'un 
massif  de  roches  éruptives  pénétrant  comme  un  coin  dans  les  terri- 
toires granitiques  de  la  Norvège  méridionale.  C'est  là  un  district 
pénéséismique  assez  étendu,  se  reliant  sans  discontinuité  à  celui  de 
la  Dalécarlie  et  de  la  Gothie^  où  une  grande  faille  méridienne  et  la 
ligne  des  lacs  représentent  un  ancien  bras  de  mer  pléistocëne,  attes- 
tant ainsi  des  mouvements  considérables,  auxquels  se  rattachent  sans 
doute  les  tremblements  de  terre  du  district  et  qui  sont  aussi  en 
relation  avec  de  nombreuses  dislocations,  par  exemple  dans  la  vallée 
du  Glommen. 

Des  séismes  parfois  étendus  et  même  presque  sévëres  ébranlent 
assez  fréquemment  le  pourtour  suédois,  aussi  bien  que  finlandais,  du 
golfe  de  Botnie.  Cette  région  pénéséismique  ne  pénètre  notable- 
ment vers  l'intérieur  que  dans  son  prolongement  septentrional,  c'est- 
à-dire  dans  les  bassins  du  Kalix,  de  la  Tornea  et  du  Kemi,  observa- 
tion tendant  à  mettre  ces  secousses  en  relation  avec  la  formation, 
ou  plutôt  avec  les  mouvements  récents  de  la  mer  Baltique,  dont  les 
oscillations  séculaires  modernes  ont  donné  lieu  depuis  un  siècle  et 
demi  aux  discussions  les  plus  passionnées.  Cette  mer  représente  une 
submersion  partielle  de  la  plate-forme  archéenne  arasée;  et  si  son 
mouvement  actuel  de  relèvement  d'ensemble  est  vraiment  contes- 
table, car,  s'il  était  général,  il  affecterait  aussi  les  côtes  poméra- 
niennes,  ce  qui  n'est  certainement  pas,  il  semble  bien  du  moins  que 
l'émersion  continue,  en  se  traduisant  seulement  par  bombement  et 
gauchissement  des  schistes  cristallins  et  archéens  de  la  Suède  et  de 
la  Finlande.  La  région  pénéséismique  se  restreignant  au  littoral  des 
golfes  de  Finlande  et  de  Bothnie,  ainsi  qu'au  prolongement  conti- 
nental de  ce  dernier,  on  a  là  une  claire  explication  de  ces  tremble- 
ments de  terre  par  des  mouvements  qui  sont  la  suite  directe  des 
mouvements  antérieurs  d'extension  et  de  rétrécissement  successifs 
de  la  mer  à  Yoldia  et  du  lac  à  Ancylm  des  époques  pléistocène  et 
glaciaire. 

Les  terrains  primaires  au  Sud  de  la  Finlande  sont  d'une  aséismi- 
cité  parfaite,  en  rapport  avec  la  stabilité  dont  ils  jouissent  depuis  des 
temps  très  reculés. 

C'est  intentionnellement  qu'en  faisant  par  le  Sud  le  tour  de  la 
Scandinavie,  on  a  omis  les  tremblements  de  terre  assez  fréquents, 
sévères  même  quelquefois,  de  la  Scanie  et  du  Sund,  car  on  ne  sau- 
rait les  séparer  de  ceux  de  Seeland,  de  Fionie,  et  du  Jutland  sep- 


LE  BOUCLIER  PINNO-SGANDINAVE  41 

tentrional.  Ce  sont,  ainsi  que  TOuest  de  Tile  Bornholm,  parfois 
ébranlée  aussi,  des  territoires  mésozoïques,  surtout  crétacés,  failles 
et  morcelés,  n'appartenant  d'ailleurs  pas  en  propre  au  bouclier  Scan- 
dinave; leur  disposition  actuelle  accuse  les  vicissitudes  tardives, 
qui  ont  ouvert  les  nombreux  détroits  de  l'entrée  de  la  Baltique 
postérieurement  à  la  plus  ancienne  période  glaciaire,  et  dont  ces 
secousses  sont  la  manifeste  survivance.  Il  est  d'autant  plus  plausible 
de  les  mettre  en  relation  avec  le  démembrement  des  îles  danoises 
qu'il  ne  tremble  guëre  ni  dans  le  reste  du  Jutland  et  le  Sclileswig  ter- 
tiaires, ni  dans  le  Mecklembourg  crétacé,  régions  que  le  morcelle- 
ment n'a  pas  atteintes.  D'aprës  Kolderup  ',  le  tremblement  de  terre  du 
23  octobre  1904  a  eu  un  caractère  nettement  tectonique  et  son 
origine  sous-marine  a  dû  se  trouver  dans  le  Skagerak. 

*  Jordskjslyet  den  23  october  1904  {Bergens  Muséums  Aarbog,  1905,  n«  1). 


CHAPITRE  II 

LES  ILES  BRITANNIQUES 


Les  Iles  Britanniques  émergent  d'un  large  socle,  délimité  par 
risobathe  de  200  mëtres,  qui  en  fait  le  tour  à  TOuest  et  à  peu  de  dis- 
tance. Montueuses  et  morcelées  du  côté  de  l'Atlantique,  elles  tom- 
bent au  contraire  en  pente  douce  sur  la  mer  du  Nord  ;  les  terrains 
les  plus  anciens  dominent  vers  l'Océan,  les  plus  récents,  du  Garboni- 
férien  au  Quaternaire,  du  côté  de  l'Europe.  Au  moins  en  Angleterre 
les  tremblements  de  terre,  qui  d'ailleurs  ne  sont  ni  bien  fréquents,  ni 
redoutables,  se  font  surtout  ressentir  à  TOuest,  ce  qui  est  conforme 
à  la  loi  du  relief.  Grâce  aux  catalogues  de  Perrey  '  et  de  O'Reilly  *, 
et  aux  listes  annuelles  de  Ch.  Davison',  commencées  en  1889,  leur 
répartition  est  connue  d'une  manière  très  suffisante,  n'attendant  que 
des  améliorations  de  détail. 

On  y  reconnaît  facilement  deux  divisions  principales,  correspon- 
dant respectivement  aux  débris  des  chaînes  calédonienne  et  armori- 
caine démantelées,  et  une  troisième  formée  par  les  plaines  sédimen- 
taires  plus  récentes  de  l'Est.  Ce  sera  un  cadre  tout  naturel  pour  la 
description  séismologique  des  Iles  Britanniques. 

1.  —  La  ohaine  calédonienne. 

Les  Shetlands,  les  Orcades,  l'Ecosse,  les  Hébrides  et  l'Irlande 
constituent  les  ruines  du  bord  oriental  d'un  vaste  massif  continental 
très  ancien,  archéen   ou  précambrien,   au  travers  duquel  l'Océan 

'  Sur  les  tremblements  de  terre  dans  les  Iles  Britanniques  (Ann,  soc.  Agric.  Ilisl.  nal. 
et  des  Arts  de  Lyon,  I,  115,  1849). 

'  Catalogue  of  the  earthquakes  having  occurred  in  Great  Britain  and  Ireland,  during 
historical  times  (Trans.  Roy.  Irish  Ac,  XXVIH,  Art.  XVII,  290.  Dublin,  1884). 

*  British  earthquakes,  1891,  1892,  1893,  1899,  1900  [Geol,  Mag.,  July  1892.  July  1893. 
March  and  April  1900.  August  1901).  —On  tbe  british  earthquakes  of  the  years  1889-1900 
(Beitràge  zur  Geophysik,  V,  242.  Leipzig,  1901).  —  Minor  british  earthquakes  in  1901- 
1903  (Geol,  Mag.,  November  1904). 


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Fig.  3.  —  Les  Iles  Britanniques. 


44  GEOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

Atlantique  s'est  ouvert  à  une  époque  relativement  récente,  post-mio- 
cène, et  contre  lequel  les  mers  géologiques  de  l'Est  ont  successive- 
ment adossé  leurs  sédiments,  qui  se  recouvrent  sous  forme  de  bandes 
en  retraite  les  unes  par  rapport  aux  autres  et  de  plus  en  plus  orien- 
tales. Cet  ensemble  montueux  et  déchiqueté  est  un  fragment  de  la 
chaîne  calédonienne,  en  partie  nivelée,  qui  plissée  et  bien  dimi- 
nuée des  avant  l'ère  cambrienne,  se  prolongeait  probablement  jus- 
qu'aux Lofoten  en  Norvège.  Deux  grandes  dépressions  la  prennent 
d'écharpe  du  N.  E.  au  S.  W.;  les  Lowlands  d'Ecosse  et  la  grande 
plaine  irlandaise,  par  où  la  mer  carboniférienne  Ta  envahie.  La  chaîne 
a  encore  été  morcelée  par  l'irruption  de  l'Atlantique  au  Minch  et  au 
canal  d'Irlande,  à  l'époque  pléistocène  probablement,  tandis  que  ses 
derniers  fragments  ont  toujours  à  lutter  contre  l'assaut  des  vagues 
de  l'Ouest.  Soumise  à  plusieurs  surrections  successives  qui,  au  moins 
temporairement,  rajeunissaient  son  relief  en  compensant  les  pertes 
dues  à  la  dénudation  et  à  Térosion,  à  plusieurs  reprises  injectée  de 
matières  éruptives  diverses,  jusqu'à  la  fin  des  temps  tertiaires  héris- 
sée de  volcans,  la  plupart  méconnaissables  sauf  pour  le  seul  géolo- 
gue à  cause  de  l'activité  des  causes  de  destruction  sous  un  climat 
fort  humide,  elle  a  enfin  atteint  son  état  actuel  avec  les  glaciers 
quaternaires  qui  l'ont  presque  complètement  couverte  et  rabotée. 
L'extrême  complexité  des  phénomènes  dont  la  chaîne  calédonienne 
a  été  le  théâtre  pendant  de  longues  périodes  géologiques,  jusqu'à 
l'aurore  des  temps  actuels,  pourrait  faire  croire  à  une  instabilité  que 
les  faits  démentent,  parce  que  la  principale  vicissitude,  le  plisse- 
ment, est  trop  ancien.  Les  séismes  y  sont  partout  d'un  caractère 
local,  le  plus  souvent  du  moins,  et  résultent  des  dislocations  les 
plus  récentes. 

Dans  les  Shetlands,  la  direction  N.  S.  prédomine  dans  les  cassures 
verticales  qui  les  divisent  à  l'infini  et  ont  été  causées  par  le  démantè- 
lement de  la  chaîne  et  l'aiTaissement  de  l'Atlantique.  Leur  stabilité,  à 
peine  troublée  par  quelques  secousses  de  l'île  d'Unst,  s'explique  bien 
par  l'ancienneté  de  ces  fractures,  qui  les  découpent  en  hautes  falaises 
verticales.  Il  est  presque  oiseux  de  mentionner  lafausseté  d'éruptions 
volcaniques  sous-marines  arrivées  près  de  Fetlar  et  que  beaucoup 
d'auteurs  ont  répétées  à  la  suite  d'Hibbert,  qui  a  décrit  ces  îles  au 
xvni*  siècle. 

Quoique  l'assimilation  complète  des  Hébrides  avec  les  Lofoten 
soit  maintenant  quelque  peu  controuvée,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  leur  gneiss  lewisien,  ou  fondamental,  représente  l'avant-pay s  che- 
vauché par  la  chaîne  calédonienne.  Elles  sont  séparées  de  l'Ecosse  par 


LES  ILES  BRITANNIQUES  4& 

le  fossé  du  Minch,  dont  la  grande  profondeur  dans  le  Little  Minch 
atteste  reffondrement  d'une  bande  N.  N.  E.  —  S.  S.  W.  Cette  ligne  de 
dislocation  est  très  ancienne,  puisqu'elle  a  permis  l'entrée  de  ce 
détroit  à  la  mer  précambriennc  qui  a  déposé  le  grës  de  Torridon  sur 
le  rivage  opposé  des  Highlands.  Aussi  la  fracture  du  Minch  a-t-elle 
eu  le  temps  de  se  stabiliser  complètement  et  les  plissements  de 
s^éteindre^  d'où  Tabsence  complète  de  séismes  dans  les  Hébrides.  Les 
éruptions  terUaires,  que  les  uns  croient  éocènes  et  les  autres  mio- 
cènes, ont  accompagné  l'affaissement  de  l'Atlantique  septentrional. 
Elles  n'ont,  des  Faerôer  au  rocher  de  Saint-Eilda,  aucune  répercussion 
séismique  actuelle,  pas  plus  que  les  efforts  qui  ont,  au  Pléistocène, 
fait  disparaître  sous  les  flots  l'énorme  couverture  éruptive  dont  les 
traces  se  retrouvent  de  l'Islande  à  l'Irlande,  et  l'horizontalité  du 
socle  sous-marin  explique  le  peu  d'amplitude  relative  de  ce  mouve* 
ment,  ainsi  que  son  absence  de  rôle  séismogénique.  On  remarquera 
d'ailleurs  qu'il  en  est  de  même  pour  les  énormes  épanchements  ana- 
logues du  Dekkan  et  de  l'Amérique  du  Nord-Ouest. 

La  grande  ligne  de  dislocation  ErriboU-UUapool,  qui,  antérieure 
au  vieux  grès  rouge,  s'étend  jusqu'à  l'île  Tirée,  avec  d'énorme» 
chevauchements  et  d'innombrables  fractures  entre  Foinaven  et  Coul* 
more,  limite  les  gneiss  des  Highlands  sans  qu'on  puisse  à  cause  de 
son  ancienneté  lui  attribuer  les  quelques  secousses  qui  ébranlent  la 
côte  orientale  du  Minch.  Ces  rares  chocs  peuvent  être  rattachés  à 
des  bradyséismes,  c'esb-à-dire  à  des  mouvements  séculaires  positif» 
de  ce  littoral.  C'est  ainsi  que  le  village  de  Kinloch  Ewe,  en  gaélique 
«le  bout  du  monde  »,  aurait  été,  il  y  a  peu  de  siècles,  l'extrémité 
même  du  Qord,  tandis  qu'actuellement  ce  village  occupe  le  bout  du 
Loch  Marée,  lac  allongé  et  séparé  de  la  mer  par  un  seuil  de  plu- 
sieurs kilomètres.  L'homme  aurait  été  témoin  de  ces  mouvements, 
qui  coïncideraient  avec  ces  séismes  peu  fréquents. 

La  ligne  volcanique  des  îles  de  Skye,  Rum,  MuU  et  de  la  pénin- 
sule d'Ardnamurchan,  dont  l'activité,  éteinte  maintenant,  a  dépassé 
le  Miocène,  ne  correspond  plus  qu'à  de  très  rares  et  faibles  tremble- 
ments de  terre. 

Tous  ces  anciens  accidents  ont  la  même  direction,  attestant  la 
communauté  de  leur  origine,  et  le  plus  important  d'entre  eux  est  la 
dépression  occupée  par  le  Canal  calédonien,  ou  Great  Glen  (Loch 
Ness},  en  plein  massif  des  Highlands.  C'est  une  très  profonde  cas- 
sure, déjà  dessinée  dès  le  Dévonien,  et  dont  le  rôle  séismogénique 
ne  saurait  être  nié,  puisque  malgré  son  ancienneté,  la  consolidation 
n'en  est  pas  encore  atteinte,  comme  en  témoignent  les  chocs  qui 


46  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Tébranlent  fréquemment  et  mém%  fortement,  d'Invemess  à  Fort 
William,  choes  dont  les  isoséistes  se  disposent  parallèlement  aatoor 
de  cet  accident  comme  axe.  Cette  ancienne  fracture  montre  un  affais- 
sement de  sa  lëyre  S.  E.  par  rapport  à  Topposée.  Elle  est  partielle» 
ment  occupée  par  le  Loch  Ness,  dépression  lacustre  de  même  direc- 
tion, d'une  profondeur  considérable  en  certains  points,  260  mètres, 
et  dont  la  surface  n^est  qu'à  17  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer.  Or,  le  levé  de  ses  parois,  exécuté  en  1890  par  Th.  Scott  pour 
le  bureau  des  pêcheries,  a  fait  reconnaître  qu'elles  présentent  to«s 
les  caractères  d'un  cafion,  ou  d'ime  étroite  vallée  submergée.  Son 
thalweg  a  dû  être  parcouru  par  un  fleuve  assez  puissant  pour  élargir 
et  apprctfondir  la  fracture,  et  qui  avait  son  écoulement  naturel  vers 
une  mer  assez  éloignée.  L'Ecosse  était  par  conséquent  une  masse 
continentale,  qui  s'est  affaissée  et  morcelée,  en  même  temps  que  la 
mer  du  Nord  s'ennoyait,  à  l'époque  pléistocène,  en  submergeant  le 
prolongement  de  la  vallée  du  Rhin  qui  drainait  les  eaux  du  versant 
oriental  de  l'Angleterre  et  des  fjords  norvégiens.  Ainsi  s'explique 
bien  son  instabilité  séismique  actuelle,  par  la  grandeur  de  vicissi- 
tudes qui  n'ont  cessé  que  récemment,  et  cela  en  opposition  avec  la 
stabilité  des  autres  accidents  parallèles  et  contemporains,  mais  qw 
n'ont  plus  rejoué  depuis  leur  formation.  Il  y  a  plus,  les  séismes  de 
rinvcmesshire  ont  souvent  leurs  épieentres  à  l'est  du  Great  Glen, 
c'est-à-dire  du  côté  de  l'affaissement  de  la  mer  du  Nord,  coïncidence 
qui  ne  saurait  être  fortuite. 

Cette  interprétation  ne  s'accorde  pas  tout  à  fait  avec  celle  de 
Davison  ^  qui,  tablant  sur  la  position  des  épieentres  à  l'est  du  Great 
Glen,  en  conclut  que  le  district  instable  est  un  grand  voussoir  sans 
.  équilibre,  compris  entre  le  Canal  calédonien  et  une  faille  latérale 
non  encore  relevée  sur  le  terrain,  et  que  les  séismes  résultent  d'un 
affaissement  ou  d'un  tassement  par  à*coups  de  ce  même  voussoir. 
Les  mouvements  séismiques  se  produiraient  par  glissement  du  vous- 
soir le  long  de  la  faille,  hypothétique  jusqu'ici.  Cette  théorie  n'ex- 
plique d'ailleurs  pas  le  fait  que  le  district  instable  s'étend  aussi  à 
l'ouest  du  Great  Glen,  autour  de  la  fracture  du  Craigora,  et  tout 
autour  du  Glen  Garry  au  Nord  de  Fort  William.  Il  semble  donc  de 
plus  en  plus  rationnel  d'admettre  un  reste  de  mobilité  de  l'accident 
principal  et  de  ceux  qui  lui  sont  subordonnés,  sans  avoir  à  recourir 
à  une  faille  qui  reste  encore  à  trouver. 

Le  Great  Glen  se  continue  au  Sud  par  le  Loch  Linnhe  et  TOron- 

•  On  the  InvemesB  eorthquakes  of  November  15*1»  to  December  14<^  1890  {Quart,  j\ 
of  the  geoi.  Soc,  Not.  tSM,  XLVII,  64»). 


LES  ILE8  BR1TA?IN1QU£S  47 

say  Passage,  signalés  par  quelques  séismes  de  Tile  Lismore,  et  le 
long  des  Lochs  Awe,  Leven,  Ëtive  et  Gilp,  dont  les  profondeurs 
considérables  attestent  d'intenses  dislocations  du  bord  sud-ouest  des 
Highiands. 

Le  tremblement  de  terre  du  28  novembre  1880  s'est  étendu  d'Ar- 
magh  en  Irlande  à  Inverness  et  à  Textrémité  septentrionale  de  Tîle 
Lewis  et  il  a  été  l'objet  d'une  enquête  approfondie  de  la  part  de  Ste- 
venson '  ;  de  nombreuses  raisons  concordantes  ont  amené  à  placer 
son  épicentre  en  mer,  entre  les  îles  Fladda  et  Colonsay,  c'est-à-dire 
sur  le  prolongement  même  de  la  fracture  du  Great  Glen.  Davison  ' 
voit  une  démonstration  du  rôle  séismogénique  de  cet  accident  dans 
ce  fait  que  le  séisme  n'a  précisément  pas  été  ressenti  par  les  gardiens 
de  cinq  phares  trës  voisins,  mais  situés  en  dehors  du  prolongement 
de  la  dislocation. 

Dans  la  même  direction,  les  éruptions  porphjTiques  permiennes 
de  TAyrshire,  et  celles  plus  récentes  de  trapps  et  de  basaltes  des  îles 
Arran,  Ailsa  Graig  et  Bass,  n'ont  laissé,  sous  forme  de  tremble- 
ments de  terre,  aucun  souvenir  des  dislocations  qu'elles  ont  accom- 
pagnées. 

Aucun  séisme  n'ébranle  le  Sutherland,  le  Gaithness  et  les  Orcades, 
que  recouvrent  le  vieux  grès  rouge  dévonien,  le  nouveau  grès  rouge 
triasique  et  le  Jurassique.  C'est  qu'il  s'agit  là  d'un  versant  de  la. 
chaîne  calédonienne  ayant  formé  depuis  l'ère  dévonienne  la  côte 
stable  d'une  mer  ouverte  à  l'Est.  Ce  repos  séismique  s'étend,  pour  les 
mêmes  raisons,  au  versant  nord  des  Grampians,  formant  le  Nord-Est 
de  l'Ecosse  jusqu'à  la  troncature  Duncansbay  Head-Kinnairds  Head. 
Tout  ce  territoire  appartient  à  Tancien  massif  calédonien,  sauf  un 
petit  district  de  vieux  grès  rouge  à  l'Ouest  et  près  du  cap  Kinnairds 
Head,  déposé  dans  le  même  golfe  dévonien  que  celui  de  llnver- 
nesshire.  Quelques  rares  secousses  peuvent  être  attribuées  aux  cas- 
sures où  coulent  le  Spey  et  l'Ythan,  et  les  terrasses  de  ces  vallées 
montrent  que  leur  récent  mouvement  d'exhaussement  est  aussi  bien 
éteint  que  le  mouvement  d'ennoyage  en  sens  inverse  de  la  mer  du 
Nord. 

Au  Sud  des  Grampians  et  dans  cette  partie  la  plus  compacte  des 
Highiands,  les  terrains  primaires  s'arrêtent  à  une  grande  dislo- 
cation N.  N.  E.  —  S.  S.  W.  qui,  courant  d'Aberdeen  à  Greenock,  s'en 

'  The  earthqnake  of  November  S8tb  1880   in   Scotland  and  Ireland  (Edinburgk  Roy, 
Soc.  Proc,  XI.  176). 

*  On  the  existence  of  nndistnrbed  Spots  in  Earthquake-shaken  Areas  {Birmingham 
Philos.  Soc,  V,  Part  I,  57). 


48  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

va  traverser  l'île  d'Arran.  Les  séismes  assez  fréquents  de  Perth  et 
de  ses  enviroAs  sembleraient  prouver  qu'elle  n'est  pas  encore  com- 
plètement consolidée,  suggestion  qu'on  peut  laisser  en  suspens, 
Davison  ne  la  partageant  point. 

Comrie  est  de  beaucoup  la  localité  la  plus  instable  des  Iles  Britan- 
niques, et  de  nombreuses  secousses  s'y  sont  produites  de  1838  à 
1850.  D'autres  paroxysmes  l'avaient  déjà  ébranlée  à  d'autres  époques, 
mais  moins  violemment.  Davison  ^  pense  qu'il  ne  faut  pas  attribuer 
ces  séismes  à  la  grande  faille  bordiëre  du  Garboniférien  qui  passe  à 
un  mille  au  Sud  de  Comrie.  Il  n'en  donne  d'ailleurs  pas  la  raison. 
Du  reste,  il  existe  aussi  au  voisinage  des  failles  obliques  parallèles, 
LochËarn,  Loch  Tay  et  Ben  Yoirlich,  qui  sont  le  théâtre  de  quelques 
secousses. 

Les  Ochill  Hills  forment  un  petit  district  séismique,  attribuable  à 
la  faille  du  même  nom. 

Les  Lowlands  d'Ecosse,  ou  la  dépression  des  Firth  of  Forth  et 
Firth  of  Clyde,  sont  compris  entre  la  grande  faille  bordièreAberdeen- 
Greenock  au  Nord  et  une  crête  irrégulière  qui,  partant  des  White 
Hills,  rejoint  la  mer  du  Nord  par  les  collines  de  Lammermuir  un  peu 
au  N.  W.  de  Saint  Abbs  Head.  Ce  district  a  été  déprimé  très  ancien- 
nement, et  cet  ancien  synclinal  a  repris  son  équilibre,  car  les 
secousses  y  sont  plutôt  rares.  Contrairement  à  l'opinion  de  Ralph 
Richardson',  Davison  met  les  quelques  séismes  d'Edimbourg  en 
relation  avec  les  nombreuses  failles  qui  s'y  croisent  et  ont  été  injec- 
tées de  dykes  de  trapp.  Pour  le  tremblement  de  terre  du  18  jan- 
vier 1889,  en  particulier,  il  invoque  celle  qui  va  de  la  tête  de  la 
vallée  de  Logan  à  North  Black  Hill. 

Quelques  secousses  agitent  les  Campsic  Hills.  On  peut  les  attribuer 
aux  dislocations  du  Loch  Lomond,  ou  à  la  grande  faille  bordière  très 
voisine. 

Le  district  houiller  de  Kilsyth  est  parfois  ébranlé.  En  écartant 
l'hypothèse  de  secousses  par  affaissement  consécutif  au  déhouille- 
ment,  on  peut,  à  la  suite  de  Davison,  noter  que  l'exploitation  s'y 
fait  au-dessus  d'une  faille  importante. 

En  résumé,  en  ce  qui  concerne  la  dépression  des  Lowlands,  il  se 
trouve  que  cette  très  ancienne  zone  d'affaissement,  peutrêtre  sou- 
mise dans  les  temps  historiques  mêmes  a  de  nombreux  mouvements 

*  On  Uie  Comrie  earthquake  of  Jaly  IQth  1895  and  on  the  Hade  of  Uie  southem 
border  fault  of  Ihe  Highlands  {Geol.  Mag.  Décade  IV,  t.  Ht,  n*  350,  75). 

*  On  the  earthquake  shocks  experienced  in  the  Edinburgh  district  on  Friday,  January 
18U»  1889  (ScoUish  geograph.  Mag.,  1889,  133). 


LES  ILES  BRITANNIQUES  49 

positifs  OU  négatifs,  n'en  a  pas  moins  acquis  une  grande  stabilité 
séismique. 

Au  delà  des  Lowlands,  les  derniers  fragments  de  la  chaîne  calé- 
donienne sont  représentés  de  mer  à  mer  par  les  Gheviots  et  les 
Southern  Uplands  écossais,  dont  la  stabilité  est  en  rapport  avec 
l'ancienneté  d'un  plissement  d'âge  très  reculé.  A  peine  quelques 
séismes  du  Dumfriesshire  peuvent-ils  être  attribués,  non  comme  le 
fait  Davison  \  à  une  faille  encore  inconnue,  mais  peut-être  à  la  faille 
bordiëre  des  terrains  carbonifériens  des  Lowlands,  qui  a  forcé  la 
Nith  à  la  couper  deux  fois,  indice  de  profondes  dislocations. 

D'une  façon  générale,  l'Irlande  est  constituée  par  une  dépression 
centrale,  la  basse  plaine  du  Shannon,  correspondant  exactement  aux 
Lowlands  d'Ecosse,  et  qu'encadrent  deux  massifs  montagneux.  Celui 
du  Nord  est  un  fragment  nettement  calédonien,  dont  l'effondrement 
atlantique  se  révèle  par  les  fjords  de  l'Ouest  dans  le  Donegal  et  le 
Mayo,  tandis  que  d'immenses  nappes  basaltiques  tertiaires  recouvrent 
TAntrim  et  sont  la  suite  de  celles  des  Hébrides  et  de  l'Atlantique  sep- 
tentrional, démantelées  par  l'érosion  marine  et  l'affaissement  pléis- 
tocëne  qui  a  ouvert  le  canal  du  Nord.  Des  mouvements  récents  se 
seraient  proiLuits  au  Lough  Neagh  et  au  Lough  Stranford.  Mais 
toutes  ces  vicissitudes  ont  laissé  l'Irlande  parfaitement  à  l'abri  des 
tremblements  de  terre • 

Le  Sud  de  l'Irlande,  où  se  font  sentir  quelques  rares  secousses, 
mérite  une  mention  toute  spéciale.  C'est  qu'à  l'Est  les  comtés  de 
Wicklow,  Carlow  et  Wexford  appartiennent  au  domaine  des  plisse- 
ments de  la  chaîne  calédonienne,  tandis  que  dans  le  Sud-Ouest  ceux 
de  Cork  et  de  Kerry  sont  affectés  de  plis  armoricains  et  font  partie 
de  la  chaîne  du  même  nom.  Si  ces  derniers  jouaient  un  rôle  séismo- 
génique,  il  faudrait  en  dire  autant  des  premiers,  ce  que  leur  ancien- 
neté rend  improbable  par  analogie  avec  ce  qui  se  passe  ailleurs.  Il 
vaut  donc  mieux  réserver  l'avenir  des  recherches,  en  ce  qui  concerne 
Forigine  des  séismes  qui  agitent  parfois  les  deux  systèmes  de  plis. 
En  Angleterre,  les  territoires  calédoniens  se  réduisent  au  Lake 
District  et  au  Pays  de  Galles  à  l'Ouest  d'une  ligne  irrégulière  joignant 
les  embouchures  de  la  Mersey  et  de  la  Severn,  mais  à  l'exclusion  de 
ia  bande  houillère  littorale  du  canal  de  Bristol  au  Sud  d'une  ligne 
allant  des  Marlborough  Hills  à  la  baie  de  Saint  Bride  dans  le  Pem- 
brokeshire.  Ce  massif  cambrien  et  silurien  est  relevé  à  l'Ouest  sur 
la  mer  d'Irlande,  et  les  plissements  calédoniens  qui  l'affectent  sont 

•  The  Carlisleearthquake  of  July  i90i {QuarL^Journ.  ofthe geol.  soc, Lyill,3U,iW2). 
Db  Ho5Tiftic8.  —  Tremblemenls  de  terre.  4 


50  GÉOURAPHIK  SÉISMOLOGIQUE 

parallèles  à  ceux  des  Highlands  dans  les  comtés  d'Anglesey,  de 
Caernarvon  et  de  Merioneth;  ils  s'infléchissent  progressivement  vers 
rOuest  pour  se  raccorder  dans  le  Pembrokeshire  à  ceux  de  la  cliaîne 
armoricaine,  le  long  du  canal  de  Bristol.  Des  dislocations  particu- 
lières suffisent  à  rendre  compte  des  rares  séismes  du  Flintsliire,  de 
Tîle  de  Man  et  du  Merioneth.  Par  contre  le  comté  d'Hereford  renferme 
un  centre  important  d'ébranlement  dans  le  bassin  moyen  de  la 
Severn,  et  Davison^  à  propos  du  grand  tremblement  du  17  dé- 
cembre 1896,  met  enjeu  un  relèvement  de  deux  anticlinaux  siluriens, 
ceux  de  Woodstock  et  de  May  Hill,  respectivement  au  N.  E.  et  au 
S.  des  foyers  d'Hereford  et  de  Ross. 

Les  côtes  du  Pays  de  Galles  et  de  l'Angleterre,  de  Caermarthen  à 
Preston,  et  celles  d'Irlande,  de  Wexford  à  Ravensdale,  ont  été  ébran- 
lées, le  19  juin  1903,  par  un  tremblement  de  terre  étudié  par  Davison  *. 
Son  foyer  était  manifestement  situé  en  mer,  non  loin  de  Tenti^ée  occi- 
dentale du  détroit  de  Bangor.  Un  choc  consécutif,  de  bien  moindre 
extension,  est  venu  apporter  la  lumière  sur  sa  genèse.  En  effet, 
l'épicentre  de  ce  dernier  se  trouvait  un  peu  à  Test  de  Caernarvon, 
c'est-à-dire  sur  une  faille  parallèle  au  détroit,  et  qui,  d'Aber  àDinlle, 
affecte  le  terrain  silurien  avec  un  rejet  variant  de  4000  à  5000  pieds. 
Les  deux  secousses  ont  eu  leurs  aires  pléistoséistes  allongées  sur 
cet  accident,  de  sorte  qu'il  n'y  a  pas  à  douter  que  leur  origine  ne  soit 
liée  à  la  dislocation.  C  est,  dans  l'opinion  de  Davison,  une  preuve 
que  la  faille  se  prolonge  sous  la  mer,  au  moins  jusqu'à  Tépicentre  du 
choc  principal,  et  il  y  a  tout  lieu  de  le  croire.  D'autres  séismes, 
anciennement  ressentis  à  Pentir  et  à  Beaumaris,  et  peut-être  même 
aussi  ceux  de  l'île  Bardsey,  reconnaissaient  vraisemblablement  la 
même  origine. 

.Ici  finissent  les  territoires  affectés  par  les  plissements  calédoniens, 
et,  sauf  des  exceptions  justifiées  par  des  dislocations  plus  jeunes, 
les  tremblements  de  terre  n'y  présentent  aucune  importance,  ni 
comme  fréquence,  ni  comme  intensité. 

!2.  —  La  chaîne  armoricaine. 

Le  Sud-Ouest  de  l'Irlande,  dont  on  a  déjà  parlé,  le  Sud  du  Pays  de 
Galles  et  la  Cornouailles,  ainsi  que  le  Devonshire  et  le  Sud  de  TAn^ 
gleterre  à  l'Ouest  d'une  ligne  allant  des  Marlborough  Hills  (à  TEst  de 

*  The  Hère ford  earthquake  of  December  i7th  jg^s  (Birmingham,  1899). 

*  The  Caernarvon  earthquake  of  Jano  19th  1903  [Quart,  journ.  oflhegeol.  Soc,  LX. 
1904»  233.  London). 


LES  ILES  BRITANNIQUES  51 

Bath)  jusqu'à  Hastings  sur  le  Pas-de-Calais,  sont  les  débris  d'une 
autre  chaîne,  un  peu  plus  récente  que  la  ride  calédonienne,  du  vieux 
continent  atlantique,  démantelé  à  la  fin  du  Tertiaire.  Plissée  aprës 
l'époque  carboniférienne,  elle  s'étend  en  France,  en  Belgique  et  dans 
l'Allemagne  moyenne.  Le  fragment  anglais,  profondément  découpé 
par  le  canal  de  Bristol,  est,  presque  sur  toute  sa  surface,  uniformé- 
ment pénéséismique,  beaucoup  plus  souvent  ébranlé  que  les  ruines 
de  la  chaîne  calédonienne.  Les  épicentres  s'y  pressent  nombreux, 
avec  ce  caractère  d'être  généralement  pauvres  en  nombre  de  séismes. 
On  est  ainsi  amené  à  ne  plus  faire  intervenir  dans  la  production  des 
secousses  des  accidents  locaux,  mais  bien  un  phénomène  plus  général, 
qui  ne  peut  être  que  le  plissement. 

La  vallée  de  TExe  limite  à  l'Est  les  terrains  paléozoïques,  surtout 
dévoniens,  de  l'Ouest.  Le  Garboniférien  constitue  le  Sud  du  Pays  de 
Galles,  tandis  que  les  terrains  secondaires  de  l'Est  masquent  les 
plissements  armoricains.  De  nombreux  laccolithes  granitiques  acci- 
dentent la  Gornouailles  dans  le  sens  même  du  plissement.  Si  cette 
région  était  seule  dans  de  semblables  conditions,  il  serait  peut-être 
imprudent  d'assigner  un  rôle  séismogénique  au  plissement  armori- 
cain ;  mais  cette  opinion  est  corroborée  et  rendue  plausible  par  le 
fait  que,  sur  le  continent,  les  autres  fragments  de  la  chaîne  reprodui- 
sent exactement  les  mêmes  circonstances  séismiques  et  géologiques, 
de  sorte  qu'il  faut  admettre  une  origine  commune  à  leurs  secousses, 
et  celle  invoquée  paraît  bien  la  seule  possible. 

Un  tremblement  de  terre,  ressenti  le  3  mars  1904,  est  venu,  dans 
une  certaine  mesure,  confirmer  ces  dernières  considérations.  Davison  ' 
en  a  localisé  l'épicentre  en  mer,  à  4  milles  environ  au  sud  de 
Marazion.  L'allure  de  ses  isoséistes  fait  supposer  pour  l'aire  ébranlée 
un  axe  parallèle  aux  filons  métalliques  exploités  dans  la  presqu'île 
extrême  de  la  Gornouailles,  mais  il  n'y  a  pas  d'indice  qu'une  faille 
sous-marine,  affectant  le  fond  de  la  baie,  ait  pu  donner  lieu  au 
séisme.  On  ne  peut  non  plus,  d'après  Glément  Reid,  l'attribuer  à  des 
mouvements,  affaissements  ou  éboulements,  dans  les  anciens  tra- 
vaux de  mines  qui  s'étendaient  sous  la  mer,  leur  position  ne  corres- 
pondant pas  à  celle  du  foyer;  d'ailleurs  l'aire  pléistoséiste  atteignait 
une  vingtaine  de  milles,  de  Sennen  à  Helston,  distance  trop  consi- 
dérable pour  ce  genre  de  secousses.  Davison  pense  que  ce  tremblement 
de  terre  est  peut-être  en  relation  avec  la  formation  d'un  bassin 
éocène,  maintenant  immergé  sous  la  Mount's  Bay  et  la  partie  occi- 

^  The  Penzanee  earthquake  of  March  S"!,  1904  [GeoL  Mag.^  Décade  V,  I,  n»*  484.487. 
London). 


&2  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

dentale  de  la  Manche,  dont  l'existence  a  fait  Tobjet  des  études  de 
Clément  Beid'.  Cette  suggestion  explique  trop  bien  les  séismes  qui 
ébranlent  simultanément  les  côtes  occidentales  de  la  Manche,  Bre- 
tagne et  Comouailles,  pour  qu'on  ne  l'adopte  pas,  au  moins  provi- 
soirement. 

L'activité  séismique,  assez  grande  dans  le  Pembrokeshire,  atteint 
son  maximum  à  Haverfordwest,  au  contact  des  plis  pré-dévoniens  et 
post-carbonifériens,  où  d'importantes  et  nombreuses  failles  coupent 
la  presqu'île.  Les  secousses  de  la  côte  septentrionale  du  canal  de 
Bristol  jusqu'à  la  Severn  et  aux  Mendip  Hills  alignent  leurs  épi- 
centres  parallèlement  au  plissement,  et  la  même  disposition  s'étend 
à  ceux  de  l'Exmoor*,  de  l'autre  côté  du  bras  de  mer,  ce  que  Davison 
explique  par  la  faille  des  Morte  Slates.  Le  même  séismologue  met  les 
épicentres  du  Nord  de  la  Cornouailles  en  relation^  avec  une  faille 
présumée  tout  en  reconnaissant  que  les  aires  ébranlées  ont  leurs 
axes  allongés  parallèlement  au  plissement,  observation  sufGsant  à 
justifier  l'influence  de  ceux-ci,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  recourir 
à  une  dislocation  encore  hypothétique.  C'est  avec  beaucoup  plus  de 
probabilité  qu'il  attribue  ceux  de  Blisland  et  de  Wendron  à  des 
failles  locales.  Les  séismes  de  Poole,  de  la  New  Forest  et  de  la  côte 
du  Dorsetshire  relèvent  aussi  des  mêmes  plissements,  sans  qu'on 
puisse  nier  que  les  failles  de  Bidgew^ay  (d'Abbotsbury  à  Winfrith)  et 
d'Osmington  (au  Nord  de  la  baie  de  Swanage)  ne  puissent  aussi 
intervenir.  En  tout  cas,  elles  affectent  un  synclinal  se  prolongeant 
peut-être  jusqu'en  France  et  qui  est  la  contre-partie  de  l'anticlinal 
passant  au  Nord  de  Weymouth.  Ici  encore,  il  est  difficile  d^ échapper 
à  la  conclusion  que  le  plissement  joue  le  principal  rôle,  tant  les 
épicentres  tendent  à  se  disposer  parallèlement,  circonstance  qui  se 
réproduit   aux  South  Dovirns  de  l'autre  côté  de  l'île  de  Wight. 

La  baie  de  Penzance  et  la  côte  d'alentour  *  sont  assez  souvent  le 
siège  de  marées  anormales  et  de  vagues  peut-être  d'origine  séis- 
mique,  car  certains  tremblements  de  terre,  d'épicentres  tout  à  fait 
indéterminés,  ébranlent  à  la  fois  les  côtes  anglaises  et  françaises  de 

*  On  thé  probable  occurrence  of  &n  Eocene  outiier  off  the  Gornish  Goast  (Quart, 
Journ,  of  the  geol.  Soc,  LX,  113.  London,  1904). 

*  On  the  Exmoor  earthquake  of  January  23rd  1894,  and  on  ils  relation  to  the  nor- 
them  boundary  Fault  of  the  Morte  Slates  {Geol.  Mag.,  Décade  lY,  IIl,  553). 

*  The  cornish  earthquakes  of  March  29«»  to  April  2»^  4898  (Quart,  Journ.  of.  the  geol. 
Soc,  LVI,  1900, 1). 

*  Edmonds.  An  Account  of  an  extraordinary  movement  of  the  Sea  in  Gomwall. 
July  1843»  with  notices  of  similar  movements  in  previous  years,  and  also  of  earthquakes 
which  hâve  occurred  in  Comwail  (Trans,  of  Ike  Roy.  Soc.  of  Cornwall,  VI,  111, 1846). 


LES  ILES  BRITANNIQUES  53 

la  Manche  occidentale.  On  peut  y  voir  sans  doute  un  reste  de  vitalité 
des  efforts  de  démanlëlement  du  continent  atlantique,  qui  ont  ouvert 
la  Manche  dans  la  basse  vallée  d'un  maître  fleuve,  la  Seine,  tron- 
quée à  son  embouchure  actuelle,  collectant  les  eaux  de  la  Gor- 
nouailles,  de  la  Bretagne  et  de  la  Picardie. 


3.  —  Les  plaines  orientales  anglaises. 

Le  versant  anglais  de  la  mer  du  Nord  est  formé  par  une  succes- 
sion de  sédiments,  déposés  depuis  l'époque  carboniférienne  dans  des 
mers  ouvertes  vers  l'Orient.  Ainsi  appuyés  contre  le  bord  du  vieux 
continent  atlantique,  c'est-à-dire  au  pied  des  chaînes  calédonienne 
et  armoricaine  qui  en  formaient  Tossature,  ils  se  présentent  en 
bandes  grossièrement  parallèles  et  d'ancienneté  croissante  de  l'Est  à 
l'Ouest.  De  nombreuses  alternances  d'émersion  et  d'immersion  en 
sont  toute  l'histoire  géologique,  et  en  particulier  la  chaîne  pennine, 
qui  coupe  l'Angleterre  du  Nord  au  Sud  entre  Tisthme  de  Solway  et 
Derby,  date  d'une  époque  de  peu  postérieure  au  Garboniférien  ; 
mais  les  actions  extérieures  de  destruction  ne  nous  ont  conservé 
que  de  faibles  restes  de  son  ancienne  splendeur.  Son  relief  est  beau- 
coup plus  accentué  sur  la  mer  d'Irlande  que  sur  la  mer  du  Nord  ;  aussi 
la  séismicité,  d'ailleurs  très  modérée,  y  est-elle  plus  grande  à  l'Ouest 
qu'à  l'Est.  La  dernière  immersion  partielle  du  versant  oriental 
date  de  l'époque  pléistocène,  alors  que  la  mise  en  communication 
des  deux  mers,  presque  sous  les  yeux  de  l'homme,  n'a  plus  laissé 
subsister  qu'un  réseau  hydrographique  tronqué  sur  la  Manche  et  la 
mer  du  Nord. 

Gelte  disposition  des  bandes  sédimentaires  en  pentes  douces  et 
cette  architecture  tabulaire  peu  dérangée  font  prévoir  une  grande 
stabilité,  que  confirme  l'observation  en  dépit  de  nombreuses  traces, 
sur  les  côtes,  de  mouvements  positifs  et  négatifs  très  modernes. 

Sur  le  versant  de  la  mer  d'Irlande,  les  domaines  des  plissements 
calédoniens  et  armoricains  (ou  hercyniens)  ont  laissé  subsister  à 
l'Ouest  de  la  chaîne  Pennine,  et  entre  le  High  Peak  et  Bradshaw 
Hill,  une  lacune  :  territoire  carboniférien  et  triasique  au  Sud,  appar- 
tenant donc  géologiquement,  sinon  géographiquement,  aux  plaines 
orientales,  tandis  qu'au  Nord  s'étend  le  pittoresque  District  des  Lacs. 
Les  mouvements  qui  ont  relevé  la  pénéplaine  orientale  vers  l'Ouest 
ont  d'autant  plus  disloqué  les  terrains  qu'ils  étaient  plus  rapprochés 
de  l'obstacle  —  ici,  la  chaîne  calédonienne  —  dont  ne  subsistent 


54  GÉOGRAPHIE  SEISMOLOGIQUE 

que  les  débris,  et  c*est  pour  cela  que  les  séismes  sont  moins  rares  à 
rOuest,  du  côté  où  le  relief  est  aussi  le  plus  accentué. 

Les  secousses  sont  relativement  assez  fréquentes  dans  le  Garboni- 
férien  de  Manchester  et  le  Trias  du  Lancashire.  Dans  chaque  cas 
particulier,  des  dislocations  locales  ne  manquent  pas  pour  les 
expliquer  d'une  manière  plausible.  Ainsi  la  faille  de  Tlrwell,  s'éten- 
dant  sur  20  milles  de  Poyton  à  Bolton  avec  un  rejet  d'au  moins 
i  000  mètres  en  certains  endroits,  est  considérée  par  Davison  comme 
jouant  un  rôle  dans  les  séismes  du  district  houiller  de  Pendleton, 
d'ailleurs  ti-ès  disloqué  par  d'autres  accidents. 

Le  pays  des  Lacs,  au  squelette  éruptif  ancien,  s'étend  sur  l'Ouest 
des  comtés  de  Cumberland  et  de  Westmoreland.  C'est  un  bloc  cam- 
brien  et  silurien,  émergeant  des  grès  rouges  triasiques  et  permiens 
et  du  Carboniférien.  Il  est  coupé  par  de  profondes  entailles  qui 
amènent  bien  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  le  fond  des  lacs 
linéaires,  aux  bords  abrupts,  qui  les  remplissent.  En  particulier,  les 
Lochs  Windermere  et  Thirlmere  se  prolongent  l'un  et  l'autre  de 
chaque  cdté  du  massif,  dont  ils  sont  la  plus  importante  ligne  séis- 
mique,  d'après  la  distribution  des  épicentres  sur  cette  longue  frac- 
ture diamétrale. 

On  a  déjà  dit  que  le  versant  oriental  de  la  chaîne  Pennine  est  très 
stable,  et  il  y  a  peu  d'observations  intéressantes  à  y  faire.  Aux 
environs  de  Birmingham,  un  petit  groupe  d'épicentres  doit  sans 
doute  son  existence  aux  dislocations  du  Carboniférien,  sinon  plissé, 
du  moins  relevé  contre  la  chaîne  Pennine,  et  Uavison  *  attribue  les 
séismes  de  Leicester  à  des  mouvements  d'une  faille  anticlinale  pré- 
carboniférienne,  hypothèse  assurément  risquée,  en  raison  même  de 
la  grande  ancienneté  de  cette  faille,  à  moins  qu'elle  ait  rejoué  à  une 
époque  postérieure,  ce  que  nous  ignorons. 

Davison,  à  propos  d'un  séisme  du  21  juin  1904,  est  revenu  de 
nouveau  sur  les  tremblements  de  terre  de  Leicester  *  pour  confirmer 
son  opinion  antérieure  relative  au  rôle  séismogénique  de  la  faille  de 
Woodhouse-Eaves,  qui  n'affecte  pas  le  Trias.  Si  l'ancienneté  de  cet 
accident  ne  permet  pas  d'admettre,  sous  forme  de  séismes,  un  reste 
de  vitalité  des  efforts  tectoniques  auxquels  il  doit  naissance,  il  n'est 
cependant  pas  trop  risqué  de  supposer,  remarque  applicable  à  beau- 
coup de  cas  analogues,  que,  par  manque  d'équilibre  le  long  de  la 

•  On  the  Leicester  earthquake  of  August  i^\  1893  {Proc,  of  Ike  roy.  Soc,  LVII,  87). 

*  Tlie  Leicester  earthquakes  of  Âugust  4U>,  1893,  and  June  21  "^  1904.  (Quart,  joum, 
ofthegeoL  Soc,  LXI.  1.  London,  1905). 


LES  ILES  BRITANNIQUES  55 

dislocation,  ou  par  toute  auti*e  cause,  des  mouvements  se  produisent 
encore  de  nos  jours  le  long  des  deux  lèvres  de  la  faille  en  donnant 
lieu  à  des  séismes.  Il  est  bien  évident  qu'une  certitude  absolue  ne 
pourrait  s'obtenir  qu'au  moyen  d'observations  directes  telles  que 
celles  instituées  à  la  faille  de  Ridgeway  dont  on  a  parlé  dans  l'intro- 
duction. 

Gomme  capitale,  Londres  a  certainement  enregistré  à  tort  et  à  son 
seul  profit  beaucoup  de  secousses  venant  d'ailleurs,  mais  non  signalées 
en  d'autres  points  et  qui  n'y  avaient  pas  leurs  épicentres.  Ce  foyer 
d'ébranlement  est  donc  plus  appai*ent  que  réel,  et  doit  être  rattaché, 
soit  aux  plissements  armoricains  des  Downs,  soit  aux  dislocations 
transversales  du  bombement  wealdien,  dont  une  faille,  celle  dite  de 
Médina,  semble  jouer  un  rôle  important  pour  les  séismes  de  l'île  de 
Wight.  C'est  dans  ce  sens  seulement  qu'on  peut  se  rallier  à  l'opinion 
deO'Reilly  (/.  c.)  d' après  lequel  une  ligne  séismique  traverse  l'Angle- 
terre sud-orientale  en  reliant  la  côte  méridionale  du  Pays  de  Galles 
à  l'embouchure  de  la  Somme,  conformément  aux  idées  de  Godwin- 
Austin  qui,  dès  1855,  soupçonnait  la  continuité  des  couches  de 
houille  jusque  sous  Londres  et  ses  environs.  Des  lors,  les  quelques 
tremblements  de  terre  de  ces  parages  relèveraient  encore  plus  clai- 
rement des  plissements  armoricains.  De  cette  façon,  il  y  aurait  aussi 
continuité  avec  le  district  séismique  du  bassin  houiller  franco-belge, 
par-dessous  la  Manche,  simple  et  peu  profonde  tranchée  ouverte  à 
une  époque  très  récente  entre  la  France  et  l'Angleterre,  au  travers 
de  terrains  qui  se  correspondent  exactement  de  rive  à  rive. 

Le  treaiblement  de  terre  du  22  avril  1882  dans  l'est  de  l'Angleterre 
a  été  l'objet  de  travaux  importants  et  Rockwood*  résume  la  commu- 
nication faite  en  mars  1885,  à  l'Essex  Field  Club,  par  Meldola  et 
White,  en  rapportant  que,  d'après  ces  savants,  le  séisme  a  été  pro- 
duit par  la  décompression  des  roches  profondes. 

*  An  account  of  the   progress  in  Vulcanology  and   S<3isuK)Iogy  in  the  year  1885 
{Smithnonian  Hep.  for  1885,  N»  634.  Washington,  1886). 


CHAPITRE  III 

L'EUROPE  MOYENNE.  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE 


Le  trait  dominant  de  la  géographie,  et  en  même  temps  de  la  géo- 
logie de  l'Europe  centrale,  ou  plutôt  moyenne,  est  la  chaîne  des 
Alpes,  résultat  d'un  grand  plissement  tertiaire  qui  en  a  continué 
plusieurs  autres  plus  anciens,  et  de  sa  contre-partie  Teffondrement 
contemporain  de  la  dépression  méditerranéenne.  Au  Nord  et  en 
avant  de  ces  deux  grands  accidents  parallèles  se  dresse  une  série  de 
massifs,  ou  de  horsts,  archéens  et  primaires,  qui,  de  la  Bretagne  à  la 
Meseta  ibérique,  s'étendent  de  l'Ouest  à  l'Est  jusqu'à  la  Bohême,  sans 
compter  d'autres  plus  orientaux  jusqu'à  l'Oural,  qui  seront  étudiés 
ailleurs.  Ils  ont  fait  obstacle  aux  mouvements  alpins  et  ont  protégé 
contre  le  plissement  les  sédiments  primaires,  secondaires  et  tertiaires 
déposés  dans  leurs  intervalles  et  en  avant  d'eux  jusqu'à  la  Manche, 
la  mer  du  Nord  et  la  Baltique.  Mais  s'ils  ont  eux-mêmes  supporté, 
en  général,  l'effort  des  plissements  armoricains,  ou  hercyniens,  ils 
n'en  ont  pas  moins  conservé  la  situation  d'îles  au  milieu  des  mers 
changeantes  qui,  à  diverses  époques  géologiques,  baignaient  leurs 
pieds  et  s'avançaient  ou  se  reculaient  alternativement.  L'ancienneté 
des  plissements,  ou  l'architecture  tabulaire  des  sédiments  séparant 
les  massifs,  expliquent  pourquoi  ces  territoires  échappent  aux  désas- 
tres séismiques,  tout  en  étant,  ici  ou  là,  le  théâtre  de  tremblements 
de  terre  ordinairement  modérés,  par  endroits  fréquents,  mais  rare- 
ment sévères. 

On  ne  peut  dire  d'une  façon  absolue  que  les  plissements  tertiaires 
n'aient  pas  atteint  ces  régions.  En  particulier,  les  Pyrénées  ont  surgi 
à  la  suite  d'un  plissement  de  l'époque  éocène,  c'est-à-dire  anté- 
rieurement aux  mouvements  alpins,  qui  ont  atteint  leur  apogée  au 
Miocfene.  Il  est  donc  plus  naturel  d'étudier  les  Pyrénées  avec  le 
géosynclinal  méditerranéen,  quoique  cette  chaîne  n'en  fasse  point 
strictement  partie,  et  aussi  la  Meseta  ibérique  avec  l'Europe  moyenne 
parce  que,  si  elle  est  séparée  des  autres  massifs  homologues,  son 
lûstoire  géologique  n'en  est  pas  moins  absolument  identique. 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  57 

Dans  ces  pays  d'ancienne  et  haute  culture,  les  renseignements 
séismoiogiques  abondent,  quoique  des  études  systématiques  ne 
fassent  que  commencer  à  y  être  organisées  çà  et  là.  La  répartition 
des  tremblements  de  terre  y  est  donc  connue  d'une  manière  très 
satisfaisante,  comme  on  le  verra  progressivement  par  la  mention  en 
temps  et  lieu  des  principaux  catalogues  régionaux,  en  particulier 
celui  de  Perrey  *  pour  la  France  et  les  Pays-Bas, 

1.  —  Bretagne,  Gotentln  et  Vendée. 

Le  massif  armoricain,  Bretagne,  Gotentin  et  Vendée,  est  assez 
stable  dans  son  ensemble,  et  les  épicentres,  plus  nombreux  que 
riches  en  secousses,  se  montrent  surtout  aux  extrémités  orientales 
des  deux  grands  anticlinaux  qui  en  forment  l'ossature ,  tandis  que  le 
synclinal  intermédiaire  n'en  renferme  presque  pas.  Cette  stabilité 
générale  relative  s'explique,  puisqu'il  s'agit  là  d'un  horst  d'ancienne 
consolidation,  à  peine  dérangé  pendant  les  périodes  secondaire  et 
tertiaire. 

L'anticlinal  du  Nord  présente  un  essaim  d'épicentres  autour  de 
Brest  et  ils  reparaissent  nombreux  aux  environs  de  Saint-Malo  ;  les 
îles  normandes  elles-mêmes  sont  assez  fréquemment  ébranlées.  Cet 
anticlinal,  surtout  archéen,  est  à  peu  près  parallèle  à  une  ancienne 
ligne  éruptive  Tréguier-Jersey,  qui  accuse  une  ligne  de  moindre 
résistance,  dont  l'existence  est  évidemment  liée  au  plissement  post- 
carboniférien.  On  est  ainsi  amené  à  penser  que  l'alignement  des 
épicentres  aux  deux  extrémités  de  l'anticlinal  n'est  pas  fortuit  et 
résulte  des  mêmes  causes  profondes  que  la  ligne  éruptive  et  le  plis- 
sement. Les  efforts  qui  ont  ouvert  la  Manche,  ont  commencé  à  une 
époque  assez  ancienne,  mais  se  sont  continués  tardivement,  alors 
qu'elle  formait  la  basse  vallée  d'une  grande  Seine  prolongée  vers 
rOuest.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  ces  actions  aient  aussi  pu 
laisser  trace  sous  forme  de  séismes.  Ce  qui  rendrait  assez  plausible 
cette  dernière  suggestion,  ce  sont  les  secousses  qui  agitent  également 
les  côtes  anglaises  et  françaises  sans  que  l'on  sache  exactement  d'où 
ils  émanent  :  leur  origine  est  peut-être  en  pleine  Manche.  Ces  efforts 
se  manifesteraient  donc  encore  maintenant  surtout  dans  Tangle  du 
golfe  de  Saint-Malo  et  vers  la  racine  du  Cotentin.  Ce  serait  un  argu- 

'  Mémoire  snr  les  tremblements  de  terre  ressentis  en  France,  en  Belgique  et  en  Hollande 
depuis  le  iv*  siècle  de  Tère  chrétienne  jusqu'à  nos  jours  (Mém.  Ac.  de  Bruxelles, 
XYia.  iStt). 

H.  Duchaussoy.  Les  tremblements  de  terre  en  Picardie  {Bull,  soc,  linyiéenne  du  Nord 
de  la  France,  XI,  n««  254. 305, 1893.  Amiens). 


58 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


ment  en  faveur  de  l'augmentation,  pendant  les  temps  historiques 
mêmes,  de  la  surface  marine  dans  ces  parages,  mouvements  d'ailleurs 
contestés  par  certains  auteurs.  On  aurait  dfes  lors  une  série  de  quatre 
phénomènes  successifs,  dérivant  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
d'une  même  origine  tectonique  :  éruptions  camhriennes  des  îles  nor- 


Tv^jjSCkoorg 

• 

Gucrnesey  i.^               A             S 

•      •    •    • 

J"^ 

O^Brest 

• 

V^  ...V 

•            ^                           Ernèe 

> 

fVannes 

\/ÊL            •                                 Anqers 

Fig.  4.  —  Bretagne,  Cotentin  et  Vendée. 


mandes  et  du  Trégorois,  plissement  post-carboniférien,  affaissement 
ultérieur  et  enfin  séismes  actuels. 

Les  épicentres  se  disposent  à  peu  près  de  la  même  manière  sur 
l'anticlinal  du  Sud  de  la  Bretagne,  et  ils  accompagnent  fidèlement 
l'épanouissement  en  éventail  que  les  plissements  présentent  en 
Vendée.  Cette  simple  remarque  corrobore  donc  fortement  la  com- 
munauté d'origine  tectonique.  Au  Nord  de  la  Loire,  vers  le  Sillon 
de  Bretagne,  les  épicentres  se  présentent  avec  une  densité  notable- 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  6ILÉSIE  59 

ment  moindre  qu'au  Sud,  phénomène  qui  se  retrouvera  dans  TErzge- 
birge  où  les  grands  Glons  de  quartz  de  ses  pentes  méridionales  sont 
entourés  de  véritables  oasis  de  repos  au  milieu  d'un  district  très 
fréquemment  ébranlé. 

Les  séismes  vendéens  ne  sont  pas  seulement  en  relation,  au  moins 
certains  d'entre  eux,  avec  le  plissement  hercynien,  mais  au  S.  E.  ils 
paraissent  dépendre  aussi  de  la  faille  de  Youvant,  grâce  à  laquelle 
les  agents  de  destruction  ont  respecté  les  petits  bassins  houillers 
qui  s'échelonnent  de  Ghantonnay  au  lac  de  Grandlieu.  Cette  disloca- 
tion se  prolonge  jusque  dans  la  rade  des  Coureaux  de  Belle-Ile, 
ébranlée  récemment.  On  sera  d'autant  moins  surpris  de  lui  voir 
jouer  un  rôle  séismogénique  que,  d'après  Barrois*,  elle  aurait  eu  un 
second  mouvement  post-crétacé.  D'un  autre  côté  elle  présente  à  très 
peu  de  chose  près  la  direction  du  plissement  de  la  Comouailles  bre- 
tonne. On  peut  donc  la  considérer  comme  un  effet  concomitant  du 
plissement,  de  sorte  que  l'attribution  desséismesàla  faille  ne  change 
pour  ainsi  dire  rien,  quant  aux  causes  profondes  des  trois  ordres  de 
phénomènes  successifs  :  plissements,  faille  et  séismes,  tout  comme 
cela  s'est  présenté  pour  Tanticlinal  du  Nord  avec  les  épanchements 
éruptifs  en  plus  et  l'affaissement  de  la  Manche  aux  lieu  et  place  de 
la  dislocation  vendéenne. 

Le  foyer  4'ébranlement  de  la  basse  Loire  est  oblique  par  rapport 
au  plissement  hercynien.  Or  il  s'agit  là  d'un  ancien  golfe  tertiaire, 
non  seulement  asséché  par  colmatage,  mais  encore  soulevé  à  une 
époque  très  récente.  Il  y  a  eu  autour  de  Testuaire,  et  même  plus 
en  amont,  une  série  de  mouvements  récents  de  sens  contraires  qu'il 
n'est  pas  étonnant  de  voir  se  perpétuer  sous  la  forme  atténuée  de 
séismes. 

Avec  le  foyer  séismique  assez  important  d'Angers  et  d'Ancenis% 
on  retombe  sur  l'extrémité  des  plissements  hercyniens.  D'ailleurs  le 
Silurien  est  ici  très  disloqué,  et  un  long  bassin  houiller  (Ancenis- 
Chalonnes)  fait  retrouver  en  partie  les  conditions  séismogéniques  de 
la  Vendée. 

2.  —  Plateau  Central  finançais. 

Cette  région  se  déflnit  d'elle-même.  Sauf  l'enclave  jurassique  des 
Causses  au  Sud  et  le  petit  massif  annexe,  mais  pour  ainsi  dire  indé- 

*  Répartition  des  fies  méridionales  de  la  Bretagne  et  leurs  relations  avec  les  failles 
d'éUrement  {Ann,  soc.  géol.  du  Nord,  XXVI,  2.  Lille,  1897). 

*  Perrey.  Notice  sur  les  ti^emblcinents  de  terre  ressentis  &  Angers  et  dans  le  dépar- 
tement de  Maine •etrLoire  [Bull,  soc.  industr,  d'Angers,  n-  4  et  5.  15*  année,  1844). 


60  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

pendant  du  Morvan  au  Nord,  elle  constitue  une  division  bien  natu- 
relle à  tous  les  points  de  vue.  Assurément  son  histoire  géolog^ique 
n'est  point  simple,  mais  au  milieu  des  nombreuses  vicissitudes 
qu'elle  a  subies  domine  le  fait  caractéristique  de  n'avoir  jamais 
depuis  les  temps  les  plus  reculés  été  complètement  immergée,  et  de 
représenter  un  important  fragment  de  la  grande  chaîne  hercynienne 
de  l'Europe  moyenne,  témoin  réduit  à  l'état  de  pénéplaine  disloquée 
et  de  toutes  parts  entourée  de  sédiments  secondaires  et  tertiaires 
formant  les  golfes  profonds  des  Gausses  au  Sud  et  de  la  Limagne 
au  Nord. 

Les  séismes  y  sont  très  rares  et  peu  intenses,  comme  on  devait 
s'y  attendre  pour  un  massif  resté  fixe,  au  centre  de  la  France  si  sou- 
vent bouleversée. 

Si  l'on  part  du  Midi,  on  voit  que  la  Montagne  Noire  est  absolu- 
ment aséismique;  cela  s'explique,  car  elle  a  résisté  aux  mouvements 
pyrénéens  qui  ont  poussé  contre  sa  bordure  méridionale  les  sédi- 
ments du  Languedoc  auxquels  elle  a  servi  de  butoir,  et  précisément 
on  ne  connaît  là  qu'un  point,  Bédarieux,  où  quelques  secousses 
rappellent  vraisemblablement  les  effondrements,  conséquences  ulté- 
rieures de  cette  poussée  venant  du  Midi. 

L'absence  de  tout  plissement  rend  bien  compte  de  la  parfaite  stabi- 
lité des  Causses.  Cette  observation  mérite  d'être  relevée,  car  la 
structure  karstique  passe  pour  être  éminemment  favorable  à  la 
séismicité  ;  mais  il  y  faut  en  plus  Tarchitecture  plissée,  comme  dans 
l'Europe  sud-orientale,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin.  Le  manque  de 
tremblements  de  terre  dans  les  Causses  montre  aussi  qu'on  a  exagéré 
le  rôle  séismogénique  des  éboulements  par  dissolution,  phénomène 
qui  s'y  produit  sur  une  grande  échelle,  et  dont  l'étude  a  conduit 
deMartel  à  la  création  d'une  véritable  science  autonome,  la  Spéléo- 
logie. 

Le  Plateau  Central  montre  sa  plus  importante  région  séismique, 
bien  modérée  toutefois,  le  long  d'une  longue  zone  Nord-Sud  s'éten- 
dent de  Montluçon  et  Montmarault  à  Saint-Flour  et  Langeac.  Il  ne 
saurait  être  là  exclusivement  question  de  plissements  comme  cause 
séismogénique,  parce  que  si  une  telle  origine  peut  être  à  la  rigueur 
invoquée  pour  la  partie  nord  de  la  traînée  houillère  très  plissée  qui 
s'étend  de  Champagnac  et  Mauriac  à  Commentry,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  les  séismes  ne  se  font  pas  sentir  dans  sa  partie  méri- 
dionale. La  même  raison  semble  aussi  devoir  faire  exclure  la  faille 
qui  accompagne  à  l'ouest  cette  remarquable  série  de  petits  bassins, 
déposés,  pense-t-on,  dans  une  coupure  analogue  au  Canal  Calédonien. 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A   LA  SILÉ81E  61 

On  ne  peut  plus  faire  intervenir  Tactivité  volcanique,  car  elle  ne 
coïncide  que  très  partiellement  avec  la  zone  séismique.  Seules  les 
secousses  de  Mont-Dore  pourraient  reconnaître  cette  cause.  La 
même  raison  s'applique  évidemment  à  la  faille  séparant  la  Limagne 
tertiaire  du  socle  granitique  de  la  chaîne  des  Puys  d'Auvergne,  et  à 
laquelle  on  ne  pourrait  attribuer  avec  quelque  probabilité  que  les 
rares  secousses  de  Riom  et  de  Clermond-Ferrand,  qui  justement 
présentent  un  caractère  nettement  linéaire.  Les  chocs  ressentis  à 
Pontgibaud  et  à  Chantelle  ne  peuvent  être  en  relation  avec  la  cou- 
pure de  la  Sioule,  simple  vallée  d'érosion  sans  caractère  tectonique. 
Bref,  la  zone  séismique  en  question  est  vraisemblablement  d'origine 
multiple  et  diverse,  et  les  causes  possibles  signalées  toutes  égale- 
ment en  faible  activité. 

Le  Puy  est  un  centre  assez  notable  d'ébranlement.  Reste  de  la 
puissante  activité  volcanique  du  Yelay,  continuée  jusqu'au  pléisto- 
cène  après  son  maximum  pliocène,  ou  suite  du  mouvement  d'affais- 
sement du  bassin  lacustre  tertiaire?  On  ne  saurait  guère  prendre  parti. 
La  seconde  interprétation  a  cependant  pour  elle  la  stabilité  parfaite 
de  la  plus  grande  partie  de  la  chaîne  volcanique  des  Puys,  du  Cantal 
et  de  l'Aubrac.  D'un  autre  côté,  les  autres  bassins  lacustres  analo- 
gues, Limagne,  Bourbonnais,  Roannais,  Forez,  etc.,  sont  entiè- 
rement aséismiques,  de  sorte  que  les  secousses  du  Puy  restent  sans 
explication  nette. 

Quelques  séismes  ont  affecté  le  bord  oriental  du  Morvan,  autour 
des  bassins  houillers.  De  nombreuses  dislocations  peuvent  en  rendre 
compte,  mais  le  remarquable  faisceau  de  plis  hercyniens,  qui  s'éten- 
dent de  Saint-Étienne  et  Vienne  à  Semur  et  Avallon,  ne  peut  guère 
en  être  rendu  responsable.  On  notera  la  stabilité  de  tous  ces  bassins 
houillers,  en  opposition  avec  les  tremblements  de  terre  qui  agitent 
ceux  du  Nord,  déposés  dans  un  grand  géosynclinal  carboniférien. 

A  plusieurs  reprises,  tout  le  massif  central  a  été  secoué  par  des 
tremblements  de  terre  de  grande  extension,  mais  dont  les  épicentres 
sont  tout  à  fait  indéterminables.  Il  semblerait  s'agir  là  de  mouvements 
d'ensemble,  de  cause  profonde,  au  sujet  desquels  on  ne  peut,  en  l'état 
actuel  de  nos  connaissances,  émettre  aucune  suggestion  défendable 
sans  hypothèse  risquée. 

3.  —  La  Meseta  ibérique. 

La  Meseta  ibérique,  archéenne  et  primaire,  fait  de  l'autre  côté 
des  Pyrénées  le  pendant  du  Plateau  Central  français.  Sa  place  est 


62  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

donc  tout  à  fait  indiquée  ici,  en  dépit  de  la  séparation  produite  par  la 
chaîne.  Sauf  le  golfe  tertiaire  de  Tembouchure  du  Tage,  dont  il  sera 
question  ailleurs,  la  Meseta  occupe  tout  le  versant  atlantique  de  la 
péninsule  entre  les  caps  Finis  terre  et  Saint  Vincent  ou  Saô  Vicente. 
Son  bord  méridional  suit  la  côte  des  Algarves,  puis  domine  l'An- 
dalousie par  la  grande  dislocation  de  la  Sierra  Morena  jusqu'à 
Albacete,  tandis  que  sa  bordure  orientale  rejoint  le  milieu  de  la  côte 
cantabrique,  après  avoir  lancé  au  N.  E.  le  long  rameau  de  la  Sierra 
Guadarrama.  Elle  est  ainsi  pénétrée  par  les  couches  miocènes 
lacustres  de  la  vieille  et  de  la  nouvelle  Gastille,  qu'à  cause  de  leur 
stabilité  commune  avec  elle  on  lui  adjoindra,  en  dépit  de  la  diffé- 
rence de  constitution.  Ainsi  comprise,  la  Meseta  ibérique  englobe 
toute  la  presqu'île  moins  la  vallée  de  TEbre,  la  Catalogne  et  les 
Pays  Basques,  dépendances  des  Pyrénées,  l'embouchure  du  Tage  et 
l'Espagne  du  S.  E.  au  delà  de  la  grande  dislocation  de  la  Sierra 
Morena,  territoires  qui,  ainsi  qu'on  le  verra,  appartiennent  au  géo- 
synclinal méditerranéen.  Elle  comprend  toutes  les  parties  non  plis- 
sées  récemment,  c'est-à-dire  tout  ce  qui  ne  dépend  pas  de  la  chaîne 
bé tique  ou  des  Pyrénées.  Ses  derniers  plissements  n'ont  affecté  que 
le  Stéphanien  et  par  ailleurs  elle  est  restée  intacte  sauf  quelques 
effondrements  tertiaires  locaux. 

La  majeure  partie  des  granités  est  de  l'époque  carboniférienne,  et, 
d  une  façon  générale,  les  couches  postérieures  reposent  en  discor- 
dance sur  celles  anciennement  plissées  de  cette  période.  Le  bord 
occidental  montueux  de  la  Meseta  tombe  sur  le  fond  do  l'Atlantique 
par  un  raide  talus  jusqu'à  l'isobathe  de  2  000  mètres,  fort  rapprochée 
de  la  côte.  C'est  l'indice  que  ces  territoires,  dès  longtemps  soumis  à 
la  dénudation  et  à  l'érosion,  se  sont  relevés  assez  lentement  vers 
rOuest  pour  que  les  cours  d'eau  dirigés  de  l'Est  à  l'Ouest  aient  eu 
le  temps  de  creuser  profondément  leurs  lits  au  travers  du  massif 
graduellement  soulevé.  Dans  ces  conditions,  il  était  à  supposer  que 
l'ancien  massif  ne  pouvait  être  que  pénéséismique  tout  au  plus,  et 
c'est  bien  ce  que  confirme  l'observation. 

Quelques  secousses  agitent  la  Galice  et  le  Portugal,  le  long  de  la 
tranche  relevée  et  coupée  par  la  pente  océanique.  D'autres,  bien  plus 
remarquables  par  leur  extension  que  par  leur  intensité,  ébranlent 
parfois  toute  l'Espagne.  On  doit  y  voir  une  réminiscence  des  mou- 
vements d'ensemble  qui  ont  gauchi  toute  la  Meseta,  et  elles  sont  à 
rapprocher  des  secousses  analogues  du  Plateau  Central  français.  Dans 
le  centre,  Madrid  est  assez  souvent  le  siège  de  tremblements  de 
terre  et  les  anciens  chroniqueurs  en  relatent  de  sévères  pour  Tolède  ; 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  63 

les  deux  capitales  n*en  sont  évidemment  pas  les  véritables  épi- 
centres,  et  si  Ton  se  reporte  k  la  série  des  secousses  de  1848  dans 
la  Sierra  d*Albarracin  ou  de  Tremedal,  on  sera  porté  à  attribuer 
toutes  ces  secousses  aux  énergiques  plissements  des  zones  juras- 
siques, grossièrement  parallèles  à  la  rive  droite  de  TEbre,  qui 
s'étendent  au  S.  E.  de  Burgos,  à  peu  près  perpendiculairement  à  la 
Sierra  de  Guadarrama.  Les  monts  Gantabriques,  anciennement  plissés 
et  coupés  net  au  bord  du  golfe  de  Gascogne,  sont  restés  stables, 

4.  —  Le  bassin  parisien. 

On  comprend  sous  cette  dénomination,  assurément  impropre  mais 
fixée  par  un  long  usage,  un  ensemble  de  territoires  figurant  autour 
de  Paris  une  série  d'auréoles  sédimentaires,  secondaires  et  tertiaires, 
plus  ou  moins  régulières,  et  dont  les  couches  superficielles,  formant 
des  cuvettes  concentriques,  sont  d'autant  plus  jeunes  qu'on  se  rap- 
proche davantage  du  centre.  On  leur  adjoint  jusqu'à  la  Charente  le 
détroit  poitevin,  entre  la  Vendée  et  le  massif  central  français,  et  on 
les  limite  à  l'Est  à  la  Saône,  aux  Vosges,  aux  Ardennes  et  au  bord 
du  bassin  houiller  franco-belge  jusqu'à  Boulogne.  Cet  ensemble  est 
donc  bien  naturel,  puisqu'il  renferme  les  régions  sédimentaires  pos- 
térieures aux  temps  primaires  et  qui  ont  échappé  aux  mouvements 
pyrénéens  et  alpins  de  l'époque  tertiaire. 

Relativement  à  la  séismicité  générale  de  la  France,  le  détroit  poi- 
tevin est  assez  instable.  C'est  un  ensellement  résultant  de  l'affaisse- 
ment de  l'ancienne  pénéplaine  hercynienne  entre  les  horsts  de  la 
Vendée  et  du  Limousin  avec  pentes  latérales  remontant  vers  l'un 
el  l'autre  et  déclivité  transversale  vers  la  Charente  et  la  Loire.  Les 
sédiments  secondaires  sont  affectés  de  plis  hercyniens  posthumes, 
souvent  rompus  en  failles  autour  d'îlots  jurassiques,  ou  même  de 
lambeaux  plus  anciens,  et  leur  direction  S.  E.-N.  W.  les  rattache 
aux  plis  vendéens.  Comme  plis  et  séismes  s'arrêtent  au  S.  E  contre 
le  massif  central  stable,  les  premiers  paraissent  bien  donner  nais- 
sance aux  seconds. 

La  Charente  forme  à  peu  près  la  limite  entre  le  Jurassique  du  Nord 
et  le  Crétacé  du  Sud,  entre  les  plissements  hercyniens  du  Poitou  et 
pyrénéens  du  Périgord.  C'est  donc  une  limite  judicieusement  choisie. 
A  vrai  dire,  un  de  ces  derniers  plis  franchit  le  fleuve  à  Angoulême, 
mais  comme  sa  partie  méridionale  est  aussi  stable  que  ses  pareils, 
ce  foyer  d'ébranlement  ne  peut  lui  être  attribué.  Ce  sont  donc  bien 
les  plissements  hercyniens  qui  jouent  ici  le  rôle  séismogénique  et 


6i  GÉOGRAPHIE  8ËI8MOLOGIQUE 

continuent  la  région  vendéenne  d'instabilité.  L'île  d'Oléron  est  aussi 
affectée  d'un  plissement  aquitanien,  mais  elle  appartient  nettement 
au  centre  séismique  de  la  Rochelle^  qui  dépend  des  plissements  her- 
cyniens, 

La  région  pénéséismique  poitevine  s'étend^  en  augmentant  de 
stabilité,  jusque  vers  l'Indre,  d'Azay  à  Châtellerault  et  à  La  Châtre. 
Elle  se  soude  ensuite  à  celle  d'Angers  par  Saumur,  Poincé  etLouerre, 
de  sorte  qu'on  peut  lui  assigner  la  même  origine.  Il  faut  maintenant 
aller  loin  dans  l'Est  pour  rencontrer  un  district  quelque  peu  exposé 
aux  tremblements  de  terre;  c'est  celui  compris  entre  Arnay-le- 
Duc,  Dijon,  Dampicrre-sur-Vingeanne,  Bourbonne-les-Bains  et  Saint- 
Blin,  c'est-à-dire  à  cheval  sur  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  la 
Seine  et  la  Saône  ;  on  peut  en  signaler  en  passant  la  parfaite  stabilité 
des  champs  de  fracture  du  Sancerrois,  du  Nivernais  et  du  Bourbon- 
nais. On  voit  aussi  que  si  la  chute  en  échelons  de  la  Côte-d'Or  par 
failles  successives  sur  la  vallée  de  la  Saône  n'a  pas  laissé  de  traces 
de  mobilité  sous  forme  de  séismes,  c'est  probablement  qu'elles  sont 
ti'op  anciennes  puisqu'elles  n'ont  pas  affecté  le  Tertiaire  supérieur. 

Ce  nouveau  district  séismique  est  caractérisé  par  les  très  nom- 
breuses secousses  et  détonations  relatées  à  Bourbonne-les-Bains  en 
avril  et  mai  1861  S  avec  quelques  chocs  consécutifs  jusqu*en 
août  1862.  Le  régime  thermal  a  été  momentanément  troublé,  et  un 
affaissement  aurait  même  été  observé  à  un  kilomètre  et  demi,  près 
de  la  route  de  Neuchâteau.  Les  plus  fortes  secousses,  celles  du  19  et 
du  22  avril,  sont  restées  locales  et  n'ont  pas  ébranlé  plus  de  330  kilo- 
mètres carrés.  On  est  donc  fondé  à  les  attribuer  aux  dislocations 
des  vallées  de  l'Apance  et  de  son  affluent  le  ruisseau  de  Borne, 
avec  lesquelles  l'appareil  thermal  est  en  relation  directe.  Les  autres 
centres  d'ébranlement  à  l'ouest  de  Bourbonne  sont  peut-être  en 
relation  avec  les  affaissements  locaux  de  la  façade  jurassique 
moyenne  et  supérieure,  à  la  faveur  desquels  le  plateau  de  Langres 
tombe  sur  la  vallée  de  la  Saône  et  qui  ont  facilité,  comme  Ta 
montré  Barré  *,  l'allure  conquérante  du  Salon,  de  la  Vingeanne  et 
de  la  Tille,  poussant  leurs  têtes  sur  le  versant  occidental  par  déplace- 
ment de  la  ligne  de  faîte  physique. 

Poussant  toujours  vers  l'Est,  on  rencontre  le  district  séismique  de 
Plombières  et  Remiremont,  ou  de  la  Haute-Moselle,  avec  affaiblisse- 

*  Cabrol  et  Tamisier.  Relation  des  tremblements  de  terre  ressentis  à  Bourbonne-les- 
Bains  (Haute-Marne),  du  26  mars  au  25  mai  1861  (Ann,  Soc,  met.  de  France,  IV,  143, 
1861. 

*  L'architecture  du  sol  de  la  France.  Essai  de  géographie  tectonique  (Paris,  1903). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  65 

ment  progressif  vers  le  Nord  jusqu'à  Nancy  et  Metz  même.  Cette 
région,  d'ailleurs  peu  instable,  s'étend  vers  les  Vosges  à  SaintrDié  et 
Gérardmer.  Elle  fait  donc  le  pendant  très  réduit  de  celle  de  la  plaine 
alsacienne,  dont  elle  est  symétrique  par  rapport  au  massif  des  Vosges 
cristallines.  Or,  de  part  et  d'autre  de  ce  massif,  les  sédiments  secon- 
daires sont  tombés  par  paquets  successifs,  séparés  par  des  failles 
longitudinales.  On  verra  plus  loin  comment  cette  disposition  explique 
l'instabilité  de  la  plaine  rhénane,  et  cette  explication  reste  valable  de 
ce  côté  des  Vosges,  avec  cette  restriction  que  la  chute  beaucoup  plus 
accentuée  à  l'Est  a,  de  ce  même  côté,  déterminé  aussi  une  instabilité 
beaucoup  plus  grande,  de  telle  sorte  que  la  loi  de  la  séismicité  crois- 
sante avec  la  raideur  des  pentes  trouve  là,  non  seulement  une  con- 
firmation, mais  aussi  une  justification  en  rapport  avec  l'amplitude 
des  déplacements  verticaux. 

En  ce  qui  concerne  Bourbonne-les-Bains  et  Remiremont,  une 
remarque  s'impose.  Ces  deux  districts  séismiques  sont  séparés  par 
la  vallée  du  Coney,  et  en  outre  le  premier  correspond  à  l'Apance  et  à 
l'Amance.  Or,  tous  ces  affluents  de  la  Haute-Saône  forment  le  réseau 
hydrographique  d'une  dépression  due  à  un  affaissement  tertiaire,  et, 
justement,  ce  mouvement  a  atteint  son  maximum  dans  la  vallée  inter- 
médiaire du  Coney.  Les  séismes  de  ces  deux  régions  ne  représente- 
raient-ils pas,  dès  lors,  un  reste  de  vitalité  de  ce  mouvement?  Au 
contraire  l'extrémité  occidentale  du  district  de  Bourbonne  s'étend, 
jusqu'à  Dompierre-sur-Vingeanne,  sur  un  compartiment  relevé  com- 
prenant les  têles  de  TAmance,  du  Salon  et  de  la  Vingeanne.  Que 
ces  mouvements  en  sens  contraires  jouent  encore  un  rôle  séismogé- 
nique  c'est  là  une  question  réservée  aux  études  des  séismologues 
de  l'avenir. 

Un  très  petit  groupe  d'épicentres  autour  de  Soissons  n'a  pas  de 
signification  géologique  déterminée. 

Deux  autres  foyers  très  secondaires  correspondent  respectivement 
à  la  rive  gauche  de  l'embouchure  de  la  Somme  et  à  la  rive  droite 
de  celle  de  la  Seine,  ce  dernier  le  plus  notable.  Ces  deux  thalwegs 
parallèles  et  importants  coïncident  avec  deux  brusques  changements 
de  direction  de  la  côte,  indice  de  vicissitudes  considérables  qui 
laissent  cependant  planer  une  grande  indécision  sur  les  causes 
séisraogéniques  à  invoquer.  A  noter  en  passant  qu'un  célèbre  acci- 
dent du  voisinage,  la  boutonnière  du  pays  de  Bray,  est  dénué  de 
toute  mobilité.  Deux  tremblements  de  terre  ayant  ébranlé  ces 
parages  maritimes  sont  restés  célèbres,  ceux  du  6  avril  1580,  fort 
sévère,  et  celui  de  septembre  1671,  le  premier  surtout,  à  cause  d'une 

Db  MonsMUB.  —  Tremblements  de  terre.  5 


66  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

intensité  vraiment  anormale  en  France.  Us  ont  agité  de  longues  éten- 
dues de  côtes,  le  premier  plus  encore  que  le  second,  de  sorte  qu'on 
peut  supposer  leur  origine  sous  la  Manche,  mais  dans  une  position 
indéterminable  faute  de  renseignements  suffisants.  Il  se  pourrait 
même  que  les  secousses  mentionnées  près  de  l'estuaire  de  la  Somme 
dépendissent  en  réalité  de  la  région  pénéséismique  du  bassin 
houiller  franco-belge  ^  Les  plissements  hercyniens  pourraient  jouer 
ici  le  môme  rôle  que  plus  au  Nord.  Simple  suggestion  provisoire 
qu'il  appartiendra  à  Tavenir  de  confirmer  ou  non. 

On  rencontre  enfin  quelques  épicentres  dans  l'ouest  du  Calvados 
et  autour  de  Caen.  Il  s'agit  là  de  la  bordure  orientale  de  la  région 
pénéséismique  armoricaine.  On  peut  donc  provisoirement  invoquer 
aussi  les  plissements  hercyniens,  et  la  présence  de  petits  bassins 
houillers  n'est  pas  pour  diminuer  la  probabilité  de  cette  hypothèse. 

Le  reste  du  bassin  parisien  est  extrêmement  stable  et  il  n'y  a  pas 
lieu  de  s'arrêter  aux  six  secousses  connues  pour  Paris,  et  dont 
l'origine  vraie  doit  être  considérée  comme  inconnue.  Il  y  a  plutôt 
lieu  de  s'étonner  qu'en  raison  même  de  l'ancienneté  de  cette  capi- 
tale, il  n'en  ait  pas  été  mentionné  davantage.  Ce  nombre  prouve  à 
lui  seul  Taséismicité  de  cette  partie  du  bassin.  Trois  séismes  de 
Sainte-Colombe  dans  l'Yonne  n'ont  pas  plus  de  signification. 

L'aséismité  du  bassin  parisien  doit  attirer  Tattention,  car  elle 
semble  en  contradiction  avec  des  mouvements  séculaires  d'ensemble, 
attribués,  d'après  certains  travaux,  à  une  surface  notable  du  terri- 
toire de  la  France,  et  dont  cette  région  fait  partie. 

En  1888,  le  colonel  Goulier  a,  dans  une  notice  publiée  par  la  com- 
mission centrale  du  nivellement  de  la  France  (Min.  des  Travaux 
Publ.  Lois  provisoires  de  raffaissement  (Tune  portion  du  sol  de  la 
France),  comparé  les  résultats  du  nivellement  général,  dit  de  Bour- 
daloue  (1857-1863),  avec  ceux  du  nivellement  de  précision  commencé 
en  1884,  et  cela,  plus  spécialement,  pour  une  bande  comprise  entre 
Marseille  et  Lille.  Il  a  trouvé  que  l'écart  des  deux  séries  d'observa- 
tions augmente  régulièrement  du  Sud  au  Nord,  pour  atteindre  0,78  m. 
à  Lille,  et  que  les  courbes  d'égale  discordance  manifestent  un  bas- 
culement autour  d'une  courbe  fixe,  ou  neutre,  passant  près  de  Mar- 
seille, Cette  et  Cahors.  Cette  thèse  n'a  point  été  acceptée  à  la  Société 
géologique  de  France,  où  l'on  a  fait  valoir  la  petitesse  de  la  pertur- 
bation totale  et  la  possibilité  qu'elle  dérive  seulement  d'erreurs 

*  X  Saigneville,  à  un  petit  nombre  de  kilomètres  de  Tembouchure,  des  sondages 
s'effectuent  en  ce  moment  môme,  et  apparemment  avec  succès,  pour  retrouver  les 
couches  de  houille. 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  67 

systématiques.  Van  den  Broeck^  a  repris  la  question,  et  il  est  arrivé 
aux  conclusions  suivantes  :  «  La  constitution  géologique  de  la  région 
étudiée  montre,  au  premier  coup  d'oeil,  une  remarquable  corrélation, 
non  seulement  avec  la  forme  serpentante  et  sinueuse  du  thalweg 
de  l'immense  vallée  d'effondrement  séculaire  constaté  entre  Marseille 
et  Lille,  mais  encore  avec  toutes  les  prétendues  irrégularités  et  les 
traits  caractéristiques  de  la  disposition  des  courbes  tracées  le  long 
et  sur  les  deux  côtés  de  ce  thalweg  d'affaissement,  et  cela  sans 
exception.  Il  ressort  clairement  de  cette  juxtaposition  que  les  massifs 
des  chaînes  de  roches  cristallines,  surtout  les  plus  anciennes,  for- 
ment comme  des  horsts,  ou  butoirs,  contrariant  le  phénomène 
d'affaissement  et  le  faisant  géographiquement  évoluer,  par  contour- 
nement  de  ces  massifs,  entre  lesquels  les  dépôts  plus  ou  moins 
meubles  des  terrains  secondaires  et  tertiaires  ont  subi  l'affaissement 
si  clairement  dénoté  par  les  courbes  du  colonel  Goulier.  Il  ressort 
aussi  que  cet  affaissement  des  dépôts  secondaires  et  tertiaires  paraît 
causé  non  seulement  par  un  simple  affaissement  ou  tassement  de 
ces  dépôts,  relativement  peu  durcis  et  cohérents,  mais  par  le  rappro- 
chement des  massifs  cristallins,  ou  butoirs,  entre  lesquels  ils  sont 
enclavés.  » 

Sans  qu'il  soit  nécessaire  d'entrer  davantage  dans  le  détail  des 
observations  de  Van  den  Broeck,  il  a  paru  intéressant  de  rechercher 
si  la  courbe,  en  forme  de  thalweg,  autour  de  laquelle  les  courbes 
d'égale  discordance  entre  les  deux  nivellements  se  retournent,  pré- 
sente avec  la  distribution  des  épicentres,  entre  la  Méditerranée  et  la 
Manche,  la  corrélation  que  les  conclusions,  précédemment  rappelées, 
semblent  appeler  nécessairement.  Or  il  n'en  est  rien,  le  thalweg  est 
absolument  indépendant  des  régions  à  tremblements  de  terre,  qu'il 
évite  même  de  la  plus  complète  façon.  De  la  sorte,  le  groupement  des 
épicentres  n'apporte  aucun  appui  à  la  réalité  des  observations  du 
colonel  Goulier,  et  il  montre  l'indépendance  des  bradiséismes  et  des 
séismes,  à  supposer  réelle  l'existence  des  premiers  phénomènes, 
que  cette  indépendance  même  tend  à  faire,  à  elle  seule,  révoquer 
en  doute. 

5.  — -  Nord  de  la  France,  Belgique  et  Hollande,  'Westphalie 
et  plateau  rhénan. 

Cette  vaste  région  a   pour  limite  méridionale  le  bord   sud  du 

*  Affaissement  du  sol  de  la  France.  Preuves  géologiques  à  l'appui  des  obsenrations  du 
colonel  Goulier  (Pr.  V.  soc.  belge  de  géol.  paléoni.  et  hydrol.,  V,  13,  1891). 


68 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  69 

massif  primaire  ardennais,  c'est-à-dire  l'OIdenburgische  Wald, 
ligne  S.  W.-N.  E.  qui  rencontre  le  Rhin  à  son  coude  de  Bingen. 
Puis,  dans  cette  même  direction,  elle  suit  la  crête  du  Taunus  en  la 
laissant  au  Sud,  ce  qui  met  en  dehors  un  léger  fragment  du  massif 
primaire  pour  atteindre  le  pied  du  Vogelsgebirge  et  du  Rhôngebirge, 
en  passant  entre  les  sources  de  la  Fulda  et  de  la  Werra  au  Nord  et 
celles  de  deux  affluents  du  Main  au  Sud  :  la  Kinzig  et  la  Saale  ;  la 
Werra  et  la  Weser  forment  la  frontière  orientale  jusqu'à  Minden, 
ville  à  partir  de  laquelle  une  ligne  Osnabrûck-Zwolle  sert  de  limite 
septentrionale.  La  Sarre  en  aval  de  Sarrelouis,  puis  la  Moselle  en 
amont  du  confluent  de  la  première  jusqu'à  Remich,  la  frontière  fran- 
çaise jusqu'à  Hirson,  et  enfin  une  ligne  en  prolongement  de  la 
Ganche  terminent  à  Boulogne  le  périmètre  continental  de  la  région. 

Un  tel  ensemble  est  naturellement  constitué,  puisqu'il  comprend  le 
massif  dévonien  de  la  Belgique  et  du  Nord-Ouest  de  l'Allemagne,  la 
traînée  carbonifère  qui  le  borde  au  Nord  et  les  terrains  tertiaires  ou 
quaternaires  correspondants  jusqu'à  la  mer  du  Nord.  Des  considéra- 
tions plus  artificielles  relatives  à  l'exposition  du  sujet  ont  fait  exclure 
de  la  région,  vers  l'est  et  le  sud,  les  masses  permiennes  et  triasiques 
de  l'Allemagne  centrale.  A  Textrême  Ouest,  nous  avons  choisi  comme 
limite,  avec  le  bassin  parisien,  la  Ganche,  dont  le  choix  n'est  arbi- 
traire qu'en  apparence.  En  effet,  si  on  englobe  les  collines  de  l'Ar- 
tois qui,  avec  leur  couverture  crétacée  et  tertiaire,  appartiennent  en 
réalité  au  bassin  de  Paris,  du  moins  reste-t-on  dans  la  vérité  géolo- 
gique puisque  l'on  fait  embrasser  à  la  région  les  lambeaux  de  Gar- 
boniférien  et  de  Primaire  prolongeant  le  bassin  franco-belge  jusqu'à 
la  Manche  vers  Boulogne. 

Les  terrains  tertiaires  et  quaternaires  des  Flandres  et  du  Brabant 
tant  belge  que  néerlandais,  ne  sont  pas  à  l'abri  de  toutes  secousses 
séismiques,  et,  en  particulier,  Malines  pourrait  bien  avoir  été  l'épi- 
centre  d'un  important  tremblement  de  terre,  celui  du  18  septem- 
bre 1692.  Tout  d'abord,  en  rejetant  à  l'exemple  de  Lancaster  *,  et 
sans  discussion,  plusieurs  séismes  soi-disant  désastreux  qui  auraient 
éprouvé  la  Belgique  dans  le  haut  moyen  âge,  en  tenant  compte  de 
l'exagération  de  chroniqueurs  crédules  et  ignorants,  comme  le 
démontrent  les  détails  fantaisistes  dont  ils  agrémentent  leurs  récits, 
puis  admettant  comme  très  probable  qu'une  importante  proportion 
des  secousses  signalées  dans  les  principales  villes  venaient  du  bassin 
houiller  franco-belge  dont  la  séismicité  est  notoire,  il  ne  restera  que 

*  Les  tremblements  de  terre  eu  Belgique  [Ann.  météorologique  pour  1901 ,  Bruxelles). 


70  GÉOGRAPHIE  8ÉI8M0L0GIQUE 

peu  de  secousses  véritablement  propres  aux  surfaces  tertiaires  ou 
quaternaires  en  question.  Le  tremblement  de  terre  du  17  mars  1883, 
dont  le  centre  géographique  d'ébranlement  se  trouvait  entre  le  Zuy- 
derzee  et  le  Diep,  peut-être  vers  Mijdrecht,  a  secoué  Amsterdam, 
Haarlem,  Leyde  et  Utrecht.  D'après  Figuier  %  AmersfoordtTa  attribué 
au  déplacement  des  sables  et  des  boues  pour  le  dessèchement  du  lac 
de  Haarlem,  et  Winkler  à  un  éboulement  dans  les  couches  tertiaires 
sur  lesquelles  reposent  çà  et  là  les  terrains  alluviaux  et  diluviens  de 
la  Hollande.  La  première  explication  nous  semble  faire  appel  à  une 
bien  faible  cause  pour  un  séisme  aussi  étendu,  et  la  seconde  ne 
repose  sur  aucune  observation  directe.  Il  paraît  donc  difficile  de  les 
admettre  Tune  ou  Tautre  pour  les  quelques  secousses  connues  de  la 
Hollande  méridionale  ;  on  ne  peut  non  plus  les  mettre  en  relation 
avec  les  mouvements  très  superficiels  du  sol  qui,  à  tant  de  reprises, 
ont  facilité  dans  les  temps  historiques  l'empiétement  ou  l'irruption  de 
la  mer  sur  une  côte  pour  ainsi  dire  artificielle,  et  conquise  par 
l'homme  sur  le  domaine  maritime.  Du  reste,  une  telle  origine  devrait 
rester  valable  pour  la  Frise,  territoire  d'une  aséismicité  absolue. 
Nous  préférons  penser  que,  puisque  le  substratum  ancien  affleure  en 
plusieurs  points  du  Hainaut  belge  et  n'est  jamais  bien  profondément 
enfoui  dans  le  Hainaut  français,  les  séismes  en  question  relèvent  de 
la  même  cause  que  ceux  du  bassin  houiller.  Les  hypocentres  de  la 
zone  tertiaire  des  Pays-Bas  ne  feraient  ainsi  que  prolonger  souter- 
rainement  la  région  pénéséismique  dudit  bassin,  masqué  à  la  surface 
par  la  couverture  sédimentaire  plus  récente.  Si  des  observations 
ultérieures  venaient  à  infirmer  cette  opinion,  il  resterait  peut-être  à 
invoquer  les  mouvements  d'exhaussement,  non  encore  totalement 
éteints,  à  la  faveur  desquels  la  Lys  et  l'Escaut  supérieur,  qui,  à 
l'époque  pléistocène  si  rapprochée  de  la  nôtre,  se  jetaient  séparément 
dans  un  golfe  profondément  ouvert  dans  le  sol  belge,  se  sont  réunis 
pour  couler  ensemble  et  déboucher  beaucoup  plus  loin  dans  Tes- 
tuaire  actuel  ;  on  pourrait  aussi  s'adresser  au  mouvement  de  bascule 
du  substratum  hercynien  dans  le  Hainaut,  important  facteur  de  la 
disposition  actuelle  du  réseau  hydrographique.  On  ne  saurait  non 
plus  passer  sous  silence  que  Van  den  Broeck  ',  dans  une  discussion 
relative  à  une  faille  supposée  correspondre  à  la  vallée  do  la  Senne, 
a  émis  l'opinion  qu'un  argument  secondaire  en  faveur  de  l'existence 
de  cet  accident  résulte  de  la  simultanéité  d'assez  nombreux  tremble* 

*  L'année  scientifique,  1883,  262. 

•  Pr.  V,  Soc.  belge  degéoL,paléonL  et  kydrol,  (Séance  du  17  mai  1904,  p.  104). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  8ILËSIE  71 

ments  de  terre,  constatés  le  long  de  la  ligne  Bruxelles-Malines- 
Anvers. 

La  séismologîe  peut  quelquefois  apporter  son  contingent  de 
lumière,  en  tout  cas  d'arguments,  dans  les  questions  géologiques 
controversées.  On  vient  d'en  voir  un  exemple  et  on  peut  en  donner 
un  second.  On  ne  connaît  aucun  séisme  propre  à  la  Gampine,  et  ce 
serait  fort  étrange  si  la  théorie  de  Simoens  S  relative  à  sa  géologie, 
est  exacte.  Ce  savant  pense  en  effet  qu'il  s'agit  là  d'une  aire  d'affais- 
sement limitée  par  des  failles,  et  qui  n'aurait  pas  cessé  de  s'effondrer 
depuis  le  Houiller  jusqu'à  notre  époque.  S'il  on  était  ainsi,  la  Gam- 
pine  ne  serait  pas  aussi  franchement  aséismique. 

De  Béthune  à  Dortmund  et  un  peu  au  delà,  le  bassin  houiller 
franco-belge*-westphalien  dessine  sur  la  carte  une  longue  bande 
d'abord  presque  W.  E.,  et  ne  se  relevant  vers  le  N.  E.  qu'à  son 
extrémité  orientale,  où  elle  subit,  mais  en  surface  seulement,  une 
large  interruption  —  le  golfe  quaternaire  et  tertiaire  de  Bonn.  Elle 
jalonne  ainsi  le  bord  septentrional  du  massif  primaire  ardennais  et 
rhénan,  de  part  et  d'autre  du  Rhin.  G'est  depuis  Boulogne  l'emplace- 
ment du  détroit,  ou  du  géosynclinal,  franco-westphalien,  où  se  sont 
déposées,  puis  plissées,  les  couches  de  houille. 

La  bande  houillère  est  assez  riche  en  épicentres  sur  toute  sa  lon- 
gueur, et  a  été  parfois  ébranlée  par  de  sévères  tremblements  de 
terre.  On  va  l'étudier  en  partant  de  son  extrémité  méridionale. 

Dans  le  bassin  du  Douaisis,  ces  séismes  sont  généralement  attri- 
bués à  des  effondrements  ou  à  des  tassements  dans  les  galeries 
anciennes  abandonnées.  Cette  opinion  est  contredite  par  les  études 
classiques  de  Jicinski*.  Il  a  montré  par  de  nombreuses  observations 
que  les  mouvements  du  sol,  résultant  de  l'exploitation  des  mines, 
sont  des  phénomènes  d'une  extrême  lenteur,  exigeant  plusieurs 
années  pour  se  parfaire  complètement,  ce  qui  exclut,  d'après  le 
mode  même  de  leur  formation,  toute  possibilité  de  secousses 
brusques,  séismiques  en  un  mot.  Les  chocs  du  Douaisis  ont  le  plus 
souvent  un  caractère  très  local  et  ceux  du  12  septembre  1888  et  du 
9  décembre  1892,  à  Sin-le-Noble,  ont  été,  dit-on,  accompagnés 
d'affaissements  d'immeubles.  Si  donc  l'on  se  reporte  aux  études 
précédemment  rappelées,  au  lieu  de  voir  dans  ce  dernier  fait  une 
confirmation  de  l'opinion  courante,  il  faudra  plutôt  considérer 
Taffaissement  comme    une    conséquence  du  séisme   que    comme 

'  Quelques  réflexions  sur  l'allure  du  primaire  du  bassin  houiller  Campinois  {Pr,  V,  Soc 
belge  de  géoL,  paléont.  et  hydroL  Séance  du  30  juin  1903,  p.  331). 
•  Bodensenkungen  durch  den  Bergbau  (Die  Erdbeàenwarte,  II,  85,  Laibach,  1902). 


72  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQDE 

son  origine.  Par  contre,  la  secousse  du  2  septembre  1896  s'est 
étendue  d'Arras  à  Douai  sur  la  distance,  considérable  en  l'espëce,  de 
27  kilomètres,  qui  exclut  toute  possibilité  de  leur  production  par 
tassement  d'anciennes  galeries.  On  dit  aussi  en  faveur  de  cette 
explication  que  ces  séismes  sont  ressentis  surtout  à  la  surface^  et 
non  dans  les  galeries  actuellement  en  exploitation,  lesquelles  sont 
au-dessous  des  anciennes,  siège  supposé  des  mouvements.  Or,  c'est  là 
un  phénomène  très  général,  résultant  de  ce  que,  dans  rinlérieur  de 
l'écorce  terrestre,  les  vibrations  séismiques  se  communiquent  de 
proche  en  proche  aux  molécules  voisines,  au  sein  d'un  milieu  dense 
et  cohérent,  tandis  qu'à  la  surface  même  elles  passent  dans  un  milieu 
où  ces  résistances  au  mouvement  diminuent  dans  de  grandes  pro- 
portions, de  sorte  que  l'amplitude  s'en  trouve  considérablement 
accrue  ;  dès  lors  non  perceptibles  à  une  certaine  profondeur,  elles 
le  deviennent  à  la  surface,  soit  aux  sens  de  l'observateur,  soit  aux 
intruments  enregistreurs.  Comme  dernière  et,  nous  semble-1-îI, 
puissante  objection  contre  l'influence  séismogénique  du  déhouille- 
ment,  nous  rappellerons  la  parfaite  aséismicité  du  bassin  houiller 
de  Saint-Ëtiennc,  alors  que  les  tassements  des  anciennes  galeries 
sont  tellement  habituels  et  conformes  à  l'étude  de  Jicinski,  que  l'on 
a  dû  bâtir  la  gare  de  cette  ville  au  moyen  de  briques  supportées 
par  une  ossature  métallique,  et  que  de  temps  à  autre  on  relève 
l'édifice  au  moyen  de  vérins,  placés  à  demeure,  lorsque  les  déran- 
gements d'aplomb  deviennent  trop  dangereux  pour  l'édifice. 

Ce  n'est  point  de  parti  pris  que  nous  rejetons,  d'une  façon  géné- 
rale, le  déhouillement  comme  cause  de  séismes.  Cette  explication  a 
été  vivement  combattue  par  Cornet  '  à  propos  des  secousses  d'Havre, 
près  de  Mons,  en  1887  et  en  1896,  et  aussi  par  de  Munck*,  qui  cite 
à  l'appui  de  sa  négation  des  cas  d'aifaissements  dans  les  exploi- 
tations houillères  qui,  malgré  leur  importance,  se  produisirent 
lentement  et  sans  aucune  secousse  séismique.  Ces  deux  observa- 
teurs reconnaissent  un  caractère  nettement  tectonique  à  ces  trem- 
blements de  terre,  et  à  propos  de  celui  de  la  vallée  de  la  Scarpe  du 
2  septembre  1896,  le  premier  de  ces  géologues  dit  expressément  que 
grâce  à  la  tendance  générale  au  ridement,  les  plis  des  terrains 
primaires  peuvent  s'accentuer  et  que  les  failles  peuvent  jouer,  — 
dans  de  faibles  limites,  il  est  vrai,  —  comme  jouent  les  joints  d'un 
meuble  qui  craque.  La  ville  de  Douai,  où  les  secousses  ont  été  si 


*  Bull.  soc.  belge  de  géol.^  paléont.  et  hydrol.»  t.  X,  131. 

*  Les  tremblements  de  terre  d'Havre  (Hainaut)  (Ibid.,  I,  177,  1887). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  73 

violentes^  se  trouve  précisément  au  voisinage  de  la  grande  faille  du 
Midi. 

Certains  observateurs,  comme  Chesneau*,  ont  cru  pouvoir  établir 
une  relation  entre  les  variations  de  la  pression  atmosphérique,  les 
coups  de  grisou  et  les  mouvements  séismiques.  Tout  ce  que  Ton 
peut  concéder,  et  avec  la  plus  grande  réserve,  c'est  une  relation 
avec  les  mouvements  tromométriques,  ou  microséismiques,  mais 
non  avec  les  véritables  macroséismes.  C'est  tellement  vrai  que  les 
mines  si  grisouteuses  du  bassin  de  la  Loire  font  partie  d'une  région 
tout  à  fait  aséismique.  Au  surplus,  le  silence  de  la  commission 
spéciale,  instituée  en  1900  parla  Société  belge  de  géologie,  paléon- 
tologie et  hydrologie,  prouve  à  lui  seul  Tinsuccès  de  recherches  qui 
ne  peuvent  donc  permettre  d'attribuer  cette  origine  aux  secousses 
des  bassins  houillers  franco-belges. 

L'uniformité  de  la  répartition  de  Tinstabilité  séismique  tout  le 
long  de  la  bande  carboniférienne  conduit  à  rechercher  une  cause 
générale  pour  les  secousses  qui  l'agitent.  On  a  vu  plus  haut  que 
Cornet  a  mis  en  avant  la  grande  faille  dite  du  Midi,  qui  s'étend  de 
Boulogne  à  Charleroi.  Cette  opinion,  partagée  par  beaucoup  d'au- 
teurs, est  cependant  inadmissible,  parce  que  ses  deux  extrémités  sont 
nettement  aséismiques  à  Boulogne  et  à  Charleroi.  Comme,  d'autre 
part,  la  faille,  dite  eifélienne  du  pays  de  Liëge,  a  été  longtemps  con- 
fondue avec  la  précédente  comme  ne  formant  à  elles  deux  qu'un 
seul  et  môme  accident,  il  est  de  toute  logique  de  lui  appliquer  la 
même  conclusion  négative,  si  Ton  veut  se  tenir  à  la  prudence  imposée 
en  de  telles  matières.  La  cause  générale  d'instabilité  de  la  bande 
houillère  réside  donc  ailleurs,  et  on  no  saurait  Tattribuer  à  autre 
chose  qu'à  la  persistance  prolongée  de  la  poussée  de  plissement 
qui  a  renversé  le  Condroz  vers  le  Nord,  en  donnant  lieu  aux  deux 
grandes  failles  comme  conséquences  immédiates,  mais  sans  que  ces 
deux  accidents  aient  pour  cela  conservé  un  reste  de  mobilité.  Cette 
conclusion  est  d'autant  plus  vraisemblable  que  ces  deux  dislocations 
n'ont  pas  rejoué  à  des  époques  posthumes  en  affectant  les  couches 
postérieures.  Elles  sont  donc,  géologiquement  et  séismiquement, 
éteintes  depuis  leur  formation.  D'après  Marcel  Bertrand,  les  mouve- 
ments hercyniens  se  sont  perpétués  pendant  longtemps,  et  le  ride- 
ment  du  Bunsriîck  est  plus  ancien  que  celui  du  Hainaut.  Les  dis- 
locations se  sont  ainsi  propagées  du  centre  de  la  chaîne  primaire 
à  la  périphérie,  et  dans  ces  conditions  il  est  parfaitement  admissible 

'  De  Tinfluence  des  mouvements  du  sol  et  des  variations  de  la  pression  atmosphérique 
sur  les  dégagements  de  grisou  (Ann,  des  Mines,  Mai- Juin,  1888). 


74  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

que  rinstabilité  se  soit  finalement  réfugiée  au  Nord,  en  laissant 
stables  non  seulement  tout  le  massif  ardennais-rhénan^  mais  auBsi 
le  bassin  houiller  de  la  Sarre  et  le  Condroz  lui-même,  ainsi  que 
le  bassin  houiller  si  récemment  découvert  dans  le  département  de 
Meurthe-et-Moselle  ^ 

Au  sud  de  l'extrémité  orientale  du  bassin  franco-belge  se  rencontre 
un  assez  important  foyer  d'ébranlement,  s'étendant  de  Theux  à  Spa 
et  Stavelot.  S'il  est  vraiment  autonome,  qu'il  suffise  de  rappeler  qu'il 
s'agit  là  d'un  paquet  de  couches  dévoniennes  affaissé  entre  des  failles 
N  et  N.  W. 

G*est  à  partir  de  Liège  que  la  bande  houillère  commence  à  s'inflé- 
chir au  N.  E.,  et  c'est  cette  portion  du  bassin  qui  renferme  les  épi- 
centres  de  beaucoup  les  plus  remarquables,  Maestricht  et  Aix-la-Cha- 
pelle, tant  par  le  nombre  des  séismes  qui  y  ont  été  relatés,  que  par 
leur  intensité,  d'ailleurs  souvent  aggravée  par  l'assiette  des  construc- 
tions sur  des  sols  insuffisamment  résistants,  ou  en  des  situations 
topographiques  défavorables  quant  à  la  propagation  du  mouvement 
séismique.  Sieberg*  a  fait  l'histoire  des  tremblements  de  terre  d'Aix- 
la-Chapelle,  dont  l'importance  comme  épicentre  doit  être,  ainsi  que 
celle  de  Maestricht,  restituée  à  Herzogenrath,  ou  Rolduc.  Les  grandes 
secousses  d'octobre  1873  et  de  juillet  1877  ont  été  attribuées  par  Von 
Lasaulx  '  à  la  faille  de  Feldbiss.  Cornet  admet  que  cette  dislocation 
a  joué  légèrement  lors  de  ces  secousses,  et  que  prenant  naissance 
bien  au-dessous  du  Primaire,  dans  l'Archéen  sous-jacent,  c'est  dans 
ce  dernier  terrain  qu'il  faut  supposer  l'origine  des  séismes.  Mais  cette 
suggestion  repose  sur  la  détermination  de  la  profondeur  de  l'hypo- 
centre,  —  27''",5,  —  et  l'on  sait  combien  ces  calculs  sont  sujets  à 
suspicion.  Suess  fait  de  ces  secousses  des  séismes  par  décrochement, 
tout  comme  ceux  des  Alpes. 

La  faille  du  {î'eldbiss,  d'environ  12  kilomètres  de  long,  se  trouve 
au  nord  d'Aix-la-Chapelle,  et  coupe  la  vallée  de  la  Wurm  presque  per- 
pendiculairement aux  couches  houillères.  Elle  se  décompose  en  quatre 
failles  secondaires,  dont  la  plus  occidentale  est  double,  Feldbiss  et 
Miinstergewand.  La  plus  orientale  est  celle  du  Sandgewand.  Toutes 
regardent  au  N.  E.  et  ce  sont  les  compartimenta  orientaux  qui  se  sont 
abaissés.  Le  rejet,  de  167  mètres  à  la  surface  au-dessus  de  la  mine  de 

*  C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  GXL,  893,  896.  998,  1905. 

*  Einiges  ûber  Erdbeben  in  Aachen  und  Umgebang  (Die  Erdbebenwarte,  II,  129  et  182. 
Laibach,  1903). 

*  Das  Erdbcbon  von  Herzogenrath  am  22  Oclober  1873.  Ein  Beitrag  zur  exakten  Géo- 
logie (Bonn,  1874).  —  Id.  Das  Erdbeben  von  Herzogenrath  am  24  Joni  1877.  Eine  seismo 
logische  Sludie  (Bonn,  1878). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  6ILÉSIE  75 

Gouley,  de  218  en  son  fond  à  983  mètres  plus  bas,  de  125  mètres  a 
la  Kônigsgrube,  atteint  au  total  au  moins  400  mètres  pour  les  ter- 
rasses résultantes  que  Ton  verrait  se  succéder  en  escaliers  vers 
le  N.  E.  si  la  dénudation  n'avait  parfait  son  œuvre.  Cette  déni- 
vellation atteint  toutes  les  couches  exploitées  jusqu'à  près  de 
i  OOO  mètres,  et  s'étend  certainement  beaucoup  plus  profondément. 
D'autres  accidents,  subordonnés  et  de  même  direction,  se  retrouvent 
jusque  dans  le  Limbourg  hollandais  à  la  mine  An  de  Yinck.  Von 
Ltasaulx  a  conclu  de  ses  études  sur  les  tremblements  de  terre  de  1873 
etde  1877  qu'ils  étaient  à  tous  les  points  de  vue, — tracé  des  isoséistes, 
aire  pléistoséiste,  direction  des  ébranlements  locaux,  angles  d'émer- 
gence du  mouvement  séismiquo,  etc.,  —  en  dépendance  directe  de 
la  dislocation  du  Feldbiss,  et  la  conséquence  de  cause  à  effet  a  été 
depuis  acceptée  par  tous  les  séismologues.  Maestricht  et  Aix-la-Cha- 
pelle ne  sont  donc  que  des  épicentres  apparents,  conclusion  qu'il  faut 
étendre  à  Folx-les-Caves  pour  ses  secousses  de  1756.  Cette  instabi- 
lité séismique  du  Feldbiss  est  très  concevable,  depuis  que  Jacob  '  a 
montré  que  la  chute  des  paquets  carbonifériens,  si  elle  a  commencé 
très  anciennement,  ne  s'en  est  pas  moins  prolongée,  par  à-coups 
successifs,  jusqu'au  Miocène,  au  moins  après  le  dépôt  des  lignites. 

Fouqué'  a  fait  des  objections  à  la  manière  de  voir  de  von  Lasaulx. 
Il  observe  que  les  séismes  de  1873  et  de  1877,  ayant  eu  leurs  axes 
perpendiculaires  entre  eux,  ne  peuvent  dépendre  des  mêmes  acci- 
dents tectoniques.  Mais  le  savant  géologue  atténue  lui-même  la  dif- 
Gculté,  la  présence  de  fentes  transversales  à  la  direction  des  couches 
houillères  n'empêchant  pas,  d'une  façon  absolue,  dit-il,  la  plus 
facile  propagation  du  mouvement  dans  la  direction  d'une  bande  de 
terrain  (cas  de  1877),  et  suffisant  aussi  dans  d'autres  conditions  (cas 
de  1873)  à  expliquer  comment  le  mouvement  se  transmet  plus  aisé- 
ment en  travers  de  l'alignement  des  couches.  Il  pense,  au  contraire, 
qu'une  difficulté  plus  grande  résulte  de  l'existence  d'un  triple,  et 
non  plus  double  système  de  dislocations  qui  se  croisent,  d'après 
Hofer,  sous  des  angles  aigus  aux  environs  d'Aix-la-Chapelle.  Ces 
circonstances  nous  paraissent  de  nature  à  justifier  bien  des  variétés 
de  formes  des  aires  pléistoséistes,  suivant  la  position  du  foyer 
d'ébranlement  par  rapport  à  ces  accidents  multiples,  et  qu'expliquent, 
même  avec  une  même  origine  tectonique,  des  phénomènes  subsi- 
diaires de  propagation. 

*  Les  failles  de  la  partie  orientale  du  bassin  d'Aix-la-Chapelle  et  la  détermination  de 
leur  &ge  (Pr.  V.  Soc,  belge  de  géol.  paléont.  et  hydroL,  séance  du  20  janvier  1903,  58). 
'  Les  tremblements  de  terre  {Bibl.  scientif.  contemp,,  Paris,  1888,  p.  194). 


76  géographiiî:  séismologique 

On  ne  saurait  accepter  l'opinion  partagée  par  beaucoup,  Sieberg 
(/.  c,  188)  en  particulier,  malgré  l'autorité  qui  s'attache  au  nom  de  ce 
séismologue,  que  les  tremblements  de  terre  d'Herzogenrath,  Aix-la- 
Chapelle  et  Maestricht,  ne  seraient  pas  tous  imputables  au  Feldbiss, 
mais  seraient  de  caractère  volcanique  et  proviendraient  de  l'Eifel. 
C'est  qu'en  dépit  de  son  activité  tardivement  éteinte  et  contempo- 
raine de  celle  de  l'Auvergne,  l'Eifel  est  une  des  parties  les  plus  sta- 
bles de  tout  le  massif  ardennais.  Privé  de  secousses  lui-même,  il  ne 
peut  en  propager  dans  son  voisinage  immédiat,  à  plus  forte  raison 
à  100  kilomètres  de  distance.  Cette  opinion  est  donc  tout  à  fait  inad- 
missible et  von  Lasaulx  l'a  formellement  condamnée. 

Le  bassin  houiller  disparaît  ensuite  jusqu'au  Rhin,  sous  la  cou- 
verture tertiaire  du  golfe  de  Bonn,  mais  l'instabilité  le  suit  jusque-là, 
avec  une  certaine  diminution  toutefois.  Or  cette  lacune  superficielle 
du  bassin  correspond,  d'après  Suess,  à  une  sigmoïde,  ou  plissement 
en  S,  s'étendant  entre  Aix-la-Chapelle  et  Diisseldorf  ;  sa  présence 
peut  rendre  compte  de  la  séismicité  observée,  qui  diminue  progres- 
sivement de  l'autre  côté  du  Rhin  pour  s'évanouir  en  même  temps 
que  les  couches  carbonifériennes,  observation  bien  suggestive  et  favo- 
rable à  l'attribution  aux  plissements  hercyniens  des  secousses  qui  se 
font  sentir  de  Béthune  à  Dortmund. 

Un  très  récent  travail,  surtout  historique,  de  Villette  S  vient  de 
confirmer  pleinement  le  repos  séismique  dont  jouit  le  massif  arden- 
nais, rarement  ébranlé  par  des  secousses  d'origine  extérieure. 

11  ne  reste  plus  qu'à  parler  de  la  vallée  du  Rhin  entre  Bonn  et 
Bingen.  Cette  profonde  entaille  en  travers  de  la  pénéplaine  dévo- 
nienne  rhénane  est  jalonnée  d'épicentres  nombreux,  de  Bingen  à 
Coblentz  et  à  Bonn,  ces  villes  importantes  ayant  enregistré  à  tort 
pour  elles-mêmes  nombre  de  séismes,  non  signalés  en  d'aulres  points, 
sans  qu'il  y  ait  pour  cela  probabilité  que  la  vallée  soit  plus  stable 
ailleurs.  On  dirait  d'une  grande  fracture  séismiquement  instable, 
sur  tout  le  long  de  son  parcours,  et  continuant  à  jouer.  Mal- 
heureusement pour  la  simplicité  de  l'explication,  il  n'en  est  rien, 
la  cluse,  où  coule  le  Rhin,  ayant  été  creusée  par  ce  fleuve  comme 
l'aurait  fait  une  scie  sous  laquelle  la  pièce  de  bois  —  ici  le  massif 
rhénan  —  se  serait  exhaussée  graduellement.  De  Lapparent  a  fait 
observer  que  les  terrasses  rocheuses,  et  les  revêtements  de  cailloux 
roulés,  montrent  que  le  bloc  schisteux  s'est  déformé  en  se  relevant. 
Si  ces  mouvements  jouaient  un  rôle  séismogénique,  les  épicentres 

*  Les  tremblements  de  terre  dans  les  Ardennes  et  les  régions  voisines  (Sedan,  1905). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  77 

ne  seraient  pas  exclusivement  restreints  aux  deux  rives  et  à  leur  voi- 
sinage immédiat.  Il  faut  donc  leur  chercher  une  autre  origine,  encore 
indéterminée.  On  se  contentera  d'observer  que  ces  secousses  affectent 
le  plus  souvent  des  aires  allongées  le  long  du  fleuve. 

Le  grand  champ  de  fractures  qui  deTArdenne  se  prolonge  jusqu'à 
Nuremberg,  bien  au  delà  de  la  région  ici  étudiée,  ne  cause  d'insta- 
biUté  nulle  part,  et  les  districts  volcaniques  de  TEifel,  du  Sieben- 
gebirge,  du  Rhôn  et  du  Vogelsberg,  ignorent  presque  complètement 
les  séismes. 

6.  —  Vosges  et  Forét-Noire,  Rhin  moyen,  Souabe  et  plaine 

bavaroise. 

Cette  région,  bornée  au  Nord  par  la  précédente,  est  limitée  au  Sud 
par  le  Rhin  jusqu'à  son  entrée  dans  le  lac  de  Constance,  par  la  bor- 
dure méridionale  de  la  plaine  bavaroise,  par  l'Inn  jusqu'à  son  con- 
fluent avec  le  Danube,  par  ce  fleuve  de  Passau  à  Ratisbonne,  et 
enfin  par  la  Naab  jusqu'à  rencontrer  au  delà  des  sources  de  la  Werra 
le  bord  occidental  du  Fichtelgebirgeetle  pied  Sud  du  Thuringervvald. 
On  englobe  ainsi,  d'une  façon  très  naturelle  au  point  de  vue  géolo- 
gique, les  massifs  archéens  et  primaires  des  Vosges,  de  la  Forêt- 
Noire,  de  rOdenwald  et  du  Spessart,  la  plaine  du  Rhin,  celle  du 
Danube,  et  les  terrasses  jurassiques  et  triasiques  de  la  Franconie  et 
de  la  Souabe,  en  s' arrêtant  au  Sud  à  la  bordure  tertiaire  des  Alpes 
et  à  l'Est  au  pied  du  massif  primitif  bohémien. 

Les  tremblements  de  terre  de  tous  ces  pays  sont  bien  connus  * 
et  depuis  assez  longtemps  des  commissions  séismologiques^  y  ont 

*  AL  Perrey.  Mémoire  sur  les  tremblements  de  terre  dans  le  bassin  du  Rhin  (Ac.  roy. 
de  Belgique.  Mém.  XIX,  1847). 

Id.  Sur  les  tremblements  de  terre  dans  le  bassin  du  Danube  (Id.,  1846). 

R.  Langenbeck.  Bericht  ûber  die  vom  1.  Januar  1890  bis  1.  April  1895  in  Elsass- 
Lothringen,  Baden,  der  Pfalz  und  der  Umgebung  von  Basel,  beobacbleten  Erdbeben. 
Strassburg,  1895. 

Id.  Die  Erdbeben  erscheinungen  in  der  oberrheinischen  Tiefebene  und  ihrer  Umge- 
bung {Geogr.  Âbhandl.  ans  EUass-Lothringen,  Heft  2, 1893). 

W.  von  Gûmbel.  Uber  die  Erdbeben  in  Bayem  (Silsungsb.  d,  Mûnchener  Ak.  mat. 
phy$.  KL,  1898, 1). 

J.  Reindl.  Beitr&ge  zur  Erdbebenkunde  von  Bayern  {Id.,  XXXIII,  1, 171.  1903). 

Id.  Die  Erdbeben  der  geschichtiicben  Zeit  im  Kônigreiche  Bayern  (Die  Erdbebenwarte, 
n,  135.  Laibach,  1903). 

*  H.  Eck.  Uebersicht  ûber  die  in  WQrttemberg  und  Hohenzollern  in  der  Zeit  vom 
1  Januar  1867  bis  zum  28Februarl887  wahrgenommenen  Erderschtitterungen  {Jahres- 
hefie  d.  Vereiru  f.  Vaterl.  Naturk,  XLIII.  1887.  Stuttgart.  1887).  —  1888  à  1891.  Même 
recueil  années  suivantes. 

A.  Schmidt.  1892  à  1903.  Même  recueil,  années  suivantes. 

G.  Gerland.  Die  Erdbebenbeobachtung  in  Elsass-Lothringen  Âugust  1894  bis  Juni  1895 
[Berichi  Uber  d.  SUz.  d.  MitgL  d.  Erdbebencommissionen  am  il  April  1895  zu  Baden- 
veiler,  XXVIII  Versammlung  d.  Obe^Theinischen  geol.  Ver.). 


78  GÉ06R4PHIB  SÉISMOLOGIQUË 

été  instituées,  Wurtemberg  et  HohenzoUem,  Alsace  et  Lorraine. 

Au  premier  coup  d'œil  sur  la  carte  séismîque  schématique,  on 
vDit  les  épicentres  riches  et  pauvres  s'accumuler  d'une  manière 
extrêmement  dense  sur  un  vaste  quadrilatère  irrégulier  s'appuyant 
sur  le  Taunus,  de  Langenschwalbach  à  Friedberg,  et  sur  le  Rhin,  de 
Bâle  à  Lindau  (lac  de  Constance).  Ils  ne  dépassent  pas  à  l'Ouest  la 
ligne  Meisenheim-Maasmunster  et  à  TËst  celle  de  Ulm-Francfort- 
sur-le-Main.  Us  se  distribuent  sporadiquement,  ça  et  là,  sur  la  partie 
orientale  de  la  région. 

Un  des  phénomènes  géologiques  les  plus  remarquables  de  l'Eu- 
rope centrale  consiste  dans  l'affaissement  relativement  récent  de 
la  plaine  du  Rhin,  de  Bâle  à  Mayence,  entre  des  failles  en  esca- 
lier. Cet  événement  de  premier  ordre  est  trop  connu  pour  qu'il  soit 
nécessaire  d'en  parler  longuement,  quoique  les  géologues  ne  soient 
pas  absolument  d'accord  sur  le  détail  et  le  mode  des  vicissitudes 
successives  auxquelles  cette  région  a  été  soumise,  et  en  particulier 
sur  celles  qui  ont  préparé  l'effondrement  de  la  voûte  surbaissée  qu'a 
été  le  double  massif  des  Vosges  et  de  la  Forêt-Noire.  La  vallée  du 
Rhin  n'est  pas  une  vallée  de  fracture  proprement  dite,  mais  bien  un 
graben^  à  flancs  découpés  en  échelons  par  des  failles  longitudinales 
entre  lesquelles  le  substratum  sédimentaire  est  d'autant  plus  des- 
cendu qu'on  se  rapproche  davantage  du  thalweg.  Cette  dépression 
est  oblique  par  rapport  à  l'anticlinal  fondamental  des  Vosges  et  de  la 
Forêt-Noire  qui,  pour  la  première  chaîne,  court  de  Luxeuil  au 
Hohekônigsberg,  près  et  à  l'ouest  de  Scblettstadt,  se  perd  dans  la 
plaine  fluviale  et  reprend  dans  le  Schwarzwald  au  Hornisgrinde  en 
face  de  Strasbourg,  pour  mourir  finalement  près  et  au  nord  de 
Stuttgart.  Hâtons-nous  de  signaler  que  cette  ligne  importante,  dirigée 
S.  W.-N.  E.  n'a  aucune  signification  séismique  ;  c'est  dire  tout 
de  suite  que  les  séismes  des  deux  massifs  n'ont  rien  à  voir  avec 
l'ancienne  chaîne  primaire,  en  tant  que  ride  hercynienne,  énergique- 
ment  plissée  à  la  fin  de  l'époque  dinantienne.  L'effondrement,  com- 
mencé par  le  Sundgau,  s'est  complété  à  l'époque  oUgocène,  et  la 
dépression  a  été  envahie  par  la  mer  venant  de  la  Hesse.  A  l'ère  de 
la  mollasse,  la  mer  qui  recouvrait  la  Souabe  et  la  Suisse  s'était 
retirée  de  l'Alsace  au  moment  où  les  éruptions  du  Vogelsberg  inter- 
ceptaient le  golfe  hessois,  pendant  qu'un  fleuve  puissant,  l'anti-Rhin, 
portait  ses  eaux  vers  le  Danube  actuel.  Le  dernier  mouvement,  le 
plus  récent,  a  donné  lieu  à  la  fosse  rhénane,  en  portant  en  môme 
temps  les  conglomérats  tertiaires  à  plus  de  600  mètres  d'altitude  sur 
les  flancs  des  collines  environnantes. 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L*ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  79 

Des  failles  plus  ou  moins  sinueuses  courent  à  peu  près  parallèle- 
ment au  thalweg  et 
nous  nous  sommes 
naturellement  servi 
pour  en  parler  ici  de 
la  carte  tectonique 
de  TÂllemagne  du 
Sud-Ouest,  élaborée 
par  Regelmann  et 
ses  collaborateurs. 
Faisant  abstraction 
de  nombreuses  dis- 
locations plus  cour- 
tes, diversement 
orientées  et  situées 
en  pleines  Vosges, 
on  obsen^e  que  la 
rive  gauche  de  la 
fosse  est  formée  d'une 
grande  faille  jalon- 
nant le  pied  de  la 
chaîne,  et  courant  de 
Belfort  à  Kinden- 
heim  à  10  kilomè- 
tres à  Touest  de 
Worms,  pour  re- 
prendre, après  une 
interruption  et  dans 
la  même  direction,  de 
cette  ville  àMayence, 
c'est-à-dire  beaucoup 
plus  près  du  fleuve. 
DeDambach,  aunord 
de  Schlettstadt,  au 
massif  de  la  Haardt, 
cette  grande  ligne  de 
fracture  forme  la 
corde  d*une  autre 
qui  s'arrondit  vers 
l'Ouest   en    passant 


-  /ailler 

%  AnUclincuuc 


Fig.  6.—  Dislocations  rhénanes  (d'aprôs  Regelmann). 

près   de  Saverne,  et  l'espace   qu'elles  enserrent  entre  elles  cons- 


80  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUË 

titue  sur  presque  toute  sa  surface  un  véritable  champ  de  frac- 
tures, pauvre  en  épicentres,  tandis  que  la  première  ligne  de  dis- 
location est  jalonnée  de  foyers  d'ébranlements.  A  vrai  dire,  la 
plupart  des  épicentres  ne  sont  situés  qu'en  son  voisinage  ;  mais 
cela  tient  uniquement  à  l'imperfection  des  observations,  qui  n'a 
fait»  la  plupart  du  temps,  signaler  les  secousses  que  pour  les  grandes 
villes  situées  assez  avant  dans  la  plaine  et  non  point  au  pied  des 
monts.  Comme  l'a  fait  observer  Perrey,  la  plupart  de  ces  séismes 
affectent  des  aires  allongées  dans  le  sens  de  la  vallée.  Il  y  a  cepen- 
dant eu  quelques  exceptions,  par  exemple  le  tremblement  de  terre 
du  24  janvier  1880,  qui  s'est  étendu  de  Landau  au  Rauhe  Alp.  On 
est  donc  tout  à  fait  en  droit  de  conclure  qu'ils  émanent  de  la  faille^ 
dont  ils  indiquent  un  reste  de  mobilité,  ou  de  vitalité  des  efforts  tec- 
toniques correspondants,  et  c'est  une  opinion  généralement  adoptée 
par  tous  les  géologues  et  les  séismologues.  Ce  rôle  séismogénique 
sera  facilement  accepté  si  Ton  réfléchit  à  l'énorme  amplitude  des 
dénivellations  de  couches  à  la  suite  de  la  production  de  ces  failles; 
elles  résultent  des  mouvements  complexes  du  dôme  surbaissé  dont 
les  Vosges  et  la  Forèt-Noire  ne  sont  que  les  piliers,  restés  seuls  visi- 
bles, et,  d'après  de  Lapparent  et  autres  géologues,  les  couches  tria- 
siques  sont  abaissées  de  2500  à  2800  mètres  par  rapport  au  sub- 
stratum  primaire.  Ainsi,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  les 
Alpes,  les  tremblements  de  terre  du  Rhin  moyen  sont  le  plus  souvent 
longitudinaux. 

Les  secousses,  plutôt  rares  dans  les  Vosges  méridionnales,  sont 
encore  moins  fréquentes  dans  celles  du  Nord.  On  observe  le  maxi- 
mum dans  la  dépression  sundgovienne,  où  le  Pliocène  et  le  Miocène 
sont  restés  en  relief  au-dessus  de  l'Oligocène  de  la  plaine.  Les 
séismes  du  Sundgau  et  de  Mulilhouse  sont  tout  à  fait  indépendants 
de  ceux  de  la  Forêt-Noire  méridionale,  qui  traversent  difficilement 
l'épais  matelas  des  graviers  de  la  vallée.  Cependant,  il  arrive  parfois 
que  ces  derniers  donnent  lieu  à  des  secousses  de  relai,  comme  le 
pense  Langenbeck,  par  exemple  pour  le  séisme  du  Feldberg  du 
13  janvier  1895. 

Le  Palatinat  bavarois  présente  dans  la  Haardt,  près  de  Kandel, 
un  foyer  indépendant  d'ébranlement,  qui  a  été  fort  actif  au  commence- 
ment de  1903.  Reindl*  le  met  en  relation  non  seulement  avec  la 
faille  rhénane  qui  passe  à  12  kilomètres  à  l'ouest  de  cette  ville,  mais 

*  Die  Erdbeben  Bayerns  in  Jahre  1903  {Geogn.  Jahreshefle,  XVI,  1903.  Munich,  69). 
Jd.  Das  Erdbeben  an  5  und  6  M&rz  1903  im  Erz-  und  Fictitelgebirge  mit  BOhmerw&lde 
und  das  Erdbeben  an  22  M&rz  1903  in  der  Rheinpfalz  (id.,  1). 


BeHbrt 


Altk!?ch  Wte    ^  ^^ 


Fig.  7.  —  Le  Grabea  rhénan. 
Db  MoïiTiwcs.  —  Tremblemento  do  terre. 


82  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

encore  avec  une  autre  qui,  séparant  le  Frankenweide  du  complexe 
de  la  Haardt,  produit  un  rejet  de  plus  de  100  mëtres  vers  l'Est  dans 
les  couches  de  ce  dernier.  Le  plus  important  de  ces  tremblements 
de  terre,  le  seul  du  moins  qui  ait  été  étudié  en  détail,  celui  du 
22  mars,  a  eu  son  aire  pléistoséiste  allongée  sur  un  axe  Miihlburg- 
Siebeldingen,  presque  perpendiculaire  au  Rhin  et  aux  failles  rhé- 
nanes. Beindl  en  conclut  à  Texistence  d'une  faille  transversale  à 
découvrir,  d'autant  plus  vraisemblable,  dit-il,  que,  d'après  d'an- 
ciennes observations,  lignes  d'ébranlement  et  lignes  de  fractures 
coïncident.  Tout  ce  qu'on  pourrait  dire  dans  cet  ordre  d'idées,  et 
bien  hypothétiquement  encore,  c'est  que  le  séisme  du  22  mars  1903 
correspond  à  un  effort  tectonique  qui,  poussé  plus  loin,  aurait  pu 
produire  une  faille  transversale,  précisément  celle  dont  l'existence 
est  considérée  par  Reindl  comme  probable.  Schwarzmann^  aurait 
constaté  à  la  suite  de  ce  même  tremblement  de  terre  dans  les  couches 
précédemment  horizontales  du  district  ébranlé  une  inclinaison  de 
0,268  à  0,472  de  seconde  d'arc,  et  Haid  d'importants  changements  sur 
la  ligne  Strasbourg-Appenweier  après  celui  du  24  janvier  1880, 
transversal  aussi.  Nous  ne  possédons  malheureusement  pas  les  élé- 
ments nécessaires  pour  discuter  ces  deux  observations  mentionnées 
par  Reindl  (/.  c.  21). 

Passons  maintenant  à  la  rive  droite  du  Rhin.  On  remarque  immé- 
diatement, sur  les  cartes  séismiques,  une  différence  capitale  avec  ce 
qui  se  passe  sur  la  rive  gauche  :  du  côté  de  la  Forôt-Noire,  les  épi- 
centres  couvrent  tout  aussi  bien  le  massif  aicliéen  et  primaire  que 
la  dépression  rhénane.  C'est  dire  que,  d'un  côté,  la  formation  post- 
oligocène du  graben]0\x^  seule  un  rôle  séismogénique,  tandis  qu'à 
l'Est  elle  se  complique  d'autres  causes  d'instabilité  du  massif  lui- 
même. 

Le  coude  du  Rhin  à  Bâle  indique  un  changement  profond  dans  son 
histoire,  et  en  effet  c'est  là  que  le  Jura  tabulaire  suisse  franchit  le 
fleuve,  et  vient,  dans  le  Sud-Ouest  du  duché  de  Bade,  former  le  Din- 
kelberg,  dont  les  couches  presque  horizontales  sont  violemment  frac- 
turées, sans  préjudice  de  la  faille  rhénane  principale  de  la  rive  droite, 
qui  passe  près  et  à  l'est  de  Bâle  et  s'avance  en  Suisse  d'une  dizaine 
de  kilomètres.  Tous  ces  accidents  suffisent  largement  à  expUquer 
les  séismes  de  cette  ville,  dont  au  moins  un,  celui  du  18  octobre  1356, 
a  été  un  tremblement  de  terre  désastreux,  sans  c<mipter  d'autres  de 
moindre  intensité,  quoique  encore  redoutables.  Cette  instabilité  se 

*  Die  letzten  Erdbebea  in  Baden  and  iD  der  Pfalz  (Vorlrag.  Landesseilung,  Rarisralie, 
n»  75). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  6ILËS1E  83 

prolonge  vers  l'Est  jusqu'à  Schaffhouse,  s'étendant  ainsi  à  tout  le 
Tafel-Jura.  Cette  remarquable  formation  s'étend  au  Sud  jusqu'à  la 
ligne  des  chevauchements  de  TArgovie.  Ajoutant  à  cette  nombreuse 
série  de  vicissitudes  le  changement  de  cours  du  Rhin,  dont  la  partie 
supérieure  s'écoulait  vers  l'Est  jusqu'au  moment  où  il  s'est  dirigé  vers 
rOuest  pour  suivre  la  fosse  alsacienne,  on  aura  plus  d'événements 
géologiques  considérables  et  suffisamment  récents  qu'il  ne  faut 
pour  expliquer  l'instabilité  de  tout  ce  district.  Ces  déductions  sont 
manifestement  justifiées  du  fait  que,  d'une  part,  les  failles  du  Dinkel- 
berg  ne  dépassent  pas  le  méridien  de  Laufenbourg,  celles  de  l'Ar- 
govie  celui  de  Waldshut,  et  les  chevauchements  celui  de  Bulach,  et 
que  d'autre  part  la  séismicilé  semble  diminuer  progressivement  de 
l'Ouest  à  l'Est,  en  même  temps  que  ces  trois  séries  concomitantes 
d'accidents  tectoniques,  qui  ne  coexistent  qu'à  TOuest.  En  outre,  Eck 
et  d'autres  géologues  considèrent  le  Dinkelberg  comme  une  aire 
d'affaissement. 

Au  N.  N.  E.,  le  Feldberg,  extrémité  S.  W.  du  massif  granitique 
et  primaire  de  la  Forêt-Noire,  est  un  foyer  notable  d'ébranlements 
séismiques,  dont  plusieurs  des  tremblements  de  terre  ont  été  étu- 
diés en  détail.  Langenbeck  place  les  épicentres  de  ceux  du  13  jan- 
vier 1895  et  du  21  avril  1885  sur  la  ligne  de  séparation  du  gneiss 
et  du  granité,  ligne  en  partie  recouverte  par  le  Carboniférien  infé- 
rieur s'étendant  du  Bârhalde  vers  le  S.  S.  W.,  le  long  du  flanc 
S.  Ë.  de  THerzogenhorn.  Futterer^  a  expressément  confirmé  cette 
localisation,  mais  il  s'élève  contre  le  rôle  séismogénique  attribué 
par  Langenbeck  à  cette  ligne  qui,  privée  de  tout  caractère  tecto- 
nique réel,  résulte  de  modifications  insensibles  de  structure  faisant 
passer  le  gneiss  au  granité.  De  son  côté,  Futterer  place  l'épicentre 
du  tremblement  du  22  janvier  1896  dans  le  district  du  Titi-See,  Neu- 
stadt,  Lenzkirch,  caractérisé  par  de  très  grandes  dislocations  d'un 
complexe  de  formations  paléozoïques  et  de  puissantes  masses  de 
porphyre,  de  gneiss  et  de  granité. 

Gomme  pour  la  rive  gauche  du  Rhin,  la  faille  longitudinale  de  la 
fosse  jalonne  les  foyers  d'ébranlement  de  la  vallée  et  suffit  à  les 
expliquer.  Mais,  en  certains  points  particuliers,  se  présentent  d'autres 
circonstances  qu'il  faut  détailler.  C'est  le  cas  de  Fribourg-en-Bris- 
gau  et  du  volcan  éteint,  le  Kaiserstuhl,  et  nous  nous  appuierons  sur 

*  Das  Erdbeben  vom  22  JAnner  1896,  nach  den  ans  Baden  eingegangenen  Berichten 
dargeatellt  {Verhandl.  d.  Karlsruher  Naturwiss,  Vereins,  XII,  1896). 

Id.  hie  Ërdbobenforschung  in  Baden  {VerhandL  d.  erslen  Seismol.  intem,  Konferenz 
uiSlnmbarg,  1901,  153). 


84  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

le  travail  de  BOse  sur  le  tremblement  de  terre  du  17  novembre  1891*. 
Une  coupe  W.  E.  partant  de  Breisach  rencontre  successivement  le 
Kaiserstulil  et  sa  faille  bifurquée  et  coudée^  Eatharinaberg-Munzingen- 
Bellingen,  parallèle  au  Rhin,  Munzingen-Ehrenstetten  beaucoup  plus 
courte  et  oblique,  la  plaine  des  graviers  du  Rhin,  la  colline  du  Tuni- 
berg,  la  cuvette  Elz-Dreisam,  la  colline  du  Schônberg,  la  faille  de 
Wittnau  parallèle  au  fleuve,  et  enfin  les  pentes  d'Horben  montant 
au  massif  de  la  Forêt-Noire.  Le  Tuniberg  et  le  SchOnberg,  ainsi 


Is 


J 


-^ 


G,  Gneiss.  —  S,  Trias.  Jurassioue,  Tertiaire.  —  V,  Roches  Tolcaniques.  —  R,  Cailloux  du  Rhin.  — 
Sch,  Cailloux  et  galets  de  la  Forèt-Noire.  —  a,  Failles. 

Fig.  8.  —  Coupe  des  environs  da  Kaiserstuhl  (d'après  Bôse) . 

respectivement  limités  à  TOuest  et  à  l'Est  par  des  failles  parallèles 
au  Rhin,  sont  formés  de  Trias,  de  Jurassique  et  de  Tertiaire;  ce  sont 
les  extrémités  d'un  bloc  dont  le  centre  a  fléchi  et  permis  le  dépôt 
des  matières  détritiques  descendues  de  la  Forêt-Noire.  Bôse  pense 
que,  le  17  novembre  1891,  il  s'est  légèrement  déplacé  entre  ses  faiUes 
limites,  surtout  dans  sa  partie  méridionale.  Cette  conclusion  paraît 
bien  expliquer  les  séismes  de  Fribourg  et  de  ses  environs. 

En  ce  qui  concerne  plus  particulièrement  le  Kaiserstuhl,  Wiegers* 
met  en  relation  les  deux  séismes  du  14  février  et  du  3  juillet  1899 
avec  la  faille  N.  S.  qui,  courant  de  KOnigschaffhausen  à  Oberim- 
singen,  coupe  le  volcan,  et  parallèlement  à  laquelle  sont  sorties  les 
laves  de  Limburg  et  de  Sponeck.  D'après  ce  savant,  les  séismes  de 
la  Forêt-Noire  S.  W.,  ou  du  Dinkelberg,  se  transmettent  plus  diffi- 
cilement au  Kaiserstuhl  qu'à  la  plaine  alluvionnaire  dont  les  cailloux 
et  les  sables  ont  une  épaisseur  suffisante  pour  en  amortir  les  ondula- 
lions  et  les  vibrations  ;  de  sorte  qu'il  se  rencontre  avec  Knop  '  pour 

*  Das  Erdbeben  in  der  Gegend  von  Freiburg  am  ITNovember  1891  {yerhandl.  d.  nat. 
Wiss.Vereins  zu  Karltruhe,  XIII,  1900,  421). 

*  Bericht  ùbor  die  am  14  Februar  und  3  Juli  1899  in  Baden  beobachtelen  Erdbeben 
(id.,  577). 

'  Das  Erdbeben  im  Kaiserstuhle  vom  24  Juni  1884  {id.j  X,  1888,  41).  —  Das  Erdbeben 
vom  21  Âpril  1883  in  der  Feldbergnippe  (id.,  62).  —  Das  Erdbeben  im  Kaiserstuhle 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  85 

regarder  les  secousses  du  Kaiserstuhl  comme  indépendantes^  en 
particulier  celle  du  21  mai  1882.  Jusqu'alors  le  caractère  volcanique 
des  séismes  des  environs  de  Fribourg  ne  faisait  pas  question  depuis 
que  Dietrich*  avait  à  la  fin  du  xviir  siècle  reconnu  le  volcan  ruiné. 
Mais  il  a  fallu  en  revenir  lorsqu'on  a  observé  que  les  tremblements 
de  terre  du  21  mai  1882,  du  24  juin  1884  et  du  3  janvier  1886  s'al- 
longeaient dans  le  sens  de  la  vallée  rhénane»  et  que  leurs  épicentres, 
tout  en  restant  sous  le  massif  éruptif,   variaient  notablement  de  ! 

position,  deux  circonstances  en  faveur  de  causes  purement  tecto- 
niques. 

Plus  au  Nord,  le  rôle  séismogénique  de  la  faille  rhénane  principale  j 

semble  disparaître  en  face  de  Strasbourg,  à  peu  près  comme  cela 
s'est  présenté  sur  la  rive  gauche.  Au  delà  de  cette  interruption,  | 

Carisruhe  paraît  être  un  foyer  notable,  caractérisé  du  moins  par  un  i 

important  essaim  de  secousses  en  mai  1737,  mais  auquel  on  ne  sau- 
rait toutefois  assigner  une  origine  déterminée.  Cette  ville  fait  face  à 
Kandel,  dont  on  a  parlé  plus  haut,  et  correspond  à  la  dépression  du  ' 

Kraichgau.  | 

La  séismicité  du  flanc  occidental  de  la  Forêt-Noire  n'atteint  pas 
tout  à  fait,  au  Nord,  l'extrémité  de  ses  terrains  primaires  visibles  et 
Tintervalle  entre  ces  couches  et  celles  de  même  nature  de  l'Oden- 
wald,  c'est-à-dire  que  la  partie  permienne,  triasique  et  jurassique  de 
ce  flanc  est  beaucoup  plus  stable.  Ce  fait  est  difficile  à  interpréter. 

Il  faut  maintenant  remonter  jusqu'au  Neckar  pour  retrouver  l'ins- 
tabilité, qui  n'a  pas  profité  pour  se  rétablir  du  champ  de  fractures 
situé  au  S.  W.  d'Heidelberg.  Si  l'on  mène  une  ligne  du  coude  du 
Neckar  à  Eberbach,  on  isole,  à  l'Ouest  et  entre  les  trois  cours  d'eau, 
Rhin,  Main  et  Neckar,  un  district  que  sa  séismicité  permet  de  mettre 
presque  en  parallèle  avec  celui  de  l'Erzgebirge.  Ce  sont  les  deux  plus 
instables  régions  de  l'Europe  centrale  et  occidentale,  au  Nord  des  plis- 
sements alpins  et  pyrénéens.  Ce  foyer  comprend  le  bassin  tertiaire 
de  Mayence,  et  ne  mord  que  très  faiblement  sur  la  partie  nord-occi- 
dentale du  massif  primitif  de  l'Odenwald.  Tout  comme  dans  l'Erzge- 
birge, il  est  caractérisé  par  des  périodes  de  long  repos  séparant  des 
paroxysmes  plus  ou  moins  durables,  avec  cette  différence  que  ceux 
du  bassin  de  Mayence  sont  moins  bien  connus  et  qu'ils  paraissent 
nioins  fréquents.  La  seule  période  d'exacerbation  qui  ait  été  bien 

3  Januar  1886  (id.,  67).  —  Sporadische  Erdbeben  im  Kinziglhale,  in  Staufen,  in  Broisach, 
ïind  in  der  Gegend  von  Markdorf  (id.,  116). 

*  Cf.  Ph.  Knglep.  Fr.  von  Dietrich.  Ein  Beitrag  zur  Geschlchte  der  Vulkanologie  (Man- 
chener  geogr.  Studien.,  VU,  Mûnchen,  1899). 


86  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

étudiée  est  celle  de  1869  ^  dont  le  maximum  eut  lieu  du  30  octobre 
au  19  novembre  de  cette  année,  et  qui  ne  s'évanouit  complètement 
qu'en  1873.  Il  y  en  eut  probablement  d'autres  dans  les  siècles  pré- 
cédents, mais  on  ne  peut  que  les  soupçonner  d'après  des  renseigne- 
ments incomplets. 

En  1869,1e  centre  d'ébranlement  fut  sans  conteste  Gross-Gerau,  et 
si  Darmstadt  présente  un  grand  nombre  d'observations  de  séismes, 
cela  tient  apparemment  à  sa  situation  de  ville  importante  et  cultivée. 
Tout  autour  se  pressent  des  épicentres,  surtout  de  séismes  de  relaî, 
mais  quelques-uns  d'une  certaine  importance,  et  peut-être  même 
indépendants  de  Gross-Gerau,  comme  Mayence,  Francfort-sur-le- 
Main,  la  Bergstrasse,  Reichenbach  et  Schônberg,  ces  deux  derniers 
près  du  Felsberg. 

La  grande  faille  rhénane  de  la  rive  droite  passe  à  Darmstadt,  et 
longe  le  pied  occidental  du  massif  primitif  de  l'Odenwald,  qui  est 
lui-même  un  remarquable  champ  de  fractures,  entre  cette  ville  et 
Weinheim  à  l'Ouest,  et  s'épanouissant  à  l'Est  depuis  Aschaffenbourg 
jusqu'au  Schildeberg  au  Sud.  Il  résulte  de  la  carte  séismique  que 
rOdenwald  est  stable,  même  là  où  le  champ  de  fractures  le  recouvre 
partiellement.  Bref,  le  district  séismique  coïncide  avec  le  bassin 
tertiaire  de  Mayence. 

Dieffenbach  a  considéré  les  secousses  de  Gross-Gerau  comme 
d'origine  volcanique,  sous  prétexte  que  l'Odenwald  est  constitué  de 
roches  ignées  et  que  des  formations  éruptives  se  rencontrent  tout 
autour,  Yogelsberg,  RhOn,  Kaiserstuhl,  etc.  Il  est  inutile  d'insister 
sur  cette  explication  par  trop  simpliste,  se  heurtant  d'ailleurs  à 
l'absolue  stabilité  de  ces  massifs  volcaniques.  Von  Lasaulx  a  sug- 
géré des  éboulements  souterrains  par  dissolution  de  couches, 
opinion  que  Hœmes'  regarde  avec  juste  raison  comme  absolument 
inconciliable  tant  avec  le  grand  nombre  des  chocs  qu'avec  la  grande 
extension  de  beaucoup  d'entre  eux. 

Sans  dire  d'une  façon  très  explicite  que  le  foyer  séismique  du 
bassin  de  Mayence  est  lié  à  des  mouvements  verticaux  d'affaisse- 
ment, Lepsius  a  fait  sur  ce  sujet,  en  1880,  une  très  importante  com- 
munication à  la  28*  réunion  de  la  Société   géologique  allemande 

*  J.  Nôggerath.  Die  Erdbeben  im  Rheingebiet  in  den  Jahren  1868,  4869  nnd  1810 
(Ve7'handl.  d.  fiât.  kist.  Vereins  d.  preuss.  RheirUande  und  Westfalens,  XXVII,  Bonn. 
1870). 

F.  Dieffenbach.  Plutonismns  nnd  Vnlkanismus  in  der  Période  yon  1868-1872  nnd 
ibre  Beziehungen  zu  den  Erdbeben  im  Rheingebiet  (Darmstadt,  1873). 

*  Die  Erdbeben kunde.  Die  Erscheinungen  nnd  Ursachen  der  Erdbeben,  die  Methoden 
ihrer  Beobachtnng  (Leipzig,  808,  1893). 


L'EUROPE  MOTEI^NE  DE  L'ATLANTIQUE  À  LÀ  SILÉSIE  S7 

à  Darmstadt.  Nous  la  résumerons  comme  il  suit  :  «  Au  bord  oriental 
(du  bassin),  on  trouve  partout  comme  couches  les  plus  basses  du 
sous-sol  tertiaire  un  grossier  gravier,  des  cailloutis  et  des  sables, 
qui  se  font  reconnaître  comme  fluviatiles  par  leur  nature  et  la  pré- 
sence d'unios  au  test  épais.  Or  sur  les  hauteurs  d'Hechtstein,  près 
de  Mayence,  ces  couches  sont  à  120  mètres  au-dessus  de  Tétiage 
du  Main,  et  le  rejet  de  la  faille  quaternaire  dépasse  200  mètres  par 
rapport  à  ces  mômes  couches  dans  le  Weisenau.  Il  y  a  donc  lieu 
de  se  demander  si  les  secousses  de  Gross-Gerau  ne  sont  pas  en 
dépendance  de  telles  perturbations  si  récentes.  Le  nivellement  du 
réseau  géodésique  allemand  peut  être  appelé  à  résoudre  la  question. 
Malheureusement,  c'est  en  1870  seulement,  c'est-à-dire  postérieure- 
ment au  paroxysme  de  Gross-Gerau  à  la  fin  de  1869,  que  la  voie 
ferrée  de  May ence  à  Darmstadt  a  été  nivelée.  Le  gouvernement  hes- 
sois  a  bien  fait  refaire  l'opération  en  1880,  mais  on  ne  saurait  encore 
tirer  une  conclusion  ferme  de  l'affaissement  de  O'^^SO  alors  mesuré 
au  trait  d'altitude  de  la  gare  de  Mayence.  »  Assurément,  Lepsius  a 
eu  raison  d'être  prudent  quant  à  la  suggestion  que  les  séismes  du 
bassin  de  Mayence  sont  dus  à  la  continuation  de  l'affaissement 
pléistocène  qui  a  permis  au  Rliin  d'y  déboucher,  hypothèse  d'ailleurs 
très  plausible,  dont  le  mérite  lui  revient  ;  eUe  a  été  adoptée  par 
d'autres  géologues,  et  en  particulier,  de  Lapparent  a  fait  valoir  qu'en 
même  temps  le  massif  rhénan  s'élevait. 

Penck  *  est  encore  plus  explicite  en  disant  que  l'élévation  du  pla- 
teau rhénan  et  l'affaissement  de  la  plaine  fluviale  non  seulement  ont 
eu  lieu  en  plusieurs  fois  pendant  l'époque  tertiaire,  mais  ont  encore 
continué  à  la  période  diluvienne  le  long  des  failles  et  durent  vraisem- 
blablement encore  aujourd'hui,  ainsi  qu'en  témoignent,  dit-il,  les 
nombreux  chocs  qui  affectent  les  environs  de  Darmstadt.  L'avenir  des 
observations  géodésiques  montrera  si  les  mouvements  ont  conservé 
une  amplitude  effective  et  mesurable,  ou  si  Textinction  progressive 
des  efforts  tectoniques  ne  permet  que  la  production  des  séismes. 

De  Mayence  à  Wiesbaden  et  Francfort,  le  flanc  méridional  du 
Taunus  est  assez  instable.  Or  cette  chaîne,  en  prolongement  direct 
du  Hunsriick,  est  le  bord  relevé  à  l'époque  pléistocène  du  plateau 
dévonien  rhénan,  au  pied  duquel  le  bassin  de  Mayence  s'effondrait 
en  même  temps  de  85  mètres  à  Bingen,  sans  que  le  Permien  parti- 
cipât à  ce  mouvement  au  sud  et  au  nord  du  Hunsriick.  On  comprend 
dès  lors  que  le  versant  du  Taunus  soit  instable  et  celui  du  Hunsriick 

*  Das  deutsche  Reich,  in  A.  KirchhoiTs  Ldnderkunde  von  Europa  (l,  Th.  1,  H.  S35, 1887). 


SS  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

stable,  et  cette  opposition  entre  leur  histoire  géologique  est  trop 
frappante  pour  qu'on  hésite  à  la  rendre  responsable  de  la  séismîcilé 
du  flanc  méridional  du  Taunus,  en  même  temps  qu'elle  corrobore 
dans  une  certaine  mesure  Tattribution  des  secousses  du  bassin  de 
Mayence  à  la  persistance  du  mouvement  d'affaissement,  en  attendant 
que  des  nivellements  de  précision  soient  venus  confirmer  les  idées 
de  Lepsius.  Enfin,  le  développement  de  l'appareil  thermal  du  Taunus 
n'est  probablement  pas  indépendant  de  tous  ces  phénomènes. 

La  grande  faille  rhénane  se  termine  brusquement  à  Francfort, 
après  être  montée  directement  au  Nord  depuis  Darmstadt  et  le  bord 
occidental  du  champ  de  fractures  de  l'Odenwald.  Au  delà  du  Main 
elle  est  représentée  par  deux  failles  parallèles,  légèrement  inclinées 
sur  le  méridien,  et  traversant  le  fleuve,  puis  par  une  autre  plus 
importante  et  sinueuse,  d'Aschaffenbourg  à  Altenstadt  sur  la  Nidda. 
Précisément,  cette  vallée  est  une  petite  région  d'ébranlement  à 
séismes  longitudinaux,  comme  celui  du  18  mai  1833,  le  plus  notable 
de  ceux  connus.  La  séismicité  s'arrête  net  ici,  malgré  le  voisinage 
immédiat  du  volcan  démainlelé,  le  Yogelsberg,  aussi  aséismique  que 
laRhôn,  région  volcanique  voisine  et  contemporaine. 

Le  petit  massif  du  Spessart  est  d'une  absolue  stabilité.  Ainsi  de 
quatre  horsts  de  l'Europe  moyenne,  Spessart,  Odenwald,  Vosges  et 
Forêt-Noire,  seul  le  dernier  est  un  peu  instable  dans  son  intérieur. 

Les  parties  supérieures  des  bassins  du  Neckar  et  du  Danube  for- 
ment un  district  séismique  d'une  certaine  importance,  sur  le  versant 
oriental  de  la  Forêt-Noire,  entre  Donaueschingen,  Hayingen,  Geis- 
lingen,  Schorndorf,  Stuttgart  et  Sulz.  On  peut  le  dénommer  district 
d'Urach,  du  Rauhe  Alp,  ou  mieux  de  HohenzoUern,  ce  pays  en  étant 
probablement  la  partie  la  plus  souvent  secouée,  au  moins  autour 
d'Hechingen  et  de  Tiibingen  dans  le  Wurtemberg.  Le  trait  géogra- 
phique saillant  est  ici  le  rebord  abrupt  du  Jurasouabe,  tombant  sur 
le  haut  Neckar  par  une  série  de  compartiments  séparés  par  des 
rivières,  et  qui  portent  successivement  les  noms  de  Baar,  Heuberg, 
Rauhe  Alp,  Albuch  et  Hàrtfeld,  tandis  qu'il  s'abaisse  par  un  long 
plan  incliné  le  long  du  Danube,  de  Donaueschingen  à  Donauwerth. 
Le  raide  talus  du  N.  W.  est  liasique,  l'autre  oolithique,  et  cette 
région  pénéséismique  est  séparée  du  massif  primitif  de  la  Forêt- 
Noire  méridionale  par  une  longue  pointe  de  Trias  et  de  Permien 
descendant  de  la  ligne  Rastadt-Stuttgart  comme  base,  et  ne  renfer- 
mant que  de  rares  épicentres  sporadiques.  Ainsi,  ce  toit  à  deux 
pentes  inégales  est  surtout  ébranlé  sur  ses  trois  compartiments  méri- 
dionaux, c'est-à-dire  des  sources  du  Danube  au  coude  du  Neckar,  et 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  89 

sur  sa  pente  la  plus  raide.  II  est  difficile  d'attribuer  les  tremblements 
de  terre  du  Rauhe  Alp  à  une  cause  géologique  bien  déterminée. 

Langenbeck  déduit  des  observations  faites  le  13  janvier  1895,  que 
ce  tremblement  de  terre,  issu  du  Feldberg,  a  eu  son  mouvement  très 
affaibli  vers  le  Sud  et  l'Ouest,  mais  au  contraire  renforcé  à  Donaues- 
chingen  et  à  Pfôren.  Ne  tenant  pas  compte  de  phénomènes  subsi- 
diaires de  propagation,  il  admet  qu'en  ces  deux  points  le  séisme 
principal  en  lit  par  contre-coup  naître  un  autre  de  relai,  et  il  s'appuie 
surtout  sur  ce  que,  d'après  des  témoignages  concordants,  le  choc  y 
prit  un  caractère  nettement  vertical.  Or,  dit-il,  à  Diirrheim,  à  8  kilo- 
mètres environ  au  nord  de  Donaueschingen,  se  rencontrent  à 
100  mètres  de  profondeur  de  puissantes  masses  de  gypse  et  de  sel 
gemme,  s'étendant  vraisemblablement  vers  le  Sud  jusqu'au  delà  de 
Donaueschingen  et  de  Pfôren,  et  fort  exposées  à  la  formation  des 
vides  par  dissolution  et  lessivage.  Il  en  conclut  que  cette  secousse 
de  relai  est  un  séisme  par  effondrement,  ou  par  écroulement. 

Près  de  l'extrémité  S.  W.  du  Rauhe  Alp  s'ouvre  l'aire  d'effondre- 
ment du  Hôhgau,  ou  Hegau,  district  volcanique  en  activité  à  la  fin 
du  Miocène,  ou  au  commencement  du  Pliocène.  Elle  se  prolonge  vers 
le  S.-E.  par  la  cavité  du  lac  de  Constance  dont  les  bords  orientaux 
constituent,  avec  le  Hôhgau,  une  région  pénéséismique  indépen- 
dante se  prolongeant  sur  la  rive  droite  du  Danube  jusqu'à  Ulm,  et 
au  Sud  jusqu'à  Kempten,  juste  à  la  bordure  des  hauteurs  préalpines 
constituées  par  le  Tertiaire  inférieur,  auxquelles  s'arrêtent  les  ter- 
ritoires étudiés  ici.  Les  séismes  en  question  sont  peut-être  en  relation 
avec  les  mouvements  de  terrain  et  avec  les  phénomènes  qui  auraient, 
à  l'époque  oligocène,  forcé  le  Rhin  supérieur  à  abandonner  son 
cours  vers  l'Est  pour  déboucher  dans  le  lac  et  drainer  la  cuvette  assé- 
chée entre  les  Vosges  et  la  Forêt-Noire,  simple  suggestion  tout  à 
fait  provisoire.  En  outre,  quatre  failles  importantes  ayant  déterminé 
le  cours  du  Danube,  mais  jusqu'à  Ulm  seulement,  où  précisément  la 
séismicité  disparaît  à  l'Est,  peuvent  être  regardées  comme  interve- 
nant, car  cette  coïncidence  n'est  probablement  pas  fortuite.  Bibe- 
rach  a  été  en  janvier  1842  le  théâtre  d'un  petit  essaim  de  secousses. 

La  région  du  lac  de  Constance  présente  de  nombreux  exemples 
d'affaissements  dans  les  calcaires  du  Jurassique  supérieur  et  ils  y  ont 
donné  lieu  à  des  dépressions  privées  d'eau.  C'est  en  tablant  sur  cette 
structure  que  les  membres  de  la  commission  séismologique  wurtem- 
bergeoise  ont,  à  la  réunion  de  Karlsruhe  en  1888,  expliqué,  par  des 
phénomènes  de  dissolution  et  d'entraînement  des  couches  sous  l'action 
des  eaux  souterraines,  les  secousses  à  caractère  sporadique  qui  s'y  font 


90  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

souvent  sentir  et  nommément  celle  du  11  janvier  1881  à  Constance, 
du  24  février  1881  à  Stokach  et  Ludwigshafen,  du  9  mars  1881  à 
Neuhausen  près  d'Engen,  du  21  mars  suivant  à  Ëngen,  du  16  no- 
vembre 1886  à  Thiengen,  et  enfin  du  28  novembre  suivante  Stokach, 
Ludwigshafen,  Winterspûren,  Reichenau,  Salem  et  Ueberlingen. 

Le  Hohgau  nous  ramène  tout  naturellement  à  l'extrémité  du  Rauhe 
Alp,  au  Ries,  cette  célèbre  dépression  tectonique  et  volcanique  tout 
à  la  fois,  qui  constitue  un  important  problème  géologique  non  encore 
complètement  élucidé,  malgré  les  travaux  de  Fraas,  Branco,  Koken, 
et  autres  géologues,  et  qu'à  si  bien  résumés  de  Lapparent^. 
L'instabilité  du  Ries  nous  paraît  avoir  été  exagérée  par  Giînther  et 
Reindl",  les  historiens  de  ses  tremblements  de  terre,  et  si  ceux 
de  1471  et  de  1517  ont  pu  renverser  la  tour  de  Nôrdlingen,  c'est  en 
partie  parce  que  cet  édifice  était  extrêmement  grêle.  A  notre  avis, 
l'instabilité  du  Ries  et  du  Vorries  n'atteint  pas,  à  beaucoup  près, 
celle  des  territoires  précédemment  étudiés,  et  leurs  quelques 
secousses  dérivent  manifestement  des  nombreuses  et  compliquées 
vicissitudes  dont  cette  région  a  été  récemment  le  théâtre,  mais  à  l'ex- 
clusion de  l'effondrement,  les  aires  d'affaissement  voisines  et  ana- 
logues de  Herdtfeldhausen,  Steinheim,  Neresheim  et  EUenberg-Bop- 
fingen  étant  encore  beaucoup  plus  stables.  Les  savants  bavarois 
s'accordent  sur  l'origine  volcanique  de  ces  secousses. 

Von  Gûmbel  attribue  à  la  dissolution  de  la  dolomie  franconienne  on 
séisme  de  MOckenlohe,  auN.  N.  W.  de  Neuburg-am-Donau,  et  il  n'y 
a  pas  de  raison  pour  ne  pas  en  faire  autant  d'un  autre  de  cette  der- 
nière ville,  si  des  observations  directes  confirment  ultérieurement 
cette  explication. 

A  l'exemple  de  Lancaster  au  sujet  des  tremblements  de  terre 
belges  du  haut  moyen  âge,  il  faut  émettre  de  sérieux  doutes  pour  ceux 
qui  auraient  désolé  Wurtzbourg  au  ix*  siècle. 

Tout  le  reste  de  la  Bavière  et  de  la  Franconie  est  très  stable,  et  ne 
présente  que  des  épicentres  sporadiques  sans  intérêt. 

7.  —  Le  massif  bohémien. 
Nous  excluons  la  région  séismique  si  importante  de  l'Erzgebirge, 

*  Cirques  terrestres  ;  Le  problème  du  Ries  [Revue  des  questions  scientifiques,  }m\\ei  1903, 
26,  Louvain). 

*  Seismologtsche  Untersuchungen.  II,  Die  Seismicitftt  der  Riesmolde  [Silxungsber.  «f. 
mai.ph.  KL  d,  Kgl.  Bayer.  Ak,  d,  Wiss.,  XXXII.  IV,  641.  MOnchen.  1904);  S.  Gûnthar. 
Die  seismischen  Verhftltnlsse  Bayeras  (Verhandl.  d.  erslen  internat.  Seismol.  Konferenz, 
Strassburg,  438). 


L^EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILËSIE  H 

qui  s'étend  largement  sur  les  terrains  sédimentaires  de  la  Saxe  et  des 
Ëtats  de  la  Thuringe. 

La  Bohême  est  le  plus  important  des  massifs  archéens  et  primaires 
de  l'Europe  centrale,  et  joue  par  rapport  à  l'Allemagne  le  même 
rôle  que  l'Auvergne  pour  la  France.  Son  ossature  orographique  est 
constituée  par  les  trois  arêtes  montagneuses  du  Riesengebirge,  de 
l'Erzgebirge  et  du  Bôhmerwald,  et  par  le  rebord  des  hauteurs  de 
Moravie,  simple  seuil  élevé,  qui  n'est  pas  une  véritable  chaîne.  Le 
Bôhmerwald  et  le  bassin  de  la  Moldau  forment  ainsi  la  région  péné- 
séismique  du  massif  bohémien  proprement  dit,  en  en  excluant 
comme  nous  le  faisons,  pour  des  raisons  d'exposition,  le  bassin  de 
TEger,  et  celui  de  l'Elbe  en  amont  du  défilé  de  Tetschen. 

La  séismicité  n'est  pas  plus  caractérisée  dans  le  massif  bohémien 
que  dans  le  Plateau  Central  français,  et  l'on  y  rencontre  seulement 
trois  petits  foyers  d'ébranlement,  sans  grande  importance. 

Le  premier  revêt  une  forme  presque  linéaire  par  le  massif  basal- 
tique du  Duppauergebirge,  le  long  du  grand  filon  de  quartz  dit  du 
Pfabl,  et  s'étend  jusqu'à  Waldmiinchen  au  centre  du  Bôhmerwald. 
Le  tremblement  de  terre  du  26  novembre  1902,  étudié  par  Credner ', 
a  eu  son  épicentre  non  loin  de  Pfraumberg.  L'isoséiste  centrale  était 
dirigéeN.  N.  W.-S.  S.E.,  ce  qui  a  conduitKnett'  à  mettre  ce  séisme 
en  relation  avec  les  dislocations  hercyniennes  dans  le  sens  des  géo- 
logues allemands.  Les  autres  isoséistes  se  sont  de  plus  en  plus 
allongées  dans  le  sens  du  Pfahl,  ce  qui  doit  être  uniquement  attribué 
à  des  phénomènes  subsidiaires  de  propagation  sans  intérêt,  ici  du 
moins.  Le  fait  que  ce  séisme  a  eu  l'axe  de  son  aire  pléistoséiste 
dirigé  perpendiculairement  au  Pfahl  corrobore  l'opinion  de  Enett, 
relativement  à  Tinfluence  de  ces  dislocations.  Cet  accident,  le  long 
duquel  s'étend  la  traînée  d'épicentres  dont  il  s'agit  ici,  avoisine  le 
bord  occidental  du  bassin  silurien,  carboniférien  et  permiendu  centre 
de  la  Bohême,  morcelé  par  une  série  de  failles  à  peu  de  chose  près 
parallèles  à  la  ligne  de  Prague-Przibram,  direction  perpendiculaire 
à  celle  du  Pfahl.  Or,  dans  la  cuvette  silurienne,  Suess  voit  non  un 
simple  synclinal,  comme  on  le  croyait  antérieurement,  mais  bien  un 
graben,  ou  fossé  d'e£Ebndrement,  <c  faisant  partie  du  grand  système 
d'accidents  qui  affecte  tout  le  bassin  de  la  Bohême.  »  On  est  ainsi 
amené  provisoirement  à  établir  une  relation  entre  les  phénomènes 

'  Das  Bôhmerwald-Beben  am  26  November  1902  (Ber.  d,  mat.  ph.  Kl.  d,  Kônigl. 
Saeks.  Geê,  d.  Wisa,  tu  Leipzig.  Sitz.  2  Febr.  1903,  13). 

'  Das  Ërdbeben  am  BOhmischen  Pfahl.  26  Nov.  1902  (MiUh.  d.  Erdbeben-comm.  d.  K. 
Ak.  d.  Wiss.,  Neue  Folge.  XVII,  Wien,  1903). 


92  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

qui  ont  donné  son  aspect  actuel  à  la  Bohême  et  à  la  région  pénéséîs- 
mique  couchées  sur  le  Pfahl.  En  tout  cas,  il  nous  semble  que  Pfraum- 
berg  n'étant  pas  sur  le  mur  de  quartz  du  Pfahl,  cet  accident  n'a  pas 
directement  été  en  cause  le  26  novembre  1902,  et  qu'il  est  consolidé 
comme  ses  homologues  de  l'Erzgebirge,  ainsi  qu'onle  verra  plus  loin. 
C'est  aussi  le  cas  du  sillon  de  Bretagne. 

Les  secousses  de  Prague  et  de  Kladno  doivent  sans  doute  dépendre 
aussi  des  dislocations  hercyniennes  de  la  cuvette  silurienne  ;  mais 
cela  n'est  point  certain,  car  il  s'agit  là,  surtout  pour  Prague,  de  phé- 
nomènes dont  l'origine  réelle  est  inconnue,  n'ayant  été  signalés  que 
pour  la  capitale  de  la  Bohême  ;  ils  pourraient  tout  aussi  bien  venir  du 
foyer  de  Trautenau.  Cela  se  trouve  conCrmé  par  Tabsence  d'épi- 
centres  dans  la  cuvette  elle-même.  Dès  lors  ces  dislocations  ne  joue- 
raient un  rôle  séismogénique  qu'au  N.  W.,  vers  le  Pfald.  On  voit 
combien  la  question  reste  encore  obscure,  malgré  les  indications 
données  par  Reindl^  sur  Tinfluence  de  ces  accidents  vers  le  Bôh- 
merwald. 

Le  tremblement  de  terre  du  5  janvier  1897,  étudié  par  Becke*, 
peut  être  mis  en  rapport  avec  les  dislocations  propres  du  Bôhmer- 
wald  méridional,  son  aire  pléistoséiste  s' allongeant  le  long  de  sa 
crête.  C'est  le  seul  connu,  jusqu'à  présent,  qui  soit  dans  ce  cas. 

Le  massif  basaltique  du  Duppauergebirge  mérite  une  mention 
spéciale,  ayant  été,  le  14  août  1899,  le  théâtre  de  remarquables  déto- 
nations séismiques  qui  ont  donné  à  Knett  l'occasion  non  seulement 
de  la  monographie  particulière  plus  haut  mentionnée,  mais  aussi  d'un 
travail  d'ensemble  '  sur  ces  intéressants  phénomènes.  Dans  le  premier 
de  ces  deux  mémoires,  Knett  a  étudié  le  phénomène  acoustico-séis- 
mique  au  point  de  vue  des  circonstances  physiques  et  chimiques  du 
sous-sol  permettant  sa  production,  mais  il  nous  semble  qu'on  ne  peut 
pas  dire  que  ses  considérations  sur  les  failles  voisines  et  sur  la  grande 
dislocation  et  la  ligne  séismo-thermale  de  l'Eger  constituent  une 
réelle  démonstration  d'un  rapport  de  cause  à  effet,  hypothèse  qu'il 
se  garde  d'ailleurs  bien  d'émettre  formellement. 

Il  y  a  peu  d'années,  une  station  séismographique  a  été  installée  au 
fond  de  la  mine  de  Przibram,  sur  le  bord  de  la  cuvette  silurienne, 
dans  le  but  d'étudier  les  phénomènes  différentiels  de  propagation  des 

'  Bericht  ûber  das  Erdbeben  vom  5  J&nner  1897  im  sûdlichen  Bôhnierw&ld  (Millh.  d. 
Erdbebencomm.,  HI,  Wien,  4897). 

*  Bericht  ûber  das  Delonationsph&nomen  im  Duppauergebirge  am  14  August  1899 
(/d.,  XXI,  1900). 

'  Ueber  d  ieBeziehungen  zwischen  Erdbeben  und  Detonationen  (Id.,  XX,  1900). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  9S 

secousses  relativement  à  ceux  observés  à  la  station  de  surface  sur 
une  même  verticale.  Une  telle  disposition  paraît  susceptible  de  déceler 
plus  tard  Tinfluence  des  failles  hercyniennes,  pour  peu  que  les 
observateurs  dirigent  leurs  recherches  dans  ce  sens. 

Près  de  la  rive  gauche  du  Danube,  de  Turnau  à  Kattsdorf,  s'étend 
en  Bavière  et  en  Autriche  une  région  d'ébranlement  se  prolongeant 
jusqu'à  Budweis  et  occupant  aussi  le  haut  bassin  de  la  Moldau. 
Le  maximum  d'activité  s'y  montre  au  sommet  S.Ë.  de  cette  aire 
triangulaire,  aux  environs  de  Prâgarten.  Le  tremblement  du  28  sep- 
tembre 4900  a  été  étudié  par  Yon  Mojsisovics^  qui  le  met  en  rela- 
tion avec  le  petit  bassin  tertiaire  d'effondrement  de  Gallneukirchen- 
Kattsdorf-Lungitz,  situé  au  milieu  des  gneiss,  granités  et  granulites. 
Il  n'y  a  pas  de  motifs  pour  s'écarter  d'une  opinion  aussi  autorisée. 

Le  double  centre  séismique  de  Josephsthal  et  de  Litschau  corres- 
pond à  l'extrémité  N.  W.  de  la  fameuse  ligne  séismique  de  la  Kamp, 
dont  l'étude,  faite  par  Suess  en  1873,  a  fait  époque  en  séismologie 
tectonique,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin  à  propos  des  Alpes  orien- 
tales. Il  s'agit  donc  là  d'un  foyer  n'appartenant  pas  à  la  région. 
D'après  Perrey^,  Bauscher  place  dans  l'Eulengebirge  l'origine  des 
nombreuses  secousses  de  ce  foyer  en  1856-1859,  qui  ne  se  sont  plus 
reproduites  depuis  ;  la  trop  grande  distance^'y  oppose. 

8.  —  Silésie  prussienne  et  autrichienne  (Sudètes). 

Cette  région  s'étend  à  l'est  de  l'Elbe  et  du  bord  nord-est  du 
massif  principal  archéen  et  primaire  de  la  Bohême  au  Sud  de  la 
ligne  Bautzcn-Breslau,  et  jusqu'à  Cracovie.  Elle  comprend  ainsi, 
autour  du  noyau  primitif  du  Lausitzergebirge  et  du  Biesengebirge, 
les  terrains  crétacés  et  carbonifériens  du  Nord-Est  de  la  Bohême, 
houillers  de  la  Silésie  et  quaternaires  de  la  plaine  de  l'Oder.  Les 
tremblements  de  terre  silésiens  ont  été  peu  étudiés,  et  en  dehors 
des  monographies  de  séismes  qui  seront  mentionnées,  nous  ne  con- 
naissons qu'une  liste  générale  peu  circonstanciée  d'un  journal  local  *. 

Dans  le  Nord,  on  rencontre  quelques  épicentres  sporadiques,  pou- 
vant dépendre  de  la  grande  dislocation  de  la  Lusace,  ou  de  l'Elbsand- 
steingebirge,  mais  cette  conclusion  n'est  rien  moins  qu'évidente. 

*  Allgemeiner  Bericht  und  Chronik  der  im  Jahre  1900  im  Beobachtung^sgebieie  eingc- 
Iretenen  Erdebeben  (Id.  Neue  Folge,  II,  13,  Wien,  1901). 

*  Noie  sur  les  tremblements  de  terre  en  1861  (Mém.  Ac.  Bruxelles,  1863,  p.  50). 

'  Historische  Beben  in  Schlesien  [Schlesische  Zeitung,  10  Jannerl901.  Reproduit  dans 
Die  Erdbebenwarte,  ï,  117.  Laibach,  1902). 


91  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

Quoi  qu'il  en  soit,  cet  important  accident  montre  une  action  décisive 
sur  les  séismes  du  haut  Elbe,  dont  il  facilite  l'extension  vers  le  N.  W., 
ainsi  que  l'a  montré  Credner*  pour  celui  du  10  janvier  1901.  Au 
confluent  de  l'Elbe  et  de  la  Moldau,  Melnik  mérite  une  mention  spé- 
ciale pour  avoir  été,  le  8  avril  1898,  le  théâtre  d'un  remarquable  phé- 
nomène acoustico-séismique,  étudié  par  Woldrich',  qui  le  met  en 
relation  avec  les  dislocations  du  Bôhmerwald  et  del'Erzgebirge,  auquel 
cas  ce  point  appartiendrait  réellement  à  l'une  de  ces  deux  répons. 

Le  district  séismique  d'Hirscbberg-Trautenau  est  le  plus  important. 
Au  Nord,  il  s'étend  de  Liegnitz  à  Breslau,  et  au  Sud,  de  Munchen- 
grstz  à  Glatz,  donc  à  cheval  sur  le  Riesengebirge.  Sa  partie  la  plus 
instable  est  le  haut  cours  de  l'Elbe  en  amont  de  Josephstadt  et  celui 
de  l'Aupa.  Liegnitz  et  Breslau  ne  sont  que  des  épicentres  apparents. 

A  partir  et  au  N.  W.  de  Glatz  s'étend,  sur  la  frontière  de  la  Bohême 
et  de  la  Silésie,  le  bassin  carboniférien,  houiller  et  permien  de  Wal- 
denburg.  Dans  la  même  direction  se  rencontre  ensuite  le  massif  gra- 
nitique prolongé  en  pointe  par  celui  du  Lausitzerwald,  ou  monts  de 
Lusace.  Un  peu  au  nord  de  Josephstadt,  on  voit  un  lambeau  permien, 
et  tout  le  flanc  S.  W.  de  ce  système,  jusqu'au  delà  de  Tetschen  sur 
l'Elbe,  appartient  au  Crétacé  supérieur. 

Les  tremblements  de  ^erre  d'Hirscbberg-Trautenau  ont  été  étudiés 
par  divers  savants,  comme  Woldfich',  Dathe  ^,  Laube',  Grânzer', 
Credner,  etc.,  de  sorte  que  les  conditions  séismico-tectoniques  en 
sont  maintenant  bien  connues.  En  partant  du  Nord,  on  rencontre 
l'épicentre  d'Hirscliberg,  dont  le  bassin  correspond  à  un  effondre- 
ment assez  récent.  Le  Garboniférien  de  Glat2&-Waldenburg,  s'il  n'est 
pas  pUssé,  est  du  moins  très  disloqué.  Sur  le  versant  S.  W.,  l'Elbe 
correspond  à  une  dépression  faisant  le  pendant  de  celle  d'Hirschberg; 
et  le  long  des  Sudètes  plusieurs  dislocations  importantes  prennent 
la  direction  N.  W.-S.  E.  Celle  de  Qualisch-Hronow  a  été  le 
siège  de  l'épicentre  du  tremblement  de  terre  du  10  janvier  1901, 
tandis  que  c'est  la  ligne  de  l'Aupa  qui  a  joué  le  31  janvier  1883.  Une 

*  Das  s&chsische  Schûttergebiet  des  sudetischen  Erdbebcns  vom  10  Januar  1901  {Ber. 
d.  maL  phys.  Cl.  d.  K.  Sdchs.  Ges,  d,  Wi3s.  zu  Leipzig,  4  M&rz  1901,  83). 

*  Bericht  ûber  die  unterirdische  Détonation  von  Melnik  in  Bôhmen  vom  8  April  1898 
(Mitth.  d.  Erdbeben  comm,  Wien,  IX,  1898). 

'  Das  bôhmische  Erdbeben  vom  10  JAnner  1904   [Milth,  Erdbebencommission,  Ncue 
Folge,  VI,  Wien,  1901). 

*  Das  schlesiscii-sudelische  Erdbeben  vom  11  Juni  1895  (Berlin,  1897). 

*  Das  Erdbeben  von  Trautenau  am  31  J&nner  1883  {Jahrbuck.  c/.  K.  K.  Geol.  lieichs- 
anslalL  XXXUI,  2,  331, 1883,  Wien). 

*  Das  sudelische  Erdbeben  von  10  Janner  1901  (MiUh.d,  Vereins  d,  Naturfr.inReich' 
enberg,  Bùhmen,  XXXII,  1901). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L  ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIË  95 

autre  ligne  d'affaissement  se  fait  voir  sur  le  flanc  N.  E.  et  le  plus 
abrupt  de  la  vallée  de  la  Steine  qui  s'étend  de  Braunau  à  Glatz.  On 
trouve  donc  là  tout  un  syslëme  de  failles  parallèles,  amplement 
sufBsant  pour  justifier  l'opinion  générale  qu'elles  jouent  un  rôle 
séismogénique  bien  décidé.  Cela  est  d'autant  plus  plausible  que 
l'époque  des  plus  récents  mouvements  ne  descend  pas  au  delà  de 
rOligocëne,  mouvements  qui  n'ont  pas  suffi  à  masquer  entièrement 
les  anciens  plis  hercyniens.  Bref  les  causes  probables  d'instabilité 
ne  manquent  point. 

Dans  l'extrême  Sud-Est  enfin  se  rencontre  un  petit  foyer  séismique, 
autour  de  Scbwientochlowitz,  au  sud  de  Tarnowitz.  Il  correspond  à 
une  série  de  petits  bassins  houillers  non  plissés,  mais  très  disloqués, 
et  cela  apparaît  d'autant  plus  clairement  que  Ratibor  et  Possnitz  ne 
sont  pas  très  éloignés  de  deux  autres  lambeaux,  isolés  des  précé- 
dente et  situés  à  l'est  de  Troppau.  Ainsi  se  maintient  la  séismicité 
des  bassins  houillers  en  avant  des  horsts  fixes  de  l'Europe  centrale. 
On  doit  peut-être  rattacher  à  ce  centre  les  secousses  de  Gracovie,  en 
supposant  que  cette  ville  ait  enregistré  à  tort  pour  elle-même  quel- 
ques-unes de  celles  qui  lui  venaient  de  l'Ouest.  Mais  on  entre  là  dans 
le  domaine  des  Garpathes  ou  des  plissements  alpins,  de  sorte  que 
ce  rattachement  reste  douteux. 


9.  —  Erzgebirge,  Saxe  et  Thuringe. 

Cette  région  s'étend  entre  l'Elbe,  la  ligne  Magdebourg-Minden,  ou 
le  pied  des  collines  sub-hercyniennes,  la  Weser,  le  pied  sud  du 
Thuringerwald,  le  Fichtelgebirge,  une  ligne  longeant  à  peu  de  dis- 
tance la  rive  droite  de  TEger,  et  enfin,  en  aval  de  Kaaden,  cette 
rivière  jusqu'à  son  confluent  avec  FElbe.  G'est  de  beacoup  le  foyer 
séismique  le  plus  important  de  toute  l'Europe  centrale,  en  avant  des 
Alpes  et  des  Pyrénées.  La  partie  la  plus  instable  est  TErzgebirge, 
qui,  avec  ses  dépendances  du  Nord,  renferme  la  grande  majorité  des 
épicentres.  A  proprement  parler,  ce  n'est  pas  une  chaîne  de  mon- 
tagnes, mais  bien  une  sorte  de  falaise  gneissique  et  granitique,  domi- 
nant la  cuvette  bohémienne  et  plus  directement  la  vallée  de  l'Eger, 
qui  coule  à  ses  pieds  et  où  alternent  d'amont  en  aval  de  petits  bas- 
sins tertiaires  et  des  épanchements  éruptifs  de  la  même  ère  géolo- 
gique. Au  Nord  au  contraire,  les  pentes  sont  relativement  douces. 

Les  tremblements  de  terre  de  l'Erzgebirge  sont  très  bien  connus 
dans  leur  allure  générale  depuis  ces  dernières  années,  après  les 


96  GÉOGRAPHIE  SÉISHOLOGIQUE 

travaux  de  CrednerS  Knett*,  Uhlig',  etBecke*.  Ils  présentent  au 


•  Freuei 


les  grands- Aùtas  de  qtuxrtx^ 


Fig.  9.  —  Erzgebirge. 

plus  haut  degré  le  caractère  d'essaims  de  secousses^  durant  de  quelques 

*  Das  vogtl&ndisch-erzgebjrgischc  Erdbeben  vom  23  November  1875  {ZexUckr.  d. 
gesammt.  Natut^wiss.,  XLVIII,  1876,  246,  Leipzig)  ;  Das  vogllândische  Erdbeben  vom 
26  December  1888  {Ber.  d.  K.  Sdchs.  Ges.  d.  Wiss.  mat.  phys.  Kl.,  11  Febr.  1889,  76)  ; 
D^e  8&chsischea  Erdbeben  w&hrend  der  Jahre  1889  bis  1897,  insbesondere  das  sâchsisch- 
bOhmische  Erdbeben  vom  24  October  bis  29  November  1897  (Abhandl.  d.  mat.  phys.  Cl. 
d,  Kgl.  Sdchs,  Ges.  d.  Wiss.y  XXIV,  IV,  317.  Leipzig,  1898);  Die  seismischen  Erschei- 
nungen  im  KOnigreiche  Sachsen  wahrend  der  Jahre  1898  und  1899  bis  zum  Mai  1900 
(Ber.  d.  mat.  ph.  Cl.  d.  Kgl.  Sdchs,  Ges.  d.  Wiss.  zu  Leipzig,  7  Mai  1900,  37);  Die 
vogtlandischen  Erdbobenschwttrme  wàhrend  des  Juli  und  des  August  1900  (W.,  14  No- 
vember 1900,  153)  ;  Die  vogUândischen  Erderschûtteningen  in  dem  Zeitraûmo  vom 
September  1900  bis  zum  Mârz  1902,  insbesondere  die  Erdbebenschw&rme  im  Frûlijahr 
und  Sommer  1901  (Id.,  3  M&rz  1902,  74);  Das  Greizer  Beben  am  1  Mai  1902  [Id.,  2  Febr. 
1903,  3)  ;  Der  vogUa.ndische  Erdbebenscbwarm  vom  13  Februar  bis  zum  18  Mal  1903 
(Abhandl,,  Id.,  XXVIII.  IV,  420,  1904). 

*  Das  erzgcbirgische  Schwarmbeben  vom  1  J&nner  bis  5  Februar  1824  (Sitz.  ber.  d. 
deutsch,  nat.  Med.  Ver.  filr  Bôhmen.  «  Lotos  »,  1899.  Prag.  Nr.  5)  ;  Bericht  ûber  das 
erzgebirgische  Schwarmbeben  vom  13  Februar  bis  25  M&rz  1903  {Mitth.  d.  Erdbeben 
comm.  d.  K.  Ak.  d.  Wiss.  in  Wien.  Neue  Folge,  XVI,  1903). 

"^  Bericht  ûber  die  seismischen  Ereignisso  im  Jahre  1900  im  den  deulschen  Gebieten 
Bôhmens  (Id.,  N.  F.,  III,  1901). 

*  Bericht  iiber  das  Erdbeben  von  Brûx  am  3  November  1896  (Id.,  Il,  1897);  Bericht 
ûber  das  Graslitzcr  Erdbeben  24  October  bis  2a  November  1897  {Id.,  VIII,  1898). 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  97 

jours  à  plusieurs  semaines,  et  séparées  par  des  intervalles  de  repos 
plus  ou  moins  complets.  Une  certaine  régularité  a  permis  à  Knett 
d'annoncer  pour  i9S0  un  paroxysme  probable,  genre  de  pronostics  à 
notre  avis  bien  imprudent,  et  qu'est  venu  infirmer  la  série  de 
février-mars  1903.  Les  intensités  n'y  sont  pas  désastreuses  et  n'ont 
jamais  dépassé  le  degré  VIII  de  l'échelle  Rossi-Forel. 

L'action  des  efforts  de  plissement  domine  toute  l'histoire  géolo- 
gique de  l'Erzgebirge,  où  ils  se  dont  donné  libre  carrière  depuis  les 
temps  les  plus  reculés,  le  Silurien,  jusqu'à  Tépoque  du  dépôt  des 
lignites,  et  par  à-coups  successifs.  Cette  persistance  d'un  même  pro- 
cessus est  extrêmement  remarquable,  et  à  elle  seule  elle  aurait  suffi 
à  mettre  ces  séismes  en  relation  avec  lui,  car  on  ne  comprendrait 
guère  qu'ayant  si  longtemps  duré,  il  se  soit  brusquement  éteint,  sans 
continuer  à  se  manifester  actuellement  sous  forme  de  secousses.  Ce 
rapport  de  cause  à  effet,  admis  par  tous  les  savants  cités  plus  haut, 
résulte  d'ailleurs  de  beaucoup  d'autres  considérations  plus  directes, 
ainsi  qu'on  va  le  voir  par  le  détail. 

En  réalité,  l'Erzgebirge  n'est  que  la  plus  importante  de  trois  rides 
successives  parallèles,  courant  à  peu  près  S.  W.-N.  E.  Les  deux 
autres  vers  le  Nord  sont  le  Mittelgebirge  granulitique  de  la  Saxe 
et  les  hauteurs  de  Liebschûtz  près  de  Strehla  sur  l'Elbe,  cette  der- 
nière disparaissant  rapidement  au  S.  W.  sous  une  puissante  cou- 
verture oL'gocène  et  quaternaire.  De  l'un  à  l'autre  ces  trois  ride- 
ments  diminuent  de  relief  et  augmentent  d'intervalles  entre  eux  à 
mesure  qu'on  les  traverse  du  Sud  au  Nord.  Ils  forment  entre  eux 
deux  auges  intermédiaires  successives,  dans  le  fond  desquelles  les 
discordances  des  terrains  sédimentaires,  non  arasés  et  dénudés,  ont 
précisément  servi  à  faire  constater  la  continuité  du  plissement.  Comme 
cette  action  a  présenté  son  maximum  d'intensité  à  la  fin  de  l'époque 
carboniférienne,  l'Erzgebirge  appartient  au  grand  système  des  plis- 
sements hercyniens  de  l'Europe  moyenne,  connus  ici  sous  le  nom 
de  varisques,  du  nom  de  la  peuplade  germanique  qui  habitait  aux 
environs  de  Hof. 

Cette  décroissance  du  relief  du  Sud  au  Nord,  correspondant  à  une 
amplitude  décroissante  des  vagues  terrestres,  si  l'on  peut  s'exprimer 
ainsi,  s'accorde  avec  une  diminution  graduelle  de  la  séismicité  vers 
le  Nord,  ce  qui  nous  semble  corroborer  fortement  la  relation  énoncée. 

Cet  énergique  plissement,  si  longtemps  continué,  n'a  pas  été  sans 
de  nombreuses  dislocations,  et  en  effet  la  Saxe  n'est  qu'un  vaste 
champ  de  fractures,  qui  la  sillonnent  dans  tous  les  sens,  se  coupant 
et  se  recoupant  de  toutes  les  manières  imaginables,  et  à  diverses 

Di  MoHTKssu*.  —  TremblemenU  de  terre.  7 


98  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

époques  remplies  des  matières  les  plus  variées  ;  tant  et  si  bien  que 
TErzgebirge  en  a  tiré  son  nom  de  Monts  des  Métaux,  ou  en  tchèque 
de  Budo  Hori,  qui  en  est  la  traduction  littérale,  et  que  la  Saxe  a  été 
le  berceau  de  Tart  des  mines,  sinon  de  la  géologie,  avec  la  fameuse 
école  de  Freiberg.  Ce  fîlonnement  intense  a  été,  contrairement  à  ce 
qu'on  aurait  pu  penser,  en  conséquence  de  la  multiplicité  des  dislo- 
cations, une  cause  de  stabilité  séismique,  puisque  la  partie  la  plus 
instable  se  trouve  au  sud  des  territoires  saxons  les  plus  minéralisés. 
L'injection  des  matières  minérales  a  cimenté  et  consolidé  le  bloc 
morcelé  par  les  failles.  Sur  le  versant  bohémien  de  TErzgebirge,  la 
partie  la  plus  riche  en  épicentres  montre  une  série  de  puissants  dykes 
de  quartz,  à  peu  près  perpendiculaires  à  la  crôte  de  la  falaise  et 
faisant  saillie  au-dessus  du  sol  environnant,  parce  que,  grâce  à  leur 
plus  grande  dureté,  ils  ont  mieux  résisté  aux  agents  de  destruction. 
Or,  ils  sont  excentriques  au  district  séismique  et  se  prolongent  au 
delà  de  l'Eger  dans  la  partie  stable  de  la  cuvette  bohémienne. 
Homologues  du  Pfahl  et  du  Sillon  de  Bretagne,  les  fractures,  aux- 
quelles ils  doivent  naissance,  ne  jouent  donc  non  plus  aucun  rôle 
séismogénique. 

L'Erzgebirge  n*a  pas  été  seulement  plissé  et  fracturé,  il  a  encore 
été  le  théâtre  de  mouvements  verticaux  de  grande  amplitude.  Au 
moment  où  la  mer  carboniférienne  se  retirait  de  ces  régions,  deux 
bourrelets  montagneux  se  sont  dressés,  cette  chaîne  et  le  Biesenge- 
birge  ;  il  en  est  résulté  une  tendance  à  l'affaissement  à  l'intérieur  de 
leur  angle  rentrant,  ce  qui  a  préparé  l'invasion  de  la  mer  crétacée 
dans  le  Nord-Est  de  la  Bohême  et  plus  tard,  d'une  manière  beaucoup 
plus  accentuée,  l'irruption  des  eaux  oligocènes  jusqu'à  Eger  le  long 
de  la  vallée  de  la  rivière  du  même  nom.  Plus  tard  encore  la  falaise 
s'est  relevée,  et  l'ancienne  pénéplaine  saxonne  s'est  rajeunie  par  un 
mouvement  de  bascule  vers  le  N.  W.,  ensemble  de  mouvements  qui 
ont  finalement  donné  à  la  Bohême  sa  forme  de  cuvette  en  losange, 
mais  ont  aussi,  et  c'est  ce  qui  nous  intéresse  particulièrement  ici, 
accentué  la  faille  du  pied  méridional  de  l'Erzgebirge,  en  en  portant 
la  crête  à  plus  de  1 200  mètres,  et  en  même  temps  déterminé  les  épan- 
chements  éruptifs  du  Fichtelgebirge,  du  Duppauergebirge  et  du  Mit- 
telgebirge,  qui  se  survivent  encore  à  eux-mêmes  sous  la  forme  de  la 
ligne  thermale  de  l'Eger,  —  Marienbad,  Karlsbad,  Franzensbad, 
Teplitz,  —  pour  ne  citer  que  les  principales  sources. 

Ainsi  donc,  tous  les  phénomènes  géologiques  susceptibles  d'exercer 
une  influence  séismogénique  se  sont  là  donné  rendez-vous,  depuis 
les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  l'aurore  de  l'époque  actuelle  : 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE  99 

plissements,  failles,  affaissements,  surrections,  éruptions  volca- 
niques, appareil  thermal  ;  rien  n'y  manque,  et  il  serait  difficile  de 
citer  à  la  surface  du  globe  un  pays  présentant  une  plus  complète 
synthèse  des  vicissitudes  géologiques.  La  séismicité  générale  de 
rErzgebirge  en  est  la  conséquence  manifeste. 

Tout  rErzgebirge  n'est  pas  uniformément  instable.  Les  tremble- 
ments de  terre,  sans  être  rares  au  Nord  jusque  vers  Leipzig  et  à 
l'Est  vers  Dresde,  cessent  presque  complètement  à  l'Ouest  vers  Hof 
et  le  Fichtelgebirge  ;  ils  montrent  ainsi  une  indépendance  décidée 
par  rapport  à  la  ligne  éruptive  tertiaire  de  la  vallée  de  l'Eger.  Le 
district  séismique  est  à  cheval  sur  la  chaîne;  limité  au  Sud  par 
l'Eger,  il  dépasse  peu  la  vallée  de  l'Elster  occidentale  à  l'Ouest,  et 
celle  de  la  Zwodau  à  l'Est,  tandis  que  sa  frontière  septentrionale  est 
plus  indécise,  la  densité  de  la  répartition  des  épicentres  diminuant 
graduellement  vers  le  Nord,  ainsi  qu'on  l'a  déjà  fait  observer,  vers 
Géra,  Glauchau,  Ghemnitz,  Freiberg  et  Dresde,  Leipzig  même. 

Credner  et  les  autres  séismologues  mentionnés  antérieurement 
croient  à  l'existence  de  deux  centres  prédominants  et  bien  distincts, 
Âsch  et  Brambach  à  l'Ouest,  Graslitz  et  Silberbach  à  l'Est.  Mais  si 
l'on  tient  compte  de  toutes  les  observations,  leur  intervalle  de 
20  kilomètres  se  remplit  d'autres  épicentres  importants,  Markneu- 
kirchen,  Fleissen,  Schônbach,  Frankenhammer,  Hartenberg,  etc., 
et  d'un  grand  nombre  d'autres  moins  riches  en  secousses.  L'inÛuence 
séismogénique  d'accidents  locaux,  tels  la  fracture  en  zigzag  de 
l'Elster  et  de  la  Wurschnitz,  qui  a  été  mise  en  avant,  disparaît  donc 
et  c'est  probablement  ainsi  que  Knett  a  été  amené  à  penser  que  tous 
ces  séismes  préparent  un  futur  effondrement  du  voussoir  en  question 
sur  le  bord  de  la  vallée  de  l'Eger,  prophétie  heureusement  bien  hypo- 
thétique encore,  quoique  non  dénuée  de  vraisemblance. 

Becke  et  Laube  sont  portés  à  attribuer  les  séismes  de  Briîx  et  du 
petit  foyer  d'Eisenberg  aux  dislocations  locales  d'une  voûte  du  gneiss 
fondamental  et  à  la  ligne  thermale. 

Knett*  a  fait  justice  d'une  erreur  bien  enracinée  cependant  et  qui 
se  lit  partout,  l'action  du  fameux  tremblement  de  terre  de  Lisbonne, 
le  1*^  novembre  1855,  sur  les  sources  de  Karlsbad. 

De  Meissen  à  Tetschen,  quelques  épicentres  jalonnent  le  caflon  que 
l'Elbe  8*est  creusé  dans  le  quadersandstein  crétacé,  à  la  faveur  d'un 

*  Verhalten  der  Karlsbader  Thermen  w&hrend  des  vogtiandischwestbdhmischen  Erd- 
bebens  im  Oktober-November  1897  (Id.  Vil,  1898).  Id,  Zur  Kenntniss  der  Beinflussung 
der  Teplitzer  Urquelle  durch  das  Lissaboner  Erdbeben  {SUsungsberichte  «  Lotos  ». 
Prag,  1899). 


100  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQtE 

mouvement  tertiaire  saccadé,  comme  l'indiquent  ses  gradins  succes- 
sifs. 

On  voit  ensuite  des  épicentres  clairsemés  se  disséminer  des  deux 
côtés  du  Thiiringerwald,  mais  surtout  au  Nord  entre  la  Saale  et  la 
Werra.  Cette  muraille,  de  400  à  500  mètres  de  haut,  est  accidentée 
jusqu'au  Meissner  d'un  système  de  grandes  failles  parallèles,  de 
même  direction  N.  W.-S.  E.,  et  de  l'époque  tertiaire,  qui  se  sont 
superposées  à  des  accidents  hercyniens  perpendiculaires,  N.  E.- 
S.  W.,  en  partie  effacés  par  l'érosion  et  la  dénudation.  C'est  tout 
ce  qu'on  peut  actuellement  dire  de  ces  séismes,  qui  semblent 
surtout  ébranler  ces  dernières  dislocations,  sans  que  toutefois  les 
failles  tertiaires  soient  parfaitement  en  repos.  Penck^  a  fait  observer 
que  les  gypses  du  Zechstein  ont  occasionné  de  nombreux  éboule- 
ments  ou  affaissements  à  la  bordure  du  Harz  et  du  Thûringerwald, 
aussi  bien  que  ceux  du  Keuper  à  la  surface  du  plateau  thurin- 
gien  lui-même  ;  ces  phénomènes  sont  en  rapport  avec  plusieurs 
petits  bassins  hydrographiques  presque  fermés,  ceux  par  exemple 
des  lacs  profonds  de  Salzungen,  Schôn  et  Grâven  dans  le  vorland 
méridional,  ainsi  que  d'autres  au  pied  du  Harz.  Il  semble  bien, 
pense-tril  du  moins,  qu'il  y  ait  là  une  cause  de  séismes  sporadiques. 

Il  faut  noter  que  le  Harz,  si  extraordinairement  disloqué,  est 
stable,  et  que  d'autre  part  les  collines  subhercyniennes,  si  fortement 
plissées,  sont  de  Hameln  à  Magdebourg,  et  dans  la  même  direction 
jusqu'à  Berlin  dans  la  grande  plaine  germano-baltique,  jalonnées  de 
quelques  épicentres,  d'ailleurs  pauvres,  ce  qui  fait  songer  à  l'action 
du  plissement  lui-même. 

Enfin  Stassfurth  est  un  épicentre  assez  souvent  ébranlé,  dont 
Hœrnes  et  von  Fritsch  '  attribuent  les  secousses,  et  en  particulier 
celle  du  14  décembre  1881,  à  des  effondrements  dans  les  mines 
d'anhydrite  des  environs  et  de  Leopoldshall. 

10.  —  La  plaine  germano-baltique. 

Cette  vaste  étendue,  presque  partout  recouverte  par  les  produits 
erratiques  du  Nord,  est  d'une  aséismicité  presque  absolue.  Plusieurs 
des  rares  séismes  signalés  sont  même  peu  authentiques.  Elle  pré- 
sente cette  stabilité  en  commun  avec  la  plate-forme  russe,  mais  pour 
des  causes  différentes.  La  Russie  est  stable  parce  que  ses  dernières 

«  Das  deutsche  Reich  (Ldnderkunde  von  Europa,  erster  Theil,  erste  U&lfte,  330), 
*  Allgemeine  Géologie,  417.  Stuttgart,  1888. 


L'EUROPE  MOYENNE  DE  L'ATLANTIQUE  A  LA  SILÉSIE         101 

vicissitudes  géologiques  sont  extrêmement  anciennes,  et  la  plaine 
germano-baltique  par  suite  de  l'extinction  d'efforts  orogéniques  bien 
plus  récents,  tertiaires,  qui  ont  préparé  l'évolution  de  son  réseau 
hydrographique  et  dont  les  effets  sont  en  partie  masqués  par  les 
dépôts  d'origine  glaciaire.  Quelques  vagues  anormales,  signalées  sur 
ses  côtes,  ne  sont  pas  d'origine  séismique  bien  certaine. 


CHAPITRE  IV 

LA  PLATE-FORME  RUSSE 


L'immense  plate-forme  russe  présente  dans  son  histoire  géolo- 
gique ce  caractère  d'être  un  des  rares  territoires  du  monde  connu, 
qui,  ainsi  que  le  dit  de  Lapparent,  sans  avoir  traversé  de  longues 
phases  d'émersion,  se  soit  depuis  le  début  des  temps  siluriens, 
montré,  sur  toute  son  étendue,  constamment  réfractaire  aux  efforts 
de  plissement  comme  à  ceux  de  morcellement.  Une  telle  définition 
fait  immédiatement,  et  sans  hésitation,  pronostiquer  une  grande 
stabilité  séismique,  et  c'est  bien  une  observation  concordant  avec 
les  renseignements  tirés  de  longues  annales  historiques  compulsées 
par  PerreyS  Mouchkétovet  Orlov*,  Làska^  ainsi  que  des  bulletins 
séismiques  périodiques  de  Hlasek^  et  de  Levitzki*.  Mais  pas  plus 
qu'en  aucun  pays  du  monde,  les  tremblements  de  terre  ne  sont 
complètement  inconnus  dans  la  Russie  d'Europe  :  il  y  a  même  des 
contrées  moins  souvent  ébranlées  encore . 

La  Finlande  a  déjà  été  examinée,  à  propos  du  bouclier  Scandinave. 

De  Biélostok  à  Tver,  Veïssov,  Astrakhan,  Taganrog  et  Kamié- 
nets-Podolsk,  des  épicentres  clairsemés  et  pauvres  en  séismes 
se  disséminent  à  la  surface  de  la  Russie  méridionale.  Ce  grand 
territoire  est  à  peine  pénéséismique,  car  les  dégâts  qu'auraient  pro- 
duits en  Pologne,  et  à  Kiev,  des  tremblements  de  terre  du  moyen 
âge,    doivent  être  sans  aucun  doute   attribués  à  l'imagination  de 

*  Documents  relatifs  aux  tremblements  de  terre  dans  le  nord  de  l'Europe  et  de  l'Asie 
(Anti,  magn.  et  méiéor.  du  Corps  des  mines  de  Russie.  Saint-Pétersbourg,  1846). 

*  Catalogue  des  tremblements  de  terre  de  l'empire  russe  {Mémoires  de  la  Société  impé- 
riale russe  de  géographie.  Saint-Pétersbourg,  1893;  en  russe). 

Observations  sur  les  tremblements  de  terre  en  Russie  dans  les  années  1891  à  1899 
{Nouvelles  de  la  Soc.  imp.  russe  de  géographie,  XXVI I  et  XXXV  ;  en  russe). 

*  Die  Erdbeben  Polens  {Mitth.  d.  Erbebencomm,  d.  K,  Ak.  d.  Wiss.  in  Wien,  Nene 
Folge,  Vni,  1902). 

*  Renseignements  mensuels  sur  les  tremblements  de  terre  à  l'observatoire  physique 
deTiflis,  1900, 1901...  (en  russe). 

*  Bulletin  de  la  coinmission  séismique  centrale  permanente,  1902,  1903  (en  russe). 


LA  PLATE-FORME  RUSSE 


103 


chroniqueurs  ignorants  et  crédules,  que  pour  la  plupart  leur  carac- 
tère religieux  portait  à  regarder  ces  séismes,  tout  au  plus  capables 


de  renverser  de  vieux  murs,  comme  des  avertissements  de  Dieu,  et 
par  suite  à  en  exagérer  les  effets.  Ces  pays  constituent  en  Russie  une 


104  GÉOGRAPHIE  6ÉISM0L0GIQUE 

bande  remarquable  par  ses  dislocations,  faisant  ainsi  contraste 
avec  le  reste  de  sa  surface  ;  elle  se  dirige  de  la  Pologne  vers  les 
côtes  N.  W.  de  la  Caspienne.  Les  collines  de  Sandomir  et  le 
bassin  carboniférien  de  la  Pologne  en  font  partie.  Dans  le  gou- 
vernement de  Kiev,  on  la  retrouve  dans  les  plissements  des 
couches  près  de  Kanev.  Plus  loin,  elle  est  bien  reconnaissable  dans 
le  bassin  du  Donetz  et  dans  les  monts  Bogdo  de  la  steppe  d'As- 
trakhan, dont  Suess  a  fait  ressortir  l'importance  des  accidents  parti- 
culiers. Ces  dislocations,  sans  perdre  leur  unité  de  caractère,  affec- 
tent successivement  de  l'Ouest  à  l'Est  le  groupe  paléozoïqoe  et 
mésozoïque  en  Pologne,  les  couches  mésozoïques  dans  le  gouverne- 
ment de  Kiev,  enfin  les  dépôts  triasiques  dans  celui  d'Astrakhan.  Il 
est  trfes  remarquable  qu'il  s'agisse  là  de  la  bordure  nord  de  l'extré- 
mité orientale,  maintenant  disparue,  de  la  grande  chaîne  hercyni^&ne 
mise  en  évidence  par  Marcel  Bertrand.  Les  séismes  dont  il  est  ici 
question  sont  donc  manifestement  en  relation  avec  des  plissements, 
et  l'ancienneté  de  ces  dislocations  explique  en  même  temps  la  rareté 
et  la  faiblesse  des  secousses. 

Il  y  a  un  point  encore  plus  intéressant  à  signaler.  En  1895,  Collet* 
a  fait  voir  que  cette  bordure  septentrionale,  à  substratum  disloqué, 
coïncide  à  peu  près  avec  une  ligne  polygonale  suivant  laquelle  le 
général  Stebnitzki  avait  antérieurement  constaté  un  maximum  de 
déficit  de  gravité,  par  report  aux  régions  contiguës  du  Sud  et  du  Nord 
et  qu'un  relief  insignifiant  ne  suffit  pas  à  justifier.  Il  y  a  donc  là 
coïncidence  entre  une  zone  d'anomalie  de  la  pesanteur,  une  région 
relativement  instable,  et  les  racines  d'une  chaîne  rabotée,  avec  ses 
dislocations  de  toute  espèce.  On  aura  l'occasion  de  signaler  d'autres 
exemples  de  ce  genre. 

On  peut  signaler  quelques  accidents  tectoniques  particuliers  au 
voisinage  de  certains  des  épicentres  sporadiques.  C'est  le  cas  de 
ceux  de  la  vallée  de  la  Volga  non  loin  de  Samara.  Le  fleuve  décrit 
en  effet  une  grande  boucle  autour  des  collines  de  Gégouli,  où  une 
faille  ramène  brusquement  le  Paléozoïque  au  travers  du  Jurassique. 

Doss*  a  fait  l'histoire  des  rares  et  légers  tremblements  de  terre 
qui  ébranlent  les  provinces  baltiques,  Esthonie,  Livonie  et  Cour- 
lande,  où  dominent  les  terrains  anciens,  surtout  le  Dévonien.  Ces 
secousses  ont  toujours  un  caractère  nettement  local.  Or  on  ne  con- 

*  Sur  les  anomalies  de  la  pesanteur  à  Bordeaux  (Ann.  Université  de  Grenoble,  VII, 
d,  1895). 

*  Uebersicht  und  Ifatur  der  in  Ostseeprovinzen  vorgekommenen  Erdbeben  {Corres- 
pondenzblatt  des  Naturforscher  Vereins  xil  Riga,  Heft  XL,  Riga.  1897). 


Là  PLàTE-PORME  russe  105 

naît,  en  fait  de  dislocations,  dans  cette  grande  région,  que  de  faibles 
plissements,  de  sorte  que  ces  séismes  ne  peuvent  être  rattachés  à 
une  origine  tectonique  ;  aussi  Doss  invoque-t-il  uniquement  les  effets 
de  la  dissolution  des  couches  de  dolomie  et  de  marne  calcaire,  inter- 
posées dans  les  strates  plus  solides;  il  constate,  en  effet,  l'existence 
de  beaucoup  de  ruisselets  souterrains,  jalonnés  par  de  nombreux 
affaissements  bien  visibles  à  la  surface  du  sol.  Précisément  Klauen- 
stein,  sur  la  Dvina  et  à  une  verste  trois  quarts  de  Kokenhusen,  une 
des  localités  le  plus  souvent  ébranlées,  au  moins  d'après  les  séismes 
relatés,  présente  effectivement  sur  un  très  petit  espace  un  grand 
nombre  de  ces  affaissements,  lentement  produits  sous  les  yeux  des 
habitants.  On  a  même  vu  un  de  ces  ruisselets  se  former  à  une  date 
récente  et,  en  même  temps  que  les  affaissements  s'accentuaient  pro- 
gressivement, venir  enfin  sourdre  en  cascade  en  un  point  de  la  paroi 
de  la  falaise  qui  borde  la  Dvina.  C'est,  semble-t^il,  avec  raison  que 
Doss  voit  dans  ces  faits  d'observation  la  confirmation  évidente  de  son 
opinion,  qu'il  étend  à  toute  la  surface  des  trois  provinces,  où  se 
retrouvent  presque  partout  les  mêmes  circonstances  dans  la  struc- 
ture du  sous-sol. 

Pavlov*  a  le  premier  mentionné,  en  1896,  ce  qu'on  pourrait 
appeler  un  tremblement  de  terre  fossile  à  Alatyr,  dans  la  province 
de  Simbirsk.  Là,  les  argiles  néocomiennes  horizontales  sont  recou- 
pées par  un  véritable  dyke  vertical  de  grès  et  de  sables  à  grains  de 
glauconie,  de  35  centimètres  d'épaisseur,  et  que  ses  fossiles  lui  ont 
fait  rapporter  à  l'Oligocène  inférieur.  Pavlov  pense,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  que  lors  de  l'invasion  par  la  mer  tertiaire 
du  territoire  émergé  depuis  la  fin  des  temps  crétacés,  un  tremblement 
de  terre  a  fait  pénétrer  dans  une  crevasse  les  sables  des  dépôts  oligo- 
cènes en  voie  de  formation.  Après  quoi  Térosion  a  enlevé  tout  ce 
qui  n'était  pas  tombé  dans  la  fente,  de  sorte  que,  sans  cette  chute, 
on  ignorerait  complètement  que  la  région  ait  été  envahie  par  la  mer 
oligocène.  Cette  observation  est  très  intéressante,  et  il  est  probable 
que  des  exemples  analogues  se  rencontreront  ailleurs.  C'est  le  cas 
des  Sandstone  dykes  de  Californie. 

*  ObsenraUons  sur  Alatyr  (Province  de  Simbink)  (Geol.  Magn.^  1896,  50). 


CHAPITRE  V 

ATLANTIQUE  SEPTENTRIONAL  ET  TERRES  ARCTIQUES 


De  l'Islande  aux  Açores,  et  même  au  delà,  règne  une  sorte  de  pla- 
teau, d'ailleurs  irrégulier,  d'une  profondeur  moyenne  de  2000  mètres, 
et  qui  ne  descend  jamais  au-dessous  de  4000  mètres.  De  grandes 
profondeurs  le  séparent  de  l'Europe,  au  sud  des  Iles  Britanniques,  et 
de  l'Amérique  du  Nord.  L'existence  d'un  océan  profond  entre  les 
deux  continents  à  l'époque  secondaire,  ou  au  début  du  Tertiaire, 
n'est  guère  conciliable,  disent  les  naturalistes,  avec  les  données 
modernes  de  la  zoogéographie,  marine  ou  terrestre.  Ce  ne  fut, 
d'après  Haug,  partageant  en  cela  l'opinion  de  beaucoup  de  géo- 
logues, qu'à  la  Qn  de  l'époque  tertiaire  probablement  que  les  aires 
de  surélévation,  boucliers  Scandinave  et  canadien,  furent  définiti- 
vement séparés  par  la  dépression  atlantique,  à  la  suite  d'un  phé- 
nomène d'ennoyage  plutôt  que  d'effondrement.  Des  restes  de  forma- 
tions miocènes  continentales  en  Islande,  et  aux  Fserôer,  seraient  les 
derniers  témoins  de  ces  terres  disparues  et  morcelées,  événement 
pléistocène  sans  doute,  qui  a  donné  lieu  à  d'énormes  épanchements 
éruptifs,  dont  on  retrouve  les  débris  dans  ces  îles  et  au  rocher 
perdu  de  Rockall,  en  plein  océan.  Nulle  part  ne  se  rencontrent  traces 
de  plissements,  et  les  éruptions  dont  il  s'agit  paraissent  s'être  pro- 
duits avec  la  plus  grande  tranquillité,  comme  au  Dekkan  et  dans  le 
Nord-Ouest  de  l'Amérique  du  Nord.  L'affaissement  récent  de  l'Atlan- 
tique a  rencontré  une  démonstration  inattendue  au  rocher  isolé  de 
Rockhall,  à  400  kilomètres  de  l'Irlande  ;  des  draguages  effectués  en 
1896  ont  fait  trouver  de  nombreux  échantillons  de  coquilles  apparte- 
nant à  des  mollusques  d'eau  de  surface,  qui  n'auraient  pas  pu  vivre 
à  la  profondeur  actuelle  ^ 

Tout  fait  donc  présager  une  grande  stabilité  séismique,  et  en  effet 
les  tremblements  de  terre  sous-marins  sont  à  peu  près  inconnus  dans 

•  Geogr.  Journ.,  XI,  48. 


ATLANTIQUE  SEPTENTRIONAL  ET  TERRES  ARCTIQUES         tOl 

rAtlantique  septentrional,  où  l'extrême  activité  de  la  navigation  ne 
les  laisserait  pas  tous  échapper  à  l'observation.  On  y  en  a  signalé 
deux  seulement,  et  aucune  vague  d'origine  séismique. 

Cette  absence  totale  de  séismes  sous-marins  conduit  à  une 
remarque  fort  importante.  Les  plissements  calédoniens  et  armori- 
cains ont  franchi  l'Atlantique  pour  aller  affecter  l'Orient  de  la  masse 
continentale  occupant  le  Canada  et  l'Amérique  du  Nord,  au  bord  de 


Rg^janes 


Fig.  11.  —  Islande. 

l'océan  actuel,  et  ce  sont  ces  derniers  mouvements  qui  ont  édifié  la 
chaîne  des  Appalaches.  S'ils  avaient  en  même  temps  affecté  les 
terres  supposées  effondrées  à  la  fin  de  l'époque  tertiaire,  on  devrait 
s'attendre  à  les  voir  se  survivre  sous  forme  de  secousses  sous- 
marines.  La  stabilité  parfaite  de  l'Atlantique  du  Nord  force  donc  à 
penser  que  ces  plissements  américains  sont  seulement  contempo- 
rains de  ceux  de  l'Europe,  qu'ils  correspondent  aux  mêmes  efforts 
généraux  de  l'écorce  terrestre,  mais,  conséquence  importante  et 
d'aiUeurs  provisoire,  qu'ils  ont  présenté  une  lacune  entre  les  deux 
continents.  Quel  qu'ait  été  aux  époques  secondaire  et  tertiaire  l'état 
de  l'Atlantique  septentrional,  il  a  donc  fallu  que  son  architecture 
reste  tabulaire,  et  que,  par  conséquent,  il  appartienne  bien  aux  aires 
continentales  et  non  aux  géosynclinaux. 

On  ne  connaît  pas  de  séismes  aux  FœrOer. 

L'Islande  est  célèbre  par  les  nombreuses  et  gigantesques  érup- 


108  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

lions  qui,  depuis  au  moins  le  Miocëne,  ont  pris  la  principale  part  à 
la  formation  de  son  relief.  Pendant  la  période  historique  elles  n'ont 
pas  cessé  delà  désoler  en  s'épanchant  à  sa  surface  par  de  nombreuses 
bouches  et  aussi  par  de  grandes  cassures,  ainsi  que  cela  résulte  des 
études  de  Thoroddsen^  et  on  en  possède  des  relations  plus  ou  moins 
circonstanciées  depuis  prës  de  mille  ans.  L'histoire  des  tremble- 
ments de  terre  islandais  est  assez  bien  connue  pour  un  pays  aus&i 
éloigné  des  grands  centres  de  civilisation,  mieux  peut-être  qu'on 
pouvait  l'espérer  dans  ces  conditions  défavorables,  et  le  même  savant 
a  suffisamment  retrouvé  ces  phénomènes  dans  les  annales  locales 
pour  que  leur  répartition  y  soit  non  seulement  arrêtée  dans  ses  traits 
principaux  ',  mais  encore  clairement  mise  par  lui  en  relation  avec 
l'histoire  géologique  de  l'île  *. 

Si  Ton  exclut  les  secousses  qui  ont  accompagné  les  éruptions 
volcaniques,  mais  dont  la  distinction  ne  résulte  pas  toujours  claire- 
ment des  récits  anciens,  on  constate  tout  d'abord  que,  sauf  des  cas 
sporadiques  et  sans  importance,  la  presqu'île  du  Nord-Ouest,  la  côte 
orientale  et  les  hautes  terres  de  l'intérieur  sont  aséismiques.  On 
rencontre  ensuite  autour  des  grandes  indentations  de  la  côte  du 
Nord-Est,  ThistilQôrdur,  Axarfjôrdur  et  Skjâlfjandifjôrdur,  trois 
petites  régions  d'instabilité,  que  Thoroddsen  sépare  entre  elles,  mais 
qui  probablement  n'en  font  qu'une  seule.  Leurs  tremblements  de 
terre,  parfois  assez  intenses,  sont  très  fréquemment  accompagnés  de 
la  formation  de  crevasses  dans  les  brèches  volcaniques  dont  elles 
sont  surtout  constituées.  Toujours  sur  la  côte  septentrionale  les  ter- 
ritoires basaltiques  entre  les  Eyjaljôrdur  et  HrutaQôrdur  se  font 
remarquer  par  des  secousses  sporadiques,  mais  sans  qu'on  puisse 
définir  de  régions  séismiques. 

Le  pourtour  du  golfe  de  Reykjavik,  ou  le  Faxafloi,  et  le  pays  com- 
pris entre  le  littoral,  l'amphithéâtre  que  forme  le  plateau  intérieur  vers 
le  Sud,  le  lac  de  Thingvalla,  l'HécIa  et  l'Eyjafjallajôkul,  constituent 
deux  régions  d'instabilité  que  Thoroddsen  distingue  peut-être  sans 
raison  bien  probante,  très  vraisemblablement  parce  que  Reykjavik 
paraît  être  moins  exposé  que  les  villages  de  la  seconde  région.  Les 
tremblements  de  terre  qu'on  y  ressent  sont  nettement  indépendants 
des  paroxysmes  de  l'Hécla  et  des  éruptions  volcaniques  sous-marines 

•  Oversigt  over  de  islandske  Vulkaners  Historié  (Translated  by  G.  H.  Bœhmer.  Smith' 
êonian  Rep.  1885,  part  I,  495.  Washington). 

*  Jordskjaelv  i  Islands  sydlige  Laviand,  deres  geologiske  Foriiold  og  Uistorie  (G€^- 
Tidakrift,  1898.  XIV,93.  Kjôbcnliavn). 

'Die  Bruchlinien  Islands  und  ihre  Beziehungen  zu  den  Tulkanen  [Petermtmns  geogr. 
Mitth.,  LI.  49,  GoUia,  1905). 


ATLANTIQUE  SEPTENTRIONAL  ET  TERRES  ARCTIQUES         109 

signalées  dans  les  parages  de  Fîle  Yestmannaejar,  les  phénomènes 
éruptifs  n'ayant  jamais  été  accompagnés  en  Islande  que  de  secousses 
très  faibles.  Cette  région  séismique  bien  déûnie  a  été,  à  la  (in  d'août 
et  au  commencement  de  septembre  1896,  le  théâtre  d'un  tremble- 
ment de  terre,  dont  les  cinq  chocs  principaux  ont  finalement  détruit 
17  et  22  p.  100  des  fermes  des  districts  Rangàrvallasyssel  et  Ames- 
syssel  respectivement,  sans  compter  celles  plus  ou  moins  gravement 
endommagées,  sur  un  total  de  1  287.  Cet  événement,  considérable 
pour  Tîle,  a  été  l'objet  d'une  enquête  approfondie  *  par  Thoroddsen 
qui  l'a  étudié  sous  tous  ses  aspects  ^  et  en  a  tiré  d'intéressantes  con- 
clusions. 

Ce  savant  fait  observer  que  si  le  tremblement  de  terre  avait  agi 
sur  des  constructions  en  pierres,  et  non  sur  des  habitations  et  des 
étables  en  bois,  recouvertes  ou  non  de  mottes  de  gazon,  la  destruc- 
tion et  les  pertes  de  vies  auraient  certainement  été  beaucoup  plus 
considérables.  Cette  observation  est  assurément  très  judicieuse,  mais 
d'autre  part  elle  perd  de  sa  valeur  quant  à  Tintensité  que  Thoroddsen 
en  conclut  pour  les  chocs  en  question,  parce  qu'il  faut  tenir  compte 
de  l'extrême  inconsistance  des  matériaux  volcaniques  et  alluvion- 
naires des  districts  ravagés.  Aussi  restons-nous  sous  l'impression 
que  les  tremblements  de  terre  de  1896  n'ont  pas,  en  dépit  des  appa- 
rences, dépassé  le  degré  IX  de  l'échelle  Rossi-Forel,  conclusion  à 
généraliser  pour  le  même  motif  en  l'étendant  aux  séismes  antérieurs, 
à  condition  de  réfléchir  aussi  que  la  saison,  pendant  laquelle  ils  se 
sont  produits,  a  grandement  influé  sur  les  chiffres  des  pertes  de  vies, 
tant  pour  les  habitants  que  pour  les  têtes  de  bétail,  une  réclusion 
complète  étant  pour  tous  une  conséquence  forcée  de  l'âpreté  du  climat 
islandais  pendant  l'hiver,  circonstance  qui  aggrave  beaucoup  les 
effets  des  tremblements  déterre  pendant  cette  période  de  l'année. 

Il  nous  semble  donc  que  cette  partie  méridionale  de  l'île  doit  être 
seulement  rangée  parmi  les  régions  séismiques  les  moins  dange- 
reuses, caractère  généralement  observé  dans  les  pays  où  les  fractures 
jouent  le  rôle  tectonique  principal  à  l'exclusion  des  plissements.  Et 
en  effet  l'Islande  n'appartient  point  aux  géosynclinaux.  Son  ancien 
soubassement  volcanique,  épanché  pendant  la  plus  grande  partie  des 
temps  tertiaires,  est  profondément  découpée  en  horsts  fixes  et  en 
fosses  d'affaissement  par  des  failles  qui  ont,  jusqu'à  l'époque  actuelle, 

*  iardskjâlftar  i  Sndttrlandi  (Kjdbenharn.  1899). 

*  Jordskjœlvene  i  Efleraaret  1896,  (Geogr.  Tidskrift,  XV,  1899-1900,  93,  KjôbeDhavn). 
Bas  Ërdbeben  in  Island  im  Jahre  1896  (Petci^manns  geogr.  Mitlh.,  XLVIII,  1901,  53, 

Gotha,  1902). 


110 


GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 


permis  aux  produits  éruptifs  de  combler  ces  dernières  ;  c'est  en  par- 
ticulier ce  qui  est  arrivé  après  le  fort  tremblement  de  février  1875  à 
la  fosse  située  à  25  kilomètres  environ  à  Test  du  Myvatn,  celle  de 
Sveinagja,  qui  se  creusait  sur  15  kilomètres  de  longueur  et  40O  à 
500  mètres  de  largeur  entre  de  hautes  falaises-fractures  de  15  à 
20  mètres  de  haut.  Le  même  processus  a  été  observé  pour  le  courant 
de  laves  de  1340  d'Ogmunddarhraun  près  de  Krisuvik,  et  dans 
d'autres  circonstances  encore.  Thoroddsen  a  signalé  aussi  un  affais- 


Fig.  12.  —  Islande.  Aires  pléistoséistes  des  tremblements  de  terre  de  1896. 


sèment  de  60  à  70  kilomètres  carrés  au  célèbre  lac  de  Thingvalla 
sur  30  à  50  mètres  de  profondeur  entre  les  fractures  Almangjà  et 
Hrafnagja,  phénomène  renouvelé  avec  une  amplitude  de  2  à  3  mètres 
lors  du  violent  tremblement  de  terre  de  1789.  Le  Faxaflôi  est  une 
zone  d'affaissement  entre  des  cassures  périphériques,  disposition  qui 
se  retrouve  dans  la  péninsule  du  Nord-Ouest  et  au  HrutaQôrdur. 
Suess  pense  que  ces  affaissements  continuent  l'œuvre  de  la  forma- 
tion pléistocène  de  cette  partie  de  l'Atlantique.  Des  lambeaux  de 
crag  marin  près  d'Husavik  (du  Nord)  témoignent  d'une  submersion 
partielle  à  une  époque  fort  tardive,  tandis  que  des  lits  de  Miocène 
d'origine  continentale  prouvent  une  émersion  antérieure  et  corres- 


ATLANTIQUE  SEPTENTRIONAL  ET  TERRES  ARCTIQUES         IH 

pondent  à  l'existence  de  la  terre  qui,  unissant  les  deux  continents, 
explique  la  distribution  actuelle  des  formes  végétales  et  animales, 
telles  que  la  constate  la  biogéographie  moderne.  Les  fractures  qui 
hachent  le  massif  volcanique  islandais  peuvent  être  considérées 
comme  la  suite  et  l'effet  des  efforts  qui  ont  affaissé,  ennoyé  et  morcelé 
les  terres  nord-atlantiques  ;  ainsi  donc  fractures  et  mouvements  posi- 
tifs ou  négatifs  résument  l'histoire  géologique  de  l'Islande. 

Les  tremblements  de  terre  de  1896  sont  venus  donner  une  écla- 
tante confirmation  à  ces  circonstances  particulières,  en  même  temps 
qu'une  explication  à  l'instabilité  constatée  dans  le  sud-ouest  de 
l'Islande.  En  effet  Thoroddsen  a  constaté  que  les  dégâts  produits 
par  les  cinq  principales  secousses  ont  été  délimités  de  la  façon  la 
plus  nette,  sans  zone  de  décroissance  vers  l'extérieur  des  aires 
chaque  fois  ébranlées.  Cette  observation  typique  lui  a  fait  conclure 
que,  pour  chacune  d'elles,  un  bloc  de  terrain  avait  été  mis  en  mouve- 
ment pour  son  propre  compte  entre  les  fractures  qui  le  comprennent, 
fractures  qui,  cachées  sous  l'épais  manteau  éruptif,  n'en  doivent  pas 
moins  avoir  une  existence  parfaitement  réelle,  car  c'est  la  seule 
manière  possible  d'expliquer  cette  manière  d'être  si  particulière  de 
ces  séismes.  Du  reste  cette  hypothèse,  acceptée  par  Glangeaud*,  est 
doublement  corroborée  par  sa  conformité  avec  ce  que  Ton  sait  de 
la  constitution  des  hautes  terres  islandaises,  et  par  ce  fait  que  la 
plaine  éprouvée  en  1896  est  dominée  vers  le  Nord  par  un  amphithéâtre 
montagneux  dont  le  bord  méridional  est  une  fracture,  celle-ci  non 
masquée,  qui  a  arrêté  net  les  dommages  en  jouant  ainsi  le  même 
rôle  que  les  autres  failles  cachées  sous  la  plaine.  Ainsi  disparaît  le 
caractère  hypothétique  des  vues  de  Thoroddsen. 

On  voit  que  les  travaux  de  Thoroddsen  ne  permettent  pas  d'ad- 
mettre un  épicentre  sous-marin  pour  les  tremblements  de  terre 
d'Islande,  en  1896,  comme  l'a  fait  Newby  *,  qui  en  place  le  foyer  en 
mer  au  milieu  de  la  ligne  joignant  Reykjanes  aux  îles  Westmann. 
Ces  parages  maritimes  ayant  été  le  siège  d'éruptions  volcaniques, 
cette  opinion  dérive  vraisemblablement  du  rapprochement  arbitraire 
des  deux  ordres  de  phénomènes. 

En  résumé  les  séismes  de  l'Islande  résultent  des  mouvements  des 
voussoirs  dont  elle  est  composée  et  entre  les  failles  qui  la  découpent, 
et  c'est  pour  cela  qu'ils  n'atteignent  point  l'intensité  des  tremble- 

*  Monographie  du  volcan  de  Gravenoire,  près  de  Glermont-Perrand  {Bull.  Service 
CarU  géol.  de  France.  N»  82,  XIT,  1900-01). 

'  The  earthquakes  in  Iceland,  1896  {The  Journ.  of  Ihe  Manchester  geogr.  Soc,  1896. 
174). 


112  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

ments  de  terre  de  plissement,  tout  en  restant  parfois  assez  dançre- 
reux  ;  la  formation  des  crevasses  importantes,  dont  ils  sont  souvent 
accompagnés,  nous  fait  assister  au  mécanisme  même  de  leur  pro- 
duction. 

Il  est  fort  remarquable  qu'en  dépit  d'éruptions  sous-marines  plu- 
sieurs fois  observées  dans  le  prolongement  de  la  presqu'île  de  Reyk- 
javik, on  ne  connaisse  aucune  relation  de  vagues  séismiques  le  long 
des  côtes  islandaises. 

Au  N.  E.  de  l'Islande,  l'île  Jan  Mayen,  d'origine  volcanique,  où, 
au  pied  du  Beerenberg,  l'expédition  austro-hongroise,  chargée  d'y 
exécuter  en  1882  des  observations  magnétiques  et  météorologiques, 
a  senti  trois  secousses,  termine  le  socle  sans  profondeur  qui  unit  ces 
deux  îles  au  Groenland,  si  stable,  et  qui  paraît  être  un  reste  des 
anciennes  terres  primaires.  Au  delà  s'étendent,  entre  le  Groen- 
land, le  Spitzberg  et  la  Scandinavie,  des  profondeurs  de  plus  de 
2000  mètres,  séparant  nettement  de  l'Atlantique  septentrional  les 
terres  arctiques  de  l'Europe  pour  en  faire  un  monde  à  pari. 

On  ne  connaît  jusqu'à  présent  aucune  secousse  au  Spitzberg,  dont 
la  structure  géologique  est  loin  d'être  claire,  puisque,  si  Suess  n'y  voit 
que  des  fractures,  Garwood',  géologue  de  l'expédition  Conway,  y 
signale  au  contraire  des  plissements.  En  tout  cas,  les  mouvements 
récents  d'exhaussement  y  ont  laissé  d'indéniables  traces.  L'horizon- 
talité du  Trias,  constatée  par  Drasche,  indique  l'absence  de  boulever- 
sements récents  et  la  probabilité  du  repos  séismique. 

L'archipel  de  François-Joseph  n'a  donné  lieu  non  plus  à  aucune 
observation  de  secousses.  Il  est  de  nature  volcanique  et  a  subi  des 
mouvements  verticaux  semblables  à  ceux  du  Spitzberg. 

De  la  Novaïa  Zemlia,  on  sait  seulement  qu'elle  continue  les  plis- 
sements de  l'Oural  du  Nord,  trop  anciens  pour  laisser  des  traces 
d'instabilité,  pas  plus  là  que  sur  le  continent. 

Dans  toutes  ces  terres  septentrionales,  les  mers  secondaires  ont 
déposé  leurs  sédiments.  On  est  donc  en  présence  d'une  région  terrestre 
dont  la  condition  océanique  a  persisté  pendant  de  longues  périodes, 
ce  qui  est  a  priori  un  garant  d'une  stabilité  séismique  qu'aucune 
observation  n'est  venue  jusqu'ici  démentir,  les  plissements  n'y  ayant 
pas  joué  un  rôle  sufGsant. 

*  Ch.  Rabot.  L'alpinisme  au  Spitzberg.  Les  ascensions  de  Sir  Martin  Conway  (Adapta- 
tion. Le  Tour  du  monde,  1900,  383,  Paris). 


CHAPITRE  VI 

VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA 


L'Amérique  du  Nord,  à  FËst  des  Montagnes  Rocheuses,  forme  une 
unité  géographique  bien  définie^  qui  n'a  été  que  très  tardivement 
séparée  de  l'Europe,  par  l'ennoyage  de  TÀtlantique  septentrional. 
Son  histoire  géologique  explique  la  simplicité  de  sa  configuration,  et 
les  tremblements  de  terre  s'y  répartissent  d'une  manière  tout  à  fait 
conforme  à  l'ancienneté  de  ses  diverses  vicissitudes.  Il  sera  donc 
assez  facile  de  mettre  les  manifestations  séismiques  en  rapport  avec 
cette  histoire,  et  l'intérêt  de  cette  étude  grandira  avec  la  clarté  du 
parallèle  qu'il  s'agit  d'établir.  De  Lapparent  et  Suess  ont  écrit  sur 
ces  pays  des  pages  saisissantes,  qu'il  nous  arrivera  de  citer  presque 
textuellement  sans  plus  d'avertissement^  mais  tout  le  monde  les 
reconnaîtra,  tant  elles  sont  classiques. 

Tout  le  Nord-Est  de  l'Amérique,  de  l'embouchure  du  Saint-Lau- 
rent à  celle  du  Mackenzie  par  la  dépression  des  grands  lacs,  et 
les  lacs  Winnipeg,  Athabasca  et  des  Esclaves,  forme  le  bouclier 
canadien,  perçant  çà  et  là  de  ses  couches  archéennes  plissées, 
et  arasées  jusqu'à  leurs  racines  dès  avant  la  période  silurienne, 
une  auréole  de  terrains  paléozoïques  horizontaux,  qui  reposent  en 
discordance  sur  l'ancien  substratum.  Toutes  ces  terres,  dontl'émer- 
sion  définitive  remonte  si  loin,  et  qui  n'ont  subi  ultérieurement  que 
le  modelé  de  la  période  glaciaire,  doivent  donc  être  a  priori  d'une 
grand  stabilité,  sauf  là  où  d'autres  vicissitudes  seront  venues  trou- 
bler le  vieil  équilibre.  Et,  en  effet,  les  tremblements  de  terre  sont 
inconnus  depuis  les  terres  Arctiques  jusqu'au  Saint-Laurent.  Six 
faibles  secousses  signalées  au  Groenland,  et  une  seule  dans  la 
chaîne  côtière  du  Labrador,  ne  sont  pas  pour  infirmer  le  parfait 
repos  séismique  de  ces  vastes  territoires.  En  particulier,  le  Groen- 
land est  un  plateau  archéen,  recouvert  de  Dévonien  resté  horizontal, 
que  des  effondrements  tertiaires  limitent  à  l'Est  et  à  l'Ouest,  avec 
jalonnements  de  roches  éruptives  récentes,  et  l'on  sait  combien  peu 

Di  MoTTiMOs.  —  Tremblements  de  terre.  8 


114 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


de  semblables  mou- 
vements simple  - 
ment  verticaux  sont 
favorables  à  la  séis- 
micité. 

Les  circonstan- 
ces changent  avec 
le  Saint-Laurent , 
le  Nouveau-Bruns- 
wick,  l'île  du  Cap- 
Breton  et  la  Nou- 
velle -  Ecosse.  Les 
tremblements  de 
terre  s'y  produisent 
ordinairement  avec 
la  fréquence  et  l'in- 
tensité des  régions 
pénéséismiques.  Il 
y  a  bien  celui  qui, 
du  5  février  au  mois 
d'août  1663,  aurait 
dévasté  le  Canada, 
avec  de  nombreux 
chocs  consécutifs, 
et  ravagé  la  partie 
alors  colonisée, 
c'est-à-dire  le  Sud- 
Est  sur  plus  de 
400  lieues  (?).  Mais 
les  relations  qu'ont 
faites  de  cet  événe- 
ment tout  à  fait 
exceptionnel  les 
missionnaires  de 
l'époque,  sont  assez 
vagues,  manquent 
de  détails  circons- 
tanciés et  ne  don- 
nent môme  pas  les 
noms  des  localités 
les  plus  éprouvées, 


VERSANT  ATLANTIQUE   DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       115 

ni  des  montagnes  soi-disant  bouleversées.  On  doit  donc  taxer  ces 
récits  d^une  grande  exagération.  Rien  de  semblable^  ni  même  d'appro* 
chant,  ne  s'est  reproduit  depuis,  et  la  secousse  du  27  novembre  1893, 
une  des  plus  fortes  connues,  n'a  causé  que  des  dommages  sans  im- 
portance. Le  Sud-Est  du  Canada  est  donc  un  pays  où  les  séismes, 
sans  être  rares,  ne  sont  vraiment  pas  à  craindre.  Ils  ébranlent  sur- 
tout la  vallée  du  Saint-Laurent,  d'Ottawa  à  Tadoussac  et  Métis, 
moins  souvent  les  côtes  septentrionales  des  lacs  Erié  et  Ontario, 
plus  rarement  encore  le  Nouveau-Brunswick,  Tile  du  Cap-Breton  et 
la  Nouvelle-Ecosse. 

Le  Saint-Laurent  suit  exactement  le  bord  de  la  pénéplaine  pri- 
maire du  continent  précambrien.  Il  coule  d'abord  dans  un  synclinal 
étroit  qui,  à  l'époque  ordovicienne,  donnait  la  communication  entre  la 
mer  intérieure  des  États-Unis  et  le  bassin  atlantique.  Fermé  à  l'époque 
gothlandienne  par  la  surrection  d'une  barrière  appalachienne,  c'est 
un  accident  tectonique  remarquable  ;  mais  l'ancienneté  de  cette  fosse 
d'affaissement  ne  permettrait  qu'avec  les  plus  formelles  réserves  de 
loi  faire  jouer  un  rôle  séismogénique  actuel.  Ces  tremblements  de 
terre  atteignent  parfois  une  grande  extension,  ce  qui  doit  faire  sup- 
poser qu'ils  ont  des  mouvements  d  ensemble  comme  origine.  Or  on 
n'en  connaît  qu  un  seul  ayant  ce  caractère,  c'est  le  mouvement  de  bas- 
cule grâce  auquel  les  dépôts  marins  de  plages,  soulevés  à  330  mëtres 
au  Labrador,  ne  le  sont  plus  qu'à  143  à  Montréal,  et  à  12  ou  15  seu- 
lement sur  les  côtes  de  la  Nouvelle-Angleterre.  Ce  relèvement  post- 
glaciaire continuerait  encore  de  nos  jours  ;  mais  il  est  tout  aussi  peu 
vraisemblable  qu'il  ait  une  influence  séismogénique,  puisque  la  séis- 
micité  se  restreint  à  la  vallée  du  SaintrLaurent  et  ne  remonte  pas 
vers  le  Nord.  Les  tremblements  de  terre  en  question  restent  donc 
encore  sans  explication. 

Quelques  séismes  agitent  les  rives  des  grands  lacs  de  l'Amérique 
du  Nord,  tout  aussi  bien  du  côté  canadien  que  de  l'autre.  Ce  trait  si 
remarquable  de  la  géographie  superficielle  n'a  aucune  importance 
géologique  d'où  pourrait  provenir  une  instabilité  notable.  En  effet, 
sauf  la  cuvette  du  Lac  Supérieur,  ces  lacs,  au  lieu  d'être  la  conséquence 
de  causes  tectoniques  profondes,  doivent  seulement  leur  origine 
à  une  dépression  survenue  pendant  Tépoque  glaciaire,  puis  au  relè- 
vement déjà  mentionné  vers  le  Nord  et  le  Nord-Est,  qui,  conjointe- 
ment avec  les  moraines,  a  complètement  empêché  les  artères  de  l'an- 
cien réseau  hydrographique  de  reprendre  leur  cours  primitif  après  la 
débâcle  des  glaces. 

Gomme  on  l'a  dit  plus  haut,  le  Nouveau-Brunswick,  la  Nouvelle- 


116  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Ecosse  et  Tîle  du  Cap-Breton  ressentent  de  temps  à  autre  des 
secousses  modérées.  On  entre  là  dans  un  tout  autre  domaine,  celui 
d'un  plissement  antérieur  à  une  partie  du  Carbonifère  et  qui,  arrêté 
au  bas  Saint-Laurent,  aifecte  la  baie  de  Fundy,  le  nord  du  Cap- 
Breton  et  passe  dans  Terre-Neuve.  On  ne  peut  raisonnablement  y 
voir  l'explication  cherchée  de  ces  séismes,  le  plissement  étant  par 
trop  ancien  ;  mais  par  analogie  avec  ce  qui  se  passe  dans  TEurope 
moyenne,  il  est  moins  téméraire  de  s'adresser  aux  dislocations  des 
couches  carbonifériennes.  C^est  par  là,  en  effet,  que  la  chaîne  hercy- 
nienne reparaît  en  Amérique,  après  avoir  en  partie  disparu  sous 
l'Atlantique,  pense-t-on  du  moins.  Comme  ses  fragments  orientaux 
sont  presque  partout  le  siège  de  quelques  tremblements  de  terre,  à 
l'exclusion  des  autres  territoires,  cette  attribution  des  secousses  de 
l'extrême  Canada  sud-oriental  paraît  toute  naturelle  et  conduit  à 
esquisser  maintenant  l'histoire  de  la  Nouvelle-Angleterre,  dont  les 
séismes  sont  bien  connus  grâce  aux  catalogues  deBrigham^,  Perrey' 
etRockwood'. 

A  l'exception  des  Montagnes  Vertes,  dont  l'affaissement  s'était  inter- 
rompu à  la  fm  du  Silurien  inférieur,  toute  la  région  des  Appalaches 
a  formé  pendant  l'époque  primaire  un  géosynclinal,  oii  les  sédiments 
concordants  se  sont  déposés  sous  une  épaisseur  considérable,  de  près 
de  12  000  mètres,  à  la  faveur  d'un  mouvement  continu  de  descente. 
Mais  à  la  fin  de  l'époque  carboniférienne  se  produisit  un  énergique 
plissement,  donnant  naissance  à  une  énorme  chaîne  que  les  géolo- 
gues pensent  avoir  égalé  THimalaya,  si  toutefois  l'érosion  n'a  pas 
marché  de  pair  avec  le  soulèvement.  Bientôt  cependant  celle-ci  avait 
accompli  son  œuvre  destructive  et  permis  aux  sédiments  triasiques 
de  se  disposer  en  discordance  sur  la  pénéplaine,  qui  avait  pris  la 
place  de  la  chaîne  limitant  à  l'Est  le  massif  continental  américain,  et 
sur  le  bord  de  laquelle  se  sont  déposées  les  couches  littorales  créta- 
cées. Les  Appalaches  sont  ainsi  une  ride  hercynienne,  rabotée  main- 
tenant, mais  qui  s'est  dressée  par  plissement  sur  l'emplacement  d'un 
ancien  géosynclinal  primaire.  Ainsi  que  ses  homologues  d'Europe, 
et  avec  une  histoire  géologique  qui  est  exactement  la  même,  elle  forme 
de  la  Nouvelle-Ecosse  à  la  Géorgie  une  vaste  région  pénéséismique, 
coïncidant  trop  bien  avec  les  ruines  de  la  chaîne   pour  qu'on  ne 

*  Historical  notes  on  Uie  earthquakes  of  New  England,  1638-1869  [Memoirs  of  tke  Bos- 
ton  Soc.  of  nat,  hUt.  Read  April  201*,  1869). 

'  Sur  les  tremblements  de  terre  aux  Etats-Unis  et  au  Canada  [Ann.  soc.  d*émul<Uton 
dei  Vosges.  VII,  2*  cahier,  1850). 

'  Earthquakes  of  North  America  {Am,  Joum.  of  Se,  1885  et  années  suivantes.) 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       117 

doive  pas  regarder  ses  tremblements  de  terre  comme  l'héritage  direct 


de  ceux  qui  n'ont  pas  dû  manquer  de  Tébranler  violemment  aux 


118  GÉOGRAPHIE  SÉISM OLOGIQUE 

temps  de  sa  surrection  et  de  sa  splendeur.  La  stabilité  de  Terre- 
Neuve,  que  les  plissements  hercyniens  n'ont  peut-être  pas  atteinte, 
et  Tabsence  de  séismes  au  sud  de  la  Géorgie  et  de  rAlabama,  où  les 
plis  disparaissent  tellement  bien  que  seuls  les  géologues  peuvent  les 
discerner  sous  leur  couverture  crétacée  et  tertiaire,  corroborent  cette 
explication  générale  des  tremblements  de  terre  de  la  Nouvelle-Angle- 
terre^ sans  qu'il  faille  pour  cela  chercher  à  serrer  de  plus  près  leur 
genèse  là  où  il  n'est  pas  possible  d'invoquer  des  causes  locales  par- 
ticulières, ou  des  mouvements  ultérieurs  plus  récents.  Il  est  regret- 
table que  des  renseignements  vraiment  scientifiques  n'aient  pas  donné 
confirmation  de  la  disparition  d'une  montagne  dans  les  Bald  Moun- 
tains  du  Nouveau-Brunswick,  annoncée  par  une  dépêche  émanée 
de  Caribou  (Maine),  à  la  suite  du  tremblement  de  terre  important  du 
21  mars  1903,  événement  qui  rappellerait  celui  de  1663. 

Les  séismes  du  Maine  présentent  à  peu  près  la  même  fréquence 
et  sont  rarement  plus  intenses  que  ceux  de  l'extrême  Sud-Est  du 
Canada.  Ce  sont  des  côtes  à  rias  et  à  fjords. 

Les  secousses  se  font  un  peu  plus  fréquentes  dans  le  New 
Hampshire,  le  Massachusetts,  le  Connecticut  et  le  New  Jersey. 
Celle  du  9  novembre  1727  renversa  des  cheminées  à  Newburyport, 
et  fut  suivie  d'assez  nombreux  chocs  consécutifs  jusqu'en  1736. 
Dépassèrent-ils  de  beaucoup  la  fréquence  normale?  On  ne  saurait  le 
dire,  car  des  observations  suivies  n'y  ont  jamais  été  faites  à  d'autres 
époques  que  pendant  ces  dix  années.  Cette  intensité  a  été  rarement 
atteinte,  jamais  dépassée.  De  1803  à  1812,  de  nombreuses  et  faibles 
secousses,  et  surtout  de  fréquents  bruits  séismiques  à  Heast  Haddam 
(Connecticut),  ont  fortement  attiré  Tattention  sur  un  phénomène 
qui  ne  s'y  est  pas  reproduit  depuis.  Rockwood  a  recherché  la  cause 
géologique  du  tremblement  de  terre  du  10  août  1884,  qui  s'est 
étendu  jusqu'au  delà  du  Yermont.  Le  tracé  des  isoséistes  lui  a  fait 
conclure  à  une  aire  épicentrale  très  allongée  N.E.-S.W.,  et 
passant  près  de  New  York.  La  réunion  simultanée  de  plusieurs 
accidents  lui  a  fait  admettre  que  ce  district  a  été,  dès  une  époque  gio- 
logique  reculée,  le  siège  de  dislocations,  qui  expliquent  ce  tremble- 
ment de  terre,  et  aussi  les  autres  secousses.  Ce  sont  les  «  Palis- 
sades »,  étranges  nappes  de  trapp  columnaire  injectées  dans  des  assises 
sédimentaires  coupées  par  des  failles.  Mais  l'étendue  de  ce  phéno- 
mène pittoresque,  qui  se  poursuit  jusqu'à  la  Nouvelle-Ecosse,  suffit 
à  lui  faire  dénier  le  rôle  que  Rockwood  veut  lui  assigner.  Il  est 
plus  heureux,  semble-t-il,  en  faisant  intervenir  les  dislocations  qui 
ont  là  fortement  abaissé  la  grande  chaîne  Appalachienne  et  que  le 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA      il9 

tracé  des  isobathes  montre  prolonger  loin  en  mer,  au  large  de 
Sandy  Hook,  la  dépression  du  bas  Hudson,  basse  vallée  d'érosion, 
maintenant  simplement  noyée.  Observant  enfin  que  la  déviation  du 
fil  à  plomb  se  produit  du  côté  de  Tocéan,  il  conclut  de  toutes  ces 
considérations  que  le  tremblement  du  10  août  1884  a  été  causé  par 
une  rupture  des  couches  placées  immédiatement  au-dessous  de 
New  York.  Mais  que  cette  rupture  ait  eu  lieu,  comme  il  le  pense, 
N.  W.-S.  E,,  c'est-à-dire  perpendiculairement  à  la  direction  du 
grand  axe  de  l'aire  plésistoséiste,  est  exactement  contraire  à  la  direc- 
tion N.  E.-S.  W.,  qui  paraît  la  plus  plausible,  c'est-à-dire  paral- 
lèlement à  rallongement  des  isoséistes,  et  à  tous  les  accidents 
appalachiens.  L'observation  relative  à  la  direction  du  fil  à  plomb  est 
à  retenir. 

Du  Maine  au  New  Jersey,  les  États  atlantiques  du  Nord  présentent 
un  certain  nombre  d'accidents  importants,  mais  on  ne  peut  avec 
certitude  les  rapprocher  des  divers  épicentres  reconnus,  d'ailleurs 
plus  nombreux  que  riches  en  nombres  de  séismes,  caractère  déjà  plu- 
sieurs fois  mentionné  comme  propre  aux  fragments  des  anciennes 
chaînes  primaires  démantelées.  Il  faudrait  pour  cela  des  études  bien 
plus  précises  que  celles  qui  ont  été  faites  jusqu'à  présent  sur  les 
séismes  du  pays. 

Le  principal  foyer  d'ébranlement  se  trouve  au  sud  des  White 
Mountains,  massif  cristallin  stable,  aux  environs  de  Concord  et  des 
lacs  Squam  et  Winnipiseogee.  L'Hudson  et  le  lac  Ghamplain  for- 
ment une  ligne  de  dislocations,  le  long  de  laquelle  se  sont  disposés 
les  isoséistes  des  importants  séismes  du  4  novembre  1877  et 
du  27  mai  1897.  Leur  rôle  séismogénique  en  résulte  manifestement. 
L'opinion  que  les  efforts  de  plissement  hercyniens  continuent  à  se 
produire  encore  de  nos  jours  ne  résulte  pas  seulement  d'une  exacte 
coïncidence  observée,  dans  la  plupart  des  pays  où  ils  se  sont  exercés, 
entre  les  territoires  plissés  et  les  régions  pénéséismiques  :  elle  ren- 
contre dans  le  Massachusetts  une  démonstration  pour  ainsi  dire 
matérielle  et  tangible.  On  y  connaît  en  effet  des  carrières  de  grès 
dont  les  blocs  à  peine  extraits  subissent  des  flexions,  des  ruptures 
soudaines  et  des  dilatations,  preuves  d'un  état  de  tension  énergique, 
contre-balancé  par  le  poids  des  assises  supérieures  ;  on  en  pourrait 
citer  d'autres  exemples.  C'est  pour  les  théories  exposées  ici  une 
confirmation  aussi  solide  qu'inattendue.  Ici  même  la  stabilité  du 
massif  archéen  des  Adirondacks  non  plissés  apporte  son  complément 
de  démonstration. 
Plus  au  Sud,  la  côte  devient  beaucoup  moins  sujette  aux  tremble- 


120  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

ments  de  terre^  les  épicentres  paraissent  s'aligner  de  Philadelphie  à 
Deerfield  et  Maçon,  au  pied  même  des  Appalaches,  et  les  isoéistes 
s'allongent  suivant  la  même  direction.  La  séismicité  est  ici  notable- 
ment inférieure  à  celle  des  États  du  Nord.  Gela  se  conçoit  facilement  : 
la  plaine  côtiëre,  formée  de  limons  pléistocënes  sur  le  bord  même  de 
rOcéan,  puis  tertiaire  et  crétacée  jusqu'au  pied  des  monts^  n'a  subi 
que  des  oscillations  successives  d'ensemble,  ascendantes  et  descen- 
dantes. Au  contraire  le  versant  atlantique  de  la  partie  des  Appalaches, 
qui  prend  le  nom  de  Montagnes  Bleues,  est  une  pénéplaine  d'Archéen 
et  de  Primaire  fortement  disloquée,  le  Piedmont  des  géologues  amé- 
ricains, limité  à  l'Orient  par  un  pli  brusque,  ou  faille,  qui  se  poursuit 
des  environs  de  New  York  à  Maçon,  et  même  au  delà.  Elle  forme 
un  gradin  que  les  cours  d'eau  franchissent  en  rapides  et  en  cas- 
cades, d'où  son  nom  de  Fall  Une.  Dès  après  le  commencement  du 
Crétacé,  elle  a  borné  à  TOccident  l'extension  des  mers;  les  fleuves 
n'ayant  pas  encore  eu  le  temps  de  régulariser  leurs  cours  à  son 
passage,  c'est  qu'elle  a  rejoué  très  récemment;  Me  Gee  '  a  démontré 
qu'elle  a  été  le  théâtre  de  mouvements  post-tertiaires,  et  même 
qu'elle  n'a  point  encore  complètement  repris  son  équilibre  de  nos 
jours.  Rien  d'étonnant  donc  qu'elle  soit,  à  l'exclusion  de  la  chaîne 
côtière,  le  siège  de  secousses  plus  ou  moins  fréquentes,  mais  plutôt 
modérées.  Deckert*  fait  intervenir  l'affaissement  du  Piedmont,  expli- 
cation qui  ne  diffère  pas  essentiellement  de  la  précédente. 

Le  10  février  1874,  l'extrémité  méridionale  de  cette  ligne  remar- 
quable fut  le  siège  d'assez  nombreuses  secousses,  qui  se  continuèrent 
pendant  quelques  jours,  et  furent  l'objet  d'une  étude  du  professeur 
Warren  Du  Pré  '.  Il  conclut  à  une  cause  orogénique  intéressant  les 
Black  Mountains,  où  se  dresse  le  mont  Mitchell,  le  point  culminant 
des. États-Unis  en  dehors  des  Rocheuses.  L'Archéen  y  prédomine,  les 
terrains  anciens  sont  plus  disloqués  qu'ailleurs,  les  failles  sont  nom- 
breuses et  le  rehef  irrégulier.  L'explication  de  Du  Pré  est  donc  fort 
plausible. 

Au  point  de  vue  séismique,  la  Caroline  du  Sud  est  célèbre  par  le 
tremblement  de  terre  destructeur  du  31  août  1886,  à  Charleston  et 
Summerville.  Cet  événement  s'est  produit  dans  un  pays  d'ordinaire 

*  The  geology  of  the  head  of  Chesapeake  Bay  ((/.  S.  Gtol.  Survey.  Seventh  Rep. 
1885). 

•  Die  Erdbebenherde  und  SchQttergebiete  von  Nord-Amerika  in  ihren  Beziehungen 
ZQ  den  morphologischen  Verh&Itnissen  (Zeitschr.  d.  Ges.  fur  Erdkunde  zu  Berlin,  190S, 
n*  5,  367). 

»  On  a  séries  of  earthquakes  in  North  Carolina,  commencing  on  the  10^  February, 
1874  (Ann.  Rep,  of  the  Smithaonian  Inst.  for  1874.  Wash.,  1875,  254). 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       i21 

1res  Stable,  et  rien  dans  les  annales  locales  ne  pouvait  le  faire  prévoir. 
Le  travail  si  connu  qu'y  a  consacré  Dutton*,  n'a  cependant  pas  éclairci 
la  genèse  même  du  séisme,  dont  ce  savant  place  Tépicentre  en  deux 
points  différents  et  distants  l'un  de  l'autre  d'une  douzaine  de  milles, 
particularité  qui,  si  elle  est  bien  exacte,  n'a  jamais  été  signalée  ail- 
leurs. Quoi  qu'il  en  soit,  le  tremblement  de  terre  de  Gharleston  doit 
être  regardé  comme  tout  à  fait  anormal  dans  cette  région,  et  sa  cause 
reste  bien  mystérieuse.  On  peut  suggérer  que  l'Océan  Atlantique  a 
été,  dans  sa  partie  subtropicale,  le  théâtre  de  l'effondrement  pléisto- 
cène  des  terres  reliant  l'Europe  à  l'Amérique,  terres  dont  le  bord  méri- 
dional occupait  un  emplacement  encore  tout  à  fait  inconnu  le  long 
du  géosynclinal  méditerranéen  ou  alpin,  siëge  de  plissements  ter- 
tiaires traversant  l'océan,  du  Maroc  aux  Antilles,  par  un  trajet  non 
moins  ignoré.  A  défaut  d'autre  explication,  nous  serions  donc  tentés 
de  voir  dans  ce  séisme  un  mouvement  au  sein  du  géosynclinal,  opi- 
nion que  corroborerait  dans  une  certaine  mesure  l'instabilité  de  ces 
parages  maritimes,  à  l'est  et  au  large  des  Antilles.  Aussi  bien,  les  Ber- 
mudes  ne  sont-elles  pas  exemptes  de  secousses.  Mendenhall'  a 
estimé  à  1  300  000  000  000  chevaux-vapeur  le  travail  mécanique 
développé  par  ce  séisme  sur  l'écorce  terrestre,  et  Shaler'  aurait 
alors  prophétisé  que  la  côte  de  la  Nouvelle-Angleterre  est  dans  le 
cours  des  temps  destinée  à  s'effondrer  sous  TAtlantique,  sinistre  pré- 
diction, ravivée,  grâce  à  la  presse,  dans  l'esprit  public  par  les  cre- 
vasses consécutives  au  tremblement  du  21  mars  1903,  dont  les 
dégâts  ne  furent  pas  sans  importance  et  qui  s'étendit  de  Baltimore 
au  golfe  du  Maine. 

Ce  remarquable  tremblement  de  terre  a  présenté  une  circonstance 
particulière  qui  a  fortement  attiré  l'attention,  à  savoir  l'existence 
apparente  de  deux  épicentres  bien  distincts.  Nous  pensons  qu'il  ne 
faut  voir  là  que  des  phénomènes  de  propagation  au  sein  de  couches 
hétérogènes  plus  ou  moins  profondes,  et  cet  exemple  n'est  du  reste 
pas  unique,  témoin  celui  de  Noto  (Sicile)  du  14  juin  1904  ^  qui  à  ce 
compte  aurait  eu  quatre  foyers  différents.  Dans  les  pays  hispano- 
américains,  on  dit  que  les  tremblements  de  terre  «  font  pont  »  [hacen 
puente);  lorsqu'ils  montrent  ainsi  des  surfaces  indemnes,  ou  moins 

'  The  Gharleston  e&rthquake  of  August  31«t  1886  {U.  S.  geol.  Swvey.   Ninih  Hep. 
1889,  201). 

*  On  the  intensity  of  earthqnakes  {NeUure.  London,  XXXIX,  380). 

*  Von  Bracic.  Erdbebennachrichten  ans  Nordamerica  (Die  Erdbebenwarte,  1903*1904, 
^-  Laibach). 

'  Ârcidiacono.  D  terremoto  del  14  Gingno  1904  [Bull.  Soc.  sism.  itcU.»  X,  1904-05,  159). 


122  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

fortement  ébranlées,  au  milieu  de  leur  aire  pléistoséiste,  circons- 


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Fig.  15.  —  Double  épicentre  du  tremblement  de  terre  de  Gharleston  du  13  août  1886. 
tance  qui  tend  à  se  répéter  aux  mêmes  lieux,  comme  cela  s'observe 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       123 

à  Quetzaltepeque  pour  les  séismes  de  San-Salvador  (Amérique  cen- 
trale), dernière  observation  plus  favorable  à  notre  explication  qu*à 
celle  qui  fait  intervenir  des  secousses  de  relai. 

Davison^  a   dernièrement  étudié  d*une  manière  approfondie  le 


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Fig.  16.  —  Quadruple  épicentre  du  tremblement  du  terre  du  14  juin  1904 
&  Noto  (Sicile). 

mécanisme  de  ce  qu'il  appelle  les  tremblements  de  terre  jumeaux, 
Twinearthquakes^  qui  se  produisent  à  peu  près  simultanément  avec 
des  foyers  très  voisins,  et  donnent  l'apparence  de  séismes  à  doubles 
épicentres.  Sans  différer  essentiellement  des  tremblements  de  terre 
de  relai,  ils  résultent  de  mouvements  dans  des  parties  différentes 
d'un  même  accident,  faille  ou  pli,  soit  simultanément,  soit  que  le 
premier  séisme  en  provoque  d'autres  au  voisinage,  les  parties  inter- 
médiaires, pour  une  cause  ou  une  autre,  pouvant  rester  en  repos. 
Celte  distinction  parmi  les  tremblements  de  terre  de  relai  n'a  rien 

*  Twin-earttiquakes  (Quart,  Journ.  of  the  Geol.  Soc,  LXI.  18. 1905.  London). 


124  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

d'indispensable,  mais  le  séismologue  anglais  a  précisé  les  circons- 
tances de  ces  phénomènes,  et  il  s'est  appuyé  pour  cela  sur  les  rela- 
tions détaillées  d'un  certain  nombre  de  tremblements  de  terre 
importants^  parmi  lesquels  celui  de  Gharleston 

Le  versant  occidental  des  AUeghanys  :  Tennessee,  Kentucky,  Ohio, 
Indiana,  Illinois,  Missouri  et  Arkansas,  est  le  siège  d'épicentres  spo- 
radiques  clairsemés  et  pauvres  en  séismes.  C'est  le  caractère  parti- 
culier aux  terrains  primaires,  et  surtout  carbonifériens,  affectés  par 
les  plissements  postérieurs.  Tel  est  bien  le  cas  de  ces  territoires  qui 
ont  constitué  un  noyau  ancien  du  continent  américain  actuel,  symé- 
trique du  massif  des  Rocheuses,  de  l'autre  côté  de  la  mer  crétacée 
qui  s'est  si  longtemps  étendue  entre  le  golfe  du  Mexique  et  les 
terres  arctiques  du  Canada  septentrional.  On  y  connaît  des  frac- 
tures postérieures  aux  plis  arasés,  mais  les  véritables  épicentres  sont 
trop  mal  déterminés  pour  qu'on  puisse  les  leur  attribuer  en  détail. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  tremblements  de  terre  s'étendent  au  delà  du 
Mississipi  jusqu'au  pied  des  monts  Ouachita,  oii  des  dislocations  font 
reconnaître  les  racines  d'une  ancienne  chaîne  hercynienne  plissée, 
dépendance  des  Appalaches  élargis,  mais  rabotés  jusque-là.  11  est 
probable  que  ces  secousses  doivent  s'étendre,  en  même  temps  que  ces 
accidents,  jusqu'au  Territoire  Indien  et  à  TOklahoma,  où  disparais- 
sent définitivement  les  terrains  primaires.  Si  les  observations  séis- 
miques  ultérieures  justifient  cette  prévision,  l'influence  séismogé- 
nique  des  dislocations  post-carbonifériennes  deviendra  tout  à  fait 
évidente  pour  toute  cette  région  centrale  des  États-Unis  à  l'ouest 
des  Appalaches. 

Les  célèbres  tremblements  de  terre  de  1811  à  Memphis  et  aux  envi- 
rons n'ont  pas  encore  été  clairement  expliqués.  Ils  ont  dépassé  en 
nombre  et  en  intensité  tout  ce  qu'on  doit  normalement  attendre  dans 
ce  pays,  môme  en  tenant  compte  de  l'exagération  naturelle  aux 
témoins  oculaires,  pour  la  plupart  colons  et  pionniers  un  peu  en 
marge  de  la  civilisation,  dans  ce  qui  était  alors  un  Far-West  reculé 
et  à  peine  connu.  Ils  se  sont  produits  dans  la  contrée  marécageuse 
appelée  la  «  Sink  »  ou  «  Sunken  Country  »,  et  au  bord  de  la  plate- 
forme de  l'Est,  c'est-à-dire  le  long  d'une  remarquable  ligne  tecto- 
nique. Aussi  a-t-on  fait  appel  pour  les  expliquer  soit  à  des  tasse- 
ments de  ces  terrains  sans  consistance,  soit  à  un  mouvement  du 
bord  de  Tescarpement.  La  mobilité  des  dislocations  hercyniennes 
peut  tout  aussi  bien  être  invoquée,  si  on  lui  suppose  un  paroxysme 
exceptionnel. 

Cette  même  région  a  été,  depuis  1811,  le  siège  d'un  certain  nombre 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       125 

de  séismes,  toutefois  beaucoup  moins  forts.  Ceux  de  1883  et  de  1895 
ont  été  les  plus  remarquables.  Paducah  et  Memphis  sont  apparem- 
ment deux  foyers  indépendants.  Les  ingénieurs  américains  du  ser- 
vice fluvial  ont  depuis  longtemps  attiré  l'attention  sur  les  modifica- 
tions progressives  qui  se  produisent  dans  le  régime  du  Mississipi  et 
de  ses  affluents,  et  sur  le  danger  de  plus  en  plus  grand  de  leurs 
débordements.  C'est  en  grand  nombre  que  les  cours  d'eau  conver- 
gent vers  la  Sink  Gountry,  qui  s'inonde  de  plus  en  plus,  accusant 
ainsi  l'affaissement  de  tout  le  pays,  mouvement  que,  d'après  Deckert, 
John-T.  Campbell  aurait  constaté  en  comparant  les  nivellements 
de  1880  et  de  1900.  Il  aurait  observé  que,  sur  12  milles  d'étendue 
le  long  du  bas  Wabach,  s'est  produit  entre  les  deux  opérations 
un  affaissement  de  10  pouces  anglais  dans  la  direction  de  la  Sink 
Country,  et  cet  ingénieur  en  rendrait  responsable  par  contre-coup  le 
grand  tremblement  de  terre  de  1886  à  Charleston,  opinion  difficile- 
ment soutenable.  G.  K.  Gilbert  considère  comme  hors  de  doute  un 
lent  affaissement  de  la  partie  occidentale  de  la  région  des  Grands 
Lacs  vers  le  S.  W.,  de  sorte  qu'il  suffirait  de  cinq  siècles  pour  que 
le  Lac  Michigan  finisse  par  s'écouler  vers  le  Mississipi  par  la 
rivière  Des  Plaines  et  l'IUinois,  à  la  suite  d'une  sorte  de  gauchis- 
sement jusqu'à  la  Sink  Country.  On  sait,  d'ailleurs,  combien  est 
jeune  le  cours  actuel  du  Tennessee,  qui  vient  maintenant  se  jeter 
dans  le  Mississipi  en  aval  de  Paducah,  après  s'être  si  longtemps 
écoulé  dans  l'Alabama  vers  le  golfe  du  Mexique.  Cette  théorie 
d'une  ancienne  «c  Rivière  Appalachienne  »,  résumée  et  illustrée 
par  Chamberlin  et  Salisbury*,  mais  contestée  par  D.  W.  Johnston*, 
concorde  trop  bien  avec  les  phénomènes  séismiques  à  expliquer, 
pour  que  nous  ne  soyions  point  enclins  à  l'admettre  au  moins 
sous  réserves.  L'affaissement  a  appelé  les  fleuves,  et  Deckert  attribue 
à  ce  phénomène  l'instabilité  séismique  de  la  région  ;  son  opinion,  en 
quelque  sorte  corroborée  par  les  quelques  secousses  qui  agitent  l'In- 
diana  et  l'IUinois  dans  la  direction  du  Michigan,  parait  bien  plus  plau- 
sible que  les  suggestions  précédemment  signalées,  y  compris  même  le 
plissement  hercynien.  Il  est  du  reste  possible  que  toutes  ces  causes 
aient  une  part  dans  les  séismes  et  ajoutent  leurs  effets,  complication 
qui  se  rencontre  quelquefois  ailleurs. 

Le  versant  occidental  des  Âppalaches  dans  le  Tennessee  mérite 
encore  une  mention  spéciale.  On  connaît,  en  effet,  un  foyer  d'ébran- 
lement peu  intense  de  Knoxville  à  Chattanooga  et  Hunts ville.  Or  il 

*  Geology,  \,  164, 1904. 

'  Gtol.  joum.,  Chicago,  XHI,  194, 1905. 


126  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

se  trouve  là  un  accident  extrêmement  remarquable,  la  grande  vallée, 
<x  Great  Valley  y^y  dépression  bordée  à  TEst  par  des  crêtes  de  plus 
de  i  000  mètres  et  qui,  se  développant  sur  30  à  100  kilomètres  de  lar- 
geur, correspond  aux  cours  du  Tennessee  et  de  la  Goosa.  Ge  seraient 
les  tronçons  d'une  seule  et  unique  rivière  appalachienne,  qui  aurait 
coulé  à  la  fin  de  l'époque  crétacée  jusqu'à  TAlabama,  à  la  suite  d'une 
dislocation  de  la  pénéplaine  primaire.  Des  mouvements  tertiaires 
auraient  rajeuni  l'accident  et  coupé  l'ancien  fleuve  en  deux.  Il  est 
bien  possible  que  les  secousses  de  ce  foyer  leur  soient  attribuables. 

Le  19  septembre  1884,  un  séisme  important  a  ébranlé  la  province 
canadienne  de  l'Ontario,  entre  les  lacs  Erié  et  Huron,  ainsi  que  les 
états  de  Tlndiana,  de  l'Ohio  et  du  Michigan.  Rockwood*  l'attribue  à 
des  mouvements  qui  continueraient  à  se  produire  au  sein  d'un  anti- 
clinal courant  vers  le  N.  N.  E.,  et  rencontrant  l'extrémité  occiden- 
tale du  lac  Érié  entre  Toledo  et  Sandusky.  Get  accident  s'est  produit 
entre  le  Silurien  inférieur  et  le  Silurien  supérieur  et,  passant  près  de 
Bellefontaine,  non  loin  de  l'épicentre,  il  est  à  peu  près  pcurallèle  aux 
plis  des  Appalaches.  Une  telle  attribution  d'un  rôle  séismogénique  aune 
dislocation  aussi  ancienne  serait  fort  has6u*dée  si  Rockwood  ne  rap- 
pelait l'opinion  de  Newberry  que,  dans  la  série  des  temps  géologiques 
postérieurs,  elle  a  continué  à  être  une  ligne  de  dérangements.  Il  est 
vrai  que  l'axe  de  Taire  pléistoséiste,  d'Akron,  au  sud  de  Gleveland, 
à  Indianapolis,  fait  un  certain  angle  avec  la  direction  de  l'anticlinal  ; 
mais,  par  contre,  l'axe  de  Taire  totale  ébranlée  coïncide  assez  bien 
avec  lui.  Il  est  donc  admissible  que  la  relation  invoquée  soit  exacte, 
si  Ton  suppose  que  Taire  pléistoséiste  ait  été  mal  tracée  sur  la  foi  de 
renseignements  insuffisants.  On  peut  attribuer  la  même  origine  à 
d'autres  séismes  analogues  observés  dans  cette  région. 

De  la  Floride  au  Rio  Grande,  les  cotes  du  golfe  du  Mexique  sont 
extrêmement  stables .  Seules,  quelques  rares  et  insignifiantes 
secousses  en  viennent  parfois  troubler  la  quiétude,  commune  aussi 
à  Tarchipel  des  Bahamas.  En  particulier  la  Floride,  formée  de  Ter- 
tiaire récent  resté  à  peu  près  horizontal,  est  la  partie  la  plus 
moderne  des  États-Unis.  Il  semble  qu'avant  son  émersion  postrplio- 
cène,  elle  constituait  un  vaste  plateau  sous-marin  relativement  peu 
profond,  prolongeant  celui  où  se  déposaient  les  couches  identiques 
des  Bahamas  ;  elle  n'a  donc,  ainsi  que  ces  îles,  eu  à  subir  que  des 
mouvements  verticaux  et  des  cassures,  de  sorte  que  Tabsence  de 
tout  plissement  explique  Timmunité  séismique  de  ces  régions.  Les 

«  American  Journ.  of  Science  (CLXXIV.  432). 


VERSANT  ATLANTIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  ET  DU  CANADA       427- 

états  du  bas  Mississipi  n'ont  été  soumis,  de  même,  qu'à  des  vicis- 
situdes semblables  et  sans  influence  séismogénique  postérieure. 

L'architecture  tabulaire  des  anciens  territoires  mexicains,  Texas, 
Colorado  et  Nouveau-Mexique,  seulement  accidentés  de  failles,  à  la 
vérité  gigantesques,  et  de  bombements  laccolitiques,  en  a  assuré  la 
stabilité,  malgré  l'intensité  de  phénomènes  volcaniques  à  peine 
éteints. 

EnQn  les  séismes  sont  à  peu  près  inconnus  dans  toutes  les  grandes 
plaines  des  États-Unis  à  Test  des  Rocheuses,  comme  aussi  dans  le 
Canada  jusqu'aux  terres  arctiques.  C'est  que  les  immenses  plaines 
crétacées,  qui  s'étendent  des  monts  Ouachita  du  Texas  à  l'embou- 
chure du  Mackenzie,  sont  un  très  ancien  fond  de  mer,  à  peine 
dérangé,  et  qui  n'a  subi  que  des  oscillations  verticales  sans  plisse- 
ments; autrement  dit,  c'est  un  antique  synclinal  non  transformé  pos- 
térieurement en  ride  montagneuse,  d'où  son  immunité  séismique. 


DEUXIÈME  PARTIE 

LES  AIRES  CONTINENTALES  EXTRA- EUROPÉEN  NES 
LE  PACIFIQUE 


CHAPITRE  vil 

LE  CONTINENT  SINO-SiBÉRIEN. 


Le  continent  sino-sibérien  est  limité  à  l'Ouest  par  l'Oural,  qui  ne 
le  sépare  guère  du  continent  nord-atlantique,  au  Sud  et  à  TEst  par 
les  géosynclinaux  méditerranéen  et  circumpacifique.  Il  forme  une 
masse  essentiellement  stable  au  point  de  vue  géologique,  qui  n'a 
jamais  été  morcelée,  et  c'est  une  conséquence  immédiate  de  cet  état 
de  choses  qu'il  soit  aséismique  sur  de  grandes  étendues,  ou  seule- 
ment pénéséismique  par  ailleurs. 

De  l'Oural  à  Tlénisséï,  la  Sibérie  occidentale  ignore  les  séismes, 
sauf  la  région  pénéséismique  de  Nijné-Taguilsk,  située  à  cheval  sur  la 
chaîne.  C'est  là  une  surface  émergée  de  l'époque  carboniférienne, 
puis  recouverte  par  une  mer  plate  à  l'époque  oligocène,  sans  déran- 
gements ni  bouleversements  postérieurs.  La  Sibérie  orientale  montre 
une  architecture  tabulaire  tout  aussi  stable. 

Au  Sud,  de  Krasnoïarsk  à  Kirensk  et  Ourga,  s'étend  une  vaste 
région  pénéséismique,  presque  même  séismique,  à  un  faible  degré 
toutefois  ;  elle  est  caractérisée  par  le  lac  Baïkal,  grand  et  profond 
accident  tectonique  de  disjonction,  résultant  d'efforts  très  anciens, 
qui  auraient  rejoué  à  l'époque  secondaire,  et  même  plus  récemment 
encore,  ce  qui  explique  les  tremblements  de  terre  de  ces  parages. 

Le  géosynclinal  de  l'époque  secondaire,  tel  que  l'a  figuré  Haug, 
part  de  la  mer  d'Okhotsk  pour  traverser  la  Sibérie  jusque  vers  l'em- 
bouchure de  la  Lena,  laissant  ainsi  jusqu'à  l'extrême  Nord-Est  ces 

Dk  UoirrEssofl.  —  Tremblements  de  terre.  9 


130  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

territoires  faire  partie  du  continent  nord-atlantique.  La  géologie  de 
ces  pays  est  très  mal  connue  encore,  et  en  tout  cas  cette  branche 
annexe  du  géosynclinal  secondaire,  d'ailleurs  un  peu  hypothétique, 
n'a  plus  rejoué  à  l'époque  tertiaire  pour  se  transformer  en  géanticli- 
nal  plissé,  de  sorte  qu'on  retombe  à  peu  près  sur  les  conditions  de 
l'Oural,  le  district  pénéséismique  du  golfe  de  Taui  correspondant 
exactement  à  celui  de  Nijné-Taguilsk.  De  ce  côté  donc,  aussi,  la  sépa- 
ration des  deux  aires  continentales  du  Nord  est  plus  apparente  que 
réelle. 

Les  plateaux  parfois  montagneux,  de  très  ancienne  consolidation, 
que  sont  la  Mongolie  et  la  Mandchourie  ne  sont  presque  jamais 
ébranlés  par  des  tremblements  de  terre,  pas  plus  que  la  Corée,  où  le 
Cambrien  lui-môme  n'a  guère  été  dérangé  de  son  horizontalité  pre- 
mière. 

La  Chine  est  un  môle  antique,  contre  lequel  se  sont  arrêtés  les 
plissements  et  les  surrections  d'âge  tertiaire  de  l'Himalaya  et  de  ses 
dépendances  birmanes.  L'architecture  plissée  y  domine  dans  le  Sud 
entre  le  Fleuve  Bleu  et  le  Tonkin,  tandis  qu'ailleurs  les  plissements 
n'ont  pas  dépassé  l'époque  primaire.  Y  existe-t-il  des  régions  séis- 
miques,  au  moins  dans  l'intérieur,  car  du  littoral  il  ne  saurait  être 
question?  Oui,  si  l'on  en  croit  les  vieux  annalistes  de  la  cour  impé- 
riale. Mais  il  est  probable  que  leurs  récits  sont  empreints  d'une  forte 
exagération,  traduite  par  la  mention  d'innombrables  catastrophes  de 
tout  genre.  Comme  depuis  plusieurs  siècles  les  documents  publiés 
par  les  missionnaires  n'en  relatent  pour  ainsi  dire  pas  d'origine  séis- 
mique  avérée,  on  est  en  droit  de  révoquer  en  doute  ces  anciennes 
relations  de  désastres  dus  à  des  tremblements  de  terre,  ou  que  ces 
phénomènes  auraient  accompagnés.  On  doit  donc  admettre,  au  moins 
provisoirement,  que  ce  pays  ne  renferme  que  des  régions  pénéséis- 
miques,  comme  devait  le  faire  prévoir  son  histoire  géologique,  encore 
assez  mal  connue  dans  le  détail.  Qu'il  suffise  de  mentionner  que  l'on 
peut  soupçonner,  de  môme  qu'en  Europe  et  en  Amérique,  une  dépen- 
dance entre  les  districts  plus  ou  moins  ébranlés  et  les  bassins  houillers. 

L'Indo-Chine  est  stable.  Quelques  rares  séismes  d'Haïphong  se 
rattachent  peut-être  aux  dislocations  du  Carboniférien  de  la  baie 
d'Along. 

L'Asie  centrale  proprement  dite  est  aséismique. 

Le  catalogue  de  Mouchkétov  et  Orlov,  déjà  mentionné,  donne  de 
nombreux  renseignements  séismiques  sur  tous  ces  pays.  11  en  est  de 
même  du  bulletin  du  Comité  central  séismologique  permanent  de 
Saint-Pétersbourg  (Levitski). 


LE  CONTINENT  SINO-SIBÉRIËN  131 


Sibérie. 


La  chaîne  de  FOural  sépare  les  continents  nord-atlantique  et  sino- 
sibérien,  et  occupe  l'emplacement  d'un  géosynclinal  primaire,  où, 
du  Dévonien  au  Permien,  les  couches  atteignent  une  grande  épais- 
seur et  s'y  présentent  en  continuité.  La  séparation  marine  entre 
TEurope  et  l'Asie  s'est  maintenue  au  moins  jusqu'à  l'Oligocëne.  On  est 
encore  assez  peu  fixé  sur  l'époque  de  la  surrection  de  la  chaîne,  que 
certains  croient  assez  tardive.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'Oural  n'a  joué  à 
aucun  point  de  vue  le  rôle  des  grandes  rides  tertiaires  qu'accompa- 
gnent les  géosynclinaux  méditerranéen  et  circumpacifique,  puisqu'il 
n'a  pas  été  plissé  récemment.  Sa  chute  est  brusque  sur  le  versant 
sibérien,  où  les  terrains  sont  extraordinairement  disloqués  sans 
perdre  pour  cela  les  caractères  d'une  surface  des  longtemps  dénudée 
et  arasée.  Du  côté  russe  au  contraire,  si  la  plate-forme  est  la  très 
ancienne  continuation  de  la  plaine  sibérienne,  du  moins  le  relief  de 
rOural  a  été  rajeuni  par  des  dislocations  assez  récentes  accusées  par 
des  failles,  qui  ont  découpé  sur  ce  versant  des  escarpements  de 
grès  et  de  quartzites  parallèles  à  l'axe.  On  peut  donc,  au  moins  par 
places,  s'attendre  à  une  séismicité  modérée,  puisque  aucun  plisse- 
ment tertiaire  ne  s'y  est  produit.  C'est  bien  en  effet  ce  qui  se  passe  : 
de  Perm  à  Nijné-Taguilsk  et  à  Zlatooust  règne  une  région  pénéséis- 
mique,  à  cheval  sur  la  chaîne  et  appartenant  ainsi  aux  deux  aires 
continentales.  Parfois  même,  les  secousses  ébranlent  les  deux  ver- 
sants, ce  qui  fait  songer  à  des  mouvements  d'ensemble. 

Depuis  une  époque  très  reculée,  la  Sibérie  est  arrivée  à  son  état 
actuel  ;  les  mers  secondaires  l'ont  presque  respectée  et  les  trans- 
gressions tertiaires  à  peine  entamée  ;  aussi  l'ancienneté  de  sa  cons- 
truction est-elle  pour  ce  pays  le  meilleur  garant  d'une  stabilité  qui 
ne  se  dément  qu'en  certains  points  de  son  immense  surface. 

La  Sibérie  occidentale  n'a  jamais  été  dérangée  depuis  les  temps 
carbonifériens,  date  de  son  émersion,  troublée  seulement  par  une 
éphémère  transgression  oligocène.  Aussi  est-elle  aséismique,  sans 
toutefois  ignorer  complètement  les  secousses,  puisqu'on  en  connaît 
deux  à  Ichim  et  une  à  Kourgane.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour 
l'avant-pays  de  l'Altaï  ;  de  Tomsk  à  Sémipalatinsk  et  à  Krasnoïarsk 
sur  riénisséï  se  développe  une  région  au  moins  pénéséismique,  qui, 
ne  passant  pas  au  Nord  au  delà  de  Tomsk  à  Kolyvan,  ne  s'étend 
pas  absolument  sur  la  véritable  plaine.  Sa  partie  la  plus  instable 
est  certainement  Kouznetsk,  fort  éprouvée  en  juin  1898  :  Tolma- 


132 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


tchev  '  a  reconnu  que  Taire  épicentxale  de  ce  tremblement  de  terre  s'est 
disposée  conformément  à  la  structure  des  couches  sous-jacentes,  ce 


Kolywan 


^Syrjanovsk     \^        -.^^y 


Fig.  17.  —  Âitaï  et  dépendances. 

qui  l'a  conduit  à  en  faire  un  séisme  transversal  et  d'origine  nette- 
ment tectonique.  Bogdanovitch  fait  jouer  un  rôle  important  aux 
affaissements  et  aux  failles  dans  la  formation  du  relief  du  haut  bassin 
de  l'Irtych  ;  mais  cette  explication  ne  pourrait  être  valable  pour  les 


*  Tremblement  de  terre  de  Kouznetsk  du  7  (19)  juin  1898  (Bull,  comm,  séism.  cenlr. 
permanente.  H,  1903,  291  ;  en  russe). 


LE  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN 


133 


"3 


iZi  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

tremblements  de  terre  que  pour  une  faible  partie  de  la  surface  de  la 
région  d'ébranlement^  sa  géologie  étant  encore  trop  mal  connue 
pour  permettre  l'attribution  de  ces  secousses  à  des  accidents  particu- 
liers de  suffisante  ampleur.  Il  faut  se  contenter  de  signaler  que  par 
une  coïncidence,  sans  doute  non  fortuite,  un  bassin  houiller  se  ren- 
contre au  sud  de  Kouznetsk.  De  là  à  songer  aux  circonstances  séis- 
mogéniques  des  bassins  homologues  de  l'Europe  moyenne,  il  n'y  a 
qu'un  pas  ;  les  mouvements  du  géosynclinal  primaire  n'y  seraient 
pas  complètement  éteints. 

Entre  l'Iénisséï  et  la  Lena  s'étend  jusqu'à  TOcéan  Glacial  une 
immense  pénéplaine  au  soubassement  archéen  plissé  peu  visible, 
caché  qu'il  est  presque  partout  sous  le  Paléozoïque  resté  à  peu  près 
horizontal.  Délaissés  par  la  mer  depuis  des  temps  si  reculés,  des 
ambeaux  de  terrains  à  lignites  assimilables  aux  formations  lacustres 
gondwaniennes  en  font  l'homologue  du  môle  hindoustanique  ;  ces  deux 
môles  sont  symétriques  par  rapport  à  l'antique  coupure  qui  a  toujours 
existé  entre  les  masses  continentales  des  hémisphères  Nord  et  Sud. 
D'immenses  coulées,  qui  semblent  avoir  débuté  au  Gondwanien,  et 
qui  à  l'époque  jurassique,  avaient  atteint  l'archipel  François-Joseph 
dans  l'Océan  Glacial,  correspondent  à  celles  du  Dekkan,  tout  en  leur 
étant  quelque  peu  antérieures.  Ces  traits  communs  ont  assuré  la  par- 
faite stabilité  séismique  des  deux  môles,  sibérien  et  hindoustanique. 

La  Baïkalie  est  un  pays  fréquemment  secoué  par  des  tremble- 
ments de  terre,  parfois  même  assez  sévèrement.  La  région  d'ébran- 
lement s'étend  au  moins  de  Nijné-Oudinsk  à  Kirensk  à  l'Ouest,  de 
Petropavlovskoïe  à  Nertchinsk  à  l'Est,  et  à  Kiakhtaet  Ourga  en  Mon- 
golie au  Sud.  Le  maximum  de  l'instabilité  se  montre  tout  autour  de 
la  moitié  méridionale  du  lac  Baïkalet  aux  environs,  —  haute  Angara 
et  vallée  inférieure  de  la  Sélenga.  La  structure  de  ces  vastes  terri- 
toires est  extrêmement  compliquée,  mais  elle  est  tellement  ancienne 
qu'on  ne  peut  attribuer  ces  séismes  à  aucun  de  leurs  traits,  même  les 
plus  remarquables,  comme  par  exemple  l'ensemble  des  plissements 
précambriens  qui,  de  Krasnoïarsk  à  Irkoutsk  et  Kirensk,  forment  ce 
que  Suess  a  si  heureusement  appelé  l'amphithéâtre  d'Irkoutsk.  Il 
faut  donc  provisoirement  encore,  renoncer  à  assigner  des  causes 
particulières  et  locales  aux  secousses  et  se  borner  pour  la  partie  la 
plus  instable  à  invoquer  cet  étonnant  accident  tectonique  qu'est  le 
Baïkal,  tout  en  se  demandant  pourquoi  le  Nord  du  lac  n'est  pas  aussi 
instable.  On  a  beaucoup  discuté  sur  sa  formation,  mais  on  semble 
s'accorder  maintenant  à  lui  assigner  une  très  grande  ancienneté, 
quoiqu'il  ait  rejoué  plus  récemment,  comme  le  prouvent  les  érup- 


LE  CONTINENT  SINO-SIBERIEN  135 

lions  volcaniques  de  son  pourtour  méridional,  montrant  bien  que 
c'est  une  ligne  de  disjonction.  Celles  du  ViUm  sont  peut-être  même 
encore  plus  récentes.  Vers  Minousinsk,  on  possède  des  indices  de 
dislocations  hercyniennes  qui  se  seraient  propagées  à  Touest  du 
Baïkal  et  le  Permo-Trias  du  bassin  de  l'Angara  a  été  lui-même  plissé 
à  une  époque  tardive.  L'Angara  supérieure  et  la  Sélenga  inférieure 
sont  considérées  par  beaucoup  de  géologues  comme  les  deux  tronçons 
d'un  même  fleuve  coupé  par  le  colossal  effondrement,  et  justement 
ces  deux  parties  de  vallées  sont  apparemment  le  siège  des  secousses 
les  plus  fréquentes  et  les  plus  sévères.  Conformément  à  cette  sugges- 
tion du  rôle  séismogénique  de  ces  vallée  s,  le  tremblement  de  terre  du 
12  avril  1902  a  eu  ses  isoséistes  allongés  parallèlement  au  thalweg  supé- 
rieur de  l'Angara.  Au  surplus,  les  mouvements  de  l'époque  pontienne 
ont  eu  assez  d'ampleur  pour  qu'on  ait  pu  croire  à  la  formation  récente 
du  Baïkal,  et  dès  lors  ces  séismes  leur  seraient  en  partie  attribuables^ 

Cette  région  pénéséismique  se  soude  à  celle  de  l'Altaï,  mais  il 
serait  téméraire  de  faire  intervenir  la  grande  faille  de  llénisséï  dans 
la  genèse  des  séismes  de  l'ouest  de  la  Baïkalie.  A  l'Est,  au  contraire, 
son  extension  au  delà  des  monts  lavlonoï  permet  de  s'adresser  à  la 
fracture  grâce  à  laquelle  leur  crête  entre  le  Baïkal  et  Teliita  en 
serait  une  des  lèvres  relevée,  soit  absolument,  soit  relativement.  Des 
géologues  ont  attaché  une  certaine  importance  à  l'affaissement  qui 
a,  sur  plus  de  250  kilomètres  carrés,  accompagné  les  tremblements 
de  terre  de  janvier  1862  dans  le  delta  de  la  Sélenga.  Il  y  a  là  une 
fausse  interprétation  d'un  phénomène  tout  accessoire,  résultant  seu- 
lement du  peu  de  consistance  des  matériaux  détritiques  et  alluvion- 
naires soumis  aux  vibrations  séismiques,  juste  au  bord  des  pentes  à 
pic  et  si  profondes  du  Baïkal. 

Les  côtes  de  la  mer  d'Okhotsk  ne  sont  pas  sans  être  secouées  par 
quelques  chocs,  qui  y  font  supposer  l'existence  d'une  région  péné- 
séismique d'une  extension  d'ailleurs  tout  à  fait  indéterminée  dans 
l'intérieur.  En  1831,  la  presqu'île  Baboutclikine  et  l'embouchure  de  la 
Sligane  ont  été  le  siège  de  secousses  répétées.  Cette  côte  fait  partie 
du  géosynclinal  secondaire  traversant  la  Sibérie  jusqu'aux  bouches 
de  la  Lena,  mais  dont  le  caractère,  comme  tel,  est  beaucoup  moins 
certain  que  celui  de  l'Oural,  son  symétrique;  en  tout  cas,  il  n'a  pas 
été  le  théâtre  de  mouvements  tertiaires.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette 
région  d'ébranlement  peut  être  regardée  comme  le  pendant  de  celle 

*  Si  la  ville  de  K&rakorum  a  bien  été  iniinée  par  un  tremblement  de  terre  &  la  un  du 
««•  siècle,  ainsi  que  le  rapportent  des  historiens,  ou  au  commencement  du  xiv^(1303), 
d'après  MouchketoY  et  Orlov,  c'est  qu'il  faut  étendre  jusque-là  les  limites  méridionales 
de  la  région  baîkalienne  d'ébranlement. 


436  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

de  Nîjnd-Taguilsk  par  rapport  au  géosynclinal  supposé.  D'ailleurs,  les 
dislocations  pacifiques  semblent  avoir  joué  un  rôle  dans  ces  parages 
de  la  Sibérie  orientale,  et  c'est  ainsi  que  la  côte  au  S.  E.  d'Okhotsk 
est  un  mur  rectiligne  que  Ton  peut  considérer  comme  la  lèvre  d'une 
fracture  limitant  un  compartiment  effondré  sous  l'océan,  nouvelle 
cause  séismogénique  possible. 

Toute  la  Sibérie  orientale  est  de  très  ancienne  architecture,  où 
prédomine  la  direction  des  Stanovoï.  Aussi  est-elle  remarquablement 
stable,  en  dépit  de  quelques  rares  secousses  observées  à  Olekminsk, 
Iakoutsk  et  Yerkhoïansk,  comme  il  convient  en  un  pays  que  la  mer 
n'a  pas  recouvert  depuis  les  temps  primaires,  ce  qui,  en  raison  du 
peu  de  relief  exclut  grands  mouvements  et  profondes  dislocations. 

Enfin  les  éruptions  trachytiques  et  basaltiques  prennent  dans  ce 
pays  d'autant  plus  d'ampleur  qu'on  se  rapproche  davantage  du  Paci- 
fique, fait  favorable  à  l'intervention  des  mouvements  qui  ont  cons- 
titué cet  océan,  sous  la  forme  atténuée  des  séismes  de  la  mer 
d'Okhotsk. 

2.  —  Mongolie,  Mandchourie  et  Corée. 

La  Mongolie  et  la  Mandchourie  sont  d'anciens  plateaux  dont  les 
plus  récentes  vicissitudes  consistent  seulement  en  des  affaissements 
sur  de  grandes  surfaces  dans  la  direction  du  Pacifique,  et  que  séparent 
entre  eux  de  brusques  flexures,  représentées  par  les  principales 
lignes  de  relief.  On  ne  peut  donc  s'y  attendre  à  une  instabilité  notable, 
et  c'est  bien  ce  que  l'on  peut  affirmer,  malgré  un  regrettable  manque 
d'observations.  Quelques  secousses  sur  le  cours  de  l'Amour  rappellent 
les  nombreux  accidents  qui  lui  ont  donné  son  tracé  si  tourmenté,  et 
d'autres  dans  la  région  de  Vladivostok  peuvent  dépendre  du  voisinage 
du  géosynclinal  circumpacifique  et  des  mouvements  correspondants. 

La  Corée  est  un  pays  de  très  ancienne  consolidation,  dont  le  sub- 
stratum  archéen  forme  la  plus  grande  partie  de  la  surface,  et  où  le 
Gambrien  n'a  presque  point  perdu  l'horizontalité  de  ses  couches.  Elle 
est  coupée  transversalement  à  hauteur  de  Séoul  par  un  Graben  assez 
profond  pour  permettre  des  communications  faciles  entre  les  deux 
mers  et  que  les  basaltes  ont  en  partie  comblé.  C'est  là  seulement 
que  se  font  sentir  quelques  rares  secousses,  que  les  antiques  annales 
du  pays  ont  soigneusement  enregistrées  depuis  l'an  142,  tant  elles 
semblaient  un  extraordinaire  phénomène  aux  chroniqueurs,  ou  que 
des  voyageurs  modernes  ont  mentionnées.  Aston  les  a  recueillies  ^ 

*  Earthquakes  in  Corea  (Trans,  seism.  Soc.  ofJapan,  XII.  77»  1^88). 


LE  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN  137 

C'est  donc  bien  que  les  systèmes  de  dislocations,  si  bien  étudiés 
par  Kôtô  \  sont  arrivés  à  un  état  d'équilibre  parfait  à  cause  de  leur 
âge  reculé,  puisque  les  tremblements  de  terre  y  sont  si  rares.  Ils  ne 
sont  d'ailleurs  pas  plus  fréquents  dans  le  Liao-Toung,  dont  l'histoire 
géologique  est  analogue. 


3.  —  Gliine  et  Indo-Chine. 

La  description  séismique  de  la  Chine  rencontre  les  plus  grandes 
difficultés  et,  au  point  de  vue  des  renseignements  sur  les  tremble- 
ments de  terre,  ce  pays  se  présente  dans  des  conditions  toutes  spé- 
ciales. Les  annales  de  l'Empire  du  Milieu  remontent  à  la  plus  haute 
antiquité  et  renferment  de  très  nombreuses  informations  sur  toutes 
sortes  de  phénomènes  naturels  ;  en  particulier,  les  chroniques  Wen- 
Hian-Thoung-Khao,  et  Thoung-Kien-Khang-Mou,  débutent  à  dix-huit 
siècles  avant  notre  ère.  Biot'  en  a  extrait  les  grands  désastres  dus  à 
des  phénomènes  naturels  et  les  tremblements  de  terre.  Peut-on  en 
faire  état?  La  question  est  assez  délicate.  En  effet,  la  lecture  de  ce 
catalogue  donne   l'impression  générale  d'une  très  grande  exagéra- 
lion  ;  les  détails  les  plus  extraordinaires  s'y  mêlent  à  des  observa- 
tions qui,  si  elles  étaient  dégagées  de  ces  erreurs  grossières,  porte- 
raient au   contraire  l'empreinte   d'une  grande   précision  et   d'une 
parfaite  authenticité.  De  plus,  il  n'est  pour  ainsi  dire  aucune  de  ces 
calamités  publiques,  inondations,  éboulements  de  montagnes  dans 
un  pays  où  les  inconsistantes  Terres  jaunes  s'écroulent  avec  la  plus 
grande  facilité,    grands  orages,  épidémies,  etc.,   qui  ne  soit,  dans 
ces  vieilles  annales,  mentionnée  avec  tremblement  de  terre,  comme 
d'un  accompagnement  ou  d'un  avant-coureur  constant  et  obligé. 
L'identification  géographique  est  doublement  difficile,  parce  que  les 
voyageurs  et  les  missionnaires  européens  traduisent  chacun  dans 
leur  propre  langue  des  noms  complexes,  à  prononciation  chinoise 
variable  elle-même   suivant  les  diverses  provinces,  et  aussi  parce 
qu'une  extrême  antiquité  de  certaines  grandes  villes  leur  a  fait  suc- 
cessivement porter  diflérents  noms.  C'est  donc  un  travail  malaisé, 
et  restant  sujet  aux  doutes  les  plus  graves,  que  de   déterminer  la 
répartition  géographique  des  districts  plus  ou  moins  instables,  la 

'  An  orographie  sketch  of  Corea  (/.  of  the  Collège  ofSc.  Imper.  Univ.  of  Tokyo,  XIX, 
art.  1, 1903). 

'  Catalogue  général  des  tremblements  de  terre  et  soulèvements  de  montagnes,  obser- 
vés en  Chine  depuis  les  temps  anciens  jusqu'à  nos  jours.  Littéralement  traduit  du  texte 
original  des  auteurs  chinois  et  présenté  k  rAcadémio  des  Sciences  de  Paris  le  5  mai 
i&39  [Ann,  phys.  et  chim.,  3*  série,  H.  1841,  372). 


138  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

stabilité  des  autres  résultant  uniquement  du  silence  des  chroniqueurs. 
Malheureusement,  ceux-ci  ont  surtout  écrit  pour  les  pays  où  se  trou- 
vait la  capitale  de  leur  propre  époque,  et  Ton  sait  combien  de  fois 
elles  ont  changé  sous  les  diverses  dynasties. 

D'après  ces  annales,  il  existerait  en  Chine  des  régions  fort  exposées 
aux  tremblements  de  terre,  ainsi  qu'on  le  verra  tout  à  l'heure.  Or, 
depuis  plusieurs  siècles,  les  missionnaires  chrétiens  ont  publié 
maintes  relations  sur  cet  empire.  Beaucoup  fourmillent  d'observa- 
tions scientifiques  de  tout  genre,  et  l'on  ne  voit  guère  se  confirmer  la 
séismicité  des  régions  dont  il  s'agit,  les  mentions  de  chocs  étant 
plutôt  rares.  Il  faudrait  donc  admettre,  si  l'on  accepte  les  chroniques 
anciennes,  et  l'objection  est  grave,  que  la  Chine  a  acquis  à  notre 
époque,  et  depuis  les  temps  historiques,  une  stabilité  relative  suc- 
cédant à  un  état  de  grande  séismicité,  du  moins  en  certains  districts, 
changement  dont  aucun  autre  pays  du  monde  ne  fournit  d'exemple 
à  la  surface  du  globe. 

Les  documents  récolés  par  Biot  ont  été  complétés  par  Mouchkétov 
et  Orlov  dans  leur  grand  catalogue,  déjà  cité,  des  tremblements  de 
Tempire  russe  et  des  pays  adjacents.  Pour  la  Chine,  ils  donnent  un 
nombre  assez  considérable  de  faits,  recueillis  surtout  par  les  agents 
commerciaux  et  politiques  russes  depuis  longtemps  installés  dans  le 
pays.  Le  texte  donne  l'impression  qu'il  ne  s'agit  pas  d'observations 
directes,  mais  seulement  rapportées  sur  la  foi  de  fonctionnaires 
indigènes,  par  suite  sous  le  coup  des  mêmes  difficultés  que  précé- 
demment. L'identification  des  noms  géographiques  est  encore  plus 
difficile  après  leur  transformation  en  russe.  Il  est  fort  regrettable 
qu'Omôri  n'ait  publié  qu'en  japonais  son  catalogue  des  tremblemenls 
de  terre  chinois  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  fin  de 
la  dynastie  des  Min  ^ 

De  tout  cela  résulte  pour  l'instabilité  séismique  une  distribution 
géographique  sur  laquelle  il  est  nécessaire  de  faire  les  plus  expresses 
réserves. 

La  géologie  de  la  Chine  n'est  pas  encore  bien  connue,  et,  dans  son 
ensemble,  tout  milite  en  faveur  d'une  pénéséismité  générale.  Elle  est 
en  effet  composée  de  massifs  anciennement  plissés,  recouverts  de 
Primaire  le  plus  souvent  peu  dérangé  de  l'horizontalité,  et  qui  n'ont 
guère  subi  que  des  mouvements  verticaux  peu  favorables  à  l'insta- 
bilité. Les  dislocations  tertiaires  ne  les  ont  pas  entamés  ;  au  contraire, 
ils  leur  ont  été  un  obstacle  puissant  et  rigide. 

•  Shinsai  Yobô  Ghôs&kkwai  Hôkoku  (Reports  of  the  imp.  earthq.  invest.  Comm.  i« 
japanese  language,  n»  19,  1899,  83). 


LE  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN 


139 


Nous  allons  décrire  les  différents  groupes  d'épicentres,  toujours 
avec  cette  restriction  qu'ils  dérivent  principalement  des  chroniques 
douteuses  des  anciens  annalistes.  Mac  Gowan  *  a  établi  un  petit  cata- 
logue des  secousses  modernes. 

Le  Chan-Toung  montre  un  foyer  d'ébranlement  à  la  racine  de  la 


Fig.  19.  —  Chine. 

4 

presqu'île,  et  de  nombreuses  secousses  ont  été  rapportées  à  Laï- 
Tchéou.  On  se  trouve  là  bien  près  d'une  faille  correspondant  à  la 
vallée  du  Weï-Ho,  et  limitant  à  l'Est  le  massif  du  Taï-Chan,  où  le 
substratum  archéen  est  recouvert  de  Cambrien  et  d'autres  couches 
primaires  restées  horizontales.  Cette  dépression  ferait  presque  une 
île  delà  presqu'île,  et  d'anciennes  cartes  des  missionnaires  y  portent 
une  communication  marine  par  canal.  Le  massif  du  Taï-Clian  est 
coupé  de  failles  qui  l'abaissent  vers  le  Nord.  Ainsi  donc,  l'instabilité 
de  ce  district  ne  saurait  être  attribuée  qu'à  ces  fractures  et  au  mou- 
vement d'affaissement  correspondant,  au  moins  provisoirement. 
Les  tremblements  de  terre  ne  sont  pas  rares  à  Pékin,  et  en  1731 

*  Earthquakes  in  China  (Trans.  seism.  Soc.  ofJapan,  X,  1887,  37). 


140  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

il  s'en  produisit  un  assez  grave,  sinon  aussi  désastreux  que  le 
dépeignent  les  relations  des  missionnaires.  On  ne  peut  donc  dire  que 
cette  ville  ait  uniquement  accaparé  les  secousses  du  pays  environ- 
nant sans  être  un  véritable  centre  séismique,  et  on  est  ainsi  certain 
qu'il  en  existe  un  à  peu  de  distance.  La  séismicité  s'étend  à  l'Ouest 
jusqu'à  Thaï-Yuen-Fou,  au  Sud  à  Khaï-Fong-Fou,  et  surtout  à  Lo- 
Yang,  actuellement  Ho-Nan-Fou,  une  des  plus  anciennes  capitales 
de  l'empire.  De  la  sorte,  le  Ghan-Si  et  le  Ho-Nan  constitueraient  une 
région  séismique  assez  bien  définie.  Il  s'agit  là  d'un  territoire  monta- 
gneux qui  a  rejeté  le  cours  du  Fleuve  Jaune,  ou  Hoang-Ho,  vers  le 
Sud,  depuis  la  grande  muraille  jusqu^à  son  coude  vers  l'Est  à  Pou- 
Tchéou,  lorsqu'il  se  heurte  au  puissant  massif  du  Tsin-Ling.  Les 
épicentres  s'y  montrent  assez  nombreux,  mais  sans  atteindre  nulle 
part  l'importance  de  ceux  mentionnés  plus  haut.  Tout  ce  territoire 
est  formé  de  sédiments  cambriens  non  plissés,  reposant  en  discor- 
dance sur  l'Archéen,  et  ces  caractères  s'étendent  au  Liao-Toung 
et  à  la  Corée,  où  les  tremblements  de  terre  sont  infiniment  plus 
rares  et  moins  sévères.  Il  faut  donc  encore  s'adresser  aux  nombreuses 
failles  qui  accidentent  le  massif,  et  pour  Pékin,  en  particulier,  à  celle 
de  Nankoou,  qui  a  déterminé  l'aifaissement  vers  la  grande  plaine  du 
Petchili. 

La  puissante  chaîne  du  Tsin-Ling,  sur  la  rive  droite  du  Weï-Ho 
du  Chen-Si,  est  entourée  d'une  région  instable  importante,  s'étendant 
de  Si-Ngan-Fou  et  Hoa-Tchéou  à  Nin-Tchéou  à  l'Ouest  et  King- 
Yang  au  Nord.  On  ne  saurait  tirer  aucune  déduction  de  son  histoire 
ni  de  sa  structure  géologiques,  parce  que  c'est  un  trait  orographique 
trop  anciennement  plissé  et  constitué.  Il  est  difficile  de  se  prononcer 
sur  la  réalité  de  la  légende  d'après  laquelle  un  tremblement  de  terre 
aurait  violemment  séparé  du  Hoa-Chan,  près  du  confluent  du 
Weï-Ho,  le  mont  Foung-Tiao-Chan. 

La  province  du  Se-Tchouen  serait  assez  instable  aussi.  C'est  une 
dépression  antéjurassique,  où  un  grès  rouge  a  imposé  de  nombreux 
décrochements  au  tracé  du  fleuve  Bleu,  obligé  de  suivre  successive- 
ment et  momentanément  le  cours  inférieur  de  ses  divers  affluents. 
Ces  accidents  jouent-ils  un  rôle  séismogénique  ?  La  question  est 
encore  insoluble.  En  tout  cas,  ces  séismes  sont  certainement  tout  à 
fait  indépendants  de  ceux  du  Yun-Nan,  région  plissée  qui  appartient 
au  domaine  des  mouvements  tertiaires. 

Dans  la  Chine  centrale,  la  dépression  lacustre  du  Tong-Ting-Hou 
est  entourée  d'épicentres,  parmi  lesquels  Ou-Tchang-Fou  est  de  beau- 
coup le  plus  important. 


LE  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN  141 

De  Hong-Kong  et  Macao  jusqu'à  Tembouchure  du  Yang-Tsé- 
Kiang,  la  côle  est  jalonnée  d'épicentres  à  nombres  modérés  de 
séismes  observés  par  des  Européens,  et  la  séismicité  semble  atteindre 
son  maximum  dans  le  Kiang-Sou  autour  de  Nanking,  si  Ton  en  croit 
les  documents  chinois,  qui  mentionnent  de  nombreux  tremblements 
de  terre  ayant  ébranlé  cette  antique  capitale.  Le  promontoire  de 
Ning-Po  et  Tarchipel  voisin  des  Tchou-San  formeraient  un  axe 
autour  duquel,  d'après  von  Richthofen*,  la  côte  se  soulève  lentement 
au  Nord  jusqu'au  golfe  du  Liao-Toung,  pour  s'abaisser  au  Sud.  Il  est 
difficile  de  faire  jouer  un  rôle  séismogénique  à  un  mouvement  d'une 
aussi  grande  lenteur.  Les  plis  anciens,  coupés  abruptement  par  ce 
littoral,  ne  sauraient  non  plus  être  invoqués.  II  ne  resterait  donc 
qu'à  faire  très  hypotliétiquement  appel  aux  mouvements  tertiaires 
paciûques,  comme  dans  la  mer  d'Okhotsk,  en  s'appuyant  sur  la 
proximité  du  géosynclinal  dont  fait  partie  Formose. 

L'île  d'Haïnan  est  peut-être  éprouvée  par  les  tremblements  de 
terre,  si  du  moins  l'on  en  croit  les  quatorze  désastres  mentionnés 
de  1523  à  1822  par  son  poète  national  Ch'iu*.  Mais  cela  ne  s'accor- 
derait guère  avec  la  stabilité  bien  avérée  de  la  Chine  méridionale  et 
du  Tonkin,  autrement  dit  l'affaissement  post-liasique  de  tous  ces  pays 
au  sud  du  fleuve  Bleu  serait  un  phénomène  complètement  éteint  et 
sans  influence  séismogénique,  aussi  bien  que  les  grandes  fractures 
miocènes  du  bassin  du  fleuve  Rouge  de  la  colonie  française.  Au  sur- 
plus, il  s'agit  là  d'une  architecture  tabulaire  peu  favorable  aux  séismes. 
C'est  une  simple  suggestion  provisoire  que  de  rapprocher  les  quel- 
ques faibles  secousses  d'Haïphong  des  dislocations  des  terrains  houil- 
lers  de  la  baie  d*Along,  en  se  rappelant  par  analogie  les  séismes  du 
synclinal  carboniférien  de  l'Europe  moyenne.  Il  y  a,  d'ailleurs,  une 
zone  d'affaissement  le  long  de  la  côte  tonkinoise,  et  une  longue  frac- 
ture de  50  kilomètres  se  montre  dans  cette  baie  avec  la  direc- 
tion N.  N.  E.  des  nombreux  accidents  du  Yun-Nan  instable. 

Dans  l'Indo-Chine,  au  Siam  et  au  Cambodge,  quelques  pauvres 
secousses  signalées  çà  et  là  suffisent  pour  attester  une  stabilité  qui 
n'aurait  pas  manqué  d'être  contredite  par  les  faits,  depuis  Tassez 
longue  pénétration  de  ces  contrées  par  la  colonisation  européenne. 
Ces  territoires  ont  d'ailleurs  peut-être  échappé  complètement  aux 
grands  mouvements  himalayens,  sauf  le  récent  ennoyage  de  la  mer 
plate  qui  les  sépare  de  Bornéo. 

•  China.  GeologUche  Reisen  undSludien  (Berlin,  1877-1885). 
'  Encyclopedia  Britannica,  9tb  édition.  Art.  Hainan,  XI,  335. 


142  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

En  résumé,  si  Ton  taxe  d'exagération  les  anciennes  chroniques  de 
l'empire  chinois,  et  tant  que  des  observations  systématiques  n'au- 
ront pas  infirmé  cette  opinion,  d' ailleurs  concordante  avec  le  silence 
des  voyageurs  et  des  missionnaires  modernes  depuis  plusieurs  siè- 
cles, il  faut  penser  que  la  Chine  et  ses  dépendances  du  Nord  ne  ren- 
ferment que  des  districts  pénéséismiques,  comme  on  pouvait  le 
prévoir  pour  un  antique  massif  à  peine  effleuré  par  les  mouvements 
tertiaires  et  dont  les  plissements  déjà  éteints  au  Gambrien  ont  été 
recouverts  en  discordance  par  le  Primaire  horizontal.  Quant  à  la 
Chine  du  Sud,  le  principal  plissement  est  postcarbonifère  et  laisse 
plus  de  raison  à  Texistence  de  régions  instables  ;  c'est  ce  que  mon- 
trera l'avenir  des  observations.  Depuis  cette  époque  reculée,  les 
vicissitudes  se  bornent  à  des  affaissements  par  gradins,  et  l'expérience 
montre  qu'une  semblable  architecture  tabulaire,  seulement  brisée, 
reste  généralement  à  l'abri  des  secousses  nombreuses  ou  désastreuses. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  grandement  à  désirer  que  des  observations 
suivies  dans  l'intérieur,  et  particulièrement  là  où  les  annales  indigènes 
rapportent  des  catastrophes,  viennent  avec  le  temps  confirmer  une 
pénéséismicité  probable,  mais  en  contradiction  avec  ces  documents. 
Et  si  l'avenir  venait  à  leur  donner  raison,  la  Chine  présenterait  une 
anomalie  absolument  unique  au  monde,  qu'il  faudrait  expHquer. 


4.  —  L'Asie  centrale. 

Autant  qu'on  en  peut  juger  de  renseignements  encore  très  incom- 
plets, le  plateau  central  asiatique  est  de  fort  ancienne  architecture,  en 
dépit  de  l'énorme  relief  de  certains  des  traits  qui  en  accidentent  la 
surface.  Jusqu'à  présent  les  nombreux  explorateurs  de  l'Asie  cen- 
trale sont  muets  sur  les  secousses  du  sol,  et,  comme  la  plupart 
d'entre  eux  nous  ont  renseigné  sur  beaucoup  de  phénomènes  natu- 
rels, il  en  résulte  que  la  stabilité  de  ces  vastes  territoires  n'est  pas 
seulement  apparente  par  pénurie  d'informations  séismiques,  mais  bien 
réelle.  Un  seul  séisme  a  été  jusqu'ici  signalé  dans  le  Tibet  septen- 
trional. La  partie  méridionale  de  ce  haut  pays  appartient,  comme  on  le 
verra  ultérieurement,  ainsi  que  le  Yun-Nan,  au  domaine  des  mouve- 
ments tertiaires.  Ainsi  donc,  ce  grand  massif  faisant  suite  à  ceux  delà 
Chine  méridionale,  du  Tonkin,  de  l'Annam  et  du  Cambodge  est  venu 
s'intercaler  entre  les  chaînes  tertiaires  du  Kouen-Loun  et  de  l'Hima- 
laya. Sa  stabilité  séismique  probable  dérive  manifestement  de  cette 
situation. 


LE  CONTINENT  SINO-SIBERIEN  443 

Si  Ton  en  croit  les  annales  chinoises,  il  existerait  un  foyer  d'ébran- 
lement assez  important  dans  le  Kan-Sou,  de  Sou-Tchéou  à  Liang- 
Tchou-Fou  et  Si-ning,  ainsi  que  sur  le  Hoang-Ho,  de  Lan-Tchou- 
Fou  à  Ning-Hia.  Il  s'agit  là  d'une  dépression  tectonique  comprise 
entre  le  Nan-Chan  et  le  Loun-Chan,  chaînes  où  Ton  a  signalé  non 
seulement  la  discordance  du  Carboniférien  supérieur,  qui  aurait, 
depuis  son  dépôt,  subi  des  mouvements  violents^  mais  encore  le  jalon- 
nement des  dislocations  par  des  lambeaux  de  ce  même  Carboniférien 
supérieur  et  de  la  houille.  On  est  ainsi  amené  à  faire,  dans  cette  région, 
des  tremblements  de  terre  une  conséquence  des  mouvements  qui,  en 
un  si  grand  nombre  de  pays,  ont  plissé  et  disloqué  les  couches  dépo- 
sées dans  les  synclinaux  de  cette  époque  géologique.  D'ailleurs,  dans 
le  Nan-Chan,  où  un  séisme  peut  indiquer  l'existence  d'un  foyer 
d'ébranlement,  les  dépôts  dits  du  Gobi,  probablement  permiens,  et 
des  couches  apparemment  secondaires,  ont  subi  un  plissement.  Tout 
cet  ensemble  de  circonstances  suffit  à  expliquer  la  pénéséismicité  de 
ces  régions,  trop  mal  connues  à  tous  les  points  de  vue  pour  qu'on 
en  puisse  parler  plus  longuement. 

De  Launay  ^  est  porté  à  rattacher  aux  mouvements  alpins  la  grande 
chaîne  du  Kouen-Loun,  prolongée  par  les  monts  Marco-Polo  et 
Tsing-Ling,  où  les  plis  en  partie  hercyniens,  et  en  partie  tertiaires, 
semblent  avoir  atteint  leur  apogée.  Il  y  aurait  donc  là  motifs  à  insta- 
bilité séismique,  mais  on  ignore  complètement  s'il  en  est  ainsi.  Dans 
ce  cas,  ces  chaînes  seraient  à  reporter  au  géosynclinal  méditerranéen. 

'  La  science  géologique  (Paris,  1905). 


CHAPITRE  VIII 

LE  CONTINENT  AUSTRALO-INDO-MALGACHE 


La  dénomination  adoptée  pour  Tancien  continent  australo-indo- 
malgache  suffit  à  elle  seule  à  le  définir.  Le  géosynclinal  circumpa- 
cifique  le  borne  à  l'Est,  le  géosynclinal  méditerranéen  au  Nord  jus- 
qu'au golfe  Persique,  et  celui  du  détroit  de  Mozambique  le  sépare  de 
TArabie  et  de  l'Afrique. 

Tous  les  géologues  admettent  que  TAustralie,  la  péninsule  hindoue 
et  Madagascar  sont  les  débris  d'une  masse  continentale  constituée 
entre  la  fin  de  l'époque  primaire  et  le  commencement  de  l'ère  secon- 
daire et  qui,  caractérisée  par  les  dépôts  d'origine  terrestre  de  la  flore 
gondwanienne  à  GlossopteriSy  n'a  commencé  à  se  morceler  définiti- 
vement qu'au  Crétacé.  L'absence  de  plissements  récents  explique 
celle  des  séismes.  Tout  au  plus  pourrait-on  citer  une  région  pénéséis- 
mique  sur  le  flanc  oriental  et  méridional  des  Alpes  d'Australie,  en 
face  et  non  loin  des  grands  fonds  de  la  branche  néocalédonienne 
du  géosynclinal  circumpacifique,  et  une  autre  dans  l'Imérina  (Mada- 
gascar) sur  le  bord  du  géosynclinal  de  l'époque  secondaire  occupant 
l'emplacement  du  détroit  de  Mozambique.  Enfin  la  péninsule  de  l'Hin- 
dôustan  et  Tîle  de  Ceylan  sont  à  peu  près  aséismiques. 

1.  —  Australie  et  Tasmanie. 

La  grande  analogie  des  terrains  primaires  et  secondaires  de 
l'Australie  avec  ceux  du  plateau  hindou  ou  de  Gondwana  et  même, 
plus  loin  encore,  avec  ceux  de  l'Afrique  australe,  a  permis  aux 
géologues  d'en  faire  un  fragment  d'un  ancien  continent  austral,  ou 
indo-africain,  quoique  l'accord  n'ait  pas  encore  pu  se  faire  sur  les 
étapes  successives  de  son  démembrement  à  la  suite  de  l'affaissement 
de  l'Océan  Indien.  Toute  TAustralie  n'est,  en  somme,  qu^une  péné- 
plaine à  substratum  archéen.  Une  ancienne  chaîne  plissée  borde  la 
masse  continentale    à  l'Est  depuis  la  presqu'île  d'York  jusqu'au 


LE  CONTINENT  AUSTRALO-INDO-MALGACHE  145 

détroit  de  Bass,  qui  la  sépare  d'un  autre  fragment,  la  Tasmanie. 
Celte  importante  chaîne  des  Alpes  d'Australie  tombe  à  pic  sur  le 
Pacifique  et  représente  le  bord  relevé  d'une  cassure,  accompagnée 
de  phénomènes  volcaniques  tertiaires  et  même  modernes. 

Au  N.  E.  de  Sydney,  la  très  petite  île  de  Lord  Howe  a  fourni  des 
ossements  de  grands  reptiles,  qui  y  ont  vécu  à  une  époque  très 
récente,  après  le  dépôt  du  grès  désertique.  De  Lapparent,  Suess  et 
d'autres  géologues  en  ont  conclu  que,  de  ce  côté  au  moins,  le  déman- 
tèlement de  TAustralie  ne  remonte  pas  loin.  Il  apparaît  donc  immé- 
diatement que  s'il  s'y  rencontre  des  régions  à  tremblements  déterre, 
elles  se  trouveront  sur  sa  côte  orientale,  en  conséquence  du  peu 
de  temps  écoulé  depuis  cet  événement  de  grande  ampleur.  C'est  bien 
ce  que  l'observation  vérifie  ;  mais  on  ignore  si  les  séismes  qui  s'y 
font  sentir  sont  en  relation  avec  les  plissements  ou  avec  la  fracture, 
parce  que,  jusqu'à  présent,  il  n'a  pas  été  tracé  d'isoséistes  pouvant 
faire  résoudre  la  question  de  savoir  si  les  tremblements  de  terre  ont 
leurs  épicentres  sur  le  long  talus  sous-marin  qui  descend  rapidement 
jusqu'à  4000  mètres  et  plus,  ou  si  leur  origine  est  terrestre.  L'ab- 
sence totale  de  vagues  séismiques,  jamais  signalées  encore,  serait  en 
faveur  de  plissements,^  la  production  desquels  les  efforts  séismiques 
correspondant  à  la  fracture  représentée  par  le  bord  occidental  si 
escarpé  du  Darling  Range  ne  prendraient  aucune  part.  Hogben  *  a 
suggéré,  avec  une  certaine  réserve  toutefois,  que  le  grand  tremblement 
de  terre  du  10  mai  1897  dans  l'Australie  méridionale  pourrait  bien 
avoir  été  dû  à  une  faille.  Nous  ne  savons  trop  ce  qu'il  faut  penser 
de  l'information  *  d'après  laquelle  les  séismes  du  commencement 
de  novembre  1902  auraient  eu  pour  conséquences  des  changements 
topographiques  importants  et  un  soulèvement  de  côtes  dans  le  district 
de  Clarendon. 

Les  séismes  ébranlent  les  Alpes  d'Australie  sur  tout  leur  dévelop- 
pement, mais  n'atteignent  une  certaine  importance  qu'aux  environs 
de  Melbourne,  où  ils  ne  laissent  pas  d'être  parfois  assez  sérieux, 
comme  celui  du  19  septembre  1902.  On  en  connaît  aussi  sur  le 
flanc  occidental  de  la  chaîne,  comme  à  Wagga-Wagga.  L'établisse- 
ment récent  d'un  service  séismologique  en  Australie  permettra  plus 
tard  de  discerner  des  foyers  distincts  d'ébranlement,  et  d'en  recher- 
cher l'origine  en  les  mettant  en  relation  avec  tel  ou  tel  détail  de 
tectonique. 

'  Bril.  Ass.  for  the  adv,  of  Se,   Bristol  Meeting,  1898.  Third  Rep.  of  the  Comm.  on 
seism.  invest.»  p.  184. 
•  nie  Erdbebenwarte.  Laibach,  II,  190M903,  174. 

Dk  Momtbssci.  —  Tremblements  de  lerre.  10 


i46  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

La  Tasmanie  est  secouée  dans  les  mêmes  conditions  de  fréquence 
et  d^intensité  que  TÂustralie  méridionale.  Sa  constitution  géolo- 
gique est  d'ailleurs  la  même,  et  une  plate-forme  littorale  en  fait  un 
fragment,  séparé  par  le  simple  ennoyage  du  peu  profond  détroit  de 
Bass. 

3.  —  La  péninsule  de  l'Hlndonstan  et  Geylan. 

Au  point  de  vue  géographique,  la  presqu'île  de  Tlnde  est  bien 
déûnie,  au  sud  du  parallèle  qui  joint  le  golfe  de  Gambaye  aux  bouches 
du   Gange.   Mais  sa  limite  géologique  passe  bien  plus  au  Nord, 
entre  le  coude  de  ce  fleuve  et  les  environs  de  Delhi,  en  suivant 
le  bord  irrégulier  et  concave  vers  le  sud  des  gneiss  du  Bengale  et 
des  couches  vindhyennes  de  l'Inde  centrale.  Quatre  formations  prin- 
cipales  recouvrent  l'Iiindoustan  :  l'Àrchéen  (gneiss  et  schistes),  le 
Vindhyen  (Silurien),  le  Gondwanien  (Triasique  et  Jurassique),  et  les 
nappes  éruptives  (crétacées  et  éocènes)  de  trapp  et  de  basalte.  Il  n'y 
a  pas  lieu  de  s'occuper  ici  de  la  latérite,  formation   superficielle 
résultant  de  la  décomposition  des  laves,  et  dont  la  présence  ou  l'ab- 
sence n'ont  pas  d'influence  sur  la  séismicité.  'Les  roches  archéennes 
s'étendent  sur  tout  le   S.  E.  de  la  péninsule,   au  sud  de  la  ligne 
allant  de  Monghyr  à  Pangim,  ou  Nova-Goa,  sur  la  côte  occidentale, 
mais  avec  des  intercalations  de  couches  vindhyennes  et  gondwa- 
niennes  dans  les  vallées  du  Mahanadi,  de  la  Godavari,  et  dans  les 
Vellakonda,  ou  Nilamala  Ghats,  ou  Ghates  de  Nellore.  Les  trapps 
et  les  basaltes  du  Dekkan  couvrent  le  N.  W,  Au  Nord,  les  couches 
sédimentaires  précédentes  réapparaissent  sur  les  plateaux  monta- 
gneux du  Yindhya  et  du  Satpoura  des  deux  côtés  de  la  Narbada. 
Enfin  les  roches  éruptives  modernes  se  montrent  de  nouveau  près 
de  Golgong. 

L'Hindoustan  forme  une  vaste  pénéplaine,  commençant  à  la  crête 
des  Ghates  occidentales,  ou  Sahyadri,  abrupte  sur  la  mer  d'Arabie  et 
descendant  en  pente  douce  sur  les  Ghates  orientales  du  golfe  du  Ben- 
gale. De  la  plus  grande  hauteur  des  Saliyadri  résulte  que  toutes  les 
rivières  courent  à  TEst,  excepté  la  Tapti  et  la  Narbada,  dont  les 
embouchures  se  trouvent  dans  le  golfe  de  Gambaye.  On  verra  précisé- 
ment cette  différence  jouer  un  rôle  séismogénique.  Une  seule  dépres- 
sion, celle  de  Coimbatore,  rompt  la  muraille  occidentale.  Le  centre  de 
la  vaste  pénéplaine  a  fléchi,  et  ses  couches  diverses  n'ont  subi  que  des 
ruptures  avec  d'énormes  effondrements,  surtout  entre  le  Gondwanien 
inférieur  et  le  Gondwanien  supérieur.  Quant  aux  plissements,  ils 


LE  CONTINENT  ÂUSTRALO-INDO-MALGACHE  i47 

sont  d'âge  extrêmement  reculé,  antésilurien  dans  rAravali  Range  et 
antépermien  dans  les  Ghates  de  Yellakonda. 

Tous  les  restes  organisés  des  couches  gondwaniennes  sont  d'ori- 
gine terrestre  et  se  retrouvent  presque  identiques  en  Australie,  à 
Madagascar  et  dans  TAfrique  australe.  Leurs  grandes  différences 
avec 'ceux  des  couches  contemporaines  de  l'hémisphère  septentrional 
ont  fait  conclure  à  l'existence  d'un  ancien  et  vaste  continent  austral, 
dont  le  démembrement  a  ici  commencé  à  l'époque  jurassique  par 
rirruption  de  la  mer  dans  le  Sind  et  le  Cambaye,  puis  s'est  continué 
par  des  effondrements  successifs.  Le  manque  presque  complet  de 
plissements,  le  calme  avec  lequel  les  laves  crétacées  et  tertiaires  se 
sont  étalées  sur  le  Dekkan,  et  l'ancienneté  même  du  continent  gond- 
wanien,  permettent  de  présager  pour  l'Indoustan  une  grande  stabi- 
lité, que  l'observation  confirme  pleinement.  Les  dépôts  vindhyens  et 
gondwaniens  ont  en  grande  partie  disparu  par  la  dénudation,  et  leurs 
lambeaux  subsistants  doivent  leur  conservation  à  leur  chute   au 
milieu  des  fractures  du  massif  archéen,  accidents  dont  l'ancienneté 
assure  l'aséismicité. 

L'Hindoustan  n'est  cependant  pas  sans  ressentir  quelques  tremble- 
ments de  terre,  et  Th.  Oldham  *  en  a  fait  le  catalogue  aussi  complet 
qu'il  était  possible  en  l'absence  d'observations  systématiques.  C'est 
le  cas  des  Ghates  de  Yellakonda,  où  ils  ne  sont  d'ailleurs  jamais 
sévères.  Là,  les  couches  vindhyennes  forment  un  croissant  dont  la 
concavité  est  tournée  vers  l'Est.  Elles  ont  été  plissées  en  conséquence 
d'une  poussée  venant  de  ce  même  côté,  et  sont  tombées  à  l'Ouest 
dans  une  grande  faille  de  l'Archéen.  Les  cornes  du  croissant  sont 
situées  à  Moonagalik,  un  peu  au  nord  delà  Kistna,  etàTripetty  [Tiru- 
pati]  au  N.  W.  de  Madras.  Ce  plissement,  cai-boniférien,  est  le  moins 
ancien  de  la  péninsule.  Une  certaine  instabilité  se  montre  dans  l'in- 
térieur du  croissant,  c'est-à-dire  du  côté  de  la  poussée.  Comme  par- 
tout ailleurs,  les  cassures  de  l'Archéen  sont  stables,  et  les  secousses 
en  question  doivent  sans  doute  être  attribuées  à  la  continuation  du 
processus  de  plissement,  ce  qu'on  a  si  souvent  constaté  pour  ceux 
de  l'époque  carboniférienne  en  tant  de  points  du  globe.  Là  encore, 
se  vérifie  la  loi  de  moindre  stabilité  du  côté  le  plus  abrupt  du  ver- 
sant d'une  chaîne. 

La  grande  instabilité  du  bas  Indus,  dont  on  parlera  dans  un  autre 
chapitre,  cesse  presque  entièrement  dans  la  presqu'île  du  Kathiawar 
pour  reparaître,  mais  bien  atténuée,  sui*  la  côte  orientale  du  golfe 

*  A  catalogue  of  indian  earthquakes  from  the  earliest  times  to  tbe  end  of  A.  D.  1S69 
[Mem.  ofthe  geoL  Survey  of  India,  XIX,  Part  3.  Calcutta,  1883). 


148  GÉOGRAPHIE  SÉ18M0L0GIQUE 

(le  Cambaye,  d'Ahmenabad  à  Bombay,  ainsi  que  dans  rintérieur,  de 
Malegaon  à  Dhulia  dans  le  Khandesh.  A  Udaipur  commence  une 
étroite  bande  archéenne,  courant  vers  l'Est,  puis  se  dirigeant  ensuite 
au  Nord  vers  Bundi,  le  long  du  flanc  oriental  de  TAravali  Range. 
C'est  le  bord  du  vieux  continent  recouvert  par  les  trapps  et  les 
basaltes  du  Dekkan.  La  limite  occidentale  de  ces  roches  éru(>tiyes 
va  d'Udaipur  à  Daman,  port  au  nord  de  Bombay.  La  vallée  de  la 
Tapti  est  ouverte  dans  les  strates  jurassiques  d'EUichpur  àNandur- 
bar,  et  ces  couches,  séparées  de  celles  du  Cambaye  par  un  rétrécis- 
sement des  nappes  éruptives,  doivent  exister  sous  ces  dernières. 
La  Narbada  traverse,  de  Jabalpur  à  Harda  en  aval  de  Hoshan- 
gabad,  les  mômes  couches  gondwaniennes,  mais  la  lacune  entre 
elles  et  leurs  contemporaines  du  Cambaye  est  bien  plus  large  que 
précédemment.  Les  couches  vindhyennes  s'étalent  beaucoup  au 
N.  E.  de  Jabalpur,  et  leurs  lambeaux  apparaissent  au  Nord  et  au 
milieu  des  couches  gondwaniennes  de  la  vallée  de  la  Narbada,  et 
encore  à  Touest  de  Harda.  Ainsi  donc,  il  est  certain  qu'à  l'époque 
vindhyenne  (silurienne),  la  mer  a  envahi  la  vallée  de  la  Narbada, 
et  qu'à  l'ère  gondvsranienne  (triasique  et  jurassique)  une  nouvelle 
vicissitude  a  permis  le  dépôt  de  ces  couches  d'origine  terrestre  dans 
ces  deux  vallées,  où  des  signes  d'exhaussement  assez  moderne  se 
montrent,  ainsi  que  sur  le  littoral  du  Cambaye.  Les  séismes  en  ques- 
tion peuvent-ils  dériver  de  ces  événements  ?  C'est  assez  douteux,  vu 
leur  ancienneté. 

Les  épicentres  des  secousses,  d'ailleurs  faibles  et  peu  fréquentes, 
de  Bombay  et  de  ses  environs,  doivent  être  recherchés  dans  la  région 
pénéséismique  précédente.  On  a  bien  signalé  autour  de  ce  port  des 
signes  d'affaissement  récent  ;  mais,  pouvant  s'expliquer  par  le  simple 
tassement  de  terrains  sans  consistance,  de  tels  mouvements  ne 
semblent  guère  jouer  un  rôle  séismogénique.  D'autre  part,  près  de 
Bombay,  à  l'est,  on  a  cru  découvrir  les  points  éruptifs  d'où  se  seraient 
épanchées  de  colossales  nappes  de  trapp  et  de  basalte,  qui  couvrent 
une  immense  surface  du  Dekkan  entre  le  16*  et  le  24''  parallèle. 
Presque  horizontales,  elles  ont  dû  couler  en  état  de  grande  fluidité, 
ce  qui  leur  a  fait  attribuer  une  origine  sous-marine,  opinion  rejetée 
maintenant  à  cause  de  l'intercalation  de  dépôts  d'origine  terrestre. 
Il  n'en  reste  pas  moins  que  le  phénomène  s'est  accompli  sans  explo- 
sions, ni  bouleversements  d'aucune  sorte.  Les  séismes  de  Bombay 
n'y  trouvent  donc  pas  non  plus  leur  explication. 

Quelques  tremblements  de  terre  agitent  la  côte  de  Malabar,  sur- 
tout dans  le  Travancore.  A  Quillon,  justement,  des  couches  marines 


LE  CONTINENT  AUSTRALO-INDO-MÀLGAGHE  149 

pliocënes  montrent  qu'en  ces  parages  le  démantèlement  du  continent 
gondwanien  s'est  seulement  produit  alors.  Le  processus  de  morcelle- 
ment y  survit  donc  peut-être  ainsi  sous  forme  de  séismes.  Selon 
certaines  traditions,  cette  côte  aurait  été  en  1341  le  théâtre  d'une 
série  de  secousses,  à  la  suite  desquelles  Tîle  de  Waypi  aurait  été 
soulevée  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Mais  Suess  pense  qu'il 
s'agit  là  d'un  phénomène  purement  local.  En  tout  cas,  on  ne  saurait 
tirer  aucune  conclusion  d'un  événement  aussi  peu  certain. 

Le  1*'  avril  1843,  un  tremblement  de  terre  sévère  a  eu  son  épi- 
centre  près  de  Bellary  ;  on  ne  saisit  aucune  connexion  géologique 
pouvant  expliquer  ce  fait,  jusqu'à  présent  isolé. 

L'extrémité  méridionale  de  la  péninsule  présente  quelques  foyers 
sporadiques  et  de  peu  d'importance  sur  les  flancs  orientaux  des 
Nilgiris  et  des  collines  de  Gardamom.  A  l'Est,  des  lambeaux  de 
Tertiaire  se  montrent  des  deux  côtés  de  la  basse  Cauvery.  Y  a-t-il 
quelque  relation  entre  de  rares  secousses  et  les  bouleversements  qui 
ont  permis  à  la  mer  de  cette  époque  de  pénétrer  aussi  loin  dans 
l'intérieur  de  la  masse  continentale  ? 

Les  tremblements  de  terre  de  Madras  viennent  probablement  des 
Ghates  de  Nellore. 

Enfin  quelques  secousses  ébranlent  la  côte  d'Orissa  entre  Goco- 
nada  et  Ganjam,  où  les  Ghates  orientales  avec  un  faible  relief  se 
rapprochent  de  la  mer,  et  où  une  étroite  bande  d'alluvions  borde  la 
chaîne  archéenne. 

Au  sud  de  la  ligne  Kokelay-Aripo,  l'île  de  Geylan  est  formée  de 
roches  archéennes  ;  .elle  appartient  donc  géologiquement  à  la  pénin- 
sule hindoue,  dont  elle  partage  la  stabilité  générale.  La  partie  sep- 
tentrionale est  formée  de  plages  coralliennes  récemment  exhaus- 
sées, ainsi  qu'un  petit  archipel  au  Nord  et  l'île  de  Manaar.  Si  l'on  en 
croit  des  traditions  historiques,  la  digue  de  Pamban,  ou  le  pont 
d'Adam,  a  été,  sous  les  yeux  de  l'homme,  brisé  par  les  vagues. 
Quelques  chocs  ont  leur  origine  dans  le  centre  ou  le  sud  de  l'île, 
l'un  d'eux  même  sévère,  celui  du  9  février  1823.  Il  se  rencontre  donc 
là  une  région  de  faible  instabilité,  correspondant  à  un  important 
relief  émergé  et  immergé,  puisque  l'isobathe  de  4  000  mètres  passe 
très  près  de  l'extrémité  méridionale  de  Geylan,  mais  loin  du  cap 
Comorin.  Et,  précisément,  quelques  séismes  sous-marins  ont  été 
observés  près  du  sud  de  cette  île. 


iôO  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


3.  —  L'Océan  Indien. 

On  s'accorde  assez  généralement  à  regarder  TOcéan  Indien,  dans 
son  état  actuel,  comme  résultant  de  l'effondrement  d'un  continent 
méridional  dont  l'Australie,  THindoustan  et  Madagascar  représentent 
d'importants  fragments.  Ce  continent,  sous  le  nom  de  Lémurie,  joue 
un  rôle  considérable  dans  Tétude  de  la  distribution  des  formes  ani- 
males et  végétales  de  l'hémisphère  sud,  mais  le  désaccord  commence 
lorsqu'il  s'agit  de  dé  terminer  la  date  du  début  de  son  démembrement  : 
h  Tépoque  jurassique  ou  à  l'époque  crétacée  î  On  n'a  pas  à  prendre 
ici  parti  dans  cette  question,  puisque  le  manque  absolu  de  plissements 
tertiaires,  et  même  secondaires,  ne  permet  pas  de  supposer  qu'il 
puisse  y  avoir,  dans  ce  domaine,  des  régions  séismiques,  terrestres 
ou  sous-marines. 

Les  tremblements  de  terre  sous-marins  sont  rares,  et  ceux  des 
côtes  occidentales  de  Sumatra  et  de  l'Arracan  appartiennent  au  bord 
du  géosynclinal  méditerranéen.  Dans  le  golfe  du  Bengale,  on  en 
connaît  bien  un  fort  important,  celui  du  31  décembre  1881 S  qui  a 
eu  son  épicentre  aux  environs  du  point  15*  N.,  89'  E.  Gr.,  c'est-à- 
dire  non  loin  de  l'extrémité  septentrionale  du  seuil  prolongeant 
Sumatra  et  supportant  les  Nicobar  et  les  Andaman.  Il  faut  donc  le 
rapporter  au  géosynclinal.  Ceux  du  large  de  Ceylan  correspondent 
au  voisinage  immédiat  de  l'isobathe  de  4  000  mètres,  qui  coïncide 
peutrôtre  avec  une  cassure. 

Au  nord-ouest  de  Vingorla,  sur  la  côte  occidentale  de  l'Hindoustan, 
commence  une  série  d'îles  et  de  hauts  fonds  courant  dans  une  direc- 
tion méridienne  vers  le  Sud,  banc  d'Angria,  Laquedives,  Maldives  et 
Chagos,  où.  dominent  les  constructions  coralliennes  et  que  tout  le 
monde  s'accorde  à  considérer  comme  un  fragment  submergé  de  la 
Lémurie.  On  ne  sait  rien  des  tremblements  de  terre  qui  s'y  produi- 
sent et  la  disparition  d'une  des  Maldives,  en  février  1865,  à  la  suite 
d'un  tremblement  de  terre,  rapportée  par  K.  Fuchs*,  ne  mérite 
guère  créance.  D'ailleurs  ce  fait,  fût-il  exact,  ne  sufGrait  pas,  à  lui 
seul,  à  infirmer  la  stabilité  de  ces  îles,  que  rend  bien  probable  l'ab- 
sence de  séismes  sous-marins  et  de  vagues  séismiques  dans  ces 
parages. 

*  Doyle  (Patrick).  Note  on  an  indian  earthqnake;  December  31»*,  1881  (Trans.  seim 
Soc.  ofJapan,  IV,  78,  1882);R.  D.  Oldham.  Noteonthe  earthquake  of  Docember  31«t  1881 
[Rep.  ofthe  geoL  Survey  of  India,  XVII.  Part  2,  47.  1884). 

*  Les  volcans  et  les  trombloments  de  terre  (Biblioth.  se,  intem.,  4*  édition.  142.  Paris, 
1884). 


LE  CONTINENT  AUSTRÀLO-INDO-MALG ACHE  451 

On  ne  connaît  pas  de  tremblements  de  terre  pour  les  Seychelles, 
îles  granitiques  supportées  par  un  seuil  en  forme  de  croissant,  dont 
une  branche  rejoint  le  nord  de  Madagascar  et  les  Gomores,  tandis 
qu'une  autre  forme  la  base  des  volcans  insulaires  de  Maurice  et  de 
Bourbon,  dont  la  stabilité  séismique  ne  se  dément  que  rarement, 
double  caractère  qu'elles  possèdent  en  commun  avec  Rodriguez. 

Des  îles  volcaniques  de  l'extrême  Sud,  Saint-Paul,  Amsterdam  et 
Kerguelen,  on  ne  possède  aucune  information  séismique,  malgré 
le  séjour,  parfois  prolongé,  de  missions  astronomiques. 

Çà  et  là,  de  rares  tremblements  de  terre  sous-marins  ont  été 
observés  dans  l'Océan  Indien.  Us  sont  trop  disséminés  pour  qu'on  en 
puisse  tirer  aucune  conclusion  tendant  à  inGrmer  sa  stabilité.  Les 
mouvements  à  la  suite  desquels  le  continent  gondwanien  a  été 
démantelé  sont  donc  tout  à  fait  éteints,  ce  qui  est  un  argument  en 
faveur  de  leur  ancienneté. 


4.  —  Madagascar  et  Gomores. 

Malgré  les  observations  du  P.  Colin,  on  est  encore  assez  peu  fixé 
sur  la  répartition  des  tremblements  de  terre  de  la  grande  île  malgache. 
Dans  le  sud,  on  en  ressent  en  moyenne,  chaque  année,  un  ou  deux  à 
Sainte-Marie  de  Madagascar.  Dans  le  centre  on  en  a  signalé  à  Fiana- 
rantsoa,  Betafo  et  Tananarive,  c'est-à-dire  sur  le  flanc  occidental  de 
l'arête  longitudinale.  Leurs  foyers  sont  encore  assez  mal  détermi- 
nés, et  on  est  en  droit  de  supposer  que  leur  origine  se  trouve  non 
sur  le  versant  mozambique,  mais  bien  sur  l'autre,  beaucoup  plus 
raide,  et  que  seule  Tabsence  de  grands  centres  habités  a  empêché  de 
les  y  observer  :  à  l'avenir  de  nous  fixer  sur  ce  qui  n'est  encore 
qu'une  hypothèse.  En  tout  cas,  il  semble  bien  que  les  séismes  de 
Hmérina  soient  peu  redoutables,  et  les  quelques  dommages  éprouvés, 
le  3  novembre  1897,  n'avaient  aucune  importance  à  Tananarive.  Les 
PP.  Colin  et  Camboué*  les  considèrent  comme  fréquents,  mais  le 
dernier  observateur  ajoute  qu'il  ne  se  passe  pas  d'années  sans  plu- 
sieurs secousses,  expressions  qui  ne  correspondent  guère  à  l'idée 
qu'on  se  fait  d'un  pays  à  tremblements  de  terre.  Aucun  séisme  n'a 
jamais  été  mentionné,  jusqu'àprésent,  sur  le  long  versant  occidental, 
mais  si  sa  stabilité  est  probable,  elle  n'est  cependant  pas  certaine  en 
raison  du  trop  peu  de  temps  depuis  lequel  le  pays  est  exploré  et  occupé. 
Au  contraire,  l'absence  de  séismes  relatés  dans  la  région  de  Diégo- 

•  Sur  les  tremblements  de  terre  à  Madagascar  (C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  CVIII,  766.  1889). 


152  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

Suarez  et  du  massif  volcanique  d'Ambre,  donne  plus  de  poids  à 
Taflirmation  de  la  stabilité  de  cette  dernière  partie  de  Tîle.  En  résumé, 
il  paraît  à  peu  près  certain  qu'une  région  pénéséismique  de  forme 
allongée  occupe,  de  Sainte-Marie  à  Tananarive  et  un  peu  au  delà,  la 
chaîne  longitudinale  méridienne  formant  l'ossature  de  Madagascar  et 
qu'il  ne  tremble  pour  ainsi  dire  pas  ailleurs. 

Gomment  cette  répartition  des  tremblements  de  terre  s'accorde- 
t-elle  avec  ce  que  l'on  sait  de  son  histoire  géologique  ?  Le  squelette 
de  Madagascar  est  constitué  par  une  longue  crête  archéenne,  tom- 
bant brusquement  sur  l'Océan  Indien  par  trois  gradins  étages,  et  sur 
le  versant  occidental  par  une  longue  falaise,  dont  la  hauteur  varie 
de  300  à  1 000  mètres.  Cette  crête  est  donc  comprise  entre  des  failles 
longitudinales.  Les  sédiments  de  l'Ouest,  jurassiques,  crétacés  et 
tertiaires,  non  plissés,  ont  été  déposés  dans  le  géosynclinal  du  détroit 
de  Mozambique,  au  fond  progressivement  relevé,  et  dont  l'existence 
apparaît  dès  lors  comme  fort  ancienne.  S'il  n'y  a  pas  de  plissements, 
c'est  que  cet  accident  n'a  pas  été  le  siège  de  grands  mouvements 
de  compression  et  de  surrection.  La  stabilité  du  versant  mozambique 
de  Madagascar  trouve  là  son  explication  toute  naturelle.  Mais  l'arêle 
longitudinale  a  été  découpée  par  de  longues  fractures  parallèles  à 
son  axe,  et  elles  ont  facilité  le  développement  de  l'appareil  tliermal 
et  volcanique,  ce  dernier  à  peine  éteint  maintenant.  La  côte  orientale 
tombe  à  pic  sur  l'isobathe  de  4  000  mètres,  qui  la  suit  de  fort  près, 
tandis  que  le  fond  du  détroit  ne  descend  pas  au-dessous  de  2  000  mètres, 
et  forme  au  nord  de  l'île  une  large  plate-forme  supportant  le  socle 
archéen  des  Seychelles.  Ainsi  donc,  il  apparaît  clairement  que  la 
côte  orientale  représente  la  fracture  qui  a  séparé  Madagascar  des 
terres  s'étendant  au  loin  dans  l'Est,  dans  la  direction  de  THindoustan 
et  de  l'Australie,  événement  terminé  seulement  à  une  époque  assez 
récente,  ainsi  qu'en  témoigne  le  peu  d'ancienneté  des  manifestations 
volcaniques.  Ainsi  que  cela  se  passe  le  plus  souvent  dans  des  cir- 
constances analogues,  il  ne  devait  pas  en  résulter  de  région  séis- 
mique  véritable,  et  la  répartition  des  tremblements  de  terre  le  long 
de  l'arête  résulte  de  son  morcellement  par  les  failles  longitudinales. 

L'activité  volcanique  de  la  grande  Comore,  et  les  quelques  chocs 
que  Ton  y  ressent,  dérivent  pareillement  de  la  cassure  de  second 
ordre,  représentée  dans  le  canal  de  Mozambique  par  l'isobatlie  de 
2000  mètres. 


CHAPITRE  IX 

LE  CONTINENT  AFRICANO-BRÉSILÏEN 


L'Arabie,  l'Afrique,  à  l'exception  des  pays  barbaresques,  et  le 
Brésil  reproduisent  exactement  les  mêmes  circonstances  que  les  terres 
précédentes  et  cet  ancien  continent  morcelé,  tout  aussi  stable  pour 
les  mêmes  raisons,  et  à  cheval  sur  l'Atlantique  méridional,  est  limité 
par  les  trois  géosynclinaux  :  mozambique,  méditerranéen  et  circum- 
pacifique. 

Au  Natal,  au  Mozambique,  à  Zanzibar  et  à  Mascate,  quelques 
secousses  rappellent,  comme  celles  de  l'Imérina,  le  voisinage  du 
géosynclinal  du  détroit  et  des  dislocations  concomitantes,  mais  sans 
arriver  à  dépasser  la  pénéséismicité.  Ce  peu  d'activité  des  secousses 
vient  de  ce  qu'à  l'époque  tertiaire  il  ne  s'est  pas  transformé  en  géan- 
ticlinal  par  la  surrection  d'une  chaîne,  et  qu'aucun  mouvement  oro- 
génique ne  s'est  traduit  à  sa  surface.  On  retombe  donc  là  sur  les  con- 
ditions de  rOural  et  de  la  mer  d'Okhotsk,  avec  ce  que  l'on  pourrait 
appeler  les  géanticlinaux  avortés.  De  même  qu'au  nord  du  géo- 
synclinal méditerranéen,  les  aires  continentales  nord-atlantique  et 
sino-sibérienne  n'en  forment  pour  ainsi  dire  qu'une  seule  au  point 
de  vue  séismique,  il  en  est  de  même,  au  Sud,  pour  les  deux  conti- 
nents australo-indo-malgache  et  africano-brésilien. 

Il  est  trî^s  digne  d'attention  que  le  principal  accident  géographique 
de  l'Afrique,  c'est-à-dire  la  ligne  des  grands  lacs  équatoriaux,  ne 
présente  que  des  régions  pénéséismiques,  Ounyamouézi,  Gondokoro, 
Lado,  ce  qui  tient  vraisemblablement  à  ce  qu'il  s'agit  là  d'un  trait 
géologique  d'origine  très  reculée.  Par  contre,  il  se  continue  par 
TAbyssinie,  où  les  tremblements  de  terre  sont  fréquents,  sinon  des- 
tructeurs, jusqu'à  la  côte  de  la  mer  Rouge,  autour  de  Massaouah. 
Cette  mer  est  bien  d'ouverture  récente  au  milieu  du  massif  et  se  pro- 
longe par  une  série  de  dépressions,  golfe  d'Akabah,  mer  Morte, 
vallée  du  Jourdain,  Cœlésyrie  enfin  entre  le  Liban  et  l'Antiliban  ; 
c'est  une  ligne  un  peu  sinueuse  de  voûtes  effondrées  par  fractures 


454  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

longitudinales  dans  les  assises  crétacées  non  plissées,  et  où  ne  se 
rencontre  qu'une  seule  région  séismique,  la  Cœlésyrie  ;  car  c'est  à 
tort  que  l'Egypte  et  l'Arabie  ont  été  considérées  comme  instables  par 
certains  voyageurs  ou  séismologues  *.  C'est  encore  à  l'absence  de 
plissements  qu'il  faut  attribuer  le  repos  séismique  de  ces  régions, 
situation  qui  s^étend  à  tout  le  reste  du  continent  africain,  dont  les 
formes  massives  attestent  une  grande  simplicité  de  structure  géné- 
rale. 

Dès  avant  le  Miocëne,  l'Afrique  et  l'Amérique  du  Sud  étaient 
séparées,  et  cet  événement,  de  date  très  controversée,  n'a  laissé  de 
traces  que  par  les  abîmes  océaniques  avoisinant  le  rocher  de  Saint- 
Paul,  avec  une  région  pénéséismique  s'étendant  à  l'Est,  en  plein  océan 
équatorial  ;  on  doit  la  découverte  de  cette  dernière  à  l'ingénieur  hydro- 
graphe Daussy,  dont  elle  porte  le  nom, 

En  Amérique,  quelques  tremblements  de  terre  ébranlent  bien 
Rio  de  Janeiro  et  Ouro-Preto,  mais  ils  n'ont  ni  grande  fréquence,  ni 
gravité.  C'est  aussi  le  cas  de  Buenos-Ayres,  au  nord  de  la  région 
très  anciennement  plissée  de  la  Yentana.  A  cela  seul  se  réduit  la 
séismicité  de  tout  le  versant  atlantique,  à  l'exclusion  du  Venezuela 
et  des  provinces  occidentales  de  l'Argentine,  de  Salta  à  Mendoza, 
deux  régions  appartenant  au  géosynclinal  circumpacifique,  et  dont 
il  sera  parlé  ailleurs. 

Par  conséquent,  tout  le  continent  africano-brésilien  doit  son  état 
de  repos  séismique  à  sa  condition  d'antique  plate-forme  continen- 
tale non  récemment  plissée,  ou  disloquée,  et  depuis  bien  longtemps 
transformée  en  pénéplaine  sur  la  plus  grande  partie  de  sa  surface. 

1.  —  AraJ>ie. 

L'Arabie  est  une  grande  plate-forme  massive,  à  peine  coupée 
transversalement  par  les  hauteurs  du  Nedjed,  et  où  l'Archéen  est 
recouvert  horizontalement  par  des  grès  ou  des  calcaires  plus  récents, 
attestant  qu'une  vaste  mer  occupait  jadis  l'emplacement  de  la  pres- 
qu'île, en  prolongeant  la  Méditerranée  vers  l'Océan  Indien.  Cette  plate- 
forme est  fortement  relevée  sur  la  mer  Rouge  et  celle  d'Oman,  tandis 
qu'elle  s'abaisse  en  pentes  douces  sur  la  Mésopotamie  et  le  golfe  Per- 
sique.  La  côte  rectiligne  d'Oman  tombe  rapidement  à  2000  mètres 
de  profondeur,  de  sorte  qu'elle  forme  sur  la  mer  un  talus  raide  de 
4  000  mètres  émergé  et  immergé.  Les  calcaires  crétacés  et  tertiaires 

*  A.  Sicbcrg.  Haiidbuchder  Erdbebenkunde  (31  et  34,  Braunschweig,  1904). 


LE  CONTINENT  AFRICANO-BRÉSILIEN  155 

de  la  vallée  du  Nil  se  retrouvent  horizontaux  sur  la  côte  méridionale 
de  l'Arabie,  de  sorte  qu'on  a  pu  conclure  à  la  formation  de  la  mer 
Rouge  par  une  fracture  qui  a  brutalement  séparé  la  péninsule  de  la 
masse  continentale  africaine,  àTépoquepléistocëne,  pensent  Issel^et 
d'autres,  quoiqu'elle  ait  été  préparée  bien  antérieurement.  Cet  événe- 
ment s'est  produit  sans  plissements  ;  aussi  les  tremblements  de  terre 
sont-ils  en  Arabie  un  phénomène  rare  et  sans  gravité,  malgré  des 
afQrmations  contraires.  A  peine  pourrait-on  en  citer  deux  simplement 
sévères,  lun  àMascate  et  dans  le  Nedjed  en  1884,  un  autre  en  1630 
àMédine,  ou  à  la  Mecque,  on  ne  sait  même  pas  au  juste.  Quelques 
séismes  d'Aden  peuvent  tout  au  plus  rappeler  que  la  séparation  s'est 
faite  par  soubresauts,  mais  sans  que  les  mouvements  d'exhaussement 
modernes,  décelés  par  les  terrasses  coralliennes  de  la  mer  Bouge, 
aient  à  intervenir,  puisqu'elles  émergent  bien  au  nord  de  la  petite 
région  pénéséismique  de  l'Yémen,  vers  Moka  et  Taïz,  région  mise 
en  évidence  par  les  observations  recueillies  par  Agamemnone  '.  Bref, 
la  stabilité  de  l'Arabie  paraît  tout  à  fait  hors  de  doute. 

Quelques  tremblements  de  terre  importants  de  l'Europe  orientale 
agitent  parfois  tout  le  Levant,  l'Egypte  et  l'Arabie,  et  leur  surface 
d'ébranlement  est  alors  ovale,  avec  grand  axe  couché  sur  celui  de 
la  mer  Rouge;  on  est  en  droit  de  les  attribuer  aux  mouvements  qui 
ont  ouvert  cette  mer  au  travers  de  la  masse  continentale. 

2.  —  Sinal,  Palestine  et  Gœlésyrie. 

A  l'extrémité  septentrionale  de  la  mer  Bouge  s'embranche  une  très 
remarquable  dépression  presque  rectiligne,  de  750  kilomètres  de 
long,  à  peu  de  chose  près  orientée  suivant  un  méridien,  et  formée 
par  l'étroit  et  profond  golfe  d'Akabah,  l'Oued-el-Araba  qui  s'y  jette, 
l'Oued  Djeib  opposé  à  celui-ci  et  affluent  de  la  mer  Morte,  cette 
profonde  et  remarquable  cavité,  la  vallée  du  Jourdain,  la  Gœlésyrie 
entre  le  Liban  et  l'Antiliban,  enfin  la  vallée  de  l'Oronte.  Cet  extra- 
ordinaire accident  résulte  de  l'affaissement  linéaire,  et  par  failles 
successives,  parallèles  et  eil  escalier,  de  la  voûte  d'un  anticlinal 
crétacé,  dont  les  diverses  bandes  sont  restées  horizontales  ;  de  sorte 
qu'en  traversant  le  pays  de  l'Ouest  à  l'Est,  suivant  un  parallèle  quel- 
conque, le  voyageur  monte  ou  descend  de  gigantesques  gradins,  de 
hauteurs  et  de  largeurs  inégales.  Cet  effondrement  est  récent,  vrai- 

*  Morfologia  e  genesi  del  mar  Rasso  (Firenzc,  1899). 

'  Bolletin  météorologique  et  sismique  de  l'Observatoire  impérial  de  Constantinople 
(1895-1897). 


i56  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

semblablemcnt  contemporain  de  l'ouverture  de  la  mer  Rouge,  c'est- 
à-dire  pléistocène.  La  fraîcheur  des  formes  topographiques  est  mêine 
telle  que  certains  auteurs  ont  voulu  en  faire  un  événement  historique, 
et  en  fixer  la  date  à  10000  ans  tout  au  plus,  sans  réfléchir  qu'elle  est 
certainement  due,  au  moins  en  partie,  à  la  pauvreté  des  précipita- 
tions atmosphériques  d'un  pays  qui  est  extrêmement  sec  depuis  trës 
longtemps.  Aucun  plissement  n'a  accompagné  ces  vicissitudes,  con- 
temporaines de  l'effondrement  du  continent  égéen  ;  elles  se  sont 
donc  réduites  au  mouvement  qui  a  porté  le  Crétacé  à  plus  de 
1  800  mètres  d'altitude  et  l'a  ensuite  effondré  suivant  l'axe  de  la 
voûte  en  le  fléchissant,  puisque  le  fond  de  la  dépression  se  trouve 
à  des  hauteurs  fort  variables  tant  au-dessus  qu^au-dessous  du  niveau 
de  la  mer,  à  plus  de  1  200  mètres  au-dessous  dans  le  golfe  d'Âkabah 
et  de  390  mètres  au  bord  de  la  mer  Morte.  Les  versants  internes  de 
la  dépression  sont  les  plus  abrupts,  et  des  deux  versants  externes, 
celui  de  la  Syrie  est  de  beaucoup  le  moins  raide.  Cette  disposition  des 
fractures  devait  s'accompagner  d'éruptions  volcaniques,  et  en  effet  le 
Safa,  le  Haouran  et  la  Katakaumène  sont  des  distiicts  éruptifs  dont 
rhomme  a  peut-être,  d'après  certains  savants,  vu  l'activité.  Il  est  à 
noter  qu'ils  se  montrent  sur  le  versant  le  plus  raide.  Enfin,  ces  évé- 
nements sont  tellement  rapprochés  de  nous  que  les  tremblements 
de  terre  sont  fréquents  et  redoutables.  Il  n'existe  pas  de  catalogue 
particulier,  mais  ceux  de  Perrey  *  et  de  Julius  Schmidt*  en  donnent 
un  assez  grand  nombre. 

La  séismicité  croît  du  Sud  au  Nord.  Les  informations  font  entière- 
ment défaut  pour  la  partie  méridionale,  et  à  peine  peut-on  citer  un 
tremblement  de  terre  pour  le  Sinaï,  dont  l'ossature  est  surtout  for- 
mée de  roches  éruptives  assez  anciennes.  Dans  les  temps  modernes, 
on  n'en  a  encore  signalé  qu'un  seul  pour  la  mer  Morte.  L^instabilité 
commence  seulement  à  la  Palestine,  et  quoiqu'on  n'y  ait  jamais  fait 
d'observations  systématiques,  il  semble  bien  qu'elle  ne  soit  pas  à 
l'abri  de  graves  secousses. 

Les  recherches  de  Rahmer^  sur  les  passages  des  Livres  Saints 
faisant  mention  de  tremblements  de  terre  montrent  que  ceux-ci  se 
réduisent  à  trois  :  l'un  émane  visiblement  d'un  témoin  oculaire  du 
tremblement  de  terre  qui  se  produisit  sous  le  régne  d'Osias,  et  fut 

*  Mémoire  sur  les  tremblements  de  terre  ressentis  dans  la  péninsule  hellénique  et  en 
Syrie  {Mém.  Ac.  roy.  de  Belgique,  XXHI,  1850). 

'  Studien  Uber  Vulkaneund  Erdbeben  (t.  II,  Leipzig,  188i). 

'  Die  biblische  Erdbebenlheorie.  Eine  exegetiscke  Sludie  (Magdeburg,  1881). 
—  Das  Erdbeben  in  den  Tagen  Usiàs  (Grdtz  Monahchr.,  1870,  240). 


'^R  MORTE 


Fig.  20.  —  Palestine  et  Syrie. 


158  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUfi 

particuliferement  destructeur  ;  un  autre  décèle  que  fe  souvenir  de 
l'événement  s'est  longtemps  perpétué  ;  enfin  le  troisième  est  la  pro- 
phétie d'un  séisme  aussi  redoutable.  Tout  cela  montre  que  ce  trem- 
blement de  terre  est  hors  de  doute,  et  que  par  conséquent,  dès  une 
haute  antiquité,  la  Palestine  fut  bien  sujette  à  de  violentes  secousses, 
mais  beaucoup  plus  espacées  que  celles  de  la  Syrie. 

Sans  parler  de  la  chute  des  murs  de  Jéricho,  que  les  rationalistes 
regardent  comme  un  simple  tremblement  de  terre,  opinion  à  laquelle 
les  croyants  peuvent  se  rallier  sans  scrupule  de  foi,  en  ajoutant 
que  l'événement  a  été  révélé  par  Dieu  sept  jours  avant  sa  réalisation, 
il  ne  manque  point  pour  ce  pays  d'autres  tremblements  de  terre 
authentiques,  et  bien  à  l'abri  de  la  critique  historique  :  tels  celui  de 
l'an  33  de  notre  ère,  rapporté  par  l'historien  Joséphe,  ainsi  que  la 
ruine  de  Ramlah,  au  N.  W.  de  Jérusalem,  l'an  125  de  l'Hégire. 

L'ouverture  de  la  mer  Morte  est  un  événementrécenL  Blanckenhom* 
s'est  attaché  à  démontrer  que  les  divers  épisodes  de  la  formatioa  du 
lac  Asphaltite  correspondent  trait  pour  trait  aux  dernières  vicissi- 
tudes de  l'Europe  pendant  le  Quaternaire  ou  Pléistocène  :  les  trois 
avancées  principales  des  glaciers  seraient  contemporaines  de  trois 
extensions  de  la  mer  Morte,  tandis  que  les  intervalles  auraient  per- 
mis à  l'érosion  de  faire  son  œuvre  et  aux  dépôts  de  sel  de  se  former. 
La  destruction  de  Sodome  et  de  Gomorrhe,  le  dernier  événement  sur- 
venu dans  la  contrée,  correspondrait  à  un  affaissement  de  100  mètres 
environ,  avec  capture  de  l'extrémité  de  la  dépression  de  l'Oued-Aka- 
bah,  à  la  suite  d'un  tremblement  de  terre.  Si  les  déductions  de  Blanc- 
kenhorn  sont  exactes,  on  aurait  là  un  exemple  très  remarquable  d'une 
région  où  les  séismes  auraient  joué  un  grand  rôle  en  des  temps  fort 
reculés  de  l'histoire,  mais  qui  serait  actuellement  devenue  stable, 
puisqu'on  n'y  connaît  guère  que  deux  ou  trois  secousses  modernes 
authentiques.  Diener',  au  contraire,  pense  que  le  tremblement  de 
terre  aurait  réveillé  l'activité  d'un  ancien  volcan,  phénomène  dont 
Darwin'  a  montré  la  possibilité  pour  les  évents  de  l'Amérique  méri- 
dionale. L'activité  d'un  volcan  moabite  a  les  préférences  de  Lartet  * 
pour  la  destruction  des  villes  maudites,  et  Fraas'  ne  voit  dans  la  for- 

*  Entstehung  und  Geschichle  des  Toten  Meeres  (ZeUschrift  d,  deutschen  Paldslina 
Ker«fw,XlX,  i). 

*  Die  Katastroplie  von  Sodoni  und  Gomorrha  im  Lichte  geologischer  Forschung 
[Mitlh.  d.  fjeogr.  Ges.  in  Wien,  1896,  1). 

'  On  the  connection  of  certain  volcaoic  phenomena  in  South  America  (Tram,  GeoL 
iJoc.  V,  601). 

*  Exploration  de  la  mer  Morte,  par  le  duc.  de  Luyncs  (III,  Géologie,  Paris,  1877). 

*  Dos  Tôle  Meer  (Stuttgart,  1869). 


LE  CONTINENT  ÂFRIGANO-BRËSILIEN  159 

mation  de  la  Mer  Morte  qu^un  phénomène  tectonique.  Toutes  ces 
opinions  ne  différent  pas  sensiblement  entre  elles,  quant  au  fond. 
Ce  dernier  géologue  attribue  les  tremblements  de  terre  de  la  vallée 
du  Jourdain  à  des  éboulements  souterrains  par  dissolution,  opinion 
inadmissible  ici,  en  raison  de  la  grandeur  des  effets  à  expliquer. 

A  mesure  que  Ton  s'avance  vers  le  Nord,  les  catastrophes  ont  été 
de  plus  en  plus  nombreuses  et  violentes,  et  toutes  les  villes  ont  telle- 
ment eu  à  en  souffrir  que,  jusque  vers  Antioche,  ces  pays  forment 
une  des  régions  du  globe  les  plus  éprouvées  par  les  tremblements 
de  terre  qui  ont  été  si  souvent  l'objet  des  récits  des  historiens;  ces 
désastres  sont  devenus  des  événements  restés  célèbres  dans  les 
annales  de  l'humanité,  et  bien  connus  de  tous  en  dehors  de  toute 
préoccupation  scientiQque.  L'instabilité  ne  se  restreint  pas  à  la 
dépression  cœlésyrienne,  elle  déborde  vers  l'Est,  où  les  monuments 
antiques  d'Ammon,  dePalmyre,  de  Baalbek,  etc.,  témoignent  encore 
de  la  sévérité  des  chocs  terrestres. 

La  séismicité  augmente  vers  le  Nord,  a-t-on  dit  plus  haut  ;  c'est 
qu'on  se  trouve  alors  sur  le  trajet  du  géosynclinal  méditerranéen 
venant  du  golfe  Persique,  et  l'on  est  en  droit  de  penser  que  les  mou- 
vements alpins,  n'ayant  pas  rencontré  là  d'obstacle  résistant  contre 
lequel  ils  pouvaient  se  résoudre  en  plissements,  se  sont  contentés  de 
donner  lieu,  par  failles  en  gradins,  à  Tétonnante  dépression  paral- 
lèle au  rivage  de  la  Syrie  entre  Gaza  et  Alexandrette.  Ainsi  cette 
région  séismique,  si  elle  appartient  bien  à  l'aire  continentale  afri- 
caine par  rhorizontalité  de  ses  dépôts  crétacés  non  plissés  et  par 
son  architecture  tabulaire,  n'a  pas  complètement  échappé  sous  une 
autre  forme  aux  grands  mouvements  de  la  fin  de  l'époque  tertiaire, 
ce  qui  rend  parfaitement  compte  de  son  instabilité,  croissant  à 
mesure  que  l'on  se  rapproche  du  domaine  des  plissements,  c'est-à-dire 
du  géosynclinal  méditerranéen. 

3.  —Afrique'. 

Si  Ton  excepte  les  pays  Barbaresques,  appartenant  virtuellemeAt 
à  TEurope  par  leur  constitution  et  surtout  par  leur  histoire  géolo- 
gique, puisqu'ils  ont  été  soumis  aux  mouvements  méditerranéens 
ou  alpins,  on  peut  dire  que  le  continent  africain  est,  à  un  extraordi- 
naire degré,  pour  son  immense  surface,  indemne  de  tremblements  de 
terre.  Son  exploration  un  peu  complète  a  été  trop  tardive,  sur  la  plus 

*  Moins  les  pays  barbaresques. 


160  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

grande  partie  de  son  intérieur,  pour  qu'on  ait  pu  y  rassembler  encore 
beaucoup  d'observations;  mais  l'Afrique  a  été  parcourue  ou  traversée 
par  un  si  grand  nombre  de  voyageurs  attentifs  à  noter  tous  les  phéno- 
mènes naturels  que,  de  leur  silence  même,  on  doit  conclure  sans 
hésitation  à  sa  stabilité  générale,  et  ce  résultat  est  d'ailleurs  confirmé 
par  l'absence  des  relations  que,  dans  le  cas  contraire,  n'aurait  pas 
manqué  de  faire  naître  la  longue  colonisation  de  ses  ports  depuis 
longtemps  fréquentés  par  des  Européens. 

Tout  ce  qu'on  sait  de  la  géologie  africaine,  —  et  ses  grandes  lignes 
commencent  à  être  suffisamment  connues,  —  démontre  par  analogie 
avec  ce  qui  se  passe  ailleurs  que  les  tremblements  de  terre  n'y  peu- 
vent être  ni  fréquents,  ni  dangereux.  C'est  qu'en  effet,  l'Afrique  a 
échappé  à  tout  plissement  tant  soit  peu  récent,  et  qu'au  nord  des 
12*  ou  13' parallèles  les  terrains  secondaires  et  tertiaires  ont  à  peu  près 
conservé  leur  horizontalité  primitive,  tandis  qu'au  Sud  elle  constitue 
une  immense  pénéplaine,  dont  le  substratum  archéen  et  primaire  n'est 
recouvert  que  de  couches  gondwaniennes,  de  formation  exclusive- 
ment terrestre,  déposées  tant  à  la  fin  des  temps  paléozoïques  qu'au 
début  de  l'ère  secondaire.  Pas  de  plissements  tertiaires,  mais  seule- 
ment d'énormes  fractures  à  l'Est,  telle  est  la  caractéristique  de  sa 
géologie,  et  l'on  sait  combien  peu  souvent  ce  dernier  genre  de  dis- 
location donne  naissance  à  des  régions  à  tremblements  de  terre 
véritablement  dignes  de  ce  nom.  L'Afrique  jouit  donc  du  repos  séis- 
mique  commun  à  tous  les  fragments  subsistants  du  vaste  continent 
austral,  maintenant  morcelé  et  effondré  entre  l'Australie  et  le  Brésil, 
à  la  suite  de  mouvements  longtemps  poursuivis  et  commencés  au 
moins  au  début  du  Crétacé.  Les  plus  récentes  explorations  du  Sahara, 
du  Soudan  et  de  la  région  du  Tchad  *,  indiquent  l'existence  d'un 
grand  détroit  crétacé  Nord-Sud  vers  le  Congo,  et  d'une  mer  miocène 
dont  les  fossiles  ne  manquent  pas  d'affinités  zoologiques  avec  ceux 
de  l'Inde;  de  sorte  que,  par  le  Nord  du  continent,  une  vaste  commu- 
nication marine  avait  depuis  longtemps  fait  disparaître  les  conditions 
massives  de  la  terre  africaine,  circonstances  qu'une  récente  émer- 
sion  postérieure  a  reconstituées  maintenant.  Une  rapide  revue  des 
contrées  où  quelques  séismes  ont  été  observés  permettra  de  con- 
firmer ces  prévisions  do  stabilité  générale. 

L'Egypte  est,  quoiqu'on  en  ait  dit,  tout  à  fait  indemne  de  désastres 
séismiques.  Depuis  plus  d'un  siècle  qu'elle  a  été  explorée,  étudiée 
et  pénétrée  par  la  civilisation  occidentale,  on  n'a  pas  eu  à  signaler 

*  De  Lapparont.  Sur  de  nouvelles  Irouvailles  géologiques  au  Soudan  (C.  R.  Ac.  Se. 
Pans,  GXXXIX,  1186,  1904). 


LE  CONTINENT  ÂFRICAN0-BRÉ8ILIEN  161 

de  tremblements  de  terre  vraiment  sérieux.  Celui  du  7  août  1847 
aurait  bien  détruit  ou  renversé  quelques  constructions  au  Caire, 
mais  leur  état  de  vétusté  doit  y  avoir  été  pour  beaucoup.  Les  histo- 
riens  arabes  des  premiers  siècles  de  THégire  ont  mentionné  quelques 
tremblements  de  terre  désastreux,  toutefois  sans  détails,  ni  même 
sans  désignation  des  villes  atteintes,  de  sorte  qu*on  ne  peut  guère 
se  fier  à  de  tels  renseignements  probablement  fort  exagérés,  par  suite 
peut-être  de  Textrême  rareté  des  phénomènes  séismiques  dans  le 
pays   d'origine  de  ces  chroniqueurs,  ou  voyageurs.  Ceux  du  bas 
empire  font  détruire  Alexandrie,  en  365,  par  un  tremblement  de  terre 
et  une  vague  séismique.  Il  est  bien  probable  qu'il  venait  de  la  Syrie, 
si  ravagée  aux  iv*,  v*  et  vi*  siècles.  Les  dégâts  du  grand  tremblement 
de  terre  d'Orient  sous  Tibère  se  firent  aussi  sentir  en  Egypte.  Enfin 
l'affirmation  de  Maspéro  que  Thèbes  aurait  été  détruite  en  Tan  22 
avant  notre  ère,  n'a  pas  été  jusqu'ici  soumise  à  la  critique  séismolo- 
gique,  que  nous  sachions  du  moins.  L'expérience  des  derniers  siècles 
est  donc  tout  à  fait  contraire  à  l'opinion  que  l'Egypte  est  un  pays 
instable.  Il  y  a  plus,  que  l'on  soit  rationaliste  ou  croyant,  on  doit 
remarquer  qu'il  serait  absolument  étrange  que  les  tremblements  de 
terre  ne  figurassent  point  parmi  les  dix  plaies  d'Egypte,  si  ce  phé- 
nomène y  était  réellement  à  craindre.  Les  anciens  monuments  ont 
victorieusement  résisté  aux  attaques  du  temps,  et  l'état  de  conserva- 
tion de  beaucoup  d'entre  eux  ne  s'explique  que  si  la  détérioration 
d'autres,  souvent  très  voisins,  provient  des  nombreuses  invasions 
qui  ont,  à  tant  de  reprises,  désolé  le  pays.  Le  silence  des  hiéro- 
glyphes et  des  papyrus,  qui  relatent  tant  de  faits  véritablement  insi- 
gnifiants au  point  de  vue  historique,  est  bien  significatif  aussi.  De 
tout  cela  résulte  bien  que  l'Egypte  est  une  région  tout  au  plus  péné- 
séismique,  et  où  seul  le  contre-coup  des  catastrophes  de  la  Syrie  a  pu 
quelquefois  faire  naître  des  craintes,  d'ailleurs  exagérées. 

En  effet,  les  conditions  géologiques  et  géographiques  de  l'Egypte  ne 
permettent  pas  de  lui  supposer  une  séismicité  notable.  Dans  le 
désert  libyque,  oasis  de  Baharieh  par  exemple,  on  a  reconnu  que  le 
Crétacé  a  étéexondé,  faille,  plissé,  et  en  partie  arasé,  avant  l'Éocène. 
Donc,  là,  pas  de  motif  à  grande  instabilité,  le  plissement,  qui  aurait 
pu  la  produire,  étant  par  trop  ancien.  La  basse  vallée  du  Nil  s'est  vrai- 
semblablement constituée  pendant  le  Pliocène  inférieur,  par  les  failles 
que  manifestent  les  hautes  falaises  de  sa  bordure,  et  l'absence  de 
vrais  dépôts  fluviatiles,  attribuables  au  Nil,  à  un  niveau  notablement 
supérieur  à  celui  du  fleuve,  montre  que  ce  n'est  pas  là  une  vallée 
d'érosion  ordinaire,  mais  seulement  le  résultat  de  failles  et  de  flexures 

Ds  MoMTUsi».  —  lyemblements  de  terre.  11 


162  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

dont  la  direction  générale  diflëre  peu  de  la  sienne  propre.  Au  com* 
mencement  du  Pléistocèney  elle  formait  une  série  de  lacs  étages, 
successivement  asséchés  par  le  dérasement  des  digues  anciennes 
qui  ont  déterminé  les  cataractes  et  les  rapides  du  Nil.  Les  disloca- 
tions latérales  sont  probablement  contemporaines  de  l'ouverture  de 
la  mer  Rouge  et  de  son  prolongement  syrien,  mouvements  qui  ne 
donnent  lieu  à  un  grand  développement  des  phénomènes  séismiques 
que  dans  l'extrême  Nord,  ainsi  qu'on  Ta  vu  plus  haut,  et  ont,  en 
particulier,  laissé  la  mer  Rouge  stable  presque  partout. 

Sandfest'  a  cherché  à  démontrer  que  le  désastre  biblique  des 
Egyptiens  à  la  poursuite  des  Israélites  n'a  pas  eu  lieu  dans  les 
marais  du  lac  Sirbonique,  mais  bien  à  la  pointe  septentrionale  de  la 
mer  Rouge.  Il  y  aurait  eu,  comme  à  Potidée,  et  à  la  suite  d'un  mou- 
vement séismique,  un  extraordinaire  recul  de  la  mer,  suffisamment 
durable  pour  qu'ils  aient  pu  franchir  l'extrémité  du  golfe  de  Suez, 
tandis  que  leurs  ennemis  auraient  été  engloutis  par  la  vague  de 
retour.  Hœrnes  *  tient  cette  explication  pour  vraisemblable  eu  égard 
à  l'événement  historique  (?)  de  Potidée,  et  surtout  en  tenant  compte 
de  ce  que  dans  des  cas  analogues  (Pisco,  1690  ;  Concepcion,  1835), 
la  mer  s'est  retirée  pendant  plusieurs  heures.  Il  nous  semble  qu'il 
faudrait  admettre  un  assèchement  bien  durable  et  tous  les  cas  dans 
lesquels  on  rapporte  des  temps  suffisamment  longs,  allant  jusqu'à 
plusieurs  heures,  résultent  de  récits  anciens,  assez  peu  dignes  de 
foi,  et  dont  les  observations  scientifiques  modernes  n*ont  pas 
donné  d'exemples  authentiques. 

Les  tremblements  de  terre  ne  sont  pas  inconnus  non  plus  le  long 
du  haut-Nil,  mais  ils  ne  sont  pas  plus  à  redouter  qu'en  Egypte. 
C'est  le  cas  de  Berber,  Khartoum,  Ladô  et  Gondokoro.  Cependant 
cette  dernière  ville  pourrait  bien  être  un  foyer  assez  important  d'é- 
branlement. Un  peu  au  Sud,  le  nom  de  la  montagne  granitique  et 
gneissique  de  Logweck  signifierait  le  <(  Mont  des  tremblements  de 
terre  »,  et  d'après  Kaufmann  ',  les  secousses  y  seraient  fréquentes. 
Si  les  observations  faites  de  1850  à  1860  ne  mentionnent  pas  de 
vrais  dommages,  du  moins  relatentr-elles  la  tradition  des  anciens 
indigènes  Baris  d'après  laquelle  la  terre  se  serait  entrouverte  en 
engloutissant  les  habitants  dont  les  maisons  furent  renversées. 
D'après  Morlang,  cité  par  Beltrame  %  les  secousses  sont  plus  fré« 

'  Wie  sind  die  Israeliten  durch's  Rothe  Meer  gekommen  nnd  die  iEgypter  darin 
verunglûckt  (Afi^^/i.  d.  nalurwiss,  Vereins  far  Sleiermark.  Jahrgg.  iSSO.Qnz,  1891,267). 
■  Die  Erdbebenkunde ,  123. 

'  Dos  Gebiet  des  weissen  Flustes  und  dessert  Bewohner  (Brixen,  1S61,  11). 
*  Il  fiume  kiapcQ  e  i  Dénka  (Yerona,  1S81,  308). 


LE  CONTINENT  AFRICÀNO-BRÉSILIEN  i68 

quentes  et  plus  fortes  dans  les  montagnes  du  Sud  qu'à  Gondokoro. 
Ainsi  donc,  toute  la  vallée  du  Nil  pourrait  bien  former  une  vaste 
région  pénéséismique^  d'activité  variable.  DeLapparent  suggère  que^ 
de  Berber  au  coude  du  Sobat,  la  direction  du  Nil  blanc,  dans  sa  tra- 
versée des  grës  horizontaux  du  Soudan,  résulte  de  la  grande  dislo- 
cation abyssinienne,  dont  il  sera  parlé  plus  loin  ;  et  Ton  peut  trouver 
là  uae  indication  sur  la  cause  possible  de  ces  séismes.- 

L'Abyssinie  est  certainement  une  région  à  tremblements  de  terre 
assez  fréquents,  mais  les  longues  observations  d'Ant.  d'Abbadie 
recueillies  par  Perrey^ne  laissent  pas  supposer  qu'ils  y  soient  jamais 
bien  graves.  Tout  au  plus  peut-on  citer  d'insignifiants  dégâts  à  Mas- 
saouah,  en  1884,  et  quelques  éboulements  de  terrains  dans  le  pays 
des  Gallas.  Le  massif  étliiopien  est  limité  à  TEst  par  une  énorme 
taille  qui  a  porté  à  2500  mètres  et  plus  le  substratum  archéen.  Le 
plateau  est  recouvert  de  produits  éruptifs  en  nappes  sensiblement 
horizontales,  d'âge  crétacé  ou  éocène  et  très  probablement  contem- 
poraines de  celles  du  Dekkan  ;  occupant  TAmhara  et  le  Ghoa,  elles 
s'étendent  au  loin  dans  le  pays  des  Gallas*.  Les  mers  jurassiques 
s'étaient  creusé  un  sillon,  et  ceux  de  leurs  sédiments  qui  ne  sont 
pas  cachés  sous  les  laves,  forment  un  grand  croissant  à  concavité 
orientale,  en  faisant,  du  Tigré  au  Godjam,  le  tour  du  Gondar 
et  du  lac  Tsana,  fosse  d'eflfondrement.  Il  résulte  des  voyages  de 
d'Abbadie  que  cet  observateur,  pendant  son  long  séjour  en  Abyssi- 
nie,  n'a  guère  signalé  de  secousses  que  dans  des  localités  de  ce  terri- 
toire sédimentaire,  ou  en  son  voisinage.  Ce  serait  dès  lors  l'exemple 
d'un  synclinal  jurassique  ayant  conservé  quelque  instabilité  à  la 
suite  des  mouvements  qui  l'ont  ultérieurement  exondé.  Le  long  de 
la  mer  Rouge,  des  chocs  n'ont  été  signalés  qu'à  Souakim,  et  surtout 
à  Massaouah,  c'est-à-dire  non  loin  du  Tigré,  où  commence  la  région 
pénéséismique  abyssine. 

Les  tremblements  de  terre  sont  très  rares  à  Zanzibar,  mais  cer- 
tainement plus  habituels  à  Mozambique  et  à  Inhambane.  On  peut 
jusqu'à  nouvel  ordre  les  attribuer  à  la  proximité  du  géosynclinal  de 
l'époque  secondaire,  représenté  par  le  détroit.  Une  s'estpoint,  pendant 
Fère  tertiaire,  transformé  en  géanticlinal,  ce  qui  explique  dans  une 
certaine  mesure  les  quelques  séismes  dont  il  s'agit,  opinion  corro- 
borée par  la  direction  E.-W.  que  tous  les  observateurs  s'accordent 
à  attribuer  à  ces  secousses,  ce  qui  revient  à  les  faire  provenir  du 

•  Cat.  1857,  7- 

*  A.  Anbry.  Rapport  sur  une  mission  aa  royaume  da  Choa  et  dans  les  pays  Gallas 
[Arefiivea  des  Missions  scient,  et  litt.y  3*  série,  XIV,  457.  Paris,  1888). 


464  GÉOGRAPHIE  8ÉI8MOLOGIQUE 

détroit  de  Mozambique.  D'ailleurs,  des  formations  charbonneuses  de 
la  colonie  portugaise  ont  subi  des  plissements  hercyniens,  contre- 
partie de  l'effondrement  liasique  du  Canal. 

L'accident  le  plus  remarquable  de  toute  TAfrique  est,  sans  contre- 
dit, la  zone  méridienne  des  grands  lacs  équatoriaux.  C'est  un  système 
de  lacs  profondément  encaissés  dans  le  substratum  archéen  porté  à 
de  fortes  altitudes,  et  son  trait  le  plus  caractéristique  est  de  s'ouvrir 
par  des  effondrements  dans  la  bande  continentale  de  plus  haut  relief, 
ainsi  que  l'a  montré  de  Lapparent  ^  La  vallée  du  Chiré,  aux  bords 
abrupts,  le  fait  déboucher  sur  le  Zambëze,  tandis  qu'au  Nord  il  passe 
au  pied  de  la  falaise  éthiopienne  pour  se  prolonger  par  le  fossé  de 
la  mer  Rouge  et  ses  dépendances  jusqu'à  la  vallée  de  l'Oronte  en 
Syrie.  Ce  bourrelet,  maintenant  en  partie  effondré,  est  d'origine  fort 
ancienne,  puisqu'il  a  presque  partout  servi  de  frontière  occidentale  aux 
mers  secondaires  et  tertiaires  de  la  Somalie  et  de  Zanzibar.  Cette  ligne 
de  fractures  gigantesques  a-t-elle  rejoué  récemment  ?  On  ne  sait  encore  ; 
mais  si  l'activité  volcanique  y  a  été  grande  et  a  construit  des  cônes 
superbes,  la  certitude  bien  acquise  qu'il  ne  s'y  trouve  pas  de  régions 
véritablement  instables,  serait  favorable  à  la  négative.  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  régions  tout  au  plus  pénéséismiques,  dont  on  peut  soupçon- 
ner l'existence  entre  le  Zambèze  et  la  mer  Rouge,  trouvent  évidem- 
ment une  explication  au  moins  générale  dans  l'énormité  des  efforts 
nécessaires  à  la  formation  d'une  si  étonnante  zone  culminante,  puis  à 
son  effondrement,  malgré  l'ancienneté  du  début  de  ces  vicissitudes. 

Le  foyer  d'ébranlement  de  Gondokoro,  déjà  mentionné,  dépend 
peut-être  de  la  zone  méridienne  de  dislocation  de  l'Afrique  équato- 
riale,  si  l'on  réfléchit  au  voisinage  du  Rouvenzori,  au  nord  du  lac 
Albert-Edouard,  où  le  gneiss  a  été  porté  à  plus  de  4  000  mètres 
au-dessus  de  la  vallée.  Cela  suppose  une  poussée  colossale,  à  laquelle, 
sans  grande  témérité,  nous  sommes  portés  à  faire  jouer  encore  un 
rôle  séismogénique.  En  tout  cas,  ce  centre  séismique  s'étend  au  moins 
jusqu'à  Kibiro,  sur  la  rive  orientale  de  l'Albert  Nyanza.  On  ne  sau- 
rait guère  non  plus  le  séparer  de  celui  de  TOuniamouézi,  oiiles  trem- 
blements de  terre  ne  sont  pas  très  rares,  non  plus  que  dans  TOu- 
nyaniembé.Oudjiji,  sur  la  rive  orientale  du  Tanganika,  et  Kavala,  île 
de  son  bord  opposé,  ressentent  aussi  des  secousses.  Dans  le  Katanga, 
des  séismes  ont  été  observés  à  Kambôve  par  Buttgenbach  *  qui,  en  les 

*  Soulèvements  et  affaissements  [Revue  des  Questions  scientifiques,  2*  série,  XIV,  5, 
20  juillet  1895,  Louvain). 

'  Tremblements  de  terre  au  Katanga,  novembre  1902  {Soc,  belge  de  géol.  paléonl,  et 
hydroL,  Séance  du  14  juin  1904). 


LE  CONTINENT  APRIGANO-BRÉSILIEN  165 

relatant,  observe  que  dans  leur  propagation  tout  au  moins^  ils  suivent 
la  direction  des  couches  relevées  verticalement  ;  il  y  a  donc  là  une  cer- 
taine indication  sur  leur  genèse  possible.  D'après  Livingstone,  cité 
par  Perrey  \  les  tremblements  de  terre  ne  sont  pas  rares  à  Teté, 
sur  le  Zambèze,  non  loin  de  l'extrémité  méridionale  du  Nyassa; 
mais  ils  seraient  totalement  inconnus  dans  le  haut  du  bassin  de  ce 
fleuve.  Ainsi  donc,  de  Gontiokoro  à  Teté,  des  secousses  modérées  se 
font  ressentir  dans  toute  cette  partie  de  la  zone  de  dislocation,  sans 
que  jusqu'à  présent  il  en  ait  été  signalé  vers  la  mer  Rouge,  là  où  elle 
entre  dans  les  terrains  secondaires. 

Sur  le  haut  Congo,  Stanleyville  et  Singatini,  Tancienne  résidence 
du  fameux  Tippo*Tib,  sont  parfois  ébranlées,  sans  que  Ton  sache  si 
ce  foyer  se  rattache  à  celui  de  Tanganika.  Du  foyer  de  Mahabi,  Ton 
ne  sait  presque  rien  non  plus. 

Durban  est  un  petit  centre  séismique  s'étendant  jusqu'au  Draken- 
berg,  ancienne  dislocation  faisant  partie  du  contour  primitif  du 
continent  africain.  A  son  pied  s'est  déposé  le  Crétacé  resté  hori- 
zontal, mais  il  paraît  s'être  relevé  depuis  en  exondant  ces  couches 
sédimentaires  ;  ce  mouvement  joue  peut-être  un  rôle  séismogénique. 
Quelques  secousses  du  Natal  et  du  Transvaal  sont  peut-être  à  ratta- 
cher aux  traces  de  plissements  hercyniens  qu'on  y  rencontre. 

La  côte  méridionale  de  l'Afrique  entre  Port  Elisabeth  et  le  Cap 
est  rarement  ébranlée  par  des  tremblements  de  terre,  ce  qu'on  devait 
attendre  d'un  pays  où  des  couches  antérieures  au  Karoo,  seulement 
découpées  en  terrasses  par  des  failles,  sont  restées  horizontales  ;  à  peine 
si  Ton  peut  en  citer  un,  on  ne  dira  pas  sérieux,  mais  de  très  grande 
extension,  celui  du  14  août  1857,  ressenti  aussi  fort  loin  en  mer. 
Comme  le  Cap  est  le  seul  point  des  côtes  africaines  où  des  vagues 
séismiques  aient  jamais  été  signalées,  que  d'autre  part  ces  côtes  sem- 
blent le  théâtre  de  mouvements  d'exhaussement,  il  y  a  là  un  ensemble 
de  présomptions  favorables  à  la  production  de  séismes  sous-marins 
dans  ces  parages,  et  que  Ton  ressentirait  à  terre.  C'est  presque  l'opi- 
nion de  E.  Rudolph,  et  il  faut  provisoirement  s'y  rallier. 

On  ne  saurait  actuellement  rien  dire  de  bien  net  sur  les  secousses 
légères  qui  agitent  de  temps  en  temps  le  Namaqualand,  bourrelet 
archéen  simplement  ridé  et  se  prolongeant  vers  la  colonie  du  Cap 
par  un  large  ruban  de  terrains  primaires  disloqués. 

Il  faut  remonter  au  Nord  jusqu'aux  côtes  du  golfe  de  Guinée  pour 
rencontrer  traces  d'instabilité.  Mais  là,  on  trouve  à  Accra  et  à  Saint- 

«  Gat.  iS62,  42. 


m  '-■   GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

George  d^Elmina  un  pays  oii  les  secousses  doivent  ê^e  assGE  fré- 
quenteSy  si  Ton  en  juge  par  le  tremblement  de  terre  fort  sévère 
du  10  juillet  1862;  il  s'est  étendu  loin  dans  l'intérieur,  à  Abomejr» 
où  cet  événement  a  été  l'occasion  de  nombreux  sacrifices  humains, 
renseignement  en  faveur  de  la  stabilité  habituelle  du  Dahomey,  en 
l'absence  do  toute  autre  information.  Il  serait  d'ailleurs  étrange  que 
ce  territoire  archéen  fut  éprouvé  par  des  séismes,  et  cette  prévision 
doit  s'étendre  aux  massifs  schisteux  anciens  du  Kanem»  du  Sokoto 
et  à  celui  nouvellement  signalé^  entre  le  4*  degré  de  long.  E.  de  Paris 
et  le  lac  Tchad. 

Au  Cameroun,  une  secousse  a  été  observée  à  Lonji. 

Le  Sierra  Leone  éprouve  quelques  chocs,  et  deux  ont  été  observés 
par  Borius'  de  1832  à  1836  à  Saint-Louis  du  Sénégal,  où  les  officiers 
de  l'armée  coloniale  les  considèrent  comme  à  peu  près  inconnus. 

Du  Sahara  l'on  ne  sait  rien,  sinon  que  sa  bordure  septentrionale, 
au  pied  de  l'Atlas  saharien,  ressent  des  tremblements  de  terre, 
mais  on  entre  là  dans  le  domaine  des  pays  barbareaques.  D'ail- 
leurs la  stabilité  du  désert  ne  saurait  guère  faire  de  doute  d'après  ce 
que  l'on  sait  de  son  histoire  géologique. 

Mûurzouk  et  Ghadamës  ont  donné  lieu  à  deux  observations  sets- 
miques,  pour  chacune  de  ces  deux  villes,  mais  on  ne  peut  en  tirer  de 
conclusion. 

La  Tripolitaine  est  certainement  très  stable,  avec  ses  couches 
secondaires  et  tertiaires  peu  dérangées  et  non  plissées.  Un  ou  deux 
séismes  seulement  y  sont  connus.  On  ne  peut,  malgré  l'absence 
d'observations  suivies,  supposer  qu'ils  puissent  y  être  fréquents  et 
graves,  même  en  se  reportant  à  ce  renseignement,  dû  à  de  Mathui* 
sieulx',  que  des  missionnaires,  pour  sauver  d'anciens  monuments 
romains,  servant  de  carrière  aux  indigènes,  les  auraient  menacés  de 
tremblements  de  terre,  prédiction  ensuite  réalisée  par  un  désastre 
séismique  en  châtiment  de  l'infraction  faite  à  cette  défense.  Ce  n'est 
évidemment  là  qu'une  légende,  qui  ne  saurait  rendre  authentique  un 
fait,  dont  la  date  est  d'ailleurs  inconnue.  Rien  ne  peut  donc  faire 
croire  à  la  séismicité  de  la  Tripolitaine. 

'  A.  de  Lapparent.  Sur  de  nonvellei  trouvailles  géologiques  en  Afrique  (C.  R.  Ac. 
Se.  PariSy  GXXXIX,  4186, 1904). 

'  Recherches  sur  le  climat  du  Sénégal  (Notices  statistiques  sur  les  colonies^  III,  21  ti 
1839). 

*  A  travers  la  Tripolitaine  (Le  Tour  du  Monde,  1902,  569,  Pans). 


LE  CONTINENT  APRICANO-BRÊSiLIEN  167 


4.  —  L'Atlantiqae  méridional. 

La  question  de  Teffondrement,  sur  remplacement  de  l'Atlantique 
méridional,  d'une  communication  terrestre  entre  l'Afrique  et  l'Amé- 
rique du  Sud,  autrement  dit  la  réunion  jusque  vers  la  fin  du 
Jurassique  de  ces  deux  grandes  terres  sous  le  nom  de  continent  afri- 
cano-brésilien,  est  encore  assez  obscure  et  controversée.  Des  com- 
munications auraient  existé  à  une  époque  reculée  entre  les  deux 
terres.  Quoiqu'on  ait  généralement  admis  que  vers  les  temps  permo- 
triasiques,  l'Inde,  l'Afrique,  le  Brésil  et  peut-être  l'Australie  ne  for- 
maient qu'un  seul  continent,  il  y  a  lieu,  dit  Stromer  von  Reichen- 
bach\  de  signaler  que  la  formation  duKaroo  de  l'Afrique  méridionale 
n'atteint  nulle  part  l'Océan  Atlantique.  On  a  trouvé  une  flore  à 
Glossopieris  dans  le  centre  de  l'Afrique  orientale,  et  Van  de  Wiele  *, 
examinant  l'observation  précédente,  a  admis,  après  beaucoup  de 
géolo^es,  l'hypothèse  que  les  épaisses  couches  de  grès  du  Congo 
se  rattachent  à  la  formation  du  Karoo.  Mais  jusqu'ici,  d'après  le  pre- 
mier de  ces  géologues,  il  n'y  a  pas  d'indice  qui  permette  de  réunir 
ces  couches  à  celles  du  Brésil,  et  on  ne  saurait  conclure  à  une  com- 
munication terrestre  avec  l'Afrique  à  l'époque  permienne,  mais  sans 
toutefois  pouvoir  la  nier  absolument.  Ainsi  la  communauté  de  flore 
des  deux  continents,  et  les  liants  fonds  de  l'Atlantique  à  la  latitude 
de  la  Patagonie,  resteraient  les  seuls  arguments  en  faveur  d'une 
ancienne  liaison  terrestre,  maintenant  submergée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  disposition  actuelle  des  fonds  de  l'Atlantique 
méridional  moyen  n'est  certainement  pas  favorable  à  l'idée  d'une 
communication,  tant  soit  peu  récente  tout  au  moins.  En  effet,  on  y 
distingue  deux  fosses,  séparées  par  un  long  seuil  suivant  le  IS""  méri- 
dien et  servant  de  soubassement  à  des  îles  volcaniques,  l'Ascen- 
sion, Sainte-Hélène  et  Tristan  da  Cunha.  Haug  interprète  cette  struc- 
ture en  admettant  la  formation  graduelle  d'un  grand  géosynclinal, 
dans  l'axe  duquel  un  géanticlinal  secondaire,  ébauche  possible  d'une 
future  chaîne  de  montagnes,  serait  en  voie  de  formation  depuis  unb 
date  relativement  récente. 

On  s'expliquerait  bien,  dans  ces  conditions,  l'existence  d^une  ou  de 
deux  régions  séismiques,  purement  océaniques,  l'une  à  l'Est  du 

*  Betrachlungen  ûber  die  geologische  Geschichte  Âethiopiens  (ZeiUchr.  d.  dnuUch.  geoL 
6e9.,  un,  4,  .35,  Berlin,  1902). 

'  Bull.  Soc,  Belge  de  géol.  paléont.  et  hydroL,  juillet  1902, 153. 


168 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


rocher  de  Saint-Paul,  l'autre  plus  à  l'Est  encore,  et  séparées  par  un 
intervalle  plus  pauvre  en  épicentres  entre  les  25*"  et  26*  méridiens. 
Toutes  deux  sont  comprises  entre  les  4*  parallèles,  au  Nord  et  au  Sud 
de  l'équateur.  La  lacune  entre  elles  est  assez  petite  pour  qu'on  puisse 
les  confondre,  et  la  plus  orientale  a  donné  lieu  aussi  à  d'assez  nom- 
breuses observations  d'éruptions  volcaniques  sous-marines.  Le  rocher 
de  Saint-Paul  est  d'ailleurs  lui-même  d'origine  éruptive.  Ces  régions 


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Fig.  21.  —Région  séismique  de  l'ÂtlanUque  équatorial,  ou  de  Daussy. 

pénéséismiques  ont  été  découvertes  par  l'ingénieur  hydrographe 
Daussy  ^  On  connaît  dans  ces  parages  restreints  aux  17*  et  33*  méri- 
diens 72  secousses  sous-marines,  nombre  considérable  si  Ton  tient 
compte  des  hasards  de  la  navigation  qui  en  rendent  l'observation 
très  difficile,  en  tout  cas  bien  fortuite.  L'une  et  l'autre  régions  sont 
entourées  d'abîmes  de  4  000  à  6  000  mètres  et  même  plus,  et  à  raides 
talus. 

Dans  une  traversée  de  l'Atlantique^  entre  Lisbonne  et  Bahia, 
Hecker'  a  rencontré  trois  points  où  les  anomalies  de  la  pesanteur 
présentent  des  maxima  bien  marqués,  alors  que  partout  ailleurs 
cet  élément  montre  une  remarquable  uniformité,  garantissant  l'exac- 

*  Note  sar  l'existence  probable  d'un  volcan  sous-marin  par  environ  0^0  de  latitude 
Sud  et  22*  de  longitude  Ouest  (C.  A.  Ac,  Se,  Paris,  VI,  512,  1838  et  XV.  446, 1K42). 

*  Bestimmung  der  Schwerkraft  auf  dem  atlantischen  Ozean,  sowie  in  Rio  de  Janeiro, 
Lissabon  und  Madrid  {Yerôffentlichtung  des  K,  preuss.  Oeoddt.  Institules,  N.  P.  n*  11< 
1903). 


LE  CONTINENT  AFRIGANO-BRÉSILIBN  16» 

iitude  de  ses  mesures.  Ces  anomalies  correspondent  à  des  disloca- 
tions profondes,  comme  on  l'a  déjà  fait  remarquer  pour  la  Russie 
méridionale,  et  Tun  de  ces  maxima  correspond  à  la  chute  profonde 
des  fonds  entre  le  rocher  de  Saint-Paul  et  Téquateur.  De  Lappa- 
rent'  a  généralisé  cette  observation  en  disant  que  lorsque  ces  ano- 
malies sont  positives,  comme  dans  le  cas  actuel,  elles  permettent  de 
diagnostiquer  une  région  particulière  de  dislocation  au  contact  de 
deux  compartiments,  dont  l'un  s'affaisse  et,  par  conséquent,  doit  se 
comprimer  en  s'écrasant.  L'existence  de  la  région  atlantique  d'ébran- 
lement trouverait  ainsi  son  explication  dans  un  état  de  choses  que 
seules  les  observations  d'Hecker  ont  pu  faire  découvrir. 

L'Ascension,  Sainte-Hélène  et  Tristan  da  Gunha  sont  supportées 
par  la  croupe,  longue  d'environ  800  kilomètres,  dont  on  a  parlé  plus 
haut.  On  y  connaît  respectivement  2,  8  et  4  séismes.  Gela  n'indique 
pas  une  bien  grande  instabilité,  constatation  peu  en  faveur  de  l'opi- 
nion de  Haug  que  ce  serait  un  géanticlinal  en  voie  de  formation.  Il 
est  vrai  que  des  observations  suivies  n'y  ont  jamais  été  faites,  mais 
toutes  les  probabilités  sont  pour  la  rareté  des  secousses,  car  on  n'y 
en  a  peu  signalé  de  sous-marines,  malgré  une  navigation  fort  active. 
La  formation  de  l'anticlinal  serait  donc  non  seulement  avortée,  mais 
complètement  éteinte. 


S.  —  Versant  atlantique  de  l'Amérique  du  Sud. 

L'extrême  simplicité  des  contours  de  la  masse  continentale  de 
l'Amérique  du  Sud,  ainsi  que  la  régularité  de  son  relief  descendant 
en  pente  douce  depuis  les  Andes  jusqu'au  bord  de  l'Océan,  enfin 
l'analogie  de  ses  caractères  géologiques  avec  ceux  de  l'Afrique,  font 
présager  pour  le  versant  atlantique  une  stabilité  que  l'observation 
confirme  en  tout  point,  ainsi  qu'on  va  le  voir  successivement. 

Le  bassin  de  l'Orénoque  occupe  l'emplacement  d'une  mer  tertiaire, 
maintenant  comblée  par  les  alluvions  quaternaires,  dont  les  éléments 
ont  été  fournis  à  Férosion  fluviale  par  la  surrection  des  Andes.  On 
n'y  connaît  qu'un  seul  foyer  d'ébranlement  aux  environs  de  Giudad 
Bolivar  et  de  Guayana  Yieja.  Il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  jamais  eu  là 
de  tremblement  de  terre,  même  simplement  sévère.  Plus  en  amont 
et  sur  la  rive  droite,  un  affaissement  aurait  eu  lieu  en  1790  à  la  suite 
d  un  grand  séisme  près  du  confluent  du  Rio  Gaura,  mais  ce  fait,  men- 

*  Sur  la  significaUon  géologique  des  anomalies  de  la  gravité  (C.  R.  Ac.  Se,  Paris, 
GXXXVII.  827,  23  novembre  1903). 


170  GÉOGRAPHIE  8ÉI8MOLOGIQUE 

tioîiné  par  de  Humboldt  et  Bonpiand  ^  supposerait  pour  ces  régions 
une  instabilité  que  rien  n'est  venu  depuis  confirmer. 

Les  Guy  ânes  présentent  un  substratum  archéen,  recouvert  par  des 
grès  et  des  basaltes.  Cette  pénéplaine  est  peu  sujette  aux  tremble- 
ments de  terre,  et  la  plupart  de  ceux  qu'on  y  a  observés,  tout  an 
moins  les  plus  forts,  viennent  de  la  Trinidad,  ou  des  Petites  Antilles. 
En  tout  cas  ils  ne  sont  jamais  sérieux. 

De  Humboldt  (/.  c,  p.  353)  relate  qu'un  grand  tremblement  de 
terre  ébranla  en  1798  le  haut  Orénoque  et  les  bords  du  Rio  Negro^ 
que  réunit  ensemble  le  Cassiquiare,  par  un  curieux  phénomène  géo- 
graphique, preuve  de  l'indécision  du  relief  de  l'ancienne  pénéplaine 
archéenne.  A  priori^  tout  contredit  l'affirmation  que  ce  fait,  s'il  était 
prouvé,  attesterait  dans  ces  parages  l'existence  d'une  région  d'ébran- 
lement. La  seule  raison  d'instabilité  que  l'on  pourrait  invoquer  là, 
mais  d'ailleurs  bien  hypothétiquement,  serait  que  les  afiluents  de 
gauche  de  l'Amazone  présentent  encore  des  changements  de  pente  et 
des  rapides,  là  où  les  schistes  cristallins  affleurent  dans  les  vallées, 
indice  qu'un  soulèvement  en  bloc  a  eu  lieu  à  une  époque  assez  tardive 
pour  que  les  cours  d'eau  n'aient  pas  encore  eu  le  temps  de  régula^ 
riser  leur  profil  longitudinal,  en  nivelant  les  seuils  qui  encombrent 
leurs  lits. 

Le  Brésil,  au  sud  de  l'Amazone,  est  un  des  pays  du  monde  qui 
ont  le  moins  changé  depuis  de  longues  époques.  Si  l'on  néglige,  le 
long  du  fleuve,  un  ruban  tertiaire,  il  ne  reste  que  des  assises  dévo- 
niennes  et  carbonifériennes  régulièrement  étalées  sur  le  substratum 
archéen  seul  plissé,  tandis  qu'au-dessus  règne  une  couverture  de 
grès  secondaires  d'origine  terrestre  que  l'érosion  a  découpée  en 
montagnes  tabulaires.  Ces  territoires  sont  maintenant  réduits  à  Tétat 
d'une  pénéplaine  sans  grand  relief,  dont  la  structure  actuelle  résulte 
d'une  émersion  longtemps  prolongée  que  n'a  troublée  aucune  vicis- 
situde importante.  Ils  doivent  donc  a  priori  être  indemnes  de  trem- 
blements de  terre,  en  dépit  du  doute  que  pourrait  faire  naître 
l'absence  d'observations  en  un  pays  exploré  si  récemment,  avec  bien 
des  lacunes  encore,  et  à  peine  entamé  par  la  civilisation.  On  en  conn^ 
un  à  Serpa,  et  un  dans  la  province  de  Matto-Grosso.  Ils  ne  sont 
guère  plus  fréquents  au  Para.  Un  très  secondaire  foyer  d'ébranle- 
ment paraît  se  trouver  autour  de  Rio  de  Janeiro  et  dans  TEtat  de 
Minas  Geraes.  En  1901  se  produisit  à  Bom  Succeso  une  série  de 
secousses,  qui  eut  son  maximum  en  septembre,  et  se  termina  le  8 

*  Voyage  aux  régions  équinoxiales  du  Nouveau  Continent  fait  dans  les  années  1799 
à  iSOb  (Relation  historique,  VIII,  328). 


LE  CONTINENT  AFRICANO-BRÉSILIEN  171 

par  un  séisme  presque  sévère.  C'est  le  seul  dans  ce  genre  qu'on  y  ait 
jamais  signalé^  et  il  ne  suffit  pas  à  faire  de  cette  région  un  foyer  bien 
instable.  Ces  secousses  peuvent  s'expliquer  par  le  fait  que  la  Serra 
Gérai  est  Tescarpement  terminal  d'un  plateau  de  grës. 

C'est  seulement  du  cap  San  Roque  à  Bahia  que  l'isobathe  de 
4000  mètres  est  rapprochée  des  côtes  de  TAmérique  du  Sud.  Partout 
ailleurs  elle  s'en  tient  assez  loin  pour  continuer  sous  l'Atlantique  les 
pentes  douces  du  continent.  Un  étroit  ruban  de  Crétacé  le  long  du 
littoral  entre  les  deux  points  mentionnés  plus  haut,  et  la  nature  vol- 
canique de  l'île  Fernando  Noronba,  indiquent  la  présence  d'une 
ancienne  ligne  de  dislocations,  dont  le  jeu  est  parfaitement  éteint, 
puisqu'on  n'a  pas  observé  de  séismes  dans  cette  région. 

Montevideo  et  Buenos-Ayres,  autrement  dit  la  coupure  de  la  Plata, 
forment  un  centre  séismique,  d'ailleurs  ébranlé  bien  rarement  et 
peu  énergique  ment*  L'immense  plaine  basse  du  Gran  Chaco  n'a 
jusqu'ici  fourni  aucune  observation  de  secousses,  et  nous  n'en  con- 
naissons qu'une  seule  pour  le  bassin  du  Paraguay. 

On  ne  connaît  aucun  tremblement  de  terre  en  Patagonie,  région 
à  laquelle  semble  devoir  assurer  un  parfait  repos  séismique  l'absence 
de  tout  dérangement  de  ses  couches  tertiaires  émergées.  Un  seul  a 
été  signalé  dans  le  détaroit  de  Lemaire,  et  un  autre  à  Punta  Arenas, 
où  des  observations  météorologiques  se  font  depuis  quarante-trois 
ans,  mais  pas  un  seul  pour  la  station  d'Ushuvaya.  La  stabilité  des 
territoires  magellaniques  et  de  la  Terre  de  Feu  est  donc  manifeste, 
malgré  l'époque  récente  du  morcellement  de  leurs  couches  secon- 
daires ou  primaires,  et  des  produits  éruptifs  qui  s'y  rencontrent.  Les 
Iles  Falkland,  ou  Malouines,  lambeau  de  couches  paléozoïques  plis- 
sées,  indépendant  de  la  Patagonie  tertiaire,  n'ont  fourni  aucune 
observation  séismique. 

Ainsi  se  vérifient  bien  les  pronostics  annoncés  sur  la  stabilité 
générale  de  tout  le  versant  atlantique  de  l'Amérique  du  Sud,  ce 
dernier  fragment  occidental  du  vaste  continent  africano-brésilien, 
plus  ou  moins  hypothétique,  il  est  vrai,  mais  en  tout  cas  partout  à 
Tabri  des  tremblements  de  terre,  grâce  à  l'ancienneté  de  son 
modelé,  qu'aucun  plissement  n'est  venu  rajeunir  nulle  part,  les  mou- 
vements verticaux  de  morcellement  ou  autres  n'ayant  le  plus  sou- 
vent que  peu  d'influence  séismogénique,  comme  on  a  pu  le  constater 
déjà  tant  de  fois. 


CHAPITRE  X 

LE  PACIFIQUE  ET  LES  TERRES  ANTARCTIQUES 

1.  —Le  Pacifique. 

La  question  d'une  aire  continentale  ayant  occupé  remplacement 
du  Grand  Océan  est  encore  très  controversée,  mais  sa  solution  défi- 
nitive ne  saurait  avoir  la  moindre  influence  sur  le  problème  étudié 
ici,  puisque  Ton  ne  rencontre  sur  son  immense  surface  qu'une  rég^ion 
pénéséismique,  celle  des  Sandwich,  et  une  seule  région  séismique, 
celle  des  Mariannes.  D'un  autre  côté,  si  l'on  tient  compte  des  abîmes 
sous-marins  et  des  rides  qui  en  accidentent  le  fond  justement  dans 
les  parages  de  ces  archipels,  on  peut  se  demander  si  l'on  ne  serait 
pas  là  en  présence  d'un  prolongement  non  encore  émergé  du  géosyn- 
clinal méditerranéen.  Il  serait,  en  effet,  bien  surprenant  que  ce  cercle 
de  plus  grande  mobilité  de  l'écorce  terrestre  ne  se  fermât  point  sur 
lui-même,  à  la  surface  de  la  sphère  et  au  travers  du  Pacifique.  Dès 
lors,  les  Mariannes,  au  lieu  de  constituer  une  anomalie,  lui  appartien- 
draient réellement,  à  moins  qu'elles  ne  forment  une  branche  annexe  du 
géosynclinal  circumpacifique,  en  prolongement  de  l'arc  japonais,  tout 
comme  la  branche  turkestane  du  géosynclinal  méditerranéen,  mais  où 
ferait  défaut  une  surrection  analogue  à  celle  du  Tien-Ghan.  Quoi  qu'il 
en  soit,  la  géologie  et  l'histoire  du  Pacifique  sont  encore  trop  obscures 
pour  que  l'on  puisse  se  prononcer  en  toute  connaissance  de  cause. 

D'une  façon  générale,  les  conditions  séismiques  de  l'océan  Paci- 
fique sont  assez  bien  connues. 

Au  large  du  Mexique,  quelques  secousses  sous-marines  ont  été 
observées  dans  les  parages  des  îles  Revilla-Gigedo,  et  la  côte  voisine, 
elle-même  d'ailleurs  très  instable,  est  exposée  à  de  dangereuses  vagues 
d'origine  séismique.  Il  en  sera  reparlé  à  l'occasion  du  Mexique. 

On  ne  connaît  aucun  tremblement  de  terre  dans  les  îles  volcaniques 
des  Galapagos. 

Les  Sandwich  sont  célèbres  par  leurs  volcans,  en  particulier  le 
Kilauea  et  son  lac  permanent  de  laves  fluides.  Les  secousses  du  sol 
y  sont  assez  fréquentes,  au  moins  dans  l'île  d'Hawaï,  ^t  des  obser- 


LE  PACIFIQUE  ET  LES  TERRES  ANTARCTIQUES 


173 


valions  suivies  faites  à  Hilo  et  à  Christchurch,  de  1843  à  1874, 
donnent  une  fréquence  moyenne  annuelle  de  13,  ce  qui  ne  corres- 
pond pas  à  une  très  grande  ins- 
tabilité. Elles  ont  été  recueillies 
par  Perrey  dans  ses  catalogues 
annuels'.  On  a  aussi  les  obser- 
vations de  Lymann  *  et  de  Bri- 
gham'.  L'éruption  de  1868  fut 
d'une  colossale  énergie,  de  très 
nombreuses  secousses  raccom- 
pagnèrent, mais  une  seule,  celle 
du  2  avril,  fut  vraiment  sévère. 
La  formation  de  crevasses  et  des 
éboulements  considérables  en 
furent  les  conséquences.  Malgré 
tout,  comme  sa  production  a  été 
très  intimement  liée  à  la  confla- 
gration volcanique,  et  que  des 
tremblements  aussi  violents  ne 
se  sont  jamais  produits  dans  le 
cours  du  XIX*  siècle,  on  est  fondé 
à  considérer  l'archipel  des  Sand- 
wich comme  seulement  péné- 
séismique.  Certaines  années  s'y 
passent  même  sans  secousses, 
telle  1849.  Ces  îles  émergent 
d'un  seul  jet  au-dessus  de  pro- 
fondeurs de  5000  mètres,  d'un 
étroit  seuil  se  prolongeant  loin 
vers  le  N.  W.  et  que  jalonnent 
des  îlots  inhabités.  Userait  donc 
actuellement  illusoire  de  cher- 
cher des  causes  géologiques  pro- 
fondes pour  en  expliquer  les 
secousses,  qui  peuvent  très  bien,  d'ailleurs,  être  une  conséquence  du 
processus  volcanique  lui-même. 

*  Sur  les  tremblements  de  terre  elles  éruptions  volcaniques  dans  l'archipel  hawaïen, 
en  1868  {Soc.  imp.  iTArt.  Se.  nat.  et  ArU  utiles  de  Lyon,  12  février  1869). 

'  Secoasses  de  tremblements  de  terre  depuis  1872  (Trad.  d'une  lettre  à  W.  L.  Green, 
ministre  des  Aff.  étr.  d'Hawal.  BuU.  soc.  géogr..  Pans,  1875, 101). 

'  On  Ihe  volcanic  phenomena  of  the  Hawaian  islands  (Boston  Soc.  of  nat.  hist.^  I, 
Part  Ul,  373). 


174  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

Entre  les  5'  et  10"  parallèles  ^ord,  les  îles  de  la  Micronésie,  Garot- 
lines  et  Marshall,  surtout  coralligënes,  forment  une  longue  série  se 
rattachant  aux  Iles  Palaos.  Elles  sont  bornées  au  Nord  par  des  abîmes 
descendant  au-dessous  de  8  000  mètres.  On  connaît  seulement  deux 
secousses  à  El  Correor  .(Carolines). 

L'archipel  €n  partie  volcanique  des  Mariannes  contraste  avec  les 
précédents  par  son  «s±r6me  instabilité.  Il  figure  une  traînée  méri- 
dienne comprise  aussi  entre  des  abîmes  de  6  000  à  8  000  mètres,  mais 
dont  il  n'est  très  rapproché  que  le  long  de  son  bord  oriental, 
l'opposé  ne  descendant  au  contraire  d'un  seul  jet  que  jusqu'à 
4000  mètres.  La  pose  d'un  câble  sous-marin  a  même  fait  conaaître 
des  profondeurs  de  9  590  mètres  entre  les  îles  Guam  et  Medway .  Les 
tremblements  de  terre,  fréquents  et  désastreux,  ont  été  longtemps 
recueillis  dans  le  bulletin  de  l'observatoire  de  Manille.  On  a  d'ailleurs 
d'autres  documents  \  Le  socle  des  Mariannes  est  le  prolongement  de 
celui  des  îles,  volcaniques  aussi,  Bonin-Sima,  et  par  un  seuil  il  se 
rattache  au  Japon.  Ces  dernières  et  d'autres  clairsemées  dans  ces 
parages  n'ont  jamais  été  l'objet  d'observations  séismiques,  et  leur 
liaison  avec  ce  dernier  pays  se  décèle  par  leurs  lambeaux  de  roches 
volcaniques  et  nummulitiques.  Des  manifestations  volcaniques  aous- 
marines  y  ont  été  signalées,  mais  les  séismes  proprement  dits  n  y 
paraissent  ni  fréquents,  ni  redoutables.  La  séismicité,  extrême  à 
Guam,  où  les  missionnaires  des  Philippines  ont  observé  pendant  de 
longues  années,  est  probablement  de  même  ordre  dans  les  autres  îles 
de  l'Archipel  des  Mariannes,  car  on  y  connaît  aussi  des  désastres, 
parla  tiadition,  il  est  vrai.  La  grande  instabilité  de  cet  archipel  doit 
attirer  l'attention,  en  même  temps  que  sa  liaison  indéniable  avec 
le  Japon.  Malheureusement  sa  géologie  et  son  histoire  sont  trop 
obscures  encore  pour  qu'on  puisse  affirmer  qu'il  s'agit  là  d'une 
branche  annexe  du  géosynclinal  circumpacifique,  auquel  cas  sa 
séismicité  trouverait  là  une  claire  explication,  tout  au  moins  à  un 
point  de  vue  général. 

De  très  rares  séismes  agitent  la  Polynésie  ;  on  en  connaît  trois  à 
Tahiti,  et  deux  aux  îles  de  la  Société.  Le  3  janvier  1903,  une  énorme 
vague  d'origine  probablement  séismique  a  désolé  les  Pomotou,  où 
l'on  n'avait  pas  eu  l'occasion  d'en  signaler  de  semblables  jusque-là. 

D'assez  nombreux  tremblements  de  terre  sous-marins,  indépen- 
dants de  ceux  de  la  terre  ferme,  ébranlent  fréquemment  l'angle 

*  M.  Saderra  Maso.  Brèves  apuntes  sobre  los  volcanes  y  los  fenômenos  seismicos  de 
las  ialas  Marianas  {Dep^ofthe  Int.  Philippine  Weather  Bureau,  Mamla  central  Observa- 
tory,,  Sept.  1902,226). 


LE  PACIFIQUE  ET  LES  TERRES  ANTARCTIQUES  175 

rentrant  du  Pacifique,  au  large  du  Pérou  méridional  et  du  Chili.  Il 
ne  serait  pas  étonnant  que  des  observations  ultérieures  longtemps 
continuées  fassent  découvrir  autour  des  îles  San  Ambrosio  (ou  Des* 
venturadas),  et  surtout  de  Juan  Fernandez,  quelque  région  séis- 
mique  purement  océanique,  placée  ainsi  au  bord  de  la  branche, 
remontant  vers  le  Nord,  de  Tisobathe  de  4  000  mètres,  et  correspon- 
dant ainsi  exactement  à  celle  de  Daussy  et  du  rocher  de  Saint-Paul 
dans  FAtlantique  équatorial.  Rien  ne  manquerait  même  à  ce  rappro- 
chement, car  il  semble  bien  que,  dans  ces  parages  du  Pacifique  éga- 
lement, se  soient  à  plusieurs  reprises  manifestés  des  phénomènes 
volcaniques  sous-marins. 

Toutes  les  autres  îles  occidentales  du  grand  Océan  appartiennent 
au  géosynclinal  circumpaciûque. 

2.  —  Terres  antarctiques. 

Il  n'est  pas  aussi  arbitraire  qu'on  pourrait  le  croire  tout  d'abord 
de  parler  ici  des  terres  antarctiques.  Elles  forment,  en  effet,  une  masse 
continentale  probablement  autonome  ;  les  anciens  sondages  de  Ross 
ont  montré  que  sur  quinze  degrés  environ  de  longitude,  de  part  et 
d'autre  du  méridien  de  la  Nouvelle-Zélande,  elles  sont  entourées  de 
profondeurs  océaniques  considérables,  disposition  confirmée  par  les 
mesures  bathymétriques  effectuées  par  l'expédition  de  la  «  Belgica  » 
(4897-J899)  entre  F  Amérique  méridionale  et  la  Terre  de  Graham 
ou  ses  dépendances. 

Il  ne  saurait  être  ici  question  d'observations  séismologiques,  et 
nous  ne  savons  encore  quelles  observations  a  pu  faire  en  1901  la 
«  Discovery  »  à  la  baie  Mac  Murdo,  dans  la  Terre  Victoria,  où  elle  a  dû 
installer  un  séismographe  Milne.  Outre  que  ces  terres  ont  été  jusqu'à 
présent  peu  étudiées,  les  tremblements  de  terre  sont  très  difficiles  à 
observer  dans  les  régions  polaires  en  général,  car  ils  peuvent  être 
très  facilement  confondus,  à  terre,  avec  les  mouvements  imprimés  à 
de  frêles  habitations  par  les  vents  soufflant  presque  constamment  en 
tempête,  et  à  bord  par^ceux  de  la  banquise,  qui  étreintle  navire  et  lui 
communique  toutes  les  pressions  variables  auxquelles  elle  est  sou- 
mise. Mais  peut-on,  dans  une  certaine  mesure,  pronostiquer  les  con- 
ditions séismogéniques  de  ces  terres?  Les  granités  et  les  roches  érup- 
tives  anciennes  signalées  par  ArctowskiS  le  géologue  de  la  <c  Belgica  », 

'  Géographie  physique  de  la  région  antarctiqae  visitée  par  Texpédition  de  la  a  Belgica  » 
{Bull.  soc.  roy.  belge  de  géogr.,  1900.  N»  1). 

Id.  The  antarcUc  voyage  of  the  «  Belgica  »  during  the  years  1897,  1898,  and  1899 
[Smilhs.  Rep,  for  1901,  377.  Washington,  1902). 

Id,  et  A.  F.  Renard.  Notice  préliminaire  sur  les  sédiments  marins  recueillis  par  Texpé- 


176  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

corroborent  Tidée  que  cette  masse  continentale  est  stable  ;  par  contre, 
ce  savant  assimile  complètement  aux  Andes  méridionales  de  la  Terne 
des  Ëtats  une  chaîne  entrevue  par  l'expédition.  Il  en  fait  un  ridement 
tertiaire,  ce  qui  laisserait  la  possibilité  d'y  supposer  des  tremblements 
de  terre,  si  précisément  toute  l'extrémité  de  la  chaîne  américaine  n'en 
était  parfaitement  indemne.  Il  va  sans  dire  qu'aucun  argument  pour 
ou  contre  n'est  à  tirer  des  volcans  anciennement  connus  et  si  élevés, 
Erebus  et  Terror,  au  sud  de  la  Nouvelle-Zélande,  pas  plus  que  de 
ceux  soupçonnés  tels  par  les  explorateurs  belges,  île  Pierre  V  et 
Mont  William  (65*  S.  —  64«>  W.). 

D'aucuns^  ont  mis  les  séismes  en  avant,  comme  cause  des  périodes 
glaciaires,  en  conséquence  du  refroidissement  produit  par  les  masses 
considérables  de  glaces  mises  en  mouvement  à  la  suite  de  violents 
tremblements  de  terre  des  calottes  polaires  et  dérivées  vers  les 
basses  latitudes.  Sans  discuter  une  théorie  qui  n'est  guère  accep- 
table, il  y  a  lieu  d'observer  que  dans  le  Pacifique  sud-oriental  les 
navigateurs  attribuent  à  des  tremblements  de  terre  la  mise  en  liberté 
des  icebergs,  lorsqu'ils  les  rencontrent  à  des  époques  prématurées 
et  inusitées.  On  ne  possède  pas  d'observations  directes  relatives  à 
un  phénomène  d'ailleurs  plausible,  au  moins  sur  une  petite  échelle. 

Note,  —  Cette  stabilité  des  terres  antarctiques,  que  nous  n'avions  fait  que  pré- 
sumer faute  (Inobservations,  vient  d'être,  au  moins  pour  un  point  particulier,  con- 
firmée pleinement  pendant  Timpression  de  l'ouvrage.  En  effet,  Bernacchi,  membre 
de  l'expédition  anglaise  de  la  Discovery,  a  installé  un  pendule  horizontal  de  Hilne 
À  nie  Ross,  par  77o  W  55"  S.  et  lôe^»  4^  43"  E.  La  station  était  située  à  15  miUes 
des  volcans  Terrer  et  Erebus,  et  ce  dernier  resta  en  constante  activité  pendant 
toute  la  durée  des  observations,  du  14  mars  1902  au  31  décembre  1903.  Cependant 
aucun  macroséisme  ne  s'est  fait  enregistrer,  ce  qui  exclut  toute  secousse  &  50  milles 
&  la  ronde,  et  en  outre  136  séismogrammes  tracés  par  Tappareil  correspondaient 
à  des  séismes  émanés  de  fojers  situés  &  plus  de  500  milles.  Cette  distance  est  le 
rayon  sphérique  d'une  calotte  dans  l'intérieur  de  laquelle  ne  s'est  produit  aucun 
mouvement  du  sol  pendant  cette  période  de  21  mois  et  demi.  —  [Milne.  Preliminary 
notes  on  observations  made  wiLh  a  horizontal  pendulum  in  Ihe  antarcUc  régions  {Proc. 
ofthe  royal  soc,  vol.  A,  LXXVI,  284.  London,  1905).  Traduit  en  allemand.  {DieErdbe- 
àenvoarte,  IV,  192.  Laibach,  1905.)]  * 

dition  de  la  «  Belgica  »  {Ac.  roy.  de  Belgique.  Mém.  couronnés  el  autres,  LXI,  1901 
Séance  du  7  juillet  1900). 

*  Piette.  Conséquences  des  mouvements  séismiques  des  régions  polaires  (Angers, 
1902). 


TROISIÈME  PARTIE 

LE  GÉOSYNCLINAL  MÉDITERRANÉEN  OU  ALPIN 


Le  géosynclinal  méditerranéen,  ou  alpin,  la  Téthys  des  géologues, 
part  du  raide  talus  parlequelJava  et  Sumatra  tombent  sur  les  grands 
fonds  de  l'Océan  Indien,  traverse  Tlnde  par  la  plaine  alluvionnaire 
indo-gangétique,  suit  le  golfe  Persique  et  la  dépression  mésopota- 
mienne,  puis  se  prolonge  par  l'Europe  méridionale  et  la  Méditerranée 
jusqu'à  l'Atlantique,  du  Caucase  aux  Pyrénées  et  à  l'Atlas.  C'est  un 
des  traits  les  plus  notables  de  la  surface  terrestre,  et  il  a  présenté  ce 
caractère  depuis  les  époques  géologiques  les  plus  reculées  jusqu'aux 
temps  tertiaires,  pendant  lesquels  il  a  été  le  théâtre  de  mouvements 
orogéniques  véritablement  gigantesques;  sur  ses  bords  s'est  érigé 
un  grand  géanticlinal,  événement  dont  il  conserve  le  souvenir  par 
les  tremblements  de  terre  fréquents  et  redoutables  qui  l'agitent  sur 
tout  son  immense  développement.  C'est  ainsi  qu'à  lui  seul,  il  a  res- 
senti plus  de  la  moitié  de  ceux  relatés  dans  les  catalogues  séismiques, 
ce  qui  ne  résulte  pas  seulement,  comme  on  le  verra  par  le  détail, 
de  ce  que  les  pays  les  plus  anciennement  civilisés  appartiennent  à 
cette  bande  de  Técorce  terrestre. 

C'est  dans  le  sens  indiqué,  de  TOcéan  Indien  à  l'Atlantique,  que 
Ton  va  rapidement  esquisser  les  relations  des  séismes  ressentis  par 
ces  pays  éminemment  instables  avec  l'histoire  de  leurs  principales 
vicissitudes  géologiques. 

Java  est  très  sujette  aux  tremblements  de  terre,  sinon  partout,  du 
moins  en  de  nombreux  points.  Or,  cette  île  forme  le  bord  méridional 
d'une  surface  coupée  à  pic,  vers  le  Sud,  sur  les  abîmes  de  l'Océan 
Indien,  tandis  qu'au  contraire,  vers  le  Nord,  un  faible  relèvement 
d'une  cinquantaine  de  mètres  suffirait  à  la  rattacher  à  Bornéo,  c'est-à- 

Db  Mohtimos.  —  TremUements  d«  tem.  i2 


178  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

dire  au  continent  sino-sibérien.  Ce  talus  doit  représenter  une  cas- 
sure, et,  d'autre  part,  le  Tertiaire  de  Tîle  est  énergiquement  plissé 
au  pied  des  volcans  de  la  province  de  Tjéribon.  Ainsi  se  justiGe  la 
séismicité  de  Java. 

Sumatra  se  trouve  dans  les  mêmes  conditions  par  rapport  à  la 
fracture  sous-marine  ;  mais  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour 
Java,  les  séismes  s'y  localisent  à  cette  côte  seule  et  aux  failles  longi- 
tudinales de  ce  versant,  tandis  que  l'opposé,  très  stable,  descend  en 
pente  douce  vers  les  archipels  malais  qui  la  rattachent  à  Bornéo 
et  à  l'Asie,  dont  ces  îles  font  réellement  partie  par  leur  structure. 

La  péninsule  malaise,  d'axe  archéen,  est  tout  au  plus  pénéséis- 
mique  autour  de  Singapore  et  de  Poulo-Pinang  ;  la  ride  sous-marine 
sur  laquelle  sont  implantées  les  Andaman  et  les  Nicobar  est  peut-être 
dans  le  même  cas. 

La  Birmanie  est  extrêmement  instable.  C'est  qu'elle  présente  des 
chaînes  secondaires  et  tertiaires  parallèles  énergiquement  plissées, 
<]ui  se  prolongent  dans  le  Tibet  méridional  par  la  région  séismique 
de  Ba-Thang,  et  la  région  au  moins  pénéséismique  du  Yun-Nan.  On 
entre  véritablement  là  dans  le  domaine  des  plissements  tertiaires, 
himalayens  ou  alpins. 

Entre  la  Birmanie  et  le  Bralimapoutre  s'élève  la  pénéplaine 
archéenne  de  l'Assam,  s'abaissant  assez  doucement  au  Nord  vers  le 
fleuve,  mais  tombant  très  brusquement  sur  les  plaines  de  Sylhet  et 
de  Gachar  par  un  grand  pli,  ou  flexure,  du  Crétacé  et  du  Tertiaire.  Ce 
versant  est  justement  d'une  instabilité  que  ne  dépasse  celle  d'aucune 
autre  région  du  globe,  et  les  séismes,  atténués  toutefois,  ébranlent 
le  pays  jusqu'au  défilé  par  lequel  le  Brahmapoutre  aborde  l'Inde  au 
rebroussement  de  l'Himalaya  oriental  et  des  chaînes  birmanes  plis- 
sées. 

Le  géosynclinal  longe  ensuite,  jusqu'à  l'Afghanistan,  le  pied  de 
l'Himalaya,  dont  la  surrection,  si  elle  était  dès  longtemps  préparée, 
n'en  était  pas  moins  à  peine  terminée  à  Tépoque  pléistocëne,  telle- 
ment que  des  membres,  et  non  des  moindres,  du  Geological  Sur- 
vey  ofindi a  veulent  même  qu'elle  n'ait  pas  encore  dit  son  dernier  mot. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'âge  récent  des  derniers  mouvements  exphque 
clairement  la  grande  instabilité  de  ce  versant,  Népal,  Kumaon, 
Cachemire  et  haut  Pendjab.  Le  versant  tibétain  semble  au  contraire 
à  Tabri  des  désastres  des  tremblements  de  terre,  quoiqu'on  ait 
signalé  quelques  secousses  sur  le  haut  Indus,  àlskardo  par  exemple; 
ces  séismes  peuvent  être,  au  moins  provisoirement,  mis  en  relation 
avec  les  mouvements  orogéniques  qui  ont  porté  à  une  grande  alti- 


LE  GÉOSYNCLINAL  MÉDITERRANÉEN  OU  ALPIN  179 

tude  les  lambeaux  éocënes  marins  de  la  haute  vallée  du  fleuve  et 
avec  la  structure  des  Klippen  postcrétacés  de  la  frontière  tibétaine. 

L'Afghanistan  et  le  Béloutchistan  ont  leurs  régions  séismiques, 
mais  la  géologie  en  est  encore  trop  peu  connue  pour  qu'on  puisse  les 
rapporter  à  des  événements  pailiculiers.  Qu'il  suffise  de  faire  allusion 
aux  énormes  dislocations  qui  ont  donné  lieu  au  rebroussement  de 
l'Hindou-Kouch,  et  de  rappeler  que  non  loin  de  Quettah  un  tremble- 
ment de  terre  a^  en  1892,  réouvert  près  de  Chaman  une  ancienne 
faille. 

Le  bas  Indus  subit  des  séismes  notables  et  graves.  Tout  le  monde 
c<mnaît  la  formation,  en  1819,  de  TAllah-Bund,  ou  digue  de  Dieu, 
au  travers  du  delta,  à  la  suite  d'un  tremblement  de  terre.  Mais  n'estr 
ce  pas  là  que  la  mer  jurassique  a,  dans  ces  parages,  commencé  le 
démantèlement  du  continent  gondwanien  ? 

Le  long  du  40*  parallèle,  le  géosynclinal  projette  vers  Test  une 
branche  en  cul-de-sac  par  le  Turkestan,  le  Ferghana,  la  Dzoungarie 
et  la  Kachgarie.  Les  régions  séismiques  abondent  dans  tous  ces 
territoires,  que  maintes  catastrophes  ont  éprouvés  :  ce  sont  de  loin* 
taines  conséquences  de  la  surrection,  à  peine  terminée  à  l'aurore 
des  temps  actuels,  de  l'énorme  chaîne  du  Thian-Chan.  En  outre,  de 
grandes  failles  longitudinales  y  jouent  un  rôle  séismogénique  bien 
défini. 

La  dépression  méditerranéenne  passe  de  l'Océan  Indien  au  golfe 
d'Alexandrette  par  le  golfe  Persique,  la  Mésopotamie  et  la  vallée 
de  rOronte,  si  célèbre  par  les  catastrophes  d'Antioche.  Son  bord  sep- 
tentrional est  presque  partout  instable,  île  de  Kichm,  puis  chaînes 
plissées  de  l'Arabistan,  du  Louristan,  duKourdistan  etdel'Azerbéïd- 
jan  en  Arménie.  C'est  dans  ces  régions  qu'on  a  toujours  localisé  le 
déluge  biblique,  dont  Suess,  dans  le  premier  chapitre  de  la  Face  de 
la  Terre,  veut  faire  un  événement  séismique  et  cyclonique  tout  à  la 
fois. 

Le  géosynclinal  englobe  aussi  la  fosse  profonde  de  la  Caspienne 
méridionale,  où  le  Mazendéran  est  au  moins  pénéséismique  au  pied 
de  l'Elbrouz  aux  sédiments  plissés  du  Dévonien  au  Tertiaire,  tandis 
que  là  vient,  au  sud  de  la  Caspienne,  mourir  la  chaîne  plissée  aussi 
du  Ehorassan,  si  souvent  désolé  par  les  tremblements  de  terre. 

Le  Caucase  est  extrêmement  instable  sur  son  versant  méridional, 
qui  est  le  plus  abrupt  et  tombe  sur  la  vallée  de  fracture  de  la  Koura, 
théâtre  des  nombreux  désastres  de  Chémakha.  Le  versant  opposé, 
plus  régulièrement  plissé  cependant,  descend  en  pente  moins  rapide 
sur  la  steppe  et  ne  renferme  que  des  régions  pénéséismiques  entre 


180  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0G1QUE 

la  Caspienne  et  la  mer  Noire,  ou  entre  le  Daghestan  et  le  Kouban. 
Les  derniers  mouvements  du  Caucase  sont  tertiaires  ou  alpins,  et  se 
sont  propagés  à  Test  de  la  Caspienne  par  une  ride  sous-marine 
jusqu'au  massif  de  Krasnovodsk,  son  évidente  prolongation,  où  se 
rencontre  une  région  séismique  importante. 

Quelques  séismes  criméens  attestent  la  continuation  des  disloca- 
tions balkaniques  jusqu'au  Caucase,  par  delà  le  Pont-Euxin. 

Tout  le  pourtour  occidental  de  TAsie  Mineure  est  à  un  haut  degré 
instable,  et  les  séismes  y  atteignent  la  plus  grande  violence  du 
Bosphore  à  Métélin,  Brousse,  Smyrne,  Chios  et  Samos.  C'est  la  con- 
séquence de  mouvements  tertiaires  de  grande  amplitude. 

Les  séismes  de  Chypre,  d'ailleurs  modérés,  rappellent  sans  doute 
la  présence  du  synclinal  dans  lequel  s'est  déposé  le  flysch,  et  qui  est 
généralement  assez  instable  en  avant  des  plissements  alpins  de  l'Eu- 
rope moyenne. 

La  Crète  est  séismique,  au  moins  à  son  angle  N.  W  à  proximité 
des  grands  fonds  qui  la  séparent  des  Cyclades,  et  c'est  à  tort  que  nous 
l'avons  considérée  comme  pénéséismique  dans  un  mémoire  récent  \ 

La  séismicité  du  Péloponëse  est  au  contraire  extrême,  ce  que  per^ 
mettait  de  prévoir  sa  structure,  résultant  de  l'effondrement  de  lobes 
voisins  coupés  comme  à  l'emporte-pièce,  et  cette  observation,  comme 
l'a  fait  remarquer  Suess,  se  vérifie  encore  dans  la  Chalcidique,  comme 
à  Célëbes.  Les  îles  Ioniennes,  si  souvent  et  si  durement  éprouvées, 
se  trouvent  sur  le  bord  d'un  très  raide  talus  sous-marin,  dominant 
de  grandes  profondeurs  et  probablement  dû  à  une  fracture  concomi- 
tante  de  l'effondrement  pliocène  de  la  Méditerranée  orientale. 

Les  Cyclades,  débris  du  continent  égéen,  récemment  disloqué  et 
affaissé,  sont  à  peine  pénéséismiques. 

Dans  la  péninsule  balkanique,  très  instable  en  plusieurs  points, 
les  plissements  des  terrains  secondaires  et  les  effondrements,  grâce 
auxquels  des  dépressions  se  sont  remplies  de  dépôts  tertiaires 
lacustres,  suffisent  à  rendre  compte  des  nombreux  tremblements  de 
terre  qui  s'y  font  redouter. 

Les  plissements  alpins  ont  débordé  la  plate-forme  russe  par  les 
Carpathes,  dont  le  noyau  archéen  domine  la  plaine  hongroise,  qui 
est  affaissée,  pénéséismique,  et  où  certaines  secousses,  d'énergie 
constante  sur  de  très  grandes  surfaces,  semblent  en  relation  avec 
des  mouvements  d'ensemble.  La  grande  plaine  roumaine  est  péné^ 
séismique  aussi. 

*  Géosynclinaux  et  régions  à  tremblements  de  terre  {Mém,  soc.  belge  de  géol.  pcdéonL 
et  hydroL,  XVIII,  1904,  243,  Bruxelles). 


LE  0É08TNCLINAL  MÉDITERRANÉEN  OU  ALPIN  m 

Dans  la  Mésopotamie  croate,  les  plis  tertiaires  se  sont  heurtés  à 
un  massif  ancien^  et  les  dislocations  résultantes  donnent  lieu  aux 
centres  d'ébranlement  bien  déQnis  de  Diakovar  et  surtout  d'Agram. 

Si  l'ancien  massif  serbe^  fragment  du  continent  oriental  des  géo- 
logues autrichiens,  est  à  peu  près  aséismique,  par  contre  la  Macé- 
doine, TAlbanie  etFÉpire  sont  la  proie  des  tremblements  déterre.  Or 
Suess  admet  que  la  ligne  Stagno-Pélagosa-Tremiti  formait  la  côte 
sud  d'une  terre  miocène,  occupant  remplacement  du  bassin  septen- 
trional de  l'Adriatique  actuelle,  tandis  qu'à  l'Est  le  prolongement 
de  cette  même  ligne  par  Dulcigno  et  Ël-Bassan  était  le  bord  septen- 
trional d'un  lac  contemporain,  traversant  l'Albanie  et  la  Macédoine 
jusqu'à  Trikkala.  Les  côtes  dalmates,  si  pittoresquement  découpées, 
résultent  d'un  affaissement,  représenté  au  Frioul  et  au  Tyrol  par  ce 
qu'on  a  appelé  les  failles  périadriatiques,  failles  dues  selon  toute  vrai- 
semblance au  même  effort  avorté  sur  le  continent.  Tout  cet  ensemble 
est  à  un  très  haut  degré  séismique,  comme  aussi  les  régions  voisines 
karstiques  et  plissées  de  l'Istrie,  de  la  Garniole  et  de  Gôritz;  tandis 
que  la  Bosnie  et  l'Herzégovine  sont  seulement  pénéséismiqucs  pour 
avoir  moins  pris  part  à  ces  mouvements  récents  si  importants, 
contre-partie  de  la  surrection  des  Alpes. 

Toute  la  ride  alpine  est,  à  des  degrés  variables,  sujette  aux  tremble- 
ments de  terre,  à  l'exclusion  de  son  axe  cristallin,  archéen  et  pri- 
maire, mais  seule  la  partie  orientale  présente  des  régions  séismiques. 
Larépartition  de  la  séismicité  y  est  bien  connue  maintenant,  grâce  aux 
observations  systématiques  autrichiennes,  italiennes  et  suisses*  La 
zone  de  flysch,  déposée  en  avant  des  plissements  alpins  dans  un 
ancien  synclinal  rétréci  à  plusieurs  reprises  par  le  processus  de  la 
surrection  tertiaire,  délimite  assez  exactement  une  longue  bande 
instable.  C'est  la  répétition  parfaite  de  ce  qui  s'est  passé  en  avant 
des  plissements  hercyniens  pour  la  bande  houillëre  de  l'Europe 
moyenne.  On  verra  aussi  que  la  région  pénéséismique  des  Alpes 
françaises  occupe  l'emplacement  d'un  synclinal  du  second  étage 
méditerranéen,  circonstance  qui  s'est  déjà  présentée  ailleurs. 

Les  Apennins  sont  probablement  une  des  plus  jeunes  chaînes  du 
globe,  car  le  Tertiaire  le  plus  récent  y  a  été  relevé  à  plus  de 
1  000  mètres.  Ajoutant  à  cela  l'affaissement  de  la  Tyrrhénide  et  de 
l'Adriatide  postérieurement  au  Miocène,  ainsi  que  la  formation  en 
Galabre  de  golfes  circulaires  lobés  au  pied  de  fragments  archéens 
restés  fixes.  Ton  aura  une  ample  justification  de  la  forte  séismicité  de 
nombreuses  régions  d'Italie. 

Si  les  Pyrénées  n'appartiennent  point  au  géosynclinal  méditerra- 


182  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

néen,  tel  qu'il  a  été  tracé  par  Haug,  ce  n'en  est  pas  moins  une  chaîne 
plissée  dont  la  surrection  date  du  commencement  de  Tère  tertiaire, 
c'est-à-dire  un  peu  avant  les  mouvements  alpins,  qui  ont  atteint  leur 
maximum  au  Miocène.  Aussi,  du  golfe  de  Gascogne  au  golfe  du 
Lion,  n'existe-t-il  que  des  régions  pénéséismiques. 

En  résumé,  dans  cette  partie  de  TEurope,  les  Pyrénées,  les  Alpes 
et  les  Apennins  sont,  dans  leur  ensemble,  de  séismicités  croissantes, 
en  proportion  du  moindre  temps  écoulé  depuis  leurs  surrections  res- 
pectives. 

Le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  est  fermé  au  Sud-Ouest 
par  la  Sierra  Nevada  en  Espagne  et  l'Atlas  tellien  en  Afrique.  Leur 
élévation  par  plissement,  ainsi  que  l'effondrement  méditerranéen 
simultané  et  contemporain,  sont  des  événements  post-éocënes,  qui 
expliquent  bien,  d'une  façon  générale,  l'instabilité  des  provinces  litto- 
rales de  l'Espagne  entre  Malaga  et  Valence  et  des  pays  barbaresquea. 
Par  contre,  la  Meseta  ibérique  est  aséismique,  comme  n'ayant  pour 
ainsi  dire  point  participé  à  ces  mouvements  ;  elle  n'appartient  du 
reste  pas  au  géosynclinal. 

L'embouchure  du  Tage  est  très  instable  et  le  désastre  de  Lisbonne 
en  1755  lui  a  donné  une  triste  réputation.  Cette  région  ne  fait  pas 
partie  du  géosynclinal  méditerranéen,  pas  plus  que  les  Açores,  moins 
souvent  secouées  d'ailleurs.  Mais  on  verra  plus  loin  que  les  mou- 
vements alpins  ont  franchi  l'Atlantique  pour  se  faire  sentir  dans  les 
Antilles.  Ils  ont  donc  traversé  l'Océan  par  un  trajet  qui,  s'il  est 
inconnu,  a  pu  du  moins,  par  son  voisinage,  produire  des  dislocations 
qui  se  manifestent  par  les  tremblements  de  terre  du  Portugal  et  de 
r Archipel  des  Indes  occidentales. 


CHAPITRE  XI 

ILES  DE  LA  SONDE  ET  DU  GOLFE  DU  BENGALE 

1.  —  Java  et  Sumatra. 

he  géosynclinal  méditerranéen  débute  le  long  d'un  raide  talus 
sous-marin  de  3000  à  4  000  mètres^  au  bord  duquel  surgissent  succes- 
sivement Java^  de  TEst  à  TOuest,  et  Sumatra,  du  Sud-Est  au  Nord- 
Ouest.  La  coupure  du  détroit  de  la  Sonde  les  sépare.  Le  versant 
opposé  à  Tocéan  Indien  est  naturellement  le  plus  doux,  et  un  relè- 
vement d'une  centaine  de  mètres  seulement  réunirait  leurs  plaines 
basses  du  Nord  à  Bornéo  et  à  TAsie^  en  asséchant  les  mers  plates 
qui  les  baignent  de  ce  côté. 

Depuis  le  milieu  du  xix*  siècle  »  la  Société  des  sciences  naturelles 
de  Batavia'  publie  annuellement  le  relevé  des  phénomènes  séis- 
miques  et  volcaniques  qu*elle  fait  observer  dans  tout  l'archipel  des 
Moluques  et  des  îles  delà  Sonde  — ou  Insulinde  —  par  ses  nombreux 
adhérents,  fonctionnaires  ou  officiers  de  l'armée  hollandaise  d*occu- 
pation.  Leur  répartition  y  est  donc  très  bien  connue,  et  ne  présente 
plus  que  les  lacunes  mêmes  de  la  colonisation,  qui  se  comblent 
graduellement  avec  les  progrès  de  cette  dernière.  Ainsi  les  Indes  Néer- 
landaises comptent  parmi  les  régions  du  globe  les  plus  avancées,  à 
ce  point  de  vue. 

La  constitution  géologique  réelle  de  Java  a  été  longtemps  mécon- 
Hue,  masquée  qu'elle  est  par  une  énorme  couverture  de  produits 
éruptifs,  mais  les  nombreux  travaux  de  Verbeek  et  de  ses  colla- 
borateurs du  corps  hollandais  des  mines  ont  uni  par  y  faire  la 
lumière.  Bordant  sur  un  millier  de  kilomètres  le  raide  talus  de  l'océan 
Indien,  celle  île  fait  aussi  partie  du  socle  asiatique,  dont  les  racines 
primaires  se  retrouvent,  sinon  à  Java  même  où  elles  sont  cachées 
en  profondeur,  du  moins  aux  Karimon-Djawa,  à  Sumatra,  àBilliton 

*  NatuurkuDdig  Tijdschrift  door  Nederlandsch  Indiô.  Uitgegeven  door  de  Nataur- 
kondige  Vereeniging  in  Ned.  Ind.,  fiatavia. 


184 


GÉOGRAPHIE  6ÉISM0L0GIQUE 


C0 

5 

I 


et  à  Bornéo,  ainsi  que  dans  les 
cailloux  des  conglomérats  tertiaires 
de  Java,  constatation  de  beaucoup 
la  plus  démonstrative.  Le  substra- 
tum  est  un  terrain  schisteux,  plissé, 
continuant  celui  de  Malacca.  Les 
mers  carbonifériennes  y  ont  déposé 
leurs  sédiments,  et  les  serpentines, 
diabases  et  porphy rites  montrent 
que  l'activité  éruptive  a  commencé 
dans  cette  tle  dès  le  Crétacé;  mais 
c'est  au  début  du  Miocène  qu'elle 
y  a  pris  son  développement  le  plus 
considérable.  D'après  Schneider  \  à 
cette  époque  deux  détroits  trans- 
versaux divisaient  Java  en  trois 
parties  :  celui  de  Tjéribon,  au  milieu 
duquel  s'éleva  le  volcan  de  Tjérimaï, 
et  celui  de  Soerabaja.  Us  furent 
bientôt  comblés  par  les  déjections 
volcaniques  et  en  même  temps 
relevés  par  le  mouvement  général 
de  la  fin  de  l'époque  tertiaire,  pen- 
dant que  s'édifiaient  les  gigantes* 
ques  cônes  actuels,  dont  un  grand 
nombre  sont  encore  actifs.  Malgré  la 
couverture  éruptive  et  la  variété  des 
produits  qui  la  composent,  on  a  re- 
connu deux  rides  tertiaires  longitu- 
dinales constituant  l'ossature  oro- 
graphique de  Java,  mais  qu'il  a  été 
très  malaisé  de  débrouiller,  cachée 
qu'elle  est  souvent  par  les  volcans  et 
submergée  par  les  tufs,  les  laves,  les 
cendres  et  les  alluvions  volcaniques. 
Les  tremblements  de  terre  sont 
très  fréquents  à  Java,  parfois  même 


'  Ueber  den  vulkanischen  Zustand  der  Son- 
da-Inseln  und  der  Molukken  im  J&hre  1S84 
{Jahrb.  d.  k.  k.  geol.  Reiehsanslall,  XXXV,  I, 
I.  Wien,  1885). 


ILES  DE  LA  60NDE  ET  DU  GOLFE  DU  BENGALE       185 

sévères;  mais  leur  intensité  n'est  pas  suffisante  pour  y  avoir 
jamais  causé  de  véritables  catastrophes,  ce  qui  peut,  dans  une  cer- 
taine mesure,  tenir  à  la  légèreté  des  constructions.  Il  y  a  tout  lieu 
de  penser  qu'ils  ébranlent  surtout  le  synclinal  compris  entre  les 
deux  rides  longitudinales.  Malgré  une  dissémination  presque  uni- 
forme des  épicentres,  on  peut  cependant  distinguer  certains  dis- 
tricts plus  particulièrement  secoués  :  le  détroit  de  la  Sonde,  c'est-à- 
dire  en  môme  temps  le  Sud  de  Sumatra  (Lampong)  et  l'Ouest  de  Java  ; 
la  dépression  des  Préanger,  de  Soekaboemi  à  Tjiandjoer,  Bandoeng, 
Garoet,  Tasik-Malaja  et  Manondjaja;  les  environs  de  Tjéribon,  où 
se  montrent  les  foyers  d'Indramajoe,  Koeningan  et  Salem  ;  la  dépres- 
sion transversale  de  Semarang,  Ambarowo,  Djokjakarta,  dont  la 
séismicité  s'étend  largement  à  Touest  jusqu'à  Pekalongan  et  Tjilat- 
jap,  à  l'est  jusqu'à  Karangpandan  et  Patjitan  ;  le  district  de  Kediri, 
Pasoeroean  etBlitar;  enfin  le  centre  deBanjoewangi,  sur  le  détroit  de 
Bali,  qui  non  seulement  représenterait  une  région  d'instabilité  ana- 
logue à  celle  du  détroit  de  la  Sonde,  mais  qui  même  aurait  été  ouvert 
au  xu*  ou  xni*  siècle,  si  Ton  en  croit  des  traditions  indigènes,  d'ail- 
leurs peu  authentiques.  L'île  plate  de  Madoera,  où  se  retrouvent  le 
micaschistes  du  substratum  ancien,  participe  de  la  stabilité  relative 
des  basses  plaines  littorales  du  Nord,  tandis  que  la  côte  méridionale 
ne  paraît  pas  le  siège  d'une  activité  séismique  aussi  grande  qu'au- 
rait pu  le  faire  supposer  sa  situation  de  haut  pays  au  bord  de  l'abrupt 
talus  sous^marin.  Si  donc  ce  dernier  accident  représente  une  frac- 
ture du  socle  asiatique,  il  correspond  à  des  mouvements  bien  éteints, 
opinion  corroborée  par  l'absence  de  vagues  séismiques  et  de  secous- 
ses sous-marines  au  large.  La  séismicité,  d'ailleurs  non  exagériSe,  de 
Java  doit  donc  être,  en  définitive,  attribuée  d'une  façon  générale  aux 
derniers  efforts  qui  l'ont  façonnée  à  la  fin  de  l'époque  tertiaire,  en 
érigeant  ses  deux  rides  longitudinales  montagneuses  par  plissement 
des  sédiments  de  cet  âge. 

La  proximité  presque  constante  des  centres  séismiques  et  des 
évents  volcaniques  ne  permet  pas  de  montrer  l'indépendance  des 
deux  ordres  de  phénomènes  à  Java,  où  les  tremblements  de  terre 
peuvent  trouver  de  très  suffisantes  causes  dans  les  dislocations 
cachées  sous  le  manteau  superficiel  éruptif,  mais  sans  qu'il  soit 
actuellement  possible  de  définir  pour  les  divers  foyers  d'ébranlement 
les  accidents  à  rôle  séismogénique.  La  disposition  des  volcans,  et 
la  présence  de  roches  éruptives  plus  anciennes,  montrent  seule- 
ment que  toute  l'île  a  formé  dès  le  Crétacé  une  bande  de  moindre 
résistance,  sur  laquelle  les  mouvements  tertiaires  ont  pu  se  produire 


186  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0LOGIQUE 

en  toute  liberté  et  laisser  comme  souvenir  les  tremblements  de  terre 
qui  l'agitent. 

Des  traditions,  dont  le  bien  fondé  n'est  pas  vérifiable,  et  rapportées 
par  Raflles  *,  font  ouvrir  le  détroit  de  la  Sonde,  entre  Java  et  Sumatra, 
par  un  gigantesque  tremblement  de  terre,  qui  aurait  dépassé  de 
beaucoup  en  violence  l'explosion  du  Krakatoa  (27  août  1883), 
paroxysme  volcanique  bien  connu  par  la  disparition  de  l'île  du  même 
nom  et  d'une  partie  de  ses  voisines.  Les  vagues  qui  en  furent  la 
conséquence  désolèrent  les  côtes  opposées  du  détroit;  signalées 
par  les  marégraphes  du  monde  entier,  c'est  qu'elles  firent  effective- 
ment le  tour  du  globe.  Devant  la  grandeur  de  tels  effets  mécaniques, 
l'on  peut  supposer  que  le  fait  traditionnel,  mentionné  par  Baffles, 
n'a  rien  d'impossible. 

La  constitution  géologique  de  Sumatra  est  peut-être  plus  simple 
que  celle  de  Java  ;  en  tout  cas,  elle  apparaît  plus  clairement,  les 
produits  volcaniques  l'ayant  moins  complètement  submergée. 
Tous  ses  éléments  sont  alignés  N.  W.-S.  £.,  comme  le  talus  de 
l'Océan  Indien  sur  lequel  est  implantée  directement  une  longue 
chaîne  d'îles  morcelées,  de  Simaloe  à  Engano,  îles  principalement 
formées  de  Miocène.  Le  littoral  même  de  l'ouest  de  Sumatra  est 
constitué  de  produits  éruptifs  et  détritiques  tertiaires,  tandis  que  plus 
à  l'Est,  et  toujours  suivant  la  même  direction,  s'allonge  la  traînée 
des  volcans  actuels,  actifs  ou  éteints,  qui  ont  surgi  sur  le  flanc 
abrupt,  continuant  le  talus  sous-marin  de  la  grande  chaîne  longi- 
tudinale de  l'île.  Celle-ci  est  formée  d'Archéen.  Le  versant  opposé, 
large  et  plat,  fait  contraste  avec  celui  de  l'Océan  Indien,  étroit  et 
raide.  L'ossature  principale  de  Sumatra  a  été,  dès  les  temps  les  plus 
reculés,  une  bande  mobile,  soumise  à  des  mouvements  considérables, 
qui  se  sont  perpétués  jusqu'à  la  fin  des  temps  tertiaires,  et  donnent 
raison  de  ses  séismes. 

Les  tremblements  de  terre  ébranlent  Sumatra  presque  exclusif 
vement  sur  son  versant  océanique,  confirmant  ainsi  pleinement 
les  lois  de  relation  entre  le  relief  et  la  séismicité.  Beaucoup  d'entre 
eux  ne  font  que  mordre  sur  le  littoral,  de  sorte  que  leur  origine 
doit  être  cherchée  dans  le  bras  de  mer  qui  le  sépare  de  la  chaîne  des 
îles  occidentales,  dont  quelques-unes,  comme  Poelo  Nias,  ne  le 
cèdent  en  rien  à  la  grande  terre  comme  instabilité.  Il  faut  provisoire- 
ment supposer  que,  les  colons  hollandais  y  étant  beaucoup  moins 
nombreux  que  dans  les  autres  îles  de  la  chaîne,  l'absence  de  séismes 

•  The  Hislory  of  Java  (ï,  25.  H,  232.  London,  1817). 


Fig.  24.  —  Sumatra. 


188  GÉOGRAPHIE  6ÉISM0L0GIQUE 

mentionnés  pour  elles  n'est  qu'apparente,  et  qu'elles  sont  tout  aussi 
instables  que  la  précédente  ;  elles  seraient  actuellement  à  l'abri  de 
l'observation,  mais  non  des  tremblements  de  terre.  Le  talus  d'effon- 
drement de  rOcéan  Indien  à  l'extérieur  de  ces  îles  représente-t-il  une 
fracture  restée  mobile?  La  question  est  difficile  à  résoudre  par  Taffir- 
mative,  malgré  la  grande  probabilité  de  cette  solution,  car  on  ignore 
si  les  tremblements  de  terre  à  épicentres  sous-marins  ne  font  que 
mordre  la  ligne  des  îles,  auquel  cas  ils  émaneraient  de  l'isobatbe  de 
4  000  mètres,  c'est-à-dire  de  la  lèvre  même  de  l'accident.  On  notera 
cependant,  en  faveur  de  cette  suggestion,  que  des  vagues  séismiques 
s'observent  de  Poelo  Nias  à  Poelo  Bras  à  la  pointe  d'Atchin,  contrai- 
rement à  ce  qui  a  été  dit  de  Java.  Les  circonstances  ne  sont  donc  pas 
identiques. 

Le  tremblement  de  terre  de  la  nuit  du  5  au  6  janvier  1843  a  été 
suivi  de  vagues  séismiques  désastreuses  à  Poelo  Nias.  D'après  la 
relation  qu'en  donne  Kluge*,  l'axe  de  son  aire  pléistoséiste  était 
dirigé  perpendiculairement  à  la  côte  extérieure  de  Sumatra,  et  le 
temps  assez  considérable  qui  s'est  écoulé  entre  le  séisme  et  Firrup- 
tion  de  la  mer  montre  que  l'épicentre  était  situé  au  large  de  la  chaîne 
des  îles,  c'est-à-dire  au  voisinage  du  pied  du  talus  sous-marin. 
Ainsi  l'accident  pourrait  avoir  joué  à  cette  occasion,  ainsi  que  d'autres 
fois,  en  un  de  ses  points  où  les  mêmes  phénomènes  ont  eu  lieu. 

Toute  la  côte  est  instable  depuis  Atchin,  ou  Atjeh,  jusqu'au 
détroit  de  la  Sonde,  mais  sans  dépasser  beaucoup  la  crête  longitu- 
dinale. La  lacune  des  observations  au  nord  de  Singkel  ne  résulte 
bien  certainement  que  de  ce  que  cette  partie  n'est  pour  ainsi  dire 
pas  encore  conquise;  à  tel  point  que  les  informations  séismiques 
suivent,  dans  la  publication  mentionnée  de  Batavia,  les  fluctua- 
tions des  campagnes  de  l'armée  hollandaise  contre  les  farouches 
sultans  du  Nord.  Si  l'on  compulse  ces  catalogues  annuels,  on  voit 
que,  jusque  vers  1872,  les  secousses  ébranlent  surtout  la  côte  de 
Tapanoeli  et  de  Padang,  tandis  que  depuis  ce  sont  celles  de  Beng- 
koelen  et  de  Lampong  pour  lesquelles,  de  beaucoup,  on  en  enregistre 
le  plus.  Il  y  a  là  une  anomalie  difficilement  explicable.  Ce  serait  avec 
la  plus  grande  réserve  qu'on  pourrait  y  voir  un  phénomène  naturel, 
àsavoir  le  brusque  transport  de  la  séismicité  d'une  région  à  une  autre 
voisine,  phénomène  dont  il  n'existerait  d'analogue  nulle  part  ailleurs. 
Il  vaut  mieux,  tout  au  moins  provisoirement,  supposer  un  changement 

*  Veber  Syncftronismus  und  AntagonUmtu  von  vulkanischen  Eruptionen  und  die 
Beziehungen  derselben  zu  den  Sonnen  flecken  und  erdmagneiischen  Variationen,  p.  4* 
(Leipzig,  4863). 


ILES  DE  LA  SONDE  ET  DU  GOLFE  DU  BENGALE  189 

dans  la  répartition  des  correspondants  de  la  société  de  Batavia, 
ce  qui  pourrait  provenir  de  changements  dans  les  parties  les  plus 
colonisées  ou  exploitées  par  l'élément  hollandais  et  européen; 

Le  tremblement  de  terre  du  i7  mai  1892  paraît,  d'après  les 
mesures  géodésiques  de  Muller  S  avoir  causé  de  très  légères  varia- 
lions^  par  déplacements  de  masses,  dans  le  réseau  trigonométrique 
de  la  province  de  Tapanoeli. 

Le  versant  océanique  ne  présente  point  partout  une  pente  régu- 
lière ;  il  est  accidenté  longitudinalement  par  une  série  de  dépres- 
sions de  même  direction,  lacustres  ou  fluviales,  parallèles  à  la 
côte,  —  lac  Toba,  Mandheeling,  hautes  terres  de  Padang,  lac 
Singkarak,  ou  Laoet  Soemper,  —  où  parfois  pénètrent,  au  travers 
de  la  chaîne  archéenne  et  primaire,  les  cours  supérieurs  des  fleuves 
du  long  versant  opposé.  Ces  territoires  forment  ainsi,  en  quelque 
sorte,  un  synclinal  secondaire,  souvent  interrompu  et  morcelé,  et 
sont  aussi  instables  que  le  littoral  lui-même. 

On  sait  peu  de  chose  sur  le  versant  oriental  de  la  chaîne  des 
Barisan  ;  les  régions  instables  de  la  côte  de  l'Océan  Indien  débordent 
l'ossature  montagneuse  au  moins  dans  le  Tebing  Tinggi  et  le 
Ranau.  Des  études  géologiques  récentes  ont  été  faites  dans  l'Ulu- 
Rawas,  entre  les  fleuves  Batang-Rawas  et  Batang-Rupit,  sur  le 
parallèle  de  Bengkoelen,  et  l'on  en  peut  déduire  les  causes  d'insta- 
bihté,  qui  très  probablement  peuvent  s'étendre  à  tout  le  versant*. 
Contre  l'ossature  primaire  s'appuient  de  TOuest  à  l'Est  un  substratum 
de  couches  de  la  «  formation  malaise  »  (Précambrien),  de  l'Éocène 
et  du  Néogène,  celui-ci  beaucoup  plus  développé  ;  ces  couches  ter- 
tiaires sont  affectées  de  plis  très  plats  ;  enfln  deux  dislocations  impor- 
tantes, dont  l'une  se  dirige  vers  le  foyer  d'ébranlement  de  Tandjong 
Agoeng,  découpent  un  massif  affaissé  et  ont  facilité  la  sortie  des 
andésites  et  autres  produits  éruptifs  tertiaires.  Il  y  a  donc  un  ensemble 
de  conditions  tectoniques  amplement  suffisant  pour  justifier  les 
quelques  séismes  du  flanc  oriental  de  la  chaîne  des  Barisan,  au 
moins  là  où  on  les  a  signalés. 

La  grande  plaine  de  l'Est  parait  à  peu  près  indemne  de  tremble- 
ments de  terre  ;  cette  stabilité  résulte  de  ce  que  les  mouvements 

*  Nota  betreffende  de  Terplaatsing  van  eenige  triangulatie-Pilaren  in  do  Residentie 
Tapanoeli  ten  gevolge  van  de  aardbeving  van  17  v.  1892  {Nai.  Tijdschr,  voor  Ned. 
hdiè.  Dl.  LIV.  Derde  afiev.  298, 1895). 

'  L.  Uilch.  Beiir&ge  zur  Pétrographie  der  Landschaft  Ula  Rawas,  Sûd-Sumatra  {N. 
Jahrb.  f.  Min,  GeoL  u.  Pal,  XVIII,  409.  Stuttgart,  1904). 

W.  Volz.  Zur  Géologie  von  Sumatra.  Beobachtungen  und  Studien  [Anhang  1  in 
Gtol,  u.  Pal.  Abhandl.,  kerausgegeb.  van  E.  Koken.  N.  P.  VI.  Heft  2.  Jena,  1904). 


190  GÉOGRAPHIE    8ËISMOL0GIQUE 

tertiaires  n'ont  pas  atteint  cette  ancienne  plateforme,  seulement 
recouverte  par  les  débris  alluvionnaires  de  la  chaîne,  et  cette  consti- 
tution reste  la  même  pour  les  tles  de  Bangka,  Billiton  et  Riouw,  dont 
le  Bubstratum  archéen  n'est  séparé  de  la  grande  île  de  Sumatra  q«» 
par  des  canaux  sans  profondeur,  à  moitié  colmatés  par  les  apports 
fluviaux.  Quelques  rares  secousses  agitent  ces  terres,  formant  avec 
la  presqu'île  de  Malacca  une  région  à  peine  pénéséismique.  Elles 
n'appartiennent  d'ailleurs  pas  en  propre  au  géosynclinal  méditerra- 
néen, mais  bien  plutôt  au  continent  sino-sibérien,  non  plissé  à 
l'époque  tertiaire,  et  seulement  démembré  dans  sa  partie  méridio* 
nale  par  des  cassures  peu  profondes  qui  en  ont  séparé  ces  îles,  géo- 
graphiquement  seulement. 

2.  —  Malacca  et  lies  Andaman  et  Nicobar. 

L'isthme  de  Kra  est  archéen,  tandis  que  le  Sud  de  la  presqu'île  de 
Malacca  est  constitué  par  des  granités,  des  schistes  archéens  et  des 
terrains  primaires.  Les  chaînes  anciennes  et  parallèles,  embrassant 
l'île  de  Poeloe-Pinang,  déterminent  l'élargissement  de  la  péninsule. 
On  ne  doit  donc  pas  s'attendre  à  une  grande  instabilité,  et  c'est  bien 
ce  qui  semble  résulter  de  pauvres  observations  faites  de  temps  à 
autre  à  Malacca,  Singapore  et  Poeloe-Pinang.  On  peut  se  demander 
si  cette  longue  bande  de  terres  fait  vraiment  partie  du  géosynclinal 
secondaire,  quoique  Haug  Vy  ait  englobée.  En  tout  cas,  les  mouve- 
ments tertiaires  paraissent  avoir  respecté  la  longue  péninsule. 

Les  îles  Nicobar,  Andaman,  Cocos  et  Préparis  forment  un  arc 
réunissant  TArracan  à  Sumatra  ;  elles  reposent  sur  un  étroit  et  long 
seuil,  qui  nulle  part  ne  descend  à  plus  de  200  mètres  au-dessous  du 
plan  d'eau,  et  qui  est  bordé  de  chaque  côté  par  des  profondeurs  de 
2  000  mètres  et  plus  dans  les  golfes  de  Martaban  et  du  Bengale. 
La  ligne  volcanique  du  bas  Iraouaddy  l'accompagne  par  les  éventa 
éruptifs  de  Narcondam  et  de  Barren  Island.  Ces  caractères  ne  font 
pas  prévoir  une  grande  séismicité,  puisque  les  actions  récentes  se 
restreignent  à  l'affaissement  de  TOcéan  Indien,  sans  plissements  ni 
surrections  importantes.  Et  en  effet,  s'il  ne  s'y  est  pas  fait  d'observa- 
tions suivies,  on  sait  cependant  qu'en  1847  un  grand  tremblement 
de  terre,  avec  de  nombreux  chocs  consécutifs,  s'est  fait  sentir  dans 
les  Nicobar  et  avait  son  origine  non  loin  de  l'îlot  de  Kendoel  ;  mais 
rien  de  semblable  ne  s'est  reproduit  depuis.  Ce  dernier  archipel 
passait  pour  instable  depuis  que  Suess  avait  rapporté  une  informa* 


ILES  DE  LA  SONDE  ET  DU  GOLFE  DU  BENGALE       191 

tion  de  W.  Porter,  d'après  laquelle  les  indigènes  de  ces  îles  adoraient 
deux  seules  divinités,  Ëranchangala  et  Juruwinda,  présidant  respec- 
tiveoient  aux  tremblements  de  terre  et  aux  typhons  ;  mais 
R.  D.  Oldham  a  bien  voulu  nous  écrire  que  cette  affirmation  était 
erronée.  Ainsi  tombe  l'argument  en  faveur  de  l'instabilité.  Les 
Nicobar  appartiennent  à  une  zone  d'affaissement  et  les  Andaman  à 
une  zone  d'exhaussement  ;  ces  deux  mouvements  de  sens  contraires 
équivalent  à  un  basculement  du  socle,  et  jouent  peut-être  un  rôle 
séismogénique  limité  aux  quelques  secousses  observées. 


CHAPITRE  XII 

HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES 

1.  — Arraean,  Birmanie,  Tibet  méridional  et  Tun-Nan. 

Cette  région,  au  moins  dans  sa  partie  la  mieux  connue^  Arraean, 
bassin  inférieur  de  Tlraouaddy  et  versant  droit  de  la  vallée  du  Sit- 
taung,  appartient  presque  entièrement  aux  formations  tertiaires, 
tandis  que  TArchéen  apparaît  au  delà  de  ce  dernier  fleuve  et  autour 
de  Mandalay.  Les  plis  de  cette  époque  sont  très  étendus  et  couvrent 
la  plus  grande  partie  des  monts  Patkoï,  dont  les  plus  anciennes 
roches  sont  crétacées.  L'énergie  du  plissement  se  manifeste  en  outre 
par  des  dislocations  proportionnées,  et  Tune  d'elles,  à  la  lisière  de 
la  haute  vallée  de  Tlraouaddy,  montre  une  longue  traînée  de  serpen- 
tine. Cette  structure  s'étend  au  Tibet  méridional  et  au  Yun-Nan. 
Aussi  les  tremblements  de  terre  sont-ils  fréquents  et  redoutables  dans 
tous  ces  pays.  Malheureusement,  les  informations  séismiques  sont 
encore  bien  insuffisantes  dans  le  détail,  et  il  n'a  jamais  été  fait 
d'observations  systématiques. 

Manipur  est  certainement  un  important  foyer  d'ébranlement; 
mais  les  détails  manquent.  Les  chaînes  plissées  de  Patkoï  sont 
suivies  des  Lushaï  Hills,  dont  on  ne  connaît  qu'un  séisme  à  Fort- 
Aijal,  renseignement  insuffisant  pour  établir  une  instabilité,  probable 
cependant  par  suite  du  plissement.  Toute  la  vallée  de  Tlraouaddy 
est  de  haute  séismicité;  à  Bhamo  les  habitants  considèrent  les 
secousses  du  sol  comme  un  phénomène  normal,  et  les  villes  d'Ava  et 
d'Amarapoura  ont  été  plusieurs  fois  dévastées.  De  Bhamo  à  Ava, 
le  fleuve  coule  dans  une  vallée  de  plissement  et  l'on  y  a  peut-être 
affaire  à  des  séismes  de  ce  genre  d'action,  tandis  que  plus  au  Sud 
jusqu*à  Rangoon,  il  faut  tenir  compte  d'autres  phénomènes  :  une  faille 
des  formations  tertiaires  suit  le  flanc  oriental  de  l' Arraean  Yoma,et 
se  manifeste  par  de  nombreuses  sources  salines  et  les  importants 
gisements  pétrolifères  de  Yenangyaung  ;  les  plissements  du  côté  du 


HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES 


193 


Sittaung,  beaucoup  plus  énergi- 
ques que  ceux  de  TArracan 
Yoma  ;  enfin  la  ligne  volcanique 
de  moindre  résistance,  et  d'époque 
miocène,  jalonnée  par  les  volcans 
éteints  de  Popa-Doung,  au  S.  E. 
de  Pagan  et  du  Chouk-Talon  dans 
la  vallée  du  Basseïn,  la  branche 
occidentale  du  bas  Iraouaddy. 
Cette  dernière  ligne  se  prolonge 
évidemment  par  Narcondam  et 
Barren  Island,  c'est-à-dire  par  le 
seuil  immergé  de  jonction  avec 
Sumatra,  tandis  que  la  grande 
vallée  birmane  se  continue  par 
les  profondeurs  du  golfe  de  Mar- 
taban. 

On  voit  souvent  les  mouve- 
ments tertiaires  succéder  à  d'au- 
tres plus  anciens,  de  sorte  que 
les  tremblements  de  terre  actuels 
ne  font  probablement  que  conti- 
nuer aux  mêmes  lieux  ceux  des 
époques  antérieures.  Tel  doit  être 
le  cas  de  la  Birmanie,  où  la  dis- 
cordance du  Westphalien  sur  les 
terrains  plus  anciens  montre  que 
les  plis  tertiaires  se  sont  super- 
posés aux  plis  hercyniens  au  sein 
du  même  géosynclinal. 

La  chaîne  plissée  de  TArracan 
court  le  long  de  la  côte  du  golfe 
du  Bengale  et  atteint  le  cap  Ne- 
grais,  avec  une  dépression  à  hau- 
teur de  Sandoway.  L'instabilité 
semble  restreinte  à  sa  partie 
Nord,  autour  de  la  Montagne 
Bleue,  ou  Kausa-Tong,  et  sur- 
tout aux  environs  de  Chittagong, 
ou  Islamabad.  Une  fois  de  plus  le 
plissement  paraît  bien  ici  jouer  un 

Di  MoiiTBWQt.  —  Tremblements  de  lene. 


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Pig.  25.  —  Birmanie  et  Iles  du  golfe 
da  Bengale. 

rôle  séismogénique,  compliqué  de 

13 


194  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

mouvements  d'exhaussement.  La  côte  se  serait  élevée  sur  100  milles 
de  long  au  grand  tremblement  de  terre  du  2  avril  1762.  Au  con- 
traire, dans  la  partie  méridionale»  les  séismes  disparaissent  presque 
complètement  et  font  place  aux  éruptions  boueuses  et  aux  sources 
de  pétrole  qui  les  accompagnent  et  les  avoisinent. 

Entre  le  coude  du  Brahmapoutre  à  Sadiya  et  celui  du  fleuve 
Bleu,  ou  Yang-Tsé-Kiang,  s'étend  vers  le  Tibet  oriental  et  le  Yun- 
Nan  une  vaste  région,  où  quatre  fleuves  rapprochés  coulent  parallè- 
lement du  Nord  au  Sud,  attestant  ainsi  que  leurs  vallées  sont  de 
grands  synclinaux  ;  ces  plis  ont  été  produits  par  une  énergique  poussée, 
arrêtée  àTEst  par  la  masse  du  Tsing-Ling  dans  le  pays  des  Sifans  et 
des  Lolos.  Ces  plis  divergent  en  éventail  lorsqu'ils  arrivent  au  Yun- 
Nan,  et  tout  porte  à  croire  que  ces  mouvements  sont  contemporains 
de  la  surrection  de  la  chaîne  himalayenne,  c'^est-à-dire  fort  récents. 
Aussi  ne  s'étonnera-t-on  pas  que  cette  région  soit  le  siège  de  vifs 
tremblements  de  terre;  Ba-Thang  a  été  dévastée  en  1870.  Les  séismes 
régnent  vers  l'Est  jusqu'à  Moulmeïn,  Ta-Li-Fou  et  Yun-Nan-Fou, 
accompagnant  ainsi  les  plis  divergents,  qui  paraissent  bien  en  être  la 
cause  première.  D'ailleurs  un  important  géosynclinal  a  occupé  le 
Yun-Nan  pendant  toute  l'ère  primaire,  sinon  môme  l'ère  secondaire, 
ainsi  qu'en  témoignent  les  fossiles  rapportés  par  Lantenois  de  son 
exploration  de  1903*.  Le  Tertiaire  y  est  localisé  dans  des  cuvettes 
lacustres  attribuables  à  des  effondrements,  et  le  niveau  des  lacs  ne  s'y 
est  abaissé  qu'au  commencement  du  Quaternaire.  On  a  ainsi  des  cir- 
constances séismogéniques  probablement  analogues  à  celles  de  la 
péninsule  des  Balkans. 

2.  —  Assam. 

C'est  par  l'Assam  que  commencent  les  territoires  qu'ont,  dans 
l'Inde  proprement  dite,  affectés  les  mouvements  tertiaires,  et  dont 
les  tremblements  de  terre  ont  été  l'objet  du  catalogue  de  T.  Oldham, 
déjà  mentionné  au  sujet  de  l'Hindoustan.  Pour  le  bassin  du  Braluna- 
poutre,  on  a  en  outre  les  observations  recueillies  de  1839  à  1843  par 
le  capitaine  Hannay  %  de  1874  à  1880  par  le  colonel  Keating',  et  les 

*  H.  Mansuy.  ExanMO  des  fossiles  rapportés  de  Yun-Nan  par  la  mission  Lantenois 
(C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  GXL,  692,  1905). 

'  Mémorandum  of  Ëarthquakes  and  other  remarquable  occurences  in  Upper  Âssana* 
from  January  1839  to  September  1843  {Journ.  of  the  Aaiatic  Soc.  of  Bengal,  XII,  n*  1^2, 
907,  1843). 

'  The  Joum:  of  Ihe  Asiatic  Society  of  Bengal,  XL VI.  Part  U,  294.  L.  4.  62. 


HIMALAYA  ET  DEPENDANCES 


195 


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IM  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

mémoires  de  R.  D.  Oldham  ^  relatifs  au  grand  tremblement  de  terre 
du  12  juin  1897  et  à  ses  innombrables  secousses  consécutives.  La 
répartition  de  l'instabilité  dans  TAssam  est  ainsi  fort  bien  connue.  Une 
station  séismographique  est  installée  depuis  longtemps  à  Shillong. 

L'Assam  est  un  plateau  montagneux  de  roches  cristallines  et  gra- 
nitiqueSy  grossièrement  allongé  de  TOuest  à  TEst  sur  400  kilomètres 
de  long  et  descendant  vers  le  Nord  en  pentes  douces  sur  le  Brah- 
mapoutre en  amont  de  son  coude  de  Dhubri,  c'est-à-dire  de  son 
entrée  dans  les  plaines  du  Bengale.  Le  versant  méridional,  beaucoup 
plus  raide,  est  au  contraire  formé  par  des  couches  crétacées  et  ter- 
tiaires plissées,  qui  plongent  brusquement  sur  la  plaine  alluviale  des 
Sylhet  Streams,le  long  d'une  immense  faille,  ou  flexure,  dirigée  W.  E. 
Ensuite  cette  dislocation  court  au  N.  E.  et  longe  le  flanc  N.  W.  de  la 
vallée  de  la  Damsiri  jusque  près  de  Golaghat  par  les  Mikir  et 
Naga  Hills.  Les  couches  crétacées  et  tertiaires  s'amincissent  natu- 
rellement vers  le  Nord,  car  elles  se  sont  déposées  le  long  d'un  rivage 
peu  incliné  de  la  mer  méridionale,  s'arrètant  là  contre  le  plateau,  et 
les  secondes  reparaissent  de  nouveau  de  l'autre  côté  des  Sylhet 
Streams.  Ainsi,  elles  ont  été  violemment  abaissées  par  une  flexure 
résultant  d'un  énergique  plissement,  constituant  un  synclinal  à 
moitié  comblé  par  les  alluvions.  Les  Garo,  Khasi  et  Jaintia  Hills, 
ou  l'Assam  proprement  dit,  forment  une  pénéplaine  archéenne 
dénudée  avant  le  creusement  des  vallées  inférieures,  car  ces  der- 
nières sont  beaucoup  plus  étroites  et  abruptes  que  leurs  parties 
d'amont,  dont  elles  sont  séparées  par  des  rapides  et  des  cascades. 
Le  plateau  a  donc  subi  un  mouvement  d'élévation  assez  récent,  et 
plus  prononcé  au  Sud  qu'au  Nord,  c'est-à-dire  qu'il  a  basculé  ;  les 
rivières,  faute  du  temps  nécessaire  pour  adoucir  les  profils  trans- 
versaux de  leurs  basses  vallées,  n'ont  fait  encore  que  les  appro- 
fondir au  fur  et  à  mesure  de  l'exhaussement,  sans  avoir  pu  les  élar- 
gir en  même  temps.  Ces  vicissitudes  grandioses  n'ont  pas  été  sans 
de  grandes  dislocations,  et  des  roches  éruptives  ont  surgi  près  de 
Shillong,  tandis  que  la  pénéplaine  était  fendue  par  de  nombreuses 
failles  secondaires.  Les  efforts  de  compression  venant  du  Sud  se 
manifestent  de  ce  même  côté,  par  les  plissements  des  couches  sédi- 
mentaires  crétacées  et  tertiaires. 

Tout  fait  ainsi  prévoir  une  grande  instabilité,  et,  en  effet,  TAssam 

*  Earthquake  of  12^1^  June  1897  (Records  of  the  geoL  Survey  of  India,  XVH,  Part  S. 
1884, 87)  ;  Id.  Report  on  the  great  earthquake  of  it^  June  1897  {Mem,  of  the  geol.  Sur- 
.vey  of  ïndia,  XXIX,  1899)  ;  Id,  List  of  aftershocks  of  the  great  earthquake  of  12(i>  Juoe 
1897  {Id„  XXX,  Part  1, 1900). 


HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES  107 

est  une  des  régions  du  globe  où  les  tremblements  de  terre,  outre  une 
grande  fréquence  habituelle,  atteignent  la  plus  grande  énergie.  Ainsi, 
celui  du  12  juin  1897  est  un  véritable  événement  historique,  de  tout 
point  comparable  à  ceux  de  Lisbonne  en  1755,  du  Japon  en  1891,  et 
d'Antioche  dans  le  haut  moyen  âge.  Le  tremblement  du  Cachar  '  du 
10  janvier  1869,  et  les  nombreuses  secousses  observées  dans  la 
vallée  du  Brahmapoutre  montrent  que  l'instabilité  s'étend  aux  deux 
dépressions  ou  synclinaux  qui,  au  Nord  comme  au  Sud,  bordent  le 
plateau  de  TAssam.  Ce  séisme  de  1897  a  donné  lieu  à  de  très  nom- 
breuses études,  et  R.D.Oldham,  en  raison  de  Timmense  étendue  de  son 
aire  épicentrale,  ou  pléistoséiste,  y  a  vu  un  mouvement  d'ensemble. 
Aux  environs  de  Shillong,  des  observateurs  attentifs  et  dignes  de  foi 
ont  accusé  des  changements  topographiques  importants,  qu'une  revi- 
sion de  la  triangulation  géodésique  n'a  point  infirmés,  au  contraire, 
sans  pourtant  les  laisser  à  l'abri  de  toute  objection.  Lors  de  ce 
grand  tremblement  de  terre,  plusieurs  failles  transversales  se  sont 
produites  sur  le  plateau,  témoignant  ainsi  que  les  efforts  grâce  aux- 
quels la  pénéplaine  doit  sa  situation  actuelle  ne  sont  pas  encore 
complètement  éteints,  et  que  sans  doute  l'instabilité  générale, 
dont  il  est  ici  question,  n*a  pas  d'autre  origine.  Malheureuse- 
ment, les  études  de  détail  sont  encore  insuffisantes  pour  décider 
si  la  répartition  habituelle  des  secousses  atteint  son  maximum  sur 
le  plateau  lui-même  ou  le  long  des  deux  dépressions  du  Brahma- 
poutre et  des  Sylhet  Streams.  Dans  le  premier  cas,  il  nous  semble 
que  le  rôle  séismogénique  principal  appartiendrait  au  mouvement  de 
bascule  et  dans  le  second  au  plissement,  sans  qu'on  puisse  se  fier 
aa  plus  grand  nombre  de  secousses  actuellement  enregistrées  à  Tura 
et  à  Shillong,  villes  importantes  du  massif  qui  peuvent,  au  moins 
dans  une  certaine  mesure,  n'être  que  des  épicentres  apparents  par 
accaparement  de  chocs  venus  d'ailleurs.  Suess  fait  de  l'Assam  une 
dépendance  géologique  de  la  péninsule  hindoue  stable  ;  il  faut  donc 
bien  que  sa  séismicité  ait  une  origine  externe  :  ce  sont,  sans 
aucun  doute,  des  poussées  dues  à  la  surrection  de  l'Himalaya. 

Le  grand  tremblement  de  terre  du  12  juin  1897  a  été  accompagné 
de  la  formation  de  failles  importantes  au  sud  de  Goalpara,  dans  les 
Garo  Hills,  et  au  Sud-Ouest  de  Gowhaty  ;  la  première  présentait  un 
développement  de  5  milles  et  un  rejet  de  2  pieds  seulement.  Sauf 
quelques  petites  cassures  du  centre  des  Garo  Hills,  toutes  se  sont 


'  T.  Oldham.  The  Cachar  earthquake  of  January  10^^  1869  (Mem.  of  the  geoL  Survey 
oflndia,  XIX,  Part  i,  1»82). 


198 


GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 


rencontrées  sur  le  versant  septentrional  de  la  pénéplaine  de  rAssam, 
doucement  inclinée  vers  le  Brahmapoutre. 

Des  séismologues  pensent  que  lors  des  grands  tremblements  de 
terre  suivis  d'un  nombre  considérable  de  chocs  consécutifs^  il  se  mani- 
feste une  tendance  à  une  marche  systématique  de  Tépicentre  dans 
une  direction  déterminée,  comme  si  une  fracture  terrestre  se  prolon- 
geait progressivement   sous   Teifort   des   secousses,  de   la    même 


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Fig.  27.  —  Centre  mensuel  des  moyennes  distances  des  épicentres  des  5  238  chocs 
consécutifs  au  tremblement  de  terre  de  l'Assam  du  i2  juin  1897. 

façon  que  l'on  voit  s'étendre  graduellement  une  cassure  d'une  plaque 
de  verre.  Le  séisme  de  TAssam  nous  a  donné  l'occasion  de  véri- 
fier ces  inductions  ^  Nous  avons  pris  les  épicentres  des  5  238  chocs 
consécutifs  dont  nous  avons  déterminé  approximativement  l'ori- 
gine au  moyen  des  localités  ébranlées  par  chacun  d'eux^  et  nous 
avons  vérifié  par  le  calcul  que  leurs  épicentres  ne  suivent  absolument 
aucune  loi  relative  au  temps,  et  qu'ils  passent  au  hasard  de  lune  à 
l'autre  des  diverses  parties  de  l'immense  région  épicentrale  primi- 
tive. 

De  son  coude  à  Dhubri  jusqu'au  défilé  par  lequel  il  pénètre  dans 

*  Ueber  das  vermeintlich  regelmassige  Forlschreilcn  des  Epicentrums  bei  Erdbebeo 
mit  zahreichen  Nachbeben  (Die  Erdbebenwarte,  II,  1902-1903, 15.  Laibach). 


HIMALATÂ  ET  DÉPENDANCES  199 

rinde,  le  Brahmapoutre  voit  sa  vallée  souvent  ébranlée  par  des 
tremblements  de  terre.  Ceux  du  district  Lakhimpur-Sadiya  sont 
très  certainement  autonomes  ;  quant  à  ceux  d'aval,  Tezpur,  Nowgong, 
Gowhati,  Goalparahet  Dhubri,  pour  ne  citer  que  les  épicentres  appa- 
rents les  plus  instables,  il  est  actuellement  encore  à  peu  près  impos- 
sible de  dire  s'ils  sont  propres  au  synclinal  fluviatile,  s'ils  corres- 
pondent à  une  région  séismique  de  l'Himalaya  oriental,  ou  s'ils  ne 
sont  que  des  séismes  de  TAssam  :  les  deux  dernières  suppositions 
sont  possibles,  mais  ne  peuvent  être  encore  tranchées,  la  pénétration 
anglaise  ayant  peu  débordé  la  vallée,  surtout  au  Nord  versleBhoutan. 


3.  —  Himalaya  et  plaine  indo-gangétique. 

L'Himalaya  est  une  chaîne  récente,  dont  la  surrection  d'origine 
reculée  s'est  continuée   au  moins  jusqu'au  Pliocène.  Elle  résulte 
d'une  compression  S.  N.,  et  le  profil  en  V  de  ses  profondes  et  étroites 
vallées  montre  la  rapidité  du  mouvement  d'élévation  pendant  lequel 
les  torrents  ont  creusé  leurs  lits,  au  fur  et  à  mesure  du  mouvement 
du  fond  et  avant  que  les  parties  supérieures  aient  pu  être  adou- 
cies par  la  dénudation.   Elle  est  plissée   et  disposée   en  gradins 
successifs.  Aux  collines  de  Siwalik,  le  Pliocène  présente  une  puis- 
sance considérable  par  suite  de  la  dégradation  de  la  lèvre  soulevée 
de  la  grande  dislocation  himalayenne.  Ces  hauteurs  correspondent 
à  la    mollasse   alpine,    déposée   dans    un  synclinal  en  avant    du 
plissement   alpin  ;   de  la  même  façon,  elles   forment   maintenant 
un  anticlinal  dont  le  versant  Nord  plonge  vers  la  chaîne  principale. 
En  arrière,  les  dépressions  des  Dun  bordent  les  roches  métamor- 
phiques  de  l'Himalaya,  et  au  delà  l'axe  archéen  se  dresse  ainsi 
qu'un  mur  précédé  de  gigantesques  escaliers.  Au  delà  vers  l'est, 
ces  caractères  disparaissent  à  Darjiling,  qui  est  au  pied  du  massif 
gneissique  oriental.  Les  plissements  présentent  leur  maximum  à 
Rawal  Pindi,  hors  de  l'Himalaya,  là  où  les  calcaires  jurassiques 
horizontaux  reposent  sur  les  couches  nummulitiques,  et  l'énergie  de 
l'effort  S.-N.  se  manifeste  par  les  actions  dynamo-métamorphiques 
qui  ont  modifié  les  traits  de  structure  des  roches.  Tous  ces  grands 
mouvements  ont  occasionné   des  dislocations  de   même  ampleur, 
et  plusieurs  des   savants  du  Geological  Survey  of  India  pensent 
même  que  la  surrection  de  l'Himalaya  n'a  pas  encore  dit  son  der- 
nier mot.  Sans  aller  jusque-là,  il  suffit  que  ce  phénomène  se  soit 
terminé   à  une  date  assez   récente  pour  jouer  un  rôle  séismogé- 


200 


GÉOGRAPHIE  SEISMOLOGIQUE 


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HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES  201 

nique  indéniable,  et  c'est  bien  sur  quoi  tout  le  monde  s'accorde.  En 
outre,  la  grande  faille  des  Siwalik  aurait  encore  été  accentuée  pen- 
dant  le  Pliocène,  observation  d'OIdham  qui  peut  aussi,  dans  une 
certaine  mesure,  expliquer  la  séismicité  du  pied  de  la  chaîne. 

Les  tremblements  de  terre  n'ayant  pas  été  dans  ces  régions 
l'objet  d'études  systématiques,  on  ne  connaît  les  districts  séismiques 
d'une  façon  approximative  que  par  la  répartition  des  ravages 
causés. 

Le  Cachemire  est  sûrement  la  partie  la  plus  exposée  ;  mais  si  la 
structure  géologique  du  pays  ne  donne  pas  encore  clairement  les 
raisons  d'instabilité  dans  le  détail,  par  contre  les  causes  générales 
surabondent.  La  voûte  himalayenne  s'épanouit  devant  le  massif 
du  Karakorum,  de  manière  que  les  cimes  formées  de  terrains 
paléozoîques  et  mésozoïques  dominent  la  dépression  du  Cache- 
mire, dont  l'axe  de  plus  de  iOO  kilomètres  de  long  a  sa  direction  à 
peu  près  S.  E.-N.  W.  Un  ancien  lac  tertiaire,  remplissant  l'énorme 
amphitéâtre,  s'est  à  plusieurs  reprises  vidé  partiellement,  sous  l'effet 
de  violents  mouvements  tectoniques  qui  ont  inscrit  leurs  consé- 
quences par  des  terrasses  alluviales  à  différentes  hauteurs.  Des 
plis  de  grande  amplitude  ont  été  tordus,  charriés  et  écrasés.  Tous 
ces  traits  concordent  avec  le  brusque  changement  de  direction 
de  l'Himalaya,  et  les  dislocations  concomitantes  d'ampleur  propor- 
tionnée rendent  compte  de  la  très  grande  instabilité  séismique  du 
Cachemire,  qui  a  été  souvent  désolé  ^ 

On  est  peu  renseigné  sur  les  tremblements  de  terre  du  haut  Indus. 
Néanmoins  quelques  secousses  signalées  à  Iskardo  et  à  Gilgit 
pourraient  faire  admettre  pour  cette  partie  de  la  chaîne  une  instabi- 
lité que  le  relief  exagéré  du  Moustag-Ata  et  du  Karakorum  expli- 
querait^ comme  conséquence  de  dislocations  proportionnées. 

Une  seule  secousse  connue  au  Tchitral  (1905)  ne  permet  pas  de 
soupçonner  ses  véritables  conditions  séismiques. 

Les  environs  de  Peshawar,  Rawal  Pindi  et  Attock  sont  très  sou- 
vent ébranlés,  sans  qu'on  y  connaisse  de  véritable  catastrophe. 
Cependant  les  anciens  châteaux  forts  des  hauts  sommets,  ou  des 
passes  des  montagnes,  montrent  bien  des  dégâts  qu'il  est  difficile 
d'attribuer  entièrement  aux  effets  du  temps  ou  aux  déprédations  des 
guerres  d'autrefois.  Une  grande  dislocation,  traversée  par  de  nom* 
breuses  failles  moindres,  sépare  le  bassin  tertiaire  de  Rawal  Pindi 
des  formations  plus  anciennes.  On  doit  lui  attribuer  un  rôle  séis- 

'  E.  J.  Jones.  Notes  on  Uie  Kashmir  eartbquake  of  30^^  May  1883  (Records  oflhe  gêoL 
Suney  of  India,  XVHI.  Part  3,  153, 1885). 


202  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

mogénique,  ainsi  qu*au  grand  chevauchement,  déjà  mentionné,  du 
Jurassique  sur  le  Nummulitique. 

Les  renseignements  séismiques  font  encore  défaut  sur  le  Chamba, 
et  c'est  après  en  avoir  étudié  la  géologie  que  le  colonel  Mac-Mahon^ 
pense,  avec  d'autres  géologues,  que  l'Himalaya  subit  encore  un  lent 
mouvement  de  surrection. 

De  Simla  à  Naini-Tal,  le  Sirmour,  le  Garhwal  et  le  Kumaon  sont 
très  fréquemment  secoués  et  si  l'on  y  a  pas  enregistré  de  désastres, 
c'est  probablement  parce  qu'il  n'y  existe  pas  de  villes  pouvant  être 
renversées.  Il  y  a  bien  dans  le  Jaunsar  une  grande  faille,  de  Komain 
à  Mudhaul,  à  laquelle  on  pourrait  être  tenté  de  faire  jouer  un  rôle 
séismogénique,  suggestion  que  nous  avions  énoncée  dans  un  travail' 
sur  les  tremblements  de  terre  de  l'Inde.  Mais  R.  D.  Oldham  a  bien 
voulu  rectifier  cette  hypothèse  dans  une  note  (p.  6)  de  ce  mémoire,  en 
disant  que  cette  dislocation  particulière  ne  peut  avoir  aucune  influence, 
n'ayant  pas  été  le  siège  de  mouvements  récents — objection  à  elle  seule 
d'ailleurs  insuffisante,  à  notre  sens  — ,  et  il  ajoute  qu'à  l'Ouest,  et  non 
loin  de  là,  dans  la  vallée  de  Giri,  une  faille  montre  un  mouvement 
moderne  qui  a  dû  accompagner  un  tremblement  de  terre  sévère, 
peut-être  dans  les  temps  historiques.  Les  secousses  sont  fréquentes 
au  Népal,  et  Katmandou  a  eu  souvent  à  en  souffrir.  Il  y  a  donc  là 
une  région  séismique,  au  sujet  de  l'existence  de  laquelle  on  ne  peut 
encore  invoquer  que  les  causes  générales  d'instabilité  de  la  chaîne 
plissée.  Il  en  est  de  même  du  Sikkim,  où  Darjiling  ressent  en  outre 
des  secousses  de  relai  venant  de  l'Assam,  comme  cela  s'est  produit 
un  assez  grand  nombre  de  fois  pendant  la  période  des  nombreux 
chocs  consécutifs  du  grand  tremblement  de  terre  du  12  juin  1897. 

L'Himalaya  oriental  est,  à  tous  les  points  de  vue,  fort  peu  connu.  Le 
changement  de  structure  de  la  chaîne  empêche  de  faire  aucune  suppo- 
sition sur  sa  séismicité.  Le  Bhoutan  éprouve  certainement  le  contre- 
coup des  secousses  de  l'Assam,  si  toutefois  il  n'en  subit  pas  de  propres. 

Le  Sait  Range  est  le  dernier  district  instable  à  signaler.  C'est  une 
chaîne  en  forme  de  croissant,  à  convexité  tournée  vers  le  S.  S.  E. 
et  qui,  comprimée  entre  l'Himalaya  et  le  Soliman  Range  septen- 
trional, sert  sur  la  rive  gauche  de  l'Indus  de  soubassement  aux 
avant-chaînes  tertiaires.  Cet  anticlinal  rompu  présente  les  accidents 
tectoniques  les  plus  variés   et  les  plus  énergiques,   aflaissements 

*  Some  furthcr  notes  on  Uie  geology  of  Ghamba  (Records  Geol.  Survey  oflndia,  XVIIl. 
Part  2,  79,  188y). 

'  The  seismic  phcnomena  in  Britisli  India,  and  Iheir  connection  with  ils  geology 
(Afem.  Geol.  Survey  of  India,  XXXV,  Part  3,  1904). 


HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES  203 

locaux,  plissements  et  fractures.  Une  importante  dislocation  venant 
du  S.  S.  W.,  s'étend  sur  300  kilomètres  de  long,  traverse  le  Sat- 
ledj  et  atteint  le  JheJam,  après  avoir  passé  près  du  Ghenab;  elle 
est  accompagnée  d'une  autre  plus  courte;  mais  comme  l'instabilité 
ne  dépasse  pas  le  versant  méridional  du  Sait  Range,  c'est  qu'ayant 
définitivement  perdu  toute  mobilité,  elle  ne  joue  plus  aucun  rôle 
séismogénique.  Les  séismes  de  la  chaîne  résultent  donc  seulement 
de  ses  dislocations  intérieures.  Il  est  intéressant  de  noter  qu'aux 
temps  géologiques,  la  plate-forme  hindoue  se  terminait  dans  ces 
parages. 

Dans  le  Bengale,  on  signalera  le  district  pénéséismique  de  Rang- 
pur  et  de  Cooch-Behar ;  dans  ce  dernier  pays,  les  roclies  sont  les  mômes 
que  celles  de  TAssam.  L'avenir  seul  pourra  décider  si  cette  commu- 
nauté de  constitution  s'étend  à  une  instabilité  d'ailleurs  beaucoup 
moindre.  Plus  près  de  la  mer,  les  séismes  ne  sont  point  absolument 
inconnus,  mais  des  causes  bien  définies  d'instabilité  n'apparaissent 
pas  clairement.  Tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  ces  régions  basses 
ont  été  le  siège  de  mouvements  récents,  plus  importants  par  leur 
extension  que  par  leur  amplitude  verticale.  Mais  les  géologues  indiens 
ne  s'accordent  pas  complètement  sur  leur  nature  :  les  uns  pensent 
que  le  bas  Brahmapoutre  aurait  été  dévié  vers  l'Ouest  par  un  exhaus- 
sement de  la  jungle  de  Madupore,  tandis  que  d'autres  croient  qu'un 
affaissement  de  la  vallée  aurait  donné  le  même  résultat,  sans  aucun 
changement  de  niveau  de  la  jungle.  Il  serait  téméraire,  dans  ces  con- 
ditions, de  faire  jouer  un  rôle  séismogénique  à  ces  mouvements 
encore  discutés.  Mais  si  TAssam  et  le  Behar  ne  sont  que  des  frag- 
ments de  l'Hindoustari  démembré,  comme  le  pense  Suess,  et  séparés 
plus  tard  par  le  synclinal  gangétique,  se  dirigeant  vers  le  Sud  dans 
la  direction  de  la  côte  ou  de  la  chaîne  d'Arracan,  le  bas  Bengale 
devient  une  zone  d'effondrement,  par  lequel  l'Assam  aurait  été  isolé  ; 
et,  dès  lors,  il  est  tout  naturel  de  penser  que  de  grandes  dislocations 
doivent  se  cacher  sous  l'énorme  épaisseur  des  alluvions  et  suffire  à 
donner  une  explication  satisfaisante  des  quelques  séismes  en  ques- 
tion ;  d'autant  plus  que  certains  d'entre  eux,  à  épicentres  d'ailleurs 
assez  mal  déterminés,  ont,  comme  celui  du  14  juillet  ^885*,  ébranlé 
des  surfaces  considérables,  dont  l'extension  doit  plutôt  se  justifier  par 
celle  de  l'accident  générateur  que  par  leur  intensité  propre.  Mymen- 
singh  et  Dacca  forment  un  foyer  d'ébranlement,  probablement  plus 

«  M.  A.  Medlicott.  Preliminary  noUce  of  the  Bengal  earthquake  of  July  U^  1885  (fifc. 
XVni,  Part  3,  155,  1895). 
B.  A.  Middlemiss.  Report  on  Ihe  Bengal  earthquake  of  July  U^^  1885  [Id.  199). 


204  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

notable  que  celui  de  Calcutta  et  de  ses  environs,  qui  pourrait  bien 
n'être  qu'apparent.  On  ne  peut  quitter  le  Bengale  sans  signaler  les 
Barrisal-guns,  ces  étranges  bruits  du  delta  dont  l'origine  séismique 
n'est  d'ailleurs  rien  moins  que  certaine. 

La  plaine  gangétique,  en  amont  du  coude  de  Monghyr,  n'est  pas 
sans  être  parfois  ébranlée.  Les  secousses  de  Patna  et  de  ses  envi- 
rons viennent  peut-être  du  Népal.  Mais  ceux  deDelhi,  parfois  sévères, 
sont  sans  aucun  doute  autochtones  :  on  ne  peut  les  attribuer  ni  aux 
plissements  antésiluriens  de  l'Âravali  Range,  qui  sont  d'âge  trop 
reculé,  ni  même  à  la  grande  dislocation,  trop  éloignée  pour  cela, 
qui,  terminant  à  l'Est  le  plateau  des  couches  horizontales  vyndliien- 
nés  de  cette  même  chaîne,  passe  à  quelque  distance  de  la  Chambal 
jusqu'à  la  Jumna,  en  amont  d'Agra.  Resterait  donc  à  invoquer  l'exis- 
tence d'accidents  cachés  sous  l'épais  manteau  alluvial  qui  a  comblé 
l'ancien  pli  concave,  ou  le  synclinal  anté-himalayen,  traversé  tantôt 
plus  au  Nord,  tantôt  plus  au  Sud,  pendant  de  si  longues  périodes  géo- 
logiques, par  le  rivage  méridional  de  la  mer  mésozoïque  intermédiaire 
entre  les  continents  boréal  et  austral,  et  qui  faisait  communiquer  les 
mers  secondaires  de  l'ancien  continent  avec  celles  de  l'Océanie, 
ainsi  qu'en  témoignent  de  nombreux  exemples  d'affinité  entre  les 
fossiles  de  ces  pays  éloignés.  Fort  heureusement,  et  d'une  manière 
très  inattendue,  ces  vagues  suggestions,  déjà  mises  en  avant  pour 
le  bas  Bengale,  trouvent  ici  une  confirmation  dans  les  observations 
pendulaires,  La  chaîne  de  l'Himalaya,  malgré  sa  masse,  est  loin 
d'exercer  sur  la  direction  de  la  verticale  une  perturbation  propor- 
tionnée. Or  en  1902,  Burrard*  a  constaté  que  toutes  les  stations 
situées  au  Sud  d'une  ligne  reliant  Calcutta  au  centre  du  Rajpoutana 
montrent  le  fil  à  plomb  attiré  vers  le  Nord,  tandis  qu'au  Nord  de  cette 
ligne  la  déviation  est  vers  le  Sud.  Il  en  conclut  que  du  12*  au  25* 
parallèle  doivent  exister,  sur  plus  de  1  600  kilomètres,  les  racines 
d'une  ancienne  chaîne,  maintenant  arasée  jusqu'à  ses  fondements, 
remarquable  par  sa  forte  densité  et  parallèle  à  l'arc  himalayen.  Or 
qui  dit  chaîne,  évoque  l'idée  d'intenses  dislocations.  Fussent-elles 
éteintes,  en  raison  de  l'ancienneté  même  de  la  ride  disparue,  il  reste- 
rait que  l'emplacement  de  cette  ride  est  devenu  celui  d'un  grand  syn- 
clinal, au  bord  duquel  s'est  récemment  érigé  l'énorme  Himalaya,  et 
de  telles  vicissitudes  peuvent  manifestement  se  survivre  sous  forme  de 
séismes.  C'est  le  cas  déjà  étudié  dans  la  Russie  méridionale  ',  mais 

*  Burrard.  The  attraction  of  the  Himalaya  {Geogr.  Journ.  1902,  615). 

*  Sur  les  anomalies  de  la  pesanteur  dans  les  régions  instables  non  expliquées  (C.  R. 
Ac,  Se.  Parié,  GXXXVI,  705,  1903). 


HIMALATA  ET  DÉPENDANCES  205 

en  ce  qui  concerne  la  plaine  indo-gangétique,  on  peut  suggérer  une 
explication  plus  simple,  partant  plus  plausible.  En  effet,  la  poussée 
orogénique  qui  a  fait  surgir  THimalaya  venait  du  Sud,  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  les  couches  masquées  sous  les  alluvions  soient 
comprimées,  et  que  la  moindre  rupture  d'équilibre  y  produise  des 
secousses  par  décompression,  et  un  tel  état  n'a  rien  qui  doive 
surprendre  si  Ton  se  réfère  à  l'exemple  déjà  mentionné  des  grès 
de  la  Nouvelle-Angleterre.  Les  séismes  en  question  seraient  dès  lors 
en  relation  indirecte  avec  la  surrection  de  la  chaîne  himalayenne. 

Poussant  plus  à  l'Ouest,  on  rencontre  dans  le  Pendjab  le  foyer 
d'ébranlement  deDerabund,  au  pied  du  Soliman  Range,  et  celui  des 
environs  de  Lahore,  non  loin  du  Sait  Ran^e.  Ces  deux  chaînes  pré- 
sentent des  accidents  tectoniques  assez  importants  pour  qu'on  puisse 
les  rendre  responsables  de  secousses,  qui  n'acquièrent  une  certaine 
gravité  que  pour  le  premier  foyer;  il  est  impossible  de  préciser 
davantage,  les  véritables  épicentres  étant  inconnus,  aussi  bien  pour 
les  séismes  d'autrefois  que  pour  les  désastres  du  commencement 
d'avril  1905,  dont  des  études  à  désirer  de  la  part  du  Geological  Survey 
pourront  éclairer  la  genèse. 

Le  bas  Indus  présente  une  région  séismique  très  remarquable  de 
Jacobabad  à  Karachi  et  Lakhpat.  Le  petit  centre  de  Shahpur 
Shikarpur  et  Jacobabad  s'étend  peut-être  jusqu'à  Kahun,  au  delà 
de  la  chaîne  de  Gatch-Cundawa,  dont  les  dislocations  sont  considé- 
rables. Quant  au  désert  de  Thar  (27"  N.,  69^  E.  Gr.)  dans  le  Sindh 
septentrional,  c'est  à  tort  qu'on  l'a  regardé  comme  instable,  et  il 
faut  abandonner  l'opinion  des  géographes  d'après  lesquels  ses 
curieuses  rangées  de  buttes  sablonneuses  seraient  dues  à  l'action 
de  tremblements  de  terre,  agissant  comme  les  chocs  d'un  archet  sur 
le  bord  d'une  plaque  métallique  chargée  de  sable.  C'est  par  le  bas 
Indus  actuel  que  la  mer  jurassique  a  entamé  le  continent  gondv^a- 
nien  qui,  jusqu'à  cette  époque,  formait,  pense-t-on,  un  tout  jusqu'à 
Madagascar  et  à  l'Afrique  australe.  Aussi  la  présence  d'une  région 
de  moindre  résistance  et  à  tremblements  de  terre  ne  saurait  sur- 
prendre. C'est  ainsi  que  Brahmanabad  a  été  autrefois  renversée  à 
une  époque  inconnue,  et  qu'en  1333  le  grand  voyageur  Ibn-Batou- 
tah  a  vu,  entre  Tatta  et  Karachi,  les  ruines  d'un  grand  port,  Dabil 
ou  Dabal  probablement.  Lakhpat  a  été  le  siège  de  nombreuses 
secousses  en  juin  1845,  et  à  leur  propos  Suess  émet  des  doutes  sur 
un  nouvel  affaissement  séismique  du  delta  de  l'Indus. 

L'événement  séismique  le  plus  célèbre  de  ce  pays  est  le  tremble- 
ment de  terre  qui,  en  juin  1819,  a  élevé  en  travers  du  Rann  de 


206  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Catch  l'AUah-Bund,  ou  digue  de  Dieu,  par-dessus  les  basses  val- 
lées des  rivières  Pourana  et  Narra,  ainsi  séparées  de  la  mer.  Son 
raide  talus,  de  i6  milles  de  long,  se  dresse  comme  un  mur  dominant 
la  plaine  du  Sud.  Sa  hauteur  a  été  diversement  évaluée,  et  les  géo- 
logues ont  longuement  disserté  sur  l'élévation  de  la  lèvre  nord  de  la 
faille  ou  l'abaissement  de  sa  lèvre  sud.  R.  D.  Oldham  ^  a  montré  que 
les  deux  mouvements  ont  réellement  eu  lieu,  et  que  la  somme  totale 
de  leurs  amplitudes  est  de  20  pieds  et  demi.  On  n'a  pas  assez  insisté 
sur  ce  fait  que  les  éjections  d'eau  et  de  boue  venues  d'en  bas,  lors 
du  tremblement  de  terre,  semblent  prouver  le  mouvement  d'affaisse- 
ment. Il  est  inutile  de  s'étendre  plus  longuement  sur  un  phénomène 
dont  la  description  se  trouve  partout,  et  dont  les  causes  relèvent, 
tout  comme  l'instabilité  générale  de  la  région  du  bas  Indus,  de  la  sur- 
vivance des  efforts  de  démantèlement  du  continent  hindou  ou  gond- 
wanien. 

On  ne  peut  considérer  comme  bien  authentique  la  répétition, 
en  juin  1843,  même  sur  une  moindre  échelle,  des  événements 
de  1819  dans  le  delta  de  l'Indus,  qu'a  mentionnée  Nelson  ^. 

Les  tremblements  de  terre  cessent  dans  l'Est  de  la  presqu'île  de 
Kathiawar,  c'est-à-dire  à  la  limite  même  du  géosynclinal. 

4.  —  Afghanistan  et  Béloutchistan. 

La  géologie  de  ces  pays  est  encore  bien  imparfaitement  connue, 
et  les  informations  séismiques  se  réduisent  à  la  relation  succincte 
de  quelques  grands  tremblements  de  terre. 

L'Afghanistan  présente  une  très  importante  série  éruptive  de 
l'époque  secondaire.  Les  roches  porphyriques  percent  les  couches 
jurassiques,  ou  y  sont  intercalées.  Leurs  débris  ont  constitué  la  plus 
grande  partie  des  assises  néocomiennes,  et  le  Crétacé  a  été  métamor- 
phisé  par  des  trapps  et  des  granités  syénitiques  échelonnés  jusqu'à 
ï'Ëocène.  Pendant  de  longues  périodes  géologiques,  au  moins  depuis 
le  Carboniférien,  le  rivage  méridional  de  la  mer  intermédiaire  entre 
les  masses  continentales  du  Nord  et  du  Sud  a  oscillé  au  travers  de 
ce  pays,  en  restant  toujours  à  peu  près  perpendiculaire  à  l'Indus 
actuel.  Enfin  les  chaînes  occidentales  ont  subi,  à  l'époque  tertiaire,  un 

*  Â  note  on  ihe  Âllah-Bund  in  the  northwest  of  the  Bann  of  Kuchh  [Mem.  of  the  geoL 
Survey  of  India,  XXVIII.  Part  1,  27,  1898). 

*  Notice  of  an  eartliquake  and  a  probable  subsidence  of  land  in  the  district  of  Cutch. 
near  the  mouth  of  the  Koree,  western  branch  of  the  Indus,  in  June  1843  {Quart,  Jonm, 
ofthe  Geol.  Soc,  II,  403,  1846). 


HIMALAYA  ET  DÉPENDANCES  207 

violent  plissement,  qui  a  érigé  la  muraille  de  rHindou-Kouch.  Toutes 
ces  vicissitudes  grandioses  se  décèlent  par  Tétat  extrêmement  tour- 
menté de  la  région,  que  les  agents  extérieurs  n'ont  pas  encore  eu 
le  temps  d'effacer,  et  se  manifestent  par  d'imposantes  dislocations, 
dont  le  rôle  séismogénique  n'est  pas  douteux,  quoique  l'état  de  nos 
connaissances  ne  permette  pas  encore  de  préciser  celJes  qui  ont 
donné  lieu  aux  divers  tremblements  de  terre. 

La  mention  d'un  séisme  désastreux  dans  le  Badakchan,  en  jan- 
vier 1832,  doit  faire  supposer  que  cette  grande  vallée  est  instable. 

Les  désastres  séismiques  paraissent  avoir  été  graves  dans  toute  la 
vallée  de  Caboul,  et  les  traditions  locales  en  conservent  le  souvenir. 
Les  ruines  du  tremblement  de  terre  de  1874  s'étendirent  jusqu'à 
Kandahar,  mais  il  est  probable  que  si  cette  ville  est,  ce  que  l'on 
ignore,  instable  pour  son  propre  compte,  les  cbocs  que  l'on  y  ressent 
viennent  de  la  région  de  Quettali,  ou  de  Chaman,  dont  on  va  parler. 
En  1892,  un  violent  tremblement  de  terre,  avec  de  nombreuses 
secousses  consécutives,  a  disloqué  la  voie  ferrée  Khairpur-Kanda- 
har,  qui  passe  par  le  col  de  Bolan,  au  nord  des  monts  Khojak  et  au 
travers  des  monts  Khwaja-Amran.  On  savait  que  les  séismes  ne  sont 
pas  rares  à  Quettah,  et  qu'ils  y  causent  parfois  des  dégâts,  mais  on 
n'y  en  avait  jamais  éprouvé  de  comparable  à  celui-ci,  qui  aurait  été 
certainement  désastreux  dans  une  ville  construite  à  l'européenne. 
On  doit  donc  penser  que  cette  région  est  très  instable.  Après  le 
séisme,  on  s'est  aperçu  que  le  long  d'une  faille  de  20  kilomètres  de 
long,  la  voie  ferrée  avait  été  tordue,  avec  un  déplacement  horizontal 
de  80  centimètres  et  une  dénivellation  de  20   à  30.  Au  premier 
moment,  la  faille  fut  attribuée  au  tremblement  de  terre,  mais  Gries- 
bach  *  a  au  contraire  démontré  que  la  faille  est  ancienne.  Elle  sépare 
les  couches  schisteuses  de  la  chaîne  des  Khojak  d'un  calcaire  terreux 
qui  est  probablement  d'âge  crétacé  supérieur  ou  éocène  inférieur. 
Parsemée  de  sources,  circonstance  fréquente  dan§  les  failles,  elle 
est  remplie  d'une  curieuse  brèche  dont  les  éléments  appartiennent 
aux  deux  terrains  précités.  Ainsi  la  faille  est  une  ancienne  disloca- 
tion, grossièrement  parallèle  aux  flexures  du  Khojak,  et  à  celles  qui 
se  retrouvent  aussi  dans  le  Khwaja-Amran.  Cet  accident  a  donc  rejoué 
en  1892,  et  doit  correspondre  à  une  région  séismique  située  aux  envi- 
rons d'Old  Chaman.  A  la  suite  de  l'événement,  l'ingénieur  Egerton 

*  Notes  on  the  earthqnake  in  B&lttchistàn  on  the  20^1^  Decomber  1892  (Records  Geol. 
Svney  ofindia,  XXVI.  Part  1,  27,  1898). 

Gh.  Davison.  Noie  on  the  Quettah  earthquakeof  Decomber  2Q^  1892  {Geol.  Magaz., 
Décade  UI,  X,  n«  350,  356, 1893). 


208  GÉOGRAPHIE  8ËISM0L0G1QUE 

dut  raccourcir  une  partie  de  voie  de  2  pieds  6  pouces  anglais  (ou 
0™,76)  ;  en  effet,  4  paires  de  rails  de  30  pieds  et  une  de  24  pieds 
furent  remplacées  par  5  paires  de  24  pieds  et  une  de  21.  C'est  de  cette 
quantité  relativement  considérable  que  l'écorce  terrestre  s'est  maté- 
riellement raccourcie  en  cette  localité,  et  c'est  là  une  observation 
extrêmement  intéressante  au  point  de  vue  géologique.  Le  tremble- 
ment de  terre  d'Old  Ghaman  doit  donc  être  considéré  comme  un 


»«--»—.  Fissure,  sur  l  ancùejwe, /calle^ 

Fig.  29.  —  P&ille  d'Old  Chaman  et  distorsion  de  la  voie  ferrée  par  le  tremblement 
de  terre  du  20  décembre  1892. 

séisme  de  compression  ou  d'écrasement,  ce  qui  équivaut  à  un  phéno- 
mène d'affaissement  d'un  voussoir,  comprimé  entre  deux  autres 
restés  fixes.  La  diminution  du  rayon  et  de  la  circonférence  terrestres, 
par  suite  du  refroidissement  séculaire,  n'est-elle  pas  là  surprise  en 
flagrant  délit? 

De  la  côte  méridionale  du  Béloutchistan,  on  ne  connaît  que' trois 
séismes  à  Gwadar,  renseignement  insuffisant  pour  que  l'on  soit  fixé 
sur  son  instabilité.  S'il  y  existe  une  région  séismique,  elle  pourrait 
être  en  relation  avec  de  modernes  mouvements  d'exhaussement, 
décelés  par  la  hauteur  à  laquelle  se  rencontrent  des  sédiments  marins 
post-pléistocënes,  quoique  ces  phénomènes  jouent  rarement  un  rôle 
séismogénique  décidé. 


CHAPITRE  XIII 

L'ASIE  ANTÉRIEURE 

1 .  —  Perse  et  Mésopotamie. 

On  peut  définir  la  Perse  comme  un  grand  plateau  triangulaire 
sans  écoulement,  dont  Témersion  date  du  milieu  de  Tère  tertiaire.  Il 
est  limité  au  Nord  et  au  S.  E.  par  deux  faisceaux  de  plis  formés  sur- 
tout de  terrains  secondaires  et  qui,  divergeant  du  haut  pays  de 
Van  et  d'Ourmiah,  ou  de  TArarat,  courent  respectivement  vers 
l'Afghanistan  et  le  rivage  de  la  mer  d'Oman.  Au  pied  de  ce  dernier, 
le  golfe  Persique  et  la  Mésopotamie  continuent  la  dépression  médi- 
terranéenne jusqu'à  la  basse  vallée  de  TOronte  en  Syrie.  A  défaut 
d'observations  séismiques  suivies,  ces  pays  ont  été  depuis  une  si 
longue  antiquité  le  siège  de  civilisations  successives,  que  la  connais- 
sance des  désastres  éprouvés  suffit  pour  permettre  non  seulement 
de  leur  assigner  une  grande  instabilité  générale,  mais  aussi  de  se 
faire  une  idée  en  somme  assez  précise  de  la  répartition  des  tremble- 
ments de  terre,  que  les  mouvements  de  la  fin  du  Tertiaire  expliquent 
surabondamment. 

Du  Mékran,  quelques  rares  recousses  de  la  côte  sont  d'insuffisants 
renseignements  pour  en  conclure  à  l'existence  d'un  région  d'impor- 
tante instabilité. 

Pénétrant  dans  le  golfe  Persique,  bande  affaissée,  on  rencontre 
des  son  entrée  Ttle  de  Kichm  ou  de  Tavilah,  à  laquelle  le  grand 
tremblement  de  terre  récent  de  juillet  1902  permet  d'assigner  une 
forte  instabilité  probable,  confirmée  encore  par  celui  de  1884.  Les 
désastres  de  Chiraz,  dont  un  au  moins,  celui  de  1865,  avait  son 
foyer  bien  plus  à  l'Est,  à  Mancharageh,  et  les  secousses  fréquentes 
de  Bender-Bouchéïr,  démontrent  que  le  territoire  instable  s'étend 
sur  toute  la  bande  plissée  du  S.  E.  de  la  Perse  et  sur  la  dépression 
qui  la  sépare  des  montagnes  parallèles  du  Kirman  \  mais  dont  on  ne 

*  En  1896,  un  tremblement  de  terre  a  renversé,  entre  autres  monuments,  dans  la  ville 
du  même  nom,  un  tombeau  fameux,  la  Kouba  Sabz,  ou  dôme  vert. 

Dm  Hontemus.  —  Tremblements  de  terre.  44 


210  GÉOGRAPHIE   SÉISMOLOGIQUE 

sait  à  peu  prës  rien.  Ispahan,  Kachan  et  Hamadan   ne  sont  pas  à 
l'abri  de  secousses  très  sévères,  venant  sans  doute  des  nombreuses 


rides  parallèles  situées  entre  la  Mésopotamie  et  le  désert  central  de 
riran,  et  qui  vont  au  sud  du  lac  d'Ourmiah  se  réunir  à  celles  du 


L*A8IE  ANTÉRIEURE  211 

Kourclistan.  Ces  chaînes  parallèles,  où  le  Miocène  est  plissé,  présen- 
tent au  plus  haut  degré  ce  caractère  de  s'être  érigées  par  plissement 
sur  remplacement  même  d'une  ancienne  communication  existant 
depuis  les  temps  paléozoïques  entre  les  mers  de  TEurope,  de  TAsie 
et  de  rinsulinde,  et  qui,  séparant  les  masses  continentales  des  hémi- 
sphères Nord  et  Sud,  a  persisté  au  delà  de  FÉocfene  jusqu'aux  mou- 
vements alpins,  comme  l'a  démontré  Douvillé*  par  l'examen  des 
fossiles  rapportées  par  de  Morgan  de  ses  longues  explorations  archéo- 
logiques en  Perse.  Ainsi  là  le  géosynclinal,  ou  la  Téthys  de  Suess, 
n'a  subi  d'interruption  dans  son  rôle  de  lit  à  une  active  sédimenta- 
tion qu'au  commencement  du  Crétacé,  dont  les  premières  couches 
sont  certainement  absentes,  tandis  que  celles  du  Trias  peuvent  se 
trouver  quelque  jour.  Il  serait  surprenant  qu'un  aussi  récent  et 
radical  changement  d'état,  après  la  surrection  de  la  fin  du  Tertiaire, 
n'ait  pas  laissé  de  traces  séismiques  à  notre  époque. 

La  Mésopotamie  est  loin  d'ignorer  les  tremblements  de  terre, 
témoin  le  nombre  assez  grand  de  ceux  observés  à  Faou,  Bassorah, 
Bagdad,  Kerkouk  et  Mossoul  ;  mais  y  sont-ils  véritablement  redou- 
tables? C'est  ce  que  ne  laissent  guère  supposer  Tabsence  d'indica- 
tions précises  sur  les  villes  que  les  séismes  auraient  détruites,  et  le 
vague  de  relations  où  les  chroniqueurs  arabes  et  persans  se  conten- 
tent de  dire  que  cette  province  a  été  ravagée.  En  tout  cas,  aucun 
événement  moderne  bien  authentique  n'est  venu  confirmer  ces  ren- 
seignements par  trop  imprécis.  Combien  n'estril  pas  improbable  qu'un 
pays  où  tant  de  civilisations  se  sont  succédé,  depuis  l'aurore  de 
l'histoire,  soit,  sans  qu'on  le  sache  avec  certitude  par  des  documents 
circonstanciés,  exposé  à  des  tremblements  de  terre  destructeurs  !  Il 
est  donc  à  supposer  que  la  Mésopotamie  est  beaucoup  plus  stable  que 
le  flanc  opposé  de  la  bordure  du  plateau  iranien,  c'est-rà-dire  des 
montagnes  de  l'Ardilan,  du  Louristan  et  du  Khousistan. 

La  stabilité  au  moins  relative  de  la  Mésopotamie,  rendue  ainsi  fort 
vraisemblable  puisque  les  historiens  ont  été  jusqu'à  présent  incapables 
de  dire  quelles  villes  y  auraient  été  renversées  par  des  tremblements 
de  terre,  soulève  la  très  intéressante  et  importante  question  du 
déluge  biblique.  Dans  le  fameux  chapitre  par  lequel  débute  La 
Face  de  la  Terre^  Suess  donne  de  ce  grand  événement  une  expli- 
cation qui  ne  saurait  être  passée  sous  silence.  Sa  conclusion  est  la 
suivante  :  «  En  résumé,  l'événement  connu  sous  le  nom  de  déluge 
«  a  eu  lieu  sur  le  bas  Euphrate,  et  a  eu  pour  élément  principal 

'  Les  déconvertei  paléontologiqaes  de  M.  de  Morgan  en  Perse  (C.  A.  Ac,  Se,  Paris. 
GXL,  891, 1903). 


212  GEOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

«  une  inondation  très  étendue  et  très  dévastatrice  de  la  plaine  méso- 
ce  potamienne.  La  cause  essentielle  de  cet  événement  a  été  un  violent 
((  tremblement  de  terre,  qui  s'est  fait  sentir  dans  la  région  du  golfe 
«  Persique  ou  plus  au  Sud  et  qui  a  été  précédé  de  plusieurs 
«  secousses  de  moindre  importance.  Il  est  trës  vraisemblable  que, 
(c  durant  la  période  des  plus  violentes  secousses,  un  cyclone 
((  venant  du  Sud  a  pénétré  dans  le  golfe  Persique.  »  Assurément 
cette  théorie  est  fort  séduisante,  mais  il  faut  bien  reconnaître  qu'à 
s'en  tenir  à  la  constance  avec  laquelle,  depuis  les  temps  historiques, 
les  tremblements  de  terre  affligent  ou  respectent  les  mêmes  pays,  il 
semble  au  moins  risqué  de  les  faire  intervenir  dans  la  basse  Méso- 
potamie, où  jusqu'à  présent  on  n'en  connaît  pas  qui  aient  causé  de 
désastres  authentiques  et  bien  avérés.  Nous  avons  développé  cette 
objection  ailleurs  ^,  et  le  chapitre  de  Suess  est  trop  connu  pour  ne 
pas  résumer  les  considérations  qui  jettent  le  doute  sur  son  explica* 
tion  séismico-cyclonique  du  déluge  de  la  Genèse  et  la  laissent  très 
hypothétique,  malgré  l'autorité  incontestée  qui  s'attache  à  toutes  les 
conceptions  du  savant  géologue  autrichien. 

Au  moins  pour  les  croyants,  le  Déluge  biblique  est  un  événement 
géologique  considérable  dont  l'homme  a  été  le  témoin  oculaire,  car 
si  détaillé  et  circonstancié  en  est  le  récit  qu'il  n'est  guère  admissible, 
même  pour  les  rationalistes,  que  ce  soit  un  mythe  forgé  de  toutes 
pièces  sans  la  base  d'un  fait  physique  parfaitement  réel,  et  pour  eux 
défiguré,  altéré  par  l'effet  du  temps.  Quelle  est  donc  l'argumentation 
de  Suess?  11  admet  tout  d'abord  que  le  récit  de  la  Genèse  est  de 
seconde  main  et  qu'il  faut  se  référer  préférablement  à  celui  tiré  des 
textes  cunéiformes  de  TAssyrie  et  de  la  Chaldée,  l'épopée  d'izdubar, 
exhumée  des  ruines  du  palais  de  Koyoundjik  ;  il  n'y  a  pas  lieu  de 
discuter  ici  ce  côté  de  la  question,  tout  à  fait  hors  du  sujet  de  cet 
ouvrage.  Suess  localise  ensuite  le  déluge  dans  le  pays  où  se  trouvait 
la  ville  de  Shourippak,  port  de  mer  chaldéen,  ce  qui  n'a  rien  d'im- 
possible, puisque  depuis  les  temps  préhistoriques  le  Tigre  et  l'Eu* 
phrate  ont  réuni  leurs  embouchures,  primitivement  séparées,  en 
colmatant  et  comblant  le  fond  du  golfe  Persique,  occupé  maintenant 
par  la  vallée  marécageuse  du  Chott-El-Arab.  Pour  Suess,  et  qu'il 
s'agisse  des  avertissements  donnés  par  Dieu  à  Noé,  ou  de  ceux  de  la 
déesse  Ea  à  Hasis-Adra,  dans  l'un  et  l'autre  récit  ce  sont  des  trem- 
blements de  terre  prémonitoires  du  grand  séisme  à  la  suite  duquel 
les  eaux  du  golfe  ont  envahi  la  dépression  mésopotamienne  et  ainsr 

*  La  théorie  séismico-cyclonique  du  délage  par  Suess  [Revue  des  questions  seienti* 
fiques,  octobre  1902,  Louvain). 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  213 

causé  l'inondation  diluvienne.  Il  pense  que  les  eaiix  souterraines 
dont  parlent  les  deux  récits  ont  été  éjectées  du  sol  par  le  tremble- 
ment de  terre  principal,  et  en  effet  c'est  là  un  phénomène  accompa- 
gnant souvent  les  grandes  secousses  dans  les  pays  au  sol  marécageux 
ou  imbibé  d'eau,  comme  la  Mésopotamie  croate  le  9  novembre  1880, 
les  plaines  du  Brahmapoutre  et  les  Sylhet  Streams  le  12  juin  1897, 
et  le  Cachar  le  10  janvier  1869,  dernier  fait  qui  a  donné  à  T.  Oldham 
Toccasion  d'édifier  de  ces  phénomènes  la  théorie  mécanique  géné- 
ralement acceptée'^  Suess  observe  avec  beaucoup  de  raison  que  ces 
eaux  souterraines  n'ont  pu  se  produire,  ou  plutôt  se  manifester 
qu'avant  l'inondation  par  les  eaux  du  ciel  ou  de  la  mer.  Passant 
sur  le  procédé  discutable  consistant  à  faire  intervenir  des  tremble- 
ments de  terre  à  propos  de  relations  portant  à  un  haut  degré  le 
caractère  de  choses  vues,  et  qui  donnent  par  ailleurs,  sans  les  men- 
tionner, des  détails  moins  frappants,  —  la  seule  question  à  envisager 
ici  est  la  possibilité  d'un  séisme  d'ampleur  suffisante  pour  faire 
jaillir  les  eaux  d'un  sol  marécageux  et  alluvionnaire,  dans  un  pays 
aussi  peu  instable  que  la  Mésopotamie,  puisque  les  montagnes  voi- 
sines, celle  du  Louristan,  n'ont  jusqu'à  présent  fourni  la  mention 
d'aucun  séisme  authentique  vraiment  destructeur,  et  que,  d'autre 
part,  la  région  dangereuse  de  l'entrée  du  golfe  Persique  est  bien 
éloignée.  Or  on  connaît  le  caractère  de  pérennité  dont,  sur  toute  la 
surface  du  globe,  jouissent  les  régions  instables.  Sans  attribuer  à 
cette  objection  plus  de  force  qu'elle  n'en  comporte,  puisqu'après  tout 
il  ne  s'agit  là  que  d'une  question  de  degré,  la  Mésopotamie  étant  au 
moins  pénéséismique,  nous  serions  portés  à  penser  qu'au  simple 
point  de  vue  séismologique  du  moins,  l'explication  de  Suess  rencon- 
trerait infiniment  moins  de  difficultés  en  admettant  la  basse  vallée 
de  rindus  comme  théâtre  du  Déluge.  Là,  en  effet,  sauf  le  cyclone, 
se  sont  produits  en  1819  les  phénomènes  invoqués  :  tremblements 
de  terre  violents,  sortie  des  eaux  souterraines,  et  surtout  inondation 
de  longue  durée,  comme  conséquence  de  la  formation  de  l'Allah 
Bund,  ou  digue  de  Dieu,  en  travers  des  rivières  du  delta.  Ni  un 
raz-de-marée  d'origine  séismique,  ni  un  cyclone  non  plus,  ne  peu- 
vent rendre  compte  de  la  permanence  des  eaux  dans  les  terres  alors 
habitées,  fait  capital  sur  lequel  s'accordent  les  deux  récits  du  Déluge, 
et  c'est  là  une  question  bien  difficile  à  résoudre  dans  l'hypothèse  de 
Suess.  Quant  à  transporter  ainsi  hors  de  la  Mésopotamie  le  théâtre 
de  ce  phénomène,  c'est  là  une  question  qu'on  ne  peut  discuter  ici, 
tout  en  signalant  que  si  les  commentateurs  admettent  très  générale- 
ment qu'il  s'est  produit  dans  les  bassins  du  Tigre  et  de  l'Euphrate, 


214  GEOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

certains,  moins  nombreux  toutefois,  ont  songé  à  ceux  de  Tlndus  et 
même  du  Gange  ;  il  faut  bien  dire  d'ailleurs  qu'aucun  exégète  sérieux 
ne  songe  plus  à  localiser  dans  l'Inde  le  théâtre  du  Déluge  chaldéen, 
ou  hébreu.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  reste  de  ces  considérations  que  la 
répartition  connue  des  tremblements  de  terre  à  la  surface  du  globe  est 
peu  en  faveur  de  la  séduisante  théorie  du  savant  autrichien. 

L'angle  montagneux  d'oii  divergent  en  éventail  les  deux  bandes 
plissées  qui  dominent  et  enserrent  le  plateau  iranien,  c'est-à-dire 
l'Azerbéidjan,  est  d'une  haute  séismicité.  On  y  possède  d'importantes 
séries  d'observations  faites  à  Tabriz,  ville  bien  souvent  ravagée, 
comme  aussi  Minch  etKhoï.  Ce  sont  des  mouvements  très  réeenls  qui 
ont,  dans  les  environs  d'Ourmiah,  porté  à  de  grandes  altitudes  les 
sédiments  du  premier  étage  méditerranéen  déposés  en  discordance 
sur  les  terrains  primaires,  et  rien  n'autorise  à  nier  que  ces  vicissitudes 
puissent  avoir  là  des  conséquences  posthumes  sous  forme  de  trem- 
blements de  terre,  en  même  temps  que  les  plissements  du  Karadagh 
et  les  fractures  qui  ont  donné  lieu  aux  énormes  épanchements  érup- 
tifs  de  toute  la  région. 

Le  Ghilan  et  le  Mazendéran  forment  l'étroite  côte  méridionale  de 
la  Caspienne  sur  le  versant  abrupt  de  l'Ëlbourz,  dont  les  sédiments 
plissés,  depuis  le  Dévonien  jusqu'au  Tertiaire,  dominent  les  profon- 
deurs allant  jusqu'à  700  mètres  de  cette  partie  de  la  mer  intérieure. 
Dans  ses  travaux  nombreux  et  bien  connus  sur  la  géologie  de  ces  pays, 
Abich  considère  la  Caspienne  méridionale  comme  faisant  partie  de 
la  zone  d'affaissement  de  la  basse  Koura,  de  sorte  que  les  tremble- 
ments de  terre  du  flanc  septentrional  de  l'Ëlbourz  depuis  Astrabad 
jusqu'à  Ënzeli,  Astara  et  Lenkoran,  seraient  liés  à  ces  mouvements. 
Astrabad  et  Lenkoran  en  ont  subi  de  graves. 

Le  Khorassan  est  un  pays  dont  les  désastres  sont  nombreux,  et 
dont  la  séismicité  ne  le  cède  guère  à  celle  des  régions  les  plus 
éprouvées.  Ce  pays  est  formé  de  trois  chaînes  plissées  paral- 
lèles; celle  du  Nord,  le  Kopet-Dagh,  le  sépare  du  désert  des  Turk- 
mènes et  va  se  rattacher  au  grand  Balkhan  sur  le  golfe  caspien  de 
Krasnovodsk,  autre  centre  d'ébranlement  signalé  à  l'attention  parle 
grand  tremblement  de  terre  d'Ouzoun-Ada  du  8  au  9  juillet  1895.  Le 
grand  Balkhan  prolonge  le  Kopet-Dagh,  et  aussi  le  Caucase  par  l'in- 
termédiaire d'un  seuil  de  hauts  fonds,  coupant  transversalement  la 
Caspienne  et  se  rattachant  à  la  presqu'île  de  Bakou  de  l'autre  côté 
de  la  mer  intérieure.  Ce  district  instable  peut  donc  être  regardé 
indifféremment  comme  appartenant  aux  foyers  séismiquesdu  Caucase 
ou  du  Khorassan,  ou  plutôt  comme  leur  servant  de  liaison,  et  Aga- 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  215 

ihemnone  ^  a  localisé  en  pleine  mer  l'épicenire  du  tremblement  de 
terre  précédemment  signalé. 

Le  plateau  central  iranien  est  probablement  stable,  en  tant  du 
moins  que  le  manque  d'informations  permet  de  le  soupçonner,  et 
cela  est  fort  plausible  puisqu'il  s'agit  d'un  territoire  qui  n'a  pas  obéi 
aux  plissements  tertiaires  du  Nord  et  du  Sud. 

2.  —  Turkestan,  Dzoïmgarie  et  Kachgarie. 

Les  tremblements  de  terre  de  ces  pays  commencent  à  être  assez 
bien  connus  depuis  le  catalogue  de  Mouchkétov  et  Orlov,  et  la  publi- 
cation du  bulletin  du  comité  séismologique  permanent  de  Saint- 
Pétersbourg. 

Le  géosynclinal  méditerranéen  venant  de  l'Himalaya,  après  avoir 
figuré  en  Perse  une  sorte  de  grand  carrefour,  pousse  vers  l'Est  une 
longue  branche  en  cul-de-sac  recouvrant  le  Turkestan,  la  Dzoungarie 
et  la  Kachgarie,  ainsi  que  leurs  puissantes  montagnes,  Pamir  et 
Tien-Chan.  Il  a  fallu  l'occupation  russe,  dans  le  dernier  tiers  du 
XIX*  siècle,  pour  établir  leur  réputation  de  redoutable  instabilité, 
malgré  le  peu  de  temps  d'observations  scientifiques  dont  on  dispose. 
Toutes  les  grandes  villes  portent  la  trace  de  tremblements  de  terre 
destructeurs. 

L'instabilité  commence,  mais  non  encore  extrême,  dans  la  dépres- 
sion du  Zaïsan-Nor  entre  l'Altaï  au  Nord  et  le  Tarbagataï  au  Sud. 
Kokpektinsk,  Serguiopol  et  Aïagousk  sont  d'importants  foyers  d'ébran- 
lement, mais,  quoique  cela  soit  probable,  on  ne  peut  pas  encore  affir- 
mer que  les  secousses  se  manifestent  autant  sur  le  haut  Irtych  Noir 
qu'à  l'ouest  du  Zaïsan.  Les  explorations  géologiques  de  Mouchkétov 
ont  montré  que  cette  dépression  est  une  fosse  d'afiaissement  comprise 
entre  des  failles,  et  que  ce  mouvement  très  moderne  a  amené  à  la  ver- 
ticalité des  couches  de  lignites  récents,  qui  plongent  sous  les  eaux 
du  lac. 

Il  y  a  tout  lieu  de  penser,  d'après  quelques  observations  qu'une 
région  pénéséismique  doit  occuper  la  dépression  de  Liouk-Tchoun, 
cuvette  effondrée  à  100  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  dans 
le  prolongement  du  Tien-Chan  vers  l'Est.  Cet  accident  a  affecté  les 
terrains  les  plus  récents  de  la  région,  les  dépôts  du  Gobi,  que  l'on 
assimile  au  Permo-Trias  de  l'Angara.  Ces  circonstances  correspondent 
bien  à  une  instabilité  modérée,  encore  hypothétique,  il  est  vrai* 

*  Tremblement  de  terre  de  la  mer  Caspienne  de  la  nuit  da  8  au  9  juillet  1895  (Bull, 
met.  et  sism.  de  VObs.  imp.  de  Conslantinople,  1895,  XXXVUl). 


216 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGÏQUE 


a 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  217 

Au  sud  du  Tarbagatar  se  présente  le  nœud  de  TAla-Tau  dzoungarc, 
près  de  Kopal  et  d'Ourdjar,  ou  de  la  dépression  du  lac  Ala-Koul, 
dont  les  alentours  sont  assez  fréquemment  ébranlés.  Mais  c'est  seu- 
lement avec  la  vallée  de  Tlli,  ou  le  Semiretchié,  que  Ton  arrive 
aux  territoires  de  très  grande  instabilité  où  Viernyi  s'est  fait  con- 
naître par  le  ti'emblement  de  terre  destructeur  de  juin  1887.  L'aire 
épicentrale  s'est  allongée  au  pied  de  la  chaîne  Alexandre,  bord  sep- 
tentrional du  Tien-Chan.  Tokmak,  à  l'ouest  de  Viernyi  est  la  localité 
où  les  chocs  consécutifs  ont  été  le  plus  nombreux.  Ce  versant  tombe 
sur  la  vallée  synclinale  de  l'Ili,  qui  se  perd  dans  le  Balkhach,  mais 
on  ignore  si  la  partie  supérieure  du  bassin  de  cette  grande  rivière, 
au  delà  de  Kouldja,  est  aussi  exposée  aux  séismes.  La  grande  insta- 
bilité du  Tien-Chan  n'est  pas  pour  surprendre.  En  effet,  sa  surrec- 
tion  est  extrêmement  récente  et  a  relevé  les  sédiments  secondaires 
déposés  en  avant  du  Pamir.  Mais  le  plissement  n'a  pu  jouer  qu'un 
rôle  peu  important,  parce  que  la  trop  grande  rigidité  de  roches  très 
anciennes  sous-jacentes  s'y  est  opposé.  Dès  lors,  la  poussée  orogé- 
nique s'estrésolue  en  dislocations  longitudinales,  grossièrement  paral- 
lèles aux  crêtes  successives  de  direction  générale  E.-W.  Les  trem- 
blements de  terre  de  Viernyi  ont  été  mis  parMouchkétov*  en  relation 
avec  les  six  failles  qu'il  a  relevées,  après  la  ruine  de  1887,  sur  le 
très  petit  espace  compris  entre  Viernyi  et  la  profonde  cavité  tecto- 
nique de  rissyk-Koul,  au  delà  de  l'Ala-Tau  transilien.  Il  y  a  tout  lieu 
de  croire  que  cette  remarquable  dépression  est  tout  aussi  instable 
que  le  Semiretchié,  mais  le  manque  de  grands  centres,  et  par  suite 
d'observations,  ne  permet  pas  de  l'affirmer  en  toute  sûreté. 

Si  l'on  pénètre  davantage  dans  le  Tien-Chan,  on  trouve  le  haut 
bassin  du  Syr-Darya  ou  du  Naryn,  dont  quelques  séismes  peuvent 
décider  de  la  séismicité  d'un  district  placé  dans  les  mêmes  condi- 
tions que  le  précédent.  A  sa  sortie  du  défilé  d'Ousoun,  le  fleuve  entre 
dans  le  bassin  duFerghana,  terriblement  éprouvé,  et  où  les  désastres 
d'Och,  Namangan,  Marghelan,  Andidjan  et  Kokan,  ne  faiblissent 
un  peu  que  vers  la  plaine  de  Khodjent,  Tachkent  et  Turkestan. 
Non  loin  de  là,  les  monuments  de  Samarkande  portent  la  trace  mani- 
feste de  tremblements  de  terre  destructeurs,  qui  épargnent  cependant 
Bokhara.  C'est  la  région  du  Tertiaire  plissé.  Sans  entrer  davantage 
dans  le  détail  de  systèmes  de  plis  croisés  qui  n'apprendraient  rien  de 
plus  sur  la  genèse  de  ces  séismes,  il  suffit  de  noter  que  dans  cette 
grande  région  instable  du  Tien-Chan,  la  séismicité  augmente  visible- 

*  Le  tremblement  de  terre  de  Viernyi  du  S8  mai  1887  (Mémoires  du  comité  géoL,  X, 
n*  1, 1890.  en  msse). 


218  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

ment  du  Nord  au  Sud,  c'est-à-dire  qu'elle  est  plus  grande  dans  la 
partie  plissée  que  dans  la  partie  faillée,  quoique  fun  et  l'autre  penre 
d'accidents  soit  tout  aussi  récent,  post-tertiaire,  et  contemporain. 

On  savait  depuis  longtemps  que  Kachgar  ressent  assez  souvent 
des  secousses,  lorsque  la  catastrophe  de  septembre  1902,  et  les 
nombreux  chocs  qui  la  précédèrent  et  la  suivirent,  sont  venus 
apprendre  que  cette  dépression  est,  au  moins  au  pied  du  Pamir  et  du 
Tien-Chan  occidental,  aussi  instable  que  celle  du  Ferghana,  de  l'autre 
côté  de  l'Alaï.  Au  N.  E.  de  Kachgar,  Aksou  a  été  détruite  en  1716, 
et  au  S.  W.  se  trouve  Tach-Kourgane,  où  Sven  Hedin*  arrivait  le 
5  juillet  1896  peu  après  les  ravages  d'un  tremblement  de  terre;  lui- 
même  y  ressentait  80  secousses  jusqu'au  27  du  même  mois.  Il  est  donc 
certsdn  que  tout  le  flanc  méridional  du  Tien-Ghan  est  très  instable  et 
que  ces  conditions  s'étendent  sur  une  partie  au  moins  du  Pamir, 
dernière  conclusion  corroborée  par  les  secousses  assez  fréquemment 
signalées  au  Pamirskii-Post  par  74*  20'  E.  Gr.  et  38*  20'  N.  Le 
Pamir  est  constitué  en  pénéplaine,  divisée  par  de  grandes  ondulations 
de  terrains  triasiques,  primaires  et  archéens,  mais  que  de  nouvelles 
dislocations  ont  porté  à  son  altitude  actuelle,  en  érigeant  le  bourrelet 
qui  domine  de  5000  à  6  000  mètres  le  bassin  plat  du  Tarim.Ily  a  donc 
probabilité  que  l'intérieur  du  massif  est  stable,  et  les  tremblements 
de  terre  de  Tach-Kourgane,  Kachgar  et  Ak-Sou  doivent  être  en  relation 
avec  les  mouvements  de  la  lèvre  soulevée  de  la  cassure  orientale, 
dont  la  date  ne  doit  pas  différer  beaucoup  de  celle  de  la  surrection  du 
Tien-Chan.  Du  reste  du  grand  bassin  du  Tarim,  l'on  ne  sait  rien  au 
point  de  vue  séismique,  mais  tout  porte  à  le  croire  à  l'abri  des 
secousses  du  sol,  puisque,  comme  le  Gobi,  c'est  un  fond  lacustre 
tertiaire  non  dérangé  recouvrant  un  substratum  archéen,  et  si  tou- 
tefois Ton  en  néglige  les  autres  vicissitudes;  mais  il  est  possible  que 
l'avenir  des  observations  fasse  découvrir  l'instabilité  du  flanc  sep- 
tentrional du  Kouen-Loun,  formé  de  terrains  primaires  étages  sur 
la  dépression,  si  sa  surrection  est  récente,  comme  le  pensent 
Obroutchev  et  de  Launay. 

Les  steppes  turkmènes,  Kara-Koum  et  Kyzyl-Koum,  paraissent 
indemnes  de  tremblements  de  terre,  quoiqu'on  ait  pu  observer 
quelques  rares  secousses  dans  la  basse  vallée  de  l'Amou-Darya  et 
dans  les  oasis  de  Khiva  et  d'Ourgentch. 

*  A  trarers  l'Asie  centrale  (Le  Tour  du  Monde,  n»  <iu  10  novembre  1898,  551). 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  219 


3.  —  Caucase. 


Les  nombreux  désastres  séismiques  de  Ghémakha  sont  à  bon  droit 
tristement  célèbres,  et  le  Caucase  avec  ses  dépendances,  jusqu'à 
l'Arménie,  forme  une  région  presque  partout  en  butte  à  des  tremble- 
ments de  terre  toujours  fréquents  et  souvent  destructeurs  sur  de 
grands  espaces.  Les  phénomènes  séismiques  y  sont  assez  bien  connus, 
et  il  se  publie  un  périodique  spécial  à  l'observation  physique  de 
Tiflis. 

Au  nord  de  la  chaîne  du  Caucase,  une  longue  dépression  réunit  la 
Caspienne  à  la  mer  d'Azov.  C'est  le  cours  à  moitié  desséché  du 
Manytch,  reste  d'un  détroit  ponto-caspien  réunissant  les  deux  mers, 
et  que  les  eaux  remplirent  jusqu'à  l'aurore  des  temps  actuels.  Cette 
traînée  d'eaux  saumâtres  forme  la  véritable  séparation  entre  l'Europe 
et  l'Asie.  En  partant  de  là,  on  aborde  le  Caucase  par  une  série  de 
chaînes  parallèles  plissées,  au  nombre  de  quatre  au  moins,  formées  de 
terrains  tertiaires  et  secondaires,  et  dont  le  flanc  méridionalesttoujours 
le  plus  abrupt.  Leur  surrection  est  assez  récente,  puisque  le  Sarmatien 
y  est  relevé  à  plus  de  2  000  mètres  dans  le  Daghestan,  à  l'orient  de 
la  chaîne.  Ces  plis  se  retrouvent  à  Vladikavkas  et  dans  les  pres- 
qu'îles de  Taman  et  de  Kertch.  De  ce  même  côté,  les  couches  juras- 
siques, néocomiennes  et  tertiaires  plongent  en  concordance  ;  au  Sud 
au  contraire,  celles  des  deux  premières  époques  sont  discordantes 
entre  elles,  preuve  d'un  premier  mouvement  orogénique. 

L'axe  de  la  chaîne  du  Caucase  est  archéen  dans  ses  deux  tiers 
occidentaux  à  l'ouest  du  Kazbek,  et  elle  tombe  tout  d'un  coup  par 
des  escaliers  parallèles  sur  les  vallées  du  Rion  et  de  la  Koura.  Cette 
dernière  est  certainement  une  vallée  de  fracture,  déterminée  par  la 
faille  dite  de  Géorgie,  qui  correspond  de  ce  côté  à  un  mouvement  de 
descente,  contre-partie  du  relèvement  des  couches  sarmatiennes  du 
Daghestan.  Les  volcans  Kazbek  et  Elbrouz  se  sont,  par  une  anomalie 
singulière,  dressés  en  pleine  chaîne,  après  la  formation  des  vallées 
qui  ont  été  comblées  par  leurs  produits.  L'axe  archéen  lui-même 
s'est  renversé  vers  le  Sud,  et  la  partie  orientale  de  la  puissante  ride 
s'est  affaissée  sous  la  Caspienne  entre  la  presqu'île  d'Apchéron  et  le 
grand  Balkhan,  ne  laissant  à  sa  place  qu'un  long  seuil  sans  profon- 
deur qui  sépare  cette  mer  en  deux  cavités.  Toutes  les  parties  basses 
des  vallées  de  la  Koura  et  de  l'Araxe  forment  une  aire  d'affaissement, 
s'étendant  selon  toute  apparence  à  toute  la  partie  méridionale  de  la 
Caspienne,  et  qu'Abich  et  Suess  regardent  comme  tendant  à  se  con- 


220 


GÉOGRAPHIE  SÊISMOLOGIQUE 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  221 

iinuer  le  long  de  la  faille  de  Géorgie.  Malgré  son  important  relief,  le 
Caucase  ne  plonge  pas  à  pic  dans  la  mer  Noire,  dont  le  fond  ne  s'ap- 
profondit que  loin  du  littoral.  Au  sud  de  la  Géorgie,  les  terrains 
secondaires  et  éruptifs,  tant  tertiaires  que  modernes,  s'enchevêtrent 
confusément,  ne  permettant  pas  de  délinir  encore  d'une  façon  claire 
les  mouvements  récents  auxquels  on  pourrait  assigner  un  rôle  séis- 
mogénique. 

Passant  maintenant  à  Fétudc  des  tremblements  de  terre  de  ces 
vastes  territoires,  on  voit  d'abord  que  les  presqu'îles  de  Kertcli  et  de 
Taman  sont  stables,  en  dépit  de  leurs  volcans  de  boue  et  de  leurs 
plissements  sarmatiens. 

Le  versant  nord  du  Caucase  est  assez  souvent  ébranlé.  Les  hautes 
vallées  des  principaux  affluents  de  gauche  du  Kouban  ont  donné 
quelques  secousses,  et  l'instabilité  s'accentue  plus  sérieusement 
k  Stavropol  et  à  Piatigorsk.  Ce  dernier  point  est  bien  connu  par 
le  grand  développement  de  l'appareil  hydro-thermal,  et  par  les 
pitons  et  les  dykes  rhyolitiques  de  ses  environs,  indices  de  disloca- 
tions et  de  mouvements  récents,  puisque  les  produits  éruptifs  ont 
percé  les  sédiments  crétacés  et  tertiaires.  Autour  du  remarquable 
coude  que  fait  le  Térek  vers  le  N.  E.  avant  d'atteindre  son  delta,  se 
développe  une  région  séismique  assez  importante,  souvent  secouée, 
mais  où  cependant  les  tremblemeats  de  terre  n'ont  jamais  été  que 
sévères.  Les  épicentres  y  sont  nombreux  et  s'étendent  jusqu'à 
Vedeno,  Groznyie,  Mozdok  et  Vladikavkas. 

Sur  la  côte  Caspienne  au  nord  du  Caucase,  les  ports  de  Derbent  et  de 
Pétrovsk  ont  fourni  un  certain  nombre  d'observations  séismiques,etles. 
épicentres  deviennent  plus  rapprochés  entre  Kouba  et  Bakou.  L'igno- 
rance complète  dans  laquelle  on  se  trouve  relativement  à  la  vraie 
position  des  foyers  d'ébranlement,  empêche  d'assigner  une  influence 
séismogénique  soit  au  mouvement  de  relèvement  des  couches  sarma- 
tiques  à  2  000  mètres  et  plus,  soit  à  l'existence  de  la  fosse  septen* 
trionale  profonde  de  la  Caspienne.  En  1885,  au  N.  W.  de  Derbent, 
un  tremblement  de  terre  aurait  crevassé  et  fait  ébouler  le  mont  Cha- 
tyle,  mais  en  l'absence  de  renseignements  précis  sur  cet  événement, 
il  faut  faire  d'expresses  réserves  sur  l'intensité  des  secousses  au 
Daghestan. 

D'Anapa  à  Soukoum-Kalé,  le  versant  Sud  du  Caucase  est  court  et 
raideet  les  tremblements  de  terre  sont  assez  fréquents.  Sotchi  est  le 
point  pour  lequel  on  a  mentionné  le  plus  de  secousses  sur  ce  littoral. 
La  vallée  supérieure  duRion,  de  Koutaïs  àOrbéli  et  à  Oni,est  encore 
bien  plus  sujette  à  des  ébranlements,  dont  aucun  cependant  n'a  encore 


222  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

jamais  été  désastreux  ;  on  n'en  connaît  que  de  sévères  avec  des  ébau- 
lements  dans  les  montagnes.  Il  y  a  là  une  faille  importante,  dont  il   y 
aura  lieu  de  rechercher  par  des  éludes  de  détail  le  rôle  séismofé 
nique  possible. 

L'instabilité  commence  à  devenir  vraiment  sérieuse  avec  le  ver- 
sant gauche  de  la  Koura.  De  très  nombreuses  observations  séismi— 
ques  ont  été  relatées  à  Tiflis,  grâce  probablement  en  partie  à  sa  qua- 
lité de  ville  ancienne  et  importante,  mais  il  ne  semble  pas  quelle  ait 
jamais  eu  k  souffrir  de  graves  dommages,  et  la  ruine  de  Mtzkhet 
dans  son  voisinage,  en  1283,  doit  èti*e  regardée  comme  ayant  été 
exagérée  par  les  chroniqueurs  arméniens.  Rien  ne  prouve  que  Tiflis 
soit  le  véritable  foyer  d'ébranlement  et  l'accumulation  d'épicentres 
riches  au  Sud  (mont  Somhetske)  et  au  N.  W.  (Douchet,  Kvichet 
etPassanaour),  juste  dans  la  direction  de  Vladikavkas,  autre  centre 
important  situé  du  côté  opposé  de  la  chaîne,  devra  dans  l'avenir  attirer 
l'attention  du  savant  directeur  de  l'Observatoire  physique  de  Tiflis, 
M.  Hlasek  S  de  façon  à  décider  si  cette  sorte  d'alignement  séismique 
apparent  n*a  pas  une  cause  géologique  profonde.  Vers  l'Est,  jusqu'à 
la  Caspienne,  le  versant  méridional  du  Caucase  montre  des  épicen- 
tres  plus  nombreux  et  plus  importants. 

A  l'extrémité  de  la  chaîne,  la  malheureuse  ville  de  Chémakha  ne 
compte  plus  ses  catastrophes.  Ses  tremblements  de  terre  ont  fait 
l'objet  de  recherches  devenues  classiques  d'Abich  *,  dont  les  vues 
ont  été  acceptées  par  Suess  et  d'autres  géologues.  Non  seulement  les 
isoséistes  des  grands  tremblements  de  terre  les  mieux  connus  sont 
allongés  sur  une  ligne  Marazy,  Chémakha,  Baskhal,  parallèle  à  l'axe 
du  Caucase,  au  cours  de  la  Koura  et  aux  failles  géorgiennes,  mais 
encore  leurs  épicentres,  variables  sur  cette  ligne,  n'en  sont  d'ailleurs 
jamais  éloignés  ainsi  qu'on  peut  le  constater  sur  la  carte  annexée 
par  Weber'  à  son  étude  du  désastre  du  31  janvier  1902.  Ce  fait  met 
nettement  ces  tremblements  de  terre  en  relation  avec  la  chute  de  la 
voûte  caucasienne  au  Sud,  accident  qui  contraste  avec  les  plisse- 
ments du  Daghestan,  deux  événements  post-sarmatiens  et  bien  évi- 
demment contre-partie  l'un  de  l'autre.  Dans  cette  même  région  de  la 

*  Rapports  mensuels  de  la  station  à  pendule  horizontal  de  V observatoire  physique  de 
Tiflis.  Observations  faites  au  moyen  du  triple  pendule  horizontal  de  von  Rebeur-Ehlert, 
1900  (en  russe  et  en  allemand). 

'  Geologische  Forschungen  in  den  kaukasischen  Làndern  (IL  Wien.  1878)  ;  Id.  GeoUh 
gische  Beobachtungen  in  den  Gebirgslandem  zwischen  Kur  und  Araxes  (Tiflis.  1867)  ; 
Id,  Veber  ein  im  Caspischen  Meere  erschienene  Insel.  Beitr&ge  sur  Kenntniss  der 
Schlammvulkane  der  Caspischen  Région  (Petersburg,  1863). 

'  Tremblement  de  terre  de  Chémakha  du  31  janvier  1902  (Mémoires  du  comité  géol., 
nouv.  sér,  n«  9, 1903).  (Résumé  en  fr.). 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  223 

basse  Koura,  Noukha,  Élisabethpol,  Choucha  et  Lenkoran  sur  la 
Caspienne,  sont  de  très  importants  foyers  d'ébranlement,  mais  leurs 
tremblements  de  terre  ne  sont  pas  à  comparer,  même  de  loin,  avec 
ceux  de  Chémakha^  tout  en  ne  laissant  pas  que  d'être  parfois  fort 
graves.  Ce  territoire  bas,  compris  entre  le  Caucase  et  TAnticaucase, 
a  été  considéré  par  Âbich  comme  une  aire  d'affaissement,  compre- 
nant et  continuant  la  fosse  profonde  méridionale  de  la  Caspienne. 
On  aurait  ainsi  affaire  à  des  séismes  en  intime  relation  avec  un  affais- 


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Fig.  33.  —  Principaux  tremblements  de  terre  de  Ghém&kha. 
(D'après  Weber.) 


sèment  en  préparation  sur  la  basse  Koura,  entre  des  failles  tout  à  fait 
analogues  aux  dislocations  périadriatiques,  qui  prolongent  vers  le 
Frioul  et  le  Tyrol  l'effondrement  de  l'Adriatide  entre  la  Dalmatie  et 
l'Italie.  Suess  se  demande  si  la  Caspienne  n'est  pas  destinée  à 
s'ouvrir  quelque  jour  un  large  golfe  dans  cette  direction,  et  allant 
encore  plus  loin,  si  ces  phénomènes  ne  présagent  point  un  effondre- 
ment de  toute  la  partie  orientale  de  l'Asie  mineure,  comme  suite  àl'effon- 
drement  récent  du  continent  égéen.  Dans  cette  dernière  hypothèse, 
ce  ne  seraient  plus  seulement  les  tremblements  de  terre  de  la  Géorgie 
qui  seraient  en  jeu,  mais  ceux  de  toute  l'Arménie.  A  la  suite  d'Abich, 
beaucoup  de  géologues  pensent  aussi  que  les  éruptions  boueuses  de 
la  presqu'île  d'Apchéron  et  du  littoral  voisin  du  delta  de  la  Koura 
sont  liées  tant  aux  fractures  géorgiennes  qu'à  celles  qui  s'ébauchent 


224  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

et  se  préparent  dans  la  Caspienne,  comme  conséquence  de  reffondre- 
ment  de  sa  fosse  méridionale. 

((  Nulle  part,  peut-être,  dit  le  célèbre  géologue  S  la  liaison  des 
ce  tremblements  de  terre,  qui  crevassent  le  sol,  avec  les  phénomènes 
«  des  volcans  de  boue,  des  salses,  des  gaz  inflammables  qui  pénè- 
«  trent  à  travers  les  fissures  de  la  terre,  et  des  sources  de  pétrole, 
<(  n'a  été  mieux  déterminée,  ni  plus  manifeste  que  dans  Tcxtrémité 
«  Sud-Est  du  Caucase,  entre  Chémakha,  Bakou  et  Saillan;  c'est  la 
«  partie  de  la  grande  dépression  Aralo-Caspienne  dans  laquelle  le 
«  sol  a  été  le  plus  souvent  remué  par  les  tremblements  de  terre.  » 

Au  sud  de  la  Koura  s'étend  un  épais  et  vaste  manteau  de  pro- 
duits éruptifs,  qui  cache  le  substratum  sédimentaire  et  n'a  pas  permis 
jusqu'à  présent  de  faire  une  lumière  complète  sur  les  vicissitudes 
de  cette  région  extrêmement  tourmentée,  dépendance  du  massif 
arménien.  Ce  qu'on  en  sait  suffit,  cependant,  pour  affirmer  que  les 
mouvements  de  la  fin  de  l'époque  tertiaire  y  ont  atteint  une  extraor- 
dinaire intensité,  expliquant  bien  d'une  façon  générale  une  instabi- 
lité qui  ne  le  cède  en  rien  à  celle  de  la  basse  Koura. 

Entre  ce  fleuve  et  son  grand  affluent,  l'Araxe,  s'étend  l'Anticau- 
case,  parallèle  au  Caucase.  Formé  de  deux  chaînes  en  partie  noyées 
sous  les  déjections  volcaniques,  l'entre-deux  des  montagnes  est 
marqué  par  la  dépression  profonde  du  lac  Goktcha  ou  Sevanga, 
occupant  un  véritable  cirque  volcanique,  prolongé  au  S.  E.  par  le 
bassin  de  l'Akara.  L'instabilité  n'y  est  pas  exagérée. 

Les  tremblements  de  terre  se  donnent  au  contraire  libre  carrière 
dans  la  vallée  de  l'Araxe,  qui  sépare  TAnticaucase  de  l'Ararat. 
Ordobad,  Nakhitchévan,  Alexandropol,  et  surtout  Erivan  ont  eu,  à 
de  nombreuses  reprises,  des  catastrophes  à  inscrire  dans  leurs 
annales.  Abich  met  ces  séismes  en  relation  avec  un  système  com- 
pliqué de  fractures  profondes,  correspondant  elles-mêmes  au  déve- 
loppement gigantesque  de  l'activité  volcanique  dans  toute  la  haute 
Arménie,  où  les  couches  du  premier  étage  méditerranéen  ont  été 
morcelées  et  portées  à  de  grandes  altitudes,  à  une  époque  récente. 
Ces  mouvements,  dont  on  ne  saurait  guère  nier  la  persistance  sou» 
forme  séismogénique,  ont  alterné  avec  les  éruptions  trachytiques,  de 
sorte  qu*au  nord  de  Nakhitchévan  une  première  série  de  cassures  a 
précédé  l'effondrement  de  la  clef  de  voûte,  auquel  est  dû  la  vallée  de 
l'Araxe. 

Plus  au  N.  W.,  le  plateau  entre  les  hautes  vallées  de  la  Koura  et 

*  Ueber  Daghestan,  Schagdagh  und  Gihi\B.Ji{Poggendor/ir'sAnnalen»  LXXVI,  1S49, 157). 


L'ASIE  ANTÉBIEURE  S25 

de  TAraxe  atteste  Texistence  d'un  vaste  bassin  lacustre  tertiaire, 
encore  incomplètement  asséché  et  dont  les  derniers  témoins  doivent 
leur  survivance  aux  perturbations  amenées  dans  le  régime  hydro- 
graphique par  l'accumulation  des  produits  éruptifs.  Quoi  qu'il  en 
soit,  ce  district  séismique,  prolongeant  celui  d'Erivan  et  d'Alexan- 
dropol,  paraît  avoir  tout  autant  à  redouter  des  tremblements  de  terre, 
si  Ton  en  juge  par  ceux  d'Akhalzyk  et  surtout  d'Akhalkalaki.  Cette 
dernière  ville  a  été  le  théâtre,  le  19  décembre  1899,  d'un  grand 
séisme  étudié  par  Mouchkétov^  et  ses  collaborateurs.  Mais  ils  ont 
malheureusement  bien  plus  dirigé  leurs  recherches  sur  les  consé- 
quences de  l'événement  que  sur  ses  causes  tectoniques,  de  sorte  qu'ils 
n'ont  pas  fait  la  lumière  sur  le  problème  géologique  de  sa  genèse. 


4.  —  Arménie,  Asie  Mineure  et  Chypre. 

L'Asie  Mineure  est  un  des  pays  du  monde  dont  les  catastrophes 
séismiques  ont  eu  le  plus  de  retentissement  dans  l'histoire,  et  grâce 
aux  auteurs  de  l'antiquité  les  relations  dont  nous  disposons  s'éche- 
lonnent sur  près  de  trente-six  siècles.  Il  serait  donc  inutile  d'entrer 
dans  beaucoup  de  détails  sur  des  tremblements  de  terre  dont  les 
récits  se  rencontrent  chez  tant  d'historiens.  Ils  ont  d'ailleurs  été 
réunis  dans  les  catalogues  déjà  mentionnés  d'Al.  Perrey  et  de  Julius 
Schmidt  (ch.  ix)  ;  l'un  et  l'autre  ont  aussi  publié  les  nombreuses 
observations  faites  par  leurs  correspondants  de  1850  à  1872  et  de 
1858  à  1878  respectivement,  de  sorte  qu'en  y  ajoutant  le  bulletin 
météorologique  et  sismique  publié  del  895  à  1897  par  l'Observatoire 
impérial  de  Gonstantinople,  on  a  sur  la  séismicité  de  ces  pays  des 
renseignements  très  nombreux,  et  généralement  suffisants  pour  en 
déterminer  l'exacte  répartition.  Ce  qui  manque  le  plus  ici,  c'est 
l'étude  des  isoséistes,  permettant  le  choix  des  accidents  tectoniques 
responsables  des  principaux  tremblements  de  terre. 

Il  a  paru  assez  naturel  de  se  limiter  au  Nord  à  la  vallée  de  TAraxe 
et  à  une  ligne  de  crêtes  passant  au  sud  de  Kars  et  à  l'est  d'Erzéroum 
pour  rejoindre  le  Pont-Euxin  un  peu  à  l'est  de  Trébizonde.  Au  Sud, 
on  a  pris  la  ligne  du  pied  des  hauteurs  qui  dominent  la  Mésopotamie 
jusqu'au  Kourdistan,  et  qui  commencent  au  golfe  d'Alexandi*ette.  La 
Umite  occidentale  est  beaucoup  moins  facile  à  faire  concorder  entre 
la  géologie  et  la  géographie.  Le  Bosphore  de  Thrace  a  ses  deux 

'  Matcriaax  sar  le  tremblement  de  terre  d'Âkhalkalaki  du  9  décembre  1899  (Mémowes 
du  comité  géologique,  Nouv.  sér.  n»  1,  1903;  en  russe). 

Db  lIoimMus.  —  TremblemenU  de  terre.  1 S 


926  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

bords  constitués  des  mêmes  couches  dévoniennes  qui  se  correspon- 
dent de  rive  à  rive,  mais  ce  terrain  dépasse  peu  ses  environs  immé- 
diats en  Europe.  Le  golfe  de  Saros  est  extrêmement  profond 
et  se  trouve  dans  l'axe  d'une  fosse  linéaire  descendant  à  plus  de 
1  000  mètres  entre  Samothrace  et  Thasos  au  Nord,  Imbros  et 
Lemnos  au  Sud.  Il  y  a  donc  là  l'indice  d'une  séparation  naturelle, 
faisant  de  la  mer  de  Marmara  tout  entière  une  dépendance  de 
l'Anatolie,  et  constituant  la  limite  avec  les  granités  de  la  foret  de 
Belgrade  et  les  terrains  tertiaires  inférieurs  peu  dérangés  de  la  Thrace. 
C'est  celle  qui  sera  adoptée  ici,  d'autant  mieux  que  les  tremble- 
ments de  terre  s'affaiblissent  assez  sensiblement  à  l'Ouest  de  la  Pro- 
pontide. 

Dans  son  état  actuel,  l'Asie  Mineure  résulte  de  mouvements  extrê- 
mement complexes  de  la  fm  des  temps  tertiaires,  et  sur  lesquels  les 
géologues  ne  sont  pas  encore  complètement  d'accord,  ni  dans  le  détail, 
ni  même  quant  à  leur  exacte  succession.  Mais  ces  mouvements  ont  pré- 
senté une  telle  ampleur  verticale  et  horizontale,  que  l'on  ne  doit  pas 
s'étonner  de  voir  que  la  presqu'île  n'a  pu  reprendre  son  équilibre,  si 
violemment  et  si  récemment  troublé.  Aussi,  quoique  les  causes  géné- 
rales d'instabilité  séismique  surabondent,  il  serait  le  plus  souventtémé- 
raire  d'assigner  un  rôle  séismogénique  à  tel  ou  tel  accident  plutôt  qu'à 
tel  ou  tel  autre  voisin.  La  constitution,  si  manifestement  éruptive  des 
roches  de  beaucoup  de  districts,  a  fait  considérer  par  maints  observa- 
teurs les  tremblements  de  terre  de  ces  régions  comme  dus  à  un  reste 
d'activité  volcanique,  explication  qui  ne  saurait  être  générale  et  appli- 
cable à  bien  des  localités  éloignées  des  anciens  évents,  ignorât-on 
l'indépendance  habituelle  des  deux  ordres  de  phénomènes.  Il  soflit 
ici  d'en  citer  l'exemple  le  plus  probant,  celui  du  golfe  d'Adalia  par- 
faitement stable,  et  dont  cependant  le  rivage  rectiligne  au  pied  du 
puissant  volcan  Takhtaly  (2  380  m.),  ou  mont  des  Chimères,  atteste 
une  cassure,  correspondant  au  développement  d'une  activité  éruptive 
maintenant  éteinte,  môme  au  point  de  vue  séismique,  aussi  bien  que 
ces  mouvements  tectoniques  eux-mêmes  pourtant  récents. 

Les  principales  vicissitudes  tertiaires  et  quaternaires  de  l'Asie 
Mineure  consistent  dans  le  recul  de  la  Méditerranée,  qui  a  occupé 
longtemps  de  grandes  parties  de  sa  surface,  comme  le  démontrent  les 
dépôts  d'origine  marine  rencontrés  jusque  dans  le  haut  bassin  de 
l'Euphrate,  et  dans  sa  séparation  définitive  de  l'Europe  à  la  suite  de 
l'effondrement  du  continent  égéen.  Au  point  de  vue  géographique,  sa 
caractéristique  est  le  nœud  si  compliqué  de  l'Arménie,  oii  se  ren-» 
contrent  les  Alpes  Pontiques,  le  Taurus  et  les  chaînes  plissées  de  la 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  227 

Perse  et  du  Mazendéran.  Il  faut  y  ajouter  les  bassins  fermés,  ou  à  peu 
près,  de  l'intérieur  et  ses  côtes,  souvent  découpées  par  des  cassures. 
Enfin  la  Ppopontide,  ancienne  dépendance  du  Pont-Euxin,  a  été 
ouverte  à  Tépoque  pléistocène,  en  même  temps  que  la  mer  Egée  pre- 
nait la  place  d'une  vaste  terre  capable  de  nourrir  la  nombreuse  et 
fameuse  faune  de  Pikermi,  à  laquelle  de  grands  espaces  étaient 
nécessaires.  L'activité  éruptive  a  joué  aussi  un  rôle  considérable  dans 
la  formation  de  la  massive  presqu'île,  dont  le  substratnm  archéen  se 
montre  sur  de  larges  surfaces  et  a,  par  sa  résistance  aux  poussées 
orogéni^BM  de  la  fin  des  temps  tertiaires,  donné  çà  et  là  naissance 
à  des  plissements  qui  sont  loin  cependant  de  conslituer  le  phénomène 
essentiel  de  son  modelé. 

L'extrême  instabilité  de  la  vallée  de  TOronte  a  déjà  été  mentionnée 
à  propos  des  tremblements  de  terre  delà  Syrie.  Mais  elle  ne  s'en  tient 
pas  là,  elle  remonte  vers  le  Nord  jusqu'à  Malatia  et  Maden,  accom- 
pagnant ainsi  les  accidents  qui  ont  donné  lieu  à  la  dépression 
syrienne  depuis  la  mer  Rouge,  et  qui  semblent  venir  mourir  en  pleine 
Arménie,  tout  en  se  compliquant  singulii;rement  à  la  rencontre  de 
l'Anti-Taurus.  Malatia  a  subi,  en  1893,  un  tremblement  de  terre  désas- 
treux* En  se  prolongeant  vers  le  Mord,  les  séismes  d'Antioche  ne 
perdent  donc  rien  de  leur  violence. 

La  dépression  d'Adana  paraît  assez  peu  gravement  ébranlée  vers 
la  mer  (golfe  d'Alexandrette)  ;  mais  la  haute  vallée  du  Djihoun 
(Pyramus),  entre  le  Taums  etl'Anti-Taurus,  a  été  à  plusieurs  reprises 
le  théâtre  de  violents  séismes  qui  ont  détruit  Anazarbe.  II  est  tout  à 
fait  impossible  de  décider  actuellement  s'il  s'agit  là  d'une  région  séis- 
mique  autonome,  ou  si  ces  tremblements  de  terre  de  l'antiquité 
romaine  venaient  de  Syrie,  car  on  ne  possède  aucune  indication, 
même  vague,  sur  la  fréquence  habituelle,  ou  normale,  des  secousses 
dans  le  district  d'Adana. 

Les  côtes  méridionales  de  l'Asie  Mineure,  ou  le  versant  méri- 
dional maritime  du  Taurus,  sont  très  stables,  quoi  qu'on  en  ait  dit, 
tout  au  moins  celles  de  la  Gilicie,  et  il  faut  arriver  à  la  Lycie  pour 
entrer  dans  le  domaine  éprouvé  par  les  tremblements  de  terre.  Us 
commencent  à  Maïs,  tout  en  restant  peu  redoutables  jusqu'à  Rhodes; 
c^est  seulement  alors  qu'ils  deviennent  vraiment  dévastateurs. 
Entre  Rhodes  et  la  côte  de  Lycie  les  récentes  explorations  autri- 
chiennes *  ont  fait  découvrir  un  creux  de  3  500  mètres,  dont  les 

*  Luksch.  Verdfléntiichangen  der  Commission  fur  Erforachitim:  des  tetiiclien  Ifitta]- 
meeres.  Vorl&ufigerBorichtûber  die  physikalisch-oceanographischen  Arbeiten  im  Sommer 
1893  (Sitz.  ber.  d.  K.  Ak.  d.  Wt».  m  Wien,  8itz.  vom  12  Okt.  1893). 


•^•^'r--^:        .  v-1  ---;. -v^.^^  _ 


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Fig.  34.  —Asie Mineure  occident&Ie. 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  329 

bords  les  plus  raides  sont  tournés  vers  Tîle  de  Rliodes  et  le  littoral 
anatolien.  Rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'on  lui  fasse  jouer  un  rôle  séis- 
mologique  au  moins  indirect,  et  l'on  ne  saurait  trouver  une  objec* 
lion  sérieuse  ^oxis  ce  fait  que  deux  autres  creux  se  rencontrent 
l'un  au  centre  du  golfe  d'Âdalia,  l'autre  au  sud  de  Chypre,  sans 
qu'il  en  résulte  d'instabilité  au  voisinage,  parce  que  ces  derniers,  de 
1  000  mètres  moins  profonds  et  à  talus  beaucoup  plus  doux,  ne  peu- 
vent correspondre  à  d'aussi  considérables  dislocations. 

Les  tremblements  de  terre  de  Smyrne  et  de  toute  la  vallée  du 
Méandre,  ceux  de  Laodicée  et  de  Gybyre,  au  delà  du  talus  monta- 
gneux, dans  l'antiquité,  enfin  ceux  modernes  de  Boldor  et  dlsbarta, 
sont  de  véritables  événements  historiques  connus  de  tous.  Le  fait 
qu'on  se  trouve  là  au  bord  de  l'effondrement  égéen  permet  d'en  rendre 
responsable  les  mouvements  orogéniques  correspondants,  et  d'ex- 
pliquer, d'une  façon  générale,  la  grande  séismicité  qui  règne  sur  la 
côte  anatolienne  de  la  mer  Egée,  de  Rhodes  à  Pergame  et  Métélin. 
Mais,  du  Sud  au  Nord,  l'instabilité  n'atteint  pas  de  prime  abord  son 
maximum  ;  c'est  ainsi  que  Rliodes,  malgré  le  voisinage  des  manifes- 
tations volcaniques  modernes  de  Nisyros,est  comparativement  moins 
exposée  que  Samos  et  Chio,  et  cette  immunité,  d'ailleurs  toute  relative, 
s'étend  à  la  côte  correspondante  de  Lycie.  Rhodes  fait  partie  d'un  arc 
dinarique  crétacé  venant  de  la  Crète  par  Kasos,  et  dont  les  couciies, 
très  bouleversées  sur  la  côte  orientale  de  la  première  île,  qui,  juste- 
ment,  est  sa  partie  la  plus  secouée,  sont  brusquement  séparées  de  la 
Lycie  par  un  détroit,  représentant  une  cassure  transversale  récente, 
dont  la  profondeur  est  de  3  800  mètres  à  38  kilomètres  du  littoral. 

La  vallée  du  Méandre  tout  entière,  même  sa  partie  supérieure 
où  elle  entame  le  plateau  anatolien,  Samos  et  Chio  forment  une 
des  régions  du  globe  les  plus  exposées  aux  tremblements  de  terre. 
La  géologie  en  est  très  complexe,  et  tous  les  genres  d'accidents, 
récents  ou  non,  s'y  rencontrent  —  chaînes  gneissiques  démantelées, 
plissements,  failles  ayant  déterminé  le  Graben  de  la  vallée,  éjections 
éruptives  attestant  des  cassures,  etc.  —  Les  documents  font  recon- 
naître comme  importants  foyers  d'instabilité  à  peu  près  toutes  les 
villes  anciennes  ou  modernes,  mais  sans  qu'on  puisse  affirmer  que 
ce  sont  les  véritables  épicentres  ;  ces  derniers  n'en  peuvent  cepen- 
dant être  bien  éloignés.  Il  serait  donc  tout  à  fait  illusoire  d'attribuer 
chacun  d'eux  à  l'accident  géologique  le  plus  voisin,  tant  que  la 
détermination  des  isoséistes  et  des  aires  épicentrales  d'un  certain 
nombre  de  chocs  au  moins  sévères,  ne  sera  pas  venue  confirmer  la 
mobilité  de  Tun  ou  de  l'autre.  Il  sera  toutefois  permis  de  suggérer 


230  GÉOGRAPHIE  6ÉI6MOLOGIQUE 

que  la  présence  du  Garboniférien  supérieur  semble  indiquer  Texis- 
lence  d'un  ancien  géosynclinal  primaire  en  avant  du  massif  gneis- 
sique  de  la  Carie,  de  sorte  qu'il  y  aurait  là  superposition  d'une  région 
séismique  due  aux  mouvements  de  la  fin  du  Tertiaire  à  une  région 
disloquée  de  la  fin  du  Primaire.  En  un  mot,  les  dernières  poussées 
orogéniques  auraient  rejeuni,  ou  restauré,  l'instabilité  d'une  région 
qui  aurait  acquis  sans  cela  un  repos  au  moins  pénéséismique. 
D'autres  exemples  analogues  confirment  ailleurs  cette  opinion,  malgré 
ce  qu'elle  peut  présenter  de  risqué.  Les  traditions,  sinon  les  cliro- 
niques  de  l'antiquité  la  plus  reculée  montrent  que,  depuis  trente-six 
siècles  au  moins,  les  tremblements  de  terre  agitent  Smyme  et  le 
Sipyle.  C'est  un  bel  exemple  de  la  pérennité  des  conditions  séismi- 
ques,  et  tout  en  faveur  de  l'opinion  que  les  régions  stables  et  instables 
ne  se  modifient  guère  à  la  surface  du  globe,  en  comparaison  du  peu 
de  temps  écoulé  depuis  que  l'homme  l'occupe.  Wiebel,  cité  par  Suess 
(II,  722),  pense  que  la  présence  d'anciennes  constructions  au-dessous 
du  niveau  de  la  mer,  dans  la  baie  de  Samos,  peut  s'expliquer  par  un 
affaissement  de  la  côte  sous  l'influence  d'une  violente  secousse  séis- 
mique. Cette  supposition  s'accorde  bien  avec  une  obser\'ation  de 
l'ingénieur  Redeuil,  recueillie  par  Carpentin  \  à  savoir  que,  lors  du 
grand  tremblement  de  Smyme,  du  27  juillet  1880,  le  sol  s'est  affaissé 
de  plus  d'un  pied,  estimation  faite  du  niveau  auquel  la  mer  arrivait  à 
l'Échelle  des  Francs  après  cette  catastrophe  ;  la  voie  ferrée  s'était 
aussi  affaissée  de  0,60  m.  par  glissement,  d'après  Redeuil.  Schaffer^ 
ne  doute  pas  non  plus  du  caractère  nettement  tectonique  des 
secousses  de  la  vallée  du  Méandre. 

Mételin  '  et  Pergame  ne  sont  pas  moins  exposés  que  les  territoires 
précédents  aux  tremblements  de  terre  désastreux,  et  l'instabilité 
s'étend  au  Nord  jusqu'à  Balikesri. 

Au  contraire,  les  tremblements  de  terre  font  trêve  en  Troade.  Le 
détroit  des  Dardanelles  lui-même  est  assez  stable,  et  si  quelques  dom- 
mages ont  été  mentionnés  tout  autour  jusqu'à  Gallipoli,  on  doit  en  accu- 
ser le  contre-coup  de  séismes  extérieurs.  Lemnos  et  Imbros  parta- 
gent cette  sécurité  relative;  cependant,  cette  dernière  île  a  été  en  1867 
troublée  par  de  nombreuses  secousses,  qui  firent  plus  de  peur  que  de 
mal,  et  dont  les  conséquences  furent  d'ailleurs  grandement  aggravées 

*  Notice  sur  les  tremblements  de  terre  de  Smyrne  (Ann.  Phys.  et  Chim.  5*  série,  XXI, 


*  Das  Mflanderthalbeben  vom  20  September  1S99  (MUth,  geogr,  Ges.  in  Wten,  XLUI, 
221,  1900). 

^  Fouqué.  Rapport  sur  les  ti*emblements  de  terre  de  Cépbalonie  et  de  Métélin  en  1867 
{Arch.  des  missions  sc.elliU.,^*  série  IV,  445,  Paris,  1868). 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  281 

parles  déplorables  conditions  des  habitations  de  pauvres  paysans  et 
pêcheurs.  Ces  chocs  doivent  être  attribués  sans  doute,  comme  ceux 
de  Gallipoliy  au  voisinage  immédiat  de  la  longue  fosse  maritime  pro- 
fonde qui  sépare  ces  deux  îles  de  Thasos  et  de  SamotIu*ace,  et  forme  la 
véritable  frontière  entre  TEurope  et  l'Asie  jusqu'au  fond  du  golfe. 
C'est  vraisemblablement  une  des  cassures  dues  à  l'effondrement 
égéen,  et  qu'une  ride  prolonge  jusqu'au  delà  de  Rodosto.  Ainsi 
Lemnos,  Imbros,  Gallipoli  et  Rodosto  formeraient  un  axe  séismique 
«le  second  ordre,  tandis  que  les  Dardanelles  n'auraient  aucune  signi- 
fication malgré  leurs  apparences  de  longue  et  étroite  fracture  ;  c'est 
qu'en  effet,  ce  n'est  pas  un  accident  tectonique  véritable,  mais  seu- 
lement une  voie  d'accfes  que  la  mer  égéenne  s'est  ouverte  vers  la 
mer  de  Marmara,  ancienne  dépendance  du  Pont-Euxin. 

L'instabilité  reprend  bientôt  ses  droits  dans  la  partie  opposée  de 
la  Propontide.  Assurément,  Gonstantinople  a  beaucoup  souffert  des 
tremblements  de  terre  dans  le  cours  des  siècles  passés,  et  celui  de 
1894  a  été  le  dernier  qui  l'ait  éprouvée.  Mais  c'est  une  ville  depuis 
trop  longtemps  importante  pour  n'avoir  pas  accaparé  les  secousses 
du  voisinage  ;  c'est  donc  un  foyer  apparent,  dont  il  faut  restituer  le 
rôle  séismogénique  aux  golfes  tectoniques  d'Ismid  et  de  Guemlik, 
la  même  observation  s'étendant  évidemment  à  Brousse,  tout  aussi 
gravement  exposée.  L'histoire  géologique  de  la  mer  de  Marmara  est 
encore  assez  confuse.  On  sait  toutefois  que  c'est  une  cavité  d'effon- 
drement, faisant  partie  des  nombreuses  dépressions  qui  jalonnent  le 
versant  septentrional  des  Alpes  depuis  la  mer  Noire  jusqu'au  golfe 
de  Gascogne,  par  la  plaine  du  Danube,  la  vallée  du  Rhône  et  le  bas- 
sin de  la  Garonne*.  La  grande  profondeur  de  la  Propontide  (plus  de 
1400  mètres)  accentue  ce  caractère,  et  les  golfes  linéaires  mentionnés 
plus  haut  représentent  des  accidents  dont  l'influence  sur  la  produc- 
tion des  tremblements  de  terre  est  corroborée  par  la  distribution 
apparente  des  épicentres  jusqu'à  Héraclée.  On  peut  donc  mettre  ces 
séismes  en  relation  avec  ces  accidents,  comme  Ta  fait  Diick  *  pour 
ceux  de  Gonstantinople,  en  objectant  au  travail  de  ce  séismologue 
qu'ils  ne  sont  pas  évidemment  d'origine  volcanique,  ni  un  écho  des 
manifestations  éruptives  récentes  des  îles  des  Princes,  et  des  rives  du 
Bosphore,  sillon  ouvert  dans  le  Dévonien,bicn  plus  par  simple  érosion 
qu'à  la  suite  d'actions  violentes.  Vers  l'Est,  la  séismicité  ne  dépasse 
guère  Boly  et  Héraclée  (Bender-Eregli).  La  présence  d'une  bande 

*  H.  Douville  (C.  H.  Ac.  Se.  Paris,  GXXII,  p.  678). 

'  Die  Erdbeben  von  Konstantinopel  {Die  Erdbebenwarte ,  HI,  121  et  177.  Laibach, 
i904). 


232 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


L'ASIE  ANTÉRIEURE  23a 

houillère  aux  environs  de  cette  dernière  ville  fait  de  suite  songer  à 
une  survivance  de  Tinstabilité  d'un  synclinal  carboniférien,  dont  les 
secousses  en  voie  d'extinction  auraient  retrouvé  un  renouveau  d'éner- 
gie à  la  suite  des  mouvements  tertiaires. 

Les  Alpes  Pontiques,  assez  tourmentées,  paraissent  cependant  avoir 
un  peu  moins  à  redouter  que  ces  régions  de  l'Ouest.  En  tout  cas,  les 
tremblements  de  terre  de  Kastamouni,  de  Kiankary  et  d'Angora 
n'ont  pas  laissé  d'aussi  cuisants  souvenirs  que  ceux  de  Smyrne  ou 
de  Constantinople. 

Le  plateau  déprimé  du  centre  de  l'Anatolie  est,  d'une  façon  certaine, 
bien  plus  à  l'abri  des  secousses,  si  toutefois  on  en  excepte  le  haut 
Méandre,  dont  il  a  déjà  été  parlé  :  Jozgad  et  Kaisarieh  ont  eu,  à 
plusieurs  reprises,  à  essuyer  des  dommages  d'importance. 

Le  nœud  montagneux  de  l'Arménie,  avec  les  hautes  vallées  del'Eu- 
phrate  et  du  Tigre,  est  d'une  grande  instabilité.  Défait,  se  reliant  sans 
discontinuité  avec  les  districts  séismiques  de  TOronte,  de  l'Azer- 
béïdjan  et  de  l'Araxe,  sa  séismicité  relève  directement  aussi  des 
grands  mouvements  alpins  qui  ont  plissé  et  brisé  ses  couches,  et 
facilité  en  même  temps  le  développement  exagéré  des  phénomènes 
éruptifs  auxquels  le  pays  doit  une  partie  de  son  relief,  par  suite  de  la 
résistance  aux  actions  destructives  de  l'atmosphère  et  des  eaux  de 
certains  de  leurs  produits,  qui  ont  protégé  les  couches  sous-jacentes 
d'une  totale  disparition.  Van,  Bitlis,  et  surtout  Erzinghan,  Erzé- 
roum  et  Diarbékir,  ont  eu  autant  que  villes  du  monde  à  souffrir 
des  tremblements  de  terre.  Pour  expliquer  leurs  catastrophes,  il  suf- 
fit de  rappeler  l'amplitude  des  mouvements  qui  ont  porté  le  Tertiaire 
à  de  grandes  altitudes  en  plissant  le  substratum,  sans  qu'il  soit 
besoin  d'aller  aussi  loin  que  Suess,  lorsqu'il  se  demande  si  ce  pays 
n'est  pas  menacé  d'un  futur  effondrement  méditerranéen. 

A  s'en  tenir  aux  informations  des  anciens  auteurs,  Chypre  serait 
assez  sujette  aux  secousses  du  sol,  et  elle  aurait  été  souvent  et  gra- 
vement éprouvée.  Mais  les  observations  négatives  faites  pendant  les 
longues  années  qu'elle  a  fait  partie  du  domaine  latin,  et  depuis  l'occu- 
pation anglaise,  semblent  démentir  catégoriquement  cette  instabilité 
supposée.  Les  dommages  que  ses  villes  ont  parfois  subis  doivent 
donc  être  attribués  sans  doute  aux  grands  séismes  de  la  Syrie,  ou 
même  de  la  côte  occidentale  d*Anatolie.  Le  29  juin  1896,  quelques 
dégâts  ont  été  produits  à  Limassol  par  un  tremblement  de  terre, 
qui  a  eu  d'assez  nombreux  chocs  consécutifs.  Agamemnone*  en 

*  Le  tremblement  de  terre  dans  Tlle  de  Chypre  du  20  juin  1896  (Beitrdge  zur  Geo^ 
phyiik.  YI,  1,  108.  Leipzig,  1903.  Boll.  soc,  siam.  Ual.  \l\l  249,  1902-1903). 


234  GÉOGRAPHIE  8É1SM0L0GIQUE 

place  l'épicentreen  mer,  au  large  dans  le  S.  W.,  c'est-à-dire  dans  les 
profondeurs  de  la  Méditerranée  orientale,  là  où  elle  paraît  avoir 
subi  de  grandes  modifications  à  la  fin  de  Tépoque  tertiaire.  Il  est  à 
noter,  en  outre,  que  le  flysch  existe  à  Chypre,  d'où  une  certaine  ana- 
logie possible  avec  les  secousses  qui  caractérisent  dans  TEurope 
centrale  la  longue  bande  instable,  de  même  nature,  située  en  avant 
des  plissements  alpins  :  c'est  la  trace  d'un  ancien  synclinal  rétréci, 
comblé,  soulevé  et  plissé,  mouvements  dont  les  conséquences  pos- 
thumes se  retrouvent  peut-être  encore  sous  cette  forme  modérée  dans 
cette  île,  du  côté  opposé  de  la  grande  ride  alpine. 

Des  Dardanelles  à  Makri,  les  côtes  de  TAsie  Mineure  sont  sujettes 
à  des  vagues  séismiques,  à  l'exclusion  du  versant  méridional  du 
Taurus  et  du  littoral  du  Pont-Euxin.  Mais  il  est  actuellement  impos- 
sible de  dire  si  ces  vagues  sont  seulement  la  conséquence  directe  des 
grands  tremblements  de  terre  anatoliens  à  épicentres  terrestres,  ou 
si  elles  résultent  de  secousses  d'origine  sous-marine,  situées  quelque 
part  dans  la  mer  Egée,  et  qui  manifesteraient  ainsi  un  reste  de 
mobilité  des  lèvres  des  fractures  de  TEgéide,  effondrée  à  l'époque 
pléistocëne.  Il  semble  très  probable  que  les  deux  cas  se  présentent 
ici,  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre. 


CHAPITRE  XIV 

CARPATHES  ET  DÉPENDANCES 


L'immense  plaine  hongroise  est  fermée  à  l'Est  par  les  Carpathes, 
dressant  en  demi-ellipse  leur  bourrelet  de  sédiments  secondaires 
et  tertiaires  plissés  par  la  poussée  orogénique  alpine.  Leur  surrec- 
tîon  est,  en  partie,  contemporaine  de  celle  des  Pyrénées.  Aussi 
l'instabilité  est-elle  de  même  ordre  dans  les  deux  chaînes,  un  peu 
plus  anciennes  que  les  Alpes.  Dans  l'intérieur,  le  substratum  archéen 
a  survécu  aux  érosions  postérieures  au  mouvement,  et  domine  le 
bassin  d'effondrement  que  le  Danube  a  vidé  en  forçant  le  passage 
des  Portes  de  Fer.  Les  plissements  carpathiques  se  relient  aux  plis- 
sements alpins  par-dessous  le  bassin  de  Vienne,  et,  de  ce  côté  de  la 
Styrie,  la  Save  limite  au  Sud  les  pays  qu'il  s'agit  d'étudier  ici.  A 
l'extérieur,  la  Roumanie,  la  Bessarabie,  la  Bukovine  et  la  Galicie 
forment  une  dépendance,  bornée  au  Sud  par  le  Bas  Danube,  à  FEst 
par  le  Boug,  le  long  de  la  vallée  duquel  reparaît  sous  le  Miocfene 
le  substratum  archéen  de  la  Russie  méridionale,  tandis  qu'au  Nord 
le  bord  septentrional  irrégulier  des  couches  miocènes  de  la  Galicie 
sert  de  limite  de  ce  côté.  Nous  commencerons  par  la  zone  extérieure. 


1 .  —  Provinees  extérieures  :  Galicie,  BukOTine,  Bessarabie 

et  Romnanie. 

La  Galicie  et  la  Bukovine  sont  très  stables,  comme  l'indique 
l'absence  presque  complète  de  secousses  signedées  dans  les  cata- 
logues annuels  de  VErdhehencommission  de  l'Académie  des  sciences 
de  Vienne,  publiés  depuis  1896,  et  ce  ne  sont  pas  quelques  séismes 
recueillis  à  grand'peine  pour  Lemberg,  Czernowitz  et  Sandec,  qui 
peuvent  changer  cette  appréciation.  A  propos  d'un  choc  ressenti  le 
20  janvier  1903  à  Zaiesczyki,  Làska,  cité  par  Von  Mojsisovics^  dit 

*  Allgemeiner  Bericht  and  Chronik  der  im  Jahre  1903  im  Beobachtungsgebiete  einge- 


236  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

que  si  la  région  est  riche  en  gypse  et  montre  de  nombreux  effondre* 
mentSy  ce  séisme  est  cependant  d'origine  tectonique  ;  la  région 
d'ébranlement  forme  le  bord  de  la  plate-forme  podolienne,  et  se 
trouve  à  peu  près  sur  une  faille  qui  est  recouverte  par  les  sédiments 
plus  récents,  du  moins  à  ce  qu'il  pense. 

En  Roumanie,  depuis  1892,  Stephan  Hepites  a  organisé  systémati- 
quement les  observations  séismiques  au  moyen  des  stations  météo- 
rologiques du  royaume,  au  nombre  de  plus  de  300.  Si  cette  période 
est  courte,  elle  est  néanmoins  suffisante  pour  donner  une  idée  très 
exacte  de  la  répartition  des  séismes  qui  l'ébranlent,  en  adjoignant  aux 
listes  annuelles  '  publiées  par  le  savant  directeur  de  l'Institut  météo- 
rologique de  Bucarest,  son  catalogue  des  secousses  observées  de 
1839  à  1892 ^  et  celui  de  Stefanescu  pour  les  temps  anciens'.  Deux 
mémoires  de  Draghicénu,  l'un  séismologique,  l'autre  géologiques 
donnent  aussi  de  précieux  renseignements  sur  les  tremblements  de 
terre  de  Roumanie  et  leurs  relations  tectoniques.  Enfin  le  grand 
catalogue  des  séismes  russes  par  Mouchkétov  et  Orlov  renseigne  suf- 
fisamment sur  la  Bessarabie,  qui,  au  point  de  vue  séismique,  ne  pour- 
rait être  séparée  de  la  Roumanie.  De  tous  ces  documents  résulte  pour 
ces  provinces  une  fréquence  annuelle  de  12  secousses^  chiffre  très 
modéré  relativement  à  leur  grande  surface  et  qui  laisse  à  penser  que 
tous  leurs  chocs  sévères,  tels  ceux  du  6  avril  1790,  du  26  octobre  1802 
et  du  26  novembre  1829,  avaient  une  origine  extérieure,  Balkan  ou 
Asie  Mineure,  et  que  leurs  dommages  ont  été  notablement  aggravés 
par  la  mauvaise  construction,  Tassiette  défectueuse  et  l'état  de 
vétusté  des  édifices. 

Les  épicentres  sont  nombreux,  mais  rarement  riches  en  séismes, 
et  les  deux  seules  exceptions  un  peu  notables  sont  Bucarest  et 
Kichinev.  Si  Ton  n'avait  possédé  que  les  observations  antérieures  à 
1893,  on  n'aurait  pas  manqué  de  regarder  ces  deux  villes  comme 
des  épicentres  seulement  apparents,  opinion  contredite  par  les  obser- 

tretenen  Erdbeben  (MiUh.  d.  Erâbeben-Comm.  d.  K,  Ak.  d.  Wiss.,  Neue  Folge,  XXV, 
158,  1904). 

*  Registrul  cutremurilor  de  pamînt  in  Rom^nia,  tn  anal  1893...  (AnaleU  inslM^ 
meteorogic  al  Romaniei,  1893,  1894...) 

*  Id.  Registrul  cutremurilor  de  pàmint  in  Romania,  1839-1892  (Id,  VI,  1890.  A.  55, 
1893). 

'  Gutremurele  de  pSmtnt  tn  Rom&nia  in  timp  de  1391  de  ani,  de  la  anul  455  p&na  ift 
1846  (Analele  acad.  româna.  Séria  II,  XXIV.  Mem,  Secl.  scient.  Bucuresci,  i901). 

*  Les  tremblements  de  terre  de  la  Roumanie  et  des  pays  environnants.  Contribution 
&  la  théorie  tectonique  (Bucuresci  Instilul  de  arte  grafice,  1896)  ;  Id.  Erlaûlerongen  «r 
geologischen  Uebersichtskarte  des  Kdnigreiches  Rumftnien  [Jahrbuchd.  K^K.  geoLBeidi»- 
anstalt,  XL,  399,  Wien,  1890). 


GARPÀTHES  ET  DÉPENDANCES 


237 


valions  systématiques  postérieures,  qui  ont  montré  l'existence  de 
foyers  de  secousses  locales  non  ressenties  à  grande  distance.  Les 
mêmes  remarques  s'appliquent  à  Galatz,  Braïla  et  lassy,  mais  avec 
moins  de  certitude  à  Odessa.  Par  contre,  des  épicentres  comme 
B&rlad^  Focsani  et  Tudor-Vladimirescu  ont  vu  s'accentuer  leur  impor- 


,^^^ 


H:- 


/'  Odessa^ 


TRAKSrtVANIE 


Fig.  36.  —  Roumanie  et  Bessarabie. 


lance,  et  celui  d'Avramesci,  jusqu'alors  insoupçonné,  s'est  mani- 
festé. 

Au  premier  coup  d'œil,  la  carte  séismique  montre  la  stabilité  delà 
Valachie  occidentale,  de  la  Moldavie  septentrionale  et  de  la  Dobrou- 
dja.  L'instabilité,  du  degré  modéré  indiqué  plus  haut,  se  limite  donc 
à  peu  près  exclusivement  à  la  Valachie  orientale,  à  la  Moldavie 
méridionale  et  à  une  petite  fraction  de  la  Bessarabie.  La  plus  grande 
densité  des  centres  d'ébranlement  se  note  de  lassy  à  la  Jalomitza,  et 
surtout  entre  le  Prouth  et  le  Sereth,  par  conséquent  dans  les  bassins 
des  rivières  Bârlad  et  Berheciu,  mais,  d'une  façon  générale,  les 
épicentres  se  distribuent  à  peu  près  symétriquement  autour  de  la 
ligne  Bucarest-Kichinev,  qu'on  pourrait  appeler  Taxe  séismique  de 


238  GÉOGRÀPHrS  SËI6M0L0GIQUË 

la  Roumanie  et  de  la  Bessarabie.  Un  géographe  français,  de  Mar- 
tonne  S  a  considéré  la  ligne  &alatz~Buzeu  comme  jouant  ce  rdle. 
Ainsi  donc,  des  observations  plus  complètes  conti'edisent  une  hypo- 
thèse qui  semblait  avoir  une  importance  très  grande  au  point  de  vue 
des  relations  tectoniques  des  tremblements  de  terre  roumains, 
cette  dernière  ligne  séparant  la  Yalachie  occidentale  stable  de  la 
région  d'affaissement  qu'est  la  Jalomitza.  Le  véritable  axe  séismique 
Kichinev-Bucarest  est  tout  différent  ;  par  conséquent,  ces  secousses 
ne  dépendent  pas  des  phénomènes  d'affaissement  et  de  surrection 
grâce  auxquels  les  vallées  de  la  Yalachie  prennent  un  caractère  si 
différent  de  chaque  côté  de  la  ligne  Galatz-Buzeu,  leur  encaisse- 
ment augmentant  beaucoup  et  graduellement  à  mesure  qu'on  se 
dirige  de  TËst  à  l'Ouest,  tandis  qu'en  même  temps  leur  direction, 
d^abord  W.-E.  devient  progressivement  N.  W.-S.  E.  Le  phéno- 
mène général  dont  dérivent  ces  différences  est  une  sorte  de  bascule 
de  toute  la  Yalachie,  mais  n'a  aucune  influence  séismogénique  mar- 
quée. 

Le  massif  de  MScin,  qui  a  donné  lieu  au  coude  du  Danube,  est 
considéré  par  Suess  comme  un  accident  géologique  dlmportance 
capitale.  La  stabilité  de  la  Dobroudja  montre  Textinction  de  ses  dis- 
locations. Il  nous  semble  que  les  rares  séismes  qu'on  y  ressent 
doivent  provenir  du  foyer  d'ébranlement  de  Baichik,  situé  plus  au 
Sud  en  Bulgarie  ;  ce  seraient  des  chocs  de  relai.  Peut-être  il  y  aurait-il 
lieu  de  faire  une  exception  en  faveur  de  ceux  de  Kustendjé  (Cons- 
tantza),  où  se  rencontre  dans  les  gneiss  une  faille,  accompagnée 
par  un  appareil  hydro-thermal. 

D'une  façon  générale,  l'arc  carpathique  moldave  est  un  peu  plus 
abrupt  que  l'arc  valaque.  La  loi  du  relief  se  vérifie  donc  ici,  et  comme 
cela  se  présente  si  souvent,  son  influence  séismogénique  correspond 
à  ce  fait  que  les  couches  sarmatiques  y  sont  plus  relevées  et  dislo- 
quées. 

Le  squelette  archéen  des  Carpathes  ne  se  montre  qu'aux  ailes  de 
l'arc  roumain  en  Yalachie,  du  Danube  à  Gampulung,  et  en  Moldavie, 
seulement  au  Nord  du  parallèle  de  Piatra.  Or,  la  partie  intermé- 
diaire de  la  chaîne  est  à  peu  près  exactement  celle  qui  correspond  à 
la  région  pénéséismique.  Cette  observation  est  d'autant  plus  impor- 
tante qu'à  partir  de  Gampulung,  vers  TEst  et  le  Nord-Est,  les  couches 
de  l'Éocène  supérieur,  contournant  extérieurement  l'angle  des  Car- 
pathes, forment  une  étroite  bordure  à  la  chaîne  et  sont  relevées  contre 

*  Sur  les  mouvements  du  sol  et  la  formation  des  vallées  en  Valachie  (C.  R.  Ac.  k. 
Paris,  CXXXII,  1140,  1901). 


GARPATHE8  ET  DÉPENDANCES  239 

elle.  Mais  ces  couches  se  prolongent  au  delà  de  la  Moldavie  jusqu'en 
Galicie,  dépassant  ainsi  beaucoup  au  Nord  la  région  instable  ;  ce 
n'est  donc  pas  dans  leurs  dislocations,  conséquence  de  leur  relëve- 
ment,  qu'il  faut  chercher  la  cause  directe  et  générale  de  l'instabilité. 
Les  deux  ailes  à  noyau  archéen  sont  réunies  le  long  de  la  crête  par 
des  lambeaux  mésozoïques  plissés,  qui  à  l'Ouest  ne  dépassent  pas 
Campulung,  tandis  qu'au  Nord  ils  remontent  bien  au  delà  de  la 
vallée  de  la  Bistritza.  Donc,  pas  plus  que  pour  les  dislocations  sar- 
matiques,  on  ne  peut  attribuer  l'instabilité  du  sol  moldave  à  ces  plisse* 
ments.  Si  maintenant  on  considère  la  région  pénéséismique  elle- 
même,  on  voit  de  suite  qu'au  Sud,  entre  Bucarest  et  le  coude  du 
Danube,  et  le  Sereth,  elle  correspond  à  la  couverture  de  diluvium, 
puis  que  le  long  de  la  chaîne,  entre  Gampulung  et  la  Bistritza,  et 
dans  la  Moldavie  méridionale,  du  Sereth  au  parallèle  de  Bârlad,  elle 
coïncide  avec  le  Pliocène,  qu'au  Nord  vers  lassy,  elle  s'étend  sur  le 
Sarmatique,  et  qu'en  Bessarabie  enfin  les  trois  formations  précé- 
dentes se  retrouvent  dans  le  même  ordre.  Il  apparaît  ainsi  très 
manifestement  que  l'instabilité  est  tout  à  fait  indépendante  de  la 
nature  du  terrain  superficiel. 

On  notera  que  de  Gampulung  au  Sereth,  puis  dans  le  Suceava 
occidental  et  le  Neamtzu  septentrional,  les  filons  sont  orientés  res- 
pectivement vers  le  N,  E.  et  vers  le  S.  E.  Dans  les  parties  intermé- 
diaires des  Garpathes,  ces  mêmes  directions  sont  aussi  celles  des 
alignements  pétrolifères  ;  de  Târgoviste  à  Buzeû  vers  le  N.  E.,  avec 
léger  relèvement  vers  le  N.  N.  E.  de  Buzeû  à  Râmnicu-Sarat,  ce  qui 
correspond  aux  alignements  des  filons  et  aux  épanchements  volca- 
niques de  l'Ouest  ;  dans  le  Bacau  occidental  reparaît  la  direction 
vers  le  S.  E.  des  mêmes  épanchements  du  Suceava  et  du  Neamtzu. 
Cette  communauté  de  direction  fait  immédiatement  penser  à  d'impor- 
tantes dislocations  d'ordre  général,  vers  le  N.  E.  et  le  N.  N.  E.  dans 
les  Garpathes  valaques,  vers  le  S.  E.  dans  les  Garpathes  moldaves, 
alignentients  pétrolifères  et  éruptifs  aux  ailes  de  la  chaîne,  pétrolifères 
seulement  au  centre,  auxquels  on  serait  facilement  tenté  de  faire 
jouer  un  rôle  séismogénique  de  premier  ordre.  Il  n'en  est  rien,  pour 
deux  raisons  :  d'abord  ces  accidents  sont  rapprochés  de  la  crête,  alors 
que  l'instabilité  en  est  notablement  éloignée,  enfin  et  surtout  ils 
correspondent  simultanément  aux  régions  stables  des  ailes  et  à  la 
région  instable  du  centre.  Ainsi  donc,  nous  ne  rencontrons  que  des 
réponses  négatives  à  la  question  de  l'existence  de  la  région  pénéséis* 
mique  roumaine,  puisque  ni  les  plissements,  ni  les  dislocations  car- 
pathiques  ne  peuvent  être   invoqués,    pas  plus  que  la  formation 


240  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L06IQUE 

relativement  récente  du  sillon  danubien^  devant  la  stabilité  do  la  plaine 
de  Bucarest  à  Turnu-Severin,  ni  même  le  mouvement  de  bascule 
mis  en  avant  par  de  Martonne.  Les  géologues  et  les  séismologues 
roumains  devront  donc  s'attacher  à  la  solution  de  ce  problème,  aussi 
intéressant  que  mystérieux  jusqu'à  présent. 

Il  serait  injuste  de  ne  pas  signaler  les  relations  tectoniques  sug- 
gérées par  Draghicénu  au  sujet  d'un  certain  nombre  de  tremblements 
de  terre  particuliers.  Le  grand  tremblement  de  terre  si  étendu  du 
26  octobre  1802  aurait  eu  son  épicentre  sur  la  fracture  parallèle  à 
rOlt;  mais  il  nous  semble  que  ce  remarquable  séisme  doit  plutôt 
être  considéré  comme  un  mouvement  d'ensemble  de  toutes  les  chaînes 
des  Carpatlies.  Les  secousses  qui  ont  ébranlé  Turcesti,  du  19  février 
au  7  avril  1832,  se  sont  fait  sentir  dans  le  Vâlcea  et  l'Arges,  et  ont 
présenté  le  grand  intérêt  de  jalonner,  dit  Draghicénu,  la  voie  des 
recherches  à  faire  pour  la  découverte  des  gisements  pétrolifères, 
étant  en  relation  avec  les  dislocations  qui  les  renferment.  Le  trem- 
blement de  terre  du  delta  danubien  du  14  octobre  1892  aurait  eu  son 
foyer  au  lac  Sinoe,  et  il  s'est  montré  si  bien  lié  à  la  faille  du  Danube, 
à  la  faille  limite  des  Garpathes  et  à  la  faille  côtoyant  la  mer  Noire,  que 
ce  géologue  l'appelle  le  séisme  des  grandes  failles.  Celui  de  Draghus- 
chani  du  10  septembre  1893  serait  dû  à  la  fracture  du  Proutli,  comme 
celui  du  4  mars  1894,  en  relation  en  outre  avec  les  dislocations  mol- 
davo-valaques  vers  Focsani.  Sans  nier  Tinfluence  séismogénique  de 
ces  accidents,  nous  nous  contenterons  de  faire  observer  que  dans 
son  intéressant  travail,  Draghicénu  paraît  avoir  été  surtout  guidé 
par  les  phénomènes  inhérents  à  la  propagation  des  secousses,  ce  qui 
diminue  dans  une  certaine  mesure  la  valeur  de  ses  déductions,  quant 
au  rôle  de  ces  accidents  sur  la  production  même  des  tremblements 
de  terre  de  Roumanie. 

On  a  vu  plus  haut  que  les  épicentres  de  la  Roumanie  et  de  la  Bes- 
sarabie sont  nombreux,  mais  pauvres  en  séismes,  et  qu'ils  se  répar- 
tissent avec  une  densité  à  peu  près  uniforme  sur  leur  surface.  Ce 
caractère  particulier  est  fréquent  dans  les  régions  pénéséismiques 
des  formations  anciennes,  remarque  susceptible  de  faire  penser  que 
les  secousses  en  question  sont  en  réalité  celles  du  substratum  caché 
sous  le  Tertiaire,  c'est-à-dire  celles  du  môle  oriental  ici  effondré 
entre  le  massif  balkanique  et  la  plate-forme  russe,  suggestion  hypo- 
thétique encore,  mais  que  des  études  ultérieures  pourront  peut-être 
confirmer. 

En  plusieurs  occasions,  des  tremblements  de  terre  assez  intenses, 
et  même  sévères,  ont  eu  leurs  aires  pléistoséistes  allongées  sur  la 


GARPATHES  ET  DÉPENDANCES  S41 

côte  entre  Odessa  et  les  bouches  du  Danube.  Cela  conduit  à  en 
supposer  l'origine  en  pleine  mer  Noire,  et  à  les  considérer  comme 
appartenant  à  une  autre  région,  celle  de  la  Grimée,  dont  on  par- 
lera ultérieurement. 

i.  —  Provinces  intérieures.  Hongrie  et  Croatie. 

Les  tremblements  de  terre  de  la  Hongrie  commencent  à  être  connus 
d'une  manière  assez  satisfaisante,  grâce  aux  catalogues  annuels 
de  Schafarzik^  publiés  par  la  Société  géologique  de  Buda-Pest, 
et  de  Réthly  '  publiés  par  l'Institut  météorologique  de  la  même  ville. 
Ceux  de  la  Croatie  le  sont  encore  mieux  par  le  relevé  général  de 
Miso  Kispatic  ^  et  ses  listes  annuelles  ^ 

On  va  maintenant  aborder  l'intérieur  de  Tare  carpathique  par  la 
Transylvanie,  ancien  massif  disloqué  et  démembré,  que  l'efTondre- 
ment  hongrois  a  séparé  d'un  autre  tronçon  situé  au  nord  du  grand 
coude  danubien  de  Gran.  Au  Sud,  les  sédiments  secondaires  et  ter- 
tiaires ont  été  à  plusieurs  reprises  plissés,  entre  le  Crétacé  et  le  Ter- 
tiaire, puis  le  plus  énergiquement  à  la  fin  de  l'Oligocène,  et  enfin  à 
la  fin  du  Néogène,  de  sorte  que  lasurrection  des  Alpes  de  Transylvanie 
s'est  opérée  en  trois  phases  successives,  marquées  d'épanchements 
éruptifs  et  d'un  intense  lilonnement.  Les  tremblements  de  terre  ne 
sont  pas  très  fréquents,  et  l'on  en  connaît  fort  peu  de  sévères,  qui 
ne  sont  même  pas  bien  sûrement  autochtones.  Cronstadt  et  Her- 
mannstadt  sont,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  les  principaux  épi- 
centres  apparents,   dont  on  ne  saurait  se  prévaloir  pour  attribuer 

*  Ueber  die  T&tigkeit  des  Erdbeben-Com mission  der  nngarischen  geoiogischen  Geseli- 
schaft  w&hrend  des  erstcn  Jalircs  ihres  Bestandes.  Statislik  der  Erdbeben  in  dem  Jahre 
1882  [Fôldtani  Kôzlôny.  Zeitschr.  d.  ung  geol.  Ges,  Xifl,  252,  1883). 

1883  {Id.  XIV,  151,1884). 

1884  (Id.  XV,  202,  1885). 

Az  1885,  es  1SS6  évi  magyarorzâgi  fôldrengekrGl  (Fôldtani  XIX.  KôUlébôl,  1888). 
Bericht  ûber  die  ungarisclien  Erdbeben  in  den  Jahren  1887  and  1888  (Id.  XXII). 

'  Erdbebenbeobachtungen  im  Kdnigreiche  Ungarn  im  Jahre  1903  (Jahrb.  d,  K.  ung. 
Reichscmstalt  f.  Met,  und  Erdmagn,,  XXXI,  1901,  IV  Th.,  Buda-Pesth.  1904). 

*  Polresiu.  Hrvatskoj.  Kronica  potres&,  361,  1845  (iz  CVIJ  Knjige  Rada  jugoslavenske 
ak.  znanosti  i  umjetnosti  u  Zagrebu,  1891,  3). 

Id.  184M882;  Id.  1892. 

*  Id.  Bericht  ûber  die  kroatisch-slavonisch-dalmatischen,  sowie  ûber  die  bosnisch- 
herzegovinischen  Erdbeben  in  den  Jahren  1884-1885  und  1886  (Fôldtani  Kôzlôny,  XIX. 
82,1889). 

Id.  1887,  und  1888  (Id.  XXII,  1,  1890). 

Id.  Sesto  i  sedino  izviesce  potremoga  odbora  za  godinu  1888-1889  (iz  CIV  Knjige 
Rada  jugoslavenske  ak.  inanosHi  umjetnosti.  u  Zagrebu,  1891  et  années  suivantes). 

Ds  HoRTKstus.  —  Tremblements  de  terre.  16 


342 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


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CÂRPATHES  ET  DÉPENDANCES  243 

leurs  secousses  à  tel  ou  tel  accident  de  la  région  montag^neuse.  En 
résumé,  les  dislocations  tertiaires  semblent  là  bien  près  de  l'extinc- 
tion, de  sorte  que  les  Garpathes  et  les  Pyrénées,  au  moins  en  ce 
qui  concerne  leur  commune  pénéséismicité,  se  font  mutuellement 
pendant  de  chaque  côté  de  la  chaîne  des  Alpes. 

Si  l'on  remonte  le  long  de  l'arc  intérieur,  on  rencontre  un  foyer 
secondaire  d'ébranlement,  assez  limité,  semble-t-il,  dans  le  Comitat 
de  Marmaros,  où  Szigeth  a  donné  lieu  à  un  nombre  notable  d'obser- 
vations, sans  qu'aucun  séisme  important  y  ait  jamais  été  signalé 
jusqu'à  présent.  Le  26  mai  1885,  un  tremblement  de  terre  a  bien 
causé  quelques  dommages  dans  le  Szolnok  (Transylvanie  septen- 
trionale), mais  on  ignore  si  ce  centre  est  une  dépendance  du  précé- 
dent. Quelques  secousses  ébranlent  Tokay  et  Eperies.  où  se  trouvent 
de  nombreuses  cassures  qui  pénètrent  dans  l'intérieur  de  la  chaîne 
et  ont  facilité  la  sortie  des  matières  éruptives. 

La  Tatra  et  ses  dépendances  ont  été  le  théâtre  du  grand  séisme  du 
15  janvier  1858  à  Sillein  (Zsolna),  que  de  très  nombreux  chocs  con- 
sécutifs ont  accompagné.  Jeitteles  *  en  a  fait  une  étude  approfondie, 
mais  les  considérations  géologiques  qu'il  y  développe  renseignent 
bien  plus  relativement  à  l'influence  de  la  constitution  des  régions 
ébranlées  sur  la  propagation  que  sur  la  genèse  du  phénomène.  Schem- 
nilz  est  un  autre  foyer  secondaire  et  local.  La  Tatra  ne  manque 
pas  de  dislocations  à  rôle  séismogénique  possible,  mais  le  choix  à 
faire  entre  elles  est  encore  impossible  sans  hypotlièses.  Knett*  pense 
que  Teplitz  dans  le  Trencsin  n'a  jamais  été  l'origine  d'ébranlements 
séismiques,  et  il  part  de  là  pour  montrer  que  si  les  tremblements 
de  terre  et  les  sources  thermales  résultent  de  dislocations,  du  moins 
leur  dépendance  n'est  pas  nécessaire. 

Schafarzik*  met  les  secousses  ressenties  à  Miskolcz  et  environs, 
les  27,  28  et  29  mars  1883,  en  relation  avec  une  ligne  de  dislocation, 
dirigée  N.  W.-S.  E.,  qui  sépare  les  couches  carbonifères  et  juras- 
siques du  Buckgebirge,  situé  à  l'Ouest  de  cette  localité,  des  forma- 
tions tertiaires  récentes,  sables,  grès  et  trachytes,  de  la  vallée  de  la 
Szvinva  et  des  hauteurs  entourant  cette  ville. 

L'Oedenburg  et  le  Wieselburg  sont  parfois  le  siège  de  secousses, 
et  cette  région  secondaire  d'ébranlement  semble  se  prolonger,  au 

*  Bericht  liber  das  Erdbeben  am  15  Jânner  1858  in  den  Karpathen  und  Sadeten 
[Sitzungsber  d,  K.  Ak.  d.  Wiss.  Mat.  naL  Cl.  XXXV,  n<»  12,  511,  Wien.  1859). 

*  Die  geologisch-balneotischen  VerhâlLnisse  von  Trencsin  (Jahrb.  i90l,  i90i  des 
Trencainer  Natunoiss.  Vereines,  XXXilI-XXXIV,  Teplitz,  1902), 

*  StatisUk  der  Erdbeben  in  Ungorn  im  Jahre  1883  (Fôldtani  Kôzlôny.  XIV,  1884*  151). 


244  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

Nord,  pai'  delà  le  Danube,  vers  Tymau  et  la  vallée  de  la  Waag.  En 
avril  1888,  la  vallée  de  la  Vulka,  affluent  occidental  du  lac  de  Neu- 
siedl,  fut  sérieusement  agitée  pendant  plusieurs  jours  et  Schafarzik, 
dans  sa  liste  de  1887-1888  (p.  16),  fait  intervenir  dans  la  production 
du  phénombne  les  failles  qui  ont  disloqué  les  roches  cristallines. 
Celles-ci  ne  se  montrent  plus  là  que  sous  forme  d'îlots  démembrés, 
dominant  la  cuvette  lacustre,  et  qui  sont  eux-mêmes  le  résultat  de 
la  poussée  orogénique  alpine  dans  la  direction  de  son  raccorde- 
ment avec  les  Carpathes.  La  situation  du  lac  de  Neusicdl  en 
avant  de  l'effondrement  viennois  fait  penser  à  de  Lapparent  que 
des  accidents  tectoniques  ne  peuvent  avoir  été  étrangers  à  la  forma* 
tion  du  lac.  Des  lors,  les  séismes  en  question  doivent  en  dépendre, 
opinion  qui  ne  diffère  pas  au  fond  de  celle  de  Schafarzik. 

Le  Bakony- Wald,  qui  forme  pour  ainsi  dire  la  bissectrice  de  l'angle 
du  Danube,  est  une  assez  importante  région  séismique.  A  son  pied, 
le  Balaton,  dernier  vestige  peut-être  du  grand  lac  tertiaire  hongrois, 
lui  est  parallèle,  ce  qui  suffit,  avec  les  épanchements  volcaniques 
des  alentours,  pour  supposer  que  ce  lac  a  aussi  une  origine  tecto- 
nique. Le  massif  est  coupé  de  failles  transversales,  et  elles  semblent 
avoir,  lors  du  tremblement  de  terre  du  16  février  1901,  étudié  par 
Schafarzik',  joué  un  rôle  non  dans  sa  production,  car  Taxe  ploisto- 
séiste  est  parallèle  à  celui  du  Bakony-Wald,  mais  seulement  dans 
sa  propagation,  l'isoséiste  extrême  ayant  été  au  contraire  de  direc- 
tion perpendiculaire,  c'est-à-dire  orientée  suivant  ces  dislocations. 
C'est  à  cette  région  séismique  qu'appartient  Koniorn,  où  1 500  mai- 
sons auraient  été  renversées  en  1763.  En  1782  et  1841,  les  dégâts 
se  sont  renouvelés,  mais  apparemment  sur  une  bien  moindre  échelle. 
En  janvier  1810,  des  bruits  séismiques  se  firent  entendre  pendant 
huit  jours  au  mont  Czoka,  pendant  que  de  nombreuses  secousses 
ébranlaient  Czak-Bereny;  une  d'elles  y  produisit  môme  des  dooi'* 
mages.  Mor  est  un  autre  centre,  du  moins  y  connaît-on  d'assez 
nombreuses  secousses.  Bref,  le  Bakony-Wald  est  incontestablement 
une  importante  région  d'instabilité. 

En  dépit  de  l'horizontalité  de  son  sol,  la  plaine  hongroise  n'ignore 
pas  complètement  les  séismes.  On  en  connaît  un  certain  nombre 
pour  Debreczen,  la  vallée  de  la  Tisza,  et  la  Jazygie,  ce  dernier 
pays  étant  sans  doute  le  plus  fréquemment  secoué.  Le  tremblement 
de  terre  d'Eger  [Erlau]  du  25  juin  1903  a  même  atteint  l'intensité  IX 
d'après  Réthly.   Connaîtrait-on  exactement   les  épicentres  de  ces 

'  Ueber  das  Erdbeben  im  Dôrdlichen  Bakony  vora  16  Pebrnar  1901  (Fôldtany  Kôslôny 
XXXI,  1901). 


CARPATHES  ET  DÉPENDANCES  245 

secousses,  qu'on  ne  saurait  les  mettre  sans  réserve  en  relation  avec 
les  accidents  cachés  sous  les  dépôts  lacustres  miocènes  et  les  allu* 
vions. 

Lajos^  suppose  que  les  îlots  de  roches  anciennes  de  la  Croatie  et 
de  la  Slavonie,  cachées  sous  les  alluvions  et  les  formations  ter- 
tiaires, se  prolongent  vers  l'Est  pour  constituer,  en  émergeant  plus 
loin,  les  hauteurs  du  Gomitat  de  Krassô-SzOrény,  et  donnent  lieu  à 
une  ligne  de  dislocations  représentée  par  la  vallée  de  la  Béga, 
ébranlée  le  2  avril  1901,  ainsi  qu'en  d'autres  occasions.  Les  isoséistes 
de  ce  tremblement  avaient,  en  effet,  ce  thalweg  pour  axe. 

Les  tremblements  de  terre  ne  sont  pas  rares  entre  la  Tisza  infé- 
rieure et  les  montagnes  du  Banat;  en  particulier,  on  en  a  signalé  un 
nombre  respectable  à  Tcmesvar  ;  mais  on  ignore  si  ce  district  péné- 
séismique  prolonge  au  S.  S.  E.  celui  de  la  Jazygie  ou  si  ces  secousses 
appartiennent  au  Banat,  dont  on  va  parler.  Il  ne  semble  pas  qu'on  y 
ait  jamais  eu  de  dégâts  à  déplorer. 

En  résumé,  les  séismes  de  la  plaine  hongroise  doivent  dépendre 
des  dislocations  cachées,  dont  son  effondrement  n'a  pu  manquer 
d'affecter  les  parties  de  Tancien  c<  continent  oriental  »  qu'il  a  entraî- 
nées dans  sa  chute. 

Le  Banat  est  un  massif  archéen,  complètement  isolé  à  TËst  du  reste 
des  Garpathes  par  une  longue  faille  N.-S.,  représentant  la  cicatrice 
par  où  se  sont  épanchées  des  matières  éruptives,  probablement  ter- 
tiaires. Get  accident  se  trouve  juste  au  point  où  les  plissements  car- 
pathiques  se  retournent  brusquement  au  Sud  pour  rejoindre  leurs 
contemporains  balkaniques  ;  mais  il  paraît  ôtre  d'origine  beaucoup 
plus  ancienne.  Les  sédiments  secondaires  du  Banat  se  montrent  for- 
tement plissés,  là  où  l'érosion  les  a  laissés  subsister.  On  a  donc  ici 
tout  un  ensemble  de  circonstances  favorables  à  la  séismicité,  et  en 
effet  la  série  des  tremblements  de  terre  de  1879  àOrsovaetà  Moldova 
atteste  bien  que  l'équilibre  est  loin  d'être  encore  atteint. 

D'après  Schafarzik',  ces  tremblements  de  teiTe  d'Orsova  et  de 
Moldova  ont  été  en  relation  directe  avec  les  dislocations  périphé- 
riques et  radiales  produites  dans  le  Banat  par  l'action  même  de 
l'effondrement  hongrois. 

Les  Portes  de  Fer,  par  où  le  Danube,  proGtant  des  dislocations 
de  ce  district  morcelé,  a  pu  se  frayer  un  passage  récent  et  vider 
la  dépression  lacustre  hongroise,  ont  été  aussi  ébranlées  parfois,  et 

'  Das  Erdbeben  in  Sûdangam  vom  2  April  1901  {Fôldlani  Kôzlôny,  XXXH,  1902). 
*  Das  Erdbeben  in  Siidungarn  und  den  angrenzcnden  LOndern  (Bada-PcsUi.  1880). 


246  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

cette  région  pé^éséismique  se  prolonge  de  l'autre  côté  du  fleuve»  en 
même  temps  que  la  cicatrice,  de  sorte  que  les  quelques  séismes 
du  Nord-Est  de  la  Serbie  pourraient  bien  revendiquer  la  même 
cause. 

Certains  tremblements  de  terre  de  cette  partie  de  l'Europe  ont 
présenté,  avec  une  énergie  notable,  une  extension  tout  à  fait  inusitée, 
tel  le  séisme  bien  connu  du  26  octobre  1802,  qui  s'est  fait  sentir 
de  Saint-Pétersbourg  à  Tîle  d'Ithaque.  Son  épicentre  est  parfai- 
tement indéterminé,  tant  son  aire  pléistoséiste  est  étendue,  mais  les 
relations,  pour  incomplètes  qu'elles  soient,  permettent  de  le  soup- 
çonner dans  les  Alpes  de  Transylvanie,  soit  sur  les  bords  de  l'Oka, 
soit  sur  la  dislocation  de  l'Oit,  comme  Ta  fait  Dragiiicénu,  ainsi 
qu'on  l'a  dit  plus  haut,  soit  même  eniin  dans  le  Banat.  Si  ce  remar- 
quable séisme  n'a  pas  été  un  mouvement  d'ensemble  des  Carpathes, 
ainsi  que  nous  l'avons  suggéré,  c'est  à  une  localisation  de  son  origine 
dans  le  Banat  que  nous  nous  rangerions  le  plus  volontiers,  tant  il 
semble  avoir  d'analogie  avec  celui  d'Orsova  en  1879.  Quoi  qu'il  en 
soit  de  ce  point  particulier,  il  n'en  reste  pas  moins  que  le  Banat  est 
une  importante  région  pénéséismique,  et  l'on  peut  aussi  penser  que 
bien  des  secousses  de  Gronstadt  et  d'Hermannstadtlui  appartiennent 
en  propre. 

Entre  la  Save  et  la  Drave,  c'est-à-dire  dans  la  Mésopotamie  croate, 
d'anciens  massifs  isolés,  émergeant  au-dessus  de  la  plaine  néogène 
et  alluvionnaire,  représentent  d'autres  fragments  du  «  continent 
oriental  »  de  Peters  \  contre  lesquels  les  plis  alpins  ont  buté  et  ont 
dû  se  bifurquer  au  N.  E.  par  le  Bakony-Wald  vers  le  Matra  et  au 
S.  E.  par  les  chaînes  dinariques.  Sous  cet  efiort,  ils  ont  été  fortement 
disloqués,  et  ces  accidents  doivent  prolonger  sous  les  sédiments  de 
la  plaine  qui  les  masquent.  L'entre-deux  des  fleuves  est  donc  sujet  à 
des  tremblements  de  terre  dont  les  épicentres  sont  le  plus  souvent 
apparents,  les  secousses  connues  ayant  surtout  été  attribuées  aux 
villes  principales,  Semlin,  Neusatz,  Eszek,  Fûnfkirchen,  Kanizsa  et 
surtout  Diakovar.  11  ne  sera  possible  d'invoquer  avec  certitude  des 
accidents  particuliers  qu'au  moyen  de  tracés  d'isoséistes  de  tremble- 
ments importants,  quoique  Kispatic,  d'ailleurs  avec  beaucoup  de 
vraisemblance,  ait  déjà  fait  jouer  un  rôle  séismogénique  décidé  à 
deux  de  ces  dislocations  qui,  parallèles  et  de  direction  W.  N.  W.- 
E.  S.  E.  enserrent  entre  elles  le  horst  de  Diakovar. 

Cette  opinion  ne  diffère  pas  au  fond  de  celle  exprimée  par  Scha- 

*  Bemerkungen  ûber  die  Bedeutung  des  Balkan  als  Festiand  in  der  Lias-Période 
(SUz,  Ber.  d.  K.  Ak.  Wias,,  XLVIII,  418.  Wien). 


CARPATHES  ET  DÉPENDANCES  247 

farzik'  à  propos  du  grave  tremblement  de  terre  du  24  mars  1884  en 
Slavonie,  lorsqu'il  fait  intervenir  les  conditions  tectoniques  des 
massifs  anciens  de  Diakovar,  de  la  Fruska-Gora,  et  des  couches 
néogënes  qui  remplissent  la  plaine  interposée  entre  eux. 

Agram  et  ses  environs  seulement  ont  le  monopole  des  tremble-* 
ments  de  terre  fréquents  et  désastreux  ;  celui  du  9  novembre  1880, 
suivi  de  très  nombreux  chocs  consécutifs,  a  été,  après  beaucoup 
d'autres  des  siècles  passés,  une  véritable  catastrophe.  L'extrémité 
occidentale  de  la  plaine  croate  se  termine  en  une  sorte  de  coin,  formé 
par  deux  cours  de  hauteurs,  qui  se  rencontrent  à  Rann,  sur  la 
Save.  Au  Nord  régnent  les  Karawanken  orientales,  prolongeant  la 
chaîne  Garnique  plissée,  où  de  nombreuses  dislocations  longitudi^ 
nales  abruptes,  profondes  et  orientées  W.-Ë.  sont  la  règle,  tandis 
qu'au  Sud  dominent  les  plissements  Dinariques,  beaucoup  plus  récents 
et  dirigés  vers  le  S.  E.  On  ne  pourrait  rêver  pour  Agram  une  situation 
plus  dangereuse,  etFr.-E.  Suess*  localise  l'origine  du  tremblement 
de  terre  de  1880  dans  le  massif  du  Slema  Yrh,  qui,  au  nord  d' Agram, 
émerge  des  couches  néogènes  de  la  plaine,  pour  se  relier  vers  le 
N.  E.  au  Bakony-Wald.  Cette  détermination  de  l'épicentre  résulte 
avec  évidence  de  ce  que  l'aire  pléistoséiste  non  seulement  épouse 
très  exactement  la  forme  de  l'ovale  N.  E.-S.  W.,  dessiné  par  le 
Slema  Yrh,  mais  encore  ne  fait  que  l'auréoler  légèrement  de  toutes 
parts,  ainsi  que  l'indique  la  carte  tracée  par  Wâhner  '.  D'après  ce 
dernier  séismologue,  l'hypothèse  d'un  léger  affaissement  de  l'aire 
épicentrale  explique  bien  tous  les  caractères  physiques  et  mécaniques 
du  séisme,  ainsi  que  les  particularités  de  son  extension  et  de  sa  pro- 
pagation; et  même  la  supposition  que^  dans  Tavcnir,  le  retour  d'autres 
tremblements  de  terre  analogues  accentuera  ce  mouvement  de  des- 
cente duhorst,  est  mise  en  pleine  lumière  par  toutes  les  circonstances 
accessoires  qui  ont  accompagné  cet  événement.  Wàhner  a  aussi  érigé 
à  cette  occasion  une  théorie  géométrique  très  ingénieuse  du  mouve- 
ment séismique,  dont  l'exposé  ne  rentre  pas  dans  le  cadre  de  cet 
ouvrage,  mais  qu'il  était  impossible  de  passer  sous  silence.  Hantken 
von  Prudnik  *  écarte  de  piano  l'hypothèse  volcanique,  colle  plus 
extraordinaire  de  Falb  partageant  les  idées  d'Alexis  Perrey  sur  l'in- 

*  Statistik  der  Erdbeben  ia  Uogam  im  Jahre  1884  {Fôldtani  Kôzlôny,  XV,  202). 

*  Das  Erdbeben  von  Laibacham  14  April  1895  {Jahrbuchd.  K.  K.  geol.  Reicksanslalt, 
XLVi,411,  Wien,  1897). 

*  Das  Erdbeben  von  Agram  am  9  November  1880  (SUzungsber.  d.  K.  Ak.  d.  Wiss. 
Mat.  naL  wis».  Cl.,  LXXXVUI,  I,  Juni,  15,  Wien,  1883). 

'  Das  Erdbeben  von  Agram  im  Jahre  1880  (Mitth,  atis  d.  Jahrb.  d,  K.  ungar.  geol, 
AnslalL  VI,  3,  47,  Budapest.  1882). 


248  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

fluence  de  rattraciion  lunaire  sur  le  noyau  central  supposé  fluide, 
et  aussi  la  production  du  séisme  par  des  éboulements  des  couche» 
calcaires  mésozoïques  du  Slema  Vrh,  parce  que  l'extension  considé- 
rable du  tremblement  de  terre  s'oppose  à  l'adoption  d'une  cause 
inadéquate  et  hors  de  proportion  avec  Teffet  à  expliquer  ;  (inalement 
il  se  range  à  l'hypothèse  purement  tectonique. 

Le  séisme  d'Agram  a  donné  lieu,  dans  un  autre  ordre  d'idées,  à  des 
discussions  fort  importantes  relatives  aux  changements  topogra- 
phiques annoncés  par  le  colonel  Lerl  \  à  la  suite  de  ses  opérations 
géodésiques  en  Croatie  pendant  l'année  1885.  Ce  savant  a  cru  relever 
des  différences  notables  de  niveau  pour  plusieurs  des  sommets  de  la 
triangulation,  par  comparaison  avec  les  nivellements  précédents  de 
1878  et  de  1816.  Le  lieutenant-colonel  danois  Harboe^  s'est  livré  à  ce 
sujet  à  de  très  subtiles  recherches;  sans  admettre  complètement  que 
le  séisme  ait  produit  de  brusques  modifications  topographiques,  il 
pense  qu'un  simple  accroissement  progressif  de  la  poussée  orogé- 
nique tangentielle  suffît  à  expliquer  la  différence  entre  les  mesures 
des  trois  opérations  séparées  p  ar  un  intervalle  de  soixante-dix  ans,  assez 
grand  pour  les  mettre  en  évidence.  Adoptant  les  vues  de  Suess  sur 
l'affaissement  périadriatique,  ilcroit  que  ce  mouvement  séculaire  ayant 
eu  pour  effet  d'augmenter  graduellement  la  valeur  de  la  composante 
horizontale  de  la  pression,  le  maximum  s'est  fait  sentir  près 
d'Agram  et  a  donné  lieu  au  tremblement  de  terre.  Revenant  plus 
tard  sur  la  question  ',  il  admet  que  si  les  mesures  de  la  gravité  exé- 
cutées par  le  colonel  Sterneck  *  et  par  l'institut  naval  avaient  été 
poussées  jusqu'à  Agram,  elles  auraient,  conformément  à  la  marche 
connue  de  leurs  variations  le  long  des  Alpes  et  des  Carpathes,  décelé 
l'effondrement  de  l'aire  croate,  mouvement  en  dépendance  duquel  le 
tremblement  de  terre  d'Agram  ne  pourrait  manquer  de  se  trouver.  D'un 
autre  côté,  Fr.-E.  Suess  ne  croit  pas  que  les  mouvements  verticaux 
et  horizontaux  qu'auraient  subis  les  sommets  de  la  triangulation  soient 
suffisamment  démontrés.  Lerl  et  Harboe  ont,  en  effet,  été  forcés  d'ad- 
mettre, et  arbitrairement,  la  fixité  d'un  ou  de  plusieurs  d'entre  eux. 
ce  qui  n'est  rien  moins  qu'évident,  et  Fr.-E.  Suess,  fait  judicieusement 
observer  combien  peu  les  différences  de  niveau,  réduites  à  deux  ou 

*  Untersûchungen  ûber  etwaige  in  Verbindung  mit  dcm  Errlbcben  von  Agram  am 
0  November  1880  eingetrctenen  Niveauândeningon  {Milth.  d.  K.  K.  miliL  geogr,  ïnsL 
XV,  17,  1895). 

'  Das  Erdbeben  von  Agram  am  9  November  1880  (Beitrdge  zur  Geophysik,  lY,  406, 
Leipzig,  1900). 
'  Das  Erdbeben  von  Agram  am  9  November  1880.  {Id.  V.  237,  Leipzig,  1901). 

*  Mitth.  d.  K.  K.  milit.  geogr.  InsL,  XVII,  1897,  Wien,  1898. 


CâRPATHES  et  dépendances  219 

trois  dizaines  de  millimëtres  au  maximum,  dépassentl  es  limites  pro- 
bables des  erreurs  d'observation.  Il  faut  donc  être  aussi  prudent  que 
lui,  et  réserver  toute  décision  au  sujet  d'un  phénomène  concomitant 
possible,  probable  même,  du  tremblement  de  terre  d'Agram,  mais  qui 
jusqu'ici  ne  peut  être  considéré  comme  défînitivement  acquis. 

Les  environs  d'Agram  présentent  d'autres  épicentres  importants, 
celui  de  Karlstadt  par  exemple,  mais  ce  dernier  n'est  peut-être  pas 
indépendant  de  ceux  delà  Carniole  orientale. 


CHAPITRE  XV 

L'EUROPE  SUD-ORIENTALE 

1.  —  Grimée  et  mer  Noire  occidentale. 

La  côte  sud-orientale  de  la  Crimée  est,  à  Texclusion  du  reste  de  la 
presqu'île,  le  siège  de  secousses  qui  ne  sont  ni  très  fréquentes,  ni 
bien  sévères,  et  qu'il  est  souvent  difficile  de  séparer  de  celles  de  la 
côte  roumaine  et  bessarabienne,  entre  les  bouches  du  Danube  et 
Odessa. 

On  s'accorde  généralement  à  considérer  la  presqu'île  de  Crimée 
comme  une  dépendance  des  Balkans  :  ainsi  se  continuerait  la  zone 
de  fractures,  le  long  et  au  Sud  de  laquelle  cette  chaîne,  d'après  von 
Hochstetter*,  se  serait  affaissée  à  l'époque  miocène,  de  Pirot  au  cap 
Éminé.  Cet  effondrement  paraît  représenté  dans  la  mer  Noire  par  les 
profondeurs  qui,  au  Sud  de  la  ligne  des  caps  Éminé  et  Sarytch, 
tombent  assez  rapidement  de  moins  de  100  mètres  à  1  000  et  1  800. 
Cette  ligne  sous-marine  est  elle-même  le  prolongement  de  la  côte  acci- 
dentée du  Sud-Est  de  la  presqu'île,  tandis  que  ce  littoral  saillant  des- 
cend au  contraire  en  pente  douce  sûr  l'autre  versant  de  la  Crimée  ; 
c'est  donc  une  sorte  de  horst,  compris  entre  deux  zones  d'effondre- 
ment. Les  tremblements  de  terre  dont  il  s'agit  semblent  devoir  être 
une  conséquence  de  cette  situation.  La  même  côte  est  découpée  en 
lobes  à  grands  rayons  de  courbure,  disposition  qu'on  a  eu  souvent 
l'occasion  de  signaler  comme  favorable  au  développement  delà  séis- 
micité.  Cette  observation  est  applicable  ici  à  une  structure  qui  n'est 
pas  due,  ainsi  qu'on  pourrait  le  supposer,  à  des  fosses  circulaires 
d'effondrement,  mais  seulement,  d'après  Daniloff*,  à  de  gigantesques 
éboulements  dont  les  produits  forment  les  principaux  caps.  Quant 

*  Die  geologischen  Verhâltnisse  des  OsUichen  Theiles  der  europâischen  Tûrkei  [Jahrb. 
(l.  K,  K.  Geol,  Reichsanslalt,  XX,  1870,  365;  XXH,  1872,  331,  Wien). 

*  Sur  la  géographie  physique  de  la  Yaîla  occidentale  (Grimée).  (C.  R.  Ac,  Se,  Paris, 
GXXXV.  355,  1902). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  231 

aux  secousses  d'Odessa  et  de  la  côte  roumaine,  elles  ne  font  souvent 
que  mordre  la  côte,  ce  qui  tend  bien  à  leur  faire  assigner  une  origine 
sous-marine.  Or,  quel  autre  accident  pourrait  leur  donner  naissance, 
sinon  le  raide  talus  plus  haut  mentionné,  qui,  de  Bourgas  àEupatoria, 
sépare,  d'après  Venukoff*,  une  grande  surface  plate  de  180  mètres 
de  profondeur  maximum  des  grands  fonds  de  2250  mètres  qui  se 
rencontrent  sur  la  ligne  Théodosia-Sinope  ? 


2.  —  La  péninsule  balkanique. 

Entre  les  régions  situées  sur  le  bord  de  TAdriatique,  la  Save,  le 
Danube,  la  mer  Noire  et  la  mer  Egée,  un  grand  massif  archéen  a 
joué  dans  l'Europe  orientale  le  même  rôle  que  les  massifs  analogues 
du  centre  et  de  Touest  de  ce  continent.  Il  a  arrêté  au  Sud  les  plis- 
sements carpathiques,  ou  alpins,  et  a  l'Est  les  plissements  dina- 
riques,  issus  des  Alpes  orientales  ;  mais  il  n'en  a  pas  moins  subi  les 
poussées  orogéniques  tertiaires  qui  l'ont  en  partie  disloqué  et  même 
démembré,  puisque  le  récent  effondrement  de  la  mer  Égce  lui  a 
enlevé  une  importante  partie  de  sa  surface  méridionale.  Géologique- 
ment,  le  «  continent  oriental  »  de  Peters  comprend  la  Serbie,  la 
Bulgarie,  la  Roumélie  et  la  Macédoine.  On  lui  rattachera  en  outre 
rÉpire,  l'Albanie,  la  Dalmatie,  l'Herzégovine  et  la  Dalmatie,  que  les 
plissements  des  Alpes  orientales  ont  façonnés,  le  titre  de  péninsule 
balkanique  entraînant  ce  compromis  entre  la  géologie  et  la  géogra- 
phie de  territoires  qui,  si  leur  structure  et  leur  constitution  diffèrent, 
n'en  ont  pas  moins  tous  été  soumis  aux  mouvements  tertiaires.  Du 
peu  qui  vient  d'être  dit  de  l'histoire  de  ces  régions,  résulte  que 
l'instabilité  séismique  régnera  surtout  du  côté  de  l'Adriatique,  ce 
que  confirme  bien  l'observation,  tandis  que  le  massif  proprement 
dit  sera,  au  moins  relativement,  plus  à  l'abri  des  tremblements  de 
terre,  les  territoires  plissés  y  étant  d'ordinaire  plus  sujets  que  ceux 
simplement  disloqués  et  démembrés. 

Les  documents  séismiques  sont  assez  nombreux  pour  tous  ces 
pays.  Outre  les  catalogues  déjà  mentionnés  de  Perrey,  de  Julius 
Schmidt  et  d'Agamemnone,  on  a  pour  la  Bulgarie,  la  Bosnie  et  l'Herzé- 
govine, la  Dalmatie  enfin,  les  catalogues  annuels  publiés  par  Watzoff*, 

*  Les  profondeurs  de  la  mer  Noire  (C.  R.  Ac.  Se,  Paris,  CXI,  930, 1890). 

*  Tremblements  de  terre  en  Bulgarie  au  X1X«  siècle.  N»  4  (Sofia,  1902.  Bulg.  ;  rés.  fr.). 
Tremblements  de  terre  en  Bulgarie.  N»  2.  Liste  des  tremblements  de  terre  observés 

pendant  l'année  1901  (Bulg.  ;  résumé  fr.)  et  années  suivantes. . 


io2  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

Baillif  ^  et  von  Mojsisovics^  Le  détail  de  la  répartition  de  l'instabiliié 
séismique  est  donc  connu  d'une  manière  vraiment  trës  satisfaisante. 

La  Serbie,  dont  la  carte  géologique  provisoire  a  été  dressée  par 
Zujovic  ',  termine  à  l'Ouest  le  continent  oriental.  Cette  région  est  prin- 
cipalement formée  de  roches  anciennes.  A  l'Est,  cependant,  le  Crétacé 
domine  entre  la  Morava  et  le  Danube,  en  prolongement  du  versant 
septentrional  du  grand  Balkan,  et  on  le  retrouve  au  sud  de  Belgrade 
avec  le  Primaire  et  le  Tertiaire.  Les  roches  volcaniques  de  cettQ  der- 
nière époque  se  sont  épancliées  assez  tard  et,  d'après  Zujovic,  se  pré- 
sentent surtout  dans  le  prolongement  des  Carpathes.  La  Serbie  est  à 
l'abri  des  secousses  sévères  et  môme  de  faibles  chocs  y  sont  plutôt 
rares,  mais  le  moment  n'est  pas  venu,  faute  de  renseignements  suffi- 
sants, de  leur  assigner  une  origine  déterminée.  C'est  naturellement 
pour  Belgrade  que  l'on  en  connaît  le  plus  grand  nombre,  ce  qui  ne 
suffit  pas  pour  les  faire  considérer  comme  autochtones,  et  il  faut 
probablement  les  attribuer  au  Banat.  Le  massif  du  Rudnik,  au  N.  W. 
de  Kragujevatz,  paraît  être  un  faible  foyer  d'ébranlement.  Non  loin  de 
Tangle  rentrant  du  Danube,  quelques  séismes  dans  la  chaîne  de 
rOmolske  prolongent  vraisemblablement  en  Serbie  la  région  séis- 
mique de  Moldova-Orsova  ;  c'est  là  que  se  ferment  les  plissements 
de  l'arc  carpathobalkanique.  De  la  ligne  de  fracture  qu'est  la  fron- 
tière bosniaque,  le  long  de  la  Drina,  Tonne  saurait  rien  dire  encore, 
mais  il  est  permis  de  supposer  que  cette  partie  du  pays  pourra  peut- 
être  déceler  des  foyers  d'ébranlement  comme  ceux  du  côté  opposé, 
Dolnjé  Touzla  et  Sarajevo,  quand  les  observations  systématiques 
instituées  en  1903  auront  été  faites  pendant  assez  longtemps.  En 
résumé,  la  Serbie  est  un  pays  presque  aséismique,  conséquence  immé- 
diate de  ce  que  ses  roches  anciennes  ont  fait  obstacle  au  plissement 
dinarique  des  Alpes  orientales,  qui  ont  dû  s'infléchir  au  S.  E.  vers 
l'Albanie. 

Le  Grand  Balkan  est  une  chaîne  crétacée,  plissée  à  peu  près  paral- 
lèlement au  cours  inférieur  du  Danube  par  suite  de  la  résistance 
du  massif  archéen  du  Rhodope  ou  Despoto-Dagh  à  une  pression 
venant  du  Nord.  Il  incline  doucement  vers  le  Nord  sa  couverture 

*  Zusammenslcllung  der  im  Jahre  189G,  1897,  i898, 1899.  1900,  in  Bosnien  und  Hene- 
^çovina  staltgcfunden  Ërdbcbonbcobachtungen  (Ergebnissen  d.  met.  Beob.  in  d.  Landes- 
slalionen  in  Bosn.  u.  in  llerzeg,  Wien,  i898...) 

*  Âllgemeines  CUronik  und  Bericht  der  im  Jahre  1896-1897...,  1904,  innerhalb  des  Beo- 
bachluDgsgebictos  erfolgtcn  Erdbeben  (Uitth.  d,  Erbebencomm,  d.  K.  Ak,  d.  Wîm.  in 
Wien), 

'  Geologische  Ueberslcht  des  KÔnigreiches  Serbien  (Jahrb,  d.  K,  K,  geol.  Rtichs- 
anstalL  XXXVI,  71.  1886). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE 


251 


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254  ,        GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

sédimentairey  qui  redevient  horizontale  sous  la  plaine  alluvionnaire 
bulgare.  Tout  ce  versant  est  stable,  et  Ton  n'y  ressent  que  peu  de  se- 
cousses, d'ailleurs  sans  importance.  Une  chute  de  quelques  150  mètres 
amené  au  sillon  danubien  proprement  dit  et  quelques  pointements 
basaltiques,  à  40  ou  50  kilomètres  du  fleuve,  font  penser  à  de  Lappa- 
rent  qu'entre  la  Roumanie  et  la  Bulgarie  doit  se  cacher,  sous  les 
alluvions,  autre  chose  qu'une  simple  vallée  d'érosion.  C'est  à  cet 
accident  supposé  vraisemblablement  un  système  de  fractures^  que 
seraient  dues  les  rares  secousses  du  versant  balkanique  septentrional. 

La  poussée  orogénique  tertiaire,  qui  a  dressé  par  plissement  le 
Balkan  contre  les  massifs  résistants  du  Sud,  est  trop  récente  pour 
que  la  stabilité  relative  de  la  grande  chaîne  sur  la  plus  grande  partie 
de  son  parcours  ne  demande  une  explication.  Elle  ne  peut  se  trouver 
que  dans  la  résolution  du  plissement  en  fractures,  et  l'on  sait  par 
expérience  combien  ce  dernier  genre  d'accidents  est  moins  favorable 
à  la  séismicité.  Et,  en  effet,  dès  longtemps,  von  Hochstetter  a  consi- 
déré le  flanc  méridional  abrupt  du  Grand  Balkan,  entre  le  cap 
Éminé  et  Pirot,  comme  une  gigantesque  faille,  que  les  études  plus 
récentes  ont,  il  est  vrai,  réduit  à  une  zone  de  fractures.  Les  disloca- 
tions balkaniques  se  sont  résolues  en  bassins  d'effondrement  qu'ont 
remplis  des  lacs  tertiaires,  et  les  phssements  sont  restés  stables, 
pour  ainsi  dire  comme  un  arc  débandé,  tandis  que  les  parties  rom- 
pues et  affaissées  ont  conservé  un  reste  de  mobilité  accusée  par  les 
tremblements  de  terre  des  bassins  de  Sofia,  de  Philippopoli  et  d'An- 
drinople,  pour  ne  citer  que  les  principaux  et  les  mieux  connus;  du 
moins  est-ce  ainsi  que  l'on  peut,  dans  une  certaine  mesure,  se  rendre 
compte  d'un  état  de  choses  si  particulier.  Comme  il  était  à  prévoir, 
les  épanchements  éruptifs  tertiaires  ont  jalonné  la  zone  rompue, 
mais  il  serait  oiseux  d'en  parler  ici  plus  en  détail. 

Indépendamment  des  nombreuses  secousses  qui  lui  viennent  du 
Rila-Dagh,  le  bassin  de  Sofia  a  des  chocs  propres,  et  tout  autour  se 
montrent  des  épicentres.  Mais  on  ne  saurait  dire  si  les  séismes 
graves,  qui  ont  parfois  sévi  dans  cette  ville,  étaient  autre  chose  que 
le  contre-coup  des  violents  tremblements  de  terre  du  Rhodope,  où 
il  est  bien  avéré  que  se  trouve  une  région  séismique  dangereuse. 

Ichtiman,  Samokov  et  Doubnitza  sont  visiblement  dans  des  con- 
ditions géologiques  et  séismiques  tout  à  fait  analogues. 

Philippopoli  a,  comme  on  devait  s  y  attendre,  accaparé  toutes  les 
secousses  de  son  vaste  bassin  lacustre  d'effondrement.  Cette  ville 
n'a,  jusqu'à  présent,  pour  ainsi  dire  jamais  souffert  de  dommages 
sérieux,  constatation   qui  en  raison  de  la  similitude  des  circons- 


L'EUROPE  SUD-ORIëNTâLE  255 

tances,  non  seulement  corrobore  la  probabilité  de  l'origine  exté- 
rieure des  séismes  sévères  de  Sofia,  mais  encore  laisse  supposer 
que  la  partie  orientale  du  Rhodopc  ne  renferme  pas  de  foyer  séis- 
mique  comparable  à  celui  du  Rila-Dagh,  ce  que  l'absence  d'informa- 
tions scientifiques  dans  ce  sens  ne  permettait  guère  d'affirmer.  Il  est 
donc  vraisemblable  qu'à  l'avenir  les  relevés  de  l'Institut  météorolo- 
gique de  Sofia  ne  feront  pas  découvrir  de  centre  séismique  important 
de  ce  côté  du  Balkan  archéen. 

Quelques  secousses  de  Jamboli  et  de  Sliven  portent  à  penser  que 
la  fracture,  ou  l'accident  tectonique  de  la  haute  Toundja,  a  conservé 
une   certaine   mobilité.  D'ailleurs,  ce  flanc  méridional  du   Grand 
Balkan  pourrait  bien  avoir  été  le  siège  de  mouvements  importants 
et  fort  récents.  C'est  à  cette  conclusion  qu'est  arrivé  de  Launay^, 
d'après  une  exploration  de  Wankoff,  entre  Trevna  et  Sliven.  Voici 
le  résumé  de  ces  très  intéressantes  observations  qui,  évidemment, 
peuvent  rendre  compte  de  la  plus   grande  instabilité,   à  la  vérité 
modérée,  du  flanc  méridional  de  la  ciiaîne.  Il  a  existé  à  de  nom- 
breuses reprises,  depuis  le  Carboniférien  jusqu'à  la  fin  du  Tertiaire, 
sur  l'emplacement  du  Balkan  central,  un  géosynclinal,  où  se  sont 
déposés  des  sédiments   détritiques  :  anthracites  carbonifères  de  la 
vallée  de  l'isker,  charbons  sénoniens,  grès  supracrétacés-éocènes  du 
flysch,   lignites  néogènes.  Avant  et  après  le  flysch,  une  première 
série  de  mouvements  a  produit  des  renversements  généraux  vers  le 
Nord,  et  les  terrains  sont  brusquement  interrompus  au  gneiss  ou  au 
Trias  vers  le  Sud,  ou  se  trouve  le  flanc  abrupt  jalonné  par  des  effon- 
drements. Ces  dislocations  sont  attribuables  à  une  compression  du 
géo-synclinal  E.-W.  entre  deux  voussoirs,  la  plate-forme  russe  et  le 
Rhodope,  qui  se  seraient  rapprochés  l'un  de  l'autre  en  déterminant 
le  chevauchement  du  Balkan  plissé  sur  son  avant-pays  resté  hori- 
zontal. Des  dislocations  longitudinales  et   transversales,  concomi- 
tantes de  manifestations  éruptives  nombreuses,  ont  amené  la  forma- 
tion des  dépôts  néogènes  dans  les  cuvettes  du  flanc  sud  de  la  chaîne. 
Ces  derniers  sont  eux-mêmes  disloqués.  Enfin  la  crête  orographique 
granitique,  dominant  de  400  à  500  mètres  la  ligne  de  partage  des 
eaux,  est  plus  septentrionale  qu'elle  de  5  à  10  kilomètres.  Bien  que 
d'autres  hypothèses  soient  égalemçnt  à  considérer,  dit  de  Launay, 
cette   disposition  pourrait  être  due   à  un   mouvement   tectonique 
récent,  que  divers  autres  indices   amènent  à  supposer,  par  suite 
duquel  la  crête  granitique  aurait  continué  à  s'élever  après  le  début 

*  La  formation  charbonnease  sénonienne  des  Balkans  (C.  R.  Ac.  Se,  Parisy  CXL, 
609,  1905). 


!256  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQCE 

(lu  creusement  des  vallées  et  aurait  été  sciée  transversalement  par 
le  travail  progressif  des  cours  d'eau. 

Contrairement  à  ce  qu'on  a  dit  de  Philippopoli,  et  même  en  tenant 
compte  de  l'exagération  si  facile  aux  chroniqueurs,  il  paraît  bien 
qu'Andrinople,  ou  le  bassin  d'effondrement  tertiaire  de  la  basse 
Maritza,  a  subi  de  véritables  ruines  séismiques,  outre  les  désastres 
mentionnés  sans  plus  de  détails  pour  la  Thrace.  Gomme  ils  ont  été 
le  plus  souvent  associés  à  de  graves  tremblements  de  terre  des 
grandes  villes  du  voisinage,  telles  que  Constantinople  et  Gallipoli,et 
que  d'ailleurs  les  épicentres  en  sont  absolument  indéterminables, 
on  peut  se  demander  si  le  bassin  d'Andrinople  est  plus  exposé  que 
ses  analogues  en  raison  de  sa  structure  propre,  ou  s'il  ne  ferait  que 
subir  le  contre-coup  de  quelque  foyer  du  Rhodope  oriental,  compa- 
rable à  celui  du  Rila-Dagh.  La  question  est  encore  sans  réponse  nette. 

Inéboly,  Ipsala  et  Ënos,  sur  la  basse  Maritza,  ont  leurs  secousses 
propres,  jamais  bien  sévëres  cependant. 

Seres  et  Drama  d'une  part,  et  Melnik  d'autre  part,  forment  sur  le 
bas  Strouma  deux  centres  d'ébranlement,  que  leur  situation  dans  des 
cuvettes  tertiaires,  au  milieu  des  roches  archéennes  environnantes, 
doit  faire  assimiler  aux  cas  précédents  de  Sofia  et  autres.  Les 
secousses  assez  fréquentes  de  Kavala  ne  sont  probablement  pas 
différentes  de  celles  de  Drama. 

La  Chalcidique  est  composée  de  trois  presqu'îles  :  les  deux  pres- 
qu'îles orientales  sont  formées  de  schistes  cristallins  très  fortement 
redressés,  de  gneiss  et  de  granité,  tandis  que  celle  de  l'Ouest,  ou 
de  Kassandra,  montre  des  couches  tertiaires  et  quaternaires  presque 
horizontales  depuis  Polygyros  jusqu'aux  sources  chaudes  de  Seres, 
d'où  le  nom  antique  de  golfe  Thermique.  Une  structure  chirogra- 
phaire,  dont  on  connaît  peu  d'exemples  aussi  parfaits,  y  est  complè- 
tement indépendante  de  l'allure  des  couches  recoupées,  et  conjointe- 
ment avec  une  faille,  Christomanos' la  rend  responsable  du  tremble- 
ment de  terre  de  Salonique  du  5  juillet  1902.  Cette  relation  peut 
être  valable  pour  les  séismes  propres  de  la  Chalcidique,  mais  non 
pour  ceux  de  Salonique,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin.  Izvoro, 
Polygyros  et  Kassandra,  l'antique  Potidée,  sont  d'apparents  foyers 
d'ébranlements.  On  sait  que,  d'après  Hérodote  (VIII,  22),  le  siège 
de  cette  dernière  ville  par  les  Perses  fut  troublé  par  un  raz  de 
marée,  d'origine  probablement  séismique,  le  seul  phénomène  de  ce 
genre  connu  pour  les  côtes  de  Macédoine. 

*  Le  tremblement  de  terre  de  Salonique  (C.  R.  Ac,  Se.  PaîHs,  GXXXV,  515,  1902). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  257 

Sans  les  études  auxquelles  ont  donné  lieu  les  grands  tremblements 
de  terre  de  Salonique  du  5  juillet  1902  et  du  4  avril  1904,  cette  ville 
aurait  continué  à  passer  pour  le  foyer  séismique  le  plus  important 
de  la  Macédoine.  Mais  depuis  les  travaux  d'Hœrnes  ^  sur  ces  deux 
séismes,  il  est  certain  que  cette  ville  n'a  fait  qu'accaparer  les  secousses 
du  voisinage.  Le  premier  de  ces  deux  tremblements  de  terre  des- 
tructeurs a  eu  son  épicentre  entre  Guvezne  (Grosdovo)  et  Arakli, 
pr&s  et  au  Nord  du  lac  de  Langaza,  au  centre  d'une  dépression 
occupée  par  du  diluvium  et  des  couches  pliocènes.  Ce  lac  se  trouve 
d'ailleurs  en  prolongement  du  Becliik  Gol,  qui  tend  à  couper 
du  continent  les  presqu'îles  chalcidiques  dans  la  direction  de  Salo- 
nique. De  Langaza  à  Dojran  au  Nord,  les  isoséistes.  se  sont  disposées 
autour  d'une  dislocation  comme  axe,  ce  qui  rend  évident  son  rôle 
séismogénique  en  l'occurence.  Il  s'agit  là  d'un  Graben  d'effondre- 
ment en  pleines  roches  archéennes,  et  dont  un  très  important  appa- 
reil thermal  accentue  encore  le  caractère  tectonique.  Plus  au  Nord, 
à  l'extrémité  occidentale  duRhodope,  le  massif  du  Rila  a  été  le  foyer 
du  tremblement  de  terre  du  4  avril  1904.  L'épicentre  s'est  trouvé 
près  de  Dzuma-i-Bala  dans  le  défilé  de  Kresna,  qui  correspond  à  une 
dislocation  des  montagnes  granitiques  du  Pirin-Dagh  et  du  Maies- 
Planina.  Rilski-Monastir  est  pour  ainsi  dire  en  perpétuel  mouvement 
et  le  Rila-Dagh  présente  plusieurs  autres  accidents  considérables 
auxquels  on  peut  assigner  aussi  un  rôle  séismogénique,  jusqu'à  ce 
que  des  études  de  détail  aient  permis  de  préciser  davantage  ;  l'insta- 
bilité du  massif  s'étend  tout  autour  à  Doubnitza  et  aux  environs  de 
Kustendil,  dernière  localité  près  de  laquelle  une  ligne  de  fractures 
dans  le  gneiss  marque  l'emplacement  de  nombreuses  sources  sulfu- 
reuses chaudes. 

Uskub,  au  bord  d'un  autre  lac  tertiaire,  est  un  foyer  d'ébranle- 
ment dont  l'instabilité  ne  peut  cependant  pas  se  comparer  à  celle 
des  centres  précédents.  C'est  un  peu  plus  au  Nord  qu'on  atteint  le 
seuil  mal  défini  de  la  plaine  de  Kossovo  entre  le  haut  Ibar  et  le 
Lepenatz,  affluent  du  Vardar.  Cette  disposition  est  ti'op  particulière, 
au  milieu  des  roches  archéennes,  pour  ne  pas  laisser  supposer  quel- 
que accident  tectonique  responsable  des  secousses  qu'on  y  ressent. 

On  en  a  fini  maintenant  avec  les  fragments  du  continent  oriental 
et  les  plissements  carpathiques  auxquels  il  a  donné  appui  ;  il  reste 
à  examiner  les  plissements  dinariques  de  l'Ouest,  Albanie  et  Ëpire, 

*  Das  Erdbeben  von  Salonichi  aui  5  Juli  1902  (Mitth,  d.  Erdbebencomm.  d.  K.  Ak.  d. 
.Wï«.  in  Wien,  Neuo  Folge,  XHI,  1903);  Id.  Bericht  ûber  das  makedonische  Erdbeben 
vom  4  April  1904  ;  Id.  XXIV,  1904). 

Db  1Io9Tbs8u«.  —  Tremblements  de  terre.  \  7 


25S  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

qui,  contraints  à  dévier  vers  le  S.  S.  ë.  par  la  résistance  du  massif, 
achèvent  de  compléter  la  presqu'île  des  Balkans  sur  TAdriatique. 
Si  ces  plissements  évoquent  de  suite  l'idée  d*une  grande  instabilité, 
ce  qui  est  bien  le  cas  de  ces  pays,  cette  origine  directe  de  leurs 
tremblements  de  terre  n'est  certainement  pas  exacte  cependant, 
puisque  plus  au  Sud,  dans  le  Pinde,  ils  sont  stables,  et  cette  même 
restriction  s'applique  à  la  Dalmatie.  11  faudra  donc  cherclier  ail- 
leurs les  causes  générales  de  la  séismicité. 

Nous  limiterons  ici  l'Albanie  au  cours  du  Drin,  qui  s'ouvre  pas- 
sage par  un  canon  de  plus  de  1  000  mètres  de  profondeur  dans  le 
Crétacé  plissé.  Le  trait  principal  de  la  géographie  albanaise  consiste 
dans  la  haute  muraille  calcaire  qui,  d'Elbassan  à  Dulcigno,  repré- 
sente le  bord  d'un  ancien  lac  tertiaire,  se  prolongeant  au  S.  S.  £. 
jusqu'à  Trikkala,  en  Thessalie,  par  Koritza  et  Kastoria.  On  y  ren- 
contre de  nombreux  foyers  d'ébranlement  où  les  tremblements  de 
terre  ont  souvent  été  dévastateurs,  Scutari,  Durazzo,  Ëlbassan, 
Bérat,  etc.  Plus  h  l'Est,  si  Ton  ne  connaît  pas  de  véritables  catas- 
trophes, du  moins  Hilber  ^  a  signalé  qu'en  1883  plus  de  600  chocs 
ont  été  ressentis  en  trois  mois  à  Koritza,  au  sud  du  lac  d'Ochrida  ; 
ce  fait  indique  une  instabilité  que  Ton  ne  soupçonnait  pas  jus- 
qu'alors. Il  attribue  ces  séismes  à  la  double  faille  qui  a  donné  lieu 
à  la  fosse  d'eQondrement  qu  est  le  lac  d'Ochrida.  Ses  voisins,  les 
lacs  de  Presba  et  de  Yentrok,  sont  formés  comme  lui  par  des  affais- 
sements de  synclinaux  de  la  chaîne  plissée  entre  des  failles  paral- 
lèles, et  rien  n'empêche  de  se  rallier  à  cette  opinion  sur  les  séismes 
de  cette  région.  Il  est  probable  que  des  causes  analogues  peuvent 
rendre  compte  des  secousses  de  Divri,  de  Monastir  et  de  Kastoria, 
si  tant  est  qu'elles  soient  indépendantes  de  celles  de  Koritza,  ou  du 
lac  d'Ochrida,  ce  que  Ton  ignore. 

Yanina  occupe  une  situation  tout  à  fait  analogue  :  cavité  tecto- 
nique avec  un  lac  en  voie  d'assèchement,  et  faible  reste  d'une  nappe 
tertiaire  beaucoup  plus  considérable.  Les  tremblements  de  terre  y 
sont  aussi  fréquents  que  redoutables. 

Gorfou  est  un  centre  renommé  d*instabilité,  mais  comme,  &ar  la 
côte,  Avlona  et  Khimara  sont  tout  aussi  exposées,  il  y  a  lieu  (k 
tenir  pour  certain  qu'une  région  séismique,  dépendant  d'une  même 
cause,  s'étend  jusqu'au  lac  d'Ambracie,  à  Prévésa  et  Arta.  Cette 
cause  générale  ne  peut  être  cherchée  dans  le  plissement  dinarique, 
stable  plus  au  Sud,  pas  plus  que  dans  les  dislocations  de  la  bande  de 

*  Geologische  Reise  in  Nordgricchenland  und  Makedonien,  1904  {Siisungsber.  d.K.Ak, 
d.  Wiss.  mat.  nat.  CL  Wien,  GUI,  623). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  259 

flysch  plissée  au  travers  de  laquelle  se  sont  ouvertes  les  vallées  lon- 
gitudinales de  rÉpire,  les  séisme»  paraissant  ébranler  surtout  la 
côte.  Seul  le  tracé,  qui  manque  encore,  des  isoséistes  d'un  assez 
grand  nombre  de  tremblements  de  terre  pourrait  mettre  sur  la  voie 
de  la  découverte  des  accidents  tectoniques  à  mettre  en  cause.  En 
particulier,  il  serait  trës  intéressant  de  »»roir  s'ils  s'allongent  parallë- 
lement  à  la  côte,  en  vm  mot  si  les  secousses  sont  liées  au  raide 
talus  sous-marin  de  la  mer  Ionienne,  et  par  suite  dépendent  de  l'effon- 
drement méditerranéen,  contre-partie  du  plissement  dinarique.  Tant 
que  les  études  n'auronè  pas  été  dirigées  dans  ce  sens,  il  serait  témé- 
raire d'accepter  sans  plus  la  précédente  suggestion,  cependant  bien 
séduisante  pour  les  tremblements  de  terre  des  cMes  épirotes  et 
albanaises.  Quelques  vagues  séismiques  sont  là  seules  pour  laisser 
supposer  une  certaine  mobilité  du  fond  de  la  mer  Ionienne,  d'autant 
plus  que  très  certainement  la  plupart  des  séismes  d'Otrante  et  de 
Lecee  y  ont  leur  origine. 

Entre  l'Adriatique  et  les  fragments  serbes  et  croates  du  continent 
oriental,  les  Alpes  Illyriennes,  ou  Dinariques,  arrêtées  par  la  résis- 
tance de  ces  sortes  de  butoirs»  se  sont  prolongées  vers  le  Sud  et  le 
Sud-Est  pour  former  les  régions  plissées  de  THerzégovine,  de  la 
Bosnie  et  de  la  Dalmatie.  Ces  territoires,  formés  surtout  de  tecrains 
secondaires,  ccmstituent  un  tout  géologique  et  géographique  bien 
défini,  que  seule  la  nécessittfr  d'introduire  des  divisions  en  rapport 
avec  la  nomenclature  habituelle  a  fait  arrêter  au  cours  de  la  Save 
et  de  son  affluent  la  Kulpa,  jusqu'à  l'angle  du  gaXe  de  Qtiarnero  ; 
sinon  il  aurait  fallu  englober  aussi  l'Istrie  et  la  Camiole,  dont  la 
structure  est  exactement  la  même.  D'ailleurs  les  côtes  dalmates  pré- 
sentent un  type  tout  spécial,  justifiant  ce  Gom|womis  dans  une  cer- 
taine mesuse. 

Ces  régions  forment  un  triangle  9^ amincissant  fortement  vers  le 
Sud,  les  plis  ayant  dû  se  resserrer  considérablement  contre  le  mas- 
sif archéen  du  Skhar,  qui  a  opposé  une  résistance  invincible  à  la 
surrection  alpine,  et  forcé  les  chaînes  à  s'infléchiff  au  delà  vers 
le  S.  S.  E.  Outre  le  plissement  alpin,  qui  a  érigé  les  chaînes 
dinariques,  l'événement  géologique  capital  est  ici  Téffondrement  de 
la  partie  septentrionale  de  la  mer  Adriatique;  làos  les  géologues 
admettent  maintenant  que  les  îles  Lagosta,  Pellagosa,  Pianosa  et 
Tremiti  sont  les  restes  de  la  côte  méridionale  d'une  terre  adriatique 
récemment  affaissée,  à  la  suite  d'un  mouvement  qui  se  prolongerait 
jusqu'à  l'axe  archéen  des  Alpes  par  les  failles  dites  périadriatiques. 
On  n'en  veut  pour  preuves  que  l'absence  de  Tertiaire  marin  à 


260 


GÉOGRAPHIE  SÉÏSMOLOGIQUE 


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Fig.  39.  -~  Dalmatie,  Bosnie  et  Herzégovine. 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  261 

Toucst  de  la  Bosnie  et  le  fait  que  de  tels  sédiments  ne  se  rencontrent 
plus  au  nord  de  Pelagosa.  Le  Monte  Conero,  près  d'Ancône,  et  le 
Monte  Gargano  seraient  en  Italie  les  représentants  de  cette  Adria- 
tide  disparue,  tandis  que  les  pointemenls  éruptifs  des  Piètre  Nere 
au  lac  italien  de  Lésina,  précisément  orientés  vers  Lissa,  ainsi  que 
ceux  mêmes  de  cette  dernière  île  dalmate,  attesteraient  bien  la  réa- 
lité de  la  fracture.  D'autres  arguments,  paléontologiques  et  zoolo« 
giques,  militent  en  faveur  de  cette  hypothèse.  Par  une  coïncidence 
qui  n'est  certainement  pas  fortuite,  ce  rivage  méridional  de  TAdria- 
tidc  affaissée  sous  les  eaux  se  trouve  juste  en  prolongement  de  celui 
du  grand  lac  tertiaire  albanais  par  Elbassan  et  Dulcigno,  ce  qui 
montre  quels  profonds  bouleversements  ont  subi  ces  pays  depuis 
l'époque  miocène.  Les  côtes  dalmates  ne  sont  point  des  Qords  ;  la 
mer  a  seulement  pénétré  dans  les  synclinaux  de  plissement,  en  pro- 
fitant des  cassures  qui  lui  ont  permis  d'ouvrir  d'étroits  et  profonds 
canaux,  qui  ont  découpé  les  îles  et  se  terminent  parfois  au  pied  de 
dolines  effondrées. 

Une  telle  constitution,  de  date  aussi  récente,  ne  pouvait  manquer 
d'appeler  une  grande  instabilité,  preuve  que  l'équilibre  est  loin  d'être 
atteint.  Et  en  effet,  la  Dalmatie  est  un  pays  qui  non  seulement  ne 
compte  plus  les  tremblements  de  terre  violents,  mais  est  pour  ainsi 
dire  en  perpétuel  mouvement.  Malheureusement,  les  tracés  d'iso- 
séistes  sont  encore  trop  peu  nombreux  pour  qu'on  puisse  en  toute 
sûreté  invoquer  les  nombreux  accidents  tectoniques  de  la  couverture 
secondaire  ou  tertiaire  lacustre.  Ces  dislocations  sont  tantôt  paral- 
lèles, tantôt  perpendiculaires  aux  plis  dinariques.  Parmi  les  dernières, 
plusieurs  indiquent  des  épicentres  sous-marins.  C'est  donc  que  le 
plissement,  et  l'effondrement  adriatique  de  même  direction,  ne  jouent 
pas  exclusivement  un  rôle  séismogénique,  et  qu'il  faut  aussi  compter 
avec  les  cassures  transversales. 

Le  grand  tremblement  de  terre  de  Sinj,  du  2  juillet  1898,  a  été 
étudié  dans  tous  ses  détails  par  Faidiga  S  et  von  Kerner  '  a  fait 
intervenir  pour  sa  production  des  mouvements  des  compartiments 
découpés  par  des  failles,  tout  autour  d'un  petit  bassin  tertiaire  lacustre 
maintenant  asséché  et  bouleversé.  On  retombe  donc  là  sur  le  môme 
genre  de  phénomènes  que  ceux  qui  agitent  les  bassins  analogues  du 

*  Das  Erbeben  von  Sinj  am  2  Juli  189S  (Mit th.  d.  Erdbebencomm.  d.  K.  Ak,  d.  Wiss. 
in  Wien.  Neue  Folge,  XVII,  1903). 

■  Voriflufiger  Bericht  ûber  das  Erbeben  von  Sinj  am  2  Juli  1898  {Verhandlungen  d.  K. 
K.  geoL  Reichaanstalt,  1898,  270,  Wien)  ;  Id.  Die  Beziehung  des  Erdbebens  von  Sinj  am 
2  Juli  1898  zvLT  Tektonik  seines  pleisosteistes  Gebietcs  (Jahrbuch  d.  K,  K.  geol.  Reichsanstalt. 
1900,  L.  1,  Wien). 


2<»  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

massif  balkanique.  Von  Mojsisovics  (6'  Liste  de  1900,  p.  70)  met  les 
séismes  du  26  juin  1899  et  du  13  mars  1900  en  relation  avec  une 
faille  qui  se  montre  le  long  de  la  ligne  Ivankovic,  Mont  Om,  Vris- 
nik.  Bol,  Civitta-Vecchia  (Lésina),  et  qui  de  là  vient  effleurer  la 
côte  S.  W.  de  la  presqu'île  de  Rabal,  et  se  fait  voir  aussi  à  San 
Pietro  de  Brazza  et  Almissa.  Le  rôle  séismogénique  de  la  disloca- 
tion de  la  vallée  do  la  Narenta  n'est  guère  niable  non  plus. 

Ki&patié^  fait  jouer  un  rôle  séismogénique  important  à  une  dislo- 
cation sous-marine,  à  la  vérité  hypotiiétique,  courant  E.-W. 
entre  les  îles  Lésina  et  Curzola,  qui  ont  été  souvent  le  siëge  de 
séries  de  nombreuses  secousses. 

Toutes  les  villes  importantes  de  la  Dalmatie  sont  des  foyers,  an 
moins  apparents,  d'ébranlement,  mais  les  véritables  épicentres  sont 
encore  bien  mal  connus* 

On  sait  combien  sont  nombreux  les  séismologues  qui  ont  mis,  au 
moyen  de  statistiques  locales  et  restreintes,  les  tremblements  de 
terre  en  relation  avec  les  saisons,  et  nous  en  avons  montré  le  peu 
de  bien  fondé  par  une  étude  générale*  d'où  il  ressort  que  les 
maxima  et  les  minima  varient  de  pays  à  pays.  A  propos  de  ceux 
de  la  Dalmatie,  Belar'a  expliqué  le  maximum  estival  qui  s'est  mani- 
festé en  1902  en  disant  que  le  long  des  côtes,  c'est  dans  cette  saison 
que  se  produit  la  plus  grande  différence  d'échauffement  entre  les 
sols  couverts  par  l'eau  et  par  l'atmosphère,  d'où  la  possibilité 
que  se  manifestent  les  plus  grandes  différences  de  tension  dans  les 
couches  terrestres,  et  les  secousses  du  sol  quand  ces  différences 
atteignent  une  certaine  valeur.  L'effet  est-il  adéquat  à  la  cause  invo- 
quée ? 

On  ne  saurait  passer  sous  silence  les  nombreux  bruits  séismiques 
qui,  de  1822  à  1826,  ont  tant  effrayé  les  habitants  de  1  île  de  Meleda. 
Knett,  dans  les  mémoires  déjà  cités  sur  les  bruits  séismiques, 
explique  ceux  de  Meleda  par  l'afflux  des  vagues  de  la  mer  dans  les 
cavernes  et  les  diaclases  du  calcaire  bouleversé  de  cette  île  ;  ainsi 
comprimé,  l'air  qui  les  remplit  utilise  toutes  les  voies  possibles  pour 
s'échapper  à  l'extérieur,  ce  qui  ne  peut  s'effectuer  sans  bruit.  Cette 
explication  se  rapproche  beaucoup  de  celles  de  Partsch  *,  à  qui  l'on 

*  Bericht  ûber  die  Kroatischslavonisch-dalmatischen,  sowie  ûber  die  bosnischrkerze- 
govinischen  Erdbebenin  den  JahrenISSÂ,  1885  und  i886  (p.  100). 

'  Étude  critique  des  lois  de  répartition  saisonnière  des  séismes  (Arch.  se,  ph.  naL, 
Genève,  15  mai  1891). 

*  Erdbeben  in  Gebiele  der  Adria  vom  Jalire  1902  (Die  Erdbebenwarte,  IV,  1904-1905, 
40,  Laibach). 

*  Berichi  ûber  dos  Detonatxonsphûnomen  auf  derinsel  Meleda  bei  Ragusa  (Wien,  iS26). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  263 

doit  la  description  du  phénomène,  et  de  StuUi*,  mais  elle  nous 
semble  se  heurter  à  cette  grosse  difficulté  que  Faction  des  eaux  de  la 
mer  est  toujours  restée  la  même  qu'en  1822,  tandis  que  les  bruits 
séismiques  ne  se  sont  plus  renouvelés  sur  cette  échelle  ;  elle  est  d'ail- 
leurs de  tous  points  inadmissible  pour  les  bruits  analogues  de  Gua- 
najuato  (Mexique)  en  1784,  et  pour  bien  d'autres  cas  du  même 
genre. 

La  séismicité  générale  de  la  Dalmatie,  —  et  cette  considération 
doit  aussi  s'appliquer  à  la  Bosnie  et  à  l'Herzégovine,  —  ne  saurait 
être  indépendante  du  géosynclinal  ancien  qu'on  y  a  récemment 
reconnu.  La  présence  du  Carboniférien  marin  dans  ces  pays  démontre 
l'existence,  sur  l'emplacement  même  du  rivage  oriental  de  l'Adria- 
tique, d'une  communication  avec  la  mer  russe  de  la  même  époque. 
Il  y  aurait  ainsi  superposition  des  causes  séismogéniques  inhérentes 
au  géosynclinal  carboniférien  et  de  celles  résultant  des  mouvements 
tertiaires,  cas  que  nous  avons  déjà  plusieurs  fois  rencontré. 

En  Bosnie  et  en  Herzégovine  s'introduit  dans  la  structure  géolo- 
gique un  autre  élément  de  complication,  à  savoir  la  présence  de 
noyaux  primaires  perçant  la  couverture  secondaire,  tandis  que  vers 
le  Nord  le  Flysch  et  les  dépôts  néogenes  vont  rejoindre  la  Save.  On 
n'y  connaît  pas  de  désastres  séismiques,  mais  seulement  quelques 
chocs  très  sévères  ;  jusqu'à  nouvel  ordre,  il  est  difficile  d'affirmer  que 
ces  deux  anciennes  provinces  turques,  isolées  du  monde  civilisé  pen- 
dant tant  de  siècles,  sont  vraiment  plus  stables  que  la  Dalmatie.  Les 
observations,  commencées  en  1896  à  l'Observatoire  météorologique 
autrichien  de  Sarajevo,  ne  permettent  pas  de  se  prononcer  encore. 
Ces  deux  provinces  renferment  certainement  un  nombre  considé- 
rable de  foyers  d'ébranlement,  mais  c'est  tout  ce  qu'on  en  peut  dire 
actuellement,  d'autant  plus  que  leurs  séismes  se  confondent  sou- 
vent avec  ceux  de  la  Dalmatie.  Rien  n'empêche  de  penser  que  les 
secousses  de  la  vallée  du  Yrbas,  celles  de  Banjaluka  en  particu- 
lier, ne  soient  le  résultat  des  mouvements  de  la  ligne  de  fracture  qui  a 
abaissé  vers  l'Ouest  les  couches  les  plus  récentes. 

Rispatic^  attribue  le  séisme  du  18  décembre  1888  à  Plevlje  à  une 
faille  de  la  vallée  de  Praca,  découverte  par  Bittner  dans  le  Trias  et 
celui  du  13  octobre  de  la  même  année,  à  Prozor,  à  une  dislocation 
des  roches  éruptives  anciennes  qui  constituerait  jusque  vers  Imotski 

*  Suite  deloD&zioDi  dell'  Isola  di  Meleda  (BibliolecaU4aiana,  XXXIII,  347.  Ra^8a,1823). 

*  Bericht  ûber  dio  kroatisch-slavonisch-dalmatischen,  sowic  ûbcr  die  bosnisch-her- 
zegovinischen  Erdbcben  in  den  Jahren  1887  und  1888  (Bericht  der  Eràtében-Cùmmis- 
«ton,  p.  16). 


264  GEOGRAPHIE  SEISMOLOGIQUE 

et  Makarska,  en  Dalmatie,  une  importante  ligne  de  chocs  dont 
dépendrait  aussi  Tarcin,  près  de  Sarajevo. 

Enfin  le  Monténégro,  où  les  plissements  dinariques  sont  venus 
s'écraser  contre  le  Skhar,  qui  en  a  réduit  la  largeur  à  plus  de  la 
moitié,  paraît  stable,  en  dépit  des  gigantesques  dislocations  résultant 
de  cette  compression.  Mais  peutrêtre  sommes-nous  trop  facilement 
enclins  à  tenir  pour  stable  un  pays  pour  lequel  nous  ne  possédons 
guère  d'observations  de  séismes.  Et  en  effet,  si  l'on  en  croit  des 
renseignements  de  presse,  un  tremblement  de  terre,  le  3  juin  1905, 
aurait  été  destructeur  à  Cettigné  et  plus  encore  k  Scutari. 

3.  —  La  Grèce. 

La  Grèce,  dépendance  méridionale  de  la  presqu'île  balkanique,  est 
un  des  pays  du  monde  les  mieux  connus  au  point  de  vue  séismique, 
car  ses  annales  historiques  datent  d'une  haute  antiquité,  et  ont  fourni 
abondante  matière  aux  grands  catalogues  de  Perrey  et  de  Julius 
Schmidt;  ce  dernier  y  a  entretenu  de  1860  à  1878  de  nombreux  cor- 
respondants. De  1825  jusqu'à  nos  jours,  D.  G.  et  B.  A.  Barbiani*, 
de  Biasi  et  Margaris  ont  poursuivi  à  Zante  une  série  d'obsen^ations, 
interrompue  seulement  de  1869  à  1888,  et  il  n'est  pas  de  localité  qui 
en  présente  une  aussi  étendue.  Eginitis  enfin  %  directeur  de  l'Obser- 
vatoire d'Athènes,  a  institué  depuis  1893  un  service  public  d'infor- 
mations séismiques  répandu  sur  toute  la  surface  du  pays  et  assuré 
par  le  concours  des  instituteurs  et  employés  des  postes  et  télé- 
graphes. La  répartition  des  tremblements  de  terre  est  ainsi  connue 
avec  une  précision  qui  ne  le  cède  en  rien  à  celle  d'aucun  pays  du 
monde.  L'instabilité  est  considérable,  et  sans  compter  que  depuis 
l'antiquité  on  est  bien  renseigné  sur  un  grand  nombre  de  désastres, 
la  fréquence  séismique  annuelle  moyenne  n'est  pas  inférieure  à 
275  secousses,  chiffre  hors  de  proportion  avec  l'exiguïté  du  territoire. 

Grâce  à  l'expédition  scientifique  française  de  1829  à  1831*  et 
surtout  aux  voyages  et  aux  travaux  de  Philippson  *,  pour  ne  citer 
que  les  recherches  fondamentales  d'ensemble,  on  commence  à  se 

*  Mémoire  sur  les  tremblements  de  terre  dans  l'île  de  Zantc  (jusqu'à  i863)  avec  uoe 
introduction  par  Al.  Perrey  (Métn.  Ac.  Dijon,  XI,  1,  1863). 

*  Liste  dos  tremblements  de  terre  observés  en  Grèce  durant  les  années  1893  à  1898  et 
1899  {Ann.  obs,  nat.  d'Athènes,  II,  189,  1900)  ;  Id.  111,  336,  1901). 

■  Expédition  scientifique   de  Mot^e.   Travaux  de  la  section  des  sciences  physiques 
(11,  Paris,  1835). 

*  Der  Peloppones,  Versuch  einer  Landeskunde  auf  geologischer  Grundlage,  Nach 
Ergebnissen  elgener  Rcisen  (Berlin,  1892). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  265 

rendre  compte  assez  clairement  des  principales  vicissitudes  géolo* 
g'iques  qui,  à  l'époque  tertiaire,  ont  finalement  doté  la  Grèce  de  sa 
configuration  actuelle  :  leur  grandeur  et  leur  complexité  justifient 
une  instabilité  qui  a  fait  des  pays  helléniques  une  région  tout  aussi 
classique  au  point  de  vue  des  tremblements  de  terre  qu'à  ceux  de 
l'art  et  de  la  littérature.  D'ailleurs  tous  les  monuments,  malgré 
l'excellence  et  le  fini  de  leur  construction,  portent  autant  la  trace 
des  phénomènes  séismiques  que  des  déprédations  barbares  et 
turques.  Non  seulement  à  l'époque  tertiaire,  mais  môme  à  l'époque 
pléistocène,  la  géographie  de  la  Grèce  a  subi  des  changements  telle- 
ment  considérables  que  sa  séismicité  n'a  rien  qui  puisse  surprendre. 
On  va  rapidement  esquisser  tout  d'abord  ces  vicissitudes,  en  suivant 
le  plus  souvent  les  vues  de  Philippson,  assez  généralement  acceptées. 

L'âge  des  plus  anciennes  formations  n'a  pu  encore  être  bien  fixé 
dans  la  plupart  des  cas,  à  cause  de  l'intense  métamorphisme  dont 
elles  portent  la  trace  ;  mais  on  sait  tout  au  moins  qu'elles  étaient 
déjà  plissées  vers  le  milieu  de  l'époque  secondaire,  preuve  que  l'on 
va  se  trouver  en  des  territoires  dont  la  mobilité  actuelle  et  le  manque 
d'équilibre,  ou  ce  qui  revient  au  môme  leur  position  au  sein  d'un 
ancien  géos^^nclinal,  date  de  très  loin,  circonstance  éminemment 
favorable  à  l'activité  séismique,  ainsi  qu'on  a  eu  bien  des  fois  Tocca- 
sîon  de  le  constater  ailleurs.  Au  cours  du  Crétacé,  la  côte  orientale 
du  Péloponèse  émerge  seule.  11  semble  très  probable  que  les  plisse- 
ments tertiaires  ont  commencé  plus  tôt  à  TEst  qu'à  l'Ouest,  dans  le 
premier  cas  de  TÉocène  inférieur  à  l'Éocène  moyen,  dans  le  second 
vers  l'Oligocène;  il  est  donc  d'ores  et  déjà  permis  de  pronostiquer  une 
plus  grande  stabilité  sur  la  mer  des  Cyclades  que  du  côté  méditerra- 
néen, et  c'est  bien  ce  que  Ton  verra  tout  à  l'heure  se  confirmer  par 
l'observation.  Les  temps  éogènes  seront  en  Grèce  ceux  des  plisse- 
ments dinariques  et  l'époque  néogène  sera  celle  des  dislocations  et 
des  morcellements. 

A  ce  moment,  une  vaste  terre  ferme  couvrait  avec  ses  chaînes  plis- 
sées et  entourait  le  Péloponèse,  les  îles  Ioniennes  et  la  mer  Egée 
jusqu'à  l'Asie  Mineure,  ainsi  qu'en  témoigne  l'absence  de  sédiments 
marins  de  cette  époque.  C'est  alors  que  de  grandes  zones  de  frac- 
tures commencent  à  morceler  cette  masse  continentale,  qui  en  même 
temps  s'affaisse  ;  aussi  la  mer  envahit-elle  les  trouées  ainsi  ouvertes. 
Dès  la  période  levantine  (Pliocène  inférieur  ou  moyen),  les  îles 
Ioniennes  sont  séparées,  des  bras  de  mer  inondent  l'Élide  et 
l'Achaïe  avec  la  Messénie,  tandis  qu'un  autre  occupait  l'emplacement 
du  golfe  de  Laconie  et  de  la  haute  vallée  de  l'Eurotas.  Des  lacs 


266  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

d'eaux  alternativement  douces  et  saumâtres  déposent  leurs  aécLi- 
ments  sur  les  bords  du  golfe  de  Corinthe,  en  Ëtolie  et  en  Acar- 
nanie,  dans  le  Péloponëse  central  (bassin  de  Mégalopolis)^  etc.  Ces 
changements  variés  ne  vont  pas  sans  d'intenses  dislocations  que 
souligne  le  développement  de  l'appareil  volcanique,  trachytes  du 
golfe  d'Égine  et  de  Poros^  pendant  que  le  volcan  de  Méthana  s'allame 
jusqu'à  l'aurore  des  temps  historiques  \  en  282  avant  J.-C.  Cette 
bande  éruptive  forme  la  partie  septentrionale  d'une  zone  de  moindre 
résistance  qui  s'étend  jusqu'à  l'Asie  Mineure  par  Milo,  Santorin, 
Cos  et  Nisyros,  et  sur  remplacement  de  laquelle  la  grande  terre  des 
Gyclades  s'est  complètement  effondrée,  sans  laisser  d'autres  reliques 
que  d'infimes  îlots  rocheux.  Au  Pliocène  survient  une  phase  de  sur- 
rection  qui  porte  les  dépôts  de  cet  âge  jusqu'à  plus  de  1  800  mètres 
en  Achaïe  ;  les  lacs  intérieurs  s'assèchent,  le  golfe  de  Corinthe  aban- 
donne l'isthme  de  Mégare  à  la  terre  ferme,  l'Eubée  se  sépare  de 
TAttique  et  de  la  Béotie,  le  golfe  d'Etolie  et  d'Acarnanie  ne  laisse  plus 
subsister  que  le  golfe  bien  déchu  d'Ambracie  (ou  d'Arta),  le  golfe  de 
Corinthe  se  rétrécit  beaucoup  jusqu'à  ses  limites  actuelles  par 
l'exhaussement  de  ses  côtes  méridionales,  pendant  que  l'effondrement 
pléistocène  ne  laisse  plus  émerger  de  l'Égéide  rompue  que  les  prin- 
cipaux massifs  transformés  en  îles,  les  Cyclades,  et  que  la  Méditer- 
ranée remplit  son  bassin  occidental  au  bord  des  îles  Ioniennes  et  de 
l'abrupte  Messénie,  par  des  abîmes  de  3  500  mètres  et  plus. 

A  la  fin  du  Pléistocène,  la  Grèce  atteint  son  actuelle  configuration 
et,  sauf  des  mouvements  négatifs  d'ensemble,  elle  est  arrivée  à  un 
état  d'équilibre  général  seulement  troublé  par  de  violentes  vicissi- 
tudes de  détail,  en  relation  avec  des  tremblements  de  terre. 

En  résumé,  les  poussées  de  plissement  ont  dominé  pendant 
l'Éogène  et  les  fractures  pendant  le  Néogène  ;  les  premières  succé- 
dant à  de  plus  anciennes,  sont  à  peu  près  éteintes,  sans  aucun  rôle 
séismogénique,  tandis  que  les  secondes,  loin  d'avoir  dit  leur  dernier 
mot,  se  traduisent  ici  ou  là  par  des  secousses  du  sol,  tellement  bien 
que  l'instabilité  la  plus  redoutable  se  restreint  à  quatre  zones  de 
fractures  :  détroits  de  Trikhéri  et  d'Atalante,  golfes  de  Corinthe  et 
d'Égine,  côtes  des  îles  Ioniennes  et  de  la  Messénie  ;  ces  zones  cons- 
tituent les  régions  séismiques  les  mieux  déterminées,  et  en  dehors 
desquelles  on  n'a  plus  à  mentionner  que  d'insignifiants  foyers 
d'ébranlement.  Philippson  (/.  c,  439)  attribue  à  la  plupart  de  ces 
derniers  un  caractère  très  local,  et  fait  intervenir  dans  la  genèse  de 

*  Pansanias,  VI,  S3,  36. 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE 


267 


leurs  secousses  les  éboulemenis  causés  par  la  dissolution  des 
couches  calcaires,  lavées  par  les  eaux  souterraines  circulant  dans 
les  diaclases. 

On  va  maintenant  passer  à  Tétude  détaillée  des  diverses  régions 
séiamiques  de  la  Grèce. 

Li'Eubée  est  remarquable   par  la  fréquence   des   secousses  qui 


Fig.  40.  —  Grèce. 


l'ébranlent.  Chalcis,  Eourbatzi,  Achmet-Aga,  Koumi  et  Aidipso  sont 
des  foyers  d'agitation,  sans  compter  d'autres  moins  riches,  mais  tous 
appartiennent  à  la  moitié  septentrionale  de  Tîle,  et  le  nombre  annuel 
moyen  n'est  pas  inférieur  à  40.  Un  certain  nombre  de  chocs  de 
Ghalcis  peuvent  très  bien  venir  de  la  Béotie.  Si  l'on  ne  tient  pas 
compte  de  certaines  assertions,  données  d'ailleurs  par  d'anciens 
auteurs  sans  désignation  de  localités  éprouvées,  ce  qui  donne  le  droit 
de  les  mettre  en  doute,  il  paraît  bien  certain  que  TEubée  n'a  jamais 
eu  à  souffrir  de  tremblements  de  terre  désastreux.  Il  faut  donc  con- 


268  GÉOGRAPIIIi:  SëISMOLOGIQUE: 

sidérer  cette  île  comme  pénéséismique,  avec  plus  de  fréquence  que 
d'intensité  de  secousses.  Sa  partie  méridionale  est  surtout  consti- 
tuée de  terrains  azoîques,  micaschistes,  gneiss  et  cipolins»  qui  ne 
font  qu'apparaître  çà  et  là  dans  le  Centre  et  dans  le  Nord  d'après 
Deprat  '  ;  ce  géologue  n'a  reconnu  que  des  plissements  hercyniens 
dans  le  Sud,  tandis  qu'il  a  vu  ceux  de  l'époque  tertiaire  affecter  le 
Centre  et  le  Nord,  circonstance  en  parfait  accord  avec  la  répartition, 
mentionnée  plus  haut,  de  l'instabilité,  beaucoup  plus  forte  au  Nord 
qu'au  Sud,  ce  qui  devait  être  puisque  dans  le  Nord  les  mouvements 
tertiaires  se  sont  superposés  aux  mouvements  antérieurs,  non  seu- 
lement à  rÉocène,  mais  au  Miocène  et  au  Pliocène.  Enfm  des  dis- 
locations post-sarmatiques  ont  affecté  en  particulier  les  couches 
aquitaniennes  de  Koumi,  qui  est  précisément  le  seul  point  instable 
de  la  côte  extérieure  :  cette  dernière  observation  exclut  tout  rôle 
séismogénique  des  événements  tardifs  qui  ont  séparé  TEubée  des 
Cyclades.  Les  mouvements  pliocènes  ont  été  de  grands  effondre- 
ments, qui  ont  comme  haché  l'île  et  l'ont  séparée  du  continent  tout 
en  se  prolongeant  jusqu'au  Quaternaire.  Ainsi  les  plissements  justi- 
fient suivant  leur  âge  la  répartition  générale  des  séismes  de  l'Eubée, 
en  même  temps  que  les  dernières  dislocations  ont  appelé  l'instabilité, 
surtout  développée  le  long  des  détroits  d'Atalante  et  de  Trikhéri. 
C'est  le  long  de  ce  dernier,  en  effet,  que  se  pressent  sur  un  petit 
espace  lesépicentres  si  importants  deKourbatsi,  AidipsoetXerochori. 
Les  Sporades  au  Nord,  ou  les  îles  magnésiques,  Skyathos,  Sko- 
pelos,  où  domine  le  Crétacé  plissé  *,  sont  probablement  aussi  souvent 
ébranlées  que  la  côte  nord  de  l'Eubée,  mais  les  tremblements  de 
terre  y  semblent  parfois  plus  violents,  témoin  celui  du  4  octobre  1868, 
qui  a  fort  endommagé  les  habitations  de  Skyathos  ;  mais  on  est  encore 
bien  loin  d'un  véritable  désastre.  Thucydide'  mentionne  la  ruine  de 
Péparèthe  (la  Pelagonisi  actuelle  suivant  les  uns,  Skopélos  suivant 
les  autres),  fait  que  l'événement  de  1868,  avec  ses  nombreux  chocs 
consécutifs,  rend  très  vraisemblable.  Ces  îles,  où  se  continuent  sous 
les  terrains  secondaires  les  schistes  anciens  de  TOthrys,  font  partie 
du  massif  cristallin  de  TÉgéide  septentrionale  affaissée,  dont  Phi- 
lippson  a  retrouvé  les  vestiges  jusque  dans  Samothrace  et  le  golfe 
de  Saros.  Les  mouvements  d'effondrement  semblent  donc  se  pro- 

*  Etude  géologique»  et  pélrographique  de  Vile  d'Eubée  (Besançon,  1904)  ;  Id.  Sur  U 
structure  tectonique  de  Tlle  d'Eubée  (C.  ft.  Ac.  Se.  Paria,  GXXXVII.  666,  1903). 

•  A.  Philippson.  Beitrage  zur  Konntniss  der  griecliischen  Inselwclt  (Pet.  geogr.  Mitlh. 
Ergdnzungsband  XIX,  llefl  434,  Gotha,  i90l). 

'  Guen^e  du  Péloponèee,  III.  LXXXIX. 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  269 

longer  ici,  aussi  bien  dans  le  détroit  de  Trikhéri  que  sur  le  continent 
dans  le  golfe  de  Lamia  (Zeitoun),  et  c'est  à  eux  qu'on  aurait  dû,  en 
mai  1758,  la  disparition  sous  les  flots  d'une  partie  de  Pondiconiso  à 
la  pointe  N.  E.  de  TEubée,  ainsi  que  de  deux  îlots  dans  ce  même 
golfe  de  Lamia.  Suess  mentionne,  en  427  avant  J.-C,  la  disparition 
de  Skarphia  dans  le  golfe  Malique,  à  la  suite  d'un  violent  tremble- 
ment de  terre.  C'est  donc  que  les  efforts  du  morcellement  égéen  se 
perpétueraient  vraisemblablement  encore  dans  les  Sporades  du  Nord, 
le  détroit  de  Trikliéri  et  le  golfe  de  Lamia,  aussi  bien  que  dans  la 
vallée  du  Sperchios,  au  pied  sud  de  TOthrys  ;  mais  ces  tremblements 
de  terre  ne  sauraient  ôtre  mis  en  relation  avec  les  plissements  dina- 
riques  de  l'arc  oriental,  prolongé  jusqu'à  Skyros  et  Lemnos,  parce 
que  le  Pinde,  d'où  ils  se  détachent,  est  absolument  stable. 

La  Thessalie  est  un  fond  de  lac  tertiaire,  vidé  par  les  dislocations 
de  la  vallée  de  Tempe  enti'e  l'Olympe  et  l'Ossa.  Il  s'étendait  jusque 
sur  l'Albanie  par-dessus  le  Pinde,  ainsi  qu'on  l'a  vu  antérieurement, 
de  sorte  qu'en  réalité,  la  plus  grande  partie  de  cette  région  est  exté- 
rieure à  la  Grèce.  La  Thessalie  et  le  bassin  de  Grevena  forment  un 
Graben  d'effondrement  surtout  instable  du  côté  de  l'Ouest,  que  les 
cartes  actuelles  n'indiquent  que  fort  imparfaitement.  Dans  la  partie 
qui  nous  occupe  ici,  Trikkala^  est  le  seul  foyer  un  peu  notable  d^ébran- 
lement,  et  les  tremblements  de  terre  n'ont  guère  produit  de  dom- 
mages que  quand,  par  exemple,  Larissa  s'est  trouvée  englobée  dans 
Taire  pléistoséiste  de  quelque  grand  tremblement  de  terre  extérieur, 
tels  ceux  de  la  Locride.  Volo  est  un  autre  centre,  situé  sur  le  golfe 
d'effondrement  du  même  nom^  qui  a  été  coupé  dans  la  masse  de 
l'Olhrys. 

Plus  au  Sud,  la  Phocide,  la  Locride  et  la  Béotie  forment  une  région 
Béismique  extrêmement  éprouvée  par  les  tremblements  de  terre.  On 
y  a  subi  bien  des  catastrophes,  et  le  séisme  du  20  avril  1894  mérite 
une  mention  spéciale,  non  pas  tant  par  les  dommages  causés  que 
par  l'ouverture  d'une  longue  faille  de  55  kilomètres  de  long,  paral- 
lèle au  rivage  du  canal  d'Atalante,  et  avec  un  rejet  de  50  centi- 
mètres à  2  mètres,  variable  suivant  les  terrains  traversés.  Papava- 
siliou^  pense  avec  beaucoup  de  raison  que  cette  dislocation  est  ana- 

*  Le  pea  d'importance  des  tremblements  de  terre  dans  la  haute  vallée  de  la  Salamvria 
(monts  des  Météores),  est  à  rapprocher  de  la  stabilité  parfaite  du  district  des  formations 
analogues  du  a  Quadersandstein  »  de  la  Suisse  saxonne.  Ce  sont  des  grès,  qui,  par  leur 
résistance  aux  agents  extérieurs  de  dénudation  et  d'érosion,  ont  donné  naissance  h, 
ces  formes  pittoresques  sans  intervention  de  dislocations  à  rôle  séismogénique. 

*  Sur  le  tremblement  de  terre  de  Locride  d*avril  1894  (C.  A.  Ac.  Se,  Pans,  CXIX, 
112,  1894). 


270  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

logue  à  celles  qui,  à  la  fin  du  Tertiaire,  ou  au  commencement  du 
Quaternaire,  ont  creusé  le  golfe  d'Eubée,  de  même  direcUon,  au 
travers  des  terrains  crétacés  qui  réunissaient  cette  île  au  continent, 
et  au-dessus  desquels  s'étaient  déposés  des  sédiments  lacustres.  Ce 
tremblement  de  terre  accuse  donc  nettement  la  continuation  de  ces 
efforts  de  morcellement,  et  on  est  en  droit  de  penser  qu'il  en  est  de 
même  de  toutes  les  secousses  de  cette  région  séismique,  des  nom- 
breux désastres  de  Thëbes  et  des  secousses  de  Ghalcis,  de  Tautre 
côté  du  détroit. 

La  troisième  région  de  fractures  du  sol  hellénique  correspond  aui 
golfes  de  Gorinthe  et  d'Égine,  seulement  interrompus  par  le  faible 
relief  de  l'isthme  de  Gorintlie.  Get  accident  a  coupé  net  les  plisse- 
ments dinariques  du  Pinde  et  sa  partie  orientale,  le  golfe  d'Égine, 
est  de  beaucoup  la  plus  stable,  car  Athènes  n'a  jamais  été  sérieuse- 
ment éprouvée.  Gette  ville  et  le  Pirée  ne  sont  donc  que  des  épicentres 
apparents,  dont  le  repos  relatif  s'étend  aux  îles  et  à  la  presqu'île 
de  Nauplie. 

Le  danger  séismique  est  au  contraire  extrême  à  peu  près  sur  tout 
le  pourtour  du  golfe  de  Gorinthe,  et  montre  trois  principaux  points 
d'élection  :  le  Parnasse,  l'isthme,  et  le  littoral  de  l'Achaîe. 

Le  massif  du  Parnasse  est  remarquable  par  l'accumulation  d'épi- 
centres  rapprochés,  tous  très  riches  en  secousses;  il  est  donc  pro- 
bable que  toutes  les  dislocations  qui  l'accidentent  jouent  à  leur  tour. 
Jusque  vers  JSgosthena,  cette  partie  septentrionale  des  côtes  du  golfe 
de  Gorintlie  est  coupée  abruptement  par  l'effondrement,  et  les  plus 
grandes  profondeurs  se  rencontrent  précisément  vers  Galaxidi,  un 
des  points  les  plus  exposés.  Le  Parnasse  est  situé  à  l'est  des  pUsse- 
ments  dinariques,  si  stables,  du  Pinde,  et  à  Touest  d'une  côte  bien 
moins  souvent  ébranlée,  caractère  qu'elle  partage  avec  l'isthme  de 
Mégare,  ce  qu'on  peut  expliquer  par  son  émersion  plus  ancienne 
que  celle  de  l'iBthme  de  Gorinthe,  et  son  moindre  état  de  dislocation. 

L'isthme  de  Gorintlie  est  un  second  foyer  de  redoutable  instabilité 
avec  les  nombreux  tremblements  de  terre  connus  pour  B^alams&i» 
Isthmia,  Gorinthe,  Kiaton,  et  Nemea  jusque  dans  le  massif  monta- 
gneux du  Sud.  Il  semble  que  ce  district  séismique  prolonge  celui  du 
haut  Eurotas,  aussi  bien  que  celui  de  l'Argolide,  tous  deux  d'ailleurs 
beaucoup  moins  importants;  cette  dernière  observation  s'accorde 
avec  ce  qui  a  été  dit  au  début,  sur  le  passage  des  mers  tertiaires  par 
ces  deux  voies  dont  le  fond  est  maintenant  émergé,  preuves  de 
mouvements  considérables  dont  ces  tremblements  de  terre  manifes- 
teraient un  reste  de  vitalité. 


L'EUROPE  SUD-ORÎENTALE 


271 


0 


S 


te 


272  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Continuant  vers  TOuest,  on  a  affaire  jusqu'àDiakophtitika  à  un  litto- 
ral assez  large,  découpé  en  escaliers  par  des  failles  parallèles  à 
Taxe  du  golfe,  et  qui  tombe  assez  doucement  sur  le  fond  de  l'entaille 
maritime.  On  n'y  rencontre  guère  que  le  foyer  de  Xilocastro,  par- 
fois éprouvé,  ce  qui  laisse  à  penser  que  la  stabilité  n'est  qu'appa- 
rente et  ne  résulte  que  de  la  pauvreté  et  de  l'absence  de  grands 
centres  habités.  Mais  au  delà,  on  arrive  à  la  région  si  instable  du 
détroit  de  Patras,  resserré  entre  TAchaïe  et  le  continent.  Les  trem- 
blements de  terre  sont  violents  et  fréquents  à  Patras  et  surtout  à 
Vostitza,  au  voisinage  d'Hélice  et  de  Bura,  que  les  auteurs  de  l'anti- 
quité font  engloutir  sous  les  eaux  de  la  mer  en  373  avant  J.-C*  Cet 
événement  historique  n'a  plus  rien  d'improbable,  et  on  ne  peut 
maintenant  sans  parti  pris  taxer  d'exagération  les  anciens  récits, 
depuis  que  Julius  Schmidt  (/.  c.)  a  montré  par  quel  mécanisme,  lors 
du  désastre  de  Vostitza  le  26  décembre  1861,  la  masse  des  allu- 
vions  côtières  avait  été  sur  une  longueur  de  13  kilomètres  séparée  des 
terrains  plus  anciens  et  s'était  enfoncée  en  glissant  dans  l'eau  : 
130  hectares  disparurent  de  la  sorte  à  Test  de  cette  ville,  bâtie  sur 
l'emplacement  de  l'antique  iEgion.  En  arrière  du  ruban  de  côte 
ainsi  brusquement  immergé,  d'innombrables  crevasses  s'ouvrirent 
partout  jusqu'au  pied  des  collines  sur  la  plaine  littorale,  et  parallè- 
lement au  rivage  le  plus  rapproché.  L'une  d'elles,  plus  importante 
que  les  autres,  entama  même  les  hauteurs.  Ce  tremblement  de  terre 
avait,  d'après  Schmidt,  son  épicentre  dans  le  golfe  entre  iOgion  et 
Itea,  par  22*  30'  E.  Gr.  et  38*  13'  N.,  et  il  avait  sans  aucun  doute  tra- 
vaillé dans  une  notable  mesure  à  l'agrandissement  du  bras  de  mer; 
aussi  W.  G.  Forster*  en  tira-t-il  cette  conclusion  que  les  séismes 
des  côtes  grecques  sont  dus  à  des  éboulements  aussi  bien  des  côtes 
elles-mêmes  que  des  inégalités  qui  accidentent  le  fond  des  mers  voi- 
sines. Ingénieur  de  la  Compagnie  des  câbles  helléniques  sous- 
marins,  il  eut  maintes  fois  l'occasion  de  constater  pendant  de  longues 
années  des  ruptures  de  câbles  à  la  suite  de  tremblements  de  terre,  et 
en  même  temps,  dans  la  topographie  des  fonds,  que  ses  fonctions  le 
forçaient  à  connaître  et  à  étudier,  de  notables  changements  accusés 
par  de  grandes  différences  dans  les  sondages  à  peu  d'années  d'inter- 
valle, avant  et  après  les  phénomènes  séismiques  dont  il  s'agit.  On 
pourrait  bien  se  demander  si  ces  éboulements,  d'ailleurs  hors  de 
toute  contestation  possible,  sont,  comme  le  pense  Forster,  la  cause 
ou  l'effet  des  tremblements  de  terre  de  la  Grèce.  Mais  quand  on 

*  Pausanias,  lib.  VII. 

*  EarUiquake  origin  (Trans.  seism.  soc.  of  Japan,  XV,  73,  1890). 


L'EUROPE  SDD-ORIENTALE  273 

réfléchit  à  la  façon  dont  le  Péloponëse  est  découpé  par  des  golfes 
profonds,   aux  rebords  souvent  accores,  et  qui  lui  ont  donné  sa 
remarquable  configuration  chirographaire,  quand  on  voit  aussi  avec 
quelle  parfaite  indépendance  d'allures  ces  indentations  coupent  les 
roches  intéressées,  sans  aucune  relation  ni  avec  leurs  plissements, 
ni  avec  leurs  directions,  il  faut  reconnaître  que  loin  de  jouer  un  rôle 
séismogénique,  les  éboulements  et  les  modifications  topographiques 
sous-marines  sont  au  contraire,  et  aumêm.e  titre  que  les  tremblements 
de  terre,  des  effets  consécutifs  des  efforts,  encore  en  action,  du 
morcellement  du  sol  hellénique.  D'ailleurs,  Fopinion  de  l'ingénieur 
anglais  ne  pouvait  s'appliquer  au  rivage  du  massif  parnassien,  le 
long  duquel  les  alluvions  au  fur  et  à  mesure  de  leur  formation  tom« 
bent  de  suite  au  fond,  sans  pouvoir  s'arrêter  au  bord  des  escarpe*- 
ments^  ni  par  conséquent  pouvoir  glisser  ultérieurement  ;  ils  doivent 
par  conséquent  reconnaître  une  origine  toute  différente.  De  la  même 
façon,  l'embouchure  du  golfe  de  Gorinthe  montre  en  Acarnanie  et  en 
ÉUde,  c'est-à-dire  sur  les  deux  rives,  la  même  disposition  de  pentes 
et  d'alluvions  que  dans  la  partie  resserrée,  le  détroit  de  Patras,  et 
cependant  la  séismicité  diminue  notablement  dans  la  direction  des 
îles  Ioniennes.  Il  est  donc  bien  démontré  que  le  peu  de  fixité  des  dépôts 
alluvionnaires  sur  les  flancs  delà  dépression  corinthienne  ne  peut 
jouer  aucun  rôle  séismogénique,  et  il  était  d'autant  plus  important 
d'insister  sur  ce  point  que  Forster  a  voulu  généraliser  et  a  admis  que 
toutes  les  côtes  instables  de  structure  analogue  ne  reconnaissent  pas 
d'autre  cause  à  leur  séismicité.  Nos  conclusions,  relativement   à 
l'influence  perpétuée  sous  forme  de  tremblements  de  terre  des  efforts 
d'ouverture  du  golfe  de  Gorinthe  ou  de  Lépante,  sont  encore  corrobo- 
rées par  la  forme  des  isoséistes  des  tremblements  de  terre  qui  en 
agitent  les  bords  :  elles  sont  en  effet,  le  plus  souvent,  fort  allongées 
et  couchées  sur  l'axe  même  de  la  dépression,  observation  faite  très 
anciennement. 

L'Étolieetl'Acarnanie  sont  beaucoup  moins  sujettes  aux  ébranle- 
ments séismiques  que  les  régions  précédentes,  en  particulier  celle 
de  Patras,  à  laquelle  appartient  sans  aucun  doute  le  foyer  de  Naupacte 
ou  de  Lépante.  On  a  déjà  signalé  le  parfait  repos  des  plis  dinari- 
ques  du  Pinde  qui  en  occupent  une  notable  surface,  conjointement 
avec  le  fond  lacustre  tertiaire  qui  se  maintient  encore  par  le  golfe 
d'Ambracie,  dernier  vestige  de  sa  considérable  extension  d'autre- 
fois. On  y  trouve  une  région  séismique  avec  les  centres  d'Arta, 
Karavassara,  Katouna,  Mont  Boumistou  et  Prévésa,  aux  secousses 
plus  fréquentes  que  vraiment  à  craindre,  Ges  trois  derniers  épicentres 

Di  HoRnsscs.  —  TremblemcnU  de  terre.  18 


274  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

pourraient  bien  appartenir  en  réédité  à  la  région  si  dangereuse  des 
îles  Ioniennes,  et  Hilber  (/.  c.)  a  signalé  prés  de  Karpenisi  sur  la 
route  de  Maratliia  une  faille  importante,  qui  semble  susceptible  d'ex- 
pliquer ce  foyer  d'ébranlement  secondaire. 

Les  îles  de  Leucade  ou  Sainte-Maure,  de  Géphalonie  et  de  Zante 
forment  une  des  régions  du  globe  les  plus  fréquemment  et  les  plus 
cruellement  éprouvées  par  les  tremblements  de  terre,  encore  aggra* 
vés  peu*  une  déplorable  négligence  dans  Tart  des  constructions  et 
par  l'emploi  des  pires  matériaux,  fatale  incurie  commune  d'ailleurs 
à  tout  le  Levant.  Cette  extrême  instabilité  ne  trouve  certainement 
pas  sa  raison  d'être  dans  la  structure  des  couches  secondaires  et  ter- 
tiaires qui  en  occupent  la  surface,  et  il  faut  la  rechercher  dans  l'exis- 
tence du  talus  sous-*marin  par  lequel  leur  socle  tombe  brusquement 
jusqu'à  2000  mëti*es  et  plus  de  profondeur.  C'est  ainsi  que  sur  la  côte 
occidentale  de  Céphalonie,  à  un  mille  d'Ortholetiùa,  la  sonde  indique 
731  mètres,  puis  descend  rapidement  à  2559.  Entre  les  îles,  la  Sicile 
et  l'Italie  méridionale,  la  Méditerranée  présente  un  creux  impor- 
tant, et  il  est  bien  avéré  que  beaucoup  de  séismes  y  ont  leurs 
épicentres.  L'opinion  que  la  plupart  des  tremblements  de  terre  de 
Zante  auraient  leur  origine  entre  cette  île  et  le  Péloponèse  est 
assez  répandue,  mais  elle  est  contredite  par  ce  fait  que  les  secousses 
l'agitent  surtout  au  Sud,  du  côté  de  Tabrupt,  c'est-à-dire  du  côté 
opposé  à  la  ville  de  Zante,  qui  n'est  qu'un  foyer  apparent.  Aussi 
bien  la  constitution  géologique  des  îles  est  la  même  que  celle  de 
l'Élide,  peu  gravement  atteinte.  Issel  et  Agamemnone  ont  fait  du 
désastre  de  Zante  en  1893  une  étude  approfondie  %  et  sans  s'y 
décider  formellement,  ils  ont  fait  jouer  un  rôle  séismogénique 
important  à  l'introduction  de  l'eau  de  la  mer  dans  les  fissures  du 
calcaire,  et  au  dégagement  de  vapeur  produit  à  son  arrivée  dans  les 
régions  profondes  de  haute  température,  ressuscitant  ainsi  la  tiiéorie 
hydrothermale  de  Daubrée,  aujourd'hui  bien  oubliée.  Ils  admettent 
cependant  aussi  qu'il  se  produisit,  lors  de  ce  même  tremblement  de 
terre,  de  grands  effondrements  sous-marins,  et  ils  citent  à  l'appui 
des  fonds  qui,  portés  comme  ayant  320  brasses  sur  la  carte  anglaise 
de  4862,  se  sont  trouvés  ensuite  en  avoir  plus  de  500  ;  ils  regardent 
enfin  comme  tout  à  fait  vraisemblable  que  certains  grands  séismes 
helléniques  ont  eu  leur  épicentre  en  pleine  Méditerranée,  opmion 
conforme  à  celle  de  Julius  Schmidt.  Ces  séismologues  n'avaient  donc 
qu'un  pas  à  faire  pour  attribuer  les  secousses  des  îles  Ioniennes 

'  Intorno  ai  fenomeni  sîsmici  osservati  neir  isola  di  Zante  darante  il  1893  (Ann.  delt 
O/p,  cent,  di  met.  e  di  geodin.,  XV,  Parte  f,  Roma.  1893). 


L'EUROPE  SUD-ORIENTÂLE  275 

à  des  mouvements  du  talus,  lëvre  de  la  fracture  le  long  de  laquelle 
la  Méditerranée  occidentale  s'est  effondrée  au  travers  d'une  partie 
de  la  masse  continentale  post-oligocène.  Cette  influence  séismogé- 
nique  est  d'autant  plus  probable  que  l'île  d'Ithaque^  du  côté  opposé 
du  talus,  est  bien  plus  stable. 

Zante,  vraisemblablement  la  plus  souvent  ébranlée  des  îles,  se 
trouve  à  l'intersection  de  cette  zone  de  fractures  avec  celle  du  golfe 
de  Gorinthe  :  double  motif  à  tremblements  de  terre. 

La  zone  d'ébranlement  se  continue  le  long  des  côtes  de  Messénie, 
tout  aussi  souvent  dévastées  par  les  séismes  destructeurs.  C'est  sur 
le  talus  sous-marin  que  Milzopoulos  ^  place  Tépicentre  de  la  secousse 
de  la  Triphylie  du  22  janvier  1899,  et  Philippson  en  fait  autant  pour 
celui  de  Philiatra  du  29  août  1886.  Ce  dernier  en  donne  pour  preuves 
la  forme  de  l'aire  plésistoséiste,  qui  ne  fit  que  mordre  le  littoral  et 
engloba  les  Sti*ophades,  la  vague  séismique  qui  envahit  le  rivage 
d'Agrili,  au  nord  de  Philiatra,  et  la  rupture  du  câble  de  la  Crète  à 
Zante,  entre  cette  dernière  île  et  les  Sti'ophades.  Forster  a 
signalé  à  l'occasion  de  ce  tremblement  de  terre  des  effondrements 
de  plus  de  1 000  brasses  le  long  de  l'accident,  mais  ces  chiffres  sem- 
blent très  sujets  à  caution,  n'ayant  pas  été  l'objet  d'une  sérieuse 
enquête  ;  cela  ne  diminue  d'ailleurs  en  rien  la  probabilité  que  le  phé- 
mène  se  soit  produit  à  la  suite  d'un  mouvement  de  la  lèvre  de  la 
fracture,  tant  le  27  août  1887  que  lors  d'autres  séismes  antérieurs 
et  postérieurs. 

D'importants  séismes  helléniques  ont  eu  leurs  épicentres  entre  la 
Morée  et  la  Crète,  et  ces  mômes  parages  ont  été  à  plusieurs  reprises 
le  siège  de  secousses  sous-marines  moins  importantes.  Il  apparaît 
donc  que  le  rôle  séismogénique  de  la  fracture  se  prolonge  jusque-là, 
en  même  temps  que  les  profondeurs  s'accentuent  dans  cette  même 
direction,  atteignant  3  336  mètres  a  18  kilomètres  seulement  de 
Tîle  Sapienza.  Mais  comme  l'a  montré  Budolph,  c'est  à  tort  que 
Julius  Schmidt,  s'appuyant  sur  des  déterminations  de  temps  d'une 
exactitude  plus  que  contestable,  a  étendu  cette  instabilité  d'une  por- 
tion du  domaine  maritime  à  tout  le  bassin  oriental  de  la  Méditer- 
ranée, en  y  plaçant  les  foyers  de  plusieurs  grands  tremblements  de 
terre.  Ces  calculs  sont  d'autant  plus  suspects  qu'ils  l'ont  conduit  à 
supposer  en  Arabie,  ou  dans  le  nord  de  FÉgypte,  pays  essentielle- 
menb  stables,  l'épicentre  de  celui  du  24  juin  1870,  qui  a  ébranlé  tout 
le  Levant,  depuis  le  fond  de  TAdriatique  jusqu'au  détroit  de  Bab-ei- 

*  Das  Erdbeben  von  Tripolis  und  Triphylia  in  den  Jahren  1898  and  1899  {Pelermanns 
geogr.  MiUfu,  XII,  1900): 


276  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Mandeb,  résultat  peu  admissible.  On  ne  saurait  non  plus  apporter 
comme  preuve  de  l'instabilité  de  la  zone  sous-marine  de  fractures 
les  dégagements  de  vapeurs  ou  de  gaz  enflammés  que  des  navigaljeurs, 
ont  à  maintes  reprises  signalés  dans  ces  parages  jusque  vers  Tltalie 
méridionale,  lors  des  grands  séismes.  Rudolph  en  a  fait  bonne 
justice,  et  Philippson  a  de  même  révoqué  en  doute  de  semblables 
phénomènes  signalés  le  27  août  1887.  La  mobilité  de  la  zone  de 
fractures  se  passe  aisément  d'un  tel  argument,  d'après  lequel  ce 
serait  bien  une  ligne  de  moindre  résistance  soulignée  par  les  mani- 
festations volcaniques,  alors  que  toute  la  région  hellénique  est  abso- 
lument dénuée  de  toute  roche  éruptive,  même  tertiaire,  du  côté  de  la 
mer  Ionienne. 

Continuant  maintenant  le  tour  du  Péloponèse  par  le  Sud,  on 
rencontre  au  fond  du  golfe  de  Coron,  ou  de  Messénie,  un  foyer 
d'ébranlement,  celui  de  Kalamata,  qui  jusqu'au  pied  de  Tlthome  ne 
manque  pas  de  tremblenaents  de  terre  au  moins  sévères,  ce  qui  fait 
contraste  avec  la  stabilité  du  massif  montagneux  de  la  Pylie.  Les 
mômes  circonstances  se  présentent  pour  le  fond  du  golfe  de  Maratho- 
nisi,  ou  de  Laconie,  et  Sparte  a  eu  parfois  à  souffrir  de  graves  dom- 
mages. Cérigo  est  moins  souvent  ébranlée.  On  est  donc  en  droit  de 
supposer  un  reste  de  vitalité  aux  efforts  tectoniques  qui  ont  découpé 
les  pointes  méridionales  de  la  Morée  et  qui,  après  avoir  permis  l'in- 
vasion de  la  mer  tertiaire  dans  son  intérieur,  ont  violemment  relevé 
le  fond  de  ces  dépressions.  Cette  conclusion  est  d'autant  plus  plau- 
sible que  l'instabilité  de  la  vallée  moyenne  de  l'Eurotas  lui  est  com- 
mune avec  le  haut  bassin  de  ce  fleuve,  et  se  prolonge  presque  sans 
discontinuité  jusque  vers  la  plaine  de  Corinthe,  par-dessus  monts  et 
valléefii,  c'est-à-dire  sur  l'emplacement  même  de  l'ancien  détroit.  La 
plaine  de  l'Argolide,  en  continuation  du  golfe  de  Nauplie,  a  aussi  ses 
tremblements  de  terre,  ce  qui  complète  à  ce  nouveau  point  de  vue 
l'analogie  parfaite  des  trois  profondes  indentations  du  Péloponèse, 
tandis  que  les  arêtes  montagneuses  qui  les  séparent  les  unes  des 
autres  sont  moins  exposées. 

A  cette  cause  générale  de  l'instabilité  au  moins  relative  de  certaines 
localités  de  l'intérieur  de  la  Morée,  ne  peuvent  manquer  de  s'ajouter 
l'influence  locale  de  dislocations  particulières  et  d'autres  mouvements 
complexes  et  récents.  Mais  on  ne  pourra  préciser  que  plus  tard,  au 
moyen  de  tracés  d'isoséistes  qui  manquent  encore  complètement  pour 
d'importants  tremblements  de  terre.  Par  exemple  dans  la  plaine  de 
Karytena  et  dans  le  bassin  supérieur  de  TAlphée,  un  calcaire 
d'eau  douce  à  lignites  a  été  déposé  dans  un  lac  tertiaire  occupant 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  277 

la  plaine  de  Sinano  (Mégalopolis)  entre  Léondari  et  Karytena,  points 
souvent  ébranlés.  Plus  tard,  après  le  dépôt  de  couches  pliocènes, 
une  fracture  S.  E.  -  N.  W.  du  massif  qui  sépare  les  bassins  supé- 
rieur et  inférieur  de  l'Alphée,  a  cliangé  le  lac  en  plaine,  et  cet  acci- 
dent joue  un  rôle  séismogénique  d'autant  plus  probable,  que  paral- 
lèle à  la  fracture  sous-marine  instable,  il  semble  dépendre  des 
mêmes  efforts  de  démantèlement  de  Tancienne  masse  continentale  ; 
mais  cette  suggestion  aura  besoin  d'ôtre  corroborée  par  des  tracés 
d'isoséistes.  De  la  môme  façon,  en  Laconie,  les  traces  de  quatre 
bassins  étages  attestent  des  mouvements  en  sens  inverse  de  ceux 
de  morcellement,  ce  qui  n'a  pu  manquer  d'introduire  dans  les  dis- 
locations récentes  une  complexité  telle  que  l'équilibre  a  bien  de 
la  peine  à  s'établir  définitivement.  En  Laconie  encore,  une  fracture 
N.  E.  a  soulevé  les  terrains  tertiaires  du  bord  oriental  de  la  vallée  de 
Sparte  et  formé  la  gorge  profonde  de  Kélesphina.  Une  autre  cassure 
transversale  a  coupé  en  deux  le  mont  Marmarovouno  au  sud  du 
Taygète,  à  peu  près  à  la  limite  de  l'Arcadie,  et  qui  fait  partie  d'une 
chaîne  se  prolongeant  à  Test  de  Vervéna,  en  s' alignant  N.-S.  avec  la 
vallée  de  Kélesphina.  Cet  accident  met  à  nu  les  schistes  anciens; 
provoqué  par  la  résistance  opposée  au  mouvement  par  les  plis  dina- 
riques,  il  est  de  nature  à  expliquer  le  foyer  secondaire  d'ébranle- 
lement  de  Yervéna. 

La  côte  d'Épidaure  ne  présente  qu'un  seul  et  peu  notable  centre 
séismique,  celui  de  Monemvasia,  preuve  que,  de  ce  côté,  l'effondre- 
ment de  l'Égéide  s'est  bien  éteint,  après  avoir  séparé  la  Morée  de 
l'ancienne  terre  dont  les  parties  hautes  émergent  seules  dans  les 
Cyclades. 

4.  —  Cyclades  et  Crète. 

L'histoire  géologique  des  Cyclades  commence  à  devenir  assez 
claire  dans  son  ensemble,  grâce  aux  travaux  de  Philippson.  A  l'ex- 
ception des  plus  extj*êmes  du  S.  Ë.,  composées  de  roches  sédimen- 
taires,  ces  îles  forment  une  grande  masse  cristalline  se  rattachant  à 
l'Attique  et  à  l'Eubée  méridionale.  L'on  y  voit  s'élever  maints  mas- 
sifs gneissiques,  etleur  plissement  principal  est  antérieur  au  Crétacé. 
Au  S.  E.,  s'accolent  à  cet  ancien  noyau  les  îles  sédimentaires  d'Amar- 
gos,  d'Anaphi  et  de  Santorin,  dont  le  plissement  principal  était  déjà 
terminé  avant  le  dépôt  des  couches  éocènes  (?)  de  Theologou  (Anaphi 
occidental)  ;  il  semble  qu'on  doive  les  regarder  comme  un  fragment 
des  terres  de  l'Anatolie.  Toutes  ces  îles  reposent  sur  un  socle  commun, 


278  GÉOGRAPHIE  BËlSMOLOGIQUE 

peu  profond  et  dont  le  fond  médiocrement  accidenté  prouve  qu'elles 
ne  sont  pas  séparées  entre  elles  par  des  fosses  d'effondrement  : 
c'est  une  ancienne  surface  d'abrasion.  Aux  temps  miocènes,  une 
grande  terre,  l'Égéide,  réunissait  la  Macédoine  et  TAsie  Mineure,  la 
Grèce  et  la  Propontide  ;  elle  s'est  d'abord  affaissée  après  le  Pliocène 
supérieur  et  le  creusement  des  vallées  actuelles  qui  accidentent  les 
îles,  puis  les  parties  externes  à  l'archipel  se  sont  complètement  effon- 
drées, ainsi  qu'en  témoigne  la  disposition  dos  fonds. 

Les  tremblements  de  terre  sont  si  peu  fréquents  dans  les  Cyclades 
que,  d'après  Hérodote*,  on  avait  toujours  cru  ces  îles  à  l'abri  de  ces 
phénomènes  jusqu'à  celui  de  Délos  en  486  avant  J.-C,  ce  qui  ne  veut 
pas  dire  qu'il  ait  été  même  sévère,  puisque  cet  historien  n'en  mentionne 
aucune  conséquence  fâcheuse.  L'assertion  de  Pline  '  que  Zea,  ou 
Géos,  aurait  à  la  suite  d'un  tremblement  de  terre  vu  disparaître  avec 
ses  habitants  un  terrain  de  30  000  pas,  et  couper  l'isthme  qui  la  réu- 
nissait jadis  à  TEubée,  a  paru  trop  peu  fondée  aux  savants  membres 
de  l'expédition  de  Morée  pour  mériter  une  réfutation.  Nous  ne  pou- 
vons cependant  nous  empêcher  d'être  impressionné  par  l'assurance 
avec  laquelle  l'ancien  naturaliste,  se  faisant  l'écho  d'antiques  tradi- 
tions qui  ne  pouvaient  guère  provenir  d'observations  soientifiqueg 
aposterioriy  parle  de  cet  événement  ;  dans  un  autre  passage^,  il  revient 
«  sur  la  manière  dont  la  nature  a  séparé  l'Eubée  de  la  Béotie,  les  îles 
d'Atalante  et  do  Macris  de  l'Eubée  »  ;  ne  peut-on  pas  voir  là  des  boule- 
versements dont  l'homme  aurait  été  témoin,  et  dont  le  souvenir  trt^s 
précis  se  serait  transmis  de  génération  en  génération  malgré  leur 
antiquité  fort  reculée?  Gela  s'accorderait  bien  avec  les  connais- 
sances géologiques  modernes,  qui  montrent  que  le  démembrement 
de  l'Égéide  est  un  fait  récent  et  qui  a  pu  çà  et  là  se  compléter  à  Tau- 
rore  des  temps  historiques.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  connaît  aucun 
tremblement  de  terre  sérieux  dans  les  Gyclades,  archipel  décidé- 
ment pénéséismique.  Qu'il  s'agisse  de  celles  du  Nord  ou  de  celles  du 
Sud,  dont  la  constitution  géologique  est  si  différente,  ainsi  qu'on  l'a 
dit  plus  haut,  leurs  plissements,  d'ailleurs  anciens  et  bien  antérieurs 
aux  plissements  dinariques  de  la  Grèce,  sont  définitivement  éteints. 

L'effondrement  égéen  a  eu  pour  contre-coup  les  épanchemeuts 
volcaniques  disséminés  de  l'Asie  Mineure  au  Péloponèse  par  NisjTOS, 
dont  on  connaît  une  éruption  solfatarientie  ou  boueuse,  en  1873i, 
Santorin,   aux  éruptions    anciennes  et  modernes   si   célèbres  par 

•  Vï.  98. 

•  n,  xciv. 

•  H.  xc. 


L'EUROPE  SUD-ORIENTALE  279 

râreciion  d'îles  nouvelles^  Polykandros,  Milo,  Ëgine  et  Méthana, 
qui  a  certainement  présenté  au  moins  une  confiagration  historique. 
Les  Cyclades  méridionales,  soit  sur  cette  ligne  de  moindre  résis- 
tance, soit  en  son  voisinage,  ne  sont  donc  pas  plus  instables  que  les 
autres,  malgré  des  affirmations  contraires,  preuve  de  Textinotion  totale 
des  mouvements  égéens,  et  seule  Milo  a  eu  en  1862  une  série  de 
secousses,  d'ailleurs  faibles. 

Les  auteurs  de  l'antiquité  et  du  moyen  âge  mentionnent  un  cer- 
tain nombre  de  tremblements  de  terre  désastreux  en  Crète,  et  le 
xix''  siècle  y  en  a  compté  de  fort  sévères,  malheureusement  sans  que 
des  détails  circonstanciés  aient  été  conservés.  On  est  donc,  malgré  le 
peu  de  suite  avec  laquelle  des  observations  séismiques  y  ont  été 
faites,  en  droit  de  considérer  comme  instable  au  moins  sa  côte  sep- 
tentrionale à  l'ouest  de  Candie,  mais  de  l'Est  et  de  toute  la  côte 
méridionale  on  ne  sait  pour  ainsi  dire  rien.  Cette  île  est  un  fragment 
de  l'arc  dinaro-taurique,  mais  comme  ces  plissements  ne  sont  pas  en 
relation  avec  les  séismes  de  la  Grèce,  il  faut  ici  étendre  la  même 
conclusion.  L'île  est  longée  au  Sud  par  de  grandes  profondeurs, 
mais  ne  connaissant  pas  de  secousses  sur  la  côte  correspondante, 
on  ne  peut  en  l'état  actuel  de  nos  connaissances  assigner  aux  trem- 
blements de  terre  de  la  Crète  l'origine  attribuée  plus  haut  à  ceux  des 
îles  Ioniennes  et  de  la  Messénie,  c'est-à-dire  les  mettre  en  relation 
avec  le  talus  sous-marin.  Reste  la  partie  de  l'île,  souvent  dévastée,  com- 
prise entre  la  Canée  et  Candie,  la  seule  sur  laquelle  on  soit  suffisam- 
ment renseigné  quant  à  l'intensité  des  secousses  du  sol.  Or  Cayeux^ 
a  récemment  étudié  la  tectonique  de  ce  district  occidental  et  montré 
que  les  curieux  promontoires  de  Bousa  et  de  Spada  sont  deux  anticli- 
naux dont  les  flancs,  du  côté  de  la  Grèce,  ont  été  rompus  et  sont 
restés  abrupts,  à  l'inverse  des  pentes  orientales  plus  douces.  C'est  là 
une  structure  d'effondrement,  dans  le  sens  d'un  plissement  tout  à  fait 
indépendant  de  la  direction  Ë.-W.  des  accidents  dinariques.  A 
défaut  d'autre  indication,  on  peut  provisoirement,  mais  toutefois  avec 
beaucoup  de  réserve,  attribuer  à  ces  dislocations  et  à  ces  effondre- 
ments les  tremblements  de  terre  de  cette  partie  de  l'île.  Cette  réserve 
eBt  d'autant  plus  nécessaire  qu'il  faut,  pour  admettre  cette  hypothèse, 
supposer  en  même  temps  que  seule  Tabsence  de  villes  importantes  a 
empêché  jusqu'ici  de  mentionner  des  dommages  à  l'extrême  Nord- 
Ouest  de  l'île,  justement  là  où  se  remarque  cette  structure  caractéris- 
tique. En  résumé,  l'instabilité  de  la  Canée,  de  Bethymo  et  de  Candie 

*  Sur  les  rapports  tectoniques  entre  la  Grèce  et  la  Crète  occidentale  (C.  R.  Acad. 
Se,  Paris,  CXXXIV,  46.  1902). 


280  GÉOGRAPHIE  8ËISM0L0GIQUE 

reste  fort  obscure.  On  observera  cependant  qu'entre  la  Crète  et  les 
Cyclades  se  rencontre  un  creux  profond  de  1 000  mètres  et  que  des 
vagues  séismiques  ont  été  souvent  signalées  sur  la  côte  septen- 
trionale. G  est  une  indication  que  les  séismes  en  question  pourraient 
peut-être  dépendre  de  cet  accident,  concomitant  lui-même  de  l'effon- 
drement égéen. 

Les  îles  de  Kasos  et  de  Karpathos»  qui  ferment  à  TEst  la  mer  de 
Candie,  sont  très  stables  ;  on  n'y  connaît  que  de  rares  et  faibles 
secousses,  en  dehors  de  celles  qui  leur  viennent  de  la  Crète,  ou  de 
Rhodes.  Kasos,  coupée  au  S.E.,  par  une  falaise  abrupte,  montre  des 
plissements  tauriques,  et  son  aséismicité  est  une  nouvelle  preuve 
à  l'appui  de  l'extinction  de  ces  mouvements  orogéniques  dans  le 
domaine  grec. 


CHAPITRE  XVI 

ALPES  ET  PYRÉiNÉES 

1 .  —  Les  Alpes  orientales. 

Depuis  longtemps,  les  savants  Autrichiens  ont  cherché  à  trouver 
dans  la  géologie  des  Alpes  orientales  les  causes  tectoniques  des 
tremblements  de  terre  qui  les  ébranlent  constamment,  et  il  suffit  de 
rappeler  les  noms  de  Bittner,  Boue,  Canaval,  Hofer,  Hœrnes,  Knett, 
von  Mojsisovics  et  Suess,  pour  se  convaincre  que  c'est  dans  ces 
pays  qu'est  pour  ainsi  dire  née,  et  en  tout  cas  que  s'est  le  plus  déve- 
loppée la  séismologie  tectonique  ou  géologique.  Ajoutant  à  cela  une 
grande  richesse  de  documents  historiques,  ainsi  que  l'organisation 
systématique  de  l'étude  des  macroséismes  par  l'Académie  des  Sciences 
de  Vienne  depuis  1895,  Ton  ne  sera  pas  étonné  de  la  clarté  qui  com- 
mence à  sç  faire  sur  la  genèse  des  séismes  de  l'Autriche  ;  mais  en 
même  temps,  on  se  rendra  compte  par  les  lacunes  existant  encore 
des  progrès  considérables  qui  restent  à  faire  dans  cette  voie  féconde. 

C'est  d'une  manière  un  peu  artificielle  que  nous  bornerons  les 
Alpes  orientales  vers  l'Ouest  aux  cours  supérieurs  du  Rhin  et  de 
l'Adda.  Dans  ces  limites,  la  chaîne  apparaît  constituée  de  la 
manière  suivante  :  une  large  bande  archéenne,  ou  cristalline,  bordée 
au  Nord  et  au  Sud  par  les  couches  primaires  qui  ne  laissent  pas  que 
de  la  pénétrer  irrégulièrement.  Au  Nord,  les  chaînes  calcaires  secon- 
daires dominent  la  plaine  tertiaire,  tandis  que  sur  le  versant  italien 
elles  se  dévient  fortement  au  Sud-Est  pour  former,  ainsi  qu'on  l'a 
déjà  vu,  les  chaînes  dinariques  de  la  Carniole  et  de  la  Dalmatie.  Au 
delà  de  Vienne,  la  bande  centrale  a  été  coupée  net  par  effondrement 
au-dessus  de  la  dépression  du  lac  de  Neusiedl  et  des  plaines 
hongroises,  pendant  que  de  l'autre  côté  du  Danube  les  formations  ter- 
tiaires de  la  basse  Autriche  ont  été  comme  enserrées  dans  un  étau 
entre  l'ancien  massif  résistant  de  la  Bohême,  qui  a  opposé  un 
obstacle  invincible  à  la  grande  chaîne  de  l'Europe  méridionale,  et 


283 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUC 


ALPES  ORIENTALES 


S83 


Pig.  43.  —  Carie  séismique  do  la  Basse- Autriche  (d*après  Sucss). 

La  plus  connue  des  «  lignes  de  chocs  »  de  ce  pays  est  celle  de  la 
Kamp  dans  la  Basse-Autriche,  que  Suess  a  établie  à  la  suite  de  son 


284  GÉOGRAPHIE  SË[SMOLOGIQUE 

étude  sur  le  tremblement  de  terre  du  3  janvier  1873*.  Son  épîcentre 
se  trouvait  vers  Johanesberg  à  Test  de  Saint-Pôlten,  et  ses  isoséistes 
lançaient  deux  étroits  et  longs  bras  le  long  du  thalweg  de  la  Kamp,  et 
dans  une  direction  diamétralement  opposée  vers  Wiener  Neustadt. 
Cette  observation  démontre  bien  que  la  vallée  afacilité  la  propagation 
du  mouvement  séismique  dans  les  couches  tertiaires  de  la  dépression 
jusque  versHorn,  à  la  rencontre  du  solide  massif  bohémien,  et  Suess 
a  dû  avouer  lui-môme  que  la  ligne  de  choc  ne  se  laisse  pas  recon- 
naître à  la  surface,  autrement  dit  qu'elle  ne  correspond  pas  à  un 
accident  tectonique  concret,  visible  et  connu.  Elle  n'aurait  donc 
aucune  signification  séismogénique,  et  correspondrait  seulement  à 
une  liaison  géométrique,  plus  ou  moins  arbitrairement  exécutée  sur 
la  carte,  si  Bittner  ^  n'avait  démontré  la  probabilité  des  dislocations 
profondes  que  Suess  n'avait  fait  que  soupçonner  hypothétiquement. 
Nous  n'admettrons  donc  désormais  que  les  lignes  d'ébranlement 
coïncidant  avec  des  accidents  bien  définis,  pour  ne  pas  tomber  dans 
la  même  erreur  que  Hôfer',  mettant,  par  ce  procédé  peu  soutenable, 
les  séismes  de  la  Caiûnthie  en  relation  avec  ceux  de  l'Odenwald, 
sans  se  préoccuper  des  considérables  intervalles  de  temps  — jusqu'à 
plusieurs  semaines  — qui  séparent  les  secousses  de  l'un  et  de  Tautre 
foyer  et  qu'il  suppose  démontrer  leur  dépendance  mutuelle.  Fr.-E. 
Suess  est  revenu*  sur  la  fameuse  ligne  de  la  Kamp,  et  Knett*  a 
élargi  la  conception  d'Edouard  Suess,  en  définissant  dans  la  Basse- 
Autriche  cinq  autres  lignes  de  choc,  contre  lesquelles  reste  valable 
l'objection  précédemment  avancée. 

La  dépression  de  Vienne  à  Wiener  Neustadt  est  une  région  séis- 
mique plus  remarquable  par  les  études  que  lui  a  consacrées  Suess 
que  par  l'intensité  et  le  nombre,  également  modérés,  des  secousses 
que  l'on  y  ressent.  C'est  un  effondrement,  affectant  non  seulement 
la  bande  de  Flysch,  mais  aussi  les  Alpes  Calcaires,  coupées  là  très 
brusquement.  Au  contraire  le  noyau  primaire  de  la  chaîne  se  pro- 

*  Die  Erdbeben  Niedcrôsterrcichs  [Denkschnften  d.  K.  Ak.  d.  Wiss.,  XXXIIÏ,  Wien, 

i873). 

*  Die  geologischen  Verhaitniase  von  Hernslein  in  NiederÔsterrcisch  (/.  Tkeil  d,  von 
M.  A.  Becker  heramgefjeben  Werkes  :  ïlernstein.  Sein  Gutsgebiel  unddasLand  imwei- 
terem  Umkreise.  217,  Wien,  1882). 

^  Die  Erdbeben  Kàrntens  und  deren  Stosslinien  (Denkschriften  d.  mat,  nalurwiss.  Cl. 
d.  K.  Ak.  d.  Wiss,,  XLII,  Wien,  1880). 

*  Die  Erderschûtterung  in  der  Gegend  von  Neulengbach  am  28  J&nner  1893  (Jahrhuch. 
d.  K.  K.  geoL  Reichsanslall,  XLV,  77,  Wien.  1893). 

*  Neue  Erdbebenlinien  Niederôsterreichs  [Verhandl.  d.  K.  K.  geol.  Reichsanslalt,  1901, 
266).  Id.  Vorlâufiger  Bericht  ûber  die  Fortsctzung  der  Wiener  Tliermenlinie  nach  Nord 
(Id.,  n«  10). 


rDortmund 


Fig.  44.  —  Relations  des  lignes  de  choc  des  Alpes  Calcaires  Méridionales 
avec  les  foyers  séismiques  extérieurs  (d'après  HOfer). 


â86  GEOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUfi 

longe  davantage  vers  TEst,  jusqu'à  Guns.  Toutes  sortes  de  disloca- 
tions s'y  rencontrent  ;  les  décrochements  du  Trias  recouvrent  le  Cré- 
tacé dans  la  Hohewand,  et  cela  parallèlement  à  la  ligne  de  la  Kamp, 
l'appareil  hydrothermal  atteste  de  profonds  bouleversements  ;  il  ne 
manque  donc  pas  de  causes  qui  peuvent  rendre  compte  de  tremble- 
ments de  terre  parfois  sévères  à  Wiener  Neustadt. 

Le  bassin  de  Salzbourg  est  une  nouvelle  région  de  secousses,  et  à 
TEst  de  ce  bassin  les  dislocations  longitudinales  des  Alpes  Calcaires 
suffisent  à  expliquer  les  épicentres  tels  qu'Ischl,  Aussee,  Admont, 
Hieflau,  Mariazell,  etc.,  qui,  de  Gmunden  à  Vienne,  jalonnent  la 
bande  du  Flysch. 

La  ligne  d'ébranlement  de  Wiener  Neustadt  se  prolonge  par  delà 
le  Semmering  par  les  vallées  de  la  Milrz  et  de  la  Mur,  qui  forment 
jusqu'à  Leoben  la  plus  importante  des  lignes  de  la  haute  Styrie.  Elle 
a  été  étudiée  en  détail  par  Hœrnes  S  qui  lui  ajoute  celle  moins 
étendue  de  Saint-Michael-Rotenmann,  correspondant  d'après  Lôwl*  à 
un  ancien  cours  d'eau  des  Tauern,  dont  la  vallée  est  maintenant  occu- 
pée, à  la  suite  de  dislocations  tertiaires  assez  récentes,  par  deux 
rivières  coulant  en  sens  inverse,  la  Liesing,  affluent  de  la  Mur,  et  la 
Palten,  affluent  de  l'Enns.  On  se  trouve  là  dans  la  zone  des  grauwackes 
primaires,  entre  le  bord  septentrional  des  Tauern  et  les  Alpes  Calcaires 
du  Nord.  Cette  remarquable  ligne  styrienne  d'instabilité,  —  haute 
Enns  et  Palten,  Liesing,  Mur  et  Miirz,  —  présente  une  grande 
uniformité  de  structure;  elle  correspond  au  bord  des  dislocations  des 
anciennes  roches  cristallines  qui  résultent  très  vraisemblablement, 
ainsi  que  leurs  analogues  des  Tauern,  du  refoulement  latéral  des 
Alpes  contre  le  massif  bohémien.  L'âge  reculé  de  cet  ancien  cours 
fluvial  se  manifeste  par  la  largeur  des  fonds  de  vallées,  le  morcel- 
lement qui  s'est  produit  depuis  dans  le  système  des  thalwegs,  le 
retour  des  eaux  dans  le  même  sens  dans  quelques-unes  de  ses 
parties,  enfin  la  formation  de  nouvelles  lignes  de  partage,  toutes 
circonstances  concordant  pour  montrer  que  le  processus  oro- 
génique, dont  dépendent  ces  lignes  de  dislocations,  n'a  pas  encore 
cessé  et  s'exprime  par  les  fréquentes  secousses  de  la  bande  pri- 
maire. 

Gratz  se  trouve  au  sud  d'un  massif  paléozoïque  isolé,  séparé  lui- 
même  de  la  bande  précédente  par  la  zone  centrale  de  la  haute  Mur. 

*  Bericht  ûber  das  obersteieriache  Beben  vom  27  Noveinber  1898  {MlUh.  d.  Brâbeben- 
Comm.  d.  K.  Ak.  d.  Wiss.  in  Wien,  XUr,  1«98)  ;  Id.  Bericht  ûber  die  obersteierischen 
Bcben  des  ersten  H&lbjahres  1899  [Id,,  XIV,  1899). 

*  Uebei*  Thalbildung  (Prag,  1884), 


ALPES  ORIENTALES  287 

Tout  cet  ensemble  est  stable^  en  dépit  de  quelques  épicentres  spora- 
diques. 

Ce  sont  au  contraire  des  accidents  transversaux  qui  donnent  lieu 
aux  lignes  d'ébranlement  Windisch-Garsten,  Gratz-Leoben-Eisenerz, 
Kindberg-Mariazell,  et  Scheibbs,  établies  par  Hœrnes.  Elles  sont 
d'ailleurs  moins  importantes  que  les  lignes  longitudinales.  En  par- 
ticulier, la  seconde  correspond  au  coude  brusque  par  lequel  la  Mur 
quitte  en  aval  de  Leoben  son  sillon  parallèle  à  la  chaîne  pour  se 
diriger  à  angle  droit  vers  la  capitale  de  la  Styrie;  elle  paraît  devoir 
être  attribuée  à  l'influence  des  effondrements  manifestés  aux  environs 
de  cette  ville,  où  se  montrent  en  plein  massif  paléozoïque  des  lam- 
beaux des  couches  de  Gosau.  Les  quelques  chocs  de  cette  partie  de 
la  Styrie  seraient  peut-être  en  lointaine  dépendance  avec  le  mou- 
vement qui  a  ramené  ces  couches  au  jour. 

Les  tremblements  de  terre  sont,  en  Garinthic,  fréquents  sinon  des- 
tructeurs, surtout  au  Sud  ;  celui  du  25  janvier  1358  a  cependant 
causé  un  véritable  désastre,  et  défrayé  l'imagination  des  anciens 
chroniqueurs,  en  détruisant  une  partie  de  VilUch  par  suite  de  l'é- 
boulement  du  mont  Dobratsch.  On  a  là  une  très  importante 
ligne  de  dislocations  qui,  de  Bruneckenà  Sillein,  puis  par  la  vallée  de 
la  Gail,  la  dépression  de  Klagenfurt  et  le  bord  septentrional  des 
Karawanken  et  du  Bachergebirge,  s'étend  le  long  de  la  rive  droite  de 
la  Drave.  C'est  aussi  une  bande  séismique  correspondant  aux  Alpes 
Camiques,  composées  de  couches  primaires  complètement  séparées 
des  sédiments  secondaires  des  Alpes  Juliennes.  Les  accidents  longitu*- 
dinaux  résultant  de  la  surrection  des  Alpes  abondent,  et  ajoutent 
leur  influence  séismogénique  à  celle  des  plissements  hercyniens,  qui 
ont  donné  accès  aux  éruptions  tonalitiques,  de  sorte  que  la  mobilité 
de  la  région  se  trouve  rajeunie  sous  la  forme  des  séismes  actuels. 
Des  dislocations  transversales  apportent  aussi  leur  facteur  d'instabi- 
lité, et  c'est  par  exemple  le  cas  des  failles  de  Gmund^  d'Obervellach 
et  de  Windisch-Grâtz.  Canaval  '  a  mis  en  évidence  le  rôle  de  la  pre- 
mière, à  l'occasion  du  tremblement  de  terre  du  25  novembre  1882, 

La  chaîne  primaire  Carnique  s'épanouit  largement  dans  les  Kara- 
wanken orientales  entre  Marburg  sur  la  Drave  et  Rann  sur  la  Save, 
avec  un  bassin  tertiaire  d'effondrement,  où  Cilli  et  Gonobitz  sont  de 
notables  foyers  d'ébranlement,  pour  ne  citer  que  les  plus  importants. 
Stein,  Radmansdorf,  Tarvis  et  Pontebba  sont  d'autres  épicentres, 
jalonnant  les  dislocations  du  bord  méridional  de  la  même  chaîne. 

*  Oas  Erdbeben  von  Gmnnd  am  25  November  1881  {Sitsungsber,  d,  K,  Ak.  d.  Wisê. 
»»û<.  nai.  CL,  LXXXVI,353,  Wien,  1882). 


288  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Hœrnes  et  Seidl'  attribuent  le  séisme  de  Trifail,  du  31  mars  1904,  à 
deux  grandes  failles  longitudinales  des  Alpes  de  Stein,  dans  leurs 
avant-monts  du  Sud,  autant  dire  à  un  mouvement  de  la  tranche 
qu'elles  comprennent  entre  elles.  On  pourrait  objecter  à  cette  manière 
de  voir,  dans  ce  cas  particulier,  la  forme  circulaire  qu'ont  prise  les 
isoséistes,  ce  qui  indique  l'existence  d'un  point  comme  épicentre  et 
non  d'une  ligne  épicentrale. 

La  ville  si  exposée  de  Laibach  s'élëve  en  partie  sur  le  Schlossberg, 
massif  primaire  isolé  entre  deux  bassins  tertiaires  d'effondrement 
contre  lesquels  viennent  mourir  les  derniers  plissements  carniques. 
Souvent  ravagée,  elle  estentourée  d'autres  épicentres comme  Môttling, 
Stein,  Krainburg,  Bischoflack,  Yodiz,  Tersain»  Janchen,  etc.,  qui  lui 
font  un  cortège  de  foyers  presque  aussi  instables.  Les  conditions 
tectoniques  de  ces  deux  bassins  d'effondrement  ne  permettent  pas 
de  douter  des  causes  orogéniques  d'un  danger  que  Fr.-Ë.  Suess  '  n'a 
cependant  pas  osé  formellement  attribuer  à  un  phénomène  géologique 
particulier,  lors  du  grave  tremblement  de  terre  du  14  avril  1895» 

Au  Sud  des  Alpes  Carniques,  les  Alpes  Calcaires  ou  Dolomitiques 
de  la  haute  Italie  reproduisent  à  peu  près  les  mêmes  circonstances 
que  leurs  homologues  du  Nord,  le  long  de  la  vallée  du  Danube.  Elles 
ont  été  le  théâtre  du  grand  tremblement  de  terre  de  Bellune,  du 
29  juin  1873,  dont  on  parlera  plus  en  détail  au  chapitre  consacré  à 
l'Italie. 

A  l'ouest  de  Bischoflack  se  rencontre  un  petit  massif  primaire  isolé 
qui  termine  les  Alpes  Juliennes  et  d'où  partent  vers  le  S.E.  les 
Alpes  Dinariques  mésozoïques,  couvrant  de  leurs  plis  N.W.-S.E.  la 
Carniole  et  Tlstrie.  De  Bann  à  Samobor,  MOttling  et  Karlstadt  sur 
la  Kulpa^  elles  dominent  la  plaine  tertiaire  croate,  tandis  qu'à  l'Ouest 
elles  ne  dépassent  pas  la  vallée  inférieure  de  Tlsonzo  et  sont,  de  ce 
côté,  fortement  entamées  et  masquées  par  les  couches  tertiaires.  C'est 
la  région  karstique  par  excellence,  aux  très  nombreux  épicentres 
presque  constamment  en  mouvement.  Il  n'y  a  pas  le  moindre  doute 
que  ces  tremblements  de  terre  souvent  graves,  tels  les  désastres  de 
Klana  en  1870^  et  de  Fiume  en  1730^,  ne  soient  liés  au  processus 
du  plissement  tertiaire  se  continuant  encore  sous  cette  forme.  Toute 

*  Bericht  ùber  das  Erdbeben  in  Untersteicrniark  und  Krain  ani  31  Mdrz  1904  (^t7/A. 
d,  Erdbebencomm.  d.  K.  Ak,  d.  V/iss.  in  Wien.  Neue  Folge.  XXVH,  1905). 

*  Das  Erdbeben  von  Laibach  am  14  April  1893  (Jahrbuch  d.  K,  K.  geol.  Reiehsanstalt. 
XLVI,  1896,  411.  Wien,  1897). 

""  D.  Stur.  Das  Erdbeben  von  Klana  iiu  Jahre  1870  (Jahrb.  etc.,  XXX],  23,  1871). 

*  Von  Radies.  Geschichtliche  Erinneningen  an  das  grosse  Erdbeben  in  Fiume  iin 
Jahre  1750  (Die  Erdbebenwarle^  II,  2^9.  Laibach,  1902). 


ALPES  ORIENTALES  289 

la  contrée  est  fort  bouleversée,  et  en  outre,  des  secousses  très  locales, 
mais  nombreuses,  sont  peut-être  la  conséquence  d'effondrements  par 
dissolution  du  calcaire,  sous  l'action  du  régime  hydrographique  si 
particulier  des    «   dolines  »  et  des  eaux  courantes  pénétrant  par 
d'innombrables  diaclases,  explication  très  admissible  et  valable  pour 
de  nombreuses  secousses  d'un  caractère  très  local.  Quoi  qu'il  en  soit, 
von  Mojsisovics'  a  eu  fréquemment  l'occasion  d'attribuer  un  rôle  séis- 
mogénique  à  telles  ou  telles  dislocations  des  vallées  de  l'Isonzo,  de  la 
Wippach  et  de  la  Reka,  ainsi  que  des  hauteurs  d'Adelsberg,  etc. 
Les  fractures  de  même  direction  qui  ont  accompagné  l'effondrement 
adriatique  sont  aussi  à  mentionner  comme  intervenant  dans  la  genèse 
des  secousses;  Suesscite  les  quatre  principales  de  ces  dislocations. 
Le  tremblement  de  terre  destructeur  de  mars  1870  à  Klana,  men- 
tionné plus  haut,  a  donné  lieu  à  d'intéressantes  observations  sur  un 
effondrement  qui  se  produisit  près  de  Novakracina,  en  forme  d'un 
puits  qui  finit  par  avoir  18  pieds  de  profondeur  sur  100  pieds  carrés 
de  section.  C'est  avec  raison  que  Tietze*  fait  de  ce  phénomène  une 
conséquence  du  séisme,  par  affaissement  de  la  voûte  de  quelque  cavité 
du  calcaire  sous-jacent  à  la  suite  d'une  lente  dissolution  par  les  eaux 
souterraines,  car  le  temps  assez  long  que  mit  l'accident  à  se  pro- 
duire ne  permet  pas  d'en  faire  la  cause  même  du  séisme.  On  a  beau- 
coup discuté  sur  la  véritable  signification  tectonique  et  séismogé- 
nique  d'un  remarquable  accident,  qui  se  présente  près  de  Buccari, 
centre  d'instabilité,  mais  qui,  d'après  Stache  ^,  serait  séparé  du  bassin 
de  la  Recca  par  un  faîte  de  caractère  seulement  géographique.  Au 
contraire,  Hœrnes*  et  Suess'  en  font  une  dislocation  périadriatique, 
dont  le  rôle  dans  les  tremblements  de  terre  de  la  région  jusque  vers 
Klana,  devient  tout  à  fait  indéniable. 

Le  grand  accident  Bellune-Laak  se  prolonge  à  l'Ouest  pour  pénétrer 
dans  le  Tyrol  méridional  par  le  val  Sugana,  où  quelques  épicentres 
dénotent  son  influence.  Cette  partie  du  Tyrol  présente  une  structure 
extrêmement  compliquée  autour  de  la  haute  Adige,  entre  l'Ortler 
ou  le  Stelvio  et  le  Brenner,  puisque  les  couches  mésozoïques  y  enva- 

*  Allgemeines  Bcricht  und  Clironik  dcr  im  Jahro  (1898,  p.  94;  1899.  p.  102;  1902, 
p.  82;  1903,  p.  54)  inncrhalb  des  Beobachtungsgebicto  crfolgLen  Erdbeben  (Milth.  d. 
Erdbebencomm,  d,  K.  Ak.  d.  Wiss.  in  Wien), 

*  Zur  Geologio  dcr  KarstcrscheinuBgcn  {Jahrb,  d.  K.  K,  geoL  Reichsanslall,  XXX,  734, 
1880). 

*  Die  Eoc&Dgebiet  in  Inncr  Krain  (H  Folgc,  IV).  Die  Gebirgspalte  von  Buccari  (Jahrb. 
d.  K.  K,  geol.  Reicfutanstall,  XiV,  1864). 

*  Die  B^dbebenkunde  ,  381. 

*  Die  Enlstehung  der  Alpen,  92. 

I>B  Uoiinstos.  —  TrcmblemenU  de  terre.  19 


290  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

hissent  la  zone  alpine  primaire  centrale.  C'est  dans  cette  région  que 
se  terminent  les  mouvements  périadriatiques,  et  de  nombreuses 
autres  dislocations,  comme  celles  de  la  Judicarie,  de  Yilnôss,  celles 
qui  ont  découpé  la  Cima  d'Asta,  etc.,  sont  là  tout  indiquées  pour 
rendre  compte  des  foyers  d'instabilité  du  Trentin,  où  les  secousses 
ne  laissent  pas  que  d'être  parfois  sévères. 

Le  Tyrol  allemand,  au  nord  des  Alpes,  est  divisé  en  deux  parties 
par  la  vallée  de  Tlnn  entre  Kufstein  et  Landeck,  séparant  les  Alpes 
Calcaires  bavaroises  de  la  bande  centrale  primaire  et  archéenne.  Les 
épicentres  y  sont  plus  nombreux  que  riches  en  séismes,  et  ils  relèvent 
des  mêmes  causesgénérales  d'instabilité  qu'entre  Salzbourget  Vienne. 
Il  se  rencontre  des  foyersjusque  dans  les  hautes  vallées  des  affluents 
du  Danube,  Isar  et  Lech,  ainsi  que  dans  le  Yorarlberg,  comme  sur 
la  rive  droite  de  Tlnn  dans  le  massif  de  l'Œzthal.  Mais  nulle  part 
les  séismes  ne  sont  graves.  Leur  étude  détaillée  entraînerait  beau- 
coup trop  loin,  et  d'ailleurs  la  détermination  des  accidents  tec- 
toniques auxquels  onpeutplausiblementles  attribuer  estextrêmement 
délicate,  en  raison  même  de  leur  multiplicité.  Cette  recherche  est 
complètement  à  faire. 

2.  —  Les  Alpes  occidentales  et  le  bassin  du  Rhône. 

Les  renseignements  séîsmologiques  relatifs  à  la  Suisse  sont  d'une 
grande  valeur.  Non  seulement  les  documents  historiques  recueillis 
par  Otto  Volger  *  abondent,  mais  depuis  1878,  sous  l'influence  de 
Forel*,  Forster',  Tarnutzer*,  Frûh*,  Soret,  Heim,  Riggenbach- 
Burckhardt,  etc.,  membres  ou  fondateurs  de  la  commission  séismo- 
logique  suisse,  les  observations  des  macroséismes  se  poursuivent 
régulièrement.  Mais  du  côté  français  des  Alpes,  les  observations 
historiques  existent  seules,  et  l'on  ne  peut  citer  que  Villard*,  et, 
comme  toujours,  Perrey',  enfin  Fournet'. 

*  Untersuchungen  ûber  dos  Ph&nomen  der  Erdbeben  in  der  Schweii,  I,  Chronik  der 
Ërdbeben  in  der  Schweiz  ;  II,  Die  Géologie  von  Wallis  ;  UI,  Die  Erdbeben  in  Wallis 
(Gotha,  1857-1858). 

*  Les  tremblements  de  terre  étudiés  par  la  commission  sismologiqne  suisse,  i876« 
1886  {Archives  se,  phy.  et  nat.  de  Genève.  1880,  461  ;  1884, 147  ;  1883,  377  ;  1885,  89). 

'  Die  schweizerischen  Erdbeben  in  den  Jahren  i884  und  188$  (Zurich,  1886)* 

*  Die  schweizerischen  Erdbeben  im  Jakre  1887  (Bem,  1888). 

"  Die  Ei^dbeben  in  der  Schweiz  in  den  Jahren  1888, 1891, 189Î, (Zurich). 

*  Météorologie  régionale.  Série  chronologique  de  tous  les  faits  recueillis;  299-1821 
(Bull.  arch.  et  statist.  de  la  Drame.  Valence,  1889) . 

^  Mémoire  sur  les  tremblements  de  terre  ressentis  dans  le  bassin  du  Rhône  (i^ftn.  vk- 
agric.  hist.  nat,  et  Arts  utiles  de  Lyon,  VIII,  1845) . 

*  Notes  additionnelles  aux  recherches  sur  les  tremblements  de  terre  du  bassin  dn 
Rhône  de  M.  A.  Perrey  (Id.), 


ALPES  OCCIDENTALES 


291 


•3 

OQ 


60 


292  GÉOGRAPHIE  SÉI6M0L0GIQUE 

Du  Rhin  au  sillon  rhodanien  du  Sud-Est  de  la  France,  la  structure 
générale  des  Alpes  occidentales  ne  diffère  pas  essentiellement  de 
celle  des  Alpes  orientales.  Il  y  a  toujours  une  large  bande  centrale, 
cristalline  et  primaire,  contre  laquelle  s'appuient  les  formations 
secondaires  et  tertiaires,  repoussées  en  avant  par  Tacte  de  la  sur- 
rection,  mais  le  morcellement  y  est  beaucoup  plus  accentué,  en  par- 
ticulier en  ce  qui  concerne  les  homologues  des  Alpes  Calcaires  autri- 
chiennes, résultat  dû  sans  doute  à  ce  qu'on  se  trouve  là  en  présence 
de  Tangle  de  la  chaîne.  Les  massifs  résistants  des  Vosges  et  de  la 
Forêtp-Noire  remplacent  ici  celui  de  la  Bohême  et  ont  joué  exacte- 
ment le  même  rôle,  celui  d'arrêter  les  mouvements  tertiaires  vers  le 
Nord,  et  en  même  temps  de  forcer  les  plis  à  s'écraser  pour  ainsi  dire 
contre  eux  en  formant  les  chaînes  parallèles  du  Jura,  qui  sont  sans 
analogues  du  côté  autrichien.  Les  dernières  vicissitudes  géologiques 
ont  été  beaucoup  plus  complexes,  de  sorte  que  la  recherche  des 
causes  séismogéniques  particulières  sera  encore  bien  plus  délicate. 
A  l'Ouest  comme  à  l'Est,  la  chaîne  des  Alpes  occupe  un  emplace- 
ment qui  a,  depuis  des  temps  très  reculés,  été  le  théâtre  d'intenses 
mouvements  de  tout  genre  ;  de  sorte  que  si  les  tremblements  de  terre 
y  résultent  des  plus  récentes  vicissitudes,  ils  n'en  sont  pas  moins 
les  héritiers  directs  de  ceux  du  temps  passé,  ou  les  manifestations 
posthumes  des  efforts  anciens  éteints  remplacés  par  d'autres. 

De  cette  rapide  esquisse  découlent  quatre  divisions  principales 
et  assez  rationnelles  de  la  région  des  Alpes  occidentales  :  le  Jura, 
le  plateau  suisse,  les  Alpes  suisses,  les  Alpes  françaises. 

Le  Jura  représente  dans  son  ensemble  un  grand  plateau  découpé 
par  des  plissements  parallèles  et  des  failles  transversales,  tous 
accidents  résultant  des  mouvements  alpins  dès  longtemps  commen- 
cés avant  leur  maximum  de  Tépoque  miocène.  En  dépit  de  l'âge 
assez  peu  reculé  de  ces  dislocations,  les  tremblements  de  terre  ne 
l'agitent  plus  du  tout  du  côté  français  et  plutôt  légèrement  à  l'Est, 
au-dessus  et  le  long  de  la  dépression  de  la  vallée  de  TAar  et  des 
lacs  de  Bienne,  Neuchâtel  et  Genève,  conformément  à  la  loi  du  relief, 
qui  est  beaucoup  plus  brusquement  accentué  à  l'Est  qu'à  l'Ouest  sur 
la  vallée  de  la  Saône.  C'est  donc  qu'il  s'agit  là  d'efforts  presque  complè- 
tement éteints,  môme  les  plus  récents,  aussi  bien  que  ceux  qui  bien 
antérieurement  avaient  préparé  les  derniers  mouvements  sur  le  même 
théâtre.  Aux  environs  de  Bâle  seulement,  les  tremblements  de  terre 
prennent  une  certaine  importance,  et  l'on  peut  en  citer  un,  celui  du 
18  octobre  1356,  qui  a  été  fort  sévère,  destructeur  même,  et  a  secoué 
une  grande  partie  de  l'Europe  centrale.  Les  séismes  de  ce  district 


ALPES  OCCIDENTALES  293 

appartiennent  d'ailleurs  plutôt  à  la  vallée  du  Rhin,  et  Tépicentre  de 
ce  dernier  doit  du  reste  être  regardé  comme  assez  mal  déterminé, 
d'autant  plus  que  les  relations  d'une  époque  aussi  lointaine  sont 
remplies  de  lacunes  et  d'exagérations. 

Les  tremblements  de  terre  de  mai  187G  dans  les  environs  de 
Neuchâtel  ont  été  attribués  *  k  Teffondrement  de  cavités,  existant 
dans  un  terrain  contenant  des  matières  solubles  entraînées  par  les 
eaux  d'infiltration.  Le  séisme  de  Granson  du  23  février  1898  a  été 
accompagné  d'une  violente  agitation  des  eaux  du  lac  de  Neu- 
châtel '. 

Le  Jura  suisse  a  été  en  décembre  1880  le  siège  de  plusieurs 
secousses  nettement  longitudinales,  disposition  tout  à  fait  en  faveur 
d'une  tardive  intervention  des  causes  qui  ont  donné  à  la  chaîne  sa 
structure  plissée,  et  la  même  observation  s'applique  au  séisme  du 
15  février  1888  relativement  à  la  région  de  la  mollasse. 

Hœrnes'  attribue  la  secousse  du  7  mai  1880,  à  Villeneuve  et 
Mézières,  à  Faction  dissolvante  des  sources  thermales,  et  à  un  mou- 
vement d'affaissement  celle  du  16  juin  1881  au  Val  de  Ruz,  vallée 
du  bord  interne  de  la  chaîne  jurassique  la  plus  méridionale  du  canton 
de  Neuchâtel. 

Entre  les  lacs  de  Constance  et  de  Genève  s'étend  au  S.  E.  de  la  val- 
lée de  l'Aar,  la  longue  plaine  suisse,  accidentée  de  collines  et  que 
dominent  les  Préalpes,  Alpes  de  Fribourg,  de  l'Emmenthal,  de 
Schwytz  et  de  Glaris,  de  Saint-Gall  et  d'Appenzell  :  territoire  profon- 
dément disloqué  et  où  des  lambeaux  secondaires  ont  été  poussés  par 
dessus  les  couches  tertiaires  qui  les  constituent  presque  entièrement. 
C'est  la  région  de  la  mollasse  qui  occupe  la  plaine,  et  que  recouvrent 
les  Préalpes  violemment  bouleversées.  Il  s'agit  là  d'un  vaste  syncli- 
nal tertiaire  graduellement  rétréci  du  Sud  au  Nord  par  la  surrection 
des  Alpes,  et  en  même  temps  comblé  par  les  produits  de  l'érosion  de 
la  chaîne  en  voie  de  formation  et  finalement  asséché,  puis  soulevé. 
Les  épicentres  sont  fort  nombreux  sur  toute  la  surface  de  la  dépres- 
sion et  dans  les  Préalpes,  mais  les  secousses  sont  le  plus  souvent 
faibles  et  locales,  comme  il  convient  en  un  pays  où  un  grand  nombre 
d'accidents  particuliers,  n'ayant  pu  reprendre  complètement  leur 
équilibre,  peuvent  jouer  un  rôle  séismogénique.. Fréquemment  aussi 
leurs  effets  Bont  exagérés   par  le  peu  de  consistance  des  terrains 

•  Jftgerlehner.  Spuren  von  Bodenbewegungen  ira  nOrdIichen  Theile  der  Waadt  wâhrond 
der  letzen  fûnfzig  Jahre  (Jaresber.  d,  Geogr.  Ges.  zu  Bern.  XUI,  15). 
"  A.  Forel.  Le  tremblement  de  terre  de  Granson  (Bul.  soc.  sism.  ital.,  IV,  71, 1898). 
'  Die  Erdbebenkunde  (4u2,  Leipzig.  1893). 


294  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

morainiqucs  ou  des  cônes  de  déjections  sur  lesquels  bien  des  villes 
sont  édifiées  comme  Berne,  Zurich,  etc.  circonstances  qui  ont  bien 
des  fois  induit  en  erreur  sur  leur  véritable  intensité.  Il  arrive  aussi 
que  les  séismes  sont  surtout  ressentis  au  contact  des  alluvions  de  la 
plaine  avec  les  collines  plus  résistantes,  comme  Friih  l'a  fait 
observer  pour  le  Bheinthal  de  Saint-Gall  et  d'Appenzell»  mais  c'est 
surtout  là  un  phénomène  subsidiaire  de  propagation. 

Le  bord  des  Préalpes  est  occupé  par  une  série  de  lacs,  où  l'on 
croyait  voir  autrefois  des  dislocations  et  des  effondrements,  à  la 
faveur  desquels  ils  s'étaient  établis.  Cette  opinion  n'est  plus  admis- 
sible maintenant  que  Penck  a  montré  le  rôle  considérable  joué  parles 
anciens  glaciers  dans  l'acte  du  creusement  des  lacs  subalpins.  On  ne 
peut  donc  continuer  à  trouver,  comme  on  le  faisait  jusqu'à  présent, 
la  raison  d'être  des  séismes  de  la  bordure  dans  ces  accidents,  dont 
Texistence  n'est  plus  soutenable,  et  il  faut  revenir  aune  cause  d'ordre 
général  entrant  en  jeu,  tantôt  ici,  tantôt  là,  suivant  des  circons- 
tances qui  restent  à  élucider.  En  particulier,  le  canton  de  Glaris  est 
caractérisé  par  d'assez  nombreuses  secousses,  mais  faibles  et  d'un 
caractère  très  local.  Escher  *  en  a  réuni  181  pour  le  xviii*  siècle,  dont 
à  peine  1/20'  d'origine  extérieure.  Celles  de  1701  et  1702  n'attaquè- 
rent que  la.  haute  vallée  de  la  Linththal,  et  avaient  leur  centre  au 
village  même  de  Linththal.  Au  printemps  de  1764,  on  compta,  dans 
le  même  canton  de  Glaris,  plus  de  20  chocs  en  un  mois,  mais  la  fré- 
quence diminua  très  sensiblement  au  xix*  siècle.  Beaucoup  de  ces 
petits  tremblements  de  terre  eurent,  d'après  d'assez  précises  relations, 
des  aires  elliptiques  ou  ovales  à  grands  axes  dont  la  direction  coïnci- 
dait avec  celle  des  Alpes,  et  celui  du  2  mai  1877  fut  brusquement 
limité,  à  une  ligne  également  parallèle  à  la  chaîne  entre  Bagats, 
Glaris  et  Linththal.  Cette  grande  fréquence  du  frémissement  du  sol 
donne,  dit  Hœmes,  l'impression  que  le  plissement  se  continue  encore 
sous  nos  yeux,  et  on  ne  peut  concevoir  le  lent  processus  de  plisse- 
ment sans  d'innombrables  secousses  de  ce  genre. 

Zweisimmen,  dans  la  Simmenthal,  a  été  d'avril  à  octobre  1885  le 
siège  de  très  nombreuses  secousses  d'un  caractère  très  local,  aux- 
quelles Fors  ter  donne  comme  origine  la  dissolution  de  couches  de 
gypse  et  de  carbonate  de  chaux  et  la  rupture  d'équilibre  qui  en  avait 
été  la  conséquence,  opinion  partagée  aussi  par  Sinner\ 

Les  tremblements  de  terre  de  la  Suisse  tendent  à  montrer  que  le 

*  Cf.  Hœrnes.  Die  Erdbebenkunde,  218. 

*  Sur  la  canse  des  tremblements  de  terre  dn  Simmenthal  [Arch,  Se,  ph,  nat,  de 
Genève,  3*  série,  XIV,  287). 


ALPES  OCCIDENTALES  295 

processus  orogénique  n'a  pas  entièrement  cessé  *,  ce  qui  est  certaine- 
ment exact  d'une  façon  générale,  ces  séismes  étant  la  manifestation 
matérielle  tangible  de  la  continuation  des  efforts  tectoniques  corres- 
pondants. Mais  on  a  eu  tort  d'en  voir  une  preuve  dans  des  mesures 
géodésiques  d'après  lesquelles,  dans  l'espace  d'une  trentaine  d'années, 
le  triangle  Làgern-Rigi-Napf  aurait  subi  des  modifications  telles  que  le 
sommet  du  Lâgern,  dans  le  Jura  d'Argovie,  se  serait  rapproché  d'un 
mtître  des  deux  autres  situés  dans  les  chaînes  subalpines.  L'ingénieur 
en  chef,  directeur  du  bureau  topographique  fédéral  à  Berne,  M.  Held,  a 
bien  voulu,  à  la  date  du  8  avril  1905,  nous  renseigner  à  cet  égard.  A 
son  avis,  toutes  les  conclusions  tectoniques,  et  par  conséquent  séis- 
mologiques,  ajouterons-nous,  qu'on  voudrait  tirer  de  la  comparaison 
des  mesures  de  1830  avec  celles  de  1870,  sont  prématurées  et  pèchent 
par  la  base,  parce  que,  lors  de  cette  première  série  d'opérations,  il  n'a 
pas  été  pris  des  précautions  suffisantes  pour  assurer  d'une  manière 
certaine  la  détermination  et  la  fixité  absolue  de  la  position  du  centre 
des  signaux.  D'ailleurs,  le  sommet  du  Lâgern  est  devenu  tout  à  fait 
inutilisable  pour  cette  comparaison,  par  suite  de  l'incendie  de  la 
maison  de  garde  en  1876.  Nous  perdons  de  la  sorte  une  observation 
favorable  à  notre  thèse,  et  en  l'exactitude  de  laquelle  nous  avions 
cru  jusqu'à  cette  date  si  rapprochée,  sur  la  foi  des  savants  qui  l'avaient 
mise  en  avant. 

Les  Alpes  proprement  dites  sont  bien  plus  stables,  malgré  les 
gigantesques  dislocations  qui  accidentent  tous  les  terrains  souvent 
très  métamorphisés  qui  les  constituent,  et  on  a  déjà  vu  le  même 
fait  se  produire  dans  l'est  de  la  chaîne.  Elles  sont  coupées  longi- 
tudinalement  par  les  hautes  vallées  opposées  du  Rhin  et  du  Rhône, 
alignées  dans  le  sillon  de  la  Furca,  et  qui  toutes  deux  se  retour- 
nent presque  à  angle  droit  pour  se  déverser  dans  les  lacs  de  Cons- 
tance et  de  Genève.  C'est  dans  ces  profonds  sillons  seulement  que 
se  font  ressentir  les  tremblements  de  terre.  Brigue  et  Sion,  dans  celui 
du  Rhône  supérieur,  ont  été  le  théâtre  de  nombreuses  secousses  en 
1756,  et  plus  récemment,  le  15  juillet  1855,  le  grand  séisme  de  Viège 
a  été  suivi  d'innombrables  chocs  consécutifs,  avec  bruits  séismiques 
observés  et  catalogués  par  Tscheinen  à  Grœchen  et  par  Lehrer  à 
Unterbach.  Otto  Volger  en  a  fait  une  étude  détaillée,  mais  nous  ne 
croyons  pas  fondée  l'explication  qu'il  en  donne,  à  savoir  la  rupture 
d'équilibre  dans  les  couches  profondes  par  disparition  à  la  suite  de 
dissolution  de  strates  gypseuses  ou  carbonatées,  l'énorme  extension 

*  F.-A.  ForeL  Les  tremblements  de  terre  orogéniques  étudiés  en  Suisse  {L'Astronomie, 
décembre  1883  et  janvier  1884.  Paris). 


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^Marseille 


Fig.  46.  —  Vallée  du  Rhône  et  Alpes  françaises. 


ALPES  OCCIDENTALES  297 

du  tremblement  de  terre  initial  étant,  ce  nous  semble,  hors  de 
proportion  avec  la  cause  mise  en  avant.  Les  secousses  de  la  vallée 
du  Rhône  entre  Martigny  et  Montreux  ont  un  caractère  tectonique 
décidé  qui  doit  s'étendre  aussi  à  celles  assez  fréquentes  de  la  rive 
nord  du  Léman,  profonde  cavité  ouverte  postérieurement  au  Pliocène, 
époque  à  laquelle  le  Rhône  supérieur  et  la  Dranse  étaient  encore, 
semble-t-il,  des  tributaires  du  Rhin. 

Les  Grisons  ne  manquent  pas  d'épicentres  sporadiques,  mais,  de 
toutes  leurs  vallées,  c'est  l'Engadine  qui  est  la  plus  instable,  et 
Tarnutzer  (/.  c.  1887,  p.  3)  en  attribue  les  secousses  à  des  décro- 
chements dans  les  schistes  cristallins  profondément  pénétrés  par  les 
couches  secondaires.  Ce  sillon,  souvent  ébranlé,  se  prolonge  par  le 
cours  de  la  Maira,  affluent  du  lac  de  Côme,  dont  la  haute  vallée  est 
la  continuation  de  la  même  ligne  séismique.  En  rapprochant  ce  que 
dit  Heim^  du  tremblement  de  terre,  si  étendu,  des  Grisons,  le  7  jan- 
vier i880,  de  ses  recherches  sur  la  formation  des  montagnes,  on 
voit  que  ce  savant  rapporte  ce  séisme,  et  ceux  analogues  de  la 
Suisse,  aux  perturbations  introduites  par  la  surrection  des  Alpes 
dans  la  tectonique  et  dans  le  régime  hydrographique  des  territoires 
qui  sont  devenus  le  bassin  du  Rhin  supérieur,  en  conséquence  des 
dislocations  correspondant  à  ces  mouvements. 

Passant  aux  Alpes  françaises,  à  l'est  de  la  vallée  du  Rhône,  c'est 
là  que  se  font  le  plus  vivement  sentir  les  tremblements  de  terre, 
parfois  même  redoutables  comme  dans  les  Alpes-Maritimes. 

Le  Dauphiné  et  la  Savoie  sont  assez  instables.  Ici,  de  même  qu'en 
Suisse,  il  serait  assurément  fort  téméraire  de  faire  un  choix  quant 
au  rôle  séismogénique  à  attribuer  à  divers,  accidents  tectoniques 
auxquels  a  donné  lieu  la  surrection  de  la  chaîne.  L'activité  séismique 
diminue  notablement  dans  les  Hautes-Alpes. 

Le  long  de  la  vallée  de  la  Saône,  le  Châlonnais  avec  quelques 
séismes,  et  le  Lyonnais  un  peu  plus  instable,  se  détachent  au  milieu 
de  régions  très  stables.  Là  de  nombreuses  dislocations  suffisent  à 
rendre  compte  de  secousses  dont  Torigine  première  n'en  reste  pas 
moins  obscure,  faute  d'études  sur  des  tremblements  de  terre  particu- 
hers.  Mais  plus  en  aval,  les  environs  de  Monlélimar,  Viviers,  Avi- 
gnon, Manosque  et  Digne  se  présentent  avec  un  caractère  décidé 
d'instabilité.  Or  si  l'on  joint  par  une  ligne  les  épicentres  extrêmes  du 
côté  de  l'Est,  Marseille,  Digne,  Gap  et  Grenoble,  puis  que  l'on  con- 
tinue par  Chambéry  et  Annecy  jusqu'à  l'extrémité  orientale  du  lac  de 

*  Die  schweizerischen  Erdbeben  von  November  1819  bis  Ende  1880  (Bem.  1881). 


298  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Genève,  on  exclut,  il  est  vrai,  la  Tarentaise  et  la  Maurienne  avec 
leurs  foyers  propres  *,  mais  la  ligne  ainsi  obtenue,  fait  remarquable, 
coïncide  avec  le  littoral  oriental  de  la  mer  du  premier  étage  médi- 
terranéen. La  coïncidence  entre  les  limites  de  la  région  pénéséis- 
mique  et  de  }a  mer  miocène  n'est  guère  moins  frappante  à  l'Ouest, 
la  ligne  Belley-Valence  ne  laissant  pas  d'épicentres  au  delà.  Si  donc 
on  néglige  la  Tarentaise  et  la  Maurienne,  on  peut  dire  que  les  foyers 
d'ébranlement  de  la  Savoie,  du  Dauphiné,  du  Vivarais  et  de  la  Pro- 
vence occupent  entièrement  et  exclusivement  le  lit  de  cette  mer  ter- 
tiaire, d'une  époque  bien  définie,  c'est-à-dire  un  synclinal  actuelle- 
ment asséché  par  surrection;  par  suite,  les  séismes  dont  il  s'agit 
ici  seraient  dus  à  la  survivance  de  ce  mouvement,  ou  au  manque 
d'équilibre,  non  encore  complètement  rétabli,  qui  en  est  résulté;  mais 
il  faut  chercher  d'autres  causes  à  ceux  de  ces  deux  provinces  mises 
de  côté  et  des  Hautes-Alpes.  C'est  pour  ces  dernières  que  Térection 
finale  des  grandes  Alpes  deviendrait  une  cause  plus  immédiate  et 
moins  vague  d'instabilité,  par  suite  de  leur  proximité  de  l'axe  cris-- 
tallin  et  primaire.  Une  traînée  de  Carbonifère  et  de  Trias  témoigne 
du  passage  d'un  ancien  géosynclinal  dans  le  Briançonnais,  dont 
les  séismes,  parfois  sévères,  peuvent  peut-être  ainsi  s'expliquer.  Il 
est  bien  entendu  que  la  surrection  du  synclinal  miocène  des  hau- 
teurs subalpines  ne  jouerait  qu'un  rôle  général,  n'excluant  pas  Texis- 
tence  de  causes  secondaires  plus  directes,  à  rechercher  par  des  études 
ultérieures  et  détaillées  de  séismes  dans  des  dislocations  locales,  déri- 
vant d'ailleurs  elles  aussi  du  mouvement  d'exhaussement  du  lit  de 
la  mer  miocène,  maintenant  occupé  par  les  vallées  du  Rhône  et  de 
ses  affluents  de  gauche.  Au  point  de  vue  géologique,  cette  région  ne 
diffère  pas  essentiellement  de  la  dépression  suisse,  mais  elle  est  cer- 
tainement plus  souvent  ébranlée. 

Les  plissements  si  compliqués  de  la  Provence  ont  érigé  cette  région 
vers  la  fin  de  l'Éocène.  C'est  donc  une  sorte  de  prolongement  des 
Pyrénées.  Ces  deux  chaînes  ont  dû  se  raccorder  au  travers  du  golfe  du 
Lion,  coupure  d'effondrement  que  jalonne  une  ligne  d'épanchements 
éruptifs  entre  le  système  volcanique  auvergnat  et  celui  du  cap  de  Gala 
parles  évents  de  THérault,  du  pays  d'Olot  et  les  Columbretes.  Il  serait 
dès  lors  étonnant  que  la  Provence  ne  fût  pas  pénéséismique,  ce  qui 
est  bien  la  réalité;  mais  elle  n'a  pas  subi  de  mouvements  principaux 

*  De  1838  à  1840,  Montrond-en-Maurionne  a  été  le  théâtre  de  très  nombreuses  secousses, 
phénomène  tout  &  fait  analogue  à  ce  qui  s'est  passé  autour  de  Pignerol  de  Tautre  côté 
de  la  chaîne.  —  Cf.  Al.  Billiet.  Mémoire  sur  les  tremblements  de  terre  ressenUs  en  Savoie 
{Mém.  Ac,  roy.  de  Savoie^  XIII,  245,  Ghambéry,  1845). 


PYRÉNÉES  299 

à  une 'époque  assez  récente  pour  avoir  constitué  une  région  séismique. 

On  remarquera  la  stabilité  du  massif  archéen  et  primaire  des 
Maures,  ce  qui  n'est  pas  pour  surprendre.  On  notera  toutefois  que 
cette  communauté  d'équilibre  séismique  avec  l'extrémité  orientale 
des  Pyrénées  et  la  Corse  prouve  l'extinction  complète  des  efforts 
post-alpins  qui,  lors  de  Teffondrement  de  la  Tyrrhénide,  ont  découpé 
le  golfe  du  Lion,  conclusion  que  ne  suffisent  pas  à  infirmer  les 
vagues,  d'origine  probablement  séismique,  observées  une  fois  seule- 
ment à  Aigues-Mortes. 

Enfin  les  Alpes-Maritimes  sont  la  seule  partie  du  sol  français  réel- 
lement exposée  à  des  tremblements  de  terre  destructeurs,  mais  dont 
la  violence  n'approche  cependant  pas  de  celle  des  catastrophes  de 
pays  comme  l'Amérique  centrale,  le  Pérou,  le  Chili,  le  Japon,  etc. 
Cette  région  séismique  appartient  plutôt  à  l'extrémité  occidentale  des 
Alpes  Liguriennes,  et  participe  en  même  temps  à  leur  instabilité  et 
à  leur  histoire  géologique.  On  en  parlera  plus  en  détail  au  chapitre 
suivant,  notamment  en  ce  qui  concerne  le  grand  tremblement  de 
terre  du  23  février  1887,  bien  connu  par  ses  dégâts  sur  la  Côte 
d'Azur. 

3.  —  Les  Psrrénées. 

Les  Pyrénées  s'étendent  en  ligne  droite  du  cap  Creus  au  cap 
Finisterre,  mais  la  seule  partie  dont  on  ait  à  s'occuper  ici  est  la 
chaîne  franco-espagnole,  qui  n'appartient  d'ailleurs  pas  au  géosyn- 
clinal méditerranéen  tel  que  Ta  tracé  Uaug.  Nous  l'y  avons  cepen- 
dant incorporée,  parce  que  sa  surrection  post-éocène  n'est  pas  si 
antérieure  aux  mouvements  alpins  qu'on  ne  puisse  la  considérer 
comme  les  ayant  remplacés  dans  cette  partie  de  l'ancien  massif  pri- 
maire représenté  par  la  Meseta  ibérique,  pendant  symétrique  du 
Massif  Central  français.  Cette  ancienneté  un  peu  plus  grande  explique 
une  dégradation  plus  avancée. 

C'est  contre  l'axe  granitique  et  primaire  de  la  chaîne  des  Pyrénées 
que  les  sédiments  secondaires  et  tertiaires  ont  été  relevés,  plissés  et 
charriés  en  bandes  longitudinales,  plus  régulières,  plus  complètes 
en  Espagne  qu'en  France  et  comprises  entre  les  vallées  déprimées 
de  rÈbre  et  de  la  Garonne  qui  coulent  en  sens  opposés.  Il  y  a  donc, 
au  point  de  vue  géologique,  parfaite  similitude  de  part  et  d'autre, 
puisque  ces  dépressions  séparent  la  chaîne,  en  France  du  Plateau 
Central,  et  en  Espagne  d'un  fragment  de  la  Meseta  situé  au  sud  de 
Saragosse,  au  delà  d'un  faisceau  de  plis  postcrétacés. 


300  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Comme  en  beaucoup  d'autres  lieux,  ces  mouvements  n'ont  fait  qu'en 
suivre  de  plus  anciens,  car  si  la  chaîne  des  Pyrénées  a  commencé 
à  se  rider  à  la  (in  de  TÉocène,  ce  qui  en  fait  avec  les  Carpathes  un 
plissement  alpin  du  début,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  son  axe, 
déjà  dessiné  à  l'ëro  hercynienne,  avait  subi  des  dislocations  avant  le 
Carbonifère,  puis  ensuite  pendant  le  Trias.  De  telles  circonstances  ont 
dès  lors  appelé  seulement  la  pénéséismicilé  etrien  de  plus,  ainsi  qu'on 
va  le  constater,  les  mouvements  éocènes  étant  en  voie  d'extinction. 

Les  informations  systématiques  manquent,  et  les  renseignements 
sont  plus  abondants  au  Nord  qu'au  Sud,  ne  serait-ce  qu'en  raison  des 
observations  régulières  de  l'Observatoire  du  Pic  du  Midi,  depuis  long- 
temps suivies  ^  On  ne  trouve  pas  ici  de  véritables  régions  séismiques, 
seulement  des  disti'icts  pénéséismiques,  dont  un  seul  de  notable  fré- 
quence, ce  qui,  d'une  façon  générale,  tient  sans  doute  à  une  plus  grande 
ancienneté  de  la  ride  par  rapport  à  celle  des  Alpes.  L'instabilité  y  est 
intermédiaire  entre  celle  des  Alpes  et  celle  des  massifs  armoricains, 
dans  l'ordre  môme,  par  conséquent,  de  l'âge  des  plissements  corres- 
pondants. 

Il  est  à  peu  près  certain  que  le  versant  français  est  un  peu  plus 
instable  que  son  opposé  espagnol  conformément  à  la  loi  de  plus 
grande  séismicité  du  flanc  le  plus  abrupt.  Cette  loi  trouve  ordinaire- 
ment sa  raison  d'être  dans  la  plus  grande  dislocation  du  penchant  le 
plus  raide;  mais  ici,  cette  différence  de  bouleversement  en  faveur  du 
Nord  n'est  pas  évidente,  car  l'aspect  plus  tourmenté  de  la  chaîne  de 
ce  côté  résulte  en  grande  partie  de  ce  que  les  agents  extérieurs  de 
dégradation  y  ont  été  de  tout  temps  bien  plus  actifs  depuis  la  sur- 
rection,  par  suite  de  circonstances  atmosphériques  particulières.  La 
véritable  signification  de  la  plus  grande  instabilité  du  versant  fran- 
çais échappe  donc,  quant  à  présent,  si  l'on  ne  veut  pas  admettre  qu'un 
décapement  plus  considérable  des  couches  sédimentaircs  du  Nord,  et 
leur  disparition  souvent  complète  jusqu'aux  racines  cristallines  et 
primaires  de  la  chaîne,  favorisent  de  ce  côté  la  manifestation  sous 
forme  de  séismes  des  efforts  tectoniques  profonds,  encore  en  action 
sur  les  lambeaux  sédimentaires  restés  en  place  et  manquant  d'équi- 
libre; raison  d'ailleurs  bien  imprécise,  mais  que  l'état  actuel  de 
nos  connaissances  ne  permet  pas  de  pousser  plus  loin. 

Certains  séismes  affectent  les  Pyrénées  de  bout  en  bout,  entre  les 
méridiens  de  Barcelone  et  de  Bordeaux,  par  exemple  celui  du  15  jan- 

*  Observations  sismiqucs  faites  à  lobservatoiro  du Pic-du-Midi (Station  de Bagnères-de- 
Bigorre)  do  1896  &  1904.  —  Explorations  pyrénéennes  [Bullelin  de  la  Société  Ramond, 
XXXIX,  1904,  p.  49,  15i,  175. 


PYRÉNÉES  801 

vier  1870,  parmi  plusieurs  autres  analogues.  Malheureusement,  il  n'a 
encore  été  fait  aucune  étude  de  détail  sur  leurs  aires  épicentrales  et 
sur  le  tracé  de  leurs  isoséistes.  On  est  donc  réduit  à  les  regarder 
provisoirement  comme  résultant  de  mouvements  d'ensemble,  corres- 
pondant à  une  survivance  atténuée  du  mouvement  de  surrection. 

Une  coupe  entre  le  Plateau  Central  et  les  Pyrénées,  par  exemple 
de  Saint^Yrieix  à  Pau,  rencontre  successivement  tous  les  terrains 
sédimentaires  de  plus  en  plus  jeunes,  du  Jurassique  au  Pléistocëne  ; 
ainsi  TAquitaine,  malgré  des  vicissitudes  nombreuses  et  diverses,  a 
été,  jusqu'à  son  émersion  définitive,  un  bras  de  mer  passant  au  sud 
de  l'ancienne  île.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étendre  davantage  sur  des 
transformations  qui  ont,  en  fin  de  compte,  laissé  l'Aquitaine  parfai- 
tement stable,  en  dépit  de  rares  et  faibles  secousses,  dont  il  suffit 
de  dire  que  certaines  paraissent  avoir  pour  axe  la  vallée  de  la 
Garonne  entre  Toulouse  et  Bordeaux,  ainsi  ceux  du  1  mars  1743 
et  du  9  avril  1815,  les  plus  notables  d'entre  eux. 

De  Boucau  à  Fontarabie,  la  côte  du  fond  du  golfe  de  Gascogne 
ressent  des  séismes  dont  l'origine,  peut-être  sous-marine,  corres- 
pond sans  doute  à  une  très  ancienne  dislocation,  mise  en  évidence  par 
le  Gouf  du  Gap  Breton,  ceci  sous  toutes  réserves. 

La  région  instable  des  Pyrénées  françaises  s'étend  au  pied  de  la 
partie  occidentale  de  la  chaîne,  entre  Saint-Jean-Pied-de-Port  et 
le  Val  d'Aran.  Elle  est  à  cheval  sur  les  terrains  tertiaires  et  cré- 
tacés, ces  derniers  naturellement  les  plus  relevés.  On  ne  saurait, 
sans  faire  d'hypothèses,  en  attribuer  l'existence  à  des  accidents  parti- 
culiers bien  définis  et  on  en  est  réduit  à  invoquer  la  surrection. 
Encore  cette  explication  laisse-t-elle  un  doute  dans  l'esprit,  puisque 
si  le  maximum  de  séismicité  se  montre  autour  du  Pic  du  Midi  de 
Bigorre,  d'un  autre  côté  la  partie  orientale,  à  l'est  du  Val  d'Aran,  est 
au  contraire  très  stable.  Une  telle  suggestion  exige  donc  pour  être 
vérifiée  des  études  séismologiques  de  détail,  qui  manquent  encore 
complètement. 

'  L'activité  séismique  renaît  sur  une  plus  faible  échelle  dans  le  Kous- 
sillon  et  dans  l'Ampurdan,  dépressions  symétriques  qui  remplacent 
tl' anciens  golfes  pliocènes  d'émersion  récente,  et  dont  l'emplacement 
semble  avoir  été  préparé  de  longue  date.  Ces  golfes  pénétraient  pro- 
-fondément  dans  les  montagnes,  et,  au  moins  dans  le  Roussillon,  les 
épicentres  jalonnent  leurs  dernières  ramifications,  à  l'exclusion  des 
parties  hautes.  Cette  région  pénéséismique  s'étend  sur  le  massif  côtier 
primaire  et  archéen  de  Gérone  à  Barcelone,  resté  de  la  terre  qui 
jusqu'à  l'aurore  dos  temps  actuels  embrassait  les  Maures  de  Pro- 


302 


GÉOGRAPHIE  8ÉI8MOLOGIQUE 


Cm 


M) 


vence  et  une  partie  de  la  Cora% 
en  avant  du  golfe  du  Lion,  el 
dont  reffondrement  fut    peut- 
être  contemporain  des  volcans 
d'Olot,  actifs  à  Tépoque  qua- 
ternaire,  sinon  même  plus  tard 
encore.  Ces  mouvements»  les 
plus  récents  de  la  péninsule 
ibérique,  prennent  toute  leur 
véritable   importance  si    l'on 
tient  compte,  d'un  raide  talus 
de  1 500,  et  même  de  2  000  mè- 
tres, qui  prolonge  sous  les  eau2 
le  relief  de  la  Catalogne.  On 
peut  donc  évidemment  les  ren- 
dre responsables  des  séismes 
des  Pyrénées-Orientales,  aussi 
bien  françaises  qu'espagnoles, 
tandis  que    ceux  de  Béziers, 
Carcassonne,  Cette  et   Mont- 
pellier sont  dus  sans  doute  aux 
plissements  tertiaires  des  col- 
lines  du  bas  Languedoc,  ré- 
sultant de  Técrasement  contre 
l'obstacle  résistant  de  la  Mon- 
tagne   Noire    des     sédiments 
poussés  vers  le  Nord,à  l'époque 
tertiaire,  par  l'acte  même  de 
la  surrection.  En  Catalogne, 
les  épicentres  sont  assez  nom- 
breux et  disséminés,  mais  tous 
plutôt    pauvres    en    séismes, 
caractère  fréquent  de  la  répar- 
tition de  l'instabilité  à  la  surface 
des  massifs  anciens  et  péné- 
séismiques,   conformément  à 
tant  d'exemples  déjà  mention- 
nés. 

La  vallée  de  l'Èbre  est  un 
fond  de  lac  miocène,  resté 
encore  plus  stable  que  le  détroit 


PYRÉNÉES  303 

aquitain,  et  cette  aséismicité  s'étend  au  versant  espagnol  tout  entier 
des  Pyrénées,  malgré  la  grande  altitude  à  laquelle  y  ont  été  portés 
rÉocene  et  le  Crétacé. 

Faibles  et  rares  cependant,  les  séismes  reparaissent  en  Navarre  et 
sur  un  territoire  triangulaire  compris  entre  Marquina,  Burlada  et 
Calahorra  ;  les  environs  de  ce  dernier  point  semblent  avoir  été  assez 
éprouvés  le  18  mai  1817.  Cette  région  pénéséismique  n'est  probable* 
ment  pas  distincte  de  celle  déjà  mentionnée  sur  le  versant  français, 
de  Boucau  à  Fontarabie.  Tout  ce  qu'on  en  peut  dire  c'est  que,  cor- 
respondant au  fond  du  golfe  de  Gascogne,  elle  prolonge  sur  terre 
une  dépression  océanique  profonde  de  5000  mètres.  Cette  disposition 
indique  un  accident  tectonique  de  première  importance,  et  il  ne 
serait  pas  étonnant  qu'il  jouât  un  rôle  séismogénique,  au  moins 
indirect,  jusque  de  l'autre  côté  de  la  chaîne,  dans  la  vallée  de  l'Arga, 
simple  suggestion  dont  la  confirmation  est  réservée  à  l'avenir. 
Peut-être  n'est-il  pas  inutile  non  plus  de  noter  que  dans  la  province 
d^Alava,  les  opbites  ont  traversé  toutes  les  couches,  sauf  le  Miocène. 
Adan  de  Yarza*  en  conclut  à  leur  âge  oligocène.  Ces  mouvements 
ne  sont-ils  d'ailleurs  point  trop  anciens  pour  se  survivre  ? 

'  Annuaire  géologique  de  Dagincourt,  III.  577,  Paris,  1887. 


CHAPITRE  XVII 

L'ITALIE 


L'Italie  est  certainement  un  des  pays  du  monde  dont  les  tremble- 
ments de  terre  sont  le  mieux  connus.  Non  seulement  les  documents 
historiques  sont  innombrables,  mais  encore  depuis  plusieurs  siècles 
les  savants  italiens  ont  donné  toute  leur  attention  à  ces  phénomènes* 
dont  leur  patrie  subit  les  dommages  d'une  façon  presque  constante. 
On  peut  presque  dire  que  c'est  en  Italie  qu'est  née  la  séismologie 
moderne,  sous  l'impulsion  de  Stefano  De  Rossi*  et  Pietro  Tac^ 
chini*,  tellement  qu'à  partir  de  1873  de  nombreuses  stations  séis- 
mologiqucs,  dues  tout  d'abord  à  l'initiative  privée,  puis  ensuite  sou- 
tenues par  le  gouvernement,  se  sont  établies  sur  toute  la  surface  du 
royaume  ',  alors  que  les  autres  pays  cultivés  étaient  loin  de  songer 
à  se  soumettre  à  une  nécessité,  d'ailleurs  non  encore  même  recon- 
nue par  tous  plus  de  trente  ans  après.  Depuis  une  dizaine  d'années, 
les  observations  sont  centralisées  à  Rome,  à  l'Office  central  de  Méléo- 
ralogie  et  de  Géodynamique.  Cependant  les  séismologues  italiens  ne 
se  sont  guère  orientés  du  côté  des  recherches  géologiques,  ne  suivant 
pas  en  cela  l'exemple  de  leurs  voisins  d'Autriche,  et  leurs  Uiéories 
sont  généralement  empreintes  de  la  tendance  à  faire  intervenir  les 
causes  volcaniques  ou  plutoniennes,  ce  qu'il  faut  attribuer  à  l'in- 
fluence des  idées  que  De  Rossi  a  développées  toute  sa  vie, 

Les  travaux  des  séismologues  italiens  sont  innombrables,  et  le 
véritable  monument  que  Baratta*  a  érigé  à  la  répartition  des  trem- 
blements de  terre  de  l'Italie  se  termine  par  un  index  bibliographique 
de  plus  de  900  articles.  Ce  catalogue  des  tremblements  de  terre  de 
la  péninsule  laisse  bien  loin  derrière  lui  celui  pourtant  fort  iinpor- 

*  La  MeLeorologia  endogena  (Milan,  1881) .  Bollellino  del  Vulcanismo  ilaliano  (Romif 
1874-1896). 

*  Bollettino  délia  società  sismologica  ilaliana  (Roma,  1895 ) 

"  11  en  existait  133  en  1887  {Osservatori  geodinamici  in  coirespondenza  con  Varchitio 
geodinamico  di  Roma.  Bull,  del  vulc.  ilal.,  XIII,  81,  Ronia,  1886). 

*  /  lerremoli  d'Ilalia  (Torino,  1901). 


L'ITALIE  305 

tant  de  Perrey  *,  et  le  savant  séismologue  italien  l'a  synthétisé  en 


/rvùenstU  et 
frëçruence 

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Fig.  4S.  —  Intensité  des  tremblements  de  terre  en  Italie  (d'après  Baratta  et  Gerland). 

une  carte  d'ensemble  ^  qui  nous  servira  de  guide,  ainsi  que  celle  de 
Gerland  '. 

*  Mémoire  snr  les  tremblements  de  terre  de  la  péninsnle  italique  \Ac,  roy.  de  Belgique, 
Mëm.  XXlLi847). 

*  Carta  nsmxca  d'Ilalia  (Voghcra,  1901). 

*  Die  italienischen  Erdbeben  nnd  die  Erdbebenkarte  Italiens  (Petermanns,  geogr, 
UiUh„i^\,  265»  pi.  20). 

Os  MoHTSwuft.  —  TremblemenU  de  terre.  20 


306  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

Entre  le  golfe  de  Gènes  et  la  mer  Adriatique  le  versant  méridional 
des  Alpes  avec  le  bassin  du  Pô,  puis  la  chaîne  des  Apennins  avec  ses 
dépendances,  enfin  la  Sicile,  telles  sont  lés  trois  divisions  naturelles 
de  l'Italie.  EUes  différent  d'âge,  de  constitution,  et  leurs  vicissitudes 
géologiques  ne  sont  pas  les  mêmes,  non  plus  que  la  fréquence  et 
l'intensité  des  tremblements  de  terre  qui  les  agitent.  C'est  dans 
cet  ordre  qu'on  va  les  étudier  successivement. 

1.  —  Italie  continentale. 

Le  versant  italien  des  Alpes  occidentales  est  relativement  peu 
exposé  aux  tremblements  de  terre,  quoique  ce  soit  de  ce  côté  qu'est 
venue  la  poussée  orogénique  à  laquelle  la  grande  chaîne  doit  sa 
surrection.  D'une  façon  générale,  la  vallée  proprement  dite  du  Pô 
est  très  stable;  autrement  dit,  relativement  peu  de  secousses  y 
prennent  naissance.  Au  contraire,  de  nombreux  centres  d'ébranle- 
ment s'échelonnent  sur  tout  le  versant  des  montagnes,  mais  les 
chocs  redoutables  y  sont  plutôt  rares. 

Au  sud  de  Cuneo  (Coni),  Boves  a  souffert  quelques  dommages  le 
23  mai  1835  ;  mais  on  n'en  connaît  pas  d'autres  cas.  Yinadio  et  Yal- 
dieri  ressentent  des  secousses  d'un  caractère  très  local.  Le  bassin  infé- 
rieur de  la  Stura  aurait  peut-être  plus  à  craindre,  si  l'on  en  croit  les 
chroniques  de  la  ville  de  Cuneo,  mais  s'agit-il  de  séismes  propres? 
C'est  fort  douteux  ;  il  est  bien  plus  probable  qu'ils  étaient  d'origine 
ligurienne.  Les  hautes  vallées  du  Pellice,  du  Chisone  et  de  la  Dora 
Riparia  forment  une  région  séismique  fort  importante  allant  jus- 
qu'à Suse,  et  franchissant  peut-être  les  Alpes  jusqu'à  Briançon.  Le 
tremblement  de  terre  désastreux  de  1808  a  été  suivi  d'innombrables 
secousses  consécutives.  Enfin  Ceres  et  Lanzo,  dans  la  vallée  de  la 
Stura  du  Nord,  terminent  cet  ensemble  de  régions  presque  contiguës 
d'ébranlement.  Cette  partie  des  Alpes  occidentales  est  caractérisée 
par  une  série  de  hautes  cimes  cristalhnes  depuis  longtemps  émergées 
et  qui  ont  servi  de  noyau  à  la  sédimentation.  D'après  Zaccagna*,  les 
poussées  orogéniques  s'y  sont  manifestées  par  trois  fois,  avant  le 
Carboniférien,  à  la  fin  du  Lias  et  à  la  fin  de  l'Éocène  ;  si  le  premier 
mouvement  a  suffi  à  donner  à  la  chaîne  sa  forme  arquée,  c'est  plus 
tard  qu'elle  a  atteint  sa  plus  grande  altitude,  et  l'ancienneté  relative 
du  dernier  mouvement  donnerait  la  clef  de  la  stabilité,  relative  aussi, 
que  l'on  vient  de  constater  et  qui  rappelle  celle  des  Pyrénées,  de  sur- 
rection contemporaine. 

*  Nota  suUa  geologia  délie  AIpi  occidentali  (Boll.  Corn.  geol.  Ualiano,  VllI,  346). 


L'ITALIE  307 

Plus  au  Nord,  il  faut  remonter  jusqu'à  la  vallée  d*Aoste  pour 
retrouver  un  foyer  tant  soit  peu  notable;  mais  au  sentiment  deMer- 
calli  %  quelques  dommages  parfois  éprouvés  dans  les  villages  au 
débouciié  dans  la  plaine  doivent  être  attribués  à  ce  qu'ils  sont  cons- 
truits sur  des  terrains  morainiques  sans  aucune  consistance.  Des 
centres  isolés  et  locaux  se  rencontrent  sur  les  pentes  jusqu'à  la 
vallée  du  Tessin  ;  ce  sont  ceux  des  environs  de  Biella,  de  Varallo  et 
de  rOssola.  Les  grands  lacs  de  la  haute  Italie,  lac  Majeur,  lac  de 
Lugano  et  lac  de  Côme,  sont  des  vallées  d'érosion,  surcreusées  par 
les  anciens  glaciers,  et  barrées  par  des  moraines;  leur  stabilité  prouve 
Textinction  totale  des  accidents  qui  en  ont  permis  le  creusement 
grâce  à  un  relèvement  du  massif.  En  amont  du  lac  de  Côme,  la 
haute  vallée  de  l'Adda,  ou  Valteline,  est  plus  riche  en  épicentres  à 
secousses  assez  fréquentes,  mais  on  n'y  connaît  pas  de  tremble- 
ments de  terre  vraiment  graves  ;  la  catastrophe  de  Piuro  du  4  sep- 
tembre 1618  n'avait  rien  de  séismique,  due  qu'elle  était  à  un 
grand  éboulementde  terrains,  phénomène  fréquent  dans  les  Alpes  ita- 
liennes. 

La  rive  occidentale  du  lac  de  Garde  présente  aux  environs  de  Salô 
et  de  Vestone  une  région  d'instabilité  qui  descend  dans  la  plaine 
jusqu'à  Mantoue  et  se  prolonge  le  long  de  la  frontière  du  Trentin 
jusque  vers  Asiago,  par  le  pays  des  Sette  Comuni.  Brescia  et  ses 
environs  ont  parfois  eu  à  souffrir  sévèrement,  mais  pas  au  point  de 
constituer  une  région  très  dangereuse,  car  il  faut  dans  une  assez 
large  mesure  tenir  compte  de  l'exagération  habituelle  des  chroni- 
queurs du  moyen  âge.  Les  secousses  sont  fréquentes  à  Desenzano, 
plus  encore  au  Monte  Baldo,  au  bord  faille  et  chevauché,  où  l'on 
connaît  des  séries  de  chocs  et  de  bruits  séismiques.  En  résumé,  toute 
cette  région  du  lac  de  Garde  est  largement  pénéséismique  et  se 
rattache  à  celle  du  Trentin  et  de  la  Judicarie,  dont  on  a  déjà  padé 
et  dont  elle  n'est  séparée  que  par  la  frontière  politique  entre  l'Au- 
triche et  l'Italie.  Le  lac  de  Garde  est  une  dépression  tectonique 
synclinale,  qui  remonte  aux  temps  mésozoïques,  mais  dont  la 
configuration  définitive  actuelle  résulte  de  mouvements  divers  ;  les 
principaux  ont  eu  lieu  vers  le  commencement  du  Miocène,  avec  la 
«urrection  et  la  dislocation  du  Monte  Baldo,  puis  vers  la  fin  du  Plio- 
cène avant  le  dépôt  de  l'étage  «  villafranchien  »,  et  finalement  vers 
la  fin  de  la  période  glaciaire.  Ils  sont  donc  assez  récents  pour  expli- 
quer une  instabilité  qu'on  pourrait  presque  s'étonner  de  ne  pas  voir 

*  I  terremoH  délia  Liguria  e  del  Piemonte,  134  (Napoli,  1897). 


308  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

plus  grande.  Bettoni^  explique  les  secousses  du  lac  de  Garde  parles 
nombreux  accidents  tectoniques  particuliers  qu'on  y  rencontre 
avec  une  grande  multiplicité  des  épicentres  particuliers.  Baratta' 
attribue  à  des  mouvements  de  la  fracture  de  Tregnano,  val  d'IUasi, 
le  tremblement  de  terre  du  7  juin  1891.  Dans  le  travail  où  il  for- 
mule cette  conclusion,  ce  séismologue  donne  une  esquisse  des  nom- 
breuses failles  qui  accidentent  les  Tredici  Gomuni  et  les  Sette 
Comuni,  et  qui  peuvent  rendre  compte  de  leurs  épicentres  plus 
nombreux  que  riches  en  secousses. 

Le  Bellunais  est  la  région  séismique  la  plus  importante  du  versant 
italien  des  Alpes,  et  le  tremblement  de  terre  du  29  juin  1873  a  donné 
lieu  de  la  part  des  géologues  autrichiens  Bittner'  et  Hôfer*  à  des 
travaux  de  la  plus  grande  valeur,  Son  foyer  se  trouvait  entre  Bel- 
lune  et  le  lac  de  Santa  Croce,  à  une  petite  distance  de  cette  ville.  Le 
tracé  des  homoséistes,  c'est-à-dire  des  courbes  lieux  des  points  où 
Tébranlement  s'est  fait  sentir  simultanément,  a  fait  connaître  à  Hofer 
cette  très  remarquable  particularité  qu'ils  sont  trilobés  dans  les 
directions  N.  W.-S.  E.  et  W.-E.,  ou  respectivement  vers  Inns- 
bruck,  vers  l'Adriatique  et  vers  Laibach,  ou  mieux  Laak  en  Gamiole. 
Cette  disposition  lui  a  fait  penser  que  le  tremblement  de  terre  était 
dû  à  un  mouvement  simultané  de  deux  séries  d'accidents  tecto- 
niques, ainsi  qu'on  va  le  voir  d'après  ce  savant  séismologue.  Il 
est  assurément  contraire  à  la  réalité  des  faits  de  parler  d'une 
faille  adriatique,  mais  on  rencontre  tout  un  système  de  dislocations 
S.  E.-N.  W.,  qui,  au  N.  W.  de  Bellune,  se  montrent  dans  la 
vallée  du  Cordevole  et  se  prolongent  jusqu'à  la  remarquable  dépres- 
sion du  Brenner,  en  plein  cœur  de  la  chaîne  principale  des  Alpes; 
c'est  une  direction  jalonnée  par  des  foyers  secondaires  d'instabilité. 
Dans  l'azimuth  diamétralement  opposé,  on  se  trouve  dans  l'exact 
prolongement  de  la  ligne  extérieure  des  îles  dalmates,  c'est-à-dire 
de  la  limite  orientale  de  l'effondrement  adriatique.  L'autre  direction, 
Bellune-Laak,  est  la  limite  méridionale  des  terrains  rhétiens  le 
long  de  laquelle  les  couches  carbonifériennes,  triasiques  et  créta- 
cées sont  tellement  enchevêtrées  les  unes  dans  les  autres  par  des 
chevauchements  que  leur  disposition  primitive  est  absolument 
méconnaissable.  Cette  même  ligne  est  aussi  d'une  très  grande  impor- 

*  n  terremoto  del  31  Otlobre  1901  {Bull,  soc,  Hsm.  ital,  VHI.  162). 

*  n  lerremoto  veronese  del  7  Gîugno  1891  (Ann.  delV  Officio  eentr,  met.  e  geodinam. 
Série  II,  P&rte  lU,  XI»  1889.  54.  Roma.  1892). 

'  Beitr&ge  znr  Renntniss  des  Erdbebens  von  Belluno  von  29  Jani  1.873  (Sitsungsber.  d. 
K.  Ak,  d,  Wiss.,  ruU.  CL,  LXIX,  IV.  541, 1894). 
'  Das  Ërdbeben  von  Bellnno  am  29  Juni  1873  {ld„  LXXIV,  V,  819). 


LITALIE 


309 


tance  dans  la  tectonique  des  Alpes  orientales,  car  elle  sépare  des 
Earawanken  les  Alpes  Juliennes  qui  se  dirigent  ensuite  vers  le 
S.  E.  La  forme  des  homoséistes  montre  que  le  double  système  d'ac- 
cidents qui  se  croisent  près  de  Bellune  a  joué  en  même  temps  le 
29  juin  1873,  à  Texception  du  prolongement  occidental  du  second, 


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Pig.  49. —  Homoséiste  du  tremblemenlde  terre  de  Bellune  du  29  juin  1873  (d'après  Hôfer). 

vers  le  val  Sugana  dans  le  Trentin,  puisque  ces  courbes  ne  présen- 
taient pas  un  quatrième  lobe  vers  l'Ouest  dans  cette  direction.  C'est 
justement  cette  dernière  observation  qui  empêche  de  voir  dans  la 
forme  trilobée  des  homoséistes  le  simple  résultat  d'un  phénomène 
de  plus  facile  propagation  du  mouvement  séismique,  le  long  des 
accidents,  et  conduit  à  y  voir  un  réel  mouvement  de  dislocation,  sauf 
vers  l'Ouest. 
A  Test  de  BeUune,  le  Frioul  renferme  des  épicentres  importants, 


310  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Claut^  Tolmezzo,  Udine»  etc.,  sans  compter  beaucoup  d'autres  moins 
riches  en  séismes.  Il  faut  sans  doute  faire  intervenir  les  dislocations 
de  la  ligne  Bellune-Laak,  dont  on  vient  de  parler^  et  lui  attribuer 
les  tremblements  de  terre  qui  s'y  font  parfois  sentir  sévèrement. 
C'est  à  des  phénomènes  d'éboulements  par  dissolution  que  Haidinger^ 
attribue  les  bruits  séismiques  du  mont  Tomatico  près  de  Feltre. 

La  vallée  proprement  dite  du  Pô  est  stable,  en  dépit  des  désastres 
signalés  par  exemple  en  grand  nombre  à  Venise  ;  mais  très  certaine- 
ment tous,  d'ailleurs  exagérés  par  les  chroniqueurs,  étaient  dus  à 
des  secousses  venant  de  l'extérieur,  et  il  en  est  de  même  pour  la 
plaine  littorale  jusqu'à  Trieste,  où  l'effondrement  adriatique  doit  jouer 
un  rôle  ;  quant  aux  épicentres  locaux,  l'épaisse  couverture  alluvion- 
naire empêche  de  faire  à  leur  sujet  aucune  suggestion  tectonique 
plausible.  Il  est  cependant  très  vraisemblable  que  les  secousses  de 
Milan  et  de  Bergame,  ville  située  au  bord  faille  de  la  chaîne  des 
Alpes,  sont  en  relation  avec  l'effondrement  qui  a  donné  lieu  à  la 
vallée,  ancien  golfe  ultérieurement  soulevé  et  comblé.  Aussi  bien,  le 
pied  des  monts  ne  manque  pas  de  dislocations  particulières,  capa- 
bles ici  ou  là  d'avoir  leur  influence,  et  c'est  ainsi  que  Baratta*  a  pu 
faire  intervenir  plusieurs  fractures  lors  du  tremblement  de  terre  de 
Lecco,  du  5  mars  1894  ;  il  n'est  pas  impossible  non  plus  que  cer- 
taines secousses  faibles  et  locales  soient  dues  au  simple  tassement 
des  matériaux  détritiques  sans  consistance. 

S.  —  Italie  péninsulaire. 

On  peut  dire  que,  de  la  Ligurie  à  la  Basilicate  et  à  la  Calabre,  la 
chaîne  des  Apennins  est  exposée  aux  plus  violents  tremblements  de 
terre,  quoique  çà  et  là  se  présente  quelque  adoucissement  à  leur 
énergie  et  à  leur  fréquence.  C'est  que  sa  surrection  est  extrêmement 
récente,  puisque  le  Pliocène  y  est  souvent  porté  à  plus  de  iOOO  mètres 
d'altitude;  le  versant  adriatique  est  plissé,  tandis  que  son  opposé 
tyrrhénique  est  surtout  fracturé.  Les  Apennins  se  sont  érigés  en  deux 
fois,  tant  à  la  fin  del'Éocène  en  même  temps  que  les  Pyrénées  et  la 
Provence  qu'après  les  Alpes,  par  compression  entre  TAdriatide  et  la 
Tyrrhénide,  dont  les  ruines  sont  la  Corse,  la  Sardaigne,  la  Calabre, 
les  monts  métallifères  de  Toscane  et  TArchipel  de  Tîle  d'Elbe,  tandis 
que  la  contre-partie  du  mouvement  d'élévation  a  été  Teffondrement 

*  Das  Schallph&nomen  des  Monte  TomaLico  bei  Feltre  (Jahrbuch  d,  K,  K.  geol.  Reiefi- 
sanstall.Y.  566,  Wien). 
'  11  tcrremoto  di  Lecco  dcl  5  Marzo  1894  (Boll.  soc.  sism,  ital,^  1, 19). 


L'ITALIE  311 

de  ces  deux  terres.  On  observera  que  la  périphérie  de  cet  affaisse- 
ment occidental  est,  en  Espagne,  dans  le  Midi  de  la  France,  en  Italie 
et  dans  les  pays  barbaresques,  tout  entière  auréolée  d'épanchements 
éruptifs  ou  d'évents  volcaniques  soulignant  ces  divers  mouvements. 
La  région  séismique  ligurienne  commence  en  France  vers  Nice, 
et  s'étend  jusqu'à  Varazze  pour  diminuer  beaucoup  d'instabilité  à 
l'Est  dans  la  Riviëre  du  Levant,  ce  que  Mercalli  explique  par  la 
résistance  de  roches  serpentineuses  très  développées  qui,  commen- 
çant entre  Albissola  et  Varazze,  se  continuent  jusqu'à  Sestri  Ponente, 
aux  portes  de  Gènes.  La  Ligurie  a  de  tout  temps  payé  un  large  tribut 
de  vies  et  de  dommages  aux  secousses  de  son  sol,  et  le  tremblement 
de  terre  du  23  février  1887,  présent  à  toutes  les  mémoires,  a  été 
l'occasion  des  fort  importants  travaux  d'IsseP,  Taramelli  et  Mer- 
calli *,  pour  ne  citer  que  ceux  dont  nous  adopterons  les  conclusions. 
Il  semble  bien  que  ce  mémorable  événement  a  pris  naissance  en 
plein  golfe  de  Gênes,   à  quelques  15  milles  de  la  plage  entre  San 
Remo  et  Oneglia,  ce  qui  est  conforme  au  tracé  des  isoséistes  de  Tara- 
melli et  Mercalli,  et  c'est  aussi  Fopinion  de  DeBossi%  qui  place,  il 
est  vrai,  Tépicentre  sous-marin  beaucoup  plus  à  l'Est,  à  tort  selon 
nous. 

Issel  a  fait  une  étude  approfondie  des  divers  mouvements  positifs  et 
négatifs  les  plus  récents  des  Alpes  de  Ligurie  —  c'est  intentionnel- 
lement que  nous  employons  cette  dénomination  au  lieu  de  celle 
d'Apennins,  cette  dernière  chaîne  ne  commençant  réellement  qu'au 
col  de  Giovi,  ou  d'Altare.  Issel  résume  ainsi  qu'il  suit  les  derniers 
mouvements  de  ce  territoire  :  haute  surrection  pendant  le  Messinien 
et  creusement  des  vallées,  maintenant  submergées,  en  avant  de  la 
côte  de  la  Rivière  du  Ponant,  vallées  que  décèle  nettement  le  tracé  des 
isobathes  ;  grand  affaissement  pendant  le  Pliocène  et  formation  de 
dépôts  littoraux,  actuellement  très  relevés  par  suite  d*un  second 
soulèvement  du  début  du  Quaternaire  à  environ  moitié  de  l'ampli- 
tude du  premier  mouvement;  c'est  alors  que  se  sont  formés  les  dépôts 
terrestres  néolithiques,  remplissant,  au-dessus  du  niveau  delà  mer, 
les  grottes  qui  ont  fourni  tant  de  précieux  documents  pour  la  pré- 

*  n  terremoto  del  1887  in  Liguria  (Suppl.  al  Boll.  del  R.  Com.  di  Geol.  Roma,  1888). 

Il  terremoto  del  1887  in  Liguria  (Suppl.  al  Boll.  d.  R.  Com.  geol.  d'Ilalia,  anno  1887, 
Roma,  1888). 

"  Il  terremoto  ligure  del  23  Febbraio  1887  [Ann.  del  Off.  c.  di  mel.  e  di  geodinam., 
Vm.  Parte  IV.  Roma,  1888). 

'  Relaziono  a  S.  V,.  il  Ministro  di  Agricoltura,  Industria  o  Commercio  del  Direttorc 
deir  Archivio  Gcodinamico,  sui  tcrrcmoti  del  Febbraio  1887  {Gazella  tif/iciale 
12  Marzo  18S7;  Bull,  del,  vulc.  ilal.,  XIV,  5.  Roma,  1887). 


312  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

histoire.  Ce  géologue  pense  que  de  violents  tremblements  de  terre 
ont  certainement  secoué  le  sol  de  laLigurie  pendant  la  série  de  ces 
grandes  transformations  d'ensemble ,  compliquées  elles-mêmes 
d'autres  modifications  de  détail  en  divers  sens;  il  est  même  peu  ras- 
suré sur  l'avenir  réservé  à  ce  pays,  toujours  exposé  à  subir  de  nou- 
veaux désastres.  Le  grand  séisme  de  1 887  n'est  pas  le  seul  à  avoireu  son 
épicentre  en  mer,  comme  le  témoignent  les  tracés  d'isoséistes  donnés 
par  Mercalli  pour  plusieurs  grands  tremblements  de  terre  antérieurs 
(/.  c,  7).  Cette  côte  est  d'ailleurs  exposée  à  des  vagues  séismiqucsde 
Nice  à  Savone  exclusivement,  ce  qui  coïncide  exactement  aussi  avec 
le  resserrement  des  isobathes  qui,  au  contraire,  sur  le  méridien  de 
Savone,  se  rejettent  brusquement  vers  le  Sud  pour  laisser  la  Rivière 
du  Levant  beaucoup  plus  stable,  avec  son  talus  sous-marin  notable- 
ment plus  doux.  C'est  donc  que,  sans  doute,  l'effondrement  des 
terres  tyrrhéniennes  intervient  encore,  et  Tarnutzer,  dans  son  cata- 
logue des  séismes  suisses  pour  1887,  admet  expressément  que  le 
23  février  de  cette  année  un  voussoir  sous-marin  s'est  brusquement 
enfoncé  en  profondeur. 

C'est  à  partir  du  col  de  Giovi  que  commence,  avons-nous  dit,  le 
véritable  Apennin  ;  mais  la  chaîne  a  laissé  un  témoin  cornme  égaré 
dans  la  plaine  du  Pô,  le  massif  miocène  des  collines  du  Montferrat, 
qui  justement  ne  laisse  pas  que  de  former  une  région  isolée  d'ébran- 
lement d'une  certaine  importance. 

Il  serait  hors  de  proportion  avec  les  limites  imposées  à  cet  ouvrage 
de  détailler  les  innombrables  centres  d'instabilité  qui,  de  Parme  an 
Monte  Pollino  sur  le  golfe  de  Tarente,  s'échelonnent  pour  ainsi  dire 
sans  interruption  le  long  des  versants  des  Apennins,  mais  ne  les  dépas- 
sent guère,  de  sorte  que,  sauf  des  exceptions  locales,  les  côtes  sont 
relativement  à  l'abri  des  tremblements  de  terre,  ou  du  moins  en 
ressentent  peu  qui  leur  soient  propres.  Dans  ces  conditions,  nous 
nous  contenterons  de  mentionner  les  quelques  rares  suggestions 
géologiques  possibles,  les  séismologues  italiens  ayant  jusqu'ici  peu 
dirigé  leurs  efforts  dans  cette  voie. 

Les  Alpes  Apuennes  sont,  avec  la  dépression  de  la  Garfagnana,  le 
théâtre  de  secousses  plus  nombreuses  que  redoutables,  encore  que 
les  tremblements  de  terre  y  soient  de  temps  à  autre  assez  sévères, 
mais  non  vraiment  destructeurs.  Ce  district  des  marbres  si  célèbres 
de  Carrare,  triasiques  et  jurassiques,  est  fort  disloqué,  mais  depuis 
assez  de  temps  pour  n'avoir  subi  comme  vicissitude  post-miocène 
que  l'assèchement  du  bassin  lacustre,  de  sorte  qu'aucun  accident 
important  et  très  récent  n'est  venu  apporter  une  influence  séismo- 


L'ITALIE  Sia 

génique  sufOsamment  accentuée  pour  devenir  vraiment  dangereuse. 
Sur  Tautre  versant,  les  salses  et  les  terrains  ardents  du  Modenais 
correspondraient^  d'après  Vélain  *,  à  une  fracture  des  masses  suba- 
pennines,  ouverte  dans  une  direction  sensiblement  parallèle  à  la  crête, 
mais  qui,  ainsi,  qu'il  arrive  généralement,  n'a  donné  lieu  qu'à  une  ins- 
tabilité modérée,  au  moins  relativement.  Le  versant  des  Romagnes 
à  l'est  du  Monte  Cimone  est  plus  souvent  et  plus  gravement  ébranlé, 
et  l'on  entre  là  dans  les  couches  plissées  par  la  surrection  apen- 
nine.  Mais  un  nouveau  facteur  séismogénique  s'introduit  aussi,  l'in- 
fluence des  failles  périadriatiques  de  Suess,  quoiqu'il  soit  difficile  de 
faire  le  départ  des  secousses  qui  leur  sont  dues.  ÉUes  se  manifestent 
près  d'Ancône  par  le  petit  massif  du  Monte  Conero,  fragment  de 
l'ancienne  Âdriatide  affaissée.  C'est  ainsi  que,  sans  qu'on  ait  pu  déter- 
miner son  épicentre,  le  tremblement  de  terre  du  12  mars  1873  a 
donné  des  isoséistes  allongées  S.E.-N.W.,  en  rapport  avec  la  sup- 
position que  le  séisme  dépendait  de  ces  mouvements,  et  c*est  aussi 
le  cas  de  plusieurs  autres  du  Ferrarais. 

La  région  séismique  du  Modenais  se  prolonge  au  Sud,  et  en  dehors 
des  Apennins,  jusqu'au  delà  de  Florence,  par  les  collines  du  Chianti 
vers  Orvieto,  avec  une  pointe  occidentale  vers  Livourne  par  les 
collines  toscanes  et  le  Val  d'Eisa  '.  Yerri  '  considère  les  tremblements 
de  terre  du  Val  di  Chiana  et  de  la  haute  vallée  du  Tibre  comme 
ayant  été  un  facteur  important  dans  les  révolutions  qu'ont  subies 
ces  bassins  depuis  le  Pliocène  inférieur;  la  dernière  serait  tellement 
récente  que  les  traits  géographiques  décrits  par  Strabon  et  par 
Pline  auraient  déjà  été  notablement  modifiés.  Il  y  a  là  des  éléments 
de  mobilité  qui  ne  peuvent  que  jouer  un  rôle  séismogénique  effectif. 
Une  faille  post-pliocène  importante  suivrait  d* ailleurs  la  vallée  du  Tibre 
sur  une  grande  longueur.  Ces  considérations  de  Verri  concordent  avec 
celles  de  Ponzi  sur  les  tremblements  de  terre  dans  les  collines  subap- 
pennines,  à  la  fin  de  Tépoque  tertiaire  *. 

Les  Apennins  de  l'Ombrie  et  des  Abbruzes,  hautes  terres  plissées, 
renferment  un  nombre  considérable  d'épicentres,  dont  plusieurs  fort 
importants,  et  les  désastres  d'origine  séismique  n'y  sont  pas  rares. 

*  Les  Volcans  ;  ce  qu*ils  sont,  ce  qu*ilsnous  apprennent  (Paris,  1884). 

*  M.  Baratta.  Alcane  considerazioni  sintetiche  suUa  dislribuzione  topografîca  dei  ter- 
remoti  neila  Toscana  (Riv.  Geogr.  ilal.,  l,  fasc.  X,  dicembre  1894  ;  II,  fasc.  I,  Gennaio 
1895). 

*  Azionî  délie  forze  nell'  assetto  délie  valli  (Boll.  soc.  geoL  ilal.,  V,  n»  3).  Id.  Su!  movi- 
menti  del  Valdi  Chiana,  e  loro  influenza  nell'  effetto  idrograflco  del  bacino  del  Tevero 
(Rend,  del  R.  insL  Lomhardo  di  se.  e  lelt..  Série  II,  X,  fasc.  XVIII.  Milano,  1877). 

'  I  terremoU  délie  epoche  subappenine  (BolL  del  A.  Comilalo  geol,  dllalia.  Marzo- 
AprUe  1875,  175). 


314  GÉOGRAPHIE  6ÉISM0L0GIQUE 

Yerri  pense  que  les  parties  supérieures  des  vallées  instables, 
creusées  pendant  le  Pliocène^  ont  passé  par  des  phases  lacustres, 
ou  palustres,  dues  à  des  ressauts  ou  à  des  barrages  produits  par  des 
tremblements  de  terre,  et  ensuite  colmatées  et  finalement  comblées 
par  l'apport  des  produits  de  Térosion.  Il  n'y  a  pas  de  raisons  pour 
que  ce  processus  ait,  à  l'époque  actuelle,  dit  son  dernier  mot. 

Le  versant  oriental,  ou  les  Marches,  est  comparativement  plus 
stable,  mais  sans  que  les  secousses  du  sol  y  perdent  leurs  droits. 
Baratta  ^  pense  que  plusieurs  d'entre  elles  ont  leur  origine  sous 
l'Adriatique,  comme  celle  du  21  septembre  1897,  et  en  fait  bien  des 
tracés  d'isoséistes  confirment  l'influence  des  mouvements  périadria- 
tiques. 

Dans  beaucoup  de  ses  écrits,  De  Rossi  a  insisté  sur  le  rôle  des  frac- 
tures des  Monts  Albains  et  du  Latium,  mais  on  peut  dire  que  ses  efforts 
se  sont  surtout  appliqués  à  démontrer  le  caractère  volcanique  de 
secousses  en  somme  relativement  rares  et  faibles.  Naturellement, 
Rome  est  beaucoup  plus  stable  que  ne  le  feraient  supposer  les  innom- 
brables tremblements  de  terre  que  sa  longue  histoire  a  permis  de  lui 
attribuer,  faute  d'autres  renseignements.  De  Rossi*  expliquait  les 
séismes  de  Rome,  de  Pompéi  et  de  la  région,  par  les  mouvements 
d'une  fracture  N.N.W.-S.S.E.  passant  par  le  Vésuve  (?),  et  à  peu  près 
parallèle  au  littoral.  Ce  faisant,  il  obéissait  aux  idées  de  son  temps, 
alors  que  les  appareils  volcaniques  étaient  considérés  comme  surgis- 
sant au-dessus  de  failles  ;  tant  que  ladite  fracture  n'aura  pas  été 
suivie  sur  le  terrain,  cette  explication  restera  tout  à  fait  incertaine  et 
douteuse. 

La  Sabine  possède  une  structure  karstique,  et  parfois  elle  est  le 
siège  de  secousses  nombreuses,  qui  ne  laissent  pas  d'être  sévères. 
C'est  lé  cas  d'une  série  en  1901  à  Monte  Catino,  Monte  Rotonde  et 
Palombara.  Après  une  visite  sur  les  lieux,  Cancani'  attribua  le  phé- 
nomène à  un  manque  de  soutien  des  couches  calcaires,  à  la  suite  d'un 
lent  travail  d'érosion  souterraine,  et,  en  effet,  il  apu  citer,  à  l'appui  de 
cette  explication,  des  exemples  d'affaissements  locaux  vraiment  indé- 

*  Sul  tcrremoto  di  Sinigallia  del  21  scttembre  1897  (Boll.  Soc.  geol.  UaL,  XVI,  fasc.  i, 
1897). 

*  Intorno  al  tcrremoto  chc  devasl6  Pompei  ncU'aano  63  c  ad  nn  bassorilievo 
votivo  pompciano  che  le  rappresenta.  Centenario  del  sepellimento  di  Pompei  per  l'eni- 
zionc  vesuviana  del  79  [Bull.  del.  Vulc.  ital.,  VI,  109).  Id.  Le  fratturc  vulcaniche  lazialî 
cd  i  terremoti  del  Gennaiol873  {Alti  délia  R.  Ace.  dei  Saoui-Lincei,  XXVÏ).  Id,  Analisi 
dci  tre  maggiori  terremoti  ilaliani  nel  1894  in  ordine  spccialmente  aile  fratturc  ciel 
suolo  (Id.  XXVIII). 

*  Sul  periodo  sismico  iniziatosi  il  2i  aprilc  1901  ncl  territorio  di  Palombara  Sabina 
[BolL  soc.  sism.  ilal,,  Vil,  169,  1901-1902;. 


L'ITALIE 


315 


niables.  On  peut  dire  qu'il  a  pris  sur  le  fait  ce  processus  séismique 
particulier,  bien  souvent  avancé  sans  preuves. 

Assurément,  Naples  a  eu  fréquemment  à  souffrir  de  tremblements 
de  terre  ;  mais  il  est  encore  bien  douteux  qu'une  région  séismique 
véritable  se  trouve  tout  autour  de  son  golfe;  autrement  dit,  si  Ton  en 
excepte  les  secousses  généralement  peu  étendues  lui  venant  du 
Vésuve,  ou  des  Champs  Phlégréens,  le  sol  de  Naples  est  en  somme 


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Fig.  50.  —  Ischia. 

beaucoup  plus  stable  que  le  ferait  peut-être  penser  sa  position  au 
centre  d'un  golfe  d'effondrement,  actuellement  comblé  jusqu'au  pied 
des  hauteurs  par  une  épaisseur  de  plus  de  500  mètres  de  tufs  et  de 
cendres  volcaniques  ;  le  peu  de  consistance  de  ces  matériaux  a  eu 
plusieurs  fois  l'occasion  d'aggraver  les  effets  de  secousses  plutôt 
modérées. 

Non  loin  de  là,  Ischia  est  célèbre  par  ses  tremblements  de  terre 
désastreux  de  1881  et  de  1883,  dont  le  caractère,  très  local  en  dépit 
de  leur  extrême  violence,  les  a  fait  attribuer  à  l'Epomeo,  volcan 
éteint  depuis  le  xiv*  siècle.  Dubois  *  a  fait  observer  que  Casamicciola  se 
trouve  à  l'intersection  de  deux  fractures,  se  rencontrant  en  cela  avec 
Ualdacci'  qui  nomme  celles  de  Bagni  d'Ischia-Forio  et  de  Lacco 
Ameno-Testaccio  et  le  long  desquelles,  pense-t-il,  se  maintient  l'activité 

*  Further  notes  on  the  earthquakes  of  Ischia  [Trans.  seism.  soc.  of  Japan,  VIIl,  90). 
'  Alcnne  osservazioni  sul  terremoto  avvenuto  ail'  isola  d'Ischia  il  28  Luglio  1883 
{BolL  del  R.  Comiiato  geol.  d'Jtalia,  1883,  n»'  7-8). 


316  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

volcanique  résiduelle  de  TËpomeo,  en  môme  temps  que  Tinstabilité 
séismique.  Le  désastre  du  28  juillet  1883  a  donné  naissance  à 
une  littérature  séismologique  considérable,  au  sujet  de  laquelle  il 
nous  suffira  de  citer  les  théories  principales.  Stefanoni^  l'attribue  à 
l'écroulement  d'un  pilier  souterrain  d'argile  érodé  par  les  eaux 
thermales,  et  Vélain^  donne  une  grande  importance  à  leurs  effets 
locaux,  ainsi  qu'à  la  tension  de  leurs  gaz  accumulés,  opinion  par- 
tagée parDaubrée*. 

Mercalli  *  considère  l'existence  des  fractures  invoquées,  et  précé- 
demment désignées,  comme  peu  vraisemblable  surtout  en  ce  qui 
concerne  la  première,  tangente  à  TEpomeo,  tandis  que  les  évents 
volcaniques  en  présentent  le  plus  souvent  de  radiales,  dit-il.  D'après 
ce  savant,  le  caractère  volcanique  des  tremblements  de  terre  de  l'île 
d'Ischia  résulte  de  la  forme  des  aires  épicentrales,  ellipses  allongées 
dont  le  grand  axe  coïncide  avec  un  rayon  de  l'Epomeo,  c'est-à-dire 
une  fente  radiale,  accusée  par  les  fumerolles  de  Monte  Cito  et 
d'Ignazio  Yerde  et  les  sources  chaudes  de  Ri  ta  et  de  Capitello.  Les 
perturbations  observées,  lors  des  séismes,  dans  le  régime  des  unes 
et  des  autres,  prouveraient  que  ces  phénomènes  ont  la  même  origine 
que  les  tremblements  de  terre.  Enfin,  dernier  argument  qui  nous 
semble  moins  probant,  avant  1762,  il  n'a  pas  été  relaté  de  grand 
séisme  sans  éruption  ou  manifestation  d'activité  du  volcan.  Mercalli 
conclut  que,  depuis  cette  date,  les  grands  tremblements  de  terre 
d'Ischia  ont  eu  leur  foyer  près  de  Casa  Menella  et  à  peu  de  profon- 
deur, ce  qui  démontre  leur  origine  volcanique.  Il  nous  semble  que 
la  démonstration  repose  surtout  sur  leur  caractère  toujours  très  local 
et  ne  s'étendant  jamais  au  dehors. 

La  Molise,  laProvince  de  Bénévent,  et  surtout  la  Basilicate  *  doivent 
à  leurs  catastrophes  séismiques  une  triste  réputation,  trop  bien  méri- 
tée. De  nombreuses  dislocations  de  l'Apennin  doivent  suffire  à  les 
expliquer,  mais  on  est  loin  de  pouvoir  encore  définir  les  accidents  par- 
ticuliers auxquels  elles  sont  dues.  Dans  son  bel  ouvrage,  à  juste  titre 
classique,  sur  le  grand  tremblement  de  terre  du  16  décembre  1857, 
Mallet*  a  principalement  étudié  l'influence  de  la  structure  du  sol  et 


*  Il  Messagero  (Roma,  2  e  3  Âgosto 

*  Le  tremblement  de  terre  d'Ischia  da  28  juillet  1883  {La  Nature,  n*  553, 18  août  18S3. 
182,  Paris). 

'  Rapport  sur  le  tremblement  de  terre  ressenti  à  Ischia  le  28  juillet  1883  ;  causes  pro* 
bables  du  tremblement  de  terre  (C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  XCVII,  768, 1883). 

*  L'isola  d'Ischia  ed  il  terremoto  del  28  Luglio  1883  {Mem.  del  R.  IsL  Lombardo- 
Milano  (1884). 

*  M.  Baratta.  Vacquedotto  pugliese  e  i  terremoti  (Voghera,  1905). 

••  The  first  principles  of  observational  seismology  as  developed  in  the  report  to  the 


L'ITALIE  317 

de  ses  accidents  tectoniques  sur  la  propagation  du  séisme,  ainsi  que 
sur  son  action  dans  les  différents  centres  habités,  mais  sans  s'atta- 
quer le  moins  du  monde  à  la  cause  géologique  de  Tévénement  ;  le 
problème  ne  pouvait  guère  être  alors  abordé  utilement.  L'Apennin 
napolitain  est  affecté  d'accidents  nombreux  et  considérables,  nou- 
veau genre  de  structure  qui  prend  graduellement  la  place  des  plisse- 
ments de  rOmbrie  et  des  Abruzzes.  Parmi  ceux  auxquels  on  peut 
vraisemblablement  assigner  un  rôle  séismogénique,  il  faut  citer  la 
dépression  du  Val  di  Diano  au  pied  du  mont  Marta. 

Baratta  S  s'appuyant  sur  les  travaux  de  De  Lorenzo  sur  la  géologie 
de  l'Apennin  de  la  Basilicate  méridionale,  attribue  le  tremblement  de 
terre  de  Viggianello,  du  28  mai  1894,  aux  fractures  dirigées  N.  W.- 
S.  E.,  qui  accidentent  le  groupe  montagneux  du  Monte  PoUino,  com- 
posé de  Trias,  de  Lias,  de  Crétacé  et  d'Éocène,  et  dont  les  prolonge- 
ments passent  par  cette  ville,  ainsi  que  par  Rotonda,  les  localités 
alors  le  plus  vivement  secouées.  Il  ajoute  que  les  foyers  séismiques 
de  Lagonegro  et  de  Mormanno,  les  seuls  centres  habités  de  ces 
parages,  doivent  reconnaître  la  même  origine. 

Toutefois,  il  faut  bien  se  garder,  ainsi  qu'on  l'a  fait  d'après  les 
anciennes  théories  relatives  aux  volcans,  d'invoquer  une  ligne  par- 
ticulière de  dislocations  sur  laquelle  se  serait  érigé  le  volcan  éteint, 
le  Vultur,  au  bord  du  bras  de  mer  pléistocène  longeant  la  plate-forme 
des  Fouilles;  De  Lorenzo'  a  en  effet  démontré  la  non-existence  d'un 
accident  de  ce  genre.  Il  y  aurait  la,  pour  les  séismologues  italiens, 
de  très  intéressantes  études  à  entreprendre. 

Revenant  à  l'Adriatique,  on  trouve  avec  le  Monte  Gargano  jusqu'à 
Foggia,  et  tout  autour  de  la  lagune  de  Lésina,  un  important  foyer 
d'ébranlement,  celui  de  la  Capitanate,  étudié  spécialement  par 
Baratta'.  Ce  massif  du  Monte  Gargano  est  tout  à  fait  indépendant  de 
l'Apennin  et  c*est  un  reste  des  terres  respectées  par  l'effondrement 
adriatique  ;  il  forme  en  effet,  avec  les  collines  de  la  Pouille,  une 
chaîne  unique  se  reliant  à  travers  la  mer  au  système  de  l'Europe 
sud-orientale,  dont  elle  a  été  détachée  par  affaissement  ;  cette  dis- 
jonction aurait  eu  lieu  à  la  fin  de  l'Ëocène  ou  au  commencement  du 

Boyal  Society  of  London  of  Ihe  expédition  mode  by  command  of  the  Society  into  the 
interiorof  the  Kingdom  ofNaples,  to  investigate  the  circumstancee  of  the  great  earth- 
qvake  of  December  4857,  2  vol.  in-8,  London,  1862. 

*  Il  terremoto  di  Viggianello  (Basilicata)  del  28  Maggio  1894  (Boll.  Soc,  Siem,  itaL 
l  82). 

*  Atti  delV  Ace,  Se,  di  Napoli  ÇL.  sér.  2«,  n*  1,  1900). 

*  Sulla  attività  sismica  nella  Capitanata  (Ann.  delV  Vff,  centr,  di  Met.  e  di  'geodin., 
XVI.  Parte  I,  Roma,  1894). 


318 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


Miocène,  époque  à  laquelle  l'Adriatique  ne  communiquait  pa&  avec  la 
Méditerranée,  mais  formait  peut-être  un  grand  lac  de  direction  paral- 
lèle à  celle  des  deux  chaînes  de  la  Fouille  et  de  l'Albanie.  Beaucoup 
de  tremblements  de  terre  du  littoral  de  la  Capitanate  ont  dû  avoir  leur 
épicentre  en  mer  dans  les  parages  des  îles  Tremiti,  qui  ne  présentent 
pas  une  instabilité  en  rapport  avec  celle  que  pourrait  faire  supposer 


Fig.  51.  —  Monto  Gargano.  Séismcs  à  épiccntres  sous-marins. 

leur  nom  :  c'est  qu'il  provient,  non  d'une  fréquence  particulière  des 
secousses,  mais  bien  seulement  de  la  contraction  des  mots  «c  Isole  de 
tre  Monti  »,  qui  rendent  bien  leur  aspect  à  distance,  explication  tirée 
par  Baratta  (/.  c.  23,  p.  41)  d'un  ancien  auteur,  Coccarella*. 

Les  Fouilles  proprement  dites  sont  ti'ès  stables,  et  ne  ressentent 
guère  que  le  contre-coup  des  tremblements  de  terre  de  la  mer 
Ionienne  et  de  la  Dalmatie  méridionale. 

Les  Calabres  sont  une  des  régions  séismiques  le  plus  instables  de 
l'Europe  et  plusieurs  de  leurs  désastres  ont  laissé  des  traces  impéris- 
sables dans  les  annales  historiques,  de  sorte  que  la  bibliographie  de 
leurs  tremblements  de  terre,  telle  que  l'a  établie  Mercalli*,  mentionne 

*  Cronica  isloîiale  di  Tremiti  <p.  12,  Venezia,  1606). 

*  /  terremoli  délia  Calabria  mendionalâ  e  del  MesHnese.  Saggio  di  una  monografia 
sismica  régionale  (Roma,  1897). 


L'ITALIE 


319 


pour  cette  seule  province  le  nombre  considérable  de  139  mémoires 
particuliers. 

Li'ossature  de  la  presqu'île  calabraise  est  constituée  par  les  deux 
importants  massifs  archéens,  ou  cristallins,  du  Sila  et  de  l'Aspro- 
monte,  faisant  à  l'extrémité  méridionale  de  l'Apennin  l'exact  pen- 


Fig.  o2.  —  Calabrc  et  Sicile  da  N.E. 

dant  des  Alpes  Liguriennes,  comme  si  la  surrection  de  la  chaîne 
s'était  faite  entre  ces  deux  piliers  restés  fixes.  Les  mêmes  terrains 
granitiques  et  gneissiques  se  retrouvent  en  Sicile,  dans  les  monts 
Péloritains,  situés  de  l'autre  côté  du  détroit  de  Messine,  de  sorte 
qu'on  ne  peut  logiquement  les  séparer  ni  au  point  de  vue  géo- 
logique, ni  relativement  aux  tremblements  de  terre  qui  leur  sont 
très  souvent  communs.  Le  Crétacé  et  l'Éocëne  disloqués  frangent  les 
anciens  massifs,  tandis  que  le  Pliocène  supérieur  a  été  porté  en 
couches  presque  horizontales  à  plus  de  1000  mètres  d'altitude.  Les 
golfes  lobés  de  Santa  Eufemia  et  de  Gioja  résultent  d'effondre- 
ments, mais  on  ne  saurait  regarder  ces  mouvements  comme  causes 
de  séismes,  parce  que  d'autres  semblables  accidentent  la  côte  tyrrhé- 


320  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

nienne,  qui  depuis  Gênes  jouit  d'une  assez  grande  stabilité,  en  même 
temps  que  les  isobathes  entourent  au  milieu  de  la  mer  italo-sarde  un 
abîme  de  3  000  mètres  et  s'éloignent  beaucoup  du  littoral,  qu'elles  tou- 
chent presque  au  contraire  au  pied  des  Alpes  de  Ligurie  si  instables. 

Parmi  les  innombrables  et  éphémères  explications  qui  ont  été 
données  des  tremblements  de  terre  des  Calabres  et  du  détroit  de 
Messine,  la  plus  connue  et  la  plus  en  vogue  est,  sans  contredit,  celle 
de  Suess^  Malgré  la  haute  autorité  qui  s'attache  à  tous  les  travaux 
de  ce  grand  géologue,  Mercalli  (/.  c,  25,  p.  148)  n'a  pas  craint  de 
montrer  que  sa  tliéorie  est  en  contradiction  formelle  avec  les  faits 
d'observation.  Le  savant  autrichien  estime  que  les  centres  des 
secousses  dont  il  s'agit  se  répartissent  suivant  une  ligne  courbe  qui, 
partant  des  monts»  Madonie  en  Sicile,  passe  par  l'Etna,  franchit  le 
détroit  de  Messine  à  Ali,  suit  le  bord  occidental  de  l'Aspromonte 
par  Santa  Cristina,  Oppido,  Terranova,  Soriano  et  Girifalco,  et  se 
prolonge  par  la  vallée  du  Crati  vers  le  Mont  Sila.  Les  îles  Éoliennes, 
ou  Lipari,  forment  comme  le  centre  de  ces  séismes  périphériques  ; 
enfin  d'autres  lignes,  partant  de  ces  îles,  correspondent  à  des 
secousses  radiales.  Suess**  pense  que  sa  grande  ligne  enveloppante 
a  joué  en  1783  en  divers  de  ses  points,  que  dans  l'aire  limitée  par 
la  fracture  de  1783,  l'écorce  terrestre  s'affaisse  en  cuvette  et  qu'en 
même  temps  il  se  forme  des  failles  radiales  convergeant  vers  les 
Lipari  ;  si  ce  mouvement  s'accentuait,  il  finirait  par  y  avoir  effon- 
drement ou  disparition  du  massif  vaticanique,  des  falaises  de  Scylla, 
et  du  môle  des  Peloritani  et  des  Madonie.  Il  est  clair  que,  dans  son 
opinion,  les  tremblements  de  terre  des  Calabres  et  du  Messinese 
préparent  cet  effondrement.  Les  cartes  séismiques  de  Mercalli  mon- 
trent bien  que  des  foyers  d'ébranlement  se  répartissent  sur  la  ligne 
Ali,  Reggio,  Oppido,  Polistena  et  Girifalco,  et  ne  sont  pas  indépen- 
dants les  uns  des  autres,  mais  que,  d'autre  part,  les  centres  des 
Madonie  et  de  la  vallée  du  Crati  se  sont  toujours  montrés  autonomes, 
à  plus  forte  raison  celui  de  Catanzaro  et  d'autres  encore. 

De  son  côté  Cortese  '  fait  intervenir,  ce  nous  semble  avec  raison, 
les  très  récentes  dislocations  orogéniques  qui  ont  donné  sa  struc- 
ture actuelle  au  massif  calabrais,  et  en  particulier  deux  d'entre  elles  : 
la  faille  du  détroit  de  Messine  qui  se  prolonge  au  S.  S.  W.  vers  l'Etna 

*  Die  Erdbeben  des  sûdlichen  Italiens  [Denkschriften  d.  Mat.  naturwisê.  Cl.  d.  K.  Ak.  d, 
Wiss.  in  Wien,  XXIV,  1874). 

*  La  Face  de  la  Terre,  I,  107-113. 

*  Descrizione  geologica  délia  Calabria  (Geotetionica  e  slsmologia)  (Mem,  del  A.  C<nn. 
yeoL  d'Italia.  Roma,  1895). 


L'ITALIE  321 

et  au  N.  N.  E.  parla  vallée  du  Mesima  jusqu'à  laPunta  deir  Alice  dans 
le  Cotronese,et  celle  qui  traverse  la  dépression  de  Gatanzaro,  entre  les 
caps  Suvero  et  Stalletti.  Il  faut  se  rallier  sans  réserve  à  une  expli- 
cation pleinement  concordante  avec  les  tracés  d'isoséistes  donnés 
par  Mercalli,  et  que,  du  reste,  accepte  Barattai  Cortese'  avait  préludé 
lui-même  à  sa  théorie  générale  des  tremblements  de  terre  calabrais 
par  une  étude  antérieure  sur  le  séisme  de  Bisignano,  du  3  décembre 
1887,  pour  la  genèse  duquel  il  fait  intervenir  la  faille  du  Crati. 

Des  phénomènes  bradyséismiques  ont  été  observés  en  Calabre  ', 
mais  on  ne  peut  leur  faire  jouer  aucun  rôle  séismogénique  puisqu'ils 
affectent  aussi  la  presqu'île  de  Tarente  et  d'Otrante,  privée  de  séismes 
propres,  du  moins  de  séismes  sévères. 

Les  nombreux  tracés  d'isoséistes  donnés  par  Mercalli  pour  les  trem- 
blements de  terre  calabrais  ne  laissent  pas  supposer  d'épicentres  sous-> 
marins,  observation  qui  va  tout  à  fait  à  l'encontre  de  la  théorie  de 
Suess;  et  cependant,  de  Naples  à  Messine,  le  littoral  est  exposé  à  des 
vagues  apparemment  d'origine  séismique. 

Riccô  ^  a  fait  une  très  intéressante  étude  détaillée  des  anomalies 
de  la  pesanteur  dans  l'Italie  méridionale  et  la  Sicile,  et  voici  la 
conclusion  du  savant  directeur  de  l'Observatoire  géophysique  de 
Catane  :  «  Traçant  sur  la  carte  des  courbes  isanomales  de  gravité 
«  les  aires  séismiques  principales,  telles  qu'elles  résultent  de  la  Carta 
«  sismica  dCItalia  du  D'  Bsuratta  et  qu'elles  ont  été  reproduites  par 
»  Gerland,  on  observe  que  ces  aires  se  trouvent  là  où  les  isano- 
«  maies  irrégulièrement  rapprochées  et  fortement  repliées,  indi- 
«  quent  les  lieux  de  plus  grand  manque  d'équilibre  de  la  gravité, 
<c  comme  il  était  à  prévoir.  Cela  peut  expliquer  pourquoi  la  Sicile 
«  orientale  et  la  Calabre  occidentale  sont  particulièrement  dévastées 
«  par  les  tremblements  de  terre,  ainsi  que  la  Basilicate,  les  Abbruzes 
(c  vX  la  région  garganique.  »  De  son  côté  Platania  ',  entrant  davan- 
tage dans  le  détail  en  ce  qui  concerne  les  alentours  de  l'Etna,  a 

*  I  terremoU  di  Calabria  (Riv.geogr.  ilal.,  U,  Roma,  1895). 

'  Il  terremoU  di  Bisignano  del  3  Dicembre  1887  (Ann.  délia  Met,  ilal..  Série  II,  VIII. 
Parte  IV,  1886,  59.  Roma,  1888). 

'  Â.  Issel.  Supposto  sprofondamento  del  golfo  de  Santa  Eufemia  (Annali  idrografici, 
I,  Roma,  1900). 

*  Controllo  délie  osservazioni  di  gravita  fatte  en  Sicilia  e  Calabria  (BolL  deW  Ac. 
Gioeniadi  sc.nat.  in  Catania,  Fasc.  LVI,  Dicembre  1898).  —  Zona  e  Saija.  Differenza  de 
loDgitudine  tra  Catania  e  Palcrmo  e  determinazione  délie  anomalie  délia  gravita  in  Ca- 
tania.  (Id.  Fasc.  LX,  Gingno,  1899).  —  Riassunto  délie  deteiminazioni  di  gravita  relativa 
fatte  nella  Sicilia  orientale,  in  Calabria  e  nelle  isole  Eolie  (Rendiconti  délia  R.  Ac.  dei 
Lincei,  CL  di  Se.  fis.  mat.  enat.y  XII.  Sedula  del  21  Giugno  1903;. 

'  Sur  les  anomalies  de  Ja  pesanteur  et  les  bradysismes  dans  la  région  orientale  de 
l'Etna  (C.  R.  Ae.  Se,  Paris,  CXXXVIII,  859, 1904). 

Os  MoHTEMUs.  —  TremblemenU  de  terre.  21 


322  GÉOGRAPHIE  SËI8M0L0GIQUE 

rapproché  ces  anomalies  des  mouvements  bradyséismiques  que  Ton 


1^^  j  Aires  séurm^wes  prùt£^[?aôe^ 
Coudés  isoAjsmuUs  oher^ms 


Fîg.  53.  ^  Italie  méridionale  et  Sicile.  Courbes  isanomales  de  la  gravilé 
(d'après  Riccè). 

y  a  observés.  De  Lapparent  *  a  fait  siennes  les  conclusions  de  Riccè 

*  Sur  la  signification  géologique  des  anomalies  de  la  pesanteur  (C.  JR.  Ac,  Se,  Paru, 
CXXXVIl,  827, 1903). 


L'ITALIE  323 

et  leur  a  donné  la  signification  tectonico-séismologique  qui  leur 
manquait.  Nous  noterons  cependant  que,  dans  le  détail,  les  résultats 
des  observations  de  Biccô  ne  sont  pas  aussi  probants  qu'ils  le 
paraissent  :  en  effet,  les  isanomales  dessinent  pour  ainsi  dire  sur 
l'Italie  méridionale  deux  thalwegs,  là  où  précisément  elles  se 
replient  fortement;  Tun  suit  la  crête  des  Apennins  et  en  partie 
celle  des  Calabres,  instables,  mais  l'autre  coïncide  avec  la  ligne 
médiane  de  la  presqu'île  stable  de  Tarente  et  d'Otrante  ;  cette  oppo- 
sition n'est  pas  sans  appeler  un  certain  doute  sur  lesdites  conclusions. 

3.  —  Sicile  et  îles  a4Jacente8. 

Les  îles  éolîennes  ou  Lipari  et  Ustica  sont  d'origine  volcanique, 
les  premières  en  partie  encore  actives.  Situées  non  loin  des  grands 
fonds  de  la  mer  Tyrrhénienne,  elles  sont  le  siège  de  secousses  modé- 
rées, et  celles  du  Stromboli  ne  s'étendent  guère  aux  autres  îles. 
Le  caractère  volcanique  de  ces  séismes  paraît  donc  assez  probable. 

Si  l'on  excepte  le  massif  ancien  et  cristallin  des  monts  de  Messine, 
ou  Péioritains,  qui  ont  été  séparés  de  la  Galabre  par  une  faille  que 
Cortese  date  de  la  fin  du  Pliocène  inférieur,  la  Sicile,  où  le  Trias 
s'appuie  contre  ces  terres  démembrées,  a  été  morcelée  par  une  série 
de  cassures  déjà  bien  dessinées  au  Pliocène.  Cette  grande  île  est 
caractérisée  par  un  ensemble  très  complexe  de  collines  arrondies, 
et  ses  terrains  sont  de  plus  en  plus  récents  du  Nord  vers  le  Sud. 
Rien  ne  peut  laisser  prévoir  une  instabilité  exagérée,  ce  que  confir- 
ment bien  les  observations. 

L'Etna  s'élève  au  milieu  d*un  cirque  d'effondrement  circulaire, 
autrefois  occupé  par  un  golfe,  au  milieu  duquel  il  s'est  graduellement 
érigé  en  le  remplissant  par  ses  projections.  Il  est  très  malaisé  de 
faire  pour  la  plaine  de  Catane  et  pour  la  périphérie  du  cône  de 
3  300  mètres  qui  la  domine,  le  départ  entre  les  secousses  d'origine 
volcanique  et  celles  dont  la  cause  tectonique  doit  être  probablement 
recherchée  dans  la  formation  même  de  l'ancien  golfe  circulaire. 
Mais,  tout  en  tenant  compte  des  paroxysmes  volcaniques,  il  semble 
que  les  tremblements  de  terre  de  dislocation  du*  pourtour  doivent 
prédominer,  puisque  Biccù  et  Franco  *  ont  établi  la  stabilité  habi- 
tuelle de  l'observatoire  de  l'Etna.  Les  désastres  de  Catane,  lorsqu*ils 
ne  résultent  pas  de  coulées  volcaniques,  ou  des  tremblements  de 
terre  calabrais,  ont  été  certainement  aggravés  par  le  peu  de  consis- 
tance des  matériaux  de  projection  sur  lesquels  cette  ville  est  édifiée, 

*  La  stabilité  del  suolo  dell'  osservatorio  etneo  (Bol.  Ace.  Gioenia  di  $c.  nat.  m 
Caiania.  Fasc.  LXV,  novembre  1900). 


3â4  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

et  d'ailleurs  les  anciennes  chroniques  paraissent  les  avoir  exagérés. 

Au  Sud  de  TEtna,  le  massif  du  Monte  Lauro  présente  un  foyer 
d'ébranlement  qui  s'étend  jusqu'à  Syracuse,  ville  qui^  du  moins,  a 
eu  à  en  souffrir. 

A  la  suite  de  l'étude  d'une  petite  série  de  secousses  en  mars  1901, 
Arcidiacono  ^  attribue  l'existence  de  ce  foyer  séismique  à  un  effet 
purement  mécanique,  produit  sur  les  sables  supportant  les  fondations 
des  édifices  de  Nicosia  par  le  gonflement  des  argiles  sous-jacentes  du 
Miocène  moyen,  à  la  suite  de  pluies  abondantes. 

De  Gefalù  à  Marsala  et  de  Sciacca  à  Girgenti,  les  côtes  de  Sicile 
sont  faiblement  ébranlées.  Gorleone  est  peut-être  un  centre  d'instabi* 
lité  ;  cette  ville  semble  située  dans  une  aire  d'affaissement,  limitée 
au  Nord  par  une  falaise  calcaire  surmontée  par  deux  ruines  du  moyen 
âge,  Gastello  Sovrano  et  Castelio  Sottano,  châteaux  qui  auraient  été 
renversés  en  1537  par  l'effet  d'un  tremblement  de  terre,  à  moins  que 
ce  bouleversement  topographique,  la  formation  des  falaises,  n'ait 
été  lui-même  la  cause  première  des  séismes,  question  que  Crescî- 
manno  ^  ne  résout  point. 

Au  Sud,  les  côtes  de  Sicile  émergent  d'un  large  socle  sans  pro- 
fondeur dont  une  partie  est  le  banc  de  l'Aventure,  sur  les  bords 
duquel  s'élèvent  Pantelleria,  l'île  volcanique  éphémère  Julia  et 
Malte,  tandis  que  les  régions  instables  de  la  Sicile,  Messinese, 
Etna  et  Syracuse,  c'est-à-dire  la  côte  orientale,  se  dressent  le  long 
du  raide  talus  de  l'isobathe  de  1  000  mètres  venant  de  la  mer  Ionienne. 
Les  tremblements  de  terre  sont  plutôt  rares  à  Pantelleria,  où  un  léger 
paroxysme  séismique,  en  1891,  a  accompagné  des  manifestations  vol- 
caniques, et  en  même  temps,  paraît-il,  un  sensible  relèvement  de  sa 
côte  et  de  la  pointe  Karuscia'.  Malte,  indépendamment  des  secousses 
qui  lui  viennent  de  la  mer  Ionienne,  est  assez  souvent  ébranlée  ; 
les  nombreuses  failles  qui  coupent  ses  couches  miocènes  en  divers 
sens  dénotent  une  zone  affaissée  dont  elle  représente,  avec  Gozzo, 
les  derniers  témoins.  Ces  deux  îles,  ainsi  que  Linosa  et  Lampedusa, 
parfois  secouées,  se  trouvent  au  bord  d'une  fosse  profonde,  située 
entre  la  Sicile  et  la  Tunisie,  dont  un  effondrement  a  rompu  l'unité 
territoriale,  événement  qu'attestent  les  phénomènes  volcaniques  sous- 
marins  de  1831  à  l'île  Julia,  ou  Ferdinandea,  comme  conséquence  des 
fractures  concomitantes. 

*  Il  torrcmoto  di  Nicosia  del  26  Marzo  1901.  Boll.  Ace.  Gioenia  di  se.  nat,  in  Catania, 
(Fasc.  LXIX,  GiugQo). 
■  I  lerrcmoti  di  Corleone  (Boll.  del  vulcanismo  italiano,  III,  97, 1876). 
'  M.  Baratla.  Gli  odietmi  fenomeni  endogeni  di  Pantelleria  (Milano,  1892). 


CHAPITRE  XVIII 

BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE 

1 .  —  Corse,  Sardaigne  et  Baléares. 

Les  mouvements  tertiaires  alpins  du  continent  ont  eu  pour  con- 
tre-partie l'effondrement  du  bassin  occidental  méditerranéen^  impor- 
tant événement  qui,  s'il  a  commencé  à  la  (in  des  temps  secondaires 
pour  ne  s'achever  qu'au  Quaternaire,  n'a  plus  laissé  comme  témoins 
que  les  débris  d'une  chaîne  plissée  et  dressée  après  le  Nummulitique. 

La  Corse  est  un  de  ces  fragments  de  la  Tyrrhénide,  qui  aurait  été 
plus  tardivement  séparée  de  la  France  que  de  l'Italie.  Est-ce  fortui- 
tement que  les  cinq  seuls  séismes  connus  aient  tous  été  signalés  sur 
le  versant  occidental,  archéen  et  primaire,  plus  récemment  effondré 
que  l'opposé,  tertiaire,  et  en  même  temps  du  côté  où  se  rencontrent  les 
plus  grandes  profondeurs,  conformément  à  la  loi  du  relief?  La  Sar- 
daigne  ne  diffère  pas  essentiellement  de  l'île  française  ;  le  granité  y 
prend  aussi  une  importance  considérable  et  les  terrains  secondaires 
reposent  en  discordance  complète  sur  le  substratum  primaire.  Ces 
deux  grandes  terres  constituent  donc  un  fragment  des  anciens  mas- 
sifs, stables  par  conséquent,  et  n'appartenant  pour  ainsi  dire  pas  au 
géosynclinal,  mais  bien  seulement  à  l'aire  affectée  par  contre-coup 
par  les  mouvements  alpins.  Les  éruptions  post-pliocènes  et  quater- 
naires n'ont  laissé  aucun  élément  d'instabilité  en  Sardaigne,  où  les 
séismes  sont  aussi  rares  qu'en  Corse,  et  ne  se  produisent  que  dans  le 
massif  primaire  du  N.W,  si  Ton  ne  tient  pas  compte  des  secousses  qui 
viennent  d'Algérie  l'ébranler  quelquefois. 

Comme  les  Maures  de  Provence,  Tîle  d'Elbe  avec  le  petit  archipel 
Toscan  et  le  curieux  Monte  Argentario,  sont  d'autres  fragments 
encore  plus  morcelés  et  tout  aussi  stables  de  la  Tyrrhénide. 

Les  Baléares  sont  implantées  sur  un  socle  commun,  et  de  grandes 
profondeurs  les  séparent  de  la  Corse  et  de  la  Sardaigne.  Le  rivage 
rectiligne  de  Majorque  est  l'indice  d'un  accident  important  vraisem- 
blablement en  relation  avec  l'affaissement  méditerranéen,  et  c'est 


326  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

précisément  là  qu'eut  lieu  en  1851  et  1852  un  tremblement  de  terre 
dont  une  des  nombreuses  secousses  endommagea  quelques  édifices. 
Si  ce  cas  est  unique,  c'est  donc  que  les  séismes  des  Baléares  se 
présentent  à  des  intervalles  très  éloignés,  et  cela  explique  bien 
Topinion  des  clironiqueurs  catalans  que  ces  îles  sont  à  Tabri  des 
secousses  du  sol. 

En  résumé,  l'intérieur  du  bassin  occidental  de  la  Méditerranée 
est  parfaitement  stable.  Quelques  rares  séismes  de  la  Corse  et  de  la 
Sardaigne  doivent  dépendre  de  dislocations  de  leur  substratum 
ancien,  tandis  que  Feffondrement  tertiaire  de  la  Tyrrhénide  se  rap- 
pelle au  souvenir  des  habitants  de  Majorque  par  des  secousses  parfois 
sévères  de  son  littoral  septentrional,  si  toutefois  même  le  plissement 
post-nummulitique  n'intervient  pas. 

2.  —  Espagne  du  Sud-Est. 

L'Espagne  du  Sud-Est,  Andalousie  et  royaumes  de  Murcie  et  de 
Valence,  est  une  des  régions  de  l'Europe  méridionale  qui  a  eu  le 
plus  à  souffrir  des  tremblements  de  terre,  et  à  plusieurs  reprises  elle 
a  subi  de  véritables  catastrophes;  celle  du  24  décembre  1884  est 
encore  présente  à  toutes  les  mémoires.  Les  renseignements  séis- 
miques,  quoique  ne  résultant  pas  d'observations  systématiques,  sont 
assez  nombreux  cependant  pour  que  Ton  puisse  considérer  comme 
sufQsamment  bien  connue  la  répartition  des  centres  d'ébranlement 
et  des  points  les  plus  exposés  de  cette  partie  si  instable  de  la 
péninsule  ibérique.  Il  n'existe  encore  que  deux  catalogues,  celui  de 
Perrey*  et  celui  plus  récent  de  Taramelli  et  Mercalli^ 

Au  point  de  vue  géologique,  la  région  est  très  naturelle,  limitée 
qu'elle  est  au  Nord  par  une  grande  ligne  de  dislocation  partant  du 
cap  Saint  Vincent  sur  l'Atlantique  et  aboutissant  au  cap  de  la  Nao  sur 
la  Méditerranée,  après  avoir  suivi  le  bord  méridional  de  la  Meseta 
ibérique,  archéenne  et  primaire,  par  les  Algarves  et  la  Sierra  Morena. 
C'est  une  grande  faille,  isolant  du  reste  de  l'Espagne  la  dépression 
tertiaire  du  Guadalquivir,  ainsi  que  les  terrains  secondaires  et  pri- 
maires de  l'Andalousie  et  de  la  Sierra  Nevada.  Les  tremblements  de 
terre  dépassent  un  peu  cette  limite  au  N.  E,  puisqu'ils  atteignent 
Valence,  mais  c'est  un  détail  qui  ne  diminue  en  rien  la  netteté  du 

'  Sur  les  tremblements  de  terre  de  la  péninsule  ibérique  (Ann.  se.  ph.  et  naL  de 
lyon,  1847). 

*  1  terreraoti  andalusi  cominciati  il  25  décembre  1884  (Ueale  Ace.  dei  Linceit  GGLXXXIU, 
1885-86.  Roma). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE  827 

rôle  de  la  ligne  de  démarcation  entre  les  parties  stables  et  instables. 

Au  pied  de  la  falaise  de  la  Sierra  Morena^  le  détroit  Bétique,  ou  du 
Guadalquivir,  est  un  trait  fort  ancien  ;  unissant  TAtlantique  et  la 
Méditerranée,  il  séparait  les  deux  vieux  massifs,  la  Meseta  ibérique 
et  UD  autre  plus  méridional,  disloqué  et  démembré  par  les  mouve- 
ment alpins.  Il  était  en  même  temps  fermé  lors  de  ces  derniers  évé- 
nements, puis  remplacé  par  le  détroit  actuel  de  Gibraltar,  ouvert 
plus  au  Sud  à  Fépoque  pliocène,  et  de  chaque  côté  duquel  subsis- 
tent à  l'état  de  débris  la  Sierra  Nevada  et  TAtlas  marocain,  témoins 
encore  imposants  de  l'ancienne  chaîne  effondrée  le  long  de  son  axe. 
La  dépression  bétique,  ainsi  obstruée  assez  tardivement,  peut-être 
seulement  au  commencement  de  l'ère  quaternaire,  avait  d'abord  subi 
des  oscillations  diverses,  comme  l'indiquent  dans  la  vallée  du  Gua- 
dalquivir  des  intercalations  de  couches  lacustres  dans  les  dépôts 
marins.  Ces  vicissitudes  n'ont  pas  été  sans  d'énergiques  plissements, 
et  ceux  des  couches  tertiaires  des  vallées  du  Guadalete  et  du  Guadal- 
quivir  ont  été  arrêtés  net  par  l'inertie  de  la  Sierra  Morena,  dominant 
la  plaine  alluviale  près  de  Séville.  Une  importante  dislocation  Lorca- 
Guadix-Grenade,  à  peu  près  en  prolongement  de  la  basse  Segura  et 
de  son  affluent  la  Sangonera,  est  marquée  par  des  bassins  tertiaires 
d'effondrement,  tels  que  la  Vega  de  Grenade  ;  elle  sépare  les  chaînes 
secondaires  du  Nord,  plissées  en  direction  N.  E.,  delà  Sierra  Nevada 
au  Sud,  celle-ci  beaucoup  plus  ancienne  et  où  les  accidents  forment 
un  système  de  failles  E.-W.,  parallèles  au  littoral.  Cette  chaîne 
tombe  à  pic,  puisque  le  sommet  du  Mulhacen,  à  3481  mètres  d'alti- 
tude, n'est  qu'à  35  kilomètres  de  la  côte  ;  mais  le  profil  transversal 
du  détroit  de  Gibraltar  est  à  pente  bien  plus  douce  qu'on  n'aurait  pu 
le  supposer  d'après  le  relief  exagéré  de  la  Cordillère.  Plus  à  TOuest, 
les  plis  s'infléchissent  vers  le  Sud  pour  se  raccorder  avec  ceux  du 
Djébel-Mouca  entre  Tanger  et  Ceuta,  de  l'autre  côté  du  détroit.  Ces 
mouvements  si  complexes,  et  d'une  grande  amplitude,  ont  donné 
lieu  à  des  épanchements  érup tifs,  jalonnant  entre  les  caps  dePalos  et 
de  Gâta  le  littoral,  dont  la  direction  est  ici,  non  seulement  parallèle  à 
la  ligne  Lorca-Grenade,  mais  encore  au  raide  talus  sous-marin  de 
l'isobathe  de  2000  mètres,  qui  représente  la  lèvre  de  l'effondrement 
méditerranéen.  Où  trouver  un  ensemble  de  vicissitudes  récentes,  et 
d'accidents  de  tous  genres,  plus  favorables  à  l'instabilité  séis- 
mique  que  ces  circonstances  géologiques  ainsi  rapidement  esquis- 
sées? 

Jusqu'à  Huelva,  le  versant  méridional  des  Algarves  est  le  théâtre 
de  séismes  qui  atteignent  parfois  un  certain  degré  de  sévérité,  mais 


3S8 


GÉOGRAPHIE  6ÉI8MOLOGIQUE 


dont  Torigine  véritable, 
peut-être  sous-marine, 
est  encore  difficile  à  dis- 
cerner, faute  d'études 
suffisantes. 

En  Andalousie,  la  séis- 
micité  ne  dépasse  point 
la  rive  droite  du  Guadal- 
quivir,  fait  très  compré- 
hensible puisque  la  Sierra 
Morena  a  arrêté  les  mou- 
vements tertiaires  alpins. 
Cadix,  Séville,  Cordoue, 
Linares  sont  d'apparents 
foyers  d'ébranlement , 
mais  de  médiocre  impor- 
tance ;  on  ne  saurait  d'ail- 
leurs affirmer  que  ce  sont 
les  véritables  épiceiitres, 
ou  qu'ils  ne  résultent  pas 
de  séismes  venant  des 
accidents  situés  plus  au 
Sud  et  déjà  mentionnés. 
C'est  qu'en  effet  le  Gua- 
dalquivir  coule  au  milieu 
de  marnes  et  de  mollas- 
ses miocènes,  déposées 
lors  de  la  fermeture  du 
détroit  et  restées  parfai- 
tement horizontales;  sa 
vallée,  depuis  le  point  où 
il  se  coude  vers  le  S.  W., 
près  de  Cantillana,  jus- 
qu'à l'embouchure,  con- 
siste ,  d'après  certains 
géologues,  en  une  série 
de  segments  parallèles 
au  fleuve  qui  ont  joué 
librement  à  différentes 
reprises  depuis  le  com- 
mencement de  l'ère  mé- 


BASSIN  OCGtDEiNTAL  DIS  LA  MÉDITERRANÉE  329 

sozoïque  jusqu'après  les  dépôts  pliocënes  à  caractère  méditerra- 
néen ;  c'est  ce  qui  a  permis  à  la  mer  de  s'introduire  au  pied  de  la 
Sierra  Morena  par  un  canal  de  plus  en  plus  étroit,  qui  a  fini  par 
s'obstruer  définitivement  au  commencement  du  Quaternaire.  Les 
strates  comprises  entre  les  failles  ont  conservé  leur  horizontalité, 
tandis  qu'à  faible  distance  elles  présentent  des  plissements  plus  ou 
moins  accusés.  Il  y  a  donc  des  dislocations  suffisantes  à  invoquer, 
si  toutefois  les  villes  baignées  par  le  fleuve  sont  de  véritables  épi- 
centres.  Les  secousses  de  Jaen  et  d'Ubeda  trouvent  une  claire  expli- 
cation dans  les  efforts  qui  ont  fait  chevaucher  entre  Jaen  et  Grenade 
le  Jurassique,  le  Crétacé  et  le  Tertiaire.  Une  grande  faille  coupe  le 
rocher  de  Gibraltar,  qui  paraît  bien  avoir  ses  séismes  propres.  Comme 
on  a  déjà  eu  l'occasion  de  le  faire  observer,  la  région  séismique 
andalouse  occupe  un  emplacement  au  moins  deux  fois  plissé,  à 
l'époque  hercynienne  et  à  l'époque  tertiaire,  mais,  il  est  vrai,  sui- 
vant des  directions  différentes,  superposition  déjà  bien  des  fois 
mentionnée. 

Les  environs  de  Malaga  sont  très  instables,  et  des  désastres  y  sont 
à  de  nombreuses  reprises  relatés  dans  les  anciennes  chroniques.  Le 
plus  récent,  celui  de  1884,  a  eu  son  centre  non  loin  de  cette  ville, 
d'après  le  tracé  des  isoséistes  donné  dans  le  rapport  *  de  la  commis- 
sion que  l'Académie  des  sciences  de  Paris  a  envoyée  sur  les  lieux 
après  l'événement,  un  peu  au  Nord  de  la  Sierra  de  Jatar,  près  d'Al- 
hama.  Taramelli  et  Mercalli  le  placent  plus  au  Sud,  près  d'Arenas 
del  Rey.  Enfin  Grenade  n'est  pas  moins  exposée  que  Malnga,  sans 
que  l'on  puisse  localiser  avec  précision  le  centre  de  ses  séismes  des- 
tructeurs. Il  est  probable  qu'il  s'agit  là  d'une  seule  et  même  origine, 
située  quelque  part  dans  les  sierras  intermédiaires.  L'événement  de 
1884  est  le  seul  qui  ait  été  étudié  scientifiquement,  et  son  importance  est 
telle  qu'il  y  a  lieu  d'exposer  les  diverses  explications  auxquelles  il  a 
donné  lieu,  mais  sans  chercher  à  faire  un  choix  définitif  que  des  études 
sur  des  séismes  ultérieurs  pourraient  peut-être  bien  ne  pas  vérifier. 
Taramelli  et  Mercalli  invoquent,  mais  sans  préciser,  les  phéno- 
mènes stratigraphiques,  géologiquement  assez  récents,  auxquels  cette 
partie  du  bassin  méditerranéen  doit  son  actuelle  délimitation.  La 
théorie  de  Mac-Pherson  -  ne  diffère  pas  sensiblement  de  la  précédente 

'  Mém.  de  VAc.  de9  Se.,  XXX.  n«  2:  Mission  d'Andalousie  (F.  Fouqué,  directeur;  Michel 
Lévy,  Marcel  Bertrand,  Barrois,  Offret,  Kilian,  Bergeron,  Bréon).  htudcs  relatives  au 
tremblement  de  terre  du  25  décembre  1884  et  à  la  constitution  géologique  du  sol  ébranlé 
par  les  secousses. 

•  Lo8  lerremolos  de  Andalucia  (Conferencia  lelda  en  febrero  de  1885  en  el  Ateneo  de 
Madrid). 


330  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

lorsqu'il  considère  les  mouvements  séismiques,  que  Ton  sait  avoir 
ébranlé  la  région  depuis  les  temps  les  plus  reculés  de  son  histoire, 
comme  la  manifestation  actuelle  des  efforts  qui  ont  présidé  à  la  for- 
mation de  ses  montagnes.  Il  a  noté  qu'à  proximité  des  grandes  failles 
bordant  de  rW.  N.  W.  àl'E.  S.  E.  les  Sierras  de  Teja  et  d'Almijarra, 
correspond  le  maximum  de  l'énergie  dynamique  du  tremblement  de 
terre.  L'espace  compris  entre  les  Sierras  de  Teja  et  de  Ronda  est 
partagé  par  dm  failles  en  bandes  parallèles  à  leurs  crêtes,  tandis  que 
de  l'autre  côté  de  la  Swrania  apparaît  le  foyer  secondaire  de  Gasares 
et  d'Ëstepona.  Cette  disposition  indiquerait  que  la  plus  grande  inten- 
sité des  secousses  s'est  localisée  là  oîi  il  existe  des  fractures,  encore 
mal  soudées  à  une  certaine  profondeur. 

Martinez  ^  a  soutenu  l'hypothëse  que  le  désastre  de  ISSl  a  été 
causé  par  des  éboulements  intérieurs.  Il  se  base  sur  ce  que  la  rêgîoa 
pléistoséiste  embrasse  une  sorte  de  cuvette  sans  écoulement  appa- 
rent, et  que  des  sources,  apportant  au  jour  du  calcaire  arraché  aux 
couches  profondes,  forment  d'épais  dépôts  de  tuf  au  détriment  des 
cavités  ainsi  creusées  ;  la  rivière  qui  circule  dans  ce  bassin  s'y 
infiltre  et  disparaît.  Cette  théorie  peut  expliquer  la  violence  des  effets 
du  tremblement  de  terre  en  certains  points  particuliers,  mais  non 
l'extension  de  la  surface  dévastée,  ni  le  nombre  des  secousses  con- 
sécutives. 

Au  rapport  de  la  commission  française,  la  région  épicentrale 
coïncide  exactement  avec  une  crête  montagneuse  dont  le  versant 
méridional,  abrupt  et  faille,  est  surtout  composé  de  terrains  cristallins, 
tandis  que  Topposé,  plus  adouci,  résulte  de  plis  de  refoulement, 
jurassiques  et  crétacés.  Cette  crête  s'infléchit  brusquement  en  deux 
points,  de  manière  que  sa  partie  moyenne  offre  une  direction  très 
différente  de  celle  de  ses  deux  parties  terminales.  Le  terrain  est 
donc  plissé  suivant  une  ligne  brisée  en  forme  de  baïonnette.  Du  point 
de  cassure,  situé  près  de  Zaffaraya,  part  la  Sierra  de  Tejeda,  qui, 
prenant  une  direction  différente  des  précédentes,  s'allonge  au  S.  E.  en 
se  prolongeant  vers  la  mer.  Or  le  milieu  de  l'épicentre,  le  nœud  pour 
ainsi  dire  du  tremblement  de  terre,  siège  précisément  en  ce  lieu; 
l'épicentre  est  à  cheval  sur  la  bande  médiane  de  Chorro  à  Zaffaraya, 
sur  le  rameau  oriental  et  sur  la  Sierra  Tejeda.  Il  correspond  donc  à 
un  étoilement  de  fractures  profondes,  et  de  plus  il  est  dirigé  comme 
l'un  des  faisceaux  principaux  de  ces  fentes,  c'est-à-dire  E.-W. 

Les  géologues  français  n'ont  pas  osé  tirer  une  conclusion  formeUe 

*  Los  temblores  de  tien^a  (MÂlaga,  1885). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE 


331 


de  leur  si  frappante  description.  Il  semble  que,  sans  être  téméraire, 
on  doive  admettre  une  dépendance  directe  entre  le  séisme  de  1884 
et  ces  accidents  ;  allant  même  plus  loin^  il  est  à  supposer  qu'ils  ont 
à  d'autres  époques  joué  un  rôle  séismogénique  bien  défini.  Les 
mêmes  savants  ont  montré  aussi  que  de  la  Serrania  de  Ronda  à  la 
Sierra  de  Baza,  la  chaîne  bétique  se  divise  naturellement  en  divers 
tronçons  résultant  de  sa  rupture  après  l'époque  triasique;  ces  tronçons 


Eta^A  supérieur  des  rnùcaschstes  à,  Tninéraux 
I  I  I  I  I  I     Eta^e  infèrieur  des  micaschistes  et  dolomîes. 

Fig.  55.  —Structure  delà  chaîne  bétique  (d'après  les  travaux  de  la  mission  française 

de  1884). 

ont  chevauché  les  uns  sur  les  autres^  et  les  dénudations  tertiaires  et 
•postérieures  n'ont  fait  qu'accentuer  leurs  limites.  Aussi  les  grandes 
vallées  actuelles  et  les  divers  bassins  tertiaires  sont-ils  alignés  sui- 
vant trois  grandes  lignes  de  failles  parallèles  entre  elles  et  dirigées 
àl20*',  Mora-Malaga-îled'Alboran;  Zaffaraya-Motril;  Guadix-Almeria- 
Gap  de  Gâta. 

La  conclusion  formulée  par  Ch.  Barrois  et  A.  Offret  est  à  citer 
tout  entière  : 

«  Il  semble  donc  qu'il  y  ait  là  un  état  d'équilibre  instable  de  cet 
«  édifice  bétique^  assez  bien  représenté  dans  les  monts  de  Velez- 
«  Malaga  par  un  arc  tendu  dont  les  deux  extrémités  seraient  appuyées 
«  sur  la  Ronda^  d'une  part,  sur  la  Nevada,  d'autre  part,  et  dont  l'effort 


332  GÉOGRAPHIE  8ÊISM0L0GIQUE 

«  se  traduit  par  une  poussée  continue  sur  les  deux  failles  de  Malaga 
«c  etdeMotril,  qui  le  limitent  de  part  et  d'autre.  Les  multiples  discor- 
«  dances  de  stratification  et  les  oscillations  du  sol  qui  se  répètent 
«  dans  la  région,  depuis  l'époque  secondaire,  peuvent,  dans  cette 
«  hypothèse,  être  attribuées  à  ce  que  la  Sierra  de  Ronda  et  la  Sierra 
«  Nevada  ne  contre-balancent  pas  exactement  par  leur  niasse  c«s 
ce  poussées  exercées  sur  leurs  flancs.  Nous  sommes  ainsi  amenés 
«  naturellement  à  regarder  les  failles  transverses  de  Malaga,  Motril, 
«  Guadix  comme  les  lignes  prédestinées  suivant  lesquelles  seront  sur- 
ce  tout  appelées  à  se  manifester  au  dehors,  dans  la  région  bétique,  les 
ce  modifications  d'équilibre  ou  les  actions  des  forces  souterraines  ^  » 

Cette  dernière  phrase  ne  doit  pas  s'entendre  seulement  au  futur, 
car  elle  rend  bien  compte  de  la  position  des  principaux  centres  d'ins- 
tabilité, Malaga,  Grenade  et  Almeria.  Cette  conclusion  est-elle  valable 
pour  la  vallée  de  l'Almanzora,  où  Vera  et  Huercal-Overa  ont  été  en 
1863  le  siège  de  très  nombreuses  secousses?  C'est  ce  qu'on  ne  peut 
guère  décider  actuellement,  en  les  attribuant  à  la  faille  Guadix- 
Almeria-Cap  de  Gâta,  plutôt  qu'à  quelque  autre  accident  plus  local. 
En  tout  cas,  ce  district  a  été  tout  aussi  souvent  et  gravement  éprouvé 
que  les  précédents  par  les  tremblements  de  terre. 

Dans  plusieurs  circonstances,  par  exemple  en  1804,  les  relations 
s'accordent  à  montrer  que  la  ligne  épicentrale  se  dispose  parallèle- 
ment au  flanc  Nord  de  la  Sierra  Nevada.  On  est  ainsi  amené  à  faire 
jouer  un  rôle  séismogénique  à  la  dislocation  mentionnée  plus  haut, 
basse  Segura-Guadix.  Cela  est  d'autant  plus  plausible  que  l'extré- 
mité orientale  de  cette  ligne  passe  par  Murcie,  OrihuelaetTorrevieja, 
trois  points  dont  l'instabilité  ne  le  cède  en  rien  à  celle  de  l'Anda- 
lousie occidentale.  Il  ne  faut  pas  non  plus  perdre  de  vue  que  les 
chevauchements  signalés  par  R.  Douvillé  *  prolongent  vers  le  S.  W. 
les  accidents  analogues  signalés  antérieurement  par  Nicklès  '  dans 
les  provinces  de  Murcie,  Alicante  et  Valence.  Précisément,  la  séismi- 
cité  s'évanouit  au  delà  de  Valence,  observation  très  favorable  à 
l'influence  séismogénique  des  plissements  de  ces  chaînes  secon- 
daires. Et  si  le  premier  de  ces  deux  géologues  a  pu  dire  que  ces  phé- 
nomènes de  recouvrement  sont  maintenant  connus  de  Vienne  à 
Cadix  dans  la  zone  des  plissements  alpins,  nous  ajouterons  qu'ils 

*  Ch.  Barrois  et  A.  Offret,  /.  c,  U8-1I9. 

'  Sur  les  Préalpes  subbétiques  au  sud  du  Guadalquivir  (C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  CXXXIX, 
89i,  1904). 

■  Sur  les  terrains  secondaires  des  provinces  de  Murcie,  Almeria,  Grenade  et  Alicantfi 
(Id.  CXXII.  550,  1896). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE  333 

accompagnent  presque  partout  des  réglons  à  tremblements  de  terre. 
Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  noter  que,  de  Tîle  d'Alboran  au  cap 
Creus,  le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  présente  un  raide 
talus  à  peu  près  rectiligne^  descendant  jusqu'à  la  profondeur  de 
2  000  mètres  ',  et  que  la  séismicité  coïncide  seulement  avec  les  points 
du  littoral  voisins  de  l'abrupt  ;  elle  est  extrême  dans  sa  première  sec- 
tion collée  au  rivage  entre  les  caps  de  Gâta  et  de  la  Nao,  et  beaucoup 
plus  faible  dans  la  seconde,  celle  du  Nord,  entre  Barcelone  et  le  cap 
Creus  ;  elle  est  nulle  dans  la  partie  intermédiaire,  du  cap  de  la  Nao 
à  Barcelone,  alors  que  l'isobathe  de  2  000  mètres  est  très  éloignée 
de  terre.  Il  est  donc  très  naturel  de  faire  intervenir  aussi  en  quelque 
mesure  cette  remarquable  ligne  d'efi'ondrement,  sinon  directement, 
puisque  cette  mer  n'a  pas  de  séismes  sous-marins,  du  moins  indirec- 
tement, par  les  accidents  tectoniques  causés  à  terre  par  contre-coup 
du  grand  événement  géologique  tertiaire. 

3.  —  Les  pays  barbaresques;  Maroc,  Algérie  et  Tunisie. 

Les  pays  barbaresques,  Maroc,  Algérie  et  Tunisie,  constituent 
dans  le  Nord  de  l'Afrique  une  unité  géologique  et  géographique  bien 
déGnie,  et  c'est  la  seule  région  de  ce  continent  où,  sauf  une  impor- 
tante exception  en  Abyssinie,  les  tremblements  de  terre  soient  un 
phénomène  commun  et  redoutable.  C'est  une  province  séismique 
bien  caractérisée,  malgré  de  grandes  différences  locales  dans  la 
fréquence  et  l'intensité  des  secousses  qui  Tébranlent.  Elle  complète 
ainsi  avec  la  Calabre,  la  Sicile  orientale,  la  Ligurie  et  l'Espagne  du 
S.E.,  le  périmètre  presque  partout  instable  du  bassin  occidental  de 
la  Méditerranée,  effondré  et  partout  entouré  de  pointements  volca- 
niques actifs  ou  éteints.  Ces  pays,  à  peu  près  les  seuls  de  haute  séis- 
micité sur  l'immense  surface  du  continent  africain,  sont  aussi  les 
seuls  qui  y  aient  été  plissés  et  disloqués  à  une  époque  relativement 
récente.  A  ce  point  de  vue,  ils  appartiennent  réellement  à  l'Europe, 
aux  territoires  affectés  par  les  plissements  alpins,  en  un  mot  au 
géosynclinal  méditerranéen,  dont  ils  ont  partagé  à  l'époque  tertiaire 
toutes  les  grandioses  vicissitudes. 

En  ce  qui  concerne  les  tremblements  de  terre,  le  Mardc  et  la 
Tunisie  sont  encore  bien  imparfaitement  connus,  mais  l'Algérie  l'est 
très  suffisamment,  quoique  des  observations  systématiques  n'y  aient 

*  F.  De  BotoUa  y  Horaos.  Mapa  hipsométrico  de  Espana  y  Portugal  con  las  curvas 
tubmarinaa  y  la  litologia  del  fonda  de  los  mares  (Madi'id,  1888). 


334  GÉOGRAPHIE  SÉISHOLOGIQUE 

jamais  été  faites.  Perrey  a  pu,  pendant  les  longues  années  de  ses 
relevés  annuels^  compléter  son  assez  pauvre  catalogue  historique^ 
par  les  nombreuses  observations  que  lui  envoyaient  les  ofQciers  de 
Tarmée  d'occupation,  de  sorte  que  la  répartition  des  secousses  y  est 
maintenant  connue  d'une  manière  trës  satisfaisante,  ne  demandant 
plus  que  des  améliorations  de  détail. 

L^exposé  des  conditions  générales  d'instabilité  séismique  résultera 
de  la  simplicité  relative  de  constitution  que  présentent  les  pays  bar- 
baresques,  disposés  qu'ils  sont  de  telle  manière  que  le  long  d'un 
méridien  quelconque  les  diverses  circonstances  géographiques,  géo- 
logiques et  séismiques  s'y  montrent  partout  dans  le  même  ordre,  et 
même  sur  des  largeurs  assez  régulièrement  uniformes. 
'  Ce  qu'on  appelle  le  massif  barbaresque  s'étend  de  la  Méditerranée 
au  Sahara.  Il  s'élève  brusquement  de  l'isobathe  de  2  500  mètres  qui, 
de  Bône  à  Nemours,  par  conséquent  —  remarque  importante  —  en 
Algérie  seulement,  se  tient  à  une  distance  moyenne  de  75  kilo- 
mètres du  littoral,  en  lui  restant  à  peu  près  parallèle.  A  hauteur  de 
Nemours,  cette  courbe  rebrousse  au  N.  W.  pour  remonter  le  long  des 
côtes  d'Espagne  et  passer  à  l'est  et  non  loin  des  Baléares,  tandis 
qu'à  l'autre  extrémité  elle  pique  droit  au  Nord  sur  les  côtes  de  Sar- 
daigne,  qu'elle  laisse  à  sa  droite.  Seule  l'isobathe  de  200  mètres  con- 
tourne, et  à  grande  distance  les  côtes  tunisiennes,  les  abîmes  ne 
reparaissant  qu'entre  la  pointe  S.E.  de  la  Sicile  et  la  Crète,  c'est-à- 
dire  fort  loin  des  régions  étudiées  ici.  Or  la  bande  littorale  instable 
semble  bien  être  strictement  limitée  à  l'espace  compris  entre  Bône  et 
Oran,  et  correspondre  ainsi  exactement  au  voisinage  de  l'isobathe  de 
2500  mètres,  tantqu'elle  accompagne  la  côte.  A  l'Est,  il  estcertain  que 
la  séismicité  n'empiète  point  sur  les  côtes  de  Tunisie  ;  mais  à  l'Ouest 
l'instabilité,  nulle  autour  de  Nemours,  où  l'isobathe  s'éloigne  vers  le 
large,  renaît  affaiblie  vers  Melilla.  D'un  autre  côté,  comme  de  l'île 
d'Alboran  aux  Colonnes  d'Hercule  les  isobathes  successives  pénètrent 
de  plus  en  plus  loin  dans  le  détroit  à  mesure  que  la  profondeur 
diminue  vers  l'Ouest,  il  est  permis  de  penser  que  relief  immergé 
et  séismicité  marchent  de  pair. 

En  avant  des  côtes  barbaresques  les  roches  éruptives  tertiaires,  et 
même  plus  modernes,  forment  une  série  de  lambeaux  littoraux  et 
insulaires,  discontinus  et  d'âges  variés,  ne  s'éloignant  jamais  beau- 
coup vers  l'intérieur  des  terres.  C'est  l'indice  d'une  grande  frac- 
ture, ou  ligne  de  moindre  résistance,  parallèle  à  la  côte.  Ces  épan- 

*  Note  sur  les  tremblements  de  terre  en  Algérie  et  dans  l'Afrique  septentrionale  {Ac,  de 
Dijon,  1845-1846,  299). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE  335 

-chements  se  montrent  depuis  le  cap  Blanc  jusqu'aux  Zaffarines,  à 
l'île  d'Alboran  et  dans  TAtlas  marocain.  Cette  bande  éruptive, 
jalonnant  de  bout  en  bout  le  littoral  Nord  des  pays  barbaresques, 
•atteste  la  continuité  et  l'énergie,  pendant  de  longues  périodes,  des 
mouvements  tectoniques  ayant  donné  lieu  au  relief  actuel  de  l'Atlas, 
•au  Sud  de  la  Méditerranée  affaissée. 

Comme  contre-partie  des  paroxysmes  volcaniques,  les  dépôts 
marins,  secondaires  et  tertiaires,  ont  été  dans  la  chaîne  portés  à  des 
altitudes  considérables,  tandis  que  le  bassin  occidental  méditer- 
ranéen occupe  entre  l'Espagne,  l'Algérie,  la  Sardaigne  et  les  Baléares, 
remplacement  d'un  massif  primaire  effondré,  et  dont  les  témoins 
subsistent  en  grand  nombre  le  long  de  la  côte  depuis  le  Djebel 
Edough,  à  l'ouest  de  Bône,  jusqu'à  la  presqu'île  de  Ceuta.  Tous  ces 
fragments  bien  déchus  d'une  vieille  chaîne  archéenne  démantelée, 
qui  bordent  le  massif  immergé  sous  les  eaux,  sont  disséminés  au 
travers  des  couches  secondaires  et  tertiaires  de  T Atlas  tellien,  sou- 
levé en  une  bande  parallèle,  de  sorte  que  le  littoral  se  trouve  compris 
entre  une  zone  maritime  d'effondrement  et  une  zone  continentale  de 
surrection,  deux  mouvements  de  sens  contraires,  mais  concomitants 
et  de  date  peu  reculée,  et  sa  séismicité  se  justifie  ainsi  amplement 
d'une  manière  générale. 

On  pourrait  croire  que  cette  instabilité  séismique  décèle  la  conti- 
nuation, ou  la  survivance,  des  mouvements  d'affaissement.  Il  n'en 
est  rien.  En  effet,  la  Sardaigne  est  aussi  un  débris  du  massif,  et  cepen- 
dant elle  est  absolument  stable,  en  dépit  des  manifestations  volca- 
niques pliocèhes  et  quaternaires  de  sa  côte  occidentale,  où  les 
terrains  tertiaires  lui  font  une  constitution  générale  tout  à  fait  ana- 
logue à  celle  de  l'Algérie  si  instable.  La  Corse,  tout  aussi  rarement 
ébranlée,  est  un  autre  fragment.  Majorque,  dernier  témoin  d*une 
chaîne  plissée  qui  s'étendait  vers  l'Est,  n'est  pas  moins  stable,  et  là 
encore  l'analogie  se  poursuit  par  les  épanchements  volcaniques 
des  Colnmbretes.  D'ailleurs  les  séismes  sous-marins  sont  incon- 
nus, ou  à  peu  près,  dans  cette  partie  de  la  Méditerranée,  et  cela 
malgré  une  très  intensive  navigation.  Quelques  raz  de  marée  d'ori- 
gine séismique  ne  sont  pas  pour  infirmer  cette  constatation.  Ainsi, 
avec  une  grande  similitude  de  structure  ici  ou  là,  d'aussi  grandes  dif- 
rences  de  séismicité  ne  permettent  pas  de  penser  que  l'affaisse- 
ment a  laissé  quelque  trace,  si  faible  soit-elle,  de  mobilité.  Les 
isoséistes  limites  de  certains  tremblements  de  terre  graves  — 
21  août  1856,  2  janvier  1867  —  n'ont  guère  que  mordu  la  côte  de 
Dellys  à  Bône  et  de  Tenès  à  Bougie  respectivement.  Leurs  épicentres 


236 


GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 


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étaient  donc  sous* 
marins,  mais  sans 
qu'on  puisse  dire 
qu'ils  se  trouvas- 
sent sur  la  ligne 
de  fracture,  c'est- 
à-dire  sur  l'iso- 
bathe. Il  faut  con- 
sidérer ces  deux 
observations 
comme  tout  à  fait 
exceptionnelles , 
malgré  l'opinion 
d'Elisée  Reclus  * 
d'après  laquelle 
les  parages  de  Tîle 
Galite  seraientfré- 
quemment  ébran- 
lés, ce  qui  d'ail- 
leurs serait  bien 
extraordinaire  à 
si  peu  de  distance 
d'une  partie  très 
stable  de  la  côte 
africaine. 

Si  maintenant 
on  considère  au 
contraire  la  côte 
elle-même,  on  voit 
qu'elle  présente  de 
Bône  à  Oran  un 
grand  nombre  de 
points  riches  en 
séismes,  et  parfois 
sévèrement  en- 
dommagés. Djid- 
jelli  et  Cherchell, 
en  particulier,  ont 
été  en  de  courts 

*  Nouvelle  Géographie 
univet*8elle,  Xt,  148. 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LÀ  MÉDITERRANÉE  337 

laps  de  temps  le  siège  de  secousses  plus  nombreuses  que  graves.  On 
doit  les  attribuer  à  des  causes  locales  d'instabilité,  tout  à  fait  indépen- 
dantes de  la  ligne  de  fracture  ou  de  moindre  résistance.  Il  faut  en 
voir  Torigine  dans  le  découpage  des  côtes  algériennes  en  lobes  demi- 
circulaires,  comme  taillés  à  Temporte-pièce,  qui  représentent  des 
affaissements  peut-être  subséquents,  secondaires  et  en  relation  avec 
le  mouvement  d'effondrement  et  de  surrection  de  part  et  d'autre  de 
l'isobathe  de  2500  mètres.  L'instabilité  ne  se  montre  donc  pas  au  pied 
du  talus,  mais  à  une  certaine  hauteur,  comme  conséquence  éloignée 
de  l'édification  de  l'Atlas  tellien,  dont  Welsch^  fait  un  événement  post- 
tortonien.  Ses  lieux  d'élection  sont  surtout  les  points  de  contact  des 
terrains  tertiaires  et  quaternaires,  avec  cette  restriction  aux  dires  de 
Chesneau'  et  d'autres  que  si  en  ces  points  les  effets  mécaniques  des 
tremblements  de  terre  sont  le  plus  redoutables,  leurs  épicentres  n'y 
sont  pas  forcément  locahsés.  Tous  ces  golfes  lobés  sont  instables  : 
Philippeville,  Djidjelli,  Bougie,  Alger,  Mostaganem,  Oran  et  peut- 
être  Melilla,  conformément  à  l'opinion  de  Suess  que  de  semblables 
accidents  sont  généralement  le  siège  de  séismes.  Gouraya  et  Ville- 
bourg',  célèbres  par  le  désastre  des  15-16  janvier  1891',  Ténès  et 
Gherchell  doivent  leurs  secousses  aux  dislocations  de  leurs  couches 
tertiaires,  dont  le  peu  de  consistance  aggrave  les  effets. 

Oran  est  un  foyer  notable  d'ébranlement,  et  la  catastrophe  de  1790 
ne  s'est  pas  encore  effacée  du  souvenir  de  la  population  indigène. 
L'instabilité  s'étend  loin  dans  l'Est,  jusqu'à  Perregaux  et  Bélizane.  Il 
est  bien  possible  que  la  dépression  de  la  Sebka  de  Misserghin  joue 
un  rôle  séismogénique,  ainsi  que  des  dislocations  qui,  dans  le  Sahel 
d'Oran,  ont  amené  le  déversement  des  schistes  oxfordiens  par-dessous 
le  Lias,  si  toutefois  l'ancienneté  de  cet  accident  n'est  pas  trop  grande. 

La  chaîne  de  l'Atlas  Tellien  est  parallèle  au  littoral;  sa  surrec- 
tion, concomitante  à  l'effondrement  méditerranéen  de  la  fin  du 
Miocène,  a  entraîné  jusqu'à  nos  jours  l'instabilité  de  son  flanc 
septentrional  au  bord  Sud  de  la  Mitidja,  d'El-Affroun  à  Blidah. 
Un  accident  considérable,  le  pli  renversé  et  étiré  du  massif  de 
Blidah  *,  paraît  pouvoir  rendre  compte  de  la  grande  instabilité  de 

*  Note  sur  les  étages  miocènes  do  l'Algérie  occidentale  (C.  R.  Ac,  Se.  Paris,  CXV, 
566.  1892). 

*  Note  sur  les  tremblements  de  terre  en  Algérie  (Ann.  des  Mines,  1832, 1,  Paris). 

'  A.  Pomel.  Les  tremblements  de  terre  du  15  et  du  16  janvier  (1891)  en  Algérie 
(C.  B.  Ac.  Se.  Paris,  GXII,  643, 1891). 

*  E.  Ficheur.  Sur  l'existence  de  phénomènes  de  recouvrement  dans  TAtlas  de  Blidah 
{Id.,  GXVI,  156, 1893).  Jd,  Sur  le  renversement  des  plis  sur  les  deux  versants  de  l'Atlas  de 
BUdah  (/cf.,CXXlI,  548,  1896). 

Db  MoniMOT.  —  Tremblements  de  terre.  22 


338  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUC 

celte  ligne,  en  même  temps  qu'une  très  mauvaise  situation  des 
centres  habités  sur  des  terrains  sans  consistance,  et  en  discordance 
par  rapport  à  ceux  du  massif,  aggrave  singulièrement  le  danger  des 
secousses,  tandis  que  le  centre  de  la  Mitidja  résiste  ordinairement 
beaucoup  mieux  sur  ses  profondes  couches  alluvionnaires,  formant 
coussin  en  quelque  sorte. 

En  pénétrant  davantage  dans  l'intérieur  de  l'Atlas  tellien,  on  voit 
que,  de  Takitount  à  Fort-National,  la  Kabylie  présente  des  centres 
d'ébranlement  plus  nombreux  que  riches  en  séismes,  ce  qui  est  le 
propre  des  massifs  archéens  et  primaires. 

Il  semble  que  les  tremblements  de  terre  d'Auraale  tirent  leur 
origine  du  massif  du  Dehrah  situé  au  Sud.  Cette  ville  appartient  au 
flanc  Sud  de  l'Atlas,  très  instable  de  Boghar  à  Guelma,  en  passant 
par  Bordj-bou-Arréridj,  Sétif  et  Constantine,  naturellement  à  des 
degrés  très  divers  ;  si  la  surrection  de  la  chaîne  joue  un  rôle  séismo- 
génique  général,  on  doit  toutefois  en  reconnaître  un  plus  immédiat 
aux  efforts  grâce  auxquels  se  sont  formés  les  lacs  tertiaires,  mio- 
cènes et  pliocènes,  de  Sétif,  Bordj-bou-Arréridj  et  Mansourali,  qui 
sont  justement  les  points  les  plus  sévèrement  éprouvés.  Savornin*  a 
constaté  que  la  structure  simple  de  TAtlas  Saharien,  caractérisée 
par  des  ébauches  de  plis  entre  le  Crétacé  supérieur  etl'Èocène  infé- 
rieur, s'est  étendue  dans  la  région  au  nord  des  plaines  du  Hodna. 
Un  géosynchnal  miocène  (Cartennien)  s'y  est  constitué  et  a  subi 
ultérieurement  (fin  du  premier  étage  méditerranéen)  un  nouveau 
plissement,  qui  a  rénové  la  structure  primitive  en  la  compliquant  de 
plis  étirés  et  de  grandes  fractures,  parfois  avec  chevauchements.  Or 
c'est  la  région  de  ces  mouvements  complexes  qui  est  le  théâtre  des 
séismes  du  flanc  méridional  de  l'Atlas  tellien.  L'influence  séismogéni- 
que  de  ce  géosynclinal  peut  être  précisée  davantage  maintenant,  d'a- 
près les  résultats  des  nouvelles  explorations  de  Ficheuretde  Savornin*. 
Au  sud  de  la  dépression  d'Aumale  à  Mansourah,  le  massif  deTOuen- 
nougha  domine  l'extrémité  nord-occidentale  de  celle  du  Hodna  par 
de  larges  croupes  arrondies  et  faiblement  découpées,  qui  s'étendent, 
à  TEst,  jusqu'à  la  Medjana,  au  Nord-Ouest  de  Bordj-bou-Areridj .  Elles 
sont  principalement  formées  de  grès  de  TÉocène  supérieur  et  du 
Miocène  inférieur,  disposés  en  grandes  barres,  échelonnées  en  gra- 
dins réguliers,  sur  près  de  80  kilomètres  de  l'Ouest  à  l'Est,  le  long  du 

*  l^squissc  géologique    des    chaînons    de   TÂtlas,  au  Nord-Ouest  du  Chotl-el-Hodiia 
(C.  R.  Ac.  Se.  PaHs,  CXL,  155,  1905). 

*  Sur  les  terrains  tertiaires  de  l'Ouennougha  et  de  la  Medjana  (C.  R.  Ac.  Se.  Paris, 
CXLI,  148.  1905). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE  339 

liane  méridional  du  massif.  Leur  puissance  de  400  à  500  mètres, 
disent  ces  géologues,  correspond  à  un  dépôt  formé  dans  un  géosyn- 
clinal en  voie  d'affaissement  continu,  qui  s'est  produit  sur  rempla- 
cement de  dômes  crétaciques  à  noyau  jurassique,  résultant  eux- 
mêmes  de  Tarasement  de  plis  anlétertiaires.  Or  cette- région  est  pré- 
cisément jalonnée  à  peu  de  distance  par  les  foyers  séismiques,  au 
moins  apparents,  de  Bordj-bou-Arréridj,  des  Bibans,  de  Mansourah, 
d'Aumale  et  du  Djebel-Dira.  Si  cette  ligne  présente  une  lacune 
d'Aumale  à  Mansourah,  cela  tient  seulement,  sans  doute,  à  Tabsence 
d'importants  centres  habités  dans  cette  dépression.  Ainsi  cette  ligne 
d'épicentres,  parallèle  au  massif,  correspond  exactement  au  géosyn- 
clinal cartennien,  maintenant  relevé,  dont  les  mouvements  jouent 
un  rôle  séismogénique  posthume  d'une  complète  évidence. 

La  vallée  moyenne  du  Chélif,  au  nord  de  TOuarsénis,  sépare  dans 
la  chaîne  deux  parties  dont  les  ébranlements  séismiques  sont  indé- 
pendants et  ne  se  propagent  presque  jamais  de  l'une  à  l'autre. 

Trois  systèmes  généraux  de  plissements  se  montrent  en  Algérie. 
Quelle  influence  séismogénique  directe  possèdent-ils? 

Le  système  le  plus  étendu  affecte  l'Oranie,  instable  en  partie  à  la 
vérité,  mais  en  même  temps  la  région  de  l'alfa  très  stable  depuis  les 
frontières  du  Maroc  jusqu'à  la  dépression  du  Hodna,  ainsi  que 
l'Atlas  saharien  aséismique  jusqu'à  Bou-Saada,  l'Aurès  pénéséis- 
mique,  enfin  le  massif  des  Nemencha,  dont  on  ne  sait  qu'une 
chose,  c'est  que  le  camp  romain  de  Lambessa  avait  été  reconstruit 
en  268  à  la  suite  d'un  tremblement  de  terrée  Ces  plissements  sont 
donc  éteints.  Il  n'en  est  peut-être  pas  de  même  des  deux  autres  sys- 
tèmes qui  s'étendent  l'un,  W.-E.,  sur  toute  la  partie  instable  de 
l'Atlas  tellien,  mais  à  l'exclusion  de  l'Oranie,  et  l'autre  sur  les  régions 
pénéséismique  de  la  Kabylie  et  séismique  du  Hodna.  Mais  il  faudrait 
à  une  affirmation  dans  ce  sens  des  études  plus  circonstanciées  sur 
les  tremblements  de  terre  d'Algérie. 

On  a  déjà  signalé  plus  haut,  et  en  passant,  la  stabilité  de  l'espace 
intermédiaire  entre  les  deux  Atlas,  tellien  et  saharien  ;  c'est  la  région 
des  Chotts,  des  hauts  plateaux,  ou  de  l'alfa,  le  «  petit  désert  »  en  un 
mot.  Elle  résulte  de  ce  que  cette  suite  de  hautes  plaines  est  très 
anciennement  plissée  et  que  le  Jurassique  et  le  Crétacé  n'y  sont 
affectés  que  de  larges  rides  sans  grandes  dislocations. 

L'Atlas  saharien  est  séismique  à  l'Ouest.  A  Laghouat  seulement, 
on  a  signalé  quelques  rares  secousses.  Au  contraire,  l'extrémité  orien- 

*  Gaston  Boissier.  L'Afrique  romaine  [Revue  des  Deux  Mondes,  1894, 1,  498). 


3i0  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

taie  tant  de  la  chaîne  que  de  la  région  des  hauts  plateaux,  c'est- 
à-dire  TAurës  et  le  Hodna,  mais  surtout  cette  dépression,  sont  très 
instables.  En  particulier  M'Silah  est  un  important  centre  d'ébranle- 
ment. Bou-Saada  n'est  pas  non  plus  à  l'abri  des  dommages,  mais 
peut-être  seulement  à  cause  de  sa  position  défectueuse,  sur  des  ter- 
rains détritiques,  à  l'issue  d'une  vallée. 

La  répartition  des  tremblements  de  terre  algériens  est  tout  a  fait 
indépendante  du  réseau  hydro-thermal. 

Abordant  maintenant  la  Tunisie  par  le  Sud,  on  rencontre  tout 
d'abord  Tozeur  avec  quelques  séismes  sur  le  bord  de  la  ligne  des 
Ghotts  Fedjedj,  Djérid,  Rharsa  et  Melrhir,  qui,  en  prolongement  du 
golfe  de  Gabès,  pénètrent  au  loin  dans  le  désert  le  long  d'énormes 
falaises  :  au  nord  sur  140  kilomètres  de  long  jusqu'au  seuil  de  Kritz, 
avec  une  dénivellation  d'environ  500  mètres;  au  Sud  sur  une 
distance  moindre  et  une  différence  de  niveau  de  300  mètres  seulement. 
Gomme  Gabès,  au  débouché  oriental,  est  souvent  sujette  aux  trem- 
blements de  terre,  ainsi  que  le  montre  le  paroxysme  de  juin  188i, 
il  se  pourrait  que  cet  accident  considérable  jouât  un  rôle  séismog^é- 
nique  important  dans  le  Sud  de  la  Régence  ;  c'est  une  boutonnière 
analogue  à  celle  du  pays  de  Bray,  formée  par  un  double  mouvement 
positif  et  négatif.  Les  observations  sont  encore  insuffisantes  pour 
décider  de  l'origine  d'une  région  d'ébranlement  qui  s*étend  peut- 
être  jusqu'au  pied  de  l'Aurès  en  Algérie. 

Plus  au  Nord,  Sfax,  Méhadia  et  surtout  El-Djem  paraissent  cons- 
tituer un  foyer  indépendant  d'instabilité.  Comme  dans  ces  parages 
un  lehm  d'origine  terrestre  recouvre  le  Crétacé  et  s'enfonce  sous  la 
mer,  il  faut  en  conclure  à  un  affaissement  récent,  qu'on  ne  saurait 
cependant  mettre  en  relation  avec  ces  séismes,  ces  mouvements  étant 
communs  avec  d'autres  points  stables  du  littoral  tunisien. 

Le  profil  déchiqueté  du  Zaghouan  se  dresse  à  1  295  m.  au-dessus 
de  la  plaine,  et,  de  très  loin,  sert  d'amer  aux  navigateurs:  c'est  un 
ensemble  de  dômes  liasiques,  alignés  S.  W.  à  N.  E.,  séparés  par 
des  cuvettes  synclinales  '  et  coupés  par  de  nombreuses  failles,  dont 
la  principale,  celle  du  Sud,  accuse,  d'après  Rolland,  un  rejet  de 
1  SOO  m.,  évaluation  que  Pervinquière -  regarde  comme  très  admis- 
sible. Ligne  maîtresse  de  dislocations,  cet  accident  résulte  de  ce  que 
les  poussées  orogéniques   ont  rencontré  une  résistance;  le  Djebel 

*  Ficheur  et  Haug.  Sur  les  dômes  liasiques  du  Zaghouan  et  du  Bou-Kournin  (C.  R.  Ac.  Se, 
PaW«,CXXn,  1354,1896;. 

•  Etude  géologique  de  la  Tunisie  centrale  [Régence  de  Tunis.  Carte  géologique  de  ia 
Tunisie.  Paris,  1903). 


BASSIN  OCCIDENTAL  DE  LA  MÉDITERRANÉE  341 

Zaghouan  est  le  principal  d'entre  ces  dômes  ;  son  flanc  nordcorrespond 
à  la  profonde  échancrure  du  i^olfe  de  Tunis  et  à  l'isolement  du  cap  Bon. 
11  est  impossible  de  méconnaître  la  relation  des  séismes  des  envi- 
rons de  Tunis  avec  un  accident  tectonique  de  cette  ampleur,  mais 
sans  que  ses  tremblements  de  terre  soient  jamais  destructeurs,  si 
on  en  excepte  toutefois  le  désastre  plus  ou  moins  authentique  d'Utique 
en  407  ou  410.  En  Kroumirie,  un  petit  foyer  d'ébranlement  paraît 
exister  du  Kef  à  Béja,  suivant  la  direction  de  TOued  Mellëgue,  affluent 
de  droite  de  la  Medjerda,  c'est-à-dire  parallèlement  à  la  faille  du 
Zaghouan,  ce  qui  corrobore  la  supposition  faite  plus  haut  de  son 
influence  séismogénique,  complétant  ainsi  celle  qu'elle  exerce  mani- 
festement sur  la  tectonique  de  ce  bassin  par  des  accidents  subor- 
donnés. 

On  a  déjà  eu  à  signaler  la  stabilité  du  littoral  nord-tunisien  simul- 
tanément avec  la  disparition  des  grands  fonds,  circonstance  déjà 
bien  souvent  notée,  et  qui  coïncide  ici  avec  la  séismicité  de  l'Al- 
gérie. 

D'une  façon  générale,  l'instabilité  séismique  de  la  Tunisie  n'atteint 
pas  le  degré  qu'on  aurait  pu  attendre  de  son  histoire  géologique  telle 
que  l'a  résumée  Pervinquière  dans  son  important  mémoire,  dont 
nous  allons  reproduire  presque  textuellement  les  principales  conclu- 
sions pour  ce  qui  concerne  surtout  le  centre  du  pays.  Tout  concorde, 
en  effet,  pour  y  montrer  des  vicissitudes  très  récentes  et  de  grande 
ampleur,  qui  auraient  dû  se  traduire  actuellement  par  une  séismicité 
bien  plus  accentuée  que  celle  observée  réellement.  A  plusieurs 
reprises  les  actions  de  plissement  se  sont  manifestées,  à  l'ère  paléo- 
zoïque  d'abord,  puis  après  le  dépôt  des  calcaires  du  Lias  ;  c'estalors 
que  s'érigèrent  le  Zaghouan  et  d'autres  massifs  analogues  du  centre 
de  la  Tunisie.  Mais  le  mouvement  le  plus  important,  celui  qui  donna 
aux  montagnes  leur  forme  actuelle,  au  moins  dans  les  grands  traits, 
est  postérieure  au  Miocène  moyen,  ou  même  supérieur,  puisque  les 
couches  de  cet  étage  sont  redressées.  Ce  fut  la  grande  époque  des 
plissements,  bientôt  suivie  d'une  autre  presque  aussi  intense. 
D'autres  mouvements  amenèrent  par  endroits  les  poudingues  ou  grès 
pliocènesjusqu'à  la  verticale.  On  a  donc  là  les  preuves  d'un  mouve- 
ment fort  important,  quoique  de  date  ti'ès  récente.  Aucun  mouvement 
postérieur  à  ce  dernier  ne  peut  être  constaté  dans  le  centre;  mais 
les  plages  soulevées  de  Monastir  et  autres,  indiquent  que  le  niveau 
du  rivage  a  varié  par  rapport  à  celui  de  la  mer  pendant  les  temps 
pléistocènes.  Le  peu  de  temps  écoulé  depuis  les  dernières  vicissi- 
tudes de  plissement  se  démontre  encore  par  le  fait  que  le  trait  le 


342  GÉOGRAPHIE  SÊISMOLOGIQUE 

plus  saillant  de  l'hydrographie  tunisienne  est  Tétroile  dépendance 
dans  laquelle  se  trouvent  les  rivières  par  rapport  au  relief,  ce  qui  est 
une  preuve  de  la  jeunesse  de  ce  dernier.  Les  oueds  courent  parallè- 
mentaux  plis,  les  contournent  pour  profiter  des  abaissements  d'axe, 
mais  ne  les  coupent  que  d'une  manière  tout  à  fait  exceptionnelle,  c« 
qui  les  oblige  à  des  détours  inGnis.  En  résumé,  le  relief  de  la  Tunisie 
résulte  de  vigoureuses  actions  très  récentes  et,  cependant,  elle  ne 
compte  point  parmi  les  régions  vraiment  instables  du  pourtour  de  la 
Méditerranée;  il  y  a  là  une  anomalie,  difficile  à  expliquer  en  l'état 
actuel  de  nos  connaissances. 

Le  Maroc  est  fort  peu  connu  au  point  de  vue  des  tremblements 
de  terre.  Il  y  a  tout  lieu  de  penser  que  la  bande  primaire  de  la  côte, 
entre  Melilla  et  le  détroit  de  Gibraltar,  doit  y  être  peu  sujette.  Du 
bassin  de  la  Moulouya  et  de  l'Atlas  marocain  l'on  ne  sait  absolument 
rien. 

Tétouan,  Ceuta  et  Tanger,  bref  les  abords  même  du  déli-oit,  sont 
assez  souvent  secoués;  ces  parages  participent  ainsi  en  quelque 
mesure  à  l'instabilité  de  l'Andalousie. 

Les  chocs  consécutifs  au  grand  désastre  de  Lisbonne  du  i*'  novem- 
bre 1755  ont  eu  dans  le  Maroc  septentrional,  surtout  à  Fez  et  à 
Mequinez,  des  effets  destructeurs,  qui  sont  venus  compléter  les  ruines 
du  séisme  principal.  On  serait  tenté  d'y  voir  des  tremblements 
de  terre  de  relai  de  cet  événement  fameux  dans  les  annales 
séismiques,  et  dont  le  foyer  se  trouvait  certainement  dans  l'océan. 
Mais  comme  Rabat  et  Saleh,  ainsi  que  Fez  et  Mequinez,  ont  à  d'autres 
époques  souffert  tout  à  fait  indépendamment  des  séismes  de  l'embou- 
chure du  Tage,  il  est  probable  que  le  bassin  du  Sebou  renferme  une 
région  instable  autonome,  soit  par  suite  d'un  reste  de  mobilité  des 
accidents  qui  ont  découpé  l'Atlas  marocain  en  une  triple  série  de 
terrasses  successives,  paléozoïque,  secondaire  et  tertiaire  *,  soit 
comme  conséquence  posthume  des  efforts  orogéniques  et  tectoniques 
qui  ont  donné  accès  par  l'Oranie  à  la  mer  miocène  venant  de  l'Ouest, 
simultanément  avec  l'existence  du  détroit  bétique  :  ce  détroit, 
symétriquement  placé  dans  la  vallée  du  Guadalquivir,  et  main- 
tenant émergé  aussi,  est  autour  de  Grenade  d'une  instabilité  de 
même  ordre. 

On  ne  saurait  rien  dire  des  quelques  séismes  sévères  signalés  à 
Marrakech  et  Agadir.  On  sait  seulement  que  le  massif  qui  les  sépare 
est  extraordinairement  disloqué. 

'  Brivos.  Sur  la  constitution  géologique  du  Maroc  occidental  {C.  H.  Ac,  Se,  Paris, 
CXXXIV,  92f.  1902). 


CHAPITRE  XIX 

EMBOUCHURE  DU  TAGE  ET  ATLANTIQUE  SUBTROPICAL 

DU  NORD 


Le  fameux  tremblement  de  terre  de  Lisbonne  du  1"  novembre  1755 
a  rendu  le  Portugal  tristement  célèbre  au  point  de  vue  séismique,  et 
les  relations  de  cet  événement  véritablement  historique  se  rencontrent 
partout.  Depuis  longtemps,  l'opinion  a  prévalu  que  son  épicentre  se 
trouvait  quelque  part  dansTOcéan  Atlantique,  et  le  tracé  de  la  limite 
de  son  aire  pléistoséiste  par  Choffat*  est  venu  confirmer  ce  qui 
n'était  jusqu'alors  qu'une  opinion,  et  que  rend  bien  probable  aussi  le 
grand  travail  de  Wœrle\  La  région  instable  du  Portugal  ne  se  res- 
treint pas  uniquement  aux  abords  de  Tembouchure  du  Tage,  elle 
s'étend  au  moins  jusqu'à  Setubal,  qui  a  notablement  souffert 
le  11  novembre  1858.  Cette  ville  se  compose  de  trois  parties  se  suivant 
les  unes  les  autres  de  l'Ouest  à  l'Est  :  Palhaes,  sur  un  sable  gros- 
sier pliocène  et  une  argile  solide;  la  partie  moyenne,  puis  Troino,  la 
plus  orientale,  qui  reposent  sur  des  alluvions  modernes  et  souffrirent 
le  plus.  Cette  inégalité  dans  les  dommages  subis  est  attribuée  par 
Choffat  à  une  relation  entre  le  séisme  dont  il  s'agit  et  une  dislo- 
cation, car,  dit-il,  les  quartiers  ruinés  se  trouvent  à  l'intersection  de 
deux  failles  N.-S.  et  N.  E.-S.  W.  qui  limitent  la  chaîne  du  Viso.  Ces 
conclusions  ne  nous  paraissent  pas  admissibles  :  en  effet,  Setubal  est 
trës  près  du  bord  de  l'aire  pléistoséiste,  et  les  effets  à  expliquer  sont 
simplement  dus  à  des  différences  de  solidité  des  sous-sols,  comme 
cela  se  présente  si  souvent  :  simple  conséquence  de  phénomènes 
secondaires  de  propagation.  Le  grand  tremblement  de  terre  de  1755 
a  présenté  des  circonstances  tout  à  fait  analogues  ;  Rudolph  est 
tombé  à  son  sujet  dans  la  môme  erreur,  et  il  en  place  l'épicentre  dans 

*  Les  tremblements  de  terre  de  1903  en  Portugal  (Extrait  du  Bull,  du  Service  géol. 
du  Portugal,  Traduit  en  allemand  par  M.  Luckmann  dans  Die  Erdbebenwarte,  IV,  12, 1904. 
1903,  Laibach). 

*  Der  Erschûtteningsbezirk  des  grosscn  Erdbebcns  von  Lissabon  (Mûnchner  geogr, 
Studien.  Herausgeg.  von  S.  Gûnthcr,  8«*  St.  Mùnchcn,  1900). 


344  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

le  haut  de  la  banlieue  de  Lisbonne,  estimant  que  le  retrait  du  Taçe 
et  son  désastreux  flot^de  retour  ne  suffisent  pas  à  démontrer  rorigine 


Fig.  57.  «~  Aires  pléistoséisies  des  principaux  tremblements  de  terre 
du  Portugal  (d'après  GhofTat). 

sous-marine  du  séisme  et  ne  furent  que  sa  conséquence  directe  et 
immédiate  sur  le  sous-sol  de  l'embouchure  elle-même  du  fleuve.  Au 
contraire,  les  tracés  qu'a  donnés  Choffat  de  Taire  pléistoséiste  de  1755 
et  des  isoséistes  des  tremblements  de  terre  du  11  novembre  1858, 


EMBOUCHURE  DU  TAGE  345 

du  9  août  et  du  14  septembre  1903,  démontrent  péremptoirement  leur 
origine  sous-marine,  déduction  à  étendre  à  d'autres  séismes  moins 
bien  étudiés,  mais  qui  semblent  n'avoir  fait  que  mordre  les  côtes 
portugaises.  Ainsi  donc,  il  faut  dénier  toute  influence  séismogéniquo 
directe  aux  mouvements  qui  ont  relevé  l'ancien  golfe  tertiaire,  repré- 
senté par  l'estuaire  actuel,  ainsi  qu'aux  dislocations  de  l'Arrabida. 
Cette  chaîne  est  formée  de  plis  asymétriques  qui  tombent  sur  la  côte 
par  effondrement  de  leurs  flancs  méridionaux,  et  s'il  existe  à  terre 
quelque  foyer  très  local,  ce  qui  paraît  d'ailleurs  fort  probable, 
il  ne  s'agit  là  que  de  secousses  sans  importance,  et  les  grands 
séismes  du  Sud-Ouest  du  Portugal  sont  indépendants  de  ces  acci- 
dents. 

De  tout  cela  résulte  sans  conteste  que  le  tremblement  de  terre 
de  1755,  et  ceux  moins  importants  qui  l'ont  suivi  ou  précédé,  tirent 
leur  origine  de  l'océan,  dans  le  S.  W,,  si  bien  que  Choffat  en 
conclut  qu'autrefois  les  séismes  abordaient  le  Portugal  par  les 
Algarves,  plus  souvent  autrefois  que  maintenant,  affirmation  qui 
nous  paraît  insuffisamment  démontrée.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  existe 
dans  ces  parages  maritimes  une  structure  remarquablement  tour- 
mentée, indice  de  vicissitudes  géologiques  auxquelles  on  doit  sans 
doute  attribuer  les  séismes  en  question.  En  effet,  à  200  kilomètres  à 
rW.  S.  W.  du  cap  Saint-Vincent,  le  banc  de  Gorringe  forme  sépara- 
tion entre  deux  abîmes  de  5  000  mëtres.  Celui  du  Sud  peut  avoir  eu, 
dit  Choffat,  quelque  influence  sur  la  formation  de  la  côte  des  Algarves, 
il  serait  donc  en  relation  avec  la  structure  tectonique  du  Sud-Ouest 
de  la  péninsule  et  se  relierait  à  la  dislocation  de  la  Sierra  Morena, 
tandis  que  celui  du  Nord  se  dirige  droit  vers  la  côte  de  l'Alemtejo  et 
aboutit  aux  embouchures  du  Tage  et  du  Sado. 

Dans  un  voyage  aller  et  retour,  exécuté  du  28  juillet  au  28  sep- 
tembre 1901,  entre  Hambourg  et  Rio  de  Janeiro,  Hecker*  a  fait  des 
observations  nombreuses  sur  les  variations  de  la  gravité.  Il  en  est 
résulté  que,  malgré  des  fluctuations  diverses,  les  anomalies  varient 
de  — 1"'",77  à  +  1"",61  par  rapport  à  la  valeur  normale  de  g.  Trois 
maxima  se  manifestent  nettement  :  vers  l'embouchure  du  Tage  ;  au 
voisinage  du  Rocher  Saint-Paul  ;  le  long  des  côtes  du  Brésil.  Les 
deux  premiers  correspondent  à  des  régions  scismiques  ;  le  dernier  à 
une  région  au  contraire  aséismique.  Ainsi,  à  elles  seules  ces  obser- 
vations ne  suffiraient  pas  à  établir  entre  les  deux  ordres  de  phéno- 

'  Besllmmang  der  Schwerkraft  auf  dem  atlantiscben  Ozcan,  sowie  in  Rio  de  Janeiro, 
Lissabon  und  Madrid  {Verôffentlichung  des  Kôn.  preuss.  geodâtischen  Inst.,  Neue 
Polge,  N*  il.  Berlin.  1903). 


316  GIÎOGRâPHIE:  SIÎISMOLOGIQUE 

mènes  un  lien  à  l'abri  de  toute  critique.  Mais  si  Ton  se  reporte  à  ce 
qui  a  été  signalé  pour  la  Russie  méridionale,  la  plaine  indo-gangétique 
et  ritalie  méridionale,  l'exception  relative  aux  côtes  du  Brésil  perd 
de  son  importance,  puisque  dans  cinq  cas  sur  six,  il  y  a  coïncidence 
entre  les  maxima  des  anomalies  de  la  pesanteur  et  l'instabilité  séîs- 
mique.  On  a  antérieurement  rappelé  l'ingénieuse  explication  qu'a 
donnée  de  Lapparent  de  cette  relation  expérimentale,  au  point  de  vue 
géologique. 

Procédant  par  analogie,  les  géologues  admettent  assez  générale- 
ment que  les  plissements  alpins  ont,  comme  leurs  devanciers,  calé- 
doniens et  hercyniens,  franchi  l'Atlantique  pour  affecter  la  zone  des 
Antilles,  où  ils  existent  sans  discussion  possible,  ainsi  qu'on  le  verra 
plus  loin.  En  dehors  d'anciennes,  mais  bien  vagues  traditions, 
d'ailleurs  maintenant  considérées  comme  sans  base  aucune,  dont 
on  ne  saurait  faire  état  ici,  et  relatives  à  la  disparition  sous  les 
yeux  de  rho[nme  d'un  continent  occidental,  l'Atlantide,  bien  des 
raisons  géologiques  et  zoogéographiques  militent  en  faveur  de  l'ef- 
fondrement récent  de  terres  dans  l'Atlantique  subtropical  au  Nord 
de  l'équateur  et  sur  le  trajet  supposé  des  mouvements  alpins  entre 
le  Maroc  ou  le  Sud-Ouest  de  la  péninsule  ibérique  et  les  Antilles.  La 
question  est  encore  bien  discutée,  mais  si  les  archipels  qui  émer- 
gent de  cette  partie  de  l'océan,  Açores,  Canaries  et  îles  du  Cap  Vert, 
n'appartiennent  pas  aux  continents  voisins,  dont  ils  sont  séparés  par 
de  grandes  profondeurs,  leur  constitution  essentiellement  volca- 
nique et  la  présence  de  sédiments  miocènes  prouvent  qu'ils  ne  fai- 
saient pas  non  plus  partie  du  continent  supposé  effondré,  et  dont 
la  côte  méridionale  se  trouvait  ainsi  forcément  plus  au  Nord.  Si  donc 
les  plissements  alpins  ont  franchi  l'Atlantique,  c'est  près  de  leurs 
bords  qu'ils  ont  affecté  les  terres  disparues  et  en  avant  desquelles 
les  fractures  éruptives  ont  pris  naissance. 

Les  tremblements  de  terre,  pax»  la  continuité  de  leurs  foyers  entre 
l'Europe  et  l'Amérique  dans  cette  région  de  l'Atlantique,  apportent 
à  eux  seuls  un  puissant  argument  en  faveur  de  Thypothèse  que 
les  vicissitudes  tertiaires  ont  passé  pour  ainsi  dire  sans  discontinuité 
d'un  continent  à  l'autre.  On  vient  de  monti'er  que  ceux  du  Sud-Ouest 
du  Portugal  tirent  leur  origine  de  ces  parages  océaniques,  où,  de 
plus,  de  nombreuses  secousses  exclusivement  sous-marines  ont  été 
signalées.  Ces  observations  couvrent  tout  l'espace  compris  entre  la 
péninsule  ibérique,  les  Açores,  les  Canaries  et  les  Petites  Antilles, 
et  cette  bande  sous-marine  d'ébranlement  ne  s'étend  ni  au  Nord,  ni 
au  Sud,  restriction  hors  de  doute  puisque  la  navigation  est  aussi 


ATLANTIQUE  SUBTROPICAL  DU  NORD  U7 

active  au  delà  des  limites  de  la  zone  en  question.  Les  séismes  se 
répartissent  donc  de  manière  à  corroborer  Thypothèse. 

La  zone  séismique  sous-marine  passe  au  Sud  des  Açores,  où  la 
présence  du  Miocène  montre  bien  que  ces  îles  sont  au  Sud  de 
l'Atlantide  supposée.  Par  conséquent,  les  mouvements  méditerra- 
néens n'auraient  laissé  de  souvenir  posthume,  sous  forme  d'instabi- 
lité, qu'au  fond  de  la  mer  qui  bordait  ces  terres  au  Sud,  et  cela  vient 
à  l'appui  de  l'opinion  de  Suess  *,  à  savoir  que  les  accidents  produits 
par  les  mouvements  en  question  se  sont  retournés  autour  du  détroit 
de  Gibraltar  et  qu'on  ne  peut  en  chercher  la  continuation  sur  le 
continent  africain  que  dans  le  prolongement  de  l'Atlas  marocain, 
au  nord  de  l'Oued  Draa,  région  encore  bien  mal  connue. 

Ce  passage  supposé  des  plissements  alpins  au  travers  de  l'Atlan- 
tique subtropical  ne  va  cependant  pas  sans  de  sérieuses  objections, 
et  de'Launay,  par  exemple,  ne  pense  pas  que  la  chaîne  alpine  se 
soit  jamais  prolongée  ainsi  sous  forme  de  ridements  montagneux 
de  direction  E.-W.,  car,  môme  après  effondrement,  il  s'y  mani- 
festerait des  relèvements  de  fonds  qu'on  n'aperçoit  pas.  D'un 
autre  côté,  on  vient  de  voir  que  les  séismes  sous-marins  s'obser- 
vent surtout  au  Sud  des  Açores,  et  il  en  devait  être  ainsi.  En 
effet,  dès  l'époque  cambrienne  une  mer  intérieure  s'étendait  sur 
l'Atlantique  actuel  entre  les  points  qui  sont  devenus  maintenant  l'Es- 
pagne et  la  côte  orientale  des  États-Unis,  esquissant  de  la  sorte  un  pro- 
longement de  la  Méditerranée  future,  dont  elle  était  pour  ainsi  dire  une 
ébauche  et  le  point  de  départ,  Tamorce  en  un  mot.  Tout  en  conservant 
la  même  origine  en  Amérique,  cette  mer  intérieure,  entre  les  masses 
nord  et  sud-atlantique,  s'est  graduellement  infléchie  vers  le  Sud,  et  à 
l'époque  westphalienne  elle  passait  largement  au  Sud  de  l'Atlas  pour 
aller  englober  le  bassin  oriental  de  la  Méditerranée  et  rejoindre  le  Pa- 
cifique par  le  Gobi.  On  serait  tenté  de  trouver  là  une  explication  de 
la  position  des  séismes  sous-marins  au  Sud  de  l'Archipel  des  Açores. 

Les  Açores  sont  surtout  connues  par  leurs  conflagrations  volca- 
niques*, aussi  fréquentes  dans  la  mer  d'alentour  que  sur  les  îles 
elles-mêmes,  ce  qui  ne  les  empêche  pas  d'être  le  théâtre  de  violents 
tremblements  de  terre  tout  à  fait  indépendants  des  phénomènes 
éruptifs.  Tel  ne  doit  cependant  pas  être  le  cas  pour  les  nombreuses 

*  Ueber  die  Asymmotric  dor  nOrdlichcn  lialbkugd  (SilzunQsb.  tl.  K.  Ak.  d.  Wiss., 
Sitzl  voiii  21  April  4898). 

'  L.  de  Araujo.  Memonas  de  Tremores  mais  notaveles  e  irrupçoes  de  fogo,  aconlecidos 
nos  ilhas  dos  Açores.  15ii-1800  (Lisboa,  i801). 

Al.  PciTcy.  Documents  sur  les  treniblernents  de  terre  et  les  éruptions  volcaniques 
dans  le  bassin  de  l'Océan  Atlantique  (Mém.  Ac.  de  Dijon,  1817,  48). 


348  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUC 

secousses  qui  ont,  en  1867,  ébranlé  Serreta,  dans  l'Ouest  de  l'île  Ter- 
ceira,  car  un  mois  après,  à  peine,  une  éruption  sous-marine  éclatait 
dans  le  voisinage.  Leur  nature  volcanique  est  donc  à  peu  près 
indiscutable.  Elles  font  ainsi  bien  partie  de  la  zone  séismique  dont  la 
continuité  avec  celle  de  Tembouchure  du  Tage,  démontrée  plus  haut, 
est  encore  accentuée  par  le  fait  que  bien  des  séismes  ont  ébranlé 
simultanément  le  Portugal  et  l'archipel.  Les  îles  extrêmes  de  l'Ouest, 
Flores  etCorvo,  n'ont  pas  jusqu'ici  donné  lieu  à  des  observations  de 
secousses  propres^  mais  on  ignore  si  ce  fait  ne  résulte  pas  unique- 
ment de  ce  que  ces  îles  sont  beaucoup  moins  visitées  que  les  autres. 


Terœira 


F'ig,  58.  —  Açores. 

On  ne  saurait  passer  ici  sous  silence  les  intéressants  résultats  des 
plus  récents  sondages,  exécutés  à  bord  de  l'Hirondelle  en  1903.  Ils 
ont  été  résumés  ainsi  qu'il  suit  par  Thoulet*  :  «  Les  sept  îles  orien- 
«  taies  de  l'archipel  des  Açores  apparaissent  comme  les  sommets 
«  d'un  immense  cratère  en  demi-cercle  dont  l'ouverture  est  tournée 
«  vers  le  Sud.  Le  sol  sous-marin  est  hérissé  de  pics  aux  flancs 
((  abrupts  et  de  caldeiras,  véritables  cratères  adventifs  aux  pentes 
<(  raides.  Si  l'on  supprime  par  la  pensée  l'eau  qui  recouvre  le  lit 
«  marin,  on  verra  que  celui-ci  possède  une  ressemblance  parfaite 
«  avec  un  paysage  lunaire,  ou,  pour  prendre  une  image  moins  loin- 
ce  taine,  avec  les  Champs  Phlégréens  près  de  Naples.»  il  n'est  guère 
possible,  nous  semble-t-il  du  moins,  qu'une  structure  aussi  remar- 
quable et  d'une  telle  ampleur  ne  résulte  que  d'efforts  volcaniques,  et 
que  de  gigantesques  efforts  tectoniques  ne  soient  encore  en  œuvre 
et  capables  de  rendre  compte  des  tremblements  de  terre  des  Açores. 
Madère,  entourée  de  toutes  parts  de  grandes  profondeurs  océa- 
niques, participe  de  la  constitution  aussi  bien  volcanique  que  sédi- 
mentaire  (tertiaire)  des  Açores,  surtout  de  Santa  Maria,  la  plus  orien- 
tale de  ces  dernières.  D'après  Oswald  Heer,  son  émersion  serait 

*  Océanographie  de  la  région  des  Açores  (C.  A.  Ac.  Se,  Paris,  GXXXVIH,  1643,1904,]. 


ATLANTIQUE  SUBTROPICAL  DU  NORD  349 

quaternaire,  si  ron  s'en  rapporte  aux  plantes  fossiles  trouvées  sur 
son  versant  septentrional  et  aux  coquilles  terrestres  qui  forment  de 
prodigieux  amas  dressés  en  muraille  au  cap  SaôLourenço.  Des  trem- 
blements de  terre  autonomes  y  sont  plutôt  rares,  en  tout  cas  jamais 
sévères. 

Les  Canaries,  d'ailleurs  toutes  d'origine  volcanique*,  en  partie  au 
moins,  forment  deux  groupes  distincts  :  Lanzarote  et  Fuerteventura, 
à  TE.,  plates-formes  allongées,  et  les  autres,  à  T  W.,  cônes  éruptifs  s'é- 
levant  de  grandes  profondeurs.  Les  deux  premières  paraissent  conti- 


Fig.  59.  —  Canaries. 

nuer  l'Atlas  marocain,  brusquement  coupé  au  cap  Ghir  ;  aussi  des  géo- 
logues les  considèrent-ils  comme  les  fragments  d'une  ancienne  terre 
effondrée,  et  dont  l'écroulement  a  favorisé  les  manifestations  érup- 
tives.  En  général,  l'archipel  canarien  semble  assez  stable  et  Ton  n'y 
connaît  aucun  tremblement  de  terre  désastreux,  pas  plus  qu'on  n'a 
signalé  d'éruptions  sous-marines  aux  alentours,  comme  il  y  en  a 
eu  tant  dans  les  Açores. 

Les  îles  du  Cap  Vert  sont  volcaniques  aussi,  mais  il  paraît  qu'un 
substratum  ancien  de  gneiss  et  de  granité  y  prend  une  certaine 
importance.  Elles  constitueraient  ainsi  un  vieux  débris,  émergeant 
au  bord  d'un  raide  talus  de  4  000  mètres  et  dont  le  morcellement 
aurait  favorisé  par  fracture  la  sortie  des  produits  éruptifs.  Aucune 
trace  de  plissement  récent  n'y  a  été  relevée,  ce  qui  s'accorde  bien 
avec  leur  stabilité  plus  grande  que  celle  des  Canaries,  car  le  trem- 
blement de  terre  destructeur  signalé  par  C.  W.  Fuchs  pour  le 
5  mars  1873  ne  paraît  guère  authentique. 

*  L.  de  Bach.  Description  physique  des  tles  Canaries  (Paris,  1836). 
Sainte-Glaire  De  ville.  Éludes  géologiques  sur  les  îles  de  Ténériffe  et  de  Fogo  (Paris, 
1847). 


330  GÉOGRAPUIE  SÉISMOLOGIQUE 

Les  Bcrmudes  ferment  au  N.  W.  la  partie  de  l'Atlantique  dont  il 
s'agit  ici.  On  y  connaît  un  certain  nombre  de  secousses,  d'ailleufs 
sans  gravité.  Suess  considère  leurs  parties  les  plus  élevées  comme  un 
lambeau  isolé  de  la  grande  plaine  tertiaire  de  la  Floride.  Ces  îles 
devraient  alors  jouir  de  la  même  stabilité  que  la  presqu'île  améri- 
caine et  les  Bahamas,  de  sorte  que  ces  séismes  ne  leur  seraient  pas 
propres  et  proviendraient  du  fond  atlantique  instable  à  des  degrés 
divers  jusque  dans  ces  parages,  et  dont  les  profondeurs  sont  exces- 
sives jusqu'aux  Antilles.  D'autres  auteurs,  comme  de  Lapparent, 
regardent  les  Bermudes  comme  édifiées  par  des  coraux  au  sommet 
d'un  cône  volcanique  tronqué  et  pensent  que  plusieurs  vicissitudes 
y  auraient  laissé  leurs  traces  depuis  la  fin  des  temps  tertiaires.  Dans 
cette  supposition,  les  séismes  trouveraient  une  origine  tectonique 
plus  certaine. 

On  a  suggéré  plus  haut  que  le  golfe  du  Tage  doit  indirectement  sa 
séismicilé  au  voisinage  du  trajet  suivi  au  travers  de  l'Atlantique  par 
les  plissements  méditerranéens.  De  la  même  façon,  à  l'autre  extré- 
mité de  la  zone  océanique  d'ébranlement,  se  rencontre  sinon  une  ré- 
gion séismique,  du  moins  un  point  :  Cliarleston,  qui,  le  31  août  i886, 
a  été  dévasté  par  un  tremblement  de  terre.  Cette  symétrie  de  posi- 
tion avec  Lisbonne  permet  de  penser  que,  là  aussi,  les  mouvements 
tertiaires  peuvent  avoir  eu  cette  conséquence  posthume,  rappelant  la 
catastrophe  de  1755.  Cette  hypothèse  doit  cependant  n'être  énoncée 
que  sous  les  plus  expresses  réserves,  parce  que  les  secousses  sous- 
marines  ne  dépassent  pas  les  Bermudes  au  Nord,  contrairement  à  la 
continuité  séismique  bien  reconnue  entre  le  Portugal  et  les  Açores, 


QUATRIÈME  PARTIE 

LE  GÉOSYNCLINAL  CIRCUMPACIFIQUE 


Le  géosynclinal  circumpacifique  se  définit  de  lui-même  du  cap 
Horn  au  détroit  de  Bering  et  à  la  Nouvelle-Zélande.  C'est  un 
immense  bourrelet  de  grandes  chaînes  plissées,  de  surrection  ter- 
tiaire, autour  du  Grand  Océan,  et  entouré  extérieurement  par  des 
terres  d'architecture  tabulaire  on  d'ancienne  consolidation,  versants 
orientaux  des  deux  Amériques,  Sibérie,  Cliine  et  Australie.  Les 
tlancs  intérieurs  sont  abrupts,  surtout  du  côté  américain,  où  les 
chaînes  atteignent  leur  maximum  d'élévation  ;  mais,  sur  toute  la 
périphérie,  les  profondeurs  océaniques  sont  considérables  à  peu  de 
distance  des  côtes.  Cette  ride  circulaire,  morcelée  dans  sa  moitié 
asiatique,  renferme  les  régions  les  plus  instables  du  globe,  et  les 
tremblements  de  terre  la  désolent  sur  tout  son  pourtour,  tandis  que 
les  volcans  s'y  répartissent  si  régulièrement  qu'on  Ta  dénommée  le 
«  Cercle  de  feu  ».  Borde-t-elle  un  ancien  continent  pacifique,  mainte- 
nant effondré?  La  question  est  bien  controversée,  mais  ce  n'est  pas 
le  lieu  de  la  discuter  ici,  les  raisons  d'instabilité  séismique  y 
étant  par  ailleurs  surabondantes. 

Si  la  question  d'un  ancien  continent  pacifique  effondré  est  encore 
trës  discutée,  on  s'accorde  cependant,  en  général,  à  considérer, 
dit  de  Launay,  <c  son  cercle  côtier  comme  une  immense  cassure  de 
«  l'écorce,  une  zone  d'affaissement  remarquablement  continue, 
«  entourant  un  compartiment  plus  solide,  autour  duquel  s'est  fait, 
«  à  l'époque  tertiaire,  un  rempli  montagneux.  La  ligne  de  rivage 
«  n'est  pas  là  un  fait  accidentel,  mais  un  fait  d'origine  géologique 
«  profonde  ».  Mais  si  ce  trait  est  admis  de  tous,  l'existence  du 
continent,  regardée  presque  comme  certaine  par  Haug  et  d'autres. 


353  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

est  niée  catégoriquement  par  de  Lapparent  et  Koken  ',  qui  voient 
dans  le  Grand  Océan  un  des  accidents  les  plus  anciens  du  relief 
terrestre.  Accentué  considérablement  pendant  le  Tertiaire,  il  avait  dû 
être  au  moins  esquissé  anciennement,  puisque  dfes  la  fin  de  l'ère  pri- 
maire Tilot  des  Âlontagnes  Rocheuses  faisait  le  pendant  du  môle 
sino-sibérien,  que  Ton  rencontre  l'indication  d'une  certaine  proximité 
de  rivages  au  Kamtchatka  et  en  Corée  et  qu'enfin  la  côte  américaine 
du  Pacifique  date  du  Trias.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'instabilité  de  la  péri- 
phérie s'explique  dans  l'une  et  l'autre  hypothèse. 

On  va  parcourir  rapidement  ces  régions  à  tremblements  de  terre, 
du  détroit  de  Magellan  à  la  Nouvelle-Zélande. 

Le  Chili  est  extrêmement  instable,  sauf  au  sud  de  Valdivia  jus- 
qu'au cap  Horn  ;  c'est  que,  dans  cette  partie  méridionale,  la  chaîne 
des  Andes  est  fortement  abaissée  et  qu'en  même  temps  les  fonds 
marins  se  relèvent  loin  dans  l'Ouest,  observation  à  l'appui  de  l'hypo- 
thèse d'une  terre  effondrée,  au  moins  dans  ces  parages.  Au  nord  de 
cette  ville,  au  contraire,  la  séismicité  la  plus  intense  règne  presque 
uniformément  jusqu'au  Pérou,  ce  qui  correspond  aux  grandes 
altitudes  de  la  Cordillère  et  à  l'approfondissement  simultané  de 
l'Océan,  tel  qu'en  bien  des  points,  entre  la  crête  et  le  fond  de  la 
mer,  la  dénivellation  atteint  d'un  seul  jet  jusqu'à  12000  mètres  ;  et 
ce  sont  précisément  là  que  se  rencontrent  les  points  les  plus  expo- 
sés. Les  Andes  occuperaient  ici  remplacement  d'un  ancien  golfe  ou 
synclinal  jurassique,  creusé  entre  le  continent  sud-atlantique  et 
celui  supposé  affaissé  sous  le  Pacifique.  Sur  le  flanc  argentin  de  la 
chaîne,  l'instabilité  se  restreint  à  la  région  plissée  qui  s'étend  de 
Salta  à  Mendoza. 

La  séismicité  ne  s'évanouit  qu'au  Pérou  septentrional,  dans  le 
désert  de  Sechura,  dépression  prolongeant  le  haut  Amazone. 

Les  régions  séismiques  de  l'Ecuador  et  de  la  Colombie  se  ratta- 
chent à  celles  des  Andes  vénézuéliennes,  plissées  et  disloquées,  et 
qui  dominent  d'une  part  la  fosse  affaissée  et  instable  du  lac  de  Mara- 
caybo,  ainsi  que  la  Méditerranée  caraïbe,  et  d'autre  part  les  sédi-* 
ments  tertiaires  et  crétacés  des  Llanos,  restés  à  peu  près  horizon- 
taux et  à  l'abri  des  tremblements  de  terre. 

Le  géosynclinal,  ainsi  rebroussé  vers  l'Est,  remonte  au  Nord  par 
les  Petites  Antilles,  dont  la  séismicité,  d'ailleurs  grande,  a  certaine- 
ment été  exagérée.  Il  revient  ensuite  à  l'Ouest  pour  englober  l'arc 
des  Grandes  Antilles,  d'une  redoutable  instabilité  et  qui  représente 

•  Die  Vorwelt  und  ihre  EntwickelungsgeschichU(Le}j^zigj  1893). 


LE  GÉOSYNCLINAL  GIRCUMPAGIPIQUE  353 

une  chaîne  bifurquée  de  surrection  tertiaire,  au  sommet  d'un  socle 
enserré  de  près  par  des  abîmes  océaniques,  dont  les  plus  connus, 
la  fosse  de  Bartlett  et  celle  des  îles  Vierges,  atteignent  respectivement 
6  000  et  8  000  mètres.  On  a  déjà  vu  qu'au  large  des  Petites  Antilles, 
l'Atlantique  est  fréquemment  ébranlé  par  des  secousses  sous-marines, 
formant  une  région  instable  sous  la  branche,  qu'on  suppose  immer- 
gée, du  géosynclinal  méditerranéen  venant  du  Maroc. 

La  Méditerranée  caraïbe  ou  antillienne,  le  Yeragua  d'axe  archéen, 
et  la  basse  plaine  tertiaire  de  la  Magdalena,  sont  à  peu  près  aséis- 
miques,  parce  que  ces  surfaces  n'appartiennent  pas  au  géosyncli- 
nal. Celui-ci  recouvre  au  Centre-Amérique  le  Honduras  aséismique, 
le  Salvador  et  le  Guatemala  qui  sont  parmi  les  régions  du  globe 
les  plus  dangereusement  exposées,  mais  il  laisse  au  Sud  le  Nicaragua 
nettement  plus  stable,  ainsi  que  le  Costarica  séismique.  Ce  dernier 
pays  constituerait  donc  une  anomalie  ;  mais  on  peut  la  négliger  pro- 
visoirement, la  géologie  de  ces  régions  étant  encore  trop  mal  connue 
pour  que  l'on  puisse  affirmer  que  ces  deux  foyers  d'ébranlement  ne 
font  pas  partie  du  géosynclinal. 

Le  Yucatan  est  une  dalle  calcaire  presque  horizontale,  partici- 
pant aux  conditions  de  repos  des  Bahamas  et  de  la  Floride.  Ce  sont 
d'ailleurs  des  territoires  qui  n'ont  subi  que  des  dérangements  verti- 
caux, sans  plissement. 

Les  traits  principaux  de  l'orographie  mexicaine  datent  du  début 
de  l'époque  tertiaire,  et  l'intensité  des^séismes  s'y  montre  du  côté  du 
Pacifique  en  rapport  avec  l'amplitude  des  dislocations  qui  ont  donné 
lieu  à  l'énorme  relief  abrupt  de  plateau  de  l'Anahuac,  tandis  que  le 
versant  atlantique,  aux  pentes  moins  accentuées,  et  la  dépression 
du  Bolson  de  Mapimi  sont  presque  aséismiques,  comme  aussi  la 
Sierra  Madré  occidentale  et  la  Vieille-Californie,  de  squelette  archéen, 
granitique  et  primaire. 

Le  grand  bassin  fermé  du  lac  Salé,  ou  de  l'Utah,  reste  bien  déchu 
de  l'ancien  lac  Bonneville,  résulte  de  l'affaissement  par  gradins  d'une 
ancienne  chaîne  plissée,  d'où  son  état  pénéséismique  ;  tandis  que 
la  séismicité  des  flancs  de  la  Sierra  Nevada  de  Californie  provient 
de  ce  qu'elle  a  été  isolée  du  Grand  Bassin  par  de  grandes  failles 
postérieures  aux  épanchements  volcaniques  pliocènes.  Au  contraire, 
les  Rocheuses  de  l'Est  sont  un  très  ancien  anticUnal  dès  longtemps 
émei^é  et  consolidé,  entamé  par  les  transgressions  crétacées  et  que 
les  tremblements  de  terre  respectent. 

Les  Rocheuses  canadiennes  ont  été  énergiquement  plissées,  et  Ton 
y  voit  le  Cambrien  chevaucher  le  Crétacé.  Or  l'archipel  de  la  Reine- 

Db  Hohtisscs.  —  Trcmbleinenta  de  lerre.  23 


354  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUË 

Charlotte  est  probablement  séismique,  et  la  région  de  Sitka  peut 
être  pénéséismique. 

L'Alaska  est  peu  sujet  aux  tremblements  de  terre,  et  le  Kamt- 
chatka, de  Tautre  côté  de  la  mer  plate  de  Bering,  n'en  subit  pas 
davantage  de  dangereux.  Ces  deux  presqu'îles  sont  prolongées  par 
les  archipels  linéaires  et  essentiellement  volcaniques  des  Aléoutiennes 
et  des  Kouriles,  où  les  séismes  ne  prennent  guère  plus  d'impor- 
tance, en  dépit  des  énormes  profondeurs  de  l'Océan  à  leur  voisinage 
immédiat.  C'est  que  ces  abîmes  du  Pacifique,  s'ils  correspondent  à 
l'eJSondrement  d'un  continent  hypothéthique,  du  moins  ne  bordent 
pas  une  grande  chaîne  plissée  de  surrection  concomitante  et  récente, 
quoique  les  plissements  tertiaires  aient  passé  d'Amérique  en  Asie  par 
ces  voies  insulaires,  et  la  fracture,  si  elle  a  réellement  eu  lieu,  n'a 
favorisé  que  les  phénomènes  volcaniques  à  l'exclusion  des  séismes, 
exemple  bien  frappant  de  l'indépendance  des  deux  ordres  de  mani- 
festations. 

Sakhaline  est  à  Fabri  des  tremblements  de  terre  ;  cette  île  participe 
de  la  constitution  en  bandes  sédimentaires  ainsi  que  de  la  stabilité 
du  Nord  de  l'île  de  Yézo.  A  peine  si,  dans  le  Sud,  quelques  secousses 
de  Korsakov  rappellent  le  voisinage  d'un  ancien  géosynclinal  carbo- 
niférien. 

Le  Japon  doit  être  considéré  comme  un  des  pays  classiques  des  trem- 
blements de  terre,  depuis  que  leur  étude  y  a  pris,  dans  ces  trente  der- 
nières années,  l'admirable  développement  que  l'on  sait.  Il  forme  un 
territoire  morcelé,  dont  l'axe  archéen  est  flanqué  à  l'Ouest  de  sédiments 
de  tous  les  âges.  Tertiaire  compris,  plongeant  vers  la  mer  de  Corée 
qui  le  sépare  du  continent  sino-sibérien.  A  l'Est,  il  est  constitué  par 
des  couches  primaires  et  secondaires  plissées  et  relevées  aux  abords 
abrupts  de  la  fosse  du  Tuscarora,  qui  descend  à  plus  de  8  000  mètres. 
Le  versant  occidental  est  de  beaucoup  le  plus  stable  et  les  tremble- 
ments de  terre  ne  s'y  font  sentir  avec  quelque  intensité  que  le  long 
des  failles  longitudinales  parallèles  à  l'axe  montagneux,  ainsi  qu'au- 
tour de  golfes  découpés  en  lobes,  affaissés  dans  les  terrains  anciens, 
rappelant  à  tous  les  points  de  vue  les  conditions  séismogéniques  du 
littoral  algérien  et  des  côtes  de  l'Italie  méridionale.  Pendant  son 
long  séjour  au  Japon,  J.  Milne  a  fait  une  découverte  capitale,  dont 
nous  avons  plusieurs  fois  utilisé  les  applications  analogues  en  bien 
des  points  du  globe,  à  savoir  que  sur  la  côte  orientale,  presque 
tout  entière  séismique  au  suprême  degré,  les  secousses  ont  très 
souvent  leurs  épicentres  sous-marins  et  situés  soit  sur  le  talus  de 
la  fosse,  soit  sur  son  intersection  avec  le  fond  de  l'Océan,  c'est-à- 


LE  GÉOSYNCLINAL  GIRGUMPACIFIQUE  355 

dire  en  définitive  sur  la  lèvre  de  Ténorme  fracture  supposée.  La 
dépression  centrale  du  Japon,  la  Possa  magna  de  Naumann,  joue 
aussi  un  rule  séismogénique,  mais  bien  moins  accusé  qu'on  ne  le 
croyait  jusqu'à  présent. 

L'archipel  pénéséismique  des  Riou-Kiou  et  Formose»  peut-être 
séismique  au  Sud,  prolongent  Tare  japonais  en  avant  du  continent 
asiatique  et  au  bord  des  grands  fonds  océaniques.  La  géologie  de  ces 
îles  est  encore  trop  peu  connue  pour  qu'on  puisse  rien  dire  de  plus 
de  ces  parties  du  géosynclinal. 

Les  Philippines  sont  tout  aussi  exposées  aux  tremblements  de 
terre  que  le  Japon.  Ces  îles  surgissent  de  grandes  profondeurs  et,  de 
leur  histoire  pendant  les  périodes  secondaire  et  primaire,  on  ne 
sait  rien  encore.  Ensuite,  après  le  dépôt  des  lignites  de  Gebù,  se  pro- 
duisit un  affaissement,  puis  un  énergique  plissement,  écho  des  mou- 
vements contemporains  de  l'Europe  et  de  l'Asie  à  la  fin  de  TÉocène, 
et  auquel  succéda  le  relèvement  d'une  terre  reliant  ces  îles  à  Bornéo. 
Le  milieu  du  Miocène  fut  marqué  par  un  nouvel  affaissement,  rédui-- 
sant  Luçon  et  Mindanao  à  l'état  de  groupe  de  petites  îles;  mais  une 
lente  surreclion,  à  peine  terminée  peut-être  à  l'heure  actuelle,  rem- 
plaçait bientôt  cet  éphémère  état  de  choses.  Tous  ces  mouvements 
récents  et  divers,  et  ce  plissement  au  bord  d'une  mer  extrêmement 
profonde,  à  l'intérieur  aussi  bien  qu'à  l'extérieur  de  l'archipel,  rendent 
bien^  compte  d'une  instabilité  d'ailleurs  irrégulièrement  distribuée. 

Les  conditions  séismiques  et  géologiques  des  Moluques  sont  tout 
à  fait  comparables  à  celles  des  Philippines,  avec  la  circonstance 
aggravante  de  la  structure  chirographaire  de  Célèbesetd'Ualmaheira. 
Les  plissements  tertiaires  de  Java  s'y  prolongent  par  la  chaîne  des 
îles  à  l'Est  de  Bali  et  ils  ont  aussi  affecté  Célèbes.  Une  opinion  una- 
nime fait  de  ces  îles  les  'homologues  des  Antilles,  et  de  la  mer  des 
Moluques  l'exact  pendant  de  la  Méditerranée  caraïbe  ;  il  faut  ajouter 
que  c'est  la  seconde  intersection  des  deux  géosynclinaux,  et  l'inten- 
sité des  tremblements  de  terre  ne  sera  pas  pour  surprendre. 

Le  côté  nord  de  la  Nouvelle-Guinée  est  probablement  pénéséis- 
mique, séismique  seulement  à  son  extrémité  orientale,  ainsi  qu'à 
l'archipel  Bismarck.  Qu'on  admette  avec  les  uns  qu'il  s'agit  là 
de  rides  accumulées  contre  le  massif  résistant  et  fixe  de  l'Australie, 
que  Ton  préfère  y  voir,  comme  d'autres,  avec  les  îles  du  Sud-Ëst> 
les  restes  d'une  grande  cordillère  presque  complètement  submergée 
d'un  continent  Pacifique  lentement  affaissé,  ou  que  l'on  songe 
à  une  surrection  à  peine  terminée,  et  seule  capable  d'expliquer, 
comme  aux  Fidji,  la  disposition  étagée  des  terrasses  coralliennes 


356  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

successives  :  de  toutes  les  manières,  on  a  affaire  à  des  îles  surgissant 
de  grandes  profondeurs,  indices  de  gigantesques  dérangements,  et 
soumises  à  des  mouvements  d'amplitude  notable  depuis  une  époque 
peu  reculée,  et  leurs  tremblements  de  terre  y  trouvent  ample  justifi- 
cation. 

Le  géosynclinal  circumpacifique  se  termine  en  apparence  à  la 
Nouvelle-Zélande,  généralement  pénéséismique,  mais  nettement 
séismique  autour  du  détroit  de  Gook,  région  où  un  tremblement  de 
terre,  en  1850,  paraît  avoir  donné  lieu  à  une  grande  dislocation  résul- 
tant d'un  mouvement  de  bascule.  Ces  îles  présentent  toute  la  série 
sédimentaire  au  pied  d'une  chaîne  ancienne,  puisque  dès  le  Juras- 
sique elle  était  déjà  en  butte  à  la  dénudation.  La  chaîne  est  stable, 
ce  qui  était  à  prévoir  ;  les  territoires  sédimentaires  sont  pénéséis- 
miquesy  comme  non  plissés,  mais  d'émersion  récente  et  ayant  à 
l'époque  tertiaire  subi  plusieurs  mouvements  de  sens  inverses;  enfin 
les  abords  du  détroit  de  Cook  sont  très  instables,  parce  que  ce  détroit 
représente  une  rupture  peu  ancienne  de  la  ride  en  deux  tronçons. 

Au  delà,  le  géosynclinal  se  perd  dans  l'océan,  de  même  qu'à  son 
extrémité  magellanique  ;  mais  on  ignore  absolument  s'il  atteint  les 
terres  antarctiques,  dont  on  ne  sait  rien  au  point  de  vue  séismique. 


CHAPITRE  XX 

LES  ANDES 

1.  —  Les  Andes  du  Sud.  Chili  et  Argentiiie  occidentale. 

Les  Andes  du  Sud,  comprenant  le  Chili  et  les  provinces  péruviennes 
d'Arequipa  et  de  Moquegua,  s'étendent  depuis  le  saillant  de  l'Amérique 
méridionale  à  la  Punta  de  Atico  par  IG"*  de  latitude  Sud  jusqu'au 
cap  Hom  ;  peut-être  eût-il  été  plus  rationnel  de  ne  les  faire  corn* 
mencer  qu'à  Tangle  rentrant  d'Arica  :  nous  ne  l'avons  pas  fait  devant 
l'impossibilité  d'en  séparer  la  région  séismique  d'Arequipa.  Leurs 
tremblements  de  terre  sont  bien  connus  depuis  les  travaux  de  Perrey  ^, 
Troncoso*  et  Vergara',  mais  surtout  grâce  au  mémoire  synthétique  de 
Goll\ 

Sauf  les  territoires  Magellaniques  et  le  Chili  proprement  dit  au 
sud  de  Yaldivia,  cette  région  est  parmi  les  plus  instables  du  globe, 
et  les  désastres  ne  s'y  comptent  plus,  qu'ils  soient  produits  par  des 
vagues  d'origine  séismique  sous-marine  ou  par  des  tremblements  de 
terre.  Les  renseignements  abondent  pour  le  littoral,  mais  on  est 
moins  documenté  en  ce  qui  concerne  la  Cordillère  et  ses  abords 
immédiats.  Il  est  vrai  que  ces  informations  se  rapportent  pour  la 
plupart  aux  villes  principales,  mais  comme  elles  sont  nombreuses, 
cette  cause  d'erreur  a  peu  d'influence,  et  l'on  peut  dire  qu'en  somme 
la  répartition  de  l'instabilité  séismique  est  connue  d'une  manière 
très  satisfaisante.  Il  n'en  est  malheureusement  pas  de  même  pour 
la  géologie,  malgré  de  très  importants  travaux,  de  sorte  qu'il  est  le 

*  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  au  Chili  (Ann.  Soc.  imp,  Agric,  Hist  nat. 
et  ArU  utiles  de  Lyon,  VI,  1854). 

*  Tremblements  do  terre  au  Chili,  1847-1856.  Dans  Perrey.  Liste  des  tremblements  de 
terre  pour  1857,  2«  partie  (Mém.  Ac.roy.  de  Belgique,  X). 

*  Temblores  y  ruidos  subterréneos.  Santiago  de  Ghilo  (1873-1881  et  1882-1884)  (Anuario 
del  obs.  oêtron.  de  Santiago). 

*  Die  Erdbeben  Chiles.  Ein  Verzeichniss  der  Erdbeben  und  Vulkanausbrûche  in  Chile 
bis  zum  Ende  des  Jahres  4879,  nebst  allgemeinen  Bemerkungen  zu  diesen  Erdbeben 
(MQnchener  geogr,  Studien.  Uerausgeg.  von.  Siegm.  O&nther,  XIV  Stûck,  Mûnchen,  1903). 


358 


GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 


rtquipd 


del  Wû^* 


,Jujuy 
•  Salta 


La  Rioja 


San  Juan 


Fosse 


hMendozâ 


Concepcîôn 


Fig.  60.  —  Andes  du  Sud. 


plus  souvent  dif- 
ficile d'assignerun 
rôle  séismogéni- 
que  indiscutable  à 
des  accidents  lo- 
caux bien  définis, 
et  que  seules  les 
causes  générales 
apparaissent  clai- 
rement. 

La  chaîne  des 
Andes  méridiona- 
les forme  une  série 
disloquée  de  pa- 
quets d'âge  secon- 
daire, dont  la  tran- 
che est  tournée 
vers  l'ouest,  ce 
qui  accentue  la 
pente  de  ce  côté; 
aussi  les  séismes 
ne  se  donnent-ils 
libre  carrière  que 
sur  ce  versant, 
conformément  à 
la  loi  du  relief. 
Ce  relèvement  de 
la  bande  suppose 
presque  inévita- 
blement l'effon- 
drement d'une 
autre  partie  join- 
tive  de  Técorce 
terrestre,  et  cette 
déduction  semble 
tout  à  fait  d'accord 
avec  les  récentes 
découvertes  faites 
dans  l'Ouest  de  Ja 
République  Ar  - 
genline.  On  a  en 


LES  ANDES  359 

eflFet  trouvé  dans  les  Andes,  entre  le  32*  et  le  39*  parallèle,  des  con- 
glémérats  jurassiques  indiquant  le  voisinage  d'une  côte  et  qui  auraient 
puisé  leurs  éléments  dans  des  porphyrites  d'origine  sous-marine.  Les 
argiles  et  les  grès  du  versant  oriental  des  montagnes  du  Rio  Grande 
correspondraient  à  des  dépôts  de  mer  plus  profonde,  et  cela  semble 
démontrer  l'existence,  à  l'époque  jurassique,  d'un  grand  golfe  andin 
s'arrêtant  au  rivage  oriental  d'une  terre  pacifique,  qui  s'étendait  plus 
ou  moins  loin  dans  la  direction  de  la  Nouvelle-Zélande  ;  cette  hypo- 
thèse assez  plausible  ne  résout  pas  la  question,  tout  à  fait  différente, 
de  Texistence  controversée  du  continent  pacifique,  que  certains  géolo- 
gues croient  avoir  occupé,  à  une  époque  antérieure,  l'emplacement  du 
Grand  Océan,  tandis  que  d'autres  regardent  celui-ci  comme  un  des 
plus  anciens  traits  de  l'écorce  terrestre.  Cette  terre  simplement. voi- 
sine de  l'Amérique  du  Sud  aurait  existé  pendant  longtemps  et  depuis 
une  époque  très  reculée,  du  Dévonien  au  Crétacé,  puisque  le  Trias 
semble  y  faire  défaut  et  que  d'autre  part  la  flore  à  Glossopteris  se 
retrouve  tant  au  Brésil  que  dans  l'Argentine,  observ^ation  qui  a  fait 
conclure  à  l'existence  d'un  continent  africano-brésilien.  Ce  golfe 
jurassique  aurait  fait  plus  tard  place  au  bourrelet  andin,  dont 
l'abrupte  tranche  occidentale  constitue  les  territoires  ici  étudiés 
dont  la  séismicité  s'expliquerait,  dès  lors,  d'une  façon  générale,  par 
leur  grand  voisinage  de  l'isobathe  de  4000  mètres,  qui  représen- 
terait la  lèvre  de  la  fracture  le  long  de  laquelle  la  terre  pacifique 
se  serait  effondrée  par  un  mouvement  de  bascule,  contre-partie  de 
la  surrection.  On  s'explique  ainsi  que  les  plissements  se  soient  surtout 
localisés  à  l'est,  où  les  Précordillères  de  Salta  et  de  Mendoza  sont  les 
seules  régions  séismiques  du  versant  oriental. 

La  surrection  des  Andes  a  certainement  été  un  phénomène  de 
longue  haleine  et  a  dû  débuter  bien  avant  l'époque  tertiaire  :  la 
dernière  grande  phase  de  dislocation,  antérieure  à  la  sortie  des  andé- 
sites, paraît  avoir  elle-même  précédé  les  mouvements  alpins.  Mais 
depuis  cette  époque  déjà  reculée,  les  dislocations  n'ont  pas  cessé  de 
se  produire,  avec  moins  d'ampleur  il  est  vrai,  ce  qui  suffit  à  rendre 
compte  de  l'instabilité  actuelle.  Le  mouvement  d'ascension  d'une 
des  lèvres  de  la  fracture  pacifique  ne  s'est  réellement  arrêté  qu'à 
une  époque  relativement  récente,  en  donnant  lieu  à  un  énorme  relief 
total  de  12  000  mètres,  dont  4000  immergés,  entre  la  crête  de  la 
chaîne  et  le  fond  des  abîmes  littoraux.  Des  mouvements  d'une  telle 
amplitude  ne  peuvent  que  se  survivre  sous  forme  de  séismes.  Les 
Andes  correspondent  donc  à  un  géosynclinal  accusé  par  le  golfe 
jurassique,  et  les  conséquences  séismiques  de  leur  histoire  reste- 


350  GÉOGRAPHIE  SEI8M0L0GIQUE 

raient  valables,  même  si  l'existence  d'une  terre  occidentale  plus 
ancienne  se  trouvait  ultérieurement  infirmée  par  la  découverte  de 
faits  nouveaux. 

On  va  maintenant  passer  au  détail  de  la  répartition  de  l'instabilité 
le  long  de  cette  bande  de  quelques  4  000  kilomètres  de  côtes,  en 
commençant  par  le  Nord. 

Les  tremblements  de  terre  du  Pérou  méridional  ont  été  recueillis 
par  G.  de  Gastelnau^  pour  la  période  de  1810  à  1845,  mais  nous  igno- 
rons d'après  quelles  sources  locales.  Garaveli,  Moquegua  et  Arequipa 
ont  subi  de  très  nombreuses  catastrophes»  ainsi  que  Tacna,  Arica, 
Iquiquc,  Pabellon  de  Pica  et  Huanillos.  On  a  donc  affaire  à  une  côle 
dont  la  séismicité  ne  se  dément  nulle  part  et  ne  cesse  au  Sud  qu'au  Rio 
Loa.  Elle  correspond  au  relief  puissant  des  Andes,  encore  accentué 
par  le  voisinage  immédiat  des  fosses  de  Kriîmmel  en  face  de  Gara- 
veli  et  de  Bartholomew  entre  les  parallèles  d' Arica  et  de  Pabellon 
de  Pica. 

Plus  au  Sud,  la  bande  littorale  s'élargit  considérablement,  en 
s*étageant  par  gradins,  la  crête  des  Andes  s'abaisse  et  on  se  trouve 
entre  l'intervalle  des  fosses  de  Bartholomew  et  de  Richards.  Ainsi 
donc  le  relief  s'atténue  par  le  haut  et  par  le  bas.  La  région  s'étend 
sur  le  désert  du  Rio  Salado  et  sur  les  parties  respectivement  méri- 
dionale et  septentrionale  de  ceux  de  Tamarugal  et  d'Atacama; 
c'est  le  pays  des  nitrates.  On  est  moins  bien  renseigné  que  pour  la 
région  précédente  sur  la  fréquence  et  l'intensité  des  tremblements  de 
terre  ;  mais  les  séismes  y  prennent  le  plus  souvent,  comme  à  Galama, 
une  fois  au  moins  sévèrement  éprouvée,  un  caractère  très  local,  ren- 
dant fort  probable  une  séismicité  notablement  moindre,  et  par  con- 
séquent en  rapport  avec  la  diminution  du  relief  émergé  et  immergé. 

La  Gordillère  redevient  abrupte  et  la  séismicité  redoutable,  en 
même  temps  que  la  bande  littorale  se  rétrécit  de  nouveau  vers  le 
sud.  Le  premier  grand  foyer  d'ébranlement,  Gopiapo,  est  séparé  de 
celui  de  Goquimbo,  probablement  tout  aussi  instable,  par  un  intervalle 
sans  épicentres  connus;  mais  il  y  a  tout  lieu  de  supposer  que  cette 
lacune  est  simplement  due  àTabsence  d'anciennes  villes  importantes 
où  aient  pu  se  faire  des  observations.  Il  se  trouve  là  un  grand  syn- 
clinal jurassique  et  néocomien  compris  entre  les  Andes  et  les  restes 
d'une  chaîne  granitique  côtière  démantelée,  contre  laquelle  se  déve- 
loppent dans  le  Sud  des  roches  sédimentaires  très  plissées,  d'aspect 

*  Expédition  dans  les  parties  centrales  de  V Amérique  du  Sud  exécutée  de  i84S  à 
18Â7.  Catalogue  des  tremblements  de  terre  et  secousses  ressentis  sur  la  côte  du  Pérou  et 
plus  particulièrement  à  Arequipa,  depuis  1810  jusqu'à  1845  (t.V,pp.  303-358.  Paris,  1854). 


LES  ANDES  361 

archéen,  mais  qui  pourraient  bien  n'être  que  du  Crétacé  supérieur 
profondément  métamorphisé.  Si  ces  conclusions  sont  ultérieurement 
confirmées,  un  plissement  énergique  de  date  relativement  peu  an- 
cienne interviendrait  probablement  pour  jouer  un  rôle  séismogénique 
décidé. 

Une  fois  de  plus^  le  relief  va  maintenant  changer  de  caractère  ; 
au  lieu  de  s'abaisser  brusquement  jusqu'au  bord  de  la  mer^  la  chaîne 
tombe  sur  le  fond  d'une  longue  dépression  longitudinale,  séparée  du 
littoral  par  une  série  de  hauteurs   secondaires,   assez  souvent  et 
complètement  interrompues  par  de  vastes  plaines.  Cette  dépression, 
marquée  par  les  ensellements  des  contreforts  transversaux,  est  l'acci- 
dent le  plus  considérable  du  Chili  central  ;  elle  se  prolonge  très  loin 
dans  le  Sud,  mais  en  dépit  de  sa  grande  importance  géographique, 
géologique  et  probablement  tectonique,  force  est  de  lui  dénier  toute 
influence  séismogénique,  malgré  la  haute  autorité  de  Suess.   C'est 
qu'en  effet,  elle  coïncide  sur  son  long  parcours  avec  des  conditions 
très  diverses  d'instabilité  :  d'IUapel  à  Santiago  et  Concepciôn,  elle 
possède  une  séismicité  exagérée  qui  a  causé  de  nombreux  désastres  ; 
plus  au  Sud,  jusqu'à  Ancud  et  Puerto-Montl,  la  fréquence  diminue 
beaucoup  en  même  temps  que  le  relief  de  la  chaîne  côtière,  et  Val- 
diviaest  le  seul  point  qui  ait  subi  des  dommages;  au  delà  et  jusqu'à 
l'isthme  d'Ofqui,  la  mer  l'a  envahie  et  l'a  morcelée  pour  former 
Chiloé  et  l'archipel  des  Guaytecas,  tandis  que  de  leur  côté  les  trem- 
blements de  terre  ont  à  peu  près  complètement  disparu.  Lesséismes 
de  Yalparaiso  sont  sans  doute  en  rapport  avec  la  fosse  d'Haeckel, 
qui  vient  presque  toucher  la  côte,  et  ce  sera  aux  recherches  géolo- 
giques futures  à  définir  les  causes  locales  de  l'instabilité  de  la  pré- 
cordillère entre  cette  ville  et  Santiago,  de  la  partie  nord  de  la  dépres- 
sion jusqu'au  Rio  Bobio,   de  Concepciôn  et  de  Valdivia.  D'après 
Noguès*,  les  tremblements  de  terre  du  Chili  central  affectent  deux 
directions  générales,  normales  entre  elles  et  d'ailleurs  en  relation 
avec  la  structure  orographique  du  pays  et  les  systèmes  des  failles  : 
les  uns  prennent  la  direction  N.-S.,  parallèlement  à  la  Cordillère  et 
suivant  les  cassures  stratigraphiques  qui  ont  formé  la  grande  dépres- 
sion longitudinale,    tandis   que   les  autres    prennent   la   direction 
E.-W.,  normale  à  la  Cordillère  et  en  relation  avec  un  autre  système 
de  failles.  11  est  encore  prématuré  de  décider  s'il  s'agit  d'un  simple 
phénomène  de  propagation,  ou  d'une  cause  tectonique  à  rôle  séis- 
mogénique certain. 

*  Mouvementâ  séismiques  da  Chili;  tremblements  de  terre  du  23  mai  1890  (C.  JR.  Ac. 
ac.  Paris,  GXI,  616,  1890). 


362  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

La  stabilité  absolue  des  territoires  magellaniques  au  sud  de  risthme 
d'Ofqui  présente  un  très  haut  degré  de  probabilité,  quoique  des 
observations  régulières  n'aient  encore  été  faites  qu'à  Punta  Arenas, 
où  une  longue  série,  commencée  en  1842,  c'est-à-dire  depuis  sa 
fondation  et  qui  n*a  souffert  aucune  interruption,  n'a  pu  mentionner 
qu'une  seule  secousse.  L'attention  des  Chiliens  est  trop  portée  à 
s'occuper  des  tremblements  de  terre,  qu'ils  redoutent  tant  à  bon 
droit,  pour  qu'ils  les  laissent  échapper  sans  les  mentionner,  même 
dans  la  région  des  Qords  du  Sud  qui  est,  sinon  colonisée,  du  moins 
exploitée  depuis  un  certain  nombre  d'années,  à  cause  de  ses  richesses 
forestières.  On  regardera  donc  cette  stabilité  comme  à  peu  près 
démontrée;  elle  coïncide  en  même  temps  avec  l'abaissement  de  la 
Cordillère  et  le  relèvement  des  fonds  océaniques  bien  loin  au  large 
dans  l'Ouest. 

La  croyance,  si  longtemps  classique  et  indiscutée  depuis  LyellS 
d'après  laquelle  les  grands  tremblements  de  terre  de  l'Amérique  du 
Sud  auraient  été  à  diverses  reprises  accompagnés  d'un  soulèvement 
notable  des  côtes  et  même  de  la  chaîne,  d'où  l'on  concluait  sans 
réserves  à  la  continuation  à  l'époque  actuelle  du  mouvement  tertiaire 
de  surrection  des  Andes,  doit  être  définitivement  rejetée  depuis  la 
magistrale  réfutation  qu'en  a  faite  Suess  dans  la  Face  de  la  Terre, 
Il  ne  saurait  être  question  de  reprendre  ici  l'examen  d'un  problème 
géologico-séismique  si  bien  élucidé  ;  mais  il  ne  sera  pas  inutile  de 
résumer  une  critique  si  serrée  de  phénomènes  accessoires  réels, 
quoique  mal  interprétés,  d'autant  plus  que  ces  considérations  sont 
applicables  à  d'autres  points  du  globe  où  l'on  a  voulu  aussi,  par 
l'observation  de  faits  analogues,  démontrer  la  réalité  d'exhausse- 
ments appréciables  et  concomitants  de  grands  tremblements  de  terre. 

Au  Callao,  Texistcnce  prétendue  de  débris  de  cuisine  préhisto- 
riques ou  kjôkkenmôddings  comme  les  appellent  les  archéologues* 
danois,  ne  correspond  qu'à  des  idées  fausses  quant  à  la  preuve 
qu'elle  apporterait  des  mouvements  verticaux  du  littoral;  il  s'agit 
en  réalité  d'un  banc  qui  se  forme  et  disparaît  alternativement  sous 
l'action  des  vagues  et  des  courants,  sur  la  côte  de  l'île  de  San  Lorenzo. 
Quant  aux  modifications  topographiques  constatées  sur  la  langue  de 
terre  qui  la  réunit  au  continent,  affaissement  de  1746  ou  exhausse- 
ment de  1760,  à  la  suite  des  tremblements  de  terre  violents  qui  agi- 
tèrent alors  le  Pérou,  il  n'y  faut  voir,  pense  Suess,  qu'un  effet  des 
vagues  séismiques  dispersant  ou  amoncelant  les  bancs  variables 
d'atterrissement. 

*  Pnnciplesof  Geology  (llth  édition,  II,  156,  1872). 


LES  ANDES  363 

En  ce  qui  concerne  Yalparaiso  et  son  tremblement  de  terre  de  1822^ 
les  informations  de  l'époque  même  sont  contradictoires,  ce  qui  jette 
un  doute  formel  sur  la  valeur  des  principales  observations,  base  de 
la  théorie  de  Lyell.  C'est  à  Miss  Graham^  qu^est  due  la  formation  de 
la  légende  d'un  exhaussement  du  littoral  sur  100  milles  de  long  et 
en  particulier  d'une  hauteur  de  3  pieds  à  Quintero,  sa  résidence. 
Mais  Belcher,  dans  une  lettre  à  la  Société  géologique  de  Londres, 
lue  le  2  décembre  1835,  contredit  formellement  ce  témoignage, 
ainsi  que  ceux  de  Fitzroy  et  de  Darwin,  le  commandant  et  le  natu- 
raliste fameux  de  l'expédition  du  «  Beagle  »,  qui  se  trouvaient  à 
Concepciôn  au  moment  même  de  l'événement;  il  s'appuie  pour  cela 
sur  les  observations  contraires  du  colonel  Walpole,  de  Rivera,  et 
surtout  du  malacologiste  Gunning,  qui  connaissait  admirablement 
toute  la  côte  pour  avoir  habité  le  Ghili  de  1822  à  1831  et  l'avoir 
parcourue  en  tous  sens  à  la  recherche  des  coquillages  dont  il  fai- 
sait l'étude.  Là  encore,  des  mouvements  dans  les  atterrissements, 
bouleversés  parles  vagues  de  tremblements  de  terre  ou  de  tempêtes, 
suffisent  à  expliquer  tous  les  changements  bien  réels,  mais  tempo- 
raires, qu'on  y  a  observés.  G'est  ainsi  qu'on  a  pu  voir,  le  28  août  1746, 
les  vagues  séismiques  soulever  d'énormes  masses  de  sédiments  mal 
affermis  et  amonceler  sur  les  ruines  des  habitations  des  amas  de 
sables  et  de  galets.  Suess  ne  manque  pas  non  plus  de  tenir  grand 
compte  de  l'opinion  d'un  des  plus  savants  géologues  du  Ghili, 
Philippi*,  niant  les  anciens  mouvements  supposés  et  sur  le  témoi- 
gnage duquel  Hochstetter  s'appuie  aussi  à  propos  du  tremblement 
de  terre  du  13  août  1868  pour  affirmer  qu'aucune  élévation  du  sol 
n'en  fut  la  conséquence,  ni  au  Ghili,  ni  au  Pérou.  Enfin  les  sédi- 
ments littoraux  exondés  à  la  suite  du  désastre  de  la  Goncepciôn,  en 
1835,  reprirent  leur  position  primitive  au  bout  de  peu  de  semaines, 
ce  qui  semble  bien  s'opposer  à  l'hypothèse  d'un  soulèvement  perma- 
nent et  réel  du  substratum. 

Suess  met  aussi  en  évidence  les  caractères  des  côtes  de  l'Amérique 
du  Sud  qui  ont  conduit  Lyell  à  son  interprétation  erronée,  mais  si 
longtemps  classique,  des  phénomènes  observés  ;  ce  sont  :  le  grand 
développement  des  dépôts  détritiques  étages  en  terrasses  littorales, 
mais  sans  relation  aucune  avec  les  tremblements  de  terre;  l'accumu- 
lation des  kjôkkeninôddings  sur  toute  la  côte  (et  à  ce  compte  combien 
d'autres,  même  en  pays  stables,  n'auraient-elles  pas  été  soulevées, 

*  An  account  of  somc  effects  of  Ihe  late  (191*»  november  1822)  earthquake  in  Chili. 
Lctter  to  H.  Warburlon  {Trans.  Geol.  Soc.  of  London,  I,  413,1822). 

*  Die  Bogenannte  Wûste  Âtacaina  (Pelei^mami's  geogr.  Milth.,  1836,56). 


364  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

elles  aussi,  par  des  séismes  ?)  ;  enfin  l'immense  alignement  volcanique 
du  Chili,  qui,  avec  les  idées  autrefois  en  cours  sur  les  soulèvements, 
avait  tout  naturellement  amené  à  concevoir  la  surrection  en  bloc 
d'une  longue  bande  littorale,  sinon  même  de  la  Cordillère  elle-même. 

Il  n'en  est  pas  moins  important  de  dire,  cependant,  que  la  dispari- 
tion d'une  théorie  longtemps  acceptée  n'enlève  pas  le  moins  du 
monde  au  soulèvement  de  la  chaîne  des  Andes  le  rôle  fondamental 
que  tout  tend  à  lui  faire  assigner  dans  la  genèse  des  tremblements 
de  terre  du  Chili  et  du  Pérou,  et  qui  restent,  comme  le  long  de  toutes 
les  autres  grandes  chaînes  tertiaires,  une  de  ses  conséquences  pos- 
thumes et  éloignées.  Leur  production  est,  seulement,  un  peu  plus 
compliquée  dans  le  détail,  puisqu'elle  dépend  sans  aucun  doute  de  la 
survivance  d'efforts  tectoniques  de  second  ordre,  plus  locaux  et  plus 
ou  moins  récents,  mais  qui  n'en  résultent  pas  moins,  eux  aussi,  de 
l'acte  môme  de  la  surrection. 

Il  n'est  pas  de  pays  où,  plus  qu'au  Chili,  se  manifeste  l'indépen- 
dance des  phénomènes  séismiques  et  volcaniques.  Ces  derniers  se 
sont  développés  dès  le  milieu  des  temps  secondaires  au  moins,  et 
tant  pendant  l'époque  tertiaire  qu'actuellement,  le  théâtre  de  leur 
activité  n'a  guère  changé,  accompagnant  la  crête  des  Andes  de  part 
et  d'autre  sans  la  déborder  largement  ailleurs  qu'à  l'Est.  Si  l'on  se 
rapporte  aux  travaux  de  Bel*  ou  de  Stubel*,  on  rencontre  ici,  sur 
cette  immense  bande,  toutes  les  combinaisons  possibles  entre  la 
présence  de  volcans  actifs  ou  éteints  ou  même  Tabsence  de  cônes 
éruptifs,  et  la  séismicité,  la  pénéséismicité  ou  l'aséismicité.  On  ne 
reviendra  plus  sur  une  observation  qui  reste  vraie  pour  toute  la 
chaîne  des  Andes,  jusqu'à  l'Ecuador  et  à  la  Colombie. 

Les  abîmes  océaniques  le  long  des  Andes  méridionales  jouent-ils 
un  rôle  séismogénique?C'est  extrêmement  probable,  étant  donnée  leur 
relation,  indiquée  plus  haut,  avec  les  régions  les  plus  durement  éprou- 
vées. Mais  on  n'a  pas  pour  l'affirmer  d'études  dirigées  dans  ce  sens 
comme  au  Japon  et  sur  sa  côte  orientale,  le  long  de  la  fosse  du  Tus- 
carora.  On  ne  sait  pas  si  lesisoséistes  d'un  nombre  notable  de  grands 
tremblements  de  terre  ne  font  que  mordre  le  littoral.  En  tout  cas, 
les  vagues  séismiques  sont  fréquentes  et  désastreuses  '.  Elles  résultent 

*  Mission  scientifique  au  Chili  et  dans  le  nord  de  la  Bolivie  [Àrch.  des  missons  se.  el 
/i//.,  VU,  m,  Paris.  1807). 

•  Ueber  die  Verbreitung  der  hauptsâchlichsten  Eniptionszentren  und  der  sie  kenn- 
zeichnenden  Vulkanberge  in  Sûdamerica  {Petermann's  geogr.  Mitth.,  I,  4, 190i). 

'  F.  von  Hochstetter.  Ueber  das  Erdbeben  in  Pcruam  13  August  1868,  und  die  dadurch 
veraniftssten  Fluthwellen  im  Océan,  namentlich  an  den  Kùsten  von  Chili  und  von 
Neu-Seeland  [Sitzungsb.  d,  K.  Ak.  d,  Wiss.,  mal.  nai.  Cl.,  LVIU.  LX.  Wien,  1868,  1869). 


LES  ANDES  365 

souvent  de  tremblements  sous-marins^  mais  la  position  de  leurs 
épicentres  n'a  pu  encore  être  déterminée  ;  on  ignore  s'ils  se  trouvent 
sur  le  talus  sous-marin,  sur  la  lëvre  de  la  fracture  du  Pacifique,  ou 
plus  au  large. 

La  Cordillère  constitue  un  puissant  obstacle  à  la  propagation  des 
mouvements  séismiques,  mais  d'une  manière  beaucoup  moins  abso- 
lue qu'on  l'a  prétendu  ;  c'est  ainsi  que  les  secousses  du  Chili  central, 
Yalparaiso  et  Santiago,  se  font  parfois  sentir  dans  les  pré-Cordillëres 
argentines  plissées,  et  réciproquement,  mais  naturellement  elles  per- 
dent les  unes  et  les  autres  leur  caractère  destructeur  en  franchissant 
les  Andes.  Ces  chaînes  limitent  à  l'Est  le  géosynclinal  circumpaci- 
Bque  et  sont  formées  de  sédiments  jurassiques  et  néocomiens  plis- 
sés. A  l'Est,  le  Crétacé  supérieur  relevé  a  beaucoup  moins  fortement 
subi  l'effort  de  compression  latérale  et  ces  rides  parallèles  sont  fort 
instables.  Oran,  Jujuy,  Salta  et  Tucuman  sont  fortement  ébranlées, 
et  Mendoza  a  subi  de  véritables  désastres.  Négligeant  l'opinion  de 
Brackebusch  '  qui  attribue  ces  tremblements  de  terre  à  la  combustion 
spontanée  des  couches  bitumineuses,  probablement  rhétiennes,  qui 
continuent  vers  le  Sud  les   dépôts  pétrolifères  de  Jujuy,  et  à  des 
explosions  des  gaz  dégagés  par  ce  phénomène  hypothétique,  nous 
ferons  de  ces  secousses  des  séismes  de  plissement,  au  moins  provi- 
soirement, par  analogie  avec  tant  d'autres  cas  du  même  genre  ren- 
contrés en  diverses  parties  du  globe. 

2.  —  Les  Andes  du  Centre.  Pérou,  Bolivie  et  Ecuador. 

On  comprend  ici  la  partie  des  Andes  qui  s'étend  de  la  Punta  de 
Atico  ou  mieux  du  nœud  de  Puquiô  jusqu'à  celui  de  Pasto,  c*est-à- 
dire  le  Pérou  central  et  septentrional,  la  plus  grande  partie  de  la 
Bolivie  et  de  l'Ecuador.  En  dehors  des  relations  de  désastres',  on  ne 
possède  que  le  catalogue  de  Perrey  ^,  et  des  observations  systéma- 
tiques suivies  manquent  totalement.  La  géologie  de  ces  pays  n'est 
guère  mieux  connue  ;  il  faut  donc  renoncer  à  tout  rapprochement 
entre  les  circonstances  géologiques  et  les  phénomènes  séismiques, 

*  Estadios  sobre  la  formaciôn  petrolifera  de  Jujuy.  Viaje  &  la  provincia  de  Jujuy 
(Buenos-Ayres,  1883}. 

*  Haies.  Histoire  des  tremblements  de  terre  arrivés  à  Lima,  capitale  du  Pérou,  et  autres 
lieux,  avec  la  description  du  Pérou  (Traduit  de  l'anglais.  La  Haye,  1752).  —  P.  P.  Ceval- 
los.  Resûmen  de  la  historia  del  Ecuador  desde  el  origen  hasta  i845  (2*  édicion,  Guaya- 
quilp  1886). 

'  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  au  Pérou,  dans  la  Colombie  et  dans  le  bas- 
sin de  TAmazone  {Ac.  roy,  de  Belgique.  Séance  du  7  novembre  1857). 


366 


GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 


Fîg.  61.  -^  Andes  du  Centre. 


et  se  borner  à  en  rapporter  d*une 
façon  aussi  vague  que  générale 
l'instabilité  à  la  surrection  peu 
ancienne  des  Andes. 

Le  versant  maritime  des  Andes 
péruviennes  est  certainement  très 
instable,  et  les  désastres  de  Pisco, 
du  Callao  et  de  Lima  sont  célè- 
bres dans  l'histoire  des  trem- 
blements de  terre;  les  vagues 
séismiques  ont  aussi  apporté  par- 
fois leur  part  de  dommages. 
L'isobathe  de  4  000  mètres  se 
tenant  à  proximité  du  littoral,  il 
est  probable  qu'elle  joue  ici  le 
même  rôle  séismogénique  que  le 
long  des  côtes  du  Chili.  Si  les 
mouvements  tertiaires  andins 
sont  certainement  la  cause  géné- 
rale et  lointaine  des  tremblements 
de  terre  du  Pérou  central,  ils  se 
sont  superposés  aussi,  comme  on 
a  déjà  eu  tant  de  fois  à  le  cons- 
tater, à  une  chaîne  hercynienne 
plissée  qui  a  dû  exister  entre  le 
môle  brésilien  et  un  avant-pays 
qui  aurait  disparu  sous  les  flots 
du  Pacifique.  L'instabilité  ne  pa- 
raît pas  dépasser  Lima  au  Nord, 
et  en  tout  cas  Trujillo  ne  ressent 
que  de  faibles  et  rares  secousses. 
Le  désert  de  Sechura,  continuant 
pour  ainsi  dire  le  sillon  amazo- 
nien, est  certainement  très  stable. 

Guayaquil  ressent  quelques 
séismes,  jamais  graves,  et  il 
semble  probable  que  la  dépression 
des  Rios  Daule  et  Esmeraldas 
forme  une  région  pénéséismique 
seulement,  car  il  faut  tenir  en 
forte  suspicion  la  ruine  de  Puerto 


LES  ANDES  867 

Viejo  dans  le  déparlement  deManabi,  donnée  par  les  journaux  amé- 
ricains de  mai  1896. 

Li'entremont  des  Cordillères  de  TEcuador  est  d'une  instabilité  qui 
nulle  part  ailleurs  n'est  dépassée,  de  sorte  que  ce  pays  réalise  une 
des  rares  coïncidences  entre  une  extrême  séismicité  et  un  énergique 
développement  des  phénomènes  volcaniques.  Ambato,  Latacunga, 
Quito  et  Rio  Bamba  jouissent,  à  cause  de  leurs  nombreuses  catas- 
trophes, d'une  triste  réputation,  qu'aggrave  encore  la  renommée  des 
gigantesques  volcans  du  voisinage.  Le  plateau  de  Quito  et  de  Rio 
Bamba  est  très  disloqué,  et  c'est  tout  ce  qu'on  peut  dire  des  hauteurs 
transversales  qui  le  séparent  en  cirques,  disposition  reconnaissable 
sur   toute  la  longueur  de   l'intervalle  des  deux  Cordillères, 

Le  haut  bassin  du  Napo  ressent  bien  quelques  légers  tremblements 
de  terre,  mais  on  ne  saurait  dire  si  ceux  qu'on  a  signalés  jusqu'ici 
a  Archidona  sont  autochtones,  ou  s*ils  ne  viennent  pas  de  l'entre- 
Cordillère. 

Le  massif  intérieur  des  Andes  péruviennes  et  leur  versant  bolivien 
sur  le  Titicaca  sont  tout  au  plus  pénéséismiques  de  Cuzco  à  Puno, 
La  Paz  et  Chuquisaca. 

3.  —  Les  Andes  du  Nord.  Colombie  et  Venezuela. 

Des  pics  de  la  Fragua,  entre  les  sources  de  la  Magdalena  et  du 
Caqueta,  affluent  de  l'Amazone,  s'étend  en  Colombie  et  dans  le  Vene- 
zuela jusqu'à  la  Trinidad  un  immense  arc  montagneux  convexe  vers 
le  Nord  et  qui  borde  la  mer  des  Caraïbes  à  l'est  du  Golfo  Triste.  II 
porte  successivement  les  noms  de  Cordillère  orientale.  Cordillère  de 
Mérida  et  Cordillère  Caraïbe.  Cette  partie  de  géosynclinal  com- 
prend encore  les  deux  Cordillères  qui,  à  partir  du  nœud  du  Pasto, 
enserrent  la  vallée  du  Cauca,  ainsi  que  le  littoral  colombien,  et  enfin 
le  bassin  de  l'Atrato;  mais  l'isthme  du  Darien  ne  lui  appartient  point. 

La  géologie  de  ces  pays  est  peu  connue  dans  ses  détails,  et  les 
renseignements  séismiques  ne  sont  sérieux  que  pour  le  bassin  de  la 
Magdalena,  et  le  Venezuela  \  Toutefois  les  catalogues  généraux 
ont  fourni  assez  de  documents  pour  permettre  de  se  faire  une  idée 
satisfaisante  des  principaux  foyers  d'ébranlement,  ne  serait-ce  aussi 
que  par  la  connaissance  des  villes  qui  ont  eu  le  plus  à  souffrir  des 
tremblements  de  terre.  La  description  des  circonstances  séismiques 
sera  faite  de  l'Est  à  l'Ouest,  c'est-à-dire  en  partant  des  points  les 
mieux  connus. 

*  R.  Ibarra.  Temblores  y  terremotos  en  Caracas  (Caracas,  1862). 


368  GÉOGRAPHIE  6ËISM0L0GIQUE 

Du  littoral  nord  de  la  Trinîdad  au  fond  du  Golfe  Triste,  la 
chaîne  Caraïbe,  d'axe  archéen  ou  primaire,  se  développe  en  ligne 
droite  le  long  de  la  mer,  puis  s'infléchit  au  S.  W.  par  la  Cordillère 
de  Mérida  jusqu'aux  sources  de  TApure.  Sur  le  flanc  méridional,  les 
sédiments  secondaires  sont  assez  peu  relevés  et  disloqués  et  font 
suite  aux  terrains  tertiaires  presque  horizontaux  des  Llanos,  stables 
et  d'ailleurs  situés  en  dehors  du  géosynclinal.  Sur  le  versant  sep- 
tentrional, entre  la  crête  et  la  dépression  du  lac  de  Maracaybo,  les 
couches  sont  au  contraire  violemment  plissées  et  redressées  jusqu'à 
la  verticale.  Ici  l'isobathe  de  4  000  mètres  s'éloigne  beaucoup  du  lit- 
toral ;  partant  de  l'ouest  de  l'îlot  d'Aves,  elle  descend  directement  au 
Sud  pour  se  retourner  en  direction  E.-W.  de  façon  à  longer  le  cha- 
pelet des  îles  Sous-le-Yent,  de  Blanquilla  à  Oruba.  Ainsi  la  chaîne 
Caraïbe  surgit  d'un  socle  immergé  et  doucement  incliné  jusqu'à  la 
profondeur  de  2  000  mètres,  d'où  émergent  les  îles  qui  se  dressent  au 
sommet  d'une  ride  tombant  rapidement  à  4  000  et  5  000  mètres  sur  la 
Méditerranée  antillienne.  Dans  les  îles  Sous-le-Yent  se  retrouvent  des 
lambeaux  de  couches  primaires,  des  sédiments  secondaires,  des 
dépôts  quaternaires,  et  enfin  des  roches  éruptives  d'âge  encore  assez 
mal  déterminé  d'ailleurs  ;  elles  forment  donc  une  bande  qui  a  subi 
des  vicissitudes  nombreuses,  surrcctions  et  affaissements,  et  en  par- 
ticulier le  Crétacé  y  est  en  plusieurs  points  fortement  relevé  et 
plissé.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  séismes  n'y  sont  pas  redoutables. 

A  Torient  de  la  Sierra  de  Mérida  s'étend  la  profonde  et  large  dépres- 
sion du  lac  de  Maracaybo,  que  Sievers  *  regarde  comme  une  cavité 
d'effondrement  en  partie  colmatée,  comblée  et  flanquée  au  Nord  par 
des  fragments  archéens  :  àTEstla  presqu'île  deParanagua,  à  l'Ouest 
le  noyau  de  celle  de  Goajira  et  le  massif  de  la  Sierra  Nevada  de 
Santa  Marta.  Ces  lambeaux,  homologues  de  ceux  de  la  chaîne 
Caraïbe,  tendent  comme  elle  à  converger  vers  le  S.  W.  de  façon  à 
se  rattacher,  malgré  une  grande  interruption  dans  la  basse  Colombie, 
à  l'axe  archéen  de  la  grande  Cordillère  entre  la  Magdalena  et  le 
Cauca.  De  ce  côté  le  Quaternaire,  et  surtout  le  Jurassique,  prédo- 
minent sur  le  Crétacé,  et  Tossature  ne  réapparaît  plus  qu'à  l'ouest 
de  l'Atrato.  On  s'occupera  d'abord  de  l'arc  Trinidad-Picos  de  la 
Fragua,  où  il  n'existe  que  des  volcans  de  boue,  contrairement  au 
puissant  appareil  éruptif  de  la  haute  Colombie  ;  les  régions  à 
tremblements  de  terre  vont  être  mises  en  parallèle  avec  ces  traits 
géographiques  et  géologiques  généraux  en  allant  de  l'Est  à  l'Ouest. 

•  Die  Cordillère  von  Mérida,  nebst  Bemerkungen  ùber  das  karibische  Gebirge  {Gtogr. 
Abhandl,  herausgeg.  von  A.  Penck,  III,  n*  1.) 


LES  ANDES 


369 


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73 

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Db  Hohtbmus.  —  Tremblements  de  terre. 


24 


370  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Une  première  zone  très  instable  s'étend  de  Spanish  Town  à 
Gumana,  correspondant  ainsi  à  un  élément  bien  défini  de  la  chaîne 
Caraïbe,  seulement  interrompu  sur  d'étroits  espaces  par  la  Boca  del 
Drago,  faille  d'effondrement,  vers  l'Est,  et  par  la  dépression  de  Garu- 
pano,  autre  fracture.  Les  ruines  de  Gumana  sont  à  bon  droit  célèbres 
dans  l'histoire  des  tremblements  de  terre,  et  Cariaco  y  a  largement 
participé.  Le  golfe  de  Paria  pénètre  profondément  vers  l'Ouest  en 
marchant  à  la  rencontre  de  celui  de  Cariaco,  de  sorte  qu'ils  forment 
une  importante  coupure  tectonique.  Une  plaine  basse  de  même 
direction,  reste  de  lagunes  colmatées,  les  réunit.  De  vagues  traditions 
indiennes  relatent  une  irruption  de  la  mer  dans  cette  dépression 
peu  avant  l'arrivée  des  Espagnols.  La  double  péninsule  archéenne 
d'Asaya  est  donc  séparée  de  la  chaîne  mésozoîque  parallèle  du  Sud, 
ou  de  Cumanacoa,  par  une  cassure  qui  aurait  rejoué  récemment, 
et  dont  un  reste  de  mobilité  expliquerait  amplement  les  séismes 
fréquents  et  destructeurs  de  ces  parages. 

Le  golfe  à  l'ouest  de  Barcelona  et  la  plaine  du  Rio  Unare  corres- 
pondent à  une  interruption  de  la  chaîne.  Ce  sont  des  territoires  crétacés 
et  tertiaires,  se  reliant  à  ceux  de  même  nature  des  Llanos.  Ces  der- 
niers sont  stables  faute  de  dérangements,  car  ils  sont  restés  horizon- 
taux ;  mais  le  littoral  l'est-il  au  môme  degré,  en  raison  de  la  com- 
munauté de  constitution  géologique  ?  C'est  probable,  sans  que 
l'absence  de  renseignements  et  de  centres  dès  longtemps  colonisés 
permette  encore  de  l'affirmer. 

Vient  ensuite  la  Sierra  de  Caracas,  si  gravement  exposée.  Son 
relief  est  considérable,  et  elle  se  présente  comme  une  gigantesque 
falaise  au-dessus  de  La  Guayra*  Tout  fait  présumer  que  les  tremble- 
ments de  terre  sont  ici  d'origine  tectonique,  comme  le  lac  de  Yalencia 
qui  est  le  trait  géographique  le  plus  saillant.  Tout  ce  bloc  monta- 
gneux est  instable  au  plus  haut  degré. 

Plus  à  l'Ouest,  la  Cordillère  s'abaisse  beaucoup  et  fait  place  à  la 
dépression  de  Barquisimeto,  et  les  séismes,  sans  disparaître  com- 
plètement, perdent  du  moins  toute  sévérité. 

On  a  déjà  vu  que  les  îles  Sous-le-Vent  ne  ressentent  que  peu  de 
secousses  propres,  en  dehors  de  celles  qui  leur  viennent  du  continent. 
Ce  fait,  et  l'absence  de  séismes  sous-marins  dans  la  mer  des 
Caraïbes,  montrent  que  la  fracture  représentée  par  l'isobathe  de 
4  000  mètres,  —  si  toutefois  c'est  une  cassure  correspondant  à  l'effon- 
drement de  la  Méditerranée  antillienne,  —  a  du  moins  perdu  toute 
mobilité. 

L'instabilité  renaît  au  plus  haut  degré  le  long  du  flanc  nord-occi- 


LES  ANDES  371 

dental  de  la  Sierra  de  Mérida^  et  sur  tout  son  développement  de 
Tnijillo  à  San  Cristobal  del  Tachira,  avec  maximum  au  Sud,  mais 
sans  dépasser,  avec  ce  degré  du  moins,  la  dépression  du  Rio  Zulia, 
affluent  du  lac  de  Maracaybo.  Au  contraire  le  versant  des  Llanos  est 
beaucoup  plus  stable.  Cela  résulte  sans  aucun  doute  de  ce  que  la 
surrection  de  la  Cordillère  n'a  que  peu  dérangé  les  sédiments 
de  ce  côté,  tandis-  qu'elle  se  présente  comme  un  véritable  mur  de 
3  000  mètres  au-dessus  du  lac  de  Maracaybo,  avec  des  bouleverse- 
ments qui  ont  relevé  les  couches  secondaires  et  tertiaires  jusqu'à 
la  verticale,  et  non  loin  desquelles  Lagunillas,  ville  récente,  a 
autant  souffert  en  1892  que  Mérida  depuis  sa  fondation.  Sievers 
a  observé  que  les  roches  cristallines  de  Taxe  de  la  Cordillère  ont  à 
peine  frémi  sous  l'action  du  tremblement  de  terre  qui  a  renversé 
Cucuta,  Rosario  et  San  Antonio  en  1875. 

La  dépression  à  moitié  colmatée  du  lac  de  Maracaybo  est  vraisem- 
blablement un  territoire  effondré,  comme  contre-partie  de  la  surrec- 
tion de  la  chaîne,  et  la  ville  du  môme  nom  ne  ressent  que  de  rares 
secousses  peu  sévères,  qui  proviennent  peut-être  de  la  Sierra  de 
Perija,  formée  de  Crétacé  énergiquement  plissé  ^ 

L'énorme  massif  primitif  isolé  de  la  Sierra  Nevada  de  Santa 
Marta  n'est  pas  aussi  stable  que  sa  constitution  aurait  pu  le  faire 
supposer  par  analogie,  et  la  ville  du  même  nom  a  parfois  souffert, 
mais  incomparablement  moins  que  les  localités  voisines  de  la  Sierra 
de  Merida.  C'est  un  fragment  de  la  chaîne  caraïbe.  On  ne  manquera 
pas  d'observer  que,  plus  à  l'Ouest,  l'isobathe  de  4  000  mètres  quitte 
la  côte  pour  remonter  au  Nord,  mais  il  ne  faut  pas  donner  à  cette 
remarque  plus  d'importance  qu'elle  n'en  comporte  réellement,  puis- 
que l'on  a  signalé  plus  haut  la  stabilité  des  îles  Sous-le-Vent,  qu'elle 
suit  de  fort  près. 

La  basse  Colombie,  sans  ignorer  les  séismes,  est  stable.  Comme 
à  la  Trinidad,  les  volcans  de  boue,  Galera  Zamba  et  Turbaco,  n'y 
ont  apporté  aucun  danger  de  tremblements  de  terre.  On  connaît  un 
certain  nombre  de  secousses  pour  Cartagena  de  las  Indias  etMompox  ; 
et  un  séisme  du  Rio  Sucio  s'est  étendu,  en  1882,  sur  tout  l'isthme  de 
Darien;  il  aurait  été  assez  sévère  et  donné  des  inquiétudes  pour 
Tavenir  aux  constructeurs  du  canal  interocéanique  de  Panama.  Ces 
craintes  n'étaient  d'ailleurs  pas  justiCées. 

L'Atrato,  sur  la  mer  des  Antilles,  et  le  Rio  San  Juan,  sur  le  Paci- 
fique, coulent  dans  une  dépression  tertiaire  qui  forme  la  véritable 

*  Sievers.  Die  Sierra  Nevada  de  Santa  Marta  und  die  Sierra  de  Perija  (Zeiischr.  d, 
Ges,  f.  Brdkunde,  XXUI,  1). 


372  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

séparation  entre  rAmérique  du  Sud  et  rAmérique  centrale.  On  n'y 
connaît  pas  de  secousses,  et  la  seule  indication  scientifique  pos- 
sible, faute  de  renseignements  sur  sa  stabilité  ou  son  instabilité, 
est  qu'on  est  là  bien  en  dehors  du  géosynclinal  secondaire,  tel  qu'il 
a  été  tracé  par  Haug;  mais  cela  ne  prouve  pas  absolument  que  les 
mouvements  tertiaires  n'aient  point  atteint  ces  deux  vallées. 

De  la  Cordillère  orientale  on  ne  sait  rien  au  point  de  vue  séis- 
mique  ;  elle  est  probablement  stable,  s'il  se  confirme  qu'elle  est  de 
constitution  surtout  cristalline. 

Du  Cerro  de  Pasto  se  détachent  deux  autres  Cordillères»  avec 
axes  archéens,  contre  lesquels  le  Crétacé  est  fortement  redressé  ; 
elles  séparent  le  versant  pacifique  et  les  vallées  synclinales  du  Cauca 
et  de  la  Magdalena.  Des  tremblements  de  terre  du  versant  occidental, 
Ton  ne  sait  absolument  rien;  mais  ceux  de  Popayan,  Cali,  Honda 
et  Bogota  ont  causé  de  véritables  désastres.  Leur  origine  est  proba- 
blement la  même  que  pour  ceux  du  versant  septentiûonal  de  la  Sierra 
de  Mérida,  sans  que  le  dévelopement  inusité  de  l'appareil  volcanique 
dans  la  haute  Colombie  ait  rien  ajouté  à  la  séismicité  puisqu'il 
manque  dans  le  Venezuela.  Hettner  et  Link  *  n'ont  signalé  de  vraies 
cassures  que  dans  les  environs  de  Bogota. 

*  Zur  Géologie  und  Minéralogie  der  Golumbianischen  Ânden  (Berlin,  1S88). 


CHAPITRE  XXI 

LES  ANTILLES   ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE 

1.  —  Les  Antilles. 

Le  seul  nom  de  ces  îles  suffit  à  évoquer  le  douloureux  souvenir 
d'et&royables  catastrophes,  et  si  le  grand  tremblement  de  terre  de 
Port-au-Prince  en  1692  et  d'autres  analogues  se  sont  un  peu  effa- 
cés de  la  mémoire  des  hommes,  le  désastre  de  Saint-Pierre  de  la 
Martinique  en  1902  est  là  pour  s'ajouter  aux  tremblements  de  terre 
et  rappeler  le  double  danger,  séismique  et  volcanique»  auquel  les 
Indes  Occidentales  sont  exposées. 

Il  n'y  existe  pour  ainsi  dire  pas  d'observations  systématiques,  et 
les  stations  séismologiques  modernes  de  la  Trinidad  et  de  la  Mai'ti- 
nique  ont  un  tout  autre  but  que  celui  de  receler  les  macroséismes. 
Mais  comme  le  vaste  archipel  a  été  pendant  de  longs  siècles  le  foyer 
d'où  la  civilisation  européenne  s'est,  à  la  suite  de  Christophe  Colomb, 
irradiée  en  Amérique,  les  relations  de  tremblements  de  terre  abon- 
dent dans  les  documents  les  plus  divers,  de  sorte  que  la  répartition 
des  points  les  plus  exposés  est  connue  d'une  manière  très  satisfai- 
sante \  Il  en  est  de  même  pour  l'histoire  et  la  structure  géologiques. 

Les  Petites  Antilles,  Iles  du  Vent  ou  Caraïbes,  et  les  Grandes 
Antilles  forment  de  part  et  d'autre  de  la  passe  de  Sombrero  ou 
d'Anegada  deux  unités  géographiques  et  géologiques  différentes  et 
bien  définies  :  on  avait  cru  jusqu'à  ces  dernières  années  que  la 
structure  des  Grandes  Antilles  s'étendait  jusqu'à  la  Barbade  et  à  la 
Grande  Terre  de  la  Guadeloupe,  mais  les  plus  récents  travaux,  en 
particulier  ceux  de  Hill  %  ont  encore  accentué  la  distinction  entre  les 

•  Al.  Perrey.  Sur  les  tremblements  de  terre  aux  Antilles  {Mém.  Ac,  de  Dijon,  1845-46, 
325).  A.  Poey.  Catalogue  chronologique  des  tremblements  de  terre  ressentis  &  l'tle  de 
Cuba  de  1551  à  1855  {Nouv,  Ann.  des  Voyages.  Juin  1855)  ;  Id,  Supplément  au  tableau 
chronologique  des  tremblements  de  terre...  (Id.  décembre  1855). 

*  The  Geology  and  physic&l  Geography  of  Jamaica  :  Study  of  a  type  of  Antillean 
developmcnt  (Bull,  of  Ihe  Muséum  of  compar,  Zoloogy.  XXXI.  Cambridge,  Septem- 
b€rl899). 


374 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


•a 
et 


o. 

73 


?. 


S 


a 

60 


hù 


LES  ANTILLES  ET  LE  GENTRE-ÂMÉRI^QUE  375 

deux  groupes.  Nous  suivrons  principalement  cet  intéressant  travail. 

Les  Grandes  Antilles  bordent  au  Nord  la  Méditerranée  Antillienne, 
ou  mer  des  Caraïbes,  et  ces  îles  ont  été  depuis  les  temps  jurassiques 
le  théâtre  de  révolutions  considérables,  qui  ont  à  plusieurs  reprises 
bouleversé  leur  configuration,  les  faisant  émerger  et  s'immerger  tour 
à  tour,  pendant  que  leurs  systèmes  montagneux  s'édifiaient,  se 
dégradaient  et  se  rajeunissaient  de  nouveau.  Ces  transformations 
successives,  à  peine  terminées  actuellement,  justifient  pleinement, 
d'une  façon  générale,  leur  extrême  instabilité. 

Il  n'est  pas  du  tout  certain  que  les  deux  îles  principales,  Haïti 
et  Cuba,  possèdent  un  axe  archéen  ou  paléozoTque,  comme  on 
Tavait  cru  jusqu'à  ces  dernières  années,  et  il  est  probable  qu'au 
début  de  l'époque  crétacée,  une  barrière  terrestre,  plus  orientale  que 
les  isthmes  centre-américains»  séparait  les  faunes  pacifique  et  atlan- 
tique :  le  socle  submergé  des  Petites  Antilles  pourrait  bien  repré- 
senter les  restes  de  cet  obstacle  au  mélange  des  formes  de  la  vie. 
Les  conséquences  lointaines  de  cet  ancien  état  de  choses  se  mani- 
festent encore  aujourd'hui  par  les  caractères  de  la  faune  abyssale  de 
la  mer  des  Caraïbes,  au  type  plus  pacifique  qu'atlantique.  Au  Cré- 
tacé supérieur  seulement,  malgré  de  nombreuses  obscurités  de 
détail,  on  commence  à  reconnaître  assez  exactement  la  série  des 
événements  successifs  qui  ont  amené  la  configuration  actuelle  des 
Indes  Occidentales.  On  va  les  esquisser  rapidement,  car  ils  expli- 
quent bien  les  tremblements  de  terre  des  Antilles  par  leur  grandeur 
même  et  le  peu  de  temps  écoulé  depuis  les  derniers  de  ces  boulever- 
sements. 

A  la  fin  du  Crétacé,  l'activité  volcanique  prend  un  développement 
considérable,  en  même  temps  que  le  golfe  du  Mexique  s'étend  très 
loin  vers  le  Nord  entre  la  terre  appalachienne  et  celle  correspondant 
à  l'emplacement  des  Montagnes  Rocheuses.  On  ne  sait  trop  encore 
où  prenaient  naissance  ces  phénomènes  éruptifs,  peut-être  au  bord 
méridional  d'une  grande  île  Bahama-antillienne.  Bientôt  après,  se  pro- 
duisit une  énorme  dénudation,  et  l'épaisseur  des  dépôts  force  à  con- 
jecturer quelque  part  l'existence  d'une  grande  surface  émergée,  qu'on 
ne  peut  guère  supposer  qu'à  l'Ouest,  dans  le  Pacifique  même.  Quoi 
qu'il  en  soit,  et  comme  il  arrive  souvent  au  sein  des  géosynclinaux, 
cette  période  de  sédimentation  fut,  de  l'Éocène  à  l'Oligocène  infé- 
rieur, suivie  d'une  grande  submersion  qui  ne  laissait  guère  émerger 
que  les  plus  hauts  sommets  des  Grandes  Antilles,  et  dont  l'amplitude 
se  manifeste  par  la  présence  des  boues  à  globigérines  et  à  radiolaires 
particuliers  aux  grands  fonds.  A  cet  effondrement  succéda  pendant 


376  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

rOligocène  moyen  la  grande  poussée  orogénique  de  plissement  à 
laquelle  les  Antilles,  le  Mexique,  le  Centre-Amérique  et  le  Nord  de 
TAmérique  méridionale  doivent  leurs  principaux  traits  structuraux. 
C'est  alors  que  s'édifièrent  deux  axes  montagneux  ;  celui  du  Nord 
comprend  les  îles  Vierges,  Porto-Rico,  Saint-Domingue,  la  presqu'île 
Nord  d'Haïti,  la  Sierra  Maestra  de  Cuba,  enfin  la  ride  sous-marine 
qui,  supportant  les  Caymans  et  le  banc  Misteriosa,  se  dirige  vers  le 
fond  du  golfe  de  Honduras  entre  les  profondes  fosses  de  Bartlett  et 
du  Yucatan;  celui  du  Sud  se  détache  du  premier  au  massif  de  Cibao 
en  Saint-Domingue  et  comprend  la  presqu'île  sud  d'Haïti,  la 
Jamaïque,  et  les  bancs  San  Pedro,  Rosalinde  et  Mosquito,  ce  dernier 
contigu  au  Nicaragua;  le  mouvement  orogénique  est  grosso  modo 
dirigé  E.-W.,  et  il  correspond  comme  âge  à  la  surrection  des  Pyré- 
nées. Si  donc  les  Antilles  en  étaient  restées  là,  elles  ne  seraient 
probablement  pas  plus  exposées  aux  tremblements  de  terre  que  cette 
chaîne  de  l'Europe  occidentale.  Malheureusement  pour  elles,  d'autres 
événements  plus  récents  se  sont  produits,  et  d'ailleurs  il  s'y  est  pré- 
senté une  particularité  qui,  à  eUe  seule,  aurait  peut-être  suffi  à  engen- 
drer l'instabilité  actuelle.  Elle  consiste  en  ce  que,  dans  les  deux 
Amériques,  les  masses  qui  par  leur  résistance  au  mouvement  orogé- 
nique donnèrent  lieu  au  plissement  étaient  inversement  placées, 
dans  l'Atlantique  pour  l'Amérique  du  Nord,  dans  le  Pacifique  pour 
l'Amérique  du  Sud,  de  telle  sorte  que  leurs  axes  se  dépassaient 
quelque  part  en  échelon  entre  les  10'  et  25*  parallèles  et  les  75*  et 
100*  méridiens,  vaste  région  comprenant  les  Indes  Occidentales  et 
le  Centre-Amérique.  Ainsi  les  Antilles,  sous  l'influence  de  ce  double 
mouvement  pour  ainsi  dire  contrarié,  subirent  de  ce  fait  un  gigan- 
tesque effort  de  torsion  au  moment  du  plissement  oligocène. 

Les  vicissitudes  antilliennes  ont  continué  presque  jusqu'à  nos 
jours  par  une  série  de  submersions  et  d'émersions  partielles  qui  les 
ont  démembrées  telles  qu'elles  subsistent  aujourd'hui,  et  qui  sont 
mises  en  évidence  par  l'âge  successif  des  récifs  coralliens  et  des 
terrasses  littorales.  Le  détail  de  ces  mouvements  n'apprendrait  rien 
de  plus  au  point  de  vue  séismologique,  et  il  suffira  de  noter  que  ces 
dénivellations  furent  d'amplitude  décroissante,  de  sorte  que  les 
Grandes  Antilles  semblent  tendre  au  repos.  On  va  maintenant  en 
étudier  les  tremblements  de  terre  de  l'Est  à  l'Ouest,  en  notant  que 
sauf  Cuba,  instable  seulement  à  ses  deux  extrémités,  toutes  ces  Âes 
ont  subi  de  graves  catastrophes  séismiques,  et  la  fréquence  des 
secousses  simplement  modérées  y  est  partout  considérable. 

Les  îles  Vierges,  Porto-Rico  et  Saint-Domingue  forment  une  pre- 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-ÂMÉRIQUE 


377 


miëre  région  d'ébranlement.  Au 
Nord^  l'isobathe  de  4  000  mètres 
les  suit  de  très  près,  en  se  retour- 
nant brusquement  à  hauteur  du 
vieux  cap  Français  pour  remon- 
ter le  long  des  Bahamas;  et  jus- 
tement vers  rOuest,  au  delà  de 
ce  point,  le  littoral  septentrional 
de  Saint-Domingue  parait  moins 
instable  que  le  reste  de  Tile.  A 
hauteur  de  Porto-Rico,  les  fonds 
s'abaissent  jusqu'à  8  000  mètres 
dans  la  fossie  des  îles  Vierges. 
Au  Sudy  la  même  isobathe  de 
4000  mètres  de  la  mer  des  Ca- 
raïbes monte  droit  au  Nord  à  la 
hauteur  des  îles  Vierges,  précisé- 
ment moins  stables  que  les  Petites 
Antilles,  puis  suit  les  côtes  pour 
redescendre  vers  le  Sud  à  peu 
de  distance  d'Azua.  En  résumé, 
au  Sud  comme  au  Nord,  les  îles 
dont  il  s'agit  forment  le  sommet 
d'un  double  et  raide  talus  immergé 
et  strictement  limité  à  elles 
seules,  si  toutefois  l'on  en  excepte 
les  Bahamas,  que  les  tremble- 
ments de  terre  n'agitent  point 
parce  que  cet  archipel  est  in- 
demme  de  plissements.  Saint- 
Thomas  est  ici  le  point  le  plus 
exposé.  Cette  île  est  accore  sur 
risobathe  de  2000  mètres  qui 
traverse  les  îles  Vierges,  ce  qui 
aggrave  encore  l'influence  des 
pentes  extérieures,  c'est-à-dire 
de  l'effondrement  et  du  démantè- 
lement. Leurs  séismes  sont  remar- 
quables par  leur  intensité  et  le 
nombre  des  secousses  consécu- 
tives. Il  semble  bien  que  celui  du 


a 

73 


3 


378  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

8  février  1843,  étudié  par  Sainte-Claire  Deville*,  ait  eu  son  origine 
en  mer  et  un  peu  au  Nord,  et  cette  conclusion  doit  d'autant  plus 
vraisemblablement  s'étendre  à  d'autres  tremblements  de  terre,  en 
particulier  à  celui  de  novembre  1869,  si  riche  en  chocs  consécutifs, 
que  des  séismes  sous-marins  ont  été  signalés  en  assez  grand  nombre 
dans  ces  parages. 

Avec  moins  de  relief  et  des  couches  moins  dérangées,  Porto-Rico  est 
un  peu  plus  stable  que  ses  voisines  de  l'Est  et  de  l'Ouest,  et  par  une 
coïncidence  qui  ne  peut  être  fortuite,  Arecibo,  la  seule  ville  qui  ait 
eu  vraiment  à  souffrir,  est  située  sur  la  côte  nord  qui  confine  à 
l'abîme  de  8000  mètres. 

Deux  dépressions  longitudinales  importantes  traversent  Saint- 
Domingue  ;  celle  du  Sud,  ou  le  Cul-de-Sac,  va  de  Port-au-Prince  à 
Azua  et  Santo  Domingo,  tandis  que  celle  du  Nord  correspond  à  la 
vallée  du  Rio  Yaqui,  où  Altamira  et  Concepcién  de  la  Vega  ont 
autant  souffert  que  les  villes  précédentes  *.  Ces  deux  accidents  géo- 
graphiques correspondent  donc  à  des  dislocations  qui  n'ont  pas  repris 
leur  équilibre  final. 

La  branche  méridionale  des  Grandes  Antilles  est  extrêmement 
instable  aussi.  Elle  comprend  la  presqu'île  de  Jacmel,  très  rappro- 
chée de  l'isobathe  de  4  000  mètres  de  la  mer  des  Caraïbes  qui,  là,  est 
revenue  près  du  littoral,  et  l'île  de  la  Jamaïque  touchant  vers  le 
N.W.  aux  fonds  de  5000  mètres  qui  la  séparent  de  Cuba.  La  catas- 
trophe du  12  juin  1692  à  Port-au-Prince  est  un  véritable  événement 
historique.  Le  Cul-de-Sac  se  prolonge  jusque-là  et  y  retentit  souvent 
de  bruits  séismiques,  attestant  peut-être  la  permanence  de  l'activité 
des  efforts  tectoniques. 

Si  à  la  Jamaïque  les  villes  de  Port  Royal,  Kingston  et  Spanish 
Town  accaparent  de  beaucoup  le  plus  grand  nombre  des  séismes 
connus  de  l'île,  c'est  sans  doute  uniquement  par  suite  de  leur  pré- 
pondérance politique  aux  diverses  époques  de  son  histoire.  Mais  de 
graves  tremblements  de  terre  de  Savanna  la  Mar,  près  de  l'isobathe 
de  S  000  mètres,  doivent  suffire  à  lui  faire  supposer  une  séismicité 
tout  aussi  grande. 

La  chaîne  septentrionale  des  Grandes  Antilles  débute  par  la 
presqu'île  haïtienne  de  Saint-Nicolas,  et,  comprenant  la  Sierra 
Maestra  de  Cuba,  se  prolonge  comme  on  l'a  dit  plus  haut  par  les 

*  Observations  sur  le  tremblement  de  terre  de  la  Guadeloupe  le  8  février  1843  (Basse- 
Terre,  1843). 

'  G.  Agamemnone.  Il  terremoto  de  Haïti  nella  mattina  del  29  dicembre  1897  [BoU.  soc. 
sism.ilal,  1898177). 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  379 

îlots  des  Gaymans  et  le  banc  Misteriosa  entre  des  abîmes  dont  Tun 
atteint  plus  de  6000  mètres.  La  presqu'île  de  Saint-Nicolas  est  plus 
stable  que  celle  de  Jacmel,  et  elle  confine  aux  Bahamas  stables.  La 
Sierra  Maestra  de  Cuba  est  un  mur  rectiligne  tombant  d'un  seul  jet 
de  2300  mètres  d'altitude  à  des  fonds  de  6  000  mètres,  au  total  une 
dénivellation  de  8  300  mètres  que  l'on  peut  compter  parmi  les  plus 
considérables  de  celles  connues  à  la  surface  du  globe,  au  moins  avec 
cette  continuité.  Santiago  de  Cuba^  juste  en  face  de  l'extrémité  orien- 
tale de  la  fosse,  est  très  instable,  mais  on  ignore  si  les  tremblements 
de  terre  agitent  autant  la  partie  orientale  de  la  Sierra,  alors  que  les 
fonds  se  relèvent  rapidement  jusqu'au  cap  Maisi.  En  tout  cas,  San- 
tiago correspond  à  une  percée  dans  la  Sierra  Maestra,  indice  d'im- 
portantes dislocations.  Les  observations  manquent  pour  les  Gay- 
mans, de  sorte  que  quelques  secousses  mentionnées  ne  permettent 
pas  de  se  prononcer  sur  leur  véritable  séismicité.  En  1883,  des  bruits 
séismiques  y  ont  été  entendus  et  attribués,  évidemment  à  tort,  à  la 
fameuse  éruption  du  Krakatoa^ 

Au  delà  du  Rio  Cauto  vers  l'Ouest  commence  la  Sierra  de  Cuma- 
nayagua,  que  sa  constitution  géologique  a  fait  considérer  comme  un 
quatrième  fragment  de  l'ancienne  chaîne  démembrée.  On  a  tout  lieu 
de  supposer  qu'elle  est  stable,  ainsi  que  le  centre  de  Cuba.  Il  est 
très  digne  d'attention  d'observer  que  cette  aséismicité  correspond  à 
Téloignement  de  l'isobathe  de  4000  mètres,  qui  ne  reparaît  que  près 
de  Trinidad  et  de  l'île  des  Pins,  cela  justement  vers  le  seul  foyer 
d'ébranlement  connu  dans  la  partie  occidentale  de  Tîle,  celui  de 
San  Gristobal  et  de  Vuelta  Abajo,  que  Salterrain  et  Viûes  *  limitent 
entre  les  méridiens  de  Las  Mangas  et  de  Santa  Cruz  de  los  Pinos. 

Le  littoral  nord  de  Cuba  est  rarement  ébranlé,  ce  qui  s'explique 
parce  qu'il  appartient  en  partie  aux  couches  tertiaires  peu  déran- 
gées et  aux  formations  coralliennes  récentes  des  Bahamas  parfaite- 
ment stables,  qui  ne  font  pas  plus  que  cette  bande  côtièro  partie  du 
géosynclinal,  en  tant  du  moins  que  théâtre  des  grands  mouvements 
tertiaires  de  surrection. 

En  résumé,  la  haute  séismicité  générale  des  Grandes  Antilles  est 
tellement  liée  au  tracé  des  isobathes  qu'on  ne  peut  se  refuser  à  la 
considérer  comme  une  conséquence  des  fractures  dont  les  raides 
talus  sous-marins  représententles  lèvres.  Mais  malgré  une  très  intense 

*  A.  Forel.  Bruits  souterrains  entendus  le  2G  août  1883  dans  Tilot  de  Caiman-Brac 
(C.  R.  Ac.  Se.  Paris,  C,  755, 1885).  — /</.  L'érupUon  du  Krakatoa  entendue  jusqu'aux  anti- 
podes (La  Nature,  9  mai  1885.  Paris). 

*  Ligera  rcseûa  de  los  temblores  ocurridos  en  la  isla  de  Cuba  (Boll.  Corn,  del  Mapa 
geol.  de  EspaHa,  X,  371, 1883). 


380 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


navigation,  depuis  quatre  siècles,  on  ne  connaît  pour  ainsi  dire  pas 
de  séismes  sous-marins  dans  la  mer  des  Caraïbes,  tandis  qu'ils  sont 
fréquents  dans  l'Atlantique  à  l'extérieur  de  l'arc  Antillien,  ainsi  que 


Fig.  C5.  —  Les  Petites  xVntilles. 

les  vagues  séismiques  en  bien  des  points  des  côtes  :  tout  autour  de 
la  Jamaïque,  littoral  nord  de  Porto-Rico  et  archipel  des  îles  Vierges. 
Il  faut  donc  admettre  que  le  mouvement  d'effondrement  est  com- 
plètement éteintdans  la  mer  des  Caraïbes,  mais  qu'il  se  perpétue  dans 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  381 

rAtlantique,  et  aussi  que  peut-être  un  mouvement  positif  ou  négatif 
des  Grandes  Iles  se  continue.  Il  faudrait  avoir  des  tracés  d'isoséistes 
pour  s'orienter  dans  ces  considérations  encore  bien  hypothétiques. 
Les  manifestations  volcaniques  récentes  ont  été  à  peu  près  nulles 
dans  ces  terres,  contrairement  au  rôle  important  qu'elles  y  ont  joué 
au  commencement  du  Tertiaire. 

Les  Petites  Antilles,  îles  Caraïbes  ou  du  Vent,  ferment  à  l'Est  la 
Méditerranée  américaine  par  une  courbe  presque  ininterrompue,  dont 
la  légère  convexité  est  tournée  vers  l'Atlantique.  Elles  reposent  sur 
une  étroite  plate-forme  située  à  2  000  mëtres  de  profondeur,  et  qui  sur- 
git elle-même  des  abîmes  de  l'Est  et  de  l'Ouest;  on  est  en  droit  de  les 
regarder  comme  un  reste  de  l'antique  barrière  entre  les  deux  océans, 
et  dont  l'îlot  d'Aves  serait  peutrôtre  la  dernière  relique  émergée.  Au 
point  de  vue  géologique,  ces  îles  sont  de  deux  types  bien  différents,  le 
type  exclusivement  volcanique  ou  caraïbe,  comme  la  Martinique,  et 
le  type  sédimentaire  ou  antillien,  comme  la  Barbade;  quelques-unes 
d'entre  elles  participant  de  l'une  et  de  l'autre  structure,  comme 
Antigua.  La  Guadeloupe  est  formée  de  deux  îles  accolées,  la  Basse 
Terre  et  la  Grande  Terre,    respectivement  volcanique  et  sédimen- 
taire. Au  point  de  vue  de  la  situation,  l'archipel  peut  se  diviser  en 
deux  ceintures  :  l'intérieure,  presque  exclusivement  volcanique  (Saba, 
Saint-Eustache,  Saint-Christophe,  Nevis,  Montserrat,  Basse  Terre 
de  la  Guadeloupe,  la  Dominique,  la  Martinique,  Sainte-Lucie,  Saint- 
Vincent,  les  Grenadines,  la  Grenade)  comprend  les  sommets  les  plus 
récents  et  les  plus  élevés  de  la  chaîne  ;  l'extérieure  est  sédimentaire 
et  volcanique  tout  à  la  fois  (Sombrero,  Dog,  Anguilla,  Saint-Martin, 
Saint-Barthélémy,   Antigua,   la   Grande  Terre  de  la  Guadeloupe, 
Marie  Galante,  la  Désirade)  ;  la  Barbade  est  à  part. 

Les  premières  ont  été  édiQées  par  les  évents  volcaniques  en  acti- 
vité depuis  le  commencement  du  Tertiaire,  mais  qui,  presque  com- 
plètement éteints  au  Pléistocène,  en  sont  maintenant  réduits,  pour  la 
plupart,  à  la  phase  solfatarienne  ;  les  secondes  ne  sont  en  réalité  que  des 
fonds  marins,  amenés  au  jour  par  surrection  à  la  faveur  d'une  cassure, 
probablement  représentée  par  le  talus  atlantique  bien  plus  accentué 
que  la  pente  caraïbe.  C'est  donc  du  côté  extérieur  qu'il  faut  s'attendre 
à  voir  prédominer  l'instabilité  séismique.  Cette  suggestion  est  corro- 
borée, dans  une  certaine  mesure,  par  l'absence  de  secousses  sous- 
marines  dans  la  Méditerranée  antillienne,  tandis  que  ces  parages 
de  l'Atlantique  en  ont  fourni  un  assez  grand  nombre  ;  mais  les  îles 
des  deux  ceintures  sont  trop  rapprochées  les  unes  des  autres  pour  que 
les  observations  aient  pu  mettre  nettement  en  évidence  cette  suppo- 


382  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

sition.  II  faudrait  des  tracés  d'isoséistes  qui  manquent  encore.  En 
tout  cas,  la  cassure  est  assez  profonde  et  assez  récente,  pléistocëne 
ou  peut  être  môme  actuelle,  pour  qu'en  l'absence  de  poussée  orogé- 
nique et  de  plissement  Tarchipel  des  'Petites  Antilles  soit  fréquem- 
ment ébranlé. 

On  y  a  éprouvé  un  certain  nombre  de  tremblements  de  terre  fort 
sévères  et  même  destructeurs,  mais  pour  se  faire  une  idée  exacte  de 
la  véritable  séismicité,  il  faut  tenir  compte  de  l'extrême  incohérence 
des  matériaux  volcaniques  dont  les  îles  du  type  caraïbe,  dans  le 
sens  que  Hill  a  donné  à  ce  terme,  sont  à  peu  près  exclusivement 
composées;  sans  aucun  doute,  plusieurs  de  leurs  séismes  graves 
auraient  passé  à  peu  près  inaperçus  dans  les  Grandes  Antilles,  incom- 
parablement mieux  assises  sur  leurs  sédiments  ou  leurs  produits 
éruptifs  massifs  beaucoup  plus  résistants  que  les  cendres  ou  les  tufs 
volcaniques  de  leurs  petites  voisines.  Il  faut  ajouter  aussi  que,  dans 
ces  dernières,  il  s'est  produit  des  séries  d'innombrables,  mais  faibles 
secousses,  qui  donnent  l'impression,  contraire  à  la  réalité,  qu'elles 
sont  plus  instables  que  les  grandes  terres  de  l'Ouest. 

La  question  des  ruptures  de  câbles  sous-marins  par  tremblements 
de  terre  est  d'un  grand  intérêt,  tant  pratique  que  tliéorique.  Nous 
avons  étudié  le  premier  point  de  vue  dans  un  travail  purement  tech- 
nique *,  et  nous  étions  arrivés  à  cette  conclusion,  conforme  à  l'avis 
des  ingénieurs  de  la  Compagnie  française  des  câbles  télégraphiques, 
que  seuls  des  tremblements  de  terre  d'une  intensité  particulièrement 
violente  peuvent  briser  des  objets  d'une  aussi  grande  élasticité, 
construits  suivant  une  forme  et  essayés  sous  une  résistance  telles 
qu'une  rupture  exige  un  effort  d'une  brusquerie  et  d'une  grandeur 
considérables.  Cependant  ces  accidents  sont  fréquents  et  on  les 
explique  comme  on  peut,  par  leur  frottement  répété  sur  des  arêtes 
vives  de  rochers  lors  des  vibrations  séismiques  du  fond  de  la  mer, 
par  la  formation  d'affaissements  de  grande  largeur  et  alors  le  porte- 
à-faux  du  câble  le  fait  rompre  sous  son  poids,  enfin  par  enfouisse- 
ment sous  des  quartiers  de  roches  apportés  par  les  courants  de  pro- 
fondeur, les  icebergs,  ou  l'écroulement  par  tremblements  de  terre  de 
raides  talus  sous-marins.  Cela  équivaut  à  faire  dans  chaque  cas  par- 
ticulier une  hypothèse  que  les  opérations  de  relèvement  sont  le 
plus  souvent  impuissantes  à  vérifier.  Conformément  aux  vues  de 
W.  G.  Forster,  ingénieur  des  câbles  helléniques,  Milne  a  cherché  à 
mettre  en  relation  les  ruptures  de  câbles  de  ces  dernières  années,  et 

*  L'art  de  construire  dans  ]es  pays  à  tremblements  de  terre  {Beitrage  zur  Geaphffsik.t 
Vn,  137  Leipzig»  1904}. 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  383 

sur  toute  la  surface  du  globe  *,  avec  les  tremblements  de  terre  ressentis 
dans  les  régions  voisines,  soit  simultanément,  cas  très  rare,  soit  dans 
le  cours  d'un  intervalle  de  temps  plus  ou  moins  long  et  variant  de 
quelques  heures  à  une  journée,  soit  en  coïncidence  plus  ou  moins 
approchée  avec  des  tracés  de  séismogrammes  correspondant  à  des 
téléséismes  observés  dans  des  stations  séismographiques  souvent 
fort  éloignées  des  mers  où  ces  ruptures  s'étaient  produites,  et  lors 
même  que  les  côtes  voisines  sont  connues  .pour  leur  immunité  séis- 
mique.  C'est  dire  combien  les  recherches  de  Milne  paraissent  peu 
probantes  quant  au  rôle  qu'il  veut  faire  jouer  aux  tremblements  de 
terre  dans  ces  phénomènes  de  rupture,  sauf  dans  quelques  cas  parti- 
culiers de  coïncidence  manifeste.  Les  éruptions  de  la  Martinique  et 
de  Saint-Vincent  en  1902  ont  donné  à  Lacroix*  l'occasion  d'étudier 
ces  intéressants  phénomènes. 

Ce  savant  a  commencé  par  compléter,  au  moyen  de  documents 
fournis  par  les  Compagnies  française  et  anglaise  des  câbles  télégra- 
phiques, la  liste  des  ruptures  qui  se  sont  produites  en  1902  autour 
des  Petites  Antilles  et  qui*  ont  été  publiées  dans  le  rapport  de  la  com- 
mission anglaise  sur  l'éruption  de  la  Soufrière  de  SaintrVîncent  '. 

Le  plus  grand  nombre  de  renseignements  ont  été  fournis  à  Lacroix 
par  Brown,  secrétaire  de  la  West  India  and  Panama  Telegraph 
Company, 

Il  résulte  de  ces  investigations  qu'aucune  rupture  n'a  coïncidé  réelle- 
ment aux  alentours  de  la  Martinique  avec  une  quelconque  des  rares  et 
faibles  secousses  ressenties  dans  cette  île  pendant  l'année  1902;  que  les 
secousses  de  Saint-Vincent  ont  été  toutes  localisées  autour  de  la  Sou- 
frière et  ne  peuvent  donc  être  mises  en  cause;  que  si  les  opérations  de 
repêchage  des  câbles,  exécutées  en  vue  de  leur  réparation,  ont  bien 
constaté. qu'ils  étaient  souvent  enfouis  sous  d'énormes  quantités  de 
matériaux  divers,  cendres,  lapillis,  boues,  roches,  arbres  même, 
apportés  au  loin  en  mer  par  les  torrents  causés  par  les  éruptions  de  la 
Montagne  Pelée,  ces  phénomènes  accessoires  et  consécutifs  avaient 
toujours  eu  lieu  plusieurs  heures  après  les  ruptures  constatées  ;  et 
qu'enfin  des  éruptions  sous-marines  ne  peuvent  être  invoquées  non 
plus,  car  aucune  n'a  été  constatée  scientifiquement,  et  que  dans  un 
seul  cas,  d'ailleurs  douteux,  le  câble  à  réparer  aurait  été  retiré  chaud. 

*  Third  Report  of  the  Committee  on  seismic  investigation  (BriL  Ass,  for  Ihe  Adv,  ofSc, 
Bristol  Meeting,  1898,  292). 

*  La  Montagne  Pelée  et  ses  éruptions  (Paris,  1905). 

*  Tempest  Anderson  et  Flett.  Report  on  the  cnipUon  of  the  Soufrière  in  Saint  Vin- 
cent 1902  and  on  a  visit  to  Montagne  Pelée  in  Martinique  (Part  I.  Phil,  Trans.  of  the 
Boy.  Soc.  London.  Séries  A.  CC.  353). 


384  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

En  résumé  les  causes  de  rupture  des  câbles  télégraphiques  sous* 
marins  restent  bien  mystérieuses,  et  il  était  nécessaire  de  montrer  au 
moyen  des  seules  études  directes  et  sérieuses  faites  jusqu'à  présent, 
que  les  vues  de  Forster  et  de  Milne  à  ce  sujet  ne  sont  rien  moins  que 
prouvées,  non  plus  que  les  conséquences  déduites  par  ce  dernier 
sur  la  répartition  générale  des  régions  à  tremblements  de  terre  à  la 
surface  du  globe,  et  en  particulier  des  océans. 

On  ne  manquera  pas  de  remarquer  le  contraste  frappant  qu'ont 
présenté  les  deux  éruptions  presques  simultanées  de  1902  au  point 
de  vue  des  phénomènes  séismiques  :  insigniflants  dans  Tîle  française, 
ils  ont  été  nombreux,  mais  faibles  dans  l'île  anglaise. 

La  Barbade  forme  un  petit  monde  géologique  à  part,  différant  des 
Antilles  aussi  bien  que  de  l'Amérique  du  Sud.  Elle  semble  appartenir 
à  une  ride  atlantique  submergée  et  les  tremblements  de  terre  autoch- 
tones y  sont  peu  fréquents. 

La  séismicité  des  Antilles  s'étend  aux  régions  environnantes, 
Centre-Amérique  et  Nord  de  l'Amérique  méridionale.  La  Méditer- 
ranée caraïbe  terminant  à  l'Ouest  la  série  «des  dépressions  instables 
qui  se  succèdent  presque  sans  interruption  depuis  les  îles  de  la 
Sonde  par  le  golfe  Persique,  la  Mésopotamie  et  la  Méditerranée,  il 
serait  d'autant  plus  étrange  qu'il  en  fût  autrement,  qu'elle  appartient 
en  même  temps  aux  deux  géosynclinaux  dont  elle  forme  le  nœud 
de  croisement,  et  qu'elle  a  subi  les  vicissitudes  tertiaires  les  plus 
récentes. 

2.  ~  Le  Centre- Amérique. 

Le  Centre-Amérique,  compris  entre  les  grandes  chaînes  des  Andes 
et  des  Montagnes  Rocheuses,  s'étend  entre  les  isthmes  du  Darien 
et  de  Tehuantepec,  et  il  semble  avoir  constitué  jadis  trois  grandes 
îles  inégales,  séparées  entre  elles  et  d'avec  les  deux  masses  conti- 
nentales du  Nord  et  du  Sud  par  les  détroits,  maintenant  exondés, 
de  Tehuantepec,  Nicaragua,  Panama  et  Darien.  Ces  pays  sont  très 
exposés  aux  éruptions  volcaniques,  et  les  catastrophes  séismiques  ne 
s'y  comptent  pour  ainsi  dire  plus  ;  l'histoire  de  ces  événements  est 
maintenant  bien  connue  ^  Il  manque  cependant  à  la  recherche  des 
causes  d'instabilité  des  tracés  d'isoséistes  et  de  sérieuses  détermina- 
tions d'épicentres,  ce  qu'aggrave  encore  l'absence  d'explorations 
géologiques  détaillées. 

*  De  Montessus  de  Ballore.  Tremblements  de  terre  et  éruptions  volcaniques  au  Centre' 
Amérique  (Dijon,  1888). 


¥ig,  66.  —  Le  Centre-Amérique. 
Di  MoNTBMut.  ~  TremblemenU  de  terre. 


25 


386  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQIJE 

D'une  façon  générale,  le  versant  Pacifique  est  le  seul  instable, 
quoique  Tisobathe  de  4  000  mètres  ne  suive  ce  littoral  qu'à  quelques 
200  kilomètres,  et  le  versant  opposé,  descendant  en  pente  douce  sur 
la  mer  des  Antilles,  est  au  contraire  d'une  remarquable  stabilité. 

Le  Yucatan  est  une  grande  dalle  de  calcaire  tertiaire,  frangée  de 
Quaternaire,  et  restée  horizontale,  non  plissée  et  sans  grands  déran- 
gements. Sa  constitution  est  karstique,  et  ses  Cenotes  correspon- 
dent aux  dolines  des  Alpes  orientales.  Ignorant  les  tremblements  de 
terre,  elle  participe  au  repos  séismique  de  la  Floride  et  des  Bahamas 
avec  lesquelles  elle  formait  naguère  un  ensemble,  simplement  mor- 
celé, récemment,  le  long  de  cassures  franches  représentées  par  les 
fonds  de  2 100  mètres  qui  la  séparent  de  l'extrémité  occidentale  de  Cuba, 
et  ceux  de  3  500  mètres  de  la  Méditerranée  mexicaine.  L'absence  de 
tout  plissement  tertiaire  rend  bien  compte  d'une  stabilité  qui  s'étend 
aussi  au  Tabasco,  où  régnent  à  peu  près  les  mêmes  circonstances 
géologiques. 

Le  Centre-Amérique  s'étend  au  Nord  jusqu'à  Tisthme  de  Tehuan- 
tepec  et  par  conséquent  le  Chiapas,  tout  au  plus  pénéséismique,  doit 
être  considéré  comme  lui  appartenant.  San  Juan  Bautista  et  San 
Cristobal  forment  un  médiocre  foyer  d'ébranlement,  qu'expliquent  le 
relèvement  et  les  dislocations  consécutives  des  sédiments  secondaires 
contre  la  Cordillère  longitudinale  archéenne,  ou  Sierra  Madré,  du 
Centre-Amérique  '.  Le  désastre  qu'aurait  en  1828  produit  un  tremble- 
ment de  terre  à  Villa  Hermosa  et  Tacotalpa  paraît  peu  authentique  ; 
c'est  sans  doute  quelque  séisme  simplement  sévère,  considérablement 
exagéré;  en  tout  cas  on  n'y  connaît  aucun  autre  fait  de  ce  genre. 

Depuis  les  voyages  de  Karl  Sapper\  on  commence  à  comprendre 
les  grandes  lignes,  déjà  esquissées  par  DoUfus  et  de  Montserrat', 
de  l'orographie  et  surtout  de  l'histoire  géologique  du  Guatemala. 
Une  chaîne  archéenne  et  primaire  forme  entre  le  golfe  de  Honduras 
et  le  Chiapas  un  arc  à  grande  courbure,  pénétré  par  le  sillon  des 
vallées  des  Bios  Motagua  et  Chiapas,  divergeant  en  sens  inverse  des 
Altos  de  Huehuetenango,  Quiche  et  Alta  Yera  Paz  ;  ce  versant, 
d'abord  très  tourmenté  le  long  du  massif,  est  composé  de  bandes 

*  E.  BOse.  Los  temblores  de  Zanatepec,  Oaxaca,  à  fines  de  Septiembre  de  1982  {Parer- 
gonesdelinsL  geoL  de  Mexico,  l,  1, 1903). 

*  Gmndzûge  der  physikalischen  géographie  von  Guatemala  {Petermann's  geogr.  Mitlh., 
Gotha,  1894,  Erg.-helftN*  113).  —  Id,  Jn  den  Vulkangehieten  MitUlameHkas  und  IVes/ui- 
dien8.  Reiseschilderangen  und  Studien  ûber  die  VulkanausbrÛcheder  Jahre  1902  bis  1903, 
ihre  geologischen,  wirtschaiUichen  und  sozialon  Folgen  (Stuttgart,  1905). 

3  Voyage  géologique  dans  les  Républiques  de  Guatemala  et  du  Salvador  (Mission  tcvnt- 
tifique  au  Mexique  et  dafis  VAménque  centrale.  Géologie,  Paris,  1868). 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  387 

étroites  et  très  disloquées  de  sédiments  paléozoïques,  mais  d'âge 
encore  mal  délini.  LePéten,  relativement  peu  accidenté  et  aux  longues 
ondulations,  est  formé  de  couches  crétacées  et  tertiaires  largement 
étalées,  dont  il  est  inutile  de  parler  davantage,  les  séismes  y  parais- 
sant inconnus,  vraisemblablement  en  raison  même  de  la  douceur  des 
ondulations  de  son  relief. 

Le  Bélize,  ou  Honduras  britannique,  est  le  tliéâtre  de  quelques 
secousses  autochtones,  plutôt  faibles  et  rares.  On  ne  peut  à  leur 
sujet  que  rappeler  la  raideur  avec  laquelle  cette  côte  est  coupée  du 
côté  de  Cuba,  sans  oublier  cependant  que  cette  circonstance  lui  est 
commune  avec  le  Yucatan  si  stable. 

Par  contre  le  fond  du  golfe  Amatique  est  certainement  assez 
exposé.  Sans  compter  le  contre-coup  des  grands  tremblements  de 
terre  venant  du  Guatemala,  on  connaît  un  certain  nombre  de  chocs 
à  Livingston,  Santo  Tomas,  Trujillo  et  Tîle  de  Roatan,  et  en  1856 
Omoa  a  souffert  notablement.  Or  cette  côte  correspond  à  divers  acci^* 
dents  importants  :  la  dépression  du  lac  d'Yzabal,  ouverte  au  pied 
de  la  Sierra  del  Mico,  se  déverse  dans  TAtlantique  par  le  Rio  Dulce 
au  travers  d'une  petite  chaîne,  crétacée  et  tertiaire,  parallèle  au  rivage 
du  fond  du  golfe  entre  Sarstoon  et  Puerto  Barrios,  et  qui,  tout  à  fait 
indépendante  du  système  orographique  du  Guatemala  central,  doit 
son  origine  à  une  poussée  récente.  Cette  côte  montre  des  traces  d'af- 
faissement moderne,  depuis  les  temps  historiques  ;  enfin  et  surtout, 
les  petites  îles  de  Roatan  et  d'Utila  sont  implantées  sur  le  raide  et 
profond  talus  prolongeant  jusque-là  les^  hauts  fonds  qui  représentent 
la  chaîne  médiane  des  Grandes  Antilles  (Sierra  Maestra  de  Cuba  et 
Caymans),  que  les  tremblements  de  terre  ébranlent  si  gravement 
dans  sa  partie  orientale.  Il  ne  manque  donc  pas,  au  voisinage  du 
golfe  de  Honduras,  de  causes  probables  d'instabilité,  sans  qu'il  y  ait 
à  faire  appel  aux  dislocations  du  synclinal  du  Motagua,  accident 
trop  ancien  pour  cela. 

Ce  versant  septentrional  du  massif  guatémaltèque  présente  autour 
de  Coban,  dans  le  département  de  TAlta  Yera  Paz,  une  région  au  moins 
pénéséismique,  mais  dont  l'étendue  réelle  est  encore  tout  à  fait  impré- 
cise. Tout  ce  qu'on  en  peut  dire,  d'après  Sapper,  c'est  que  non  loin 
de  là,  et  au  Nord  de  la  Sierra  de  Pocolhà,  les  couches .  crétacées 
sont  disposées  en  petites  chaînes  très  plissées  et  faillées,  et  que  le 
Tertiaire  s'y  montre  en  petits  bassins,  allongés  suivant  la  même 
direction  E.-W.  Le  même  explorateur  *  pense  que  certaines  de  ces 

*  Ueber  Erderschûtterungen  in  der  Alla  Vera  Paz,  Guatemala  {Zettschr.  d,  deulsch. 
geol,  Ges,,  XLVII.  832). 


388  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

secousses  pourraient  être  produites  par  des  éboulements  de  dolines, 
mais  il  a  bien  soin  d'ajouter  qu'il  n'a  pas  de  preuves  de  fait  à  donner 
à  Tappui  de  cette  opinion,  que  nous  avons  eu  bien  des  fois  l'occasion 
de  montrer  inadéquate  aux  effets  à  expliquer  ;  en  tout  cas^  il  se 
trompe  certainement  lorsqu'il  assimile  ces  circonstances  séismo- 
géniques  à  celles  du  Tabasco,  puisque  le  sol  ne  tremble  pas  dans  cet 
État  mexicain,  couvert  par  des  formations  tertiaires  restées  hori- 
zontales ^ 

Dès  les  époques  les  plus  reculées,  et  peut-être  sans  discontinuité, 
les  forces  internes  se  sont  donné  libre  carrière  sur  le  flanc  pacifique 
de  Tancienne  Sierra  Madré  guatémaltèque  pour  lui  élever  un  rem- 
part de  roches  éruptives  de  tous  les  âges,  granités,  diorites  et  dia- 
bases,  plus  tard  porphyres,  andésites,  trachytes  et  basaltes,  que 
couronnent  maintenant  les  plus  récents  cônes  volcaniques  actifs 
ou  éteints.  Il  est  bien  certain  aussi  que  l'activité  éruptive  a  été 
extrême  dans  tout  le  Centre-Amérique  à  la  fin  du  Crétacé  et  au  com- 
mencement du  Tertiaire,  en  même  temps  d'ailleurs  que  dans  les 
Antilles,  et  antérieurement  au  grand  plissement  qui,  à  l'Oligocène 
moyen,  a  érigé  les  rides  montagneuses  des  Indes  Occidentales.  Ce 
mouvement,  qui  explique  au  moins  en  partie  l'instabilité  de  celles- 
ci,  s'estril  étendu  à  l'Amérique  centrale?  C'est  fort  probable,  mais  la 
géologie  n'en  est  pas  encore  assez  avancée  pour  que  l'on  puisse  Taf- 
firmer  pour  d'autres  régions  d'ébranlement  que  celle  de  TAlta  Vera 
Paz. 

he  versant  pacifique  du  Guatemala  est  très  exposé  aux  tremble- 
ments de  terre,  et  c'est  sans  hésitation  que  les  observateurs  ont 
considéré  ceux-ci,  sans  plus  de  détails,  comme  d'origine  volcanique. 
La  question  vaut  qu'on  s'y  arrête.  La  ligne  volcanique  commence  en 
réalité  dans  le  Salvador,  à  l'Izalco,  assez  brusquement  né  en  1770, 
et  se  développe  en  ligne  droite  de  direction  S.E.-N.W.,  jusqu'au 
Tacanà  sur  la  frontière  mexicaine,  A  l'Izalco,  elle  pousse  vers 
le  Nord  une  branche  plus  petite,  éteinte  au  moins  depuis  la  con- 
quête espagnole.  Sur  toute  son  extension,  elle  comporte  trois  districts 
séismiques  bien  distincts  :  au  Nord  celui  de  Quetzaltenango-Sololà, 
avec  les  volcans  actifs  de  Santa  Maria  et  Atitlân  ;  au  Sud  le  Santa-Ana 
et  rizalco  près  de  Sonsonate;  enfin  au  Centre  celui  de  Guatemala,  le 
plus  dangereusement  exposé  de  tous,  avec  les  volcans  actifs  de 
Fuego  et  du  Pacaya.  Tous  les  autres  évents  sont  au  contraire 
éteints,   quand  leur  activité  ne  se  borne  pas  à  quelques  simples 

*  Th.  Laguerenne.  Estado  de  Tabasco.  Descripciôn  topogrâGca  (Ifem.  Soe.cient.  Anto- 
nio Alzale,  XVII,  125,  Mexico,  1902). 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  389 

fumées.  Cette  disposition  semblerait  donc  appuyer  Torigine  volca- 
nique des  trois  régions  séismiques.  En  effets  Ton  ne  saurait  arrêter 
la  ligne  éruptive  à  l'Izalco  ;  tout  démontre  qu'elle  ne  diffëre  en  rien 
de  celle  du  Salvador,  du  Nicaragua  et  du  Costa-Rica  même.  On 
arrive  alors  à  San  Salvador,  au  pied  du  volcan  éteint  du  même 
nom  et  non  loin  du  lac  d'Ilopango,  au  centre  duquel  s'est  formé  un 
éphémère  volcan  en  1879-80.  Cette  ville,  dont  les  catastrophes  ne  le 
cèdent  en  rien,  comme  nombre  et  violence,  à  celles  de  Guatemala, 
donnerait  raison  à  la  théorie  volcanique,  si,  bien  plus  près  du  vol- 
can, ne  se  trouvait  Santa  Tecla,  toujours  indemne  de  tremble- 
ments de  terre  sévères.  Plus  loin  encore,  San  Vicente,  au  pied  du 
Ghichontepec,  depuis  les  temps  historiques  complètement  inactif 
et  réduit  à  Tétat  de  solfatare,  a  eu  des  tremblements  de  terre  sérieux. 
San  Miguel  a  tout  autant  souffert  des  séismes  que  des  éruptions 
de  son  volcan,  et  La  Union  est  certainement  beaucoup  moins 
exposée,  quoique  située  au  pied  même  du  Conchagua,  dont  on  con- 
naît une  éruption,  et  non  loin  du  Coseguîna,  qui,  de  l'autre  côté  de 
la  baie  de  Fonseca,  a  eu,  en  1835,  une  des  plus  violentes  explo- 
sions, d'ailleurs  unique,  dont  l'histoire  fasse  mention,  et  tout  à  fait 
comparable  à  celle  duKrakatoa  en  1883.  Au  Nicaragua,  le  Las  Pilas, 
surgi  en  1850,  le  Masaya  et  l'Omotepec  sont  ou  ont  été  actifs,  mais 
l'instabilité  des  villes  de  Léon,  Granada  et  Rivas  est  déjà  fort  atté- 
nuée, quoique  encore  notable.  Enfin  au  Costa-Rica,  San  José  et  Car- 
tago  complètent,  au  pied  du  Poas  et  de  l'Irazii  à  l'activité  intermit- 
tente, la  série  des  districts  à  catastrophes  séismiques.  Si  donc  au 
Chili  l'indépendance  entre  les  phénomènes  volcaniques  et  séismiques 
est  patente,  ici  elle  est  beaucoup  moins  nette,  et  ne  saurait  résulter 
du  parallèle  qui  vient  d'être  établi  entre  les  deux  ordres  de  faits.  Mais 
personne  n'a  voulu  voir  que  le  littoral  des  quatre  républiques  est 
très  stable,  à  peine  ébranlé  de  temps  à  autre  par  quelques  secousses 
propres,  si  l'on  néglige  les  chocs  venant  de  l'intérieur,  de  sorte  que 
de  la  frontière  du  Mexique  à  celle  de  la  république  de  Panama,  l'ins- 
tabilité règne  sur  le  flanc  interne  de  la  Cordillère  côtière  et  volca- 
nique, à  la  presque  exclusion  de  son  versant  maritime.  Cette  obser- 
vation suffit  à  elle  seule  pour  faire  considérer  les  tremblements  de 
terre  de  la  côte  du  Pacifique  comme  tout  à  fait  indépendants  des 
manifestations  volcaniques,  puisqu'ils  se  restreignent  au  seul  versant 
interne  de  la  chaîne  éruptive;  il  est  évident  que  si  ces  séismes 
étaient  d'origine  volcanique,  ils  ébranleraient  également  les  deux 
versants. 

Cette  stabilité  de  la  côte  n'est  pas  absolue,  cependant.  Le  grand 


390  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

tremblement  de  terre  de  Quetzaltenango,  du  18  avril  1902,  a  bien 
eu,  d^Amatitlan  au  Tacanà,  et  plus  loin  encore  dans  le  Mexique,  son 
aire  dévastatrice,  allongée  sur  la  ligne  éruptive  ;  mais  faiblement 
ressenti  sur  toute  la  plaine  quaternaire  littorale,  il  a  été  assez  vio- 
lent au  port  d*Ocos  pour  y  produire  de  tels  dégâts  et  laisser  des 
traces  si  marquées  de  ses  ondes  sur  le  sable  du  rivage,  que  Sapper^ 
a  été  amené  à  lui  supposer  une  origine  voisine  de  ce  port  et,  faisant 
du  phénomène  une  conséquence  de  Taffaissement  de  la  côte,  il  a 
étendu  cette  conclusion  à  la  secousse  qui  s'y  était  fait  sentir  le 
18  janvier  précédent,  cette  fois  à  l'exclusion  de  Quetzaltenango. 
Par  contre,  Deckert'*  regarde  ces  deux  séismes  comme  des  tremble- 
ments de  terre  de  relai  de  celui  de  Ghilpancingo  (Mexique)  du  16  jan- 
vier. Cette  opinion  est  inadmissible,  à  cause  de  la  distance  et  aussi 
du  peu  d'importance  de  cette  dernière  secousse.  Enfin  les  journaux  ont 
fait  mention  de  vagues  séismiques  le  long  de  la  côte  du  Salvador, 
le  21  février  1902.  Ainsi  donc,  si  l'isobathe  de  4  000  mètres  repré- 
sente un  accident  tectonique,  ce  qui  est  d'ailleurs  bien  probable,  son 
influence  séismogénique  directe  n'en  est  pas  moins  à  peu  près 
nulle. 

Reste  donc  l'hypothèse  que  la  zone  volcanique,  si  exposée  aux 
tremblements  de  terre,  mais  presque  exclusivement  du  côté  interne, 
correspond  en  même  temps  à  une  grande  dislocation,  complètement 
masquée  par  l'accumulation  des  produits  éruptifs.  Cette  supposition 
n'est  pas  tout  à  fait  gratuite.  En  effet,  l'épaisseur  des  dépôts  crétacés 
supérieurs  dans  les  Indes  Occidentales  est  telle,  ainsi  qu'on  l'a  vu 
plus  haut,  que  Hill  a  été  amené  très  plausiblement  à  admettre  l'exis- 
tence de  quelque  grande  terre  dans  l'Ouest,  sur  l'emplacement  actuel 
du  Pacifique,  au  large  du  Centre-Amérique,  et  suffisamment  étendue 
pour  fournir  par  sa  dégradation  la  quantité  nécessaire  de  matériaux 
détritiques  d'origine  terrestre.  Cette  surface  continentale  se  serait 
effondrée  entre  l'Éocène  supérieur  et  l'Oligocène,  comme  dans  les 
Antilles.  Il  résulte  de  la  structure  actuelle  que  ce  dernier  mouve- 
ment se  serait  effectué  en  deux  gradins,  l'isobathe  de  4  000  mètres, 
devenue  stable,  et  la  dislocation  supposée  cachée  sous  la  bande  vol- 
canique, de  sorte  que  les  tremblements  de  terre  résulteraient  d'un 
reste  de  mobilité  de  la  lèvre  du  massif  central,  puisque  c'est  de  ce 

*  Das  Erdbebcn  in  Guatemala  vom  12  April  1902  (Petermann's  geogr,  Mitth.  XLVUI, 
1902.193). 

•  Die  Erdbebénherde  und  Schùtlergebiete  von  Nord-America  in  ihren  fieziohungen  lu 
den  morphologischenVerhaltnissen  (Zeitschr.  d.  Ges.  /.  Erdkundezu  Berlin,  1902,  n«  5 
367). 


LES  ANTILLES  ET  LE  CENTRE-AMÉRIQUE  391 

côté  seulement  qu'ils  se  manifestent.  Le  plissement  tertiaire  n'a 
pas  eu  lieu,  contrairement  à  ce  qui  s'est  passé  aux  Antilles,  et,  par 
suite^  on  ne  voit  pas  bien  comment  on  pourrait  expliquer  autrement 
les  séismes  dont  il  s'agit. 

Il  faut  noter,  à  titre  de  simple  indication  sur  la  possibilité  de 
trouver  aux  environs  de  Guatemala  des  dislocations  locales  capables 
d'en  expliquer  la  séismicité,  que  près  de  cette  ville  se  rencontrent 
des  couches  primaires  très  relevées  et  pincées  entre  le  granité  et  les 
roches  éruptives,  de  sorte  qu'on  se  trouve  là  en  présence  d'un  ancien 
géosynclinal. 

Il  serait  exagéré  de  dire  que  les  tremblements  de  terre  du  Centre- 
Amérique  sont  toujours  indépendants  des  phénomènes  volcaniques* 
C'est  ainsi  que  les  innombrables  secousses  du  lac  d'Uopango  étaient^ 
en  1879-1880  S  en  relation  manifeste  avec  les  éruptions  de  Téphémère 
volcan  surgi  en  son  milieu. 

Les  lacs  de  Managua  et  de  Nicaragua  n'ont  aucune  importance 
tectonique  pouvant  leur  faire  jouer  un  rôle  séismogénique,  car  ils 
résultent  uniquement  d'un  barrage  par  des  épanchements  volca- 
niques. Ce  pays  reste  donc,  en  réalité,  formé  par  une  douce  déclivité 
partant  du  rebord  abrupt  de  la  Mosquitie,  et  que  masque  seulement 
le  bourrelet  volcanique  adventif.  Mais,  d'un  autre  côté,  les  courtes  et 
sèches  vallées  de  la  côte  du  Pacifique  se  prolongent  loin  sous  Focéan, 
en  y  conservant  le  caractère  de  fjords  dont  la  profondeur  dépasse 
300  mètres.  Cette  curieuse  structure  est  l'indice  d'un  assez  récent 
mouvement  de  descente,  qui  pourrait  bien  n'être  pas  étranger  aux 
séismes  de  ce  pays. 

Les  recherches  de  Pittier*  sur  les  tremblements  de  terre  du  Cos- 
ta-Rica  n'ont  apporté  aucune  lumière  sur  leur  genèse. 

La  Mosquitie  n'est  guère  troublée  que  par  quelques  rares  séismes 
de  Greytown,  ou  San  Juan  del  Norte,  et  il  en  est  de  même  pour 
tout  l'isthme  montagneux  et  archéen  du  Costa-Rica  méridional  et 
du  Veragua. 

La  stabilité  de  l'isthme  de  Panama  a  une  importance  capitale  au 
point  de  vue  de  l'avenir  du  canal  interocéanique  ;  aussi  s'en  est-on 
beaucoup  préoccupé'.  Elle  est  réelle,  et  les  observations  montrent  que 

*  E.  Rockstroh.  Informe  de  la  Comisiân  cienltfica  del  Instiluto  nacional  de  Guatemala 
para  el  esludio  de  las  fenômenos  volcdnicos  en  el  lago  de  llopango  (Guatemala,  1880). 
—  W.  A.  Goodyear.  Earthquake  and  volcanic  phœnomena  of  December  1879  and 
January  1880  in  tke  Republic  of  Salvador  (Panama,  1880). 

•  Fenômenos  sismicos  en  Costa  Rica  en  1889,  Apontamientos  sobre  el  clima  de  Costa  Rica 
(San  José,  1890). 

'  M.  Bertrand  et  Ph.  Zarcher.  Les  phénomènes  volcaniques  et  les  tremblements  de 


392  GÉOGRAPHIE  8É18MOLOGIQUE 

trois  à  quatre  secousses  autochtones  annuelles  ne  sont  pas  pour  les 
faire  redouter.  On  n'y  connaît  aucun  tremblement  de  terre  simplement 
sévère,  circonstance  tout  à  l'avantage  du  choix  de  cet  isthme,  à 
peine  pénéséismique.  Cette  immunité  ne  résulte  pas  de  ce  que  l'ac- 
tivité volcanique  a  cessé  depuis  la  fin  du  Miocène,  mais  seulement 
de  ce  que  l'isthme  forme  une  voûte  très  surbaissée  dontl'exondation, 
pour  récente  qu'elle  soit,  résulte  de  mouvements  à  grand  rayon  de 
courbure,  n'ayant  pas  donné  lieu  à  un  relief  bien  accentué,  d'où 
l'absence  de  grandes  dislocations  ;  c'est  aussi  que  la  poussée  orogé- 
nique des  Indes  occidentales  a  été  ici  incapable  d'ériger  une 
véritable  chaîne  plissée  et  que  le  géosynclinal  en  est  fort  éloigné; 
l'isthme  est,  en  effet,  tout  entier  compris  dans  l'intérieur  de  la  courbe 
que  décrit  le  grand  accident  vers  l'Est,  pour  passer  sur  les  Petites 
Antilles  et  revenir  au  Centre-Amérique  par  les  grandes  îles. 

terre  de  l' Amérique  centrale  (Compagnie  nouvelle  de  Panama.  Rapport  de  la  commisnout 
Annexe  II,  107,  Paris,  1899). 


CHAPITRE  XXII 

MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES 

1.  —  Le  Mexiq[ue. 

Sauf  pour  le  détail,  la  séismologie  du  Mexique  est  bien  connue 
maintenant,  surtout  en  ce  qui  concerne  toute  la  partie  centrale  du 
pays,  depuis  la  publication  du  grand  catalogue  d'Orozco  y  Berra^ 
des  tremblements  de  terre  signalés  depuis  la  conquête.  La  Société 
Antonio  Alzate  a  publié  les  séismes  de  1889-90',  et  l'Observatoire 
central  de  Mexico  continue  depuis  cette  époque  pour  les  secousses 
qui  lui  sont  signalées  par  ses  nombreux  correspondants  disséminés 
sur  toute  la  surface  du  pays*.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  géo- 
logie, encore  bien  obscure,  même  pour  le  centre,  et  il  reste  certains 
problèmes  géographiques  à  élucider.  Dans  ces  conditions,  il  ne  faut 
pas  s'attendre  à  trouver  des  tremblements  de  terre  mexicains  une 
explication  suffisante,  en  dehors  du  fait  d'ordre  général  que  ce  pays 
appartient  au  géosynclinal  circumpacifique  pour  la  plus  grande 
partie  de  sa  surface,  en  particulier  pour  tous  ses  territoires  instables, 
qui  comptent  parmi  les  plus  éprouvés  du  monde.  On  en  va  faire 
la  description  du  Nord  au  Sud. 

La  presqu'île  de  la  Vieille  (ou  Basse)  Californie  est  une  longue 
arête  granitique  et  schisteuse,  à  pentes  douces  sur  l'océan,  et  que 
borde  un  abrupt  sur  l'étroit  et  peu  profond  golfe  de  Californie,  ou 
mer  Vermeille.  Lindgren*  a  bien  mis  en  évidence  qu'elle  ne  prolonge 
pas  géologiquement  les  Coast  Ranges  de  la  Californie  proprement  dite, 

*  Efemérides  sismicas  mejic&nas  {Mem.  Soc.  cient.  Antonio  Alzate,  I.  303,  Mexico, 
1887).  —  Id.  Adiciones  ilasef.  sism.  mej.  (Id.,  II,  253,1888-89). 

'  Puja  y  Santillàii  Aguilar.  Catàlogo  de  los  temblores  de  tierra  y  fenômenos  volcànicos 
verificados  en  la  R«  Mejicana  durante  el  a&o  de  1889,  de  1890  (Id.  H,  III). 

■  Boletin  mensual  del  ohaervatorio  meteoi'olôgico,  magnético  central  de  Mexico  (sous 
ies  rubriques  :  Sismologla  ;  Vulcanologta). 

*  W.   Lindgren.  Notes  on  the  Geology  of  Baja  Califomia  (Procccd.  Calif.  Ac.  Se,  I, 

m). 


394  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

mais  bien  la  Sierra  Nevada.  Quelques  lambeaux  de  grès  crétacés  à 
Coralliochama  recouvrent  des  diorites  et  des  porphyres.  Leur  peu 
d'inclinaison  paraît  indiquer  une  absence  de  plissements  qui  justi- 
fierait  la  stabilité  de  la  presqu'île,  où  de  rares  séismes  se  font  seu- 
lement sentir  dans  une  petite  aire  d'ébranlement  s'étendant  de 
Loreto  à  Moleje,  précisément  du  côté  de  Tabrupt  intérieur.  On  a  bien 
parlé  d'une  faille  longitudinale,  ayant  facilité  la  production  des 
phénomènes  volcaniques  de  Las  Yirgenes,  mais  si  un  tel  accident 
existe  réellement,  il  est  visible  qu'il  s'est  stabilisé.  Au  Nord,  Des- 
canso  et  Santo  Tomas  ressentent  des  secousses  venant  de  San  Diego, 
centre  séismique  important  de  la  Californie  proprement  dite.  Si 
Tarète  de  la  presqu'île  représente  la  Sierra  Nevada  fortement 
abaissée,  la  mer  Vermeille  doit  par  conséquent  correspondre  de 
son  côté  à  la  dépression,  ici  submergée  et  très  rétrécie,  du  Grand 
Bassin  du  Lac  Salé  de  TUtah,  dont  elle  partage  la  stabilité,  et  dès 
lors  les  séismes  de  Loreto  et  de  Moleje,  le  long  de  l'escarpement 
interne,  seraient  les  homologues  bien  diminués  de  ceux  de  la  faille 
du  versant  oriental  de  la  Sierra  Nevada,  se  prolongeant  au  Sud  par 
cet  abrupt.  Les  secousses  de  Todos  Santos  ressortissent  sans  doute 
au  foyer  séismique  important  de  Fort  Yuma,  et  on  les  a  mises  en 
relation  avec  les  phénomènes  volcaniques  plus  ou  moins  authen- 
tiques du  bas  Colorado,  et  aussi,  avec  plus  de  vraisemblance,  avec 
un  système  de  failles  parallèles. 

La  masse  continentale  mexicaine  est  bordée  à  l'Ouest  par  la  Sierra 
Madré  occidentale,  dont  les  roches  anciennes  ou  cristallines  font 
suite  aux  roches  similaires  des  chaînes  de  l'Arizona,  et  son  émersion 
est  certainement  de  date  très  reculée.  Dans  le  Nord  surtout,  les  pro- 
duits éruptifs  prennent  un  imposant  développement,  trachytes,  rhyo- 
lites,  dolérites,  basaltes,  etc.,  vraisemblablement  de  date  tertiaire  ou 
crétacée  supérieure  comme  dans  les  Antilles,  et  masquant  les  gneiss 
et  les  schistes  cristallins  qui  se  montrent  à  découvert  entre  les 
27*  et  22'  parallèles.  La  Cordillère  cristalline  est  généralement  assez 
stable.  Sur  la  frontière,  elle  présente  à  Nogales  un  foyer  d'ébranle- 
ment, plus  souvent  que  gravement  secoué,  et  continuant  celui  de 
Tucson  dans  l'Arizona.  Le  3  mai  1887,  un  violent  tremblement  de 
terre,  suivi  de  nombreux  chocs  consécutifs,  a  eu  pour  centre  Bavispe, 
ou  Moctezuma;  il  a  été  extrêmement  sévère,  presque  destructeur 
même,  et  ses  isoséistes,  de  forme  très  allongée  et  dont  l'axe  coïnci- 
dait bien  avec  celui  de  la  Sierra  Madré,  se  sont  étendues  jusqu'au 
Mexique  central  et  loin  dans  le  N.  W.,  en  Californie.  Cette  diposition 
suffit  à  en  faire  un  séisme  d'origine  tectonique. 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES         393 

C'est  du  reste  l'opinion  d'Aguilera^  qui,  dans  une  importante  étude 
sur  ce  séisme,  conclut  en  l'attribuant  à  une  dislocation  des  roches 
éruptives  anciennes  recouvertes  par  les  formations  quaternaires.  Il 
va  même  jusqu'à  ne  pas  croire  terminée  encore  la  surrection  de  la 
Sierra  Madré  occidentale  et  à  lui  enlever  le  caractère  volcanique 
qu'on  a  voulu  lui  attribuer,  mais  Sterry  Hunt  et  James  Douglas^ 
ont  réduit  à  leur  véritable  valeur  les  phénomènes  éruptifs  signalés 
dans  le  voisinage,  et  qu'ils  regardent  comme  de  simples  incendies 
de  forêts.  En  1897,  un  autre  tremblement  de  terre  a  présenté  la 
même  forme  d'isoséistes,  mais  avec  son  foyer  beaucoup  plus  au 
Sud  '.  On  est  donc  bien  assuré  que  les  mouvements  orogéniques  se 
perpétuent  le  long  de  la  Cordillère,  et  peut-être  sont-ils  la  continua- 
tion de  ceux  qui  ont  facilité  la  sortie  des  produits  éruptifs  par  des 
fractures. 

Guaymas  et  Hermosillo  ont  été  le  siège  de  quelques  tremblements 
de  terre  dont  les  axes  des  isoséistes  paraissent  avoir  été  perpendi- 
culaires à  la  chaîne.  Quoiqu'ils  n'aient  pas  été  signalés  dans  la  basse 
Californie,  où  ils  échappent  facilement  à  l'observation,  ils  auraient  eu 
leurs  épicentres  dans  la  mer  Vermeille,  dans  la  presqu'île,  ou  môme 
au  delà  dans  le  Pacifique.  En  août  1902,  un  raz  de  marée,  peut-être 
d'origine  séismique,  aurait  balayé  la  côte  autour  du  port  d'Altata 
(Sinaloa)  et  des  vagues  anormales  ont  été  signalées  en  1883  aux  îles 
Très  Marias. 

A  l'Est  de  la  Sierra  Madré  occidentale  s'étendent  les  dépressions 
sans  écoulement,  appelées  Bolson  de  Mapimi,  qui  se  relient  gra- 
duellement au  plateau  central  mexicain,  ou  Anahuac.  Ces  steppes 
stériles,  au  sol  détritique  d'alluvions  et  de  tufs,  sont  coupés  sous  l'ac- 
tion des  pluies  d'été  par  de  profondes  gorges  ou  barrancaSy  souvent 
infranchissables,  et  sont  accidentées  de  chaînons  parallèles,  courts 
et  morcelés,  qui,  s'alignantN.  W.-S.  E.  comme  la  Cordillère,  sépa- 
rent les  différents  bassins  les  uns  des  autres.  Le  plateau  semble  donc 
s'être  affaissé  entre  les  deux  Sierras,  exactement  comme  le  Grand 
Bassin  derUtah,dont  il  représente  en  quelque  sorte  le  prolongement. 
Ainsi  les  vicissitudes  auraient  été  un  peu  différentes  dans  Tentre-deux 
des  Montagnes  Rocheuses  et  dans  celui  des  Sierras  Madrés  mexicaines, 
puisqu'on  a  déjà  été  conduit  à  voir  aussi  dans  la  mer  Vermeille  le 

*  Estudio  sobre  los  fenômenos  sismicos  del  3  de  Mayo  de  1887  {Anales  del  Min,  de  * 
t'omento  de  la  Rep.  Mexic.,  X.  5.  1888). 

*  The  Sonora  earthquake  of  May  3^^,  1887  (Trans.  seitm»  soc,  ofJapan,  XII,  29,  1889). 

*  Toutes  les  considérations  relatives  aux  isoséistes,  mentionnées  dans  ce  chapitre, 
sont  extraites  du  mémoire  déjà  cité  de  Deckert  (voir  p.  390). 


396  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

prolongement  du  Grand  Bassin,  ce  qui  suppose  que  la  Sierra  Nevada 
s'est  dédoublée  en  la  Sierra  Madré  occidentale  et  en  Tarète  de  It 
presqu'île  californienne.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  Bolson  de  Mapimi, 
stable,  n'est  ébranlé  que  sur  ses  bords  occidentaux,  au  pied  même 
de  la  Cordillère  de  l'Ouest.  Ces  secousses  de  Chihuahua,  Parral, 
Cerro  Gordo  et  Durango,  correspondraient  aussi  à  celles  de  la  faille 
longitudinale  de  la  Sierra  Nevada,  dont  il  sera  parlé  plus  loin.  Dans 
le  Sud  du  désert,  des  chaînons  longitudinaux  de  Crétacé  et  de  Pri- 
maire le  divisent  en  compartiments  dont  les  dislocations  prouvent 
l'extinction  de  leur  mobilité  par  l'absence  des  secousses  séismiques. 

La  Sierra  Madré  orientale  n'appartient  pas  au  géosynclinal,  tel  du 
moins  que  l'a  tracé  Haug.  Toute  son  ossature  est  formée  de  Crétacé 
inférieur,  le  Crétacé  supérieur  ayant  disparu  sous  l'action  des  agents 
extérieurs  de  destruction.  La  chaîne  continue  ses  analogues  stables 
du  Texas,  et  les  séismes  ne  l'ébranlent  guère  davantage  ;  on  en  con- 
naît quelques-uns  à  Linares.  Ce  n'est  cependant  pas  que  cette  région 
n'ait  subi  de  nombreuses  révolutions  ;  à  plusieurs  reprises,  le  golfe  du 
Mexique  s'est  considérablement  étendu  vers  le  Nord  par  le  Texas 
jusque  dans  le  bassin  du  Mississipi,  franchissant  même  le  plateau 
central  actuel  du  côté  du  Pacifique.  Il  n'en  est  pas  moins  certain  que 
la  poussée  orogénique  antillienne  de  l'époque  oligocène,  transver- 
sale à  celle  des  Andes  et  des  Rocheuses,  n'a  laissé  de  traces  de 
plissements  et,  par  suite,  d'instabilité  séismique,  ni  au  Texas,  ni 
dans  le  Mexique  du  N.  E.  Quant  à  la  large  côte  tertiaire  et  quater- 
naire du  golfe  du  Mexique,  elle  ne  ressent  nulle  part  de  chocs  jus- 
qu'au 21*  parallèle. 

Les  pentes  septentrionales  du  plateau  central  de  l'Ànabuac  sont 
parfois  ébranlées.  Ciudad  Galeana,  Las  Norias,  Tula  de  Tamaulipas 
et  Jacalà  ont  donné  lieu  à  un  certain  nombre  d'observations,  mais 
on  ne  saurait  rien  dire  sur  l'origine  de  ces  secousses,  d'ailleurs 
rares  et  peu  sévères. 

Le  plateau  lui-même  est  accidenté  par  un  certain  nombre  de  bas- 
sins lacustres  fermés,  qui  constituent  une  région  séismique  bien 
caractérisée,  mais  où  les  tremblements  de  terre  fort  sérieux  n'attei- 
gnent cependant  pas,  à  beaucoup  près,  la  même  violence  qu'au  Sud. 
Mexico  et  ses  alentours  ont  bien  eu  à  supporter  des  dommages  d'ori- 
gine séismique,  mais  les  observations  scientifiques  du  xix*  siècle 
sont  là  pour  faire  penser  que  les  secousses  sévères  ou  destructives 
y  viennent  exclusivement  du  Sud,  du  bassin  du  Rio  Mexcala,  et  que 
des  chocs  propres  sont  peu  à  craindre.  On  entre  là  dans  le  domaine 
des  roches  volcaniques  tertiaires  et  modernes,  qui  ont  couvert  d'un 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES 


397 


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398  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

épais  manteau  une  énorme  surface  triangulaire,  coupant  en  écharpele 
Mexique  central  de  San  Blas  à  Manzanillo  et  terminée  en  pointe  à 
Jalapa,  vers  le  golfe  du  Mexique.  Quelques  lambeaux  de  Jurassique, 
et  surtout  de  Crétacé,  émergent  de  cette  véritable  inondation  érup- 
tive.  La  géologie  en  est  encore  trop  obscure  pour  que  Ton  puisse 
chercher  les  causes  locales  d'une  instabilité  modérée,  déjà  souvent 
signalée  pour  ces  grandes  nappes  plutoniennes. 

Plus  à  rOuest,  Guadalajara  et  San  Gristobal  forment  une  impoi^ 
tante  région  séismique.  Le  tremblement  de  terre  du  7  avril  1845 
causa  beaucoup  de  dommages  à  la  première  de  ces  villes,  mais  on 
ignore  quel  a  été  son  épicentre  réel.  En  1875,  de  très  nombreuses 
secousses  les  agitèrent  toutes  deux.  Zacatecas  aurait  aussi  souffert 
en  1622.  Enfin  Guanajuato  est  célèbre  parla  série  classique  des  bruits 
séismiques  de  1784,  phénomènes  qui  se  sont  renouvelés  depuis  sur 
une  bien  moindre  échelle,  il  est  vrai  *. 

Le  bord  méridional  du  plateau  présente  un  autre  foyer  d'ébranle- 
ment, Tlalpujahua,  Ucareo,  MoreliaetPatzcuaro.  On  ne  peut  cepen- 
dant pas  dire  que  les  séismes  y  aient  jamais  causé  de  désastres,  ni 
de  changements  topographiques,  malgré  l'affirmation  de  Deckert 
qu'en  1890  le  lac  de  Ghapalà  aurait,  à  la  suite  d'un  tremblement  de 
terre,  subi  un  important  efiondrement,  fait  dont  l'inexactitude  a  été 
établie  parBôse'. 

Revenant  maintenant  au  versant  pacifique  de  la  Sierra  Madré  occi- 
dentale, on  voit  que  là,  Mazatlan  et  Acaponeta  ressentent  quelques 
secousses,  et  qu'elles  prennent  déjà  plus  de  fréquence  à  Jala,  Ahua-. 
catlan,  et  autour  du  volcan  Ceboruco,  réveillé  en  1870  d'une  extinc- 
tion totale  depuis  les  temps  historiques,  mais  aucune  n'y  a  jamais 
été  même  sévère. 

Au  delà  du  Rio  Banderas,  on  aborde  d'après  les  cartes  existantes, 
même  les  meilleures  et  les  plus  modernes,  un  énorme  escarpement, 
par  lequel  jusqu'au  delà  de  Puebla,  le  plateau  central  tombe  à  pic 
sur  la  vallée  du  Rio  Mexcala,  cet  abrupt  courant  W.-E.  et  cou- 
pant le  Mexique  de  mer  à  mer.  On  entre  en  même  temps  dans  le 
domaine  des  tremblements  de  terre  les  plus  fréquents  et  les  plus 
violents.  Depuis  de  Humboldt,  tous  les  géographes  ontadmis  la  réalité 
de  cet  important  accident,  trait  fondamental  de  la  structure  du  pays, 
et  à  leur  suite  les  géologues  l'ont  considéré  comme  une  gigantesque 

*  p.  Monroy.  Las  minas  de  Guanajuato.  Trucnos  subterràneos  de  Guanajuato  [AfuiUs 
delMin.  de  Fomenlo  de  laR^  Mexicana,  X,  410,  Mexico,  1888). 

'  Sur  les  régions  des  tremblements  de  terre  du  Mexique  {Mem.  Soc.  cienL  Antonio 
Alzate,  XIX,  159,  Mexico,  1903). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES 


399 


fracture  ayant  découpé  le  bord  du  plateau  mésozoïque  central  et 
jalonnant  son  cours  par  de  nombreux  volcans;  ceux  de  Tépoque 
actuelle  ne  reflétant  que  bien  timidement  l'activité  de  leurs  prédéces- 
seurs. Une  telle  dislocation  ne  pouvait  manquer  de  jouer  un  rôle 
séismogénique  de  premier  ordre  ;  aussi  les  tremblements  de  terre  du 
Mexique  étaient-ils  regardés  sans  discussion  comme  ayant  une  ori- 
gine tectonique  liée  à  l'effort  orogénique  correspondant  à  la  cassure, 
et  Deckert  n'a  pas  hésité  à  les  faire  dériver  du  mouvement  d'effon- 
drement de  la  partie  méridionale  du  bloc  ainsi  coupé  en  deux.  Ces 
vues  paraissaient  incontestables,  surtout  après  les  travaux  géolo- 
giques de  Félix  et  Lenk\  lorsqu*en  1899  Bôse'  est  venu  étendre 


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Fig.  68.  —  Profil  de  Mexico  à  rocéan  Pacifique.  Direction  S.  W. 

aux  volcans  du  Mexique  l'indépendance,  vis-à-vis  des  failles  préexis- 
tantes, énoncée  l'année  précédente  par  Branco.  Bôse  semble  bien 
avoir  démontré  que  la  fracture  mexicaine,  volcanique  ou  non,  n'a 
pas  d'existence  réelle,  et,  par  conséquent,  il  faudrait  chercher  ailleurs 
la  cause  des  tremblements  de  terre  de  cette  partie  du  pays. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  prendre  parti  en  faveur  d'une  manière 
de  voir  qui  renverse  toutes  les  idées  reçues  jusqu'à  présent  sur  la 
géologie  du  Mexique;  abandonnant  avec  regret  une  dislocation  qui 
rendait  si  bien  compte  de  ces  tremblements  de  terre,  nous  nous  con- 
tenterons de  signaler  deux  observations  qui  semblent  donner  raison 
à  Bôse  et  à  Aguilera.  On  trouve  dans  le  Boletin  mensual  del  Observa- 
torio  de  Mexico  (1901)  un  profil  destiné  à  exphquer  la  formation  des 
cumulus  par  les  vents  du  S.  W.  frappant  la  Sierra  Madré  centrale  au 
sud  de  Mexico.  Coté  horizontalement  et  verticalement,  il  fait  ressortir 


•  Ueber  die  tektonischen  Verhftitnisse  der  Repubiik  Mexico  (Zeitschr,  d.  DeuUch.  geol. 
Ces.  1892, 303).  —  Id.  Ueber  die  Mexicanische  Vulkanspalle  (Id.  4894,  678). 

*  Ueber  die  Unabhangigkeit  der  Vulkane  von  pràexistirenden  Spalten  {Insliluto  geol. 
de  Mexico,  Dec.  1899.  Mem,  Soc.  cient.  Antonio  Alzale,  XIV,  1897-1900.  225). 


400 


GÉOGRAPHIE  SËI8M0L0GIQUE 


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MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES  401 

dans  la  direction  S.  W.  cette  particularité^  fort  digne  d'attention, 
que  la  ligne  entre  Mexico  (2239  mëtres  d'altitude)  et  La  Union  de 
Guerrero,  sur  le  Pacifique,  prolonge  exactement  la  pente  occiden- 
tale de  la  Sierra  de  Guerrero,  passe  un  peu  au-dessus  de  la  vallée 
du  Rio  Mexcala,  suit  le  fond  de  la  dépression  de  Tenancingo,  puis 
enfin  vient  aboutir  à  la  capitale  en  émergeant  de  dessous  la  Cordil* 
lëre.  Sa  pente  est  seulement  de  0,66  p.  100,  ce  qui  n'est  pas  l'indice 
d'un  abrupt  comparable  à  celui  en  litige.  Félix  et  Lenk  ^  ont  publié 
les  profils  longitudinaux  des  chemins  de  fer  mexicains.  La  même 
impression  se  dégage  immédiatement  de  l'examen  de  celui  qui  con* 
cerne  la  ligne  de  Mexico  à  Puente  de  Istla  sur  le  Rio  Mexcala  par 
Cuemavaca.  Enfin  la  carte  hypsométrique  de  Senties  et  Ochoa  Vil* 
lagomez  ',  où  l'équidistance  des  courbes  est  de  500  en  500  mètres, 
conduit  exactement  au  même  résultat.  Il  faut  donc  se  résigner  à 
accepter  la  conclusion  tirée  de  ces  travaux  concordants  et  admettre 
que  le  plateau  central  mexicain  ne  tombe  pas  abruptement,  au  Sud 
de  la  vallée  du  Rio  Mexcala  ou  de  las  Balsas,  par  une  dislocation 
résultant  de  son  démantèlement  et  de  l'effondrement  de  sa  partie 
méridionale.  Son  rôle  séismogénique  disparaît  du  même  coup. 

La  région  instable  commence  aux  environs  du  Colima.  La  ville 
du  même  nom,  au  pied  du  volcan,  Zapotlan,  Sayula  et  Manzanillo 
sont  les  points  qui  ont  donné  lieu  au  plus  grand  nombre  d'observa^ 
lions  de  tremblements  de  terre.  Les  deux  premières  villes  ont  plu- 
sieurs fois  subi  des  dommages  considérables.  Il  est  possible  que  ce 
foyer  soit  d'origine  volcanique. 

Un  autre  foyer  d'ébranlement  s'étend  autour  du  coude  du  Rio 
Mexcala,  d'Aguililla  à  Gohuayutla,  Aguas  Blancas,  Ârio  et  Tacam- 
baro.  Il  ne  semble  pas  qu'il  ait  été  aussi  éprouvé  que  le  précédent, 
et  il  pourrait  bien  ne  faire  qu'un  avec  celui  d'Ucareo  et  de  Tlalpu-* 
jahua,  déjà  mentionné,  de  l'autre  côté  de  la  Cordillère. 

Iguala,  Tenancingo  et  Xochitepec  forment  au  S.  W.  de  Mexico 
un  district  instable,  dont  les  séismes  ne  sont  peut-être  pas  indépen- 
dants de  ceux  de  cette  ville  et  de  La  Puebla  de  Los  Angeles. 

La  grande  instabilité  de 'la  côte  du  Pacifique  commence  bien  à 
Zihuatanejo,  La  Union  de  Guerrero,  Tecpan  de  Galeana,  et  San  Jerô- 
nimo;  mais  elle  ne  devient  redoutable  qu'à  Acapulco.  De  ce  port  à 
Jamiltepec,  et  dans  l'intérieur,  de  Ghilpancingo  à  Oaxaca,  les  trem- 

*  Bol.  mens.  d.  Obs.  met.  magn.  c.  de  Mexico,  1902. 

*  Tablas  de  alturas  de  la  obra  :  Datos  para  la  Geologfa  y  Paleontologfa'de  la  Repùblica 
M ezicana.  [An.  del  min.  de  Fomenlo,  XI,  1898,  363.  Mexico  ;  traducida  del  alemàn  par 
Is.  £p8tein) . 

De  Mottemus.  ^  Tremblemenls  de  Une.  26 


402  GÉOGRAPHIE  8ÉI6MOLOGIQUE 

blements  de  terre  sont  continuels,  et  on  ne  compte  plus  leurs  désas- 
tres. C'est  par  excellence  la  région  dangereuse  du  Mexique.  Le  plus 
souvent,  les  isoséistes  des  grandes  secousses  ont  leur  grand  axe 
couché  sur  le  flanc  méridional  de  la  Sierra  Madré,  le  thalweg  de  la 
vallée  du  Rio  Mexcala,  la  crête  de  la  Sierra  (surtout  archéenne)  de 
Guerrero,  le  littoral  et  enfin  la  courbe  bathymétrique  de  4000  mètres, 
quatre  éléments  géographiques  à  peu  près  paraUëles.  La  direction 
perpendiculaire  est  beaucoup  moins  fréquente.  Ordoiiez  et  Bôse^ 
ont  établi  que  la  profonde  vallée  du  Rio  Mexcala  n'est  pas  un  acci- 
dent tectonique  et  ne  résulte  que  de  Térosion.  Aussi  ces  tremblements 
de  terre  ne  peuvent-ils  y  trouver  leur  origine.  Ce  n'est  pas  qu'il 
manque,  dans  cette  région,  de  dislocations  importantes  et  pouvant 
jouer  un  rôle  séismogénique  :  plissements  et  failles  du  Crétacé,  sur- 
tout de  ses  couches  moyennes,  par  exemple  entre  Esperanza  et 
Tehuacan,  ou  bien  aux  environs  de  TOcelotepetl,  volcan  éteint  au 
S.  W.  ;  mais  on  reste  dans  l'impossibilité  d'attribuer  tel  ou  tel  épi- 
centre  à  des  accidents  tectoniques  particuliers,  dans  l'état  actuel  des 
connaissances  géologiques. 

Le  rôle  séismogénique  du  talus  sous-marin  se  manifeste  à  Aca- 
pulco  par  des  vagues  séismiques,  parfois  dévastatrices,  dont  la  plus 
remarquable  a  été  celle  de  1837.  Par  une  coïncidence  tout  à  fait  digne 
d'attention,  et  qui  vient  bien  à  l'appui  de  cette  influence,  la  partie 
du  littoral  véritablement  instable  s'étend  du  cap  Corrientes  à  Puerto 
Angeles,  près  et  au  Sud  de  Pochutla,  et  l'instabilité  aux  golfes  de  San 
Blas  et  de  Tehuantepec  en  même  temps  que  les  isoséistes.  En  outre, 
bien  des  tremblements  de  terre  ne  font  que  la  mordre,  de  sorte  que 
les  isoséistes  indiquent  des  épicentres  sous-marins.  Souvent,  des 
navires  partant  d'Acapulco  ou  s'y  rendant  ont  signalé  des  secousses 
non  ressenties  à  terre,  tant  au  large  de  ce  port  que  dans  les  parages 
des  îles  Revilla  Gigedo.  Ces  îles  auraient  même  disparu  au  commen- 
cement de  janvier  1905,  si  l'on  en  croît  des  informations  rapportées  par 
un  vapeur,  à  la  suite  d'une  éruption  volcanique,  ou  d'un  formidable  raz 
de  marée  d'origine  séismique  sous-marine  *.  Le  fait  demande  confir- 
mation. 

L'instabilité  ne  se  restreint  pas  exactement  au  flanc  méridional  de 
la  Meseta,  ou  plateau  de  l'Analiuac,  elle  contourne  son  angle  oriental 
par  Gordoba  et  Jalapa,  mais  avec  une  intensité  qui  s'éteint  graduelle- 
ment vers  La  Vera  Cruz.  Gordoba  et  Orizaba  ne  sont  pas  toujours 

viv^?SSr*®A?A^  '*  geologla  del  vaUe  de  CUulpancingo  {Mem.  Soc.  cient,  Antonio  AUaU, 
XI Vf  io97-'1900). 

•  Ëine  verschwTindene  Inselgruppe  [Die  Erdbebenwarte,  IV,  161.  Laibach,  1905). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES 


403 


indemnes  de  sérieux  dommages.  Si  Ton  consulte  les  profils  des  voies 
ferrées,  et  en  particulier  ceux  des  deux  voies^  nationale  et  internatio- 
nale, qui  relient  La  Yera  Cruz  à  la  capitale,  on  voit  que  le  talus  abrupt, 
dont  on  admettait  l'existence  au  Sud,  est  bien  plus  marqué  de  ce 
côté  ;  des  lors,  on  aurait  bien  plus  le  droit  d'assigner  une  influence 
séismogénique  à  la  fracture  qu'il  est  supposé  représenter.  On  se  heurte 
ici  à  une  nouvelle  objection,  à  savoir  que  l'instabilité  ne  dépasse  pas 
Jalapa,  tandis  que  les  pentes  raides  continuent  d'exister  vers  le  Nord. 
On  connaît  au  moins  un  cas  de  vagues  anormales  à  La  Yera  Cruz, 
mais  c'est  un  fait  à  considérer  comme  exceptionnel. 

De  1887  à  1895,  Carlos  Mottl,  habitant  Orizaba,  a  observé  au  séis- 
moscope  1906  petites  secousses»  notées   mensuellement  dans  les 


des  hauteurs     f;>5ooooOT». 

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Fîg.  70.  —  Profil  du  chemin  de  fer  de  Mexico  &  La  Yera  Cmz. 

Mémoires  de  la  Société  Antonio  Alzate  de  Mexico.  Ce  nombre  consi^ 
dérable  indique  évidemment  qu'elles  sont  d'origine  volcanique  et 
qu'elles  doivent  être  attribuées  à  un  reste  de  vitalité  de  TOrizaba. 

La  séismicité  dépasse  Oaxaca  pour  continuer  jusqu'à  Salina  Cruz 
et  Tehuantepec,  où  les  secousses,  restreintes  au  versant  paciGque, 
restent  fréquentes,  mais  bien  moins  violentes. 

Non  content  de  donner,  comme  ses  prédécesseurs,  une  origine 
tectonique  aux  tremblements  de  terre  du  Mexique  central,  en  les 
associant  à  la  faille  dont  Texistence  est  maintenant  fort  douteuse, 
Deckert  a  fait  intervenir  cinq  autres  lignes  transversales  d'instabi- 
lité et  de  fracture  tout  à  la  fois  :  Golima-Zapotlan-Guadalajara- 
Aguas  Galientes  ;  Goalcomân-Morelia-Guanajuato  ;  Acapulco-Ghil- 
pancingo-Iguala-Mexico  ;  Oaxaca-Orizaba  ;  Tehuantepec-Minatitlan. 
Bôse  en  a  fait  bonne  justice,  en  montrant  qu'elles  n'existent  que  sur 
les  cartes  et  résultent  de  liaisons  arbitraires  établies  entre  les  prin- 
cipaux épicentres  apparents. 

Le  versant  atlantique  de  l'isthme  de  Tehuantepec,  ou  le  bassin  du 
Coatzacoalcos,  est  extrêmement  stable,  en  dépit  de  velléités  plusieurs 
fois  manifestées  par  le  San  Andres  Tuxtia  de  se  rallumer;  les 
mugissements  de  ce  volcan  sont  célèbres  aux  alentours*  Dès  1850^, 

*  Bamard.  The  Uthmus  of  Tehuantepec  (Washington,  1852). 


404  GÉOGRAPHIE  8ÉI8MOLOGIQUE 

ces    conditions  aséismiques  avaient  été  mises  en  avant   pour    le 
choix  d'une  voie  interocéanique,  plus  favorable  à  ce  point  de  vue* 
que  celle  des  lacs  de  Nicaragua. 

On  a  déjà  parlé  du  Chiapas,  à  propos  du  Centre-Amérique,  dont 
cet  État  fait  géologiquement  partie. 

2.  —  Grand  Bassin  de  FUtah  et  versant  pacifique  des  États-Unis 

et  du  Canada. 

L'Ouest  des  États-Unis  est  caractérisé  par  Ténorme  et  double 
chaîne  des  Montagnes  Rocheuses  et  de  la  Sierra  Nevada,  dont  les 
deux  branches  comprennent  entre  elles  la  dépression  sans  issue 
du  bassin  du  Grand  Lac  Salé  de  TUtah,  et  dont  le  versant  occidental 
lui-même  comprend  la  fosse  du  Sacramento  et  du  San  Joaquin, 
séparée  de  TOcéan  par  les  Coast  Ranges  de  Californie.  Les  tremble- 
ments de  terre  y  sont  maintenant  bien  connus,  grâce  aux  travaux 
de  Holden  et  d'autres  S  et  la  géologie  commence  à  être  bien  éclaircie 
par  les  recherches  de  la  pléiade  d'explorateurs  que  le  Geological 
Survey  dirige  vers  ces  contrées. 

Les  Rocheuses  proprement  dites  dominent  les  plaines  du  Missouri. 
Du  Wyoming  au  Nouveau-Mexique,  c'est  un  grand  anticlinal  de  très 
ancienne  existence,  que  la  mer  n'a  entamé  que  temporairement  au 
Crétacé  supérieur.  Deux  mouvements  orogéniques  s'y  sont  fait 
sentir,  le  premier  au  milieu  du  Carboniférien,  le  second  au  Juras- 
sique, et  l'on  y  reconnaît  aussi  deux  phases  de  plissement  à  la  fin 
des  temps  crétacés  et  au  Miocène  inférieur.  Cette  dernière  époque 
est  déjà  fort  reculée,  et  d'un  autre  côté  des  laccolithes  de  roches 
intrusives  ont  consolidé  les  Rocheuses  de  l'Est,  qui  ne  connaissent 
guère  les  tremblements  de  terre  par  suite  de  l'établissement  d'un 
équilibre  stable.  Seules  quelques  secousses  ont  été  signalées  jus- 
qu'ici autour  du  lac  Shoshone  dans  le  Yellowstone  National  Park» 
et  à  Helena,  dans  le  Montana  occidental.  On  voit  que  les  grandioses 
phénomènes  éruptifs  de  tous  ces  territoires,  quoique  éteints  depuis 
peu,  à  l'époque  pléistocène  seulement,  ne  jouent  aucun  rôle  séismo- 
génique. 

Les  tremblements  de  terre  sont  peu  fréquents,  et  en  tout  cas  peu 
redoutables  au  Sud,  dans  les  plateaux  du  Colorado  et  de  l'Arizona. 

*  List  ofrecorded  earthquakes  in  CcUifornia,  Lower  Califomia,  Oregon  and  Washington 
territory  (Sacrapnento,  1887).  —  Id.  A  Catalogue  of  earthquakes  on  the  pacifie  coast,  17M- 
1897  [SmitKsonian  miscellaneous  collections,  n»  1087.  City  of  Washington,  1898).  — 
G.  D.  Perrine.  Earthquakes  in  Galifomia  in  1898  (Washington,  1899). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPE'NDÂNGES  40S 

Il  existe  cependant  un  médiocre  foyer  d'ébranlement  à  Pagosa 
Springs,  Prescott  et  Tucson,  qui  se  prolonge  jusqu'à  Nogales  dans 
le  Mexique.  Une  architecture  tabulaire^  morcelée  par  les  fameux 
Caâons  et  des  failles  datant  de  l'époque  tertiaire,  rend  bien  compte 
de  cette  stabilité  par  absence  totale  de  plissements,  quoiqu'il  s'y  soit 
produit  des  cassures  tellement  récentes  qu'elles  ont  affecté  les  pro- 
duits volcaniques  pliocënes.  Dans  la  vallée  inférieure  du  Colorado, 
Fort  Yuma  est  quelquefois  ébranlé^  fait  à  rapprocher,  sous  toutes 
réserves  d'ailleurs*  des  curieuses  dépressions  d'effondrement  qui  s'y 
creusent  jusqu'à  90  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  voisine 
et  que  la  sécheresse  du  climat  transforme  en  déserts  salins.  Le  peu 
d'importance  des  tremblements  de  terre  infirme  l'opinion  que  les 
efforts  orogéniques  y  seraient  encore  à  l'œuvre. 

D'après  de  NadaillacS  à  l'exemple  des  anciens  Grecs,  les  Indiens 
de  Pueblo  Bonito  (pays  des  Navajos,  Nouveau-Mexique)  auraient  eu 
l'habitude  d'insérer  des  rondins  verticaux  et  horizontaux  de  bois  dans 
la  maçonnerie  de  leurs  habitations  pour  s'opposer  aux  effets  des 
tremblements  de  terre.  Gomme  ils  sont  rares,  et  en  tout  cas  peu  à 
craindre  dans  ces  territoires,  nous  inclinerions  à  penser,  non  que  les 
séîsmes  ont  cessé  dans  le  pays  depuis  l'époque  de  ces  constructions, 
mais  plutôt,  si  tel  était  bien  le  but  de  ce  dispositif,  que  ces  Indiens, 
venant  par  émigration  d'un  pays  instable,  auraient  conservé  l'usage 
en  question,  auquel  cas  la  séismologie  éclairerait  un  problème  ethno- 
graphique. 

L* entre-deux  des  Montagnes  Rocheuses  et  de  la  Sierra  Nevada 
comprend  deux  territoires  bien  distincts  :  les  nappes  éruptives  du 
Nord,  Washington,  Orégon  et  Idaho,  et  le  Grand  Bassin  de  l'Utah. 
Les  tremblements  de  terre  sont  jusqu'à  présent  à  peu  près  inconnus 
dans  la  région  volcanique,  dont  les  nappes  ont  recouvert  le  Pliocène 
et  n'ont  cessé  de  s'épancher  que  pendant  le  Pléistocène,  à  Tépoque 
du  grand  lac  Bonneville.  Ce  déluge  de  laves  a  recouvert  la  surface 
du  pays  et  n'a  plus  subi  que  des  effondrements  locaux,  sans  consé- 
quences séismiques  posthumes  actuelles.  A  peine  peut-on  citer  quel- 
ques secousses  à  Boisé  City. 

Il  n'en  va  pas  de  même  dans  le  Sud.  La  dépression  du  Grand  Lac 
Salé  occupe,  d'après  Suess,  l'emplacement  d'une  ancienne  chaîne 
qui  a  été  plissée  tant  à  l'époque  jurassique  qu'à  l'époque  tertiaire,  et 
dont  la  clef  de  voûte  se  serait  effondrée  entre  les  cassures  des  monts 
Wasatch  à  l'Est  et  de  la  Sierra  Nevada  à  l'Ouest.  Le  Lac  Salé  lui- 

'  Les  GllfT-Dwellers  (Revue  des  questions  scientifiques,  X.  Oct.  1896,  385.  Louvain). 


40ê  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

même  n'est  que  l'humble  reste  des  immenses  nappes  intérieures  de 
Bonneville  à  TEst  et  de  Lahontan  à  l'Ouest,  accusées  par  leurs  ler- 
rasses  successives,  et  qui  recouvraient  le  pays  à  l'époque  pléistocëne. 
Mais  ce  trait  géographique  si  important  est  maintenant  à  peu  près 
disparu  ou  en  voie  d'extinction  finale,  et  ne  saurait  avoir  d'intérêt 
pour  la  séismologie.  Ce  qu'il  importe  au  contraire  de  savoir,  c'est 
que  les  Monts  Wasatch  tombent  sur  la  dépression  par  une  cassure  que 
signalent  les  secousses  modérées  de  Paris,  Sait  Lake  City,  Provo  City, 
Cove  Creek,  Fillmore,  Pioche  et  Hebron.  Ce  rôle  séismogénique  de  la 
fracture  est  corroboré  par  les  chocs  tout  aussi  faibles  qui  se  font  sentir 
le  long  d'autres  failles  secondaires  du  bassin  à  Winnemuca,  Union- 
ville,  Eurêka,  etc.  S'ils  étaient  dus  au  dernier  plissement,  tertiaire, 
les  épicentres  seraient  sans  doute  beaucoup  moins  clairsemés.  Mal- 
gré tout,  le  Grand  Bassin  reste  fort  stable,  moins  toutefois  que  son 
homologue  du  Mexique,  le  Bolson  de  Mapimi,  et  les  séismes  n'y  sont 
que  des  phénomènes  rares  et  sans  très  grande  importance,  supé* 
rieure  cependant  à  celle  qu'ils  montrent  dans  la  région  éruptive  du 
Nord-Ouest. 

Les  tremblements  de  terre  deviennent  au  contraire  fréquents  et 
sérieux  vers  l'Ouest,  des  le  flanc  oriental  de  la  Sierra  Nevada  de  Cali- 
fornie, Tout  d'abord  s'impose  une  remarque,  confirmant  trop  bien 
l'indépendance  des  phénomènes  séismiques  et  volcaniques  pour  être 
passée  sous  silence  :  c'est  que  la  partie  de  la  chaîne  occidentale. 
Cascade  Range,  où  dominent  les  grands  cônes  à  peine  éteints  du 
Shasta,  du  Mont  Hood  et  du  Mont  Rainier,  est  justement  de  beau- 
coup la  moins  ébranlée.  On  ne  s'occupera  donc  pas  du  Nord  de  la 
chaîne,  et  tout  ce  qu'on  en  va  dire  se  rapporte  à  sa  partie  méridionale, 
au  sud  du  Shasta,  c'est-à-dire  à  la  Sierra  Nevada. 

Quelques  séismes  ont  été  mentionnés  au  Fort  Klamath,  et  c'est 
non  loin  de  là  que  Russell  ^  a  signalé  dans  la  Surprise  Valley,  et 
sur  de  grandes  distances,  des  indices  de  mouvements  très  récents 
d'anciennes  fractures  dont  la  végétation  n'a  pas  encore  eu  le  temps 
de  faire  disparaître  la  fraîcheur  ;  les  dénivellations  atteignent  une 
quinzaine  de  mètres.  Il  est  difficile  de  mettre  en  doute  la  relation 
entre  les  phénomènes. 

Le  versant  oriental  de  la  Sierra  Nevada  est  le  plus  raide,  mais  il 
correspond  à  un  relief  bien  moindre  que  l'opposé,  descendant  jus- 

*  A  geological  reconnoissance  in  southem  Oregon  (4f^  Ann.  Rep.  V.  S.  GeoL  Surrey. 
1882,83-431). 

Id.  Â.  geological  reconnoissance  in  central  Washington  [U.  S.  Creol.  Survey  Bull., 
n*  108.1893). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES  407 

qu'aux  basses  plaines  du  Sacramento  et  du  San  Joaquin.  La  ride 
montagneuse  tombe  sur  le  Grand  Bassin  par  une  énorme  faille,  dont 
le  rejet  n'est  pas  inférieur  à  1800  mètres.  D'après  Diller^  sa  forma- 
tion est  très  récente,  et  ce  serait  l'affaissement  du  Grand  Bassin  qui 
aurait  mis  cet  accident  en  valeur,  en  rendant  sa  saillie  apparente. 
RusselP  a  reconnu  qu'elle  a  rejoué  à  l'époque  quaternaire,  car, 
dans  la  Lundy  Valley,  les  moraines  et  les  deltas  torrentiels  sont 
recoupés  par  un  escarpement  de  15  mètres  de  dénivellation.  Des 
mouvements  aussi  récents  ne   peuvent    que  correspondre  à  une 
certaine  instabilité  le  long  du  versant  oriental,  et  c'est  bien  ce  que 
vérifient  les  observations.   En  effet,  deux  districts  séismiques  s'y 
montrent,  celui  du  lac  Owen  et  celui  de  Virginia  City.  Le  premier 
a  été,  de  1868  à  1872,  le  siège  de  très  nombreuses  secousses  et 
répicentre  a  été  donné  comme  se  trouvant  près  des  sources  de  la 
Kern  River,  c'est-à-dire  au  pied  du  Mont  Whitney  ;  du  moins  est-ce 
là,  ainsi  qu'à  Long  Fine,  qu'ont  été  ressentis  les  chocs  les  plus 
nombreux.  Mais  la  rectitude  et  la  profondeur  de  l'Owen's  River,  sur 
le  flanc  oriental  du  mont,  infirment  cette  manière  de  voir,  car  elles 
démontrent  Timportance  de  cet  accident  tectonique.  Ces  secousses 
ont  été  attribuées,  mais  sans  preuves,  aux  phénomènes  volcaniques 
éteints  de  ces  parages,  l'état  de  fraîcheur  de  certains  des  cônes  mon- 
traût  que  leur  extinction  est  peu  ancienne.  La  grande  secousse  du 
17  mars  1872  est  venue,  par  Ténorme  extension  de  son  aire  d'ébran- 
lement le  long  de  la  Sierra  Nevada  et  le  nombre  considérable  des 
chocs  consécutifs,  donner  un  démenti  à  cette  explication,  qui  a  contre 
elle  le  caractère  local  des  séismes  de  cette  nature.  Celui-ci  a  causé 
des  dommages  importants  à  Long  Fine.  D'après  Whitney  *,  il  aurait 
ébranlé  simultanément  la  Sierra  Nevada  entre  le  34""  et  le  38^  paral- 
lèle ;  aussi  en  a-t-on  fait  un  mouvement  d'ensemble  de  la  chaîne, 
d'origine  nettement  tectonique.  Sans  aller  contre   une  interpréta- 
tion que  les  circonstances  géologiques  locales  rendent  très  plausible» 
surtout  si  l'on  réfléchit  au  peu  de  temps  écoulé  depuis  les  mouve- 
ments les  plus  récents  bien  constatés  dans  la  chaîne,  il  faut  cepen- 
dant observer  que  la  défectuosité  des  mesures  du  temps,  dans  un  pays 
mal  outillé,  même  maintenant,  au  point  de  vue  du  réglage  de  l'heure, 
à  plus  forte  raison  il  y  a  une  trentaine  d'années,  ne  permet  guère 
d'affirmer  cette  simultanéité  du  choc  sur  une  aussi  longue  distance. 

*  On  Uie  geology  of  North  Galifomia  {U.  S,  Geol.  Survey  Bull.,  n*  33»  1886). 

*  The  qnatemary  hlstoryof  Mono  Valley  {8*^  Ann.  Rep.  U.  S.  Geol.  Survey,  259). 

*  The  Owen's  valley  earthquake  of  March  26tb,  1872  (Overland  Monthly,  Augost  and 
Septonber  1872,  IX,  273). 


408  GÉOGRAPHIE  SÊISMOLOGIQUE 

Lors  de  Texploration  de  Wheeler  en  1875,  Duckweiler  lui  montra  à 
l'extrémité  Nord  du  lac  Owen,  les  preuves  qu'un  calcaire  avait  été 
soulevé  de  14  mètres  au  moment  du  tremblement  de  terre,  et  qu'il 
s'était  formé  en  même  temps  de  nombreuses  fissures  dont  l'une  d'au 
moins  12  milles  du  Nord  au  Sud,  avec  un  rejet  d'une  douzaine  de 
pieds  correspondant  à  l'affaissement  de  sa  lèvre  orientale  ^ 

D'une  façon  générale,  Gilbert'  attribue  les  séismes  du  Grand  Bas- 
sin de  rUtah  à  l'action  même,  toujours  en  puissance,  delà  surrecUon 
des  chaînes  qui  le  bordent.  Â  l'Ouest,  la  faille  du  pied  oriental  de  la 
Sierra  Nevada,  formée  lors  du  tremblement  de  terre  de  la  vallée 
d'Owen  en  1872,  et  à  l'Est,  celle  du  pied  occidental  des  monts 
Wasatch  se  correspondent  exactement.  Mais  cette  dernière  est  inter- 
rompue sur  une  distance  notable  entre  Warm  Springs  et  £mi- 
gration  Caûon,  près  de  Sait  Lake  City;  d'où  ce  géologue  tire  cette 
conclusion,  que  l'effort  de  surrection  ne  s'étant  pas  manifesté  de  ce 
côté  dans  les  temps  récents,  cette  ville  aurait  d'autant  plus  à  craindre 
pour  l'avenir  que  le  délai  qui  lui  sera  imparti  par  les  forcea  naturelles 
en  action  se  prolongera  davantage. 

L'autre  district  séismique  du  flanc  interne  de  la  Sierra  Nevada 
s'étend  de  Susanville  au  lac  Mono.  On  peut  soupçonner  qu'il  n'est 
vraiment  pas  distinct  de  celui  qui  a  déjà  été  signalé  au  nord  dans  la 
réserve  indienne  de  Klamath,  non  plus  que  du  précédent;  autrement 
dit  une  longue  région  d'ébranlement  s'étend  sur  tout  le  versant 
jusqu'au  lac  Owen  :  seul,  le  manque  des  observations  faites  au  hasard 
des  établissements  miniers,  souvent  éphémères,  l'aurait  en  apparence 
coupée  en  plusieurs  tronçons.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  Sud  de  Susanville, 
un  des  points  le  plus  souvent  ébranlés,  trois  fractures  longitudinales 
successives  jalonnent  la  Sierra  Nevada,  et  présentent  ce  caractère 
commun  d'avoir  leur  lèvre  occidentale  relevée,  les  couches  plongeant 
tantôt  à  l'Ouest  et  tantôt  à  l'Est.  On  peut  donc,  si  l'on  veut  exclure 
l'effondrement  du  Grand  Bassin  comme  cause  générale  d'instabilité, 
vu  sa  date  trop  ancienne,  invoquer  ces  dislocations  plus  récentes.  La 
formation  de  ces  failles  est,  en  effet,  tellement  récente  que  Reyer'  a 
décrit  sur  les  bords  du  lac  Fardyce  des  parois  granitiques  polies  par 
les  glaciers  et  recoupées  par  des  failles  postérieures.  Ces  lacs,  assez 
nombreux  sur  le  versant  oriental,  n'ont  aucune  signification  tectonique 

•  Holden,  l  c,  92. 

'  A  theory  of  the  earthqnakes  of  the  Great  Basin,  witli  a  pracLical  applicaUon  (Amer, 
Journ.ofSc.,  HI,  XXVII,  49.1884). 

»  Zwei  Proûle  durch  die  Sierra  Nevada  (Neues  Jahrbuch.  /.  Min.,  Beilage-Bd.  IV,  Î91, 
1886). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES  409 

intéressante,  car  beaucoup  résultent,  comme  le  Tahoe,  à  Touest  de 
CarsonCity,  de  barrages  causés  parles  produits  éruptifs  au  travers 
des  têtes  des  vallées.  Au  lac  Mono,  des  mouvements  très  modernes  ont 
détruit  l'horizontalité  primitive  des  terrasses  lacustres  visibles  jusqu'à 
205  mètres  au-dessus  de  son  niveau  actuel.  L'aséismicité  de  ce  versant 
serait  donc  pour  surprendre  ;  mais  si  Tinstabilité  n'y  approche  pas 
de  celle  du  littoral,  il  faut  en  voir  la  raison  dans  l'ancienneté  de  la 
surrecUonde  la  Sierra  Nevada,  qui  ne  lui  a  pas  permis  de  se  plisser  à 
Fépoque  tertiaire,  et  dont  les  principales  dislocations  sont  les  failles 
long:itudlnales  post-miocënes.  Gomme  ces  accidents  n'ont  cessé  qu'à 
la  fin  du  Tertiaire  ou  au  commencement  du  Quaternaire,  lorsque  la 
chaîne  a  été  définitivement  isolée  du  Grand  Bassin,  le  peu  de  temps 
écoulé  depuis  cet  événement  suffit  amplement  à  rendre  compte  des 
séismes  de  son  flanc  oriental  et  aussi,  faute  de  plissement  récent,  à 
expliquer  pourquoi  il  est  moins  exposé  que  les  Goast  Ranges. 

Lie  large  littoral  pacifique  des  États-Unis  présente  des  conditions 
à  tous  égards  bien  différentes.  Du  Shasta  jusqu'au  lac  Tulare,  les 
fleuves  Sacramento  et  San  Joaquin  arrosent  en  sens  inverse  une 
longue  dépression  ovale,  comprise  entre  la  Sierra  Nevada  et  le 
Pacifique,  et  débouchent  sur  l'océan  par  un  estuaire  commun,  la 
coupure  de  San  Francisco.  Au  Sud,  un  seuil  marécageux  sépare  le 
haut  San  Joaquin  du  bassin  sans  écoulement  du  lac  Tulare,  qui  pro- 
longe simplement  cette  dépression  à  double  pente.  Suess  assimile  ce 
curieux  sillon  déprimé  à  la  vallée  longitudinale  du  Ghili;  les  deux 
Cordillères  côtiëres  ont,  en  effet,  ce  caractère  commun  que  la  série 
paléozoïque  y  manque,  ainsi  que  la  moitié  inférieure  de  la  série 
mésozoïque  qui  repose  sur  un  soubassement  granitique  ;  mais  tandis 
que  l'accident  chilien  n'a  qu'une  pente  du  Nord  au  Sud  et  a  vu  sub- 
merger sa  partie  méridionale,  la  dépression  californienne  est  à 
double  déclivité  vers  son  centre;  l'instabilité  décroît  régulièrement 
du  Nord  au  Sud  au  Ghili,  tandis  qu'ici,  très  grande  dans  la  vallée 
du  Sacramento,  moindre  dans  celle  du  San  Joaquin,  elle  ne  dis- 
paraît nulle  part  complètement,  comme  entre  Ghiloé  et  l'isthme 
d'Ofqui. 

Les  Goast  Ranges  se  détachent  au  Shasta  de  la  Sierra  Nevada 
et  les  tremblements  de  terre  les  ébranlent  partout  avec  une  énergie 
qui  ne  subit  guère  que  des  rémittences  locales.  Aussi  beaucoup  y 
ont  causé  de  sérieux  dommages,  sinon  de  véritables  catastrophes. 
Autour  de  San  Francisco,  les  épicentres  se  pressent  plus  nombreux 
que  partout  ailleurs  ;  mais  il  est  actuellement  impossible  de  dire  si 
cela  prouve  une  plus  grande  séismicité,  les  nombreuses  aggloméra- 


410 


GÉOGRAPHIE  8ÉI8H0L061QUE 


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Figr.  71 .  —  Californie. 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES  411 

lions  urbaines  dans  la  grande  banlieue  de  la  reine  du  Pacifique  ayant 
facilité  dans  cette  région  les  informations,  qui  sont  plus  rares  vers 
Lios  Angeles,  ville  plusiem*s  fois  aussi  désolée,  à  un  degré  tel  qu'en 
dépit  des  apparences,  le  Sud  pourrait  bien  être  plus  instable  encore. 
Non  loin  de  Los  Angeles,  le  nom  même  de  la  vallée  de  Los  Temblores 
atteste  une  instabilité  depuis  longtemps  reconnue. 

Dans  quelle  mesure  la  géologie  des  Goast  Ranges  justifie-t-elle  la 
fréquence  et  Ténergie  de  ces  tremblements  de  terre  ?  C'est  ce  qu'il 
s'agit  de  rechercher.  A  l'époque  crétacée»  la  côte  occidentale  de  la 
masse  continentale  des  Rocheuses  coïncidait  à  peu  près  avec  le  pied 
de  la  Sierra  Nevada  du  côté  Pacifique,  et  les  couches  néocomiennes 
se  sont  constituées  aux  dépens  du  substratum  archéen  de  la  zone  litto- 
rale. Un  violent  plissement  a  suivi  cette  phase  et  produit  un  intense 
métamorphisme  dans  la  grande  chaîne.  Du  Crétacé  supérieur  au 
Miocène  se  sont  formées  les  couches  de  la  série  de  Chico-Tejon, 
concordantes  entre  elles,  mais  discordantes  sur  le  Néocomien  plissé. 
Puis  est  survenu  un  plissement  post-miocène,  moins  accusé,  et  qu'a 
suivi  l'activité  volcanique  pliocène,  à  peine  éteinte  à  l'heure  actuelle. 
Ce  second  plissement,  malgré  son  peu  d'intensité  relative,  se 
perpétue  peut-être  sous  la  forme  de  séismes,  et  les  efforts  qui  lui  ont 
donné  naissance  sont  sans  doute  les  mêmes  que  ceux  des  premières 
phases.  Les  couches  sont  beaucoup  plus  plissées,  disloquées  et  déran- 
gées dans  les  Coast  Ranges  qu'au  pied  de  la  Sierra  Nevada,  ce  qui 
explique  bien  leur  plus  grande  séismicité.  Quant  à  citer  des  influences 
séismogéniques  particulières,  on  ne  trouve  guère  à  signaler,  et 
sous  toutes  réserves,  que  les  failles  découpant  la  presqu'île  de  San 
Francisco;  Lawson^  considère  comme  une  aire  d'effondrement  la 
baie  de  San  Francisco  et  ses  diverses  branches,  Suisun  Bay,  etc. 

D'après  les  tracés  des  aires  pléistoséistes  que  Deckert  a  donnés 
des  principaux  tremblements  de  terre  de  la  baie  de  San  Francisco» 
leurs  grands  axes  sont  tantôt  pandlèles  et  tantôt  perpendiculaires  à 
la  côte  et  aux  Coast  Ranges,  preuve  qu'ils  dérivent  de  deux  causes 
tectoniques  différentes.  La  même  disposition  se  remarque  aussi 
autour  de  Los  Angeles  et  de  San  Diego,  et  là  s'ajoute  cette  circons- 
tance que  les  ellipses  sont  si  bien  coupées  par  le  littoral,  que  la  con- 
clusion d'un  épicentre  sous-marin  s'impose  nettement.  D'un  autre 
côté,  l'isobathe  de  4000  mètres  ne  s'éloigne  jamais  beaucoup  du  littoral 
californien,  sauf  au  Nord  du  cap  Mendocino,  au  delà  duquel  la  séis- 
micité  diminue  beaucoup  le  long  de  l'Orégon;  d'ailleurs  d'assez 

'  G.  A.  Lawson.  The  Geomorphogeny  of  the  Ck>asi  of  Northern  California  (Bull,  Depart- 
ment ofgeol.  Univ.  Calif.  1, 263.  —  lù^h  Ann.  Rep.  V,  S.  Geol.  Surtfey,  309). 


412  GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 

nombreux  séismes  sous-marins  ont  été  observés  au  large  de  ce 
même  cap.  La  pente  du  talus  submergé  atteint  aussi  son  maximum 
entre  San  Francisco  et  le  cap  Mendocino,  de  telle  sorte  que  toutes 
ces  considérations  concordent  pour  faire  attribuer  un  rôle  séismo- 
génique  indéniable  à  Taccident  que  représente  ce  talus.  On  ignore 
si  risobatlie  représente  une  fracture,  mais  elle  est  parallUe  au  plis- 
sement des  Coast  Ranges,  aux  failles  longitudinales  de  la  bande  lit- 
torale Paciflque  telles  que  Suess  les  a  indiquées,  et  à  la  Sienra 
Nevada  elle-même,  et  il  en  est  de  même  pour  la  direction  des 
grands  axes  de  bien  des  séismes  californiens  :  cette  communauté  de 
direction  entre  tant  de  phénomènes  divers  ne  saurait  être  fortuite  et 
fait  de  suite  penser  à  la  persistance  des  mêmes  efforts  tectoniques. 
EnGnBecker^  croit  que  chacune  des  poussées  orogéniques  antérieures 
a  eu  pour  effet  d'ajouter  une  nouvelle  bande  plissée  au  versant  occi- 
dental de  la  bande  saillante  déjà  existante.  Les  séismes  actuels  des 
Coast  Ranges  représentent-ils  un  troisième  plissement,  soit  en  pré- 
paration, soit  avorté  à  cause  d'une  plus  grande  rigidité  des  couches 
acquise  avec  le  temps  ? 

Dans  plusieurs  circonstances  les  géologues  américains  ont  observé 
des  sandstone  dykes  dont  ils  attribuent  la  formation  à  des  tremble- 
ments de  terre  d'époques  anciennes,  exactement  comme  on  Ta  vu 
dans  Texemple  d'Alatyr,  signalé  par  Pavlov  et  mentionné  au  cha- 
pitre traitant  de  la  Russie. 

Jusqu'à  présent,  il  n'a  pas  été  mentionné  de  secousses  sur  le  ver- 
sant pacifique  de  TOrégon.  Il  y  a  donc  une  lacune  séismique  entre 
Crescent  City  et  Portland  (Wash.)  ;  elle  correspond  à  la  Cascade 
Range.  Cependant,  le  14  décembre  1873,  un  tremblement  de  terre  à 
grande  aire  d'action  a  eu  pour  ligne  épicentrale  de  Wallawalla  à  Port- 
land le  cours  de  la  Columbia,  perpendiculaire  à  la  côte.  Deckert  le 
met  en  relation  avec  l'accident  tectonique  emprunté  par  le  fleuve 
pour  sa  traversée  de  la  Cascade  Range  et  l'on  ne  connaît  pas  d'autre 
séisme  avec  cette  disposition.  C'est  par  l'emplacement  actuel  de  cette 
chaîne  que  la  mer  néocomienne  des  Coast  Ranges  de  Californie 
contournait  le  Nord  de  la  masse  continentale,  pour  s'étendre  dans 
TEst  de  l'Orégon  jusqu'à  une  distance  inconnue.  Cette  difiérence 
d'histoire  géologique  avec  la  Californie  n'est,  à  coup  sûr,  point  indif- 
férente à  la  différence  deséismicité  de  l'une  et  de  l'autre  région,  d'au- 
tant plus  que  la  stabilité  de  l'Orégon  se  continue  à  l'est  de  la  Cascade 
Range  dans  le  pays  des  nappes  volcaniques.  Le  massif  de  Klamatha 

*  Geology  of  thc  Quicksilver  deposiU  of  the  Pacific  slope  (S^^  Ann.  Rep,  U,  S.  Geol. 
Survey,  9«1). 


MONTAGNES  ROCHEUSES  ET  DÉPENDANCES         413 

été  disloqué  à  la  fin  des  temps  jurassiques;  pénéplaine  dominée  par 
des  massifs  de  plus  grande  résistance^  son  immunité  séismique  s'ex- 
plique par  Tancienneté  de  ces  accidents  et  par  Tabsence  de  plisse- 
ments récents. 

Lies  secousses  reparaissent  bien  à  Portland  sur  la  basse  Columbia, 
mais  elles  ne  deviennent  fréquentes  que  tout  autour  de  la  baie  de 
rAmirauté  et  au  moins  jusqu'à  Vancouver,  sans  cependant  y  être 
jamais  redoutables.  Il  serait  encore  prématuré  de  faire  avec  les  con- 
ditions géologiques  un  rapprochement  capable  d'expliquer  leur  pro- 
duction. L^extrême  complication  des  découpures  de  la  côte  et  des  dis- 
locations de  la  fameuse  Olympic  Range,  à  l'extrémité  N.W.  de  l'État 
de  Washington,  laisse  seulement  supposer  d'énergiques  actions  post- 
crétacées,  car  tel  est  l'âge  des  couches  qui  s'y  rencontrent.  Quoi  qu'il 
en  soit,  ces  tremblements  de  terre  présentent  des  aires  d'ébranlement 
trës  allongées  sur  les  axes  de  la  baie  de  l'Amirauté  et  du  canal  de 
Géorgie  ;  ainsi  leur  relation  avec  la  tectonique  de  la  dépression  est 
manifeste.  C'est  bien  plus  rarement  que  les  isoséistes  s'allongent  sur 
l'axe  du  détroit  de  Juan  de  Fuca,  au  pied  de  l'Olympic  Range.  Par 
conséquent,  la  première  dépression  joue  un  rôle  séismogénique  plus 
net  que  la  seconde,  qui  est  transversale.  Autrement  dit,  la  plupart 
de  ces  séismes  sont  longitudinaux  par  rapport  au  Pacifique  et  aux 
chaînes  qui  le  bordent. 

On  est  peu  fixé  sur  le  degré  de  séismicité  du  versant  pacifique  dos 
Rocheuses  canadiennes;  on  sait  seulement  que,  le  24  février  1890, 
un  violent  tremblement  de  terre  aurait  dévasté  l'île  Skidegate  et 
l'Archipel  de  la  Reine  Charlotte,  et  que  les  secousses  ne  sont  pas 
rares  dans  les  environs  de  Sitka.  C'est  une  côte  à  fjords  bordée  de 
chaînes  plissées;  d'intenses  chevauchements  du  Primaire  sur  les 
dépôts  crétacés  ont  été  observés  sur  le  bord  des  grandes  plaines 
canadiennes.  Selon  de  Lapparent,  un  mouvement  de  bascule  a 
ouvert  la  voie  à  deux  séries  d'éruptions  antépliocfenes,  et  un  affaisse- 
ment partiel  a  découpé  la  côte  en  Qords.  Il  y  a  bien  là  des  facteurs 
d'une  instabilité  au  moins  modérée,  telle  que  les  séismes  connus 
doivent  la  faire  supposer.  Si,  s'en  tenant  aux  analogies,  on  observe 
que  risobathe  de  4  000  mètres  quitte  définitivement  cette  côte  pour 
s'en  éloigner  beaucoup,  l'on  devra  prévoir  que  les  observations  de 
l'avenir  ne  décèleront  point  de  régions  vraiment  séismiques  sur  le 
versant  occidental  des  Rocheuses  de  la  Colombie  britannique. 

La  Cordillère  archéenne,  paléozoïque  et  mésozoîque,  se  prolonge 
dans  l'Alaska,  et  du  Tertiaire  se  montre  sur  le  bas  Yukon.  Les  trem- 
blements de  terre  n'y  peuvent  résulter,  d'une  manière  générale,  que 


414 


GÉOGRAPHIE  6ÉI6MOLOGIQUE 


de  la  cassure  w  bord 
du  PaciGque,  si  tant 
est  qu'il  y  en  ait  une 
représentée  par  les 
énormes  profon- 
deurs que  Ton  y  ren- 
contre. L'Alaska  est 
seulement  pénéséis- 
mique.  Le  seul  trem- 
blement de  terre  im- 
portant que  Ton  y 
connaisse  est  celui  de 
septembre  1899,  à  la 
baie  de  Yakutat,  avec 
de  nombreux  chocs 
consécutifs^  des  va- 
gues séismiques  et, 
dit-on,  l'affaissement 
d'une  partie  de  la 
côte  y  dernier  fait 
qui  mérite  peu  de 
créance. 

L'arc  des  îles 
Aléoutiennes ,  ter- 
tiaires et  à  peu  près 
toutes  d'origine  vol- 
canique, éteintes  ou 
actives  ^,  est  plus 
souvent  ébranlé  que 
l'Alaska,  ce  qui  peut 
tenir  à  sa  position  au 
bord  même  de  l'a- 
bîme sous-marin. 


*  AI.  Perrey.  Doclunents 
sur  les  tremblements  de 
terre  et  les  phénomènes 
volcaniques  des  îles  Aléou- 
tiennes, de  la  péninsule 
d'Aljaska  et  de  lac6te  NO. 
d'Amérique  {Mém.  Ac.  Se., 
Arts  et  BeHu-Lettrts  de 
Dijon,  1865). 


CHAPITRE  XXIII 

LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN 

1.  —  Kamtchatka,  Kouriles  et  Sakhaline. 

Le  détroit  de  Bering  a  trop  peu  de  profondeur  pour  constituer  un 
véritable  trait  géographique  structural.  Aussi,  de  part  et  d'autre,  du 
cdté  américain  comme  du  côté  asiatique,  les  mêmes  circonstances 
géologiques  et  pénéséismiques  se  reproduisent-elles  à  peu  près  sem- 
blablement  sur  les  portions  voisines  d'anciennes  terres  dont  le  trait 
d'union  n'est  qu'ennoyé,  et  qui  tombent  à  pic  sur  des  abîmes  de  6  000 
à  8  000  mètres,  sans  avoir  jamais  été  bordées  par  une  puissante  chaîne 
plissée  de  surrection  récente. 

Comme  l'Alaska,  le  Kamtchatka  ^  n'est  pas  au  bord  même  des 
abîmes  océaniques,  l'une  et  l'autre  presqu'îles  y  descendant  par  des 
talus  à  pentes  relativement  modérées,  au  contraire  de  ce  qui  se  passe 
pour  les  Aléoutiennes  et  les  Kouriles.  La  côte  orientale  du  Kamtchatka 
est  hérissée  de  volcans  gigantesques,  correspondant  exactement  à 
ceux  de  la  côte  méridionale  de  l'Alaska,  mais  avec  un  développe- 
ment bien  plus  considérable,  et  ils  s'échelonnent  sur  le  flanc  d'un 
axe  archéen  et  primaire,  tandis  que  la  côte  occidentale  borde  une 
mer  dont  les  profondeurs  ne  dépassent  pas  2  000  mètres,  et  montre 
du  Tertiaire,  pendant  de  celui  du  bas  Yukon.  La  presqu'île  est  péné- 
séismique  et  les  secousses  de  Pétropavlovsk  ne  sont  ni  redoutables, 
ni  bien  énergiques.  On  n'en  connaît  qu'une  seule  sur  le  versant 
intérieur. 

Le  petit  archipel  du  Commandeur  est  quelquefois  ébranlé,  comme 
son  symétrique,  celui  des  îles  Pribylov,  au  nord  des  Aléoutiennes. 

Les  Kouriles,  sur  la  crête  même  de  la  fosse  abyssale,  sont  exac- 
tement dans  les  mêmes  conditions  pénéséismiques  et  volcaniques 

'  Al.  Perrey.  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  et  les  phénomènes  volcaniques 
dftus  l'archipel  des  Kouriles  et  au  Kamtschatka  [Soc.  imp,  Agric.  HUt.  nat.  et  ArU 
vtiUs  de  Lyon.  Séance  du  17  Juillet  1863). 


416  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

que  les  Aléoutiennes.  Elles  ont  eu  surtout  à  souffrir  de  va^es  plutdt 
dues  à  des  conflagrations  volcaniques  qu^à  des  tremblements  de  terre, 
et  leurs  dégâts  se  sont  à  plusieurs  reprises  étendus  à  rextrémité 
méridionale  du  Kamtchatka,  au  cap  Lopatka. 

Sakhaline  n'est  qu'une  dépendance  de  l'île  japonaise  d'Yézo,  dont 
les  zones  sédimentaires  disposées  en  longues  bandes  s'y  retrouvent 
suivant  sa  longueur.  En  dépit  de  quelques  secousses,  connues  à 
Douyé  et  surtout  à  Korsakov,  elle  est  stable,  ce  qui  coïncide  avec  son 
grand  éloignement  de  la  fosse  du  Tuscarora,  dont  elle  est  séparée 
par  toute  la  largeur  de  la  mer  des  Kouriles. 


2.  —  Le  Japon,  TArchipel  des  Riou-Klou  et  Formose. 

Au  point  de  vue  séismologique,  le  Japon  s'est  placé,  sans  con- 
teste, en  tête  des  pays  du  monde  où  les  tremblements  de  terre  sont 
le  mieux  étudiés.  Il  était  prédestiné  à  ce  rôle  par  la  grandeur  et  la  fré- 
quence des  catastrophes  qui  l'ont  de  tout  temps  désolé,  qu'elles  soient 
causées  par  des  secousses  violentes  et  répétées  du  sol  qui,  comme 
le  28  octobre  1891,  produisirent  des  failles  de  160  kilomètres  de  long  S 
par  de  terribles  éruptions  ou  explosions  volcaniques  telle  que  celle  du 
Bandaï-San(15  juillet  1888)  faisant  disparaître  d*un  seul  coup  des  mon- 
tagnes entières,  cubant  plus  de  deux  milliards  de  mètres  *,  ou  enfin 
par  de  gigantesques  raz  de  marée  d'origine  séismique,  ou  Tsuntanis^ 
noyant  des  milliers  d'habitants,  le  23  décembre  1854,  à  Simoda  et 
sur  les  côtes  d'alentour'.  Depuis  quinze  siècles  au  moins,  alors  qu'en 
Europe  les  tremblements  de  terre  n'étaient  guère  qu'un  sujet  d'eflfroi, 
qu'aucune  recherche  scientiGque  sérieuse  ne  cherchait  à  élucider, 
il  se  développait  au  Japon  une  vaste  littérature  séismologique,  qui 
a  fourni  le  récit  de  223  catastrophes,  depuis  l'an  416  de  notre  ère 
jusqu'à  1867,  et  la  mention  de  plus  de  2  000  tremblements  de  terre 

*  Gh.  Davison.  The  great  japanese  earthqaake  of  October  2^^  1891  {Geogr.  joum. 
June  1901,  London).  —  B.  Kôtô.  On  the  cause  of  the  great  earthqaake  in  central  Ja- 
pan,  1891  (Joum.  of  tlve  Coll.  of.  Se.  Imp.  Univ.  Japon,  V.  part  IV.  Tokyo,  1893).  - 
J.  Milne.  Â  note  on  the  great  earthquake  of  October  2»^  1891  (Seism.  Joum,  of  Japan. 
1, 1893,  127.  Tokyo).  —  F.  Omôri.  Note  on  the  great  Mino-Owari  earthqaake  of  October 
28ti»  1891  {Public,  earthq.  invest.  Comm.  in  foreign  languages,  n«  4.  Tokyo,  1900).  — 
G.  de  Roton.  Le  tremblement  de  terre  du  Japon  da  28  octobre  1891  {Le  Tour  du  mondes 
n«  1668,  24  décembre  1892,  Paris). 

'  Cargill  Rnott  and  Michie  Smith.  Notes  on  Bandal-San  {Trans,  seism.  Soc.  of  Japon, 
Xni,  part  II,  223).  —  S.  Seikei-Sekiya.  The  éruption  of  Bandaï-San  (Joum.  Coll.  Se.  Imp. 
Univ.  Tokyo,  III,  part  U,  91, 1889). 

»  T.  E.  Gumprecht.  Das  letztô  grosse  Erdbeben  in  Japan  {Zeitschr.  f.  Allgem.  Erdkunde, 
Oktober  1855,  V,  311). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      417 

d'intensité  variée  dans  plus  de  500  ouvrages  ou  articles  de  moindre 
importance  ^  ;  c'est  une  effrayante  moyenne  d'un  désastre  tous  les 
six  ans  et  demi.  A  côté  de  faits  probablement  erronés,  ou  tout  au 
moins  exagérés,  et  d'observations  d'une  naïveté  parfois  enfantine, 
ces  documents  abondent  en  faits  précieux  pour  l'étude  de  ces  phé- 
nomènes, et  laissent  loin  derrière  eux  le  catalogue  de  Perrey  '  pour 
ces  anciens  temps.  Aussi  quand,  à  la  fin  du  xix""  siècle,  la  séismologie 
moderne  s'est  constituée  en  science  autonome  sous  l'impulsion  des 
savants  italiens,  ceux  du  Japon,  tant  nationaux  qu'européens,  se 
sont  vite  mis  à  la  tête  du  mouvement,  comme  l'attestent  les  innom- 
brables travaux  importants  publiés  dans  des  recueils  bien  connus, 
les  Transactions  of  the  Seismological  Society  of  Japan  (1880-1892), 
qui  ont  été  continués  par  les  Publications  of  the  Earthquake  Inves- 
tigation  Committee  in  foreign  languages,   donnant  les  mémoires 
les  plus  importants  de  la  même  collection  en  japonais,  langue  mal- 
heureusement peu  accessible.  L'observation  des  macroséismes  est 
devenue  un  service  d'État,  et  à  la  fin  de  1904  il  existait  11  stations 
munies  d'appareils  séismographiques  et  1471  stations  sans  instru- 
ments', disséminées  à  la  surface  du  Japon,  formant  un  réseau  telle- 
ment serré  que,  sauf  dans  l'ile  d'Yézo,  encore  peu  habitée,  aucun 
macroséisme  ne  peut  échapper  à  l'observation.  La  répartition  de 
l'instabilité  est  donc  bien  connue,  et  elle  le  serait  encore  mieux  si  le 
bureau  central  ne  publiait  ses  catalogues  en  japonais. 

Le  seul  point  qui  laisse,  il  faut  bien  le  dire,  un  peu  à  désirer  jus- 
qu'à présent  dans  ces  immenses  travaux,  c'est  la  recherche  des  rela- 
tions entre  les  phénomènes  séismologiques  et  géologiques,  les 
savants  japonais  ayant,  jusqu'ici,  peu  cultivé  ce  côté  du  problème. 
Les  bases  de  la  géologie  japonaise  ont  été  posées,  il  y  a  déjà 
un  certain  nombre  d'années,  par  Naumann  \  et  les  recherches 
les  plus  récentes  n'en  ont  pas  sensiblement  modifié  les  grandes 
lignes. 

*  J.  Milne.  Notes  on  the  great  earthquakcs  of  Japan  {Trans.  Seism.  Soc.  Japan,  III 
65,  4881).  —  F.  Orodri.  The  materials  for  the  earthquake  history  in  Japan  (Shinsai 
Tobo  Chosakwai  Hôkoku).  (Reports  of  thelmp.  Earihq.  Invest.  Comm,  in  Japanese  lan- 
guage,  n*  46.  Tokyo,  1904).  —  S.  Seikei-Sekiya.  Catalogue  of  japanese  earthquakes 
[Joum.  ColL  Se.  Imp.  Univ.  Tokyo,  XI,  part  IV,  315, 1899). 

'  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  et  les  éruptions  volcaniques  au  Japon 
[Mém.  Ac.  Se,  Arts  et  Belles-lettres  de  Lyon,  1862), 

'  Dairoku  Rikuchi.  Récent  seismological  investigations  in  Japan  (Publ,  Earthq.  Investi 
Comm.in  for.  lang.,  nM9.  Tokyo,  1904). 

*  E.  Naumann.  Ueber  den  Bau  und  die  Entstehung  der  japanischen  Insein  (Berlin. 
18^5).  —  Die  japanische  Inselwelt.  Geographische-geologischeSkizze  (Mitth.  d.k.  k.Geogr. 
Ges.  in  Wien.  XXX,  129  et  201,  Wien,  1887). 

Db  Mo-fTcsBui.  ~  Tremblements  de  terre.  27 


4i8 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


Nemuro 

'd9 


Hamada 
5 


Fig.  73.  —  Japon.  Nombres  annuels  moyens  de 
séismes  aux  principales  stations  séismologiqucst 


Tous  les  terrains  sont 
représentés  au  Japon  ;  la 
direction  méridienne  do- 
mine dans  le  Nord,  et  celle 
W.  S.  W.-E.  N.  E.  dans 
le  Sud,  de  sorte  que  fo- 
rientation  des  rivages,  des 
lignes  de  relief  et  des 
zones  géologiques  est  par- 
tout identique  dans  cha- 
cune des  deux  moitiés,  et 
que  Tarchipel  représente 
une  chaîne  à  demi  sub- 
mergée, tournant  sa  con- 
vexité vers  le  S.  E.  C'e^t 
une  des  plus  vastes  rides 
de  la  surface  terrestre,  et 
aussi  une  des  plus  éle- 
vées, si  Ton  tient  compte 
des  3700  mètres  d'altitude 
du  célèbre  Fuji-Yama,  ou 
Fuji  San,  au-dessus  des 
8  500  mètres  de  profon- 
deur de  la  fosse  du  Tusca- 
rora,  qui  longe  les  côtes 
externes  à  très  petite  dis- 
tance :  nulle  part  ailleurs 
ne  se  rencontre  une  pa- 
reille dénivellation  de 
12200  mètres  sur  un  es- 
pace aussi  restreint,  dis- 
position rappelant  tout  à 
fait  et  sur  une  plus  vaste 
échelle  encore  celle  de  la 
Sierra  Maestra  de  Cuba, 
elle  aussi  très  instable. 
Du  côté  de  la  Corée,  la 
mer  du  Japon,  que  Ton 
croyait  naguère  peu  pro- 
fonde, descend  cependant 
à  plus  de  3200    mètres 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       419 

par  40*  5'  N.  et  130*  14'  E.  (d'aprës  les  sondages  récents  exécutés 
par  la  «  Grande  Compagnie  des  Télégraphes  du  Nord  »)  ;  mais  la 
structure  en  talus  abrupt  n'y  existe  pas. 

Le  tracé  compliqué  des  côtes  japonaises  révële  un  extrême  mor- 
cellement des  massifs,  qu'accentue  encore  leur  défaut  de  continuité, 
tant  au  point  de  vue  du  relief  qu'à  celui  de  la  composition  et  de  la 
stmeture.  L'archipel  est  véritablement  coupé  en  deux  par  la  Fossa 
magna  A»  Naumann;  ce  sont  les  régions  peu  accidentées  à  TOuest  de 
Tokio,  situées  entre  les  massifs  cristallins  du  Nord  et  du  Sud,  qui  for- 
ment la  zone  externe  par  le  sud  de  Kiu-Siu,  l'île  Shikoku  et  la  pres- 
qu'île de  Kii  d'une  part,  les  grands  massifs  d'Abukuma  et  de  Kita- 
Kami  d'autre  part.  A  l'intérieur,  les  accidents  parallèles  affectant  des 
terrains  de  toutes  les  époques  se  disposent  de  la  même  façon.  L'ac- 
tivité volcanique  s'est  surtout  développée  dans  l'Ouest  et  le  Sud  de 
Kiu-Siu  en  prolongement  de  l'arc  des  Okinawa-Shima,  plus  encore 
suivant  l'axe  méridien  du  Nippon,  ou  Hondo,  où  elle  a  érigé  l'arête 
de  la  grande  île  en  continuation  des  îles  Bonin  et  Shitshito  (Oho- 
Shima),  et  finalement  le  long  de  Taxe  de  Yézo  avec  prolongement 
ininterrompu  par  les  Kouriles  et  le  Kamtchatka.  Dans  le  Sud,  la  mer 
intérieure  forme  une  dépression  ancienne,  mais  relativement  peu  pro- 
fonde, et  dont  Naumann  a  pu  suivre  le  prolongement  dans  tout  le 
Nippon  jusqu^à  son  extrême  Nord.  Enfin  les  côtes  occidentales  mon- 
trent une  série  d'effondrements  circulaires,  que  Suess  assimile  aux 
golfes  semblables  de  la  mer  Tyrrhénienne. 

Les  terres  japonaises  ont  été  plissées  à  diverses  époques,  et  leurs 
vicissitudes  ont  été  considérables  puisque  les  couches  paléozoïques 
à  radiolaires,  maintenant  émergées,  n'ont  pu  se  déposer  qu'à  une 
grande  profondeur.  Naumann  résume  ainsi  qu'il  suit  les  derniers 
mouvements  tertiaires,  les  seuls  qui  interviennent  pour  expliquer 
l'instabilité  séismique  générale  de  l'époque  actuelle  :  avec  la  fin  du 
Crétacé  se  produisit  une  surrection  et  une  compression  des  couches 
mésozoïques,  et  le  commencement  du  Tertiaire  a  correspondu  à  une 
période  continentale,  caractérisée  par  un  grand  développement  des 
éruptions  dioritiques.  A  partir  du  Miocène  survint  une  immersion 
générale,  ne  laissant  probablement  émerger  que  certains  sommets  de 
l'ancienne  ossature,  et  que  troublèrent  des  oscillations  moindres  en 
sens  divers.  Puis  un  énergique  plissement  se  produisit  à  la  fin  de 
cette  période,  accompagné  d'une  grande  activité  volcanique,  double 
série  de  phénomènes  qui  se  renouvela  vers  la  fin  du  Pliocène  ;  c'était 
le  troisième  plissement,  puisque  les  terrains  cristallins  eux-mêmes 
avaient,  à  une  époque  reculée,  subi  déjà  un  semblable  mouvement. 


420 


GÉOGRAPHIE    SÉISMOLOGIQUE 


:3 


0 

2 
*3 


P 


o 


te 


Naumann     pense 
aussi  que  la  der- 
nière poussée  oro- 
génique n'est  pas 
complètement  ter- 
minée ;  il  a  en  effet 
montré*  qu'il  y  a 
quelques  mille 
ans,  les  environs 
de   Tokio  ont  été 
en    une     mesure 
notable      conquis 
sur    le    domaine 
maritime.  Dans  ce 
travail,  il  a  porté 
sur  une  carte,  d'a- 
prbs    les    recher- 
ches de  Yamada, 
tous  les  lieux  dont 
le  nom  est  un  com- 
posé des  mots  ja- 
ponais  Minato, 
port;    Hanitty   ri- 
vage; et  f/ra,  baie, 
et    pu   ainsi  des- 
siner    l'ancien 
tracé    des    côtes, 
qui   s'écarte  par- 
fois   notablement 
du  tracé  actuel. 

Bien  des  points 
de  la  géologie  ja- 
ponaise restent 
encore  à  élucider; 
ainsi  Naumann 
croit  très  ancienne 
la  Fossa  Magna, 
que    Suess,  à  la 

'  Ueber  die  Ebene 
von  Yedo  (Petermmknt 
g9ogr.MxUh.AVÏ%iti]. 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       42i 

suite  des  travaux  de  Harada,  considère  comme  récente  ;  mais  de 
toutes  façons,  chaîne  plissée  à  la  fin  du  Tertiaire  et  définitivement 
émergée  au  bord  d'un  des  plus  profonds  et  raides  talus  océaniques 
connus  à  la  surface  du  globe,  cet  archipel  a  bien  des  motifs  à  la 
plus  grande  instabilité  séismique,  qui  atteint  son  maximum  du  côté 
du  Pacifique  ou  de  la  plus  grande  dénivellation.  On  va  l'étudier  du 
Nord  au  Sud. 

D'après  Dairoku,  les  223  désastres  historiques  se  répartissent 
ainsi  qu'il  suit,  quant  à  leur  origine  : 

Pacifique 47 

Mer  du  Japon 17 

Mer  intérieure 2 

Intérieur  du  Nippon 114 

Origine  inconnue 43 

223 

Les  séismes  destructeurs  venant  de  l'intérieur,  du  Pacifique  et 
de  la  mer  du  Japon  présentent  ainsi  les  rapports  de  7  à  3  et  à  1.  En 
ne  tenant  compte  que  des  tremblements  de  terre  destructeurs,  les 
provinces  du  côté  concave  de  l'arc  japonais  sont  exclusivement 
désolées  par  des  secousses  d'un  caractère  local,  et  celles  du  côté 
convexe  par  des  chocs  étendus,  d'origine  sous-marine  et  accompa- 
gnés de  Tsunamis  ou  vagues  séismiques.  Les  provinces  centrales 
de  Mino,  Shinano,  Shimotsuke  et  Iwashiro  sont  souvent  le  théâtre  de 
tremblements  destructeurs  locaux.  Enfin  celles  du  Kotzuke  et  de 
rHida,  rarement  éprouvées,  forment  avec  le  Sanyodô  les  régions 
les  plus  stables  de  la  grande  île. 

Hokkaido,  ou  Yézo,  paraît  jouir  vers  le  Nord  de  la  même  immu- 
nité que  Sakhaline.  Par  contre,  ses  deux  presqu'îles  de  l'Est  et  du 
Sud,  Nemuro  et  Osima,  sont  très  souvent  ébranlées.  La  première 
correspond  à  la  pénétration  de  la  ligne  volcanique  des  Kouriles 
dans  l'intérieur  de  l'île,  et  la  seconde  à  une  série  d'effondrements 
circulaires  dans  les  terrains  archéens  et  paléozoîques,  dont  le  prin- 
cipal est  celui  de  la  baie  Uchira,  ou  des  Volcans. 

La  presqu'île  de  Nemuro  et  les  provinces  du  N.E.  du  Nippon, 
Rikuzeu  et  Rikuchû,  ont  été  bien  souvent  ravagées  par  des  tremble- 
ments de  terre  d'origine  sous-marine,  et  de  nombreuses  secousses 
semblables  ont  été  signalées  au  large  d'Yézo  et  du  Nippon.  Cette 
observation  a  une  importance  capitale.  C'est,  en  effet,  une  des  plus 
grandes  découvertes  des  séismologues  du  Japon  d'avoir  montré 
qu'outre  les  chocs  seulement  signalés  en  mer,  un  nombre  notable 
des  séismes  qui  agitent  ces  côtes,  du  détroit  de  Tsugaru  à  la  près- 


GKOGRAPHIE  SÊISMOLOGIQUE 


FIg.  75.  —  Japon.  Fréquence  relative  des  Tsunamis,'^ 
vagues  sôismiques  (d'après  Dairoku  Kikuchi). 


qu'île  d'Awa,  à  Test  de  la 
baie  de  Tokio,  prennent 
naissance  soit  surle  talus, 
soit  au  pied  de  la  fosse  du 
Tuscarora.  Le  catalogue 
publié  par  Milne^  de 
8331  secousses  ressenties 
de  1885  à  1892  suffit  à 
donner  à  ce  fait  une  indis- 
cutable  confirmation. 
C'est  aussi  de  là  que  par- 
tenty  comme  conséquen- 
ces des  mouvements  séis- 
miques  indéniables  du 
bord  ou  du  fond  de  Tabi- 
me,  les  gigantesques  raz 
de  marée  qui  désolent  si 
souvent  ce  littoral,  tel 
celui  du  15  juin  1896,  qui 
coûta  près  de  30  000  exis- 
tences  humaines  sur 
250  milles  des  côtes  orien- 
tales du  Nippon  *  et  dont 
Milne'  place  l'épicentre  à 
150  milles  àl'EstdeSen- 
dai.  Les  aires  dévastées 
par  Tsiinamis  ne  semblent 
s'ôtre  que  rarement  éten- 
dues au  delà  de  THitachi 


*  J.  Milne.  À  catalogue  of  8331 
oarthquakes  rccorded  in  Japan 
belween  iS85  and  4892  {Seismol. 
joum.  of  Japan,  IV.  Tokyo,  1895). 

•  T.  Iki.  Report  on  the  great 
San-Riku  Tsunami,  or  destructive 
Sea-waves  (Rep,  of  the  imp. 
earthq.  inv.  Comm.  in  japanese 
language,  n*  11.  Tokyo.  1897). 

—  Â.  Imaraura.  Note  ou  the 
great  Tsunami  of  1896  {Id. 
N«  29.  Tokyo,  1899). 

»  Brilish  Ass.  for  the  Adv.  of 
Sc.f  Bristol  meeting,  1898.  — 
Thxrd  Rep,  of  the  Comm,  on  seis- 
mol, Obs.y  p.  210. 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       423 

et  de  la  presqu'île  d'Awa  et  Kasuza,  probablement  parce  que,  vers 
le  S.W.  de  rarchipel,  les  grands  fonds  sont  plus  éloignés  des  côtes. 
On  a  eu  trop  souvent  jusqu'à  présent,  dans  cet  ouvrage,  à  développer 
les  conséquences  séismiques  de  l'existence  de  cette  structure  sous- 
marine,  lorsqu'elle  borde  comme  ici  des  terres  élevées  et  récem- 
ment plissées,  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  développer  davantage  un  sujet 


Pig.  76.  —  Japon.  Dislocations  récentes  d'origine  séismique  (d'après  Tamasaki). 


dont  la  découverte  est  due  à  Milne  et  à  ses  collaborateurs  de. la 
société  séismologique  du  Japon. 

L'alignement  volcanique  des  îles  Shitshito  à  la  rencontre  duquel 
l'arc  japonais  se  recourbe  vers  l'W.S.W.,  repose  au  contraire  sur 
un  seuil  élevé  se  dirigeant  droit  au  Sud  vers  les  îles  Bonin  et 
Mariannes. 

Au  Sud  du  Nippon  occidental  et  des  grandes  îles  de  Shikoku  et  de 
Kiu-Siu,  les  fonds  ne  dépassent  pas  4000  mëtres,  et  cette  différence 
de  moitié  avec  ceux  de  la  fosse  de  Tuscarora  correspond  à  une  grande 
diminution  de  la  séismicité,  contraste  bien  suggestif  quant  à  l'in- 
fluence séismogénique  de  cotte  structure. 

Le  tremblement  de  terre  du  31  août  1896  a  conduit  Yamasaki*  à 
de  trës  intéressantes  observations  géologiques.   Ce  violent  séisme 

*  Das  grosse  japanische  Erdbeben  in  nOrdlichen  Honshu  am  31.  Aagofit  189Ô  [Peter- 
mann*8  geogr,  Mittheil.,  XI,  249.  1900). 


424  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

s'est  étendu  dans  les  provinces  d'Ugo  et  de  Rikuchû,  à  TOuest  de  la 
dépression  du  fleuve  Kitakami,  de  direction  méridienne,  et  qui  isole 
sur  la  côte  orientale  un  grand  massif  ancien  de  même  nom.  L'aire 
pléistoséiste  était  allongée  sur  la  double  chaîne  médiane  dont  les 
deux  crêtes  parallèles,  appelées  Mahiru*Yama  à  l'Ouest  et  Naka- 
Yama  à  l'Est,  comprennent  entre  elles  la  haute  vallée  longitudinale 
de  Waga,  Tout  cet  ensemble  tertiaire  est  pénétré  par  des  intrusions 
granitiques,  andésitiques  et  liparitiques  ;  c'est  donc  une  ancienne 
ligne  de  moindre  résistance.  L'aire  épicentrale  était  comprise,  de 
chaque  côté  de  la  chaîne  du  Mahiru- Yama,  entre  deux  grandes  failles, 
auxquelles  Yamasaki  donne  les  noms  de  Kavafune  (celle  de  l'Est  ; 
50  kilomètres  de  long)  et  de  Senya  (celle  de  l'Ouest  ;  70  kilomètres), 
de  ceux  des  localités  où  elles  sont  le  mieux  accusées.  Ainsi,  le  trem- 
blement de  terre  a  été  produit  soit  par  une  élévation  en  bloc  de  la 
chaîne  de  Mahiru,  soit  par  un  égal  abaissement  des  bandes  sédi- 
mentaires  qui  la  comprennent  entre  les  deux  failles.  Ces  disloca- 
tions sont  légèrement  déviées  vers  le  S.  W.,  et  celle  de  Senya  pro- 
longée se  retrouve  dans  la  plaine  de  Sakata,  ou  du  Shonaï,  sur  un 
parcours  d'une  trentaine  de  kilomètres,  jusqu'à  l'embouchure  du 
Mogamigawa,  où  elle  avait  été,  sous  le  nom  de  faille  de  Yadare- 
sawa*,  l'origine  du  grand  séisme  du  23  octobre  1894.  Cette  dernière 
fracture  et  celle  de  Senya  sont  donc  identiques,  malgré  la  lacune 
apparente  qui  les  sépare  encore  ;  toutes  deux  traversent  respective- 
ment les  vallées  du  Mogamigawa  et  de  l'Omonogawa,  et  les  deux 
séismes  sont  la  claire  manifestation  d'un  même  processus  tectonique 
encore  en  pleine  activité. 

La  côte  occidentale  du  Nippon  septentrional  montre  des  courbures 
successives  que  Suess  assimile,  avons-nous  dit,  aux  golfes  d'effon- 
drements de  la  mer  Tyrrhénienne  de  l'Italie.  Leur  rôle  séîsmogé- 
nique,  déjà  signalé  à  Yézo,  se  reproduit  sur  cclittoral,  au  moins  pour 
ceux  d'Akita  (Kubota,  nom  antique),  de  Niigata  en  face  de  l'île  Sado, 
et  celui  qui  Se  trouve  au  S.  W.  de  la  grande  presqu'île  de  Noto.  Dans 
ces  trois  cas,  les  tremblements  de  terre  ont  eu  souvent  leurs  épi- 
centres  en  mer,  fait  mis  en  évidence  pour  ceux  du  9  et  du  11  décem- 
bre 1892,  dont  les  foyers  étaient  au  large  de  la  presqu'île  de  Noto*. 

La  grande  plaine  du  Musaschi,  si  profondément  pénétrée  par  la 
petite  mer  intérieure  de  Sagami  et  la  baie  de  Yokohama-Tokio  entre 

*  Kôtô.  Recherches  géologiques  sur  le  tremblement  de  terre  du  Shonaï  (RapporU  du 
Comité  séismologique  impérial  japonais  (en  japonais.)  M*  8,  1,  i896). 

•  (Anonyme)  On  thc  carthquakes  in  the  year  1892  {Ann.  Rep,  of,  the  cenlr.  Met.  Oàs. 
of  Japan  for  the  year  I89i,  part  II,  mera.  40.  Tokyo). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  BIXO-SIBÉRIEN       425 

les  presqu'îles  d'Izu  et  d'Awa,  est  une  des  plus  importantes  régions 
séismiques  du  Japon.  Elle  est  dominée  à  l'Ouest  par  le  massif  ancien 
du  Quanto,  qui  termine  au  Sud  le  Nippon  septentrional,  et  par  le 
Fuji-Yama,  qui  représente  l'origine  de  la  Jiigne  volcanique  formant 
trait  d'union  entre  celle  d'Yézo  et  des  Kouriles  au  Nord  et  celle  des 
Shitshito  et  des  Bonin,  ou  Ogasawara-Shima,  au  Sud.  La  raison  d'être 
géologique  de  son  instabilité  n'apparaît  pas  encore  clairement,  en 
rétat  actuel  de  nos  connaissances.  Au  sujet  du  tremblement  de  terre 
du  22  février  1880,  Milne^  fait  intervenir  les  failles  et  les  plissements 
des  couches  tertiaires  de  la  péninsule  d'Awa;  il  se  demande 
même,  sans  y  répondre  toutefois,  si  ce  dernier  phénomène  n'est  pas 
encore  en  activité  effective  ;  il  assigne  aussi  un  rôle  séismogénique 
aux  failles  de  la  presqu'île  de  Yokoska*.  Omôri*  a  tracé  quatre 
étroites  zones  allongées,  résultant  du  groupement  des  épicentres  des 
secousses  ressenties  àTokio  de  septembre  1887  à  juillet  1889,  ainsi 
que  sept  autres  analogues  pour  les  chocs  de  la  même  période  observés 
dans  le  Nippon  central,  mais  non  dans  cette  ville.  Le  savant  séis- 
mologue  n'en  tirant  aucune  relation  d'ordre  géologique,  il  est  inutile 
d'en  rien  dire  de  plus,  sinon  qu'une  d'elles  est  tout  entière  sous- 
marine,  ce  qui  confirme  ainsi,  par  une  autre  voie,  les  résultats  déjà 
mentionnés  des  observations  de  Milne. 

Il  n'est  pas  du  tout  certain  que  la  Fossa  Magna  de  Naumann  soit 
une  région  d'instabilité  maxima,  ainsi  qu'on  l'a  souvent  dit.  Elle 
limite  presque  complètement  vers  le  S.W.  l'activité  volcanique, 
mais  il  ne  nous  semble  pas  qu'elle  joue  un  rôle  séismogénique  très 
accusé. 

Les  provinces  centrales  du  Mino  et  de  l'Owari  ont  été,  le  28  octo- 
bre 1891,  le  théâtre  du  plus  formidable  tremblement  de  terre  dont 
l'histoire  fasse  peut-être  mention.  Il  a  été  accompagné  de  la  forma- 
tion d'une  faille  gigantesque,  de  160  kilomètres  de  long  au  moins, 
avec  un  rejet  dépassant  20  mètres,  et  qu'aucun  obstacle  n'a  pu 
arrêter,  ni  dévier.  Elle  s'est  produite  dans  les  terrains  primaires 
de  la  vallée  du  Kisogawa  et  s'est  étendue  de  ce  fleuve  jusqu'au  delà 
de  Fukui,  non  loin  de  l'embouchure  de  l'Hinogawa;  courant,  il  est 
vrai,  à  peu  près  parallèlement  à  la  Fossa  Magna,  elle  en  est  aussi 

*  The  earthquake  in  Japan  of  Febniary  22 n^  iggo  {Trans.  seism.  Soc,  of,  Japon,  l, 
part  n,  59). 

'  Notes  on  the  horizontal  and  vertical  motion  of  the  earthquake  of  March  8th  1881 
{Id.,  m,  132). 

•  Macroseisinic  measnrements  in  Tokyo  {Public,  of,  the  earlhq.  Invest,  Comm.  in 
for.  lang,,  n«  11,  II  and  III.  Tokyo,  1902). 


426 


GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 


éloignée  que  des  vallées  et  des  dislocations  «  du  système  sinien  »  qui 
séparent  la  province  de  Mino  de  celle  d'Echizen. 


.36"  .37« 

Fig.  77.  —  La  grande  fracture  de  la  vallée  de  Néo  produite  par  le  tremblement  de  terre 
du'Mino  et  de  l'Owari  du  28  octobre  1891. 

A  rOuest  de  ce  remarquable  district  séismique,  la  dépression  du 
fameuxlac  Biwa  s'ouvre  dansle  mêmeensemble  paléozoïque^  formant, 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SÏKO-SIBÉRIEN       427 

avec  des  roches  granitiques  et  cristallines,  la  plus  grande  partie  de 
la  presqu'île  de  Shikoku,  qui  termine  le  Nippon  vers  l'Ouest.  Près  du 
lac  se  trouve  Kiôtô,  l'antique  capitale  du  Japon,  pour  laquelle  les 
annales  et  les  chroniques  rapportent  un  nombre  considérable 
de  tremblements  de  terre.  Depuis  qu'en  ces  dernières  années,  les 
observations  systématiques  ont  été  instituées,  cette  région  a  fourni 
peu  de  secousses.  On  est  donc  fondé  à  penser  que  les  tremblements 
de  terre  de  Kiôtô,  anciennement  relatés,  venaient  d'ailleurs,  vraisem- 
blablement du  Mino  et  de  l'Owari. 

La  presqu'île  de  Shikoku  est  fort  stable,  ainsi  que  pouvait  le 
faire  prévoir  sa  constitution  géologique,  et  il  en  est  de  même  de  la 
mer  intérieure,  étroite  et  peu   profonde    dépression  longitudinale 
ouverte  de  l'Est  à  l'Ouest  entre  la  péninsule  et  l'île  de  Shikoku.  Le 
lac  Biwa  en  est  d'ailleurs  le  prolongement  naturel.  Les  terres  du 
Sud,  presqu'île  de  Kii  et  île  de  Shikoku,  sont  aussi  indemnes  de 
tremblements  de  terre,  en  conformité  avec  leur  constitution  géolo- 
gique :    granités  et  schistes  cristallins  au  Nord,    terrains   paléo- 
zoîques  au  Sud,  avec  quelques  lambeaux  de  couches  secondaires, 
mais  à  l'exclusion  de  produits  éruptifs  récents.  On  peut  cependant 
citer  une  série  de  nombreuses  secousses   ressenties  en  18S)4  ^   à 
Shikoku  dans  la  province  de  Tosa;  si  c'étaient  des  avant-coureurs 
du  grand  tremblement  de  terre  de  Simoda,  on  peut  se  demander  si 
elles  n'avaient  pas,  comme  lui,  une  origine  sous-marine,  auquel  cas 
elle  ne  contrediraient  pas  l'habituelle  stabilité  de  cette  île. 

Kiu-Siu  est  le  prolongement  naturel,  archéen  et  primaire,  de 
Shikoku,  mais  avec  adjonction  de  couches  tertiaires,  et  un  grand 
développement  de  l'appareil  éruptif  récent,  en  prolongement  de  l'axe 
volcanique  rejoignant  Formose  vers  le  S.W.  Les  tremblements  de 
terre  redeviennent  fréquents  et  sérieux  avec  le  plissement  tertiaire, 
et  la  catastrophe  de  Kumanoto,  du  28  juillet  1889,  a  été,  avec  ses  nom- 
breux chocs  consécutifs,  mise  en  relation  par  Kôtô  avec  les  fissures 
découpant  le  massif  volcanique  éteint  du  Kimposan.  Pendant  long- 
temps Nagasaki  a  été  le  seul  port  du  Japon  ouvert  aux  Européens, 
et  il  en  est  résulté  de  nombreuses  observations  séismiques  faites 
par  les  commerçants  du  comptoir  hollandais,  confinés,  depuis 
le  xvn*  siècle,  dans  la  petite  île  de  Dzesima.  Les  secousses  y  sont 
plus  fréquentes  que  dangereuses.  Enfin  la  grande  baie  de  Kagoshima, 
dans  le  sud  de  Kiu-Siu,  paraît  être  le  théâtre  de  séismes  d'origine 
volcanique. 

*  Omôri.  Sullo  repliche  del  gran  terremoto  giapponese  del  1854  (BuW.  soc,  sism.  Ual., 
1896,  152). 


428 


GÉOGRAPHIE  SÉI8M0L0GIQUE 


Fig^.  78.  —  Japon.  Régions  à  maximum  séismique 
eslival  ou  hivernai. 


Malgré  la  déGance  que 
doit  inspirer  riiypotliëse 
des    relations   entre     les 
séismes elles  phénomènes 
de  la  géophysique  exter- 
ne, on  ne  saurait  en  faire 
complètement  abstraction 
lorsqu'elles  tendent  à  la 
démonstration      possible 
d'une    action   mécanique 
directe  sur   i'écorce   ter- 
restre, et  qu'elles  émanent 
de  savants  comme  Omôri  : 
ce   séismologue    tient 
comme  bien  établie  l'exis- 
tence au  Japon  d'un  maxi- 
mum    d'activité    macro- 
séismique  en  été  pour  le 
S.  E.  de  Yézo  et  la  moitié 
Nord   de  Nippon,    et  en 
hiver    pour  le   reste   de 
l'archipel,  sauf  quelques 
petites  surfaces  aberran- 
tes au  Nord  du  Sanyodo, 
sur  la  côte  SuddeShikoku 
et   autour  du   lac  Biwa, 
exceptions    d'ailleurs   do 
nature  à  faire  naître  quel- 
que suspicion  sur  le  ré- 
sultat général.  Quoi  qu'il 
en  soit,  Omôri*  rapproclie 
de  cette  statistique,  rou- 
lant sur  18279  secousses, 
la  répartition  annuelle  de 
la  pression  barométrique, 
basse  en  été  et  haute  en 


'  Annual  and  diurnal  variation 
of  scismic  fi-equency  in  Japan 
{Publ.  of  Uie  earlhq.  invest. 
Comm.  in  for.  lang.,  n*  8.  Tokyo, 
1902). 


LA   BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       429 

hiver  sur  le  Pacifique,  inverses  sur  la  côte  opposée.  Il  conclut  for- 
mellement* à  une  plus  grande  hauteur  d'eau  sur  la  côte  orientale 


Fréquence 
sébmique. 


xn  I 


m   IV   V   VI   VH  vn  IX    X   XI  xii 


Fig.  79.  —Japon.  Variations  annuelles  de  la  pression  barométdqne,da  niveau  delà  mer 
et  de  la  fréquence  séisiuique  le  long  de  la  côte  du  Pacifique  (d'après  Omôri). 


pendant  Tété,  d'où  une  accentuation  notable  de  la  pression  hydros- 
tatique   sur  les   couches   terrestres  du   même   côté,    circonstance 

*  Annaal  variation  of  the  height  of  Sea-level  at  Ayukawa  and  Misaki  {Id.,  n*  18, 
1904,  23). 


430  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

favorable  à  l'augmentation  de  la  fréquence  séismique,  avec  inversion 
du  phénomène  pendant  l'hiver.  Ces  considérations  paraissent  assez 
plausibles  a  priori,  mais  il  nous  semble  qu'Omôri  en  a  lui-même 
détruit  la  portée  dans  un  mémoire  plus  récent*.  Dans  ce  dernier 
travail,  en  effet,  il  trouve  pour  la  pression  sur  le  fond  de  la  mer  une 
différence  de  249  millimètres  de  mercure  entre  le  maximum  d'octobre 

et  le  minimum  de  février,  mars  et  avril,  soient  -j-  d'atmosphere. 

II  faudrait  savoir  autrement  si  la  cause  invoquée  est  bien  adéquate 
à  l'effet  supposé,  si  une  statistique  poussée  plus  loin  conCrmeraît 
le  résultat,  et  enCn  si  ces  circonstances  se  reproduisent  ailleurs.  £n 
tout  cas,  on  voit  qu'Omôri  explique  autrement  que  Belar  ne  Ta  fait 
pour  les  côtes  dalmates  un  maximum  estival,  d'ailleurs  appuyé  sur 
un  nombre  bien  plus  considérable  d'observations  que  dans  ce 
second  exemple. 

Entre  le  Japon  et  Formose  la  chaîne  des  îles  Riou-Kiou,  ou 
Okinawa  Shima,  continue  intérieurement  la  rangée  volcanique  de 
Kiu-Siu,  et  extérieurement  sa  ride  du  S.  E.,  que  représentent  les 
gneiss  plissés  de  la  grande  Okinawa.  Ce  serait  donc  une  ancienne 
cordillère,  démantelée  et  effondrée  sur  le  Pacifique,  mouvements  qui 
auraient  déterminé  les  manifestations  éruptives  du  côté  de  la  mer  de 
Chine.  Si  l'on  s'en  réfère  à  ce  qui  se  passe  ailleurs  pour  des  rég-ions 
de  structure  analogue,  il  n'y  aurait  pas  à  prévoir  une  grande  insta- 
bilité dans  ces  îles,  et  c'est  bien  ce  qui  résulte  des  observations  faites 
à  Amikou  par  les  missionnaires  de  1857  à  1858,  et  les  observations 
ultérieures  des  Japonais  à  partir  de  1886  ;  il  en  résulte  une  fréquence 
annuelle  moyenne  trfes  modérée  de  6  secousses,  et  Ton  n'y  connaît 
aucun  tremblement  de  terre  grave.  Il  se  pourrait  cependant  que  la 
fréquence  annuelle  soit  en  réalité  plus  grande  dans  cet  archipel  que 
celle  qui  vient  d'être  indiquée;  en  effet,  la  station  séismologique 
centrale  de  Strasbourg  vient  de  publier  (septembre  1905)  le  pre- 
mier des  catalogues  annuels  généraux  de  macroséismes  dont  elle  a 
assumé  la  tâche  à  l'association  séismologique  internationale.  Or  si 
Ton  se  reporte  à  ce  travail  considérable  et  de  la  plus  haute  impor- 
tance (4  760  séismes)  *,  on  trouve  que  24  secousses,  à  la  vérité 
toutes  légères,  ont  été,  en  1903,  observées  à  la  station  japonaise  de 
nie  O-Shima  (129^30'  E.  Gr.  28^33' N.),  sans  préjudice  de  8  autres 

*  Note  on  the  annual  variation  of  the  hcight  of  Searlevel  on  the  Japan  Goast  (Proc. 
of  the  Tokyo  phys.  mat,  soc*  Réimprimé  du  :  Tokyo  Sugaku-Butsurigakkwai  Kiji-Gavo. 
II.  no  20.  1905). 

'  Rudolph.  Katalog  der  im  Jahre  1903  bekannt  gewordenen  Erdbeben  (Bettrdge  xur 
Geophysik,  Erg&nzungsband,  III,  Leipzig,  1905). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      431 

en  d'autres  îles*.  Une  explosion  volcanique  en  1902,  a  fait  dispa- 
raître Tori-Shima  avec  presque  tous  ses  habitants '• 

Lies  séismes  sont  au  contraire  fréquents  à  Formose  ou  Taiwan,  et 
oième  dangereux,  puisqu'à  défaut  de  renseignements  bien  circonstan- 
ciés. Ton  peut  en  citer  au  moins  trois  ayant  eu  de  graves  conséquences, 
celui  de  4655  et  dernièrement  deux  autres,  24  avril  et  6  novem- 
bre 1904,  le  premier  le  plus  violent,  tous  deux  d^ailleurs  destructeurs. 
Leurs  aires  épicentrales  '  allongées  sur  une  direction  N.N.E- 
S.S.W.  et  grossièrement  parallèles  aux  chaînes  orientales  de  Tîle, 
manifestent  donc  une  relation  avec  sa  structure  géologique.  Ces  deux 
tremblements  de  terre  ont  affecté  surtout  le  Sud* 

Les  documents  chinois  considèrent  Formose  comme  très  exposée. 
Cette  île  comprend  une  chaîne  principale,  la  chaîne  de  Niitaka,  formée 
de  schistes  anciens  et  de  calcaires  cristallins,  concave  et  abrupte  sur 
l'océan,  et  qu'accompagne  à  TOuest  la  chaîne  tertiaire  de  Kali.  La 
présence  de  ce  dernier  élément  explique  bien  la  séismicité  de  cette  île, 
s'il  s'agit  de  couches  ayant  subi  les  derniers  mouvements  orogéni- 
ques de  plissement  de  cette  époque,  et  cette  analogie  de  structure 
avec  le  Japon  fait  bien  soupçonner  des  influences  séismologiques 
comparables.  Dans  cette  hypothèse,  Formose  commencerait  la  pro- 
vince séismique  des  Philippines,  dont  la  sépare  seulement  une  mer 
sans  profondeur,  avec  quelques  îlots  volcaniques  prolongeant  les 
Batanes  et  les  Babuyanes  au  nord  de  Luçon,  et  précisément,  les 
deux  seuls  grands  séismes  mentionnés  ont  exercé  leurs  ravages 
dans  le  Sud.  Des  vagues  séismiques  ont  été  signalées  sur  la  côte 
du  N.E. 

Des  Pescadores,  on  ne  connaît  que  quelques  secousses  légères. 

3.  —  Philippines. 

Grâce  aux  catalogues  de  Perrey  ^,  et  surtout  à  celui  de  Saderray  Masô% 

*  C*est  d*ailleurs  le  seul  cas  où  ce  catalogae  ait  modifié  en  quelque  mesure  les  asser- 
tions contenues  dans  cet  ouvrage,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  les  volumes  suivants  n'y 
apporteront  pas  ultérieurement  les  améliorations  de  détail  que  nous  sommes  les  pre- 
miers à  espérer. 

*  Yamasaki.  Eruption  of  Tori-shima  (Shlnsai  Tobd  Chôsakwai  Hdkoku.  Rep.  imp, 
earthquakeinvesl.  Comm.  injap,  lang.,  n*47.  Tokyo,  1,1903). 

^  J.  Omôri.  Preliminary  Note  on  the  Formosa  earthquake  of  November6th,i904  (Reprin* 
led  from  :  Tokyo  Sugaku-Bulsurigakkwai  Kiji-Gayo,  II,  n»  19,  January  21»'  1905). 

*  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  et  les  éruptions  volcaniques  dans  l'archi- 
pel des  Philippines  {Mém,  Ac.  imp.  Se,  Arts  et  Belles-lellres  de  Dijon,  VII,  85,  1860). 

'  La  sismologia  en  Filipinas.  Datos  para  el  estudio  de  terremotos  del  Archipiélago 
Pilipino  (Observatorio  de  Manila,  1895). 


432 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


Fig.  80.  —  Philippines. 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  8INO-8IBÉRIEN      433 

ainsi  qu'aux  observations  séismologiques  régulièrement  instituées 
de  1866  à  1900  par  les  pères  Jésuites^  à  leur  observatoire  muni« 
cipal  de  Manille,  au  moyen  du  vaste  réseau  de  leurs  missions, 
répandues  dans  tout  Tarchipel^  organisation  continuée  par  le 
Weather  Bureau  du  gouvernement  des  États-Unis^,  Tarchipel  des 
Philippines  est  très  bien  connu  au  point  de  vue  de  la  répartition  des 
tremblements  de  terre,  sauf  là  où  la  colonisation  espagnole  d'abord, 
puis  américaine,  n'a  pu  encore  pénétrer,  comme  le  centre  de  Luçon 
et  rintérieur  de  Mindanao  et  de  quelques  autres  îles.  Saderray  Mas6' 
a  fait  de  cette  répartition,  en  s'appuyant  sur  les  travaux  géologiques 
de  Becker*^  une  très  intéressante  étude,  qui  complète  les  résul- 
tats que  nous  avions  obtenus  antérieurement*.  Seules  les  grandes 
lignes  de  la  géologie  des  Philippines  sont  connues,  mais  le  peu 
qu'on  en  sait  maintenant  suffit  amplement  à  justifier  leur  extrême 
instabilité. 

L'archipel  forme  un  grand  trapèze,  ayant  pour  base  Luçon  et  Min- 
danao d'une  part,  le  rivage  N.  E.  de  Bornéo  entre  les  îles  Banguey 
et  Sibutu  d'autre  part,  et  pour  petits  côtés  Palawan  (ou  Paragua)  et 
l'archipel  de  Jolo  (ou  Soulou).  Au  centre,  se  trouve  le  vide  de  la  mer 
de  Jolo  avec  ses  énormes  profondeurs,  comparables  à  celles  du  Paci- 
fique le  long  des  deux  îles  principales,  Lugon  et  Mindanao.  On  a 
ainsi  tout  de  suite  l'impression  de  terres  morcelées,  émergeant  des 
abîmes  océaniques,  structure  générale  que  l'observation  fait  presque 
toujours  reconnaître  comme  favorable  à  l'instabilité. 

Depuis  le  début  des  temps  paléozoïques,  un  archipel  existait  là, 
mais  c'est  tout  ce  qu'on  en  sait  jusqu'à  l'Ëocène,  époque  du  dépôt 
des  lignites  de  Gebii,  après  quoi  un  grand  mouvement  d'exhausse- 
ment et  de  plissement  correspondait  aux  vicissitudes  contemporaines 
qui  modifiaient  si  profondément  la  configuration  de  l'Europe  et  de 
l'Asie;  il  est  probable  qu'alors  Luçon  et  Bornéo  furent  temporaire- 
ment réunies.  Vers  le  milieu  du  Miocène,  l'archipel  s'enfonça  nota- 
blement; beaucoup  des  îles  actuelles  disparurent  sous  les  eaux, 
tandis  que  les  deux  grandes  terres  de  Luçon  et  de  Mindanao  se 

*  Observatorio  de  Manila  (Bajo  la  direcciôn  de  los  P.  de  la  Gompa&ia  de  Jésus).  Bo- 
Utûi  menaual,  1866-1900. 

'  J.  Algue.  Philippine  Weather  Bureau  of  the  Dept  of  the  Interior.  Manila  central 
Observatory,  1901... 

'  Volcanoes  and  seisinic  centcrs  of  the  Philippine  Archipelago  (Census  of  the  Phi- 
lippine islands.  Bull.  3.  Washington,  1904). 

*  Report  on  the  Geology  of  the  Philippine  islands  (Washington,  1901). 

•De  seismen  der  Philippijnen  (Natuurk.  Tijdschr.  voor  Nederlandsch-Jndië,  LXL 
Afl.  1.  Batavia,  1901). 

Ds  MoirmiDS.  —  TrembleneoU  de  terre.  28 


434 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


Fig.  81.  —  Philippines.  Fréquence  séismique 
(d'après  Saderra  y  Maso). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       435 

réduisaient  à  des  groupes  insulaires.  A  la  lin  de  la  même  époque,  un 
lent  relèvement  commença  et  paraît  s'être  continué  jusqu'à  nos  jours, 
avec  certaines  inversions  de  mouvements  locales  et  particulières  à 
quelques  îles,  et  que  décèle  la  distribution  des  formes  animales.  Si 
les  diorites  et  autres  roches  massives  datent  de  la  un  du  Primaire, 
le  développement  de  l'activité  volcanique  a  probablement  commencé 
au  Miocène  inférieur,  au  moment  de  l'exhaussement  et  du  plissement 
post-éocènes.  Une  grande  partie  des  produits  éruptifs  a  été  remaniée 
sous  les  eaux,  et  a  formé  des  plaines  de  tufs.  La  disposition  des 
lignes  d'évents  volcaniques,  actifs  ou  éteints,  et  leur  mode  de  liaison 
ou  de  dépendance  avec  ceux  des  Moluques  ont  donné  lieu  à  de  nom- 
breuses discussions  encore  ouvertes,  mais  sans  intérêt  pour  Tétude 
ici  poursuivie  ;  qu'il  suffise  de  dire  que,  d'après  Becker,  elles  for- 
ment plutôt  un  réseau  de  fissures  qu'un  système  de  diaclases  paral- 
lèles. 

Le  dernier  exhaussement  est  prouvé  par  les  perforations  des 
animaux  marins  lithophages,  et  surtout  par  l'existence  des  man- 
teaux coralliens  qui  recouvrent  presque  entièrement  Gebù,  Negros 
et  beaucoup  d'îlots  jusqu'à  des  altitudes  de  700  à  800  mètres.  De 
nombreuses  terrasses  littorales  montrent  que  ce  mouvement  n'a  pas 
été  continu,  mais  bien  plutôt  soumis  à  des  paroxymes,  séparés  par 
des  intervalles  de  repos  au  moins  relatif.  Faut-il  croire,  avec  les 
vieux  chroniqueurs  espagnols,  que  plusieurs  grands  tremblements 
de  terre  d'autrefois  ont  été  accompagnés  de  soulèvements  côtiers?  La 
question  doit  rester  douteuse,  surtout  depuis  la  magistrale  réfutation 
qu'a  faite  Suess  de  semblables  phénomènes  dans  l'Amérique  du 
Sud,  pourtant  classiques  jusqu'à  lui. 

En  résumé,  l'archipel  des  Philippines  trouve  dans  les  dernières 
pliases  de  son  histoire  géologique  de  nombreuses  causes  générales  de 
séismicité  :  abîmes  océaniques  tout  autour,  et  môme  dans  l'intérieur, 
d'où  un  relief  considérable  émergé  ou  immergé,  plissement  tertiaire, 
exhaussement  récent,  à  peine  terminé  de  nos  jours;  enfin  beaucoup 
de  fractures,  par  lesquelles  se  sont  fait  jour  les  volcans  et  souvent 
les  appareils  thermaux.  Mais  le  détail  de  la  géologie  des  diverses  îles 
est  trop  peu  connu  encore  pour  que  l'on  puisse,  dans  la  plupart  des 
cas,  attribuer  une  influence  suismogénique  indéniable  à  des  accidents 
particuliers  caractérisant  les  principaux  centres  d'ébranlement,  dont 
plusieurs  ont  subi  des  désastres,  et  que  Ton  va  successivement  décrire 
du  Nord  au  Sud. 

A  l'extrême  Nord,  les  tremblements  de  terre  sont  fréquents  dans 
le  petit  archipel  de  Batanes,  mais  ils  ne  paraissent  pas  ébranler 


436  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

autant  celui  des  Babuyanes  qui,  plus  au  Sud,  le  sépare  de  Luçon,  et 
cela  malgré  la  présence  dans  ce  dernier  du  volcan  actif  Gamiguin 
del  Norte. 

La  grande  île  de  Luçon  renferme  un  grand  nombre  de  foyers 
séismiques.  Le  premier  qui  se  présente  est  celui  d'Aparri,  dont  la 
prépondérance  est  due  sans  doute,  au  moins  dans  une  certaine  mesure, 
à  ce  que  la  vallée  du  Rio  Grande  de  Gagayan  est  peu  colonisée 
encore.  Ge  centre  s'étend  donc,  selon  toute  probabilité,  vers  le  Sud 
jusqu'au  nœud  des  deux  cordillères,  ou  Sierra  de  Garaballo,  où  en 
1881  Bambang  (ou  Bayombong),  dans  le  haut  de  la  vallée  longitudi- 
nale, a  été  le  siège  de  très  nombreuses  secousses,  qui  ont  donné 
lieu  à  d'intéressantes  études  de  la  part  d'Abella  y  Gasariego^  L'ins- 
tabilité atteint  le  département  de  la  Nueva  Yizcaya  jusqu'à  la  baie 
de  Baler,  dans  le  district  de  El  Principe.  Abella  en  fait  sans  preuves 
un  foyer  séismico-volcanique,  tandis  que  Genteno  y  Garcia  '  consi- 
dère ces  mouvements  comme  des  séismes  d'effondrement,  en  consé- 
quence de  la  dissolution  du  sel  gemme  par  les  sources  thermales  si 
développées  dans  la  région.  Saderra  y  Maso  s'élève  justement  contre 
cette  explication  qu'il  trouve  insuffisamment  justifiée,  et  il  fait  avec 
raison  observer  que  si,  après  les  tremblements  de  terre  de  1881,  Gen- 
teno a  pu  tirer  argument  du  changement  de  régime  observé  dans 
les  sources  du  Monte  Blanco  en  1883  et  1884,  il  est  d'autre  part  fort 
douteux  que  semblable  phénomène  ait  été,  comme  on  l'a  prétendu» 
la  conséquence  des  secousses  de  1892. 

Le  versant  occidental  de  la  Sierra  de  Ilocos  est  probablement  beau- 
coup plus  instable  ;  en  tout  cas,  on  est  beaucoup  mieux  renseigné  sur 
ses  tremblements  de  terre.  Ge  district  séismique  s*étend  jusqu'au  golfe 
de  Lingayen  et  au  cap  Bolinao.  Des  chocs  sous-marins  ont  été  signalés 
au  large  du  cap  Bojeador,  et  en  outre  les  isoséistes  d'un  certain 
nombre  de  tremblements  de  terre,  importants  par  leur  extension  et 
leur  intensité,  indiquent  des  épicentres  dans  les  mêmes  parages 
maritimes.  La  région  séismique  s'étend  donc  au  moins  sur  le  talus 
sous-marin.  C'est  pour  ainsi  dire  sans  interruption  que  le  golfe  de 
Lingayen  et  la  vallée  du  Rio  Agno  forment  un  autre  foyer  très  ins- 
table, plus  dangereux  même  que  le  précédent.  Beaucoup  d'aires  épi- 
centrales  s'allongent  sur  le  thalweg  du  fleuve,  ou  sur  une  ligne 
transversale  qui,  partant  du  fond  du  golfe,  aboutit  à  la  baie  de  Din- 
galan  sur  le  Pacifique,  et  certains  épicentres  se  trouvent  manifeste- 

'  The  earthquakes  of  Nueva  Vizc&ya  (Philippine  islands)  in  1881  [Trans.  Seism.  Soc. 
«/•/apan.IV.SS,  1882). 

•  J.  Centeno  y  Garcia.  MemoHa  geolôgico-minera  (cité  par  Saderra  y  Hasô,  21). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      437 

ment  dans  le  golfe  lui-même.  Seule  la  partie  septentrionale  de  la 
Sierra  de  Zambales  paraît  vraiment  instable,  du  cap  Bolinao  à  Iba, 
et  là  aussi  des  séismes  de  grande  aire  d'action  émanent  du  large. 
Ainsi,  la  région  d'ébranlement  est  en  majeure  partie  constituée  par  une 
dépression  comprise  entre  la  Sierra  de  Zambales  et  la  Sierra  de  Ilocos 
et  formant  une  sorte  de  coulisse,  et  dont  la  pai*tie  septentrionale  serait 
immergée  jusqu'au  cap  Bojeador,  et  la  partie  méridionale  émergée 
dans  la  vallée  du  Rio  Agno.  11  est  des  lors  tout  naturel,  en  l'absence 
de  renseignements  géologiques  sufQsants,  d'émettre  provisoirement 
rhypothëse  que  c'est  là  une  dépression  dont  le  caractère  tectonique 
explique  l'instabilité.  Son  effondrement  n'aurait  peut-être  même  pas 
dit  son  dernier  mot,  s'il  est  vrai,  comme  le  rapportent  les  indigènes, 
qu'un  lac  se  serait  autrefois  formé  près  du  cap  Bojeador  à  la  suite 
d'un  tremblement  de  terre,  en  submergeant  un  village.  Mais  ces  sug- 
gestions ne  sont  proposées  que  sous  les  plus  expresses  réserves.  La 
partie  Nord  de  la  Sierra  de  Zambales,  précisément  la  plus  ébranlée, 
est  composée  sur  son  versemt  oriental  de  gabbros,  de  schistes  talqueux, 
de  tufs  trachytiques  et,  fait  important  à  signaler,  de  serpentine  :  cette 
dernière  roche  est  très  souvent  l'indice  d'un  énergique  dynamo-méta- 
morphisme, accompagnant  des  mouvements  de  l'époque  tertiaire  dans 
bien  des  régions  séismiques.  Au  contraire,  la  partie  méridionale  de  la 
chaîne  est  beaucoup  plus  stable,  quoique  d'origine  volcanique  récente. 

Plus  au  Sud  se  rencontre  le  foyer  d*ébranlement  de  Manille,  com- 
prenant la  baie  de  ce  nom,  le  lac  volcanique  de  Bombon  (ou  du 
Taal),  le  département  de  Batangas  et  la  côte  voisine  de  l'île  Mindoro. 
Célèbre  par  les  nombreuses  catastrophes  de  la  capitale  des  Philip- 
pines, en  particulier  celle  de  juillet  1880,  qui  a  été  l'objet  d'une  étude 
géologique  relative  à  sa  propagation  par  Centeno  y  Garcia  \  ce  district 
est  extrêmement  exposé  aux  dommages,  mais  la  fréquence  y  est  cer- 
tainement bien  moindre  que  ne  le  ferait  supposer  le  nombre  considé- 
rable de  chocs  qui  y  ont  été  signalés,  beaucoup  venant  d'ailleurs, 
surtout  de  la  région  précédente.  Le  peu  de  consistance  du  sous-sol 
de  tufs  marécageux  de  Manille,  traversé  en  tous  sens  par  des  Esteras^ 
a  sans  doute  contribué  à  grandement  aggraver  les  dommages  en  bien 
des  occasions,  et  à  lui  faire  sa  détestable  réputation,  d'ailleurs  méritée. 

La  longue  presqu'île  des  Gamarines  avec  le  remarquable  volcan 
de  l'Albay  (ou  Mayôn)',  prolongeant  Luçon  vers  le  S.  E.  et  l'île 

*  Âbstract  of  a  Mcmoir  on  the  c&rthquakes  in  Ihc  island  of  Luzon  in  1880  {Trans, 
Seism.  Soc,  ofJapan,  V,  43,  1882). 

*  E.  AbelJa  y  Casariego.  Monografia  geol6gica  del  volcan  de  Albay  ô  el  Mayôn. 
(W.,49). 


438  GÉOGRAPHIE  8ÉISM0L0GIQUE 

de  Samar  constituent  les  fragments  d'une  cordillère  morcelée,  paral- 
lèle à  une  autre  sierra  voisine,  encore  plus  démantelée  et  formée 
par  les  îles  Masbate  et  Leyte.  C'est  là  une  province  séismique  avec 
nombreux  centres  d'ébranlement,  et,  si  des  désastres  n'y  ont  pas  été 
souvent  mentionnés,  cela  ne  tient  peut-être  qu'au  manque  de  villes 
importantes.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  isoséistesde  certains  tremblements 
de  terre  s'allongent  sur  le  détroit  qui  sépare  Samar  et  Leyte,  indice 
suffisant  pour  lui  faire  reconnaître  un  caractère  tectonique  et  jouer 
un  rôle  séismogénique  décidé. 

Les  autres  îles  de  l'archipel  des  Bisayas,  Panay,  Negros,  Gebù  et 
Boliol,  sont  relativement  assez  à  l'abri  des  secousses.  Uoilo,  seule 
ville  importante  de  ces  parages,  est  un  foyer  d'ébranlement  au 
moins  apparent.  S'il  était  bien  établi  que  ce  soit  un  véritable  centre, 
on  pourrait  répéter  du  détroit  du  même  nom  ce  qui  vient  d'être  dit 
de  celui  de  Samar.  Certaines  secousses  affectent  à  la  fois  les  Bisayas 
occidentales  et  le  Nord  deMindanao,  mais,  tout  à  fait  indépendamment 
des  paroxysmes  de  volcan  de  l'île  Caminguin  del  Sur,  elles  ont  leurs 
épicentres  en  mer. 

Mindanao  présente  une  région  extrêmement  instable  entre  les 
golfes  de  Butuan  et  de  Davao.  C'est  une  longue  dépression  méri- 
dienne, parallèle  au  rivage  oriental  et  s'étendant  d'une  mer  à  l'autre. 
Parcourue  par  les  Bios  Agusan  et  Tagum,  dont  un  seuil  peu  élevé 
réunit  les  têtes  au  Sud  du  lac  de  Dagum,  elle  est  séparée  de  l'océan 
par  une  longue  cordillère  entre  l'île  Dinagat  et  le  cap  San  Agustin  ; 
Suess  regarde  comme  une  fracture  la  ligne  littorale  située  au  pied 
de  la  chaîne  et  bordant  un  talus  raide  aboutissant  à  de  grandes 
profondeurs.  Après  la  vallée  moyenne  del' Agusan,  dont  les  missions 
ont  été  bien  des  fois  ravagées,  Surigao  et  Davao  sont  les  localités  les 
plus  fréquemment  secouées.  Les  indigènes  les  plus  âgés  de  Siargao 
disent  qu'autrefois  des  tremblements  de  terre  ont  duré  six  mois  et 
fait  disparaître  plusieurs  petites  îles  des  alentours.  Quoi  qu'il  en 
soit  de  cet  événement  seulement  traditionnel,  la  fracture  océanique 
et  la  dépression  sont  évidemment  des  accidents  tectoniques,  dont 
on  ne  saurait  guère  nier  l'intervention  dans  ces  tremblements  de  terre. 

Cette  importante  dépression  des  Bios  Agusan  et  Tagum  présente 
un  remarquable  fait  d'observation  S  c'est  que  les  lignes  d'égale  incli- 
naison magnétique,  et  surtout  celles  d'égale  composante  horizontale 
se  rebroussent  toutes  le  long  d'une  ligne  parallèle  à  la  dépression 
et  située  à  l'ouest  de  ce  trait  géographique.  Il  y  a  probablement  là 

*  Saderra  y  Maso.  Isoclinic  and  isogonic  lines  in  the  island  of  Mindanao  [Dept.of  Ihe 
ïnterxor.  Philippine  Wealher  Bureau,  Manila  central  Observaiory,  1902.  246). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBËRIEN       439 

l'indice  de  perturbations  géologiques  et  tectoniques,  soulignant  les 
circonstances  séismogéniques  signalées.  C'est,  jusqu'ici  du  moins,  le 
seul  cas  que  nous  connaissions  où  l'on  puisse  suggérer,  comme  pour 
la  pesanteur,  une  relation  entre  les  deux  ordres  de  phénomènes, 
magnétiques  et  séismiques  ;  il  serait  très  intéressant  d'en  poursuivre 
la  recherche  à  la  surface  de  tout  le  globe. 

On  ne  peut  actuellement  rien  dire  des  foyers  séismiques  moins 
importants  des  golfes  de  Misamis  et  de  Gottabato.  Certains  chocs 
importants  ont  eu  leurs  épicentres  en  mer,  au  sud  de  la  baie  de 
Dumanquilas. 

L'extrémité  de  la  longue  presqu'île  de  Zamboanga  et  l'île  Isabela 
de  Basilan  forment  une  région  séismique  souvent  éprouvée,  que  l'ar- 
chipel de  Jolo  prolonge  jusqu*à  Bornéo,  avec  moins  d'instabilité  tou- 
tefois. De  part  et  d'autre  de  cette  chaîne  morcelée,  les  profondeurs 
marines  sont  considérables.  Le  grand  tremblement  de  terre  du 
21  septembre  1897  fut  accompagné  de  vagues  séismiques  destruc* 
tives.  Il  s'y  produisit  aussi  d'importants  changements  topographiques, 
mais  d*une  inégale  authenticité,  car  si  l'apparition  d'une  île  de 
boue  au  voisinage  de  Labouan  (Bornéo)  S  et  celle  d'une  autre  au 
voisinage  de  Kudat  au  S.  E.  de  l'île  Malundangan,  sérieusement 
observées  %  sont  hors  de  doute,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  la 
disparition  d'une  île  Damni  entre  Siassi  et  Tawi-Tawi,  ni  même 
pour  la  formation  d'une  grande  crevasse  dans  Tîle  Tubigon  près  de 
Pafigutàran,  phénomènes  signalés  aussi  par  Coronas.  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'origine  sous-marine  de  ce  grand  événement,  suivi  de  plus 
de  500  chocs  consécutifs,  ne  fait  pour  ainsi  dire  pas  question,  et 
doit  être  recherchée  au  Nord  et  au  large  de  Jolo.  Son  caractère 
nettement  tectonique  a  été  démontré  par  Coronas,  et  cette  conclu- 
sion doit  s'étendre  aux  autres  séismcs  de  ces  îles,  car  leurs  for- 
mations coralliennes  et  basaltiques  n'impliquent  guère  par  elles 
seules  l'instabilité.  Il  faut  toutefois  observer  qu'elles  s'élèvent  au- 
dessus  d'une  étroite  arête,  plongeant  au  Nord  et  au  Sud  sur  de  très 
grandes  profondeurs  océaniques,  circonstance  éminemment  favo- 
rable à  l'instabilité. 

On  suppose  stable  la  grande  et  étroite  île  de  Palawan,  ou  Paragua, 
prolongeant  la  Sierra  de  Zambales  jusqu'à  l'extrémité  Nord  de  Bornéo; 

*  0.  Agamemnone.  I  terremoti  dl  Labuan  del  21-VIII-i897.  (A.  c.  délia  R,  Aec.  dei 
Lincei,  VU,  série  5« ,  fasc.  Vï.  455,  1898). 

—  C.  Schmidt.  Ueber  die  Géologie  von  Nord- West  Bornéo  und  eino  daselbst  entstan- 
dene  «  Neue  Insel  »  (Beitrdge  zurGeophysik,  VII,  1, 121.  Leipzig,  1904). 

*  J.  Coronas.  La  actividad  sismica  en  el  archipiélago  ûlipino  durante  el  aûo   1897 
(069.  de  Manila,  1899). 


Fig.  82.  —  Philippines.  Aires  pléistoséistes  des  principaux  séismes  ayant  eu 
leurs  épicentres  en  mer. 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      441 

mais  elle  est  trop  peu  connue  pour  qu'on  puisse  rafiirmer  en  toute 
certitude. 

D'après  Goronas,  les  vagues  séismiques  et  les  tremblements  sous- 
marins  sont  fort  rares  aux  Philippines  :  c'est  donc  que  Tarchipel  ne 
se  trouve  pas  entouré  de  fractures  restées  mobiles  et  représentées 
par  les  grandes  profondeurs  des  mers  voisines,  correspondant  à  la 
formation  du  Pacifique.  Cette  conclusion  est  d'accord  avec  le  fait 
de  l'existence,  dès  les  temps  paléozoïques,  d'un  ancien  archipel,  dont 
l'ossature  se  retrouve  à  Luçon  et  à  Mindanao,  et  que  masquent  sou- 
vent de  grandes  masses  de  formations  éruptives  de  toutes  les 
époques.  Seule  la  côte  orientale  de  Mindanao  ferait  exception,  si 
l'observation  de  tremblements  de  terre  mieux  étudiés  vient  à  con- 
firmer l'opinion  de  Suess  mentionnée  plus  haut,  relativement  à  la 
chaîne  ancienne  qui  la  borde.  Deux  séismes  signalés  dans  les  îles 
Palaos  (ou  Pelew),  loin  au  large  et  à  l'est  de  Mindanao,  ne  suffisent 
pas  à  contre-balancer  à  cet  égard  l'absence  totale  de  séismes  sous- 
marins  observés  jusqu'à  présent.  Les  tracés  des  isoséistes  de  quel- 
ques tremblements  de  terre  indiquent  cependant  des  épicentres 
situés  en  mer. 

En  définitive,  les  tremblements  de  terre  des  Philippines  doivent 
être  jusqu'à  nouvel  ordre  regardés  comme  l'héritage  direct  du  plisse- 
ment tertiaire,  l'exhaussement  post-miocëne  ne  pouvant  guère  être 
invoqué  à  cause  de  la  stabilité  relative  des  Bisayas,  oîi  ce  dernier 
mouvement  a  atteint  son  maximum. 


4.  —  Iles  à  l*e8t  de  Java.  Moluques,  Gélèbes  et  Bornéo 

Comme  pour  Java  et  Sumatra,  les  informations  séismiques,  rela- 
tives à  toutes  ces  îles,  résultent  des  listes  publiées  annuellement  par 
le  Nattiurktindig  Tijdschrift  voor  Nederlandsch-Indië  des  nombreuses 
observations  faites  par  ses  correspondants,  fonctionnaires  militaires 
ou  civils,  répandus  suivant  les  progrès  de  la  pénétration  européenne. 
Pour  les  années  antérieures,  on  a  les  catalogues  de  Perrey  *.  On  est, 
en  somme,  fixé  d'une  manière  très  satisfaisante  sur  la  stabilité  ou 
l'instabilité  générale  de  la  plupart  des  îles  principales. 

Les  géologues  ont  discuté  et  discutent  encore  beaucoup  sur  la  divi- 
sion des  Moluques  en  divers  arcs  d'âge  et  de  constitution  différentes, 

*  Documents  sur  les  tremblements  de  terre  et  les  phénomènes  volcaniques  aux  Moluques  : 
\f  partie.  Groupe  d*Amboine  {Ann.  soc.  d'émulation  des  Vosges,  IX,  III,  1857).  —  2»  par- 
tie. Groupe  de  Banda  (/rf.,X,  I,  1858).  —  3»  partie.  Groupe  de  Ternate  (/d.,X,  II,  i859). 
—  4«  parUe.  Groupe  de  Sangir  (Id.,  XIII,  1860). 


442 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


sur  la  délimitation  des 
lignes  volcaniques  an- 
ciennes   et    récentes, 
enfin  sur  les  derniers 
mouvements    qui     les 
ont  amenées  à  leur  état 
actuel  de  morcellement. 
L'homologie    avec  les 
Grandes  et  les  Petites 
Antilles^    le    golfe    du 
Mexique,   la   Méditer- 
ranée et  la  chaîne  Ca- 
raïbe, n'ont  pas  donné 
lieu    à     de    moindres 
divergences  d'interpré- 
tation ^  Mais  toutes  ces 
discussions    ne     sau- 
raient en  aucune  façon 
diminuer  l'influence  des 
causes  générales  de  la 
grande  instabilité    qui 
règne,    à    des   degrés 
d'ailleurs  divers,   dans 
ces  îles.   Du  reste,  le 
fait  qu'elles  appartien- 
nent aux  deux  géosyn- 
clinaux  a   dû  amener 
une  grande   complica- 
tion de   mouvements, 
qui   rend   malaisée  la 
tâche  de  départageras 
différentes      opinions , 
toutes  peut-être  exac- 
tes, malgré  d'apparen- 
tes   contradictions.  II 
suffira,    dès    lors,    de 
suivre  les  groupes  d'îles 

*  B.  Kolù.  On  tlie  géologie 
structure  of  the  malayan  Ar- 
chipclago  {Joum.  of  the  ColL 
ofsc.  Imp,  Univ.  of  Tokyo.  XI, 
Pai-t  II,  83. 1899). 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN       443 

qu'une  certaine  communauté  de  situation  géographique  et  de  cons- 
titution géologique  permettra  de  considérer  comme  naturels  et  à  peu 
près  autonomes. 

Bali,  Lombok,  Soembawa,  Flores,  Lomblen,  Pantar  et  AUor  for- 
ment une  première  traînée  rectiligne  et  morcelée,  prolongeant  Java 
avec  tous  ses  terrains  volcaniques  et  sédimentaires.  Les  nombreux 
détroits  qui  séparent  les  îles  les  unes  des  autres  correspondent  trait 
pour  trait  h  ceux  qui  à  l'époque  miocène  coupaient  Java  en  trois 
tronçons  ;  il  s'est  trouvé  seulement  qu'ils  n'ont  été  ni  soulevés  ni 
comblés.  Aussi  les  circonstances  d'instabilité  séismique  y  sont-elles 
de  tout  point  comparables,  avec  cette  seule  différence  que  le  talus 
de  rOcéan  Indien  ne  suit  plus  leur  bord  méridional,  mais  cet  acci- 
dent n'ayant  pas,  comme  on  l'a  vu,  d'influence  séismogénique  à  Java, 
son  éloignement  vers  le  Sud  n'introduit  ici  aucune  circonstance  nou- 
velle et  stabilisante,  au  point  de  vue  des  tremblements  de  terre  ; 
aussi  y  a-t-il  peu  de  vagues  séismiques  de  ce  côté,  mais  seulement  à 
Textrémité  Nord  de  Flores.  A  Bali,  Boelélens:  et  Negara  ;  à  Soem- 
bawa,  Bima;  à  Flores,  Endeb,  Maumeri  et  Larantoeka,  sont  les  foyers 
principaux  d'ébranlement,  et  probablement  apparents,  donc  sans 
grande  signification,  ces  villes  étant  les  plus  importants  centres  de 
colonisation.  A  Pantar  se  termine  la  série  des  évents  volcaniques  de 
l'alignement  de  Sumatra  et  de  Java. 

Les  îles  extrômes  du  Sud,  Soemba  ou  Sandelhout,  Sawoe,  Boti, 
Samaoe  et  Timor,  forment  également  un  ensemble  assez  naturel  émer- 
geant des  profondeurs  de  6  000  à  7000  mètres  de  la  fosse  de  Maclear. 
Toutes  présentent  un  substratum  archéen,  et  l'activité  volcanique 
n'y  existe  probablement  que  sous  la  forme  boueuse,  les  éruptions 
du  Bibitubo,  près  de  Dillé,  indiquées  par  Perroy  *,  étant  peut-être 
apocryphes.  Soemba,  en  partie  granitique,  est  stable.  Quelques  séismes 
seulement  agitent  Bandjocwa  et  Sawoe,  oùTÉocène  est  très  redressé. 
Il  en  est  de  môme  de  Baâ  à  Boti,  oîi  se  montrent  le  Permien,  le 
Trias  et  le  Jurassique.  Les  roches  éruptives  crétacées  font  leur  appa- 
rition à  Timor,  où  le  Tertiaire  prend  une  certaine  importance  ;  Ata- 
poepoe,  Dillé  et  la  presqu'île  de  Koepang  ont  eu  des  tremblements 
sévères  à  déplorer,  mais  ce  ne  sont  que  des  épicentres  apparents. 
Pour  autant  qu'on  peut  en  juger,  la  partie  portugaise  de  Timor  est 
la  plus  stable,  ce  qu'on  peut  provisoirement  expliquer  dans  une  cer- 
taine mesure  par  un  plus  grand  développement  de  l'Archéen  que 
dans  la  partie  méridionale,  ou  hollandaise.  On  a  reconnu  du  Permo- 

*  Le  Bibitubo,  volcan  de  Timor  {Nouv.  ann.  des  voyages,  ISoS,  HI,  135,  IV,  303). 


444 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


0 

0 


3 

I 


LÀ  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      445 

carboniférien  aux  environs  de  Koepang,  de  sorte  que  la  pénéséis- 
micité  de  cette  région  tient  sans  doute  à  la  présence  d'un  synclinal 
de  cette  époque.  Ces  suggestions  sont  seulement  provisoires. 

Entre  l'Australie  et  la  Nouvelle-Guinée  s'étend  une  mer  dont  le 
peu  de  profondeur  contraste  avec  les  abîmes  de  4  000  à  5  000  mëtres  de 
la  mer  des  Moluques,  formant  au  sud  de  Géram  une  sorte  d'ombilic, 
qui  est  presque  de  toutes  parts  entouré  d'îles.  Les  îles  qui  séparent 
cette  cuvette  de  la  mer  d'Australie  se  développent  à  l'Est  de  Timor 
en  trois  arcs  concentriques  et  de  constitution  bien  différente  :  à  l'in* 
térieur  une  série  de  volcans  insulaires,  actifs  ou  éteints^  de  Kisser 
k  Seroca^  et  où  l'on  ne  connaît  guère  de  séismes  qu'à  Dammer; 
l'arc  médian,  de  Wetter  à  Babber,  est  caractérisé  par  la  série  des 
sédiments  primaires  et  secondaires,  sans  préjudice  de  roches  érup- 
tives  anciennes,  et  ces  îles  sont  pénéséismiques;  enfin  l'arc  extérieur 
des  Tenimber,  ou  Timor-Laoet,  des  Kei  ou  Éwab,  et  des  Aroe,  est  sur- 
tout tertiaire^  et  peu  ébranlé.  Par  l'âge  et  le  faible  dérangement  de 
leurs  couches,  ainsi  que  par  leurs  constructions  coralliennes,  on 
ajoutera  ici  par  leur  faible  séismicité,  on  a  pu  assimiler  ces  trois  der- 
niers groupes  d'îles  aux  Bahamas,  situées  aussi  à  l'extérieur  des  arcs 
successifs  entourant  la  mèr  des  Caraïbes,  homologue  de  celle  des 
Moluques. 

Céram  et  Boeroe  limitent  cette  mer  au  Nord.  Elles  forment  une 
bande  orientée  E.-W.  de  terrains  archéens,  en  particulier  de  mica- 
schistes, associés  à  un  calcaire  d'âge  inconnu.  Sur  le  versant  méri- 
dional de  la  première,  l'existence  de  couches  secondaires  est  certaine  ; 
on  y  a  aussi  rencontré  des  roches  éruptives  crétacées,  mais  l'activité 
volcanique  actuelle  fait  entièrement  défaut.  Sur  la  côte  septentrionale 
se  montrent  deux  faibles  centres  d'ébranlement,  Waahai  et  Waroe, 
dont  la  séismicité  ne  dépasse  pas  celle  qu'on  peut  attendre  d'une 
zone  ancienne.  Mais  au  Sud,  Amahei  et  Elpapoetih  à  Géram,  Kajelie 
et  Tiffoe  à  Boeroe^  ressentent  de  nombreuses  secousses.  Le  30  sep- 
tembre 1899,  un  tremblement  de  terre  désastreux  a  désolé  l'extré- 
mité occidentale  de  Géram,  et  Yerbeek  ^  en  a  localisé  l'épicentre  un 
peu  à  Test  d'Elpapoetih,  justement  sur  une  fracture  presque  recti- 
ïigne  traversant  la  baie  du  même  nom,  puis  suivant  toute  la  côte  Sud, 
parallèlement  à  deux  autres  cassures  concentriques  plus  intérieures 
qui  comprennent  entres  elles  Amboine  et  Saparoea.  Si  une  énorme 
vague  compléta  la  catastrophe,  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  à  une 

*  R.  D.  Verbeek.  Kort  Verslag  over  de  aard-en  zeebeving  op  Ceram,  den  30"*e»  sep- 
t6inberl899  (Natuurk.  Tijdschr.  voor  Ned.  Indië,  LX,  218,  1900). 
Id.  Âardboving  van  Ceram  des  30-IX-1899.  Extratenait  oflGciele  rapportcn  (/(/.,  219). 


446 


GÉOGRAPHIE  6ÉISM0L0GIQUE 


origine  sous-marine  du  séisme,  produite  qu'elle  a  été  simplement  par 
un  gigantesque  éboulement  de  falaise,  à  la  suite  du  tremblement  de 
terre.  On  a  ainsi  pu  prendre  sur  le  fait  un  phénomène  qui  ne  doit 
pas  manquer  de  se  produire  parfois,  et  qui  masqué  par  la  couverture 
liquide  peut  causer  des  erreurs  sur  l'interprétation  de  semblables 
vagues.  La  détermination  de  Tépicentre  faite  par  Verbeek,  sur  une 
longue  cassure  parallèle  à  Taxe  de  Céram,  à  ses  deux  côtes,  et 
aussi  aux  isobathes  de  l'ombilic  si  voisin  et  si  profond  de  la  mer 
des  Moluques,  conduit  invinciblement  à  cette  conclusion  que  les 
efforts  tectoniques  qui  ont  creusé  Tabîme  sous-marin  continuent  à 

130°  E. 


O         Epicenfre  du  (remdUment  de  terre  dit  Jo  Septemjbre  /SSS 
—  — dislocations 

Fig.  85.  —  Dislocations  de  Céram. 

jouer  un  rôle  séismogénique  évident.  Celte  conclusion  n'est  pas  for- 
cément inconciliable  avec  l'absence  de  foyers  connus  d'instabilité  sur 
le  reste  de  ce  littoral  sud-occidental,  car  elle  peut  résulter  de  ce  qu  il 
n'y  a  pas  de  centres  suffisamment  colonisés,  et  d'ailleurs  les  grands 
accidents  ne  sont  pas  toujours  instables  sur  tout  leur  parcours.  Enfin, 
dernier  argument  prêtant  moins  le  flanc  à  la  critique,  la  côte  orien- 
tale est  beaucoup  plus  éloignée  du  centre  de  l'ombilic,  de  sorte  que 
la  pente  sous-marine  y  est  bien  moindre.  Ce  rôle  séismogénique  de 
la  fracture  est  corroboré,  d'autre  part,  par  l'extrême  instabilité  de 
Saparoea  (ou  Honimoa),  et  surtout  d'Amboine,  au  Sud  et  au  Sud- 
Ouest  de  la  baie  d'Elpapoetih,  îles  toutes  deux  comprises  entre  deux 
autres  failles  concentriques  et  subordonnées  à  la  première,  et  où 
apparaît  le  Tertiaire  moyen,  inconnu  à  Céram.  En  se  rapprochant  du 
centre  de  l'ombilic,  la  séismicité  s'est  notablement  augmentée.  A 
Amboine,  le  Wawani  passe  pour  avoir  eu  une  éruption  volcanique 
en  1674,  mais  Kotô  a  démontré  que  cette   catastrophe  avait  une 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  6IN0-SIBËRIEN       447 

origine  purement  séismique.  Le  voisinage  des  abîmes  de  la  mer  des 
Moluques  peut  aussi  expliquer  indirectement  les  séismes  de  Kajelie, 
et  surtout  de  Tiffoe  de  l'île  Boeroe.  Le  grand  volcan  si  actif,  TApi 
de  Banda,  fait  partie  du  petit  archipel  du  même  nom  surgissant  d'un 
seul  jet  de  fonds  de  7815  mètres,  et  les  tremblements  de  terre  y  sont 
fort  fréquents. 

Halmaheira,  ou  Djilolo,  est  remarquable  par  sa  structure  chiro- 
graphaire,  indice  sinon  toujours  d'effondrements  de  golfes  lobés, 
tout  au  moins  de  la  juxtaposition  d'éléments  divers  et  discordants 
favorables  à  la  séismicité.  Le  substratum  ancien  n'y  est  encore  connu 
qu'à  Batjan,  et  partout  ailleurs  les  roches  éruptives  crétacées  et  ter- 
tiaires se  montrent  souvent  recouvertes  par  les  déjections  des  vol- 
cans actuels  de  la  côte  occidentale,  principalement  ceux  des  petites 
îles  de  Batjan  et  de  Temate.  Le  Tertiaire  est  connu  à  Halmalieira. 
Les  pentes  marines  entourant  l'archipel  sont  plutôt  faibles.  Si  les 
tremblements  de  terre  sont  habituels  et  sévëres  sur  la  côte  occiden- 
tale, les  obser\'ations  manquent  encore  pour  les  péninsules  de  l'Est 
et  les  îles  de  Morotaï  et  d'Obi  ou  Ombirah.  Est-il  indifférent  pour 
l'instabilité,  d'ailleurs  non  exagérée,  d'Halmaheira  qu'à  l'époque  de 
la  mer  lutétienne  (Éocëne  moyen),  l'axe  du  géosynclinal  passait 
précisément  sur  cette  île,  ce  qui  a  dû  correspondre  aux  amples 
mouvements  ultérieurs? 

L'île  de  Célèbes  présente,  à  un  degré  encore  plus  accentué,  la  struc- 
ture chirographaire.  Sa  presqu'île  du  Nord,  ou  le  Menado,  est  d'une 
extrême  instabilité,  qui  commence  des  sa  racine  à  la  baie  de  Donggola. 
Tontoli,  Gorontalo,  Bolaang-Mogondo,  Menado  et  Tondano  sont  les 
principaux  foyers  apparents  d'ébranlement,  mais  il  est  bien  pro- 
bable que  toute  la  presqu'île  est  uniformément  exposée  aux  tremble- 
ments de  terre.  Cette  étroite  arête  granitique  et  archéenne  se  termine 
vers  le  Nord  par  le  Minahassa,  aux  nombreux  volcans,  qui  se  conti- 
nuent en  mer  par  ceux  de  Sangi,  où  les  séismes  ne  sont  guère 
moins  fréquents  et  redoutables.  On  y  observe  une  grande  dépression 
tectonique,  comprise  entre  des  h^rsts  granitiques,  et  son  point  le 
plus  bas  est  au  lac  Limbotto,  non  loin  de  Gorontalo.  Il  est  d'autant 
plus  vraisemblable  que  cet  accident  joue  un  rôle  séismologique  qu'il 
se  prolonge  par  une  longue  ligne  volcanique,  de  moindre  résistance 
par  conséquent,  jusqu'au  volcan  Sanguil  (Mindanao)  par  ceux  du 
Minahassa  et  des  îles  Siawoeh,  Sangi  et  Sarangani.  La  presqu'île  de 
Gorontalo,  ou  de  Menado,  ce  petit  archipel  et  la  péninsule  du  cap 
San  Agustin  au  S.  Ë.  de  Mindanao  forment  au  Sud  et  à  TEst  la  bor- 
dure d'une  mer  profonde  de  5  000  mètres  entre  Célèbes,  Mindanao,  les 


448  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

Jolo  et  Bornéo.  Par  une  très  remarquable  coïncidence, outes  ces  terres 
sont  très  instables,  à  Tunique  exception  de  Bornéo^  qui  seule,  a  des 
côtes  descendant  en  pentes  douces  vers  le  fond  de  ce  nouvel  ombilic. 
L'absence  de  vagues  séismiques  sur  la  côte  Nord  du  Menado,  c'est- 
à-dire  du  côté  des  abîmes^  laisse  à  supposer  que  l'instabilité  n'est 
pas  directement  due  à  l'accident,  mais  aux  dislocations  qu'on  y  a 
signalées,  et  qui  doivent  être  en  relation  avec  sa  formation.  D'assez 
nombreux  séismes  agitent  en  même  temps  le  Minahassa,  Sangir  et 
Ternate,  et  il  est  très  possible  que  leurs  épicentres  se  trouvent  en 
mer. 

On  ne  sait  rien  des  tremblements  de  terre  qui  peuvent  agiter  le 
reste  de  Célèbes,  sauf  pour  le  Sud  de  la  presqu'île  de  Mangkasar, 
où  la  ville  du  même  nom,  Balangnipa  et  Bonthain  ressentent  quel- 
ques secousses,  d'ailleurs  modérées.  Cette  presqu'île  est  formée 
à  rOuest  par  une  chaîne  éruptive  et  à  l'Est  par  une  chaîne  tertiaire 
récente  plissée,  de  même  direction  méridienne.  Saleijer  au  Sud  est 
une  île  voisine,  également  pénéséismique  ;  elle  consiste  à  l'Est  en 
un  chaînon  de  roches  volcaniques  à  pentes  rapides  et  à  l'Ouest  en 
Tertiaire  marin  récent. 

Il  est  assurément  très  hardi  de  faire  des  pronostics  en  semblables 
matières  ;  cependant,  comme  les  îles  de  Soela-Besi,  Mangoeli,  Sata- 
lieboe,  Banggaai,  Peling  et  la  presqu'île  de  Banggaai  prolongent  évi- 
demment, au  moins  au  point  de  vue  géographique,  la  bande  de 
Céram  et  de  Boeroe  au  Nord  d'une  autre  fosse  profonde,  homologue 
de  l'ombilic  do  la  mer  des  Moluques,  on  est  presque  en  droit  de 
penser  que,  peut-être,  les  futures  observations  dans  ces  terres  encore 
peu  connues  y  décèleront  une  région  séismique  analogue  à  celle  de 
Céram,  Saparoea,  Amboine  et  Boeroe;  son  existence  est  rendue 
vraisemblable  parles  secousses  déjà  mentionnées  à  Senana,  et  par  une 
importante  série,  en  avril  1898,  à  l'île  Oena-Oenaou  Binang-Oenang^ 
dans  le  golfe  de  Tomini,  accompagnant,  il  est  vrai,  une  éruption 
volcanique.  Cette  conclusion  est,  bien  entendu,  subordonnée  à  laçons» 
titution  géologique  encore  tout  à  fait  obscure  de  ces  îles  et  de  la 
grande  presqu'île  Banggaai  de  Célëbes  oriental. 

Jusqu'à  présent,  on  avait  considéré  Bornéo  comme  une  dépendance 
du  continent  sino-sibérien,  dont  elle  aurait  fait,  croyait-on,  partie 
depuis  les  temps  paléozoïques,  et  que  seul  l'ennoyage  d'une  mer 
plate  en  séparerait  maintenant.  Si  son  aséismicité,  au  moins  pro- 
bable, était  dès  lors  une  conséquence  toute  naturelle  de  cet  état  de 
choses,  il  faut  renoncer  à  cette  opinion,  depuis  qu'on  a  découvert 
dans  cette  île  des  couches  marines  triasiques,  jurassiques  et  créta- 


LA  BORDURE  PACIFIQUE  DU  CONTINENT  SINO-SIBÉRIEN      449 

cées  plissées.  Les  tremblements  de  terre  n'y  jouent  qu'un  rôle  très 
effacé,  du  moins  sur  les  côtes,  les  seules  parties  colonisées  de  Ftlc, 
et  la  fréquence  moyenne  annuelle  n'y  dépasse  guère  deux  ou  trois 
secousses  ;  elles  ont  été  observées  à  l'Ouest,  dans  la  plaine  de  Pon- 
tianak,  et  surtout  à  l'Est  dans  celles  de  Bandjarmasin  et  de  Sama- 
rinda.  Si  donc  l'on  réserve  la  question  de  la  séismicité  de  l'intérieur, 
à  peine  encore  exploré,  cette  rareté  des  secousses  tendrait  à  prouver 
que  les  actions  post-crétacées  de  plissement  sont  éteintes  par  trop 
d'ancienneté,  ou  que  les  efforts  correspondants  sont  complètement 
épuisés. 

La  côte  du  Nord-Ouest  de  Bornéo  présente  des  volcans  de  boue 
des  deux  côtés  de  la  baie  de  Brunei,  fermée  par  l'île  de  Labouan,  qui 
a  été  elle-même  le  théâtre  d'une  éruption  boueuse,  le  21  sep-* 
tembre  1897  *,  en  coïncidence  avec  un  grand  tremblement  de  terre 
dont  l'origine  se  trouvait  certainement  dans  la  mer  profonde  de 
SouloUy  et  dont  il  a  déjà  été  question.  Il  semble  que  le  séisme  ait 
été  pour  quelque  chose  dans  la  production  du  phénomène.  Quoi 
qu'il  en  soit,  cette  côte  est  stable  en  dépit  des  importants  plissements 
que  C.  Schmidt'  a  constatés  dans  les  couches  tertiaires  tout  autour 
de  la  baie.  Cette  dernière  observation  montre  bien  que  Bornéo  ne 
doit  pas  être  exclue  du  géosynclinal,  ainsi  que  le  fait  Haug,  puisque 
le  Tertiaire  y  est  plissé  à  l'opposé  du  détroit  de  Mangkasar,  par  oii 
ce  géologue  fait  passer  la  limite  occidentale  du  géosynclinal. 

Les  suggestions  particulières  que  Ton  peut  faire  au  sujet  des  rares 
tremblements  de  terre  de  Bornéo  se  réduisent  à  peu  de  chose. 
Pontianak  avoisine  la  chaîne  des  volcans  andésitiques  éteints,  récem- 
ment reconnus  au  Sud  du  fleuve  Kapoewas,  et  Samarinda  n'est  pas 
très  loin  des  caps  Kamiongan  et  Mangkalihat,  à  l'extrémité  orientale 
d'une  chaîne  dont  la  constitution  et  la  structure  paraissent  iden- 
tiques avec  celles  de  la  presqu'île  si  instable  du  Nord  de  Gélèbes  ; 
dans  ce  dernier  cas,  les  causes  de  séismicité  auraient  passé  de  l'autre 
côté  du  détroit  de  Mangkasar. 

*  G.  Agamemnone.  I  terremoU  di  Labuan  del  21  settembre  1897  (Rendiconti  d.  A. 
Ace.  d.  Lincei,  VII.  155.  1898). 

'  Ueber  die  Géologie  von  Nord- West  Bomeo  und  eine  daselbst  entstandene  «  Neue 
Insel  »  [BeitrOge  zur  Geophyiik,  VII,  1-128.  Leipzig.  1904). 


Dr  MosTEMut.  —  Tremblementf  de  terre.  29 


CHAPITRE  XXIV 

NOUVELLE-GUINÉE,  MÉLANÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE 

1.  —  Nouvelle-Gninée  et  Mélanésie. 

Avant  de  descendre  droit  au  Sud  sur  la  Nouvelle-Zélande,  le  géo- 
synclinal circumpacifique  présente  vers  l'Est  une  large  expansion 
qui  lui  fait  englober,  à  l'orient  de  la  Nouvelle-Guinée,  une  série  d'ar- 
chipels importants  jusqu'aux  Tonga  et  aux  Samoa.  Ces  îles  ont  été 
parcourues  par  de  nombreux  navigateurs  et  étudiées  par  bien  des 
missionnaires  curieux  des  choses  de  la  nature,  de  sorte  qu'à  défaut 
d'observations  régulières,  on  commence  cependant  à  être  à  peu  près 
jRxé  sur  leur  séismicité.  Au  contraire,  leur  situation  géologique  est 
beaucoup  moins  bien  définie,  et  l'accord  n'a  pu  encore  se  faire  sur 
le  rôle  qu'elles  jouent  réellement,  terres  morcelées  d'un  continent 
papouasien,  ou  rides  de  l'époque  tertiaire  en  voie  de  formation  peut- 
être  avortée  :  on  va  jusqu'à  ces  deux  extrêmes. 

La  Nouvelle-Guinée  possède  un  relief  assez  considérable,  mais 
une  dénivellation  d'une  centaine  de  mètres  seulement  la  réunirait  à 
l'Australie.  Avec  son  ossature  parfois  granitique,  et  plus  générale- 
ment composée  de  roches  métamorphiques  peut-être  fort  anciennes, 
elle  paraît  figurer  les  restes  d'une  puissante  cordillère,  dont  le  bord 
septentrional  serait  effondré  sur  des  fonds  de  4000  mètres,  non 
exactement  à  son  pied,  mais  sur  l'équateur  au  delà  des  îles  de  l'Ami- 
rauté. Ces  mouvements  de  rupture  ont  d'ailleurs  été  soulignés  par 
les  produits  éruptifs  qui  recouvrent  les  terrains  récents.  Il  n'y  a 
donc  à  prévoir  de  tremblements  de  terre  qu'au  Nord,  et  c'est  bien  ce 
qui  semble  avoir  lieu,  sans  qu'on  puisse  cependant  l'affirmer  avec 
certitude,  les  côtes  méridionales  étant  vraiment  par  trop  peu  con- 
nues encore.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'existence  d'un  ou  de  plusieurs 
districts  pénéséismiques  au  Nord  est  bien  avérée.  Les  observations 
des  Hollandais  démontrent  une  certaine  fréquence  de  séismes  à 
Doreh,  ou  Doréi^  au  pied  des  monts  Arfak,  et  une  plus  grande 

*  Maclay.  Notice  météorologique  concernant  la  côte  Maclay  en  NoQvelle-Guinée  (NaL 
Tijdschr.  voor  Ned.  Indië,  XXXIII,  430,  1873). 


NOUVELLE-GUINÉE,  MÉLANÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE 


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452  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

taie  de  la  Nouvelle-Guinée.  A,  Tépoque  du  Culm  (base  du  Carbonifé- 
rien),  du  moins  si  Ton  en  croit  des  cartes  paléogéographiques 
encore  bien  hypothétiques  pour  des  régions  aussi  mal  connues, 
Taxe  de  la  mer  intérieure  entre  les  masses  continentales  des  hémi- 
sphères Nord  et  Sud  passait  précisément  sur  cette  partie  N.  W.  de  la 
Nouvelle-Guinée.  Des  lors,  on  se  trouverait  ici,  comme  dans  de  si 
nombreux  cas  mentionnés,  sur  des  tremblements  de  terre  échos  des 
mouvements  d'émersion  du  géosynclinal  primaire  relevé  par  les 
dislocations  hercyniennes.  On  a  attribué  sans  preuves  une  origine 
volcanique  aux  secousses  de  Doreh.  Des  conditions  analogues  de 
fréquence  et  d'intensité  se  retrouvent  à  Textrémité  orientale,  côte  de 
Maclay,  archipel  Bismarck  (Nouvelle-Bretagne)  et  canal  Saint- 
Georges.  Des  vagues  séismiques  ont  été  aussi  observées  dans  ces 
dernières  îles  et  sur  la  côte  Maclay,  ainsi  que  sur  la  côte  occidentale 
de  la  grande  baie  du  Geelvink,  ou  côte  orientale  de  la  presqu'île 
découpée  par  le  golfe  de  Mac  Gluer  dans  la  Papouasie  hollandaise. 

Des  îles  de  la  Lousiade  et  d'Entrecasteaux  Ton  ne  sait  rien  ;  et  la 
ride  papouasienne  se  continue  au  S.  E.  par  la  Nouvelle-Calédonie  et 
les  Loyalty,  où  les  tremblements  de  terre  sont  d'une  fréquence  et  d'une 
intensité  médiocres.  Des  observations  assez  régulières,  faites  de  1863 
à  1864  et  de  1869  à  1889  \  y  donnent  à  peine  une  secousse  par  trois 
années  en  moyenne,  et  Kulczyski,  directeur  de  l'observatoire  de  la 
la  colonie,  a  donné  à  Perrey'  ce  renseignement  que,  de  1853  à  1863, 
on  n'avait  ressenti  aucun  tremblement  de  terre  dûment  constaté. 
L'aséismicité  de  le  Nouvelle-Calédonie  est  donc  bien  avérée.  D'après 
Deprat  et  Piroutet',  l^Éocène  s'enfonce  en  couches  parfois  voisines  de 
l'horizontalité  sous  les  dépôts  plus  anciens,  Trias  et  Lias,  preuve 
que  de  puissants  mouvements  orogéniques  ont  eu  lieu  dans  cette 
île.  Ainsi  ces  actions  sont  éteintes. 

Les  Salomon  et  les  Nouvelles-Hébrides  forment  une  autre  ride 
parallèle  à  la  Nouvelle-Guinée.  Les  premières  représentent  une  zone  de 
soulèvement,  car  Guppy*  y  a  rencontré  à  plus  de  100  mètres  d'altitude 
des  boues  à  ptéropodes  dont  la  formation  n'a  pu  se  produire  que  sous 
500  à  1000  mètres  d'eau.  Les  constructions  coralliennes,  sorte  de 
placage  sur  d'anciennes  roches  éruptives  que  Judd  considère  comme 

*  Proust.  Bull.  Soc.  Met.  France,  XIV.  Tableaux,  102,  1866.  —  Louvet.  Catalogue  dn 
tremblements  de  terre  ressentis  à  Nouméa  de  1869  à  1889.  Coup  d'œil  sur  le  climat  de 
iVoum/a  (Nouméa,  1889). 

>  Catalogue  pour  1863.  Supplément,  p.  53. 

*  Sur  rezistence  et  la  situation  anormale  de  dépôts  éocènes  en  NouTelie-Galédonie 
(C.  -R.  Ac.  se.  Paris,  CXL,  158.  1905). 

*  The  Solomon  Islands  (London.  1887). 


NOUVELLE-GUINÉE,  MÉLANÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE  453 

n'ayant  pu  se  former  que  sous  de  trës  grandes  profondeurs  sous- 
marines,  concourent  à  la  démonstration  du  même  fait,  à  savoir  que 
les  chaînes  si  remarquablement  rectilignes  et  parallèles  des  Salomon 
et  des  Fidji  représentent  des  rides  en  voie  de  formation  et  soulevées  par 
étapes  successives,  comme  le  montrent  les  terrasses  coralliennes  éta- 
gées.  En  même  temps  les  grands  abîmes  voisins,  qui  ont  été  signalés  le 
long  de  la  base  du  socle  des  Tonga,  semblent  indiquer  le  glissement  de 
deux  compartiments  le  long  des  fractures  à  la  faveur  desquelles  les 
matières  éruptives  ont  pu  sortir  par  les  évents  volcaniques  modernes. 
Quelques  tremblements  de  terre  seulement  ont  été  observés  à  Port- 
Praslin,  San  Cristobal  et  l'île  des  Marteaux,  et  il  ne  paraît  pas  qu'ils 
puissent  y  être  véritablement  bien  redoutables.  Bref,  ces  îles  jouissent 
d'une  presque  immunité  séismique,  en  rapport  avec  les  mouvements 
verticaux  intenses  dont  elles  ont  été  le  tliéâtre,  genre  de  vicissitudes 
qui  joue  rarement  un  rôle  séismogénique  décidé,  lorsque  rien  ne 
vient  les  compliquer,  et  c'est  ici  le  cas. 

Les  Nouvelles-Hébrides  sont,  apparemment,  plus  souvent  ébranlées. 
D'après  Levât*,  on  peut  les  diviser  en  trois  groupes  :  des  îles  pure- 
ment volcaniques;  d'autres  madréporiques  et  tabulaires,  accusant 
comme  précédemment  des  oscillations  verticales  par  à-coups  succes- 
sifs ;  enfin  des  îles  que  la  présence  de  gneiss  et  de  calcaires  métamor- 
phiques rattachent  à  la  Nouvelle-Guinée,  Ëspiritu  Santo  et  Mallicolo, 
par  exemple.  C'est  précisément  pour  Mallicolo  que  l'on  connaît  le 
plus  de  secousses,  ce  qui  accentuerait  encore  sa  liaison  avec  la 
grande  terre  pénéséismique  ;  mais  il  se  peut  que  cette  déduction 
soit  atténuée  par  le  fait  qu'une  éruption  sous-marine  a  accompagné 
les  nombreux  chocs  de  1857.  On  a  observé  des  vagues  séismiques 
aux  Nouvelles-Hébrides  et  aux  Loyalty. 

Les  Fidji  manifestent  aussi  des  preuves  d'exhaussements  succes- 
sifs que  démontrent  des  terrasses  coralliennes.  On  n'y  connaît  pas 
de  tremblements  de  terre,  nouvelle  preuve  à  l'appui  de  la  stabilité 
des  côtes  soumises  à  ces  seuls  mouvements. 

Les  Tokelau,  les  Samoa  et  les  Tonga  sont  bien  plus  instables,  et 
on  y  connaît  beaucoup  plus  de  secousses;  mais  on  ne  peut  pas  dire 
qu'il  s'y  soit  jamais  produit  de  désastres  purement  séismiques.  La 
fameuse  île  Falcon,  la  Julia  de  ces  parages,  est  apparue  daïis  ce 
groupe  et  des  traditions  indigènes  se  rapportent  à  de  semblables  événe- 
ments de  date  peu  reculée.  La  géologie  de  ces  îles,  pour  le  peu  qu'on 
en  sait,  rappelle  celle  des  Nouvelles-Hébrides,  ce  qui  ne  suffit  guère 

*  Les  nouvelles  Hébrides  (Extrait  de  :  Annuaire  géol,  univ,,  VIL  811,  Paris,  1890). 


454  GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 

à  éclairer  la  genfese  de  leurs  séismes,  en  partie  peut-être  d'origine 
volcanique*.  Wegener*  regarde  les  Samoa  comme  les  sommets  de 
volcans  érigés  sur  la  crête  d'une  cordillère  sous-marine^  émergeant 
d'une  profondeur  de  4000  à  5000  mètres  et  par  conséquent  placés 
comme  ceux  des  Andes.  Leurs  tremblements  de  terre  seraient 
donc,  pense-t-il,  des  témoins  attestant  que  les  forces  qui  ont  élevé 
ces  îles  ne  sont  pas  encore  éteintes. 

Beaucoup  plus  au  Sud^  les  îles  Kermadec,  Gurtis  et  Raoul  ont 
fourni  quelques  observations  de  secousses. 

Des  tremblements  de  terre  sous-marins  sont  assez  fréquents  dans 
tous  ces  parages,  mais  aucune  déduction  ne  peut  être  tirée  de  la 
façon  dont  ils  se  répartissent. 


2.  —  Nouvelle-Zélande. 

Les  observations  séismologiques  publiées  depuis  près  de  cin- 
quante ans  dans  les  Transactions  of  the  New  Zealand  Institute 
accusent  une  fréquence  moyenne  assez  forte,  28  secousses  environ, 
qui  n'est  cependant  pas  exagérée  eu  égard  aux  13  degrés  de  latitude, 
prèsde  1 500  kilomètres,  sur  lesquels  se  développent  les  deux  îles.  Leur 
intensité  n'y  est  pas  extrême  non  plus  ;  c'est  ainsi  que  si  l'on  étudie 
sans  parti  pris,  et  sans  se  fier  à  une  réputation  de  grande  instabilité, 
les  7  ou  8  tremblements  de  terre  sérieux  connus,  on  s'aperçoit 
qu'ils  n'ont  guère  dépassé  le  degré  VIII  de  l'échelle  Rossi-Forel  ;  à 
peine  peut-on  admettre  le  degré  IX,  et  en  tout  cas  ils  n'ont  jamais 
été  véritablement  destructeurs.  On  a  donc  affaire  ici  à  des  régions 
séismiques^  dans  le  sens  que  nous  donnons  à  ce  mot,  du  plus  faible 
degré  d'instabilité. 

Les  îles  néo-zélandaises  comprennent  toute  la  série  sédimentaire, 
du  Silurien  au  Tertiaire,  et  le  plissement  de  ce  dernier  terrain  n'a  pas 
encore  été  constaté.  Elles  appartiennent  donc  à  un  géosynclinal  très 
ancien  que  les  mouvements  tertiaires  n'ont  ni  plissé,  ni  remplacé  par 
une  chaîne  comparable  aux  grandes  rides  de  l'Amérique  et  de  l'Asie. 
Il  est  ainsi  très  explicable  a  priori  que  les  tremblements  de  terre  y 
soient  sensiblement  moins  à  redouter  qu'au  pied  de  celles-ci,  et 
cette  moindre  instabilité  résulte  de  ce  que,  tout  au  moins  en  der- 

'  C'est  dans  le  prolongement  de  la  fosse  qui  borde  les  Tonga,  par  30*  S.»  et  an  droit  des 
îles  Kermadcc,  que  l'exploration  du  «  Penguin  »  a  rencontré  les  plus  basses  sondes  con- 
nues jusqu'à,  présent,  9  427  mètres. 

*  Samoa,  Land  und  Leuto  (Zeiischr.  d.  Ces.  /.  Erdkunde  zu  Berlin,  411,  1902). 


NOUVELLE-GUINÉE.  MÉLANÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE 


455 


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Fig.  87.  -  Nouvelle-Zélande. 


456  GÉOGRAPHIE  6ÉI6MOLOGIQUE 

nier  lieu»  les  fractures  et  les  affaissements  ont  seuls  joué  un  rôle 
dans  la  formation  de  la  structure  des  tles,  à  Texclusion  de  tout  plis- 
sement. 

A  Touest  de  l'île  du  Sud  se  dresse  une  puissante  chaîne,  les 
Alpes  néo-zélandaises,  dont  Taltitude  ne  dépasse  guère  3  000  mètres, 
et  qui,  au  Sud,  a  ses  flancs  découpés  par  des  lacs  profonds,  en 
partie  comblés,  et  du  côté  de  l'océan  par  des  fjords  ;  par  une  sorte 
d'anomalie,  elle  ne  tombe  pas  sur  une  mer  profonde,  comme  il  an*iye 
si  souvent  pour  les  longues  crêtes  côtiëres.  C'est  une  ride  très 
ancienne,  déjà  en  butte  aux  agents  destructeurs  dès  l'époque  juras- 
sique et  dont  les  vallées  avaient  déjà  leur  niveau  actuel  avant 
l'Oligocène.  La  côte  orientale  de  l'île  du  Nord,  entre  les  caps  Ëast 
et  Palliser,  est  formée  par  une  bande  paléozoTque  plissée,  la  chaîne 
Ruahine,  dominant  à  l'Ouest  une  remarquable  région  volcanique, 
ainsi  qu'une  série  de  terrains  tertiaires  et  récents  qui  s'éten- 
dent du  détroit  de  Cook  à  la  Bay  of  Plenty.  Les  environs  d'Auck- 
land sont  essentiellement  volcaniques,  tandis  que  le  superbe  cône 
de  TEgmont,  au  nord  de  Wellington,  fait  le  pendant  du  massif 
du  Bluff  dans  la  presqu'île  de  Banks,  près  de  Ghristchurch,  tous 
deux  montagnes  volcaniques.  Contrairement  à  ce  qui  se  passe  à 
l'Ouest,  risobathe  de  2  000  mètres  longe  de  très  près  les  côtes  orien- 
tales de  l'île  du  Nord.  Enfin,  pour  compléter  cette  description  som- 
maire, les  détroits  de  Cook  et  de  Fo veaux  ont  tous  les  caractères 
de  zones  transversales  effondrées,  la  première,  au  moins,  postérieure- 
ment à  l'époque  tertiaire. 

Les  environs  d'Auckland  sont  très  stables,  et  les  secousses  y  sont 
fort  rares,  malgré  le  développement  d'un  appareil  volcanique  d'une 
grande  fraîcheur  encore,  et  en  dépit  des  mouvements  négatifs  et 
positifs  nombreux,  que  dénote  l'alternance  de  couches  pliocènes 
marines  et  de  produits  éruptifs  variés. 

Les  secousses  deviennent  plus  fréquentes  autour  de  la  baie  de 
Napier,  dont  la  forme  rappelle,  mais  non  sans  réserves,  les  lobes 
affaissés  que  l'on  rencontre  le  long  d'anciennes  chaînes  côtières  et 
qui  sont  si  souvent  le  siège  d'une  séismicité  modérée. 

Les  tremblements  de  terre  ne  sont  pas  très  fréquents  dans  le  dis- 
trict volcanique  du  Rotorua  et  du  lac  Taupo,  autrefois  célèbre  par 
les  terrasses  incrustées  du  Rotomahana,  dont  la  destruction  par  l'ex- 
plosion du  Tarawera  (9  juin  1886)  fut  cependant  accompagnée  de 
secousses  nombreuses,  dont  au  moins  une  fort  sévère. 

C'est  tout  autour  du  détroit  de  Cook  que  se  manifeste  la  plus 
grande  instabilité  de  la  Nouvelle-Zélande,  mais  sans  pénétrer  bien 


NOUVELLE-GUINÉE,  MÉLANÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE  457 

loin  dans  rintérieur  des  îles  du  Nord  et  du  Sud.   Hogben  ^  a  pu 
localiser  sans  conteste  dans  le  détroit  lui-même  les  épicentres  de 
trois  tremblements  de  terre  importants  (20  février  1890>  5  juillet  et 
4  décembre  1891),  et  celui  du  1"  janvier  1853,   qui   a  causé  des 
dégâts  àNewPlymouth,eta  été  signalé  comme  venant  de  la  mer.  Les 
mouvements  qui  ont,  à  une  époque  plus  reculée,  ouvert  cette  voie 
semblent  donc  se  continuer   sous   forme  de  séismes,  qui  jusqu'à 
présent  n'ont  été  que  sévères,  mais  non  véritablement  destructeurs, 
ainsi  qu'on  l'a  déjà  dit  plus  haut.  Cette  explication  est  fortement  cor- 
roborée par  les  failles  qui  ont  accompagné  deux  tremblements  de 
terre,  à  ce  titre  fort  connus  et  souvent  relatés  dans  les  traités  de 
géologie,  ceux  du  18  octobre  1848  et  du  23  janvier  1855.  Le  pre- 
mier  a  occasionné  à  partir  de  la  baie  des  Nuages  (Cloudy  Bay) 
une  fissure  de  18  pouces  de  largeur  au  maximum  et  sans  dénivel- 
lation qu'on  a  pu  suivre  sur  60  milles  de  long  dans  la  cliaîne  qui 
s'étend  vers  le  S.  W»;  le  second  a  prolongé  la  même  ligne  de  dis- 
locations de  l'autre  côté  du  détroit,  jalonnant  cette  fois  sur  90  milles 
le  flanc  oriental  de  la  chaîne  de  Ramutuka  à  partir  du  cap  Muka- 
Muka,  à  19  milles  au  S.  Ë.  de  Wellington.  Les  deux  tremblements 
de  terre  ont  ainsi  fendu  l'écorce  terrestre  sur  250  kilomètres.  Mais 
à  cela  ne  se  sont  pas  bornés  les  effets  du  second  :  il  s'est  produit 
en  même  temps  un  mouvement  de  bascule  de  la  lèvre  occidentale 
de  la  dislocation,  affaissant  le  pays  de  5  pieds  dans  l'île  du  Sud  et 
le  soulevant  de  9  dans  celle  du  Nord.  A  35.  kilomètres  de  l'accident 
le  mouvement  était  nul,  ainsi  que  le  long  de  la  lèvre  orientale.  Une 
longue  bande,  découpée   entre   deux  voussoirs  immobiles  par  le 
premier  séisme,  a  donc  ensuite  joué  sous  l'effet  du  second.  Suess, 
qui  a  si  magistralement  réfuté  l'hypothèse  des  mouvements  du  sol 
qu'on  supposait  avoir  accompagné  les  grands  tremblements  de  terre 
du  Chili,  a  au  contraire  accepté  la  réalité  des  changements  topogra- 
phiques produits  dans  la  Nouvelle-Zélande  lors  de  ces  séismes  de 
1848  et  de  1855.  L'instabilité  du  pourtour  du  détroit  de  Cook  y 
trouve  son  explication  naturelle,  et  c'est  dire  que  le  morcellement 
des  îles  n'est  peut-être  pas  encore  terminé. 

Les  séismes  perdent  de  leur  fréquence  vers  le  Sud:  Christchurch, 
Oamaru  et  Dunedin  forment  une  région  pénéséismique,  où  ne  se  res- 
sentent pas  de  secousses  vraiment  sévères. 

Quelques-unes,  plus  rares  encore,  agitent  le  détroit  de  Foveaux. 
Le  versant  occidental   des  Alpes  néo-zélandaises,  dans  l'île  du 

*  The  earthquake  of  the  4th  December  1891.  Notes  Uiereupon  {Trans.  New  Zealand 
Instituie,  XXV,  1893,  362). 


468 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


NOUVELLE-GUINÉE,  MÉLÀNÉSIE  ET  NOUVELLE-ZÉLANDE  459 

Sud,  est  beaucoup  plus  stable,  comme  il  convient  à  une  chaîne 
ancienne  bordant  une  mer  relativement  plate,  dont  le  peu  de  pro- 
fondeur fait  supposer  qu'il  n'y  a  pas  de  fractures  et  justifie  ainsi  cette 
dérogation  a  la  loi  de  la  plus  grande  instabilité  du  côté  du  plus 
grand  relief. 

Des  vagues  séismiques  ont  été  observées  dans  le  détroit  de  Cook, 
fait  à  prévoir  puisque  des  tremblements  de  terre  y  prennent  nais- 
sance. 

Les  grands  tremblements  de  terre  de  l'Amérique  méridionale 
poussent  leurs  vagues  jusqu'à  la  Nouvelle-Zélande  (Gg.  88). 

On  ne  saurait  rien  dire  de  quelques  secousses  ressenties  plus  au 
Sud  dans  Tîle  d'Auckland.  Bouquet  de  la  Grye  *  les  regarde  comme 
fréquentes  à  l'île  Campbell;  mais  il  est  probable  que  ce  savant  a  eu  en 
vue  do  nombreux  microséismes  accusés  par  les  délicats  instruments 
emportés  pour  l'observation  du  passage  de  Vénus  sur  le  soleil  en 
1874,  car  l'expédition  ne  paraît  pas  y  avoir  ressenti  de  tremblement 
de  terre;  de  sorte  que  cette  information  ne  nous  apprendrait  rien  sur 
la  véritable  séismicité  de  cette  île  déserte. 

Noie,  —  Du  14  mars  1902  au  31  décembre  1903,  le  pendule  horizontal  Milne 
installé,  ainsi  qu'on  Ta  tu  (p.  176,  note),  à  Tlle  Ross  par  l'expédition  anglaise  de 
la  Discovery,  a  fourni  136  séismogrammes  dont  les  origines  étaient  éloignées  de 
plus  de  500  milles.  Parmi  ce  nombre,  73  avaient  leurs  fojers  situés  dans  TOcéan 
entre  la  Nouvelle-Zélande  et  la  station.  A  la  vérité,  beaucoup  de  ces  centres  d'ébran- 
lement avaient  une  position  fort  douteuse,  mais  plusieurs  avaient  aussi  été  enre- 
gistrés à  Perth  (Australie)  et  À  Wellington  et  Ghristchurch  (Nouvelle-Zélande). 
Milne  (/.  c,  p.  176)  fait  observer  qu'au  Sud  de  la  Nouvelle-Zélande  un  bourrelet 
immergé  et  décelé  par  les  îles  Auckland  et  Macquarie  s'en  va  rejoindre  les  terres 
antarctiques;  Arldt  (/.  c,  p.  12)  le  figure  comme  un  prolongement,  dévié  vers  le 
S.S.W.,de  l'arête  australasienne  du  tétraèdre  de  L.  Green.ll  se  trouverait  ainsi  t\ 
rOuestetau  bord  des  abîmes  océaniques  reconnus  par  les  sondages  de  Ross  en  1842  au 
Sud  de  la  Nouvelle-Zélande  et  qui  se  prolongent  par  une  profonde  échancrure  des 
terres  antarctiques.  Une  si  remarquable  disposition  du  relief  sous-marin  ne  peut 
manquer  de  correspondre  À  une  structure  tectonique  capable  d'expliquer  les 
secousses  émanées  de  cette  région  océanique,  et  qu'a  enregistrées  le  pendule  de 
Milne.  Ainsi  la  région  pénéséismique  de  la  Nouvelle-Zélande  méridionale  se  pro- 
longerait vers  le  S.S.W.  dans  la  direction  des  terres  antarctiques,  mais  sans  les 
atteindre. 

'  Sur  les  documents  recueillis  à  i'tlc  Campbell  par  la  mission  envoyée  pour  observer 
le  passage  de  Vénus  (C.  R,  Ac.  Se.  Paris,  LXXX.  725. 1875). 


NOTE 

SUR  LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE  DANS  LES  TRAVAUX  DE  MINES 

OU  PSEUDOSÉISMES 

Observations  faites  dans  le  Nord  de  la  France  et  en  Angleterre. 


La  production  des  séismes  par  le  déhouillement,  ou  par  Texploitation 
de  mines  quelconques,  est  très  importante  aussi  bien  au  point  de  vue  pra- 
tique qu'à  celui  de  la  sëismologie  pure.  Ainsi  qu'on  Ta  vu,  à  propos  des 
tremblements  de  terre  du  basssin  bouiller  franco-belge-westphalien, 
Jicinski  a  montré  que  les  affaissements,  causés  par  ces  travaux,  se  mani- 
festent avec  une  extrême  lenteur,  de  sorte  qu'il  n'est  guère  admissible  d'y 
voir  une  cause  de  secousses  séismiques,  même  légères.  Cette  conclusion 
négative  est  peut-être  un  peu  trop  absolue,  et  il  y  a  lieu,  pour  la  compré- 
hension d'un  problème  assez  délicat,  de  résumer  des  travaux  récents  sur 
la  question  qui  émanent  de  savants  autorisés,  Gosselet  et  Davison. 

Les  tremblements  de  terre  dont  il  s'agit  ici  présentent  des  caractères 
très  particuliers  :  leur  aire  d'extension  est  h  peu  près  circulaire  et  ne 
dépasse  guère  7  à  8  kilomètres  ;  l'intensité  du  choc,  assez  grande  au  centre, 
diminue  avec  une  rapidité  bien  plus  grande  que  pour  les  séismes  ordi- 
naires. N'ayant  pas,  du  moins  ainsi  qu'on  le  pense,  une  origine  purement 
naturelle,  mais  dépendant  de  causes  artificielles,  on  peut  les  qualifier  de 
pseudoséismes. 

Gosselet  *  a  déterminé  aii  moyen  des  résultats  de  plus  de  300  forages, 
ou  sondages,  la  forme  des  surfaces  des  différentes  couches  du  sous-sol 
profond  des  environs  de  Douai.  Le  savant  géologue  a  déduit  de  ses 
recherches  d'intéressantes  conclusions  relativement  aux  faibles  secousses 
locales  qui  ébranlent  de  temps  à  autre  le  bassin  bouiller  du  Nord  de  la 
France,  et  il  est  d'autant  plus  nécessaire  d'examiner  si  ses  déductions  sont, 
ou  non,  d'accord  avec  les  faits  d'observation,  que  Cornet  *  ne  s'y  rallie 
pas  plus  en  1908  qu'il  n'avait,  à  l'occasion  du  tremblement  de  terre  du 

*  Les  assises  crétaciques  et  tertiaires  dans  les  fosses  et  les  sondages  du  Nord  de  la 
France.  Fasc.  I.  Région  de  Douai.  {Élude  de»  gîtes  minéraux  de  la  France.  Service  des 
Topographies  souterraines.  Ministère  des  Travaux  publics.  Paris,  1904) . 

'  L'allure  de  la  surface  des  terrains  primaires  et  celle  des  couches  crétacées  et  ter- 
tiaires dans  la  région  de  Douai,  d'après  un  récent  travail  de  M.  J.  Gosselet.  (Pr.  v.  Soc. 
belge  de  Géol.  PaUont.  elHydroL,  Bruxelles,  XiX,  lia,  1905). 


462  GÉOGRAPHIE  SÉI6M0L0GIQUE 

3  septembre  1896  S  admis  le  rôle  séismogénique  généralement  attribué  au 
déhouillememt  dans  le  bassin  franco-belge  ;  il  fait,  en  effet,  observer  que 
les  100  kilomètres  d*extension  qu'a  présentée  ce  séisme  sont  incompa- 
tibles avec  cette  explication.  La  raison  est,  dans  ce  cas,  péremptoire. 

Utilisant  les  nombreuses  cotes  fournies  par  les  travaux  en  question  et 
destinées,  soit  à  la  recherche  des  couches  de  houille,  soit  à  rétablissement 
de  puits  artésiens,  Gosselet  a  tracé  par  courbes  de  niveau,  à  Téquidistance 
de  10  mètres,  les  surfaces  supérieures  du  terrain  primaire  et  des  cinq 
assises  principales  du  Crétacé  et  du  Tertiaire,  c'est-à-dire  qu'il  a  repré- 
senté leurs  topographies  respectives.  Ces  surfaces  sont,  comme  ou  devait 
s'y  attendre,  en  étroite  dépendance  les  unes  avec  les  autres,  de  telle  sorte 
que  celle  du  terrain  primaire  est  la  plus  accidentée,  et  que  leurs  inégalités 
s'atténuent  graduellement  de  bas  en  haut  en  passant  de  l'une  à  l'autre,  à 
mesure  qu'on  s'élève  le  long  de  la  verticale.  Les  couches  successives  se 
sont  ainsi  moulées  sur  les  précédentes  en  comblant  progressivement  les 
ondulations  des  plus  anciennes. 

La  topographie  superficielle  du  Primaire  présente,  à  l'Ouest  de  Douai, 
un  creux  allongé  presque  dans  la  direction  Nord-Sud,  et  limité  de  chaque 
côté  par  de  fortes  pentes,  plus  accentuées  encore  à  l'Est  qu'à  l'Ouest.  Sous 
le  nom  de  paléocreux,  Gosselet  attribue  cet  accident,  très  ancien,  à  l'action 
de  glaciers  permiens,  et  il  lui  dénie  toute  signification  tectonique,  comme 
Cornet  l'avait  déjà  fait  pour  un  accident  analogue,  le  paléocreux  de  Mons. 
Ce  qui  nous  intéresse  surtout  ici,  c'est  que,  d'après  Gosselet,  cette  struc- 
ture est  tout  à  fait  indépendante  des  anticlinaux  et  des  synclinaux  pri- 
maires, qui  n'ont  ainsi  que  peu  d'influence  sur  le  relief  de  la  pcUéopéné- 
plaine  primaire  souterraine,  si  toutefois  les  accidents  de  cette  surface  ne 
sont  pas  trop  considérables  pour  permettre  d'employer  cette  qualification. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  ressort  tout  de  suite  de  cette  constatation  que  les 
secousses  du  Douaisis  ne  peuvent  être  la  survivance,  môme  très  atténuée, 
des  plissements  qui  ont  agi  sur  les  couches  du  Primaire  postérieurement 
à  leur  dépôt  et  antérieurement  à  celui  du  Crétacé,  et  que,  par  conséquent, 
notre  explication  générale  des  séismes  du  bassin  houiller  franco-belge- 
westphalien  n'est  point  valable  ici,  puisque  les  dislocations  des  terrains 
primaires,  failles  ou  plis,  ne  se  propagent  pas,  du  moins  autour  de  Douai, 
dans  les  couches  crétacées  sus-jaccntes  ;  c'est  donc  que,  antérieures  à  la 
Craie,  ces  dislocations  ne  se  sont  point  accentuées  ni  pendant,  ni  après  son 
dépôt;  correspondant  à  des  efforts  tectoniques  complètement  éteints 
depuis  longtemps,  elles  sont  actuellement  incapables  de  jouer  un  rôle 
séismogénique  quelconque. 

Ainsi  qu'on  l'a  signalé  plus  haut,  le  paléocreux  de  Douai  est  limité  à 
l'Est  par  un  large  escarpement,  et  les  couches  crétacées  présentent  là  une 
forte  pente.  «  Cette  grande  inclinaison  fait  comprendre,  dit  Gosselet, 
comment  sous  l'influence  de  l'affaissement  de  la  surface  primaire  dû  à 
l'exploitation,  il  a  pu  y  avoir  des  glissements  dans  les  terrains  morts.  On  se 
rend  ainsi  compte  des  tremblements  de  terre  qui  agitent  la  surface  du  sol 
et  qu'on  ne  ressent  pas  dans  les  terrains  profonds.  Il  n'y  aurait  môme  rien 

*  A  propos  du  tremblement  de  terre  de  la  Belgique  et  du  nord  de  la  France  (BuU, 
Soc.  belge  de  GéoL  Paléont.  et  HydroL,  X,  125,  Bruxelles,  1896). 


NOTE  SUR  LES  PSEUDOSËISMES  463 

d'étonnant  à  ce  qu'il  se  produisit  des  crevasses  et  des  modiûcations  de 
distance  de  quelques  monuments  superficiels  ».  C'est,  sous  une  forme  nou- 
velle, revenir  à  Finfluence  séismogénique  du  déhouillement. 

Comment  ces  considérations  s'accordent-elles  avec  la  répartition  des 
secousses  autour  de  Douai  ?  Treize  secousses  bien  définies  sont  parvenues 
à  notre  connaissance  ;  trois  pour  Dorignies  et  une  pour  l'Escarpelle  corres- 
pondent bien  à  l'escarpement  oriental  du  paléocreux,  mais  une  pour 
Dechy-Guesnain,  une  pour  Flers-en-Escrébieux  et  sept  pour  Sin-le-Noble, 


170  ^^^ 

IBO  ^^ 

ISO ^ 


•  I       .^       


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les  cotes  sorvtprtses             D 0  U  AI  '  ^:          :  -  [  i^ig  ^^^  "  --^ 
cojL  dessus du.plan.(-300^)  "'%f^^^'-    ''^--^"'" *^ 

#/  ^^:%  ^^''''  ^s[n^le"  N(ïble 
^  ^  +Dechy 


-S î iKil 


Guesnain  4- 


Fig.  89.  —  Le  paléocreux  de  Douai  (d'après  Gosselel). 

c'est-à-dire  neuf  contre  quatre,  sont  émanées  de  points  situés,  au  contraire, 
au-dessus  du  paléoplateau  primaire.  A  s'en  tenir  à  ces  faits,  la  propor- 
tion de  31  p.  100  seulement  en  faveur  de  la  théorie  de  Gosselet  ne  suffirait 
pas  à  en  démontrer  l'exactitude.  Mais  ce  nombre  d'observations  ne  parait 
pas  assez  considérable  pour  renverser  une  hypothèse  tout  à  fait  sédui- 
sante, et  il  faut  attendre  que  la  poursuite  de  ces  recherches  vers  Lens, 
Béthune,  Arras,  etc.,  permette  de  voir  s'accentuer  dans  un  sens  ou  dans 
l'autre  le  pour  cent  des  séismes  émanant  des  pentes  des  paléocreux. 

Dans  plusieurs  des  mémoires  cités  à  propos  des  Iles  Britanniques,  et  en 
particulier  dans  un  travail  récent^  Davison  explique  les  tremblements  de 

*  Earth-shakes  in  mining  districts  {Geol,  Mag.,  Décade  V,  II,  n«  491.  May.  1905,  219. 
London). 


464  GÉOGRAPHIE  SËI8M0L0GIQUE 

terre  ressentis  dans  les  districts  miniers  en  les  considérant  comme  la  mani- 
festation de  mouvements  relatifs  des  lèvres  des  failles  en  conséquence 
d'affaissements  dus  à  Teiiploitation  même.  Ces  phénomènes  sont  bien  connus 
des  mineurs  qui  donnent  les  noms  de  «  bump  »^  ou  de  n  goth  t»,  au  bruit, 
d'un  caractère  très  particulier  et  facilement  reconnaissable,  qui  les  accom- 
pagne. D'après  AtkinsonS  qu'il  y  ait  secousse  et  bruit,  ou  seulement  bruit, 
on  observe  souvent  des  éclatements  dans  les  couches  de  houille,  des 
bombements,  soit  au  mur,  soit  au  toit,  ou  des  ruptures  des  boisements,  et 
il  ne  doute  pas  que  ces  pseudoséismes  ne  soient  directement  dus  à 
l'exploitation  par  les  changements  qu'elle  apporte  dans  l'état  de  tension 
des  couches. 

Il  reste  h  signaler  dans  cette  ordre  d'idées  que  Lebour^  distinguant  ces 
secousses  par  le  nom  spécial  d'earlh-shakes,  au  lieu  de  celui  d'earthquakes^ 
généralement  usité,  attribue  les  secousses  de  Sunderland  et  de  la  côte  du 
comté  de  Durham  à  une  autre  cause  artificielle;  il  pense  que  les  travaux 
d'épuisement  y  élargissent  graduellement  par  dissolution  les  fissures  natu- 
relles du  calcaire  magnésien,  et  y  produisent  des  éboulements  et  des 
chutes  de  matériaux,  qui  se  manifestent  sous  la  forme  de  ces  pseudoséis- 
mes. Le  caractère  tout  particulier  des  bruits  qui  accompagnent  ces 
phénomènes  lui  semble,  comme  h  Davison,  tout  h  fait  en  faveur  de  ce 
mode  de  production. 

De  tout  cela  résulte  que  les  secousses  dues,  plus  ou  moins  directement, 
aux  travaux  des  mines,  méritent  d'être  l'objet  d'études  spéciales,  et  l'emploi 
d'instruments  enregistreurs  paraît  nécessaire  pour  déceler  l'origine  de  ces 
mouvements  au  moyen  des  caractères  propres  de  leurs  séismogrammes. 
Alors  seulement  on  pourra  définitivement  émettre  un  avis  sur  l'influence 
séismogénique  de  l'exploitation  des  mines,  soit  de  houille,  soit  d'autres 
substances  minérales.  En  fin  de  compte,  l'opinion  de  Jicinski  nous  parait 
trop  absolue  dans  le  sens  de  la  négation,  et,  au  moins  dans  certains  cas 
particuliers  de  légères  secousses  locales,  la  relation  de  cause  à  effet  semble 
s'imposer.  Les  stations  séismographiques  profondes  établies  à  l'Agrappe 
en  Belgique  et  à  Przibram  en  Bohême  sont  destinées  à  élucider  la  ques- 
tion dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  et  il  est  à  souhaiter  que  cet  exemple 
soit  suivi  dans  un  plus  grand  nombre  d'établissements  miniers. 

•  Report  of  H.  M.  Inspector  of  mines  for  the  Slafford  district  for  the  year  4903, 
(p.  15). 

'  On  the  Breccia-gashes  of  the  Durham  coast  and  some  récent  Earth-shakes  at  Snn- 
derland.  [North  of  England  inst.of.  Min,  Eng,  Trans.  XXXII [,  165,  1884). —On  some 
récent  earthquakes  on  the  Durham  Coast  and  âieir  probable  cause  \Geol,Mag.,\iec„  lll. 
II,  513, 1885). 


ERRATUM 


Page      II,  ligne  2,  au  lieu  de  En  1892,  lire  :  En  189i. 

—  409,  ligne  36,  au  lieu  de  est  profondément  découpée,  lire  :  est  profondément 

découpé. 

—  122,  légende  de  la  figure  15,  au  lieu  de  du  13  août,  lire  :  du  3i  août. 

—  339,  ligne  38,  au  lieu  de  V Atlas  saharien  est  séismique^  lire  :  l Atlas  saharien 

est  aséismique, 

—  351,  ligne  5,  au  lieu  de  architecture  tabulaire  on  d^ancienne  consolidation, 

lire  :  architecture  tabulaire  ou  d'ancienne  consolidation. 

—  354,  ligne  4,  au  lieu  de  la  mer  plate  de  Bering,  lire  :  la  mer  plate  de  Behring. 

—  415,  ligne  1,  au  lieu  de  Le  détroit  de  Bering,  lire  :  Le  détroit  de  Behring, 

—  427,  ligne  10,  au  lieu  de  La  presqu'île  de  Shikoku,  lire  :  La  presqu'île  de 

Sanyodo. 


Db  MofiTMSDs.  —  Trembloments  de  terre. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  AUTEURS  CITÉS 


Abella  y  Casariego 436,  437 

Abich 222,224 

Adan  de  Yarza  (R.) 303 

Agamemnone .    155,  215,  233, 274, 378,  439, 

449 

Agailera 395 

Algue 433 

Anderson  (Tempest) 383 

Aranjo  (de) 347 

Arcidiacono 121,324 

Arctowski 175 

Aristotd 2 

Arldt.  . 12 

Aston 136 

Atkinson 464 

Aubry 163 

Baillif 252 

Baldacci 315 

Baratta.   .     29,  304,  305,  308,  310,  313,  314, 
316,  317,  321,  324 

Barbiani  (D.  G.  et  B.  A.) 264 

Bamard 403 

Barré 64 

Barrois 59,  329,  332 

Becke 92,96 

Becker 412,433 

Bel 364 

Belar 5,  7, 14,  262 

Beltrame 162 

Bergeron 329 

Bertrand  (Marcel).   .   .   .      13,28,329,391 

Bettonî 308 

Billiet 298 

Biot   (E.) 137 

Bittner 284,308 

BlancKenhorn 158 

Boissier  (Gaston) 339 

Bonpland  <de) 170 

Borius 166 

Bôse 84,  386,  398,  3S9,  402 

Botella  y  Homos  (de) . 333 

Bonquet  de  la  Grye 459 

Bra&5(von) 121 

De  MoNTCfwus.  —  Tremblements  de  terre. 


Brackebnsch 365 

Branco 23 

Bréon 329 

Brigham  (T.) 173 

Brigham  (W.  T.) 116 

Brives 342 

Buch  (von) 349 

Burrard 204 

Buttgenbach 164 

Gabrol 6i 

Gamboué 151 

Ganaval 287 

Gancani 10, 314 

Garpentin 230 

Gastelnau  (de) 360 

Gayeux 279 

Genteno  y  Garcia 436, 437 

Gevallos 365 

Chamberlin 125 

Ghesneau 73,  337 

Ghoffat 343 

Ghristomanos 256 

Goccarella 318 

Golin 151 

Gollet 104 

Gomet 72,  461,  462 

Goronas 439 

Gortese 320 

Gredner 91,94,96 

Grescimanno 324 

Dairoku  Eiknchi 417 

Danilov 250 

Darwin   (Gh.) 158 

Darwin  (H.) 21 

Dathe 94 

Daubrée 2,316 

Daussy 168 

Davison.     21,  42,  46,  47,  48, 49,  50,  51,  52, 
54,  123,  207,  416,  463 

Deckert 120,390 

De  Lorenzo 317 

Deprat 268,452 

30 


466 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


De  Rossi  (St.) 304,  31i,  314 

Détaille 7 

Dieffenbach 86 

Diener 158 

Dietrich    (de) 85 

Diller 407 

Dollfus 386 

Doss 104 

Douglas 395 

Douvillé  (H.) 211 

DouviUé  (R.) 332 

Doyle 150 

Draghicenû 236 

Dubois 315 

Duchaussov 57 

Dùck.   .   .  ' 3,231 

Dutton j  .  121 

Eck 77 

Edmonds 52 

Eginitis .  264 

Ehlert 4 

Eteold 5 

Paidiga 261 

Félix 399,  401 

Ficheur 337,338,340 

Figuier 70 

Flett 383 

Forel 290,293,295,379 

Forster(A.) 290 

Forster  (W.  G.) 272 

Fouqué 75,  230,  329 

Fournet 290 

Fraas 158 

Franco 323 

Fritsch  (von) 100 

Frûh 290 

Fuchs  (C.  W.  G.) 7 

Fuchs  (K.) 150 

Futterer 83 

Galilée 2 

Garwood 112 

Gerland       2,  7,  77,  305 

Gilbert 408 

Glangeaud 111 

GoU 357 

Goodyear 391 

Gosselet 461 

Goulier 66 

Graham 363 

Grftnzer 94 

Griesbach 207 

Gumaelius 36 

Giimbel  (von) 77 

Gumprechl 416 

Gùnther 1,  90 

Guppy 452 

Haidinger 310 


Haies 365 

Hannay 194 

Hantken  von  Prudnik 247 

Harboe S4« 

Haug 24,  340 

Hecker 168.343 

Hedin  (Sven) 218 

Heim 297 

Hepites 236 

Hérodote 256,278 

Hetlner 372 

Hilber 258 

Hill 373 

HIasek 102.222 

Hochstetter  (von) 250. 364 

Hoernes .    3,  86, 162,  257,  286,  288.  289, 293 

294 

HOfer 20.  284,  308 

Hogben 145.  457 

HOgbom 36 

Holden 404,408 

Humboldt(de) 3.170 

Ibarra 367 

Iki 422 

Imamura 422 

Issel 28,  155,  274,  311.  321 

Jacob 75 

J&gerlehner 293 

Jeitteles 243 

JiSinski 71 

Johnston 125 

Jones 201 

Kaufmann 162 

Keating ^94 

Keilhau 39 

Kemer  (von) 261 

Kilian 329 

Kilpatic 241,262,263 

Kluge 188 

Rnett 91,92,96.99,243,  284 

KnQp 84 

Knott  (GargUl) 416 

Koken 352 

Kolderup 36,  39,  41 

Kôtâ 137,  416,424.442 

Kugler 85 

Lacroix 383 

Laguerenne 388 

Lajos 245 

Lallemand  (Cb.) 12 

Lancaster 69 

Langenbeck 77 

Lantenois 194 

Lapparent  (de).    13, 14, 28, 90, 160. 164, 166. 

169,322 

Lartet 158 

Lasaulx  (von) 20»  74 

Léska 102 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES   AUTEURS   CITÉS 


467 


Laabe 9* 

L&unay  (de) 28, 143,  255 

Lawson 411 

Lebonr 464 

Lenk 399,401 

Lepsins 86 

Lerl 248 

Levât 453 

Lewitski 102 

Lindgren 393- 

Unk 372 

Louvet 452 

Lôwl 286 

Lowihian  Green 12 

Lucrèce 2 

Luksch 227 

Lyell 362 

Lymann 173 

Mac  Gowan 139 

Maclay 450 

Mac  Mahon 202 

Mac  Pherson 329 

Mallet 7,316 

Mansuy 194 

Martinez 330 

Martonne  (de) 238 

Mathuisieulx  (de) i66 

McGee i20 

MedlicoU 203 

Mendenhall i2i 

Mercalli 307.311,316,318,326 

Meunier  (Stanislas) 2 

Michel  Lévy 13,  329 

Middlemiss 203 

Milch 189 

Milne.    10,  13,  176,  383,  416,  417,  422,  423 

Mitzopoulos 275 

Moberg 36 

Mojsisovics  (von).   .   .    .     93,235,252,289 

Monroy 398 

Monlessus  de  Balloro  (de)    7, 10, 17, 18, 19, 

22,  24,  27,  39,  180, 198,  202,  204,  212,  262, 

382,  384,  433 

Monlserrat   (de) 386 

Mouchkétov 102,133,217,225 

Muller 189 

Munck(de) 72 

NadaiUac  (de) 405 

Napier-Dennison 5 

Naumann  (G.-P.) 3 

Naumann(E.) 417,420 

Nelson 206 

Newby 111 

Nicklès 332 

Nôggerath 86 

Noguès 361 

Ochoa  Villagomez 401 

OCfret 329,332 


Oldham  (R.  D.) 150,196.206 

Oidham  (T.) 147, 197 

Omôri  ....      5, 138,  416,  417,  427,  428, 

429,  430,  431 

Ordofiez 402 

O'ReiUy 7,42 

Orlov 102,135 

Orozeo  y  Berra 393 

Otto 2 

Papavasiliou 269 

Partsch 262 

Pausanias 266,  272 

Pavlov 105 

Penck 87,  100 

Perrey  .  7,  29,  38,  42,  57,  59,  77,  93, 102, 
116,156, 163,  165,  173,  290,  305,  326,  334, 
347,  357,365,  373.  414,  415,  417,  431,  441, 

443,  452 

Perrine 404 

Pervinquière 340 

Peters 246 

Philippi 363 

Philippson 264,268 

Piette 176 

Piroutet 452 

Pittier 391 

Platania 321 

Pline 278 

Poey 373 

Pomel 337 

Ponzi 313 

Proust 452 

Puja  y  Santillan  Aguilar 393 

Rabot H2 

Radies  (von) 288 

Raffles 186 

Rahnier 136 

Reckstadt 36 

Reclus  (Elisée) 336 

Reid  (Clément) 21,  52 

Reindl 77,  80,  90,  92 

Renard 175 

Réthly 241 

Reusch 36,39 

Reyer 408 

Riccô 321,323 

Richardson  (Ralph) 48 

Richthofen  (Von) 141 

Rockstroh 391 

Rockwood '^3,  116,  126 

Roton  (de) 416 

Rudolph 7, 430 

Russell 406,  407 

Saderra  y  Maso 174,433,438 

Saija 321 

Sainte-Claire  Deville 349,378 

Salisbury 125 

Salterrain 379 


468 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE 


Sandfest 162 

Sapper 386, 387,  390 

Savornin.   . 338 

Schafarzik  ....     241,243,244,245,247 

SchaCfer 230 

Schmidt  (A.) 77 

Schmidt  (G.) 439  449 

Schmidt  (Julius) 156 

Schneider 181 

Schûtt 7 

Schwartmann 82 

Seidl 288 

Seikei-Seikiya 416,417 

Sénèque 2 

Senties 401 

Sieberg 44,74,154 

Sievers 368,371 

Simoens 71 

Sinner 294 

Smith  (Michie) 4t6 

Stache 289 

Stefanescu 236 

Stefanoni 316 

Sterneck 248 

Sterry  Hunt 395 

Stevenson 47 

Stromer  von  Reichenbach 167 

Stûbel 364 

Stulli 263 

Stur 288 

Suess(E.) 28.284,289,320,347 

Sues8(Fr.  E.) 247,284,288 

Svedmark 36 

Tacchini 304 

Tamisier 64 

Taramelii 311,3^5 

Tarnutzer 290 

Thomassen 36 

Thoroddsen 108, 109 


Thoulet 348 

Thucydide 2«S 

Tietze 289 

Tillo  (de) 22 

Tolmatchev 132 

Troncoso 357 


Uhlig. 


96 


Van  den  Broeck 67.  70 

Van  de  Wiele 167 

Vélain 313, 316 

Venukov 231 

Verbeek 44S 

Vergara 357 

Verri 313 

Viliard 290 

Villette 76 

Vifiez 379 

Volger  (Otto) 290 

Volz 189 

Wâhner 247 

Warren  du  Pré 120 

Watsoff 231 

Weber 222 

Wegener 454 

Weigand 7 

Welsch 337 

Whitney 407 

Wiegers 84 

Woerle 343 

Woldîich 94 

Yamasaki 424,431 

Zaccagna 306 

Zona 321 

Zujovic 252 

Zùrcher  (P.) 391 


TABLE  DES  CARTES  ET  FIGURES 


Figure  1.  Seismogramme  du  tremblement  de  terre  du  Pendjab  du  4  avril  1905, 

enregistré  à  Tobservatoire  de  Gnarto  Pirenze 45 

—  2.  Les  pays  Scandinaves 37 

—  3.  Les  lies  Britanniques 43 

—  4.  Bretagne,  CotcnUn  et  Vendée 58 

—  5.  Bassin  houiller  franco- belge -^estphalien  et  plateau  rhénan 68 

*—     6.  Dislocations  rhénanes  (d'après  Regelmann) 79 

—  7.  Le  Graben  rhénan 81 

—  8.  Ck)npe  des  environs  du  Kaiserstuhl  (d*après  B6se) 84 

—  9.  Erzgebirge 96 

—  10.  Russie  méridionale  et  Oural 103 

—  11.  Islande 107 

—  12.  Islande.  Aires  pléistoséistes  des  tremblements  de  terre  de  1896 110 

—  13.  Canada  oriental 114 

—  14.  Nouvelle-Angleterre  et  Appalaches 117 

—  15.  Double  épicentre  du  tremblement  de  terre  de  Charleston  du  31  août  1886.  122 

—  16.  Quadruple  épicentre  du  tremblement  de  terre  du  14  juin  1904  à.  Noto 

(SicUe) 123 

—  17.  Altaï  et  dépendances 132 

—  18.  Baîkalie 133 

—  19.  CUiine 139 

—  20.  Palestine  et  Syrie 157 

—  21.  Région  séismique  de  l'Atlantique  équatorial  ou  de  Daussy 168 

—  22.  Iles  Sandwich 173 

—  23.  Java 184 

—  24.  Sumatra 187 

—  25.  Birmanie  et  tles  du  golfe  du  Bengale 193 

—  26.  Chocs  consécutifs  au  tremblement  de  terre  de  l'Assam  du  12  juin  1897.  195 

—  27.  Centre  mensuel  des  moyennes  distances  des  épicentres  des  5238  chocs 

consécutifs  au  tremblement  de  terre  de  l'Assam  du  12  juin  1897.  .  .  198 

—  28.  Himalaya  occidental  et  plaine  indo-gangétiqae 200 

—  29.  Faille  d'Old  Chaman  et  distorsion  de  la  voie  ferrée  par  le  tremblement 

de  terre  du  20  décembre  1892 208 

—  30.  Perse  et  Mésopotamie 210 

—  31.  Turkestan,  Dzoungarie  et  Kachgarie 216 

—  32.  Caucase 220 

—  33.  Principaux  tremblements  de  terre  de  Chémakha  (d'après  Weber) ...  223 

—  34.  Asie  Mineure  occidentale 228 

—  35.  Arménie 232 

—  36.  Roumanie  et  Bessarabie,  t 237 

—  37.  Hongrie,  Transylvanie  et  Croatie 242 

—  38.  Bulgarie,  Roumélie,  Macédoine  et  Albanie 2^3 

30* 


470  GÉOGRAPHIE  SËISMOLOGIQUE 

Figure  39.  Dalmatie,  Bosnie  et  Herzégovine S60 

—  40.  Grèce 267 

—  41.  Effets  du  tremblement  de  terre  da  26  décembre  1861  sur  le  littoral 

d'Hélice  et  de  Bura  (Achaïe),  (d'après  Julias  Schmidt) 271 

—  42.  Alpes  Orientales 282 

~    43.  Carte  séismiqne  de  la  Basse-Autriche  (d'après  Suess.) 283 

—  44.  Relations  des  lignes  de  choc  des  Alpes  Calcaires  méridionales  avec  les 

foyers  séismiques  extérieurs  (d'après  Hôfer) 28* 

—  45.  Suisse 291 

—  46.  Vallée  du  Rhône  et  Alpes  françaises 296 

—  47.  Pyrénées  françaises 302 

—  48.  Intensité  des  tremblements  de  terre  en  Italie  (d'après  Baratta  et  Gerland)  305 

—  49.  Homoséiste  du  tremblement  de  terre  de  Bellune  du  29  juin  1873  (d'après 

Hôfer) 309 

—  50.  Ischia 31» 

—  51.  Monte  Gargano.  Séismos  à  épicen très  sous-marins 318 

—  52.  Calabre  et  Sicile  du  Nord-Est 319 

— -    53.  Italie  méridionale  et  Sicile.  Courbes  isanomales  de  la  gravité  (d'après 

Riccô) 322 

—  54.  Espagne  du  Sud-Est 328 

—  55.  Structure  de  la  chaîne  bé tique  (d'après  les  travaux  do  la  mission  fran- 

çaise de  1884) 331 

—  56.  Pays  barbaresques 336 

—  57.  Aires  pléistoséistes  des  principaux  tremblements  de  terre  du  Portugal 

(d'après  Choffat) 344 

—  58.  Açores- 348 

-—    69.  Canaries 349 

—  60.  Andes  du  Sud 358 

—  61.  Andes  du  Centre 366 

—  62.  Andesdu  Nord 369 

—  63.  Lignes  de  plissement  et  volcans  de  l'Amérique  centrale  (d'après  Marcel 

Bertrand) 374 

—  64.  Les  Grandes  Antilles 377 

—  65.  Les  Petites  AnUlies 380 

—  66.  Centre- Amérique , 383 

—  67.  Le  Mexique  central 397 

—  68.  Profil  de  Mexico  à  l'Océan  Pacifique.  (Direction  S. W.) 399 

—  69.  LeMexiquecentral.  Lignes  de  choc  (d'après  Deckert)  et  zones  d'altitude.  400 

—  70.  Profil  du  chemin  de  fer  de  Mexico  à  La  Vera  Cniz 403 

—  71.  Californie 410 

—  7â.  Aléoutiennes,  Kamtchatka,  Kouriles  et  Sakhaline 414 

—  73.  Japon.  Nombres  annuels  moyens  de  séismos  aux  principales  stations  séis- 

mologiques 418 

—  74.  Japon.  Désastres  séismiques  depuis  le  v*  siècle  (d'après  Dairoku  Kiku- 

chi) 420 

—  75.  Japon.  Fréquence  relative  des  Tsunamis,  ou  vagues  séismiques  (d'après 

Dairoku  Kikuchi) 422 

—  76.  Japon.  Dislocations  récentes  d'origine  séismique  (d'après  Tamasaki)  .  423 

—  77.  La  grande  fracture  de  la  vallée  de  NéD  produit  par  le  tremblement  de 

terre  du  Mino  et  de  l'Owari  du  28  octobre  1891 426 

—  78.  Japon.  Régions  &  maximum  séismique  estival  ou  hivernal 428 

—  79.  Japon.  Variations  annuelles  de  la  pression  barométrique,  du  niveau  de 

la  mer,  et  de  la  fréquence  séismique  le  long  de  la  côte  du  Pacifique 

(d'après  Omôri) 429 

—  80.  Philippines ,r 432 

—  81.  Philippines.  Fréquence  séismique  (d'après  Saderra  y  Mas6) 434 

—  82.  Philippines.  Aires  pléistoséistes  des  principaux  tremblements  de  terre 

ayant  eu  leurs  épicentres  en  mer 440 

—  83.  Iles  à  l'Est  de  Java 442 

—  84.  Célèbes  et  Moluques 444 

—  85.  Dislocations  de  Céram 446 


GÉOGRAPHIE  SÉISMOLOGIQUE  471 

Piffuro  86.  Nouvelle-Gainëe  et  Mélanésie 451 

—  '  87.  Nouvelle-Zélande 455 

—  88.  Homoséistes  horaires  des  vagues  séismiques  au  travers  du  Pacifique, 

au  tremblement  de  terre  d'Ârica  du  13  août  1868  (d'après  ilochstetter 

-*  et  Berghaus) 458 

—  89.  Le  paléocreux  de  Douai  (d'après  Gosselet) 463 


CARTES  HORS  TEXTE 


I.  Régions  séismiques  et  géosynclinaux  de  l'ancien  monde. 

II.  Régions  séismiques  et  géosynclinaux  du  nouveau  monde. 

m.  Origines  des  323  principaux  séismes  observes  de  1899  à  1903  dans  les  observatoires 
(d'après  Milne)  et  côtes  à  vagues  séismiques  (d'après  Rudolph) . 

(Ces  trois  caries  sont  placées  à  la  fin  de  TouTrago.) 


TABLE  DES  MATIERES 


Préface  de  m.  de  Lapparent. 


INTRODUCTION 
La  méthode  et  les  résultats  généraux. 

1.  Historique  succinct  des  théories  séismologiques 1 

2.  La  répartition  géographique  des  régions  à  tremblements  de  terre.  Inten- 

sité des  séismes  et  mesure  de  la  séismicité 6 

3.  Les  mappemondes  séismographiques  antérieures 11 

4.  Influence  séismogénique  du  relief  et  des  principaux  accidents  géologiques .  18 

5.  La  mappemonde  séismographique 83 

Note.  Références  bibliographiques 28 

PREMIÈRE  PARTIE 

LE  CONTINENT   NORD-ATLANTIQUE 

Le  continent  nord-atlantique 31 

GflAnTRE  PREMIER.  Le  bouclior  finno-soandinaTe 36 

Chapitre  II.  Les  Iles  Britanniques 42 

1.  La  chaîne  calédonienne 42 

2.  La  chaîne  armoricaine 50 

3.  Les  plaines  orientales  anglaises 53 

Chapitre  III.  L'Europe  moyenne.  De  TAtlantique  à  la  Silésie 56 

1.  Bretagne,  Cotentin  et  Vendée 57 

2.  Le  Plateau  Central  français 59 

3.  La  Meseta  ibérique 61 

4.  Le  bassin  parisien 63 

5.  Nord  de  la  France,  Belgique  et  Hollande,  Westphalie  et  plateau  rhénan.   .  67 

6.  Vosges  et  Forêt-Noire,  Rhin  moyen,  Souabe  et  plaines  bavaroises 77 

7.  Le  massif  bohémien 90 

8.  Silésie  prussienne  et  autrichienne 93 

9.  Erzgebirge,  Saxe  et  Thuringe 95 

10.  La  plaine  germano-baltique 100 

Chapitre  IV.  La  plate-forme  russe lOS 

GHAPrTRE  V.  Atlantique  septentrional  et  terres  arctiques 106 

CHAPrrRB  VI.  Versant  atlantique  des  États-Unis  et  du  Canada 113 


474  TABLE  DES  MATIÈRES 

DEUXIÈME  PARTIE 

LES  AIRES  CONTINENTALES  EXTRA-EUROPÉENNES.  LE  PACIFIQUE 

Chapitre  VII.  Le  continent  eino-sibérien Iâ9 

1.  Sibérie 131 

2.  Mongolie,  Mandchourie  et  Corée 136 

3.  Chine  et  Indo-Chine 137 

4.  L'Asie  centrale 142 

Chapitre  YIII.  Le  continent  australo -indo-malgache 144 

1.  Australie  et  Tasmanie 144 

2.  La  péninsule  de  TUindoustan  et  Ceylan 146 

3.  L'océan  Indien 150 

4.  Madagascar  et  Comores 151 

Chapitre  IX.  Le  continent  africano-brôsilien 153 

1.  Arabie 154 

2.  Sinaï,  Palestine  et  Syrie 155 

3.  Afrique  (moins  les  pays  barbaresques) 159 

4.  L'Atlantique  méridional 167 

5.  Versant  atlantique  de  l'Amérique  du  Sud 169 

Chapitre  X.  Le  Pacifique  et  les  terres  antarctiques 173 

1 .  Le  Pacifique 1T2 

2.  Les  Icrres  antarctiques 175 

TROISIÈME  PARTIE 

LE  GÉOSYNCLINAL   MÉDITERRANÉEN   OU   ALPIN 

Le  géosynclinal  méditerranéen  ou  alpin 177 

Chapitre  XI.  Iles  de  la  Sonde  et  du  golfe  du  Bengale 183 

1.  Java  et  Sumatra 183 

2.  Malacca,  lies  Andaman  et  Nicobar 190 

Chapitre  Xlt.  Himalaya  et  dépendances 192 

1.  Arracan.  Birmanie,  Tibet  méridional  et  Yun-Nan 192 

2.  Assam iW 

3.  Himalaya  et  plaine  indo-gangétique 199 

4.  Afghanistan  et  Béloutchistan 206 

Chapitre  XIII.  L'Asie  antérieure 209 

1.  Perse  et  Mésopotamie 209 

2.  Turkestan,  Dzoungarie  et  Kachgarie 215 

3.  Caucase 219 

4.  Arménie,  Asie  Mineure  et  Chypre 225 

Chapitre  XIV.  Carpathes  et  dépendances 235 

1.  Provinces  extérieures.  Galicie,  Bukovine,  Bessarabie  et  Roumanie 235 

2.  Provinces  intérieures.  Hongrie  et  Croatie 241 

Chapitre  XV.  L'Europe  sud-orientale 250 

1 .  Crimée  et  mer  Noire  occidentale 250 

2.  La  péninsule  balkanique 251 


TABLE  DKS  MATIÈRES  475 

3.  La  Grèce 264 

4.  Gyclades  et  Crète 277 

Chapitre  XVI.  Alpes  et  Pyrénées 281 

4.  Alpes  orientales 281 

2.  Alpes  occidentales  et  bassin  du  Rhône 290 

3.  Pyrénées 299 

Chapitrs  XVII.  Litalie 304 

1 .  L'Italie  continentale 306 

2.  L'Italie  péninsulaire 310 

3.  Sicile  et  lies  adjacentes 323 

Chapitrb  XVIII.  Bassin  occidental  de  la  Méditerranée 325 

1.  Corse,  Sardaigne  et  Baléares 325 

2.  Espagne  du  Sud-Est 326 

3.  Los  pays  barbaresques.  Maroc,  Algérie  et  Tunisie 333 

Chapitri  XIX.  Embouchure  du  Tage  et  Atlantique  subtropical  du  Nord  .  343 


QUATRIÈME  PARTIE 

LE  GÉOSYNCLINAL  Cl  RCUMPACIFIQUE 

Le  géostnclinal  circumpacifique 331 

Cbaprae  XX.  Les  Andes 357 

1.  Les  Andes  du  Sud.  Chili  et  Argentine  occidentale 357 

2.  Les  Andes  du  Centre.  Pérou,  Bolivie  et  Ecuador 365 

3.  Les  Andes  du  Nord.  Colombie  et  Venezuela 367 

Chapftrb  XXI.  Les  Antilles  et  le  Centre-Amérique 373 

i.  Les  Antilles 373 

2.  Le  Centre-Amérique 384 

GuAPiTRK  XXII.  Montagnes  Rocheuses  et  dépendances 393 

1.  Le  Mexique 393 

2.  Grand  bassin  de  TUtah  et  versant  pacifique  des  États-Unis  et  du  Canada  .  404 

Cbapitrb  XXIII.  La  bordure  pacifique  du  continent  sino-sibérien 415 

1.  Kamtchatka,  Kouriles  et  Sakhaline 415 

2.  Le  Japon.  L'archipel  dos  Riou-Kiou  et  Formoso 416 

3.  Philippines 431 

4.  Iles  à  l'est  de  Java.  Moluques,  Gélëbes  et  Bornéo 441 

CuAPiTRB  XXIV.  Nouvelle-Guinée,  Mélanésie  et  Nouvelle-Zélande 450 

1.  Nouvelle-Guinée  et  Mélanésie 450 

2.  Nouvelle-Zélande 454 

Note  sur  les  tremblements  de  terre  dans  les  travaux  de  mines  ou  pseudo- 

séismes.  Observations  faites  dans  le  Nord  de  la  France  et  en  Angleterre  ...  461 

Index  alphabétique  des  auteurs  cités 465 

Table  DES  CARTES  et  figures 469 


ÉVRBUX,  IMPRIMERIE  DE  CHARLES  HÉRISSEY 


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Montessus  de  Ballore, 
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Les  treiablements 
de  terre* 


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