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UNIVhiCilTY UF CALÏFORNIA
LES
TREMBLEMENTS
DE TERRE
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
F. DE MONTESSUS DE BALLORE
Ancien Élève de l'Ecole polytechnique.
LES
rREMBLEMENTS
DE TERRE
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Arec une Préllue par M. ▲. DE L^PPARENT, Membre de l'Iastitut.
cartes et figures et 3 cartes hors texte.
Librairie Armand Colin
Paris, 5, rue de Mézières
1906
Toos droits réserrés.
UNIVERSITY OF CALIKORNLA
DAVIS
Droits de tradveUoD et de reproduction réeerrés povr to«t les paye,
y compris U BolUade.
Pnbllshed Jannary il^, niaeteen hnndrod aad six.
PriTllege or Copyright ia the Uolted SUIes Nserred,
nader tlie Aet approted Mareh 9**^ 19M,
by Max Leclerc aod U. Bouireller, proprietors ot Librairie Armand Colin
PRÉFACE
Si quelqu'un s'était avisé, il y a vingt-cinq ans, d'écrire un
gros livre sur la répartition géographique des tremblements de
terre, il est à croire qu'aucun éditeur n'eût osé assumer les
risques d'une telle publication.
Personne, au moins en France, n'aurait compris qu'on voulût
diriger son attention vers un ordre de phénomènes dont notre
pays semblait n'avoir rien à redouter. A cette époque on eût
difficilement trouvé sur notre sol un appareil enregistreur des
secousses. Même le patronage des géologues aurait probable-
ment fait défaut à l'auteur de cette tentative ; car l'opinion
régnante était que la cause des tremblements de terre devait
être tout simplement cherchée dans des explosions volcaniques
souterraines; et c'est à peine si quelques esprits supérieurs
commençaient à soupçonner une relation entre ces phénomènes
et les conditions générales qui règlent l'équilibre de l'écorce
terrestre.
Aujourd'hui les choses ont bien changé ! L'opinion publique
s'est émue, frappée par une suite d'avertissements retentissants,
d'où les Européens ont appris que le danger, non seulement
était à leurs portes, mais ne se faisait pas faute, à l'occasion,
d'envahir leur territoire. C'est l'Andalousie qui, la première, en
a fait l'expérience à la fin de 1884. Puis, en 1887, la Côte
d'Azur, en plein carnaval, a fait cruellement connaissance avec
ce fléau, qu'elle paraissait devoir ignorer à jamais. Une année
avant, aux États-Unis, de fortes secousses endommageaient la
II PRÉPAGE
ville de. Charleston, s'étendant à presque tout le bassin du
Mississipi. En 1892, une grande partie du Japon était dévastée ;
7 000 morts et 17000 blessés restaient sur le terrain. En 1894^
ce fut le tour de laLocride, et, un an plus tard, celui du Tur-
kestan ; de 1895 à 1897, au cœur de rAUemagne alpine, une
suite incessamment renouvelée de secousses, funestes pour
les édifices, tint en éveil les habitants de la paisible ville de
Laibach en Carniole. En 1897, le Bengale et TAssam subirent
le désastre le plus complet qu'on eût enregistré dans ces
parages; et comme si Tlnde n'avait pas, à cette occasion, payé
un tribut suffisant, la vallée du Gange et le Cachemire devaient,
huit ans plus tard, être le théâtre d'une catastrophe presque
aussi terrible. Enfin voilà qu'il y a peu de semaines, la Calabre,
si fort éprouvée à tant de reprises, est redevenue, comme en
1783, un champ de morts et de ruines^ Ainsi, à un sujet auquel
naguère les spécialistes seuls auraient accordé leur attention,
les événements se sont chargés de donner une telle actualité,
qu'un livre traitant de cette matière peut se présenter tout seul,
même au grand public.
D'autre part, pendant que se déroulait cette suite de catas-
trophes, la science en faisait son profit. On n'avait pu s'empê-
cher de remarquer que, le plus souvent, les tremblements de
terre les plus destructeurs sévissaient dans des pays dépourvus
de volcans actifs, et atteignaient leur maximum d'intensité juste
dans les régions de l'écorce terrestre que la géologie désigne
comme étant les plus disloquées. Mieux on étudie cette écorce
dans le détail, et plus on est obligé d'y reconnaître partout la
trace de nombreux efforts de rupture ou de flexion. C'est,
comme on l'ajustement dit, une \ér\lablemarqueierie, composée
d'une foule de compartiments, différents de composition et de
structure, qui ont dû Joue?* maintes fois les uns par rapport aux
autres. A coup sûr, ce jeu doit se poursuivre encore, puisque
la déperdition de la chaleur interne et l'éjaculation des matières
éruptives suffisent à troubler perpétuellement l'équilibre de
l'écorce. Ne serait-ce pas là le principe de tous les tremblements
PRÉFACE III
de terre de grande amplitude, de ceux au moins qui couvrent
un espace incomparablement supérieur à celui qu'une explosion
volcanique pourrait ébranler ?
Pour résoudre cette question, une étude d'ensemble s'impo-
sait. Elle a été poursuivie de deux façons.
D'une part, depuis plus de vingt ans, sous l'active impulsion
d'un savant anglais, M. John Milne, V Association britannique
pour ravancement des sciences a réussi à coordonner dans ce
but les efforts de tous les spécialistes. Elle a ainsi créé une
véritable ligue, comprenant une quarantaine d'observatoires,
convenablement répartis sur la surface de la terre, et tous
munis d'appareils enregistreurs identiques. Après moins de trois
années de fonctionnement régulier, la centralisation des dia-
grammes obtenus a fait tout récemment ressortir des résultats
infiniment remarquables, lesquels confirment avec éclat la
liaison des tremblements de terre avec les ruptures d'équilibre
de notre écorce. Du même coup s'est révélé ce fait inattendu,
que, chaque année, une centaine d'ébranlements sont assez
forts pour secouer la masse entière du globe, et se propager à
son intérieur de manière à parvenir même aux antipodes, dans
des conditions qui permettent d'apprécier la distance de l'obser-
vatoire au centre d'ébranlement.
Or, pendant que se poursuivaient ces études délicates, qui
nécessitent le concours d'un bon nombre d'observateurs et
d'instruments, un homme s'est trouvé, en France, pour entre-
prendre à lui seul un travail de coordination analogue par la
voie d'une statistique graphique bien comprise. Avec autant de
patience que de discernement, il a catalogué, et marqué sur des
cartes, tous les tremblements de terre authentiquement enre-
gistrés, en leur appliquant un figuré en rapport avec la fréquence
et l'intensité des secousses. Cette monographie du phénomène,
le même homme l'a mise en rapport constant avec la structure
géologique et la topographie des contrées correspondantes, et
ce seul rapprochement lui a suffi pour formuler, dès 1895, une
loi qui, affranchissant le phénomène séismique de toute dépen-
IT PRÉFACE
dance directe vis-à-vis du volcanisme, proclame que son inten-
sité est partout proportionnelle à la raideur moyenne du relief
terrestre.
L'homme dont nous parlons est l'auteur du présent ouvra^.
A une époque où la France semblait se désintéresser presque
complètement de ce genre d'études, il a su trouver avant tout
autre l'exacte formule générale du phénomène, conservant ainsi
à notre pays l'honneur d'une constatation de première impor-
tance. Ce n'est pas dans une imagination plus ou moins riche
qu'il en a trouvé les éléments. Nul n'a plus consciencieusement
étudié que lui la répartition des régions instables à travers le
globe. Nul n'a dépouillé avec plus de soin tous les documents
scientifiques ayant trait aux pays considérés. Nul n'a pris plus
de souci de mettre sous les yeux du lecteur toutes les pièces de
son enquête.
Aussi, nous en sommes persuadé, ceux qui liront cet « ouvrage
de bonne foi » et en même temps de science, qui s'appelle la
Géographie séismologique, n'auront-ils pas de peine à souscrire
aux conclusions de l'auteur. Avec lui, ils s'étonneront qu'il ait
fallu tant d'efforts et de temps pour arriver à chercher dans
l'écorce elle-même, et non au dehors, la cause des mouvements
qui l'agitent. A la lumière des statistiques et des cartes de l'au-
teur, ils reconnaîtront que les régions instables du globe coïn-
cident avec les bandes plissées et disloquées où se sont autrefois
déposés les sédiments marins épais, au fond de plis à la place
desquels se dressent aujourd'hui les chaînes de montagnes les
plus modernes.
De cette façon, les tremblements de terre apportent la preuve
du défaut d'équilibre de ce c plancher des vaches », sur la sta-
bilité indéfinie duquel le vulgaire est si accoutumé à compter.
De même que, sous l'influence des variations de la chaleur ou de
la sécheresse, les pièces d'un meuble jouent le long de leurs
assemblages^ en faisant parfois entendre des craquements, ainsi
les éléments de la marqueterie terrestre laissent voir qu'ils
n'ont pas conquis leur assiette définitive, et le jeu en est d'au-
PRÉFACE V
tant plus sensible qu'il s'agit de portions plus récemment dislo-
quées par les phénomènes orogéniques. Les compartiments
glissent le long des cassures qui les limitent, et chacun de ces
déplacements, opérés par saccades, fait vibrer toute la région
avoisinante.
Mais, ainsi que l'établit clairement la statistique de M. de
Montessus, les effets de ce tassement s'atténuent avec le
temps. Pendant que l'impitoyable érosion, poursuivant tou-
jours son œuvre, rabote patiemment les montagnes pour en
mener les débris à l'océan, le territoire correspondant gagne
peu à peu en stabilité ce qu'il perd en relief. Un jour viendra
où, réduit à la condition de ce qu'on nomme une pénéplaine,
il sera incorporé aux massifs de très ancienne consolidation
qui ont formé les premiers noyaux des masses continentales;
noyaux qu'il est bon de choisir de préférence pour y asseoir
sa demeure, si Ton veut se mettre le mieux possible à l'abri d'un
danger justement redouté.
Il y a peu de jours, devant les cinq Académies réunies,
M. de Foville faisait applaudir une apologie de la statistique,
qu'il présentait comme la source féconde de toutes les consta-
tations utiles à l'humanité. C'est de cette école que procède
M. de Montessus, et on doit le féliciter d'avoir donné, dans le
domaine des sciences naturelles, une démonstration aussi con-
vaincante de la thèse soutenue par l'éminent académicien.
Â. DE Lapparent.
Novembre 1905.
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
INTRODUCTION
LA MÉTHODE ET LES RÉSULTATS GÉNÉRAUX
1. — Historique succinct des théories séismoloffiques.
Les tremblements de terre^ ou les séismes (séismos; ébranlement) ,
relèvent en général de causes géologiques plus ou moins profondes,
dont le mystère se manifestait encore il y a une trentaine d'années
par l'exagération même du nombre des théories et des hypothèses
arbitraires que l'imagination faisait éclore à chaque catastrophe.
On peut dire que depuis l'antiquité et le moyen âge jusqu'au dernier
tiers du xix* siècle aucun progrès sérieux ne s'était produit dans cette
branche des connaissances humaines, dont l'importance se mesure
cependant par le nombre des victimes et la grandeur des dommages
qui, chaque année, forment le triste bilan du terrible phénomène séis-
mique. C'était le chaos, la confusion ; des lois empiriques, basées
sur des statistiques locales et restreintes, quand elles n'étaient pas
le simple fruit de la fantaisie scientifique, mettaient les séismes en
relation avec les plus disparates manifestations des forces qu'étudie
une science moderne, la Géophysique, science de ce qu'on pourrait
appeler la Vie du globe : la nuit et le jour, ou la rotation de la Terre ;
les saisons, ouïe mouvement de la Terre autour du Soleil; les phases
et les distances apogées ou périgées de la Lune, ou son mouvement
autour de la Terre et du Soleil ; les pluies d'étoiles filantes et les
chutes d'aérob'thes ; les variations de la température et de la pres-
sion atmosphériques, etc. On pourrait presque indéfiniment allonger
cette liste de relations astronomiques et météorologiques.
Toutes ces théories, exposées par Gunther ^ et plus spécialement
* Handbuch derGeophysik (I. p. 437, Stuttgart. 1897).
De MoanmtUB. — TrembleoieBU de terre. 1
2 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
pour ce qui concerne Tantiquité classique par Otto S péchaient parla
base ; elles cherchaient les causes des mouvements de Técorce ter-
restre hors de cette écorce même, en un mot hors du milieu où ils se
produisent, erreur capitale qui régnait en maîtresse dans toutes les
études relatives aux tremblements de terre : sa disparition fera la
gloire des séismologues modernes, lorsque plus tard on aura peine
à comprendre combien de temps et d'efforts il aura fallu pour arriver
à l'idée simple de faire des secousses du sol un phénomène purement
géologique et de toutes les époques.
Ce n'est pas, cependant, que certains esprits, plus avisés et plus
clairvoyants, n'aient jamais entrevu la bonne voie : au-dessous de la
^urfaoe terrestre y non au-dessus. Les anciens Japonais croyaient aux
soulèvements d'un gigantesque animal vivant sous terre, et divers
peuples de l'Orient ont partagé de semblables opinions ou supersti-
tions ; les cyclopes ou autres géants n'ont-ils pas joué un rôle sis-
mogénique dans l'antiquité classique? Des philosophes comme Aris-
tote ■ mettaient en avant le mouvement de l'air dans les entrailles
de la Terre et les chocs qui en résultaient, pensaient-ils, contre les
piliers, soutiens de l'écorce solide. A cette cause, Lucrèce ' ajoute
les éruptions volcaniques et des éboulements souterrains. Il est
permis de penser que l'intervention, dont parle Sénèque*, d'un spi-
ritus doit être identifiée avec celle de la vapeur d'eau, ce qui nous
rapprocherait sensiblement de plusieurs conceptions très modernes,
celles de Daubrée', de Stanislas Meunier' et de Gerland% action de
la vapeur d'eau surchauffée au contact des masses internes à haute
température et explosions gazeuses à la surface limite du magma
interne.
Ainsi donc, dès l'antiquité, de bons esprits cherchaient l'origine
des tremblements de terre là seulement où logiquement on pouvait
espérer la rencontrer, mais sans que leurs opinions isolées aient joui
d'une vogue plus durable que les autres, tellement que Galilée % dans
• Anschauungen der Griechen und RCmer ùber Erdbeben und Valkaniemus (Pro-
gramm d. deutschen K. K, StoaU-ReaUchule in Budweis, 1903).
• Meleorologia, lib. II, cap. 6.
• De natura rerum, lib. VI, vers 534 et suiv.
• Nat. quœst., lib. VI, cap. 21.
• Los régions invisibles du globe et les espaces célestes (Bibl. scient, inlem., 488S,
p. 105, Paris).
• Théorie nouvelle des tremblements de terre [Mém. Soc. se, nat. de ScLÔne-et-Loire,
VI, 107, 1887).
' Das sûdwestdeutsche Erdbeben yom 22. Januar 1896 {VerfiandL d. Ges. f. Brd-
ieunde zu Berlin, XXXI. 129).
• Opère di Galileo Galilei, éd. Alberî. XIV. Florence, 1856.
INTRODUCTION 3
une liste de questions à Tordre du jour de son temps, se posait
la suivante sans la résoudre : Se la cagione de tremuoti si deve sti^
mare esse sopra o sotto de la terra ? Plus tard, les théories chimiques^
voire même électriques et magnétiques, qui d'ailleurs sont loin d'être
complètement abandonnées encore, virent le jour à mesure que la
science s'appropriait de nouveaux ordres de phénomènes, de sorte
qu'on peut dire que chacun de ces progrès successifs a enrichi la séis**
mologie d'une conception nouvelle, mais aussi éphémère que ses
devancières. Comme le but ici poursuivi n'est pas de faire l'histoire
de ces diverses théories, on se contentera de ces quelques détails
destinés seulement à faire comprendre combien le problème séismo-
logique a tenu de place dans les préoccupations des savants de toutes
les époques. C'était inévitable devant les ruines accumulées de tout
temps.
Il faut arriver au xix* siècle pour voir la géologie suffisamment
développée revendiquer hautement les tremblements de terre comme
lui appartenant en propre. Actuellement, on ne voit dans ces phéno-
mènes que des incidents qui préparent, accompagnent ou suivent
les grandes vicissitudes de la vie du globe, c'est-à-dire les phases
successives par lesquelles a passé et passe constamment Técorce
terrestre, et dont nous ne percevons jamais qu'un état momentané
et passager, devant le lent cinématographe du perpétuel devenir géolo-
gique de la planète.
Déjà C.-F. Naumann^ avait divisé les tremblements de terre en
platoniques et volcaniques, classification longtemps et assez géné-
ralement acceptée, malgré l'opposition que lui fit de Humboldt avec
toute l'autorité qui s'est toujours attachée à son fameux Cosmos^.
Mais cette division apparut bientôt comme insuffisante, et surtout
vague en ce qui concerne les secousses plutoniques, et l'on peut
dire que c'est à Hœmes* que revient l'honneur d'avoir donné
droit de cité à la nomenclature actuellement adoptée par tout le
monde : tremblements de terre volcaniques, d'éboulement et tecto-
niques, suivant qu'ils sont en relation avec les volcans, avec les
ruptures d'équilibre qui doivent se produire à la suite des phéno-
mènes de dissolution dans l'intérieur des couches sédimentaires, ou
* Lehrbuch der Geognosie, I, 281. Leipzig, 1850.
■ Traduction de Faye et Galuski. IV, p. 202, Paris. 1859. Cf. J. Dûck. Die Stellung
Alezander von Unmboldts zur Lelire von den Erdbeben {Die Erdbebenwarte, HI. 59,
Lûbach. 1903).
' Die Erdbebentheorie Rudolph Falbs und ih^ wisaenscfidfllichê Grundlage krilisck
erôrUrt (p. 118, Wîen, 1881).
4 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
avec les dislocations qui ont façonné l'ossature terrestre, ou mieux
son toit {Tectonikè, art du charpentier).
Depuis cette époque mémorable pour la séismologie, puisqu'elle
date son entrée dans une voie féconde, et même auparavant, bien
des séismologues et des géologues ont cherché, pour un grand
nombre de tremblements de terre, à déterminer dans les régions
ébranlées quels accidents tectoniques en peuvent avec plus ou moins
de vraisemblance être rendus responsables. Cette étude ne donne
pas toujours de résultat bien probant, soit qu'il y ait à choisir arbi-
trairement entre plusieurs phénomènes géologiques, soit même qu'il
ne s'en manifeste pas d'apparent à la surface. En tout cas, aucune loi
générale ne s'est encore dégagée de ces recherches, et on ne s'explique
guëre jusqu'à présent comment, par exemple, des failles analogues et
de même âge peuvent ici conserver un reste de mobilité, se tradui-
sant par des secousses du sol, et là se montrer en parfait repos.
Entre temps, et à mesure que l'influence de la géologie se faisait
sentir, la séismologie avait suivi le courant de la science moderne et
éprouvé l'impérieux besoin de se soumettre aux méthodes de mesure.
A la suite des Italiens surtout, d'innombrables instruments ont été
inventés, séismoscopes et séismographes, pour signaler et enregis-
trer les tremblements de terre, ces derniers appareils permettant de
mesurer toutes les circonstances du mouvement. En 1898, Ehlert*
pouvait en classer plus de 200, et en donner la théorie sommaire.
Ce nombre n'a cessé de s'augmenter. Pour leur invention et leur
usage, on fait appel aux plus délicates théories de la physique
mathématique et de la mécanique rationnelle et moléculaire. Des
observatoires spéciaux se sont créés dans beaucoup de pays, et cou-
vrent maintenant, malgré de regrettables et trop nombreuses lacunes
encore, presque toute la terre d'un réseau tel que l'on observe non
seulement les secousses séismiques du voisinage, mais même celles
qui se produisent aux plus grandes distances, tant est grande la
sensibilité des appareils modernes, dont les organes se mettent
en mouvement sous l'action des plus infimes vibrations de Técorce
terrestre. Malheureusement, dans un certain sens du moins, ces
brillantes études ont fait oublier le but, et les hautes questions
mécaniques ont tellement accaparé l'attention des savants, et même
des associations séismologiques, privées ou officielles, que Ton est
arrivé à négliger le problème fondamental, à savoir la cause même
* ZusammenBtellang, Erlâuterung und kritische Beuriheilung der wichtigsten Seis-
mometer mit besondere Beiilcksichtigiuig ilirer praktischer Verwendbarkeit {Beitrâge
sur Geophysik, III. 330. Leipzig, 1898).
INTRODUCTION 5
des mouvements de la surface terrestre, pour s'en tenir aux particu-
larités de ses vibrations et de ses ondulations. Qu'importe de signaler
à Borne un tremblement de terre de Tokyo, et inversement, de savoir
avec quelle vitesse il s'est propagé, de décider même que ses vibra-
tions ont suivi l'écorce terrestre ou la corde intérieure qui joint ces
deux villes, si l'on ignore pourquoi il tremble constamment en Italie
et au Japon, mais presque jamais en Sardaigne et en Corée?
L'extrême sensibilité des séismographes, que décelé l'allusion
précédemment faite à la possibilité d'observations aussi lointaines,
n'a pas été sans un très grave inconvénient : elle a introduit une
complication à laquelle on était tout d'abord loin de s'attendre, ces
appareils enregistrant toutes sortes de mouvements qui n'ont rien à
faire avec les tremblements de terre : effets sur l'écorce terrestre
des variations de la pression et de la température atmosphériques,
des attractions lunaire et solaire, des marées, des accumulations de
neiges et de glaces sur les calottes polaires, du vent, des phéno-
mènes mêmes de l'activité humaine. C'est ainsi que, pour en citer
un exemple récent et bien frappant, les instruments de la station
séismologique de Leipzig notaient depuis longtemps des vibrations,
très faibles d'ailleurs, mais d'origine tout à fait mystérieuse, d'après
leur allure très particulière ; or on vient de découvrir * qu'elles résul-
taient simplement des sonneries des cloches d'églises. Ce n'est pas
que cette introduction d'éléments étrangers aux mouvements d'ori-
gine purement tellurique n'ait son intérêt et son utilité, puisqu'Omôri'
est parti de là pour étudier l'état d'usure des ponts métalliques des
chemins de fer, Belar * celui des voies ferrées, et Napier Dennison *
pour prédire le temps, dernière application dont l'imprévu n'exclut
pas une parfaite réalité, dans certaines circonstances favorables telles
qu'elles se présentent à Victoria de Vancouver. Mais on est là dans
le domaine des applications et non de la véritable séismologie.
Tous ces mouvements, d'origine tellurique ou non, sont enregis-
trés par les séismographes et confondus sous le nom de microséismes^
celui de macroséismes étant réservé aux secousses sensibles à
* Etzold. Ueber die Aurzcichnung der infolge des Lautens der Kirchenglocken zu
Leipzig erzeugten Bodenschwingungen {Ber. d. mat, phys. Kl. d. Kôn, sdcfis, Ges. d,
Wiss, zu Leipzig. Silz. vom 14 nov. 1904, p. 304).
* Note on the vibration of railway-bridge piers (Publ. of Ihe earthquake inv. comm.
in foreign language, Tokyo, 1903, n» 12, p. 39).
* Ueber Verwendung von Erdbebenmesser bei Eisenbahnbrùcken (Die Erdbebenwarte^
I, N«2. Laibach ,1901).
* The seismograph as a sensitive barometer [Quart. Journ. of the Roy. Met. Soc,
XXVJI, N« 120, 1901).
6 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
rhorame, ainsi réduit au rôle de séismoscope, et c'est à ces derniers
seulement, ceux d'origine terrestre bien incontestable, qu'on donne
en propre le nom de tremblements de terre. Ce compromis néces-
saire avec la réalité des choses ne présente, d'ailleurs, aucun incon-
vénient dans la recherche que nous poursuivons ici, celle de la
répartition des tremblements de terre à la surface du globe et celle des
lois d'ordre géologique qui doivent en découler, — cela tout à fait
indépendamment de l'autre brancfie si importante et si intéressante
de la séismologie, où l'on étudie pour lui-même le mouvement séis-
mique vibratoire et ondulatoire,
S. — La répartition géographique des régions à, tremblements
de terre. Intensité des séismes et mesure de la séismieité.
Du fait même que les tremblements de terre prennent naissance
au sein môme de Técorce terrestre, la recherche de leurs causes géo-
logiques suppose la connaissance de la manière, certainement non
arbitraire, dont ils se distribuent à la surface des différents pays,
et du globe. On pourra donc leur trouver des relations avec les
phénomènes qui ont donné lieu à la structure des contrées où ils
sévissent, puis, s'élevant à de plus amples généralisations, les mettre
en parallèle avec les grandes vicissitudes de l'écorce terrestre tout
entière. C'est exactement de la même façon que les météorolo-
gistes se sont progressivement élevés de l'étude des climats
régionaux à celle des grands mouvements généraux de l'atmo-
sphère. Inversement, en ce qui concerne la séismologie, si Ton
parvient à mettre, d'une manière concordante sur toute la terre, les
séismes en relation avec les mêmes phénomènes géologiques, cet
accord dûment constaté montrera définitivement que les tremble-
ments de terre constituent des épisodes réguliers et normaux dans la
vie du globe terrestre, en un mot des phénomènes purement géolo-
giques.
La question ainsi posée, il devenait absolument nécessaire de con-
naître tout d'abord, et d'une manière approfondie, la répartition des
régions à tremblements de terre à la surface du globe, problème
préliminaire qui ne pouvait être utilement abordé qu'à notre époque,
où les explorations géographiques ont amené à connaître suffisam-
ment en détail toutes les contrées, môme celles qui naguère étaient
encore presque complètement inconnues. En même temps, le progrès
des études géologiques a marché du même pas, surtout en conséquence
de l'immense développement atteint par la construction des voies fer-
INTRODUCTION T
rées dans tous les pays du monde, et d'une âpre poursuite des métaux
précieux dans les contrées les moins accessibles. Ainsi donc, seule
la mise en valeur du domaine imparti à l'homme a permis, à ce
moment précis du commencement du xx^ siècle, d'aborder rationnel*
lement le problème séismico-géologique.
En ce qui concerne les tremblements de terre, les grands catalogues
généraux des Mallet S Perrey*, Fuchs', O'Reilly*, Rudolph*, don-
nent le moyen de rechercher comment ils se distribuent, au moins,
pour les pays d'ancienne civilisation et de longue culture scientifique^
et moins exactement, mais d'une manière suffiseufnment approché»
toutefois, pour les autres. Non seulement beaucoup de périodiques
ont des annexes séismologiques générales' ou régionales, ainsi
qu'on le verra lors de la description des différents pays, relatant le
plus grand nombre des macroséismes observés, mais encore il s'en
est fondé de spéciaux^, s'étendantà toute la terre. Enfin beaucoup
d'États se sont donné des organisations systématiques, ne laissant
échapper pour ainsi dire aucune secousse de leur sol plus ou moins
souvent ébranlé. Par suite de circonstances fort heureuses, plusieurs
États qui comptent parmi les plus tard venus à la civilisation, et
sont dénués de tout passé scientifique, se sont si bien mis à la
besogne que l'absence de documents anciens y a été vite et large-^
ment compensée. De la sorte, il s'est établi un commencement
d'équilibre entre nos connaissances séismologiques relatives à Tan-^
cien monde et celles que l'on possède maintenant sur les régions les
plus exotiques. Assurément, il reste encore bien des lacunes à
combler, des doutes à éclaircir, mais, tels qu'ils sont, les ren-
seignements actuels sont suffisants pour que l'on en puisse tirer
des vues d'ensemble et des lois générales.
* The earthquake Catalogue of ihe British Association [Trans. of the Br. Ass. f. the
adv. of. se, 1832 lo 1858).
• Catalogues annuels 1844-1872 [Mém. de l'Ac. roy. de Belgique).
• Slatistik der Erdbeben von 1865-1883 {Silzungsberichle d. K. K. Ak. d. Wm.. XCII,.
I. Abth., Wien, 1886).
*" Alphabetical Catalogue of the earthquakes recorde d as having occurred in Europe
and adjacent countries (Trans. of the roy. Irish Ac, XXVIII, Art. XXII. Dublin, 1886).
• Ueber submarine Erdbeben und Eniptionen (Beilrdge zur Geophysik, Bd. I. 133,
1887. — Bd. H, 537, 1895. — Bd. III, 273, 1898).
* C. Détaille. Statistique des tremblements de terre, 1883-1888 (VAslronomie). — D»
Montessus de Ballore {Ciel et Tei-re» Bruxelles, 1903...).
* Â. Belar. Mittheilungen der Erdbebenwarte an d. K. K. Staats-Oberrealschule la
Laibach (1900). Neueste Erdbeben-Nachrichlen (Die Erdbebenwarte, Laibach, 1901).
6. Gerland, und Br. Weigand. Monatsbericht d. K. liaupstation f . Erdbebenforschung
xu Slrassburg in E. (Juli. 1900...).
R. Schûtt. Mittheilungen d. Horizontalpendel Station Hamburg (October 1900...).
8 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Cette masse de documents a permis de récoler un nombre d'obser-
vations de tremblements de terre assez grand — actuellement plus
de 170 000 — pour qu'une description séismique de l'univers ne
présente plus que des lacunes sans importance^ et n'attende que les
améliorations correspondant au progrès futur de la civilisation sur
toute la surface de la terre. En un mot, le problème est devenu
abordable.
Du même coup il était devenu possible, au moyen de ces maté-
riaux considérables, de réfuter par la statistique les nombreuses lois
empiriques énoncées sur les relations entre les tremblements de
terre et les phénomènes naturels les plus hétéroclites, lois qui, basées
sur des observations en nombre très insuffisant, étaient le plus sou«
vent contradictoires de pays à pays, ce qui en prouvait le peu de
valeur. Il est entendu qu'il faut faire exception en faveur d'une
importante catégorie de mouvements pseudo-séismiques enregistrés
par les appareils séismographiques et qui, ne provenant pas de véri-
tables tremblements de terre, peuvent, dès lors, relever de phéno-
mènes extérieurs à la planète, et dont on ne saurait nier l'action sur
Técorce terrestre ; ceux-ci peuvent obéir à des lois de périodicité.
Il s'agit de voir maintenant comment a été conduite la mise en
oeuvre de ce vaste catalogue, en vue de la description séismique de
l'univers.
Tout d'abord, il nous avait paru désirable, nécessaire même, d'in-
troduire un élément de mesure, une appréciation numérique de
l'instabilité relative des diverses régions du globe. C'est ainsi que
nous avons été amené, il y a longtemps déjà, à définir la séismicûé
d'un pays petit ou grand.
Il est évident a priori que l'importance des tremblements de terre
résulte, pour une contrée donnée, de deux éléments : leur fréquence
annuelle moyenne et l'intensité qu'ils y atteignent. Le premier fac-
teur est facile à obtenir ; il suffit que des observateurs s'attachent
pendant un certain nombre d'années à recueillir et à discuter les
secousses sensibles à l'homme. Ce résultat a été obtenu pour un ti-ès
grand nombre de régions, et il s'en ajoute chaque année de nou-
velles, sous l'impulsion qu'ont fait naître dans le monde entier les
deux conférences séismologiques internationales de Strasbourg en
1901 et 1903. L'expérience montre qu'il faut, pour compter sur une
approximation suffisante, posséder au moins 50 années d'obser-
vations, ce qui n'a encore lieu actuellement que pour Zante et cer-
taines des îles des Indes néerlandaises. C'est que le phénomène
séismique est extrêmement irrégulier dans son allure. On rencontre
INTRODUCTION 9
des pays où les secousses se font sentir assez régulièrement, mais
d'autres aussi où elles présentent des maximums de fréquence, des
paroxysmes, que séparent de plus ou moins longs intervalles de
repos. Ce dernier cas se présente souvent à la suite des grands trem-
blements de terre, accompagnés parfois de nombreuses secousses
prémonitoires et consécutives. 11 faut donc de longues, très longues
périodes pour éliminer leur influence sur la moyenne vraie.
L'intensité est un élément beaucoup plus difficile à apprécier numé-
riquement d'une manière rationnelle ; on peut même dire qu'on n'y
est pas encore parvenu, tant s'en faut. On a bien des échelles, mais
elles sont toutes fort arbitraires. La plus communément employée
est celle dite de Rossi-Forel, basée sur les effets des tremblements
de terre sur les sens de l'homme et les éléments de ses habitations.
On comprend de suite que les constructions, leurs matériaux, et la
nature du sol sur lequel elles sont établies, introduisent de pays à
pays des différences qui faussent toute comparaison. Quoi qu'il en
soit, voici cette échelle avec tous ses défauts constitutifs :
Intensités (de I à X).
Microséismes :
l. Mouvement non noté par tous les appareils de systèmes diffé-
rents. Senti par quelques observateurs exercés.
Macroséismes :
IL Tous les instruments sont actionnés. Le mouvement est cons-
taté par un petit nombre d'observateurs au repos.
IIL Ébranlement senti par un grand nombre de personnes au
repos. La durée et la direction sont discernables.
IV. Ébranlement perçu par des personnes en état d'activité. Mou-
vement d'objets mobiles, portes et fenêtres ; craquement des plan-
chers.
V. Ressenti par tout le monde. Mouvement d'objets importants,
meubles, lits. Les sonnettes sont actionnées.
VI. Réveil général des dormeurs. Oscillations des lustres, arrêt
des pendules et horloges, mouvement sensible des arbres. Quelques
personnes effrayées s'enfuient hors des habitations.
VIL Objets mobiles renversés, chute du mortier et des plâtres des
toits et des murs, arrêt des horloges publiques, effroi général.
VIII. Chute des cheminées, crevasses dans les murs.
IX. Ruine partielle ou totale de quelques édifices.
X. Désastres et ruines. Bouleversement de couches terrestres,
crevasses et failles. Ëboulements de montagnes.
40 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Gancani * a tenté d'améliorer l'échelle de RoBsi-Forel en lui don-
nant une base mécanique, mais jusqu'à présent l'usage de cette nou-
velle échelle n'a point prévalu, parce qu'elle nécessite des mesures
délicates, impraticables pour le plus grand nombre des observateurs.
Le regretté séismologue fait intervenir les accélérations du mouve^
ment imprimé aux particules terrestres par les secousses des divers
degrés de l'écheUe précédente prolongée de deux degrés, ainsi qu'il
suit :
AGGBLÉRATIONS
INTENSITÉS correspondantes, en millimètres
par seconde.
I. Secousse instrumentale Au-dessous de 2,5
II. Très légère — 2,5 à 5,0
III. Légère — 5 à 40
IV. Sensible ou médiocre — 10 à 25
V. Assez forte — 25 à 50
VI. Forte — 50 à 100
VII. Très forte — 100 à 250
VIII. Ruineuse — 250 à 500
IX. Désastreuse — 500 à 1000
X. Très désastreuse — 1000 à 2500
XI. Catastrophe — 2500 à 5000
XII. Grande catastrophe — 5000 & 10000
Même en considérant l'échelle de Cancani comme véritablement
rationnelle, son emploi dans la recherche de la séismicitédes diverses
régions du globe serait tout à fait illusoire, en raison de la pauvreté
des renseignements donnés sur la plupart des tremblements de
terre. Dans ces conditions, il fallait de toute nécessité chercher à
éliminer l'intensité, et nous avons pu heureusement le faire grâce à
une statistique particulière*. Pour 7 924 séismes japonais, Milne' a
donné les axes soigneusement déterminés des aires elliptiques ou
ovales ébranlées. Or, pour un très grand nombre de secousses, cette
aire peut être considérée comme une mesure approximative de leurs
intensités. En divisant la surface du Japon en 44 régions séismiques
particulières, nous sommes arrivés à ce résultat que fréquence
et intensité moyenne varient grosso modo dans le même sens.
Dès lors, on pouvait se passer de la connaissance de l'intensité pour
l'évaluation de la séismicité, et s'en tenir uniquement à la recherche
* Sur remploi d'une double échelle séismique des intensités empirique et absolue
(C. R. 2* Conférence séismologique iniem. de Strasbourg^ 24-28 juillet 1903, p. 281).
* Relation entre la fréquence des tremblements de terre et leur intensité [Bail. Soc.
sism. liai., III, 9. Modène, 1897).
* A catalogue of 8331 earthquakes recorded in Japan between 1885 and 1892. Ares of
shaken areas (The seism. joum. ofJapan^ IV, 245. Tokyo, 1895).
INTRODUCTION M
de la fréquence, à condition toutefois de disposer d'un nombre suf-
fisant d'années d'observations.
Si maintenant, dans une région de surface A, exprimée en kilo-
mètres carrés, on a en p années observé n séismes, la fréquence
annuelle moyenne sera « = — ; -i- sera le nombre annuel moyen de
séismes par kilomètre carré, et V/ -r- le côté des carrés en lesquels
on pourrait décomposer la région de telle sorte qu'il y tremble une
fois par an, à supposer que les tremblements de terre s'y produisent
uniformément et à des intervalles réguliers. C'est ce nombre qu'on
a pris pour mesure de la séismicité de la région considérée, de sorte
qu'elle est d'autant plus stable ou instable que ce nombre est plus
grand ou plus petit. Cette méthode a été appliquée au monde entier,
mais nous devons reconnaître qu'elle n'a pas donné les résultats
que nous en attendions, non seulement parce que les fréquences ne
sont pas connues avec des approximations sufGsantes dans les
diverses régions, ni surtout comparables, mais encore parce que
l'uniformité supposée de la séismicité est d'autant plus éloignée de
la réalité que la surface A est plus grande. La méthode ne donnerait
de bons résultats qu'en l'appliquant à des surfaces égales, ou sensi-
blement égales, le degré carré par exemple. Il a donc fallu l'aban-
donner, en dépit de son apparence rationnelle, et s'en tenir à une clas-
sification empirique des caractères de stabilité ou d'instabilité. Nous
appellerons donc dans cet ouvrage séismiques les pays où les trem-
blements de terre sont fréquents et parfois plus ou moins désas-
treux, pénéséismiques ceux où, à des degrés divers fréquents, ils
restent simplement sévères, aséismiques enfin ceux où ils sont faibles
et rares, ou même complètement inconnus. Cette classification, pour
artificielle qu'elle soit, a cependant suffi pour faire découvrir, ainsi
qu'on le verra plus loin, les relations générales des tremblements
de terre avec la géologie des pays qu'ils ébranlent, et c'est bien
tout ce qu'on pouvait lui demander.
3. ~ Les mappemondes séismographiques antérieures.
11 existe deux mappemondes séismographiques, antérieurement
établies par Mallet et par Milne. On ne peut négliger d'en parler ici
parce qu'elles sont fort connues, et que, bien des fois reproduites,
elles ont été et sont encore le point de départ de travaux de
valeur. Il faut bien aussi justifier, par l'amélioration des résultats
42 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
plus précis obtenus, le travail considérable que nous nous sommes
imposé depuis plus de vingt ans pour établir la mappemonde qui
figure dans cet ouvrage, et en constitue la base fondamentale.
En 1858, Mallet a publié à la suite de son grand catalogue séis-
mique un quatrième et dernier rapport, mémoire d'ensemble sur
ce que Ton savait alors sur les tremblements de terre, et il le termina
par une mappemonde séismographique, qui n'a pas été refaite depuis
sous cette forme. Remarquable pour une époque où les observations
systématiques n'existaient encore nulle part, elle était malheureuse-
ment, en partie du moins, basée sur l'estime, les documents de cette
époque étant aussi insuffisants qu'était incomplète et remplie de
lacunes considérables l'exploration des pays exotiques. Il ne faut
donc pas s'étonner de la voir différer sensiblement de la nôtre, le
grand séismologue anglais n'ayant pu, comme nous, utiliser l'énorme
matériel des observations recueillies partout depuis. Mais, défaut
certainement beaucoup plus grave, Mallet, conformément aux idées
en cours de son temps, confondait activité volcanique et instabilité
séismique, deux manifestations proche parentes, mais non identiques
et indépendantes l'une de l'autre, des forces terrestres internes. Ce
n'est pas avec le but puéril d'établir une comparaison avantageuse,
si bien facilitée par l'augmentation des matériaux séismologiques,
que nous parlons de cette ancienne mappemonde, mais seulement
pour mettre en garde contre les théories qu'elle a suggérées, et aux-
quelles elle a servi de base supposée exacte, comme par exemple la
théorie deLallemand', lorsqu'il l'a utilisée pour mettre les volcans et
les tremblements de terre en relation avec les lignes de déformation
de l'écorce terrestre dans le système tétraédrique fameux de Low-
thian Green. Cette manière d'interpréter les principales lignes de
relief ou de corrugation de la surface terrestre trouve dans la nou-
velle mappemonde une confirmation beaucoup moins probante.
Ainsi qu'en témoignent de nombreux travaux, la fameuse tliéorie
tétraédrique de Lowthian Green*, condensée et résumée avec tous
ses développements ultérieurs par Arldt', occupe une telle place
dans les spéculations de la géographie et de la géologie générales,
qu'il serait étrange de voir la répartition actuelle des régions à trem-
blements n'apporter aucun argument pour ou contre cette brillante
• Volcans et tremblements de terre ; leur relation avec la flgure du globe (Bull. soc.
astron. de France, Mai 1903, 213. Paris).
■ Vestiges of the mollen Globe as exhibiled in the figure of Ihe eartKs volcanic action
and physiography (Part I. London, 1875. Part II. Uonolulu, 1887).
' Arldt. Die Gestalt der Erde {Beitrdge zur Geophyslk, VII, 283. Leipzig, 1905).
INTRODUCTION 13
conception. On ne peut entrer ici dans le détail des résultats que
cette comparaison permettra d'obtenir d'une recherche spéciale non
encore terminée, et fort délicate ; il suffira d'en indiquer succincte-
ment la portée probable. Si l'on prend le tétraèdre de Lowtliian
Green, avec ses paires de masses continentales méridiennes accou-
plées, figurant les arêtes émanées du quatrième sommet situé aux
terres antarctiques, on voit que les régions instables ne se coordon-
nent pas sur ces arêtes, qui devraient être, pensait-on, des lignes
de moindre résistance et de plus grande mobilité. Elles ne corres-
pondent pas davantage aux arêtes du tétraèdre admis par Michel
Lévy^, ni à celles de la double pyramide triangulaire de Marcel
Bertrand*. On ne trouve de relation un peu conforme aux éléments
d'un tétraèdre de déformation, celui d'ailleurs de Lowthian Green,
qu'en se rappportant à l'opinion émise par de Lapparent', d'après
laquelle « la logique et l'observation conduisent à penser que les
compartiments soulevés [sommets : boucliers canadien, baltique,
sibérien] sont limités, relativement aux autres [faces : dépressions
océaniques], par des cassures, lesquelles, au lieu d'être dirigées
suivant les arêtes du tétraèdre, doivent, au contraire, les couper
obliquement. Tel est justement le cas de la grande dépression du
Pacifique, si constante au travers de tant de périodes géologiques... »
11 y aurait donc accord suffisant entre ces déformations tétraédriques
et la distribution des régions à tremblements de terre, puisque
ceux-ci, ainsi qu'on le verra, s'accumulent sur le géosynclinal cir-
cumpacifique, dont la relation avec le tétraèdre vient d'être énoncée,
et sur le géosynclinal méditerranéen, résultant d'une torsion du
tétraèdre de Green, sous l'influence de causes d'ordre astronomique.
Dès lors Taséismicité des sommets serait pleinement justifiée aussi
par la théorie tétraédrique.
C'est dans un tout autre ordre d'idées que Milne, dans un mémoire
récent, et à juste titre fort remarqué, a, en 1903 *, cherché la forme et
la situation des zones limitées de la surface terrestre d'où émanent
ce qu'il appelle les macroséismes, c'est-à-dire les tremblements de
terre enregistrés dans les observatoires séismologiques situés à grande
distance de l'origine, lorsque ces mouvements se font sentir sur une
* Sar la coordination el la répartition des fractures et des effondrements de l'écorce
terrestre en relation avec les épanchements volcaniques (Bull. soc. géol. France t 3« sér.,
XXVI, 103, 1898).
* Déformation tétraédrique et déplacement du pôle (C. R. Ac. Se. Paris, GXXX, 1900.
449).
' Sur la symétrie tétraédrique du globe terrestre (Ici., 614).
* Seismological observaUons and Earth Physics (Geo^r. Joum. London, January, 1903).
14 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
notable partie de la surface terrestre, ou même sur sa totalité. Ce der-
nier cas s'est présenté notamment pour le grand désastre de rAssam,
du 12 juin 1897 : ses vibrations, propagées dans tous les sens autour
de l'origine, se sont rencontrées à l'antipode, centime de conca-
mération, puis sont revenues se faire de nouveau enregistrer dans
rinde après avoir fait deux fois le tour du globe, imitant de la
sorte les ondes atmosphériques et marines déterminées par la gigan-
tesque explosion du Krakatoa en 1883. Passant légèrement sur l'in-
convénient qu'il y a de détourner le mot macroséisme de sa signiGcation
généralement adoptée, pour désigner seulement les secousses, faibles
ou violentes, mais sensibles à l'homme considéré comme un véritable
séismoscope, alors que le terme de téléséisme est couramment adopté
pour celles que Milne a en vue, et dont les vibrations se propagent
au loin, — il y a lieu de discuter ici cette seconde mappemonde
séismique, établie par une méthode extrêmement originale. Elle est
basée sur la possibilité de déterminer dans les observatoires la dis^
tance à laquelle s'est produit un tremblement de terre qui. a ébranlé
un pays inconnu, au moyen des séismogrammes qu'il a tracés sur
les appareils de plusieurs stations. La solution de cet intéressant
problème est, au moins tliéoriquement, assez simple, ainsi qu'on va
le yoir. Cette question a été fort lucidement exposée par M. de Lappa-
rent, pour le grand public d'abord S puis plus techniquement dans
un rapport présenté à l'Académie des sciences de Paris ^
Sans vouloir ici exposer une des méthodes les plus ingénieuses
de la séismologie physique, il est nécessaire toutefois de donner
quelques détails succincts, pour faire apprécier exactement à leur
juste valeur les résultats qu'on peut attendre de la mappemonde de
Milne.
. Un séismogramme complet, c'est-à-dire la courbe tracée sur un
appareil quelconque par un tremblement de teri'e, petit ou grand,
d'origine rapprochée ou éloignée, présente trois genres distincts
d'ondulations ou de vibrations : 1"^ des frémissements préliminaires,
décelant de très courtes oscillations inférieures au millimètre et
d'une période variant deO",l à 5'',2 ; 2^ des vibrations de plus d'am-
plitude et de plus longue durée ; 3** de grandes ondulations d'une
période de 15 à 20". On admet généralement' que les premières
* Les frémissements de Tëcorce terrestre (Le Correspondant, n» du 10 avril 1903, 110).
* Journal des savants (1903, 113).
* À. Belar. Einiges ûber die ÂufzeichBungen der Erdbebenmesser (Die Erdbebenwarte.
Jahrg. 1, 77, 95. Laibach, 1901).
A. Sieberg. Wie pûanzen sich die Ërdbebeuwellen fort? (Dos Wellall, 60, 75, Berlin. 1902).
INTRODUCTION
15
résultent de la
propagation du
mouvement
séismique au
travers de toute
la masse terres-
tre avec une vi-
tesse de quel-
ques 10 kilo-
mètres à la se-
conde, et que
les autres cor-
respondent aux
mouvements
horizontaux et
verticaux de
Técorce terres-
tre , avec des
vitesses respec-
tives d'environ
5 et 2,5 à 3 ki-
lomètres à la
seconde. L'in-
tervalle de
temps écoulé ,
et mesuré au
séismographe,
entre ces di-
verses inscrip-
tions, permet-
tra de calculer
la distance de
l'épicentre in -
connu du trem-
blement de
terre. Que plu-
sieurs ohserva-
toires se livrent
au même calcul
pour un même
téléséisme , et
m.
D
o
'5b
S
0
.2
a
S
s
g
o
a
te
12
46 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
l'origine en pourra être localisée par ses coordonnées géographiques,
sans qu'on ait besoin d'autres informations, dont précisément la
connaissance ultérieure permettra de vérifier l'exactitude de Temploi
ainsi fait des séismogrammes.
Cette méthode est assurément fort ingénieuse^ mais de quel degré
d'approximation est-elle susceptible ? C'est ce qu^il importe d'exa-
miner. Pour nous en faire une idée, reprenons par exemple le trem-
blement de terre de l'Assam du 12juin 1897. Il n'eut pas d'épicentre
véritable, mais il présentait une énorme surface épicentrale en forme
de triangle curviligne dont la base s'étendait, en direction E.S.E., de
Rangpur au delà de Sylhet, sur plus de 340 kilomètres, et sa hauteur,
de 160 kilomètres, franchissait la vallée de Brahmapoutre pour
atteindre le pied de l'Himalaya oriental. Le mouvement géologique
a vraisemblablement affecté d'un bloc toute cette aire immense.
On doit donc admettre que, dans ce cas, les erreurs de la méthode
auraient atteint au moins, sinon dépassé, les dimensions de ce vaste
triangle. Autrement dit, la localisation de l'épicentre par la méthode
indiquée aurait pu tomber hors du triangle.
Autre difficulté, peut-être encore plus grave. Beaucoup de télé-
séismes, observés par les séismogrammes seuls, ne trouvent pas de
contre-partie en des tremblements de terre signalés plus tard, et
cependant il est à penser qu'aucun séisme important n'échappe
maintenant à l'observation, tant sont développés les moyens d'infor-
, mations, de sorte que toute vérification ultérieure manque. Il est
d'ailleurs juste de reconnaître que cette objection pourrait, dans une
certaine mesure, confirmer les résultats de la mappemonde de Milne,
dont les zones séismiques sont en grande partie situées en plein océan,
où les observations séismiques sont fort difficiles et assujetties aux
hasards d'une navigation plus ou moins intensive.
Ce n'est pas tout : si la vitesse de propagation des vibrations de
la première espèce paraît à peu près constante, parce qu'elles traver-
sent un milieu sinon isotrope, du moins composé de couches con-
centriques vraisemblablement homogènes, et devant les dimensions
radiales desquelles on peut négliger Técorce externe, il n'en va pas
de même des vibrations des deuxième et troisième espèces qui, elles,
se propagent le long et au travers de l'écorce hétérogène et irrégu-
lière. Leurs vitesses de propagation sont très variables, dans des
limites impossibles à prévoir, et de fait les meilleures évaluations
difièrent considérablement entre elles, les nombres mentionnés plus
haut n'étant que des indications sur leur ordre moyen de grandeur,
soumises à de nombreuses et importantes perturbations suivant les
INTRODUCTION 47
lieux et le trajet parcouru. Il faut aussi, de toute nécessité, que les
séismographes employés par les divers observatoires soient identi-
ques, condition d'ailleurs réalisée dans le travail de Milne.
Il est donc prudent de considérer comme entachées d'erreurs
notables les déterminations de distances faites jusqu'à présent par
cette méthode, malgré les vérifications qu'elles a permises, et nous
ne pensons pas que, dans Tétat actuel de la séismologio, on puisse
aller plus loin que d'y voir une simple indication par estime de la
région probable où s'est produit le séisme, tant que des informations
régulières n'auront pu limiter son épicentre. C'est beaucoup et peu
tout à la fois.
Ceci posé, et sans entrer comme nous l'avons fait ailleurs' dans
la critique de détail des résultats obtenus par Milne dans le mémoire
précité, et qu'il a complétés dans ses rapports annuels de 1903 et
de 1904 à l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences,
voici comment le savant séismologue anglais a utilisé 265 téléséismes
des années 1899 à 1903, qui ont été observés dans les 38 stations
du réseau mondial anglais pourvues de son séismographe. Il a trouvé
que leurs épicentres calculés se groupent sur 12 régions bien déter-
minées, et régulièrement ovalaires, forme assez étrange a priori.
Cinq d'entre elles sont purement océaniques, six sont situées sur
terre et sur mer, et une seule est exclusivement continentale. Ces
ovales sont les régions d'où sont émanés pendant la période consi-
dérée les tremblements de terre que Milne regarde comme liés aux
mouvements généraux de l'écorce terrestre, ainsi qu'à ses principales
lignes de relief et de corrugation. A tenir les 12 ovales de Milne
comme la représentation de la manière dont les tremblements de
terre se répartissent sur la surface terrestre, et en comparant sa
mappemonde séismique à la nôtre, dont l'exactitude repose sur plus
de 170 000 observations utilisées, il n'y a pas lieu, pour donner
l'avantage à cette dernière, de s'arrêter à l'objection que ces ovales
ne recouvrent point certaines régions connues par leur instabilité
bien avérée et très caractérisée, comme l'Andalousie, la Californie,
et à un moindre degré la Baïkalie et la Nouvelle-Zélande, car on
pourrait répondre que cela tient uniquement au petit nombre
d'années, cinq seulement, dont Milne a pu disposer, ces lacunes pou-
vant se combler ultérieurement. Mais ce qu'on ne saurait admettre,
c'est l'existence môme de deux ovales, celui de Terre-Neuve et sur-
tout celui de l'Océan Indien, avec respectivement 5 et 21 ori-
' Sar les régions océaniques instables et les côtes à vagues sismiques (Arch. Se. pk.
et nat. de Genève, Juin 1903, 640).
Di lIoHTissot. — Tremblements de lerre. 2
18 GEOGRAPHIE 8ÉI8MOLOGIQUE
gines de téléséismes sur 265, soit 10 p. 100, alors que ce sont des
régions maritimes d'une parfaite stabilité, ainsi qu'on le verra.
Gomment admettre encore que ces zones d'instabilité^ car il faut
bien entendre de la sorte les ovales en question, mordent notable-
ment sur le Nord de l'Australie, l'Hindoustan et le Sénégal, où les
tremblements de terre sont à peu près inconnus? La moitié tout
entière de Fovale des Açores couvre une partie de l'Atlantique pour
laquelle, en dépit d'une navigation fort intense, on ne connaît pour
ainsi dire aucun séisme sous-marin, ce qui contraste avec ce que
Ton sait de sa moitié méridionale. Que dire enfin de l'ovale des
terres antarctiques, avec seulement deux épicentres, il est vrai ? Ces
remarques suffisent à faire condamner l'application pratique d'une
méthode théorique que son ingéniosité ne suffit pas à justifier,
quoique, à dire vrai, elle ait donné d'une manière générale une dis-
tribution des centres d'instabilité, et qu'elle puisse probablement
être grandement améliorée, quant à ses résultats, si l'on disposait
d'un plus grand nombre d'années d'observations; mais cela ne ferait
peut-être qu'accentuer la séismicité apparente des régions océaniques
mentionnées plus haut, malgré tout ce qu'on sait de leur immimité
séismique.
4. — Influence séismogénique du relief et des principaux
accidents géologiques.
Les foyers d'instabilité ne se répartissent pas arbitrairement à la
surface des pays à tremblements de terre : cette première recherche
a permis de mettre dans beaucoup de cas les séismes en relation
directe et évidente avec la géologie des régions ébranlées, et celte
répartition une fois connue a permis de voir combien les phénomènes
séismiques sont en étroite dépendance avec l'histoire géologique ;
elle fait nettement ressortir les caractères différentiels des régions,
suivant l'importance de ceux qui les agitent*.
Par suite de sa simplicité, l'influence du relief est la première qui
se soit dévoilée*. D'une façon générale, on peut dire que de deux
régions contiguës, par exemple les deux versants d'une vallée, les
deux flancs d'une chaîne de montagnes, les plaines et les hauteurs
voisines, etc., la plus instable est celle qui présente la plus forte
* De Montessus de Ballore. Introduction & un essai de description séismique du globe
et mesure delà séismicité (Beitràge zur Geophysik, IV, 334. Leipzig, 1900).
* Idem, Relations entre le relief et la séismicité (C. R. Ac, Se, GXX, 1183. Paris, 1895.
Arch, se. ph. nat. de Genève, 15 sept. 1895).
INTRODUCTION 19
pente moyenne, ou les plus grandes différences d'altitude, c'est-à-dire
le plus grand relief relatif ou absolu. La raison en est sans doute que le
relief estleplus souvent en raison de Timportance des dislocations, qui,
soit par leur manque d'équilibre, soit par la continuation des efforts
tectoniques qui les ont causées, appellent tout naturellement une plus
fticile production des tremblements de terre. Une telle loi était loin
d'embrasser tout le problème; d'ailleurs, elle est seulement relative, et
s'applique même dans les pays de faible séismicité. Elle suffit cepen-
dant pour faire soupçonner que les tremblements de terre sont en
intime relation avec les principales vicissitudes géologiques, surrec-
tion des grandes chaînes de montagnes et creusement des océans.
Il est beaucoup plus malaisé de déterminer l'influence séismogé-
nique locale, ou régionale, des principaux accidents tectoniques, plis-
sements, effirondements, surrections, failles, etc. \ Ëtant donné un
tremblementde terre, pour être certain qu'il a été déterminé par l'un de
ces accidents, il faut, si Ton ne veut pas faire d'hypothèse, vérifier
que ses isoséistes, c'est-à-dire les courbes qui sur le terrain limitent
les surfaces où il a atteint les divers degrés de l'échelle des intensités,
présentent des formes allongées dont l'axe coïncide avec l'accident.
Gela suppose des relations minutieusement circonstanciées, qui sont
bien loin d'exister en nombre aussi considérable qu'il le faudrait.
Cette coïncidence doit être assez parfaite pour dissiper toute espèce
de doute. Il faut, en outre, que plusieurs tremblements de terre de la
région présentent ce caractère. Si l'accident est d'une grande lon-
gueur, il arrive souvent que ce ne sont pas toujours ses mêmes par-
ties qui jouent, et cette circonstance, si elle se reproduit un assez
grand nombre de fois, augmentera la probabilité du rôle séismogé-
nique à démontrer.
La plupart du temps, ce n'est pas ainsi que se présente le résultat
des observations ; le plus souvent, on sait seulement qu'un certain
nombre de points d'un pays ont été chacun le siège de séismes.
Les épicentres, c'est-à-dire les foyers dont ils sont émanés, ou mieux
leurs lignes épicentrales, ne sont pas connues, parce que les
secousses modérées — et c'est le plus grand nombre — ne sont
signalées que pour les villes importantes. Au voisinage de ces
épicentres, plus apparents que réels, passe-t-il un plissement, une
faiUe ? l'affirmation que l'accident a joué un rôle séismogénique est
infiniment moins certaine que dans le cas précédent, à moins que
les mêmes circonstances se reproduisent dans les pays où se ren-
^ De Montesstis de Ballore. Essai snr le rôle séismogénique des principaux accidents
géologiques (Beitrdgezur Geophysik, IV, 21. Leipzig, 1903).
20 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0G1QUE
contrent les mêmes accidents tectoniques, résultant de phénomènes
géologiques analogues et contemporains.
D'éminents géologues ont appelé lignes de choc des lignes qui
joignent sur les cartes des points connus pour être fréquemment
épicentres de tremblements de terre. Cette notion est extrêmement
féconde, si elle est maniée avec prudence, car elle permet d'assigner
une cause à ces séismes, et si ces lignes coïncident, ne fut-ce qu' ap-
proximativement, avec un accident géologique. Elle ne diflTfere pas,
d'ailleurs, de la méthode précédente, essentiellement du moins.
Malheureusement, elle donne lieu à de graves erreurs si on prolonge
ces lignes arbitrairement à Textérieur des régions où elles ont un rôle
séismogénique bien défini, et il n'y a pas de raison pour ne pas
pousser ces prolongements fort loin, jusqu'à rencontrer d'autres
épicentres, ce qui est toujours possible. C'est ainsi que Hôfer ' a
mené jusqu'à Cologne la ligne de choc bien réelle de la vallée
carinthienne de la Malta. Par une coïncidence assez remarquable,
mais qui, en tout cas, ne dépasse pas ce qui pouvait advenir d'un
certain nombre de lignes analogues, à peu de chose prës parallèles,
et dont la direction se définit dans des limites assez larges, plu-
sieurs autres de ces lignes passent aussi à proximité de l'Odenwald
et de Cologne. En Carinthie même^ ces lignes n'ont pas toutes une
signification tectonique déterminée. Cette première objection enlève
déjà toute probabilité d'une dépendance réelle entre les centres
séismiques de la vallée du Rhin et ceux de la province autrichienne.
Par une méthode encore plus dangereuse, Hôfer a cru établir cette
relation en mettant en pai*allèle les secousses qui ont, pendant de
longs mois, ébranlé l'Odenwald à partir du mois d'octobre 1869 et les
quelques séismes observés en Carinthie pendant cette même période.
Les différences de temps des secousses comparées atteignent jusqu'à
seize jours, chiffre qui suffit à faire condamner irrémédiablement la
méthode. Il était nécessaire de montrer le point faible d'un procédé
qui a donné lieu à des considérations géologiques et séismologiques
du plus haut intérêt, mais qui pèchent malheureusement par la base.
Il arrive souvent que des tremblements de terre importants suf-
fisent à en déterminer d'autres, plus faibles il est vrai, au voisinage,
mais en dehors de la région pléistoséiste, c'est-à-dire du principal
ébranlement. On leur a donné ' le nom très suggestif de tremble-
* Die Erdbeben K&rntens und deren Stosslinlen (Denksckr. d. Mai, nat. wiss. Cl. d,
K. Akad. d. Wisa., XLII. Wien, 4880).
* A. von Lasaulx. Die Erdbeben {Kenngolls HandwOrterbuch d. Miner. Geol. und
Paleont., I, p. 364. Breslau, 1885).
INTRODUCTION 21
ments de terre de relai {Relaisbeben), tout d'abord employé par les
séismologues allemands. Lorsqu'ils sont une habituelle conséquence
des chocs de la première région, on peut et même on doit établir
entre eux une relation, dont la signification géologique ne sera
peut-être découverte que plus tard, et c'est dans ce cas seulement
que les lignes de chocs, sans caractère tectonique encore connu sur
tout leur parcours, n'en conserveront cependant pas moins une
réalité objective propre. Mais, là encore, la plus grande prudence doit
être la règle; on conçoit en effet très bien qu'étant donnés deux acci-
dents tectoniques non trop éloignés, si l'un est le siège d'un trem-
blement de terre, la mise en mouvement des couches affectées parle
premier pourra, par un simple effet consécutif, déterminer par contre-
coup la rupture d'équilibre de celles du second, qui, déjà préparée,
n'attend plus qu'un faible effort pour se produire ; et alors le séisme
de relai n'aura qu'une relation occasionnelle avec le premier.
Un autre écueil à éviter consiste à expliquer un tremblement de
terre par l'existence d'une dislocation encore inconnue dans l'aire
épicentrale, avec l'espérance que des recherches géologiques ulté-
rieures la feront découvrir à une plus ou moins grande profondeur.
C'est ce qu'a fait notamment Davison^ pour plusieurs séismes
modernes de la Grande-Bretagne, et malgré Tautorité qui s'attache
aux travaux de cet éminent séismologue, nous ne saurions souscrire
à l'emploi de ce genre d'hypothèse.
Les séismologues anglais ont cherché à démontrer expérimenta-
lement que les lèvres des failles sont le siège de mouvements relatifs,
au moyen de mesures très délicates et d'installations permanentes '.
Ces recherches n'ont pas abouti jusqu'à présent, mais leur insuccès
ne prouve rien contre la réalité de ces mouvements lors des trem-
blements de terre, les premiers, origine et cause des seconds. Il eût
été plutôt singulier que l'on fût justement tombé sur une faille encore
séismiquement mobile, tant est considérable le nombre de celles qui
sont arrivées à un repos parfait, et malgré le soin avec lequel Darw^in *
a choisi celle de Ridgeway (Dorsetshire) pour y exécuter ses mesures.
En résumé, la recherche des accidents géologiques à rôle sismo-
génique indiscutable est extrêmement délicate dans le détail, et c'est
* Ch. Davison. On the british earthquakes of the years 4889-1900 {Beilrdge zur Geo-
physik, y, 242. Leipzig, 1901).
* Clément Reid. Sélection of a fault and localily suitable for observations on earth-
movements {BriL Ass. for IheAdvanc. ofSc.FifthRep. on aeismol. invesL, 108, 1900) —
H. Darwin. An Âttempt to detect and investigate and measure any relative movement
of the npway, that may now be taking place at the Ridgeway Fault, near Strata Dor-
setshire (Id., Sixth. Rep,, 13, 1901).
22 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
là un terrain sur lequel on ne saurait s'avancer avec trop de pru-
dence, d'autant plus que de tels accidents sont souvent très nombreux
et très rapprochés les uns des autres dans les pays à tremblements
de terre. Aussi, malgré bien des études dans ce sens, les cas où
Taffirmative est possible sont-ils encore plutôt rares. On a cependant
pu dégager ce résultat général que, toutes choses égales d'ailleurs,
les phénomènes de plissement sont plus favorables à l'instabilité séis-
mique que les effondrements ou les surrections d'un caractère local, et
ceux-ci plus que les failles et les fractures. Cette observation est
bien d'accord avec l'influence du relief, puisque l'écorce terrestre
doit surtout aux plissements ses plus importantes chaînes de mon-
tagnes.
Le facteur temps ne pouvait manquer d'intervenir. Et en effet,
l'observation montre, conformément au simple bon sens, qu'un phé-
nomène géologique a, dans des conditions identiques, d'autant plus
de chance de se perpétuer sous forme de séismes qu'il est moins
ancien. C'est ainsi, par exemple, qu'en Europe les plissements calé-
doniens, armoricains et alpins sont respectivement aséismiques,
pénésismiques et séismiques. Les régions qu'ils affectent ont res-
senti les 0,4 p. 100, 4,6 p. 100 et 86,4 p. 100 de 69315 secousses,
tandis que les territoires non plissés, ou d'architecture tabulaire ne
correspondent qu'à 8,6 p. 100*. Il est très probable que la même
proportion se maintient, tout au moins dans le même ordre de gran-
deur, pour les autres parties du globe, et l'on ne saurait trouver
une démonstration plus éclatante de l'influence séismogénique pré-
pondérante des plissements sur la genèse des tremblements de terre.
S'il était permis de penser que les mouvements orogéniques perdent
leur vitalité proportionnellement au temps, ou, ce qui revient
au même, que les couches dérangées et disloquées reprennent leur
équilibre suivant une lenteur conforme à la même loi, on aurait là
sous une forme inattendue un rapport des durées des diverses ères
géologiques, ne différant d'ailleurs pas sensiblement des temps
qu'on leur assigne généralement d'après les puissances relatives des
dépôts correspondants.
Toujours pour l'Europe, l'influence du temps se manifeste aussi en
cherchant les n pour cent des séismes originaires des terrains archéens
et primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires, et l'on trouve par
réduction à des surfaces égales, d'après les chiffres donnés parle général
* De Montessns de Ballore. La séismicité, critérium de l'&ge géologique d une chaîne
ou d'une région (C. H. Ac. Se, CXXXVHI, 318. Paris, 1904).
INTRODUCTION »
de TilloS les nombres suivants respectivement : 18,3; 39,4; 42,3.
Cette dernière généralisation, très probable en elle-même, nous
conduit tout naturellement à parler de la mappemonde séismogra-
phique, synthétisant tout cet ouvrage.
5. — La mappemonde séismoirrapliiqae.
La mappemonde séismographique établie au moyen des catalo-
gues de tremblements de terre conduit à un certain nombre de con-
clusions, qui intéressent la géologie générale et qui vont être expo-
sées, en insistant sur ce point que ces résultats dérivent uniquement
de l'observation, sans théorie préconçue, de quelque espèce que ce
soit, n a sufQ de la mettre en regard des cartes géologiques, et
malgré les nombreuses lacunes existant encore pour les phénomènes
étudiés par l'une et l'autre science, géologie et séismologie, les
déductions tireront une partie de leur évidence du fait que, sur toute
la surface du globe, des faits analogues de l'histoire des différents
pays amènent des conditions presque toujours identiques quant à
leur stabilité ou à leur instabilité. Il apparaît immédiatement que
les régions séismiques, pénéséismiques et aséismiques ne se répar-
tissent ni uniformément, ni arbitrairement à la surface du globe, et
que leur distribution doit manifester d'intimes relations avec les
grandes vicissitudes d'ensemble de la surface terrestre ; de la même
façon, la distribution des foyers d'ébranlement dans les différents
pays a conduit, ainsi qu'on l'a vu, à découvrir l'influence séismo-
génique du relief et des principaux accidents géologiques locaux. Il
y a plus, ces nouvelles conséquences de la dépendance entre les
phénomènes séismiques et géologiques acquerront peut-être un
caractère plus décidé de certitude que certaines de celles qui font
dépendre tel ou tel foyer d'ébranlement des dislocations locales
les plus voisines, et qui seront ultérieurement détaillées dans tout le
cours de cette géographie séismologique.
La description séismique du globe, telle que nous l'avons exécutée
de 1890 à 1903, a conduit à un résultat important, à savoir l'indé-
pendance entre les phénomènes séismiques et volcaniques, ce qui
complète l'indépendance de ces derniers et des failles ou fractures
préexistantes énoncée par Branco, mais encore combattue*. Cette
* Superficies absolues et répartition relative des terrains occupés par les principaux
groupes géologiques (C. R. Ac. Se, CXLV, 246. Paris, 1892).
• W. Branco. Neue Beweise fur die UnabhSlngigkeit der Vulkane von pr&existirenden
Spalten (Neues Jahrhuchf, Min. GeoL u, Paleont., 1898, Ed. 1, 133).
24 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
observation n'exclut pas l'existence de séismes d'origine volcanique,
elle signifie seulement que les régions séisrniqnes ne sont pas géné-
ralement situées au voisinage des volcans actifs ou éteints, et que
les évents éruptifs se rencontrent aussi bien dans des régions
pénéséismiques ou même aséismiques. Dans cet ouvrage, on ne s'as-
treindra pas à 'signaler tous les cas oit cette indépendance est mani-
feste, on se contentera des plus typiques.
Un autre résultat plus inattendu est qu'une statistique, portant
en 1903 sur 159781 séismes, nous a conduit^ à la loi suivante :
Vécorce terrestre tremble à peu près également et presque unique-
ment le long de deux étroites zones^ qui se couchent suivant deux
grands cercles (dans le sens géométrique du mot) faisant entre eux
un angle dt environ 67*. Le cercle méditerranéen ou alpino-caucasien"
himalayen (53,54 p. 100 des séismes), et le cercle circumpacifique
ou ando' japonais-malais (41,08 p. 100 des séismes). Ces deux zones
coïncident avec les deux plus importantes lignes de relief de la sur-
face terrestre.
Ces deux grands cercles ont pour pôles les points 45"* 45' N. 150*30'
W. Gr. et 35* 40' N. 23* 10 E. Gr.
Cette relation purement géométrique appelait une interprétation
géologique. Elle se lit immédiatement sur une mappemonde :
Les zones renfermant les régions séismiques coïncident exactement
avec les géosynclinaux de t époque secondaire, tels que les a figurés
Haug dans son mémoire bien connu : Les géosynclinaux et les aires
continentales^.
C'est bien là une loi synthétique générale, mettant nettement les
séismes sous la dépendance directe des principaux mouvements
récents de l'écorce terrestre, puisque c'est le long de ces zones qu'ils
ont atteint leurs plus grandes amplitudes positives ou négatives.
Conséquence exclusive de la pure statistique, et, par suite ne rele-
vant que de l'observation sans l'introduction d'aucune hypothèse,
cette loi peut s'énoncer ainsi :
Les géosynclinaux [bandes les plus mobiles de la surface ter-
restre), où les sédiments déposés sous les plus grandes épaisseurs ont
été énergiquement plissés, disloqués et relevés à Fépoque tertiaire^
lors de la formation des principales chaînes actuelles, {ou géanticli-
naux), renferment à eux seuls, à deux ou trois exceptions douteuses
* Loi générale do la répartilion des régions séismiques instables à la surface du globe
(Berichle d. //'«», intern. Konferenz zu Strassburg, 325, 1903). — Sur l'existence de deux
grands cercles d'instabilité séismique maxima [C. R. Ac. Se, GXXXVI,1707. Paris, 1903).
« Bull. Soc. géol. France. 3« série, XXVIII, 633.
INTRODUCTION 25
près, toutes les régions séismiques (dans le sens que nous avons
donné à ces deux mots), qui, par conséquent les caractérisent.
L'instabilité séismique ne pouvait être uniforme le long de ces
bandes, à cause du non-synchronisme des mouvements de leurs
diverses parties et de leurs différences d'amplitude. Elles renferment
donc ça et là des régions pénéséismiques, parfois même aséismi-
ques, dont la raison d'être se découvre, ou se découvrira plus tard,
dans le détail de Thisloire géologique. Souvent aussi la séismicité,
déjà en rapport avec le plus ou moins d'ancienneté des mouvements
et l'importance absolue ou relative du relief émergé ou immergé,
se montre encore en proportion de la puissance des sédiments rele-
vés, ce qui est tout simplement une autre expression de la loi de
l'influence séismogénique du relief.
Dans bien des cas, les régions séismiques particulières épousent
nettement le tracé des ^éosynclinaux de second ordre, attestant
ainsi plus étroitement encore leur liaison avec les mouvements ulté-
rieurs nés au sein des géosynclinaux.
Les géosynclinaux plus anciens qui, à des époques géologiques,
ont donné lieu à des chaînes plissécs maintenant arasées et à peine
discernables dans leur état actuel de pénéplaines, présentent des
régions pénéséismiques, restes d'anciennes régions séismiques ten-
dant à la stabilité; tandis que les aires continentales, — au sens de
M. Haug, — que leur architecture tabulaire démontre n'avoir jamais
été que le siège de mouvements d'ensemble, de faible amplitude rela-
tive et sans grands dérangements des couches sédimentaires sous-
jacentes, sont très généralement aséismiques, ou à peine pénéséis-
miques dans des cas particuliers souvent explicables. Ainsi, l'on peut
dire d'une façon abrégée que :
V architecture plissée des géosynclinaux est instable y à rinverse de
^architecture tabulaire des aires continentales ^ et cela, vraisemblable--
ment, a été vrai à toutes les époques géologiques.
Telle est la loi qui dominera dans cet Essai de géographie séis^
miquCy qu'il est donc rationnel de diviser en quatre parties cor-
respondant aux aires continentales et aux géosynclinaux de M. Haug.
Ce sont, avec les nombres correspondants de séismes et les p. 100
du total :
26 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
NOMBRE P. 100.
de Béismes.
I. Goniînent nord-aUantique 8 939 5.21
/Continent sino-sibérien. . . . 3 479 2,03
II . Aires continen- 1 Continent australo-indo-mal-
tales extra- < gâche 374 0,22
européennes, f Continent africano-brésilien ^ . 457 0,27
V Le Pacifique 2 033 1,19
15 282 8,92
m. Géosjrnclinal méditerranéen 90 126 52,57
IV. Géosynclinal circumpaciûque 66 026 38,51
156152 91,08
171434 100,00
Les géosynclinaux renferment 91,08 p. 100 des tremblements de
terre que nous avons pu recueillir, contre les 8,92 p. 100 correspon-
dant aux aires continentales, en dépit de la bien plus grande sur-
face que celles-ci recouvrent.
On pourrait à la rigueur objecter que les observations séismolo-
giques ne sont anciennes que pour le seul continent nord-atlantique
et que, par suite, cette énorme prépondérance de séismicité en
faveur des géosynclinaux, plus apparente que réelle, est faussée par
le manque d'informations relatives aux autres aires continentales. A
cela on peut répondre que la complexité des conditions géogra-
phiques et géologiques du continent nord-atlantique par rapport à
celles des quatre autres, qui se décèle à première vue par la
complication des contours, n'est pas étrangère au plus grand nombre
de séismes qu'on a observés pour le premier, 5,21 p. 100 contre
3,71 p. 100 signalés pour les autres ensemble. Si. même Ton ne
veut pas tenir compte de cet argument, il faut admettre cependant
qii'au maximum les cinq aires continentales ne pourront jamais
fournir plus de 25 p. 100 des tremblements de terre, ce qui réduirait
à 75 p. 100, au lieu de 91,08 p. 100 la séismicité des géosynclinaux
par rapport à celle des aires continentales. La loi n'en subsisterait
pas moins.
Nous n'avons pas la prétention de résoudre complètement le pro-
blème séismologique par cette loi synthétique. Mais c'est déjà un
résultat important que de pouvoir afflrmer, sur la seule foi de la
statistique, l'intime dépendance entre les tremblements de terre et
* La Syrie et la Palestine ont été, dans ce tableau, comptées avec le géosynclinal médi-
terranéen auquel elles appartiennent, séismiquement parlant, mais on les étudiera dans
la seconde partie, parce qu'elles ne font pas partie du géosynclinal, tout au moins au
point de vue géologique.
INTRODUCTION 27
les zones de l'écorce terrestre où les plissements ont atteint leur
plus grande énergie à une époque récente, en même temps que les
mouvements verticaux avaient leur plus grande amplitude. Gela
n'exclut pas, dans le détail, l'existence de causes séismogéniques
locales et d'action plus immédiate, comme on le verra dans cette
description séismologique du globe^ dont les lacunes inévitables
seront en proportion du degré d'avancement des recherches géolo-
giques et séismologiques régionales.
La loi synthétique a été établie a posteriori ; sonyeni cependant,
pour plus de clarté, on en parlera comme d'un résultat a priori,
simple artifice de langage.
La plupart des cartes schématiques données sont exécutées au
moyen de points dont le rayon représente à une échelle convention-
nelle le nombre de séismes observés dans diverses localités. On se
demandera pourquoi l'on n'a pas employé des courbes et des
teintes dégradées, comme dans tant de travaux sur la répartition de
l'instabilité à la surface des pays considérés. C'est qu'il s'agit là d'un
procédé continu, inapte, par conséquent, à représenter un phéno-
mène essentiellement discontinu tel que les tremblements de terre,
ainsi* que nous l'avons démontré par l'analyse mathématique, quoi-
que au fond la démonstration en soit pour ainsi dire intuitive ^
Il nous reste maintenant un devoir de gratitude à remplir envers
M. de Lapparent, qui a bien voulu par la préface dont il a honoré
notre travail, résultat de vingt-cinq années de recherches, confirmer
l'approbation qu'il a depuis longtemps donnée à notre méthode. Nous
devons aussi beaucoup à M. de Margerie, qui en revoyant les épreuves,
nous a libéralement fait profiter par ses corrections du trésor de son
inépuisable érudition géologique. C'est bien certainement, et dans une
mesure notable, grâce à leur aide et à leurs encouragements, que
nous avons pu mener à bien une œuvre entreprise au pied de l'Izalco,
le phare du Pacifique, et au milieu d'un pays, le Salvador, où le
spectacle des ruines accumulées par les tremblements de terre nous
a permis de poser devant la seule Nature, et tout à fait en dehors
des discussions d'école, le problème séismico-géologique de la solu-
tion duquel nous avons la conviction do nous être tout au moins
rapproché. Nous serions bien ingrat aussi d'oublier que d'illustres
Français, les regrettés Daubrée, Cornu et Callandreau, nous ont
longtemps encouragé dans la voie que nous nous étions tracée.
Quant aux séismologues étrangers qui nous ont aidé depuis de
* Non existence et inutilité des courbes isosphygmiques ou d'égale fréquence des
tnmblements de terre (BeitrOge zur Geophysik, V, 467. Leipzig, 1902).
t8 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
longues années dans Texécution d'un travail qui est un peu leur
œuvre, nous serions mal venus de ne pas rappeler combien nous a
été utile la lecture de leurs travaux, commentée par une correspon-
dance assez assidue pour avoir créé de solides liens d'amitié : les
Agamemnone, Baratta, Belar, Credner, Davison, Eginitis, Forel,
Gerland, Gunther, Hepites, Karpinski, Knett, Kolderup, Kôto, Lan-
caster, Mercalli, Milne, Oldham, Omôri, Palazzo, Rudolph, Sieberg,
Svedmark, Van denBroeck, Watzoff, pour ne citer que les vivants,
dont les noms, d'ailleurs, se retrouveront à chaque page avec l'indi-
cation de leurs travaux bien connus.
Presque toujours éloigné des centres universitaires et scienti-
fiques, et sans avoir pu par conséquent utiliser les grandes biblio-
thèques, il ne paraîtra pas étonnant que bien des erreurs de détail
nous aient échappé, et que nous n'ayons pas toujours pu consulter
les meilleurs ou les plus récents travaux, surtout en ce qui concerne
la géologie ; mais nous avons Tintime conviction que Tensemble
subsistera, et suscitera des recherches plus autorisées dans une voie
certainement féconde pour l'avenir de la séismologie, basée qu'elle
est sur l'unique observation. C'est notre ferme espoir et notre plus
vif désir.
Note. Références bibliographiques.
Les grands travaux synthétiques de Marcel Bertrand*, de Lappa-
rent*, de Launay', et Suess*, sont véritablement comme l'âme de
cet ouvrage ; aussi n'avons-nous pas jugé nécessaire de les rap-
peler à chaque pas au souvenir du lecteur, qui saura bien recon-
naître la part revenant à chacun de ces savants géologues, dont les
œuvres sont si connues. Les données sur les mouvements séculaires,
ou bradiséismes, ont généralement été extraites du travail d'Issel'.
La littérature séismologique est d'une richesse dont on se fait
difficilement une idée, ce qui tient à l'intérêt puissant que les trem-
blements de terre excitent dans les pays qu'ils désolent, et par suite
à la place considérable qu'ils occupent dans les préoccupations de
* La chaîne des Âlpes et la formation du continent européen (Bull. Soc. géol. Fr.,
XV, 423, 1887).
■ Traité de Géologie (4« édition, 1900). —- Leçons de Géographie physique (2« édi-
tion, 1898).
' La Science géologique (Paris, 1905).
* La Face de la terre (Traduction française sous la direction de Emm. de Margerie, I,
n, m. 1897-1902).
* Le Oscillazioni lente del suolo, o bradisismi. Saggio di geologia storica (Genova, 1883).
INTRODUCTION 29
leurs habitants ; cet état d'esprit est inconnu en France, où les séismes
ne sont guère que de curieux et rares faits divers sans importance,
heureuse circonstance qui excuse en partie l'abandon de la séismo-
logie dans la patrie d'Alexis Perrey, et le peu de part qu'ont pris les
savants français dans la rénovation, on pourrait presque dire la
naissance, des études séismologiques modernes. C'est ainsi que la
bibliographie spéciale réunie par Baratta pour la seule Italie ne
comprend pas moins de 104 pages in-8^^, et en 1863, Alexis Per-
rey * avait pu réunir une collection de 3 376 mémoires. Nous nous
sommes contenté pour chaque pays d'indiquer les catalogues séis-
miques, les monographies de tremblements de terre lorsqu'elles
renferment des observations intéressantes au point de vue géogra-
phique et géologique, ou qu'elles ont été le point de départ de déduc-
tions importantes, ainsi que les travaux géologiques directement
utiUsés.
* 1 terremoH (Tltalia (Turin, 1901)
' Bibliographie sismique (Mémoires deCAcad. de Dijon, IV, 1, 1855. — V, 183, 1856. —
IX, 87, 1861).
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTINENT NORD-ATLANTIQUE
Le continent nord-atlantique comprend, des Rocheuses à rOural,
les terres et les mers au nord de la grande ride tertiaire himalayenne,
alpine et antillienne. On va voir comment l'instabilité s'y répartit
d'une manière générale, avant d'entrer dans le détail de ses diverses
divisions.
Les pays Scandinaves sont généralement trës stables. Or il s'agit
là d'un ancien môle de terrains archéens et primaires, le bouclier
baltique de Suess, ou ûnno-scandinave de Bamsay, s'étendant à la
Finlande par-dessus la Baltique et faiblement agité par des tremble-
ments de terre. C'est une aire de surélévation, dont les mouvements
récents n'ont que peu ou pas d'influence séismogénique, parce qu'ils
se sont produits sur une vaste surface en forme de dôme très sur-
baissé.
Le socle de la côte de Norvège tombe sur l'Océan par un escarpe-
ment disloqué attestant l'ouverture peu ancienne — fin de l'époque
tertiaire — de l'Atlantique entre les parties septentrionales de l'Europe
et de l'Amérique, mouvement qui s'est produit sans grands effondre-
ments ou fractures, puisqu'il n'y a pas de véritables abîmes océa-
niques le long de ce littoral. Aussi cette aire continentale, plutôt
ennoyée partiellement qu'effondrée, ne présente-t-elle que des régions
pénéséismiques. Les secousses norvégiennes sont en relation incon-
testable avec les fjords, cassures dont l'état de fraîcheur, favorisé,
il est vrai, par la couverture glaciaire, n'en atteste pas moins la
jeunesse relative, qui en explique une certaine mobilité traduite par
des séismes. D^autres se font sentir aussi autour du golfe de Chris-
tiania, que prolongent dans l'intérieur de puissantes fractures dispo-
32 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
sées comme les failles périadriatiques. C'est d'ailleurs l'emplacement
d'un synclinal silurien, trop ancien donc pour donner lieu encore à
un district séismique.
La Gothie, quelquefois ébranlée, parfois môme sévèrement,
montre des cassures dont la plus importante, de direction méridienne,
est accusée par la ligne des lacs, maintenant émergée à la place d'un
ancien détroit, et joue un rôle séismogénique bien défini.
Le long du golfe de Botnie, d'autres secousses rappellent sans
doute les mouvements très connus de la mer pléistocène, que beau-
coup veulent voir encore actifs, tandis qu'à l'autre extrémité de la
Baltique, celles duJutland correspondent aux fractures récentes qui
ont ouvert les détroits postérieurement aux dépôts glaciaires les plus
anciens.
Enfin les Lofoten, qui représentent peut-être les restes de la chaîne
calédonienne plissée franchissant l'Atlantique, sont agitées de séismes
dont la rareté semble venir tout exprès à l'appui de la stabilité des
plissements très anciens.
Le reste de la Scandinavie et de la Finlande est nettement aséis-
mique, comme il convient à un massif de très ancienne consolidation
dès longtemps réduit à l'état de pénéplaine par les agents extérieurs.
Cette stabilité s'étend aux terres arctiques d'Europe, où l'exis-
tence de sédiments variés de toutes les époques paraît indiquer la
permanence d'un domaine polaire maritime, et peut expliquer ainsi
Tabsence de séismes, faute de dérangements de suffisante ampli-
tude.
Les Iles Britanniques se trouvent à peu près dans les mêmes con-
ditions, et les tremblements de terre y sont en relation avec la frac-
ture du Canal calédonien ou la grande faille bordière des terrains
carbonifériens de la basse Ecosse.
L'Europe moyenne est caractérisée par une série de massifs gra-
nitiques ou primaires, formant des îlots montagneux, plus ou moins
élevés, qui ont joui du singulier privilège de rester constamment émer-
gés au milieu des mers successives qui, déposant leurs sédiments tout
autour, s'avançaient etse retiraient alternativement. Ce sont l'Irlande,
le Pays de Galles, la Cornouailles, la Bretagne et la Vendée, le Pla-
teau Central français, la Meseta ibérique, les Vosges, la Forêt-Noire,
rOdenw^ald, le Spessart, la Bohême, les Balkans, les bas pays du
Boug et du Dniepr, l'Oural enfin. D'une façon générale, ils sont aséis-
miques, ainsi que les aires sédimentaires interposées entre eux. Les
exceptions qui s'y rencontrent, sous forme de régions pénéséismiques
d'importance variée, coïncident toutes avec des plissements post-
LE CONTINENT NORD-ATLANTIQUE 33
carbonifériens^ Pays de Galles, Gornouailles et Vendée, Russie mérn
dionale et surtout l'Erzgebirge au-dessus de la fracture bohémienne,
ou bien avec de grands accidents dont Tâge n'est pas trop ancien,
comme la rupture de la voûte vosgienne pour l'établissement de la
vallée du lUiin, et enfin, plus particulièrement, avec la traînée des
bassins houillers déposés, en avant des plissements hercyniens, dans
un vaste géosynclinal primaire s'étendant de l'Irlande à la Belgique,
la Westphalie, la Silésie, au Donetz et à l'Oural, chaîne qui d'après
Haug aurait conservé le même caractère au moins jusqu'aux temps
secondaires. Or ces bassins, auxquels le plus souvent se limitent
exactement les régions pénéséismiques en question, ont été plissés
et disloqués à plusieurs reprises et sont beaucoup plus instables non
seulement que les massifs situés en arrière et les aires sédimentaires
interposées, mais même que les bassins houillers de Tintérieur, par
exemple ceux du Plateau Central français et de la Sarre, de sorte que
l'influence séismogénique de l'ancien géosynclinal apparaît claire*
ment.
II est bien connu que les massifs primaires de l'Europe moyenne
ont arrêté les plissements tertiaires alpins, et c'est là tout le secret de
leur stabilité, ainsi que celle des sédiments interposés entre eux.
La position horizontale ou presque horizontale des dépôts de la
plate-forme russe et Tabsence de toute grande dislocation récente ren-
dent bien compte de l'aséismicité de tous ces vastes territoires.
L'Oural a joué le rôle de géosynclinal jusqu'à la fin de l'époque
primaire, puis a seulement servi de limite aux transgressions secon-
daires ou tertiaires, qui au moins jusqu'à l'Oligocène formaient la
séparation entre la Russie et la Sibérie. Mais au lieu de se trans-
former ensuite, comme les géosynclinaux circumpacifique et médi-
terranéen, en hautes chaînes plissées et instables, formant géan-
ticlinal, il n'y a pas eu, à proprement parler, de surrection, et le
bras de mer a simplement disparu par suite d'un minime relèvement.
On s'explique ainsi que l'Oural soit stable, sauf en une région
restreinte de son développement, le district pénésismique de Nijné-
Taguilsk, où interviennent des dislocations particulières. Il en
résulte que les aires continentales nord-atlantique et sino-sibérienne
sont peu nettement séparées l'une de l'autre ; on pourrait donc les
considérer comme n'en formant qu'une seule.
On va maintenant examiner la partie occidentale du continent
nord-atlantique, récemment coupé en deux par ennoyage, bien
plutôt que par véritable effondrement.
Malgré une navigation intensive, on n'a jusqu'ici relaté presque
Di HoHTissi;*. — TremblemenU de terra. 3
34 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUË
aucun séisme sous-marin dans rAtlantique septentrional; les
secousses, inconnues dans les FaBrôer, sont, quoi qu'on en ait dit,
assez rares en Islande. Gela s'accorde parfaitement avec ce que Ton
sait de l'histoire de cet Océan, aire continentale reliant naguère
TEurope et TAmérique du Nord, puisque des couches terrestres mio-
cènes se retrouvent dans ces îles.
Le Groenland est un ancien plateau non dérançé, tout à fait aséis-
mique, comme les autres terres arctiques de l'Ouest, dans le Nord
de l'Amérique.
Le bouclier canadien, fragment réduit à l'état de pénéplaine d'un
vieux continent précambrien, partage les conditions pénéséismiques
de son homologue d'Europe, le bouclier finno-scandinave. Le Saint-
Laurent occupe une fosse d'affaissement, quelquefois ébranlée. Les
séismes du Maine sont en relation avec les Qords qui l'indentenL,
ceux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse avec les plis-
sements calédoniens ou avec l'affaissement océanique représenté par
les grandes profondeurs de l'Océan dans ces parages, ceux des Appa-
laches enGn avec les plissements hercyniens. Dans le Tennessee et
rOhio, des tremblements de terre ébranlent les bassins houillers,
comme dans l'Europe moyenne.
L'homologie entre TAmérique et l'Europe septentrionales se pour-
suit encore par l'aséismicité des plaines paléozoïques du centre des
États-Unis et des grandes plaines crétacées qui s'étendent du Texas
à Tembouchure du Mackenzie. Il est remarquable que la zone des
grands lacs soit tout au plus pénéséismique ; c'est que ce trait géo-
graphique si important ne résulte pas de causes tectoniques profon-
des» mais seulement de phénomènes glaciaires superficiels.
Les tremblements de ten-e violents qui ont, en 1811, ébranlé le
Mississipi moyen ne se sont plus reproduits depuis avec la même
intensité. Quoi qu*il en soit, il existe là une région séismique peut-
être attribuable à des phénomènes de tassement de la « Sunk
Gountry ».
La Floride est absolument aséismique, ainsi que les Bahamas. Or,
il s'agit là de sédiments très récents, horizontaux et probablement
déposés sur un plateau sous-marin sans profondeur.
Gharleston et Summerville ont été ravagées en 1886 par un trem-
blement de terre désastreux. Faut-il en conclure à l'existence d'une
région séismique dans ces parages? La question est difficile à résoudre,
les secousses n'y étant vraiment pas trop fréquentes, et cet événe-
ment restant unique jusqu'à présent. Il y aurait là une singulière
exception, à moins que le voisinage du géosynclinal méditerranéen
LE CONTINENT NORD-ATLANTIQUE 35
dans sa traversée de TAtlantique subtropical, entre l'Atlas et les
AnlilleSy par un trajet encore inconnu, ne permette de rattacher cette
région au géosynclinal lui-môme. On peut aussi se rappeler que les
terres atlantiques du Nord ont été rompues après l'époque miocène,
mais on ignore l'exacte position de leur ancien littoral vers le
Sud. Quoi qu'il en soit, on ne peut avoir la prétention de tout élu-
cider, et il n'est loi naturelle si bien établie qui ne souffre quelque
exception.
Ainsi, Taire continentale nord-atlantique est assujettie à la relation
annoncée, et Ton s'en rendra encore mieux compte par le contraste
avec l'extrême séismicité des géosynclinaux, jalonnés sur tout leur
parcours par un grand nombre de régions fréquemment et violem-
ment ébranlées par les tremblements de terre.
CHAPITRE 1
LE BOUCLIER FINNO-SCANDINAVE
La Laponie, jusques et y compris la presqu'île de Kola, la pénin-
sule Scandinave et la Finlande forment une des terres les plus
anciennement émergées de toute la surface du globe. C'est le bou-
clier baltique, ainsi appelé par Suess de sa forme en voûte très sur-
baissée, l'analogue et le contemporain du bouclier canadien et
arctique américain, situé de l'autre côté de l'Atlantique. Une couver-
ture algonkienne, cambrienne et silurienne très puissante l'a com-
plètement recouvert, mais a en grande partie disparu par l'érosion
qui a commencé à agir dès avant le Cambrien. Il y avait déjà eu
deux émersions à cette époque reculée, la seconde, définitive, avant
la fin des temps primaires. Ces lambeaux de Cambrien et de Silu-
rien ont été sauvés de la destruction par leur descente le long de
failles profondes. Depuis lors, le régime continental a largement
prévalu dans la Finnoscandie et n'a guère été troublé que par les
oscillations récentes de la mer Baltique et les mouvements de la
côte atlantique occidentale. Pas de plissements récents non plus. De
ces conditions, résumées par Hôgbom \ résulte une stabilité séis-
mique relative que les observations vont mettre en évidence.
On connaît bien la répartition des tremblements de terre des pays
Scandinaves. En effet, depuis 1887, Beusch*, Thomassen ', Bekstad^
et Kolderup * ont publié le catalogue annuel des secousses norvé-
giennes, et Svedmark* celui des séismes suédois depuis 1892. Moberg ^
* Sur la tectonique et l'orographie de la Scandinavie (Ann. de Géographie, u* 56,
11* année. 15 mars 1902, 117).
* Jordskjaelv i Norge, 1887 {Chrisliania Vidensskabet Forhandlinger, 1888, n* 8). —
Jordskjaelv i Norge, 1895 (/. c, n» 16).
* Berichte ùber die wesenUich seit 1834 in Nor^'egen eingetroffenen Erdbeben (Bergeru
Muséums aarsberelning, 1890). — Jordskjaelv i Norge, 1888-1890 (Id., 1891).
* Jordskjaelv i Norge aarene 1895-1898 {Id., 1899, n« IV).
B Jordskjaelv i Norge, 1899-1900 (Bergens Muséums Aarbog, 1899, 1900 ).
* Meddelanden om Jordstôtari Sverige 1892-1903 (Geol, Fat, i Stockholm Fôr., Bd. XVI,
xvn, xviii, XIX, XX, xxiii, xxiv, xxvi).
^ Upgirier om jordskalfven i Finland fdre aar 1882 (Fennia, IV, n* 8) (Ce catalogue
commence à 1626.)
Gumaelius. Samiing af underrattelser om jordstôtar i Sverige. (Geol. Fôren. i Stock*
holm Fôrh., VI, 1883, 509 ; VII, 1884. 107).
Fig. 2. — Les pays Scandinaves.
38 GÉOGRAPUIË SÉISMOLOGIQUË
s'est occupé spécialement de la Finlande^ pays pour lequel le grand
•catalogue russe de Mouchkétov et Orlov donne aussi de nombreux
renseignements. On a enfin pour les temps anciens le catalogue
d'Alexis Perrey ', dont nous rencontrerons le nom pour ainsi dire
.à la description séismologîque de toutes les contrées du monde.
Ainsi, la distribution de la séismicité dans les pays Scandinaves doit
être considérée comme connue d'une manière très satisfaisante.
Les données sur les tremblements de terre sont en Laponie plus
rares que partout ailleurs, mais ce n'est point seulement parce qu'il
s'agit là d'une population clairsemée et peu cultivée ; en effet, au
témoignage de tous les voyageurs, et surtout des botanistes, on y
rencontre nombre de personnes curieuses des choses de la nature,
en particulier parmi le clergé luthérien. La stabilité bien réelle
de la Laponie résulte de ce que la chaîne des Alpes Scandinaves
n'a subi que des mouvements très anciens, entièrement éteints
maintenant. Les plissements mêmes y sont un phénomène secon-
daire et accessoire qui s'efface complètement devant l'importance
des chevauchements. On verra plus loin que le Sud de la chaîne
«st plus exposé aux secousses du sol que le Nord. On ne connaît
aucun séisme pour la presqu'île de Kola et la côte mourmane
privées de fjords, et on n'en connaît qu'un seul pour Arkhangelsk.
JKarasjok, à l'ouest du grand lac Ënare, est un foyer apparent d'insta-
bilité faible, mais sa position réelle n'est pas exactement connue ; les
environs du lac sont eux-mêmes parfois ébranlés.
Toute la côte norvégienne à fjords, depuis le fjord de Yaranger au
Nord jusqu'au fjord de Stavanger au Sud, est le théâtre de secousses
plus fréquentes qu'étendues. Leur répartition n'est pas uniforme et
elle atteint un maximum bien marqué de Trondhjem à Stavanger.
Peu de côtes présentent sur une aussi grande longueur un caractère
aussi constamment identique, et ce fait seul démontre que sans
aucun doute les fjords sont le phénomène général auquel on doit
attribuer le rôle séismogénique principal, conclusion corroborée par le
manque simultané de Qords et de secousses sur la côte mourmane,
de même constitution géologique. Ces longues, étroites et profondes
indentations s'ouvrent indifféremment dans des terrains variés, dans
le Précambrien ou l'Algonkien, dans le gneiss fondamental, dans le
granité et le porphyre, exceptionnellement enfin dans le Gambrien,
mais au hasard de la nature des roches. Ce littoral forme une péné-
plaine à pente raide, ce qui confirme la loi du relief, l'autre versant
' Les Iremblcmcnts do terre de la pÔDinsuio Scandinave {Voyage de la commiesion
scientifique du ^ord en Scandinavie, Laponie, etc.. Paris, 1845).
LE BOUCLIER FINNO-SGANDINAVE 39
des Alpes Scandinaves étant à la fois de pente plus douce et plus
stable. Ce sont des cassures ouvertes dans des roches trop ancien-
nement consolidées pour avoir pu céder à un plissement, et elles
sont bien manifestement en relation avec le mouvement de bascule
qui a relevé vers le N. W. l'ancien plateau Scandinave, tranché net
par Teffondrement assez récent, pléistocëne seulement peut-être, de
l'Atlantique septentrional. Il y a là un ensemble largement suffisant
de causes de mobilité pour expliquer les secousses des côtes norvé-
giennes, et si le Sognefjord, en particulier, avec le Sôndmore et les
environs de Bergen, sont notablement plus secoués que les autres, il
faut observer que c'est là une très ancienne ligne de moindre résis-
tance, qui sépare les parties orientale tabulaire et occidentale plissée
de la chaîne Scandinave.
Du 28 septembre 1819 au 19 novembre 1829, Keilhau^ a men-
tionné le nombre considérable de 130 secousses, toutes très faibles
d'ailleurs, dans Tîle de Lurœ, à moins de un degré au sud du cercle
polaire. De ce chef, ce point constitue un des plus importants foyers
d'instabilité de la côte norvégienne. Kolderup ' a fortement critiqué
l'existence de ce centre, que nous avons mise en évidence dans un
travail antérieur'. Quoi que l'on fasse, il ne sufQt pas, pour rayer ce
foyer, de constater que ces circonstances ne se sont plus reproduites
depuis ; les tremblements de terre présentent dans les divers pays
qu'ils ébranlent trop d'irrégularités, irréductibles à toute loi de pério-
dicité, pour rendre valable un tel argument qui pourrait être facile-
ment invoqué dans beaucoup d'autres cas, et il n'y a aucune raison
de douter des observations relatées par Keilhau.
Les côtes norvégiennes sont tout à fait à l'abri de vagues séis-
iniques, et cette partie de l'Océan est indemne de tremblements sous-
marins. Il faut donc dénier tout rôle séismogénique actuel à l'effondre-
ment atlantique, et aussi au mouvement qui a fait basculer de 30 ou
40 mètres une ancienne surface d'abrasion marine, morcelée en
nombreuses îles restées comme témoins, large de 40 à 50 kilomètres
et dont l'époque de formation a été fixée à la fin du Crétacé ou au
commencement du Tertiaire. Reusch * s'est occupé des mouvements
d'affaissement du littoral norvégien, que Ton suppose, dans le pays,
• Efterrotniogen om Jordskjaelv i Norge (Mag. f. Naturvidenskaberne, XH, 82. Chris-
Uania, 1836).
• Ërdbebenforschnng in Norwegen im XiX. Jahrhundert {Verhandl. d. ersten intem.
jrâMo/. Konferenz zu Strassàurg, 1901, 428) .
' Le monde Scandinave séismique [Geol. Fôren. i Stockholm Fôrhandl., 1894).
• Die vermûtete Wirkung eines Ërdbebens an der Kiisle Norwegens (Geogr. ZeiUchr.
Leipzig, II, 52).
40 GEOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
suivre les tremblements de terre qui s'y font sentir : leur réalité
est loin d'être prouvée.
Plus au Sud^ le Qord de Christiania s'ouvre au bord oriental d'un
massif de roches éruptives pénétrant comme un coin dans les terri-
toires granitiques de la Norvège méridionale. C'est là un district
pénéséismique assez étendu, se reliant sans discontinuité à celui de
la Dalécarlie et de la Gothie^ où une grande faille méridienne et la
ligne des lacs représentent un ancien bras de mer pléistocëne, attes-
tant ainsi des mouvements considérables, auxquels se rattachent sans
doute les tremblements de terre du district et qui sont aussi en
relation avec de nombreuses dislocations, par exemple dans la vallée
du Glommen.
Des séismes parfois étendus et même presque sévëres ébranlent
assez fréquemment le pourtour suédois, aussi bien que finlandais, du
golfe de Botnie. Cette région pénéséismique ne pénètre notable-
ment vers l'intérieur que dans son prolongement septentrional, c'est-
à-dire dans les bassins du Kalix, de la Tornea et du Kemi, observa-
tion tendant à mettre ces secousses en relation avec la formation,
ou plutôt avec les mouvements récents de la mer Baltique, dont les
oscillations séculaires modernes ont donné lieu depuis un siècle et
demi aux discussions les plus passionnées. Cette mer représente une
submersion partielle de la plate-forme archéenne arasée; et si son
mouvement actuel de relèvement d'ensemble est vraiment contes-
table, car, s'il était général, il affecterait aussi les côtes poméra-
niennes, ce qui n'est certainement pas, il semble bien du moins que
l'émersion continue, en se traduisant seulement par bombement et
gauchissement des schistes cristallins et archéens de la Suède et de
la Finlande. La région pénéséismique se restreignant au littoral des
golfes de Finlande et de Bothnie, ainsi qu'au prolongement conti-
nental de ce dernier, on a là une claire explication de ces tremble-
ments de terre par des mouvements qui sont la suite directe des
mouvements antérieurs d'extension et de rétrécissement successifs
de la mer à Yoldia et du lac à Ancylm des époques pléistocène et
glaciaire.
Les terrains primaires au Sud de la Finlande sont d'une aséismi-
cité parfaite, en rapport avec la stabilité dont ils jouissent depuis des
temps très reculés.
C'est intentionnellement qu'en faisant par le Sud le tour de la
Scandinavie, on a omis les tremblements de terre assez fréquents,
sévères même quelquefois, de la Scanie et du Sund, car on ne sau-
rait les séparer de ceux de Seeland, de Fionie, et du Jutland sep-
LE BOUCLIER PINNO-SGANDINAVE 41
tentrional. Ce sont, ainsi que TOuest de Tile Bornholm, parfois
ébranlée aussi, des territoires mésozoïques, surtout crétacés, failles
et morcelés, n'appartenant d'ailleurs pas en propre au bouclier Scan-
dinave; leur disposition actuelle accuse les vicissitudes tardives,
qui ont ouvert les nombreux détroits de l'entrée de la Baltique
postérieurement à la plus ancienne période glaciaire, et dont ces
secousses sont la manifeste survivance. Il est d'autant plus plausible
de les mettre en relation avec le démembrement des îles danoises
qu'il ne tremble guëre ni dans le reste du Jutland et le Sclileswig ter-
tiaires, ni dans le Mecklembourg crétacé, régions que le morcelle-
ment n'a pas atteintes. D'aprës Kolderup ', le tremblement de terre du
23 octobre 1904 a eu un caractère nettement tectonique et son
origine sous-marine a dû se trouver dans le Skagerak.
* Jordskjslyet den 23 october 1904 {Bergens Muséums Aarbog, 1905, n« 1).
CHAPITRE II
LES ILES BRITANNIQUES
Les Iles Britanniques émergent d'un large socle, délimité par
risobathe de 200 mëtres, qui en fait le tour à TOuest et à peu de dis-
tance. Montueuses et morcelées du côté de l'Atlantique, elles tom-
bent au contraire en pente douce sur la mer du Nord ; les terrains
les plus anciens dominent vers l'Océan, les plus récents, du Garboni-
férien au Quaternaire, du côté de l'Europe. Au moins en Angleterre
les tremblements de terre, qui d'ailleurs ne sont ni bien fréquents, ni
redoutables, se font surtout ressentir à TOuest, ce qui est conforme
à la loi du relief. Grâce aux catalogues de Perrey ' et de O'Reilly *,
et aux listes annuelles de Ch. Davison', commencées en 1889, leur
répartition est connue d'une manière très suffisante, n'attendant que
des améliorations de détail.
On y reconnaît facilement deux divisions principales, correspon-
dant respectivement aux débris des chaînes calédonienne et armori-
caine démantelées, et une troisième formée par les plaines sédimen-
taires plus récentes de l'Est. Ce sera un cadre tout naturel pour la
description séismologique des Iles Britanniques.
1. — La ohaine calédonienne.
Les Shetlands, les Orcades, l'Ecosse, les Hébrides et l'Irlande
constituent les ruines du bord oriental d'un vaste massif continental
très ancien, archéen ou précambrien, au travers duquel l'Océan
' Sur les tremblements de terre dans les Iles Britanniques (Ann, soc. Agric. Ilisl. nal.
et des Arts de Lyon, I, 115, 1849).
' Catalogue of the earthquakes having occurred in Great Britain and Ireland, during
historical times (Trans. Roy. Irish Ac, XXVIH, Art. XVII, 290. Dublin, 1884).
* British earthquakes, 1891, 1892, 1893, 1899, 1900 [Geol, Mag., July 1892. July 1893.
March and April 1900. August 1901). —On tbe british earthquakes of the years 1889-1900
(Beitràge zur Geophysik, V, 242. Leipzig, 1901). — Minor british earthquakes in 1901-
1903 (Geol, Mag., November 1904).
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Fig. 3. — Les Iles Britanniques.
44 GEOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
Atlantique s'est ouvert à une époque relativement récente, post-mio-
cène, et contre lequel les mers géologiques de l'Est ont successive-
ment adossé leurs sédiments, qui se recouvrent sous forme de bandes
en retraite les unes par rapport aux autres et de plus en plus orien-
tales. Cet ensemble montueux et déchiqueté est un fragment de la
chaîne calédonienne, en partie nivelée, qui plissée et bien dimi-
nuée des avant l'ère cambrienne, se prolongeait probablement jus-
qu'aux Lofoten en Norvège. Deux grandes dépressions la prennent
d'écharpe du N. E. au S. W.; les Lowlands d'Ecosse et la grande
plaine irlandaise, par où la mer carboniférienne Ta envahie. La chaîne
a encore été morcelée par l'irruption de l'Atlantique au Minch et au
canal d'Irlande, à l'époque pléistocène probablement, tandis que ses
derniers fragments ont toujours à lutter contre l'assaut des vagues
de l'Ouest. Soumise à plusieurs surrections successives qui, au moins
temporairement, rajeunissaient son relief en compensant les pertes
dues à la dénudation et à Térosion, à plusieurs reprises injectée de
matières éruptives diverses, jusqu'à la fin des temps tertiaires héris-
sée de volcans, la plupart méconnaissables sauf pour le seul géolo-
gue à cause de l'activité des causes de destruction sous un climat
fort humide, elle a enfin atteint son état actuel avec les glaciers
quaternaires qui l'ont presque complètement couverte et rabotée.
L'extrême complexité des phénomènes dont la chaîne calédonienne
a été le théâtre pendant de longues périodes géologiques, jusqu'à
l'aurore des temps actuels, pourrait faire croire à une instabilité que
les faits démentent, parce que la principale vicissitude, le plisse-
ment, est trop ancien. Les séismes y sont partout d'un caractère
local, le plus souvent du moins, et résultent des dislocations les
plus récentes.
Dans les Shetlands, la direction N. S. prédomine dans les cassures
verticales qui les divisent à l'infini et ont été causées par le démantè-
lement de la chaîne et l'aiTaissement de l'Atlantique. Leur stabilité, à
peine troublée par quelques secousses de l'île d'Unst, s'explique bien
par l'ancienneté de ces fractures, qui les découpent en hautes falaises
verticales. Il est presque oiseux de mentionner lafausseté d'éruptions
volcaniques sous-marines arrivées près de Fetlar et que beaucoup
d'auteurs ont répétées à la suite d'Hibbert, qui a décrit ces îles au
xvni* siècle.
Quoique l'assimilation complète des Hébrides avec les Lofoten
soit maintenant quelque peu controuvée, il n'en est pas moins vrai
que leur gneiss lewisien, ou fondamental, représente l'avant-pay s che-
vauché par la chaîne calédonienne. Elles sont séparées de l'Ecosse par
LES ILES BRITANNIQUES 4&
le fossé du Minch, dont la grande profondeur dans le Little Minch
atteste reffondrement d'une bande N. N. E. — S. S. W. Cette ligne de
dislocation est très ancienne, puisqu'elle a permis l'entrée de ce
détroit à la mer précambriennc qui a déposé le grës de Torridon sur
le rivage opposé des Highlands. Aussi la fracture du Minch a-t-elle
eu le temps de se stabiliser complètement et les plissements de
s^éteindre^ d'où Tabsence complète de séismes dans les Hébrides. Les
éruptions terUaires, que les uns croient éocènes et les autres mio-
cènes, ont accompagné l'affaissement de l'Atlantique septentrional.
Elles n'ont, des Faerôer au rocher de Saint-Eilda, aucune répercussion
séismique actuelle, pas plus que les efforts qui ont, au Pléistocène,
fait disparaître sous les flots l'énorme couverture éruptive dont les
traces se retrouvent de l'Islande à l'Irlande, et l'horizontalité du
socle sous-marin explique le peu d'amplitude relative de ce mouve*
ment, ainsi que son absence de rôle séismogénique. On remarquera
d'ailleurs qu'il en est de même pour les énormes épanchements ana-
logues du Dekkan et de l'Amérique du Nord-Ouest.
La grande ligne de dislocation ErriboU-UUapool, qui, antérieure
au vieux grès rouge, s'étend jusqu'à l'île Tirée, avec d'énorme»
chevauchements et d'innombrables fractures entre Foinaven et Coul*
more, limite les gneiss des Highlands sans qu'on puisse à cause de
son ancienneté lui attribuer les quelques secousses qui ébranlent la
côte orientale du Minch. Ces rares chocs peuvent être rattachés à
des bradyséismes, c'esb-à-dire à des mouvements séculaires positif»
de ce littoral. C'est ainsi que le village de Kinloch Ewe, en gaélique
«le bout du monde », aurait été, il y a peu de siècles, l'extrémité
même du Qord, tandis qu'actuellement ce village occupe le bout du
Loch Marée, lac allongé et séparé de la mer par un seuil de plu-
sieurs kilomètres. L'homme aurait été témoin de ces mouvements,
qui coïncideraient avec ces séismes peu fréquents.
La ligne volcanique des îles de Skye, Rum, MuU et de la pénin-
sule d'Ardnamurchan, dont l'activité, éteinte maintenant, a dépassé
le Miocène, ne correspond plus qu'à de très rares et faibles tremble-
ments de terre.
Tous ces anciens accidents ont la même direction, attestant la
communauté de leur origine, et le plus important d'entre eux est la
dépression occupée par le Canal calédonien, ou Great Glen (Loch
Ness}, en plein massif des Highlands. C'est une très profonde cas-
sure, déjà dessinée dès le Dévonien, et dont le rôle séismogénique
ne saurait être nié, puisque malgré son ancienneté, la consolidation
n'en est pas encore atteinte, comme en témoignent les chocs qui
46 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Tébranlent fréquemment et mém% fortement, d'Invemess à Fort
William, choes dont les isoséistes se disposent parallèlement aatoor
de cet accident comme axe. Cette ancienne fracture montre un affais-
sement de sa lëyre S. E. par rapport à Topposée. Elle est partielle»
ment occupée par le Loch Ness, dépression lacustre de même direc-
tion, d'une profondeur considérable en certains points, 260 mètres,
et dont la surface n^est qu'à 17 mètres au-dessus du niveau de la
mer. Or, le levé de ses parois, exécuté en 1890 par Th. Scott pour
le bureau des pêcheries, a fait reconnaître qu'elles présentent to«s
les caractères d'un cafion, ou d'ime étroite vallée submergée. Son
thalweg a dû être parcouru par un fleuve assez puissant pour élargir
et apprctfondir la fracture, et qui avait son écoulement naturel vers
une mer assez éloignée. L'Ecosse était par conséquent une masse
continentale, qui s'est affaissée et morcelée, en même temps que la
mer du Nord s'ennoyait, à l'époque pléistocène, en submergeant le
prolongement de la vallée du Rhin qui drainait les eaux du versant
oriental de l'Angleterre et des fjords norvégiens. Ainsi s'explique
bien son instabilité séismique actuelle, par la grandeur de vicissi-
tudes qui n'ont cessé que récemment, et cela en opposition avec la
stabilité des autres accidents parallèles et contemporains, mais qw
n'ont plus rejoué depuis leur formation. Il y a plus, les séismes de
rinvcmesshire ont souvent leurs épieentres à l'est du Great Glen,
c'est-à-dire du côté de l'affaissement de la mer du Nord, coïncidence
qui ne saurait être fortuite.
Cette interprétation ne s'accorde pas tout à fait avec celle de
Davison ^ qui, tablant sur la position des épieentres à l'est du Great
Glen, en conclut que le district instable est un grand voussoir sans
. équilibre, compris entre le Canal calédonien et une faille latérale
non encore relevée sur le terrain, et que les séismes résultent d'un
affaissement ou d'un tassement par à*coups de ce même voussoir.
Les mouvements séismiques se produiraient par glissement du vous-
soir le long de la faille, hypothétique jusqu'ici. Cette théorie n'ex-
plique d'ailleurs pas le fait que le district instable s'étend aussi à
l'ouest du Great Glen, autour de la fracture du Craigora, et tout
autour du Glen Garry au Nord de Fort William. Il semble donc de
plus en plus rationnel d'admettre un reste de mobilité de l'accident
principal et de ceux qui lui sont subordonnés, sans avoir à recourir
à une faille qui reste encore à trouver.
Le Great Glen se continue au Sud par le Loch Linnhe et TOron-
• On the InvemesB eorthquakes of November 15*1» to December 14<^ 1890 {Quart, j\
of the geoi. Soc, Not. tSM, XLVII, 64»).
LES ILE8 BR1TA?IN1QU£S 47
say Passage, signalés par quelques séismes de Tile Lismore, et le
long des Lochs Awe, Leven, Ëtive et Gilp, dont les profondeurs
considérables attestent d'intenses dislocations du bord sud-ouest des
Highiands.
Le tremblement de terre du 28 novembre 1880 s'est étendu d'Ar-
magh en Irlande à Inverness et à Textrémité septentrionale de Tîle
Lewis et il a été l'objet d'une enquête approfondie de la part de Ste-
venson ' ; de nombreuses raisons concordantes ont amené à placer
son épicentre en mer, entre les îles Fladda et Colonsay, c'est-à-dire
sur le prolongement même de la fracture du Great Glen. Davison '
voit une démonstration du rôle séismogénique de cet accident dans
ce fait que le séisme n'a précisément pas été ressenti par les gardiens
de cinq phares trës voisins, mais situés en dehors du prolongement
de la dislocation.
Dans la même direction, les éruptions porphjTiques permiennes
de TAyrshire, et celles plus récentes de trapps et de basaltes des îles
Arran, Ailsa Graig et Bass, n'ont laissé, sous forme de tremble-
ments de terre, aucun souvenir des dislocations qu'elles ont accom-
pagnées.
Aucun séisme n'ébranle le Sutherland, le Gaithness et les Orcades,
que recouvrent le vieux grès rouge dévonien, le nouveau grès rouge
triasique et le Jurassique. C'est qu'il s'agit là d'un versant de la.
chaîne calédonienne ayant formé depuis l'ère dévonienne la côte
stable d'une mer ouverte à l'Est. Ce repos séismique s'étend, pour les
mêmes raisons, au versant nord des Grampians, formant le Nord-Est
de l'Ecosse jusqu'à la troncature Duncansbay Head-Kinnairds Head.
Tout ce territoire appartient à Tancien massif calédonien, sauf un
petit district de vieux grès rouge à l'Ouest et près du cap Kinnairds
Head, déposé dans le même golfe dévonien que celui de llnver-
nesshire. Quelques rares secousses peuvent être attribuées aux cas-
sures où coulent le Spey et l'Ythan, et les terrasses de ces vallées
montrent que leur récent mouvement d'exhaussement est aussi bien
éteint que le mouvement d'ennoyage en sens inverse de la mer du
Nord.
Au Sud des Grampians et dans cette partie la plus compacte des
Highiands, les terrains primaires s'arrêtent à une grande dislo-
cation N. N. E. — S. S. W. qui, courant d'Aberdeen à Greenock, s'en
' The earthqnake of November S8tb 1880 in Scotland and Ireland (Edinburgk Roy,
Soc. Proc, XI. 176).
* On the existence of nndistnrbed Spots in Earthquake-shaken Areas {Birmingham
Philos. Soc, V, Part I, 57).
48 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
va traverser l'île d'Arran. Les séismes assez fréquents de Perth et
de ses enviroAs sembleraient prouver qu'elle n'est pas encore com-
plètement consolidée, suggestion qu'on peut laisser en suspens,
Davison ne la partageant point.
Comrie est de beaucoup la localité la plus instable des Iles Britan-
niques, et de nombreuses secousses s'y sont produites de 1838 à
1850. D'autres paroxysmes l'avaient déjà ébranlée à d'autres époques,
mais moins violemment. Davison ^ pense qu'il ne faut pas attribuer
ces séismes à la grande faille bordiëre du Garboniférien qui passe à
un mille au Sud de Comrie. Il n'en donne d'ailleurs pas la raison.
Du reste, il existe aussi au voisinage des failles obliques parallèles,
LochËarn, Loch Tay et Ben Yoirlich, qui sont le théâtre de quelques
secousses.
Les Ochill Hills forment un petit district séismique, attribuable à
la faille du même nom.
Les Lowlands d'Ecosse, ou la dépression des Firth of Forth et
Firth of Clyde, sont compris entre la grande faille bordièreAberdeen-
Greenock au Nord et une crête irrégulière qui, partant des White
Hills, rejoint la mer du Nord par les collines de Lammermuir un peu
au N. W. de Saint Abbs Head. Ce district a été déprimé très ancien-
nement, et cet ancien synclinal a repris son équilibre, car les
secousses y sont plutôt rares. Contrairement à l'opinion de Ralph
Richardson', Davison met les quelques séismes d'Edimbourg en
relation avec les nombreuses failles qui s'y croisent et ont été injec-
tées de dykes de trapp. Pour le tremblement de terre du 18 jan-
vier 1889, en particulier, il invoque celle qui va de la tête de la
vallée de Logan à North Black Hill.
Quelques secousses agitent les Campsic Hills. On peut les attribuer
aux dislocations du Loch Lomond, ou à la grande faille bordière très
voisine.
Le district houiller de Kilsyth est parfois ébranlé. En écartant
l'hypothèse de secousses par affaissement consécutif au déhouille-
ment, on peut, à la suite de Davison, noter que l'exploitation s'y
fait au-dessus d'une faille importante.
En résumé, en ce qui concerne la dépression des Lowlands, il se
trouve que cette très ancienne zone d'affaissement, peutrêtre sou-
mise dans les temps historiques mêmes a de nombreux mouvements
* On Uie Comrie earthquake of Jaly IQth 1895 and on the Hade of Uie southem
border fault of Ihe Highlands {Geol. Mag. Décade IV, t. Ht, n* 350, 75).
* On the earthquake shocks experienced in the Edinburgh district on Friday, January
18U» 1889 (ScoUish geograph. Mag., 1889, 133).
LES ILES BRITANNIQUES 49
positifs OU négatifs, n'en a pas moins acquis une grande stabilité
séismique.
Au delà des Lowlands, les derniers fragments de la chaîne calé-
donienne sont représentés de mer à mer par les Gheviots et les
Southern Uplands écossais, dont la stabilité est en rapport avec
l'ancienneté d'un plissement d'âge très reculé. A peine quelques
séismes du Dumfriesshire peuvent-ils être attribués, non comme le
fait Davison \ à une faille encore inconnue, mais peut-être à la faille
bordiëre des terrains carbonifériens des Lowlands, qui a forcé la
Nith à la couper deux fois, indice de profondes dislocations.
D'une façon générale, l'Irlande est constituée par une dépression
centrale, la basse plaine du Shannon, correspondant exactement aux
Lowlands d'Ecosse, et qu'encadrent deux massifs montagneux. Celui
du Nord est un fragment nettement calédonien, dont l'effondrement
atlantique se révèle par les fjords de l'Ouest dans le Donegal et le
Mayo, tandis que d'immenses nappes basaltiques tertiaires recouvrent
TAntrim et sont la suite de celles des Hébrides et de l'Atlantique sep-
tentrional, démantelées par l'érosion marine et l'affaissement pléis-
tocëne qui a ouvert le canal du Nord. Des mouvements récents se
seraient proiLuits au Lough Neagh et au Lough Stranford. Mais
toutes ces vicissitudes ont laissé l'Irlande parfaitement à l'abri des
tremblements de terre •
Le Sud de l'Irlande, où se font sentir quelques rares secousses,
mérite une mention toute spéciale. C'est qu'à l'Est les comtés de
Wicklow, Carlow et Wexford appartiennent au domaine des plisse-
ments de la chaîne calédonienne, tandis que dans le Sud-Ouest ceux
de Cork et de Kerry sont affectés de plis armoricains et font partie
de la chaîne du même nom. Si ces derniers jouaient un rôle séismo-
génique, il faudrait en dire autant des premiers, ce que leur ancien-
neté rend improbable par analogie avec ce qui se passe ailleurs. Il
vaut donc mieux réserver l'avenir des recherches, en ce qui concerne
Forigine des séismes qui agitent parfois les deux systèmes de plis.
En Angleterre, les territoires calédoniens se réduisent au Lake
District et au Pays de Galles à l'Ouest d'une ligne irrégulière joignant
les embouchures de la Mersey et de la Severn, mais à l'exclusion de
ia bande houillère littorale du canal de Bristol au Sud d'une ligne
allant des Marlborough Hills à la baie de Saint Bride dans le Pem-
brokeshire. Ce massif cambrien et silurien est relevé à l'Ouest sur
la mer d'Irlande, et les plissements calédoniens qui l'affectent sont
• The Carlisleearthquake of July i90i {QuarL^Journ. ofthe geol. soc, Lyill,3U,iW2).
Db Ho5Tiftic8. — Tremblemenls de terre. 4
50 GÉOURAPHIK SÉISMOLOGIQUE
parallèles à ceux des Highlands dans les comtés d'Anglesey, de
Caernarvon et de Merioneth; ils s'infléchissent progressivement vers
rOuest pour se raccorder dans le Pembrokeshire à ceux de la cliaîne
armoricaine, le long du canal de Bristol. Des dislocations particu-
lières suffisent à rendre compte des rares séismes du Flintsliire, de
Tîle de Man et du Merioneth. Par contre le comté d'Hereford renferme
un centre important d'ébranlement dans le bassin moyen de la
Severn, et Davison^ à propos du grand tremblement du 17 dé-
cembre 1896, met enjeu un relèvement de deux anticlinaux siluriens,
ceux de Woodstock et de May Hill, respectivement au N. E. et au
S. des foyers d'Hereford et de Ross.
Les côtes du Pays de Galles et de l'Angleterre, de Caermarthen à
Preston, et celles d'Irlande, de Wexford à Ravensdale, ont été ébran-
lées, le 19 juin 1903, par un tremblement de terre étudié par Davison *.
Son foyer était manifestement situé en mer, non loin de Tenti^ée occi-
dentale du détroit de Bangor. Un choc consécutif, de bien moindre
extension, est venu apporter la lumière sur sa genèse. En effet,
l'épicentre de ce dernier se trouvait un peu à Test de Caernarvon,
c'est-à-dire sur une faille parallèle au détroit, et qui, d'Aber àDinlle,
affecte le terrain silurien avec un rejet variant de 4000 à 5000 pieds.
Les deux secousses ont eu leurs aires pléistoséistes allongées sur
cet accident, de sorte qu'il n'y a pas à douter que leur origine ne soit
liée à la dislocation. C est, dans l'opinion de Davison, une preuve
que la faille se prolonge sous la mer, au moins jusqu'à Tépicentre du
choc principal, et il y a tout lieu de le croire. D'autres séismes,
anciennement ressentis à Pentir et à Beaumaris, et peut-être même
aussi ceux de l'île Bardsey, reconnaissaient vraisemblablement la
même origine.
.Ici finissent les territoires affectés par les plissements calédoniens,
et, sauf des exceptions justifiées par des dislocations plus jeunes,
les tremblements de terre n'y présentent aucune importance, ni
comme fréquence, ni comme intensité.
!2. — La chaîne armoricaine.
Le Sud-Ouest de l'Irlande, dont on a déjà parlé, le Sud du Pays de
Galles et la Cornouailles, ainsi que le Devonshire et le Sud de TAn^
gleterre à l'Ouest d'une ligne allant des Marlborough Hills (à TEst de
* The Hère ford earthquake of December i7th jg^s (Birmingham, 1899).
* The Caernarvon earthquake of Jano 19th 1903 [Quart, journ. oflhegeol. Soc, LX.
1904» 233. London).
LES ILES BRITANNIQUES 51
Bath) jusqu'à Hastings sur le Pas-de-Calais, sont les débris d'une
autre chaîne, un peu plus récente que la ride calédonienne, du vieux
continent atlantique, démantelé à la fin du Tertiaire. Plissée aprës
l'époque carboniférienne, elle s'étend en France, en Belgique et dans
l'Allemagne moyenne. Le fragment anglais, profondément découpé
par le canal de Bristol, est, presque sur toute sa surface, uniformé-
ment pénéséismique, beaucoup plus souvent ébranlé que les ruines
de la chaîne calédonienne. Les épicentres s'y pressent nombreux,
avec ce caractère d'être généralement pauvres en nombre de séismes.
On est ainsi amené à ne plus faire intervenir dans la production des
secousses des accidents locaux, mais bien un phénomène plus général,
qui ne peut être que le plissement.
La vallée de TExe limite à l'Est les terrains paléozoïques, surtout
dévoniens, de l'Ouest. Le Garboniférien constitue le Sud du Pays de
Galles, tandis que les terrains secondaires de l'Est masquent les
plissements armoricains. De nombreux laccolithes granitiques acci-
dentent la Gornouailles dans le sens même du plissement. Si cette
région était seule dans de semblables conditions, il serait peut-être
imprudent d'assigner un rôle séismogénique au plissement armori-
cain ; mais cette opinion est corroborée et rendue plausible par le
fait que, sur le continent, les autres fragments de la chaîne reprodui-
sent exactement les mêmes circonstances séismiques et géologiques,
de sorte qu'il faut admettre une origine commune à leurs secousses,
et celle invoquée paraît bien la seule possible.
Un tremblement de terre, ressenti le 3 mars 1904, est venu, dans
une certaine mesure, confirmer ces dernières considérations. Davison '
en a localisé l'épicentre en mer, à 4 milles environ au sud de
Marazion. L'allure de ses isoséistes fait supposer pour l'aire ébranlée
un axe parallèle aux filons métalliques exploités dans la presqu'île
extrême de la Gornouailles, mais il n'y a pas d'indice qu'une faille
sous-marine, affectant le fond de la baie, ait pu donner lieu au
séisme. On ne peut non plus, d'après Glément Reid, l'attribuer à des
mouvements, affaissements ou éboulements, dans les anciens tra-
vaux de mines qui s'étendaient sous la mer, leur position ne corres-
pondant pas à celle du foyer; d'ailleurs l'aire pléistoséiste atteignait
une vingtaine de milles, de Sennen à Helston, distance trop consi-
dérable pour ce genre de secousses. Davison pense que ce tremblement
de terre est peut-être en relation avec la formation d'un bassin
éocène, maintenant immergé sous la Mount's Bay et la partie occi-
^ The Penzanee earthquake of March S"!, 1904 [GeoL Mag.^ Décade V, I, n»* 484.487.
London).
&2 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
dentale de la Manche, dont l'existence a fait Tobjet des études de
Clément Beid'. Cette suggestion explique trop bien les séismes qui
ébranlent simultanément les côtes occidentales de la Manche, Bre-
tagne et Comouailles, pour qu'on ne l'adopte pas, au moins provi-
soirement.
L'activité séismique, assez grande dans le Pembrokeshire, atteint
son maximum à Haverfordwest, au contact des plis pré-dévoniens et
post-carbonifériens, où d'importantes et nombreuses failles coupent
la presqu'île. Les secousses de la côte septentrionale du canal de
Bristol jusqu'à la Severn et aux Mendip Hills alignent leurs épi-
centres parallèlement au plissement, et la même disposition s'étend
à ceux de l'Exmoor*, de l'autre côté du bras de mer, ce que Davison
explique par la faille des Morte Slates. Le même séismologue met les
épicentres du Nord de la Cornouailles en relation^ avec une faille
présumée tout en reconnaissant que les aires ébranlées ont leurs
axes allongés parallèlement au plissement, observation sufGsant à
justifier l'influence de ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire de recourir
à une dislocation encore hypothétique. C'est avec beaucoup plus de
probabilité qu'il attribue ceux de Blisland et de Wendron à des
failles locales. Les séismes de Poole, de la New Forest et de la côte
du Dorsetshire relèvent aussi des mêmes plissements, sans qu'on
puisse nier que les failles de Bidgew^ay (d'Abbotsbury à Winfrith) et
d'Osmington (au Nord de la baie de Swanage) ne puissent aussi
intervenir. En tout cas, elles affectent un synclinal se prolongeant
peut-être jusqu'en France et qui est la contre-partie de l'anticlinal
passant au Nord de Weymouth. Ici encore, il est difficile d^ échapper
à la conclusion que le plissement joue le principal rôle, tant les
épicentres tendent à se disposer parallèlement, circonstance qui se
réproduit aux South Dovirns de l'autre côté de l'île de Wight.
La baie de Penzance et la côte d'alentour * sont assez souvent le
siège de marées anormales et de vagues peut-être d'origine séis-
mique, car certains tremblements de terre, d'épicentres tout à fait
indéterminés, ébranlent à la fois les côtes anglaises et françaises de
* On thé probable occurrence of &n Eocene outiier off the Gornish Goast (Quart,
Journ, of the geol. Soc, LX, 113. London, 1904).
* On the Exmoor earthquake of January 23rd 1894, and on ils relation to the nor-
them boundary Fault of the Morte Slates {Geol. Mag., Décade lY, IIl, 553).
* The cornish earthquakes of March 29«» to April 2»^ 4898 (Quart, Journ. of. the geol.
Soc, LVI, 1900, 1).
* Edmonds. An Account of an extraordinary movement of the Sea in Gomwall.
July 1843» with notices of similar movements in previous years, and also of earthquakes
which hâve occurred in Comwail (Trans, of Ike Roy. Soc. of Cornwall, VI, 111, 1846).
LES ILES BRITANNIQUES 53
la Manche occidentale. On peut y voir sans doute un reste de vitalité
des efforts de démanlëlement du continent atlantique, qui ont ouvert
la Manche dans la basse vallée d'un maître fleuve, la Seine, tron-
quée à son embouchure actuelle, collectant les eaux de la Gor-
nouailles, de la Bretagne et de la Picardie.
3. — Les plaines orientales anglaises.
Le versant anglais de la mer du Nord est formé par une succes-
sion de sédiments, déposés depuis l'époque carboniférienne dans des
mers ouvertes vers l'Orient. Ainsi appuyés contre le bord du vieux
continent atlantique, c'est-à-dire au pied des chaînes calédonienne
et armoricaine qui en formaient Tossature, ils se présentent en
bandes grossièrement parallèles et d'ancienneté croissante de l'Est à
l'Ouest. De nombreuses alternances d'émersion et d'immersion en
sont toute l'histoire géologique, et en particulier la chaîne pennine,
qui coupe l'Angleterre du Nord au Sud entre Tisthme de Solway et
Derby, date d'une époque de peu postérieure au Garboniférien ;
mais les actions extérieures de destruction ne nous ont conservé
que de faibles restes de son ancienne splendeur. Son relief est beau-
coup plus accentué sur la mer d'Irlande que sur la mer du Nord ; aussi
la séismicité, d'ailleurs très modérée, y est-elle plus grande à l'Ouest
qu'à l'Est. La dernière immersion partielle du versant oriental
date de l'époque pléistocène, alors que la mise en communication
des deux mers, presque sous les yeux de l'homme, n'a plus laissé
subsister qu'un réseau hydrographique tronqué sur la Manche et la
mer du Nord.
Gelte disposition des bandes sédimentaires en pentes douces et
cette architecture tabulaire peu dérangée font prévoir une grande
stabilité, que confirme l'observation en dépit de nombreuses traces,
sur les côtes, de mouvements positifs et négatifs très modernes.
Sur le versant de la mer d'Irlande, les domaines des plissements
calédoniens et armoricains (ou hercyniens) ont laissé subsister à
l'Ouest de la chaîne Pennine, et entre le High Peak et Bradshaw
Hill, une lacune : territoire carboniférien et triasique au Sud, appar-
tenant donc géologiquement, sinon géographiquement, aux plaines
orientales, tandis qu'au Nord s'étend le pittoresque District des Lacs.
Les mouvements qui ont relevé la pénéplaine orientale vers l'Ouest
ont d'autant plus disloqué les terrains qu'ils étaient plus rapprochés
de l'obstacle — ici, la chaîne calédonienne — dont ne subsistent
54 GÉOGRAPHIE SEISMOLOGIQUE
que les débris, et c*est pour cela que les séismes sont moins rares à
rOuest, du côté où le relief est aussi le plus accentué.
Les secousses sont relativement assez fréquentes dans le Garboni-
férien de Manchester et le Trias du Lancashire. Dans chaque cas
particulier, des dislocations locales ne manquent pas pour les
expliquer d'une manière plausible. Ainsi la faille de Tlrwell, s'éten-
dant sur 20 milles de Poyton à Bolton avec un rejet d'au moins
i 000 mètres en certains endroits, est considérée par Davison comme
jouant un rôle dans les séismes du district houiller de Pendleton,
d'ailleurs ti-ès disloqué par d'autres accidents.
Le pays des Lacs, au squelette éruptif ancien, s'étend sur l'Ouest
des comtés de Cumberland et de Westmoreland. C'est un bloc cam-
brien et silurien, émergeant des grès rouges triasiques et permiens
et du Carboniférien. Il est coupé par de profondes entailles qui
amènent bien au-dessous du niveau de la mer le fond des lacs
linéaires, aux bords abrupts, qui les remplissent. En particulier, les
Lochs Windermere et Thirlmere se prolongent l'un et l'autre de
chaque cdté du massif, dont ils sont la plus importante ligne séis-
mique, d'après la distribution des épicentres sur cette longue frac-
ture diamétrale.
On a déjà dit que le versant oriental de la chaîne Pennine est très
stable, et il y a peu d'observations intéressantes à y faire. Aux
environs de Birmingham, un petit groupe d'épicentres doit sans
doute son existence aux dislocations du Carboniférien, sinon plissé,
du moins relevé contre la chaîne Pennine, et Uavison * attribue les
séismes de Leicester à des mouvements d'une faille anticlinale pré-
carboniférienne, hypothèse assurément risquée, en raison même de
la grande ancienneté de cette faille, à moins qu'elle ait rejoué à une
époque postérieure, ce que nous ignorons.
Davison, à propos d'un séisme du 21 juin 1904, est revenu de
nouveau sur les tremblements de terre de Leicester * pour confirmer
son opinion antérieure relative au rôle séismogénique de la faille de
Woodhouse-Eaves, qui n'affecte pas le Trias. Si l'ancienneté de cet
accident ne permet pas d'admettre, sous forme de séismes, un reste
de vitalité des efforts tectoniques auxquels il doit naissance, il n'est
cependant pas trop risqué de supposer, remarque applicable à beau-
coup de cas analogues, que, par manque d'équilibre le long de la
• On the Leicester earthquake of August i^\ 1893 {Proc, of Ike roy. Soc, LVII, 87).
* Tlie Leicester earthquakes of Âugust 4U>, 1893, and June 21 "^ 1904. (Quart, joum,
ofthegeoL Soc, LXI. 1. London, 1905).
LES ILES BRITANNIQUES 55
dislocation, ou par toute auti*e cause, des mouvements se produisent
encore de nos jours le long des deux lèvres de la faille en donnant
lieu à des séismes. Il est bien évident qu'une certitude absolue ne
pourrait s'obtenir qu'au moyen d'observations directes telles que
celles instituées à la faille de Ridgeway dont on a parlé dans l'intro-
duction.
Gomme capitale, Londres a certainement enregistré à tort et à son
seul profit beaucoup de secousses venant d'ailleurs, mais non signalées
en d'autres points et qui n'y avaient pas leurs épicentres. Ce foyer
d'ébranlement est donc plus appai*ent que réel, et doit être rattaché,
soit aux plissements armoricains des Downs, soit aux dislocations
transversales du bombement wealdien, dont une faille, celle dite de
Médina, semble jouer un rôle important pour les séismes de l'île de
Wight. C'est dans ce sens seulement qu'on peut se rallier à l'opinion
deO'Reilly (/. c.) d' après lequel une ligne séismique traverse l'Angle-
terre sud-orientale en reliant la côte méridionale du Pays de Galles
à l'embouchure de la Somme, conformément aux idées de Godwin-
Austin qui, dès 1855, soupçonnait la continuité des couches de
houille jusque sous Londres et ses environs. Des lors, les quelques
tremblements de terre de ces parages relèveraient encore plus clai-
rement des plissements armoricains. De cette façon, il y aurait aussi
continuité avec le district séismique du bassin houiller franco-belge,
par-dessous la Manche, simple et peu profonde tranchée ouverte à
une époque très récente entre la France et l'Angleterre, au travers
de terrains qui se correspondent exactement de rive à rive.
Le treaiblement de terre du 22 avril 1882 dans l'est de l'Angleterre
a été l'objet de travaux importants et Rockwood* résume la commu-
nication faite en mars 1885, à l'Essex Field Club, par Meldola et
White, en rapportant que, d'après ces savants, le séisme a été pro-
duit par la décompression des roches profondes.
* An account of the progress in Vulcanology and S<3isuK)Iogy in the year 1885
{Smithnonian Hep. for 1885, N» 634. Washington, 1886).
CHAPITRE III
L'EUROPE MOYENNE. DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE
Le trait dominant de la géographie, et en même temps de la géo-
logie de l'Europe centrale, ou plutôt moyenne, est la chaîne des
Alpes, résultat d'un grand plissement tertiaire qui en a continué
plusieurs autres plus anciens, et de sa contre-partie Teffondrement
contemporain de la dépression méditerranéenne. Au Nord et en
avant de ces deux grands accidents parallèles se dresse une série de
massifs, ou de horsts, archéens et primaires, qui, de la Bretagne à la
Meseta ibérique, s'étendent de l'Ouest à l'Est jusqu'à la Bohême, sans
compter d'autres plus orientaux jusqu'à l'Oural, qui seront étudiés
ailleurs. Ils ont fait obstacle aux mouvements alpins et ont protégé
contre le plissement les sédiments primaires, secondaires et tertiaires
déposés dans leurs intervalles et en avant d'eux jusqu'à la Manche,
la mer du Nord et la Baltique. Mais s'ils ont eux-mêmes supporté,
en général, l'effort des plissements armoricains, ou hercyniens, ils
n'en ont pas moins conservé la situation d'îles au milieu des mers
changeantes qui, à diverses époques géologiques, baignaient leurs
pieds et s'avançaient ou se reculaient alternativement. L'ancienneté
des plissements, ou l'architecture tabulaire des sédiments séparant
les massifs, expliquent pourquoi ces territoires échappent aux désas-
tres séismiques, tout en étant, ici ou là, le théâtre de tremblements
de terre ordinairement modérés, par endroits fréquents, mais rare-
ment sévères.
On ne peut dire d'une façon absolue que les plissements tertiaires
n'aient pas atteint ces régions. En particulier, les Pyrénées ont surgi
à la suite d'un plissement de l'époque éocène, c'est-à-dire anté-
rieurement aux mouvements alpins, qui ont atteint leur apogée au
Miocfene. Il est donc plus naturel d'étudier les Pyrénées avec le
géosynclinal méditerranéen, quoique cette chaîne n'en fasse point
strictement partie, et aussi la Meseta ibérique avec l'Europe moyenne
parce que, si elle est séparée des autres massifs homologues, son
lûstoire géologique n'en est pas moins absolument identique.
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 57
Dans ces pays d'ancienne et haute culture, les renseignements
séismoiogiques abondent, quoique des études systématiques ne
fassent que commencer à y être organisées çà et là. La répartition
des tremblements de terre y est donc connue d'une manière très
satisfaisante, comme on le verra progressivement par la mention en
temps et lieu des principaux catalogues régionaux, en particulier
celui de Perrey * pour la France et les Pays-Bas,
1. — Bretagne, Gotentln et Vendée.
Le massif armoricain, Bretagne, Gotentin et Vendée, est assez
stable dans son ensemble, et les épicentres, plus nombreux que
riches en secousses, se montrent surtout aux extrémités orientales
des deux grands anticlinaux qui en forment l'ossature , tandis que le
synclinal intermédiaire n'en renferme presque pas. Cette stabilité
générale relative s'explique, puisqu'il s'agit là d'un horst d'ancienne
consolidation, à peine dérangé pendant les périodes secondaire et
tertiaire.
L'anticlinal du Nord présente un essaim d'épicentres autour de
Brest et ils reparaissent nombreux aux environs de Saint-Malo ; les
îles normandes elles-mêmes sont assez fréquemment ébranlées. Cet
anticlinal, surtout archéen, est à peu près parallèle à une ancienne
ligne éruptive Tréguier-Jersey, qui accuse une ligne de moindre
résistance, dont l'existence est évidemment liée au plissement post-
carboniférien. On est ainsi amené à penser que l'alignement des
épicentres aux deux extrémités de l'anticlinal n'est pas fortuit et
résulte des mêmes causes profondes que la ligne éruptive et le plis-
sement. Les efforts qui ont ouvert la Manche, ont commencé à une
époque assez ancienne, mais se sont continués tardivement, alors
qu'elle formait la basse vallée d'une grande Seine prolongée vers
rOuest. Il n'est donc pas étonnant que ces actions aient aussi pu
laisser trace sous forme de séismes. Ce qui rendrait assez plausible
cette dernière suggestion, ce sont les secousses qui agitent également
les côtes anglaises et françaises sans que l'on sache exactement d'où
ils émanent : leur origine est peut-être en pleine Manche. Ces efforts
se manifesteraient donc encore maintenant surtout dans Tangle du
golfe de Saint-Malo et vers la racine du Cotentin. Ce serait un argu-
' Mémoire snr les tremblements de terre ressentis en France, en Belgique et en Hollande
depuis le iv* siècle de Tère chrétienne jusqu'à nos jours (Mém. Ac. de Bruxelles,
XYia. iStt).
H. Duchaussoy. Les tremblements de terre en Picardie {Bull, soc, linyiéenne du Nord
de la France, XI, n«« 254. 305, 1893. Amiens).
58
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
ment en faveur de l'augmentation, pendant les temps historiques
mêmes, de la surface marine dans ces parages, mouvements d'ailleurs
contestés par certains auteurs. On aurait dfes lors une série de quatre
phénomènes successifs, dérivant depuis les temps les plus reculés
d'une même origine tectonique : éruptions camhriennes des îles nor-
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Fig. 4. — Bretagne, Cotentin et Vendée.
mandes et du Trégorois, plissement post-carboniférien, affaissement
ultérieur et enfin séismes actuels.
Les épicentres se disposent à peu près de la même manière sur
l'anticlinal du Sud de la Bretagne, et ils accompagnent fidèlement
l'épanouissement en éventail que les plissements présentent en
Vendée. Cette simple remarque corrobore donc fortement la com-
munauté d'origine tectonique. Au Nord de la Loire, vers le Sillon
de Bretagne, les épicentres se présentent avec une densité notable-
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA 6ILÉSIE 59
ment moindre qu'au Sud, phénomène qui se retrouvera dans TErzge-
birge où les grands Glons de quartz de ses pentes méridionales sont
entourés de véritables oasis de repos au milieu d'un district très
fréquemment ébranlé.
Les séismes vendéens ne sont pas seulement en relation, au moins
certains d'entre eux, avec le plissement hercynien, mais au S. E. ils
paraissent dépendre aussi de la faille de Youvant, grâce à laquelle
les agents de destruction ont respecté les petits bassins houillers
qui s'échelonnent de Ghantonnay au lac de Grandlieu. Cette disloca-
tion se prolonge jusque dans la rade des Coureaux de Belle-Ile,
ébranlée récemment. On sera d'autant moins surpris de lui voir
jouer un rôle séismogénique que, d'après Barrois*, elle aurait eu un
second mouvement post-crétacé. D'un autre côté elle présente à très
peu de chose près la direction du plissement de la Comouailles bre-
tonne. On peut donc la considérer comme un effet concomitant du
plissement, de sorte que l'attribution desséismesàla faille ne change
pour ainsi dire rien, quant aux causes profondes des trois ordres de
phénomènes successifs : plissements, faille et séismes, tout comme
cela s'est présenté pour Tanticlinal du Nord avec les épanchements
éruptifs en plus et l'affaissement de la Manche aux lieu et place de
la dislocation vendéenne.
Le foyer 4'ébranlement de la basse Loire est oblique par rapport
au plissement hercynien. Or il s'agit là d'un ancien golfe tertiaire,
non seulement asséché par colmatage, mais encore soulevé à une
époque très récente. Il y a eu autour de Testuaire, et même plus
en amont, une série de mouvements récents de sens contraires qu'il
n'est pas étonnant de voir se perpétuer sous la forme atténuée de
séismes.
Avec le foyer séismique assez important d'Angers et d'Ancenis%
on retombe sur l'extrémité des plissements hercyniens. D'ailleurs le
Silurien est ici très disloqué, et un long bassin houiller (Ancenis-
Chalonnes) fait retrouver en partie les conditions séismogéniques de
la Vendée.
2. — Plateau Central finançais.
Cette région se déflnit d'elle-même. Sauf l'enclave jurassique des
Causses au Sud et le petit massif annexe, mais pour ainsi dire indé-
* Répartition des fies méridionales de la Bretagne et leurs relations avec les failles
d'éUrement {Ann, soc. géol. du Nord, XXVI, 2. Lille, 1897).
* Perrey. Notice sur les ti^emblcinents de terre ressentis & Angers et dans le dépar-
tement de Maine •etrLoire [Bull, soc. industr, d'Angers, n- 4 et 5. 15* année, 1844).
60 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
pendant du Morvan au Nord, elle constitue une division bien natu-
relle à tous les points de vue. Assurément son histoire géolog^ique
n'est point simple, mais au milieu des nombreuses vicissitudes
qu'elle a subies domine le fait caractéristique de n'avoir jamais
depuis les temps les plus reculés été complètement immergée, et de
représenter un important fragment de la grande chaîne hercynienne
de l'Europe moyenne, témoin réduit à l'état de pénéplaine disloquée
et de toutes parts entourée de sédiments secondaires et tertiaires
formant les golfes profonds des Gausses au Sud et de la Limagne
au Nord.
Les séismes y sont très rares et peu intenses, comme on devait
s'y attendre pour un massif resté fixe, au centre de la France si sou-
vent bouleversée.
Si l'on part du Midi, on voit que la Montagne Noire est absolu-
ment aséismique; cela s'explique, car elle a résisté aux mouvements
pyrénéens qui ont poussé contre sa bordure méridionale les sédi-
ments du Languedoc auxquels elle a servi de butoir, et précisément
on ne connaît là qu'un point, Bédarieux, où quelques secousses
rappellent vraisemblablement les effondrements, conséquences ulté-
rieures de cette poussée venant du Midi.
L'absence de tout plissement rend bien compte de la parfaite stabi-
lité des Causses. Cette observation mérite d'être relevée, car la
structure karstique passe pour être éminemment favorable à la
séismicité ; mais il y faut en plus Tarchitecture plissée, comme dans
l'Europe sud-orientale, ainsi qu'on le verra plus loin. Le manque de
tremblements de terre dans les Causses montre aussi qu'on a exagéré
le rôle séismogénique des éboulements par dissolution, phénomène
qui s'y produit sur une grande échelle, et dont l'étude a conduit
deMartel à la création d'une véritable science autonome, la Spéléo-
logie.
Le Plateau Central montre sa plus importante région séismique,
bien modérée toutefois, le long d'une longue zone Nord-Sud s'éten-
dent de Montluçon et Montmarault à Saint-Flour et Langeac. Il ne
saurait être là exclusivement question de plissements comme cause
séismogénique, parce que si une telle origine peut être à la rigueur
invoquée pour la partie nord de la traînée houillère très plissée qui
s'étend de Champagnac et Mauriac à Commentry, il n'en est pas
moins vrai que les séismes ne se font pas sentir dans sa partie méri-
dionale. La même raison semble aussi devoir faire exclure la faille
qui accompagne à l'ouest cette remarquable série de petits bassins,
déposés, pense-t-on, dans une coupure analogue au Canal Calédonien.
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉ81E 61
On ne peut plus faire intervenir Tactivité volcanique, car elle ne
coïncide que très partiellement avec la zone séismique. Seules les
secousses de Mont-Dore pourraient reconnaître cette cause. La
même raison s'applique évidemment à la faille séparant la Limagne
tertiaire du socle granitique de la chaîne des Puys d'Auvergne, et à
laquelle on ne pourrait attribuer avec quelque probabilité que les
rares secousses de Riom et de Clermond-Ferrand, qui justement
présentent un caractère nettement linéaire. Les chocs ressentis à
Pontgibaud et à Chantelle ne peuvent être en relation avec la cou-
pure de la Sioule, simple vallée d'érosion sans caractère tectonique.
Bref, la zone séismique en question est vraisemblablement d'origine
multiple et diverse, et les causes possibles signalées toutes égale-
ment en faible activité.
Le Puy est un centre assez notable d'ébranlement. Reste de la
puissante activité volcanique du Yelay, continuée jusqu'au pléisto-
cène après son maximum pliocène, ou suite du mouvement d'affais-
sement du bassin lacustre tertiaire? On ne saurait guère prendre parti.
La seconde interprétation a cependant pour elle la stabilité parfaite
de la plus grande partie de la chaîne volcanique des Puys, du Cantal
et de l'Aubrac. D'un autre côté, les autres bassins lacustres analo-
gues, Limagne, Bourbonnais, Roannais, Forez, etc., sont entiè-
rement aséismiques, de sorte que les secousses du Puy restent sans
explication nette.
Quelques séismes ont affecté le bord oriental du Morvan, autour
des bassins houillers. De nombreuses dislocations peuvent en rendre
compte, mais le remarquable faisceau de plis hercyniens, qui s'éten-
dent de Saint-Étienne et Vienne à Semur et Avallon, ne peut guère
en être rendu responsable. On notera la stabilité de tous ces bassins
houillers, en opposition avec les tremblements de terre qui agitent
ceux du Nord, déposés dans un grand géosynclinal carboniférien.
A plusieurs reprises, tout le massif central a été secoué par des
tremblements de terre de grande extension, mais dont les épicentres
sont tout à fait indéterminables. Il semblerait s'agir là de mouvements
d'ensemble, de cause profonde, au sujet desquels on ne peut, en l'état
actuel de nos connaissances, émettre aucune suggestion défendable
sans hypothèse risquée.
3. — La Meseta ibérique.
La Meseta ibérique, archéenne et primaire, fait de l'autre côté
des Pyrénées le pendant du Plateau Central français. Sa place est
62 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
donc tout à fait indiquée ici, en dépit de la séparation produite par la
chaîne. Sauf le golfe tertiaire de Tembouchure du Tage, dont il sera
question ailleurs, la Meseta occupe tout le versant atlantique de la
péninsule entre les caps Finis terre et Saint Vincent ou Saô Vicente.
Son bord méridional suit la côte des Algarves, puis domine l'An-
dalousie par la grande dislocation de la Sierra Morena jusqu'à
Albacete, tandis que sa bordure orientale rejoint le milieu de la côte
cantabrique, après avoir lancé au N. E. le long rameau de la Sierra
Guadarrama. Elle est ainsi pénétrée par les couches miocènes
lacustres de la vieille et de la nouvelle Gastille, qu'à cause de leur
stabilité commune avec elle on lui adjoindra, en dépit de la diffé-
rence de constitution. Ainsi comprise, la Meseta ibérique englobe
toute la presqu'île moins la vallée de TEbre, la Catalogne et les
Pays Basques, dépendances des Pyrénées, l'embouchure du Tage et
l'Espagne du S. E. au delà de la grande dislocation de la Sierra
Morena, territoires qui, ainsi qu'on le verra, appartiennent au géo-
synclinal méditerranéen. Elle comprend toutes les parties non plis-
sées récemment, c'est-à-dire tout ce qui ne dépend pas de la chaîne
bé tique ou des Pyrénées. Ses derniers plissements n'ont affecté que
le Stéphanien et par ailleurs elle est restée intacte sauf quelques
effondrements tertiaires locaux.
La majeure partie des granités est de l'époque carboniférienne, et,
d une façon générale, les couches postérieures reposent en discor-
dance sur celles anciennement plissées de cette période. Le bord
occidental montueux de la Meseta tombe sur le fond do l'Atlantique
par un raide talus jusqu'à l'isobathe de 2 000 mètres, fort rapprochée
de la côte. C'est l'indice que ces territoires, dès longtemps soumis à
la dénudation et à l'érosion, se sont relevés assez lentement vers
rOuest pour que les cours d'eau dirigés de l'Est à l'Ouest aient eu
le temps de creuser profondément leurs lits au travers du massif
graduellement soulevé. Dans ces conditions, il était à supposer que
l'ancien massif ne pouvait être que pénéséismique tout au plus, et
c'est bien ce que confirme l'observation.
Quelques secousses agitent la Galice et le Portugal, le long de la
tranche relevée et coupée par la pente océanique. D'autres, bien plus
remarquables par leur extension que par leur intensité, ébranlent
parfois toute l'Espagne. On doit y voir une réminiscence des mou-
vements d'ensemble qui ont gauchi toute la Meseta, et elles sont à
rapprocher des secousses analogues du Plateau Central français. Dans
le centre, Madrid est assez souvent le siège de tremblements de
terre et les anciens chroniqueurs en relatent de sévères pour Tolède ;
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 63
les deux capitales n*en sont évidemment pas les véritables épi-
centres, et si Ton se reporte k la série des secousses de 1848 dans
la Sierra d*Albarracin ou de Tremedal, on sera porté à attribuer
toutes ces secousses aux énergiques plissements des zones juras-
siques, grossièrement parallèles à la rive droite de TEbre, qui
s'étendent au S. E. de Burgos, à peu près perpendiculairement à la
Sierra de Guadarrama. Les monts Gantabriques, anciennement plissés
et coupés net au bord du golfe de Gascogne, sont restés stables,
4. — Le bassin parisien.
On comprend sous cette dénomination, assurément impropre mais
fixée par un long usage, un ensemble de territoires figurant autour
de Paris une série d'auréoles sédimentaires, secondaires et tertiaires,
plus ou moins régulières, et dont les couches superficielles, formant
des cuvettes concentriques, sont d'autant plus jeunes qu'on se rap-
proche davantage du centre. On leur adjoint jusqu'à la Charente le
détroit poitevin, entre la Vendée et le massif central français, et on
les limite à l'Est à la Saône, aux Vosges, aux Ardennes et au bord
du bassin houiller franco-belge jusqu'à Boulogne. Cet ensemble est
donc bien naturel, puisqu'il renferme les régions sédimentaires pos-
térieures aux temps primaires et qui ont échappé aux mouvements
pyrénéens et alpins de l'époque tertiaire.
Relativement à la séismicité générale de la France, le détroit poi-
tevin est assez instable. C'est un ensellement résultant de l'affaisse-
ment de l'ancienne pénéplaine hercynienne entre les horsts de la
Vendée et du Limousin avec pentes latérales remontant vers l'un
el l'autre et déclivité transversale vers la Charente et la Loire. Les
sédiments secondaires sont affectés de plis hercyniens posthumes,
souvent rompus en failles autour d'îlots jurassiques, ou même de
lambeaux plus anciens, et leur direction S. E.-N. W. les rattache
aux plis vendéens. Comme plis et séismes s'arrêtent au S. E contre
le massif central stable, les premiers paraissent bien donner nais-
sance aux seconds.
La Charente forme à peu près la limite entre le Jurassique du Nord
et le Crétacé du Sud, entre les plissements hercyniens du Poitou et
pyrénéens du Périgord. C'est donc une limite judicieusement choisie.
A vrai dire, un de ces derniers plis franchit le fleuve à Angoulême,
mais comme sa partie méridionale est aussi stable que ses pareils,
ce foyer d'ébranlement ne peut lui être attribué. Ce sont donc bien
les plissements hercyniens qui jouent ici le rôle séismogénique et
6i GÉOGRAPHIE 8ËI8MOLOGIQUE
continuent la région vendéenne d'instabilité. L'île d'Oléron est aussi
affectée d'un plissement aquitanien, mais elle appartient nettement
au centre séismique de la Rochelle^ qui dépend des plissements her-
cyniens,
La région pénéséismique poitevine s'étend^ en augmentant de
stabilité, jusque vers l'Indre, d'Azay à Châtellerault et à La Châtre.
Elle se soude ensuite à celle d'Angers par Saumur, Poincé etLouerre,
de sorte qu'on peut lui assigner la même origine. Il faut maintenant
aller loin dans l'Est pour rencontrer un district quelque peu exposé
aux tremblements de terre; c'est celui compris entre Arnay-le-
Duc, Dijon, Dampicrre-sur-Vingeanne, Bourbonne-les-Bains et Saint-
Blin, c'est-à-dire à cheval sur la ligne de partage des eaux entre la
Seine et la Saône ; on peut en signaler en passant la parfaite stabilité
des champs de fracture du Sancerrois, du Nivernais et du Bourbon-
nais. On voit aussi que si la chute en échelons de la Côte-d'Or par
failles successives sur la vallée de la Saône n'a pas laissé de traces
de mobilité sous forme de séismes, c'est probablement qu'elles sont
ti'op anciennes puisqu'elles n'ont pas affecté le Tertiaire supérieur.
Ce nouveau district séismique est caractérisé par les très nom-
breuses secousses et détonations relatées à Bourbonne-les-Bains en
avril et mai 1861 S avec quelques chocs consécutifs jusqu*en
août 1862. Le régime thermal a été momentanément troublé, et un
affaissement aurait même été observé à un kilomètre et demi, près
de la route de Neuchâteau. Les plus fortes secousses, celles du 19 et
du 22 avril, sont restées locales et n'ont pas ébranlé plus de 330 kilo-
mètres carrés. On est donc fondé à les attribuer aux dislocations
des vallées de l'Apance et de son affluent le ruisseau de Borne,
avec lesquelles l'appareil thermal est en relation directe. Les autres
centres d'ébranlement à l'ouest de Bourbonne sont peut-être en
relation avec les affaissements locaux de la façade jurassique
moyenne et supérieure, à la faveur desquels le plateau de Langres
tombe sur la vallée de la Saône et qui ont facilité, comme Ta
montré Barré *, l'allure conquérante du Salon, de la Vingeanne et
de la Tille, poussant leurs têtes sur le versant occidental par déplace-
ment de la ligne de faîte physique.
Poussant toujours vers l'Est, on rencontre le district séismique de
Plombières et Remiremont, ou de la Haute-Moselle, avec affaiblisse-
* Cabrol et Tamisier. Relation des tremblements de terre ressentis à Bourbonne-les-
Bains (Haute-Marne), du 26 mars au 25 mai 1861 (Ann, Soc, met. de France, IV, 143,
1861.
* L'architecture du sol de la France. Essai de géographie tectonique (Paris, 1903).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 65
ment progressif vers le Nord jusqu'à Nancy et Metz même. Cette
région, d'ailleurs peu instable, s'étend vers les Vosges à SaintrDié et
Gérardmer. Elle fait donc le pendant très réduit de celle de la plaine
alsacienne, dont elle est symétrique par rapport au massif des Vosges
cristallines. Or, de part et d'autre de ce massif, les sédiments secon-
daires sont tombés par paquets successifs, séparés par des failles
longitudinales. On verra plus loin comment cette disposition explique
l'instabilité de la plaine rhénane, et cette explication reste valable de
ce côté des Vosges, avec cette restriction que la chute beaucoup plus
accentuée à l'Est a, de ce même côté, déterminé aussi une instabilité
beaucoup plus grande, de telle sorte que la loi de la séismicité crois-
sante avec la raideur des pentes trouve là, non seulement une con-
firmation, mais aussi une justification en rapport avec l'amplitude
des déplacements verticaux.
En ce qui concerne Bourbonne-les-Bains et Remiremont, une
remarque s'impose. Ces deux districts séismiques sont séparés par
la vallée du Coney, et en outre le premier correspond à l'Apance et à
l'Amance. Or, tous ces affluents de la Haute-Saône forment le réseau
hydrographique d'une dépression due à un affaissement tertiaire, et,
justement, ce mouvement a atteint son maximum dans la vallée inter-
médiaire du Coney. Les séismes de ces deux régions ne représente-
raient-ils pas, dès lors, un reste de vitalité de ce mouvement? Au
contraire l'extrémité occidentale du district de Bourbonne s'étend,
jusqu'à Dompierre-sur-Vingeanne, sur un compartiment relevé com-
prenant les têles de TAmance, du Salon et de la Vingeanne. Que
ces mouvements en sens contraires jouent encore un rôle séismogé-
nique c'est là une question réservée aux études des séismologues
de l'avenir.
Un très petit groupe d'épicentres autour de Soissons n'a pas de
signification géologique déterminée.
Deux autres foyers très secondaires correspondent respectivement
à la rive gauche de l'embouchure de la Somme et à la rive droite
de celle de la Seine, ce dernier le plus notable. Ces deux thalwegs
parallèles et importants coïncident avec deux brusques changements
de direction de la côte, indice de vicissitudes considérables qui
laissent cependant planer une grande indécision sur les causes
séisraogéniques à invoquer. A noter en passant qu'un célèbre acci-
dent du voisinage, la boutonnière du pays de Bray, est dénué de
toute mobilité. Deux tremblements de terre ayant ébranlé ces
parages maritimes sont restés célèbres, ceux du 6 avril 1580, fort
sévère, et celui de septembre 1671, le premier surtout, à cause d'une
Db MonsMUB. — Tremblements de terre. 5
66 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
intensité vraiment anormale en France. Us ont agité de longues éten-
dues de côtes, le premier plus encore que le second, de sorte qu'on
peut supposer leur origine sous la Manche, mais dans une position
indéterminable faute de renseignements suffisants. Il se pourrait
même que les secousses mentionnées près de l'estuaire de la Somme
dépendissent en réalité de la région pénéséismique du bassin
houiller franco-belge ^ Les plissements hercyniens pourraient jouer
ici le môme rôle que plus au Nord. Simple suggestion provisoire
qu'il appartiendra à Tavenir de confirmer ou non.
On rencontre enfin quelques épicentres dans l'ouest du Calvados
et autour de Caen. Il s'agit là de la bordure orientale de la région
pénéséismique armoricaine. On peut donc provisoirement invoquer
aussi les plissements hercyniens, et la présence de petits bassins
houillers n'est pas pour diminuer la probabilité de cette hypothèse.
Le reste du bassin parisien est extrêmement stable et il n'y a pas
lieu de s'arrêter aux six secousses connues pour Paris, et dont
l'origine vraie doit être considérée comme inconnue. Il y a plutôt
lieu de s'étonner qu'en raison même de l'ancienneté de cette capi-
tale, il n'en ait pas été mentionné davantage. Ce nombre prouve à
lui seul Taséismicité de cette partie du bassin. Trois séismes de
Sainte-Colombe dans l'Yonne n'ont pas plus de signification.
L'aséismité du bassin parisien doit attirer Tattention, car elle
semble en contradiction avec des mouvements séculaires d'ensemble,
attribués, d'après certains travaux, à une surface notable du terri-
toire de la France, et dont cette région fait partie.
En 1888, le colonel Goulier a, dans une notice publiée par la com-
mission centrale du nivellement de la France (Min. des Travaux
Publ. Lois provisoires de raffaissement (Tune portion du sol de la
France), comparé les résultats du nivellement général, dit de Bour-
daloue (1857-1863), avec ceux du nivellement de précision commencé
en 1884, et cela, plus spécialement, pour une bande comprise entre
Marseille et Lille. Il a trouvé que l'écart des deux séries d'observa-
tions augmente régulièrement du Sud au Nord, pour atteindre 0,78 m.
à Lille, et que les courbes d'égale discordance manifestent un bas-
culement autour d'une courbe fixe, ou neutre, passant près de Mar-
seille, Cette et Cahors. Cette thèse n'a point été acceptée à la Société
géologique de France, où l'on a fait valoir la petitesse de la pertur-
bation totale et la possibilité qu'elle dérive seulement d'erreurs
* X Saigneville, à un petit nombre de kilomètres de Tembouchure, des sondages
s'effectuent en ce moment môme, et apparemment avec succès, pour retrouver les
couches de houille.
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 67
systématiques. Van den Broeck^ a repris la question, et il est arrivé
aux conclusions suivantes : « La constitution géologique de la région
étudiée montre, au premier coup d'oeil, une remarquable corrélation,
non seulement avec la forme serpentante et sinueuse du thalweg
de l'immense vallée d'effondrement séculaire constaté entre Marseille
et Lille, mais encore avec toutes les prétendues irrégularités et les
traits caractéristiques de la disposition des courbes tracées le long
et sur les deux côtés de ce thalweg d'affaissement, et cela sans
exception. Il ressort clairement de cette juxtaposition que les massifs
des chaînes de roches cristallines, surtout les plus anciennes, for-
ment comme des horsts, ou butoirs, contrariant le phénomène
d'affaissement et le faisant géographiquement évoluer, par contour-
nement de ces massifs, entre lesquels les dépôts plus ou moins
meubles des terrains secondaires et tertiaires ont subi l'affaissement
si clairement dénoté par les courbes du colonel Goulier. Il ressort
aussi que cet affaissement des dépôts secondaires et tertiaires paraît
causé non seulement par un simple affaissement ou tassement de
ces dépôts, relativement peu durcis et cohérents, mais par le rappro-
chement des massifs cristallins, ou butoirs, entre lesquels ils sont
enclavés. »
Sans qu'il soit nécessaire d'entrer davantage dans le détail des
observations de Van den Broeck, il a paru intéressant de rechercher
si la courbe, en forme de thalweg, autour de laquelle les courbes
d'égale discordance entre les deux nivellements se retournent, pré-
sente avec la distribution des épicentres, entre la Méditerranée et la
Manche, la corrélation que les conclusions, précédemment rappelées,
semblent appeler nécessairement. Or il n'en est rien, le thalweg est
absolument indépendant des régions à tremblements de terre, qu'il
évite même de la plus complète façon. De la sorte, le groupement des
épicentres n'apporte aucun appui à la réalité des observations du
colonel Goulier, et il montre l'indépendance des bradiséismes et des
séismes, à supposer réelle l'existence des premiers phénomènes,
que cette indépendance même tend à faire, à elle seule, révoquer
en doute.
5. — - Nord de la France, Belgique et Hollande, 'Westphalie
et plateau rhénan.
Cette vaste région a pour limite méridionale le bord sud du
* Affaissement du sol de la France. Preuves géologiques à l'appui des obsenrations du
colonel Goulier (Pr. V. soc. belge de géol. paléoni. et hydrol., V, 13, 1891).
68
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 69
massif primaire ardennais, c'est-à-dire l'OIdenburgische Wald,
ligne S. W.-N. E. qui rencontre le Rhin à son coude de Bingen.
Puis, dans cette même direction, elle suit la crête du Taunus en la
laissant au Sud, ce qui met en dehors un léger fragment du massif
primaire pour atteindre le pied du Vogelsgebirge et du Rhôngebirge,
en passant entre les sources de la Fulda et de la Werra au Nord et
celles de deux affluents du Main au Sud : la Kinzig et la Saale ; la
Werra et la Weser forment la frontière orientale jusqu'à Minden,
ville à partir de laquelle une ligne Osnabrûck-Zwolle sert de limite
septentrionale. La Sarre en aval de Sarrelouis, puis la Moselle en
amont du confluent de la première jusqu'à Remich, la frontière fran-
çaise jusqu'à Hirson, et enfin une ligne en prolongement de la
Ganche terminent à Boulogne le périmètre continental de la région.
Un tel ensemble est naturellement constitué, puisqu'il comprend le
massif dévonien de la Belgique et du Nord-Ouest de l'Allemagne, la
traînée carbonifère qui le borde au Nord et les terrains tertiaires ou
quaternaires correspondants jusqu'à la mer du Nord. Des considéra-
tions plus artificielles relatives à l'exposition du sujet ont fait exclure
de la région, vers l'est et le sud, les masses permiennes et triasiques
de l'Allemagne centrale. A Textrême Ouest, nous avons choisi comme
limite, avec le bassin parisien, la Ganche, dont le choix n'est arbi-
traire qu'en apparence. En effet, si on englobe les collines de l'Ar-
tois qui, avec leur couverture crétacée et tertiaire, appartiennent en
réalité au bassin de Paris, du moins reste-t-on dans la vérité géolo-
gique puisque l'on fait embrasser à la région les lambeaux de Gar-
boniférien et de Primaire prolongeant le bassin franco-belge jusqu'à
la Manche vers Boulogne.
Les terrains tertiaires et quaternaires des Flandres et du Brabant
tant belge que néerlandais, ne sont pas à l'abri de toutes secousses
séismiques, et, en particulier, Malines pourrait bien avoir été l'épi-
centre d'un important tremblement de terre, celui du 18 septem-
bre 1692. Tout d'abord, en rejetant à l'exemple de Lancaster *, et
sans discussion, plusieurs séismes soi-disant désastreux qui auraient
éprouvé la Belgique dans le haut moyen âge, en tenant compte de
l'exagération de chroniqueurs crédules et ignorants, comme le
démontrent les détails fantaisistes dont ils agrémentent leurs récits,
puis admettant comme très probable qu'une importante proportion
des secousses signalées dans les principales villes venaient du bassin
houiller franco-belge dont la séismicité est notoire, il ne restera que
* Les tremblements de terre eu Belgique [Ann. météorologique pour 1901 , Bruxelles).
70 GÉOGRAPHIE 8ÉI8M0L0GIQUE
peu de secousses véritablement propres aux surfaces tertiaires ou
quaternaires en question. Le tremblement de terre du 17 mars 1883,
dont le centre géographique d'ébranlement se trouvait entre le Zuy-
derzee et le Diep, peut-être vers Mijdrecht, a secoué Amsterdam,
Haarlem, Leyde et Utrecht. D'après Figuier % AmersfoordtTa attribué
au déplacement des sables et des boues pour le dessèchement du lac
de Haarlem, et Winkler à un éboulement dans les couches tertiaires
sur lesquelles reposent çà et là les terrains alluviaux et diluviens de
la Hollande. La première explication nous semble faire appel à une
bien faible cause pour un séisme aussi étendu, et la seconde ne
repose sur aucune observation directe. Il paraît donc difficile de les
admettre Tune ou Tautre pour les quelques secousses connues de la
Hollande méridionale ; on ne peut non plus les mettre en relation
avec les mouvements très superficiels du sol qui, à tant de reprises,
ont facilité dans les temps historiques l'empiétement ou l'irruption de
la mer sur une côte pour ainsi dire artificielle, et conquise par
l'homme sur le domaine maritime. Du reste, une telle origine devrait
rester valable pour la Frise, territoire d'une aséismicité absolue.
Nous préférons penser que, puisque le substratum ancien affleure en
plusieurs points du Hainaut belge et n'est jamais bien profondément
enfoui dans le Hainaut français, les séismes en question relèvent de
la même cause que ceux du bassin houiller. Les hypocentres de la
zone tertiaire des Pays-Bas ne feraient ainsi que prolonger souter-
rainement la région pénéséismique dudit bassin, masqué à la surface
par la couverture sédimentaire plus récente. Si des observations
ultérieures venaient à infirmer cette opinion, il resterait peut-être à
invoquer les mouvements d'exhaussement, non encore totalement
éteints, à la faveur desquels la Lys et l'Escaut supérieur, qui, à
l'époque pléistocène si rapprochée de la nôtre, se jetaient séparément
dans un golfe profondément ouvert dans le sol belge, se sont réunis
pour couler ensemble et déboucher beaucoup plus loin dans Tes-
tuaire actuel ; on pourrait aussi s'adresser au mouvement de bascule
du substratum hercynien dans le Hainaut, important facteur de la
disposition actuelle du réseau hydrographique. On ne saurait non
plus passer sous silence que Van den Broeck ', dans une discussion
relative à une faille supposée correspondre à la vallée do la Senne,
a émis l'opinion qu'un argument secondaire en faveur de l'existence
de cet accident résulte de la simultanéité d'assez nombreux tremble*
* L'année scientifique, 1883, 262.
• Pr. V, Soc. belge degéoL,paléonL et kydrol, (Séance du 17 mai 1904, p. 104).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA 8ILËSIE 71
ments de terre, constatés le long de la ligne Bruxelles-Malines-
Anvers.
La séismologîe peut quelquefois apporter son contingent de
lumière, en tout cas d'arguments, dans les questions géologiques
controversées. On vient d'en voir un exemple et on peut en donner
un second. On ne connaît aucun séisme propre à la Gampine, et ce
serait fort étrange si la théorie de Simoens S relative à sa géologie,
est exacte. Ce savant pense en effet qu'il s'agit là d'une aire d'affais-
sement limitée par des failles, et qui n'aurait pas cessé de s'effondrer
depuis le Houiller jusqu'à notre époque. S'il on était ainsi, la Gam-
pine ne serait pas aussi franchement aséismique.
De Béthune à Dortmund et un peu au delà, le bassin houiller
franco-belge*-westphalien dessine sur la carte une longue bande
d'abord presque W. E., et ne se relevant vers le N. E. qu'à son
extrémité orientale, où elle subit, mais en surface seulement, une
large interruption — le golfe quaternaire et tertiaire de Bonn. Elle
jalonne ainsi le bord septentrional du massif primaire ardennais et
rhénan, de part et d'autre du Rhin. G'est depuis Boulogne l'emplace-
ment du détroit, ou du géosynclinal, franco-westphalien, où se sont
déposées, puis plissées, les couches de houille.
La bande houillère est assez riche en épicentres sur toute sa lon-
gueur, et a été parfois ébranlée par de sévères tremblements de
terre. On va l'étudier en partant de son extrémité méridionale.
Dans le bassin du Douaisis, ces séismes sont généralement attri-
bués à des effondrements ou à des tassements dans les galeries
anciennes abandonnées. Cette opinion est contredite par les études
classiques de Jicinski*. Il a montré par de nombreuses observations
que les mouvements du sol, résultant de l'exploitation des mines,
sont des phénomènes d'une extrême lenteur, exigeant plusieurs
années pour se parfaire complètement, ce qui exclut, d'après le
mode même de leur formation, toute possibilité de secousses
brusques, séismiques en un mot. Les chocs du Douaisis ont le plus
souvent un caractère très local et ceux du 12 septembre 1888 et du
9 décembre 1892, à Sin-le-Noble, ont été, dit-on, accompagnés
d'affaissements d'immeubles. Si donc l'on se reporte aux études
précédemment rappelées, au lieu de voir dans ce dernier fait une
confirmation de l'opinion courante, il faudra plutôt considérer
Taffaissement comme une conséquence du séisme que comme
' Quelques réflexions sur l'allure du primaire du bassin houiller Campinois {Pr, V, Soc
belge de géoL, paléont. et hydroL Séance du 30 juin 1903, p. 331).
• Bodensenkungen durch den Bergbau (Die Erdbeàenwarte, II, 85, Laibach, 1902).
72 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQDE
son origine. Par contre, la secousse du 2 septembre 1896 s'est
étendue d'Arras à Douai sur la distance, considérable en l'espëce, de
27 kilomètres, qui exclut toute possibilité de leur production par
tassement d'anciennes galeries. On dit aussi en faveur de cette
explication que ces séismes sont ressentis surtout à la surface^ et
non dans les galeries actuellement en exploitation, lesquelles sont
au-dessous des anciennes, siège supposé des mouvements. Or, c'est là
un phénomène très général, résultant de ce que, dans rinlérieur de
l'écorce terrestre, les vibrations séismiques se communiquent de
proche en proche aux molécules voisines, au sein d'un milieu dense
et cohérent, tandis qu'à la surface même elles passent dans un milieu
où ces résistances au mouvement diminuent dans de grandes pro-
portions, de sorte que l'amplitude s'en trouve considérablement
accrue ; dès lors non perceptibles à une certaine profondeur, elles
le deviennent à la surface, soit aux sens de l'observateur, soit aux
intruments enregistreurs. Comme dernière et, nous semble-1-îI,
puissante objection contre l'influence séismogénique du déhouille-
ment, nous rappellerons la parfaite aséismicité du bassin houiller
de Saint-Ëtiennc, alors que les tassements des anciennes galeries
sont tellement habituels et conformes à l'étude de Jicinski, que l'on
a dû bâtir la gare de cette ville au moyen de briques supportées
par une ossature métallique, et que de temps à autre on relève
l'édifice au moyen de vérins, placés à demeure, lorsque les déran-
gements d'aplomb deviennent trop dangereux pour l'édifice.
Ce n'est point de parti pris que nous rejetons, d'une façon géné-
rale, le déhouillement comme cause de séismes. Cette explication a
été vivement combattue par Cornet ' à propos des secousses d'Havre,
près de Mons, en 1887 et en 1896, et aussi par de Munck*, qui cite
à l'appui de sa négation des cas d'aifaissements dans les exploi-
tations houillères qui, malgré leur importance, se produisirent
lentement et sans aucune secousse séismique. Ces deux observa-
teurs reconnaissent un caractère nettement tectonique à ces trem-
blements de terre, et à propos de celui de la vallée de la Scarpe du
2 septembre 1896, le premier de ces géologues dit expressément que
grâce à la tendance générale au ridement, les plis des terrains
primaires peuvent s'accentuer et que les failles peuvent jouer, —
dans de faibles limites, il est vrai, — comme jouent les joints d'un
meuble qui craque. La ville de Douai, où les secousses ont été si
* Bull. soc. belge de géol.^ paléont. et hydrol.» t. X, 131.
* Les tremblements de terre d'Havre (Hainaut) (Ibid., I, 177, 1887).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 73
violentes^ se trouve précisément au voisinage de la grande faille du
Midi.
Certains observateurs, comme Chesneau*, ont cru pouvoir établir
une relation entre les variations de la pression atmosphérique, les
coups de grisou et les mouvements séismiques. Tout ce que Ton
peut concéder, et avec la plus grande réserve, c'est une relation
avec les mouvements tromométriques, ou microséismiques, mais
non avec les véritables macroséismes. C'est tellement vrai que les
mines si grisouteuses du bassin de la Loire font partie d'une région
tout à fait aséismique. Au surplus, le silence de la commission
spéciale, instituée en 1900 parla Société belge de géologie, paléon-
tologie et hydrologie, prouve à lui seul Tinsuccès de recherches qui
ne peuvent donc permettre d'attribuer cette origine aux secousses
des bassins houillers franco-belges.
L'uniformité de la répartition de Tinstabilité séismique tout le
long de la bande carboniférienne conduit à rechercher une cause
générale pour les secousses qui l'agitent. On a vu plus haut que
Cornet a mis en avant la grande faille dite du Midi, qui s'étend de
Boulogne à Charleroi. Cette opinion, partagée par beaucoup d'au-
teurs, est cependant inadmissible, parce que ses deux extrémités sont
nettement aséismiques à Boulogne et à Charleroi. Comme, d'autre
part, la faille, dite eifélienne du pays de Liëge, a été longtemps con-
fondue avec la précédente comme ne formant à elles deux qu'un
seul et môme accident, il est de toute logique de lui appliquer la
même conclusion négative, si Ton veut se tenir à la prudence imposée
en de telles matières. La cause générale d'instabilité de la bande
houillère réside donc ailleurs, et on no saurait Tattribuer à autre
chose qu'à la persistance prolongée de la poussée de plissement
qui a renversé le Condroz vers le Nord, en donnant lieu aux deux
grandes failles comme conséquences immédiates, mais sans que ces
deux accidents aient pour cela conservé un reste de mobilité. Cette
conclusion est d'autant plus vraisemblable que ces deux dislocations
n'ont pas rejoué à des époques posthumes en affectant les couches
postérieures. Elles sont donc, géologiquement et séismiquement,
éteintes depuis leur formation. D'après Marcel Bertrand, les mouve-
ments hercyniens se sont perpétués pendant longtemps, et le ride-
ment du Bunsriîck est plus ancien que celui du Hainaut. Les dis-
locations se sont ainsi propagées du centre de la chaîne primaire
à la périphérie, et dans ces conditions il est parfaitement admissible
' De Tinfluence des mouvements du sol et des variations de la pression atmosphérique
sur les dégagements de grisou (Ann, des Mines, Mai- Juin, 1888).
74 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
que rinstabilité se soit finalement réfugiée au Nord, en laissant
stables non seulement tout le massif ardennais-rhénan^ mais auBsi
le bassin houiller de la Sarre et le Condroz lui-même, ainsi que
le bassin houiller si récemment découvert dans le département de
Meurthe-et-Moselle ^
Au sud de l'extrémité orientale du bassin franco-belge se rencontre
un assez important foyer d'ébranlement, s'étendant de Theux à Spa
et Stavelot. S'il est vraiment autonome, qu'il suffise de rappeler qu'il
s'agit là d'un paquet de couches dévoniennes affaissé entre des failles
N et N. W.
G*est à partir de Liège que la bande houillère commence à s'inflé-
chir au N. E., et c'est cette portion du bassin qui renferme les épi-
centres de beaucoup les plus remarquables, Maestricht et Aix-la-Cha-
pelle, tant par le nombre des séismes qui y ont été relatés, que par
leur intensité, d'ailleurs souvent aggravée par l'assiette des construc-
tions sur des sols insuffisamment résistants, ou en des situations
topographiques défavorables quant à la propagation du mouvement
séismique. Sieberg* a fait l'histoire des tremblements de terre d'Aix-
la-Chapelle, dont l'importance comme épicentre doit être, ainsi que
celle de Maestricht, restituée à Herzogenrath, ou Rolduc. Les grandes
secousses d'octobre 1873 et de juillet 1877 ont été attribuées par Von
Lasaulx ' à la faille de Feldbiss. Cornet admet que cette dislocation
a joué légèrement lors de ces secousses, et que prenant naissance
bien au-dessous du Primaire, dans l'Archéen sous-jacent, c'est dans
ce dernier terrain qu'il faut supposer l'origine des séismes. Mais cette
suggestion repose sur la détermination de la profondeur de l'hypo-
centre, — 27''",5, — et l'on sait combien ces calculs sont sujets à
suspicion. Suess fait de ces secousses des séismes par décrochement,
tout comme ceux des Alpes.
La faille du {î'eldbiss, d'environ 12 kilomètres de long, se trouve
au nord d'Aix-la-Chapelle, et coupe la vallée de la Wurm presque per-
pendiculairement aux couches houillères. Elle se décompose en quatre
failles secondaires, dont la plus occidentale est double, Feldbiss et
Miinstergewand. La plus orientale est celle du Sandgewand. Toutes
regardent au N. E. et ce sont les compartimenta orientaux qui se sont
abaissés. Le rejet, de 167 mètres à la surface au-dessus de la mine de
* C. R. Ac. Se. Paris, GXL, 893, 896. 998, 1905.
* Einiges ûber Erdbeben in Aachen und Umgebang (Die Erdbebenwarte, II, 129 et 182.
Laibach, 1903).
* Das Erdbcbon von Herzogenrath am 22 Oclober 1873. Ein Beitrag zur exakten Géo-
logie (Bonn, 1874). — Id. Das Erdbeben von Herzogenrath am 24 Joni 1877. Eine seismo
logische Sludie (Bonn, 1878).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA 6ILÉSIE 75
Gouley, de 218 en son fond à 983 mètres plus bas, de 125 mètres a
la Kônigsgrube, atteint au total au moins 400 mètres pour les ter-
rasses résultantes que Ton verrait se succéder en escaliers vers
le N. E. si la dénudation n'avait parfait son œuvre. Cette déni-
vellation atteint toutes les couches exploitées jusqu'à près de
i OOO mètres, et s'étend certainement beaucoup plus profondément.
D'autres accidents, subordonnés et de même direction, se retrouvent
jusque dans le Limbourg hollandais à la mine An de Yinck. Von
Ltasaulx a conclu de ses études sur les tremblements de terre de 1873
etde 1877 qu'ils étaient à tous les points de vue, — tracé des isoséistes,
aire pléistoséiste, direction des ébranlements locaux, angles d'émer-
gence du mouvement séismiquo, etc., — en dépendance directe de
la dislocation du Feldbiss, et la conséquence de cause à effet a été
depuis acceptée par tous les séismologues. Maestricht et Aix-la-Cha-
pelle ne sont donc que des épicentres apparents, conclusion qu'il faut
étendre à Folx-les-Caves pour ses secousses de 1756. Cette instabi-
lité séismique du Feldbiss est très concevable, depuis que Jacob ' a
montré que la chute des paquets carbonifériens, si elle a commencé
très anciennement, ne s'en est pas moins prolongée, par à-coups
successifs, jusqu'au Miocène, au moins après le dépôt des lignites.
Fouqué' a fait des objections à la manière de voir de von Lasaulx.
Il observe que les séismes de 1873 et de 1877, ayant eu leurs axes
perpendiculaires entre eux, ne peuvent dépendre des mêmes acci-
dents tectoniques. Mais le savant géologue atténue lui-même la dif-
Gculté, la présence de fentes transversales à la direction des couches
houillères n'empêchant pas, d'une façon absolue, dit-il, la plus
facile propagation du mouvement dans la direction d'une bande de
terrain (cas de 1877), et suffisant aussi dans d'autres conditions (cas
de 1873) à expliquer comment le mouvement se transmet plus aisé-
ment en travers de l'alignement des couches. Il pense, au contraire,
qu'une difficulté plus grande résulte de l'existence d'un triple, et
non plus double système de dislocations qui se croisent, d'après
Hofer, sous des angles aigus aux environs d'Aix-la-Chapelle. Ces
circonstances nous paraissent de nature à justifier bien des variétés
de formes des aires pléistoséistes, suivant la position du foyer
d'ébranlement par rapport à ces accidents multiples, et qu'expliquent,
même avec une même origine tectonique, des phénomènes subsi-
diaires de propagation.
* Les failles de la partie orientale du bassin d'Aix-la-Chapelle et la détermination de
leur &ge (Pr. V. Soc, belge de géol. paléont. et hydroL, séance du 20 janvier 1903, 58).
' Les tremblements de terre {Bibl. scientif. contemp,, Paris, 1888, p. 194).
76 géographiiî: séismologique
On ne saurait accepter l'opinion partagée par beaucoup, Sieberg
(/. c, 188) en particulier, malgré l'autorité qui s'attache au nom de ce
séismologue, que les tremblements de terre d'Herzogenrath, Aix-la-
Chapelle et Maestricht, ne seraient pas tous imputables au Feldbiss,
mais seraient de caractère volcanique et proviendraient de l'Eifel.
C'est qu'en dépit de son activité tardivement éteinte et contempo-
raine de celle de l'Auvergne, l'Eifel est une des parties les plus sta-
bles de tout le massif ardennais. Privé de secousses lui-même, il ne
peut en propager dans son voisinage immédiat, à plus forte raison
à 100 kilomètres de distance. Cette opinion est donc tout à fait inad-
missible et von Lasaulx l'a formellement condamnée.
Le bassin houiller disparaît ensuite jusqu'au Rhin, sous la cou-
verture tertiaire du golfe de Bonn, mais l'instabilité le suit jusque-là,
avec une certaine diminution toutefois. Or cette lacune superficielle
du bassin correspond, d'après Suess, à une sigmoïde, ou plissement
en S, s'étendant entre Aix-la-Chapelle et Diisseldorf ; sa présence
peut rendre compte de la séismicité observée, qui diminue progres-
sivement de l'autre côté du Rhin pour s'évanouir en même temps
que les couches carbonifériennes, observation bien suggestive et favo-
rable à l'attribution aux plissements hercyniens des secousses qui se
font sentir de Béthune à Dortmund.
Un très récent travail, surtout historique, de Villette S vient de
confirmer pleinement le repos séismique dont jouit le massif arden-
nais, rarement ébranlé par des secousses d'origine extérieure.
11 ne reste plus qu'à parler de la vallée du Rhin entre Bonn et
Bingen. Cette profonde entaille en travers de la pénéplaine dévo-
nienne rhénane est jalonnée d'épicentres nombreux, de Bingen à
Coblentz et à Bonn, ces villes importantes ayant enregistré à tort
pour elles-mêmes nombre de séismes, non signalés en d'aulres points,
sans qu'il y ait pour cela probabilité que la vallée soit plus stable
ailleurs. On dirait d'une grande fracture séismiquement instable,
sur tout le long de son parcours, et continuant à jouer. Mal-
heureusement pour la simplicité de l'explication, il n'en est rien,
la cluse, où coule le Rhin, ayant été creusée par ce fleuve comme
l'aurait fait une scie sous laquelle la pièce de bois — ici le massif
rhénan — se serait exhaussée graduellement. De Lapparent a fait
observer que les terrasses rocheuses, et les revêtements de cailloux
roulés, montrent que le bloc schisteux s'est déformé en se relevant.
Si ces mouvements jouaient un rôle séismogénique, les épicentres
* Les tremblements de terre dans les Ardennes et les régions voisines (Sedan, 1905).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 77
ne seraient pas exclusivement restreints aux deux rives et à leur voi-
sinage immédiat. Il faut donc leur chercher une autre origine, encore
indéterminée. On se contentera d'observer que ces secousses affectent
le plus souvent des aires allongées le long du fleuve.
Le grand champ de fractures qui deTArdenne se prolonge jusqu'à
Nuremberg, bien au delà de la région ici étudiée, ne cause d'insta-
biUté nulle part, et les districts volcaniques de TEifel, du Sieben-
gebirge, du Rhôn et du Vogelsberg, ignorent presque complètement
les séismes.
6. — Vosges et Forét-Noire, Rhin moyen, Souabe et plaine
bavaroise.
Cette région, bornée au Nord par la précédente, est limitée au Sud
par le Rhin jusqu'à son entrée dans le lac de Constance, par la bor-
dure méridionale de la plaine bavaroise, par l'Inn jusqu'à son con-
fluent avec le Danube, par ce fleuve de Passau à Ratisbonne, et
enfin par la Naab jusqu'à rencontrer au delà des sources de la Werra
le bord occidental du Fichtelgebirgeetle pied Sud du Thuringervvald.
On englobe ainsi, d'une façon très naturelle au point de vue géolo-
gique, les massifs archéens et primaires des Vosges, de la Forêt-
Noire, de rOdenwald et du Spessart, la plaine du Rhin, celle du
Danube, et les terrasses jurassiques et triasiques de la Franconie et
de la Souabe, en s' arrêtant au Sud à la bordure tertiaire des Alpes
et à l'Est au pied du massif primitif bohémien.
Les tremblements de terre de tous ces pays sont bien connus *
et depuis assez longtemps des commissions séismologiques^ y ont
* AL Perrey. Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhin (Ac. roy.
de Belgique. Mém. XIX, 1847).
Id. Sur les tremblements de terre dans le bassin du Danube (Id., 1846).
R. Langenbeck. Bericht ûber die vom 1. Januar 1890 bis 1. April 1895 in Elsass-
Lothringen, Baden, der Pfalz und der Umgebung von Basel, beobacbleten Erdbeben.
Strassburg, 1895.
Id. Die Erdbeben erscheinungen in der oberrheinischen Tiefebene und ihrer Umge-
bung {Geogr. Âbhandl. ans EUass-Lothringen, Heft 2, 1893).
W. von Gûmbel. Uber die Erdbeben in Bayem (Silsungsb. d, Mûnchener Ak. mat.
phy$. KL, 1898, 1).
J. Reindl. Beitr&ge zur Erdbebenkunde von Bayern {Id., XXXIII, 1, 171. 1903).
Id. Die Erdbeben der geschichtiicben Zeit im Kônigreiche Bayern (Die Erdbebenwarte,
n, 135. Laibach, 1903).
* H. Eck. Uebersicht ûber die in WQrttemberg und Hohenzollern in der Zeit vom
1 Januar 1867 bis zum 28Februarl887 wahrgenommenen Erderschtitterungen {Jahres-
hefie d. Vereiru f. Vaterl. Naturk, XLIII. 1887. Stuttgart. 1887). — 1888 à 1891. Même
recueil années suivantes.
A. Schmidt. 1892 à 1903. Même recueil, années suivantes.
G. Gerland. Die Erdbebenbeobachtung in Elsass-Lothringen Âugust 1894 bis Juni 1895
[Berichi Uber d. SUz. d. MitgL d. Erdbebencommissionen am il April 1895 zu Baden-
veiler, XXVIII Versammlung d. Obe^Theinischen geol. Ver.).
78 GÉ06R4PHIB SÉISMOLOGIQUË
été instituées, Wurtemberg et HohenzoUem, Alsace et Lorraine.
Au premier coup d'œil sur la carte séismîque schématique, on
vDit les épicentres riches et pauvres s'accumuler d'une manière
extrêmement dense sur un vaste quadrilatère irrégulier s'appuyant
sur le Taunus, de Langenschwalbach à Friedberg, et sur le Rhin, de
Bâle à Lindau (lac de Constance). Ils ne dépassent pas à l'Ouest la
ligne Meisenheim-Maasmunster et à TËst celle de Ulm-Francfort-
sur-le-Main. Us se distribuent sporadiquement, ça et là, sur la partie
orientale de la région.
Un des phénomènes géologiques les plus remarquables de l'Eu-
rope centrale consiste dans l'affaissement relativement récent de
la plaine du Rhin, de Bâle à Mayence, entre des failles en esca-
lier. Cet événement de premier ordre est trop connu pour qu'il soit
nécessaire d'en parler longuement, quoique les géologues ne soient
pas absolument d'accord sur le détail et le mode des vicissitudes
successives auxquelles cette région a été soumise, et en particulier
sur celles qui ont préparé l'effondrement de la voûte surbaissée qu'a
été le double massif des Vosges et de la Forêt-Noire. La vallée du
Rhin n'est pas une vallée de fracture proprement dite, mais bien un
graben^ à flancs découpés en échelons par des failles longitudinales
entre lesquelles le substratum sédimentaire est d'autant plus des-
cendu qu'on se rapproche davantage du thalweg. Cette dépression
est oblique par rapport à l'anticlinal fondamental des Vosges et de la
Forêt-Noire qui, pour la première chaîne, court de Luxeuil au
Hohekônigsberg, près et à l'ouest de Scblettstadt, se perd dans la
plaine fluviale et reprend dans le Schwarzwald au Hornisgrinde en
face de Strasbourg, pour mourir finalement près et au nord de
Stuttgart. Hâtons-nous de signaler que cette ligne importante, dirigée
S. W.-N. E. n'a aucune signification séismique ; c'est dire tout
de suite que les séismes des deux massifs n'ont rien à voir avec
l'ancienne chaîne primaire, en tant que ride hercynienne, énergique-
ment plissée à la fin de l'époque dinantienne. L'effondrement, com-
mencé par le Sundgau, s'est complété à l'époque oUgocène, et la
dépression a été envahie par la mer venant de la Hesse. A l'ère de
la mollasse, la mer qui recouvrait la Souabe et la Suisse s'était
retirée de l'Alsace au moment où les éruptions du Vogelsberg inter-
ceptaient le golfe hessois, pendant qu'un fleuve puissant, l'anti-Rhin,
portait ses eaux vers le Danube actuel. Le dernier mouvement, le
plus récent, a donné lieu à la fosse rhénane, en portant en môme
temps les conglomérats tertiaires à plus de 600 mètres d'altitude sur
les flancs des collines environnantes.
L'EUROPE MOYENNE DE L*ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 79
Des failles plus ou moins sinueuses courent à peu près parallèle-
ment au thalweg et
nous nous sommes
naturellement servi
pour en parler ici de
la carte tectonique
de TÂllemagne du
Sud-Ouest, élaborée
par Regelmann et
ses collaborateurs.
Faisant abstraction
de nombreuses dis-
locations plus cour-
tes, diversement
orientées et situées
en pleines Vosges,
on obsen^e que la
rive gauche de la
fosse est formée d'une
grande faille jalon-
nant le pied de la
chaîne, et courant de
Belfort à Kinden-
heim à 10 kilomè-
tres à Touest de
Worms, pour re-
prendre, après une
interruption et dans
la même direction, de
cette ville àMayence,
c'est-à-dire beaucoup
plus près du fleuve.
DeDambach, aunord
de Schlettstadt, au
massif de la Haardt,
cette grande ligne de
fracture forme la
corde d*une autre
qui s'arrondit vers
l'Ouest en passant
- /ailler
% AnUclincuuc
Fig. 6.— Dislocations rhénanes (d'aprôs Regelmann).
près de Saverne, et l'espace qu'elles enserrent entre elles cons-
80 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUË
titue sur presque toute sa surface un véritable champ de frac-
tures, pauvre en épicentres, tandis que la première ligne de dis-
location est jalonnée de foyers d'ébranlements. A vrai dire, la
plupart des épicentres ne sont situés qu'en son voisinage ; mais
cela tient uniquement à l'imperfection des observations, qui n'a
fait» la plupart du temps, signaler les secousses que pour les grandes
villes situées assez avant dans la plaine et non point au pied des
monts. Comme l'a fait observer Perrey, la plupart de ces séismes
affectent des aires allongées dans le sens de la vallée. Il y a cepen-
dant eu quelques exceptions, par exemple le tremblement de terre
du 24 janvier 1880, qui s'est étendu de Landau au Rauhe Alp. On
est donc tout à fait en droit de conclure qu'ils émanent de la faille^
dont ils indiquent un reste de mobilité, ou de vitalité des efforts tec-
toniques correspondants, et c'est une opinion généralement adoptée
par tous les géologues et les séismologues. Ce rôle séismogénique
sera facilement accepté si Ton réfléchit à l'énorme amplitude des
dénivellations de couches à la suite de la production de ces failles;
elles résultent des mouvements complexes du dôme surbaissé dont
les Vosges et la Forèt-Noire ne sont que les piliers, restés seuls visi-
bles, et, d'après de Lapparent et autres géologues, les couches tria-
siques sont abaissées de 2500 à 2800 mètres par rapport au sub-
stratum primaire. Ainsi, contrairement à ce qui se passe pour les
Alpes, les tremblements de terre du Rhin moyen sont le plus souvent
longitudinaux.
Les secousses, plutôt rares dans les Vosges méridionnales, sont
encore moins fréquentes dans celles du Nord. On observe le maxi-
mum dans la dépression sundgovienne, où le Pliocène et le Miocène
sont restés en relief au-dessus de l'Oligocène de la plaine. Les
séismes du Sundgau et de Mulilhouse sont tout à fait indépendants
de ceux de la Forêt-Noire méridionale, qui traversent difficilement
l'épais matelas des graviers de la vallée. Cependant, il arrive parfois
que ces derniers donnent lieu à des secousses de relai, comme le
pense Langenbeck, par exemple pour le séisme du Feldberg du
13 janvier 1895.
Le Palatinat bavarois présente dans la Haardt, près de Kandel,
un foyer indépendant d'ébranlement, qui a été fort actif au commence-
ment de 1903. Reindl* le met en relation non seulement avec la
faille rhénane qui passe à 12 kilomètres à l'ouest de cette ville, mais
* Die Erdbeben Bayerns in Jahre 1903 {Geogn. Jahreshefle, XVI, 1903. Munich, 69).
Jd. Das Erdbeben an 5 und 6 M&rz 1903 im Erz- und Fictitelgebirge mit BOhmerw&lde
und das Erdbeben an 22 M&rz 1903 in der Rheinpfalz (id., 1).
BeHbrt
Altk!?ch Wte ^ ^^
Fig. 7. — Le Grabea rhénan.
Db MoïiTiwcs. — Tremblemento do terre.
82 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
encore avec une autre qui, séparant le Frankenweide du complexe
de la Haardt, produit un rejet de plus de 100 mëtres vers l'Est dans
les couches de ce dernier. Le plus important de ces tremblements
de terre, le seul du moins qui ait été étudié en détail, celui du
22 mars, a eu son aire pléistoséiste allongée sur un axe Miihlburg-
Siebeldingen, presque perpendiculaire au Rhin et aux failles rhé-
nanes. Beindl en conclut à Texistence d'une faille transversale à
découvrir, d'autant plus vraisemblable, dit-il, que, d'après d'an-
ciennes observations, lignes d'ébranlement et lignes de fractures
coïncident. Tout ce qu'on pourrait dire dans cet ordre d'idées, et
bien hypothétiquement encore, c'est que le séisme du 22 mars 1903
correspond à un effort tectonique qui, poussé plus loin, aurait pu
produire une faille transversale, précisément celle dont l'existence
est considérée par Reindl comme probable. Schwarzmann^ aurait
constaté à la suite de ce même tremblement de terre dans les couches
précédemment horizontales du district ébranlé une inclinaison de
0,268 à 0,472 de seconde d'arc, et Haid d'importants changements sur
la ligne Strasbourg-Appenweier après celui du 24 janvier 1880,
transversal aussi. Nous ne possédons malheureusement pas les élé-
ments nécessaires pour discuter ces deux observations mentionnées
par Reindl (/. c. 21).
Passons maintenant à la rive droite du Rhin. On remarque immé-
diatement, sur les cartes séismiques, une différence capitale avec ce
qui se passe sur la rive gauche : du côté de la Forôt-Noire, les épi-
centres couvrent tout aussi bien le massif aicliéen et primaire que
la dépression rhénane. C'est dire que, d'un côté, la formation post-
oligocène du graben]0\x^ seule un rôle séismogénique, tandis qu'à
l'Est elle se complique d'autres causes d'instabilité du massif lui-
même.
Le coude du Rhin à Bâle indique un changement profond dans son
histoire, et en effet c'est là que le Jura tabulaire suisse franchit le
fleuve, et vient, dans le Sud-Ouest du duché de Bade, former le Din-
kelberg, dont les couches presque horizontales sont violemment frac-
turées, sans préjudice de la faille rhénane principale de la rive droite,
qui passe près et à l'est de Bâle et s'avance en Suisse d'une dizaine
de kilomètres. Tous ces accidents suffisent largement à expUquer
les séismes de cette ville, dont au moins un, celui du 18 octobre 1356,
a été un tremblement de terre désastreux, sans c<mipter d'autres de
moindre intensité, quoique encore redoutables. Cette instabilité se
* Die letzten Erdbebea in Baden and iD der Pfalz (Vorlrag. Landesseilung, Rarisralie,
n» 75).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA 6ILËS1E 83
prolonge vers l'Est jusqu'à Schaffhouse, s'étendant ainsi à tout le
Tafel-Jura. Cette remarquable formation s'étend au Sud jusqu'à la
ligne des chevauchements de TArgovie. Ajoutant à cette nombreuse
série de vicissitudes le changement de cours du Rhin, dont la partie
supérieure s'écoulait vers l'Est jusqu'au moment où il s'est dirigé vers
rOuest pour suivre la fosse alsacienne, on aura plus d'événements
géologiques considérables et suffisamment récents qu'il ne faut
pour expliquer l'instabilité de tout ce district. Ces déductions sont
manifestement justifiées du fait que, d'une part, les failles du Dinkel-
berg ne dépassent pas le méridien de Laufenbourg, celles de l'Ar-
govie celui de Waldshut, et les chevauchements celui de Bulach, et
que d'autre part la séismicilé semble diminuer progressivement de
l'Ouest à l'Est, en même temps que ces trois séries concomitantes
d'accidents tectoniques, qui ne coexistent qu'à TOuest. En outre, Eck
et d'autres géologues considèrent le Dinkelberg comme une aire
d'affaissement.
Au N. N. E., le Feldberg, extrémité S. W. du massif granitique
et primaire de la Forêt-Noire, est un foyer notable d'ébranlements
séismiques, dont plusieurs des tremblements de terre ont été étu-
diés en détail. Langenbeck place les épicentres de ceux du 13 jan-
vier 1895 et du 21 avril 1885 sur la ligne de séparation du gneiss
et du granité, ligne en partie recouverte par le Carboniférien infé-
rieur s'étendant du Bârhalde vers le S. S. W., le long du flanc
S. Ë. de THerzogenhorn. Futterer^ a expressément confirmé cette
localisation, mais il s'élève contre le rôle séismogénique attribué
par Langenbeck à cette ligne qui, privée de tout caractère tecto-
nique réel, résulte de modifications insensibles de structure faisant
passer le gneiss au granité. De son côté, Futterer place l'épicentre
du tremblement du 22 janvier 1896 dans le district du Titi-See, Neu-
stadt, Lenzkirch, caractérisé par de très grandes dislocations d'un
complexe de formations paléozoïques et de puissantes masses de
porphyre, de gneiss et de granité.
Gomme pour la rive gauche du Rhin, la faille longitudinale de la
fosse jalonne les foyers d'ébranlement de la vallée et suffit à les
expliquer. Mais, en certains points particuliers, se présentent d'autres
circonstances qu'il faut détailler. C'est le cas de Fribourg-en-Bris-
gau et du volcan éteint, le Kaiserstuhl, et nous nous appuierons sur
* Das Erdbeben vom 22 JAnner 1896, nach den ans Baden eingegangenen Berichten
dargeatellt {Verhandl. d. Karlsruher Naturwiss, Vereins, XII, 1896).
Id. hie Ërdbobenforschung in Baden {VerhandL d. erslen Seismol. intem, Konferenz
uiSlnmbarg, 1901, 153).
84 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
le travail de BOse sur le tremblement de terre du 17 novembre 1891*.
Une coupe W. E. partant de Breisach rencontre successivement le
Kaiserstulil et sa faille bifurquée et coudée^ Eatharinaberg-Munzingen-
Bellingen, parallèle au Rhin, Munzingen-Ehrenstetten beaucoup plus
courte et oblique, la plaine des graviers du Rhin, la colline du Tuni-
berg, la cuvette Elz-Dreisam, la colline du Schônberg, la faille de
Wittnau parallèle au fleuve, et enfin les pentes d'Horben montant
au massif de la Forêt-Noire. Le Tuniberg et le SchOnberg, ainsi
Is
J
-^
G, Gneiss. — S, Trias. Jurassioue, Tertiaire. — V, Roches Tolcaniques. — R, Cailloux du Rhin. —
Sch, Cailloux et galets de la Forèt-Noire. — a, Failles.
Fig. 8. — Coupe des environs da Kaiserstuhl (d'après Bôse) .
respectivement limités à TOuest et à l'Est par des failles parallèles
au Rhin, sont formés de Trias, de Jurassique et de Tertiaire; ce sont
les extrémités d'un bloc dont le centre a fléchi et permis le dépôt
des matières détritiques descendues de la Forêt-Noire. Bôse pense
que, le 17 novembre 1891, il s'est légèrement déplacé entre ses faiUes
limites, surtout dans sa partie méridionale. Cette conclusion paraît
bien expliquer les séismes de Fribourg et de ses environs.
En ce qui concerne plus particulièrement le Kaiserstuhl, Wiegers*
met en relation les deux séismes du 14 février et du 3 juillet 1899
avec la faille N. S. qui, courant de KOnigschaffhausen à Oberim-
singen, coupe le volcan, et parallèlement à laquelle sont sorties les
laves de Limburg et de Sponeck. D'après ce savant, les séismes de
la Forêt-Noire S. W., ou du Dinkelberg, se transmettent plus diffi-
cilement au Kaiserstuhl qu'à la plaine alluvionnaire dont les cailloux
et les sables ont une épaisseur suffisante pour en amortir les ondula-
lions et les vibrations ; de sorte qu'il se rencontre avec Knop ' pour
* Das Erdbeben in der Gegend von Freiburg am ITNovember 1891 {yerhandl. d. nat.
Wiss.Vereins zu Karltruhe, XIII, 1900, 421).
* Bericht ùbor die am 14 Februar und 3 Juli 1899 in Baden beobachtelen Erdbeben
(id., 577).
' Das Erdbeben im Kaiserstuhle vom 24 Juni 1884 {id.j X, 1888, 41). — Das Erdbeben
vom 21 Âpril 1883 in der Feldbergnippe (id., 62). — Das Erdbeben im Kaiserstuhle
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 85
regarder les secousses du Kaiserstuhl comme indépendantes^ en
particulier celle du 21 mai 1882. Jusqu'alors le caractère volcanique
des séismes des environs de Fribourg ne faisait pas question depuis
que Dietrich* avait à la fin du xviir siècle reconnu le volcan ruiné.
Mais il a fallu en revenir lorsqu'on a observé que les tremblements
de terre du 21 mai 1882, du 24 juin 1884 et du 3 janvier 1886 s'al-
longeaient dans le sens de la vallée rhénane» et que leurs épicentres,
tout en restant sous le massif éruptif, variaient notablement de !
position, deux circonstances en faveur de causes purement tecto-
niques.
Plus au Nord, le rôle séismogénique de la faille rhénane principale j
semble disparaître en face de Strasbourg, à peu près comme cela
s'est présenté sur la rive gauche. Au delà de cette interruption, |
Carisruhe paraît être un foyer notable, caractérisé du moins par un i
important essaim de secousses en mai 1737, mais auquel on ne sau-
rait toutefois assigner une origine déterminée. Cette ville fait face à
Kandel, dont on a parlé plus haut, et correspond à la dépression du '
Kraichgau. |
La séismicité du flanc occidental de la Forêt-Noire n'atteint pas
tout à fait, au Nord, l'extrémité de ses terrains primaires visibles et
Tintervalle entre ces couches et celles de même nature de l'Oden-
wald, c'est-à-dire que la partie permienne, triasique et jurassique de
ce flanc est beaucoup plus stable. Ce fait est difficile à interpréter.
Il faut maintenant remonter jusqu'au Neckar pour retrouver l'ins-
tabilité, qui n'a pas profité pour se rétablir du champ de fractures
situé au S. W. d'Heidelberg. Si l'on mène une ligne du coude du
Neckar à Eberbach, on isole, à l'Ouest et entre les trois cours d'eau,
Rhin, Main et Neckar, un district que sa séismicité permet de mettre
presque en parallèle avec celui de l'Erzgebirge. Ce sont les deux plus
instables régions de l'Europe centrale et occidentale, au Nord des plis-
sements alpins et pyrénéens. Ce foyer comprend le bassin tertiaire
de Mayence, et ne mord que très faiblement sur la partie nord-occi-
dentale du massif primitif de l'Odenwald. Tout comme dans l'Erzge-
birge, il est caractérisé par des périodes de long repos séparant des
paroxysmes plus ou moins durables, avec cette différence que ceux
du bassin de Mayence sont moins bien connus et qu'ils paraissent
nioins fréquents. La seule période d'exacerbation qui ait été bien
3 Januar 1886 (id., 67). — Sporadische Erdbeben im Kinziglhale, in Staufen, in Broisach,
ïind in der Gegend von Markdorf (id., 116).
* Cf. Ph. Knglep. Fr. von Dietrich. Ein Beitrag zur Geschlchte der Vulkanologie (Man-
chener geogr. Studien., VU, Mûnchen, 1899).
86 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
étudiée est celle de 1869 ^ dont le maximum eut lieu du 30 octobre
au 19 novembre de cette année, et qui ne s'évanouit complètement
qu'en 1873. Il y en eut probablement d'autres dans les siècles pré-
cédents, mais on ne peut que les soupçonner d'après des renseigne-
ments incomplets.
En 1869,1e centre d'ébranlement fut sans conteste Gross-Gerau, et
si Darmstadt présente un grand nombre d'observations de séismes,
cela tient apparemment à sa situation de ville importante et cultivée.
Tout autour se pressent des épicentres, surtout de séismes de relaî,
mais quelques-uns d'une certaine importance, et peut-être même
indépendants de Gross-Gerau, comme Mayence, Francfort-sur-le-
Main, la Bergstrasse, Reichenbach et Schônberg, ces deux derniers
près du Felsberg.
La grande faille rhénane de la rive droite passe à Darmstadt, et
longe le pied occidental du massif primitif de l'Odenwald, qui est
lui-même un remarquable champ de fractures, entre cette ville et
Weinheim à l'Ouest, et s'épanouissant à l'Est depuis Aschaffenbourg
jusqu'au Schildeberg au Sud. Il résulte de la carte séismique que
rOdenwald est stable, même là où le champ de fractures le recouvre
partiellement. Bref, le district séismique coïncide avec le bassin
tertiaire de Mayence.
Dieffenbach a considéré les secousses de Gross-Gerau comme
d'origine volcanique, sous prétexte que l'Odenwald est constitué de
roches ignées et que des formations éruptives se rencontrent tout
autour, Yogelsberg, RhOn, Kaiserstuhl, etc. Il est inutile d'insister
sur cette explication par trop simpliste, se heurtant d'ailleurs à
l'absolue stabilité de ces massifs volcaniques. Von Lasaulx a sug-
géré des éboulements souterrains par dissolution de couches,
opinion que Hœmes' regarde avec juste raison comme absolument
inconciliable tant avec le grand nombre des chocs qu'avec la grande
extension de beaucoup d'entre eux.
Sans dire d'une façon très explicite que le foyer séismique du
bassin de Mayence est lié à des mouvements verticaux d'affaisse-
ment, Lepsius a fait sur ce sujet, en 1880, une très importante com-
munication à la 28* réunion de la Société géologique allemande
* J. Nôggerath. Die Erdbeben im Rheingebiet in den Jahren 1868, 4869 nnd 1810
(Ve7'handl. d. fiât. kist. Vereins d. preuss. RheirUande und Westfalens, XXVII, Bonn.
1870).
F. Dieffenbach. Plutonismns nnd Vnlkanismus in der Période yon 1868-1872 nnd
ibre Beziehungen zu den Erdbeben im Rheingebiet (Darmstadt, 1873).
* Die Erdbeben kunde. Die Erscheinungen nnd Ursachen der Erdbeben, die Methoden
ihrer Beobachtnng (Leipzig, 808, 1893).
L'EUROPE MOTEI^NE DE L'ATLANTIQUE À LÀ SILÉSIE S7
à Darmstadt. Nous la résumerons comme il suit : « Au bord oriental
(du bassin), on trouve partout comme couches les plus basses du
sous-sol tertiaire un grossier gravier, des cailloutis et des sables,
qui se font reconnaître comme fluviatiles par leur nature et la pré-
sence d'unios au test épais. Or sur les hauteurs d'Hechtstein, près
de Mayence, ces couches sont à 120 mètres au-dessus de Tétiage
du Main, et le rejet de la faille quaternaire dépasse 200 mètres par
rapport à ces mômes couches dans le Weisenau. Il y a donc lieu
de se demander si les secousses de Gross-Gerau ne sont pas en
dépendance de telles perturbations si récentes. Le nivellement du
réseau géodésique allemand peut être appelé à résoudre la question.
Malheureusement, c'est en 1870 seulement, c'est-à-dire postérieure-
ment au paroxysme de Gross-Gerau à la fin de 1869, que la voie
ferrée de May ence à Darmstadt a été nivelée. Le gouvernement hes-
sois a bien fait refaire l'opération en 1880, mais on ne saurait encore
tirer une conclusion ferme de l'affaissement de O'^^SO alors mesuré
au trait d'altitude de la gare de Mayence. » Assurément, Lepsius a
eu raison d'être prudent quant à la suggestion que les séismes du
bassin de Mayence sont dus à la continuation de l'affaissement
pléistocène qui a permis au Rliin d'y déboucher, hypothèse d'ailleurs
très plausible, dont le mérite lui revient ; eUe a été adoptée par
d'autres géologues, et en particulier, de Lapparent a fait valoir qu'en
même temps le massif rhénan s'élevait.
Penck * est encore plus explicite en disant que l'élévation du pla-
teau rhénan et l'affaissement de la plaine fluviale non seulement ont
eu lieu en plusieurs fois pendant l'époque tertiaire, mais ont encore
continué à la période diluvienne le long des failles et durent vraisem-
blablement encore aujourd'hui, ainsi qu'en témoignent, dit-il, les
nombreux chocs qui affectent les environs de Darmstadt. L'avenir des
observations géodésiques montrera si les mouvements ont conservé
une amplitude effective et mesurable, ou si Textinction progressive
des efforts tectoniques ne permet que la production des séismes.
De Mayence à Wiesbaden et Francfort, le flanc méridional du
Taunus est assez instable. Or cette chaîne, en prolongement direct
du Hunsriick, est le bord relevé à l'époque pléistocène du plateau
dévonien rhénan, au pied duquel le bassin de Mayence s'effondrait
en même temps de 85 mètres à Bingen, sans que le Permien parti-
cipât à ce mouvement au sud et au nord du Hunsriick. On comprend
dès lors que le versant du Taunus soit instable et celui du Hunsriick
* Das deutsche Reich, in A. KirchhoiTs Ldnderkunde von Europa (l, Th. 1, H. S35, 1887).
SS GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
stable, et cette opposition entre leur histoire géologique est trop
frappante pour qu'on hésite à la rendre responsable de la séismîcilé
du flanc méridional du Taunus, en même temps qu'elle corrobore
dans une certaine mesure Tattribution des secousses du bassin de
Mayence à la persistance du mouvement d'affaissement, en attendant
que des nivellements de précision soient venus confirmer les idées
de Lepsius. Enfin, le développement de l'appareil thermal du Taunus
n'est probablement pas indépendant de tous ces phénomènes.
La grande faille rhénane se termine brusquement à Francfort,
après être montée directement au Nord depuis Darmstadt et le bord
occidental du champ de fractures de l'Odenwald. Au delà du Main
elle est représentée par deux failles parallèles, légèrement inclinées
sur le méridien, et traversant le fleuve, puis par une autre plus
importante et sinueuse, d'Aschaffenbourg à Altenstadt sur la Nidda.
Précisément, cette vallée est une petite région d'ébranlement à
séismes longitudinaux, comme celui du 18 mai 1833, le plus notable
de ceux connus. La séismicité s'arrête net ici, malgré le voisinage
immédiat du volcan démainlelé, le Yogelsberg, aussi aséismique que
laRhôn, région volcanique voisine et contemporaine.
Le petit massif du Spessart est d'une absolue stabilité. Ainsi de
quatre horsts de l'Europe moyenne, Spessart, Odenwald, Vosges et
Forêt-Noire, seul le dernier est un peu instable dans son intérieur.
Les parties supérieures des bassins du Neckar et du Danube for-
ment un district séismique d'une certaine importance, sur le versant
oriental de la Forêt-Noire, entre Donaueschingen, Hayingen, Geis-
lingen, Schorndorf, Stuttgart et Sulz. On peut le dénommer district
d'Urach, du Rauhe Alp, ou mieux de HohenzoUern, ce pays en étant
probablement la partie la plus souvent secouée, au moins autour
d'Hechingen et de Tiibingen dans le Wurtemberg. Le trait géogra-
phique saillant est ici le rebord abrupt du Jurasouabe, tombant sur
le haut Neckar par une série de compartiments séparés par des
rivières, et qui portent successivement les noms de Baar, Heuberg,
Rauhe Alp, Albuch et Hàrtfeld, tandis qu'il s'abaisse par un long
plan incliné le long du Danube, de Donaueschingen à Donauwerth.
Le raide talus du N. W. est liasique, l'autre oolithique, et cette
région pénéséismique est séparée du massif primitif de la Forêt-
Noire méridionale par une longue pointe de Trias et de Permien
descendant de la ligne Rastadt-Stuttgart comme base, et ne renfer-
mant que de rares épicentres sporadiques. Ainsi, ce toit à deux
pentes inégales est surtout ébranlé sur ses trois compartiments méri-
dionaux, c'est-à-dire des sources du Danube au coude du Neckar, et
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 89
sur sa pente la plus raide. II est difficile d'attribuer les tremblements
de terre du Rauhe Alp à une cause géologique bien déterminée.
Langenbeck déduit des observations faites le 13 janvier 1895, que
ce tremblement de terre, issu du Feldberg, a eu son mouvement très
affaibli vers le Sud et l'Ouest, mais au contraire renforcé à Donaues-
chingen et à Pfôren. Ne tenant pas compte de phénomènes subsi-
diaires de propagation, il admet qu'en ces deux points le séisme
principal en lit par contre-coup naître un autre de relai, et il s'appuie
surtout sur ce que, d'après des témoignages concordants, le choc y
prit un caractère nettement vertical. Or, dit-il, à Diirrheim, à 8 kilo-
mètres environ au nord de Donaueschingen, se rencontrent à
100 mètres de profondeur de puissantes masses de gypse et de sel
gemme, s'étendant vraisemblablement vers le Sud jusqu'au delà de
Donaueschingen et de Pfôren, et fort exposées à la formation des
vides par dissolution et lessivage. Il en conclut que cette secousse
de relai est un séisme par effondrement, ou par écroulement.
Près de l'extrémité S. W. du Rauhe Alp s'ouvre l'aire d'effondre-
ment du Hôhgau, ou Hegau, district volcanique en activité à la fin
du Miocène, ou au commencement du Pliocène. Elle se prolonge vers
le S.-E. par la cavité du lac de Constance dont les bords orientaux
constituent, avec le Hôhgau, une région pénéséismique indépen-
dante se prolongeant sur la rive droite du Danube jusqu'à Ulm, et
au Sud jusqu'à Kempten, juste à la bordure des hauteurs préalpines
constituées par le Tertiaire inférieur, auxquelles s'arrêtent les ter-
ritoires étudiés ici. Les séismes en question sont peut-être en relation
avec les mouvements de terrain et avec les phénomènes qui auraient,
à l'époque oligocène, forcé le Rhin supérieur à abandonner son
cours vers l'Est pour déboucher dans le lac et drainer la cuvette assé-
chée entre les Vosges et la Forêt-Noire, simple suggestion tout à
fait provisoire. En outre, quatre failles importantes ayant déterminé
le cours du Danube, mais jusqu'à Ulm seulement, où précisément la
séismicité disparaît à l'Est, peuvent être regardées comme interve-
nant, car cette coïncidence n'est probablement pas fortuite. Bibe-
rach a été en janvier 1842 le théâtre d'un petit essaim de secousses.
La région du lac de Constance présente de nombreux exemples
d'affaissements dans les calcaires du Jurassique supérieur et ils y ont
donné lieu à des dépressions privées d'eau. C'est en tablant sur cette
structure que les membres de la commission séismologique wurtem-
bergeoise ont, à la réunion de Karlsruhe en 1888, expliqué, par des
phénomènes de dissolution et d'entraînement des couches sous l'action
des eaux souterraines, les secousses à caractère sporadique qui s'y font
90 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
souvent sentir et nommément celle du 11 janvier 1881 à Constance,
du 24 février 1881 à Stokach et Ludwigshafen, du 9 mars 1881 à
Neuhausen près d'Engen, du 21 mars suivant à Ëngen, du 16 no-
vembre 1886 à Thiengen, et enfin du 28 novembre suivante Stokach,
Ludwigshafen, Winterspûren, Reichenau, Salem et Ueberlingen.
Le Hohgau nous ramène tout naturellement à l'extrémité du Rauhe
Alp, au Ries, cette célèbre dépression tectonique et volcanique tout
à la fois, qui constitue un important problème géologique non encore
complètement élucidé, malgré les travaux de Fraas, Branco, Koken,
et autres géologues, et qu'à si bien résumés de Lapparent^.
L'instabilité du Ries nous paraît avoir été exagérée par Giînther et
Reindl", les historiens de ses tremblements de terre, et si ceux
de 1471 et de 1517 ont pu renverser la tour de Nôrdlingen, c'est en
partie parce que cet édifice était extrêmement grêle. A notre avis,
l'instabilité du Ries et du Vorries n'atteint pas, à beaucoup près,
celle des territoires précédemment étudiés, et leurs quelques
secousses dérivent manifestement des nombreuses et compliquées
vicissitudes dont cette région a été récemment le théâtre, mais à l'ex-
clusion de l'effondrement, les aires d'affaissement voisines et ana-
logues de Herdtfeldhausen, Steinheim, Neresheim et EUenberg-Bop-
fingen étant encore beaucoup plus stables. Les savants bavarois
s'accordent sur l'origine volcanique de ces secousses.
Von Gûmbel attribue à la dissolution de la dolomie franconienne on
séisme de MOckenlohe, auN. N. W. de Neuburg-am-Donau, et il n'y
a pas de raison pour ne pas en faire autant d'un autre de cette der-
nière ville, si des observations directes confirment ultérieurement
cette explication.
A l'exemple de Lancaster au sujet des tremblements de terre
belges du haut moyen âge, il faut émettre de sérieux doutes pour ceux
qui auraient désolé Wurtzbourg au ix* siècle.
Tout le reste de la Bavière et de la Franconie est très stable, et ne
présente que des épicentres sporadiques sans intérêt.
7. — Le massif bohémien.
Nous excluons la région séismique si importante de l'Erzgebirge,
* Cirques terrestres ; Le problème du Ries [Revue des questions scientifiques, }m\\ei 1903,
26, Louvain).
* Seismologtsche Untersuchungen. II, Die Seismicitftt der Riesmolde [Silxungsber. «f.
mai.ph. KL d, Kgl. Bayer. Ak, d, Wiss., XXXII. IV, 641. MOnchen. 1904); S. Gûnthar.
Die seismischen Verhftltnlsse Bayeras (Verhandl. d. erslen internat. Seismol. Konferenz,
Strassburg, 438).
L^EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILËSIE H
qui s'étend largement sur les terrains sédimentaires de la Saxe et des
Ëtats de la Thuringe.
La Bohême est le plus important des massifs archéens et primaires
de l'Europe centrale, et joue par rapport à l'Allemagne le même
rôle que l'Auvergne pour la France. Son ossature orographique est
constituée par les trois arêtes montagneuses du Riesengebirge, de
l'Erzgebirge et du Bôhmerwald, et par le rebord des hauteurs de
Moravie, simple seuil élevé, qui n'est pas une véritable chaîne. Le
Bôhmerwald et le bassin de la Moldau forment ainsi la région péné-
séismique du massif bohémien proprement dit, en en excluant
comme nous le faisons, pour des raisons d'exposition, le bassin de
TEger, et celui de l'Elbe en amont du défilé de Tetschen.
La séismicité n'est pas plus caractérisée dans le massif bohémien
que dans le Plateau Central français, et l'on y rencontre seulement
trois petits foyers d'ébranlement, sans grande importance.
Le premier revêt une forme presque linéaire par le massif basal-
tique du Duppauergebirge, le long du grand filon de quartz dit du
Pfabl, et s'étend jusqu'à Waldmiinchen au centre du Bôhmerwald.
Le tremblement de terre du 26 novembre 1902, étudié par Credner ',
a eu son épicentre non loin de Pfraumberg. L'isoséiste centrale était
dirigéeN. N. W.-S. S.E., ce qui a conduitKnett' à mettre ce séisme
en relation avec les dislocations hercyniennes dans le sens des géo-
logues allemands. Les autres isoséistes se sont de plus en plus
allongées dans le sens du Pfahl, ce qui doit être uniquement attribué
à des phénomènes subsidiaires de propagation sans intérêt, ici du
moins. Le fait que ce séisme a eu l'axe de son aire pléistoséiste
dirigé perpendiculairement au Pfahl corrobore l'opinion de Enett,
relativement à Tinfluence de ces dislocations. Cet accident, le long
duquel s'étend la traînée d'épicentres dont il s'agit ici, avoisine le
bord occidental du bassin silurien, carboniférien et permiendu centre
de la Bohême, morcelé par une série de failles à peu de chose près
parallèles à la ligne de Prague-Przibram, direction perpendiculaire
à celle du Pfahl. Or, dans la cuvette silurienne, Suess voit non un
simple synclinal, comme on le croyait antérieurement, mais bien un
graben, ou fossé d'e£Ebndrement, <c faisant partie du grand système
d'accidents qui affecte tout le bassin de la Bohême. » On est ainsi
amené provisoirement à établir une relation entre les phénomènes
' Das Bôhmerwald-Beben am 26 November 1902 (Ber. d, mat. ph. Kl. d, Kônigl.
Saeks. Geê, d. Wisa, tu Leipzig. Sitz. 2 Febr. 1903, 13).
' Das Ërdbeben am BOhmischen Pfahl. 26 Nov. 1902 (MiUh. d. Erdbeben-comm. d. K.
Ak. d. Wiss., Neue Folge. XVII, Wien, 1903).
92 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
qui ont donné son aspect actuel à la Bohême et à la région pénéséîs-
mique couchées sur le Pfahl. En tout cas, il nous semble que Pfraum-
berg n'étant pas sur le mur de quartz du Pfahl, cet accident n'a pas
directement été en cause le 26 novembre 1902, et qu'il est consolidé
comme ses homologues de l'Erzgebirge, ainsi qu'onle verra plus loin.
C'est aussi le cas du sillon de Bretagne.
Les secousses de Prague et de Kladno doivent sans doute dépendre
aussi des dislocations hercyniennes de la cuvette silurienne ; mais
cela n'est point certain, car il s'agit là, surtout pour Prague, de phé-
nomènes dont l'origine réelle est inconnue, n'ayant été signalés que
pour la capitale de la Bohême ; ils pourraient tout aussi bien venir du
foyer de Trautenau. Cela se trouve conCrmé par Tabsence d'épi-
centres dans la cuvette elle-même. Dès lors ces dislocations ne joue-
raient un rôle séismogénique qu'au N. W., vers le Pfald. On voit
combien la question reste encore obscure, malgré les indications
données par Reindl^ sur Tinfluence de ces accidents vers le Bôh-
merwald.
Le tremblement de terre du 5 janvier 1897, étudié par Becke*,
peut être mis en rapport avec les dislocations propres du Bôhmer-
wald méridional, son aire pléistoséiste s' allongeant le long de sa
crête. C'est le seul connu, jusqu'à présent, qui soit dans ce cas.
Le massif basaltique du Duppauergebirge mérite une mention
spéciale, ayant été, le 14 août 1899, le théâtre de remarquables déto-
nations séismiques qui ont donné à Knett l'occasion non seulement
de la monographie particulière plus haut mentionnée, mais aussi d'un
travail d'ensemble ' sur ces intéressants phénomènes. Dans le premier
de ces deux mémoires, Knett a étudié le phénomène acoustico-séis-
mique au point de vue des circonstances physiques et chimiques du
sous-sol permettant sa production, mais il nous semble qu'on ne peut
pas dire que ses considérations sur les failles voisines et sur la grande
dislocation et la ligne séismo-thermale de l'Eger constituent une
réelle démonstration d'un rapport de cause à effet, hypothèse qu'il
se garde d'ailleurs bien d'émettre formellement.
Il y a peu d'années, une station séismographique a été installée au
fond de la mine de Przibram, sur le bord de la cuvette silurienne,
dans le but d'étudier les phénomènes différentiels de propagation des
' Bericht ûber das Erdbeben vom 5 J&nner 1897 im sûdlichen Bôhnierw&ld (Millh. d.
Erdbebencomm., HI, Wien, 4897).
* Bericht ûber das Delonationsph&nomen im Duppauergebirge am 14 August 1899
(/d., XXI, 1900).
' Ueber d ieBeziehungen zwischen Erdbeben und Detonationen (Id., XX, 1900).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 9S
secousses relativement à ceux observés à la station de surface sur
une même verticale. Une telle disposition paraît susceptible de déceler
plus tard Tinfluence des failles hercyniennes, pour peu que les
observateurs dirigent leurs recherches dans ce sens.
Près de la rive gauche du Danube, de Turnau à Kattsdorf, s'étend
en Bavière et en Autriche une région d'ébranlement se prolongeant
jusqu'à Budweis et occupant aussi le haut bassin de la Moldau.
Le maximum d'activité s'y montre au sommet S.Ë. de cette aire
triangulaire, aux environs de Prâgarten. Le tremblement du 28 sep-
tembre 4900 a été étudié par Yon Mojsisovics^ qui le met en rela-
tion avec le petit bassin tertiaire d'effondrement de Gallneukirchen-
Kattsdorf-Lungitz, situé au milieu des gneiss, granités et granulites.
Il n'y a pas de motifs pour s'écarter d'une opinion aussi autorisée.
Le double centre séismique de Josephsthal et de Litschau corres-
pond à l'extrémité N. W. de la fameuse ligne séismique de la Kamp,
dont l'étude, faite par Suess en 1873, a fait époque en séismologie
tectonique, ainsi qu'on le verra plus loin à propos des Alpes orien-
tales. Il s'agit donc là d'un foyer n'appartenant pas à la région.
D'après Perrey^, Bauscher place dans l'Eulengebirge l'origine des
nombreuses secousses de ce foyer en 1856-1859, qui ne se sont plus
reproduites depuis ; la trop grande distance^'y oppose.
8. — Silésie prussienne et autrichienne (Sudètes).
Cette région s'étend à l'est de l'Elbe et du bord nord-est du
massif principal archéen et primaire de la Bohême au Sud de la
ligne Bautzcn-Breslau, et jusqu'à Cracovie. Elle comprend ainsi,
autour du noyau primitif du Lausitzergebirge et du Biesengebirge,
les terrains crétacés et carbonifériens du Nord-Est de la Bohême,
houillers de la Silésie et quaternaires de la plaine de l'Oder. Les
tremblements de terre silésiens ont été peu étudiés, et en dehors
des monographies de séismes qui seront mentionnées, nous ne con-
naissons qu'une liste générale peu circonstanciée d'un journal local *.
Dans le Nord, on rencontre quelques épicentres sporadiques, pou-
vant dépendre de la grande dislocation de la Lusace, ou de l'Elbsand-
steingebirge, mais cette conclusion n'est rien moins qu'évidente.
* Allgemeiner Bericht und Chronik der im Jahre 1900 im Beobachtung^sgebieie eingc-
Iretenen Erdebeben (Id. Neue Folge, II, 13, Wien, 1901).
* Noie sur les tremblements de terre en 1861 (Mém. Ac. Bruxelles, 1863, p. 50).
' Historische Beben in Schlesien [Schlesische Zeitung, 10 Jannerl901. Reproduit dans
Die Erdbebenwarte, ï, 117. Laibach, 1902).
91 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
Quoi qu'il en soit, cet important accident montre une action décisive
sur les séismes du haut Elbe, dont il facilite l'extension vers le N. W.,
ainsi que l'a montré Credner* pour celui du 10 janvier 1901. Au
confluent de l'Elbe et de la Moldau, Melnik mérite une mention spé-
ciale pour avoir été, le 8 avril 1898, le théâtre d'un remarquable phé-
nomène acoustico-séismique, étudié par Woldrich', qui le met en
relation avec les dislocations du Bôhmerwald et del'Erzgebirge, auquel
cas ce point appartiendrait réellement à l'une de ces deux répons.
Le district séismique d'Hirscbberg-Trautenau est le plus important.
Au Nord, il s'étend de Liegnitz à Breslau, et au Sud, de Munchen-
grstz à Glatz, donc à cheval sur le Riesengebirge. Sa partie la plus
instable est le haut cours de l'Elbe en amont de Josephstadt et celui
de l'Aupa. Liegnitz et Breslau ne sont que des épicentres apparents.
A partir et au N. W. de Glatz s'étend, sur la frontière de la Bohême
et de la Silésie, le bassin carboniférien, houiller et permien de Wal-
denburg. Dans la même direction se rencontre ensuite le massif gra-
nitique prolongé en pointe par celui du Lausitzerwald, ou monts de
Lusace. Un peu au nord de Josephstadt, on voit un lambeau permien,
et tout le flanc S. W. de ce système, jusqu'au delà de Tetschen sur
l'Elbe, appartient au Crétacé supérieur.
Les tremblements de ^erre d'Hirscbberg-Trautenau ont été étudiés
par divers savants, comme Woldfich', Dathe ^, Laube', Grânzer',
Credner, etc., de sorte que les conditions séismico-tectoniques en
sont maintenant bien connues. En partant du Nord, on rencontre
l'épicentre d'Hirscliberg, dont le bassin correspond à un effondre-
ment assez récent. Le Garboniférien de Glat2&-Waldenburg, s'il n'est
pas pUssé, est du moins très disloqué. Sur le versant S. W., l'Elbe
correspond à une dépression faisant le pendant de celle d'Hirschberg;
et le long des Sudètes plusieurs dislocations importantes prennent
la direction N. W.-S. E. Celle de Qualisch-Hronow a été le
siège de l'épicentre du tremblement de terre du 10 janvier 1901,
tandis que c'est la ligne de l'Aupa qui a joué le 31 janvier 1883. Une
* Das s&chsische Schûttergebiet des sudetischen Erdbebcns vom 10 Januar 1901 {Ber.
d. maL phys. Cl. d. K. Sdchs. Ges, d, Wi3s. zu Leipzig, 4 M&rz 1901, 83).
* Bericht ûber die unterirdische Détonation von Melnik in Bôhmen vom 8 April 1898
(Mitth. d. Erdbeben comm, Wien, IX, 1898).
' Das bôhmische Erdbeben vom 10 JAnner 1904 [Milth, Erdbebencommission, Ncue
Folge, VI, Wien, 1901).
* Das schlesiscii-sudelische Erdbeben vom 11 Juni 1895 (Berlin, 1897).
* Das Erdbeben von Trautenau am 31 J&nner 1883 {Jahrbuck. c/. K. K. Geol. lieichs-
anslalL XXXUI, 2, 331, 1883, Wien).
* Das sudelische Erdbeben von 10 Janner 1901 (MiUh.d, Vereins d, Naturfr.inReich'
enberg, Bùhmen, XXXII, 1901).
L'EUROPE MOYENNE DE L ATLANTIQUE A LA SILÉSIË 95
autre ligne d'affaissement se fait voir sur le flanc N. E. et le plus
abrupt de la vallée de la Steine qui s'étend de Braunau à Glatz. On
trouve donc là tout un syslëme de failles parallèles, amplement
sufBsant pour justifier l'opinion générale qu'elles jouent un rôle
séismogénique bien décidé. Cela est d'autant plus plausible que
l'époque des plus récents mouvements ne descend pas au delà de
rOligocëne, mouvements qui n'ont pas suffi à masquer entièrement
les anciens plis hercyniens. Bref les causes probables d'instabilité
ne manquent point.
Dans l'extrême Sud-Est enfin se rencontre un petit foyer séismique,
autour de Scbwientochlowitz, au sud de Tarnowitz. Il correspond à
une série de petits bassins houillers non plissés, mais très disloqués,
et cela apparaît d'autant plus clairement que Ratibor et Possnitz ne
sont pas très éloignés de deux autres lambeaux, isolés des précé-
dente et situés à l'est de Troppau. Ainsi se maintient la séismicité
des bassins houillers en avant des horsts fixes de l'Europe centrale.
On doit peut-être rattacher à ce centre les secousses de Gracovie, en
supposant que cette ville ait enregistré à tort pour elle-même quel-
ques-unes de celles qui lui venaient de l'Ouest. Mais on entre là dans
le domaine des Garpathes ou des plissements alpins, de sorte que
ce rattachement reste douteux.
9. — Erzgebirge, Saxe et Thuringe.
Cette région s'étend entre l'Elbe, la ligne Magdebourg-Minden, ou
le pied des collines sub-hercyniennes, la Weser, le pied sud du
Thuringerwald, le Fichtelgebirge, une ligne longeant à peu de dis-
tance la rive droite de TEger, et enfin, en aval de Kaaden, cette
rivière jusqu'à son confluent avec FElbe. G'est de beacoup le foyer
séismique le plus important de toute l'Europe centrale, en avant des
Alpes et des Pyrénées. La partie la plus instable est TErzgebirge,
qui, avec ses dépendances du Nord, renferme la grande majorité des
épicentres. A proprement parler, ce n'est pas une chaîne de mon-
tagnes, mais bien une sorte de falaise gneissique et granitique, domi-
nant la cuvette bohémienne et plus directement la vallée de l'Eger,
qui coule à ses pieds et où alternent d'amont en aval de petits bas-
sins tertiaires et des épanchements éruptifs de la même ère géolo-
gique. Au Nord au contraire, les pentes sont relativement douces.
Les tremblements de terre de l'Erzgebirge sont très bien connus
dans leur allure générale depuis ces dernières années, après les
96 GÉOGRAPHIE SÉISHOLOGIQUE
travaux de CrednerS Knett*, Uhlig', etBecke*. Ils présentent au
• Freuei
les grands- Aùtas de qtuxrtx^
Fig. 9. — Erzgebirge.
plus haut degré le caractère d'essaims de secousses^ durant de quelques
* Das vogtl&ndisch-erzgebjrgischc Erdbeben vom 23 November 1875 {ZexUckr. d.
gesammt. Natut^wiss., XLVIII, 1876, 246, Leipzig) ; Das vogllândische Erdbeben vom
26 December 1888 {Ber. d. K. Sdchs. Ges. d. Wiss. mat. phys. Kl., 11 Febr. 1889, 76) ;
D^e 8&chsischea Erdbeben w&hrend der Jahre 1889 bis 1897, insbesondere das sâchsisch-
bOhmische Erdbeben vom 24 October bis 29 November 1897 (Abhandl. d. mat. phys. Cl.
d, Kgl. Sdchs, Ges. d. Wiss.y XXIV, IV, 317. Leipzig, 1898); Die seismischen Erschei-
nungen im KOnigreiche Sachsen wahrend der Jahre 1898 und 1899 bis zum Mai 1900
(Ber. d. mat. ph. Cl. d. Kgl. Sdchs, Ges. d. Wiss. zu Leipzig, 7 Mai 1900, 37); Die
vogtlandischen Erdbobenschwttrme wàhrend des Juli und des August 1900 (W., 14 No-
vember 1900, 153) ; Die vogUândischen Erderschûtteningen in dem Zeitraûmo vom
September 1900 bis zum Mârz 1902, insbesondere die Erdbebenschw&rme im Frûlijahr
und Sommer 1901 (Id., 3 M&rz 1902, 74); Das Greizer Beben am 1 Mai 1902 [Id., 2 Febr.
1903, 3) ; Der vogUa.ndische Erdbebenscbwarm vom 13 Februar bis zum 18 Mal 1903
(Abhandl,, Id., XXVIII. IV, 420, 1904).
* Das erzgcbirgische Schwarmbeben vom 1 J&nner bis 5 Februar 1824 (Sitz. ber. d.
deutsch, nat. Med. Ver. filr Bôhmen. « Lotos », 1899. Prag. Nr. 5) ; Bericht ûber das
erzgebirgische Schwarmbeben vom 13 Februar bis 25 M&rz 1903 {Mitth. d. Erdbeben
comm. d. K. Ak. d. Wiss. in Wien. Neue Folge, XVI, 1903).
"^ Bericht ûber die seismischen Ereignisso im Jahre 1900 im den deulschen Gebieten
Bôhmens (Id., N. F., III, 1901).
* Bericht iiber das Erdbeben von Brûx am 3 November 1896 (Id., Il, 1897); Bericht
ûber das Graslitzcr Erdbeben 24 October bis 2a November 1897 {Id., VIII, 1898).
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 97
jours à plusieurs semaines, et séparées par des intervalles de repos
plus ou moins complets. Une certaine régularité a permis à Knett
d'annoncer pour i9S0 un paroxysme probable, genre de pronostics à
notre avis bien imprudent, et qu'est venu infirmer la série de
février-mars 1903. Les intensités n'y sont pas désastreuses et n'ont
jamais dépassé le degré VIII de l'échelle Rossi-Forel.
L'action des efforts de plissement domine toute l'histoire géolo-
gique de l'Erzgebirge, où ils se dont donné libre carrière depuis les
temps les plus reculés, le Silurien, jusqu'à Tépoque du dépôt des
lignites, et par à-coups successifs. Cette persistance d'un même pro-
cessus est extrêmement remarquable, et à elle seule elle aurait suffi
à mettre ces séismes en relation avec lui, car on ne comprendrait
guère qu'ayant si longtemps duré, il se soit brusquement éteint, sans
continuer à se manifester actuellement sous forme de secousses. Ce
rapport de cause à effet, admis par tous les savants cités plus haut,
résulte d'ailleurs de beaucoup d'autres considérations plus directes,
ainsi qu'on va le voir par le détail.
En réalité, l'Erzgebirge n'est que la plus importante de trois rides
successives parallèles, courant à peu près S. W.-N. E. Les deux
autres vers le Nord sont le Mittelgebirge granulitique de la Saxe
et les hauteurs de Liebschûtz près de Strehla sur l'Elbe, cette der-
nière disparaissant rapidement au S. W. sous une puissante cou-
verture oL'gocène et quaternaire. De l'un à l'autre ces trois ride-
ments diminuent de relief et augmentent d'intervalles entre eux à
mesure qu'on les traverse du Sud au Nord. Ils forment entre eux
deux auges intermédiaires successives, dans le fond desquelles les
discordances des terrains sédimentaires, non arasés et dénudés, ont
précisément servi à faire constater la continuité du plissement. Comme
cette action a présenté son maximum d'intensité à la fin de l'époque
carboniférienne, l'Erzgebirge appartient au grand système des plis-
sements hercyniens de l'Europe moyenne, connus ici sous le nom
de varisques, du nom de la peuplade germanique qui habitait aux
environs de Hof.
Cette décroissance du relief du Sud au Nord, correspondant à une
amplitude décroissante des vagues terrestres, si l'on peut s'exprimer
ainsi, s'accorde avec une diminution graduelle de la séismicité vers
le Nord, ce qui nous semble corroborer fortement la relation énoncée.
Cet énergique plissement, si longtemps continué, n'a pas été sans
de nombreuses dislocations, et en effet la Saxe n'est qu'un vaste
champ de fractures, qui la sillonnent dans tous les sens, se coupant
et se recoupant de toutes les manières imaginables, et à diverses
Di MoHTKssu*. — TremblemenU de terre. 7
98 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
époques remplies des matières les plus variées ; tant et si bien que
TErzgebirge en a tiré son nom de Monts des Métaux, ou en tchèque
de Budo Hori, qui en est la traduction littérale, et que la Saxe a été
le berceau de Tart des mines, sinon de la géologie, avec la fameuse
école de Freiberg. Ce fîlonnement intense a été, contrairement à ce
qu'on aurait pu penser, en conséquence de la multiplicité des dislo-
cations, une cause de stabilité séismique, puisque la partie la plus
instable se trouve au sud des territoires saxons les plus minéralisés.
L'injection des matières minérales a cimenté et consolidé le bloc
morcelé par les failles. Sur le versant bohémien de TErzgebirge, la
partie la plus riche en épicentres montre une série de puissants dykes
de quartz, à peu près perpendiculaires à la crôte de la falaise et
faisant saillie au-dessus du sol environnant, parce que, grâce à leur
plus grande dureté, ils ont mieux résisté aux agents de destruction.
Or, ils sont excentriques au district séismique et se prolongent au
delà de l'Eger dans la partie stable de la cuvette bohémienne.
Homologues du Pfahl et du Sillon de Bretagne, les fractures, aux-
quelles ils doivent naissance, ne jouent donc non plus aucun rôle
séismogénique.
L'Erzgebirge n*a pas été seulement plissé et fracturé, il a encore
été le théâtre de mouvements verticaux de grande amplitude. Au
moment où la mer carboniférienne se retirait de ces régions, deux
bourrelets montagneux se sont dressés, cette chaîne et le Biesenge-
birge ; il en est résulté une tendance à l'affaissement à l'intérieur de
leur angle rentrant, ce qui a préparé l'invasion de la mer crétacée
dans le Nord-Est de la Bohême et plus tard, d'une manière beaucoup
plus accentuée, l'irruption des eaux oligocènes jusqu'à Eger le long
de la vallée de la rivière du même nom. Plus tard encore la falaise
s'est relevée, et l'ancienne pénéplaine saxonne s'est rajeunie par un
mouvement de bascule vers le N. W., ensemble de mouvements qui
ont finalement donné à la Bohême sa forme de cuvette en losange,
mais ont aussi, et c'est ce qui nous intéresse particulièrement ici,
accentué la faille du pied méridional de l'Erzgebirge, en en portant
la crête à plus de 1 200 mètres, et en même temps déterminé les épan-
chements éruptifs du Fichtelgebirge, du Duppauergebirge et du Mit-
telgebirge, qui se survivent encore à eux-mêmes sous la forme de la
ligne thermale de l'Eger, — Marienbad, Karlsbad, Franzensbad,
Teplitz, — pour ne citer que les principales sources.
Ainsi donc, tous les phénomènes géologiques susceptibles d'exercer
une influence séismogénique se sont là donné rendez-vous, depuis
les temps les plus reculés jusqu'à l'aurore de l'époque actuelle :
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 99
plissements, failles, affaissements, surrections, éruptions volca-
niques, appareil thermal ; rien n'y manque, et il serait difficile de
citer à la surface du globe un pays présentant une plus complète
synthèse des vicissitudes géologiques. La séismicité générale de
rErzgebirge en est la conséquence manifeste.
Tout rErzgebirge n'est pas uniformément instable. Les tremble-
ments de terre, sans être rares au Nord jusque vers Leipzig et à
l'Est vers Dresde, cessent presque complètement à l'Ouest vers Hof
et le Fichtelgebirge ; ils montrent ainsi une indépendance décidée
par rapport à la ligne éruptive tertiaire de la vallée de l'Eger. Le
district séismique est à cheval sur la chaîne; limité au Sud par
l'Eger, il dépasse peu la vallée de l'Elster occidentale à l'Ouest, et
celle de la Zwodau à l'Est, tandis que sa frontière septentrionale est
plus indécise, la densité de la répartition des épicentres diminuant
graduellement vers le Nord, ainsi qu'on l'a déjà fait observer, vers
Géra, Glauchau, Ghemnitz, Freiberg et Dresde, Leipzig même.
Credner et les autres séismologues mentionnés antérieurement
croient à l'existence de deux centres prédominants et bien distincts,
Âsch et Brambach à l'Ouest, Graslitz et Silberbach à l'Est. Mais si
l'on tient compte de toutes les observations, leur intervalle de
20 kilomètres se remplit d'autres épicentres importants, Markneu-
kirchen, Fleissen, Schônbach, Frankenhammer, Hartenberg, etc.,
et d'un grand nombre d'autres moins riches en secousses. L'inÛuence
séismogénique d'accidents locaux, tels la fracture en zigzag de
l'Elster et de la Wurschnitz, qui a été mise en avant, disparaît donc
et c'est probablement ainsi que Knett a été amené à penser que tous
ces séismes préparent un futur effondrement du voussoir en question
sur le bord de la vallée de l'Eger, prophétie heureusement bien hypo-
thétique encore, quoique non dénuée de vraisemblance.
Becke et Laube sont portés à attribuer les séismes de Briîx et du
petit foyer d'Eisenberg aux dislocations locales d'une voûte du gneiss
fondamental et à la ligne thermale.
Knett* a fait justice d'une erreur bien enracinée cependant et qui
se lit partout, l'action du fameux tremblement de terre de Lisbonne,
le 1*^ novembre 1855, sur les sources de Karlsbad.
De Meissen à Tetschen, quelques épicentres jalonnent le caflon que
l'Elbe 8*est creusé dans le quadersandstein crétacé, à la faveur d'un
* Verhalten der Karlsbader Thermen w&hrend des vogtiandischwestbdhmischen Erd-
bebens im Oktober-November 1897 (Id. Vil, 1898). Id, Zur Kenntniss der Beinflussung
der Teplitzer Urquelle durch das Lissaboner Erdbeben {SUsungsberichte « Lotos ».
Prag, 1899).
100 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQtE
mouvement tertiaire saccadé, comme l'indiquent ses gradins succes-
sifs.
On voit ensuite des épicentres clairsemés se disséminer des deux
côtés du Thiiringerwald, mais surtout au Nord entre la Saale et la
Werra. Cette muraille, de 400 à 500 mètres de haut, est accidentée
jusqu'au Meissner d'un système de grandes failles parallèles, de
même direction N. W.-S. E., et de l'époque tertiaire, qui se sont
superposées à des accidents hercyniens perpendiculaires, N. E.-
S. W., en partie effacés par l'érosion et la dénudation. C'est tout
ce qu'on peut actuellement dire de ces séismes, qui semblent
surtout ébranler ces dernières dislocations, sans que toutefois les
failles tertiaires soient parfaitement en repos. Penck^ a fait observer
que les gypses du Zechstein ont occasionné de nombreux éboule-
ments ou affaissements à la bordure du Harz et du Thûringerwald,
aussi bien que ceux du Keuper à la surface du plateau thurin-
gien lui-même ; ces phénomènes sont en rapport avec plusieurs
petits bassins hydrographiques presque fermés, ceux par exemple
des lacs profonds de Salzungen, Schôn et Grâven dans le vorland
méridional, ainsi que d'autres au pied du Harz. Il semble bien,
pense-tril du moins, qu'il y ait là une cause de séismes sporadiques.
Il faut noter que le Harz, si extraordinairement disloqué, est
stable, et que d'autre part les collines subhercyniennes, si fortement
plissées, sont de Hameln à Magdebourg, et dans la même direction
jusqu'à Berlin dans la grande plaine germano-baltique, jalonnées de
quelques épicentres, d'ailleurs pauvres, ce qui fait songer à l'action
du plissement lui-même.
Enfin Stassfurth est un épicentre assez souvent ébranlé, dont
Hœrnes et von Fritsch ' attribuent les secousses, et en particulier
celle du 14 décembre 1881, à des effondrements dans les mines
d'anhydrite des environs et de Leopoldshall.
10. — La plaine germano-baltique.
Cette vaste étendue, presque partout recouverte par les produits
erratiques du Nord, est d'une aséismicité presque absolue. Plusieurs
des rares séismes signalés sont même peu authentiques. Elle pré-
sente cette stabilité en commun avec la plate-forme russe, mais pour
des causes différentes. La Russie est stable parce que ses dernières
« Das deutsche Reich (Ldnderkunde von Europa, erster Theil, erste U&lfte, 330),
* Allgemeine Géologie, 417. Stuttgart, 1888.
L'EUROPE MOYENNE DE L'ATLANTIQUE A LA SILÉSIE 101
vicissitudes géologiques sont extrêmement anciennes, et la plaine
germano-baltique par suite de l'extinction d'efforts orogéniques bien
plus récents, tertiaires, qui ont préparé l'évolution de son réseau
hydrographique et dont les effets sont en partie masqués par les
dépôts d'origine glaciaire. Quelques vagues anormales, signalées sur
ses côtes, ne sont pas d'origine séismique bien certaine.
CHAPITRE IV
LA PLATE-FORME RUSSE
L'immense plate-forme russe présente dans son histoire géolo-
gique ce caractère d'être un des rares territoires du monde connu,
qui, ainsi que le dit de Lapparent, sans avoir traversé de longues
phases d'émersion, se soit depuis le début des temps siluriens,
montré, sur toute son étendue, constamment réfractaire aux efforts
de plissement comme à ceux de morcellement. Une telle définition
fait immédiatement, et sans hésitation, pronostiquer une grande
stabilité séismique, et c'est bien une observation concordant avec
les renseignements tirés de longues annales historiques compulsées
par PerreyS Mouchkétovet Orlov*, Làska^ ainsi que des bulletins
séismiques périodiques de Hlasek^ et de Levitzki*. Mais pas plus
qu'en aucun pays du monde, les tremblements de terre ne sont
complètement inconnus dans la Russie d'Europe : il y a même des
contrées moins souvent ébranlées encore .
La Finlande a déjà été examinée, à propos du bouclier Scandinave.
De Biélostok à Tver, Veïssov, Astrakhan, Taganrog et Kamié-
nets-Podolsk, des épicentres clairsemés et pauvres en séismes
se disséminent à la surface de la Russie méridionale. Ce grand
territoire est à peine pénéséismique, car les dégâts qu'auraient pro-
duits en Pologne, et à Kiev, des tremblements de terre du moyen
âge, doivent être sans aucun doute attribués à l'imagination de
* Documents relatifs aux tremblements de terre dans le nord de l'Europe et de l'Asie
(Anti, magn. et méiéor. du Corps des mines de Russie. Saint-Pétersbourg, 1846).
* Catalogue des tremblements de terre de l'empire russe {Mémoires de la Société impé-
riale russe de géographie. Saint-Pétersbourg, 1893; en russe).
Observations sur les tremblements de terre en Russie dans les années 1891 à 1899
{Nouvelles de la Soc. imp. russe de géographie, XXVI I et XXXV ; en russe).
* Die Erdbeben Polens {Mitth. d. Erbebencomm, d. K, Ak. d. Wiss. in Wien, Nene
Folge, Vni, 1902).
* Renseignements mensuels sur les tremblements de terre à l'observatoire physique
deTiflis, 1900, 1901... (en russe).
* Bulletin de la coinmission séismique centrale permanente, 1902, 1903 (en russe).
LA PLATE-FORME RUSSE
103
chroniqueurs ignorants et crédules, que pour la plupart leur carac-
tère religieux portait à regarder ces séismes, tout au plus capables
de renverser de vieux murs, comme des avertissements de Dieu, et
par suite à en exagérer les effets. Ces pays constituent en Russie une
104 GÉOGRAPHIE 6ÉISM0L0GIQUE
bande remarquable par ses dislocations, faisant ainsi contraste
avec le reste de sa surface ; elle se dirige de la Pologne vers les
côtes N. W. de la Caspienne. Les collines de Sandomir et le
bassin carboniférien de la Pologne en font partie. Dans le gou-
vernement de Kiev, on la retrouve dans les plissements des
couches près de Kanev. Plus loin, elle est bien reconnaissable dans
le bassin du Donetz et dans les monts Bogdo de la steppe d'As-
trakhan, dont Suess a fait ressortir l'importance des accidents parti-
culiers. Ces dislocations, sans perdre leur unité de caractère, affec-
tent successivement de l'Ouest à l'Est le groupe paléozoïqoe et
mésozoïque en Pologne, les couches mésozoïques dans le gouverne-
ment de Kiev, enfin les dépôts triasiques dans celui d'Astrakhan. Il
est trfes remarquable qu'il s'agisse là de la bordure nord de l'extré-
mité orientale, maintenant disparue, de la grande chaîne hercyni^&ne
mise en évidence par Marcel Bertrand. Les séismes dont il est ici
question sont donc manifestement en relation avec des plissements,
et l'ancienneté de ces dislocations explique en même temps la rareté
et la faiblesse des secousses.
Il y a un point encore plus intéressant à signaler. En 1895, Collet*
a fait voir que cette bordure septentrionale, à substratum disloqué,
coïncide à peu près avec une ligne polygonale suivant laquelle le
général Stebnitzki avait antérieurement constaté un maximum de
déficit de gravité, par report aux régions contiguës du Sud et du Nord
et qu'un relief insignifiant ne suffit pas à justifier. Il y a donc là
coïncidence entre une zone d'anomalie de la pesanteur, une région
relativement instable, et les racines d'une chaîne rabotée, avec ses
dislocations de toute espèce. On aura l'occasion de signaler d'autres
exemples de ce genre.
On peut signaler quelques accidents tectoniques particuliers au
voisinage de certains des épicentres sporadiques. C'est le cas de
ceux de la vallée de la Volga non loin de Samara. Le fleuve décrit
en effet une grande boucle autour des collines de Gégouli, où une
faille ramène brusquement le Paléozoïque au travers du Jurassique.
Doss* a fait l'histoire des rares et légers tremblements de terre
qui ébranlent les provinces baltiques, Esthonie, Livonie et Cour-
lande, où dominent les terrains anciens, surtout le Dévonien. Ces
secousses ont toujours un caractère nettement local. Or on ne con-
* Sur les anomalies de la pesanteur à Bordeaux (Ann. Université de Grenoble, VII,
d, 1895).
* Uebersicht und Ifatur der in Ostseeprovinzen vorgekommenen Erdbeben {Corres-
pondenzblatt des Naturforscher Vereins xil Riga, Heft XL, Riga. 1897).
Là PLàTE-PORME russe 105
naît, en fait de dislocations, dans cette grande région, que de faibles
plissements, de sorte que ces séismes ne peuvent être rattachés à
une origine tectonique ; aussi Doss invoque-t-il uniquement les effets
de la dissolution des couches de dolomie et de marne calcaire, inter-
posées dans les strates plus solides; il constate, en effet, l'existence
de beaucoup de ruisselets souterrains, jalonnés par de nombreux
affaissements bien visibles à la surface du sol. Précisément Klauen-
stein, sur la Dvina et à une verste trois quarts de Kokenhusen, une
des localités le plus souvent ébranlées, au moins d'après les séismes
relatés, présente effectivement sur un très petit espace un grand
nombre de ces affaissements, lentement produits sous les yeux des
habitants. On a même vu un de ces ruisselets se former à une date
récente et, en même temps que les affaissements s'accentuaient pro-
gressivement, venir enfin sourdre en cascade en un point de la paroi
de la falaise qui borde la Dvina. C'est, semble-t^il, avec raison que
Doss voit dans ces faits d'observation la confirmation évidente de son
opinion, qu'il étend à toute la surface des trois provinces, où se
retrouvent presque partout les mêmes circonstances dans la struc-
ture du sous-sol.
Pavlov* a le premier mentionné, en 1896, ce qu'on pourrait
appeler un tremblement de terre fossile à Alatyr, dans la province
de Simbirsk. Là, les argiles néocomiennes horizontales sont recou-
pées par un véritable dyke vertical de grès et de sables à grains de
glauconie, de 35 centimètres d'épaisseur, et que ses fossiles lui ont
fait rapporter à l'Oligocène inférieur. Pavlov pense, avec beau-
coup de vraisemblance, que lors de l'invasion par la mer tertiaire
du territoire émergé depuis la fin des temps crétacés, un tremblement
de terre a fait pénétrer dans une crevasse les sables des dépôts oligo-
cènes en voie de formation. Après quoi Térosion a enlevé tout ce
qui n'était pas tombé dans la fente, de sorte que, sans cette chute,
on ignorerait complètement que la région ait été envahie par la mer
oligocène. Cette observation est très intéressante, et il est probable
que des exemples analogues se rencontreront ailleurs. C'est le cas
des Sandstone dykes de Californie.
* ObsenraUons sur Alatyr (Province de Simbink) (Geol. Magn.^ 1896, 50).
CHAPITRE V
ATLANTIQUE SEPTENTRIONAL ET TERRES ARCTIQUES
De l'Islande aux Açores, et même au delà, règne une sorte de pla-
teau, d'ailleurs irrégulier, d'une profondeur moyenne de 2000 mètres,
et qui ne descend jamais au-dessous de 4000 mètres. De grandes
profondeurs le séparent de l'Europe, au sud des Iles Britanniques, et
de l'Amérique du Nord. L'existence d'un océan profond entre les
deux continents à l'époque secondaire, ou au début du Tertiaire,
n'est guère conciliable, disent les naturalistes, avec les données
modernes de la zoogéographie, marine ou terrestre. Ce ne fut,
d'après Haug, partageant en cela l'opinion de beaucoup de géo-
logues, qu'à la Qn de l'époque tertiaire probablement que les aires
de surélévation, boucliers Scandinave et canadien, furent définiti-
vement séparés par la dépression atlantique, à la suite d'un phé-
nomène d'ennoyage plutôt que d'effondrement. Des restes de forma-
tions miocènes continentales en Islande, et aux Fserôer, seraient les
derniers témoins de ces terres disparues et morcelées, événement
pléistocène sans doute, qui a donné lieu à d'énormes épanchements
éruptifs, dont on retrouve les débris dans ces îles et au rocher
perdu de Rockall, en plein océan. Nulle part ne se rencontrent traces
de plissements, et les éruptions dont il s'agit paraissent s'être pro-
duits avec la plus grande tranquillité, comme au Dekkan et dans le
Nord-Ouest de l'Amérique du Nord. L'affaissement récent de l'Atlan-
tique a rencontré une démonstration inattendue au rocher isolé de
Rockhall, à 400 kilomètres de l'Irlande ; des draguages effectués en
1896 ont fait trouver de nombreux échantillons de coquilles apparte-
nant à des mollusques d'eau de surface, qui n'auraient pas pu vivre
à la profondeur actuelle ^
Tout fait donc présager une grande stabilité séismique, et en effet
les tremblements de terre sous-marins sont à peu près inconnus dans
• Geogr. Journ., XI, 48.
ATLANTIQUE SEPTENTRIONAL ET TERRES ARCTIQUES tOl
rAtlantique septentrional, où l'extrême activité de la navigation ne
les laisserait pas tous échapper à l'observation. On y en a signalé
deux seulement, et aucune vague d'origine séismique.
Cette absence totale de séismes sous-marins conduit à une
remarque fort importante. Les plissements calédoniens et armori-
cains ont franchi l'Atlantique pour aller affecter l'Orient de la masse
continentale occupant le Canada et l'Amérique du Nord, au bord de
Rg^janes
Fig. 11. — Islande.
l'océan actuel, et ce sont ces derniers mouvements qui ont édifié la
chaîne des Appalaches. S'ils avaient en même temps affecté les
terres supposées effondrées à la fin de l'époque tertiaire, on devrait
s'attendre à les voir se survivre sous forme de secousses sous-
marines. La stabilité parfaite de l'Atlantique du Nord force donc à
penser que ces plissements américains sont seulement contempo-
rains de ceux de l'Europe, qu'ils correspondent aux mêmes efforts
généraux de l'écorce terrestre, mais, conséquence importante et
d'aiUeurs provisoire, qu'ils ont présenté une lacune entre les deux
continents. Quel qu'ait été aux époques secondaire et tertiaire l'état
de l'Atlantique septentrional, il a donc fallu que son architecture
reste tabulaire, et que, par conséquent, il appartienne bien aux aires
continentales et non aux géosynclinaux.
On ne connaît pas de séismes aux FœrOer.
L'Islande est célèbre par les nombreuses et gigantesques érup-
108 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
lions qui, depuis au moins le Miocëne, ont pris la principale part à
la formation de son relief. Pendant la période historique elles n'ont
pas cessé delà désoler en s'épanchant à sa surface par de nombreuses
bouches et aussi par de grandes cassures, ainsi que cela résulte des
études de Thoroddsen^ et on en possède des relations plus ou moins
circonstanciées depuis prës de mille ans. L'histoire des tremble-
ments de terre islandais est assez bien connue pour un pays aus&i
éloigné des grands centres de civilisation, mieux peut-être qu'on
pouvait l'espérer dans ces conditions défavorables, et le même savant
a suffisamment retrouvé ces phénomènes dans les annales locales
pour que leur répartition y soit non seulement arrêtée dans ses traits
principaux ', mais encore clairement mise par lui en relation avec
l'histoire géologique de l'île *.
Si Ton exclut les secousses qui ont accompagné les éruptions
volcaniques, mais dont la distinction ne résulte pas toujours claire-
ment des récits anciens, on constate tout d'abord que, sauf des cas
sporadiques et sans importance, la presqu'île du Nord-Ouest, la côte
orientale et les hautes terres de l'intérieur sont aséismiques. On
rencontre ensuite autour des grandes indentations de la côte du
Nord-Est, ThistilQôrdur, Axarfjôrdur et Skjâlfjandifjôrdur, trois
petites régions d'instabilité, que Thoroddsen sépare entre elles, mais
qui probablement n'en font qu'une seule. Leurs tremblements de
terre, parfois assez intenses, sont très fréquemment accompagnés de
la formation de crevasses dans les brèches volcaniques dont elles
sont surtout constituées. Toujours sur la côte septentrionale les ter-
ritoires basaltiques entre les Eyjaljôrdur et HrutaQôrdur se font
remarquer par des secousses sporadiques, mais sans qu'on puisse
définir de régions séismiques.
Le pourtour du golfe de Reykjavik, ou le Faxafloi, et le pays com-
pris entre le littoral, l'amphithéâtre que forme le plateau intérieur vers
le Sud, le lac de Thingvalla, l'HécIa et l'Eyjafjallajôkul, constituent
deux régions d'instabilité que Thoroddsen distingue peut-être sans
raison bien probante, très vraisemblablement parce que Reykjavik
paraît être moins exposé que les villages de la seconde région. Les
tremblements de terre qu'on y ressent sont nettement indépendants
des paroxysmes de l'Hécla et des éruptions volcaniques sous-marines
• Oversigt over de islandske Vulkaners Historié (Translated by G. H. Bœhmer. Smith'
êonian Rep. 1885, part I, 495. Washington).
* Jordskjaelv i Islands sydlige Laviand, deres geologiske Foriiold og Uistorie (G€^-
Tidakrift, 1898. XIV,93. Kjôbcnliavn).
'Die Bruchlinien Islands und ihre Beziehungen zu den Tulkanen [Petermtmns geogr.
Mitth., LI. 49, GoUia, 1905).
ATLANTIQUE SEPTENTRIONAL ET TERRES ARCTIQUES 109
signalées dans les parages de Fîle Yestmannaejar, les phénomènes
éruptifs n'ayant jamais été accompagnés en Islande que de secousses
très faibles. Cette région séismique bien déûnie a été, à la (in d'août
et au commencement de septembre 1896, le théâtre d'un tremble-
ment de terre, dont les cinq chocs principaux ont finalement détruit
17 et 22 p. 100 des fermes des districts Rangàrvallasyssel et Ames-
syssel respectivement, sans compter celles plus ou moins gravement
endommagées, sur un total de 1 287. Cet événement, considérable
pour Tîle, a été l'objet d'une enquête approfondie * par Thoroddsen
qui l'a étudié sous tous ses aspects ^ et en a tiré d'intéressantes con-
clusions.
Ce savant fait observer que si le tremblement de terre avait agi
sur des constructions en pierres, et non sur des habitations et des
étables en bois, recouvertes ou non de mottes de gazon, la destruc-
tion et les pertes de vies auraient certainement été beaucoup plus
considérables. Cette observation est assurément très judicieuse, mais
d'autre part elle perd de sa valeur quant à Tintensité que Thoroddsen
en conclut pour les chocs en question, parce qu'il faut tenir compte
de l'extrême inconsistance des matériaux volcaniques et alluvion-
naires des districts ravagés. Aussi restons-nous sous l'impression
que les tremblements de terre de 1896 n'ont pas, en dépit des appa-
rences, dépassé le degré IX de l'échelle Rossi-Forel, conclusion à
généraliser pour le même motif en l'étendant aux séismes antérieurs,
à condition de réfléchir aussi que la saison, pendant laquelle ils se
sont produits, a grandement influé sur les chiffres des pertes de vies,
tant pour les habitants que pour les têtes de bétail, une réclusion
complète étant pour tous une conséquence forcée de l'âpreté du climat
islandais pendant l'hiver, circonstance qui aggrave beaucoup les
effets des tremblements déterre pendant cette période de l'année.
Il nous semble donc que cette partie méridionale de l'île doit être
seulement rangée parmi les régions séismiques les moins dange-
reuses, caractère généralement observé dans les pays où les fractures
jouent le rôle tectonique principal à l'exclusion des plissements. Et
en effet l'Islande n'appartient point aux géosynclinaux. Son ancien
soubassement volcanique, épanché pendant la plus grande partie des
temps tertiaires, est profondément découpée en horsts fixes et en
fosses d'affaissement par des failles qui ont, jusqu'à l'époque actuelle,
* iardskjâlftar i Sndttrlandi (Kjdbenharn. 1899).
* Jordskjœlvene i Efleraaret 1896, (Geogr. Tidskrift, XV, 1899-1900, 93, KjôbeDhavn).
Bas Ërdbeben in Island im Jahre 1896 (Petci^manns geogr. Mitlh., XLVIII, 1901, 53,
Gotha, 1902).
110
GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
permis aux produits éruptifs de combler ces dernières ; c'est en par-
ticulier ce qui est arrivé après le fort tremblement de février 1875 à
la fosse située à 25 kilomètres environ à Test du Myvatn, celle de
Sveinagja, qui se creusait sur 15 kilomètres de longueur et 40O à
500 mètres de largeur entre de hautes falaises-fractures de 15 à
20 mètres de haut. Le même processus a été observé pour le courant
de laves de 1340 d'Ogmunddarhraun près de Krisuvik, et dans
d'autres circonstances encore. Thoroddsen a signalé aussi un affais-
Fig. 12. — Islande. Aires pléistoséistes des tremblements de terre de 1896.
sèment de 60 à 70 kilomètres carrés au célèbre lac de Thingvalla
sur 30 à 50 mètres de profondeur entre les fractures Almangjà et
Hrafnagja, phénomène renouvelé avec une amplitude de 2 à 3 mètres
lors du violent tremblement de terre de 1789. Le Faxaflôi est une
zone d'affaissement entre des cassures périphériques, disposition qui
se retrouve dans la péninsule du Nord-Ouest et au HrutaQôrdur.
Suess pense que ces affaissements continuent l'œuvre de la forma-
tion pléistocène de cette partie de l'Atlantique. Des lambeaux de
crag marin près d'Husavik (du Nord) témoignent d'une submersion
partielle à une époque fort tardive, tandis que des lits de Miocène
d'origine continentale prouvent une émersion antérieure et corres-
ATLANTIQUE SEPTENTRIONAL ET TERRES ARCTIQUES IH
pondent à l'existence de la terre qui, unissant les deux continents,
explique la distribution actuelle des formes végétales et animales,
telles que la constate la biogéographie moderne. Les fractures qui
hachent le massif volcanique islandais peuvent être considérées
comme la suite et l'effet des efforts qui ont affaissé, ennoyé et morcelé
les terres nord-atlantiques ; ainsi donc fractures et mouvements posi-
tifs ou négatifs résument l'histoire géologique de l'Islande.
Les tremblements de terre de 1896 sont venus donner une écla-
tante confirmation à ces circonstances particulières, en même temps
qu'une explication à l'instabilité constatée dans le sud-ouest de
l'Islande. En effet Thoroddsen a constaté que les dégâts produits
par les cinq principales secousses ont été délimités de la façon la
plus nette, sans zone de décroissance vers l'extérieur des aires
chaque fois ébranlées. Cette observation typique lui a fait conclure
que, pour chacune d'elles, un bloc de terrain avait été mis en mouve-
ment pour son propre compte entre les fractures qui le comprennent,
fractures qui, cachées sous l'épais manteau éruptif, n'en doivent pas
moins avoir une existence parfaitement réelle, car c'est la seule
manière possible d'expliquer cette manière d'être si particulière de
ces séismes. Du reste cette hypothèse, acceptée par Glangeaud*, est
doublement corroborée par sa conformité avec ce que Ton sait de
la constitution des hautes terres islandaises, et par ce fait que la
plaine éprouvée en 1896 est dominée vers le Nord par un amphithéâtre
montagneux dont le bord méridional est une fracture, celle-ci non
masquée, qui a arrêté net les dommages en jouant ainsi le même
rôle que les autres failles cachées sous la plaine. Ainsi disparaît le
caractère hypothétique des vues de Thoroddsen.
On voit que les travaux de Thoroddsen ne permettent pas d'ad-
mettre un épicentre sous-marin pour les tremblements de terre
d'Islande, en 1896, comme l'a fait Newby *, qui en place le foyer en
mer au milieu de la ligne joignant Reykjanes aux îles Westmann.
Ces parages maritimes ayant été le siège d'éruptions volcaniques,
cette opinion dérive vraisemblablement du rapprochement arbitraire
des deux ordres de phénomènes.
En résumé les séismes de l'Islande résultent des mouvements des
voussoirs dont elle est composée et entre les failles qui la découpent,
et c'est pour cela qu'ils n'atteignent point l'intensité des tremble-
* Monographie du volcan de Gravenoire, près de Glermont-Perrand {Bull. Service
CarU géol. de France. N» 82, XIT, 1900-01).
' The earthquakes in Iceland, 1896 {The Journ. of Ihe Manchester geogr. Soc, 1896.
174).
112 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
ments de terre de plissement, tout en restant parfois assez dançre-
reux ; la formation des crevasses importantes, dont ils sont souvent
accompagnés, nous fait assister au mécanisme même de leur pro-
duction.
Il est fort remarquable qu'en dépit d'éruptions sous-marines plu-
sieurs fois observées dans le prolongement de la presqu'île de Reyk-
javik, on ne connaisse aucune relation de vagues séismiques le long
des côtes islandaises.
Au N. E. de l'Islande, l'île Jan Mayen, d'origine volcanique, où,
au pied du Beerenberg, l'expédition austro-hongroise, chargée d'y
exécuter en 1882 des observations magnétiques et météorologiques,
a senti trois secousses, termine le socle sans profondeur qui unit ces
deux îles au Groenland, si stable, et qui paraît être un reste des
anciennes terres primaires. Au delà s'étendent, entre le Groen-
land, le Spitzberg et la Scandinavie, des profondeurs de plus de
2000 mètres, séparant nettement de l'Atlantique septentrional les
terres arctiques de l'Europe pour en faire un monde à pari.
On ne connaît jusqu'à présent aucune secousse au Spitzberg, dont
la structure géologique est loin d'être claire, puisque, si Suess n'y voit
que des fractures, Garwood', géologue de l'expédition Conway, y
signale au contraire des plissements. En tout cas, les mouvements
récents d'exhaussement y ont laissé d'indéniables traces. L'horizon-
talité du Trias, constatée par Drasche, indique l'absence de boulever-
sements récents et la probabilité du repos séismique.
L'archipel de François-Joseph n'a donné lieu non plus à aucune
observation de secousses. Il est de nature volcanique et a subi des
mouvements verticaux semblables à ceux du Spitzberg.
De la Novaïa Zemlia, on sait seulement qu'elle continue les plis-
sements de l'Oural du Nord, trop anciens pour laisser des traces
d'instabilité, pas plus là que sur le continent.
Dans toutes ces terres septentrionales, les mers secondaires ont
déposé leurs sédiments. On est donc en présence d'une région terrestre
dont la condition océanique a persisté pendant de longues périodes,
ce qui est a priori un garant d'une stabilité séismique qu'aucune
observation n'est venue jusqu'ici démentir, les plissements n'y ayant
pas joué un rôle sufGsant.
* Ch. Rabot. L'alpinisme au Spitzberg. Les ascensions de Sir Martin Conway (Adapta-
tion. Le Tour du monde, 1900, 383, Paris).
CHAPITRE VI
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA
L'Amérique du Nord, à FËst des Montagnes Rocheuses, forme une
unité géographique bien définie^ qui n'a été que très tardivement
séparée de l'Europe, par l'ennoyage de TÀtlantique septentrional.
Son histoire géologique explique la simplicité de sa configuration, et
les tremblements de terre s'y répartissent d'une manière tout à fait
conforme à l'ancienneté de ses diverses vicissitudes. Il sera donc
assez facile de mettre les manifestations séismiques en rapport avec
cette histoire, et l'intérêt de cette étude grandira avec la clarté du
parallèle qu'il s'agit d'établir. De Lapparent et Suess ont écrit sur
ces pays des pages saisissantes, qu'il nous arrivera de citer presque
textuellement sans plus d'avertissement^ mais tout le monde les
reconnaîtra, tant elles sont classiques.
Tout le Nord-Est de l'Amérique, de l'embouchure du Saint-Lau-
rent à celle du Mackenzie par la dépression des grands lacs, et
les lacs Winnipeg, Athabasca et des Esclaves, forme le bouclier
canadien, perçant çà et là de ses couches archéennes plissées,
et arasées jusqu'à leurs racines dès avant la période silurienne,
une auréole de terrains paléozoïques horizontaux, qui reposent en
discordance sur l'ancien substratum. Toutes ces terres, dontl'émer-
sion définitive remonte si loin, et qui n'ont subi ultérieurement que
le modelé de la période glaciaire, doivent donc être a priori d'une
grand stabilité, sauf là où d'autres vicissitudes seront venues trou-
bler le vieil équilibre. Et, en effet, les tremblements de terre sont
inconnus depuis les terres Arctiques jusqu'au Saint-Laurent. Six
faibles secousses signalées au Groenland, et une seule dans la
chaîne côtière du Labrador, ne sont pas pour infirmer le parfait
repos séismique de ces vastes territoires. En particulier, le Groen-
land est un plateau archéen, recouvert de Dévonien resté horizontal,
que des effondrements tertiaires limitent à l'Est et à l'Ouest, avec
jalonnements de roches éruptives récentes, et l'on sait combien peu
Di MoTTiMOs. — Tremblements de terre. 8
114
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
de semblables mou-
vements simple -
ment verticaux sont
favorables à la séis-
micité.
Les circonstan-
ces changent avec
le Saint-Laurent ,
le Nouveau-Bruns-
wick, l'île du Cap-
Breton et la Nou-
velle - Ecosse. Les
tremblements de
terre s'y produisent
ordinairement avec
la fréquence et l'in-
tensité des régions
pénéséismiques. Il
y a bien celui qui,
du 5 février au mois
d'août 1663, aurait
dévasté le Canada,
avec de nombreux
chocs consécutifs,
et ravagé la partie
alors colonisée,
c'est-à-dire le Sud-
Est sur plus de
400 lieues (?). Mais
les relations qu'ont
faites de cet événe-
ment tout à fait
exceptionnel les
missionnaires de
l'époque, sont assez
vagues, manquent
de détails circons-
tanciés et ne don-
nent môme pas les
noms des localités
les plus éprouvées,
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA 115
ni des montagnes soi-disant bouleversées. On doit donc taxer ces
récits d^une grande exagération. Rien de semblable^ ni même d'appro*
chant, ne s'est reproduit depuis, et la secousse du 27 novembre 1893,
une des plus fortes connues, n'a causé que des dommages sans im-
portance. Le Sud-Est du Canada est donc un pays où les séismes,
sans être rares, ne sont vraiment pas à craindre. Ils ébranlent sur-
tout la vallée du Saint-Laurent, d'Ottawa à Tadoussac et Métis,
moins souvent les côtes septentrionales des lacs Erié et Ontario,
plus rarement encore le Nouveau-Brunswick, Tile du Cap-Breton et
la Nouvelle-Ecosse.
Le Saint-Laurent suit exactement le bord de la pénéplaine pri-
maire du continent précambrien. Il coule d'abord dans un synclinal
étroit qui, à l'époque ordovicienne, donnait la communication entre la
mer intérieure des États-Unis et le bassin atlantique. Fermé à l'époque
gothlandienne par la surrection d'une barrière appalachienne, c'est
un accident tectonique remarquable ; mais l'ancienneté de cette fosse
d'affaissement ne permettrait qu'avec les plus formelles réserves de
loi faire jouer un rôle séismogénique actuel. Ces tremblements de
terre atteignent parfois une grande extension, ce qui doit faire sup-
poser qu'ils ont des mouvements d ensemble comme origine. Or on
n'en connaît qu un seul ayant ce caractère, c'est le mouvement de bas-
cule grâce auquel les dépôts marins de plages, soulevés à 330 mëtres
au Labrador, ne le sont plus qu'à 143 à Montréal, et à 12 ou 15 seu-
lement sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. Ce relèvement post-
glaciaire continuerait encore de nos jours ; mais il est tout aussi peu
vraisemblable qu'il ait une influence séismogénique, puisque la séis-
micité se restreint à la vallée du SaintrLaurent et ne remonte pas
vers le Nord. Les tremblements de terre en question restent donc
encore sans explication.
Quelques séismes agitent les rives des grands lacs de l'Amérique
du Nord, tout aussi bien du côté canadien que de l'autre. Ce trait si
remarquable de la géographie superficielle n'a aucune importance
géologique d'où pourrait provenir une instabilité notable. En effet,
sauf la cuvette du Lac Supérieur, ces lacs, au lieu d'être la conséquence
de causes tectoniques profondes, doivent seulement leur origine
à une dépression survenue pendant Tépoque glaciaire, puis au relè-
vement déjà mentionné vers le Nord et le Nord-Est, qui, conjointe-
ment avec les moraines, a complètement empêché les artères de l'an-
cien réseau hydrographique de reprendre leur cours primitif après la
débâcle des glaces.
Gomme on l'a dit plus haut, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-
116 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Ecosse et Tîle du Cap-Breton ressentent de temps à autre des
secousses modérées. On entre là dans un tout autre domaine, celui
d'un plissement antérieur à une partie du Carbonifère et qui, arrêté
au bas Saint-Laurent, aifecte la baie de Fundy, le nord du Cap-
Breton et passe dans Terre-Neuve. On ne peut raisonnablement y
voir l'explication cherchée de ces séismes, le plissement étant par
trop ancien ; mais par analogie avec ce qui se passe dans TEurope
moyenne, il est moins téméraire de s'adresser aux dislocations des
couches carbonifériennes. C^est par là, en effet, que la chaîne hercy-
nienne reparaît en Amérique, après avoir en partie disparu sous
l'Atlantique, pense-t-on du moins. Comme ses fragments orientaux
sont presque partout le siège de quelques tremblements de terre, à
l'exclusion des autres territoires, cette attribution des secousses de
l'extrême Canada sud-oriental paraît toute naturelle et conduit à
esquisser maintenant l'histoire de la Nouvelle-Angleterre, dont les
séismes sont bien connus grâce aux catalogues deBrigham^, Perrey'
etRockwood'.
A l'exception des Montagnes Vertes, dont l'affaissement s'était inter-
rompu à la fm du Silurien inférieur, toute la région des Appalaches
a formé pendant l'époque primaire un géosynclinal, oii les sédiments
concordants se sont déposés sous une épaisseur considérable, de près
de 12 000 mètres, à la faveur d'un mouvement continu de descente.
Mais à la fin de l'époque carboniférienne se produisit un énergique
plissement, donnant naissance à une énorme chaîne que les géolo-
gues pensent avoir égalé THimalaya, si toutefois l'érosion n'a pas
marché de pair avec le soulèvement. Bientôt cependant celle-ci avait
accompli son œuvre destructive et permis aux sédiments triasiques
de se disposer en discordance sur la pénéplaine, qui avait pris la
place de la chaîne limitant à l'Est le massif continental américain, et
sur le bord de laquelle se sont déposées les couches littorales créta-
cées. Les Appalaches sont ainsi une ride hercynienne, rabotée main-
tenant, mais qui s'est dressée par plissement sur l'emplacement d'un
ancien géosynclinal primaire. Ainsi que ses homologues d'Europe,
et avec une histoire géologique qui est exactement la même, elle forme
de la Nouvelle-Ecosse à la Géorgie une vaste région pénéséismique,
coïncidant trop bien avec les ruines de la chaîne pour qu'on ne
* Historical notes on Uie earthquakes of New England, 1638-1869 [Memoirs of tke Bos-
ton Soc. of nat, hUt. Read April 201*, 1869).
' Sur les tremblements de terre aux Etats-Unis et au Canada [Ann. soc. d*émul<Uton
dei Vosges. VII, 2* cahier, 1850).
' Earthquakes of North America {Am, Joum. of Se, 1885 et années suivantes.)
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA 117
doive pas regarder ses tremblements de terre comme l'héritage direct
de ceux qui n'ont pas dû manquer de Tébranler violemment aux
118 GÉOGRAPHIE SÉISM OLOGIQUE
temps de sa surrection et de sa splendeur. La stabilité de Terre-
Neuve, que les plissements hercyniens n'ont peut-être pas atteinte,
et Tabsence de séismes au sud de la Géorgie et de rAlabama, où les
plis disparaissent tellement bien que seuls les géologues peuvent les
discerner sous leur couverture crétacée et tertiaire, corroborent cette
explication générale des tremblements de terre de la Nouvelle-Angle-
terre^ sans qu'il faille pour cela chercher à serrer de plus près leur
genèse là où il n'est pas possible d'invoquer des causes locales par-
ticulières, ou des mouvements ultérieurs plus récents. Il est regret-
table que des renseignements vraiment scientifiques n'aient pas donné
confirmation de la disparition d'une montagne dans les Bald Moun-
tains du Nouveau-Brunswick, annoncée par une dépêche émanée
de Caribou (Maine), à la suite du tremblement de terre important du
21 mars 1903, événement qui rappellerait celui de 1663.
Les séismes du Maine présentent à peu près la même fréquence
et sont rarement plus intenses que ceux de l'extrême Sud-Est du
Canada. Ce sont des côtes à rias et à fjords.
Les secousses se font un peu plus fréquentes dans le New
Hampshire, le Massachusetts, le Connecticut et le New Jersey.
Celle du 9 novembre 1727 renversa des cheminées à Newburyport,
et fut suivie d'assez nombreux chocs consécutifs jusqu'en 1736.
Dépassèrent-ils de beaucoup la fréquence normale? On ne saurait le
dire, car des observations suivies n'y ont jamais été faites à d'autres
époques que pendant ces dix années. Cette intensité a été rarement
atteinte, jamais dépassée. De 1803 à 1812, de nombreuses et faibles
secousses, et surtout de fréquents bruits séismiques à Heast Haddam
(Connecticut), ont fortement attiré Tattention sur un phénomène
qui ne s'y est pas reproduit depuis. Rockwood a recherché la cause
géologique du tremblement de terre du 10 août 1884, qui s'est
étendu jusqu'au delà du Yermont. Le tracé des isoséistes lui a fait
conclure à une aire épicentrale très allongée N.E.-S.W., et
passant près de New York. La réunion simultanée de plusieurs
accidents lui a fait admettre que ce district a été, dès une époque gio-
logique reculée, le siège de dislocations, qui expliquent ce tremble-
ment de terre, et aussi les autres secousses. Ce sont les « Palis-
sades », étranges nappes de trapp columnaire injectées dans des assises
sédimentaires coupées par des failles. Mais l'étendue de ce phéno-
mène pittoresque, qui se poursuit jusqu'à la Nouvelle-Ecosse, suffit
à lui faire dénier le rôle que Rockwood veut lui assigner. Il est
plus heureux, semble-t-il, en faisant intervenir les dislocations qui
ont là fortement abaissé la grande chaîne Appalachienne et que le
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA il9
tracé des isobathes montre prolonger loin en mer, au large de
Sandy Hook, la dépression du bas Hudson, basse vallée d'érosion,
maintenant simplement noyée. Observant enfin que la déviation du
fil à plomb se produit du côté de Tocéan, il conclut de toutes ces
considérations que le tremblement du 10 août 1884 a été causé par
une rupture des couches placées immédiatement au-dessous de
New York. Mais que cette rupture ait eu lieu, comme il le pense,
N. W.-S. E,, c'est-à-dire perpendiculairement à la direction du
grand axe de l'aire plésistoséiste, est exactement contraire à la direc-
tion N. E.-S. W., qui paraît la plus plausible, c'est-à-dire paral-
lèlement à rallongement des isoséistes, et à tous les accidents
appalachiens. L'observation relative à la direction du fil à plomb est
à retenir.
Du Maine au New Jersey, les États atlantiques du Nord présentent
un certain nombre d'accidents importants, mais on ne peut avec
certitude les rapprocher des divers épicentres reconnus, d'ailleurs
plus nombreux que riches en nombres de séismes, caractère déjà plu-
sieurs fois mentionné comme propre aux fragments des anciennes
chaînes primaires démantelées. Il faudrait pour cela des études bien
plus précises que celles qui ont été faites jusqu'à présent sur les
séismes du pays.
Le principal foyer d'ébranlement se trouve au sud des White
Mountains, massif cristallin stable, aux environs de Concord et des
lacs Squam et Winnipiseogee. L'Hudson et le lac Ghamplain for-
ment une ligne de dislocations, le long de laquelle se sont disposés
les isoséistes des importants séismes du 4 novembre 1877 et
du 27 mai 1897. Leur rôle séismogénique en résulte manifestement.
L'opinion que les efforts de plissement hercyniens continuent à se
produire encore de nos jours ne résulte pas seulement d'une exacte
coïncidence observée, dans la plupart des pays où ils se sont exercés,
entre les territoires plissés et les régions pénéséismiques : elle ren-
contre dans le Massachusetts une démonstration pour ainsi dire
matérielle et tangible. On y connaît en effet des carrières de grès
dont les blocs à peine extraits subissent des flexions, des ruptures
soudaines et des dilatations, preuves d'un état de tension énergique,
contre-balancé par le poids des assises supérieures ; on en pourrait
citer d'autres exemples. C'est pour les théories exposées ici une
confirmation aussi solide qu'inattendue. Ici même la stabilité du
massif archéen des Adirondacks non plissés apporte son complément
de démonstration.
Plus au Sud, la côte devient beaucoup moins sujette aux tremble-
120 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
ments de terre^ les épicentres paraissent s'aligner de Philadelphie à
Deerfield et Maçon, au pied même des Appalaches, et les isoéistes
s'allongent suivant la même direction. La séismicité est ici notable-
ment inférieure à celle des États du Nord. Gela se conçoit facilement :
la plaine côtiëre, formée de limons pléistocënes sur le bord même de
rOcéan, puis tertiaire et crétacée jusqu'au pied des monts^ n'a subi
que des oscillations successives d'ensemble, ascendantes et descen-
dantes. Au contraire le versant atlantique de la partie des Appalaches,
qui prend le nom de Montagnes Bleues, est une pénéplaine d'Archéen
et de Primaire fortement disloquée, le Piedmont des géologues amé-
ricains, limité à l'Orient par un pli brusque, ou faille, qui se poursuit
des environs de New York à Maçon, et même au delà. Elle forme
un gradin que les cours d'eau franchissent en rapides et en cas-
cades, d'où son nom de Fall Une. Dès après le commencement du
Crétacé, elle a borné à TOccident l'extension des mers; les fleuves
n'ayant pas encore eu le temps de régulariser leurs cours à son
passage, c'est qu'elle a rejoué très récemment; Me Gee ' a démontré
qu'elle a été le théâtre de mouvements post-tertiaires, et même
qu'elle n'a point encore complètement repris son équilibre de nos
jours. Rien d'étonnant donc qu'elle soit, à l'exclusion de la chaîne
côtière, le siège de secousses plus ou moins fréquentes, mais plutôt
modérées. Deckert* fait intervenir l'affaissement du Piedmont, expli-
cation qui ne diffère pas essentiellement de la précédente.
Le 10 février 1874, l'extrémité méridionale de cette ligne remar-
quable fut le siège d'assez nombreuses secousses, qui se continuèrent
pendant quelques jours, et furent l'objet d'une étude du professeur
Warren Du Pré '. Il conclut à une cause orogénique intéressant les
Black Mountains, où se dresse le mont Mitchell, le point culminant
des. États-Unis en dehors des Rocheuses. L'Archéen y prédomine, les
terrains anciens sont plus disloqués qu'ailleurs, les failles sont nom-
breuses et le rehef irrégulier. L'explication de Du Pré est donc fort
plausible.
Au point de vue séismique, la Caroline du Sud est célèbre par le
tremblement de terre destructeur du 31 août 1886, à Charleston et
Summerville. Cet événement s'est produit dans un pays d'ordinaire
* The geology of the head of Chesapeake Bay ((/. S. Gtol. Survey. Seventh Rep.
1885).
• Die Erdbebenherde und SchQttergebiete von Nord-Amerika in ihren Beziehungen
ZQ den morphologischen Verh&Itnissen (Zeitschr. d. Ges. fur Erdkunde zu Berlin, 190S,
n* 5, 367).
» On a séries of earthquakes in North Carolina, commencing on the 10^ February,
1874 (Ann. Rep, of the Smithaonian Inst. for 1874. Wash., 1875, 254).
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA i21
1res Stable, et rien dans les annales locales ne pouvait le faire prévoir.
Le travail si connu qu'y a consacré Dutton*, n'a cependant pas éclairci
la genèse même du séisme, dont ce savant place Tépicentre en deux
points différents et distants l'un de l'autre d'une douzaine de milles,
particularité qui, si elle est bien exacte, n'a jamais été signalée ail-
leurs. Quoi qu'il en soit, le tremblement de terre de Gharleston doit
être regardé comme tout à fait anormal dans cette région, et sa cause
reste bien mystérieuse. On peut suggérer que l'Océan Atlantique a
été, dans sa partie subtropicale, le théâtre de l'effondrement pléisto-
cène des terres reliant l'Europe à l'Amérique, terres dont le bord méri-
dional occupait un emplacement encore tout à fait inconnu le long
du géosynclinal méditerranéen ou alpin, siëge de plissements ter-
tiaires traversant l'océan, du Maroc aux Antilles, par un trajet non
moins ignoré. A défaut d'autre explication, nous serions donc tentés
de voir dans ce séisme un mouvement au sein du géosynclinal, opi-
nion que corroborerait dans une certaine mesure l'instabilité de ces
parages maritimes, à l'est et au large des Antilles. Aussi bien, les Ber-
mudes ne sont-elles pas exemptes de secousses. Mendenhall' a
estimé à 1 300 000 000 000 chevaux-vapeur le travail mécanique
développé par ce séisme sur l'écorce terrestre, et Shaler' aurait
alors prophétisé que la côte de la Nouvelle-Angleterre est dans le
cours des temps destinée à s'effondrer sous TAtlantique, sinistre pré-
diction, ravivée, grâce à la presse, dans l'esprit public par les cre-
vasses consécutives au tremblement du 21 mars 1903, dont les
dégâts ne furent pas sans importance et qui s'étendit de Baltimore
au golfe du Maine.
Ce remarquable tremblement de terre a présenté une circonstance
particulière qui a fortement attiré l'attention, à savoir l'existence
apparente de deux épicentres bien distincts. Nous pensons qu'il ne
faut voir là que des phénomènes de propagation au sein de couches
hétérogènes plus ou moins profondes, et cet exemple n'est du reste
pas unique, témoin celui de Noto (Sicile) du 14 juin 1904 ^ qui à ce
compte aurait eu quatre foyers différents. Dans les pays hispano-
américains, on dit que les tremblements de terre « font pont » [hacen
puente); lorsqu'ils montrent ainsi des surfaces indemnes, ou moins
' The Gharleston e&rthquake of August 31«t 1886 {U. S. geol. Swvey. Ninih Hep.
1889, 201).
* On the intensity of earthqnakes {NeUure. London, XXXIX, 380).
* Von Bracic. Erdbebennachrichten ans Nordamerica (Die Erdbebenwarte, 1903*1904,
^- Laibach).
' Ârcidiacono. D terremoto del 14 Gingno 1904 [Bull. Soc. sism. itcU.» X, 1904-05, 159).
122 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
fortement ébranlées, au milieu de leur aire pléistoséiste, circons-
I , j / /+SuïBfhBPvîlle
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Fig. 15. — Double épicentre du tremblement de terre de Gharleston du 13 août 1886.
tance qui tend à se répéter aux mêmes lieux, comme cela s'observe
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA 123
à Quetzaltepeque pour les séismes de San-Salvador (Amérique cen-
trale), dernière observation plus favorable à notre explication qu*à
celle qui fait intervenir des secousses de relai.
Davison^ a dernièrement étudié d*une manière approfondie le
' ' -J - ' ^ ■ ^ v,i
20 Zq ko Soleil
^'/'■^ ' I ^ ^-^ ^ \ Jk
Fig. 16. — Quadruple épicentre du tremblement du terre du 14 juin 1904
& Noto (Sicile).
mécanisme de ce qu'il appelle les tremblements de terre jumeaux,
Twinearthquakes^ qui se produisent à peu près simultanément avec
des foyers très voisins, et donnent l'apparence de séismes à doubles
épicentres. Sans différer essentiellement des tremblements de terre
de relai, ils résultent de mouvements dans des parties différentes
d'un même accident, faille ou pli, soit simultanément, soit que le
premier séisme en provoque d'autres au voisinage, les parties inter-
médiaires, pour une cause ou une autre, pouvant rester en repos.
Celte distinction parmi les tremblements de terre de relai n'a rien
* Twin-earttiquakes (Quart, Journ. of the Geol. Soc, LXI. 18. 1905. London).
124 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
d'indispensable, mais le séismologue anglais a précisé les circons-
tances de ces phénomènes, et il s'est appuyé pour cela sur les rela-
tions détaillées d'un certain nombre de tremblements de terre
importants^ parmi lesquels celui de Gharleston
Le versant occidental des AUeghanys : Tennessee, Kentucky, Ohio,
Indiana, Illinois, Missouri et Arkansas, est le siège d'épicentres spo-
radiques clairsemés et pauvres en séismes. C'est le caractère parti-
culier aux terrains primaires, et surtout carbonifériens, affectés par
les plissements postérieurs. Tel est bien le cas de ces territoires qui
ont constitué un noyau ancien du continent américain actuel, symé-
trique du massif des Rocheuses, de l'autre côté de la mer crétacée
qui s'est si longtemps étendue entre le golfe du Mexique et les
terres arctiques du Canada septentrional. On y connaît des frac-
tures postérieures aux plis arasés, mais les véritables épicentres sont
trop mal déterminés pour qu'on puisse les leur attribuer en détail.
Quoi qu'il en soit, les tremblements de terre s'étendent au delà du
Mississipi jusqu'au pied des monts Ouachita, oii des dislocations font
reconnaître les racines d'une ancienne chaîne hercynienne plissée,
dépendance des Appalaches élargis, mais rabotés jusque-là. 11 est
probable que ces secousses doivent s'étendre, en même temps que ces
accidents, jusqu'au Territoire Indien et à TOklahoma, où disparais-
sent définitivement les terrains primaires. Si les observations séis-
miques ultérieures justifient cette prévision, l'influence séismogé-
nique des dislocations post-carbonifériennes deviendra tout à fait
évidente pour toute cette région centrale des États-Unis à l'ouest
des Appalaches.
Les célèbres tremblements de terre de 1811 à Memphis et aux envi-
rons n'ont pas encore été clairement expliqués. Ils ont dépassé en
nombre et en intensité tout ce qu'on doit normalement attendre dans
ce pays, môme en tenant compte de l'exagération naturelle aux
témoins oculaires, pour la plupart colons et pionniers un peu en
marge de la civilisation, dans ce qui était alors un Far-West reculé
et à peine connu. Ils se sont produits dans la contrée marécageuse
appelée la « Sink » ou « Sunken Country », et au bord de la plate-
forme de l'Est, c'est-à-dire le long d'une remarquable ligne tecto-
nique. Aussi a-t-on fait appel pour les expliquer soit à des tasse-
ments de ces terrains sans consistance, soit à un mouvement du
bord de Tescarpement. La mobilité des dislocations hercyniennes
peut tout aussi bien être invoquée, si on lui suppose un paroxysme
exceptionnel.
Cette même région a été, depuis 1811, le siège d'un certain nombre
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA 125
de séismes, toutefois beaucoup moins forts. Ceux de 1883 et de 1895
ont été les plus remarquables. Paducah et Memphis sont apparem-
ment deux foyers indépendants. Les ingénieurs américains du ser-
vice fluvial ont depuis longtemps attiré l'attention sur les modifica-
tions progressives qui se produisent dans le régime du Mississipi et
de ses affluents, et sur le danger de plus en plus grand de leurs
débordements. C'est en grand nombre que les cours d'eau conver-
gent vers la Sink Gountry, qui s'inonde de plus en plus, accusant
ainsi l'affaissement de tout le pays, mouvement que, d'après Deckert,
John-T. Campbell aurait constaté en comparant les nivellements
de 1880 et de 1900. Il aurait observé que, sur 12 milles d'étendue
le long du bas Wabach, s'est produit entre les deux opérations
un affaissement de 10 pouces anglais dans la direction de la Sink
Country, et cet ingénieur en rendrait responsable par contre-coup le
grand tremblement de terre de 1886 à Charleston, opinion difficile-
ment soutenable. G. K. Gilbert considère comme hors de doute un
lent affaissement de la partie occidentale de la région des Grands
Lacs vers le S. W., de sorte qu'il suffirait de cinq siècles pour que
le Lac Michigan finisse par s'écouler vers le Mississipi par la
rivière Des Plaines et l'IUinois, à la suite d'une sorte de gauchis-
sement jusqu'à la Sink Country. On sait, d'ailleurs, combien est
jeune le cours actuel du Tennessee, qui vient maintenant se jeter
dans le Mississipi en aval de Paducah, après s'être si longtemps
écoulé dans l'Alabama vers le golfe du Mexique. Cette théorie
d'une ancienne «c Rivière Appalachienne », résumée et illustrée
par Chamberlin et Salisbury*, mais contestée par D. W. Johnston*,
concorde trop bien avec les phénomènes séismiques à expliquer,
pour que nous ne soyions point enclins à l'admettre au moins
sous réserves. L'affaissement a appelé les fleuves, et Deckert attribue
à ce phénomène l'instabilité séismique de la région ; son opinion, en
quelque sorte corroborée par les quelques secousses qui agitent l'In-
diana et l'IUinois dans la direction du Michigan, parait bien plus plau-
sible que les suggestions précédemment signalées, y compris même le
plissement hercynien. Il est du reste possible que toutes ces causes
aient une part dans les séismes et ajoutent leurs effets, complication
qui se rencontre quelquefois ailleurs.
Le versant occidental des Âppalaches dans le Tennessee mérite
encore une mention spéciale. On connaît, en effet, un foyer d'ébran-
lement peu intense de Knoxville à Chattanooga et Hunts ville. Or il
* Geology, \, 164, 1904.
' Gtol. joum., Chicago, XHI, 194, 1905.
126 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
se trouve là un accident extrêmement remarquable, la grande vallée,
<x Great Valley y^y dépression bordée à TEst par des crêtes de plus
de i 000 mètres et qui, se développant sur 30 à 100 kilomètres de lar-
geur, correspond aux cours du Tennessee et de la Goosa. Ge seraient
les tronçons d'une seule et unique rivière appalachienne, qui aurait
coulé à la fin de l'époque crétacée jusqu'à TAlabama, à la suite d'une
dislocation de la pénéplaine primaire. Des mouvements tertiaires
auraient rajeuni l'accident et coupé l'ancien fleuve en deux. Il est
bien possible que les secousses de ce foyer leur soient attribuables.
Le 19 septembre 1884, un séisme important a ébranlé la province
canadienne de l'Ontario, entre les lacs Erié et Huron, ainsi que les
états de Tlndiana, de l'Ohio et du Michigan. Rockwood* l'attribue à
des mouvements qui continueraient à se produire au sein d'un anti-
clinal courant vers le N. N. E., et rencontrant l'extrémité occiden-
tale du lac Érié entre Toledo et Sandusky. Get accident s'est produit
entre le Silurien inférieur et le Silurien supérieur et, passant près de
Bellefontaine, non loin de l'épicentre, il est à peu près pcurallèle aux
plis des Appalaches. Une telle attribution d'un rôle séismogénique aune
dislocation aussi ancienne serait fort has6u*dée si Rockwood ne rap-
pelait l'opinion de Newberry que, dans la série des temps géologiques
postérieurs, elle a continué à être une ligne de dérangements. Il est
vrai que l'axe de Taire pléistoséiste, d'Akron, au sud de Gleveland,
à Indianapolis, fait un certain angle avec la direction de l'anticlinal ;
mais, par contre, l'axe de Taire totale ébranlée coïncide assez bien
avec lui. Il est donc admissible que la relation invoquée soit exacte,
si Ton suppose que Taire pléistoséiste ait été mal tracée sur la foi de
renseignements insuffisants. On peut attribuer la même origine à
d'autres séismes analogues observés dans cette région.
De la Floride au Rio Grande, les cotes du golfe du Mexique sont
extrêmement stables . Seules, quelques rares et insignifiantes
secousses en viennent parfois troubler la quiétude, commune aussi
à Tarchipel des Bahamas. En particulier la Floride, formée de Ter-
tiaire récent resté à peu près horizontal, est la partie la plus
moderne des États-Unis. Il semble qu'avant son émersion postrplio-
cène, elle constituait un vaste plateau sous-marin relativement peu
profond, prolongeant celui où se déposaient les couches identiques
des Bahamas ; elle n'a donc, ainsi que ces îles, eu à subir que des
mouvements verticaux et des cassures, de sorte que Tabsence de
tout plissement explique Timmunité séismique de ces régions. Les
« American Journ. of Science (CLXXIV. 432).
VERSANT ATLANTIQUE DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA 427-
états du bas Mississipi n'ont été soumis, de même, qu'à des vicis-
situdes semblables et sans influence séismogénique postérieure.
L'architecture tabulaire des anciens territoires mexicains, Texas,
Colorado et Nouveau-Mexique, seulement accidentés de failles, à la
vérité gigantesques, et de bombements laccolitiques, en a assuré la
stabilité, malgré l'intensité de phénomènes volcaniques à peine
éteints.
EnQn les séismes sont à peu près inconnus dans toutes les grandes
plaines des États-Unis à Test des Rocheuses, comme aussi dans le
Canada jusqu'aux terres arctiques. C'est que les immenses plaines
crétacées, qui s'étendent des monts Ouachita du Texas à l'embou-
chure du Mackenzie, sont un très ancien fond de mer, à peine
dérangé, et qui n'a subi que des oscillations verticales sans plisse-
ments; autrement dit, c'est un antique synclinal non transformé pos-
térieurement en ride montagneuse, d'où son immunité séismique.
DEUXIÈME PARTIE
LES AIRES CONTINENTALES EXTRA- EUROPÉEN NES
LE PACIFIQUE
CHAPITRE vil
LE CONTINENT SINO-SiBÉRIEN.
Le continent sino-sibérien est limité à l'Ouest par l'Oural, qui ne
le sépare guère du continent nord-atlantique, au Sud et à TEst par
les géosynclinaux méditerranéen et circumpacifique. Il forme une
masse essentiellement stable au point de vue géologique, qui n'a
jamais été morcelée, et c'est une conséquence immédiate de cet état
de choses qu'il soit aséismique sur de grandes étendues, ou seule-
ment pénéséismique par ailleurs.
De l'Oural à Tlénisséï, la Sibérie occidentale ignore les séismes,
sauf la région pénéséismique de Nijné-Taguilsk, située à cheval sur la
chaîne. C'est là une surface émergée de l'époque carboniférienne,
puis recouverte par une mer plate à l'époque oligocène, sans déran-
gements ni bouleversements postérieurs. La Sibérie orientale montre
une architecture tabulaire tout aussi stable.
Au Sud, de Krasnoïarsk à Kirensk et Ourga, s'étend une vaste
région pénéséismique, presque même séismique, à un faible degré
toutefois ; elle est caractérisée par le lac Baïkal, grand et profond
accident tectonique de disjonction, résultant d'efforts très anciens,
qui auraient rejoué à l'époque secondaire, et même plus récemment
encore, ce qui explique les tremblements de terre de ces parages.
Le géosynclinal de l'époque secondaire, tel que l'a figuré Haug,
part de la mer d'Okhotsk pour traverser la Sibérie jusque vers l'em-
bouchure de la Lena, laissant ainsi jusqu'à l'extrême Nord-Est ces
Dk UoirrEssofl. — Tremblements de terre. 9
130 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
territoires faire partie du continent nord-atlantique. La géologie de
ces pays est très mal connue encore, et en tout cas cette branche
annexe du géosynclinal secondaire, d'ailleurs un peu hypothétique,
n'a plus rejoué à l'époque tertiaire pour se transformer en géanticli-
nal plissé, de sorte qu'on retombe à peu près sur les conditions de
l'Oural, le district pénéséismique du golfe de Taui correspondant
exactement à celui de Nijné-Taguilsk. De ce côté donc, aussi, la sépa-
ration des deux aires continentales du Nord est plus apparente que
réelle.
Les plateaux parfois montagneux, de très ancienne consolidation,
que sont la Mongolie et la Mandchourie ne sont presque jamais
ébranlés par des tremblements de terre, pas plus que la Corée, où le
Cambrien lui-môme n'a guère été dérangé de son horizontalité pre-
mière.
La Chine est un môle antique, contre lequel se sont arrêtés les
plissements et les surrections d'âge tertiaire de l'Himalaya et de ses
dépendances birmanes. L'architecture plissée y domine dans le Sud
entre le Fleuve Bleu et le Tonkin, tandis qu'ailleurs les plissements
n'ont pas dépassé l'époque primaire. Y existe-t-il des régions séis-
miques, au moins dans l'intérieur, car du littoral il ne saurait être
question? Oui, si l'on en croit les vieux annalistes de la cour impé-
riale. Mais il est probable que leurs récits sont empreints d'une forte
exagération, traduite par la mention d'innombrables catastrophes de
tout genre. Comme depuis plusieurs siècles les documents publiés
par les missionnaires n'en relatent pour ainsi dire pas d'origine séis-
mique avérée, on est en droit de révoquer en doute ces anciennes
relations de désastres dus à des tremblements de terre, ou que ces
phénomènes auraient accompagnés. On doit donc admettre, au moins
provisoirement, que ce pays ne renferme que des régions pénéséis-
miques, comme devait le faire prévoir son histoire géologique, encore
assez mal connue dans le détail. Qu'il suffise de mentionner que l'on
peut soupçonner, de môme qu'en Europe et en Amérique, une dépen-
dance entre les districts plus ou moins ébranlés et les bassins houillers.
L'Indo-Chine est stable. Quelques rares séismes d'Haïphong se
rattachent peut-être aux dislocations du Carboniférien de la baie
d'Along.
L'Asie centrale proprement dite est aséismique.
Le catalogue de Mouchkétov et Orlov, déjà mentionné, donne de
nombreux renseignements séismiques sur tous ces pays. 11 en est de
même du bulletin du Comité central séismologique permanent de
Saint-Pétersbourg (Levitski).
LE CONTINENT SINO-SIBÉRIËN 131
Sibérie.
La chaîne de FOural sépare les continents nord-atlantique et sino-
sibérien, et occupe l'emplacement d'un géosynclinal primaire, où,
du Dévonien au Permien, les couches atteignent une grande épais-
seur et s'y présentent en continuité. La séparation marine entre
TEurope et l'Asie s'est maintenue au moins jusqu'à l'Oligocëne. On est
encore assez peu fixé sur l'époque de la surrection de la chaîne, que
certains croient assez tardive. Quoi qu'il en soit, l'Oural n'a joué à
aucun point de vue le rôle des grandes rides tertiaires qu'accompa-
gnent les géosynclinaux méditerranéen et circumpacifique, puisqu'il
n'a pas été plissé récemment. Sa chute est brusque sur le versant
sibérien, où les terrains sont extraordinairement disloqués sans
perdre pour cela les caractères d'une surface des longtemps dénudée
et arasée. Du côté russe au contraire, si la plate-forme est la très
ancienne continuation de la plaine sibérienne, du moins le relief de
rOural a été rajeuni par des dislocations assez récentes accusées par
des failles, qui ont découpé sur ce versant des escarpements de
grès et de quartzites parallèles à l'axe. On peut donc, au moins par
places, s'attendre à une séismicité modérée, puisque aucun plisse-
ment tertiaire ne s'y est produit. C'est bien en effet ce qui se passe :
de Perm à Nijné-Taguilsk et à Zlatooust règne une région pénéséis-
mique, à cheval sur la chaîne et appartenant ainsi aux deux aires
continentales. Parfois même, les secousses ébranlent les deux ver-
sants, ce qui fait songer à des mouvements d'ensemble.
Depuis une époque très reculée, la Sibérie est arrivée à son état
actuel ; les mers secondaires l'ont presque respectée et les trans-
gressions tertiaires à peine entamée ; aussi l'ancienneté de sa cons-
truction est-elle pour ce pays le meilleur garant d'une stabilité qui
ne se dément qu'en certains points de son immense surface.
La Sibérie occidentale n'a jamais été dérangée depuis les temps
carbonifériens, date de son émersion, troublée seulement par une
éphémère transgression oligocène. Aussi est-elle aséismique, sans
toutefois ignorer complètement les secousses, puisqu'on en connaît
deux à Ichim et une à Kourgane. Il n'en est pas de même pour
l'avant-pays de l'Altaï ; de Tomsk à Sémipalatinsk et à Krasnoïarsk
sur riénisséï se développe une région au moins pénéséismique, qui,
ne passant pas au Nord au delà de Tomsk à Kolyvan, ne s'étend
pas absolument sur la véritable plaine. Sa partie la plus instable
est certainement Kouznetsk, fort éprouvée en juin 1898 : Tolma-
132
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
tchev ' a reconnu que Taire épicentxale de ce tremblement de terre s'est
disposée conformément à la structure des couches sous-jacentes, ce
Kolywan
^Syrjanovsk \^ -.^^y
Fig. 17. — Âitaï et dépendances.
qui l'a conduit à en faire un séisme transversal et d'origine nette-
ment tectonique. Bogdanovitch fait jouer un rôle important aux
affaissements et aux failles dans la formation du relief du haut bassin
de l'Irtych ; mais cette explication ne pourrait être valable pour les
* Tremblement de terre de Kouznetsk du 7 (19) juin 1898 (Bull, comm, séism. cenlr.
permanente. H, 1903, 291 ; en russe).
LE CONTINENT SINO-SIBÉRIEN
133
"3
iZi GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
tremblements de terre que pour une faible partie de la surface de la
région d'ébranlement^ sa géologie étant encore trop mal connue
pour permettre l'attribution de ces secousses à des accidents particu-
liers de suffisante ampleur. Il faut se contenter de signaler que par
une coïncidence, sans doute non fortuite, un bassin houiller se ren-
contre au sud de Kouznetsk. De là à songer aux circonstances séis-
mogéniques des bassins homologues de l'Europe moyenne, il n'y a
qu'un pas ; les mouvements du géosynclinal primaire n'y seraient
pas complètement éteints.
Entre l'Iénisséï et la Lena s'étend jusqu'à TOcéan Glacial une
immense pénéplaine au soubassement archéen plissé peu visible,
caché qu'il est presque partout sous le Paléozoïque resté à peu près
horizontal. Délaissés par la mer depuis des temps si reculés, des
ambeaux de terrains à lignites assimilables aux formations lacustres
gondwaniennes en font l'homologue du môle hindoustanique ; ces deux
môles sont symétriques par rapport à l'antique coupure qui a toujours
existé entre les masses continentales des hémisphères Nord et Sud.
D'immenses coulées, qui semblent avoir débuté au Gondwanien, et
qui à l'époque jurassique, avaient atteint l'archipel François-Joseph
dans l'Océan Glacial, correspondent à celles du Dekkan, tout en leur
étant quelque peu antérieures. Ces traits communs ont assuré la par-
faite stabilité séismique des deux môles, sibérien et hindoustanique.
La Baïkalie est un pays fréquemment secoué par des tremble-
ments de terre, parfois même assez sévèrement. La région d'ébran-
lement s'étend au moins de Nijné-Oudinsk à Kirensk à l'Ouest, de
Petropavlovskoïe à Nertchinsk à l'Est, et à Kiakhtaet Ourga en Mon-
golie au Sud. Le maximum de l'instabilité se montre tout autour de
la moitié méridionale du lac Baïkalet aux environs, — haute Angara
et vallée inférieure de la Sélenga. La structure de ces vastes terri-
toires est extrêmement compliquée, mais elle est tellement ancienne
qu'on ne peut attribuer ces séismes à aucun de leurs traits, même les
plus remarquables, comme par exemple l'ensemble des plissements
précambriens qui, de Krasnoïarsk à Irkoutsk et Kirensk, forment ce
que Suess a si heureusement appelé l'amphithéâtre d'Irkoutsk. Il
faut donc provisoirement encore, renoncer à assigner des causes
particulières et locales aux secousses et se borner pour la partie la
plus instable à invoquer cet étonnant accident tectonique qu'est le
Baïkal, tout en se demandant pourquoi le Nord du lac n'est pas aussi
instable. On a beaucoup discuté sur sa formation, mais on semble
s'accorder maintenant à lui assigner une très grande ancienneté,
quoiqu'il ait rejoué plus récemment, comme le prouvent les érup-
LE CONTINENT SINO-SIBERIEN 135
lions volcaniques de son pourtour méridional, montrant bien que
c'est une ligne de disjonction. Celles du ViUm sont peut-être même
encore plus récentes. Vers Minousinsk, on possède des indices de
dislocations hercyniennes qui se seraient propagées à Touest du
Baïkal et le Permo-Trias du bassin de l'Angara a été lui-même plissé
à une époque tardive. L'Angara supérieure et la Sélenga inférieure
sont considérées par beaucoup de géologues comme les deux tronçons
d'un même fleuve coupé par le colossal effondrement, et justement
ces deux parties de vallées sont apparemment le siège des secousses
les plus fréquentes et les plus sévères. Conformément à cette sugges-
tion du rôle séismogénique de ces vallée s, le tremblement de terre du
12 avril 1902 a eu ses isoséistes allongés parallèlement au thalweg supé-
rieur de l'Angara. Au surplus, les mouvements de l'époque pontienne
ont eu assez d'ampleur pour qu'on ait pu croire à la formation récente
du Baïkal, et dès lors ces séismes leur seraient en partie attribuables^
Cette région pénéséismique se soude à celle de l'Altaï, mais il
serait téméraire de faire intervenir la grande faille de llénisséï dans
la genèse des séismes de l'ouest de la Baïkalie. A l'Est, au contraire,
son extension au delà des monts lavlonoï permet de s'adresser à la
fracture grâce à laquelle leur crête entre le Baïkal et Teliita en
serait une des lèvres relevée, soit absolument, soit relativement. Des
géologues ont attaché une certaine importance à l'affaissement qui
a, sur plus de 250 kilomètres carrés, accompagné les tremblements
de terre de janvier 1862 dans le delta de la Sélenga. Il y a là une
fausse interprétation d'un phénomène tout accessoire, résultant seu-
lement du peu de consistance des matériaux détritiques et alluvion-
naires soumis aux vibrations séismiques, juste au bord des pentes à
pic et si profondes du Baïkal.
Les côtes de la mer d'Okhotsk ne sont pas sans être secouées par
quelques chocs, qui y font supposer l'existence d'une région péné-
séismique d'une extension d'ailleurs tout à fait indéterminée dans
l'intérieur. En 1831, la presqu'île Baboutclikine et l'embouchure de la
Sligane ont été le siège de secousses répétées. Cette côte fait partie
du géosynclinal secondaire traversant la Sibérie jusqu'aux bouches
de la Lena, mais dont le caractère, comme tel, est beaucoup moins
certain que celui de l'Oural, son symétrique; en tout cas, il n'a pas
été le théâtre de mouvements tertiaires. Quoi qu'il en soit, cette
région d'ébranlement peut être regardée comme le pendant de celle
* Si la ville de K&rakorum a bien été iniinée par un tremblement de terre & la un du
««• siècle, ainsi que le rapportent des historiens, ou au commencement du xiv^(1303),
d'après MouchketoY et Orlov, c'est qu'il faut étendre jusque-là les limites méridionales
de la région baîkalienne d'ébranlement.
436 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
de Nîjnd-Taguilsk par rapport au géosynclinal supposé. D'ailleurs, les
dislocations pacifiques semblent avoir joué un rôle dans ces parages
de la Sibérie orientale, et c'est ainsi que la côte au S. E. d'Okhotsk
est un mur rectiligne que Ton peut considérer comme la lèvre d'une
fracture limitant un compartiment effondré sous l'océan, nouvelle
cause séismogénique possible.
Toute la Sibérie orientale est de très ancienne architecture, où
prédomine la direction des Stanovoï. Aussi est-elle remarquablement
stable, en dépit de quelques rares secousses observées à Olekminsk,
Iakoutsk et Yerkhoïansk, comme il convient en un pays que la mer
n'a pas recouvert depuis les temps primaires, ce qui, en raison du
peu de relief exclut grands mouvements et profondes dislocations.
Enfin les éruptions trachytiques et basaltiques prennent dans ce
pays d'autant plus d'ampleur qu'on se rapproche davantage du Paci-
fique, fait favorable à l'intervention des mouvements qui ont cons-
titué cet océan, sous la forme atténuée des séismes de la mer
d'Okhotsk.
2. — Mongolie, Mandchourie et Corée.
La Mongolie et la Mandchourie sont d'anciens plateaux dont les
plus récentes vicissitudes consistent seulement en des affaissements
sur de grandes surfaces dans la direction du Pacifique, et que séparent
entre eux de brusques flexures, représentées par les principales
lignes de relief. On ne peut donc s'y attendre à une instabilité notable,
et c'est bien ce que l'on peut affirmer, malgré un regrettable manque
d'observations. Quelques secousses sur le cours de l'Amour rappellent
les nombreux accidents qui lui ont donné son tracé si tourmenté, et
d'autres dans la région de Vladivostok peuvent dépendre du voisinage
du géosynclinal circumpacifique et des mouvements correspondants.
La Corée est un pays de très ancienne consolidation, dont le sub-
stratum archéen forme la plus grande partie de la surface, et où le
Gambrien n'a presque point perdu l'horizontalité de ses couches. Elle
est coupée transversalement à hauteur de Séoul par un Graben assez
profond pour permettre des communications faciles entre les deux
mers et que les basaltes ont en partie comblé. C'est là seulement
que se font sentir quelques rares secousses, que les antiques annales
du pays ont soigneusement enregistrées depuis l'an 142, tant elles
semblaient un extraordinaire phénomène aux chroniqueurs, ou que
des voyageurs modernes ont mentionnées. Aston les a recueillies ^
* Earthquakes in Corea (Trans, seism. Soc. ofJapan, XII. 77» 1^88).
LE CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 137
C'est donc bien que les systèmes de dislocations, si bien étudiés
par Kôtô \ sont arrivés à un état d'équilibre parfait à cause de leur
âge reculé, puisque les tremblements de terre y sont si rares. Ils ne
sont d'ailleurs pas plus fréquents dans le Liao-Toung, dont l'histoire
géologique est analogue.
3. — Gliine et Indo-Chine.
La description séismique de la Chine rencontre les plus grandes
difficultés et, au point de vue des renseignements sur les tremble-
ments de terre, ce pays se présente dans des conditions toutes spé-
ciales. Les annales de l'Empire du Milieu remontent à la plus haute
antiquité et renferment de très nombreuses informations sur toutes
sortes de phénomènes naturels ; en particulier, les chroniques Wen-
Hian-Thoung-Khao, et Thoung-Kien-Khang-Mou, débutent à dix-huit
siècles avant notre ère. Biot' en a extrait les grands désastres dus à
des phénomènes naturels et les tremblements de terre. Peut-on en
faire état? La question est assez délicate. En effet, la lecture de ce
catalogue donne l'impression générale d'une très grande exagéra-
lion ; les détails les plus extraordinaires s'y mêlent à des observa-
tions qui, si elles étaient dégagées de ces erreurs grossières, porte-
raient au contraire l'empreinte d'une grande précision et d'une
parfaite authenticité. De plus, il n'est pour ainsi dire aucune de ces
calamités publiques, inondations, éboulements de montagnes dans
un pays où les inconsistantes Terres jaunes s'écroulent avec la plus
grande facilité, grands orages, épidémies, etc., qui ne soit, dans
ces vieilles annales, mentionnée avec tremblement de terre, comme
d'un accompagnement ou d'un avant-coureur constant et obligé.
L'identification géographique est doublement difficile, parce que les
voyageurs et les missionnaires européens traduisent chacun dans
leur propre langue des noms complexes, à prononciation chinoise
variable elle-même suivant les diverses provinces, et aussi parce
qu'une extrême antiquité de certaines grandes villes leur a fait suc-
cessivement porter diflérents noms. C'est donc un travail malaisé,
et restant sujet aux doutes les plus graves, que de déterminer la
répartition géographique des districts plus ou moins instables, la
' An orographie sketch of Corea (/. of the Collège ofSc. Imper. Univ. of Tokyo, XIX,
art. 1, 1903).
' Catalogue général des tremblements de terre et soulèvements de montagnes, obser-
vés en Chine depuis les temps anciens jusqu'à nos jours. Littéralement traduit du texte
original des auteurs chinois et présenté k rAcadémio des Sciences de Paris le 5 mai
i&39 [Ann, phys. et chim., 3* série, H. 1841, 372).
138 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
stabilité des autres résultant uniquement du silence des chroniqueurs.
Malheureusement, ceux-ci ont surtout écrit pour les pays où se trou-
vait la capitale de leur propre époque, et Ton sait combien de fois
elles ont changé sous les diverses dynasties.
D'après ces annales, il existerait en Chine des régions fort exposées
aux tremblements de terre, ainsi qu'on le verra tout à l'heure. Or,
depuis plusieurs siècles, les missionnaires chrétiens ont publié
maintes relations sur cet empire. Beaucoup fourmillent d'observa-
tions scientifiques de tout genre, et l'on ne voit guère se confirmer la
séismicité des régions dont il s'agit, les mentions de chocs étant
plutôt rares. Il faudrait donc admettre, si l'on accepte les chroniques
anciennes, et l'objection est grave, que la Chine a acquis à notre
époque, et depuis les temps historiques, une stabilité relative suc-
cédant à un état de grande séismicité, du moins en certains districts,
changement dont aucun autre pays du monde ne fournit d'exemple
à la surface du globe.
Les documents récolés par Biot ont été complétés par Mouchkétov
et Orlov dans leur grand catalogue, déjà cité, des tremblements de
Tempire russe et des pays adjacents. Pour la Chine, ils donnent un
nombre assez considérable de faits, recueillis surtout par les agents
commerciaux et politiques russes depuis longtemps installés dans le
pays. Le texte donne l'impression qu'il ne s'agit pas d'observations
directes, mais seulement rapportées sur la foi de fonctionnaires
indigènes, par suite sous le coup des mêmes difficultés que précé-
demment. L'identification des noms géographiques est encore plus
difficile après leur transformation en russe. Il est fort regrettable
qu'Omôri n'ait publié qu'en japonais son catalogue des tremblemenls
de terre chinois depuis les temps les plus anciens jusqu'à la fin de
la dynastie des Min ^
De tout cela résulte pour l'instabilité séismique une distribution
géographique sur laquelle il est nécessaire de faire les plus expresses
réserves.
La géologie de la Chine n'est pas encore bien connue, et, dans son
ensemble, tout milite en faveur d'une pénéséismité générale. Elle est
en effet composée de massifs anciennement plissés, recouverts de
Primaire le plus souvent peu dérangé de l'horizontalité, et qui n'ont
guère subi que des mouvements verticaux peu favorables à l'insta-
bilité. Les dislocations tertiaires ne les ont pas entamés ; au contraire,
ils leur ont été un obstacle puissant et rigide.
• Shinsai Yobô Ghôs&kkwai Hôkoku (Reports of the imp. earthq. invest. Comm. i«
japanese language, n» 19, 1899, 83).
LE CONTINENT SINO-SIBÉRIEN
139
Nous allons décrire les différents groupes d'épicentres, toujours
avec cette restriction qu'ils dérivent principalement des chroniques
douteuses des anciens annalistes. Mac Gowan * a établi un petit cata-
logue des secousses modernes.
Le Chan-Toung montre un foyer d'ébranlement à la racine de la
Fig. 19. — Chine.
4
presqu'île, et de nombreuses secousses ont été rapportées à Laï-
Tchéou. On se trouve là bien près d'une faille correspondant à la
vallée du Weï-Ho, et limitant à l'Est le massif du Taï-Chan, où le
substratum archéen est recouvert de Cambrien et d'autres couches
primaires restées horizontales. Cette dépression ferait presque une
île delà presqu'île, et d'anciennes cartes des missionnaires y portent
une communication marine par canal. Le massif du Taï-Clian est
coupé de failles qui l'abaissent vers le Nord. Ainsi donc, l'instabilité
de ce district ne saurait être attribuée qu'à ces fractures et au mou-
vement d'affaissement correspondant, au moins provisoirement.
Les tremblements de terre ne sont pas rares à Pékin, et en 1731
* Earthquakes in China (Trans. seism. Soc. ofJapan, X, 1887, 37).
140 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
il s'en produisit un assez grave, sinon aussi désastreux que le
dépeignent les relations des missionnaires. On ne peut donc dire que
cette ville ait uniquement accaparé les secousses du pays environ-
nant sans être un véritable centre séismique, et on est ainsi certain
qu'il en existe un à peu de distance. La séismicité s'étend à l'Ouest
jusqu'à Thaï-Yuen-Fou, au Sud à Khaï-Fong-Fou, et surtout à Lo-
Yang, actuellement Ho-Nan-Fou, une des plus anciennes capitales
de l'empire. De la sorte, le Ghan-Si et le Ho-Nan constitueraient une
région séismique assez bien définie. Il s'agit là d'un territoire monta-
gneux qui a rejeté le cours du Fleuve Jaune, ou Hoang-Ho, vers le
Sud, depuis la grande muraille jusqu^à son coude vers l'Est à Pou-
Tchéou, lorsqu'il se heurte au puissant massif du Tsin-Ling. Les
épicentres s'y montrent assez nombreux, mais sans atteindre nulle
part l'importance de ceux mentionnés plus haut. Tout ce territoire
est formé de sédiments cambriens non plissés, reposant en discor-
dance sur l'Archéen, et ces caractères s'étendent au Liao-Toung
et à la Corée, où les tremblements de terre sont infiniment plus
rares et moins sévères. Il faut donc encore s'adresser aux nombreuses
failles qui accidentent le massif, et pour Pékin, en particulier, à celle
de Nankoou, qui a déterminé l'aifaissement vers la grande plaine du
Petchili.
La puissante chaîne du Tsin-Ling, sur la rive droite du Weï-Ho
du Chen-Si, est entourée d'une région instable importante, s'étendant
de Si-Ngan-Fou et Hoa-Tchéou à Nin-Tchéou à l'Ouest et King-
Yang au Nord. On ne saurait tirer aucune déduction de son histoire
ni de sa structure géologiques, parce que c'est un trait orographique
trop anciennement plissé et constitué. Il est difficile de se prononcer
sur la réalité de la légende d'après laquelle un tremblement de terre
aurait violemment séparé du Hoa-Chan, près du confluent du
Weï-Ho, le mont Foung-Tiao-Chan.
La province du Se-Tchouen serait assez instable aussi. C'est une
dépression antéjurassique, où un grès rouge a imposé de nombreux
décrochements au tracé du fleuve Bleu, obligé de suivre successive-
ment et momentanément le cours inférieur de ses divers affluents.
Ces accidents jouent-ils un rôle séismogénique ? La question est
encore insoluble. En tout cas, ces séismes sont certainement tout à
fait indépendants de ceux du Yun-Nan, région plissée qui appartient
au domaine des mouvements tertiaires.
Dans la Chine centrale, la dépression lacustre du Tong-Ting-Hou
est entourée d'épicentres, parmi lesquels Ou-Tchang-Fou est de beau-
coup le plus important.
LE CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 141
De Hong-Kong et Macao jusqu'à Tembouchure du Yang-Tsé-
Kiang, la côle est jalonnée d'épicentres à nombres modérés de
séismes observés par des Européens, et la séismicité semble atteindre
son maximum dans le Kiang-Sou autour de Nanking, si Ton en croit
les documents chinois, qui mentionnent de nombreux tremblements
de terre ayant ébranlé cette antique capitale. Le promontoire de
Ning-Po et Tarchipel voisin des Tchou-San formeraient un axe
autour duquel, d'après von Richthofen*, la côte se soulève lentement
au Nord jusqu'au golfe du Liao-Toung, pour s'abaisser au Sud. Il est
difficile de faire jouer un rôle séismogénique à un mouvement d'une
aussi grande lenteur. Les plis anciens, coupés abruptement par ce
littoral, ne sauraient non plus être invoqués. II ne resterait donc
qu'à faire très hypotliétiquement appel aux mouvements tertiaires
paciûques, comme dans la mer d'Okhotsk, en s'appuyant sur la
proximité du géosynclinal dont fait partie Formose.
L'île d'Haïnan est peut-être éprouvée par les tremblements de
terre, si du moins l'on en croit les quatorze désastres mentionnés
de 1523 à 1822 par son poète national Ch'iu*. Mais cela ne s'accor-
derait guère avec la stabilité bien avérée de la Chine méridionale et
du Tonkin, autrement dit l'affaissement post-liasique de tous ces pays
au sud du fleuve Bleu serait un phénomène complètement éteint et
sans influence séismogénique, aussi bien que les grandes fractures
miocènes du bassin du fleuve Rouge de la colonie française. Au sur-
plus, il s'agit là d'une architecture tabulaire peu favorable aux séismes.
C'est une simple suggestion provisoire que de rapprocher les quel-
ques faibles secousses d'Haïphong des dislocations des terrains houil-
lers de la baie d*Along, en se rappelant par analogie les séismes du
synclinal carboniférien de l'Europe moyenne. Il y a, d'ailleurs, une
zone d'affaissement le long de la côte tonkinoise, et une longue frac-
ture de 50 kilomètres se montre dans cette baie avec la direc-
tion N. N. E. des nombreux accidents du Yun-Nan instable.
Dans l'Indo-Chine, au Siam et au Cambodge, quelques pauvres
secousses signalées çà et là suffisent pour attester une stabilité qui
n'aurait pas manqué d'être contredite par les faits, depuis Tassez
longue pénétration de ces contrées par la colonisation européenne.
Ces territoires ont d'ailleurs peut-être échappé complètement aux
grands mouvements himalayens, sauf le récent ennoyage de la mer
plate qui les sépare de Bornéo.
• China. GeologUche Reisen undSludien (Berlin, 1877-1885).
' Encyclopedia Britannica, 9tb édition. Art. Hainan, XI, 335.
142 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
En résumé, si Ton taxe d'exagération les anciennes chroniques de
l'empire chinois, et tant que des observations systématiques n'au-
ront pas infirmé cette opinion, d' ailleurs concordante avec le silence
des voyageurs et des missionnaires modernes depuis plusieurs siè-
cles, il faut penser que la Chine et ses dépendances du Nord ne ren-
ferment que des districts pénéséismiques, comme on pouvait le
prévoir pour un antique massif à peine effleuré par les mouvements
tertiaires et dont les plissements déjà éteints au Gambrien ont été
recouverts en discordance par le Primaire horizontal. Quant à la
Chine du Sud, le principal plissement est postcarbonifère et laisse
plus de raison à Texistence de régions instables ; c'est ce que mon-
trera l'avenir des observations. Depuis cette époque reculée, les
vicissitudes se bornent à des affaissements par gradins, et l'expérience
montre qu'une semblable architecture tabulaire, seulement brisée,
reste généralement à l'abri des secousses nombreuses ou désastreuses.
Quoi qu'il en soit, il est grandement à désirer que des observations
suivies dans l'intérieur, et particulièrement là où les annales indigènes
rapportent des catastrophes, viennent avec le temps confirmer une
pénéséismicité probable, mais en contradiction avec ces documents.
Et si l'avenir venait à leur donner raison, la Chine présenterait une
anomalie absolument unique au monde, qu'il faudrait expHquer.
4. — L'Asie centrale.
Autant qu'on en peut juger de renseignements encore très incom-
plets, le plateau central asiatique est de fort ancienne architecture, en
dépit de l'énorme relief de certains des traits qui en accidentent la
surface. Jusqu'à présent les nombreux explorateurs de l'Asie cen-
trale sont muets sur les secousses du sol, et, comme la plupart
d'entre eux nous ont renseigné sur beaucoup de phénomènes natu-
rels, il en résulte que la stabilité de ces vastes territoires n'est pas
seulement apparente par pénurie d'informations séismiques, mais bien
réelle. Un seul séisme a été jusqu'ici signalé dans le Tibet septen-
trional. La partie méridionale de ce haut pays appartient, comme on le
verra ultérieurement, ainsi que le Yun-Nan, au domaine des mouve-
ments tertiaires. Ainsi donc, ce grand massif faisant suite à ceux delà
Chine méridionale, du Tonkin, de l'Annam et du Cambodge est venu
s'intercaler entre les chaînes tertiaires du Kouen-Loun et de l'Hima-
laya. Sa stabilité séismique probable dérive manifestement de cette
situation.
LE CONTINENT SINO-SIBERIEN 443
Si Ton en croit les annales chinoises, il existerait un foyer d'ébran-
lement assez important dans le Kan-Sou, de Sou-Tchéou à Liang-
Tchou-Fou et Si-ning, ainsi que sur le Hoang-Ho, de Lan-Tchou-
Fou à Ning-Hia. Il s'agit là d'une dépression tectonique comprise
entre le Nan-Chan et le Loun-Chan, chaînes où Ton a signalé non
seulement la discordance du Carboniférien supérieur, qui aurait,
depuis son dépôt, subi des mouvements violents^ mais encore le jalon-
nement des dislocations par des lambeaux de ce même Carboniférien
supérieur et de la houille. On est ainsi amené à faire, dans cette région,
des tremblements de terre une conséquence des mouvements qui, en
un si grand nombre de pays, ont plissé et disloqué les couches dépo-
sées dans les synclinaux de cette époque géologique. D'ailleurs, dans
le Nan-Chan, où un séisme peut indiquer l'existence d'un foyer
d'ébranlement, les dépôts dits du Gobi, probablement permiens, et
des couches apparemment secondaires, ont subi un plissement. Tout
cet ensemble de circonstances suffit à expliquer la pénéséismicité de
ces régions, trop mal connues à tous les points de vue pour qu'on
en puisse parler plus longuement.
De Launay ^ est porté à rattacher aux mouvements alpins la grande
chaîne du Kouen-Loun, prolongée par les monts Marco-Polo et
Tsing-Ling, où les plis en partie hercyniens, et en partie tertiaires,
semblent avoir atteint leur apogée. Il y aurait donc là motifs à insta-
bilité séismique, mais on ignore complètement s'il en est ainsi. Dans
ce cas, ces chaînes seraient à reporter au géosynclinal méditerranéen.
' La science géologique (Paris, 1905).
CHAPITRE VIII
LE CONTINENT AUSTRALO-INDO-MALGACHE
La dénomination adoptée pour Tancien continent australo-indo-
malgache suffit à elle seule à le définir. Le géosynclinal circumpa-
cifique le borne à l'Est, le géosynclinal méditerranéen au Nord jus-
qu'au golfe Persique, et celui du détroit de Mozambique le sépare de
TArabie et de l'Afrique.
Tous les géologues admettent que TAustralie, la péninsule hindoue
et Madagascar sont les débris d'une masse continentale constituée
entre la fin de l'époque primaire et le commencement de l'ère secon-
daire et qui, caractérisée par les dépôts d'origine terrestre de la flore
gondwanienne à GlossopteriSy n'a commencé à se morceler définiti-
vement qu'au Crétacé. L'absence de plissements récents explique
celle des séismes. Tout au plus pourrait-on citer une région pénéséis-
mique sur le flanc oriental et méridional des Alpes d'Australie, en
face et non loin des grands fonds de la branche néocalédonienne
du géosynclinal circumpacifique, et une autre dans l'Imérina (Mada-
gascar) sur le bord du géosynclinal de l'époque secondaire occupant
l'emplacement du détroit de Mozambique. Enfin la péninsule de l'Hin-
dôustan et Tîle de Ceylan sont à peu près aséismiques.
1. — Australie et Tasmanie.
La grande analogie des terrains primaires et secondaires de
l'Australie avec ceux du plateau hindou ou de Gondwana et même,
plus loin encore, avec ceux de l'Afrique australe, a permis aux
géologues d'en faire un fragment d'un ancien continent austral, ou
indo-africain, quoique l'accord n'ait pas encore pu se faire sur les
étapes successives de son démembrement à la suite de l'affaissement
de l'Océan Indien. Toute TAustralie n'est, en somme, qu^une péné-
plaine à substratum archéen. Une ancienne chaîne plissée borde la
masse continentale à l'Est depuis la presqu'île d'York jusqu'au
LE CONTINENT AUSTRALO-INDO-MALGACHE 145
détroit de Bass, qui la sépare d'un autre fragment, la Tasmanie.
Celte importante chaîne des Alpes d'Australie tombe à pic sur le
Pacifique et représente le bord relevé d'une cassure, accompagnée
de phénomènes volcaniques tertiaires et même modernes.
Au N. E. de Sydney, la très petite île de Lord Howe a fourni des
ossements de grands reptiles, qui y ont vécu à une époque très
récente, après le dépôt du grès désertique. De Lapparent, Suess et
d'autres géologues en ont conclu que, de ce côté au moins, le déman-
tèlement de TAustralie ne remonte pas loin. Il apparaît donc immé-
diatement que s'il s'y rencontre des régions à tremblements déterre,
elles se trouveront sur sa côte orientale, en conséquence du peu
de temps écoulé depuis cet événement de grande ampleur. C'est bien
ce que l'observation vérifie ; mais on ignore si les séismes qui s'y
font sentir sont en relation avec les plissements ou avec la fracture,
parce que, jusqu'à présent, il n'a pas été tracé d'isoséistes pouvant
faire résoudre la question de savoir si les tremblements de terre ont
leurs épicentres sur le long talus sous-marin qui descend rapidement
jusqu'à 4000 mètres et plus, ou si leur origine est terrestre. L'ab-
sence totale de vagues séismiques, jamais signalées encore, serait en
faveur de plissements,^ la production desquels les efforts séismiques
correspondant à la fracture représentée par le bord occidental si
escarpé du Darling Range ne prendraient aucune part. Hogben * a
suggéré, avec une certaine réserve toutefois, que le grand tremblement
de terre du 10 mai 1897 dans l'Australie méridionale pourrait bien
avoir été dû à une faille. Nous ne savons trop ce qu'il faut penser
de l'information * d'après laquelle les séismes du commencement
de novembre 1902 auraient eu pour conséquences des changements
topographiques importants et un soulèvement de côtes dans le district
de Clarendon.
Les séismes ébranlent les Alpes d'Australie sur tout leur dévelop-
pement, mais n'atteignent une certaine importance qu'aux environs
de Melbourne, où ils ne laissent pas d'être parfois assez sérieux,
comme celui du 19 septembre 1902. On en connaît aussi sur le
flanc occidental de la chaîne, comme à Wagga-Wagga. L'établisse-
ment récent d'un service séismologique en Australie permettra plus
tard de discerner des foyers distincts d'ébranlement, et d'en recher-
cher l'origine en les mettant en relation avec tel ou tel détail de
tectonique.
' Bril. Ass. for the adv, of Se, Bristol Meeting, 1898. Third Rep. of the Comm. on
seism. invest.» p. 184.
• nie Erdbebenwarte. Laibach, II, 190M903, 174.
Dk Momtbssci. — Tremblements de lerre. 10
i46 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
La Tasmanie est secouée dans les mêmes conditions de fréquence
et d^intensité que TÂustralie méridionale. Sa constitution géolo-
gique est d'ailleurs la même, et une plate-forme littorale en fait un
fragment, séparé par le simple ennoyage du peu profond détroit de
Bass.
3. — La péninsule de l'Hlndonstan et Geylan.
Au point de vue géographique, la presqu'île de Tlnde est bien
déûnie, au sud du parallèle qui joint le golfe de Gambaye aux bouches
du Gange. Mais sa limite géologique passe bien plus au Nord,
entre le coude de ce fleuve et les environs de Delhi, en suivant
le bord irrégulier et concave vers le sud des gneiss du Bengale et
des couches vindhyennes de l'Inde centrale. Quatre formations prin-
cipales recouvrent l'Iiindoustan : l'Àrchéen (gneiss et schistes), le
Vindhyen (Silurien), le Gondwanien (Triasique et Jurassique), et les
nappes éruptives (crétacées et éocènes) de trapp et de basalte. Il n'y
a pas lieu de s'occuper ici de la latérite, formation superficielle
résultant de la décomposition des laves, et dont la présence ou l'ab-
sence n'ont pas d'influence sur la séismicité. 'Les roches archéennes
s'étendent sur tout le S. E. de la péninsule, au sud de la ligne
allant de Monghyr à Pangim, ou Nova-Goa, sur la côte occidentale,
mais avec des intercalations de couches vindhyennes et gondwa-
niennes dans les vallées du Mahanadi, de la Godavari, et dans les
Vellakonda, ou Nilamala Ghats, ou Ghates de Nellore. Les trapps
et les basaltes du Dekkan couvrent le N. W, Au Nord, les couches
sédimentaires précédentes réapparaissent sur les plateaux monta-
gneux du Yindhya et du Satpoura des deux côtés de la Narbada.
Enfin les roches éruptives modernes se montrent de nouveau près
de Golgong.
L'Hindoustan forme une vaste pénéplaine, commençant à la crête
des Ghates occidentales, ou Sahyadri, abrupte sur la mer d'Arabie et
descendant en pente douce sur les Ghates orientales du golfe du Ben-
gale. De la plus grande hauteur des Saliyadri résulte que toutes les
rivières courent à TEst, excepté la Tapti et la Narbada, dont les
embouchures se trouvent dans le golfe de Gambaye. On verra précisé-
ment cette différence jouer un rôle séismogénique. Une seule dépres-
sion, celle de Coimbatore, rompt la muraille occidentale. Le centre de
la vaste pénéplaine a fléchi, et ses couches diverses n'ont subi que des
ruptures avec d'énormes effondrements, surtout entre le Gondwanien
inférieur et le Gondwanien supérieur. Quant aux plissements, ils
LE CONTINENT ÂUSTRALO-INDO-MALGACHE i47
sont d'âge extrêmement reculé, antésilurien dans rAravali Range et
antépermien dans les Ghates de Yellakonda.
Tous les restes organisés des couches gondwaniennes sont d'ori-
gine terrestre et se retrouvent presque identiques en Australie, à
Madagascar et dans TAfrique australe. Leurs grandes différences
avec 'ceux des couches contemporaines de l'hémisphère septentrional
ont fait conclure à l'existence d'un ancien et vaste continent austral,
dont le démembrement a ici commencé à l'époque jurassique par
rirruption de la mer dans le Sind et le Cambaye, puis s'est continué
par des effondrements successifs. Le manque presque complet de
plissements, le calme avec lequel les laves crétacées et tertiaires se
sont étalées sur le Dekkan, et l'ancienneté même du continent gond-
wanien, permettent de présager pour l'Indoustan une grande stabi-
lité, que l'observation confirme pleinement. Les dépôts vindhyens et
gondwaniens ont en grande partie disparu par la dénudation, et leurs
lambeaux subsistants doivent leur conservation à leur chute au
milieu des fractures du massif archéen, accidents dont l'ancienneté
assure l'aséismicité.
L'Hindoustan n'est cependant pas sans ressentir quelques tremble-
ments de terre, et Th. Oldham * en a fait le catalogue aussi complet
qu'il était possible en l'absence d'observations systématiques. C'est
le cas des Ghates de Yellakonda, où ils ne sont d'ailleurs jamais
sévères. Là, les couches vindhyennes forment un croissant dont la
concavité est tournée vers l'Est. Elles ont été plissées en conséquence
d'une poussée venant de ce même côté, et sont tombées à l'Ouest
dans une grande faille de l'Archéen. Les cornes du croissant sont
situées à Moonagalik, un peu au nord delà Kistna, etàTripetty [Tiru-
pati] au N. W. de Madras. Ce plissement, cai-boniférien, est le moins
ancien de la péninsule. Une certaine instabilité se montre dans l'in-
térieur du croissant, c'est-à-dire du côté de la poussée. Comme par-
tout ailleurs, les cassures de l'Archéen sont stables, et les secousses
en question doivent sans doute être attribuées à la continuation du
processus de plissement, ce qu'on a si souvent constaté pour ceux
de l'époque carboniférienne en tant de points du globe. Là encore,
se vérifie la loi de moindre stabilité du côté le plus abrupt du ver-
sant d'une chaîne.
La grande instabilité du bas Indus, dont on parlera dans un autre
chapitre, cesse presque entièrement dans la presqu'île du Kathiawar
pour reparaître, mais bien atténuée, sui* la côte orientale du golfe
* A catalogue of indian earthquakes from the earliest times to tbe end of A. D. 1S69
[Mem. ofthe geoL Survey of India, XIX, Part 3. Calcutta, 1883).
148 GÉOGRAPHIE SÉ18M0L0GIQUE
(le Cambaye, d'Ahmenabad à Bombay, ainsi que dans rintérieur, de
Malegaon à Dhulia dans le Khandesh. A Udaipur commence une
étroite bande archéenne, courant vers l'Est, puis se dirigeant ensuite
au Nord vers Bundi, le long du flanc oriental de TAravali Range.
C'est le bord du vieux continent recouvert par les trapps et les
basaltes du Dekkan. La limite occidentale de ces roches éru(>tiyes
va d'Udaipur à Daman, port au nord de Bombay. La vallée de la
Tapti est ouverte dans les strates jurassiques d'EUichpur àNandur-
bar, et ces couches, séparées de celles du Cambaye par un rétrécis-
sement des nappes éruptives, doivent exister sous ces dernières.
La Narbada traverse, de Jabalpur à Harda en aval de Hoshan-
gabad, les mômes couches gondwaniennes, mais la lacune entre
elles et leurs contemporaines du Cambaye est bien plus large que
précédemment. Les couches vindhyennes s'étalent beaucoup au
N. E. de Jabalpur, et leurs lambeaux apparaissent au Nord et au
milieu des couches gondwaniennes de la vallée de la Narbada, et
encore à Touest de Harda. Ainsi donc, il est certain qu'à l'époque
vindhyenne (silurienne), la mer a envahi la vallée de la Narbada,
et qu'à l'ère gondvsranienne (triasique et jurassique) une nouvelle
vicissitude a permis le dépôt de ces couches d'origine terrestre dans
ces deux vallées, où des signes d'exhaussement assez moderne se
montrent, ainsi que sur le littoral du Cambaye. Les séismes en ques-
tion peuvent-ils dériver de ces événements ? C'est assez douteux, vu
leur ancienneté.
Les épicentres des secousses, d'ailleurs faibles et peu fréquentes,
de Bombay et de ses environs, doivent être recherchés dans la région
pénéséismique précédente. On a bien signalé autour de ce port des
signes d'affaissement récent ; mais, pouvant s'expliquer par le simple
tassement de terrains sans consistance, de tels mouvements ne
semblent guère jouer un rôle séismogénique. D'autre part, près de
Bombay, à l'est, on a cru découvrir les points éruptifs d'où se seraient
épanchées de colossales nappes de trapp et de basalte, qui couvrent
une immense surface du Dekkan entre le 16* et le 24'' parallèle.
Presque horizontales, elles ont dû couler en état de grande fluidité,
ce qui leur a fait attribuer une origine sous-marine, opinion rejetée
maintenant à cause de l'intercalation de dépôts d'origine terrestre.
Il n'en reste pas moins que le phénomène s'est accompli sans explo-
sions, ni bouleversements d'aucune sorte. Les séismes de Bombay
n'y trouvent donc pas non plus leur explication.
Quelques tremblements de terre agitent la côte de Malabar, sur-
tout dans le Travancore. A Quillon, justement, des couches marines
LE CONTINENT AUSTRALO-INDO-MÀLGAGHE 149
pliocënes montrent qu'en ces parages le démantèlement du continent
gondwanien s'est seulement produit alors. Le processus de morcelle-
ment y survit donc peut-être ainsi sous forme de séismes. Selon
certaines traditions, cette côte aurait été en 1341 le théâtre d'une
série de secousses, à la suite desquelles Tîle de Waypi aurait été
soulevée au-dessus du niveau de la mer. Mais Suess pense qu'il
s'agit là d'un phénomène purement local. En tout cas, on ne saurait
tirer aucune conclusion d'un événement aussi peu certain.
Le 1*' avril 1843, un tremblement de terre sévère a eu son épi-
centre près de Bellary ; on ne saisit aucune connexion géologique
pouvant expliquer ce fait, jusqu'à présent isolé.
L'extrémité méridionale de la péninsule présente quelques foyers
sporadiques et de peu d'importance sur les flancs orientaux des
Nilgiris et des collines de Gardamom. A l'Est, des lambeaux de
Tertiaire se montrent des deux côtés de la basse Cauvery. Y a-t-il
quelque relation entre de rares secousses et les bouleversements qui
ont permis à la mer de cette époque de pénétrer aussi loin dans
l'intérieur de la masse continentale ?
Les tremblements de terre de Madras viennent probablement des
Ghates de Nellore.
Enfin quelques secousses ébranlent la côte d'Orissa entre Goco-
nada et Ganjam, où les Ghates orientales avec un faible relief se
rapprochent de la mer, et où une étroite bande d'alluvions borde la
chaîne archéenne.
Au sud de la ligne Kokelay-Aripo, l'île de Geylan est formée de
roches archéennes ; .elle appartient donc géologiquement à la pénin-
sule hindoue, dont elle partage la stabilité générale. La partie sep-
tentrionale est formée de plages coralliennes récemment exhaus-
sées, ainsi qu'un petit archipel au Nord et l'île de Manaar. Si l'on en
croit des traditions historiques, la digue de Pamban, ou le pont
d'Adam, a été, sous les yeux de l'homme, brisé par les vagues.
Quelques chocs ont leur origine dans le centre ou le sud de l'île,
l'un d'eux même sévère, celui du 9 février 1823. Il se rencontre donc
là une région de faible instabilité, correspondant à un important
relief émergé et immergé, puisque l'isobathe de 4 000 mètres passe
très près de l'extrémité méridionale de Geylan, mais loin du cap
Comorin. Et, précisément, quelques séismes sous-marins ont été
observés près du sud de cette île.
iôO GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
3. — L'Océan Indien.
On s'accorde assez généralement à regarder TOcéan Indien, dans
son état actuel, comme résultant de l'effondrement d'un continent
méridional dont l'Australie, THindoustan et Madagascar représentent
d'importants fragments. Ce continent, sous le nom de Lémurie, joue
un rôle considérable dans Tétude de la distribution des formes ani-
males et végétales de l'hémisphère sud, mais le désaccord commence
lorsqu'il s'agit de dé terminer la date du début de son démembrement :
h Tépoque jurassique ou à l'époque crétacée î On n'a pas à prendre
ici parti dans cette question, puisque le manque absolu de plissements
tertiaires, et même secondaires, ne permet pas de supposer qu'il
puisse y avoir, dans ce domaine, des régions séismiques, terrestres
ou sous-marines.
Les tremblements de terre sous-marins sont rares, et ceux des
côtes occidentales de Sumatra et de l'Arracan appartiennent au bord
du géosynclinal méditerranéen. Dans le golfe du Bengale, on en
connaît bien un fort important, celui du 31 décembre 1881 S qui a
eu son épicentre aux environs du point 15* N., 89' E. Gr., c'est-à-
dire non loin de l'extrémité septentrionale du seuil prolongeant
Sumatra et supportant les Nicobar et les Andaman. Il faut donc le
rapporter au géosynclinal. Ceux du large de Ceylan correspondent
au voisinage immédiat de l'isobathe de 4 000 mètres, qui coïncide
peutrôtre avec une cassure.
Au nord-ouest de Vingorla, sur la côte occidentale de l'Hindoustan,
commence une série d'îles et de hauts fonds courant dans une direc-
tion méridienne vers le Sud, banc d'Angria, Laquedives, Maldives et
Chagos, où. dominent les constructions coralliennes et que tout le
monde s'accorde à considérer comme un fragment submergé de la
Lémurie. On ne sait rien des tremblements de terre qui s'y produi-
sent et la disparition d'une des Maldives, en février 1865, à la suite
d'un tremblement de terre, rapportée par K. Fuchs*, ne mérite
guère créance. D'ailleurs ce fait, fût-il exact, ne sufGrait pas, à lui
seul, à infirmer la stabilité de ces îles, que rend bien probable l'ab-
sence de séismes sous-marins et de vagues séismiques dans ces
parages.
* Doyle (Patrick). Note on an indian earthqnake; December 31»*, 1881 (Trans. seim
Soc. ofJapan, IV, 78, 1882);R. D. Oldham. Noteonthe earthquake of Docember 31«t 1881
[Rep. ofthe geoL Survey of India, XVII. Part 2, 47. 1884).
* Les volcans et les trombloments de terre (Biblioth. se, intem., 4* édition. 142. Paris,
1884).
LE CONTINENT AUSTRÀLO-INDO-MALG ACHE 451
On ne connaît pas de tremblements de terre pour les Seychelles,
îles granitiques supportées par un seuil en forme de croissant, dont
une branche rejoint le nord de Madagascar et les Gomores, tandis
qu'une autre forme la base des volcans insulaires de Maurice et de
Bourbon, dont la stabilité séismique ne se dément que rarement,
double caractère qu'elles possèdent en commun avec Rodriguez.
Des îles volcaniques de l'extrême Sud, Saint-Paul, Amsterdam et
Kerguelen, on ne possède aucune information séismique, malgré
le séjour, parfois prolongé, de missions astronomiques.
Çà et là, de rares tremblements de terre sous-marins ont été
observés dans l'Océan Indien. Us sont trop disséminés pour qu'on en
puisse tirer aucune conclusion tendant à inGrmer sa stabilité. Les
mouvements à la suite desquels le continent gondwanien a été
démantelé sont donc tout à fait éteints, ce qui est un argument en
faveur de leur ancienneté.
4. — Madagascar et Gomores.
Malgré les observations du P. Colin, on est encore assez peu fixé
sur la répartition des tremblements de terre de la grande île malgache.
Dans le sud, on en ressent en moyenne, chaque année, un ou deux à
Sainte-Marie de Madagascar. Dans le centre on en a signalé à Fiana-
rantsoa, Betafo et Tananarive, c'est-à-dire sur le flanc occidental de
l'arête longitudinale. Leurs foyers sont encore assez mal détermi-
nés, et on est en droit de supposer que leur origine se trouve non
sur le versant mozambique, mais bien sur l'autre, beaucoup plus
raide, et que seule Tabsence de grands centres habités a empêché de
les y observer : à l'avenir de nous fixer sur ce qui n'est encore
qu'une hypothèse. En tout cas, il semble bien que les séismes de
Hmérina soient peu redoutables, et les quelques dommages éprouvés,
le 3 novembre 1897, n'avaient aucune importance à Tananarive. Les
PP. Colin et Camboué* les considèrent comme fréquents, mais le
dernier observateur ajoute qu'il ne se passe pas d'années sans plu-
sieurs secousses, expressions qui ne correspondent guère à l'idée
qu'on se fait d'un pays à tremblements de terre. Aucun séisme n'a
jamais été mentionné, jusqu'àprésent, sur le long versant occidental,
mais si sa stabilité est probable, elle n'est cependant pas certaine en
raison du trop peu de temps depuis lequel le pays est exploré et occupé.
Au contraire, l'absence de séismes relatés dans la région de Diégo-
• Sur les tremblements de terre à Madagascar (C. R. Ac. Se. Paris, CVIII, 766. 1889).
152 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
Suarez et du massif volcanique d'Ambre, donne plus de poids à
Taflirmation de la stabilité de cette dernière partie de Tîle. En résumé,
il paraît à peu près certain qu'une région pénéséismique de forme
allongée occupe, de Sainte-Marie à Tananarive et un peu au delà, la
chaîne longitudinale méridienne formant l'ossature de Madagascar et
qu'il ne tremble pour ainsi dire pas ailleurs.
Gomment cette répartition des tremblements de terre s'accorde-
t-elle avec ce que l'on sait de son histoire géologique ? Le squelette
de Madagascar est constitué par une longue crête archéenne, tom-
bant brusquement sur l'Océan Indien par trois gradins étages, et sur
le versant occidental par une longue falaise, dont la hauteur varie
de 300 à 1 000 mètres. Cette crête est donc comprise entre des failles
longitudinales. Les sédiments de l'Ouest, jurassiques, crétacés et
tertiaires, non plissés, ont été déposés dans le géosynclinal du détroit
de Mozambique, au fond progressivement relevé, et dont l'existence
apparaît dès lors comme fort ancienne. S'il n'y a pas de plissements,
c'est que cet accident n'a pas été le siège de grands mouvements
de compression et de surrection. La stabilité du versant mozambique
de Madagascar trouve là son explication toute naturelle. Mais l'arêle
longitudinale a été découpée par de longues fractures parallèles à
son axe, et elles ont facilité le développement de l'appareil tliermal
et volcanique, ce dernier à peine éteint maintenant. La côte orientale
tombe à pic sur l'isobathe de 4 000 mètres, qui la suit de fort près,
tandis que le fond du détroit ne descend pas au-dessous de 2 000 mètres,
et forme au nord de l'île une large plate-forme supportant le socle
archéen des Seychelles. Ainsi donc, il apparaît clairement que la
côte orientale représente la fracture qui a séparé Madagascar des
terres s'étendant au loin dans l'Est, dans la direction de THindoustan
et de l'Australie, événement terminé seulement à une époque assez
récente, ainsi qu'en témoigne le peu d'ancienneté des manifestations
volcaniques. Ainsi que cela se passe le plus souvent dans des cir-
constances analogues, il ne devait pas en résulter de région séis-
mique véritable, et la répartition des tremblements de terre le long
de l'arête résulte de son morcellement par les failles longitudinales.
L'activité volcanique de la grande Comore, et les quelques chocs
que Ton y ressent, dérivent pareillement de la cassure de second
ordre, représentée dans le canal de Mozambique par l'isobatlie de
2000 mètres.
CHAPITRE IX
LE CONTINENT AFRICANO-BRÉSILÏEN
L'Arabie, l'Afrique, à l'exception des pays barbaresques, et le
Brésil reproduisent exactement les mêmes circonstances que les terres
précédentes et cet ancien continent morcelé, tout aussi stable pour
les mêmes raisons, et à cheval sur l'Atlantique méridional, est limité
par les trois géosynclinaux : mozambique, méditerranéen et circum-
pacifique.
Au Natal, au Mozambique, à Zanzibar et à Mascate, quelques
secousses rappellent, comme celles de l'Imérina, le voisinage du
géosynclinal du détroit et des dislocations concomitantes, mais sans
arriver à dépasser la pénéséismicité. Ce peu d'activité des secousses
vient de ce qu'à l'époque tertiaire il ne s'est pas transformé en géan-
ticlinal par la surrection d'une chaîne, et qu'aucun mouvement oro-
génique ne s'est traduit à sa surface. On retombe donc là sur les con-
ditions de rOural et de la mer d'Okhotsk, avec ce que l'on pourrait
appeler les géanticlinaux avortés. De même qu'au nord du géo-
synclinal méditerranéen, les aires continentales nord-atlantique et
sino-sibérienne n'en forment pour ainsi dire qu'une seule au point
de vue séismique, il en est de même, au Sud, pour les deux conti-
nents australo-indo-malgache et africano-brésilien.
Il est trî^s digne d'attention que le principal accident géographique
de l'Afrique, c'est-à-dire la ligne des grands lacs équatoriaux, ne
présente que des régions pénéséismiques, Ounyamouézi, Gondokoro,
Lado, ce qui tient vraisemblablement à ce qu'il s'agit là d'un trait
géologique d'origine très reculée. Par contre, il se continue par
TAbyssinie, où les tremblements de terre sont fréquents, sinon des-
tructeurs, jusqu'à la côte de la mer Rouge, autour de Massaouah.
Cette mer est bien d'ouverture récente au milieu du massif et se pro-
longe par une série de dépressions, golfe d'Akabah, mer Morte,
vallée du Jourdain, Cœlésyrie enfin entre le Liban et l'Antiliban ;
c'est une ligne un peu sinueuse de voûtes effondrées par fractures
454 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
longitudinales dans les assises crétacées non plissées, et où ne se
rencontre qu'une seule région séismique, la Cœlésyrie ; car c'est à
tort que l'Egypte et l'Arabie ont été considérées comme instables par
certains voyageurs ou séismologues *. C'est encore à l'absence de
plissements qu'il faut attribuer le repos séismique de ces régions,
situation qui s^étend à tout le reste du continent africain, dont les
formes massives attestent une grande simplicité de structure géné-
rale.
Dès avant le Miocëne, l'Afrique et l'Amérique du Sud étaient
séparées, et cet événement, de date très controversée, n'a laissé de
traces que par les abîmes océaniques avoisinant le rocher de Saint-
Paul, avec une région pénéséismique s'étendant à l'Est, en plein océan
équatorial ; on doit la découverte de cette dernière à l'ingénieur hydro-
graphe Daussy, dont elle porte le nom,
En Amérique, quelques tremblements de terre ébranlent bien
Rio de Janeiro et Ouro-Preto, mais ils n'ont ni grande fréquence, ni
gravité. C'est aussi le cas de Buenos-Ayres, au nord de la région
très anciennement plissée de la Yentana. A cela seul se réduit la
séismicité de tout le versant atlantique, à l'exclusion du Venezuela
et des provinces occidentales de l'Argentine, de Salta à Mendoza,
deux régions appartenant au géosynclinal circumpacifique, et dont
il sera parlé ailleurs.
Par conséquent, tout le continent africano-brésilien doit son état
de repos séismique à sa condition d'antique plate-forme continen-
tale non récemment plissée, ou disloquée, et depuis bien longtemps
transformée en pénéplaine sur la plus grande partie de sa surface.
1. — AraJ>ie.
L'Arabie est une grande plate-forme massive, à peine coupée
transversalement par les hauteurs du Nedjed, et où l'Archéen est
recouvert horizontalement par des grès ou des calcaires plus récents,
attestant qu'une vaste mer occupait jadis l'emplacement de la pres-
qu'île, en prolongeant la Méditerranée vers l'Océan Indien. Cette plate-
forme est fortement relevée sur la mer Rouge et celle d'Oman, tandis
qu'elle s'abaisse en pentes douces sur la Mésopotamie et le golfe Per-
sique. La côte rectiligne d'Oman tombe rapidement à 2000 mètres
de profondeur, de sorte qu'elle forme sur la mer un talus raide de
4 000 mètres émergé et immergé. Les calcaires crétacés et tertiaires
* A. Sicbcrg. Haiidbuchder Erdbebenkunde (31 et 34, Braunschweig, 1904).
LE CONTINENT AFRICANO-BRÉSILIEN 155
de la vallée du Nil se retrouvent horizontaux sur la côte méridionale
de l'Arabie, de sorte qu'on a pu conclure à la formation de la mer
Rouge par une fracture qui a brutalement séparé la péninsule de la
masse continentale africaine, àTépoquepléistocëne, pensent Issel^et
d'autres, quoiqu'elle ait été préparée bien antérieurement. Cet événe-
ment s'est produit sans plissements ; aussi les tremblements de terre
sont-ils en Arabie un phénomène rare et sans gravité, malgré des
afQrmations contraires. A peine pourrait-on en citer deux simplement
sévères, lun àMascate et dans le Nedjed en 1884, un autre en 1630
àMédine, ou à la Mecque, on ne sait même pas au juste. Quelques
séismes d'Aden peuvent tout au plus rappeler que la séparation s'est
faite par soubresauts, mais sans que les mouvements d'exhaussement
modernes, décelés par les terrasses coralliennes de la mer Bouge,
aient à intervenir, puisqu'elles émergent bien au nord de la petite
région pénéséismique de l'Yémen, vers Moka et Taïz, région mise
en évidence par les observations recueillies par Agamemnone '. Bref,
la stabilité de l'Arabie paraît tout à fait hors de doute.
Quelques tremblements de terre importants de l'Europe orientale
agitent parfois tout le Levant, l'Egypte et l'Arabie, et leur surface
d'ébranlement est alors ovale, avec grand axe couché sur celui de
la mer Rouge; on est en droit de les attribuer aux mouvements qui
ont ouvert cette mer au travers de la masse continentale.
2. — Sinal, Palestine et Gœlésyrie.
A l'extrémité septentrionale de la mer Bouge s'embranche une très
remarquable dépression presque rectiligne, de 750 kilomètres de
long, à peu de chose près orientée suivant un méridien, et formée
par l'étroit et profond golfe d'Akabah, l'Oued-el-Araba qui s'y jette,
l'Oued Djeib opposé à celui-ci et affluent de la mer Morte, cette
profonde et remarquable cavité, la vallée du Jourdain, la Gœlésyrie
entre le Liban et l'Antiliban, enfin la vallée de l'Oronte. Cet extra-
ordinaire accident résulte de l'affaissement linéaire, et par failles
successives, parallèles et eil escalier, de la voûte d'un anticlinal
crétacé, dont les diverses bandes sont restées horizontales ; de sorte
qu'en traversant le pays de l'Ouest à l'Est, suivant un parallèle quel-
conque, le voyageur monte ou descend de gigantesques gradins, de
hauteurs et de largeurs inégales. Cet effondrement est récent, vrai-
* Morfologia e genesi del mar Rasso (Firenzc, 1899).
' Bolletin météorologique et sismique de l'Observatoire impérial de Constantinople
(1895-1897).
i56 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
semblablemcnt contemporain de l'ouverture de la mer Rouge, c'est-
à-dire pléistocène. La fraîcheur des formes topographiques est mêine
telle que certains auteurs ont voulu en faire un événement historique,
et en fixer la date à 10000 ans tout au plus, sans réfléchir qu'elle est
certainement due, au moins en partie, à la pauvreté des précipita-
tions atmosphériques d'un pays qui est extrêmement sec depuis trës
longtemps. Aucun plissement n'a accompagné ces vicissitudes, con-
temporaines de l'effondrement du continent égéen ; elles se sont
donc réduites au mouvement qui a porté le Crétacé à plus de
1 800 mètres d'altitude et l'a ensuite effondré suivant l'axe de la
voûte en le fléchissant, puisque le fond de la dépression se trouve
à des hauteurs fort variables tant au-dessus qu^au-dessous du niveau
de la mer, à plus de 1 200 mètres au-dessous dans le golfe d'Âkabah
et de 390 mètres au bord de la mer Morte. Les versants internes de
la dépression sont les plus abrupts, et des deux versants externes,
celui de la Syrie est de beaucoup le moins raide. Cette disposition des
fractures devait s'accompagner d'éruptions volcaniques, et en effet le
Safa, le Haouran et la Katakaumène sont des distiicts éruptifs dont
rhomme a peut-être, d'après certains savants, vu l'activité. Il est à
noter qu'ils se montrent sur le versant le plus raide. Enfin, ces évé-
nements sont tellement rapprochés de nous que les tremblements
de terre sont fréquents et redoutables. Il n'existe pas de catalogue
particulier, mais ceux de Perrey * et de Julius Schmidt* en donnent
un assez grand nombre.
La séismicité croît du Sud au Nord. Les informations font entière-
ment défaut pour la partie méridionale, et à peine peut-on citer un
tremblement de terre pour le Sinaï, dont l'ossature est surtout for-
mée de roches éruptives assez anciennes. Dans les temps modernes,
on n'en a encore signalé qu'un seul pour la mer Morte. L^instabilité
commence seulement à la Palestine, et quoiqu'on n'y ait jamais fait
d'observations systématiques, il semble bien qu'elle ne soit pas à
l'abri de graves secousses.
Les recherches de Rahmer^ sur les passages des Livres Saints
faisant mention de tremblements de terre montrent que ceux-ci se
réduisent à trois : l'un émane visiblement d'un témoin oculaire du
tremblement de terre qui se produisit sous le régne d'Osias, et fut
* Mémoire sur les tremblements de terre ressentis dans la péninsule hellénique et en
Syrie {Mém. Ac. roy. de Belgique, XXHI, 1850).
' Studien Uber Vulkaneund Erdbeben (t. II, Leipzig, 188i).
' Die biblische Erdbebenlheorie. Eine exegetiscke Sludie (Magdeburg, 1881).
— Das Erdbeben in den Tagen Usiàs (Grdtz Monahchr., 1870, 240).
'^R MORTE
Fig. 20. — Palestine et Syrie.
158 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUfi
particuliferement destructeur ; un autre décèle que fe souvenir de
l'événement s'est longtemps perpétué ; enfin le troisième est la pro-
phétie d'un séisme aussi redoutable. Tout cela montre que ce trem-
blement de terre est hors de doute, et que par conséquent, dès une
haute antiquité, la Palestine fut bien sujette à de violentes secousses,
mais beaucoup plus espacées que celles de la Syrie.
Sans parler de la chute des murs de Jéricho, que les rationalistes
regardent comme un simple tremblement de terre, opinion à laquelle
les croyants peuvent se rallier sans scrupule de foi, en ajoutant
que l'événement a été révélé par Dieu sept jours avant sa réalisation,
il ne manque point pour ce pays d'autres tremblements de terre
authentiques, et bien à l'abri de la critique historique : tels celui de
l'an 33 de notre ère, rapporté par l'historien Joséphe, ainsi que la
ruine de Ramlah, au N. W. de Jérusalem, l'an 125 de l'Hégire.
L'ouverture de la mer Morte est un événementrécenL Blanckenhom*
s'est attaché à démontrer que les divers épisodes de la formatioa du
lac Asphaltite correspondent trait pour trait aux dernières vicissi-
tudes de l'Europe pendant le Quaternaire ou Pléistocène : les trois
avancées principales des glaciers seraient contemporaines de trois
extensions de la mer Morte, tandis que les intervalles auraient per-
mis à l'érosion de faire son œuvre et aux dépôts de sel de se former.
La destruction de Sodome et de Gomorrhe, le dernier événement sur-
venu dans la contrée, correspondrait à un affaissement de 100 mètres
environ, avec capture de l'extrémité de la dépression de l'Oued-Aka-
bah, à la suite d'un tremblement de terre. Si les déductions de Blanc-
kenhorn sont exactes, on aurait là un exemple très remarquable d'une
région où les séismes auraient joué un grand rôle en des temps fort
reculés de l'histoire, mais qui serait actuellement devenue stable,
puisqu'on n'y connaît guère que deux ou trois secousses modernes
authentiques. Diener', au contraire, pense que le tremblement de
terre aurait réveillé l'activité d'un ancien volcan, phénomène dont
Darwin' a montré la possibilité pour les évents de l'Amérique méri-
dionale. L'activité d'un volcan moabite a les préférences de Lartet *
pour la destruction des villes maudites, et Fraas' ne voit dans la for-
* Entstehung und Geschichle des Toten Meeres (ZeUschrift d, deutschen Paldslina
Ker«fw,XlX, i).
* Die Katastroplie von Sodoni und Gomorrha im Lichte geologischer Forschung
[Mitlh. d. fjeogr. Ges. in Wien, 1896, 1).
' On the connection of certain volcaoic phenomena in South America (Tram, GeoL
iJoc. V, 601).
* Exploration de la mer Morte, par le duc. de Luyncs (III, Géologie, Paris, 1877).
* Dos Tôle Meer (Stuttgart, 1869).
LE CONTINENT ÂFRIGANO-BRËSILIEN 159
mation de la Mer Morte qu^un phénomène tectonique. Toutes ces
opinions ne différent pas sensiblement entre elles, quant au fond.
Ce dernier géologue attribue les tremblements de terre de la vallée
du Jourdain à des éboulements souterrains par dissolution, opinion
inadmissible ici, en raison de la grandeur des effets à expliquer.
A mesure que Ton s'avance vers le Nord, les catastrophes ont été
de plus en plus nombreuses et violentes, et toutes les villes ont telle-
ment eu à en souffrir que, jusque vers Antioche, ces pays forment
une des régions du globe les plus éprouvées par les tremblements
de terre qui ont été si souvent l'objet des récits des historiens; ces
désastres sont devenus des événements restés célèbres dans les
annales de l'humanité, et bien connus de tous en dehors de toute
préoccupation scientiQque. L'instabilité ne se restreint pas à la
dépression cœlésyrienne, elle déborde vers l'Est, où les monuments
antiques d'Ammon, dePalmyre, de Baalbek, etc., témoignent encore
de la sévérité des chocs terrestres.
La séismicité augmente vers le Nord, a-t-on dit plus haut ; c'est
qu'on se trouve alors sur le trajet du géosynclinal méditerranéen
venant du golfe Persique, et l'on est en droit de penser que les mou-
vements alpins, n'ayant pas rencontré là d'obstacle résistant contre
lequel ils pouvaient se résoudre en plissements, se sont contentés de
donner lieu, par failles en gradins, à Tétonnante dépression paral-
lèle au rivage de la Syrie entre Gaza et Alexandrette. Ainsi cette
région séismique, si elle appartient bien à l'aire continentale afri-
caine par rhorizontalité de ses dépôts crétacés non plissés et par
son architecture tabulaire, n'a pas complètement échappé sous une
autre forme aux grands mouvements de la fin de l'époque tertiaire,
ce qui rend parfaitement compte de son instabilité, croissant à
mesure que l'on se rapproche du domaine des plissements, c'est-à-dire
du géosynclinal méditerranéen.
3. —Afrique'.
Si Ton excepte les pays Barbaresques, appartenant virtuellemeAt
à TEurope par leur constitution et surtout par leur histoire géolo-
gique, puisqu'ils ont été soumis aux mouvements méditerranéens
ou alpins, on peut dire que le continent africain est, à un extraordi-
naire degré, pour son immense surface, indemne de tremblements de
terre. Son exploration un peu complète a été trop tardive, sur la plus
* Moins les pays barbaresques.
160 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
grande partie de son intérieur, pour qu'on ait pu y rassembler encore
beaucoup d'observations; mais l'Afrique a été parcourue ou traversée
par un si grand nombre de voyageurs attentifs à noter tous les phéno-
mènes naturels que, de leur silence même, on doit conclure sans
hésitation à sa stabilité générale, et ce résultat est d'ailleurs confirmé
par l'absence des relations que, dans le cas contraire, n'aurait pas
manqué de faire naître la longue colonisation de ses ports depuis
longtemps fréquentés par des Européens.
Tout ce qu'on sait de la géologie africaine, — et ses grandes lignes
commencent à être suffisamment connues, — démontre par analogie
avec ce qui se passe ailleurs que les tremblements de terre n'y peu-
vent être ni fréquents, ni dangereux. C'est qu'en effet, l'Afrique a
échappé à tout plissement tant soit peu récent, et qu'au nord des
12* ou 13' parallèles les terrains secondaires et tertiaires ont à peu près
conservé leur horizontalité primitive, tandis qu'au Sud elle constitue
une immense pénéplaine, dont le substratum archéen et primaire n'est
recouvert que de couches gondwaniennes, de formation exclusive-
ment terrestre, déposées tant à la fin des temps paléozoïques qu'au
début de l'ère secondaire. Pas de plissements tertiaires, mais seule-
ment d'énormes fractures à l'Est, telle est la caractéristique de sa
géologie, et l'on sait combien peu souvent ce dernier genre de dis-
location donne naissance à des régions à tremblements de terre
véritablement dignes de ce nom. L'Afrique jouit donc du repos séis-
mique commun à tous les fragments subsistants du vaste continent
austral, maintenant morcelé et effondré entre l'Australie et le Brésil,
à la suite de mouvements longtemps poursuivis et commencés au
moins au début du Crétacé. Les plus récentes explorations du Sahara,
du Soudan et de la région du Tchad *, indiquent l'existence d'un
grand détroit crétacé Nord-Sud vers le Congo, et d'une mer miocène
dont les fossiles ne manquent pas d'affinités zoologiques avec ceux
de l'Inde; de sorte que, par le Nord du continent, une vaste commu-
nication marine avait depuis longtemps fait disparaître les conditions
massives de la terre africaine, circonstances qu'une récente émer-
sion postérieure a reconstituées maintenant. Une rapide revue des
contrées où quelques séismes ont été observés permettra de con-
firmer ces prévisions do stabilité générale.
L'Egypte est, quoiqu'on en ait dit, tout à fait indemne de désastres
séismiques. Depuis plus d'un siècle qu'elle a été explorée, étudiée
et pénétrée par la civilisation occidentale, on n'a pas eu à signaler
* De Lapparont. Sur de nouvelles Irouvailles géologiques au Soudan (C. R. Ac. Se.
Pans, GXXXIX, 1186, 1904).
LE CONTINENT ÂFRICAN0-BRÉ8ILIEN 161
de tremblements de terre vraiment sérieux. Celui du 7 août 1847
aurait bien détruit ou renversé quelques constructions au Caire,
mais leur état de vétusté doit y avoir été pour beaucoup. Les histo-
riens arabes des premiers siècles de THégire ont mentionné quelques
tremblements de terre désastreux, toutefois sans détails, ni même
sans désignation des villes atteintes, de sorte qu*on ne peut guère
se fier à de tels renseignements probablement fort exagérés, par suite
peut-être de Textrême rareté des phénomènes séismiques dans le
pays d'origine de ces chroniqueurs, ou voyageurs. Ceux du bas
empire font détruire Alexandrie, en 365, par un tremblement de terre
et une vague séismique. Il est bien probable qu'il venait de la Syrie,
si ravagée aux iv*, v* et vi* siècles. Les dégâts du grand tremblement
de terre d'Orient sous Tibère se firent aussi sentir en Egypte. Enfin
l'affirmation de Maspéro que Thèbes aurait été détruite en Tan 22
avant notre ère, n'a pas été jusqu'ici soumise à la critique séismolo-
gique, que nous sachions du moins. L'expérience des derniers siècles
est donc tout à fait contraire à l'opinion que l'Egypte est un pays
instable. Il y a plus, que l'on soit rationaliste ou croyant, on doit
remarquer qu'il serait absolument étrange que les tremblements de
terre ne figurassent point parmi les dix plaies d'Egypte, si ce phé-
nomène y était réellement à craindre. Les anciens monuments ont
victorieusement résisté aux attaques du temps, et l'état de conserva-
tion de beaucoup d'entre eux ne s'explique que si la détérioration
d'autres, souvent très voisins, provient des nombreuses invasions
qui ont, à tant de reprises, désolé le pays. Le silence des hiéro-
glyphes et des papyrus, qui relatent tant de faits véritablement insi-
gnifiants au point de vue historique, est bien significatif aussi. De
tout cela résulte bien que l'Egypte est une région tout au plus péné-
séismique, et où seul le contre-coup des catastrophes de la Syrie a pu
quelquefois faire naître des craintes, d'ailleurs exagérées.
En effet, les conditions géologiques et géographiques de l'Egypte ne
permettent pas de lui supposer une séismicité notable. Dans le
désert libyque, oasis de Baharieh par exemple, on a reconnu que le
Crétacé a étéexondé, faille, plissé, et en partie arasé, avant l'Éocène.
Donc, là, pas de motif à grande instabilité, le plissement, qui aurait
pu la produire, étant par trop ancien. La basse vallée du Nil s'est vrai-
semblablement constituée pendant le Pliocène inférieur, par les failles
que manifestent les hautes falaises de sa bordure, et l'absence de
vrais dépôts fluviatiles, attribuables au Nil, à un niveau notablement
supérieur à celui du fleuve, montre que ce n'est pas là une vallée
d'érosion ordinaire, mais seulement le résultat de failles et de flexures
Ds MoMTUsi». — lyemblements de terre. 11
162 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
dont la direction générale diflëre peu de la sienne propre. Au com*
mencement du Pléistocèney elle formait une série de lacs étages,
successivement asséchés par le dérasement des digues anciennes
qui ont déterminé les cataractes et les rapides du Nil. Les disloca-
tions latérales sont probablement contemporaines de l'ouverture de
la mer Rouge et de son prolongement syrien, mouvements qui ne
donnent lieu à un grand développement des phénomènes séismiques
que dans l'extrême Nord, ainsi qu'on Ta vu plus haut, et ont, en
particulier, laissé la mer Rouge stable presque partout.
Sandfest' a cherché à démontrer que le désastre biblique des
Egyptiens à la poursuite des Israélites n'a pas eu lieu dans les
marais du lac Sirbonique, mais bien à la pointe septentrionale de la
mer Rouge. Il y aurait eu, comme à Potidée, et à la suite d'un mou-
vement séismique, un extraordinaire recul de la mer, suffisamment
durable pour qu'ils aient pu franchir l'extrémité du golfe de Suez,
tandis que leurs ennemis auraient été engloutis par la vague de
retour. Hœrnes * tient cette explication pour vraisemblable eu égard
à l'événement historique (?) de Potidée, et surtout en tenant compte
de ce que dans des cas analogues (Pisco, 1690 ; Concepcion, 1835),
la mer s'est retirée pendant plusieurs heures. Il nous semble qu'il
faudrait admettre un assèchement bien durable et tous les cas dans
lesquels on rapporte des temps suffisamment longs, allant jusqu'à
plusieurs heures, résultent de récits anciens, assez peu dignes de
foi, et dont les observations scientifiques modernes n*ont pas
donné d'exemples authentiques.
Les tremblements de terre ne sont pas inconnus non plus le long
du haut-Nil, mais ils ne sont pas plus à redouter qu'en Egypte.
C'est le cas de Berber, Khartoum, Ladô et Gondokoro. Cependant
cette dernière ville pourrait bien être un foyer assez important d'é-
branlement. Un peu au Sud, le nom de la montagne granitique et
gneissique de Logweck signifierait le <( Mont des tremblements de
terre », et d'après Kaufmann ', les secousses y seraient fréquentes.
Si les observations faites de 1850 à 1860 ne mentionnent pas de
vrais dommages, du moins relatentr-elles la tradition des anciens
indigènes Baris d'après laquelle la terre se serait entrouverte en
engloutissant les habitants dont les maisons furent renversées.
D'après Morlang, cité par Beltrame % les secousses sont plus fré«
' Wie sind die Israeliten durch's Rothe Meer gekommen nnd die iEgypter darin
verunglûckt (Afi^^/i. d. nalurwiss, Vereins far Sleiermark. Jahrgg. iSSO.Qnz, 1891,267).
■ Die Erdbebenkunde , 123.
' Dos Gebiet des weissen Flustes und dessert Bewohner (Brixen, 1S61, 11).
* Il fiume kiapcQ e i Dénka (Yerona, 1S81, 308).
LE CONTINENT AFRICÀNO-BRÉSILIEN i68
quentes et plus fortes dans les montagnes du Sud qu'à Gondokoro.
Ainsi donc, toute la vallée du Nil pourrait bien former une vaste
région pénéséismique^ d'activité variable. DeLapparent suggère que^
de Berber au coude du Sobat, la direction du Nil blanc, dans sa tra-
versée des grës horizontaux du Soudan, résulte de la grande dislo-
cation abyssinienne, dont il sera parlé plus loin ; et Ton peut trouver
là uae indication sur la cause possible de ces séismes.-
L'Abyssinie est certainement une région à tremblements de terre
assez fréquents, mais les longues observations d'Ant. d'Abbadie
recueillies par Perrey^ne laissent pas supposer qu'ils y soient jamais
bien graves. Tout au plus peut-on citer d'insignifiants dégâts à Mas-
saouah, en 1884, et quelques éboulements de terrains dans le pays
des Gallas. Le massif étliiopien est limité à TEst par une énorme
taille qui a porté à 2500 mètres et plus le substratum archéen. Le
plateau est recouvert de produits éruptifs en nappes sensiblement
horizontales, d'âge crétacé ou éocène et très probablement contem-
poraines de celles du Dekkan ; occupant TAmhara et le Ghoa, elles
s'étendent au loin dans le pays des Gallas*. Les mers jurassiques
s'étaient creusé un sillon, et ceux de leurs sédiments qui ne sont
pas cachés sous les laves, forment un grand croissant à concavité
orientale, en faisant, du Tigré au Godjam, le tour du Gondar
et du lac Tsana, fosse d'eflfondrement. Il résulte des voyages de
d'Abbadie que cet observateur, pendant son long séjour en Abyssi-
nie, n'a guère signalé de secousses que dans des localités de ce terri-
toire sédimentaire, ou en son voisinage. Ce serait dès lors l'exemple
d'un synclinal jurassique ayant conservé quelque instabilité à la
suite des mouvements qui l'ont ultérieurement exondé. Le long de
la mer Rouge, des chocs n'ont été signalés qu'à Souakim, et surtout
à Massaouah, c'est-à-dire non loin du Tigré, où commence la région
pénéséismique abyssine.
Les tremblements de terre sont très rares à Zanzibar, mais cer-
tainement plus habituels à Mozambique et à Inhambane. On peut
jusqu'à nouvel ordre les attribuer à la proximité du géosynclinal de
l'époque secondaire, représenté par le détroit. Une s'estpoint, pendant
Fère tertiaire, transformé en géanticlinal, ce qui explique dans une
certaine mesure les quelques séismes dont il s'agit, opinion corro-
borée par la direction E.-W. que tous les observateurs s'accordent
à attribuer à ces secousses, ce qui revient à les faire provenir du
• Cat. 1857, 7-
* A. Anbry. Rapport sur une mission aa royaume da Choa et dans les pays Gallas
[Arefiivea des Missions scient, et litt.y 3* série, XIV, 457. Paris, 1888).
464 GÉOGRAPHIE 8ÉI8MOLOGIQUE
détroit de Mozambique. D'ailleurs, des formations charbonneuses de
la colonie portugaise ont subi des plissements hercyniens, contre-
partie de l'effondrement liasique du Canal.
L'accident le plus remarquable de toute TAfrique est, sans contre-
dit, la zone méridienne des grands lacs équatoriaux. C'est un système
de lacs profondément encaissés dans le substratum archéen porté à
de fortes altitudes, et son trait le plus caractéristique est de s'ouvrir
par des effondrements dans la bande continentale de plus haut relief,
ainsi que l'a montré de Lapparent ^ La vallée du Chiré, aux bords
abrupts, le fait déboucher sur le Zambëze, tandis qu'au Nord il passe
au pied de la falaise éthiopienne pour se prolonger par le fossé de
la mer Rouge et ses dépendances jusqu'à la vallée de l'Oronte en
Syrie. Ce bourrelet, maintenant en partie effondré, est d'origine fort
ancienne, puisqu'il a presque partout servi de frontière occidentale aux
mers secondaires et tertiaires de la Somalie et de Zanzibar. Cette ligne
de fractures gigantesques a-t-elle rejoué récemment ? On ne sait encore ;
mais si l'activité volcanique y a été grande et a construit des cônes
superbes, la certitude bien acquise qu'il ne s'y trouve pas de régions
véritablement instables, serait favorable à la négative. Quoi qu'il en
soit, les régions tout au plus pénéséismiques, dont on peut soupçon-
ner l'existence entre le Zambèze et la mer Rouge, trouvent évidem-
ment une explication au moins générale dans l'énormité des efforts
nécessaires à la formation d'une si étonnante zone culminante, puis à
son effondrement, malgré l'ancienneté du début de ces vicissitudes.
Le foyer d'ébranlement de Gondokoro, déjà mentionné, dépend
peut-être de la zone méridienne de dislocation de l'Afrique équato-
riale, si l'on réfléchit au voisinage du Rouvenzori, au nord du lac
Albert-Edouard, où le gneiss a été porté à plus de 4 000 mètres
au-dessus de la vallée. Cela suppose une poussée colossale, à laquelle,
sans grande témérité, nous sommes portés à faire jouer encore un
rôle séismogénique. En tout cas, ce centre séismique s'étend au moins
jusqu'à Kibiro, sur la rive orientale de l'Albert Nyanza. On ne sau-
rait guère non plus le séparer de celui de TOuniamouézi, oiiles trem-
blements de terre ne sont pas très rares, non plus que dans TOu-
nyaniembé.Oudjiji, sur la rive orientale du Tanganika, et Kavala, île
de son bord opposé, ressentent aussi des secousses. Dans le Katanga,
des séismes ont été observés à Kambôve par Buttgenbach * qui, en les
* Soulèvements et affaissements [Revue des Questions scientifiques, 2* série, XIV, 5,
20 juillet 1895, Louvain).
' Tremblements de terre au Katanga, novembre 1902 {Soc, belge de géol. paléonl, et
hydroL, Séance du 14 juin 1904).
LE CONTINENT APRIGANO-BRÉSILIEN 165
relatant, observe que dans leur propagation tout au moins^ ils suivent
la direction des couches relevées verticalement ; il y a donc là une cer-
taine indication sur leur genèse possible. D'après Livingstone, cité
par Perrey \ les tremblements de terre ne sont pas rares à Teté,
sur le Zambèze, non loin de l'extrémité méridionale du Nyassa;
mais ils seraient totalement inconnus dans le haut du bassin de ce
fleuve. Ainsi donc, de Gontiokoro à Teté, des secousses modérées se
font ressentir dans toute cette partie de la zone de dislocation, sans
que jusqu'à présent il en ait été signalé vers la mer Rouge, là où elle
entre dans les terrains secondaires.
Sur le haut Congo, Stanleyville et Singatini, Tancienne résidence
du fameux Tippo*Tib, sont parfois ébranlées, sans que Ton sache si
ce foyer se rattache à celui de Tanganika. Du foyer de Mahabi, Ton
ne sait presque rien non plus.
Durban est un petit centre séismique s'étendant jusqu'au Draken-
berg, ancienne dislocation faisant partie du contour primitif du
continent africain. A son pied s'est déposé le Crétacé resté hori-
zontal, mais il paraît s'être relevé depuis en exondant ces couches
sédimentaires ; ce mouvement joue peut-être un rôle séismogénique.
Quelques secousses du Natal et du Transvaal sont peut-être à ratta-
cher aux traces de plissements hercyniens qu'on y rencontre.
La côte méridionale de l'Afrique entre Port Elisabeth et le Cap
est rarement ébranlée par des tremblements de terre, ce qu'on devait
attendre d'un pays où des couches antérieures au Karoo, seulement
découpées en terrasses par des failles, sont restées horizontales ; à peine
si Ton peut en citer un, on ne dira pas sérieux, mais de très grande
extension, celui du 14 août 1857, ressenti aussi fort loin en mer.
Comme le Cap est le seul point des côtes africaines où des vagues
séismiques aient jamais été signalées, que d'autre part ces côtes sem-
blent le théâtre de mouvements d'exhaussement, il y a là un ensemble
de présomptions favorables à la production de séismes sous-marins
dans ces parages, et que Ton ressentirait à terre. C'est presque l'opi-
nion de E. Rudolph, et il faut provisoirement s'y rallier.
On ne saurait actuellement rien dire de bien net sur les secousses
légères qui agitent de temps en temps le Namaqualand, bourrelet
archéen simplement ridé et se prolongeant vers la colonie du Cap
par un large ruban de terrains primaires disloqués.
Il faut remonter au Nord jusqu'aux côtes du golfe de Guinée pour
rencontrer traces d'instabilité. Mais là, on trouve à Accra et à Saint-
« Gat. iS62, 42.
m '-■ GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
George d^Elmina un pays oii les secousses doivent ê^e assGE fré-
quenteSy si Ton en juge par le tremblement de terre fort sévère
du 10 juillet 1862; il s'est étendu loin dans l'intérieur, à Abomejr»
où cet événement a été l'occasion de nombreux sacrifices humains,
renseignement en faveur de la stabilité habituelle du Dahomey, en
l'absence do toute autre information. Il serait d'ailleurs étrange que
ce territoire archéen fut éprouvé par des séismes, et cette prévision
doit s'étendre aux massifs schisteux anciens du Kanem» du Sokoto
et à celui nouvellement signalé^ entre le 4* degré de long. E. de Paris
et le lac Tchad.
Au Cameroun, une secousse a été observée à Lonji.
Le Sierra Leone éprouve quelques chocs, et deux ont été observés
par Borius' de 1832 à 1836 à Saint-Louis du Sénégal, où les officiers
de l'armée coloniale les considèrent comme à peu près inconnus.
Du Sahara l'on ne sait rien, sinon que sa bordure septentrionale,
au pied de l'Atlas saharien, ressent des tremblements de terre,
mais on entre là dans le domaine des pays barbareaques. D'ail-
leurs la stabilité du désert ne saurait guère faire de doute d'après ce
que l'on sait de son histoire géologique.
Mûurzouk et Ghadamës ont donné lieu à deux observations sets-
miques, pour chacune de ces deux villes, mais on ne peut en tirer de
conclusion.
La Tripolitaine est certainement très stable, avec ses couches
secondaires et tertiaires peu dérangées et non plissées. Un ou deux
séismes seulement y sont connus. On ne peut, malgré l'absence
d'observations suivies, supposer qu'ils puissent y être fréquents et
graves, même en se reportant à ce renseignement, dû à de Mathui*
sieulx', que des missionnaires, pour sauver d'anciens monuments
romains, servant de carrière aux indigènes, les auraient menacés de
tremblements de terre, prédiction ensuite réalisée par un désastre
séismique en châtiment de l'infraction faite à cette défense. Ce n'est
évidemment là qu'une légende, qui ne saurait rendre authentique un
fait, dont la date est d'ailleurs inconnue. Rien ne peut donc faire
croire à la séismicité de la Tripolitaine.
' A. de Lapparent. Sur de nonvellei trouvailles géologiques en Afrique (C. R. Ac.
Se. PariSy GXXXIX, 4186, 1904).
' Recherches sur le climat du Sénégal (Notices statistiques sur les colonies^ III, 21 ti
1839).
* A travers la Tripolitaine (Le Tour du Monde, 1902, 569, Pans).
LE CONTINENT APRICANO-BRÊSiLIEN 167
4. — L'Atlantiqae méridional.
La question de Teffondrement, sur remplacement de l'Atlantique
méridional, d'une communication terrestre entre l'Afrique et l'Amé-
rique du Sud, autrement dit la réunion jusque vers la fin du
Jurassique de ces deux grandes terres sous le nom de continent afri-
cano-brésilien, est encore assez obscure et controversée. Des com-
munications auraient existé à une époque reculée entre les deux
terres. Quoiqu'on ait généralement admis que vers les temps permo-
triasiques, l'Inde, l'Afrique, le Brésil et peut-être l'Australie ne for-
maient qu'un seul continent, il y a lieu, dit Stromer von Reichen-
bach\ de signaler que la formation duKaroo de l'Afrique méridionale
n'atteint nulle part l'Océan Atlantique. On a trouvé une flore à
Glossopieris dans le centre de l'Afrique orientale, et Van de Wiele *,
examinant l'observation précédente, a admis, après beaucoup de
géolo^es, l'hypothèse que les épaisses couches de grès du Congo
se rattachent à la formation du Karoo. Mais jusqu'ici, d'après le pre-
mier de ces géologues, il n'y a pas d'indice qui permette de réunir
ces couches à celles du Brésil, et on ne saurait conclure à une com-
munication terrestre avec l'Afrique à l'époque permienne, mais sans
toutefois pouvoir la nier absolument. Ainsi la communauté de flore
des deux continents, et les liants fonds de l'Atlantique à la latitude
de la Patagonie, resteraient les seuls arguments en faveur d'une
ancienne liaison terrestre, maintenant submergée.
Quoi qu'il en soit, la disposition actuelle des fonds de l'Atlantique
méridional moyen n'est certainement pas favorable à l'idée d'une
communication, tant soit peu récente tout au moins. En effet, on y
distingue deux fosses, séparées par un long seuil suivant le IS"" méri-
dien et servant de soubassement à des îles volcaniques, l'Ascen-
sion, Sainte-Hélène et Tristan da Cunha. Haug interprète cette struc-
ture en admettant la formation graduelle d'un grand géosynclinal,
dans l'axe duquel un géanticlinal secondaire, ébauche possible d'une
future chaîne de montagnes, serait en voie de formation depuis unb
date relativement récente.
On s'expliquerait bien, dans ces conditions, l'existence d^une ou de
deux régions séismiques, purement océaniques, l'une à l'Est du
* Betrachlungen ûber die geologische Geschichte Âethiopiens (ZeiUchr. d. dnuUch. geoL
6e9., un, 4, .35, Berlin, 1902).
' Bull. Soc, Belge de géol. paléont. et hydroL, juillet 1902, 153.
168
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
rocher de Saint-Paul, l'autre plus à l'Est encore, et séparées par un
intervalle plus pauvre en épicentres entre les 25*" et 26* méridiens.
Toutes deux sont comprises entre les 4* parallèles, au Nord et au Sud
de l'équateur. La lacune entre elles est assez petite pour qu'on puisse
les confondre, et la plus orientale a donné lieu aussi à d'assez nom-
breuses observations d'éruptions volcaniques sous-marines. Le rocher
de Saint-Paul est d'ailleurs lui-même d'origine éruptive. Ces régions
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Fig. 21. —Région séismique de l'ÂtlanUque équatorial, ou de Daussy.
pénéséismiques ont été découvertes par l'ingénieur hydrographe
Daussy ^ On connaît dans ces parages restreints aux 17* et 33* méri-
diens 72 secousses sous-marines, nombre considérable si Ton tient
compte des hasards de la navigation qui en rendent l'observation
très difficile, en tout cas bien fortuite. L'une et l'autre régions sont
entourées d'abîmes de 4 000 à 6 000 mètres et même plus, et à raides
talus.
Dans une traversée de l'Atlantique^ entre Lisbonne et Bahia,
Hecker' a rencontré trois points où les anomalies de la pesanteur
présentent des maxima bien marqués, alors que partout ailleurs
cet élément montre une remarquable uniformité, garantissant l'exac-
* Note sar l'existence probable d'un volcan sous-marin par environ 0^0 de latitude
Sud et 22* de longitude Ouest (C. A. Ac, Se, Paris, VI, 512, 1838 et XV. 446, 1K42).
* Bestimmung der Schwerkraft auf dem atlantischen Ozean, sowie in Rio de Janeiro,
Lissabon und Madrid {Yerôffentlichtung des K, preuss. Oeoddt. Institules, N. P. n* 11<
1903).
LE CONTINENT AFRIGANO-BRÉSILIBN 16»
iitude de ses mesures. Ces anomalies correspondent à des disloca-
tions profondes, comme on l'a déjà fait remarquer pour la Russie
méridionale, et Tun de ces maxima correspond à la chute profonde
des fonds entre le rocher de Saint-Paul et Téquateur. De Lappa-
rent' a généralisé cette observation en disant que lorsque ces ano-
malies sont positives, comme dans le cas actuel, elles permettent de
diagnostiquer une région particulière de dislocation au contact de
deux compartiments, dont l'un s'affaisse et, par conséquent, doit se
comprimer en s'écrasant. L'existence de la région atlantique d'ébran-
lement trouverait ainsi son explication dans un état de choses que
seules les observations d'Hecker ont pu faire découvrir.
L'Ascension, Sainte-Hélène et Tristan da Gunha sont supportées
par la croupe, longue d'environ 800 kilomètres, dont on a parlé plus
haut. On y connaît respectivement 2, 8 et 4 séismes. Gela n'indique
pas une bien grande instabilité, constatation peu en faveur de l'opi-
nion de Haug que ce serait un géanticlinal en voie de formation. Il
est vrai que des observations suivies n'y ont jamais été faites, mais
toutes les probabilités sont pour la rareté des secousses, car on n'y
en a peu signalé de sous-marines, malgré une navigation fort active.
La formation de l'anticlinal serait donc non seulement avortée, mais
complètement éteinte.
S. — Versant atlantique de l'Amérique du Sud.
L'extrême simplicité des contours de la masse continentale de
l'Amérique du Sud, ainsi que la régularité de son relief descendant
en pente douce depuis les Andes jusqu'au bord de l'Océan, enfin
l'analogie de ses caractères géologiques avec ceux de l'Afrique, font
présager pour le versant atlantique une stabilité que l'observation
confirme en tout point, ainsi qu'on va le voir successivement.
Le bassin de l'Orénoque occupe l'emplacement d'une mer tertiaire,
maintenant comblée par les alluvions quaternaires, dont les éléments
ont été fournis à Férosion fluviale par la surrection des Andes. On
n'y connaît qu'un seul foyer d'ébranlement aux environs de Giudad
Bolivar et de Guayana Yieja. Il ne semble pas qu'il y ait jamais eu là
de tremblement de terre, même simplement sévère. Plus en amont
et sur la rive droite, un affaissement aurait eu lieu en 1790 à la suite
d un grand séisme près du confluent du Rio Gaura, mais ce fait, men-
* Sur la significaUon géologique des anomalies de la gravité (C. R. Ac. Se, Paris,
GXXXVII. 827, 23 novembre 1903).
170 GÉOGRAPHIE 8ÉI8MOLOGIQUE
tioîiné par de Humboldt et Bonpiand ^ supposerait pour ces régions
une instabilité que rien n'est venu depuis confirmer.
Les Guy ânes présentent un substratum archéen, recouvert par des
grès et des basaltes. Cette pénéplaine est peu sujette aux tremble-
ments de terre, et la plupart de ceux qu'on y a observés, tout an
moins les plus forts, viennent de la Trinidad, ou des Petites Antilles.
En tout cas ils ne sont jamais sérieux.
De Humboldt (/. c, p. 353) relate qu'un grand tremblement de
terre ébranla en 1798 le haut Orénoque et les bords du Rio Negro^
que réunit ensemble le Cassiquiare, par un curieux phénomène géo-
graphique, preuve de l'indécision du relief de l'ancienne pénéplaine
archéenne. A priori^ tout contredit l'affirmation que ce fait, s'il était
prouvé, attesterait dans ces parages l'existence d'une région d'ébran-
lement. La seule raison d'instabilité que l'on pourrait invoquer là,
mais d'ailleurs bien hypothétiquement, serait que les afiluents de
gauche de l'Amazone présentent encore des changements de pente et
des rapides, là où les schistes cristallins affleurent dans les vallées,
indice qu'un soulèvement en bloc a eu lieu à une époque assez tardive
pour que les cours d'eau n'aient pas encore eu le temps de régula^
riser leur profil longitudinal, en nivelant les seuils qui encombrent
leurs lits.
Le Brésil, au sud de l'Amazone, est un des pays du monde qui
ont le moins changé depuis de longues époques. Si l'on néglige, le
long du fleuve, un ruban tertiaire, il ne reste que des assises dévo-
niennes et carbonifériennes régulièrement étalées sur le substratum
archéen seul plissé, tandis qu'au-dessus règne une couverture de
grès secondaires d'origine terrestre que l'érosion a découpée en
montagnes tabulaires. Ces territoires sont maintenant réduits à Tétat
d'une pénéplaine sans grand relief, dont la structure actuelle résulte
d'une émersion longtemps prolongée que n'a troublée aucune vicis-
situde importante. Ils doivent donc a priori être indemnes de trem-
blements de terre, en dépit du doute que pourrait faire naître
l'absence d'observations en un pays exploré si récemment, avec bien
des lacunes encore, et à peine entamé par la civilisation. On en conn^
un à Serpa, et un dans la province de Matto-Grosso. Ils ne sont
guère plus fréquents au Para. Un très secondaire foyer d'ébranle-
ment paraît se trouver autour de Rio de Janeiro et dans TEtat de
Minas Geraes. En 1901 se produisit à Bom Succeso une série de
secousses, qui eut son maximum en septembre, et se termina le 8
* Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent fait dans les années 1799
à iSOb (Relation historique, VIII, 328).
LE CONTINENT AFRICANO-BRÉSILIEN 171
par un séisme presque sévère. C'est le seul dans ce genre qu'on y ait
jamais signalé^ et il ne suffit pas à faire de cette région un foyer bien
instable. Ces secousses peuvent s'expliquer par le fait que la Serra
Gérai est Tescarpement terminal d'un plateau de grës.
C'est seulement du cap San Roque à Bahia que l'isobathe de
4000 mètres est rapprochée des côtes de TAmérique du Sud. Partout
ailleurs elle s'en tient assez loin pour continuer sous l'Atlantique les
pentes douces du continent. Un étroit ruban de Crétacé le long du
littoral entre les deux points mentionnés plus haut, et la nature vol-
canique de l'île Fernando Noronba, indiquent la présence d'une
ancienne ligne de dislocations, dont le jeu est parfaitement éteint,
puisqu'on n'a pas observé de séismes dans cette région.
Montevideo et Buenos-Ayres, autrement dit la coupure de la Plata,
forment un centre séismique, d'ailleurs ébranlé bien rarement et
peu énergique ment* L'immense plaine basse du Gran Chaco n'a
jusqu'ici fourni aucune observation de secousses, et nous n'en con-
naissons qu'une seule pour le bassin du Paraguay.
On ne connaît aucun tremblement de terre en Patagonie, région
à laquelle semble devoir assurer un parfait repos séismique l'absence
de tout dérangement de ses couches tertiaires émergées. Un seul a
été signalé dans le détaroit de Lemaire, et un autre à Punta Arenas,
où des observations météorologiques se font depuis quarante-trois
ans, mais pas un seul pour la station d'Ushuvaya. La stabilité des
territoires magellaniques et de la Terre de Feu est donc manifeste,
malgré l'époque récente du morcellement de leurs couches secon-
daires ou primaires, et des produits éruptifs qui s'y rencontrent. Les
Iles Falkland, ou Malouines, lambeau de couches paléozoïques plis-
sées, indépendant de la Patagonie tertiaire, n'ont fourni aucune
observation séismique.
Ainsi se vérifient bien les pronostics annoncés sur la stabilité
générale de tout le versant atlantique de l'Amérique du Sud, ce
dernier fragment occidental du vaste continent africano-brésilien,
plus ou moins hypothétique, il est vrai, mais en tout cas partout à
Tabri des tremblements de terre, grâce à l'ancienneté de son
modelé, qu'aucun plissement n'est venu rajeunir nulle part, les mou-
vements verticaux de morcellement ou autres n'ayant le plus sou-
vent que peu d'influence séismogénique, comme on a pu le constater
déjà tant de fois.
CHAPITRE X
LE PACIFIQUE ET LES TERRES ANTARCTIQUES
1. —Le Pacifique.
La question d'une aire continentale ayant occupé remplacement
du Grand Océan est encore très controversée, mais sa solution défi-
nitive ne saurait avoir la moindre influence sur le problème étudié
ici, puisque Ton ne rencontre sur son immense surface qu'une rég^ion
pénéséismique, celle des Sandwich, et une seule région séismique,
celle des Mariannes. D'un autre côté, si l'on tient compte des abîmes
sous-marins et des rides qui en accidentent le fond justement dans
les parages de ces archipels, on peut se demander si l'on ne serait
pas là en présence d'un prolongement non encore émergé du géosyn-
clinal méditerranéen. Il serait, en effet, bien surprenant que ce cercle
de plus grande mobilité de l'écorce terrestre ne se fermât point sur
lui-même, à la surface de la sphère et au travers du Pacifique. Dès
lors, les Mariannes, au lieu de constituer une anomalie, lui appartien-
draient réellement, à moins qu'elles ne forment une branche annexe du
géosynclinal circumpacifique, en prolongement de l'arc japonais, tout
comme la branche turkestane du géosynclinal méditerranéen, mais où
ferait défaut une surrection analogue à celle du Tien-Ghan. Quoi qu'il
en soit, la géologie et l'histoire du Pacifique sont encore trop obscures
pour que l'on puisse se prononcer en toute connaissance de cause.
D'une façon générale, les conditions séismiques de l'océan Paci-
fique sont assez bien connues.
Au large du Mexique, quelques secousses sous-marines ont été
observées dans les parages des îles Revilla-Gigedo, et la côte voisine,
elle-même d'ailleurs très instable, est exposée à de dangereuses vagues
d'origine séismique. Il en sera reparlé à l'occasion du Mexique.
On ne connaît aucun tremblement de terre dans les îles volcaniques
des Galapagos.
Les Sandwich sont célèbres par leurs volcans, en particulier le
Kilauea et son lac permanent de laves fluides. Les secousses du sol
y sont assez fréquentes, au moins dans l'île d'Hawaï, ^t des obser-
LE PACIFIQUE ET LES TERRES ANTARCTIQUES
173
valions suivies faites à Hilo et à Christchurch, de 1843 à 1874,
donnent une fréquence moyenne annuelle de 13, ce qui ne corres-
pond pas à une très grande ins-
tabilité. Elles ont été recueillies
par Perrey dans ses catalogues
annuels'. On a aussi les obser-
vations de Lymann * et de Bri-
gham'. L'éruption de 1868 fut
d'une colossale énergie, de très
nombreuses secousses raccom-
pagnèrent, mais une seule, celle
du 2 avril, fut vraiment sévère.
La formation de crevasses et des
éboulements considérables en
furent les conséquences. Malgré
tout, comme sa production a été
très intimement liée à la confla-
gration volcanique, et que des
tremblements aussi violents ne
se sont jamais produits dans le
cours du XIX* siècle, on est fondé
à considérer l'archipel des Sand-
wich comme seulement péné-
séismique. Certaines années s'y
passent même sans secousses,
telle 1849. Ces îles émergent
d'un seul jet au-dessus de pro-
fondeurs de 5000 mètres, d'un
étroit seuil se prolongeant loin
vers le N. W. et que jalonnent
des îlots inhabités. Userait donc
actuellement illusoire de cher-
cher des causes géologiques pro-
fondes pour en expliquer les
secousses, qui peuvent très bien, d'ailleurs, être une conséquence du
processus volcanique lui-même.
* Sur les tremblements de terre elles éruptions volcaniques dans l'archipel hawaïen,
en 1868 {Soc. imp. iTArt. Se. nat. et ArU utiles de Lyon, 12 février 1869).
' Secoasses de tremblements de terre depuis 1872 (Trad. d'une lettre à W. L. Green,
ministre des Aff. étr. d'Hawal. BuU. soc. géogr.. Pans, 1875, 101).
' On Ihe volcanic phenomena of the Hawaian islands (Boston Soc. of nat. hist.^ I,
Part Ul, 373).
174 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
Entre les 5' et 10" parallèles ^ord, les îles de la Micronésie, Garot-
lines et Marshall, surtout coralligënes, forment une longue série se
rattachant aux Iles Palaos. Elles sont bornées au Nord par des abîmes
descendant au-dessous de 8 000 mètres. On connaît seulement deux
secousses à El Correor .(Carolines).
L'archipel €n partie volcanique des Mariannes contraste avec les
précédents par son «s±r6me instabilité. Il figure une traînée méri-
dienne comprise aussi entre des abîmes de 6 000 à 8 000 mètres, mais
dont il n'est très rapproché que le long de son bord oriental,
l'opposé ne descendant au contraire d'un seul jet que jusqu'à
4000 mètres. La pose d'un câble sous-marin a même fait conaaître
des profondeurs de 9 590 mètres entre les îles Guam et Medway . Les
tremblements de terre, fréquents et désastreux, ont été longtemps
recueillis dans le bulletin de l'observatoire de Manille. On a d'ailleurs
d'autres documents \ Le socle des Mariannes est le prolongement de
celui des îles, volcaniques aussi, Bonin-Sima, et par un seuil il se
rattache au Japon. Ces dernières et d'autres clairsemées dans ces
parages n'ont jamais été l'objet d'observations séismiques, et leur
liaison avec ce dernier pays se décèle par leurs lambeaux de roches
volcaniques et nummulitiques. Des manifestations volcaniques aous-
marines y ont été signalées, mais les séismes proprement dits n y
paraissent ni fréquents, ni redoutables. La séismicité, extrême à
Guam, où les missionnaires des Philippines ont observé pendant de
longues années, est probablement de même ordre dans les autres îles
de l'Archipel des Mariannes, car on y connaît aussi des désastres,
parla tiadition, il est vrai. La grande instabilité de cet archipel doit
attirer l'attention, en même temps que sa liaison indéniable avec
le Japon. Malheureusement sa géologie et son histoire sont trop
obscures encore pour qu'on puisse affirmer qu'il s'agit là d'une
branche annexe du géosynclinal circumpacifique, auquel cas sa
séismicité trouverait là une claire explication, tout au moins à un
point de vue général.
De très rares séismes agitent la Polynésie ; on en connaît trois à
Tahiti, et deux aux îles de la Société. Le 3 janvier 1903, une énorme
vague d'origine probablement séismique a désolé les Pomotou, où
l'on n'avait pas eu l'occasion d'en signaler de semblables jusque-là.
D'assez nombreux tremblements de terre sous-marins, indépen-
dants de ceux de la terre ferme, ébranlent fréquemment l'angle
* M. Saderra Maso. Brèves apuntes sobre los volcanes y los fenômenos seismicos de
las ialas Marianas {Dep^ofthe Int. Philippine Weather Bureau, Mamla central Observa-
tory,, Sept. 1902,226).
LE PACIFIQUE ET LES TERRES ANTARCTIQUES 175
rentrant du Pacifique, au large du Pérou méridional et du Chili. Il
ne serait pas étonnant que des observations ultérieures longtemps
continuées fassent découvrir autour des îles San Ambrosio (ou Des*
venturadas), et surtout de Juan Fernandez, quelque région séis-
mique purement océanique, placée ainsi au bord de la branche,
remontant vers le Nord, de Tisobathe de 4 000 mètres, et correspon-
dant ainsi exactement à celle de Daussy et du rocher de Saint-Paul
dans FAtlantique équatorial. Rien ne manquerait même à ce rappro-
chement, car il semble bien que, dans ces parages du Pacifique éga-
lement, se soient à plusieurs reprises manifestés des phénomènes
volcaniques sous-marins.
Toutes les autres îles occidentales du grand Océan appartiennent
au géosynclinal circumpaciûque.
2. — Terres antarctiques.
Il n'est pas aussi arbitraire qu'on pourrait le croire tout d'abord
de parler ici des terres antarctiques. Elles forment, en effet, une masse
continentale probablement autonome ; les anciens sondages de Ross
ont montré que sur quinze degrés environ de longitude, de part et
d'autre du méridien de la Nouvelle-Zélande, elles sont entourées de
profondeurs océaniques considérables, disposition confirmée par les
mesures bathymétriques effectuées par l'expédition de la « Belgica »
(4897-J899) entre F Amérique méridionale et la Terre de Graham
ou ses dépendances.
Il ne saurait être ici question d'observations séismologiques, et
nous ne savons encore quelles observations a pu faire en 1901 la
« Discovery » à la baie Mac Murdo, dans la Terre Victoria, où elle a dû
installer un séismographe Milne. Outre que ces terres ont été jusqu'à
présent peu étudiées, les tremblements de terre sont très difficiles à
observer dans les régions polaires en général, car ils peuvent être
très facilement confondus, à terre, avec les mouvements imprimés à
de frêles habitations par les vents soufflant presque constamment en
tempête, et à bord par^ceux de la banquise, qui étreintle navire et lui
communique toutes les pressions variables auxquelles elle est sou-
mise. Mais peut-on, dans une certaine mesure, pronostiquer les con-
ditions séismogéniques de ces terres? Les granités et les roches érup-
tives anciennes signalées par ArctowskiS le géologue de la <c Belgica »,
' Géographie physique de la région antarctiqae visitée par Texpédition de la a Belgica »
{Bull. soc. roy. belge de géogr., 1900. N» 1).
Id. The antarcUc voyage of the « Belgica » during the years 1897, 1898, and 1899
[Smilhs. Rep, for 1901, 377. Washington, 1902).
Id, et A. F. Renard. Notice préliminaire sur les sédiments marins recueillis par Texpé-
176 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
corroborent Tidée que cette masse continentale est stable ; par contre,
ce savant assimile complètement aux Andes méridionales de la Terne
des Ëtats une chaîne entrevue par l'expédition. Il en fait un ridement
tertiaire, ce qui laisserait la possibilité d'y supposer des tremblements
de terre, si précisément toute l'extrémité de la chaîne américaine n'en
était parfaitement indemne. Il va sans dire qu'aucun argument pour
ou contre n'est à tirer des volcans anciennement connus et si élevés,
Erebus et Terror, au sud de la Nouvelle-Zélande, pas plus que de
ceux soupçonnés tels par les explorateurs belges, île Pierre V et
Mont William (65* S. — 64«> W.).
D'aucuns^ ont mis les séismes en avant, comme cause des périodes
glaciaires, en conséquence du refroidissement produit par les masses
considérables de glaces mises en mouvement à la suite de violents
tremblements de terre des calottes polaires et dérivées vers les
basses latitudes. Sans discuter une théorie qui n'est guère accep-
table, il y a lieu d'observer que dans le Pacifique sud-oriental les
navigateurs attribuent à des tremblements de terre la mise en liberté
des icebergs, lorsqu'ils les rencontrent à des époques prématurées
et inusitées. On ne possède pas d'observations directes relatives à
un phénomène d'ailleurs plausible, au moins sur une petite échelle.
Note, — Cette stabilité des terres antarctiques, que nous n'avions fait que pré-
sumer faute (Inobservations, vient d'être, au moins pour un point particulier, con-
firmée pleinement pendant Timpression de l'ouvrage. En effet, Bernacchi, membre
de l'expédition anglaise de la Discovery, a installé un pendule horizontal de Hilne
À nie Ross, par 77o W 55" S. et lôe^» 4^ 43" E. La station était située à 15 miUes
des volcans Terrer et Erebus, et ce dernier resta en constante activité pendant
toute la durée des observations, du 14 mars 1902 au 31 décembre 1903. Cependant
aucun macroséisme ne s'est fait enregistrer, ce qui exclut toute secousse & 50 milles
& la ronde, et en outre 136 séismogrammes tracés par Tappareil correspondaient
à des séismes émanés de fojers situés & plus de 500 milles. Cette distance est le
rayon sphérique d'une calotte dans l'intérieur de laquelle ne s'est produit aucun
mouvement du sol pendant cette période de 21 mois et demi. — [Milne. Preliminary
notes on observations made wiLh a horizontal pendulum in Ihe antarcUc régions {Proc.
ofthe royal soc, vol. A, LXXVI, 284. London, 1905). Traduit en allemand. {DieErdbe-
àenvoarte, IV, 192. Laibach, 1905.)] *
dition de la « Belgica » {Ac. roy. de Belgique. Mém. couronnés el autres, LXI, 1901
Séance du 7 juillet 1900).
* Piette. Conséquences des mouvements séismiques des régions polaires (Angers,
1902).
TROISIÈME PARTIE
LE GÉOSYNCLINAL MÉDITERRANÉEN OU ALPIN
Le géosynclinal méditerranéen, ou alpin, la Téthys des géologues,
part du raide talus parlequelJava et Sumatra tombent sur les grands
fonds de l'Océan Indien, traverse Tlnde par la plaine alluvionnaire
indo-gangétique, suit le golfe Persique et la dépression mésopota-
mienne, puis se prolonge par l'Europe méridionale et la Méditerranée
jusqu'à l'Atlantique, du Caucase aux Pyrénées et à l'Atlas. C'est un
des traits les plus notables de la surface terrestre, et il a présenté ce
caractère depuis les époques géologiques les plus reculées jusqu'aux
temps tertiaires, pendant lesquels il a été le théâtre de mouvements
orogéniques véritablement gigantesques; sur ses bords s'est érigé
un grand géanticlinal, événement dont il conserve le souvenir par
les tremblements de terre fréquents et redoutables qui l'agitent sur
tout son immense développement. C'est ainsi qu'à lui seul, il a res-
senti plus de la moitié de ceux relatés dans les catalogues séismiques,
ce qui ne résulte pas seulement, comme on le verra par le détail,
de ce que les pays les plus anciennement civilisés appartiennent à
cette bande de Técorce terrestre.
C'est dans le sens indiqué, de TOcéan Indien à l'Atlantique, que
Ton va rapidement esquisser les relations des séismes ressentis par
ces pays éminemment instables avec l'histoire de leurs principales
vicissitudes géologiques.
Java est très sujette aux tremblements de terre, sinon partout, du
moins en de nombreux points. Or, cette île forme le bord méridional
d'une surface coupée à pic, vers le Sud, sur les abîmes de l'Océan
Indien, tandis qu'au contraire, vers le Nord, un faible relèvement
d'une cinquantaine de mètres suffirait à la rattacher à Bornéo, c'est-à-
Db Mohtimos. — TremUements d« tem. i2
178 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
dire au continent sino-sibérien. Ce talus doit représenter une cas-
sure, et, d'autre part, le Tertiaire de Tîle est énergiquement plissé
au pied des volcans de la province de Tjéribon. Ainsi se justiGe la
séismicité de Java.
Sumatra se trouve dans les mêmes conditions par rapport à la
fracture sous-marine ; mais contrairement à ce qui se passe pour
Java, les séismes s'y localisent à cette côte seule et aux failles longi-
tudinales de ce versant, tandis que l'opposé, très stable, descend en
pente douce vers les archipels malais qui la rattachent à Bornéo
et à l'Asie, dont ces îles font réellement partie par leur structure.
La péninsule malaise, d'axe archéen, est tout au plus pénéséis-
mique autour de Singapore et de Poulo-Pinang ; la ride sous-marine
sur laquelle sont implantées les Andaman et les Nicobar est peut-être
dans le même cas.
La Birmanie est extrêmement instable. C'est qu'elle présente des
chaînes secondaires et tertiaires parallèles énergiquement plissées,
<]ui se prolongent dans le Tibet méridional par la région séismique
de Ba-Thang, et la région au moins pénéséismique du Yun-Nan. On
entre véritablement là dans le domaine des plissements tertiaires,
himalayens ou alpins.
Entre la Birmanie et le Bralimapoutre s'élève la pénéplaine
archéenne de l'Assam, s'abaissant assez doucement au Nord vers le
fleuve, mais tombant très brusquement sur les plaines de Sylhet et
de Gachar par un grand pli, ou flexure, du Crétacé et du Tertiaire. Ce
versant est justement d'une instabilité que ne dépasse celle d'aucune
autre région du globe, et les séismes, atténués toutefois, ébranlent
le pays jusqu'au défilé par lequel le Brahmapoutre aborde l'Inde au
rebroussement de l'Himalaya oriental et des chaînes birmanes plis-
sées.
Le géosynclinal longe ensuite, jusqu'à l'Afghanistan, le pied de
l'Himalaya, dont la surrection, si elle était dès longtemps préparée,
n'en était pas moins à peine terminée à Tépoque pléistocëne, telle-
ment que des membres, et non des moindres, du Geological Sur-
vey ofindi a veulent même qu'elle n'ait pas encore dit son dernier mot.
Quoi qu'il en soit, l'âge récent des derniers mouvements exphque
clairement la grande instabilité de ce versant, Népal, Kumaon,
Cachemire et haut Pendjab. Le versant tibétain semble au contraire
à Tabri des désastres des tremblements de terre, quoiqu'on ait
signalé quelques secousses sur le haut Indus, àlskardo par exemple;
ces séismes peuvent être, au moins provisoirement, mis en relation
avec les mouvements orogéniques qui ont porté à une grande alti-
LE GÉOSYNCLINAL MÉDITERRANÉEN OU ALPIN 179
tude les lambeaux éocënes marins de la haute vallée du fleuve et
avec la structure des Klippen postcrétacés de la frontière tibétaine.
L'Afghanistan et le Béloutchistan ont leurs régions séismiques,
mais la géologie en est encore trop peu connue pour qu'on puisse les
rapporter à des événements pailiculiers. Qu'il suffise de faire allusion
aux énormes dislocations qui ont donné lieu au rebroussement de
l'Hindou-Kouch, et de rappeler que non loin de Quettah un tremble-
ment de terre a^ en 1892, réouvert près de Chaman une ancienne
faille.
Le bas Indus subit des séismes notables et graves. Tout le monde
c<mnaît la formation, en 1819, de TAllah-Bund, ou digue de Dieu,
au travers du delta, à la suite d'un tremblement de terre. Mais n'estr
ce pas là que la mer jurassique a, dans ces parages, commencé le
démantèlement du continent gondwanien ?
Le long du 40* parallèle, le géosynclinal projette vers Test une
branche en cul-de-sac par le Turkestan, le Ferghana, la Dzoungarie
et la Kachgarie. Les régions séismiques abondent dans tous ces
territoires, que maintes catastrophes ont éprouvés : ce sont de loin*
taines conséquences de la surrection, à peine terminée à l'aurore
des temps actuels, de l'énorme chaîne du Thian-Chan. En outre, de
grandes failles longitudinales y jouent un rôle séismogénique bien
défini.
La dépression méditerranéenne passe de l'Océan Indien au golfe
d'Alexandrette par le golfe Persique, la Mésopotamie et la vallée
de rOronte, si célèbre par les catastrophes d'Antioche. Son bord sep-
tentrional est presque partout instable, île de Kichm, puis chaînes
plissées de l'Arabistan, du Louristan, duKourdistan etdel'Azerbéïd-
jan en Arménie. C'est dans ces régions qu'on a toujours localisé le
déluge biblique, dont Suess, dans le premier chapitre de la Face de
la Terre, veut faire un événement séismique et cyclonique tout à la
fois.
Le géosynclinal englobe aussi la fosse profonde de la Caspienne
méridionale, où le Mazendéran est au moins pénéséismique au pied
de l'Elbrouz aux sédiments plissés du Dévonien au Tertiaire, tandis
que là vient, au sud de la Caspienne, mourir la chaîne plissée aussi
du Ehorassan, si souvent désolé par les tremblements de terre.
Le Caucase est extrêmement instable sur son versant méridional,
qui est le plus abrupt et tombe sur la vallée de fracture de la Koura,
théâtre des nombreux désastres de Chémakha. Le versant opposé,
plus régulièrement plissé cependant, descend en pente moins rapide
sur la steppe et ne renferme que des régions pénéséismiques entre
180 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0G1QUE
la Caspienne et la mer Noire, ou entre le Daghestan et le Kouban.
Les derniers mouvements du Caucase sont tertiaires ou alpins, et se
sont propagés à Test de la Caspienne par une ride sous-marine
jusqu'au massif de Krasnovodsk, son évidente prolongation, où se
rencontre une région séismique importante.
Quelques séismes criméens attestent la continuation des disloca-
tions balkaniques jusqu'au Caucase, par delà le Pont-Euxin.
Tout le pourtour occidental de TAsie Mineure est à un haut degré
instable, et les séismes y atteignent la plus grande violence du
Bosphore à Métélin, Brousse, Smyrne, Chios et Samos. C'est la con-
séquence de mouvements tertiaires de grande amplitude.
Les séismes de Chypre, d'ailleurs modérés, rappellent sans doute
la présence du synclinal dans lequel s'est déposé le flysch, et qui est
généralement assez instable en avant des plissements alpins de l'Eu-
rope moyenne.
La Crète est séismique, au moins à son angle N. W à proximité
des grands fonds qui la séparent des Cyclades, et c'est à tort que nous
l'avons considérée comme pénéséismique dans un mémoire récent \
La séismicité du Péloponëse est au contraire extrême, ce que per^
mettait de prévoir sa structure, résultant de l'effondrement de lobes
voisins coupés comme à l'emporte-pièce, et cette observation, comme
l'a fait remarquer Suess, se vérifie encore dans la Chalcidique, comme
à Célëbes. Les îles Ioniennes, si souvent et si durement éprouvées,
se trouvent sur le bord d'un très raide talus sous-marin, dominant
de grandes profondeurs et probablement dû à une fracture concomi-
tante de l'effondrement pliocène de la Méditerranée orientale.
Les Cyclades, débris du continent égéen, récemment disloqué et
affaissé, sont à peine pénéséismiques.
Dans la péninsule balkanique, très instable en plusieurs points,
les plissements des terrains secondaires et les effondrements, grâce
auxquels des dépressions se sont remplies de dépôts tertiaires
lacustres, suffisent à rendre compte des nombreux tremblements de
terre qui s'y font redouter.
Les plissements alpins ont débordé la plate-forme russe par les
Carpathes, dont le noyau archéen domine la plaine hongroise, qui
est affaissée, pénéséismique, et où certaines secousses, d'énergie
constante sur de très grandes surfaces, semblent en relation avec
des mouvements d'ensemble. La grande plaine roumaine est péné^
séismique aussi.
* Géosynclinaux et régions à tremblements de terre {Mém, soc. belge de géol. pcdéonL
et hydroL, XVIII, 1904, 243, Bruxelles).
LE 0É08TNCLINAL MÉDITERRANÉEN OU ALPIN m
Dans la Mésopotamie croate, les plis tertiaires se sont heurtés à
un massif ancien^ et les dislocations résultantes donnent lieu aux
centres d'ébranlement bien déQnis de Diakovar et surtout d'Agram.
Si l'ancien massif serbe^ fragment du continent oriental des géo-
logues autrichiens, est à peu près aséismique, par contre la Macé-
doine, TAlbanie etFÉpire sont la proie des tremblements déterre. Or
Suess admet que la ligne Stagno-Pélagosa-Tremiti formait la côte
sud d'une terre miocène, occupant remplacement du bassin septen-
trional de l'Adriatique actuelle, tandis qu'à l'Est le prolongement
de cette même ligne par Dulcigno et Ël-Bassan était le bord septen-
trional d'un lac contemporain, traversant l'Albanie et la Macédoine
jusqu'à Trikkala. Les côtes dalmates, si pittoresquement découpées,
résultent d'un affaissement, représenté au Frioul et au Tyrol par ce
qu'on a appelé les failles périadriatiques, failles dues selon toute vrai-
semblance au même effort avorté sur le continent. Tout cet ensemble
est à un très haut degré séismique, comme aussi les régions voisines
karstiques et plissées de l'Istrie, de la Garniole et de Gôritz; tandis
que la Bosnie et l'Herzégovine sont seulement pénéséismiqucs pour
avoir moins pris part à ces mouvements récents si importants,
contre-partie de la surrection des Alpes.
Toute la ride alpine est, à des degrés variables, sujette aux tremble-
ments de terre, à l'exclusion de son axe cristallin, archéen et pri-
maire, mais seule la partie orientale présente des régions séismiques.
Larépartition de la séismicité y est bien connue maintenant, grâce aux
observations systématiques autrichiennes, italiennes et suisses* La
zone de flysch, déposée en avant des plissements alpins dans un
ancien synclinal rétréci à plusieurs reprises par le processus de la
surrection tertiaire, délimite assez exactement une longue bande
instable. C'est la répétition parfaite de ce qui s'est passé en avant
des plissements hercyniens pour la bande houillëre de l'Europe
moyenne. On verra aussi que la région pénéséismique des Alpes
françaises occupe l'emplacement d'un synclinal du second étage
méditerranéen, circonstance qui s'est déjà présentée ailleurs.
Les Apennins sont probablement une des plus jeunes chaînes du
globe, car le Tertiaire le plus récent y a été relevé à plus de
1 000 mètres. Ajoutant à cela l'affaissement de la Tyrrhénide et de
l'Adriatide postérieurement au Miocène, ainsi que la formation en
Galabre de golfes circulaires lobés au pied de fragments archéens
restés fixes. Ton aura une ample justification de la forte séismicité de
nombreuses régions d'Italie.
Si les Pyrénées n'appartiennent point au géosynclinal méditerra-
182 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
néen, tel qu'il a été tracé par Haug, ce n'en est pas moins une chaîne
plissée dont la surrection date du commencement de Tère tertiaire,
c'est-à-dire un peu avant les mouvements alpins, qui ont atteint leur
maximum au Miocène. Aussi, du golfe de Gascogne au golfe du
Lion, n'existe-t-il que des régions pénéséismiques.
En résumé, dans cette partie de TEurope, les Pyrénées, les Alpes
et les Apennins sont, dans leur ensemble, de séismicités croissantes,
en proportion du moindre temps écoulé depuis leurs surrections res-
pectives.
Le bassin occidental de la Méditerranée est fermé au Sud-Ouest
par la Sierra Nevada en Espagne et l'Atlas tellien en Afrique. Leur
élévation par plissement, ainsi que l'effondrement méditerranéen
simultané et contemporain, sont des événements post-éocënes, qui
expliquent bien, d'une façon générale, l'instabilité des provinces litto-
rales de l'Espagne entre Malaga et Valence et des pays barbaresquea.
Par contre, la Meseta ibérique est aséismique, comme n'ayant pour
ainsi dire point participé à ces mouvements ; elle n'appartient du
reste pas au géosynclinal.
L'embouchure du Tage est très instable et le désastre de Lisbonne
en 1755 lui a donné une triste réputation. Cette région ne fait pas
partie du géosynclinal méditerranéen, pas plus que les Açores, moins
souvent secouées d'ailleurs. Mais on verra plus loin que les mou-
vements alpins ont franchi l'Atlantique pour se faire sentir dans les
Antilles. Ils ont donc traversé l'Océan par un trajet qui, s'il est
inconnu, a pu du moins, par son voisinage, produire des dislocations
qui se manifestent par les tremblements de terre du Portugal et de
r Archipel des Indes occidentales.
CHAPITRE XI
ILES DE LA SONDE ET DU GOLFE DU BENGALE
1. — Java et Sumatra.
he géosynclinal méditerranéen débute le long d'un raide talus
sous-marin de 3000 à 4 000 mètres^ au bord duquel surgissent succes-
sivement Java^ de TEst à TOuest, et Sumatra, du Sud-Est au Nord-
Ouest. La coupure du détroit de la Sonde les sépare. Le versant
opposé à Tocéan Indien est naturellement le plus doux, et un relè-
vement d'une centaine de mètres seulement réunirait leurs plaines
basses du Nord à Bornéo et à TAsie^ en asséchant les mers plates
qui les baignent de ce côté.
Depuis le milieu du xix* siècle » la Société des sciences naturelles
de Batavia' publie annuellement le relevé des phénomènes séis-
miques et volcaniques qu*elle fait observer dans tout l'archipel des
Moluques et des îles delà Sonde — ou Insulinde — par ses nombreux
adhérents, fonctionnaires ou officiers de l'armée hollandaise d*occu-
pation. Leur répartition y est donc très bien connue, et ne présente
plus que les lacunes mêmes de la colonisation, qui se comblent
graduellement avec les progrès de cette dernière. Ainsi les Indes Néer-
landaises comptent parmi les régions du globe les plus avancées, à
ce point de vue.
La constitution géologique réelle de Java a été longtemps mécon-
Hue, masquée qu'elle est par une énorme couverture de produits
éruptifs, mais les nombreux travaux de Verbeek et de ses colla-
borateurs du corps hollandais des mines ont uni par y faire la
lumière. Bordant sur un millier de kilomètres le raide talus de l'océan
Indien, celle île fait aussi partie du socle asiatique, dont les racines
primaires se retrouvent, sinon à Java même où elles sont cachées
en profondeur, du moins aux Karimon-Djawa, à Sumatra, àBilliton
* NatuurkuDdig Tijdschrift door Nederlandsch Indiô. Uitgegeven door de Nataur-
kondige Vereeniging in Ned. Ind., fiatavia.
184
GÉOGRAPHIE 6ÉISM0L0GIQUE
C0
5
I
et à Bornéo, ainsi que dans les
cailloux des conglomérats tertiaires
de Java, constatation de beaucoup
la plus démonstrative. Le substra-
tum est un terrain schisteux, plissé,
continuant celui de Malacca. Les
mers carbonifériennes y ont déposé
leurs sédiments, et les serpentines,
diabases et porphy rites montrent
que l'activité éruptive a commencé
dans cette tle dès le Crétacé; mais
c'est au début du Miocène qu'elle
y a pris son développement le plus
considérable. D'après Schneider \ à
cette époque deux détroits trans-
versaux divisaient Java en trois
parties : celui de Tjéribon, au milieu
duquel s'éleva le volcan de Tjérimaï,
et celui de Soerabaja. Us furent
bientôt comblés par les déjections
volcaniques et en même temps
relevés par le mouvement général
de la fin de l'époque tertiaire, pen-
dant que s'édifiaient les gigantes*
ques cônes actuels, dont un grand
nombre sont encore actifs. Malgré la
couverture éruptive et la variété des
produits qui la composent, on a re-
connu deux rides tertiaires longitu-
dinales constituant l'ossature oro-
graphique de Java, mais qu'il a été
très malaisé de débrouiller, cachée
qu'elle est souvent par les volcans et
submergée par les tufs, les laves, les
cendres et les alluvions volcaniques.
Les tremblements de terre sont
très fréquents à Java, parfois même
' Ueber den vulkanischen Zustand der Son-
da-Inseln und der Molukken im J&hre 1S84
{Jahrb. d. k. k. geol. Reiehsanslall, XXXV, I,
I. Wien, 1885).
ILES DE LA 60NDE ET DU GOLFE DU BENGALE 185
sévères; mais leur intensité n'est pas suffisante pour y avoir
jamais causé de véritables catastrophes, ce qui peut, dans une cer-
taine mesure, tenir à la légèreté des constructions. Il y a tout lieu
de penser qu'ils ébranlent surtout le synclinal compris entre les
deux rides longitudinales. Malgré une dissémination presque uni-
forme des épicentres, on peut cependant distinguer certains dis-
tricts plus particulièrement secoués : le détroit de la Sonde, c'est-à-
dire en môme temps le Sud de Sumatra (Lampong) et l'Ouest de Java ;
la dépression des Préanger, de Soekaboemi à Tjiandjoer, Bandoeng,
Garoet, Tasik-Malaja et Manondjaja; les environs de Tjéribon, où
se montrent les foyers d'Indramajoe, Koeningan et Salem ; la dépres-
sion transversale de Semarang, Ambarowo, Djokjakarta, dont la
séismicité s'étend largement à Touest jusqu'à Pekalongan et Tjilat-
jap, à l'est jusqu'à Karangpandan et Patjitan ; le district de Kediri,
Pasoeroean etBlitar; enfin le centre deBanjoewangi, sur le détroit de
Bali, qui non seulement représenterait une région d'instabilité ana-
logue à celle du détroit de la Sonde, mais qui même aurait été ouvert
au xu* ou xni* siècle, si Ton en croit des traditions indigènes, d'ail-
leurs peu authentiques. L'île plate de Madoera, où se retrouvent le
micaschistes du substratum ancien, participe de la stabilité relative
des basses plaines littorales du Nord, tandis que la côte méridionale
ne paraît pas le siège d'une activité séismique aussi grande qu'au-
rait pu le faire supposer sa situation de haut pays au bord de l'abrupt
talus sous^marin. Si donc ce dernier accident représente une frac-
ture du socle asiatique, il correspond à des mouvements bien éteints,
opinion corroborée par l'absence de vagues séismiques et de secous-
ses sous-marines au large. La séismicité, d'ailleurs non exagériSe, de
Java doit donc être, en définitive, attribuée d'une façon générale aux
derniers efforts qui l'ont façonnée à la fin de l'époque tertiaire, en
érigeant ses deux rides longitudinales montagneuses par plissement
des sédiments de cet âge.
La proximité presque constante des centres séismiques et des
évents volcaniques ne permet pas de montrer l'indépendance des
deux ordres de phénomènes à Java, où les tremblements de terre
peuvent trouver de très suffisantes causes dans les dislocations
cachées sous le manteau superficiel éruptif, mais sans qu'il soit
actuellement possible de définir pour les divers foyers d'ébranlement
les accidents à rôle séismogénique. La disposition des volcans, et
la présence de roches éruptives plus anciennes, montrent seule-
ment que toute l'île a formé dès le Crétacé une bande de moindre
résistance, sur laquelle les mouvements tertiaires ont pu se produire
186 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0LOGIQUE
en toute liberté et laisser comme souvenir les tremblements de terre
qui l'agitent.
Des traditions, dont le bien fondé n'est pas vérifiable, et rapportées
par Raflles *, font ouvrir le détroit de la Sonde, entre Java et Sumatra,
par un gigantesque tremblement de terre, qui aurait dépassé de
beaucoup en violence l'explosion du Krakatoa (27 août 1883),
paroxysme volcanique bien connu par la disparition de l'île du même
nom et d'une partie de ses voisines. Les vagues qui en furent la
conséquence désolèrent les côtes opposées du détroit; signalées
par les marégraphes du monde entier, c'est qu'elles firent effective-
ment le tour du globe. Devant la grandeur de tels effets mécaniques,
l'on peut supposer que le fait traditionnel, mentionné par Baffles,
n'a rien d'impossible.
La constitution géologique de Sumatra est peut-être plus simple
que celle de Java ; en tout cas, elle apparaît plus clairement, les
produits volcaniques l'ayant moins complètement submergée.
Tous ses éléments sont alignés N. W.-S. £., comme le talus de
l'Océan Indien sur lequel est implantée directement une longue
chaîne d'îles morcelées, de Simaloe à Engano, îles principalement
formées de Miocène. Le littoral même de l'ouest de Sumatra est
constitué de produits éruptifs et détritiques tertiaires, tandis que plus
à l'Est, et toujours suivant la même direction, s'allonge la traînée
des volcans actuels, actifs ou éteints, qui ont surgi sur le flanc
abrupt, continuant le talus sous-marin de la grande chaîne longi-
tudinale de l'île. Celle-ci est formée d'Archéen. Le versant opposé,
large et plat, fait contraste avec celui de l'Océan Indien, étroit et
raide. L'ossature principale de Sumatra a été, dès les temps les plus
reculés, une bande mobile, soumise à des mouvements considérables,
qui se sont perpétués jusqu'à la fin des temps tertiaires, et donnent
raison de ses séismes.
Les tremblements de terre ébranlent Sumatra presque exclusif
vement sur son versant océanique, confirmant ainsi pleinement
les lois de relation entre le relief et la séismicité. Beaucoup d'entre
eux ne font que mordre sur le littoral, de sorte que leur origine
doit être cherchée dans le bras de mer qui le sépare de la chaîne des
îles occidentales, dont quelques-unes, comme Poelo Nias, ne le
cèdent en rien à la grande terre comme instabilité. Il faut provisoire-
ment supposer que, les colons hollandais y étant beaucoup moins
nombreux que dans les autres îles de la chaîne, l'absence de séismes
• The Hislory of Java (ï, 25. H, 232. London, 1817).
Fig. 24. — Sumatra.
188 GÉOGRAPHIE 6ÉISM0L0GIQUE
mentionnés pour elles n'est qu'apparente, et qu'elles sont tout aussi
instables que la précédente ; elles seraient actuellement à l'abri de
l'observation, mais non des tremblements de terre. Le talus d'effon-
drement de rOcéan Indien à l'extérieur de ces îles représente-t-il une
fracture restée mobile? La question est difficile à résoudre par Taffir-
mative, malgré la grande probabilité de cette solution, car on ignore
si les tremblements de terre à épicentres sous-marins ne font que
mordre la ligne des îles, auquel cas ils émaneraient de l'isobatbe de
4 000 mètres, c'est-à-dire de la lèvre même de l'accident. On notera
cependant, en faveur de cette suggestion, que des vagues séismiques
s'observent de Poelo Nias à Poelo Bras à la pointe d'Atchin, contrai-
rement à ce qui a été dit de Java. Les circonstances ne sont donc pas
identiques.
Le tremblement de terre de la nuit du 5 au 6 janvier 1843 a été
suivi de vagues séismiques désastreuses à Poelo Nias. D'après la
relation qu'en donne Kluge*, l'axe de son aire pléistoséiste était
dirigé perpendiculairement à la côte extérieure de Sumatra, et le
temps assez considérable qui s'est écoulé entre le séisme et Firrup-
tion de la mer montre que l'épicentre était situé au large de la chaîne
des îles, c'est-à-dire au voisinage du pied du talus sous-marin.
Ainsi l'accident pourrait avoir joué à cette occasion, ainsi que d'autres
fois, en un de ses points où les mêmes phénomènes ont eu lieu.
Toute la côte est instable depuis Atchin, ou Atjeh, jusqu'au
détroit de la Sonde, mais sans dépasser beaucoup la crête longitu-
dinale. La lacune des observations au nord de Singkel ne résulte
bien certainement que de ce que cette partie n'est pour ainsi dire
pas encore conquise; à tel point que les informations séismiques
suivent, dans la publication mentionnée de Batavia, les fluctua-
tions des campagnes de l'armée hollandaise contre les farouches
sultans du Nord. Si l'on compulse ces catalogues annuels, on voit
que, jusque vers 1872, les secousses ébranlent surtout la côte de
Tapanoeli et de Padang, tandis que depuis ce sont celles de Beng-
koelen et de Lampong pour lesquelles, de beaucoup, on en enregistre
le plus. Il y a là une anomalie difficilement explicable. Ce serait avec
la plus grande réserve qu'on pourrait y voir un phénomène naturel,
àsavoir le brusque transport de la séismicité d'une région à une autre
voisine, phénomène dont il n'existerait d'analogue nulle part ailleurs.
Il vaut mieux, tout au moins provisoirement, supposer un changement
* Veber Syncftronismus und AntagonUmtu von vulkanischen Eruptionen und die
Beziehungen derselben zu den Sonnen flecken und erdmagneiischen Variationen, p. 4*
(Leipzig, 4863).
ILES DE LA SONDE ET DU GOLFE DU BENGALE 189
dans la répartition des correspondants de la société de Batavia,
ce qui pourrait provenir de changements dans les parties les plus
colonisées ou exploitées par l'élément hollandais et européen;
Le tremblement de terre du i7 mai 1892 paraît, d'après les
mesures géodésiques de Muller S avoir causé de très légères varia-
lions^ par déplacements de masses, dans le réseau trigonométrique
de la province de Tapanoeli.
Le versant océanique ne présente point partout une pente régu-
lière ; il est accidenté longitudinalement par une série de dépres-
sions de même direction, lacustres ou fluviales, parallèles à la
côte, — lac Toba, Mandheeling, hautes terres de Padang, lac
Singkarak, ou Laoet Soemper, — où parfois pénètrent, au travers
de la chaîne archéenne et primaire, les cours supérieurs des fleuves
du long versant opposé. Ces territoires forment ainsi, en quelque
sorte, un synclinal secondaire, souvent interrompu et morcelé, et
sont aussi instables que le littoral lui-même.
On sait peu de chose sur le versant oriental de la chaîne des
Barisan ; les régions instables de la côte de l'Océan Indien débordent
l'ossature montagneuse au moins dans le Tebing Tinggi et le
Ranau. Des études géologiques récentes ont été faites dans l'Ulu-
Rawas, entre les fleuves Batang-Rawas et Batang-Rupit, sur le
parallèle de Bengkoelen, et l'on en peut déduire les causes d'insta-
bihté, qui très probablement peuvent s'étendre à tout le versant*.
Contre l'ossature primaire s'appuient de TOuest à l'Est un substratum
de couches de la « formation malaise » (Précambrien), de l'Éocène
et du Néogène, celui-ci beaucoup plus développé ; ces couches ter-
tiaires sont affectées de plis très plats ; enfln deux dislocations impor-
tantes, dont l'une se dirige vers le foyer d'ébranlement de Tandjong
Agoeng, découpent un massif affaissé et ont facilité la sortie des
andésites et autres produits éruptifs tertiaires. Il y a donc un ensemble
de conditions tectoniques amplement suffisant pour justifier les
quelques séismes du flanc oriental de la chaîne des Barisan, au
moins là où on les a signalés.
La grande plaine de l'Est parait à peu près indemne de tremble-
ments de terre ; cette stabilité résulte de ce que les mouvements
* Nota betreffende de Terplaatsing van eenige triangulatie-Pilaren in do Residentie
Tapanoeli ten gevolge van de aardbeving van 17 v. 1892 {Nai. Tijdschr, voor Ned.
hdiè. Dl. LIV. Derde afiev. 298, 1895).
' L. Uilch. Beiir&ge zur Pétrographie der Landschaft Ula Rawas, Sûd-Sumatra {N.
Jahrb. f. Min, GeoL u. Pal, XVIII, 409. Stuttgart, 1904).
W. Volz. Zur Géologie von Sumatra. Beobachtungen und Studien [Anhang 1 in
Gtol, u. Pal. Abhandl., kerausgegeb. van E. Koken. N. P. VI. Heft 2. Jena, 1904).
190 GÉOGRAPHIE 8ËISMOL0GIQUE
tertiaires n'ont pas atteint cette ancienne plateforme, seulement
recouverte par les débris alluvionnaires de la chaîne, et cette consti-
tution reste la même pour les tles de Bangka, Billiton et Riouw, dont
le Bubstratum archéen n'est séparé de la grande île de Sumatra q«»
par des canaux sans profondeur, à moitié colmatés par les apports
fluviaux. Quelques rares secousses agitent ces terres, formant avec
la presqu'île de Malacca une région à peine pénéséismique. Elles
n'appartiennent d'ailleurs pas en propre au géosynclinal méditerra-
néen, mais bien plutôt au continent sino-sibérien, non plissé à
l'époque tertiaire, et seulement démembré dans sa partie méridio*
nale par des cassures peu profondes qui en ont séparé ces îles, géo-
graphiquement seulement.
2. — Malacca et lies Andaman et Nicobar.
L'isthme de Kra est archéen, tandis que le Sud de la presqu'île de
Malacca est constitué par des granités, des schistes archéens et des
terrains primaires. Les chaînes anciennes et parallèles, embrassant
l'île de Poeloe-Pinang, déterminent l'élargissement de la péninsule.
On ne doit donc pas s'attendre à une grande instabilité, et c'est bien
ce qui semble résulter de pauvres observations faites de temps à
autre à Malacca, Singapore et Poeloe-Pinang. On peut se demander
si cette longue bande de terres fait vraiment partie du géosynclinal
secondaire, quoique Haug Vy ait englobée. En tout cas, les mouve-
ments tertiaires paraissent avoir respecté la longue péninsule.
Les îles Nicobar, Andaman, Cocos et Préparis forment un arc
réunissant TArracan à Sumatra ; elles reposent sur un étroit et long
seuil, qui nulle part ne descend à plus de 200 mètres au-dessous du
plan d'eau, et qui est bordé de chaque côté par des profondeurs de
2 000 mètres et plus dans les golfes de Martaban et du Bengale.
La ligne volcanique du bas Iraouaddy l'accompagne par les éventa
éruptifs de Narcondam et de Barren Island. Ces caractères ne font
pas prévoir une grande séismicité, puisque les actions récentes se
restreignent à l'affaissement de TOcéan Indien, sans plissements ni
surrections importantes. Et en effet, s'il ne s'y est pas fait d'observa-
tions suivies, on sait cependant qu'en 1847 un grand tremblement
de terre, avec de nombreux chocs consécutifs, s'est fait sentir dans
les Nicobar et avait son origine non loin de l'îlot de Kendoel ; mais
rien de semblable ne s'est reproduit depuis. Ce dernier archipel
passait pour instable depuis que Suess avait rapporté une informa*
ILES DE LA SONDE ET DU GOLFE DU BENGALE 191
tion de W. Porter, d'après laquelle les indigènes de ces îles adoraient
deux seules divinités, Ëranchangala et Juruwinda, présidant respec-
tiveoient aux tremblements de terre et aux typhons ; mais
R. D. Oldham a bien voulu nous écrire que cette affirmation était
erronée. Ainsi tombe l'argument en faveur de l'instabilité. Les
Nicobar appartiennent à une zone d'affaissement et les Andaman à
une zone d'exhaussement ; ces deux mouvements de sens contraires
équivalent à un basculement du socle, et jouent peut-être un rôle
séismogénique limité aux quelques secousses observées.
CHAPITRE XII
HIMALAYA ET DÉPENDANCES
1. — Arraean, Birmanie, Tibet méridional et Tun-Nan.
Cette région, au moins dans sa partie la mieux connue^ Arraean,
bassin inférieur de Tlraouaddy et versant droit de la vallée du Sit-
taung, appartient presque entièrement aux formations tertiaires,
tandis que TArchéen apparaît au delà de ce dernier fleuve et autour
de Mandalay. Les plis de cette époque sont très étendus et couvrent
la plus grande partie des monts Patkoï, dont les plus anciennes
roches sont crétacées. L'énergie du plissement se manifeste en outre
par des dislocations proportionnées, et Tune d'elles, à la lisière de
la haute vallée de Tlraouaddy, montre une longue traînée de serpen-
tine. Cette structure s'étend au Tibet méridional et au Yun-Nan.
Aussi les tremblements de terre sont-ils fréquents et redoutables dans
tous ces pays. Malheureusement, les informations séismiques sont
encore bien insuffisantes dans le détail, et il n'a jamais été fait
d'observations systématiques.
Manipur est certainement un important foyer d'ébranlement;
mais les détails manquent. Les chaînes plissées de Patkoï sont
suivies des Lushaï Hills, dont on ne connaît qu'un séisme à Fort-
Aijal, renseignement insuffisant pour établir une instabilité, probable
cependant par suite du plissement. Toute la vallée de Tlraouaddy
est de haute séismicité; à Bhamo les habitants considèrent les
secousses du sol comme un phénomène normal, et les villes d'Ava et
d'Amarapoura ont été plusieurs fois dévastées. De Bhamo à Ava,
le fleuve coule dans une vallée de plissement et l'on y a peut-être
affaire à des séismes de ce genre d'action, tandis que plus au Sud
jusqu*à Rangoon, il faut tenir compte d'autres phénomènes : une faille
des formations tertiaires suit le flanc oriental de l' Arraean Yoma,et
se manifeste par de nombreuses sources salines et les importants
gisements pétrolifères de Yenangyaung ; les plissements du côté du
HIMALAYA ET DÉPENDANCES
193
Sittaung, beaucoup plus énergi-
ques que ceux de TArracan
Yoma ; enfin la ligne volcanique
de moindre résistance, et d'époque
miocène, jalonnée par les volcans
éteints de Popa-Doung, au S. E.
de Pagan et du Chouk-Talon dans
la vallée du Basseïn, la branche
occidentale du bas Iraouaddy.
Cette dernière ligne se prolonge
évidemment par Narcondam et
Barren Island, c'est-à-dire par le
seuil immergé de jonction avec
Sumatra, tandis que la grande
vallée birmane se continue par
les profondeurs du golfe de Mar-
taban.
On voit souvent les mouve-
ments tertiaires succéder à d'au-
tres plus anciens, de sorte que
les tremblements de terre actuels
ne font probablement que conti-
nuer aux mêmes lieux ceux des
époques antérieures. Tel doit être
le cas de la Birmanie, où la dis-
cordance du Westphalien sur les
terrains plus anciens montre que
les plis tertiaires se sont super-
posés aux plis hercyniens au sein
du même géosynclinal.
La chaîne plissée de TArracan
court le long de la côte du golfe
du Bengale et atteint le cap Ne-
grais, avec une dépression à hau-
teur de Sandoway. L'instabilité
semble restreinte à sa partie
Nord, autour de la Montagne
Bleue, ou Kausa-Tong, et sur-
tout aux environs de Chittagong,
ou Islamabad. Une fois de plus le
plissement paraît bien ici jouer un
Di MoiiTBWQt. — Tremblements de lene.
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Pig. 25. — Birmanie et Iles du golfe
da Bengale.
rôle séismogénique, compliqué de
13
194 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
mouvements d'exhaussement. La côte se serait élevée sur 100 milles
de long au grand tremblement de terre du 2 avril 1762. Au con-
traire, dans la partie méridionale» les séismes disparaissent presque
complètement et font place aux éruptions boueuses et aux sources
de pétrole qui les accompagnent et les avoisinent.
Entre le coude du Brahmapoutre à Sadiya et celui du fleuve
Bleu, ou Yang-Tsé-Kiang, s'étend vers le Tibet oriental et le Yun-
Nan une vaste région, où quatre fleuves rapprochés coulent parallè-
lement du Nord au Sud, attestant ainsi que leurs vallées sont de
grands synclinaux ; ces plis ont été produits par une énergique poussée,
arrêtée àTEst par la masse du Tsing-Ling dans le pays des Sifans et
des Lolos. Ces plis divergent en éventail lorsqu'ils arrivent au Yun-
Nan, et tout porte à croire que ces mouvements sont contemporains
de la surrection de la chaîne himalayenne, c'^est-à-dire fort récents.
Aussi ne s'étonnera-t-on pas que cette région soit le siège de vifs
tremblements de terre; Ba-Thang a été dévastée en 1870. Les séismes
régnent vers l'Est jusqu'à Moulmeïn, Ta-Li-Fou et Yun-Nan-Fou,
accompagnant ainsi les plis divergents, qui paraissent bien en être la
cause première. D'ailleurs un important géosynclinal a occupé le
Yun-Nan pendant toute l'ère primaire, sinon môme l'ère secondaire,
ainsi qu'en témoignent les fossiles rapportés par Lantenois de son
exploration de 1903*. Le Tertiaire y est localisé dans des cuvettes
lacustres attribuables à des effondrements, et le niveau des lacs ne s'y
est abaissé qu'au commencement du Quaternaire. On a ainsi des cir-
constances séismogéniques probablement analogues à celles de la
péninsule des Balkans.
2. — Assam.
C'est par l'Assam que commencent les territoires qu'ont, dans
l'Inde proprement dite, affectés les mouvements tertiaires, et dont
les tremblements de terre ont été l'objet du catalogue de T. Oldham,
déjà mentionné au sujet de l'Hindoustan. Pour le bassin du Braluna-
poutre, on a en outre les observations recueillies de 1839 à 1843 par
le capitaine Hannay % de 1874 à 1880 par le colonel Keating', et les
* H. Mansuy. ExanMO des fossiles rapportés de Yun-Nan par la mission Lantenois
(C. R. Ac. Se. Paris, GXL, 692, 1905).
' Mémorandum of Ëarthquakes and other remarquable occurences in Upper Âssana*
from January 1839 to September 1843 {Journ. of the Aaiatic Soc. of Bengal, XII, n* 1^2,
907, 1843).
' The Joum: of Ihe Asiatic Society of Bengal, XL VI. Part U, 294. L. 4. 62.
HIMALAYA ET DEPENDANCES
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IM GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
mémoires de R. D. Oldham ^ relatifs au grand tremblement de terre
du 12 juin 1897 et à ses innombrables secousses consécutives. La
répartition de l'instabilité dans TAssam est ainsi fort bien connue. Une
station séismographique est installée depuis longtemps à Shillong.
L'Assam est un plateau montagneux de roches cristallines et gra-
nitiqueSy grossièrement allongé de TOuest à TEst sur 400 kilomètres
de long et descendant vers le Nord en pentes douces sur le Brah-
mapoutre en amont de son coude de Dhubri, c'est-à-dire de son
entrée dans les plaines du Bengale. Le versant méridional, beaucoup
plus raide, est au contraire formé par des couches crétacées et ter-
tiaires plissées, qui plongent brusquement sur la plaine alluviale des
Sylhet Streams,le long d'une immense faille, ou flexure, dirigée W. E.
Ensuite cette dislocation court au N. E. et longe le flanc N. W. de la
vallée de la Damsiri jusque près de Golaghat par les Mikir et
Naga Hills. Les couches crétacées et tertiaires s'amincissent natu-
rellement vers le Nord, car elles se sont déposées le long d'un rivage
peu incliné de la mer méridionale, s'arrètant là contre le plateau, et
les secondes reparaissent de nouveau de l'autre côté des Sylhet
Streams. Ainsi, elles ont été violemment abaissées par une flexure
résultant d'un énergique plissement, constituant un synclinal à
moitié comblé par les alluvions. Les Garo, Khasi et Jaintia Hills,
ou l'Assam proprement dit, forment une pénéplaine archéenne
dénudée avant le creusement des vallées inférieures, car ces der-
nières sont beaucoup plus étroites et abruptes que leurs parties
d'amont, dont elles sont séparées par des rapides et des cascades.
Le plateau a donc subi un mouvement d'élévation assez récent, et
plus prononcé au Sud qu'au Nord, c'est-à-dire qu'il a basculé ; les
rivières, faute du temps nécessaire pour adoucir les profils trans-
versaux de leurs basses vallées, n'ont fait encore que les appro-
fondir au fur et à mesure de l'exhaussement, sans avoir pu les élar-
gir en même temps. Ces vicissitudes grandioses n'ont pas été sans
de grandes dislocations, et des roches éruptives ont surgi près de
Shillong, tandis que la pénéplaine était fendue par de nombreuses
failles secondaires. Les efforts de compression venant du Sud se
manifestent de ce même côté, par les plissements des couches sédi-
mentaires crétacées et tertiaires.
Tout fait ainsi prévoir une grande instabilité, et, en effet, TAssam
* Earthquake of 12^1^ June 1897 (Records of the geoL Survey of India, XVH, Part S.
1884, 87) ; Id. Report on the great earthquake of it^ June 1897 {Mem, of the geol. Sur-
.vey of ïndia, XXIX, 1899) ; Id, List of aftershocks of the great earthquake of 12(i> Juoe
1897 {Id„ XXX, Part 1, 1900).
HIMALAYA ET DÉPENDANCES 107
est une des régions du globe où les tremblements de terre, outre une
grande fréquence habituelle, atteignent la plus grande énergie. Ainsi,
celui du 12 juin 1897 est un véritable événement historique, de tout
point comparable à ceux de Lisbonne en 1755, du Japon en 1891, et
d'Antioche dans le haut moyen âge. Le tremblement du Cachar ' du
10 janvier 1869, et les nombreuses secousses observées dans la
vallée du Brahmapoutre montrent que l'instabilité s'étend aux deux
dépressions ou synclinaux qui, au Nord comme au Sud, bordent le
plateau de TAssam. Ce séisme de 1897 a donné lieu à de très nom-
breuses études, et R.D.Oldham, en raison de Timmense étendue de son
aire épicentrale, ou pléistoséiste, y a vu un mouvement d'ensemble.
Aux environs de Shillong, des observateurs attentifs et dignes de foi
ont accusé des changements topographiques importants, qu'une revi-
sion de la triangulation géodésique n'a point infirmés, au contraire,
sans pourtant les laisser à l'abri de toute objection. Lors de ce
grand tremblement de terre, plusieurs failles transversales se sont
produites sur le plateau, témoignant ainsi que les efforts grâce aux-
quels la pénéplaine doit sa situation actuelle ne sont pas encore
complètement éteints, et que sans doute l'instabilité générale,
dont il est ici question, n*a pas d'autre origine. Malheureuse-
ment, les études de détail sont encore insuffisantes pour décider
si la répartition habituelle des secousses atteint son maximum sur
le plateau lui-même ou le long des deux dépressions du Brahma-
poutre et des Sylhet Streams. Dans le premier cas, il nous semble
que le rôle séismogénique principal appartiendrait au mouvement de
bascule et dans le second au plissement, sans qu'on puisse se fier
aa plus grand nombre de secousses actuellement enregistrées à Tura
et à Shillong, villes importantes du massif qui peuvent, au moins
dans une certaine mesure, n'être que des épicentres apparents par
accaparement de chocs venus d'ailleurs. Suess fait de l'Assam une
dépendance géologique de la péninsule hindoue stable ; il faut donc
bien que sa séismicité ait une origine externe : ce sont, sans
aucun doute, des poussées dues à la surrection de l'Himalaya.
Le grand tremblement de terre du 12 juin 1897 a été accompagné
de la formation de failles importantes au sud de Goalpara, dans les
Garo Hills, et au Sud-Ouest de Gowhaty ; la première présentait un
développement de 5 milles et un rejet de 2 pieds seulement. Sauf
quelques petites cassures du centre des Garo Hills, toutes se sont
' T. Oldham. The Cachar earthquake of January 10^^ 1869 (Mem. of the geoL Survey
oflndia, XIX, Part i, 1»82).
198
GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
rencontrées sur le versant septentrional de la pénéplaine de rAssam,
doucement inclinée vers le Brahmapoutre.
Des séismologues pensent que lors des grands tremblements de
terre suivis d'un nombre considérable de chocs consécutifs^ il se mani-
feste une tendance à une marche systématique de Tépicentre dans
une direction déterminée, comme si une fracture terrestre se prolon-
geait progressivement sous Teifort des secousses, de la même
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7.x.
Fig. 27. — Centre mensuel des moyennes distances des épicentres des 5 238 chocs
consécutifs au tremblement de terre de l'Assam du i2 juin 1897.
façon que l'on voit s'étendre graduellement une cassure d'une plaque
de verre. Le séisme de TAssam nous a donné l'occasion de véri-
fier ces inductions ^ Nous avons pris les épicentres des 5 238 chocs
consécutifs dont nous avons déterminé approximativement l'ori-
gine au moyen des localités ébranlées par chacun d'eux^ et nous
avons vérifié par le calcul que leurs épicentres ne suivent absolument
aucune loi relative au temps, et qu'ils passent au hasard de lune à
l'autre des diverses parties de l'immense région épicentrale primi-
tive.
De son coude à Dhubri jusqu'au défilé par lequel il pénètre dans
* Ueber das vermeintlich regelmassige Forlschreilcn des Epicentrums bei Erdbebeo
mit zahreichen Nachbeben (Die Erdbebenwarte, II, 1902-1903, 15. Laibach).
HIMALATÂ ET DÉPENDANCES 199
rinde, le Brahmapoutre voit sa vallée souvent ébranlée par des
tremblements de terre. Ceux du district Lakhimpur-Sadiya sont
très certainement autonomes ; quant à ceux d'aval, Tezpur, Nowgong,
Gowhati, Goalparahet Dhubri, pour ne citer que les épicentres appa-
rents les plus instables, il est actuellement encore à peu près impos-
sible de dire s'ils sont propres au synclinal fluviatile, s'ils corres-
pondent à une région séismique de l'Himalaya oriental, ou s'ils ne
sont que des séismes de TAssam : les deux dernières suppositions
sont possibles, mais ne peuvent être encore tranchées, la pénétration
anglaise ayant peu débordé la vallée, surtout au Nord versleBhoutan.
3. — Himalaya et plaine indo-gangétique.
L'Himalaya est une chaîne récente, dont la surrection d'origine
reculée s'est continuée au moins jusqu'au Pliocène. Elle résulte
d'une compression S. N., et le profil en V de ses profondes et étroites
vallées montre la rapidité du mouvement d'élévation pendant lequel
les torrents ont creusé leurs lits, au fur et à mesure du mouvement
du fond et avant que les parties supérieures aient pu être adou-
cies par la dénudation. Elle est plissée et disposée en gradins
successifs. Aux collines de Siwalik, le Pliocène présente une puis-
sance considérable par suite de la dégradation de la lèvre soulevée
de la grande dislocation himalayenne. Ces hauteurs correspondent
à la mollasse alpine, déposée dans un synclinal en avant du
plissement alpin ; de la même façon, elles forment maintenant
un anticlinal dont le versant Nord plonge vers la chaîne principale.
En arrière, les dépressions des Dun bordent les roches métamor-
phiques de l'Himalaya, et au delà l'axe archéen se dresse ainsi
qu'un mur précédé de gigantesques escaliers. Au delà vers l'est,
ces caractères disparaissent à Darjiling, qui est au pied du massif
gneissique oriental. Les plissements présentent leur maximum à
Rawal Pindi, hors de l'Himalaya, là où les calcaires jurassiques
horizontaux reposent sur les couches nummulitiques, et l'énergie de
l'effort S.-N. se manifeste par les actions dynamo-métamorphiques
qui ont modifié les traits de structure des roches. Tous ces grands
mouvements ont occasionné des dislocations de même ampleur,
et plusieurs des savants du Geological Survey of India pensent
même que la surrection de l'Himalaya n'a pas encore dit son der-
nier mot. Sans aller jusque-là, il suffit que ce phénomène se soit
terminé à une date assez récente pour jouer un rôle séismogé-
200
GÉOGRAPHIE SEISMOLOGIQUE
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HIMALAYA ET DÉPENDANCES 201
nique indéniable, et c'est bien sur quoi tout le monde s'accorde. En
outre, la grande faille des Siwalik aurait encore été accentuée pen-
dant le Pliocène, observation d'OIdham qui peut aussi, dans une
certaine mesure, expliquer la séismicité du pied de la chaîne.
Les tremblements de terre n'ayant pas été dans ces régions
l'objet d'études systématiques, on ne connaît les districts séismiques
d'une façon approximative que par la répartition des ravages
causés.
Le Cachemire est sûrement la partie la plus exposée ; mais si la
structure géologique du pays ne donne pas encore clairement les
raisons d'instabilité dans le détail, par contre les causes générales
surabondent. La voûte himalayenne s'épanouit devant le massif
du Karakorum, de manière que les cimes formées de terrains
paléozoîques et mésozoïques dominent la dépression du Cache-
mire, dont l'axe de plus de iOO kilomètres de long a sa direction à
peu près S. E.-N. W. Un ancien lac tertiaire, remplissant l'énorme
amphitéâtre, s'est à plusieurs reprises vidé partiellement, sous l'effet
de violents mouvements tectoniques qui ont inscrit leurs consé-
quences par des terrasses alluviales à différentes hauteurs. Des
plis de grande amplitude ont été tordus, charriés et écrasés. Tous
ces traits concordent avec le brusque changement de direction
de l'Himalaya, et les dislocations concomitantes d'ampleur propor-
tionnée rendent compte de la très grande instabilité séismique du
Cachemire, qui a été souvent désolé ^
On est peu renseigné sur les tremblements de terre du haut Indus.
Néanmoins quelques secousses signalées à Iskardo et à Gilgit
pourraient faire admettre pour cette partie de la chaîne une instabi-
lité que le relief exagéré du Moustag-Ata et du Karakorum expli-
querait^ comme conséquence de dislocations proportionnées.
Une seule secousse connue au Tchitral (1905) ne permet pas de
soupçonner ses véritables conditions séismiques.
Les environs de Peshawar, Rawal Pindi et Attock sont très sou-
vent ébranlés, sans qu'on y connaisse de véritable catastrophe.
Cependant les anciens châteaux forts des hauts sommets, ou des
passes des montagnes, montrent bien des dégâts qu'il est difficile
d'attribuer entièrement aux effets du temps ou aux déprédations des
guerres d'autrefois. Une grande dislocation, traversée par de nom*
breuses failles moindres, sépare le bassin tertiaire de Rawal Pindi
des formations plus anciennes. On doit lui attribuer un rôle séis-
' E. J. Jones. Notes on Uie Kashmir eartbquake of 30^^ May 1883 (Records oflhe gêoL
Suney of India, XVHI. Part 3, 153, 1885).
202 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
mogénique, ainsi qu*au grand chevauchement, déjà mentionné, du
Jurassique sur le Nummulitique.
Les renseignements séismiques font encore défaut sur le Chamba,
et c'est après en avoir étudié la géologie que le colonel Mac-Mahon^
pense, avec d'autres géologues, que l'Himalaya subit encore un lent
mouvement de surrection.
De Simla à Naini-Tal, le Sirmour, le Garhwal et le Kumaon sont
très fréquemment secoués et si l'on y a pas enregistré de désastres,
c'est probablement parce qu'il n'y existe pas de villes pouvant être
renversées. Il y a bien dans le Jaunsar une grande faille, de Komain
à Mudhaul, à laquelle on pourrait être tenté de faire jouer un rôle
séismogénique, suggestion que nous avions énoncée dans un travail'
sur les tremblements de terre de l'Inde. Mais R. D. Oldham a bien
voulu rectifier cette hypothèse dans une note (p. 6) de ce mémoire, en
disant que cette dislocation particulière ne peut avoir aucune influence,
n'ayant pas été le siège de mouvements récents — objection à elle seule
d'ailleurs insuffisante, à notre sens — , et il ajoute qu'à l'Ouest, et non
loin de là, dans la vallée de Giri, une faille montre un mouvement
moderne qui a dû accompagner un tremblement de terre sévère,
peut-être dans les temps historiques. Les secousses sont fréquentes
au Népal, et Katmandou a eu souvent à en souffrir. Il y a donc là
une région séismique, au sujet de l'existence de laquelle on ne peut
encore invoquer que les causes générales d'instabilité de la chaîne
plissée. Il en est de même du Sikkim, où Darjiling ressent en outre
des secousses de relai venant de l'Assam, comme cela s'est produit
un assez grand nombre de fois pendant la période des nombreux
chocs consécutifs du grand tremblement de terre du 12 juin 1897.
L'Himalaya oriental est, à tous les points de vue, fort peu connu. Le
changement de structure de la chaîne empêche de faire aucune suppo-
sition sur sa séismicité. Le Bhoutan éprouve certainement le contre-
coup des secousses de l'Assam, si toutefois il n'en subit pas de propres.
Le Sait Range est le dernier district instable à signaler. C'est une
chaîne en forme de croissant, à convexité tournée vers le S. S. E.
et qui, comprimée entre l'Himalaya et le Soliman Range septen-
trional, sert sur la rive gauche de l'Indus de soubassement aux
avant-chaînes tertiaires. Cet anticlinal rompu présente les accidents
tectoniques les plus variés et les plus énergiques, aflaissements
* Some furthcr notes on Uie geology of Ghamba (Records Geol. Survey oflndia, XVIIl.
Part 2, 79, 188y).
' The seismic phcnomena in Britisli India, and Iheir connection with ils geology
(Afem. Geol. Survey of India, XXXV, Part 3, 1904).
HIMALAYA ET DÉPENDANCES 203
locaux, plissements et fractures. Une importante dislocation venant
du S. S. W., s'étend sur 300 kilomètres de long, traverse le Sat-
ledj et atteint le JheJam, après avoir passé près du Ghenab; elle
est accompagnée d'une autre plus courte; mais comme l'instabilité
ne dépasse pas le versant méridional du Sait Range, c'est qu'ayant
définitivement perdu toute mobilité, elle ne joue plus aucun rôle
séismogénique. Les séismes de la chaîne résultent donc seulement
de ses dislocations intérieures. Il est intéressant de noter qu'aux
temps géologiques, la plate-forme hindoue se terminait dans ces
parages.
Dans le Bengale, on signalera le district pénéséismique de Rang-
pur et de Cooch-Behar ; dans ce dernier pays, les roclies sont les mômes
que celles de TAssam. L'avenir seul pourra décider si cette commu-
nauté de constitution s'étend à une instabilité d'ailleurs beaucoup
moindre. Plus près de la mer, les séismes ne sont point absolument
inconnus, mais des causes bien définies d'instabilité n'apparaissent
pas clairement. Tout ce qu'on peut dire, c'est que ces régions basses
ont été le siège de mouvements récents, plus importants par leur
extension que par leur amplitude verticale. Mais les géologues indiens
ne s'accordent pas complètement sur leur nature : les uns pensent
que le bas Brahmapoutre aurait été dévié vers l'Ouest par un exhaus-
sement de la jungle de Madupore, tandis que d'autres croient qu'un
affaissement de la vallée aurait donné le même résultat, sans aucun
changement de niveau de la jungle. Il serait téméraire, dans ces con-
ditions, de faire jouer un rôle séismogénique à ces mouvements
encore discutés. Mais si TAssam et le Behar ne sont que des frag-
ments de l'Hindoustari démembré, comme le pense Suess, et séparés
plus tard par le synclinal gangétique, se dirigeant vers le Sud dans
la direction de la côte ou de la chaîne d'Arracan, le bas Bengale
devient une zone d'effondrement, par lequel l'Assam aurait été isolé ;
et, dès lors, il est tout naturel de penser que de grandes dislocations
doivent se cacher sous l'énorme épaisseur des alluvions et suffire à
donner une explication satisfaisante des quelques séismes en ques-
tion ; d'autant plus que certains d'entre eux, à épicentres d'ailleurs
assez mal déterminés, ont, comme celui du 14 juillet ^885*, ébranlé
des surfaces considérables, dont l'extension doit plutôt se justifier par
celle de l'accident générateur que par leur intensité propre. Mymen-
singh et Dacca forment un foyer d'ébranlement, probablement plus
« M. A. Medlicott. Preliminary noUce of the Bengal earthquake of July U^ 1885 (fifc.
XVni, Part 3, 155, 1895).
B. A. Middlemiss. Report on Ihe Bengal earthquake of July U^^ 1885 [Id. 199).
204 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
notable que celui de Calcutta et de ses environs, qui pourrait bien
n'être qu'apparent. On ne peut quitter le Bengale sans signaler les
Barrisal-guns, ces étranges bruits du delta dont l'origine séismique
n'est d'ailleurs rien moins que certaine.
La plaine gangétique, en amont du coude de Monghyr, n'est pas
sans être parfois ébranlée. Les secousses de Patna et de ses envi-
rons viennent peut-être du Népal. Mais ceux deDelhi, parfois sévères,
sont sans aucun doute autochtones : on ne peut les attribuer ni aux
plissements antésiluriens de l'Âravali Range, qui sont d'âge trop
reculé, ni même à la grande dislocation, trop éloignée pour cela,
qui, terminant à l'Est le plateau des couches horizontales vyndliien-
nés de cette même chaîne, passe à quelque distance de la Chambal
jusqu'à la Jumna, en amont d'Agra. Resterait donc à invoquer l'exis-
tence d'accidents cachés sous l'épais manteau alluvial qui a comblé
l'ancien pli concave, ou le synclinal anté-himalayen, traversé tantôt
plus au Nord, tantôt plus au Sud, pendant de si longues périodes géo-
logiques, par le rivage méridional de la mer mésozoïque intermédiaire
entre les continents boréal et austral, et qui faisait communiquer les
mers secondaires de l'ancien continent avec celles de l'Océanie,
ainsi qu'en témoignent de nombreux exemples d'affinité entre les
fossiles de ces pays éloignés. Fort heureusement, et d'une manière
très inattendue, ces vagues suggestions, déjà mises en avant pour
le bas Bengale, trouvent ici une confirmation dans les observations
pendulaires, La chaîne de l'Himalaya, malgré sa masse, est loin
d'exercer sur la direction de la verticale une perturbation propor-
tionnée. Or en 1902, Burrard* a constaté que toutes les stations
situées au Sud d'une ligne reliant Calcutta au centre du Rajpoutana
montrent le fil à plomb attiré vers le Nord, tandis qu'au Nord de cette
ligne la déviation est vers le Sud. Il en conclut que du 12* au 25*
parallèle doivent exister, sur plus de 1 600 kilomètres, les racines
d'une ancienne chaîne, maintenant arasée jusqu'à ses fondements,
remarquable par sa forte densité et parallèle à l'arc himalayen. Or
qui dit chaîne, évoque l'idée d'intenses dislocations. Fussent-elles
éteintes, en raison de l'ancienneté même de la ride disparue, il reste-
rait que l'emplacement de cette ride est devenu celui d'un grand syn-
clinal, au bord duquel s'est récemment érigé l'énorme Himalaya, et
de telles vicissitudes peuvent manifestement se survivre sous forme de
séismes. C'est le cas déjà étudié dans la Russie méridionale ', mais
* Burrard. The attraction of the Himalaya {Geogr. Journ. 1902, 615).
* Sur les anomalies de la pesanteur dans les régions instables non expliquées (C. R.
Ac, Se. Parié, GXXXVI, 705, 1903).
HIMALATA ET DÉPENDANCES 205
en ce qui concerne la plaine indo-gangétique, on peut suggérer une
explication plus simple, partant plus plausible. En effet, la poussée
orogénique qui a fait surgir THimalaya venait du Sud, il n'est donc
pas étonnant que les couches masquées sous les alluvions soient
comprimées, et que la moindre rupture d'équilibre y produise des
secousses par décompression, et un tel état n'a rien qui doive
surprendre si Ton se réfère à l'exemple déjà mentionné des grès
de la Nouvelle-Angleterre. Les séismes en question seraient dès lors
en relation indirecte avec la surrection de la chaîne himalayenne.
Poussant plus à l'Ouest, on rencontre dans le Pendjab le foyer
d'ébranlement deDerabund, au pied du Soliman Range, et celui des
environs de Lahore, non loin du Sait Ran^e. Ces deux chaînes pré-
sentent des accidents tectoniques assez importants pour qu'on puisse
les rendre responsables de secousses, qui n'acquièrent une certaine
gravité que pour le premier foyer; il est impossible de préciser
davantage, les véritables épicentres étant inconnus, aussi bien pour
les séismes d'autrefois que pour les désastres du commencement
d'avril 1905, dont des études à désirer de la part du Geological Survey
pourront éclairer la genèse.
Le bas Indus présente une région séismique très remarquable de
Jacobabad à Karachi et Lakhpat. Le petit centre de Shahpur
Shikarpur et Jacobabad s'étend peut-être jusqu'à Kahun, au delà
de la chaîne de Gatch-Cundawa, dont les dislocations sont considé-
rables. Quant au désert de Thar (27" N., 69^ E. Gr.) dans le Sindh
septentrional, c'est à tort qu'on l'a regardé comme instable, et il
faut abandonner l'opinion des géographes d'après lesquels ses
curieuses rangées de buttes sablonneuses seraient dues à l'action
de tremblements de terre, agissant comme les chocs d'un archet sur
le bord d'une plaque métallique chargée de sable. C'est par le bas
Indus actuel que la mer jurassique a entamé le continent gondv^a-
nien qui, jusqu'à cette époque, formait, pense-t-on, un tout jusqu'à
Madagascar et à l'Afrique australe. Aussi la présence d'une région
de moindre résistance et à tremblements de terre ne saurait sur-
prendre. C'est ainsi que Brahmanabad a été autrefois renversée à
une époque inconnue, et qu'en 1333 le grand voyageur Ibn-Batou-
tah a vu, entre Tatta et Karachi, les ruines d'un grand port, Dabil
ou Dabal probablement. Lakhpat a été le siège de nombreuses
secousses en juin 1845, et à leur propos Suess émet des doutes sur
un nouvel affaissement séismique du delta de l'Indus.
L'événement séismique le plus célèbre de ce pays est le tremble-
ment de terre qui, en juin 1819, a élevé en travers du Rann de
206 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Catch l'AUah-Bund, ou digue de Dieu, par-dessus les basses val-
lées des rivières Pourana et Narra, ainsi séparées de la mer. Son
raide talus, de i6 milles de long, se dresse comme un mur dominant
la plaine du Sud. Sa hauteur a été diversement évaluée, et les géo-
logues ont longuement disserté sur l'élévation de la lèvre nord de la
faille ou l'abaissement de sa lèvre sud. R. D. Oldham ^ a montré que
les deux mouvements ont réellement eu lieu, et que la somme totale
de leurs amplitudes est de 20 pieds et demi. On n'a pas assez insisté
sur ce fait que les éjections d'eau et de boue venues d'en bas, lors
du tremblement de terre, semblent prouver le mouvement d'affaisse-
ment. Il est inutile de s'étendre plus longuement sur un phénomène
dont la description se trouve partout, et dont les causes relèvent,
tout comme l'instabilité générale de la région du bas Indus, de la sur-
vivance des efforts de démantèlement du continent hindou ou gond-
wanien.
On ne peut considérer comme bien authentique la répétition,
en juin 1843, même sur une moindre échelle, des événements
de 1819 dans le delta de l'Indus, qu'a mentionnée Nelson ^.
Les tremblements de terre cessent dans l'Est de la presqu'île de
Kathiawar, c'est-à-dire à la limite même du géosynclinal.
4. — Afghanistan et Béloutchistan.
La géologie de ces pays est encore bien imparfaitement connue,
et les informations séismiques se réduisent à la relation succincte
de quelques grands tremblements de terre.
L'Afghanistan présente une très importante série éruptive de
l'époque secondaire. Les roches porphyriques percent les couches
jurassiques, ou y sont intercalées. Leurs débris ont constitué la plus
grande partie des assises néocomiennes, et le Crétacé a été métamor-
phisé par des trapps et des granités syénitiques échelonnés jusqu'à
ï'Ëocène. Pendant de longues périodes géologiques, au moins depuis
le Carboniférien, le rivage méridional de la mer intermédiaire entre
les masses continentales du Nord et du Sud a oscillé au travers de
ce pays, en restant toujours à peu près perpendiculaire à l'Indus
actuel. Enfin les chaînes occidentales ont subi, à l'époque tertiaire, un
* Â note on ihe Âllah-Bund in the northwest of the Bann of Kuchh [Mem. of the geoL
Survey of India, XXVIII. Part 1, 27, 1898).
* Notice of an eartliquake and a probable subsidence of land in the district of Cutch.
near the mouth of the Koree, western branch of the Indus, in June 1843 {Quart, Jonm,
ofthe Geol. Soc, II, 403, 1846).
HIMALAYA ET DÉPENDANCES 207
violent plissement, qui a érigé la muraille de rHindou-Kouch. Toutes
ces vicissitudes grandioses se décèlent par Tétat extrêmement tour-
menté de la région, que les agents extérieurs n'ont pas encore eu
le temps d'effacer, et se manifestent par d'imposantes dislocations,
dont le rôle séismogénique n'est pas douteux, quoique l'état de nos
connaissances ne permette pas encore de préciser celJes qui ont
donné lieu aux divers tremblements de terre.
La mention d'un séisme désastreux dans le Badakchan, en jan-
vier 1832, doit faire supposer que cette grande vallée est instable.
Les désastres séismiques paraissent avoir été graves dans toute la
vallée de Caboul, et les traditions locales en conservent le souvenir.
Les ruines du tremblement de terre de 1874 s'étendirent jusqu'à
Kandahar, mais il est probable que si cette ville est, ce que l'on
ignore, instable pour son propre compte, les cbocs que l'on y ressent
viennent de la région de Quettali, ou de Chaman, dont on va parler.
En 1892, un violent tremblement de terre, avec de nombreuses
secousses consécutives, a disloqué la voie ferrée Khairpur-Kanda-
har, qui passe par le col de Bolan, au nord des monts Khojak et au
travers des monts Khwaja-Amran. On savait que les séismes ne sont
pas rares à Quettah, et qu'ils y causent parfois des dégâts, mais on
n'y en avait jamais éprouvé de comparable à celui-ci, qui aurait été
certainement désastreux dans une ville construite à l'européenne.
On doit donc penser que cette région est très instable. Après le
séisme, on s'est aperçu que le long d'une faille de 20 kilomètres de
long, la voie ferrée avait été tordue, avec un déplacement horizontal
de 80 centimètres et une dénivellation de 20 à 30. Au premier
moment, la faille fut attribuée au tremblement de terre, mais Gries-
bach * a au contraire démontré que la faille est ancienne. Elle sépare
les couches schisteuses de la chaîne des Khojak d'un calcaire terreux
qui est probablement d'âge crétacé supérieur ou éocène inférieur.
Parsemée de sources, circonstance fréquente dan§ les failles, elle
est remplie d'une curieuse brèche dont les éléments appartiennent
aux deux terrains précités. Ainsi la faille est une ancienne disloca-
tion, grossièrement parallèle aux flexures du Khojak, et à celles qui
se retrouvent aussi dans le Khwaja-Amran. Cet accident a donc rejoué
en 1892, et doit correspondre à une région séismique située aux envi-
rons d'Old Chaman. A la suite de l'événement, l'ingénieur Egerton
* Notes on the earthqnake in B<tchistàn on the 20^1^ Decomber 1892 (Records Geol.
Svney ofindia, XXVI. Part 1, 27, 1898).
Gh. Davison. Noie on the Quettah earthquakeof Decomber 2Q^ 1892 {Geol. Magaz.,
Décade UI, X, n« 350, 356, 1893).
208 GÉOGRAPHIE 8ËISM0L0G1QUE
dut raccourcir une partie de voie de 2 pieds 6 pouces anglais (ou
0™,76) ; en effet, 4 paires de rails de 30 pieds et une de 24 pieds
furent remplacées par 5 paires de 24 pieds et une de 21. C'est de cette
quantité relativement considérable que l'écorce terrestre s'est maté-
riellement raccourcie en cette localité, et c'est là une observation
extrêmement intéressante au point de vue géologique. Le tremble-
ment de terre d'Old Ghaman doit donc être considéré comme un
»«--»—. Fissure, sur l ancùejwe, /calle^
Fig. 29. — P&ille d'Old Chaman et distorsion de la voie ferrée par le tremblement
de terre du 20 décembre 1892.
séisme de compression ou d'écrasement, ce qui équivaut à un phéno-
mène d'affaissement d'un voussoir, comprimé entre deux autres
restés fixes. La diminution du rayon et de la circonférence terrestres,
par suite du refroidissement séculaire, n'est-elle pas là surprise en
flagrant délit?
De la côte méridionale du Béloutchistan, on ne connaît que' trois
séismes à Gwadar, renseignement insuffisant pour que l'on soit fixé
sur son instabilité. S'il y existe une région séismique, elle pourrait
être en relation avec de modernes mouvements d'exhaussement,
décelés par la hauteur à laquelle se rencontrent des sédiments marins
post-pléistocënes, quoique ces phénomènes jouent rarement un rôle
séismogénique décidé.
CHAPITRE XIII
L'ASIE ANTÉRIEURE
1 . — Perse et Mésopotamie.
On peut définir la Perse comme un grand plateau triangulaire
sans écoulement, dont Témersion date du milieu de Tère tertiaire. Il
est limité au Nord et au S. E. par deux faisceaux de plis formés sur-
tout de terrains secondaires et qui, divergeant du haut pays de
Van et d'Ourmiah, ou de TArarat, courent respectivement vers
l'Afghanistan et le rivage de la mer d'Oman. Au pied de ce dernier,
le golfe Persique et la Mésopotamie continuent la dépression médi-
terranéenne jusqu'à la basse vallée de TOronte en Syrie. A défaut
d'observations séismiques suivies, ces pays ont été depuis une si
longue antiquité le siège de civilisations successives, que la connais-
sance des désastres éprouvés suffit pour permettre non seulement
de leur assigner une grande instabilité générale, mais aussi de se
faire une idée en somme assez précise de la répartition des tremble-
ments de terre, que les mouvements de la fin du Tertiaire expliquent
surabondamment.
Du Mékran, quelques rares recousses de la côte sont d'insuffisants
renseignements pour en conclure à l'existence d'un région d'impor-
tante instabilité.
Pénétrant dans le golfe Persique, bande affaissée, on rencontre
des son entrée Ttle de Kichm ou de Tavilah, à laquelle le grand
tremblement de terre récent de juillet 1902 permet d'assigner une
forte instabilité probable, confirmée encore par celui de 1884. Les
désastres de Chiraz, dont un au moins, celui de 1865, avait son
foyer bien plus à l'Est, à Mancharageh, et les secousses fréquentes
de Bender-Bouchéïr, démontrent que le territoire instable s'étend
sur toute la bande plissée du S. E. de la Perse et sur la dépression
qui la sépare des montagnes parallèles du Kirman \ mais dont on ne
* En 1896, un tremblement de terre a renversé, entre autres monuments, dans la ville
du même nom, un tombeau fameux, la Kouba Sabz, ou dôme vert.
Dm Hontemus. — Tremblements de terre. 44
210 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
sait à peu prës rien. Ispahan, Kachan et Hamadan ne sont pas à
l'abri de secousses très sévères, venant sans doute des nombreuses
rides parallèles situées entre la Mésopotamie et le désert central de
riran, et qui vont au sud du lac d'Ourmiah se réunir à celles du
L*A8IE ANTÉRIEURE 211
Kourclistan. Ces chaînes parallèles, où le Miocène est plissé, présen-
tent au plus haut degré ce caractère de s'être érigées par plissement
sur remplacement même d'une ancienne communication existant
depuis les temps paléozoïques entre les mers de TEurope, de TAsie
et de rinsulinde, et qui, séparant les masses continentales des hémi-
sphères Nord et Sud, a persisté au delà de FÉocfene jusqu'aux mou-
vements alpins, comme l'a démontré Douvillé* par l'examen des
fossiles rapportées par de Morgan de ses longues explorations archéo-
logiques en Perse. Ainsi là le géosynclinal, ou la Téthys de Suess,
n'a subi d'interruption dans son rôle de lit à une active sédimenta-
tion qu'au commencement du Crétacé, dont les premières couches
sont certainement absentes, tandis que celles du Trias peuvent se
trouver quelque jour. Il serait surprenant qu'un aussi récent et
radical changement d'état, après la surrection de la fin du Tertiaire,
n'ait pas laissé de traces séismiques à notre époque.
La Mésopotamie est loin d'ignorer les tremblements de terre,
témoin le nombre assez grand de ceux observés à Faou, Bassorah,
Bagdad, Kerkouk et Mossoul ; mais y sont-ils véritablement redou-
tables? C'est ce que ne laissent guère supposer Tabsence d'indica-
tions précises sur les villes que les séismes auraient détruites, et le
vague de relations où les chroniqueurs arabes et persans se conten-
tent de dire que cette province a été ravagée. En tout cas, aucun
événement moderne bien authentique n'est venu confirmer ces ren-
seignements par trop imprécis. Combien n'estril pas improbable qu'un
pays où tant de civilisations se sont succédé, depuis l'aurore de
l'histoire, soit, sans qu'on le sache avec certitude par des documents
circonstanciés, exposé à des tremblements de terre destructeurs ! Il
est donc à supposer que la Mésopotamie est beaucoup plus stable que
le flanc opposé de la bordure du plateau iranien, c'est-rà-dire des
montagnes de l'Ardilan, du Louristan et du Khousistan.
La stabilité au moins relative de la Mésopotamie, rendue ainsi fort
vraisemblable puisque les historiens ont été jusqu'à présent incapables
de dire quelles villes y auraient été renversées par des tremblements
de terre, soulève la très intéressante et importante question du
déluge biblique. Dans le fameux chapitre par lequel débute La
Face de la Terre^ Suess donne de ce grand événement une expli-
cation qui ne saurait être passée sous silence. Sa conclusion est la
suivante : « En résumé, l'événement connu sous le nom de déluge
« a eu lieu sur le bas Euphrate, et a eu pour élément principal
' Les déconvertei paléontologiqaes de M. de Morgan en Perse (C. A. Ac, Se, Paris.
GXL, 891, 1903).
212 GEOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
« une inondation très étendue et très dévastatrice de la plaine méso-
ce potamienne. La cause essentielle de cet événement a été un violent
(( tremblement de terre, qui s'est fait sentir dans la région du golfe
« Persique ou plus au Sud et qui a été précédé de plusieurs
« secousses de moindre importance. Il est trës vraisemblable que,
(c durant la période des plus violentes secousses, un cyclone
(( venant du Sud a pénétré dans le golfe Persique. » Assurément
cette théorie est fort séduisante, mais il faut bien reconnaître qu'à
s'en tenir à la constance avec laquelle, depuis les temps historiques,
les tremblements de terre affligent ou respectent les mêmes pays, il
semble au moins risqué de les faire intervenir dans la basse Méso-
potamie, où jusqu'à présent on n'en connaît pas qui aient causé de
désastres authentiques et bien avérés. Nous avons développé cette
objection ailleurs ^, et le chapitre de Suess est trop connu pour ne
pas résumer les considérations qui jettent le doute sur son explica*
tion séismico-cyclonique du déluge de la Genèse et la laissent très
hypothétique, malgré l'autorité incontestée qui s'attache à toutes les
conceptions du savant géologue autrichien.
Au moins pour les croyants, le Déluge biblique est un événement
géologique considérable dont l'homme a été le témoin oculaire, car
si détaillé et circonstancié en est le récit qu'il n'est guère admissible,
même pour les rationalistes, que ce soit un mythe forgé de toutes
pièces sans la base d'un fait physique parfaitement réel, et pour eux
défiguré, altéré par l'effet du temps. Quelle est donc l'argumentation
de Suess? 11 admet tout d'abord que le récit de la Genèse est de
seconde main et qu'il faut se référer préférablement à celui tiré des
textes cunéiformes de TAssyrie et de la Chaldée, l'épopée d'izdubar,
exhumée des ruines du palais de Koyoundjik ; il n'y a pas lieu de
discuter ici ce côté de la question, tout à fait hors du sujet de cet
ouvrage. Suess localise ensuite le déluge dans le pays où se trouvait
la ville de Shourippak, port de mer chaldéen, ce qui n'a rien d'im-
possible, puisque depuis les temps préhistoriques le Tigre et l'Eu*
phrate ont réuni leurs embouchures, primitivement séparées, en
colmatant et comblant le fond du golfe Persique, occupé maintenant
par la vallée marécageuse du Chott-El-Arab. Pour Suess, et qu'il
s'agisse des avertissements donnés par Dieu à Noé, ou de ceux de la
déesse Ea à Hasis-Adra, dans l'un et l'autre récit ce sont des trem-
blements de terre prémonitoires du grand séisme à la suite duquel
les eaux du golfe ont envahi la dépression mésopotamienne et ainsr
* La théorie séismico-cyclonique du délage par Suess [Revue des questions seienti*
fiques, octobre 1902, Louvain).
L'ASIE ANTÉRIEURE 213
causé l'inondation diluvienne. Il pense que les eaiix souterraines
dont parlent les deux récits ont été éjectées du sol par le tremble-
ment de terre principal, et en effet c'est là un phénomène accompa-
gnant souvent les grandes secousses dans les pays au sol marécageux
ou imbibé d'eau, comme la Mésopotamie croate le 9 novembre 1880,
les plaines du Brahmapoutre et les Sylhet Streams le 12 juin 1897,
et le Cachar le 10 janvier 1869, dernier fait qui a donné à T. Oldham
Toccasion d'édifier de ces phénomènes la théorie mécanique géné-
ralement acceptée'^ Suess observe avec beaucoup de raison que ces
eaux souterraines n'ont pu se produire, ou plutôt se manifester
qu'avant l'inondation par les eaux du ciel ou de la mer. Passant
sur le procédé discutable consistant à faire intervenir des tremble-
ments de terre à propos de relations portant à un haut degré le
caractère de choses vues, et qui donnent par ailleurs, sans les men-
tionner, des détails moins frappants, — la seule question à envisager
ici est la possibilité d'un séisme d'ampleur suffisante pour faire
jaillir les eaux d'un sol marécageux et alluvionnaire, dans un pays
aussi peu instable que la Mésopotamie, puisque les montagnes voi-
sines, celle du Louristan, n'ont jusqu'à présent fourni la mention
d'aucun séisme authentique vraiment destructeur, et que, d'autre
part, la région dangereuse de l'entrée du golfe Persique est bien
éloignée. Or on connaît le caractère de pérennité dont, sur toute la
surface du globe, jouissent les régions instables. Sans attribuer à
cette objection plus de force qu'elle n'en comporte, puisqu'après tout
il ne s'agit là que d'une question de degré, la Mésopotamie étant au
moins pénéséismique, nous serions portés à penser qu'au simple
point de vue séismologique du moins, l'explication de Suess rencon-
trerait infiniment moins de difficultés en admettant la basse vallée
de rindus comme théâtre du Déluge. Là, en effet, sauf le cyclone,
se sont produits en 1819 les phénomènes invoqués : tremblements
de terre violents, sortie des eaux souterraines, et surtout inondation
de longue durée, comme conséquence de la formation de l'Allah
Bund, ou digue de Dieu, en travers des rivières du delta. Ni un
raz-de-marée d'origine séismique, ni un cyclone non plus, ne peu-
vent rendre compte de la permanence des eaux dans les terres alors
habitées, fait capital sur lequel s'accordent les deux récits du Déluge,
et c'est là une question bien difficile à résoudre dans l'hypothèse de
Suess. Quant à transporter ainsi hors de la Mésopotamie le théâtre
de ce phénomène, c'est là une question qu'on ne peut discuter ici,
tout en signalant que si les commentateurs admettent très générale-
ment qu'il s'est produit dans les bassins du Tigre et de l'Euphrate,
214 GEOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
certains, moins nombreux toutefois, ont songé à ceux de Tlndus et
même du Gange ; il faut bien dire d'ailleurs qu'aucun exégète sérieux
ne songe plus à localiser dans l'Inde le théâtre du Déluge chaldéen,
ou hébreu. Quoi qu'il en soit, il reste de ces considérations que la
répartition connue des tremblements de terre à la surface du globe est
peu en faveur de la séduisante théorie du savant autrichien.
L'angle montagneux d'oii divergent en éventail les deux bandes
plissées qui dominent et enserrent le plateau iranien, c'est-à-dire
l'Azerbéidjan, est d'une haute séismicité. On y possède d'importantes
séries d'observations faites à Tabriz, ville bien souvent ravagée,
comme aussi Minch etKhoï. Ce sont des mouvements très réeenls qui
ont, dans les environs d'Ourmiah, porté à de grandes altitudes les
sédiments du premier étage méditerranéen déposés en discordance
sur les terrains primaires, et rien n'autorise à nier que ces vicissitudes
puissent avoir là des conséquences posthumes sous forme de trem-
blements de terre, en même temps que les plissements du Karadagh
et les fractures qui ont donné lieu aux énormes épanchements érup-
tifs de toute la région.
Le Ghilan et le Mazendéran forment l'étroite côte méridionale de
la Caspienne sur le versant abrupt de l'Ëlbourz, dont les sédiments
plissés, depuis le Dévonien jusqu'au Tertiaire, dominent les profon-
deurs allant jusqu'à 700 mètres de cette partie de la mer intérieure.
Dans ses travaux nombreux et bien connus sur la géologie de ces pays,
Abich considère la Caspienne méridionale comme faisant partie de
la zone d'affaissement de la basse Koura, de sorte que les tremble-
ments de terre du flanc septentrional de l'Ëlbourz depuis Astrabad
jusqu'à Ënzeli, Astara et Lenkoran, seraient liés à ces mouvements.
Astrabad et Lenkoran en ont subi de graves.
Le Khorassan est un pays dont les désastres sont nombreux, et
dont la séismicité ne le cède guère à celle des régions les plus
éprouvées. Ce pays est formé de trois chaînes plissées paral-
lèles; celle du Nord, le Kopet-Dagh, le sépare du désert des Turk-
mènes et va se rattacher au grand Balkhan sur le golfe caspien de
Krasnovodsk, autre centre d'ébranlement signalé à l'attention parle
grand tremblement de terre d'Ouzoun-Ada du 8 au 9 juillet 1895. Le
grand Balkhan prolonge le Kopet-Dagh, et aussi le Caucase par l'in-
termédiaire d'un seuil de hauts fonds, coupant transversalement la
Caspienne et se rattachant à la presqu'île de Bakou de l'autre côté
de la mer intérieure. Ce district instable peut donc être regardé
indifféremment comme appartenant aux foyers séismiquesdu Caucase
ou du Khorassan, ou plutôt comme leur servant de liaison, et Aga-
L'ASIE ANTÉRIEURE 215
ihemnone ^ a localisé en pleine mer l'épicenire du tremblement de
terre précédemment signalé.
Le plateau central iranien est probablement stable, en tant du
moins que le manque d'informations permet de le soupçonner, et
cela est fort plausible puisqu'il s'agit d'un territoire qui n'a pas obéi
aux plissements tertiaires du Nord et du Sud.
2. — Turkestan, Dzoïmgarie et Kachgarie.
Les tremblements de terre de ces pays commencent à être assez
bien connus depuis le catalogue de Mouchkétov et Orlov, et la publi-
cation du bulletin du comité séismologique permanent de Saint-
Pétersbourg.
Le géosynclinal méditerranéen venant de l'Himalaya, après avoir
figuré en Perse une sorte de grand carrefour, pousse vers l'Est une
longue branche en cul-de-sac recouvrant le Turkestan, la Dzoungarie
et la Kachgarie, ainsi que leurs puissantes montagnes, Pamir et
Tien-Chan. Il a fallu l'occupation russe, dans le dernier tiers du
XIX* siècle, pour établir leur réputation de redoutable instabilité,
malgré le peu de temps d'observations scientifiques dont on dispose.
Toutes les grandes villes portent la trace de tremblements de terre
destructeurs.
L'instabilité commence, mais non encore extrême, dans la dépres-
sion du Zaïsan-Nor entre l'Altaï au Nord et le Tarbagataï au Sud.
Kokpektinsk, Serguiopol et Aïagousk sont d'importants foyers d'ébran-
lement, mais, quoique cela soit probable, on ne peut pas encore affir-
mer que les secousses se manifestent autant sur le haut Irtych Noir
qu'à l'ouest du Zaïsan. Les explorations géologiques de Mouchkétov
ont montré que cette dépression est une fosse d'afiaissement comprise
entre des failles, et que ce mouvement très moderne a amené à la ver-
ticalité des couches de lignites récents, qui plongent sous les eaux
du lac.
Il y a tout lieu de penser, d'après quelques observations qu'une
région pénéséismique doit occuper la dépression de Liouk-Tchoun,
cuvette effondrée à 100 mètres au-dessous du niveau de la mer dans
le prolongement du Tien-Chan vers l'Est. Cet accident a affecté les
terrains les plus récents de la région, les dépôts du Gobi, que l'on
assimile au Permo-Trias de l'Angara. Ces circonstances correspondent
bien à une instabilité modérée, encore hypothétique, il est vrai*
* Tremblement de terre de la mer Caspienne de la nuit da 8 au 9 juillet 1895 (Bull,
met. et sism. de VObs. imp. de Conslantinople, 1895, XXXVUl).
216
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGÏQUE
a
L'ASIE ANTÉRIEURE 217
Au sud du Tarbagatar se présente le nœud de TAla-Tau dzoungarc,
près de Kopal et d'Ourdjar, ou de la dépression du lac Ala-Koul,
dont les alentours sont assez fréquemment ébranlés. Mais c'est seu-
lement avec la vallée de Tlli, ou le Semiretchié, que Ton arrive
aux territoires de très grande instabilité où Viernyi s'est fait con-
naître par le ti'emblement de terre destructeur de juin 1887. L'aire
épicentrale s'est allongée au pied de la chaîne Alexandre, bord sep-
tentrional du Tien-Chan. Tokmak, à l'ouest de Viernyi est la localité
où les chocs consécutifs ont été le plus nombreux. Ce versant tombe
sur la vallée synclinale de l'Ili, qui se perd dans le Balkhach, mais
on ignore si la partie supérieure du bassin de cette grande rivière,
au delà de Kouldja, est aussi exposée aux séismes. La grande insta-
bilité du Tien-Chan n'est pas pour surprendre. En effet, sa surrec-
tion est extrêmement récente et a relevé les sédiments secondaires
déposés en avant du Pamir. Mais le plissement n'a pu jouer qu'un
rôle peu important, parce que la trop grande rigidité de roches très
anciennes sous-jacentes s'y est opposé. Dès lors, la poussée orogé-
nique s'estrésolue en dislocations longitudinales, grossièrement paral-
lèles aux crêtes successives de direction générale E.-W. Les trem-
blements de terre de Viernyi ont été mis parMouchkétov* en relation
avec les six failles qu'il a relevées, après la ruine de 1887, sur le
très petit espace compris entre Viernyi et la profonde cavité tecto-
nique de rissyk-Koul, au delà de l'Ala-Tau transilien. Il y a tout lieu
de croire que cette remarquable dépression est tout aussi instable
que le Semiretchié, mais le manque de grands centres, et par suite
d'observations, ne permet pas de l'affirmer en toute sûreté.
Si l'on pénètre davantage dans le Tien-Chan, on trouve le haut
bassin du Syr-Darya ou du Naryn, dont quelques séismes peuvent
décider de la séismicité d'un district placé dans les mêmes condi-
tions que le précédent. A sa sortie du défilé d'Ousoun, le fleuve entre
dans le bassin duFerghana, terriblement éprouvé, et où les désastres
d'Och, Namangan, Marghelan, Andidjan et Kokan, ne faiblissent
un peu que vers la plaine de Khodjent, Tachkent et Turkestan.
Non loin de là, les monuments de Samarkande portent la trace mani-
feste de tremblements de terre destructeurs, qui épargnent cependant
Bokhara. C'est la région du Tertiaire plissé. Sans entrer davantage
dans le détail de systèmes de plis croisés qui n'apprendraient rien de
plus sur la genèse de ces séismes, il suffit de noter que dans cette
grande région instable du Tien-Chan, la séismicité augmente visible-
* Le tremblement de terre de Viernyi du S8 mai 1887 (Mémoires du comité géoL, X,
n* 1, 1890. en msse).
218 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
ment du Nord au Sud, c'est-à-dire qu'elle est plus grande dans la
partie plissée que dans la partie faillée, quoique fun et l'autre penre
d'accidents soit tout aussi récent, post-tertiaire, et contemporain.
On savait depuis longtemps que Kachgar ressent assez souvent
des secousses, lorsque la catastrophe de septembre 1902, et les
nombreux chocs qui la précédèrent et la suivirent, sont venus
apprendre que cette dépression est, au moins au pied du Pamir et du
Tien-Chan occidental, aussi instable que celle du Ferghana, de l'autre
côté de l'Alaï. Au N. E. de Kachgar, Aksou a été détruite en 1716,
et au S. W. se trouve Tach-Kourgane, où Sven Hedin* arrivait le
5 juillet 1896 peu après les ravages d'un tremblement de terre; lui-
même y ressentait 80 secousses jusqu'au 27 du même mois. Il est donc
certsdn que tout le flanc méridional du Tien-Ghan est très instable et
que ces conditions s'étendent sur une partie au moins du Pamir,
dernière conclusion corroborée par les secousses assez fréquemment
signalées au Pamirskii-Post par 74* 20' E. Gr. et 38* 20' N. Le
Pamir est constitué en pénéplaine, divisée par de grandes ondulations
de terrains triasiques, primaires et archéens, mais que de nouvelles
dislocations ont porté à son altitude actuelle, en érigeant le bourrelet
qui domine de 5000 à 6 000 mètres le bassin plat du Tarim.Ily a donc
probabilité que l'intérieur du massif est stable, et les tremblements
de terre de Tach-Kourgane, Kachgar et Ak-Sou doivent être en relation
avec les mouvements de la lèvre soulevée de la cassure orientale,
dont la date ne doit pas différer beaucoup de celle de la surrection du
Tien-Chan. Du reste du grand bassin du Tarim, l'on ne sait rien au
point de vue séismique, mais tout porte à le croire à l'abri des
secousses du sol, puisque, comme le Gobi, c'est un fond lacustre
tertiaire non dérangé recouvrant un substratum archéen, et si tou-
tefois Ton en néglige les autres vicissitudes; mais il est possible que
l'avenir des observations fasse découvrir l'instabilité du flanc sep-
tentrional du Kouen-Loun, formé de terrains primaires étages sur
la dépression, si sa surrection est récente, comme le pensent
Obroutchev et de Launay.
Les steppes turkmènes, Kara-Koum et Kyzyl-Koum, paraissent
indemnes de tremblements de terre, quoiqu'on ait pu observer
quelques rares secousses dans la basse vallée de l'Amou-Darya et
dans les oasis de Khiva et d'Ourgentch.
* A trarers l'Asie centrale (Le Tour du Monde, n» <iu 10 novembre 1898, 551).
L'ASIE ANTÉRIEURE 219
3. — Caucase.
Les nombreux désastres séismiques de Ghémakha sont à bon droit
tristement célèbres, et le Caucase avec ses dépendances, jusqu'à
l'Arménie, forme une région presque partout en butte à des tremble-
ments de terre toujours fréquents et souvent destructeurs sur de
grands espaces. Les phénomènes séismiques y sont assez bien connus,
et il se publie un périodique spécial à l'observation physique de
Tiflis.
Au nord de la chaîne du Caucase, une longue dépression réunit la
Caspienne à la mer d'Azov. C'est le cours à moitié desséché du
Manytch, reste d'un détroit ponto-caspien réunissant les deux mers,
et que les eaux remplirent jusqu'à l'aurore des temps actuels. Cette
traînée d'eaux saumâtres forme la véritable séparation entre l'Europe
et l'Asie. En partant de là, on aborde le Caucase par une série de
chaînes parallèles plissées, au nombre de quatre au moins, formées de
terrains tertiaires et secondaires, et dont le flanc méridionalesttoujours
le plus abrupt. Leur surrection est assez récente, puisque le Sarmatien
y est relevé à plus de 2 000 mètres dans le Daghestan, à l'orient de
la chaîne. Ces plis se retrouvent à Vladikavkas et dans les pres-
qu'îles de Taman et de Kertch. De ce même côté, les couches juras-
siques, néocomiennes et tertiaires plongent en concordance ; au Sud
au contraire, celles des deux premières époques sont discordantes
entre elles, preuve d'un premier mouvement orogénique.
L'axe de la chaîne du Caucase est archéen dans ses deux tiers
occidentaux à l'ouest du Kazbek, et elle tombe tout d'un coup par
des escaliers parallèles sur les vallées du Rion et de la Koura. Cette
dernière est certainement une vallée de fracture, déterminée par la
faille dite de Géorgie, qui correspond de ce côté à un mouvement de
descente, contre-partie du relèvement des couches sarmatiennes du
Daghestan. Les volcans Kazbek et Elbrouz se sont, par une anomalie
singulière, dressés en pleine chaîne, après la formation des vallées
qui ont été comblées par leurs produits. L'axe archéen lui-même
s'est renversé vers le Sud, et la partie orientale de la puissante ride
s'est affaissée sous la Caspienne entre la presqu'île d'Apchéron et le
grand Balkhan, ne laissant à sa place qu'un long seuil sans profon-
deur qui sépare cette mer en deux cavités. Toutes les parties basses
des vallées de la Koura et de l'Araxe forment une aire d'affaissement,
s'étendant selon toute apparence à toute la partie méridionale de la
Caspienne, et qu'Abich et Suess regardent comme tendant à se con-
220
GÉOGRAPHIE SÊISMOLOGIQUE
L'ASIE ANTÉRIEURE 221
iinuer le long de la faille de Géorgie. Malgré son important relief, le
Caucase ne plonge pas à pic dans la mer Noire, dont le fond ne s'ap-
profondit que loin du littoral. Au sud de la Géorgie, les terrains
secondaires et éruptifs, tant tertiaires que modernes, s'enchevêtrent
confusément, ne permettant pas de délinir encore d'une façon claire
les mouvements récents auxquels on pourrait assigner un rôle séis-
mogénique.
Passant maintenant à Fétudc des tremblements de terre de ces
vastes territoires, on voit d'abord que les presqu'îles de Kertcli et de
Taman sont stables, en dépit de leurs volcans de boue et de leurs
plissements sarmatiens.
Le versant nord du Caucase est assez souvent ébranlé. Les hautes
vallées des principaux affluents de gauche du Kouban ont donné
quelques secousses, et l'instabilité s'accentue plus sérieusement
k Stavropol et à Piatigorsk. Ce dernier point est bien connu par
le grand développement de l'appareil hydro-thermal, et par les
pitons et les dykes rhyolitiques de ses environs, indices de disloca-
tions et de mouvements récents, puisque les produits éruptifs ont
percé les sédiments crétacés et tertiaires. Autour du remarquable
coude que fait le Térek vers le N. E. avant d'atteindre son delta, se
développe une région séismique assez importante, souvent secouée,
mais où cependant les tremblemeats de terre n'ont jamais été que
sévères. Les épicentres y sont nombreux et s'étendent jusqu'à
Vedeno, Groznyie, Mozdok et Vladikavkas.
Sur la côte Caspienne au nord du Caucase, les ports de Derbent et de
Pétrovsk ont fourni un certain nombre d'observations séismiques,etles.
épicentres deviennent plus rapprochés entre Kouba et Bakou. L'igno-
rance complète dans laquelle on se trouve relativement à la vraie
position des foyers d'ébranlement, empêche d'assigner une influence
séismogénique soit au mouvement de relèvement des couches sarma-
tiques à 2 000 mètres et plus, soit à l'existence de la fosse septen*
trionale profonde de la Caspienne. En 1885, au N. W. de Derbent,
un tremblement de terre aurait crevassé et fait ébouler le mont Cha-
tyle, mais en l'absence de renseignements précis sur cet événement,
il faut faire d'expresses réserves sur l'intensité des secousses au
Daghestan.
D'Anapa à Soukoum-Kalé, le versant Sud du Caucase est court et
raideet les tremblements de terre sont assez fréquents. Sotchi est le
point pour lequel on a mentionné le plus de secousses sur ce littoral.
La vallée supérieure duRion, de Koutaïs àOrbéli et à Oni,est encore
bien plus sujette à des ébranlements, dont aucun cependant n'a encore
222 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
jamais été désastreux ; on n'en connaît que de sévères avec des ébau-
lements dans les montagnes. Il y a là une faille importante, dont il y
aura lieu de rechercher par des éludes de détail le rôle séismofé
nique possible.
L'instabilité commence à devenir vraiment sérieuse avec le ver-
sant gauche de la Koura. De très nombreuses observations séismi—
ques ont été relatées à Tiflis, grâce probablement en partie à sa qua-
lité de ville ancienne et importante, mais il ne semble pas quelle ait
jamais eu k souffrir de graves dommages, et la ruine de Mtzkhet
dans son voisinage, en 1283, doit èti*e regardée comme ayant été
exagérée par les chroniqueurs arméniens. Rien ne prouve que Tiflis
soit le véritable foyer d'ébranlement et l'accumulation d'épicentres
riches au Sud (mont Somhetske) et au N. W. (Douchet, Kvichet
etPassanaour), juste dans la direction de Vladikavkas, autre centre
important situé du côté opposé de la chaîne, devra dans l'avenir attirer
l'attention du savant directeur de l'Observatoire physique de Tiflis,
M. Hlasek S de façon à décider si cette sorte d'alignement séismique
apparent n*a pas une cause géologique profonde. Vers l'Est, jusqu'à
la Caspienne, le versant méridional du Caucase montre des épicen-
tres plus nombreux et plus importants.
A l'extrémité de la chaîne, la malheureuse ville de Chémakha ne
compte plus ses catastrophes. Ses tremblements de terre ont fait
l'objet de recherches devenues classiques d'Abich *, dont les vues
ont été acceptées par Suess et d'autres géologues. Non seulement les
isoséistes des grands tremblements de terre les mieux connus sont
allongés sur une ligne Marazy, Chémakha, Baskhal, parallèle à l'axe
du Caucase, au cours de la Koura et aux failles géorgiennes, mais
encore leurs épicentres, variables sur cette ligne, n'en sont d'ailleurs
jamais éloignés ainsi qu'on peut le constater sur la carte annexée
par Weber' à son étude du désastre du 31 janvier 1902. Ce fait met
nettement ces tremblements de terre en relation avec la chute de la
voûte caucasienne au Sud, accident qui contraste avec les plisse-
ments du Daghestan, deux événements post-sarmatiens et bien évi-
demment contre-partie l'un de l'autre. Dans cette même région de la
* Rapports mensuels de la station à pendule horizontal de V observatoire physique de
Tiflis. Observations faites au moyen du triple pendule horizontal de von Rebeur-Ehlert,
1900 (en russe et en allemand).
' Geologische Forschungen in den kaukasischen Làndern (IL Wien. 1878) ; Id. GeoUh
gische Beobachtungen in den Gebirgslandem zwischen Kur und Araxes (Tiflis. 1867) ;
Id, Veber ein im Caspischen Meere erschienene Insel. Beitr&ge sur Kenntniss der
Schlammvulkane der Caspischen Région (Petersburg, 1863).
' Tremblement de terre de Chémakha du 31 janvier 1902 (Mémoires du comité géol.,
nouv. sér, n« 9, 1903). (Résumé en fr.).
L'ASIE ANTÉRIEURE 223
basse Koura, Noukha, Élisabethpol, Choucha et Lenkoran sur la
Caspienne, sont de très importants foyers d'ébranlement, mais leurs
tremblements de terre ne sont pas à comparer, même de loin, avec
ceux de Chémakha^ tout en ne laissant pas que d'être parfois fort
graves. Ce territoire bas, compris entre le Caucase et TAnticaucase,
a été considéré par Âbich comme une aire d'affaissement, compre-
nant et continuant la fosse profonde méridionale de la Caspienne.
On aurait ainsi affaire à des séismes en intime relation avec un affais-
à5'
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Fig. 33. — Principaux tremblements de terre de Ghém&kha.
(D'après Weber.)
sèment en préparation sur la basse Koura, entre des failles tout à fait
analogues aux dislocations périadriatiques, qui prolongent vers le
Frioul et le Tyrol l'effondrement de l'Adriatide entre la Dalmatie et
l'Italie. Suess se demande si la Caspienne n'est pas destinée à
s'ouvrir quelque jour un large golfe dans cette direction, et allant
encore plus loin, si ces phénomènes ne présagent point un effondre-
ment de toute la partie orientale de l'Asie mineure, comme suite àl'effon-
drement récent du continent égéen. Dans cette dernière hypothèse,
ce ne seraient plus seulement les tremblements de terre de la Géorgie
qui seraient en jeu, mais ceux de toute l'Arménie. A la suite d'Abich,
beaucoup de géologues pensent aussi que les éruptions boueuses de
la presqu'île d'Apchéron et du littoral voisin du delta de la Koura
sont liées tant aux fractures géorgiennes qu'à celles qui s'ébauchent
224 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
et se préparent dans la Caspienne, comme conséquence de reffondre-
ment de sa fosse méridionale.
(( Nulle part, peut-être, dit le célèbre géologue S la liaison des
ce tremblements de terre, qui crevassent le sol, avec les phénomènes
« des volcans de boue, des salses, des gaz inflammables qui pénè-
« trent à travers les fissures de la terre, et des sources de pétrole,
<( n'a été mieux déterminée, ni plus manifeste que dans Tcxtrémité
« Sud-Est du Caucase, entre Chémakha, Bakou et Saillan; c'est la
« partie de la grande dépression Aralo-Caspienne dans laquelle le
« sol a été le plus souvent remué par les tremblements de terre. »
Au sud de la Koura s'étend un épais et vaste manteau de pro-
duits éruptifs, qui cache le substratum sédimentaire et n'a pas permis
jusqu'à présent de faire une lumière complète sur les vicissitudes
de cette région extrêmement tourmentée, dépendance du massif
arménien. Ce qu'on en sait suffit, cependant, pour affirmer que les
mouvements de la fin de l'époque tertiaire y ont atteint une extraor-
dinaire intensité, expliquant bien d'une façon générale une instabi-
lité qui ne le cède en rien à celle de la basse Koura.
Entre ce fleuve et son grand affluent, l'Araxe, s'étend l'Anticau-
case, parallèle au Caucase. Formé de deux chaînes en partie noyées
sous les déjections volcaniques, l'entre-deux des montagnes est
marqué par la dépression profonde du lac Goktcha ou Sevanga,
occupant un véritable cirque volcanique, prolongé au S. E. par le
bassin de l'Akara. L'instabilité n'y est pas exagérée.
Les tremblements de terre se donnent au contraire libre carrière
dans la vallée de l'Araxe, qui sépare TAnticaucase de l'Ararat.
Ordobad, Nakhitchévan, Alexandropol, et surtout Erivan ont eu, à
de nombreuses reprises, des catastrophes à inscrire dans leurs
annales. Abich met ces séismes en relation avec un système com-
pliqué de fractures profondes, correspondant elles-mêmes au déve-
loppement gigantesque de l'activité volcanique dans toute la haute
Arménie, où les couches du premier étage méditerranéen ont été
morcelées et portées à de grandes altitudes, à une époque récente.
Ces mouvements, dont on ne saurait guère nier la persistance sou»
forme séismogénique, ont alterné avec les éruptions trachytiques, de
sorte qu*au nord de Nakhitchévan une première série de cassures a
précédé l'effondrement de la clef de voûte, auquel est dû la vallée de
l'Araxe.
Plus au N. W., le plateau entre les hautes vallées de la Koura et
* Ueber Daghestan, Schagdagh und Gihi\B.Ji{Poggendor/ir'sAnnalen» LXXVI, 1S49, 157).
L'ASIE ANTÉBIEURE S25
de TAraxe atteste Texistence d'un vaste bassin lacustre tertiaire,
encore incomplètement asséché et dont les derniers témoins doivent
leur survivance aux perturbations amenées dans le régime hydro-
graphique par l'accumulation des produits éruptifs. Quoi qu'il en
soit, ce district séismique, prolongeant celui d'Erivan et d'Alexan-
dropol, paraît avoir tout autant à redouter des tremblements de terre,
si Ton en juge par ceux d'Akhalzyk et surtout d'Akhalkalaki. Cette
dernière ville a été le théâtre, le 19 décembre 1899, d'un grand
séisme étudié par Mouchkétov^ et ses collaborateurs. Mais ils ont
malheureusement bien plus dirigé leurs recherches sur les consé-
quences de l'événement que sur ses causes tectoniques, de sorte qu'ils
n'ont pas fait la lumière sur le problème géologique de sa genèse.
4. — Arménie, Asie Mineure et Chypre.
L'Asie Mineure est un des pays du monde dont les catastrophes
séismiques ont eu le plus de retentissement dans l'histoire, et grâce
aux auteurs de l'antiquité les relations dont nous disposons s'éche-
lonnent sur près de trente-six siècles. Il serait donc inutile d'entrer
dans beaucoup de détails sur des tremblements de terre dont les
récits se rencontrent chez tant d'historiens. Ils ont d'ailleurs été
réunis dans les catalogues déjà mentionnés d'Al. Perrey et de Julius
Schmidt (ch. ix) ; l'un et l'autre ont aussi publié les nombreuses
observations faites par leurs correspondants de 1850 à 1872 et de
1858 à 1878 respectivement, de sorte qu'en y ajoutant le bulletin
météorologique et sismique publié del 895 à 1897 par l'Observatoire
impérial de Gonstantinople, on a sur la séismicité de ces pays des
renseignements très nombreux, et généralement suffisants pour en
déterminer l'exacte répartition. Ce qui manque le plus ici, c'est
l'étude des isoséistes, permettant le choix des accidents tectoniques
responsables des principaux tremblements de terre.
Il a paru assez naturel de se limiter au Nord à la vallée de TAraxe
et à une ligne de crêtes passant au sud de Kars et à l'est d'Erzéroum
pour rejoindre le Pont-Euxin un peu à l'est de Trébizonde. Au Sud,
on a pris la ligne du pied des hauteurs qui dominent la Mésopotamie
jusqu'au Kourdistan, et qui commencent au golfe d'Alexandi*ette. La
Umite occidentale est beaucoup moins facile à faire concorder entre
la géologie et la géographie. Le Bosphore de Thrace a ses deux
' Matcriaax sar le tremblement de terre d'Âkhalkalaki du 9 décembre 1899 (Mémowes
du comité géologique, Nouv. sér. n» 1, 1903; en russe).
Db lIoimMus. — TremblemenU de terre. 1 S
926 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
bords constitués des mêmes couches dévoniennes qui se correspon-
dent de rive à rive, mais ce terrain dépasse peu ses environs immé-
diats en Europe. Le golfe de Saros est extrêmement profond
et se trouve dans l'axe d'une fosse linéaire descendant à plus de
1 000 mètres entre Samothrace et Thasos au Nord, Imbros et
Lemnos au Sud. Il y a donc là l'indice d'une séparation naturelle,
faisant de la mer de Marmara tout entière une dépendance de
l'Anatolie, et constituant la limite avec les granités de la foret de
Belgrade et les terrains tertiaires inférieurs peu dérangés de la Thrace.
C'est celle qui sera adoptée ici, d'autant mieux que les tremble-
ments de terre s'affaiblissent assez sensiblement à l'Ouest de la Pro-
pontide.
Dans son état actuel, l'Asie Mineure résulte de mouvements extrê-
mement complexes de la fm des temps tertiaires, et sur lesquels les
géologues ne sont pas encore complètement d'accord, ni dans le détail,
ni même quant à leur exacte succession. Mais ces mouvements ont pré-
senté une telle ampleur verticale et horizontale, que l'on ne doit pas
s'étonner de voir que la presqu'île n'a pu reprendre son équilibre, si
violemment et si récemment troublé. Aussi, quoique les causes géné-
rales d'instabilité séismique surabondent, il serait le plus souventtémé-
raire d'assigner un rôle séismogénique à tel ou tel accident plutôt qu'à
tel ou tel autre voisin. La constitution, si manifestement éruptive des
roches de beaucoup de districts, a fait considérer par maints observa-
teurs les tremblements de terre de ces régions comme dus à un reste
d'activité volcanique, explication qui ne saurait être générale et appli-
cable à bien des localités éloignées des anciens évents, ignorât-on
l'indépendance habituelle des deux ordres de phénomènes. Il soflit
ici d'en citer l'exemple le plus probant, celui du golfe d'Adalia par-
faitement stable, et dont cependant le rivage rectiligne au pied du
puissant volcan Takhtaly (2 380 m.), ou mont des Chimères, atteste
une cassure, correspondant au développement d'une activité éruptive
maintenant éteinte, môme au point de vue séismique, aussi bien que
ces mouvements tectoniques eux-mêmes pourtant récents.
Les principales vicissitudes tertiaires et quaternaires de l'Asie
Mineure consistent dans le recul de la Méditerranée, qui a occupé
longtemps de grandes parties de sa surface, comme le démontrent les
dépôts d'origine marine rencontrés jusque dans le haut bassin de
l'Euphrate, et dans sa séparation définitive de l'Europe à la suite de
l'effondrement du continent égéen. Au point de vue géographique, sa
caractéristique est le nœud si compliqué de l'Arménie, oii se ren-»
contrent les Alpes Pontiques, le Taurus et les chaînes plissées de la
L'ASIE ANTÉRIEURE 227
Perse et du Mazendéran. Il faut y ajouter les bassins fermés, ou à peu
près, de l'intérieur et ses côtes, souvent découpées par des cassures.
Enfin la Ppopontide, ancienne dépendance du Pont-Euxin, a été
ouverte à Tépoque pléistocène, en même temps que la mer Egée pre-
nait la place d'une vaste terre capable de nourrir la nombreuse et
fameuse faune de Pikermi, à laquelle de grands espaces étaient
nécessaires. L'activité éruptive a joué aussi un rôle considérable dans
la formation de la massive presqu'île, dont le substratnm archéen se
montre sur de larges surfaces et a, par sa résistance aux poussées
orogéni^BM de la fin des temps tertiaires, donné çà et là naissance
à des plissements qui sont loin cependant de conslituer le phénomène
essentiel de son modelé.
L'extrême instabilité de la vallée de TOronte a déjà été mentionnée
à propos des tremblements de terre delà Syrie. Mais elle ne s'en tient
pas là, elle remonte vers le Nord jusqu'à Malatia et Maden, accom-
pagnant ainsi les accidents qui ont donné lieu à la dépression
syrienne depuis la mer Rouge, et qui semblent venir mourir en pleine
Arménie, tout en se compliquant singulii;rement à la rencontre de
l'Anti-Taurus. Malatia a subi, en 1893, un tremblement de terre désas-
treux* En se prolongeant vers le Mord, les séismes d'Antioche ne
perdent donc rien de leur violence.
La dépression d'Adana paraît assez peu gravement ébranlée vers
la mer (golfe d'Alexandrette) ; mais la haute vallée du Djihoun
(Pyramus), entre le Taums etl'Anti-Taurus, a été à plusieurs reprises
le théâtre de violents séismes qui ont détruit Anazarbe. II est tout à
fait impossible de décider actuellement s'il s'agit là d'une région séis-
mique autonome, ou si ces tremblements de terre de l'antiquité
romaine venaient de Syrie, car on ne possède aucune indication,
même vague, sur la fréquence habituelle, ou normale, des secousses
dans le district d'Adana.
Les côtes méridionales de l'Asie Mineure, ou le versant méri-
dional maritime du Taurus, sont très stables, quoi qu'on en ait dit,
tout au moins celles de la Gilicie, et il faut arriver à la Lycie pour
entrer dans le domaine éprouvé par les tremblements de terre. Us
commencent à Maïs, tout en restant peu redoutables jusqu'à Rhodes;
c^est seulement alors qu'ils deviennent vraiment dévastateurs.
Entre Rhodes et la côte de Lycie les récentes explorations autri-
chiennes * ont fait découvrir un creux de 3 500 mètres, dont les
* Luksch. Verdfléntiichangen der Commission fur Erforachitim: des tetiiclien Ifitta]-
meeres. Vorl&ufigerBorichtûber die physikalisch-oceanographischen Arbeiten im Sommer
1893 (Sitz. ber. d. K. Ak. d. Wt». m Wien, 8itz. vom 12 Okt. 1893).
•^•^'r--^: . v-1 ---;. -v^.^^ _
^j.^^
Fig. 34. —Asie Mineure occident&Ie.
L'ASIE ANTÉRIEURE 329
bords les plus raides sont tournés vers Tîle de Rliodes et le littoral
anatolien. Rien ne s'oppose à ce qu'on lui fasse jouer un rôle séis-
mologique au moins indirect, et l'on ne saurait trouver une objec*
lion sérieuse ^oxis ce fait que deux autres creux se rencontrent
l'un au centre du golfe d'Âdalia, l'autre au sud de Chypre, sans
qu'il en résulte d'instabilité au voisinage, parce que ces derniers, de
1 000 mètres moins profonds et à talus beaucoup plus doux, ne peu-
vent correspondre à d'aussi considérables dislocations.
Les tremblements de terre de Smyrne et de toute la vallée du
Méandre, ceux de Laodicée et de Gybyre, au delà du talus monta-
gneux, dans l'antiquité, enfin ceux modernes de Boldor et dlsbarta,
sont de véritables événements historiques connus de tous. Le fait
qu'on se trouve là au bord de l'effondrement égéen permet d'en rendre
responsable les mouvements orogéniques correspondants, et d'ex-
pliquer, d'une façon générale, la grande séismicité qui règne sur la
côte anatolienne de la mer Egée, de Rhodes à Pergame et Métélin.
Mais, du Sud au Nord, l'instabilité n'atteint pas de prime abord son
maximum ; c'est ainsi que Rliodes, malgré le voisinage des manifes-
tations volcaniques modernes de Nisyros,est comparativement moins
exposée que Samos et Chio, et cette immunité, d'ailleurs toute relative,
s'étend à la côte correspondante de Lycie. Rhodes fait partie d'un arc
dinarique crétacé venant de la Crète par Kasos, et dont les couciies,
très bouleversées sur la côte orientale de la première île, qui, juste-
ment, est sa partie la plus secouée, sont brusquement séparées de la
Lycie par un détroit, représentant une cassure transversale récente,
dont la profondeur est de 3 800 mètres à 38 kilomètres du littoral.
La vallée du Méandre tout entière, même sa partie supérieure
où elle entame le plateau anatolien, Samos et Chio forment une
des régions du globe les plus exposées aux tremblements de terre.
La géologie en est très complexe, et tous les genres d'accidents,
récents ou non, s'y rencontrent — chaînes gneissiques démantelées,
plissements, failles ayant déterminé le Graben de la vallée, éjections
éruptives attestant des cassures, etc. — Les documents font recon-
naître comme importants foyers d'instabilité à peu près toutes les
villes anciennes ou modernes, mais sans qu'on puisse affirmer que
ce sont les véritables épicentres ; ces derniers n'en peuvent cepen-
dant être bien éloignés. Il serait donc tout à fait illusoire d'attribuer
chacun d'eux à l'accident géologique le plus voisin, tant que la
détermination des isoséistes et des aires épicentrales d'un certain
nombre de chocs au moins sévères, ne sera pas venue confirmer la
mobilité de Tun ou de l'autre. Il sera toutefois permis de suggérer
230 GÉOGRAPHIE 6ÉI6MOLOGIQUE
que la présence du Garboniférien supérieur semble indiquer Texis-
lence d'un ancien géosynclinal primaire en avant du massif gneis-
sique de la Carie, de sorte qu'il y aurait là superposition d'une région
séismique due aux mouvements de la fin du Tertiaire à une région
disloquée de la fin du Primaire. En un mot, les dernières poussées
orogéniques auraient rejeuni, ou restauré, l'instabilité d'une région
qui aurait acquis sans cela un repos au moins pénéséismique.
D'autres exemples analogues confirment ailleurs cette opinion, malgré
ce qu'elle peut présenter de risqué. Les traditions, sinon les cliro-
niques de l'antiquité la plus reculée montrent que, depuis trente-six
siècles au moins, les tremblements de terre agitent Smyme et le
Sipyle. C'est un bel exemple de la pérennité des conditions séismi-
ques, et tout en faveur de l'opinion que les régions stables et instables
ne se modifient guère à la surface du globe, en comparaison du peu
de temps écoulé depuis que l'homme l'occupe. Wiebel, cité par Suess
(II, 722), pense que la présence d'anciennes constructions au-dessous
du niveau de la mer, dans la baie de Samos, peut s'expliquer par un
affaissement de la côte sous l'influence d'une violente secousse séis-
mique. Cette supposition s'accorde bien avec une obser\'ation de
l'ingénieur Redeuil, recueillie par Carpentin \ à savoir que, lors du
grand tremblement de Smyme, du 27 juillet 1880, le sol s'est affaissé
de plus d'un pied, estimation faite du niveau auquel la mer arrivait à
l'Échelle des Francs après cette catastrophe ; la voie ferrée s'était
aussi affaissée de 0,60 m. par glissement, d'après Redeuil. Schaffer^
ne doute pas non plus du caractère nettement tectonique des
secousses de la vallée du Méandre.
Mételin ' et Pergame ne sont pas moins exposés que les territoires
précédents aux tremblements de terre désastreux, et l'instabilité
s'étend au Nord jusqu'à Balikesri.
Au contraire, les tremblements de terre font trêve en Troade. Le
détroit des Dardanelles lui-même est assez stable, et si quelques dom-
mages ont été mentionnés tout autour jusqu'à Gallipoli, on doit en accu-
ser le contre-coup de séismes extérieurs. Lemnos et Imbros parta-
gent cette sécurité relative; cependant, cette dernière île a été en 1867
troublée par de nombreuses secousses, qui firent plus de peur que de
mal, et dont les conséquences furent d'ailleurs grandement aggravées
* Notice sur les tremblements de terre de Smyrne (Ann. Phys. et Chim. 5* série, XXI,
* Das Mflanderthalbeben vom 20 September 1S99 (MUth, geogr, Ges. in Wten, XLUI,
221, 1900).
^ Fouqué. Rapport sur les ti*emblements de terre de Cépbalonie et de Métélin en 1867
{Arch. des missions sc.elliU.,^* série IV, 445, Paris, 1868).
L'ASIE ANTÉRIEURE 281
parles déplorables conditions des habitations de pauvres paysans et
pêcheurs. Ces chocs doivent être attribués sans doute, comme ceux
de Gallipoliy au voisinage immédiat de la longue fosse maritime pro-
fonde qui sépare ces deux îles de Thasos et de SamotIu*ace, et forme la
véritable frontière entre TEurope et l'Asie jusqu'au fond du golfe.
C'est vraisemblablement une des cassures dues à l'effondrement
égéen, et qu'une ride prolonge jusqu'au delà de Rodosto. Ainsi
Lemnos, Imbros, Gallipoli et Rodosto formeraient un axe séismique
«le second ordre, tandis que les Dardanelles n'auraient aucune signi-
fication malgré leurs apparences de longue et étroite fracture ; c'est
qu'en effet, ce n'est pas un accident tectonique véritable, mais seu-
lement une voie d'accfes que la mer égéenne s'est ouverte vers la
mer de Marmara, ancienne dépendance du Pont-Euxin.
L'instabilité reprend bientôt ses droits dans la partie opposée de
la Propontide. Assurément, Gonstantinople a beaucoup souffert des
tremblements de terre dans le cours des siècles passés, et celui de
1894 a été le dernier qui l'ait éprouvée. Mais c'est une ville depuis
trop longtemps importante pour n'avoir pas accaparé les secousses
du voisinage ; c'est donc un foyer apparent, dont il faut restituer le
rôle séismogénique aux golfes tectoniques d'Ismid et de Guemlik,
la même observation s'étendant évidemment à Brousse, tout aussi
gravement exposée. L'histoire géologique de la mer de Marmara est
encore assez confuse. On sait toutefois que c'est une cavité d'effon-
drement, faisant partie des nombreuses dépressions qui jalonnent le
versant septentrional des Alpes depuis la mer Noire jusqu'au golfe
de Gascogne, par la plaine du Danube, la vallée du Rhône et le bas-
sin de la Garonne*. La grande profondeur de la Propontide (plus de
1400 mètres) accentue ce caractère, et les golfes linéaires mentionnés
plus haut représentent des accidents dont l'influence sur la produc-
tion des tremblements de terre est corroborée par la distribution
apparente des épicentres jusqu'à Héraclée. On peut donc mettre ces
séismes en relation avec ces accidents, comme Ta fait Diick * pour
ceux de Gonstantinople, en objectant au travail de ce séismologue
qu'ils ne sont pas évidemment d'origine volcanique, ni un écho des
manifestations éruptives récentes des îles des Princes, et des rives du
Bosphore, sillon ouvert dans le Dévonien,bicn plus par simple érosion
qu'à la suite d'actions violentes. Vers l'Est, la séismicité ne dépasse
guère Boly et Héraclée (Bender-Eregli). La présence d'une bande
* H. Douville (C. H. Ac. Se. Paris, GXXII, p. 678).
' Die Erdbeben von Konstantinopel {Die Erdbebenwarte , HI, 121 et 177. Laibach,
i904).
232
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
L'ASIE ANTÉRIEURE 23a
houillère aux environs de cette dernière ville fait de suite songer à
une survivance de Tinstabilité d'un synclinal carboniférien, dont les
secousses en voie d'extinction auraient retrouvé un renouveau d'éner-
gie à la suite des mouvements tertiaires.
Les Alpes Pontiques, assez tourmentées, paraissent cependant avoir
un peu moins à redouter que ces régions de l'Ouest. En tout cas, les
tremblements de terre de Kastamouni, de Kiankary et d'Angora
n'ont pas laissé d'aussi cuisants souvenirs que ceux de Smyrne ou
de Constantinople.
Le plateau déprimé du centre de l'Anatolie est, d'une façon certaine,
bien plus à l'abri des secousses, si toutefois on en excepte le haut
Méandre, dont il a déjà été parlé : Jozgad et Kaisarieh ont eu, à
plusieurs reprises, à essuyer des dommages d'importance.
Le nœud montagneux de l'Arménie, avec les hautes vallées del'Eu-
phrate et du Tigre, est d'une grande instabilité. Défait, se reliant sans
discontinuité avec les districts séismiques de TOronte, de l'Azer-
béïdjan et de l'Araxe, sa séismicité relève directement aussi des
grands mouvements alpins qui ont plissé et brisé ses couches, et
facilité en même temps le développement exagéré des phénomènes
éruptifs auxquels le pays doit une partie de son relief, par suite de la
résistance aux actions destructives de l'atmosphère et des eaux de
certains de leurs produits, qui ont protégé les couches sous-jacentes
d'une totale disparition. Van, Bitlis, et surtout Erzinghan, Erzé-
roum et Diarbékir, ont eu autant que villes du monde à souffrir
des tremblements de terre. Pour expliquer leurs catastrophes, il suf-
fit de rappeler l'amplitude des mouvements qui ont porté le Tertiaire
à de grandes altitudes en plissant le substratum, sans qu'il soit
besoin d'aller aussi loin que Suess, lorsqu'il se demande si ce pays
n'est pas menacé d'un futur effondrement méditerranéen.
A s'en tenir aux informations des anciens auteurs, Chypre serait
assez sujette aux secousses du sol, et elle aurait été souvent et gra-
vement éprouvée. Mais les observations négatives faites pendant les
longues années qu'elle a fait partie du domaine latin, et depuis l'occu-
pation anglaise, semblent démentir catégoriquement cette instabilité
supposée. Les dommages que ses villes ont parfois subis doivent
donc être attribués sans doute aux grands séismes de la Syrie, ou
même de la côte occidentale d*Anatolie. Le 29 juin 1896, quelques
dégâts ont été produits à Limassol par un tremblement de terre,
qui a eu d'assez nombreux chocs consécutifs. Agamemnone* en
* Le tremblement de terre dans Tlle de Chypre du 20 juin 1896 (Beitrdge zur Geo^
phyiik. YI, 1, 108. Leipzig, 1903. Boll. soc, siam. Ual. \l\l 249, 1902-1903).
234 GÉOGRAPHIE 8É1SM0L0GIQUE
place l'épicentreen mer, au large dans le S. W., c'est-à-dire dans les
profondeurs de la Méditerranée orientale, là où elle paraît avoir
subi de grandes modifications à la fin de Tépoque tertiaire. Il est à
noter, en outre, que le flysch existe à Chypre, d'où une certaine ana-
logie possible avec les secousses qui caractérisent dans TEurope
centrale la longue bande instable, de même nature, située en avant
des plissements alpins : c'est la trace d'un ancien synclinal rétréci,
comblé, soulevé et plissé, mouvements dont les conséquences pos-
thumes se retrouvent peut-être encore sous cette forme modérée dans
cette île, du côté opposé de la grande ride alpine.
Des Dardanelles à Makri, les côtes de TAsie Mineure sont sujettes
à des vagues séismiques, à l'exclusion du versant méridional du
Taurus et du littoral du Pont-Euxin. Mais il est actuellement impos-
sible de dire si ces vagues sont seulement la conséquence directe des
grands tremblements de terre anatoliens à épicentres terrestres, ou
si elles résultent de secousses d'origine sous-marine, situées quelque
part dans la mer Egée, et qui manifesteraient ainsi un reste de
mobilité des lèvres des fractures de TEgéide, effondrée à l'époque
pléistocëne. Il semble très probable que les deux cas se présentent
ici, tantôt l'un, tantôt l'autre.
CHAPITRE XIV
CARPATHES ET DÉPENDANCES
L'immense plaine hongroise est fermée à l'Est par les Carpathes,
dressant en demi-ellipse leur bourrelet de sédiments secondaires
et tertiaires plissés par la poussée orogénique alpine. Leur surrec-
tîon est, en partie, contemporaine de celle des Pyrénées. Aussi
l'instabilité est-elle de même ordre dans les deux chaînes, un peu
plus anciennes que les Alpes. Dans l'intérieur, le substratum archéen
a survécu aux érosions postérieures au mouvement, et domine le
bassin d'effondrement que le Danube a vidé en forçant le passage
des Portes de Fer. Les plissements carpathiques se relient aux plis-
sements alpins par-dessous le bassin de Vienne, et, de ce côté de la
Styrie, la Save limite au Sud les pays qu'il s'agit d'étudier ici. A
l'extérieur, la Roumanie, la Bessarabie, la Bukovine et la Galicie
forment une dépendance, bornée au Sud par le Bas Danube, à FEst
par le Boug, le long de la vallée duquel reparaît sous le Miocfene
le substratum archéen de la Russie méridionale, tandis qu'au Nord
le bord septentrional irrégulier des couches miocènes de la Galicie
sert de limite de ce côté. Nous commencerons par la zone extérieure.
1 . — Provinees extérieures : Galicie, BukOTine, Bessarabie
et Romnanie.
La Galicie et la Bukovine sont très stables, comme l'indique
l'absence presque complète de secousses signedées dans les cata-
logues annuels de VErdhehencommission de l'Académie des sciences
de Vienne, publiés depuis 1896, et ce ne sont pas quelques séismes
recueillis à grand'peine pour Lemberg, Czernowitz et Sandec, qui
peuvent changer cette appréciation. A propos d'un choc ressenti le
20 janvier 1903 à Zaiesczyki, Làska, cité par Von Mojsisovics^ dit
* Allgemeiner Bericht and Chronik der im Jahre 1903 im Beobachtungsgebiete einge-
236 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
que si la région est riche en gypse et montre de nombreux effondre*
mentSy ce séisme est cependant d'origine tectonique ; la région
d'ébranlement forme le bord de la plate-forme podolienne, et se
trouve à peu près sur une faille qui est recouverte par les sédiments
plus récents, du moins à ce qu'il pense.
En Roumanie, depuis 1892, Stephan Hepites a organisé systémati-
quement les observations séismiques au moyen des stations météo-
rologiques du royaume, au nombre de plus de 300. Si cette période
est courte, elle est néanmoins suffisante pour donner une idée très
exacte de la répartition des séismes qui l'ébranlent, en adjoignant aux
listes annuelles ' publiées par le savant directeur de l'Institut météo-
rologique de Bucarest, son catalogue des secousses observées de
1839 à 1892 ^ et celui de Stefanescu pour les temps anciens'. Deux
mémoires de Draghicénu, l'un séismologique, l'autre géologiques
donnent aussi de précieux renseignements sur les tremblements de
terre de Roumanie et leurs relations tectoniques. Enfin le grand
catalogue des séismes russes par Mouchkétov et Orlov renseigne suf-
fisamment sur la Bessarabie, qui, au point de vue séismique, ne pour-
rait être séparée de la Roumanie. De tous ces documents résulte pour
ces provinces une fréquence annuelle de 12 secousses^ chiffre très
modéré relativement à leur grande surface et qui laisse à penser que
tous leurs chocs sévères, tels ceux du 6 avril 1790, du 26 octobre 1802
et du 26 novembre 1829, avaient une origine extérieure, Balkan ou
Asie Mineure, et que leurs dommages ont été notablement aggravés
par la mauvaise construction, Tassiette défectueuse et l'état de
vétusté des édifices.
Les épicentres sont nombreux, mais rarement riches en séismes,
et les deux seules exceptions un peu notables sont Bucarest et
Kichinev. Si Ton n'avait possédé que les observations antérieures à
1893, on n'aurait pas manqué de regarder ces deux villes comme
des épicentres seulement apparents, opinion contredite par les obser-
tretenen Erdbeben (MiUh. d. Erâbeben-Comm. d. K, Ak. d. Wiss., Neue Folge, XXV,
158, 1904).
* Registrul cutremurilor de pamînt in Rom^nia, tn anal 1893... (AnaleU inslM^
meteorogic al Romaniei, 1893, 1894...)
* Id. Registrul cutremurilor de pàmint in Romania, 1839-1892 (Id, VI, 1890. A. 55,
1893).
' Gutremurele de pSmtnt tn Rom&nia in timp de 1391 de ani, de la anul 455 p&na ift
1846 (Analele acad. româna. Séria II, XXIV. Mem, Secl. scient. Bucuresci, i901).
* Les tremblements de terre de la Roumanie et des pays environnants. Contribution
& la théorie tectonique (Bucuresci Instilul de arte grafice, 1896) ; Id. Erlaûlerongen «r
geologischen Uebersichtskarte des Kdnigreiches Rumftnien [Jahrbuchd. K^K. geoLBeidi»-
anstalt, XL, 399, Wien, 1890).
GARPÀTHES ET DÉPENDANCES
237
valions systématiques postérieures, qui ont montré l'existence de
foyers de secousses locales non ressenties à grande distance. Les
mêmes remarques s'appliquent à Galatz, Braïla et lassy, mais avec
moins de certitude à Odessa. Par contre, des épicentres comme
B&rlad^ Focsani et Tudor-Vladimirescu ont vu s'accentuer leur impor-
,^^^
H:-
/' Odessa^
TRAKSrtVANIE
Fig. 36. — Roumanie et Bessarabie.
lance, et celui d'Avramesci, jusqu'alors insoupçonné, s'est mani-
festé.
Au premier coup d'œil, la carte séismique montre la stabilité delà
Valachie occidentale, de la Moldavie septentrionale et de la Dobrou-
dja. L'instabilité, du degré modéré indiqué plus haut, se limite donc
à peu près exclusivement à la Valachie orientale, à la Moldavie
méridionale et à une petite fraction de la Bessarabie. La plus grande
densité des centres d'ébranlement se note de lassy à la Jalomitza, et
surtout entre le Prouth et le Sereth, par conséquent dans les bassins
des rivières Bârlad et Berheciu, mais, d'une façon générale, les
épicentres se distribuent à peu près symétriquement autour de la
ligne Bucarest-Kichinev, qu'on pourrait appeler Taxe séismique de
238 GÉOGRÀPHrS SËI6M0L0GIQUË
la Roumanie et de la Bessarabie. Un géographe français, de Mar-
tonne S a considéré la ligne &alatz~Buzeu comme jouant ce rdle.
Ainsi donc, des observations plus complètes conti'edisent une hypo-
thèse qui semblait avoir une importance très grande au point de vue
des relations tectoniques des tremblements de terre roumains,
cette dernière ligne séparant la Yalachie occidentale stable de la
région d'affaissement qu'est la Jalomitza. Le véritable axe séismique
Kichinev-Bucarest est tout différent ; par conséquent, ces secousses
ne dépendent pas des phénomènes d'affaissement et de surrection
grâce auxquels les vallées de la Yalachie prennent un caractère si
différent de chaque côté de la ligne Galatz-Buzeu, leur encaisse-
ment augmentant beaucoup et graduellement à mesure qu'on se
dirige de TËst à l'Ouest, tandis qu'en même temps leur direction,
d^abord W.-E. devient progressivement N. W.-S. E. Le phéno-
mène général dont dérivent ces différences est une sorte de bascule
de toute la Yalachie, mais n'a aucune influence séismogénique mar-
quée.
Le massif de MScin, qui a donné lieu au coude du Danube, est
considéré par Suess comme un accident géologique dlmportance
capitale. La stabilité de la Dobroudja montre Textinction de ses dis-
locations. Il nous semble que les rares séismes qu'on y ressent
doivent provenir du foyer d'ébranlement de Baichik, situé plus au
Sud en Bulgarie ; ce seraient des chocs de relai. Peut-être il y aurait-il
lieu de faire une exception en faveur de ceux de Kustendjé (Cons-
tantza), où se rencontre dans les gneiss une faille, accompagnée
par un appareil hydro-thermal.
D'une façon générale, l'arc carpathique moldave est un peu plus
abrupt que l'arc valaque. La loi du relief se vérifie donc ici, et comme
cela se présente si souvent, son influence séismogénique correspond
à ce fait que les couches sarmatiques y sont plus relevées et dislo-
quées.
Le squelette archéen des Carpathes ne se montre qu'aux ailes de
l'arc roumain en Yalachie, du Danube à Gampulung, et en Moldavie,
seulement au Nord du parallèle de Piatra. Or, la partie intermé-
diaire de la chaîne est à peu près exactement celle qui correspond à
la région pénéséismique. Cette observation est d'autant plus impor-
tante qu'à partir de Gampulung, vers TEst et le Nord-Est, les couches
de l'Éocène supérieur, contournant extérieurement l'angle des Car-
pathes, forment une étroite bordure à la chaîne et sont relevées contre
* Sur les mouvements du sol et la formation des vallées en Valachie (C. R. Ac. k.
Paris, CXXXII, 1140, 1901).
GARPATHE8 ET DÉPENDANCES 239
elle. Mais ces couches se prolongent au delà de la Moldavie jusqu'en
Galicie, dépassant ainsi beaucoup au Nord la région instable ; ce
n'est donc pas dans leurs dislocations, conséquence de leur relëve-
ment, qu'il faut chercher la cause directe et générale de l'instabilité.
Les deux ailes à noyau archéen sont réunies le long de la crête par
des lambeaux mésozoïques plissés, qui à l'Ouest ne dépassent pas
Campulung, tandis qu'au Nord ils remontent bien au delà de la
vallée de la Bistritza. Donc, pas plus que pour les dislocations sar-
matiques, on ne peut attribuer l'instabilité du sol moldave à ces plisse*
ments. Si maintenant on considère la région pénéséismique elle-
même, on voit de suite qu'au Sud, entre Bucarest et le coude du
Danube, et le Sereth, elle correspond à la couverture de diluvium,
puis que le long de la chaîne, entre Gampulung et la Bistritza, et
dans la Moldavie méridionale, du Sereth au parallèle de Bârlad, elle
coïncide avec le Pliocène, qu'au Nord vers lassy, elle s'étend sur le
Sarmatique, et qu'en Bessarabie enfin les trois formations précé-
dentes se retrouvent dans le même ordre. Il apparaît ainsi très
manifestement que l'instabilité est tout à fait indépendante de la
nature du terrain superficiel.
On notera que de Gampulung au Sereth, puis dans le Suceava
occidental et le Neamtzu septentrional, les filons sont orientés res-
pectivement vers le N, E. et vers le S. E. Dans les parties intermé-
diaires des Garpathes, ces mêmes directions sont aussi celles des
alignements pétrolifères ; de Târgoviste à Buzeû vers le N. E., avec
léger relèvement vers le N. N. E. de Buzeû à Râmnicu-Sarat, ce qui
correspond aux alignements des filons et aux épanchements volca-
niques de l'Ouest ; dans le Bacau occidental reparaît la direction
vers le S. E. des mêmes épanchements du Suceava et du Neamtzu.
Cette communauté de direction fait immédiatement penser à d'impor-
tantes dislocations d'ordre général, vers le N. E. et le N. N. E. dans
les Garpathes valaques, vers le S. E. dans les Garpathes moldaves,
alignentients pétrolifères et éruptifs aux ailes de la chaîne, pétrolifères
seulement au centre, auxquels on serait facilement tenté de faire
jouer un rôle séismogénique de premier ordre. Il n'en est rien, pour
deux raisons : d'abord ces accidents sont rapprochés de la crête, alors
que l'instabilité en est notablement éloignée, enfin et surtout ils
correspondent simultanément aux régions stables des ailes et à la
région instable du centre. Ainsi donc, nous ne rencontrons que des
réponses négatives à la question de l'existence de la région pénéséis*
mique roumaine, puisque ni les plissements, ni les dislocations car-
pathiques ne peuvent être invoqués, pas plus que la formation
240 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L06IQUE
relativement récente du sillon danubien^ devant la stabilité do la plaine
de Bucarest à Turnu-Severin, ni même le mouvement de bascule
mis en avant par de Martonne. Les géologues et les séismologues
roumains devront donc s'attacher à la solution de ce problème, aussi
intéressant que mystérieux jusqu'à présent.
Il serait injuste de ne pas signaler les relations tectoniques sug-
gérées par Draghicénu au sujet d'un certain nombre de tremblements
de terre particuliers. Le grand tremblement de terre si étendu du
26 octobre 1802 aurait eu son épicentre sur la fracture parallèle à
rOlt; mais il nous semble que ce remarquable séisme doit plutôt
être considéré comme un mouvement d'ensemble de toutes les chaînes
des Carpatlies. Les secousses qui ont ébranlé Turcesti, du 19 février
au 7 avril 1832, se sont fait sentir dans le Vâlcea et l'Arges, et ont
présenté le grand intérêt de jalonner, dit Draghicénu, la voie des
recherches à faire pour la découverte des gisements pétrolifères,
étant en relation avec les dislocations qui les renferment. Le trem-
blement de terre du delta danubien du 14 octobre 1892 aurait eu son
foyer au lac Sinoe, et il s'est montré si bien lié à la faille du Danube,
à la faille limite des Garpathes et à la faille côtoyant la mer Noire, que
ce géologue l'appelle le séisme des grandes failles. Celui de Draghus-
chani du 10 septembre 1893 serait dû à la fracture du Proutli, comme
celui du 4 mars 1894, en relation en outre avec les dislocations mol-
davo-valaques vers Focsani. Sans nier Tinfluence séismogénique de
ces accidents, nous nous contenterons de faire observer que dans
son intéressant travail, Draghicénu paraît avoir été surtout guidé
par les phénomènes inhérents à la propagation des secousses, ce qui
diminue dans une certaine mesure la valeur de ses déductions, quant
au rôle de ces accidents sur la production même des tremblements
de terre de Roumanie.
On a vu plus haut que les épicentres de la Roumanie et de la Bes-
sarabie sont nombreux, mais pauvres en séismes, et qu'ils se répar-
tissent avec une densité à peu près uniforme sur leur surface. Ce
caractère particulier est fréquent dans les régions pénéséismiques
des formations anciennes, remarque susceptible de faire penser que
les secousses en question sont en réalité celles du substratum caché
sous le Tertiaire, c'est-à-dire celles du môle oriental ici effondré
entre le massif balkanique et la plate-forme russe, suggestion hypo-
thétique encore, mais que des études ultérieures pourront peut-être
confirmer.
En plusieurs occasions, des tremblements de terre assez intenses,
et même sévères, ont eu leurs aires pléistoséistes allongées sur la
GARPATHES ET DÉPENDANCES S41
côte entre Odessa et les bouches du Danube. Cela conduit à en
supposer l'origine en pleine mer Noire, et à les considérer comme
appartenant à une autre région, celle de la Grimée, dont on par-
lera ultérieurement.
i. — Provinces intérieures. Hongrie et Croatie.
Les tremblements de terre de la Hongrie commencent à être connus
d'une manière assez satisfaisante, grâce aux catalogues annuels
de Schafarzik^ publiés par la Société géologique de Buda-Pest,
et de Réthly ' publiés par l'Institut météorologique de la même ville.
Ceux de la Croatie le sont encore mieux par le relevé général de
Miso Kispatic ^ et ses listes annuelles ^
On va maintenant aborder l'intérieur de Tare carpathique par la
Transylvanie, ancien massif disloqué et démembré, que l'efTondre-
ment hongrois a séparé d'un autre tronçon situé au nord du grand
coude danubien de Gran. Au Sud, les sédiments secondaires et ter-
tiaires ont été à plusieurs reprises plissés, entre le Crétacé et le Ter-
tiaire, puis le plus énergiquement à la fin de l'Oligocène, et enfin à
la fin du Néogène, de sorte que lasurrection des Alpes de Transylvanie
s'est opérée en trois phases successives, marquées d'épanchements
éruptifs et d'un intense lilonnement. Les tremblements de terre ne
sont pas très fréquents, et l'on en connaît fort peu de sévères, qui
ne sont même pas bien sûrement autochtones. Cronstadt et Her-
mannstadt sont, comme il fallait s'y attendre, les principaux épi-
centres apparents, dont on ne saurait se prévaloir pour attribuer
* Ueber die T&tigkeit des Erdbeben-Com mission der nngarischen geoiogischen Geseli-
schaft w&hrend des erstcn Jalircs ihres Bestandes. Statislik der Erdbeben in dem Jahre
1882 [Fôldtani Kôzlôny. Zeitschr. d. ung geol. Ges, Xifl, 252, 1883).
1883 {Id. XIV, 151,1884).
1884 (Id. XV, 202, 1885).
Az 1885, es 1SS6 évi magyarorzâgi fôldrengekrGl (Fôldtani XIX. KôUlébôl, 1888).
Bericht ûber die ungarisclien Erdbeben in den Jahren 1887 and 1888 (Id. XXII).
' Erdbebenbeobachtungen im Kdnigreiche Ungarn im Jahre 1903 (Jahrb. d, K. ung.
Reichscmstalt f. Met, und Erdmagn,, XXXI, 1901, IV Th., Buda-Pesth. 1904).
* Polresiu. Hrvatskoj. Kronica potres&, 361, 1845 (iz CVIJ Knjige Rada jugoslavenske
ak. znanosti i umjetnosti u Zagrebu, 1891, 3).
Id. 184M882; Id. 1892.
* Id. Bericht ûber die kroatisch-slavonisch-dalmatischen, sowie ûber die bosnisch-
herzegovinischen Erdbeben in den Jahren 1884-1885 und 1886 (Fôldtani Kôzlôny, XIX.
82,1889).
Id. 1887, und 1888 (Id. XXII, 1, 1890).
Id. Sesto i sedino izviesce potremoga odbora za godinu 1888-1889 (iz CIV Knjige
Rada jugoslavenske ak. inanosHi umjetnosti. u Zagrebu, 1891 et années suivantes).
Ds HoRTKstus. — Tremblements de terre. 16
342
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
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CÂRPATHES ET DÉPENDANCES 243
leurs secousses à tel ou tel accident de la région montag^neuse. En
résumé, les dislocations tertiaires semblent là bien près de l'extinc-
tion, de sorte que les Garpathes et les Pyrénées, au moins en ce
qui concerne leur commune pénéséismicité, se font mutuellement
pendant de chaque côté de la chaîne des Alpes.
Si l'on remonte le long de l'arc intérieur, on rencontre un foyer
secondaire d'ébranlement, assez limité, semble-t-il, dans le Comitat
de Marmaros, où Szigeth a donné lieu à un nombre notable d'obser-
vations, sans qu'aucun séisme important y ait jamais été signalé
jusqu'à présent. Le 26 mai 1885, un tremblement de terre a bien
causé quelques dommages dans le Szolnok (Transylvanie septen-
trionale), mais on ignore si ce centre est une dépendance du précé-
dent. Quelques secousses ébranlent Tokay et Eperies. où se trouvent
de nombreuses cassures qui pénètrent dans l'intérieur de la chaîne
et ont facilité la sortie des matières éruptives.
La Tatra et ses dépendances ont été le théâtre du grand séisme du
15 janvier 1858 à Sillein (Zsolna), que de très nombreux chocs con-
sécutifs ont accompagné. Jeitteles * en a fait une étude approfondie,
mais les considérations géologiques qu'il y développe renseignent
bien plus relativement à l'influence de la constitution des régions
ébranlées sur la propagation que sur la genèse du phénomène. Schem-
nilz est un autre foyer secondaire et local. La Tatra ne manque
pas de dislocations à rôle séismogénique possible, mais le choix à
faire entre elles est encore impossible sans hypotlièses. Knett* pense
que Teplitz dans le Trencsin n'a jamais été l'origine d'ébranlements
séismiques, et il part de là pour montrer que si les tremblements
de terre et les sources thermales résultent de dislocations, du moins
leur dépendance n'est pas nécessaire.
Schafarzik* met les secousses ressenties à Miskolcz et environs,
les 27, 28 et 29 mars 1883, en relation avec une ligne de dislocation,
dirigée N. W.-S. E., qui sépare les couches carbonifères et juras-
siques du Buckgebirge, situé à l'Ouest de cette localité, des forma-
tions tertiaires récentes, sables, grès et trachytes, de la vallée de la
Szvinva et des hauteurs entourant cette ville.
L'Oedenburg et le Wieselburg sont parfois le siège de secousses,
et cette région secondaire d'ébranlement semble se prolonger, au
* Bericht liber das Erdbeben am 15 Jânner 1858 in den Karpathen und Sadeten
[Sitzungsber d, K. Ak. d. Wiss. Mat. naL Cl. XXXV, n<» 12, 511, Wien. 1859).
* Die geologisch-balneotischen VerhâlLnisse von Trencsin (Jahrb. i90l, i90i des
Trencainer Natunoiss. Vereines, XXXilI-XXXIV, Teplitz, 1902),
* StatisUk der Erdbeben in Ungorn im Jahre 1883 (Fôldtani Kôzlôny. XIV, 1884* 151).
244 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
Nord, pai' delà le Danube, vers Tymau et la vallée de la Waag. En
avril 1888, la vallée de la Vulka, affluent occidental du lac de Neu-
siedl, fut sérieusement agitée pendant plusieurs jours et Schafarzik,
dans sa liste de 1887-1888 (p. 16), fait intervenir dans la production
du phénombne les failles qui ont disloqué les roches cristallines.
Celles-ci ne se montrent plus là que sous forme d'îlots démembrés,
dominant la cuvette lacustre, et qui sont eux-mêmes le résultat de
la poussée orogénique alpine dans la direction de son raccorde-
ment avec les Carpathes. La situation du lac de Neusicdl en
avant de l'effondrement viennois fait penser à de Lapparent que
des accidents tectoniques ne peuvent avoir été étrangers à la forma*
tion du lac. Des lors, les séismes en question doivent en dépendre,
opinion qui ne diffère pas au fond de celle de Schafarzik.
Le Bakony- Wald, qui forme pour ainsi dire la bissectrice de l'angle
du Danube, est une assez importante région séismique. A son pied,
le Balaton, dernier vestige peut-être du grand lac tertiaire hongrois,
lui est parallèle, ce qui suffit, avec les épanchements volcaniques
des alentours, pour supposer que ce lac a aussi une origine tecto-
nique. Le massif est coupé de failles transversales, et elles semblent
avoir, lors du tremblement de terre du 16 février 1901, étudié par
Schafarzik', joué un rôle non dans sa production, car Taxe ploisto-
séiste est parallèle à celui du Bakony-Wald, mais seulement dans
sa propagation, l'isoséiste extrême ayant été au contraire de direc-
tion perpendiculaire, c'est-à-dire orientée suivant ces dislocations.
C'est à cette région séismique qu'appartient Koniorn, où 1 500 mai-
sons auraient été renversées en 1763. En 1782 et 1841, les dégâts
se sont renouvelés, mais apparemment sur une bien moindre échelle.
En janvier 1810, des bruits séismiques se firent entendre pendant
huit jours au mont Czoka, pendant que de nombreuses secousses
ébranlaient Czak-Bereny; une d'elles y produisit môme des dooi'*
mages. Mor est un autre centre, du moins y connaît-on d'assez
nombreuses secousses. Bref, le Bakony-Wald est incontestablement
une importante région d'instabilité.
En dépit de l'horizontalité de son sol, la plaine hongroise n'ignore
pas complètement les séismes. On en connaît un certain nombre
pour Debreczen, la vallée de la Tisza, et la Jazygie, ce dernier
pays étant sans doute le plus fréquemment secoué. Le tremblement
de terre d'Eger [Erlau] du 25 juin 1903 a même atteint l'intensité IX
d'après Réthly. Connaîtrait-on exactement les épicentres de ces
' Ueber das Erdbeben im Dôrdlichen Bakony vora 16 Pebrnar 1901 (Fôldtany Kôslôny
XXXI, 1901).
CARPATHES ET DÉPENDANCES 245
secousses, qu'on ne saurait les mettre sans réserve en relation avec
les accidents cachés sous les dépôts lacustres miocènes et les allu*
vions.
Lajos^ suppose que les îlots de roches anciennes de la Croatie et
de la Slavonie, cachées sous les alluvions et les formations ter-
tiaires, se prolongent vers l'Est pour constituer, en émergeant plus
loin, les hauteurs du Gomitat de Krassô-SzOrény, et donnent lieu à
une ligne de dislocations représentée par la vallée de la Béga,
ébranlée le 2 avril 1901, ainsi qu'en d'autres occasions. Les isoséistes
de ce tremblement avaient, en effet, ce thalweg pour axe.
Les tremblements de terre ne sont pas rares entre la Tisza infé-
rieure et les montagnes du Banat; en particulier, on en a signalé un
nombre respectable à Tcmesvar ; mais on ignore si ce district péné-
séismique prolonge au S. S. E. celui de la Jazygie ou si ces secousses
appartiennent au Banat, dont on va parler. Il ne semble pas qu'on y
ait jamais eu de dégâts à déplorer.
En résumé, les séismes de la plaine hongroise doivent dépendre
des dislocations cachées, dont son effondrement n'a pu manquer
d'affecter les parties de Tancien c< continent oriental » qu'il a entraî-
nées dans sa chute.
Le Banat est un massif archéen, complètement isolé à TËst du reste
des Garpathes par une longue faille N.-S., représentant la cicatrice
par où se sont épanchées des matières éruptives, probablement ter-
tiaires. Get accident se trouve juste au point où les plissements car-
pathiques se retournent brusquement au Sud pour rejoindre leurs
contemporains balkaniques ; mais il paraît ôtre d'origine beaucoup
plus ancienne. Les sédiments secondaires du Banat se montrent for-
tement plissés, là où l'érosion les a laissés subsister. On a donc ici
tout un ensemble de circonstances favorables à la séismicité, et en
effet la série des tremblements de terre de 1879 àOrsovaetà Moldova
atteste bien que l'équilibre est loin d'être encore atteint.
D'après Schafarzik', ces tremblements de teiTe d'Orsova et de
Moldova ont été en relation directe avec les dislocations périphé-
riques et radiales produites dans le Banat par l'action même de
l'effondrement hongrois.
Les Portes de Fer, par où le Danube, proGtant des dislocations
de ce district morcelé, a pu se frayer un passage récent et vider
la dépression lacustre hongroise, ont été aussi ébranlées parfois, et
' Das Erdbeben in Sûdangam vom 2 April 1901 {Fôldlani Kôzlôny, XXXH, 1902).
* Das Erdbeben in Siidungarn und den angrenzcnden LOndern (Bada-PcsUi. 1880).
246 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
cette région pé^éséismique se prolonge de l'autre côté du fleuve» en
même temps que la cicatrice, de sorte que les quelques séismes
du Nord-Est de la Serbie pourraient bien revendiquer la même
cause.
Certains tremblements de terre de cette partie de l'Europe ont
présenté, avec une énergie notable, une extension tout à fait inusitée,
tel le séisme bien connu du 26 octobre 1802, qui s'est fait sentir
de Saint-Pétersbourg à Tîle d'Ithaque. Son épicentre est parfai-
tement indéterminé, tant son aire pléistoséiste est étendue, mais les
relations, pour incomplètes qu'elles soient, permettent de le soup-
çonner dans les Alpes de Transylvanie, soit sur les bords de l'Oka,
soit sur la dislocation de l'Oit, comme Ta fait Dragiiicénu, ainsi
qu'on l'a dit plus haut, soit même eniin dans le Banat. Si ce remar-
quable séisme n'a pas été un mouvement d'ensemble des Carpathes,
ainsi que nous l'avons suggéré, c'est à une localisation de son origine
dans le Banat que nous nous rangerions le plus volontiers, tant il
semble avoir d'analogie avec celui d'Orsova en 1879. Quoi qu'il en
soit de ce point particulier, il n'en reste pas moins que le Banat est
une importante région pénéséismique, et l'on peut aussi penser que
bien des secousses de Gronstadt et d'Hermannstadtlui appartiennent
en propre.
Entre la Save et la Drave, c'est-à-dire dans la Mésopotamie croate,
d'anciens massifs isolés, émergeant au-dessus de la plaine néogène
et alluvionnaire, représentent d'autres fragments du « continent
oriental » de Peters \ contre lesquels les plis alpins ont buté et ont
dû se bifurquer au N. E. par le Bakony-Wald vers le Matra et au
S. E. par les chaînes dinariques. Sous cet efiort, ils ont été fortement
disloqués, et ces accidents doivent prolonger sous les sédiments de
la plaine qui les masquent. L'entre-deux des fleuves est donc sujet à
des tremblements de terre dont les épicentres sont le plus souvent
apparents, les secousses connues ayant surtout été attribuées aux
villes principales, Semlin, Neusatz, Eszek, Fûnfkirchen, Kanizsa et
surtout Diakovar. 11 ne sera possible d'invoquer avec certitude des
accidents particuliers qu'au moyen de tracés d'isoséistes de tremble-
ments importants, quoique Kispatic, d'ailleurs avec beaucoup de
vraisemblance, ait déjà fait jouer un rôle séismogénique décidé à
deux de ces dislocations qui, parallèles et de direction W. N. W.-
E. S. E. enserrent entre elles le horst de Diakovar.
Cette opinion ne diffère pas au fond de celle exprimée par Scha-
* Bemerkungen ûber die Bedeutung des Balkan als Festiand in der Lias-Période
(SUz, Ber. d. K. Ak. Wias,, XLVIII, 418. Wien).
CARPATHES ET DÉPENDANCES 247
farzik' à propos du grave tremblement de terre du 24 mars 1884 en
Slavonie, lorsqu'il fait intervenir les conditions tectoniques des
massifs anciens de Diakovar, de la Fruska-Gora, et des couches
néogënes qui remplissent la plaine interposée entre eux.
Agram et ses environs seulement ont le monopole des tremble-*
ments de terre fréquents et désastreux ; celui du 9 novembre 1880,
suivi de très nombreux chocs consécutifs, a été, après beaucoup
d'autres des siècles passés, une véritable catastrophe. L'extrémité
occidentale de la plaine croate se termine en une sorte de coin, formé
par deux cours de hauteurs, qui se rencontrent à Rann, sur la
Save. Au Nord régnent les Karawanken orientales, prolongeant la
chaîne Garnique plissée, où de nombreuses dislocations longitudi^
nales abruptes, profondes et orientées W.-Ë. sont la règle, tandis
qu'au Sud dominent les plissements Dinariques, beaucoup plus récents
et dirigés vers le S. E. On ne pourrait rêver pour Agram une situation
plus dangereuse, etFr.-E. Suess* localise l'origine du tremblement
de terre de 1880 dans le massif du Slema Yrh, qui, au nord d' Agram,
émerge des couches néogènes de la plaine, pour se relier vers le
N. E. au Bakony-Wald. Cette détermination de l'épicentre résulte
avec évidence de ce que l'aire pléistoséiste non seulement épouse
très exactement la forme de l'ovale N. E.-S. W., dessiné par le
Slema Yrh, mais encore ne fait que l'auréoler légèrement de toutes
parts, ainsi que l'indique la carte tracée par Wâhner '. D'après ce
dernier séismologue, l'hypothèse d'un léger affaissement de l'aire
épicentrale explique bien tous les caractères physiques et mécaniques
du séisme, ainsi que les particularités de son extension et de sa pro-
pagation; et même la supposition que^ dans Tavcnir, le retour d'autres
tremblements de terre analogues accentuera ce mouvement de des-
cente duhorst, est mise en pleine lumière par toutes les circonstances
accessoires qui ont accompagné cet événement. Wàhner a aussi érigé
à cette occasion une théorie géométrique très ingénieuse du mouve-
ment séismique, dont l'exposé ne rentre pas dans le cadre de cet
ouvrage, mais qu'il était impossible de passer sous silence. Hantken
von Prudnik * écarte de piano l'hypothèse volcanique, colle plus
extraordinaire de Falb partageant les idées d'Alexis Perrey sur l'in-
* Statistik der Erdbeben ia Uogam im Jahre 1884 {Fôldtani Kôzlôny, XV, 202).
* Das Erdbeben von Laibacham 14 April 1895 {Jahrbuchd. K. K. geol. Reicksanslalt,
XLVi,411, Wien, 1897).
* Das Erdbeben von Agram am 9 November 1880 (SUzungsber. d. K. Ak. d. Wiss.
Mat. naL wis». Cl., LXXXVUI, I, Juni, 15, Wien, 1883).
' Das Erdbeben von Agram im Jahre 1880 (Mitth, atis d. Jahrb. d, K. ungar. geol,
AnslalL VI, 3, 47, Budapest. 1882).
248 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
fluence de rattraciion lunaire sur le noyau central supposé fluide,
et aussi la production du séisme par des éboulements des couche»
calcaires mésozoïques du Slema Vrh, parce que l'extension considé-
rable du tremblement de terre s'oppose à l'adoption d'une cause
inadéquate et hors de proportion avec Teffet à expliquer ; (inalement
il se range à l'hypothèse purement tectonique.
Le séisme d'Agram a donné lieu, dans un autre ordre d'idées, à des
discussions fort importantes relatives aux changements topogra-
phiques annoncés par le colonel Lerl \ à la suite de ses opérations
géodésiques en Croatie pendant l'année 1885. Ce savant a cru relever
des différences notables de niveau pour plusieurs des sommets de la
triangulation, par comparaison avec les nivellements précédents de
1878 et de 1816. Le lieutenant-colonel danois Harboe^ s'est livré à ce
sujet à de très subtiles recherches; sans admettre complètement que
le séisme ait produit de brusques modifications topographiques, il
pense qu'un simple accroissement progressif de la poussée orogé-
nique tangentielle suffît à expliquer la différence entre les mesures
des trois opérations séparées p ar un intervalle de soixante-dix ans, assez
grand pour les mettre en évidence. Adoptant les vues de Suess sur
l'affaissement périadriatique, ilcroit que ce mouvement séculaire ayant
eu pour effet d'augmenter graduellement la valeur de la composante
horizontale de la pression, le maximum s'est fait sentir près
d'Agram et a donné lieu au tremblement de terre. Revenant plus
tard sur la question ', il admet que si les mesures de la gravité exé-
cutées par le colonel Sterneck * et par l'institut naval avaient été
poussées jusqu'à Agram, elles auraient, conformément à la marche
connue de leurs variations le long des Alpes et des Carpathes, décelé
l'effondrement de l'aire croate, mouvement en dépendance duquel le
tremblement de terre d'Agram ne pourrait manquer de se trouver. D'un
autre côté, Fr.-E. Suess ne croit pas que les mouvements verticaux
et horizontaux qu'auraient subis les sommets de la triangulation soient
suffisamment démontrés. Lerl et Harboe ont, en effet, été forcés d'ad-
mettre, et arbitrairement, la fixité d'un ou de plusieurs d'entre eux.
ce qui n'est rien moins qu'évident, et Fr.-E. Suess, fait judicieusement
observer combien peu les différences de niveau, réduites à deux ou
* Untersûchungen ûber etwaige in Verbindung mit dcm Errlbcben von Agram am
0 November 1880 eingetrctenen Niveauândeningon {Milth. d. K. K. miliL geogr, ïnsL
XV, 17, 1895).
' Das Erdbeben von Agram am 9 November 1880 (Beitrdge zur Geophysik, lY, 406,
Leipzig, 1900).
' Das Erdbeben von Agram am 9 November 1880. {Id. V. 237, Leipzig, 1901).
* Mitth. d. K. K. milit. geogr. InsL, XVII, 1897, Wien, 1898.
CâRPATHES et dépendances 219
trois dizaines de millimëtres au maximum, dépassentl es limites pro-
bables des erreurs d'observation. Il faut donc être aussi prudent que
lui, et réserver toute décision au sujet d'un phénomène concomitant
possible, probable même, du tremblement de terre d'Agram, mais qui
jusqu'ici ne peut être considéré comme défînitivement acquis.
Les environs d'Agram présentent d'autres épicentres importants,
celui de Karlstadt par exemple, mais ce dernier n'est peut-être pas
indépendant de ceux delà Carniole orientale.
CHAPITRE XV
L'EUROPE SUD-ORIENTALE
1. — Grimée et mer Noire occidentale.
La côte sud-orientale de la Crimée est, à Texclusion du reste de la
presqu'île, le siège de secousses qui ne sont ni très fréquentes, ni
bien sévères, et qu'il est souvent difficile de séparer de celles de la
côte roumaine et bessarabienne, entre les bouches du Danube et
Odessa.
On s'accorde généralement à considérer la presqu'île de Crimée
comme une dépendance des Balkans : ainsi se continuerait la zone
de fractures, le long et au Sud de laquelle cette chaîne, d'après von
Hochstetter*, se serait affaissée à l'époque miocène, de Pirot au cap
Éminé. Cet effondrement paraît représenté dans la mer Noire par les
profondeurs qui, au Sud de la ligne des caps Éminé et Sarytch,
tombent assez rapidement de moins de 100 mètres à 1 000 et 1 800.
Cette ligne sous-marine est elle-même le prolongement de la côte acci-
dentée du Sud-Est de la presqu'île, tandis que ce littoral saillant des-
cend au contraire en pente douce sûr l'autre versant de la Crimée ;
c'est donc une sorte de horst, compris entre deux zones d'effondre-
ment. Les tremblements de terre dont il s'agit semblent devoir être
une conséquence de cette situation. La même côte est découpée en
lobes à grands rayons de courbure, disposition qu'on a eu souvent
l'occasion de signaler comme favorable au développement delà séis-
micité. Cette observation est applicable ici à une structure qui n'est
pas due, ainsi qu'on pourrait le supposer, à des fosses circulaires
d'effondrement, mais seulement, d'après Daniloff*, à de gigantesques
éboulements dont les produits forment les principaux caps. Quant
* Die geologischen Verhâltnisse des OsUichen Theiles der europâischen Tûrkei [Jahrb.
(l. K, K. Geol, Reichsanslalt, XX, 1870, 365; XXH, 1872, 331, Wien).
* Sur la géographie physique de la Yaîla occidentale (Grimée). (C. R. Ac, Se, Paris,
GXXXV. 355, 1902).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 231
aux secousses d'Odessa et de la côte roumaine, elles ne font souvent
que mordre la côte, ce qui tend bien à leur faire assigner une origine
sous-marine. Or, quel autre accident pourrait leur donner naissance,
sinon le raide talus plus haut mentionné, qui, de Bourgas àEupatoria,
sépare, d'après Venukoff*, une grande surface plate de 180 mètres
de profondeur maximum des grands fonds de 2250 mètres qui se
rencontrent sur la ligne Théodosia-Sinope ?
2. — La péninsule balkanique.
Entre les régions situées sur le bord de TAdriatique, la Save, le
Danube, la mer Noire et la mer Egée, un grand massif archéen a
joué dans l'Europe orientale le même rôle que les massifs analogues
du centre et de Touest de ce continent. Il a arrêté au Sud les plis-
sements carpathiques, ou alpins, et a l'Est les plissements dina-
riques, issus des Alpes orientales ; mais il n'en a pas moins subi les
poussées orogéniques tertiaires qui l'ont en partie disloqué et même
démembré, puisque le récent effondrement de la mer Égce lui a
enlevé une importante partie de sa surface méridionale. Géologique-
ment, le « continent oriental » de Peters comprend la Serbie, la
Bulgarie, la Roumélie et la Macédoine. On lui rattachera en outre
rÉpire, l'Albanie, la Dalmatie, l'Herzégovine et la Dalmatie, que les
plissements des Alpes orientales ont façonnés, le titre de péninsule
balkanique entraînant ce compromis entre la géologie et la géogra-
phie de territoires qui, si leur structure et leur constitution diffèrent,
n'en ont pas moins tous été soumis aux mouvements tertiaires. Du
peu qui vient d'être dit de l'histoire de ces régions, résulte que
l'instabilité séismique régnera surtout du côté de l'Adriatique, ce
que confirme bien l'observation, tandis que le massif proprement
dit sera, au moins relativement, plus à l'abri des tremblements de
terre, les territoires plissés y étant d'ordinaire plus sujets que ceux
simplement disloqués et démembrés.
Les documents séismiques sont assez nombreux pour tous ces
pays. Outre les catalogues déjà mentionnés de Perrey, de Julius
Schmidt et d'Agamemnone, on a pour la Bulgarie, la Bosnie et l'Herzé-
govine, la Dalmatie enfin, les catalogues annuels publiés par Watzoff*,
* Les profondeurs de la mer Noire (C. R. Ac. Se, Paris, CXI, 930, 1890).
* Tremblements de terre en Bulgarie au X1X« siècle. N» 4 (Sofia, 1902. Bulg. ; rés. fr.).
Tremblements de terre en Bulgarie. N» 2. Liste des tremblements de terre observés
pendant l'année 1901 (Bulg. ; résumé fr.) et années suivantes. .
io2 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
Baillif ^ et von Mojsisovics^ Le détail de la répartition de l'instabiliié
séismique est donc connu d'une manière vraiment trës satisfaisante.
La Serbie, dont la carte géologique provisoire a été dressée par
Zujovic ', termine à l'Ouest le continent oriental. Cette région est prin-
cipalement formée de roches anciennes. A l'Est, cependant, le Crétacé
domine entre la Morava et le Danube, en prolongement du versant
septentrional du grand Balkan, et on le retrouve au sud de Belgrade
avec le Primaire et le Tertiaire. Les roches volcaniques de cettQ der-
nière époque se sont épancliées assez tard et, d'après Zujovic, se pré-
sentent surtout dans le prolongement des Carpathes. La Serbie est à
l'abri des secousses sévères et môme de faibles chocs y sont plutôt
rares, mais le moment n'est pas venu, faute de renseignements suffi-
sants, de leur assigner une origine déterminée. C'est naturellement
pour Belgrade que l'on en connaît le plus grand nombre, ce qui ne
suffit pas pour les faire considérer comme autochtones, et il faut
probablement les attribuer au Banat. Le massif du Rudnik, au N. W.
de Kragujevatz, paraît être un faible foyer d'ébranlement. Non loin de
Tangle rentrant du Danube, quelques séismes dans la chaîne de
rOmolske prolongent vraisemblablement en Serbie la région séis-
mique de Moldova-Orsova ; c'est là que se ferment les plissements
de l'arc carpathobalkanique. De la ligne de fracture qu'est la fron-
tière bosniaque, le long de la Drina, Tonne saurait rien dire encore,
mais il est permis de supposer que cette partie du pays pourra peut-
être déceler des foyers d'ébranlement comme ceux du côté opposé,
Dolnjé Touzla et Sarajevo, quand les observations systématiques
instituées en 1903 auront été faites pendant assez longtemps. En
résumé, la Serbie est un pays presque aséismique, conséquence immé-
diate de ce que ses roches anciennes ont fait obstacle au plissement
dinarique des Alpes orientales, qui ont dû s'infléchir au S. E. vers
l'Albanie.
Le Grand Balkan est une chaîne crétacée, plissée à peu près paral-
lèlement au cours inférieur du Danube par suite de la résistance
du massif archéen du Rhodope ou Despoto-Dagh à une pression
venant du Nord. Il incline doucement vers le Nord sa couverture
* Zusammenslcllung der im Jahre 189G, 1897, i898, 1899. 1900, in Bosnien und Hene-
^çovina staltgcfunden Ërdbcbonbcobachtungen (Ergebnissen d. met. Beob. in d. Landes-
slalionen in Bosn. u. in llerzeg, Wien, i898...)
* Âllgemeines CUronik und Bericht der im Jahre 1896-1897..., 1904, innerhalb des Beo-
bachluDgsgebictos erfolgtcn Erdbeben (Uitth. d, Erbebencomm, d. K. Ak, d. Wîm. in
Wien),
' Geologische Ueberslcht des KÔnigreiches Serbien (Jahrb, d. K, K, geol. Rtichs-
anstalL XXXVI, 71. 1886).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE
251
a
cd
S
o
ce
(S
254 , GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
sédimentairey qui redevient horizontale sous la plaine alluvionnaire
bulgare. Tout ce versant est stable, et Ton n'y ressent que peu de se-
cousses, d'ailleurs sans importance. Une chute de quelques 150 mètres
amené au sillon danubien proprement dit et quelques pointements
basaltiques, à 40 ou 50 kilomètres du fleuve, font penser à de Lappa-
rent qu'entre la Roumanie et la Bulgarie doit se cacher, sous les
alluvions, autre chose qu'une simple vallée d'érosion. C'est à cet
accident supposé vraisemblablement un système de fractures^ que
seraient dues les rares secousses du versant balkanique septentrional.
La poussée orogénique tertiaire, qui a dressé par plissement le
Balkan contre les massifs résistants du Sud, est trop récente pour
que la stabilité relative de la grande chaîne sur la plus grande partie
de son parcours ne demande une explication. Elle ne peut se trouver
que dans la résolution du plissement en fractures, et l'on sait par
expérience combien ce dernier genre d'accidents est moins favorable
à la séismicité. Et, en effet, dès longtemps, von Hochstetter a consi-
déré le flanc méridional abrupt du Grand Balkan, entre le cap
Éminé et Pirot, comme une gigantesque faille, que les études plus
récentes ont, il est vrai, réduit à une zone de fractures. Les disloca-
tions balkaniques se sont résolues en bassins d'effondrement qu'ont
remplis des lacs tertiaires, et les phssements sont restés stables,
pour ainsi dire comme un arc débandé, tandis que les parties rom-
pues et affaissées ont conservé un reste de mobilité accusée par les
tremblements de terre des bassins de Sofia, de Philippopoli et d'An-
drinople, pour ne citer que les principaux et les mieux connus; du
moins est-ce ainsi que l'on peut, dans une certaine mesure, se rendre
compte d'un état de choses si particulier. Comme il était à prévoir,
les épanchements éruptifs tertiaires ont jalonné la zone rompue,
mais il serait oiseux d'en parler ici plus en détail.
Indépendamment des nombreuses secousses qui lui viennent du
Rila-Dagh, le bassin de Sofia a des chocs propres, et tout autour se
montrent des épicentres. Mais on ne saurait dire si les séismes
graves, qui ont parfois sévi dans cette ville, étaient autre chose que
le contre-coup des violents tremblements de terre du Rhodope, où
il est bien avéré que se trouve une région séismique dangereuse.
Ichtiman, Samokov et Doubnitza sont visiblement dans des con-
ditions géologiques et séismiques tout à fait analogues.
Philippopoli a, comme on devait s y attendre, accaparé toutes les
secousses de son vaste bassin lacustre d'effondrement. Cette ville
n'a, jusqu'à présent, pour ainsi dire jamais souffert de dommages
sérieux, constatation qui en raison de la similitude des circons-
L'EUROPE SUD-ORIëNTâLE 255
tances, non seulement corrobore la probabilité de l'origine exté-
rieure des séismes sévères de Sofia, mais encore laisse supposer
que la partie orientale du Rhodopc ne renferme pas de foyer séis-
mique comparable à celui du Rila-Dagh, ce que l'absence d'informa-
tions scientifiques dans ce sens ne permettait guère d'affirmer. Il est
donc vraisemblable qu'à l'avenir les relevés de l'Institut météorolo-
gique de Sofia ne feront pas découvrir de centre séismique important
de ce côté du Balkan archéen.
Quelques secousses de Jamboli et de Sliven portent à penser que
la fracture, ou l'accident tectonique de la haute Toundja, a conservé
une certaine mobilité. D'ailleurs, ce flanc méridional du Grand
Balkan pourrait bien avoir été le siège de mouvements importants
et fort récents. C'est à cette conclusion qu'est arrivé de Launay^,
d'après une exploration de Wankoff, entre Trevna et Sliven. Voici
le résumé de ces très intéressantes observations qui, évidemment,
peuvent rendre compte de la plus grande instabilité, à la vérité
modérée, du flanc méridional de la ciiaîne. Il a existé à de nom-
breuses reprises, depuis le Carboniférien jusqu'à la fin du Tertiaire,
sur l'emplacement du Balkan central, un géosynclinal, où se sont
déposés des sédiments détritiques : anthracites carbonifères de la
vallée de l'isker, charbons sénoniens, grès supracrétacés-éocènes du
flysch, lignites néogènes. Avant et après le flysch, une première
série de mouvements a produit des renversements généraux vers le
Nord, et les terrains sont brusquement interrompus au gneiss ou au
Trias vers le Sud, ou se trouve le flanc abrupt jalonné par des effon-
drements. Ces dislocations sont attribuables à une compression du
géo-synclinal E.-W. entre deux voussoirs, la plate-forme russe et le
Rhodope, qui se seraient rapprochés l'un de l'autre en déterminant
le chevauchement du Balkan plissé sur son avant-pays resté hori-
zontal. Des dislocations longitudinales et transversales, concomi-
tantes de manifestations éruptives nombreuses, ont amené la forma-
tion des dépôts néogènes dans les cuvettes du flanc sud de la chaîne.
Ces derniers sont eux-mêmes disloqués. Enfin la crête orographique
granitique, dominant de 400 à 500 mètres la ligne de partage des
eaux, est plus septentrionale qu'elle de 5 à 10 kilomètres. Bien que
d'autres hypothèses soient égalemçnt à considérer, dit de Launay,
cette disposition pourrait être due à un mouvement tectonique
récent, que divers autres indices amènent à supposer, par suite
duquel la crête granitique aurait continué à s'élever après le début
* La formation charbonnease sénonienne des Balkans (C. R. Ac. Se, Parisy CXL,
609, 1905).
!256 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQCE
(lu creusement des vallées et aurait été sciée transversalement par
le travail progressif des cours d'eau.
Contrairement à ce qu'on a dit de Philippopoli, et même en tenant
compte de l'exagération si facile aux chroniqueurs, il paraît bien
qu'Andrinople, ou le bassin d'effondrement tertiaire de la basse
Maritza, a subi de véritables ruines séismiques, outre les désastres
mentionnés sans plus de détails pour la Thrace. Gomme ils ont été
le plus souvent associés à de graves tremblements de terre des
grandes villes du voisinage, telles que Constantinople et Gallipoli,et
que d'ailleurs les épicentres en sont absolument indéterminables,
on peut se demander si le bassin d'Andrinople est plus exposé que
ses analogues en raison de sa structure propre, ou s'il ne ferait que
subir le contre-coup de quelque foyer du Rhodope oriental, compa-
rable à celui du Rila-Dagh. La question est encore sans réponse nette.
Inéboly, Ipsala et Ënos, sur la basse Maritza, ont leurs secousses
propres, jamais bien sévëres cependant.
Seres et Drama d'une part, et Melnik d'autre part, forment sur le
bas Strouma deux centres d'ébranlement, que leur situation dans des
cuvettes tertiaires, au milieu des roches archéennes environnantes,
doit faire assimiler aux cas précédents de Sofia et autres. Les
secousses assez fréquentes de Kavala ne sont probablement pas
différentes de celles de Drama.
La Chalcidique est composée de trois presqu'îles : les deux pres-
qu'îles orientales sont formées de schistes cristallins très fortement
redressés, de gneiss et de granité, tandis que celle de l'Ouest, ou
de Kassandra, montre des couches tertiaires et quaternaires presque
horizontales depuis Polygyros jusqu'aux sources chaudes de Seres,
d'où le nom antique de golfe Thermique. Une structure chirogra-
phaire, dont on connaît peu d'exemples aussi parfaits, y est complè-
tement indépendante de l'allure des couches recoupées, et conjointe-
ment avec une faille, Christomanos' la rend responsable du tremble-
ment de terre de Salonique du 5 juillet 1902. Cette relation peut
être valable pour les séismes propres de la Chalcidique, mais non
pour ceux de Salonique, ainsi qu'on le verra plus loin. Izvoro,
Polygyros et Kassandra, l'antique Potidée, sont d'apparents foyers
d'ébranlements. On sait que, d'après Hérodote (VIII, 22), le siège
de cette dernière ville par les Perses fut troublé par un raz de
marée, d'origine probablement séismique, le seul phénomène de ce
genre connu pour les côtes de Macédoine.
* Le tremblement de terre de Salonique (C. R. Ac, Se. PaîHs, GXXXV, 515, 1902).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 257
Sans les études auxquelles ont donné lieu les grands tremblements
de terre de Salonique du 5 juillet 1902 et du 4 avril 1904, cette ville
aurait continué à passer pour le foyer séismique le plus important
de la Macédoine. Mais depuis les travaux d'Hœrnes ^ sur ces deux
séismes, il est certain que cette ville n'a fait qu'accaparer les secousses
du voisinage. Le premier de ces deux tremblements de terre des-
tructeurs a eu son épicentre entre Guvezne (Grosdovo) et Arakli,
pr&s et au Nord du lac de Langaza, au centre d'une dépression
occupée par du diluvium et des couches pliocènes. Ce lac se trouve
d'ailleurs en prolongement du Becliik Gol, qui tend à couper
du continent les presqu'îles chalcidiques dans la direction de Salo-
nique. De Langaza à Dojran au Nord, les isoséistes. se sont disposées
autour d'une dislocation comme axe, ce qui rend évident son rôle
séismogénique en l'occurence. Il s'agit là d'un Graben d'effondre-
ment en pleines roches archéennes, et dont un très important appa-
reil thermal accentue encore le caractère tectonique. Plus au Nord,
à l'extrémité occidentale duRhodope, le massif du Rila a été le foyer
du tremblement de terre du 4 avril 1904. L'épicentre s'est trouvé
près de Dzuma-i-Bala dans le défilé de Kresna, qui correspond à une
dislocation des montagnes granitiques du Pirin-Dagh et du Maies-
Planina. Rilski-Monastir est pour ainsi dire en perpétuel mouvement
et le Rila-Dagh présente plusieurs autres accidents considérables
auxquels on peut assigner aussi un rôle séismogénique, jusqu'à ce
que des études de détail aient permis de préciser davantage ; l'insta-
bilité du massif s'étend tout autour à Doubnitza et aux environs de
Kustendil, dernière localité près de laquelle une ligne de fractures
dans le gneiss marque l'emplacement de nombreuses sources sulfu-
reuses chaudes.
Uskub, au bord d'un autre lac tertiaire, est un foyer d'ébranle-
ment dont l'instabilité ne peut cependant pas se comparer à celle
des centres précédents. C'est un peu plus au Nord qu'on atteint le
seuil mal défini de la plaine de Kossovo entre le haut Ibar et le
Lepenatz, affluent du Vardar. Cette disposition est ti'op particulière,
au milieu des roches archéennes, pour ne pas laisser supposer quel-
que accident tectonique responsable des secousses qu'on y ressent.
On en a fini maintenant avec les fragments du continent oriental
et les plissements carpathiques auxquels il a donné appui ; il reste
à examiner les plissements dinariques de l'Ouest, Albanie et Ëpire,
* Das Erdbeben von Salonichi aui 5 Juli 1902 (Mitth, d. Erdbebencomm. d. K. Ak. d.
.Wï«. in Wien, Neuo Folge, XHI, 1903); Id. Bericht ûber das makedonische Erdbeben
vom 4 April 1904 ; Id. XXIV, 1904).
Db 1Io9Tbs8u«. — Tremblements de terre. \ 7
25S GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
qui, contraints à dévier vers le S. S. ë. par la résistance du massif,
achèvent de compléter la presqu'île des Balkans sur TAdriatique.
Si ces plissements évoquent de suite l'idée d*une grande instabilité,
ce qui est bien le cas de ces pays, cette origine directe de leurs
tremblements de terre n'est certainement pas exacte cependant,
puisque plus au Sud, dans le Pinde, ils sont stables, et cette même
restriction s'applique à la Dalmatie. 11 faudra donc cherclier ail-
leurs les causes générales de la séismicité.
Nous limiterons ici l'Albanie au cours du Drin, qui s'ouvre pas-
sage par un canon de plus de 1 000 mètres de profondeur dans le
Crétacé plissé. Le trait principal de la géographie albanaise consiste
dans la haute muraille calcaire qui, d'Elbassan à Dulcigno, repré-
sente le bord d'un ancien lac tertiaire, se prolongeant au S. S. £.
jusqu'à Trikkala, en Thessalie, par Koritza et Kastoria. On y ren-
contre de nombreux foyers d'ébranlement où les tremblements de
terre ont souvent été dévastateurs, Scutari, Durazzo, Ëlbassan,
Bérat, etc. Plus h l'Est, si Ton ne connaît pas de véritables catas-
trophes, du moins Hilber ^ a signalé qu'en 1883 plus de 600 chocs
ont été ressentis en trois mois à Koritza, au sud du lac d'Ochrida ;
ce fait indique une instabilité que Ton ne soupçonnait pas jus-
qu'alors. Il attribue ces séismes à la double faille qui a donné lieu
à la fosse d'eQondrement qu est le lac d'Ochrida. Ses voisins, les
lacs de Presba et de Yentrok, sont formés comme lui par des affais-
sements de synclinaux de la chaîne plissée entre des failles paral-
lèles, et rien n'empêche de se rallier à cette opinion sur les séismes
de cette région. Il est probable que des causes analogues peuvent
rendre compte des secousses de Divri, de Monastir et de Kastoria,
si tant est qu'elles soient indépendantes de celles de Koritza, ou du
lac d'Ochrida, ce que Ton ignore.
Yanina occupe une situation tout à fait analogue : cavité tecto-
nique avec un lac en voie d'assèchement, et faible reste d'une nappe
tertiaire beaucoup plus considérable. Les tremblements de terre y
sont aussi fréquents que redoutables.
Gorfou est un centre renommé d*instabilité, mais comme, &ar la
côte, Avlona et Khimara sont tout aussi exposées, il y a lieu (k
tenir pour certain qu'une région séismique, dépendant d'une même
cause, s'étend jusqu'au lac d'Ambracie, à Prévésa et Arta. Cette
cause générale ne peut être cherchée dans le plissement dinarique,
stable plus au Sud, pas plus que dans les dislocations de la bande de
* Geologische Reise in Nordgricchenland und Makedonien, 1904 {Siisungsber. d.K.Ak,
d. Wiss. mat. nat. CL Wien, GUI, 623).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 259
flysch plissée au travers de laquelle se sont ouvertes les vallées lon-
gitudinales de rÉpire, les séisme» paraissant ébranler surtout la
côte. Seul le tracé, qui manque encore, des isoséistes d'un assez
grand nombre de tremblements de terre pourrait mettre sur la voie
de la découverte des accidents tectoniques à mettre en cause. En
particulier, il serait trës intéressant de »»roir s'ils s'allongent parallë-
lement à la côte, en vm mot si les secousses sont liées au raide
talus sous-marin de la mer Ionienne, et par suite dépendent de l'effon-
drement méditerranéen, contre-partie du plissement dinarique. Tant
que les études n'auronè pas été dirigées dans ce sens, il serait témé-
raire d'accepter sans plus la précédente suggestion, cependant bien
séduisante pour les tremblements de terre des cMes épirotes et
albanaises. Quelques vagues séismiques sont là seules pour laisser
supposer une certaine mobilité du fond de la mer Ionienne, d'autant
plus que très certainement la plupart des séismes d'Otrante et de
Lecee y ont leur origine.
Entre l'Adriatique et les fragments serbes et croates du continent
oriental, les Alpes Illyriennes, ou Dinariques, arrêtées par la résis-
tance de ces sortes de butoirs» se sont prolongées vers le Sud et le
Sud-Est pour former les régions plissées de THerzégovine, de la
Bosnie et de la Dalmatie. Ces territoires, formés surtout de tecrains
secondaires, ccmstituent un tout géologique et géographique bien
défini, que seule la nécessittfr d'introduire des divisions en rapport
avec la nomenclature habituelle a fait arrêter au cours de la Save
et de son affluent la Kulpa, jusqu'à l'angle du gaXe de Qtiarnero ;
sinon il aurait fallu englober aussi l'Istrie et la Camiole, dont la
structure est exactement la même. D'ailleurs les côtes dalmates pré-
sentent un type tout spécial, justifiant ce Gom|womis dans une cer-
taine mesuse.
Ces régions forment un triangle 9^ amincissant fortement vers le
Sud, les plis ayant dû se resserrer considérablement contre le mas-
sif archéen du Skhar, qui a opposé une résistance invincible à la
surrection alpine, et forcé les chaînes à s'infléchiff au delà vers
le S. S. E. Outre le plissement alpin, qui a érigé les chaînes
dinariques, l'événement géologique capital est ici Téffondrement de
la partie septentrionale de la mer Adriatique; làos les géologues
admettent maintenant que les îles Lagosta, Pellagosa, Pianosa et
Tremiti sont les restes de la côte méridionale d'une terre adriatique
récemment affaissée, à la suite d'un mouvement qui se prolongerait
jusqu'à l'axe archéen des Alpes par les failles dites périadriatiques.
On n'en veut pour preuves que l'absence de Tertiaire marin à
260
GÉOGRAPHIE SÉÏSMOLOGIQUE
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Fig. 39. -~ Dalmatie, Bosnie et Herzégovine.
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 261
Toucst de la Bosnie et le fait que de tels sédiments ne se rencontrent
plus au nord de Pelagosa. Le Monte Conero, près d'Ancône, et le
Monte Gargano seraient en Italie les représentants de cette Adria-
tide disparue, tandis que les pointemenls éruptifs des Piètre Nere
au lac italien de Lésina, précisément orientés vers Lissa, ainsi que
ceux mêmes de cette dernière île dalmate, attesteraient bien la réa-
lité de la fracture. D'autres arguments, paléontologiques et zoolo«
giques, militent en faveur de cette hypothèse. Par une coïncidence
qui n'est certainement pas fortuite, ce rivage méridional de TAdria-
tidc affaissée sous les eaux se trouve juste en prolongement de celui
du grand lac tertiaire albanais par Elbassan et Dulcigno, ce qui
montre quels profonds bouleversements ont subi ces pays depuis
l'époque miocène. Les côtes dalmates ne sont point des Qords ; la
mer a seulement pénétré dans les synclinaux de plissement, en pro-
fitant des cassures qui lui ont permis d'ouvrir d'étroits et profonds
canaux, qui ont découpé les îles et se terminent parfois au pied de
dolines effondrées.
Une telle constitution, de date aussi récente, ne pouvait manquer
d'appeler une grande instabilité, preuve que l'équilibre est loin d'être
atteint. Et en effet, la Dalmatie est un pays qui non seulement ne
compte plus les tremblements de terre violents, mais est pour ainsi
dire en perpétuel mouvement. Malheureusement, les tracés d'iso-
séistes sont encore trop peu nombreux pour qu'on puisse en toute
sûreté invoquer les nombreux accidents tectoniques de la couverture
secondaire ou tertiaire lacustre. Ces dislocations sont tantôt paral-
lèles, tantôt perpendiculaires aux plis dinariques. Parmi les dernières,
plusieurs indiquent des épicentres sous-marins. C'est donc que le
plissement, et l'effondrement adriatique de même direction, ne jouent
pas exclusivement un rôle séismogénique, et qu'il faut aussi compter
avec les cassures transversales.
Le grand tremblement de terre de Sinj, du 2 juillet 1898, a été
étudié dans tous ses détails par Faidiga S et von Kerner ' a fait
intervenir pour sa production des mouvements des compartiments
découpés par des failles, tout autour d'un petit bassin tertiaire lacustre
maintenant asséché et bouleversé. On retombe donc là sur le môme
genre de phénomènes que ceux qui agitent les bassins analogues du
* Das Erbeben von Sinj am 2 Juli 189S (Mit th. d. Erdbebencomm. d. K. Ak, d. Wiss.
in Wien. Neue Folge, XVII, 1903).
■ Voriflufiger Bericht ûber das Erbeben von Sinj am 2 Juli 1898 {Verhandlungen d. K.
K. geoL Reichaanstalt, 1898, 270, Wien) ; Id. Die Beziehung des Erdbebens von Sinj am
2 Juli 1898 zvLT Tektonik seines pleisosteistes Gebietcs (Jahrbuch d. K, K. geol. Reichsanstalt.
1900, L. 1, Wien).
2<» GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
massif balkanique. Von Mojsisovics (6' Liste de 1900, p. 70) met les
séismes du 26 juin 1899 et du 13 mars 1900 en relation avec une
faille qui se montre le long de la ligne Ivankovic, Mont Om, Vris-
nik. Bol, Civitta-Vecchia (Lésina), et qui de là vient effleurer la
côte S. W. de la presqu'île de Rabal, et se fait voir aussi à San
Pietro de Brazza et Almissa. Le rôle séismogénique de la disloca-
tion de la vallée do la Narenta n'est guère niable non plus.
Ki&patié^ fait jouer un rôle séismogénique important à une dislo-
cation sous-marine, à la vérité hypotiiétique, courant E.-W.
entre les îles Lésina et Curzola, qui ont été souvent le siëge de
séries de nombreuses secousses.
Toutes les villes importantes de la Dalmatie sont des foyers, an
moins apparents, d'ébranlement, mais les véritables épicentres sont
encore bien mal connus*
On sait combien sont nombreux les séismologues qui ont mis, au
moyen de statistiques locales et restreintes, les tremblements de
terre en relation avec les saisons, et nous en avons montré le peu
de bien fondé par une étude générale* d'où il ressort que les
maxima et les minima varient de pays à pays. A propos de ceux
de la Dalmatie, Belar'a expliqué le maximum estival qui s'est mani-
festé en 1902 en disant que le long des côtes, c'est dans cette saison
que se produit la plus grande différence d'échauffement entre les
sols couverts par l'eau et par l'atmosphère, d'où la possibilité
que se manifestent les plus grandes différences de tension dans les
couches terrestres, et les secousses du sol quand ces différences
atteignent une certaine valeur. L'effet est-il adéquat à la cause invo-
quée ?
On ne saurait passer sous silence les nombreux bruits séismiques
qui, de 1822 à 1826, ont tant effrayé les habitants de 1 île de Meleda.
Knett, dans les mémoires déjà cités sur les bruits séismiques,
explique ceux de Meleda par l'afflux des vagues de la mer dans les
cavernes et les diaclases du calcaire bouleversé de cette île ; ainsi
comprimé, l'air qui les remplit utilise toutes les voies possibles pour
s'échapper à l'extérieur, ce qui ne peut s'effectuer sans bruit. Cette
explication se rapproche beaucoup de celles de Partsch *, à qui l'on
* Bericht ûber die Kroatischslavonisch-dalmatischen, sowie ûber die bosnischrkerze-
govinischen Erdbebenin den JahrenISSÂ, 1885 und i886 (p. 100).
' Étude critique des lois de répartition saisonnière des séismes (Arch. se, ph. naL,
Genève, 15 mai 1891).
* Erdbeben in Gebiele der Adria vom Jalire 1902 (Die Erdbebenwarte, IV, 1904-1905,
40, Laibach).
* Berichi ûber dos Detonatxonsphûnomen auf derinsel Meleda bei Ragusa (Wien, iS26).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 263
doit la description du phénomène, et de StuUi*, mais elle nous
semble se heurter à cette grosse difficulté que Faction des eaux de la
mer est toujours restée la même qu'en 1822, tandis que les bruits
séismiques ne se sont plus renouvelés sur cette échelle ; elle est d'ail-
leurs de tous points inadmissible pour les bruits analogues de Gua-
najuato (Mexique) en 1784, et pour bien d'autres cas du même
genre.
La séismicité générale de la Dalmatie, — et cette considération
doit aussi s'appliquer à la Bosnie et à l'Herzégovine, — ne saurait
être indépendante du géosynclinal ancien qu'on y a récemment
reconnu. La présence du Carboniférien marin dans ces pays démontre
l'existence, sur l'emplacement même du rivage oriental de l'Adria-
tique, d'une communication avec la mer russe de la même époque.
Il y aurait ainsi superposition des causes séismogéniques inhérentes
au géosynclinal carboniférien et de celles résultant des mouvements
tertiaires, cas que nous avons déjà plusieurs fois rencontré.
En Bosnie et en Herzégovine s'introduit dans la structure géolo-
gique un autre élément de complication, à savoir la présence de
noyaux primaires perçant la couverture secondaire, tandis que vers
le Nord le Flysch et les dépôts néogenes vont rejoindre la Save. On
n'y connaît pas de désastres séismiques, mais seulement quelques
chocs très sévères ; jusqu'à nouvel ordre, il est difficile d'affirmer que
ces deux anciennes provinces turques, isolées du monde civilisé pen-
dant tant de siècles, sont vraiment plus stables que la Dalmatie. Les
observations, commencées en 1896 à l'Observatoire météorologique
autrichien de Sarajevo, ne permettent pas de se prononcer encore.
Ces deux provinces renferment certainement un nombre considé-
rable de foyers d'ébranlement, mais c'est tout ce qu'on en peut dire
actuellement, d'autant plus que leurs séismes se confondent sou-
vent avec ceux de la Dalmatie. Rien n'empêche de penser que les
secousses de la vallée du Yrbas, celles de Banjaluka en particu-
lier, ne soient le résultat des mouvements de la ligne de fracture qui a
abaissé vers l'Ouest les couches les plus récentes.
Rispatic^ attribue le séisme du 18 décembre 1888 à Plevlje à une
faille de la vallée de Praca, découverte par Bittner dans le Trias et
celui du 13 octobre de la même année, à Prozor, à une dislocation
des roches éruptives anciennes qui constituerait jusque vers Imotski
* Suite deloD&zioDi dell' Isola di Meleda (BibliolecaU4aiana, XXXIII, 347. Ra^8a,1823).
* Bericht ûber dio kroatisch-slavonisch-dalmatischen, sowic ûbcr die bosnisch-her-
zegovinischen Erdbcben in den Jahren 1887 und 1888 (Bericht der Eràtében-Cùmmis-
«ton, p. 16).
264 GEOGRAPHIE SEISMOLOGIQUE
et Makarska, en Dalmatie, une importante ligne de chocs dont
dépendrait aussi Tarcin, près de Sarajevo.
Enfin le Monténégro, où les plissements dinariques sont venus
s'écraser contre le Skhar, qui en a réduit la largeur à plus de la
moitié, paraît stable, en dépit des gigantesques dislocations résultant
de cette compression. Mais peutrêtre sommes-nous trop facilement
enclins à tenir pour stable un pays pour lequel nous ne possédons
guère d'observations de séismes. Et en effet, si l'on en croit des
renseignements de presse, un tremblement de terre, le 3 juin 1905,
aurait été destructeur à Cettigné et plus encore k Scutari.
3. — La Grèce.
La Grèce, dépendance méridionale de la presqu'île balkanique, est
un des pays du monde les mieux connus au point de vue séismique,
car ses annales historiques datent d'une haute antiquité, et ont fourni
abondante matière aux grands catalogues de Perrey et de Julius
Schmidt; ce dernier y a entretenu de 1860 à 1878 de nombreux cor-
respondants. De 1825 jusqu'à nos jours, D. G. et B. A. Barbiani*,
de Biasi et Margaris ont poursuivi à Zante une série d'obsen^ations,
interrompue seulement de 1869 à 1888, et il n'est pas de localité qui
en présente une aussi étendue. Eginitis enfin % directeur de l'Obser-
vatoire d'Athènes, a institué depuis 1893 un service public d'infor-
mations séismiques répandu sur toute la surface du pays et assuré
par le concours des instituteurs et employés des postes et télé-
graphes. La répartition des tremblements de terre est ainsi connue
avec une précision qui ne le cède en rien à celle d'aucun pays du
monde. L'instabilité est considérable, et sans compter que depuis
l'antiquité on est bien renseigné sur un grand nombre de désastres,
la fréquence séismique annuelle moyenne n'est pas inférieure à
275 secousses, chiffre hors de proportion avec l'exiguïté du territoire.
Grâce à l'expédition scientifique française de 1829 à 1831* et
surtout aux voyages et aux travaux de Philippson *, pour ne citer
que les recherches fondamentales d'ensemble, on commence à se
* Mémoire sur les tremblements de terre dans l'île de Zantc (jusqu'à i863) avec uoe
introduction par Al. Perrey (Métn. Ac. Dijon, XI, 1, 1863).
* Liste dos tremblements de terre observés en Grèce durant les années 1893 à 1898 et
1899 {Ann. obs, nat. d'Athènes, II, 189, 1900) ; Id. 111, 336, 1901).
■ Expédition scientifique de Mot^e. Travaux de la section des sciences physiques
(11, Paris, 1835).
* Der Peloppones, Versuch einer Landeskunde auf geologischer Grundlage, Nach
Ergebnissen elgener Rcisen (Berlin, 1892).
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 265
rendre compte assez clairement des principales vicissitudes géolo*
g'iques qui, à l'époque tertiaire, ont finalement doté la Grèce de sa
configuration actuelle : leur grandeur et leur complexité justifient
une instabilité qui a fait des pays helléniques une région tout aussi
classique au point de vue des tremblements de terre qu'à ceux de
l'art et de la littérature. D'ailleurs tous les monuments, malgré
l'excellence et le fini de leur construction, portent autant la trace
des phénomènes séismiques que des déprédations barbares et
turques. Non seulement à l'époque tertiaire, mais môme à l'époque
pléistocène, la géographie de la Grèce a subi des changements telle-
ment considérables que sa séismicité n'a rien qui puisse surprendre.
On va rapidement esquisser tout d'abord ces vicissitudes, en suivant
le plus souvent les vues de Philippson, assez généralement acceptées.
L'âge des plus anciennes formations n'a pu encore être bien fixé
dans la plupart des cas, à cause de l'intense métamorphisme dont
elles portent la trace ; mais on sait tout au moins qu'elles étaient
déjà plissées vers le milieu de l'époque secondaire, preuve que l'on
va se trouver en des territoires dont la mobilité actuelle et le manque
d'équilibre, ou ce qui revient au môme leur position au sein d'un
ancien géos^^nclinal, date de très loin, circonstance éminemment
favorable à l'activité séismique, ainsi qu'on a eu bien des fois Tocca-
sîon de le constater ailleurs. Au cours du Crétacé, la côte orientale
du Péloponèse émerge seule. 11 semble très probable que les plisse-
ments tertiaires ont commencé plus tôt à TEst qu'à l'Ouest, dans le
premier cas de TÉocène inférieur à l'Éocène moyen, dans le second
vers l'Oligocène; il est donc d'ores et déjà permis de pronostiquer une
plus grande stabilité sur la mer des Cyclades que du côté méditerra-
néen, et c'est bien ce que Ton verra tout à l'heure se confirmer par
l'observation. Les temps éogènes seront en Grèce ceux des plisse-
ments dinariques et l'époque néogène sera celle des dislocations et
des morcellements.
A ce moment, une vaste terre ferme couvrait avec ses chaînes plis-
sées et entourait le Péloponèse, les îles Ioniennes et la mer Egée
jusqu'à l'Asie Mineure, ainsi qu'en témoigne l'absence de sédiments
marins de cette époque. C'est alors que de grandes zones de frac-
tures commencent à morceler cette masse continentale, qui en même
temps s'affaisse ; aussi la mer envahit-elle les trouées ainsi ouvertes.
Dès la période levantine (Pliocène inférieur ou moyen), les îles
Ioniennes sont séparées, des bras de mer inondent l'Élide et
l'Achaïe avec la Messénie, tandis qu'un autre occupait l'emplacement
du golfe de Laconie et de la haute vallée de l'Eurotas. Des lacs
266 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
d'eaux alternativement douces et saumâtres déposent leurs aécLi-
ments sur les bords du golfe de Corinthe, en Ëtolie et en Acar-
nanie, dans le Péloponëse central (bassin de Mégalopolis)^ etc. Ces
changements variés ne vont pas sans d'intenses dislocations que
souligne le développement de l'appareil volcanique, trachytes du
golfe d'Égine et de Poros^ pendant que le volcan de Méthana s'allame
jusqu'à l'aurore des temps historiques \ en 282 avant J.-C. Cette
bande éruptive forme la partie septentrionale d'une zone de moindre
résistance qui s'étend jusqu'à l'Asie Mineure par Milo, Santorin,
Cos et Nisyros, et sur remplacement de laquelle la grande terre des
Gyclades s'est complètement effondrée, sans laisser d'autres reliques
que d'infimes îlots rocheux. Au Pliocène survient une phase de sur-
rection qui porte les dépôts de cet âge jusqu'à plus de 1 800 mètres
en Achaïe ; les lacs intérieurs s'assèchent, le golfe de Corinthe aban-
donne l'isthme de Mégare à la terre ferme, l'Eubée se sépare de
TAttique et de la Béotie, le golfe d'Etolie et d'Acarnanie ne laisse plus
subsister que le golfe bien déchu d'Ambracie (ou d'Arta), le golfe de
Corinthe se rétrécit beaucoup jusqu'à ses limites actuelles par
l'exhaussement de ses côtes méridionales, pendant que l'effondrement
pléistocène ne laisse plus émerger de l'Égéide rompue que les prin-
cipaux massifs transformés en îles, les Cyclades, et que la Méditer-
ranée remplit son bassin occidental au bord des îles Ioniennes et de
l'abrupte Messénie, par des abîmes de 3 500 mètres et plus.
A la fin du Pléistocène, la Grèce atteint son actuelle configuration
et, sauf des mouvements négatifs d'ensemble, elle est arrivée à un
état d'équilibre général seulement troublé par de violentes vicissi-
tudes de détail, en relation avec des tremblements de terre.
En résumé, les poussées de plissement ont dominé pendant
l'Éogène et les fractures pendant le Néogène ; les premières succé-
dant à de plus anciennes, sont à peu près éteintes, sans aucun rôle
séismogénique, tandis que les secondes, loin d'avoir dit leur dernier
mot, se traduisent ici ou là par des secousses du sol, tellement bien
que l'instabilité la plus redoutable se restreint à quatre zones de
fractures : détroits de Trikhéri et d'Atalante, golfes de Corinthe et
d'Égine, côtes des îles Ioniennes et de la Messénie ; ces zones cons-
tituent les régions séismiques les mieux déterminées, et en dehors
desquelles on n'a plus à mentionner que d'insignifiants foyers
d'ébranlement. Philippson (/. c, 439) attribue à la plupart de ces
derniers un caractère très local, et fait intervenir dans la genèse de
* Pansanias, VI, S3, 36.
L'EUROPE SUD-ORIENTALE
267
leurs secousses les éboulemenis causés par la dissolution des
couches calcaires, lavées par les eaux souterraines circulant dans
les diaclases.
On va maintenant passer à Tétude détaillée des diverses régions
séiamiques de la Grèce.
Li'Eubée est remarquable par la fréquence des secousses qui
Fig. 40. — Grèce.
l'ébranlent. Chalcis, Eourbatzi, Achmet-Aga, Koumi et Aidipso sont
des foyers d'agitation, sans compter d'autres moins riches, mais tous
appartiennent à la moitié septentrionale de Tîle, et le nombre annuel
moyen n'est pas inférieur à 40. Un certain nombre de chocs de
Ghalcis peuvent très bien venir de la Béotie. Si l'on ne tient pas
compte de certaines assertions, données d'ailleurs par d'anciens
auteurs sans désignation de localités éprouvées, ce qui donne le droit
de les mettre en doute, il paraît bien certain que TEubée n'a jamais
eu à souffrir de tremblements de terre désastreux. Il faut donc con-
268 GÉOGRAPIIIi: SëISMOLOGIQUE:
sidérer cette île comme pénéséismique, avec plus de fréquence que
d'intensité de secousses. Sa partie méridionale est surtout consti-
tuée de terrains azoîques, micaschistes, gneiss et cipolins» qui ne
font qu'apparaître çà et là dans le Centre et dans le Nord d'après
Deprat ' ; ce géologue n'a reconnu que des plissements hercyniens
dans le Sud, tandis qu'il a vu ceux de l'époque tertiaire affecter le
Centre et le Nord, circonstance en parfait accord avec la répartition,
mentionnée plus haut, de l'instabilité, beaucoup plus forte au Nord
qu'au Sud, ce qui devait être puisque dans le Nord les mouvements
tertiaires se sont superposés aux mouvements antérieurs, non seu-
lement à rÉocène, mais au Miocène et au Pliocène. Enfm des dis-
locations post-sarmatiques ont affecté en particulier les couches
aquitaniennes de Koumi, qui est précisément le seul point instable
de la côte extérieure : cette dernière observation exclut tout rôle
séismogénique des événements tardifs qui ont séparé TEubée des
Cyclades. Les mouvements pliocènes ont été de grands effondre-
ments, qui ont comme haché l'île et l'ont séparée du continent tout
en se prolongeant jusqu'au Quaternaire. Ainsi les plissements justi-
fient suivant leur âge la répartition générale des séismes de l'Eubée,
en même temps que les dernières dislocations ont appelé l'instabilité,
surtout développée le long des détroits d'Atalante et de Trikhéri.
C'est le long de ce dernier, en effet, que se pressent sur un petit
espace lesépicentres si importants deKourbatsi, AidipsoetXerochori.
Les Sporades au Nord, ou les îles magnésiques, Skyathos, Sko-
pelos, où domine le Crétacé plissé *, sont probablement aussi souvent
ébranlées que la côte nord de l'Eubée, mais les tremblements de
terre y semblent parfois plus violents, témoin celui du 4 octobre 1868,
qui a fort endommagé les habitations de Skyathos ; mais on est encore
bien loin d'un véritable désastre. Thucydide' mentionne la ruine de
Péparèthe (la Pelagonisi actuelle suivant les uns, Skopélos suivant
les autres), fait que l'événement de 1868, avec ses nombreux chocs
consécutifs, rend très vraisemblable. Ces îles, où se continuent sous
les terrains secondaires les schistes anciens de TOthrys, font partie
du massif cristallin de TÉgéide septentrionale affaissée, dont Phi-
lippson a retrouvé les vestiges jusque dans Samothrace et le golfe
de Saros. Les mouvements d'effondrement semblent donc se pro-
* Etude géologique» et pélrographique de Vile d'Eubée (Besançon, 1904) ; Id. Sur U
structure tectonique de Tlle d'Eubée (C. ft. Ac. Se. Paria, GXXXVII. 666, 1903).
• A. Philippson. Beitrage zur Konntniss der griecliischen Inselwclt (Pet. geogr. Mitlh.
Ergdnzungsband XIX, llefl 434, Gotha, i90l).
' Guen^e du Péloponèee, III. LXXXIX.
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 269
longer ici, aussi bien dans le détroit de Trikhéri que sur le continent
dans le golfe de Lamia (Zeitoun), et c'est à eux qu'on aurait dû, en
mai 1758, la disparition sous les flots d'une partie de Pondiconiso à
la pointe N. E. de TEubée, ainsi que de deux îlots dans ce même
golfe de Lamia. Suess mentionne, en 427 avant J.-C, la disparition
de Skarphia dans le golfe Malique, à la suite d'un violent tremble-
ment de terre. C'est donc que les efforts du morcellement égéen se
perpétueraient vraisemblablement encore dans les Sporades du Nord,
le détroit de Trikliéri et le golfe de Lamia, aussi bien que dans la
vallée du Sperchios, au pied sud de TOthrys ; mais ces tremblements
de terre ne sauraient ôtre mis en relation avec les plissements dina-
riques de l'arc oriental, prolongé jusqu'à Skyros et Lemnos, parce
que le Pinde, d'où ils se détachent, est absolument stable.
La Thessalie est un fond de lac tertiaire, vidé par les dislocations
de la vallée de Tempe enti'e l'Olympe et l'Ossa. Il s'étendait jusque
sur l'Albanie par-dessus le Pinde, ainsi qu'on l'a vu antérieurement,
de sorte qu'en réalité, la plus grande partie de cette région est exté-
rieure à la Grèce. La Thessalie et le bassin de Grevena forment un
Graben d'effondrement surtout instable du côté de l'Ouest, que les
cartes actuelles n'indiquent que fort imparfaitement. Dans la partie
qui nous occupe ici, Trikkala^ est le seul foyer un peu notable d^ébran-
lement, et les tremblements de terre n'ont guère produit de dom-
mages que quand, par exemple, Larissa s'est trouvée englobée dans
Taire pléistoséiste de quelque grand tremblement de terre extérieur,
tels ceux de la Locride. Volo est un autre centre, situé sur le golfe
d'effondrement du même nom^ qui a été coupé dans la masse de
l'Olhrys.
Plus au Sud, la Phocide, la Locride et la Béotie forment une région
Béismique extrêmement éprouvée par les tremblements de terre. On
y a subi bien des catastrophes, et le séisme du 20 avril 1894 mérite
une mention spéciale, non pas tant par les dommages causés que
par l'ouverture d'une longue faille de 55 kilomètres de long, paral-
lèle au rivage du canal d'Atalante, et avec un rejet de 50 centi-
mètres à 2 mètres, variable suivant les terrains traversés. Papava-
siliou^ pense avec beaucoup de raison que cette dislocation est ana-
* Le pea d'importance des tremblements de terre dans la haute vallée de la Salamvria
(monts des Météores), est à rapprocher de la stabilité parfaite du district des formations
analogues du a Quadersandstein » de la Suisse saxonne. Ce sont des grès, qui, par leur
résistance aux agents extérieurs de dénudation et d'érosion, ont donné naissance h,
ces formes pittoresques sans intervention de dislocations à rôle séismogénique.
* Sur le tremblement de terre de Locride d*avril 1894 (C. A. Ac. Se, Pans, CXIX,
112, 1894).
270 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
logue à celles qui, à la fin du Tertiaire, ou au commencement du
Quaternaire, ont creusé le golfe d'Eubée, de même direcUon, au
travers des terrains crétacés qui réunissaient cette île au continent,
et au-dessus desquels s'étaient déposés des sédiments lacustres. Ce
tremblement de terre accuse donc nettement la continuation de ces
efforts de morcellement, et on est en droit de penser qu'il en est de
même de toutes les secousses de cette région séismique, des nom-
breux désastres de Thëbes et des secousses de Ghalcis, de Tautre
côté du détroit.
La troisième région de fractures du sol hellénique correspond aui
golfes de Gorinthe et d'Égine, seulement interrompus par le faible
relief de l'isthme de Gorintlie. Get accident a coupé net les plisse-
ments dinariques du Pinde et sa partie orientale, le golfe d'Égine,
est de beaucoup la plus stable, car Athènes n'a jamais été sérieuse-
ment éprouvée. Gette ville et le Pirée ne sont donc que des épicentres
apparents, dont le repos relatif s'étend aux îles et à la presqu'île
de Nauplie.
Le danger séismique est au contraire extrême à peu près sur tout
le pourtour du golfe de Gorinthe, et montre trois principaux points
d'élection : le Parnasse, l'isthme, et le littoral de l'Achaîe.
Le massif du Parnasse est remarquable par l'accumulation d'épi-
centres rapprochés, tous très riches en secousses; il est donc pro-
bable que toutes les dislocations qui l'accidentent jouent à leur tour.
Jusque vers JSgosthena, cette partie septentrionale des côtes du golfe
de Gorintlie est coupée abruptement par l'effondrement, et les plus
grandes profondeurs se rencontrent précisément vers Galaxidi, un
des points les plus exposés. Le Parnasse est situé à l'est des pUsse-
ments dinariques, si stables, du Pinde, et à Touest d'une côte bien
moins souvent ébranlée, caractère qu'elle partage avec l'isthme de
Mégare, ce qu'on peut expliquer par son émersion plus ancienne
que celle de l'iBthme de Gorinthe, et son moindre état de dislocation.
L'isthme de Gorintlie est un second foyer de redoutable instabilité
avec les nombreux tremblements de terre connus pour B^alams&i»
Isthmia, Gorinthe, Kiaton, et Nemea jusque dans le massif monta-
gneux du Sud. Il semble que ce district séismique prolonge celui du
haut Eurotas, aussi bien que celui de l'Argolide, tous deux d'ailleurs
beaucoup moins importants; cette dernière observation s'accorde
avec ce qui a été dit au début, sur le passage des mers tertiaires par
ces deux voies dont le fond est maintenant émergé, preuves de
mouvements considérables dont ces tremblements de terre manifes-
teraient un reste de vitalité.
L'EUROPE SUD-ORÎENTALE
271
0
S
te
272 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Continuant vers TOuest, on a affaire jusqu'àDiakophtitika à un litto-
ral assez large, découpé en escaliers par des failles parallèles à
Taxe du golfe, et qui tombe assez doucement sur le fond de l'entaille
maritime. On n'y rencontre guère que le foyer de Xilocastro, par-
fois éprouvé, ce qui laisse à penser que la stabilité n'est qu'appa-
rente et ne résulte que de la pauvreté et de l'absence de grands
centres habités. Mais au delà, on arrive à la région si instable du
détroit de Patras, resserré entre TAchaïe et le continent. Les trem-
blements de terre sont violents et fréquents à Patras et surtout à
Vostitza, au voisinage d'Hélice et de Bura, que les auteurs de l'anti-
quité font engloutir sous les eaux de la mer en 373 avant J.-C* Cet
événement historique n'a plus rien d'improbable, et on ne peut
maintenant sans parti pris taxer d'exagération les anciens récits,
depuis que Julius Schmidt (/. c.) a montré par quel mécanisme, lors
du désastre de Vostitza le 26 décembre 1861, la masse des allu-
vions côtières avait été sur une longueur de 13 kilomètres séparée des
terrains plus anciens et s'était enfoncée en glissant dans l'eau :
130 hectares disparurent de la sorte à Test de cette ville, bâtie sur
l'emplacement de l'antique iEgion. En arrière du ruban de côte
ainsi brusquement immergé, d'innombrables crevasses s'ouvrirent
partout jusqu'au pied des collines sur la plaine littorale, et parallè-
lement au rivage le plus rapproché. L'une d'elles, plus importante
que les autres, entama même les hauteurs. Ce tremblement de terre
avait, d'après Schmidt, son épicentre dans le golfe entre iOgion et
Itea, par 22* 30' E. Gr. et 38* 13' N., et il avait sans aucun doute tra-
vaillé dans une notable mesure à l'agrandissement du bras de mer;
aussi W. G. Forster* en tira-t-il cette conclusion que les séismes
des côtes grecques sont dus à des éboulements aussi bien des côtes
elles-mêmes que des inégalités qui accidentent le fond des mers voi-
sines. Ingénieur de la Compagnie des câbles helléniques sous-
marins, il eut maintes fois l'occasion de constater pendant de longues
années des ruptures de câbles à la suite de tremblements de terre, et
en même temps, dans la topographie des fonds, que ses fonctions le
forçaient à connaître et à étudier, de notables changements accusés
par de grandes différences dans les sondages à peu d'années d'inter-
valle, avant et après les phénomènes séismiques dont il s'agit. On
pourrait bien se demander si ces éboulements, d'ailleurs hors de
toute contestation possible, sont, comme le pense Forster, la cause
ou l'effet des tremblements de terre de la Grèce. Mais quand on
* Pausanias, lib. VII.
* EarUiquake origin (Trans. seism. soc. of Japan, XV, 73, 1890).
L'EUROPE SDD-ORIENTALE 273
réfléchit à la façon dont le Péloponëse est découpé par des golfes
profonds, aux rebords souvent accores, et qui lui ont donné sa
remarquable configuration chirographaire, quand on voit aussi avec
quelle parfaite indépendance d'allures ces indentations coupent les
roches intéressées, sans aucune relation ni avec leurs plissements,
ni avec leurs directions, il faut reconnaître que loin de jouer un rôle
séismogénique, les éboulements et les modifications topographiques
sous-marines sont au contraire, et aumêm.e titre que les tremblements
de terre, des effets consécutifs des efforts, encore en action, du
morcellement du sol hellénique. D'ailleurs, Fopinion de l'ingénieur
anglais ne pouvait s'appliquer au rivage du massif parnassien, le
long duquel les alluvions au fur et à mesure de leur formation tom«
bent de suite au fond, sans pouvoir s'arrêter au bord des escarpe*-
ments^ ni par conséquent pouvoir glisser ultérieurement ; ils doivent
par conséquent reconnaître une origine toute différente. De la même
façon, l'embouchure du golfe de Gorinthe montre en Acarnanie et en
ÉUde, c'est-à-dire sur les deux rives, la même disposition de pentes
et d'alluvions que dans la partie resserrée, le détroit de Patras, et
cependant la séismicité diminue notablement dans la direction des
îles Ioniennes. Il est donc bien démontré que le peu de fixité des dépôts
alluvionnaires sur les flancs delà dépression corinthienne ne peut
jouer aucun rôle séismogénique, et il était d'autant plus important
d'insister sur ce point que Forster a voulu généraliser et a admis que
toutes les côtes instables de structure analogue ne reconnaissent pas
d'autre cause à leur séismicité. Nos conclusions, relativement à
l'influence perpétuée sous forme de tremblements de terre des efforts
d'ouverture du golfe de Gorinthe ou de Lépante, sont encore corrobo-
rées par la forme des isoséistes des tremblements de terre qui en
agitent les bords : elles sont en effet, le plus souvent, fort allongées
et couchées sur l'axe même de la dépression, observation faite très
anciennement.
L'Étolieetl'Acarnanie sont beaucoup moins sujettes aux ébranle-
ments séismiques que les régions précédentes, en particulier celle
de Patras, à laquelle appartient sans aucun doute le foyer de Naupacte
ou de Lépante. On a déjà signalé le parfait repos des plis dinari-
ques du Pinde qui en occupent une notable surface, conjointement
avec le fond lacustre tertiaire qui se maintient encore par le golfe
d'Ambracie, dernier vestige de sa considérable extension d'autre-
fois. On y trouve une région séismique avec les centres d'Arta,
Karavassara, Katouna, Mont Boumistou et Prévésa, aux secousses
plus fréquentes que vraiment à craindre, Ges trois derniers épicentres
Di HoRnsscs. — TremblemcnU de terre. 18
274 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
pourraient bien appartenir en réédité à la région si dangereuse des
îles Ioniennes, et Hilber (/. c.) a signalé prés de Karpenisi sur la
route de Maratliia une faille importante, qui semble susceptible d'ex-
pliquer ce foyer d'ébranlement secondaire.
Les îles de Leucade ou Sainte-Maure, de Géphalonie et de Zante
forment une des régions du globe les plus fréquemment et les plus
cruellement éprouvées par les tremblements de terre, encore aggra*
vés peu* une déplorable négligence dans Tart des constructions et
par l'emploi des pires matériaux, fatale incurie commune d'ailleurs
à tout le Levant. Cette extrême instabilité ne trouve certainement
pas sa raison d'être dans la structure des couches secondaires et ter-
tiaires qui en occupent la surface, et il faut la rechercher dans l'exis-
tence du talus sous-*marin par lequel leur socle tombe brusquement
jusqu'à 2000 mëti*es et plus de profondeur. C'est ainsi que sur la côte
occidentale de Céphalonie, à un mille d'Ortholetiùa, la sonde indique
731 mètres, puis descend rapidement à 2559. Entre les îles, la Sicile
et l'Italie méridionale, la Méditerranée présente un creux impor-
tant, et il est bien avéré que beaucoup de séismes y ont leurs
épicentres. L'opinion que la plupart des tremblements de terre de
Zante auraient leur origine entre cette île et le Péloponèse est
assez répandue, mais elle est contredite par ce fait que les secousses
l'agitent surtout au Sud, du côté de Tabrupt, c'est-à-dire du côté
opposé à la ville de Zante, qui n'est qu'un foyer apparent. Aussi
bien la constitution géologique des îles est la même que celle de
l'Élide, peu gravement atteinte. Issel et Agamemnone ont fait du
désastre de Zante en 1893 une étude approfondie % et sans s'y
décider formellement, ils ont fait jouer un rôle séismogénique
important à l'introduction de l'eau de la mer dans les fissures du
calcaire, et au dégagement de vapeur produit à son arrivée dans les
régions profondes de haute température, ressuscitant ainsi la tiiéorie
hydrothermale de Daubrée, aujourd'hui bien oubliée. Ils admettent
cependant aussi qu'il se produisit, lors de ce même tremblement de
terre, de grands effondrements sous-marins, et ils citent à l'appui
des fonds qui, portés comme ayant 320 brasses sur la carte anglaise
de 4862, se sont trouvés ensuite en avoir plus de 500 ; ils regardent
enfin comme tout à fait vraisemblable que certains grands séismes
helléniques ont eu leur épicentre en pleine Méditerranée, opmion
conforme à celle de Julius Schmidt. Ces séismologues n'avaient donc
qu'un pas à faire pour attribuer les secousses des îles Ioniennes
' Intorno ai fenomeni sîsmici osservati neir isola di Zante darante il 1893 (Ann. delt
O/p, cent, di met. e di geodin., XV, Parte f, Roma. 1893).
L'EUROPE SUD-ORIENTÂLE 275
à des mouvements du talus, lëvre de la fracture le long de laquelle
la Méditerranée occidentale s'est effondrée au travers d'une partie
de la masse continentale post-oligocène. Cette influence séismogé-
nique est d'autant plus probable que l'île d'Ithaque^ du côté opposé
du talus, est bien plus stable.
Zante, vraisemblablement la plus souvent ébranlée des îles, se
trouve à l'intersection de cette zone de fractures avec celle du golfe
de Gorinthe : double motif à tremblements de terre.
La zone d'ébranlement se continue le long des côtes de Messénie,
tout aussi souvent dévastées par les séismes destructeurs. C'est sur
le talus sous-marin que Milzopoulos ^ place Tépicentre de la secousse
de la Triphylie du 22 janvier 1899, et Philippson en fait autant pour
celui de Philiatra du 29 août 1886. Ce dernier en donne pour preuves
la forme de l'aire plésistoséiste, qui ne fit que mordre le littoral et
engloba les Sti*ophades, la vague séismique qui envahit le rivage
d'Agrili, au nord de Philiatra, et la rupture du câble de la Crète à
Zante, entre cette dernière île et les Sti'ophades. Forster a
signalé à l'occasion de ce tremblement de terre des effondrements
de plus de 1 000 brasses le long de l'accident, mais ces chiffres sem-
blent très sujets à caution, n'ayant pas été l'objet d'une sérieuse
enquête ; cela ne diminue d'ailleurs en rien la probabilité que le phé-
mène se soit produit à la suite d'un mouvement de la lèvre de la
fracture, tant le 27 août 1887 que lors d'autres séismes antérieurs
et postérieurs.
D'importants séismes helléniques ont eu leurs épicentres entre la
Morée et la Crète, et ces mômes parages ont été à plusieurs reprises
le siège de secousses sous-marines moins importantes. Il apparaît
donc que le rôle séismogénique de la fracture se prolonge jusque-là,
en même temps que les profondeurs s'accentuent dans cette même
direction, atteignant 3 336 mètres a 18 kilomètres seulement de
Tîle Sapienza. Mais comme l'a montré Budolph, c'est à tort que
Julius Schmidt, s'appuyant sur des déterminations de temps d'une
exactitude plus que contestable, a étendu cette instabilité d'une por-
tion du domaine maritime à tout le bassin oriental de la Méditer-
ranée, en y plaçant les foyers de plusieurs grands tremblements de
terre. Ces calculs sont d'autant plus suspects qu'ils l'ont conduit à
supposer en Arabie, ou dans le nord de FÉgypte, pays essentielle-
menb stables, l'épicentre de celui du 24 juin 1870, qui a ébranlé tout
le Levant, depuis le fond de TAdriatique jusqu'au détroit de Bab-ei-
* Das Erdbeben von Tripolis und Triphylia in den Jahren 1898 and 1899 {Pelermanns
geogr. MiUfu, XII, 1900):
276 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Mandeb, résultat peu admissible. On ne saurait non plus apporter
comme preuve de l'instabilité de la zone sous-marine de fractures
les dégagements de vapeurs ou de gaz enflammés que des navigaljeurs,
ont à maintes reprises signalés dans ces parages jusque vers Tltalie
méridionale, lors des grands séismes. Rudolph en a fait bonne
justice, et Philippson a de même révoqué en doute de semblables
phénomènes signalés le 27 août 1887. La mobilité de la zone de
fractures se passe aisément d'un tel argument, d'après lequel ce
serait bien une ligne de moindre résistance soulignée par les mani-
festations volcaniques, alors que toute la région hellénique est abso-
lument dénuée de toute roche éruptive, même tertiaire, du côté de la
mer Ionienne.
Continuant maintenant le tour du Péloponèse par le Sud, on
rencontre au fond du golfe de Coron, ou de Messénie, un foyer
d'ébranlement, celui de Kalamata, qui jusqu'au pied de Tlthome ne
manque pas de tremblenaents de terre au moins sévères, ce qui fait
contraste avec la stabilité du massif montagneux de la Pylie. Les
mômes circonstances se présentent pour le fond du golfe de Maratho-
nisi, ou de Laconie, et Sparte a eu parfois à souffrir de graves dom-
mages. Cérigo est moins souvent ébranlée. On est donc en droit de
supposer un reste de vitalité aux efforts tectoniques qui ont découpé
les pointes méridionales de la Morée et qui, après avoir permis l'in-
vasion de la mer tertiaire dans son intérieur, ont violemment relevé
le fond de ces dépressions. Cette conclusion est d'autant plus plau-
sible que l'instabilité de la vallée moyenne de l'Eurotas lui est com-
mune avec le haut bassin de ce fleuve, et se prolonge presque sans
discontinuité jusque vers la plaine de Corinthe, par-dessus monts et
valléefii, c'est-à-dire sur l'emplacement même de l'ancien détroit. La
plaine de l'Argolide, en continuation du golfe de Nauplie, a aussi ses
tremblements de terre, ce qui complète à ce nouveau point de vue
l'analogie parfaite des trois profondes indentations du Péloponèse,
tandis que les arêtes montagneuses qui les séparent les unes des
autres sont moins exposées.
A cette cause générale de l'instabilité au moins relative de certaines
localités de l'intérieur de la Morée, ne peuvent manquer de s'ajouter
l'influence locale de dislocations particulières et d'autres mouvements
complexes et récents. Mais on ne pourra préciser que plus tard, au
moyen de tracés d'isoséistes qui manquent encore complètement pour
d'importants tremblements de terre. Par exemple dans la plaine de
Karytena et dans le bassin supérieur de TAlphée, un calcaire
d'eau douce à lignites a été déposé dans un lac tertiaire occupant
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 277
la plaine de Sinano (Mégalopolis) entre Léondari et Karytena, points
souvent ébranlés. Plus tard, après le dépôt de couches pliocènes,
une fracture S. E. - N. W. du massif qui sépare les bassins supé-
rieur et inférieur de l'Alphée, a cliangé le lac en plaine, et cet acci-
dent joue un rôle séismogénique d'autant plus probable, que paral-
lèle à la fracture sous-marine instable, il semble dépendre des
mêmes efforts de démantèlement de Tancienne masse continentale ;
mais cette suggestion aura besoin d'ôtre corroborée par des tracés
d'isoséistes. De la môme façon, en Laconie, les traces de quatre
bassins étages attestent des mouvements en sens inverse de ceux
de morcellement, ce qui n'a pu manquer d'introduire dans les dis-
locations récentes une complexité telle que l'équilibre a bien de
la peine à s'établir définitivement. En Laconie encore, une fracture
N. E. a soulevé les terrains tertiaires du bord oriental de la vallée de
Sparte et formé la gorge profonde de Kélesphina. Une autre cassure
transversale a coupé en deux le mont Marmarovouno au sud du
Taygète, à peu près à la limite de l'Arcadie, et qui fait partie d'une
chaîne se prolongeant à Test de Vervéna, en s' alignant N.-S. avec la
vallée de Kélesphina. Cet accident met à nu les schistes anciens;
provoqué par la résistance opposée au mouvement par les plis dina-
riques, il est de nature à expliquer le foyer secondaire d'ébranle-
lement de Yervéna.
La côte d'Épidaure ne présente qu'un seul et peu notable centre
séismique, celui de Monemvasia, preuve que, de ce côté, l'effondre-
ment de l'Égéide s'est bien éteint, après avoir séparé la Morée de
l'ancienne terre dont les parties hautes émergent seules dans les
Cyclades.
4. — Cyclades et Crète.
L'histoire géologique des Cyclades commence à devenir assez
claire dans son ensemble, grâce aux travaux de Philippson. A l'ex-
ception des plus extj*êmes du S. Ë., composées de roches sédimen-
taires, ces îles forment une grande masse cristalline se rattachant à
l'Attique et à l'Eubée méridionale. L'on y voit s'élever maints mas-
sifs gneissiques, etleur plissement principal est antérieur au Crétacé.
Au S. E., s'accolent à cet ancien noyau les îles sédimentaires d'Amar-
gos, d'Anaphi et de Santorin, dont le plissement principal était déjà
terminé avant le dépôt des couches éocènes (?) de Theologou (Anaphi
occidental) ; il semble qu'on doive les regarder comme un fragment
des terres de l'Anatolie. Toutes ces îles reposent sur un socle commun,
278 GÉOGRAPHIE BËlSMOLOGIQUE
peu profond et dont le fond médiocrement accidenté prouve qu'elles
ne sont pas séparées entre elles par des fosses d'effondrement :
c'est une ancienne surface d'abrasion. Aux temps miocènes, une
grande terre, l'Égéide, réunissait la Macédoine et TAsie Mineure, la
Grèce et la Propontide ; elle s'est d'abord affaissée après le Pliocène
supérieur et le creusement des vallées actuelles qui accidentent les
îles, puis les parties externes à l'archipel se sont complètement effon-
drées, ainsi qu'en témoigne la disposition dos fonds.
Les tremblements de terre sont si peu fréquents dans les Cyclades
que, d'après Hérodote*, on avait toujours cru ces îles à l'abri de ces
phénomènes jusqu'à celui de Délos en 486 avant J.-C, ce qui ne veut
pas dire qu'il ait été même sévère, puisque cet historien n'en mentionne
aucune conséquence fâcheuse. L'assertion de Pline ' que Zea, ou
Géos, aurait à la suite d'un tremblement de terre vu disparaître avec
ses habitants un terrain de 30 000 pas, et couper l'isthme qui la réu-
nissait jadis à TEubée, a paru trop peu fondée aux savants membres
de l'expédition de Morée pour mériter une réfutation. Nous ne pou-
vons cependant nous empêcher d'être impressionné par l'assurance
avec laquelle l'ancien naturaliste, se faisant l'écho d'antiques tradi-
tions qui ne pouvaient guère provenir d'observations soientifiqueg
aposterioriy parle de cet événement ; dans un autre passage^, il revient
« sur la manière dont la nature a séparé l'Eubée de la Béotie, les îles
d'Atalante et do Macris de l'Eubée » ; ne peut-on pas voir là des boule-
versements dont l'homme aurait été témoin, et dont le souvenir trt^s
précis se serait transmis de génération en génération malgré leur
antiquité fort reculée? Gela s'accorderait bien avec les connais-
sances géologiques modernes, qui montrent que le démembrement
de l'Égéide est un fait récent et qui a pu çà et là se compléter à Tau-
rore des temps historiques. Quoi qu'il en soit, on ne connaît aucun
tremblement de terre sérieux dans les Gyclades, archipel décidé-
ment pénéséismique. Qu'il s'agisse de celles du Nord ou de celles du
Sud, dont la constitution géologique est si différente, ainsi qu'on l'a
dit plus haut, leurs plissements, d'ailleurs anciens et bien antérieurs
aux plissements dinariques de la Grèce, sont définitivement éteints.
L'effondrement égéen a eu pour contre-coup les épanchemeuts
volcaniques disséminés de l'Asie Mineure au Péloponèse par NisjTOS,
dont on connaît une éruption solfatarientie ou boueuse, en 1873i,
Santorin, aux éruptions anciennes et modernes si célèbres par
• Vï. 98.
• n, xciv.
• H. xc.
L'EUROPE SUD-ORIENTALE 279
râreciion d'îles nouvelles^ Polykandros, Milo, Ëgine et Méthana,
qui a certainement présenté au moins une confiagration historique.
Les Cyclades méridionales, soit sur cette ligne de moindre résis-
tance, soit en son voisinage, ne sont donc pas plus instables que les
autres, malgré des affirmations contraires, preuve de Textinotion totale
des mouvements égéens, et seule Milo a eu en 1862 une série de
secousses, d'ailleurs faibles.
Les auteurs de l'antiquité et du moyen âge mentionnent un cer-
tain nombre de tremblements de terre désastreux en Crète, et le
xix'' siècle y en a compté de fort sévères, malheureusement sans que
des détails circonstanciés aient été conservés. On est donc, malgré le
peu de suite avec laquelle des observations séismiques y ont été
faites, en droit de considérer comme instable au moins sa côte sep-
tentrionale à l'ouest de Candie, mais de l'Est et de toute la côte
méridionale on ne sait pour ainsi dire rien. Cette île est un fragment
de l'arc dinaro-taurique, mais comme ces plissements ne sont pas en
relation avec les séismes de la Grèce, il faut ici étendre la même
conclusion. L'île est longée au Sud par de grandes profondeurs,
mais ne connaissant pas de secousses sur la côte correspondante,
on ne peut en l'état actuel de nos connaissances assigner aux trem-
blements de terre de la Crète l'origine attribuée plus haut à ceux des
îles Ioniennes et de la Messénie, c'est-à-dire les mettre en relation
avec le talus sous-marin. Reste la partie de l'île, souvent dévastée, com-
prise entre la Canée et Candie, la seule sur laquelle on soit suffisam-
ment renseigné quant à l'intensité des secousses du sol. Or Cayeux^
a récemment étudié la tectonique de ce district occidental et montré
que les curieux promontoires de Bousa et de Spada sont deux anticli-
naux dont les flancs, du côté de la Grèce, ont été rompus et sont
restés abrupts, à l'inverse des pentes orientales plus douces. C'est là
une structure d'effondrement, dans le sens d'un plissement tout à fait
indépendant de la direction Ë.-W. des accidents dinariques. A
défaut d'autre indication, on peut provisoirement, mais toutefois avec
beaucoup de réserve, attribuer à ces dislocations et à ces effondre-
ments les tremblements de terre de cette partie de l'île. Cette réserve
eBt d'autant plus nécessaire qu'il faut, pour admettre cette hypothèse,
supposer en même temps que seule Tabsence de villes importantes a
empêché jusqu'ici de mentionner des dommages à l'extrême Nord-
Ouest de l'île, justement là où se remarque cette structure caractéris-
tique. En résumé, l'instabilité de la Canée, de Bethymo et de Candie
* Sur les rapports tectoniques entre la Grèce et la Crète occidentale (C. R. Acad.
Se, Paris, CXXXIV, 46. 1902).
280 GÉOGRAPHIE 8ËISM0L0GIQUE
reste fort obscure. On observera cependant qu'entre la Crète et les
Cyclades se rencontre un creux profond de 1 000 mètres et que des
vagues séismiques ont été souvent signalées sur la côte septen-
trionale. G est une indication que les séismes en question pourraient
peut-être dépendre de cet accident, concomitant lui-même de l'effon-
drement égéen.
Les îles de Kasos et de Karpathos» qui ferment à TEst la mer de
Candie, sont très stables ; on n'y connaît que de rares et faibles
secousses, en dehors de celles qui leur viennent de la Crète, ou de
Rhodes. Kasos, coupée au S.E., par une falaise abrupte, montre des
plissements tauriques, et son aséismicité est une nouvelle preuve
à l'appui de l'extinction de ces mouvements orogéniques dans le
domaine grec.
CHAPITRE XVI
ALPES ET PYRÉiNÉES
1 . — Les Alpes orientales.
Depuis longtemps, les savants Autrichiens ont cherché à trouver
dans la géologie des Alpes orientales les causes tectoniques des
tremblements de terre qui les ébranlent constamment, et il suffit de
rappeler les noms de Bittner, Boue, Canaval, Hofer, Hœrnes, Knett,
von Mojsisovics et Suess, pour se convaincre que c'est dans ces
pays qu'est pour ainsi dire née, et en tout cas que s'est le plus déve-
loppée la séismologie tectonique ou géologique. Ajoutant à cela une
grande richesse de documents historiques, ainsi que l'organisation
systématique de l'étude des macroséismes par l'Académie des Sciences
de Vienne depuis 1895, Ton ne sera pas étonné de la clarté qui com-
mence à sç faire sur la genèse des séismes de l'Autriche ; mais en
même temps, on se rendra compte par les lacunes existant encore
des progrès considérables qui restent à faire dans cette voie féconde.
C'est d'une manière un peu artificielle que nous bornerons les
Alpes orientales vers l'Ouest aux cours supérieurs du Rhin et de
l'Adda. Dans ces limites, la chaîne apparaît constituée de la
manière suivante : une large bande archéenne, ou cristalline, bordée
au Nord et au Sud par les couches primaires qui ne laissent pas que
de la pénétrer irrégulièrement. Au Nord, les chaînes calcaires secon-
daires dominent la plaine tertiaire, tandis que sur le versant italien
elles se dévient fortement au Sud-Est pour former, ainsi qu'on l'a
déjà vu, les chaînes dinariques de la Carniole et de la Dalmatie. Au
delà de Vienne, la bande centrale a été coupée net par effondrement
au-dessus de la dépression du lac de Neusiedl et des plaines
hongroises, pendant que de l'autre côté du Danube les formations ter-
tiaires de la basse Autriche ont été comme enserrées dans un étau
entre l'ancien massif résistant de la Bohême, qui a opposé un
obstacle invincible à la grande chaîne de l'Europe méridionale, et
283
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUC
ALPES ORIENTALES
S83
Pig. 43. — Carie séismique do la Basse- Autriche (d*après Sucss).
La plus connue des « lignes de chocs » de ce pays est celle de la
Kamp dans la Basse-Autriche, que Suess a établie à la suite de son
284 GÉOGRAPHIE SË[SMOLOGIQUE
étude sur le tremblement de terre du 3 janvier 1873*. Son épîcentre
se trouvait vers Johanesberg à Test de Saint-Pôlten, et ses isoséistes
lançaient deux étroits et longs bras le long du thalweg de la Kamp, et
dans une direction diamétralement opposée vers Wiener Neustadt.
Cette observation démontre bien que la vallée afacilité la propagation
du mouvement séismique dans les couches tertiaires de la dépression
jusque versHorn, à la rencontre du solide massif bohémien, et Suess
a dû avouer lui-môme que la ligne de choc ne se laisse pas recon-
naître à la surface, autrement dit qu'elle ne correspond pas à un
accident tectonique concret, visible et connu. Elle n'aurait donc
aucune signification séismogénique, et correspondrait seulement à
une liaison géométrique, plus ou moins arbitrairement exécutée sur
la carte, si Bittner ^ n'avait démontré la probabilité des dislocations
profondes que Suess n'avait fait que soupçonner hypothétiquement.
Nous n'admettrons donc désormais que les lignes d'ébranlement
coïncidant avec des accidents bien définis, pour ne pas tomber dans
la même erreur que Hôfer', mettant, par ce procédé peu soutenable,
les séismes de la Caiûnthie en relation avec ceux de l'Odenwald,
sans se préoccuper des considérables intervalles de temps — jusqu'à
plusieurs semaines — qui séparent les secousses de l'un et de Tautre
foyer et qu'il suppose démontrer leur dépendance mutuelle. Fr.-E.
Suess est revenu* sur la fameuse ligne de la Kamp, et Knett* a
élargi la conception d'Edouard Suess, en définissant dans la Basse-
Autriche cinq autres lignes de choc, contre lesquelles reste valable
l'objection précédemment avancée.
La dépression de Vienne à Wiener Neustadt est une région séis-
mique plus remarquable par les études que lui a consacrées Suess
que par l'intensité et le nombre, également modérés, des secousses
que l'on y ressent. C'est un effondrement, affectant non seulement
la bande de Flysch, mais aussi les Alpes Calcaires, coupées là très
brusquement. Au contraire le noyau primaire de la chaîne se pro-
* Die Erdbeben Niedcrôsterrcichs [Denkschnften d. K. Ak. d. Wiss., XXXIIÏ, Wien,
i873).
* Die geologischen Verhaitniase von Hernslein in NiederÔsterrcisch (/. Tkeil d, von
M. A. Becker heramgefjeben Werkes : ïlernstein. Sein Gutsgebiel unddasLand imwei-
terem Umkreise. 217, Wien, 1882).
^ Die Erdbeben Kàrntens und deren Stosslinien (Denkschriften d. mat, nalurwiss. Cl.
d. K. Ak. d. Wiss,, XLII, Wien, 1880).
* Die Erderschûtterung in der Gegend von Neulengbach am 28 J&nner 1893 (Jahrhuch.
d. K. K. geoL Reichsanslall, XLV, 77, Wien. 1893).
* Neue Erdbebenlinien Niederôsterreichs [Verhandl. d. K. K. geol. Reichsanslalt, 1901,
266). Id. Vorlâufiger Bericht ûber die Fortsctzung der Wiener Tliermenlinie nach Nord
(Id., n« 10).
rDortmund
Fig. 44. — Relations des lignes de choc des Alpes Calcaires Méridionales
avec les foyers séismiques extérieurs (d'après HOfer).
â86 GEOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUfi
longe davantage vers TEst, jusqu'à Guns. Toutes sortes de disloca-
tions s'y rencontrent ; les décrochements du Trias recouvrent le Cré-
tacé dans la Hohewand, et cela parallèlement à la ligne de la Kamp,
l'appareil hydrothermal atteste de profonds bouleversements ; il ne
manque donc pas de causes qui peuvent rendre compte de tremble-
ments de terre parfois sévères à Wiener Neustadt.
Le bassin de Salzbourg est une nouvelle région de secousses, et à
TEst de ce bassin les dislocations longitudinales des Alpes Calcaires
suffisent à expliquer les épicentres tels qu'Ischl, Aussee, Admont,
Hieflau, Mariazell, etc., qui, de Gmunden à Vienne, jalonnent la
bande du Flysch.
La ligne d'ébranlement de Wiener Neustadt se prolonge par delà
le Semmering par les vallées de la Milrz et de la Mur, qui forment
jusqu'à Leoben la plus importante des lignes de la haute Styrie. Elle
a été étudiée en détail par Hœrnes S qui lui ajoute celle moins
étendue de Saint-Michael-Rotenmann, correspondant d'après Lôwl* à
un ancien cours d'eau des Tauern, dont la vallée est maintenant occu-
pée, à la suite de dislocations tertiaires assez récentes, par deux
rivières coulant en sens inverse, la Liesing, affluent de la Mur, et la
Palten, affluent de l'Enns. On se trouve là dans la zone des grauwackes
primaires, entre le bord septentrional des Tauern et les Alpes Calcaires
du Nord. Cette remarquable ligne styrienne d'instabilité, — haute
Enns et Palten, Liesing, Mur et Miirz, — présente une grande
uniformité de structure; elle correspond au bord des dislocations des
anciennes roches cristallines qui résultent très vraisemblablement,
ainsi que leurs analogues des Tauern, du refoulement latéral des
Alpes contre le massif bohémien. L'âge reculé de cet ancien cours
fluvial se manifeste par la largeur des fonds de vallées, le morcel-
lement qui s'est produit depuis dans le système des thalwegs, le
retour des eaux dans le même sens dans quelques-unes de ses
parties, enfin la formation de nouvelles lignes de partage, toutes
circonstances concordant pour montrer que le processus oro-
génique, dont dépendent ces lignes de dislocations, n'a pas encore
cessé et s'exprime par les fréquentes secousses de la bande pri-
maire.
Gratz se trouve au sud d'un massif paléozoïque isolé, séparé lui-
même de la bande précédente par la zone centrale de la haute Mur.
* Bericht ûber das obersteieriache Beben vom 27 Noveinber 1898 {MlUh. d. Brâbeben-
Comm. d. K. Ak. d. Wiss. in Wien, XUr, 1«98) ; Id. Bericht ûber die obersteierischen
Bcben des ersten H&lbjahres 1899 [Id,, XIV, 1899).
* Uebei* Thalbildung (Prag, 1884),
ALPES ORIENTALES 287
Tout cet ensemble est stable^ en dépit de quelques épicentres spora-
diques.
Ce sont au contraire des accidents transversaux qui donnent lieu
aux lignes d'ébranlement Windisch-Garsten, Gratz-Leoben-Eisenerz,
Kindberg-Mariazell, et Scheibbs, établies par Hœrnes. Elles sont
d'ailleurs moins importantes que les lignes longitudinales. En par-
ticulier, la seconde correspond au coude brusque par lequel la Mur
quitte en aval de Leoben son sillon parallèle à la chaîne pour se
diriger à angle droit vers la capitale de la Styrie; elle paraît devoir
être attribuée à l'influence des effondrements manifestés aux environs
de cette ville, où se montrent en plein massif paléozoïque des lam-
beaux des couches de Gosau. Les quelques chocs de cette partie de
la Styrie seraient peut-être en lointaine dépendance avec le mou-
vement qui a ramené ces couches au jour.
Les tremblements de terre sont, en Garinthic, fréquents sinon des-
tructeurs, surtout au Sud ; celui du 25 janvier 1358 a cependant
causé un véritable désastre, et défrayé l'imagination des anciens
chroniqueurs, en détruisant une partie de VilUch par suite de l'é-
boulement du mont Dobratsch. On a là une très importante
ligne de dislocations qui, de Bruneckenà Sillein, puis par la vallée de
la Gail, la dépression de Klagenfurt et le bord septentrional des
Karawanken et du Bachergebirge, s'étend le long de la rive droite de
la Drave. C'est aussi une bande séismique correspondant aux Alpes
Camiques, composées de couches primaires complètement séparées
des sédiments secondaires des Alpes Juliennes. Les accidents longitu*-
dinaux résultant de la surrection des Alpes abondent, et ajoutent
leur influence séismogénique à celle des plissements hercyniens, qui
ont donné accès aux éruptions tonalitiques, de sorte que la mobilité
de la région se trouve rajeunie sous la forme des séismes actuels.
Des dislocations transversales apportent aussi leur facteur d'instabi-
lité, et c'est par exemple le cas des failles de Gmund^ d'Obervellach
et de Windisch-Grâtz. Canaval ' a mis en évidence le rôle de la pre-
mière, à l'occasion du tremblement de terre du 25 novembre 1882,
La chaîne primaire Carnique s'épanouit largement dans les Kara-
wanken orientales entre Marburg sur la Drave et Rann sur la Save,
avec un bassin tertiaire d'effondrement, où Cilli et Gonobitz sont de
notables foyers d'ébranlement, pour ne citer que les plus importants.
Stein, Radmansdorf, Tarvis et Pontebba sont d'autres épicentres,
jalonnant les dislocations du bord méridional de la même chaîne.
* Oas Erdbeben von Gmnnd am 25 November 1881 {Sitsungsber, d, K, Ak. d. Wisê.
»»û<. nai. CL, LXXXVI,353, Wien, 1882).
288 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Hœrnes et Seidl' attribuent le séisme de Trifail, du 31 mars 1904, à
deux grandes failles longitudinales des Alpes de Stein, dans leurs
avant-monts du Sud, autant dire à un mouvement de la tranche
qu'elles comprennent entre elles. On pourrait objecter à cette manière
de voir, dans ce cas particulier, la forme circulaire qu'ont prise les
isoséistes, ce qui indique l'existence d'un point comme épicentre et
non d'une ligne épicentrale.
La ville si exposée de Laibach s'élëve en partie sur le Schlossberg,
massif primaire isolé entre deux bassins tertiaires d'effondrement
contre lesquels viennent mourir les derniers plissements carniques.
Souvent ravagée, elle estentourée d'autres épicentres comme Môttling,
Stein, Krainburg, Bischoflack, Yodiz, Tersain» Janchen, etc., qui lui
font un cortège de foyers presque aussi instables. Les conditions
tectoniques de ces deux bassins d'effondrement ne permettent pas
de douter des causes orogéniques d'un danger que Fr.-Ë. Suess ' n'a
cependant pas osé formellement attribuer à un phénomène géologique
particulier, lors du grave tremblement de terre du 14 avril 1895»
Au Sud des Alpes Carniques, les Alpes Calcaires ou Dolomitiques
de la haute Italie reproduisent à peu près les mêmes circonstances
que leurs homologues du Nord, le long de la vallée du Danube. Elles
ont été le théâtre du grand tremblement de terre de Bellune, du
29 juin 1873, dont on parlera plus en détail au chapitre consacré à
l'Italie.
A l'ouest de Bischoflack se rencontre un petit massif primaire isolé
qui termine les Alpes Juliennes et d'où partent vers le S.E. les
Alpes Dinariques mésozoïques, couvrant de leurs plis N.W.-S.E. la
Carniole et Tlstrie. De Bann à Samobor, MOttling et Karlstadt sur
la Kulpa^ elles dominent la plaine tertiaire croate, tandis qu'à l'Ouest
elles ne dépassent pas la vallée inférieure de Tlsonzo et sont, de ce
côté, fortement entamées et masquées par les couches tertiaires. C'est
la région karstique par excellence, aux très nombreux épicentres
presque constamment en mouvement. Il n'y a pas le moindre doute
que ces tremblements de terre souvent graves, tels les désastres de
Klana en 1870^ et de Fiume en 1730^, ne soient liés au processus
du plissement tertiaire se continuant encore sous cette forme. Toute
* Bericht ùber das Erdbeben in Untersteicrniark und Krain ani 31 Mdrz 1904 (^t7/A.
d, Erdbebencomm. d. K. Ak, d. V/iss. in Wien. Neue Folge. XXVH, 1905).
* Das Erdbeben von Laibach am 14 April 1893 (Jahrbuch d. K, K. geol. Reiehsanstalt.
XLVI, 1896, 411. Wien, 1897).
"" D. Stur. Das Erdbeben von Klana iiu Jahre 1870 (Jahrb. etc., XXX], 23, 1871).
* Von Radies. Geschichtliche Erinneningen an das grosse Erdbeben in Fiume iin
Jahre 1750 (Die Erdbebenwarle^ II, 2^9. Laibach, 1902).
ALPES ORIENTALES 289
la contrée est fort bouleversée, et en outre, des secousses très locales,
mais nombreuses, sont peut-être la conséquence d'effondrements par
dissolution du calcaire, sous l'action du régime hydrographique si
particulier des « dolines » et des eaux courantes pénétrant par
d'innombrables diaclases, explication très admissible et valable pour
de nombreuses secousses d'un caractère très local. Quoi qu'il en soit,
von Mojsisovics' a eu fréquemment l'occasion d'attribuer un rôle séis-
mogénique à telles ou telles dislocations des vallées de l'Isonzo, de la
Wippach et de la Reka, ainsi que des hauteurs d'Adelsberg, etc.
Les fractures de même direction qui ont accompagné l'effondrement
adriatique sont aussi à mentionner comme intervenant dans la genèse
des secousses; Suesscite les quatre principales de ces dislocations.
Le tremblement de terre destructeur de mars 1870 à Klana, men-
tionné plus haut, a donné lieu à d'intéressantes observations sur un
effondrement qui se produisit près de Novakracina, en forme d'un
puits qui finit par avoir 18 pieds de profondeur sur 100 pieds carrés
de section. C'est avec raison que Tietze* fait de ce phénomène une
conséquence du séisme, par affaissement de la voûte de quelque cavité
du calcaire sous-jacent à la suite d'une lente dissolution par les eaux
souterraines, car le temps assez long que mit l'accident à se pro-
duire ne permet pas d'en faire la cause même du séisme. On a beau-
coup discuté sur la véritable signification tectonique et séismogé-
nique d'un remarquable accident, qui se présente près de Buccari,
centre d'instabilité, mais qui, d'après Stache ^, serait séparé du bassin
de la Recca par un faîte de caractère seulement géographique. Au
contraire, Hœrnes* et Suess' en font une dislocation périadriatique,
dont le rôle dans les tremblements de terre de la région jusque vers
Klana, devient tout à fait indéniable.
Le grand accident Bellune-Laak se prolonge à l'Ouest pour pénétrer
dans le Tyrol méridional par le val Sugana, où quelques épicentres
dénotent son influence. Cette partie du Tyrol présente une structure
extrêmement compliquée autour de la haute Adige, entre l'Ortler
ou le Stelvio et le Brenner, puisque les couches mésozoïques y enva-
* Allgemeines Bcricht und Clironik dcr im Jahro (1898, p. 94; 1899. p. 102; 1902,
p. 82; 1903, p. 54) inncrhalb des Beobachtungsgebicto crfolgLen Erdbeben (Milth. d.
Erdbebencomm, d, K. Ak. d. Wiss. in Wien),
* Zur Geologio dcr KarstcrscheinuBgcn {Jahrb, d. K. K, geoL Reichsanslall, XXX, 734,
1880).
* Die Eoc&Dgebiet in Inncr Krain (H Folgc, IV). Die Gebirgspalte von Buccari (Jahrb.
d. K. K, geol. Reicfutanstall, XiV, 1864).
* Die B^dbebenkunde , 381.
* Die Enlstehung der Alpen, 92.
I>B Uoiinstos. — TrcmblemenU de terre. 19
290 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
hissent la zone alpine primaire centrale. C'est dans cette région que
se terminent les mouvements périadriatiques, et de nombreuses
autres dislocations, comme celles de la Judicarie, de Yilnôss, celles
qui ont découpé la Cima d'Asta, etc., sont là tout indiquées pour
rendre compte des foyers d'instabilité du Trentin, où les secousses
ne laissent pas que d'être parfois sévères.
Le Tyrol allemand, au nord des Alpes, est divisé en deux parties
par la vallée de Tlnn entre Kufstein et Landeck, séparant les Alpes
Calcaires bavaroises de la bande centrale primaire et archéenne. Les
épicentres y sont plus nombreux que riches en séismes, et ils relèvent
des mêmes causesgénérales d'instabilité qu'entre Salzbourget Vienne.
Il se rencontre des foyersjusque dans les hautes vallées des affluents
du Danube, Isar et Lech, ainsi que dans le Yorarlberg, comme sur
la rive droite de Tlnn dans le massif de l'Œzthal. Mais nulle part
les séismes ne sont graves. Leur étude détaillée entraînerait beau-
coup trop loin, et d'ailleurs la détermination des accidents tec-
toniques auxquels onpeutplausiblementles attribuer estextrêmement
délicate, en raison même de leur multiplicité. Cette recherche est
complètement à faire.
2. — Les Alpes occidentales et le bassin du Rhône.
Les renseignements séîsmologiques relatifs à la Suisse sont d'une
grande valeur. Non seulement les documents historiques recueillis
par Otto Volger * abondent, mais depuis 1878, sous l'influence de
Forel*, Forster', Tarnutzer*, Frûh*, Soret, Heim, Riggenbach-
Burckhardt, etc., membres ou fondateurs de la commission séismo-
logique suisse, les observations des macroséismes se poursuivent
régulièrement. Mais du côté français des Alpes, les observations
historiques existent seules, et l'on ne peut citer que Villard*, et,
comme toujours, Perrey', enfin Fournet'.
* Untersuchungen ûber dos Ph&nomen der Erdbeben in der Schweii, I, Chronik der
Ërdbeben in der Schweiz ; II, Die Géologie von Wallis ; UI, Die Erdbeben in Wallis
(Gotha, 1857-1858).
* Les tremblements de terre étudiés par la commission sismologiqne suisse, i876«
1886 {Archives se, phy. et nat. de Genève. 1880, 461 ; 1884, 147 ; 1883, 377 ; 1885, 89).
' Die schweizerischen Erdbeben in den Jahren i884 und 188$ (Zurich, 1886)*
* Die schweizerischen Erdbeben im Jakre 1887 (Bem, 1888).
" Die Ei^dbeben in der Schweiz in den Jahren 1888, 1891, 189Î, (Zurich).
* Météorologie régionale. Série chronologique de tous les faits recueillis; 299-1821
(Bull. arch. et statist. de la Drame. Valence, 1889) .
^ Mémoire sur les tremblements de terre ressentis dans le bassin du Rhône (i^ftn. vk-
agric. hist. nat, et Arts utiles de Lyon, VIII, 1845) .
* Notes additionnelles aux recherches sur les tremblements de terre du bassin dn
Rhône de M. A. Perrey (Id.),
ALPES OCCIDENTALES
291
•3
OQ
60
292 GÉOGRAPHIE SÉI6M0L0GIQUE
Du Rhin au sillon rhodanien du Sud-Est de la France, la structure
générale des Alpes occidentales ne diffère pas essentiellement de
celle des Alpes orientales. Il y a toujours une large bande centrale,
cristalline et primaire, contre laquelle s'appuient les formations
secondaires et tertiaires, repoussées en avant par Tacte de la sur-
rection, mais le morcellement y est beaucoup plus accentué, en par-
ticulier en ce qui concerne les homologues des Alpes Calcaires autri-
chiennes, résultat dû sans doute à ce qu'on se trouve là en présence
de Tangle de la chaîne. Les massifs résistants des Vosges et de la
Forêtp-Noire remplacent ici celui de la Bohême et ont joué exacte-
ment le même rôle, celui d'arrêter les mouvements tertiaires vers le
Nord, et en même temps de forcer les plis à s'écraser pour ainsi dire
contre eux en formant les chaînes parallèles du Jura, qui sont sans
analogues du côté autrichien. Les dernières vicissitudes géologiques
ont été beaucoup plus complexes, de sorte que la recherche des
causes séismogéniques particulières sera encore bien plus délicate.
A l'Ouest comme à l'Est, la chaîne des Alpes occupe un emplace-
ment qui a, depuis des temps très reculés, été le théâtre d'intenses
mouvements de tout genre ; de sorte que si les tremblements de terre
y résultent des plus récentes vicissitudes, ils n'en sont pas moins
les héritiers directs de ceux du temps passé, ou les manifestations
posthumes des efforts anciens éteints remplacés par d'autres.
De cette rapide esquisse découlent quatre divisions principales
et assez rationnelles de la région des Alpes occidentales : le Jura,
le plateau suisse, les Alpes suisses, les Alpes françaises.
Le Jura représente dans son ensemble un grand plateau découpé
par des plissements parallèles et des failles transversales, tous
accidents résultant des mouvements alpins dès longtemps commen-
cés avant leur maximum de Tépoque miocène. En dépit de l'âge
assez peu reculé de ces dislocations, les tremblements de terre ne
l'agitent plus du tout du côté français et plutôt légèrement à l'Est,
au-dessus et le long de la dépression de la vallée de TAar et des
lacs de Bienne, Neuchâtel et Genève, conformément à la loi du relief,
qui est beaucoup plus brusquement accentué à l'Est qu'à l'Ouest sur
la vallée de la Saône. C'est donc qu'il s'agit là d'efforts presque complè-
tement éteints, môme les plus récents, aussi bien que ceux qui bien
antérieurement avaient préparé les derniers mouvements sur le même
théâtre. Aux environs de Bâle seulement, les tremblements de terre
prennent une certaine importance, et l'on peut en citer un, celui du
18 octobre 1356, qui a été fort sévère, destructeur même, et a secoué
une grande partie de l'Europe centrale. Les séismes de ce district
ALPES OCCIDENTALES 293
appartiennent d'ailleurs plutôt à la vallée du Rhin, et Tépicentre de
ce dernier doit du reste être regardé comme assez mal déterminé,
d'autant plus que les relations d'une époque aussi lointaine sont
remplies de lacunes et d'exagérations.
Les tremblements de terre de mai 187G dans les environs de
Neuchâtel ont été attribués * k Teffondrement de cavités, existant
dans un terrain contenant des matières solubles entraînées par les
eaux d'infiltration. Le séisme de Granson du 23 février 1898 a été
accompagné d'une violente agitation des eaux du lac de Neu-
châtel '.
Le Jura suisse a été en décembre 1880 le siège de plusieurs
secousses nettement longitudinales, disposition tout à fait en faveur
d'une tardive intervention des causes qui ont donné à la chaîne sa
structure plissée, et la même observation s'applique au séisme du
15 février 1888 relativement à la région de la mollasse.
Hœrnes' attribue la secousse du 7 mai 1880, à Villeneuve et
Mézières, à Faction dissolvante des sources thermales, et à un mou-
vement d'affaissement celle du 16 juin 1881 au Val de Ruz, vallée
du bord interne de la chaîne jurassique la plus méridionale du canton
de Neuchâtel.
Entre les lacs de Constance et de Genève s'étend au S. E. de la val-
lée de l'Aar, la longue plaine suisse, accidentée de collines et que
dominent les Préalpes, Alpes de Fribourg, de l'Emmenthal, de
Schwytz et de Glaris, de Saint-Gall et d'Appenzell : territoire profon-
dément disloqué et où des lambeaux secondaires ont été poussés par
dessus les couches tertiaires qui les constituent presque entièrement.
C'est la région de la mollasse qui occupe la plaine, et que recouvrent
les Préalpes violemment bouleversées. Il s'agit là d'un vaste syncli-
nal tertiaire graduellement rétréci du Sud au Nord par la surrection
des Alpes, et en même temps comblé par les produits de l'érosion de
la chaîne en voie de formation et finalement asséché, puis soulevé.
Les épicentres sont fort nombreux sur toute la surface de la dépres-
sion et dans les Préalpes, mais les secousses sont le plus souvent
faibles et locales, comme il convient en un pays où un grand nombre
d'accidents particuliers, n'ayant pu reprendre complètement leur
équilibre, peuvent jouer un rôle séismogénique.. Fréquemment aussi
leurs effets Bont exagérés par le peu de consistance des terrains
• Jftgerlehner. Spuren von Bodenbewegungen ira nOrdIichen Theile der Waadt wâhrond
der letzen fûnfzig Jahre (Jaresber. d, Geogr. Ges. zu Bern. XUI, 15).
" A. Forel. Le tremblement de terre de Granson (Bul. soc. sism. ital., IV, 71, 1898).
' Die Erdbebenkunde (4u2, Leipzig. 1893).
294 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
morainiqucs ou des cônes de déjections sur lesquels bien des villes
sont édifiées comme Berne, Zurich, etc. circonstances qui ont bien
des fois induit en erreur sur leur véritable intensité. Il arrive aussi
que les séismes sont surtout ressentis au contact des alluvions de la
plaine avec les collines plus résistantes, comme Friih l'a fait
observer pour le Bheinthal de Saint-Gall et d'Appenzell» mais c'est
surtout là un phénomène subsidiaire de propagation.
Le bord des Préalpes est occupé par une série de lacs, où l'on
croyait voir autrefois des dislocations et des effondrements, à la
faveur desquels ils s'étaient établis. Cette opinion n'est plus admis-
sible maintenant que Penck a montré le rôle considérable joué parles
anciens glaciers dans l'acte du creusement des lacs subalpins. On ne
peut donc continuer à trouver, comme on le faisait jusqu'à présent,
la raison d'être des séismes de la bordure dans ces accidents, dont
Texistence n'est plus soutenable, et il faut revenir aune cause d'ordre
général entrant en jeu, tantôt ici, tantôt là, suivant des circons-
tances qui restent à élucider. En particulier, le canton de Glaris est
caractérisé par d'assez nombreuses secousses, mais faibles et d'un
caractère très local. Escher * en a réuni 181 pour le xviii* siècle, dont
à peine 1/20' d'origine extérieure. Celles de 1701 et 1702 n'attaquè-
rent que la. haute vallée de la Linththal, et avaient leur centre au
village même de Linththal. Au printemps de 1764, on compta, dans
le même canton de Glaris, plus de 20 chocs en un mois, mais la fré-
quence diminua très sensiblement au xix* siècle. Beaucoup de ces
petits tremblements de terre eurent, d'après d'assez précises relations,
des aires elliptiques ou ovales à grands axes dont la direction coïnci-
dait avec celle des Alpes, et celui du 2 mai 1877 fut brusquement
limité, à une ligne également parallèle à la chaîne entre Bagats,
Glaris et Linththal. Cette grande fréquence du frémissement du sol
donne, dit Hœmes, l'impression que le plissement se continue encore
sous nos yeux, et on ne peut concevoir le lent processus de plisse-
ment sans d'innombrables secousses de ce genre.
Zweisimmen, dans la Simmenthal, a été d'avril à octobre 1885 le
siège de très nombreuses secousses d'un caractère très local, aux-
quelles Fors ter donne comme origine la dissolution de couches de
gypse et de carbonate de chaux et la rupture d'équilibre qui en avait
été la conséquence, opinion partagée aussi par Sinner\
Les tremblements de terre de la Suisse tendent à montrer que le
* Cf. Hœrnes. Die Erdbebenkunde, 218.
* Sur la canse des tremblements de terre dn Simmenthal [Arch, Se, ph, nat, de
Genève, 3* série, XIV, 287).
ALPES OCCIDENTALES 295
processus orogénique n'a pas entièrement cessé *, ce qui est certaine-
ment exact d'une façon générale, ces séismes étant la manifestation
matérielle tangible de la continuation des efforts tectoniques corres-
pondants. Mais on a eu tort d'en voir une preuve dans des mesures
géodésiques d'après lesquelles, dans l'espace d'une trentaine d'années,
le triangle Làgern-Rigi-Napf aurait subi des modifications telles que le
sommet du Lâgern, dans le Jura d'Argovie, se serait rapproché d'un
mtître des deux autres situés dans les chaînes subalpines. L'ingénieur
en chef, directeur du bureau topographique fédéral à Berne, M. Held, a
bien voulu, à la date du 8 avril 1905, nous renseigner à cet égard. A
son avis, toutes les conclusions tectoniques, et par conséquent séis-
mologiques, ajouterons-nous, qu'on voudrait tirer de la comparaison
des mesures de 1830 avec celles de 1870, sont prématurées et pèchent
par la base, parce que, lors de cette première série d'opérations, il n'a
pas été pris des précautions suffisantes pour assurer d'une manière
certaine la détermination et la fixité absolue de la position du centre
des signaux. D'ailleurs, le sommet du Lâgern est devenu tout à fait
inutilisable pour cette comparaison, par suite de l'incendie de la
maison de garde en 1876. Nous perdons de la sorte une observation
favorable à notre thèse, et en l'exactitude de laquelle nous avions
cru jusqu'à cette date si rapprochée, sur la foi des savants qui l'avaient
mise en avant.
Les Alpes proprement dites sont bien plus stables, malgré les
gigantesques dislocations qui accidentent tous les terrains souvent
très métamorphisés qui les constituent, et on a déjà vu le même
fait se produire dans l'est de la chaîne. Elles sont coupées longi-
tudinalement par les hautes vallées opposées du Rhin et du Rhône,
alignées dans le sillon de la Furca, et qui toutes deux se retour-
nent presque à angle droit pour se déverser dans les lacs de Cons-
tance et de Genève. C'est dans ces profonds sillons seulement que
se font ressentir les tremblements de terre. Brigue et Sion, dans celui
du Rhône supérieur, ont été le théâtre de nombreuses secousses en
1756, et plus récemment, le 15 juillet 1855, le grand séisme de Viège
a été suivi d'innombrables chocs consécutifs, avec bruits séismiques
observés et catalogués par Tscheinen à Grœchen et par Lehrer à
Unterbach. Otto Volger en a fait une étude détaillée, mais nous ne
croyons pas fondée l'explication qu'il en donne, à savoir la rupture
d'équilibre dans les couches profondes par disparition à la suite de
dissolution de strates gypseuses ou carbonatées, l'énorme extension
* F.-A. ForeL Les tremblements de terre orogéniques étudiés en Suisse {L'Astronomie,
décembre 1883 et janvier 1884. Paris).
y
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^Marseille
Fig. 46. — Vallée du Rhône et Alpes françaises.
ALPES OCCIDENTALES 297
du tremblement de terre initial étant, ce nous semble, hors de
proportion avec la cause mise en avant. Les secousses de la vallée
du Rhône entre Martigny et Montreux ont un caractère tectonique
décidé qui doit s'étendre aussi à celles assez fréquentes de la rive
nord du Léman, profonde cavité ouverte postérieurement au Pliocène,
époque à laquelle le Rhône supérieur et la Dranse étaient encore,
semble-t-il, des tributaires du Rhin.
Les Grisons ne manquent pas d'épicentres sporadiques, mais, de
toutes leurs vallées, c'est l'Engadine qui est la plus instable, et
Tarnutzer (/. c. 1887, p. 3) en attribue les secousses à des décro-
chements dans les schistes cristallins profondément pénétrés par les
couches secondaires. Ce sillon, souvent ébranlé, se prolonge par le
cours de la Maira, affluent du lac de Côme, dont la haute vallée est
la continuation de la même ligne séismique. En rapprochant ce que
dit Heim^ du tremblement de terre, si étendu, des Grisons, le 7 jan-
vier i880, de ses recherches sur la formation des montagnes, on
voit que ce savant rapporte ce séisme, et ceux analogues de la
Suisse, aux perturbations introduites par la surrection des Alpes
dans la tectonique et dans le régime hydrographique des territoires
qui sont devenus le bassin du Rhin supérieur, en conséquence des
dislocations correspondant à ces mouvements.
Passant aux Alpes françaises, à l'est de la vallée du Rhône, c'est
là que se font le plus vivement sentir les tremblements de terre,
parfois même redoutables comme dans les Alpes-Maritimes.
Le Dauphiné et la Savoie sont assez instables. Ici, de même qu'en
Suisse, il serait assurément fort téméraire de faire un choix quant
au rôle séismogénique à attribuer à divers, accidents tectoniques
auxquels a donné lieu la surrection de la chaîne. L'activité séismique
diminue notablement dans les Hautes-Alpes.
Le long de la vallée de la Saône, le Châlonnais avec quelques
séismes, et le Lyonnais un peu plus instable, se détachent au milieu
de régions très stables. Là de nombreuses dislocations suffisent à
rendre compte de secousses dont Torigine première n'en reste pas
moins obscure, faute d'études sur des tremblements de terre particu-
hers. Mais plus en aval, les environs de Monlélimar, Viviers, Avi-
gnon, Manosque et Digne se présentent avec un caractère décidé
d'instabilité. Or si l'on joint par une ligne les épicentres extrêmes du
côté de l'Est, Marseille, Digne, Gap et Grenoble, puis que l'on con-
tinue par Chambéry et Annecy jusqu'à l'extrémité orientale du lac de
* Die schweizerischen Erdbeben von November 1819 bis Ende 1880 (Bem. 1881).
298 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Genève, on exclut, il est vrai, la Tarentaise et la Maurienne avec
leurs foyers propres *, mais la ligne ainsi obtenue, fait remarquable,
coïncide avec le littoral oriental de la mer du premier étage médi-
terranéen. La coïncidence entre les limites de la région pénéséis-
mique et de }a mer miocène n'est guère moins frappante à l'Ouest,
la ligne Belley-Valence ne laissant pas d'épicentres au delà. Si donc
on néglige la Tarentaise et la Maurienne, on peut dire que les foyers
d'ébranlement de la Savoie, du Dauphiné, du Vivarais et de la Pro-
vence occupent entièrement et exclusivement le lit de cette mer ter-
tiaire, d'une époque bien définie, c'est-à-dire un synclinal actuelle-
ment asséché par surrection; par suite, les séismes dont il s'agit
ici seraient dus à la survivance de ce mouvement, ou au manque
d'équilibre, non encore complètement rétabli, qui en est résulté; mais
il faut chercher d'autres causes à ceux de ces deux provinces mises
de côté et des Hautes-Alpes. C'est pour ces dernières que Térection
finale des grandes Alpes deviendrait une cause plus immédiate et
moins vague d'instabilité, par suite de leur proximité de l'axe cris--
tallin et primaire. Une traînée de Carbonifère et de Trias témoigne
du passage d'un ancien géosynclinal dans le Briançonnais, dont
les séismes, parfois sévères, peuvent peut-être ainsi s'expliquer. Il
est bien entendu que la surrection du synclinal miocène des hau-
teurs subalpines ne jouerait qu'un rôle général, n'excluant pas Texis-
tence de causes secondaires plus directes, à rechercher par des études
ultérieures et détaillées de séismes dans des dislocations locales, déri-
vant d'ailleurs elles aussi du mouvement d'exhaussement du lit de
la mer miocène, maintenant occupé par les vallées du Rhône et de
ses affluents de gauche. Au point de vue géologique, cette région ne
diffère pas essentiellement de la dépression suisse, mais elle est cer-
tainement plus souvent ébranlée.
Les plissements si compliqués de la Provence ont érigé cette région
vers la fin de l'Éocène. C'est donc une sorte de prolongement des
Pyrénées. Ces deux chaînes ont dû se raccorder au travers du golfe du
Lion, coupure d'effondrement que jalonne une ligne d'épanchements
éruptifs entre le système volcanique auvergnat et celui du cap de Gala
parles évents de THérault, du pays d'Olot et les Columbretes. Il serait
dès lors étonnant que la Provence ne fût pas pénéséismique, ce qui
est bien la réalité; mais elle n'a pas subi de mouvements principaux
* De 1838 à 1840, Montrond-en-Maurionne a été le théâtre de très nombreuses secousses,
phénomène tout & fait analogue à ce qui s'est passé autour de Pignerol de Tautre côté
de la chaîne. — Cf. Al. Billiet. Mémoire sur les tremblements de terre ressenUs en Savoie
{Mém. Ac, roy. de Savoie^ XIII, 245, Ghambéry, 1845).
PYRÉNÉES 299
à une 'époque assez récente pour avoir constitué une région séismique.
On remarquera la stabilité du massif archéen et primaire des
Maures, ce qui n'est pas pour surprendre. On notera toutefois que
cette communauté d'équilibre séismique avec l'extrémité orientale
des Pyrénées et la Corse prouve l'extinction complète des efforts
post-alpins qui, lors de Teffondrement de la Tyrrhénide, ont découpé
le golfe du Lion, conclusion que ne suffisent pas à infirmer les
vagues, d'origine probablement séismique, observées une fois seule-
ment à Aigues-Mortes.
Enfin les Alpes-Maritimes sont la seule partie du sol français réel-
lement exposée à des tremblements de terre destructeurs, mais dont
la violence n'approche cependant pas de celle des catastrophes de
pays comme l'Amérique centrale, le Pérou, le Chili, le Japon, etc.
Cette région séismique appartient plutôt à l'extrémité occidentale des
Alpes Liguriennes, et participe en même temps à leur instabilité et
à leur histoire géologique. On en parlera plus en détail au chapitre
suivant, notamment en ce qui concerne le grand tremblement de
terre du 23 février 1887, bien connu par ses dégâts sur la Côte
d'Azur.
3. — Les Psrrénées.
Les Pyrénées s'étendent en ligne droite du cap Creus au cap
Finisterre, mais la seule partie dont on ait à s'occuper ici est la
chaîne franco-espagnole, qui n'appartient d'ailleurs pas au géosyn-
clinal méditerranéen tel que Ta tracé Uaug. Nous l'y avons cepen-
dant incorporée, parce que sa surrection post-éocène n'est pas si
antérieure aux mouvements alpins qu'on ne puisse la considérer
comme les ayant remplacés dans cette partie de l'ancien massif pri-
maire représenté par la Meseta ibérique, pendant symétrique du
Massif Central français. Cette ancienneté un peu plus grande explique
une dégradation plus avancée.
C'est contre l'axe granitique et primaire de la chaîne des Pyrénées
que les sédiments secondaires et tertiaires ont été relevés, plissés et
charriés en bandes longitudinales, plus régulières, plus complètes
en Espagne qu'en France et comprises entre les vallées déprimées
de rÈbre et de la Garonne qui coulent en sens opposés. Il y a donc,
au point de vue géologique, parfaite similitude de part et d'autre,
puisque ces dépressions séparent la chaîne, en France du Plateau
Central, et en Espagne d'un fragment de la Meseta situé au sud de
Saragosse, au delà d'un faisceau de plis postcrétacés.
300 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Comme en beaucoup d'autres lieux, ces mouvements n'ont fait qu'en
suivre de plus anciens, car si la chaîne des Pyrénées a commencé
à se rider à la (in de TÉocène, ce qui en fait avec les Carpathes un
plissement alpin du début, il n'en est pas moins vrai que son axe,
déjà dessiné à l'ëro hercynienne, avait subi des dislocations avant le
Carbonifère, puis ensuite pendant le Trias. De telles circonstances ont
dès lors appelé seulement la pénéséismicilé etrien de plus, ainsi qu'on
va le constater, les mouvements éocènes étant en voie d'extinction.
Les informations systématiques manquent, et les renseignements
sont plus abondants au Nord qu'au Sud, ne serait-ce qu'en raison des
observations régulières de l'Observatoire du Pic du Midi, depuis long-
temps suivies ^ On ne trouve pas ici de véritables régions séismiques,
seulement des disti'icts pénéséismiques, dont un seul de notable fré-
quence, ce qui, d'une façon générale, tient sans doute à une plus grande
ancienneté de la ride par rapport à celle des Alpes. L'instabilité y est
intermédiaire entre celle des Alpes et celle des massifs armoricains,
dans l'ordre môme, par conséquent, de l'âge des plissements corres-
pondants.
Il est à peu près certain que le versant français est un peu plus
instable que son opposé espagnol conformément à la loi de plus
grande séismicité du flanc le plus abrupt. Cette loi trouve ordinaire-
ment sa raison d'être dans la plus grande dislocation du penchant le
plus raide; mais ici, cette différence de bouleversement en faveur du
Nord n'est pas évidente, car l'aspect plus tourmenté de la chaîne de
ce côté résulte en grande partie de ce que les agents extérieurs de
dégradation y ont été de tout temps bien plus actifs depuis la sur-
rection, par suite de circonstances atmosphériques particulières. La
véritable signification de la plus grande instabilité du versant fran-
çais échappe donc, quant à présent, si l'on ne veut pas admettre qu'un
décapement plus considérable des couches sédimentaircs du Nord, et
leur disparition souvent complète jusqu'aux racines cristallines et
primaires de la chaîne, favorisent de ce côté la manifestation sous
forme de séismes des efforts tectoniques profonds, encore en action
sur les lambeaux sédimentaires restés en place et manquant d'équi-
libre; raison d'ailleurs bien imprécise, mais que l'état actuel de
nos connaissances ne permet pas de pousser plus loin.
Certains séismes affectent les Pyrénées de bout en bout, entre les
méridiens de Barcelone et de Bordeaux, par exemple celui du 15 jan-
* Observations sismiqucs faites à lobservatoiro du Pic-du-Midi (Station de Bagnères-de-
Bigorre) do 1896 & 1904. — Explorations pyrénéennes [Bullelin de la Société Ramond,
XXXIX, 1904, p. 49, 15i, 175.
PYRÉNÉES 801
vier 1870, parmi plusieurs autres analogues. Malheureusement, il n'a
encore été fait aucune étude de détail sur leurs aires épicentrales et
sur le tracé de leurs isoséistes. On est donc réduit à les regarder
provisoirement comme résultant de mouvements d'ensemble, corres-
pondant à une survivance atténuée du mouvement de surrection.
Une coupe entre le Plateau Central et les Pyrénées, par exemple
de Saint^Yrieix à Pau, rencontre successivement tous les terrains
sédimentaires de plus en plus jeunes, du Jurassique au Pléistocëne ;
ainsi TAquitaine, malgré des vicissitudes nombreuses et diverses, a
été, jusqu'à son émersion définitive, un bras de mer passant au sud
de l'ancienne île. Il n'y a pas lieu de s'étendre davantage sur des
transformations qui ont, en fin de compte, laissé l'Aquitaine parfai-
tement stable, en dépit de rares et faibles secousses, dont il suffit
de dire que certaines paraissent avoir pour axe la vallée de la
Garonne entre Toulouse et Bordeaux, ainsi ceux du 1 mars 1743
et du 9 avril 1815, les plus notables d'entre eux.
De Boucau à Fontarabie, la côte du fond du golfe de Gascogne
ressent des séismes dont l'origine, peut-être sous-marine, corres-
pond sans doute à une très ancienne dislocation, mise en évidence par
le Gouf du Gap Breton, ceci sous toutes réserves.
La région instable des Pyrénées françaises s'étend au pied de la
partie occidentale de la chaîne, entre Saint-Jean-Pied-de-Port et
le Val d'Aran. Elle est à cheval sur les terrains tertiaires et cré-
tacés, ces derniers naturellement les plus relevés. On ne saurait,
sans faire d'hypothèses, en attribuer l'existence à des accidents parti-
culiers bien définis et on en est réduit à invoquer la surrection.
Encore cette explication laisse-t-elle un doute dans l'esprit, puisque
si le maximum de séismicité se montre autour du Pic du Midi de
Bigorre, d'un autre côté la partie orientale, à l'est du Val d'Aran, est
au contraire très stable. Une telle suggestion exige donc pour être
vérifiée des études séismologiques de détail, qui manquent encore
complètement.
' L'activité séismique renaît sur une plus faible échelle dans le Kous-
sillon et dans l'Ampurdan, dépressions symétriques qui remplacent
tl' anciens golfes pliocènes d'émersion récente, et dont l'emplacement
semble avoir été préparé de longue date. Ces golfes pénétraient pro-
-fondément dans les montagnes, et, au moins dans le Roussillon, les
épicentres jalonnent leurs dernières ramifications, à l'exclusion des
parties hautes. Cette région pénéséismique s'étend sur le massif côtier
primaire et archéen de Gérone à Barcelone, resté de la terre qui
jusqu'à l'aurore dos temps actuels embrassait les Maures de Pro-
302
GÉOGRAPHIE 8ÉI8MOLOGIQUE
Cm
M)
vence et une partie de la Cora%
en avant du golfe du Lion, el
dont reffondrement fut peut-
être contemporain des volcans
d'Olot, actifs à Tépoque qua-
ternaire, sinon même plus tard
encore. Ces mouvements» les
plus récents de la péninsule
ibérique, prennent toute leur
véritable importance si l'on
tient compte, d'un raide talus
de 1 500, et même de 2 000 mè-
tres, qui prolonge sous les eau2
le relief de la Catalogne. On
peut donc évidemment les ren-
dre responsables des séismes
des Pyrénées-Orientales, aussi
bien françaises qu'espagnoles,
tandis que ceux de Béziers,
Carcassonne, Cette et Mont-
pellier sont dus sans doute aux
plissements tertiaires des col-
lines du bas Languedoc, ré-
sultant de Técrasement contre
l'obstacle résistant de la Mon-
tagne Noire des sédiments
poussés vers le Nord,à l'époque
tertiaire, par l'acte même de
la surrection. En Catalogne,
les épicentres sont assez nom-
breux et disséminés, mais tous
plutôt pauvres en séismes,
caractère fréquent de la répar-
tition de l'instabilité à la surface
des massifs anciens et péné-
séismiques, conformément à
tant d'exemples déjà mention-
nés.
La vallée de l'Èbre est un
fond de lac miocène, resté
encore plus stable que le détroit
PYRÉNÉES 303
aquitain, et cette aséismicité s'étend au versant espagnol tout entier
des Pyrénées, malgré la grande altitude à laquelle y ont été portés
rÉocene et le Crétacé.
Faibles et rares cependant, les séismes reparaissent en Navarre et
sur un territoire triangulaire compris entre Marquina, Burlada et
Calahorra ; les environs de ce dernier point semblent avoir été assez
éprouvés le 18 mai 1817. Cette région pénéséismique n'est probable*
ment pas distincte de celle déjà mentionnée sur le versant français,
de Boucau à Fontarabie. Tout ce qu'on en peut dire c'est que, cor-
respondant au fond du golfe de Gascogne, elle prolonge sur terre
une dépression océanique profonde de 5000 mètres. Cette disposition
indique un accident tectonique de première importance, et il ne
serait pas étonnant qu'il jouât un rôle séismogénique, au moins
indirect, jusque de l'autre côté de la chaîne, dans la vallée de l'Arga,
simple suggestion dont la confirmation est réservée à l'avenir.
Peut-être n'est-il pas inutile non plus de noter que dans la province
d^Alava, les opbites ont traversé toutes les couches, sauf le Miocène.
Adan de Yarza* en conclut à leur âge oligocène. Ces mouvements
ne sont-ils d'ailleurs point trop anciens pour se survivre ?
' Annuaire géologique de Dagincourt, III. 577, Paris, 1887.
CHAPITRE XVII
L'ITALIE
L'Italie est certainement un des pays du monde dont les tremble-
ments de terre sont le mieux connus. Non seulement les documents
historiques sont innombrables, mais encore depuis plusieurs siècles
les savants italiens ont donné toute leur attention à ces phénomènes*
dont leur patrie subit les dommages d'une façon presque constante.
On peut presque dire que c'est en Italie qu'est née la séismologie
moderne, sous l'impulsion de Stefano De Rossi* et Pietro Tac^
chini*, tellement qu'à partir de 1873 de nombreuses stations séis-
mologiqucs, dues tout d'abord à l'initiative privée, puis ensuite sou-
tenues par le gouvernement, se sont établies sur toute la surface du
royaume ', alors que les autres pays cultivés étaient loin de songer
à se soumettre à une nécessité, d'ailleurs non encore même recon-
nue par tous plus de trente ans après. Depuis une dizaine d'années,
les observations sont centralisées à Rome, à l'Office central de Méléo-
ralogie et de Géodynamique. Cependant les séismologues italiens ne
se sont guère orientés du côté des recherches géologiques, ne suivant
pas en cela l'exemple de leurs voisins d'Autriche, et leurs Uiéories
sont généralement empreintes de la tendance à faire intervenir les
causes volcaniques ou plutoniennes, ce qu'il faut attribuer à l'in-
fluence des idées que De Rossi a développées toute sa vie,
Les travaux des séismologues italiens sont innombrables, et le
véritable monument que Baratta* a érigé à la répartition des trem-
blements de terre de l'Italie se termine par un index bibliographique
de plus de 900 articles. Ce catalogue des tremblements de terre de
la péninsule laisse bien loin derrière lui celui pourtant fort iinpor-
* La MeLeorologia endogena (Milan, 1881) . Bollellino del Vulcanismo ilaliano (Romif
1874-1896).
* Bollettino délia società sismologica ilaliana (Roma, 1895 )
" 11 en existait 133 en 1887 {Osservatori geodinamici in coirespondenza con Varchitio
geodinamico di Roma. Bull, del vulc. ilal., XIII, 81, Ronia, 1886).
* / lerremoli d'Ilalia (Torino, 1901).
L'ITALIE 305
tant de Perrey *, et le savant séismologue italien l'a synthétisé en
/rvùenstU et
frëçruence
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moyenne
\fhdbU
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^:^-^
Fig. 4S. — Intensité des tremblements de terre en Italie (d'après Baratta et Gerland).
une carte d'ensemble ^ qui nous servira de guide, ainsi que celle de
Gerland '.
* Mémoire snr les tremblements de terre de la péninsnle italique \Ac, roy. de Belgique,
Mëm. XXlLi847).
* Carta nsmxca d'Ilalia (Voghcra, 1901).
* Die italienischen Erdbeben nnd die Erdbebenkarte Italiens (Petermanns, geogr,
UiUh„i^\, 265» pi. 20).
Os MoHTSwuft. — TremblemenU de terre. 20
306 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
Entre le golfe de Gènes et la mer Adriatique le versant méridional
des Alpes avec le bassin du Pô, puis la chaîne des Apennins avec ses
dépendances, enfin la Sicile, telles sont lés trois divisions naturelles
de l'Italie. EUes différent d'âge, de constitution, et leurs vicissitudes
géologiques ne sont pas les mêmes, non plus que la fréquence et
l'intensité des tremblements de terre qui les agitent. C'est dans
cet ordre qu'on va les étudier successivement.
1. — Italie continentale.
Le versant italien des Alpes occidentales est relativement peu
exposé aux tremblements de terre, quoique ce soit de ce côté qu'est
venue la poussée orogénique à laquelle la grande chaîne doit sa
surrection. D'une façon générale, la vallée proprement dite du Pô
est très stable; autrement dit, relativement peu de secousses y
prennent naissance. Au contraire, de nombreux centres d'ébranle-
ment s'échelonnent sur tout le versant des montagnes, mais les
chocs redoutables y sont plutôt rares.
Au sud de Cuneo (Coni), Boves a souffert quelques dommages le
23 mai 1835 ; mais on n'en connaît pas d'autres cas. Yinadio et Yal-
dieri ressentent des secousses d'un caractère très local. Le bassin infé-
rieur de la Stura aurait peut-être plus à craindre, si l'on en croit les
chroniques de la ville de Cuneo, mais s'agit-il de séismes propres?
C'est fort douteux ; il est bien plus probable qu'ils étaient d'origine
ligurienne. Les hautes vallées du Pellice, du Chisone et de la Dora
Riparia forment une région séismique fort importante allant jus-
qu'à Suse, et franchissant peut-être les Alpes jusqu'à Briançon. Le
tremblement de terre désastreux de 1808 a été suivi d'innombrables
secousses consécutives. Enfin Ceres et Lanzo, dans la vallée de la
Stura du Nord, terminent cet ensemble de régions presque contiguës
d'ébranlement. Cette partie des Alpes occidentales est caractérisée
par une série de hautes cimes cristalhnes depuis longtemps émergées
et qui ont servi de noyau à la sédimentation. D'après Zaccagna*, les
poussées orogéniques s'y sont manifestées par trois fois, avant le
Carboniférien, à la fin du Lias et à la fin de l'Éocène ; si le premier
mouvement a suffi à donner à la chaîne sa forme arquée, c'est plus
tard qu'elle a atteint sa plus grande altitude, et l'ancienneté relative
du dernier mouvement donnerait la clef de la stabilité, relative aussi,
que l'on vient de constater et qui rappelle celle des Pyrénées, de sur-
rection contemporaine.
* Nota suUa geologia délie AIpi occidentali (Boll. Corn. geol. Ualiano, VllI, 346).
L'ITALIE 307
Plus au Nord, il faut remonter jusqu'à la vallée d*Aoste pour
retrouver un foyer tant soit peu notable; mais au sentiment deMer-
calli % quelques dommages parfois éprouvés dans les villages au
débouciié dans la plaine doivent être attribués à ce qu'ils sont cons-
truits sur des terrains morainiques sans aucune consistance. Des
centres isolés et locaux se rencontrent sur les pentes jusqu'à la
vallée du Tessin ; ce sont ceux des environs de Biella, de Varallo et
de rOssola. Les grands lacs de la haute Italie, lac Majeur, lac de
Lugano et lac de Côme, sont des vallées d'érosion, surcreusées par
les anciens glaciers, et barrées par des moraines; leur stabilité prouve
Textinction totale des accidents qui en ont permis le creusement
grâce à un relèvement du massif. En amont du lac de Côme, la
haute vallée de l'Adda, ou Valteline, est plus riche en épicentres à
secousses assez fréquentes, mais on n'y connaît pas de tremble-
ments de terre vraiment graves ; la catastrophe de Piuro du 4 sep-
tembre 1618 n'avait rien de séismique, due qu'elle était à un
grand éboulementde terrains, phénomène fréquent dans les Alpes ita-
liennes.
La rive occidentale du lac de Garde présente aux environs de Salô
et de Vestone une région d'instabilité qui descend dans la plaine
jusqu'à Mantoue et se prolonge le long de la frontière du Trentin
jusque vers Asiago, par le pays des Sette Comuni. Brescia et ses
environs ont parfois eu à souffrir sévèrement, mais pas au point de
constituer une région très dangereuse, car il faut dans une assez
large mesure tenir compte de l'exagération habituelle des chroni-
queurs du moyen âge. Les secousses sont fréquentes à Desenzano,
plus encore au Monte Baldo, au bord faille et chevauché, où l'on
connaît des séries de chocs et de bruits séismiques. En résumé, toute
cette région du lac de Garde est largement pénéséismique et se
rattache à celle du Trentin et de la Judicarie, dont on a déjà padé
et dont elle n'est séparée que par la frontière politique entre l'Au-
triche et l'Italie. Le lac de Garde est une dépression tectonique
synclinale, qui remonte aux temps mésozoïques, mais dont la
configuration définitive actuelle résulte de mouvements divers ; les
principaux ont eu lieu vers le commencement du Miocène, avec la
«urrection et la dislocation du Monte Baldo, puis vers la fin du Plio-
cène avant le dépôt de l'étage « villafranchien », et finalement vers
la fin de la période glaciaire. Ils sont donc assez récents pour expli-
quer une instabilité qu'on pourrait presque s'étonner de ne pas voir
* I terremoH délia Liguria e del Piemonte, 134 (Napoli, 1897).
308 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
plus grande. Bettoni^ explique les secousses du lac de Garde parles
nombreux accidents tectoniques particuliers qu'on y rencontre
avec une grande multiplicité des épicentres particuliers. Baratta'
attribue à des mouvements de la fracture de Tregnano, val d'IUasi,
le tremblement de terre du 7 juin 1891. Dans le travail où il for-
mule cette conclusion, ce séismologue donne une esquisse des nom-
breuses failles qui accidentent les Tredici Gomuni et les Sette
Comuni, et qui peuvent rendre compte de leurs épicentres plus
nombreux que riches en secousses.
Le Bellunais est la région séismique la plus importante du versant
italien des Alpes, et le tremblement de terre du 29 juin 1873 a donné
lieu de la part des géologues autrichiens Bittner' et Hôfer* à des
travaux de la plus grande valeur, Son foyer se trouvait entre Bel-
lune et le lac de Santa Croce, à une petite distance de cette ville. Le
tracé des homoséistes, c'est-à-dire des courbes lieux des points où
Tébranlement s'est fait sentir simultanément, a fait connaître à Hofer
cette très remarquable particularité qu'ils sont trilobés dans les
directions N. W.-S. E. et W.-E., ou respectivement vers Inns-
bruck, vers l'Adriatique et vers Laibach, ou mieux Laak en Gamiole.
Cette disposition lui a fait penser que le tremblement de terre était
dû à un mouvement simultané de deux séries d'accidents tecto-
niques, ainsi qu'on va le voir d'après ce savant séismologue. Il
est assurément contraire à la réalité des faits de parler d'une
faille adriatique, mais on rencontre tout un système de dislocations
S. E.-N. W., qui, au N. W. de Bellune, se montrent dans la
vallée du Cordevole et se prolongent jusqu'à la remarquable dépres-
sion du Brenner, en plein cœur de la chaîne principale des Alpes;
c'est une direction jalonnée par des foyers secondaires d'instabilité.
Dans l'azimuth diamétralement opposé, on se trouve dans l'exact
prolongement de la ligne extérieure des îles dalmates, c'est-à-dire
de la limite orientale de l'effondrement adriatique. L'autre direction,
Bellune-Laak, est la limite méridionale des terrains rhétiens le
long de laquelle les couches carbonifériennes, triasiques et créta-
cées sont tellement enchevêtrées les unes dans les autres par des
chevauchements que leur disposition primitive est absolument
méconnaissable. Cette même ligne est aussi d'une très grande impor-
* n terremoto del 31 Otlobre 1901 {Bull, soc, Hsm. ital, VHI. 162).
* n lerremoto veronese del 7 Gîugno 1891 (Ann. delV Officio eentr, met. e geodinam.
Série II, P&rte lU, XI» 1889. 54. Roma. 1892).
' Beitr&ge znr Renntniss des Erdbebens von Belluno von 29 Jani 1.873 (Sitsungsber. d.
K. Ak, d, Wiss., ruU. CL, LXIX, IV. 541, 1894).
' Das Ërdbeben von Bellnno am 29 Juni 1873 {ld„ LXXIV, V, 819).
LITALIE
309
tance dans la tectonique des Alpes orientales, car elle sépare des
Earawanken les Alpes Juliennes qui se dirigent ensuite vers le
S. E. La forme des homoséistes montre que le double système d'ac-
cidents qui se croisent près de Bellune a joué en même temps le
29 juin 1873, à Texception du prolongement occidental du second,
I nnsb ru dt^ -*-"■*» ^
..r^
* KJâgenfurt
Trentfi \
i
rJ.
\Radûut
* «
Pig. 49. — Homoséiste du tremblemenlde terre de Bellune du 29 juin 1873 (d'après Hôfer).
vers le val Sugana dans le Trentin, puisque ces courbes ne présen-
taient pas un quatrième lobe vers l'Ouest dans cette direction. C'est
justement cette dernière observation qui empêche de voir dans la
forme trilobée des homoséistes le simple résultat d'un phénomène
de plus facile propagation du mouvement séismique, le long des
accidents, et conduit à y voir un réel mouvement de dislocation, sauf
vers l'Ouest.
A Test de BeUune, le Frioul renferme des épicentres importants,
310 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Claut^ Tolmezzo, Udine» etc., sans compter beaucoup d'autres moins
riches en séismes. Il faut sans doute faire intervenir les dislocations
de la ligne Bellune-Laak, dont on vient de parler^ et lui attribuer
les tremblements de terre qui s'y font parfois sentir sévèrement.
C'est à des phénomènes d'éboulements par dissolution que Haidinger^
attribue les bruits séismiques du mont Tomatico près de Feltre.
La vallée proprement dite du Pô est stable, en dépit des désastres
signalés par exemple en grand nombre à Venise ; mais très certaine-
ment tous, d'ailleurs exagérés par les chroniqueurs, étaient dus à
des secousses venant de l'extérieur, et il en est de même pour la
plaine littorale jusqu'à Trieste, où l'effondrement adriatique doit jouer
un rôle ; quant aux épicentres locaux, l'épaisse couverture alluvion-
naire empêche de faire à leur sujet aucune suggestion tectonique
plausible. Il est cependant très vraisemblable que les secousses de
Milan et de Bergame, ville située au bord faille de la chaîne des
Alpes, sont en relation avec l'effondrement qui a donné lieu à la
vallée, ancien golfe ultérieurement soulevé et comblé. Aussi bien, le
pied des monts ne manque pas de dislocations particulières, capa-
bles ici ou là d'avoir leur influence, et c'est ainsi que Baratta* a pu
faire intervenir plusieurs fractures lors du tremblement de terre de
Lecco, du 5 mars 1894 ; il n'est pas impossible non plus que cer-
taines secousses faibles et locales soient dues au simple tassement
des matériaux détritiques sans consistance.
S. — Italie péninsulaire.
On peut dire que, de la Ligurie à la Basilicate et à la Calabre, la
chaîne des Apennins est exposée aux plus violents tremblements de
terre, quoique çà et là se présente quelque adoucissement à leur
énergie et à leur fréquence. C'est que sa surrection est extrêmement
récente, puisque le Pliocène y est souvent porté à plus de iOOO mètres
d'altitude; le versant adriatique est plissé, tandis que son opposé
tyrrhénique est surtout fracturé. Les Apennins se sont érigés en deux
fois, tant à la fin del'Éocène en même temps que les Pyrénées et la
Provence qu'après les Alpes, par compression entre TAdriatide et la
Tyrrhénide, dont les ruines sont la Corse, la Sardaigne, la Calabre,
les monts métallifères de Toscane et TArchipel de Tîle d'Elbe, tandis
que la contre-partie du mouvement d'élévation a été Teffondrement
* Das Schallph&nomen des Monte TomaLico bei Feltre (Jahrbuch d, K, K. geol. Reiefi-
sanstall.Y. 566, Wien).
' 11 tcrremoto di Lecco dcl 5 Marzo 1894 (Boll. soc. sism, ital,^ 1, 19).
L'ITALIE 311
de ces deux terres. On observera que la périphérie de cet affaisse-
ment occidental est, en Espagne, dans le Midi de la France, en Italie
et dans les pays barbaresques, tout entière auréolée d'épanchements
éruptifs ou d'évents volcaniques soulignant ces divers mouvements.
La région séismique ligurienne commence en France vers Nice,
et s'étend jusqu'à Varazze pour diminuer beaucoup d'instabilité à
l'Est dans la Riviëre du Levant, ce que Mercalli explique par la
résistance de roches serpentineuses très développées qui, commen-
çant entre Albissola et Varazze, se continuent jusqu'à Sestri Ponente,
aux portes de Gènes. La Ligurie a de tout temps payé un large tribut
de vies et de dommages aux secousses de son sol, et le tremblement
de terre du 23 février 1887, présent à toutes les mémoires, a été
l'occasion des fort importants travaux d'IsseP, Taramelli et Mer-
calli *, pour ne citer que ceux dont nous adopterons les conclusions.
Il semble bien que ce mémorable événement a pris naissance en
plein golfe de Gênes, à quelques 15 milles de la plage entre San
Remo et Oneglia, ce qui est conforme au tracé des isoséistes de Tara-
melli et Mercalli, et c'est aussi Fopinion de DeBossi% qui place, il
est vrai, Tépicentre sous-marin beaucoup plus à l'Est, à tort selon
nous.
Issel a fait une étude approfondie des divers mouvements positifs et
négatifs les plus récents des Alpes de Ligurie — c'est intentionnel-
lement que nous employons cette dénomination au lieu de celle
d'Apennins, cette dernière chaîne ne commençant réellement qu'au
col de Giovi, ou d'Altare. Issel résume ainsi qu'il suit les derniers
mouvements de ce territoire : haute surrection pendant le Messinien
et creusement des vallées, maintenant submergées, en avant de la
côte de la Rivière du Ponant, vallées que décèle nettement le tracé des
isobathes ; grand affaissement pendant le Pliocène et formation de
dépôts littoraux, actuellement très relevés par suite d*un second
soulèvement du début du Quaternaire à environ moitié de l'ampli-
tude du premier mouvement; c'est alors que se sont formés les dépôts
terrestres néolithiques, remplissant, au-dessus du niveau delà mer,
les grottes qui ont fourni tant de précieux documents pour la pré-
* n terremoto del 1887 in Liguria (Suppl. al Boll. del R. Com. di Geol. Roma, 1888).
Il terremoto del 1887 in Liguria (Suppl. al Boll. d. R. Com. geol. d'Ilalia, anno 1887,
Roma, 1888).
" Il terremoto ligure del 23 Febbraio 1887 [Ann. del Off. c. di mel. e di geodinam.,
Vm. Parte IV. Roma, 1888).
' Relaziono a S. V,. il Ministro di Agricoltura, Industria o Commercio del Direttorc
deir Archivio Gcodinamico, sui tcrrcmoti del Febbraio 1887 {Gazella tif/iciale
12 Marzo 18S7; Bull, del, vulc. ilal., XIV, 5. Roma, 1887).
312 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
histoire. Ce géologue pense que de violents tremblements de terre
ont certainement secoué le sol de laLigurie pendant la série de ces
grandes transformations d'ensemble , compliquées elles-mêmes
d'autres modifications de détail en divers sens; il est même peu ras-
suré sur l'avenir réservé à ce pays, toujours exposé à subir de nou-
veaux désastres. Le grand séisme de 1 887 n'est pas le seul à avoireu son
épicentre en mer, comme le témoignent les tracés d'isoséistes donnés
par Mercalli pour plusieurs grands tremblements de terre antérieurs
(/. c, 7). Cette côte est d'ailleurs exposée à des vagues séismiqucsde
Nice à Savone exclusivement, ce qui coïncide exactement aussi avec
le resserrement des isobathes qui, au contraire, sur le méridien de
Savone, se rejettent brusquement vers le Sud pour laisser la Rivière
du Levant beaucoup plus stable, avec son talus sous-marin notable-
ment plus doux. C'est donc que, sans doute, l'effondrement des
terres tyrrhéniennes intervient encore, et Tarnutzer, dans son cata-
logue des séismes suisses pour 1887, admet expressément que le
23 février de cette année un voussoir sous-marin s'est brusquement
enfoncé en profondeur.
C'est à partir du col de Giovi que commence, avons-nous dit, le
véritable Apennin ; mais la chaîne a laissé un témoin cornme égaré
dans la plaine du Pô, le massif miocène des collines du Montferrat,
qui justement ne laisse pas que de former une région isolée d'ébran-
lement d'une certaine importance.
Il serait hors de proportion avec les limites imposées à cet ouvrage
de détailler les innombrables centres d'instabilité qui, de Parme an
Monte Pollino sur le golfe de Tarente, s'échelonnent pour ainsi dire
sans interruption le long des versants des Apennins, mais ne les dépas-
sent guère, de sorte que, sauf des exceptions locales, les côtes sont
relativement à l'abri des tremblements de terre, ou du moins en
ressentent peu qui leur soient propres. Dans ces conditions, nous
nous contenterons de mentionner les quelques rares suggestions
géologiques possibles, les séismologues italiens ayant jusqu'ici peu
dirigé leurs efforts dans cette voie.
Les Alpes Apuennes sont, avec la dépression de la Garfagnana, le
théâtre de secousses plus nombreuses que redoutables, encore que
les tremblements de terre y soient de temps à autre assez sévères,
mais non vraiment destructeurs. Ce district des marbres si célèbres
de Carrare, triasiques et jurassiques, est fort disloqué, mais depuis
assez de temps pour n'avoir subi comme vicissitude post-miocène
que l'assèchement du bassin lacustre, de sorte qu'aucun accident
important et très récent n'est venu apporter une influence séismo-
L'ITALIE Sia
génique sufOsamment accentuée pour devenir vraiment dangereuse.
Sur Tautre versant, les salses et les terrains ardents du Modenais
correspondraient^ d'après Vélain *, à une fracture des masses suba-
pennines, ouverte dans une direction sensiblement parallèle à la crête,
mais qui, ainsi, qu'il arrive généralement, n'a donné lieu qu'à une ins-
tabilité modérée, au moins relativement. Le versant des Romagnes
à l'est du Monte Cimone est plus souvent et plus gravement ébranlé,
et l'on entre là dans les couches plissées par la surrection apen-
nine. Mais un nouveau facteur séismogénique s'introduit aussi, l'in-
fluence des failles périadriatiques de Suess, quoiqu'il soit difficile de
faire le départ des secousses qui leur sont dues. ÉUes se manifestent
près d'Ancône par le petit massif du Monte Conero, fragment de
l'ancienne Âdriatide affaissée. C'est ainsi que, sans qu'on ait pu déter-
miner son épicentre, le tremblement de terre du 12 mars 1873 a
donné des isoséistes allongées S.E.-N.W., en rapport avec la sup-
position que le séisme dépendait de ces mouvements, et c*est aussi
le cas de plusieurs autres du Ferrarais.
La région séismique du Modenais se prolonge au Sud, et en dehors
des Apennins, jusqu'au delà de Florence, par les collines du Chianti
vers Orvieto, avec une pointe occidentale vers Livourne par les
collines toscanes et le Val d'Eisa '. Yerri ' considère les tremblements
de terre du Val di Chiana et de la haute vallée du Tibre comme
ayant été un facteur important dans les révolutions qu'ont subies
ces bassins depuis le Pliocène inférieur; la dernière serait tellement
récente que les traits géographiques décrits par Strabon et par
Pline auraient déjà été notablement modifiés. Il y a là des éléments
de mobilité qui ne peuvent que jouer un rôle séismogénique effectif.
Une faille post-pliocène importante suivrait d* ailleurs la vallée du Tibre
sur une grande longueur. Ces considérations de Verri concordent avec
celles de Ponzi sur les tremblements de terre dans les collines subap-
pennines, à la fin de Tépoque tertiaire *.
Les Apennins de l'Ombrie et des Abbruzes, hautes terres plissées,
renferment un nombre considérable d'épicentres, dont plusieurs fort
importants, et les désastres d'origine séismique n'y sont pas rares.
* Les Volcans ; ce qu*ils sont, ce qu*ilsnous apprennent (Paris, 1884).
* M. Baratta. Alcane considerazioni sintetiche suUa dislribuzione topografîca dei ter-
remoti neila Toscana (Riv. Geogr. ilal., l, fasc. X, dicembre 1894 ; II, fasc. I, Gennaio
1895).
* Azionî délie forze nell' assetto délie valli (Boll. soc. geoL ilal., V, n» 3). Id. Su! movi-
menti del Valdi Chiana, e loro influenza nell' effetto idrograflco del bacino del Tevero
(Rend, del R. insL Lomhardo di se. e lelt.. Série II, X, fasc. XVIII. Milano, 1877).
' I terremoU délie epoche subappenine (BolL del A. Comilalo geol, dllalia. Marzo-
AprUe 1875, 175).
314 GÉOGRAPHIE 6ÉISM0L0GIQUE
Yerri pense que les parties supérieures des vallées instables,
creusées pendant le Pliocène^ ont passé par des phases lacustres,
ou palustres, dues à des ressauts ou à des barrages produits par des
tremblements de terre, et ensuite colmatées et finalement comblées
par l'apport des produits de Térosion. Il n'y a pas de raisons pour
que ce processus ait, à l'époque actuelle, dit son dernier mot.
Le versant oriental, ou les Marches, est comparativement plus
stable, mais sans que les secousses du sol y perdent leurs droits.
Baratta ^ pense que plusieurs d'entre elles ont leur origine sous
l'Adriatique, comme celle du 21 septembre 1897, et en fait bien des
tracés d'isoséistes confirment l'influence des mouvements périadria-
tiques.
Dans beaucoup de ses écrits, De Rossi a insisté sur le rôle des frac-
tures des Monts Albains et du Latium, mais on peut dire que ses efforts
se sont surtout appliqués à démontrer le caractère volcanique de
secousses en somme relativement rares et faibles. Naturellement,
Rome est beaucoup plus stable que ne le feraient supposer les innom-
brables tremblements de terre que sa longue histoire a permis de lui
attribuer, faute d'autres renseignements. De Rossi* expliquait les
séismes de Rome, de Pompéi et de la région, par les mouvements
d'une fracture N.N.W.-S.S.E. passant par le Vésuve (?), et à peu près
parallèle au littoral. Ce faisant, il obéissait aux idées de son temps,
alors que les appareils volcaniques étaient considérés comme surgis-
sant au-dessus de failles ; tant que ladite fracture n'aura pas été
suivie sur le terrain, cette explication restera tout à fait incertaine et
douteuse.
La Sabine possède une structure karstique, et parfois elle est le
siège de secousses nombreuses, qui ne laissent pas d'être sévères.
C'est lé cas d'une série en 1901 à Monte Catino, Monte Rotonde et
Palombara. Après une visite sur les lieux, Cancani' attribua le phé-
nomène à un manque de soutien des couches calcaires, à la suite d'un
lent travail d'érosion souterraine, et, en effet, il apu citer, à l'appui de
cette explication, des exemples d'affaissements locaux vraiment indé-
* Sul tcrremoto di Sinigallia del 21 scttembre 1897 (Boll. Soc. geol. UaL, XVI, fasc. i,
1897).
* Intorno al tcrremoto chc devasl6 Pompei ncU'aano 63 c ad nn bassorilievo
votivo pompciano che le rappresenta. Centenario del sepellimento di Pompei per l'eni-
zionc vesuviana del 79 [Bull. del. Vulc. ital., VI, 109). Id. Le fratturc vulcaniche lazialî
cd i terremoti del Gennaiol873 {Alti délia R. Ace. dei Saoui-Lincei, XXVÏ). Id, Analisi
dci tre maggiori terremoti ilaliani nel 1894 in ordine spccialmente aile fratturc ciel
suolo (Id. XXVIII).
* Sul periodo sismico iniziatosi il 2i aprilc 1901 ncl territorio di Palombara Sabina
[BolL soc. sism. ilal,, Vil, 169, 1901-1902;.
L'ITALIE
315
niables. On peut dire qu'il a pris sur le fait ce processus séismique
particulier, bien souvent avancé sans preuves.
Assurément, Naples a eu fréquemment à souffrir de tremblements
de terre ; mais il est encore bien douteux qu'une région séismique
véritable se trouve tout autour de son golfe; autrement dit, si Ton en
excepte les secousses généralement peu étendues lui venant du
Vésuve, ou des Champs Phlégréens, le sol de Naples est en somme
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s
Fig. 50. — Ischia.
beaucoup plus stable que le ferait peut-être penser sa position au
centre d'un golfe d'effondrement, actuellement comblé jusqu'au pied
des hauteurs par une épaisseur de plus de 500 mètres de tufs et de
cendres volcaniques ; le peu de consistance de ces matériaux a eu
plusieurs fois l'occasion d'aggraver les effets de secousses plutôt
modérées.
Non loin de là, Ischia est célèbre par ses tremblements de terre
désastreux de 1881 et de 1883, dont le caractère, très local en dépit
de leur extrême violence, les a fait attribuer à l'Epomeo, volcan
éteint depuis le xiv* siècle. Dubois * a fait observer que Casamicciola se
trouve à l'intersection de deux fractures, se rencontrant en cela avec
Ualdacci' qui nomme celles de Bagni d'Ischia-Forio et de Lacco
Ameno-Testaccio et le long desquelles, pense-t-il, se maintient l'activité
* Further notes on the earthquakes of Ischia [Trans. seism. soc. of Japan, VIIl, 90).
' Alcnne osservazioni sul terremoto avvenuto ail' isola d'Ischia il 28 Luglio 1883
{BolL del R. Comiiato geol. d'Jtalia, 1883, n»' 7-8).
316 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
volcanique résiduelle de TËpomeo, en môme temps que Tinstabilité
séismique. Le désastre du 28 juillet 1883 a donné naissance à
une littérature séismologique considérable, au sujet de laquelle il
nous suffira de citer les théories principales. Stefanoni^ l'attribue à
l'écroulement d'un pilier souterrain d'argile érodé par les eaux
thermales, et Vélain^ donne une grande importance à leurs effets
locaux, ainsi qu'à la tension de leurs gaz accumulés, opinion par-
tagée parDaubrée*.
Mercalli * considère l'existence des fractures invoquées, et précé-
demment désignées, comme peu vraisemblable surtout en ce qui
concerne la première, tangente à TEpomeo, tandis que les évents
volcaniques en présentent le plus souvent de radiales, dit-il. D'après
ce savant, le caractère volcanique des tremblements de terre de l'île
d'Ischia résulte de la forme des aires épicentrales, ellipses allongées
dont le grand axe coïncide avec un rayon de l'Epomeo, c'est-à-dire
une fente radiale, accusée par les fumerolles de Monte Cito et
d'Ignazio Yerde et les sources chaudes de Ri ta et de Capitello. Les
perturbations observées, lors des séismes, dans le régime des unes
et des autres, prouveraient que ces phénomènes ont la même origine
que les tremblements de terre. Enfin, dernier argument qui nous
semble moins probant, avant 1762, il n'a pas été relaté de grand
séisme sans éruption ou manifestation d'activité du volcan. Mercalli
conclut que, depuis cette date, les grands tremblements de terre
d'Ischia ont eu leur foyer près de Casa Menella et à peu de profon-
deur, ce qui démontre leur origine volcanique. Il nous semble que
la démonstration repose surtout sur leur caractère toujours très local
et ne s'étendant jamais au dehors.
La Molise, laProvince de Bénévent, et surtout la Basilicate * doivent
à leurs catastrophes séismiques une triste réputation, trop bien méri-
tée. De nombreuses dislocations de l'Apennin doivent suffire à les
expliquer, mais on est loin de pouvoir encore définir les accidents par-
ticuliers auxquels elles sont dues. Dans son bel ouvrage, à juste titre
classique, sur le grand tremblement de terre du 16 décembre 1857,
Mallet* a principalement étudié l'influence de la structure du sol et
* Il Messagero (Roma, 2 e 3 Âgosto
* Le tremblement de terre d'Ischia da 28 juillet 1883 {La Nature, n* 553, 18 août 18S3.
182, Paris).
' Rapport sur le tremblement de terre ressenti à Ischia le 28 juillet 1883 ; causes pro*
bables du tremblement de terre (C. R. Ac. Se. Paris, XCVII, 768, 1883).
* L'isola d'Ischia ed il terremoto del 28 Luglio 1883 {Mem. del R. IsL Lombardo-
Milano (1884).
* M. Baratta. Vacquedotto pugliese e i terremoti (Voghera, 1905).
•• The first principles of observational seismology as developed in the report to the
L'ITALIE 317
de ses accidents tectoniques sur la propagation du séisme, ainsi que
sur son action dans les différents centres habités, mais sans s'atta-
quer le moins du monde à la cause géologique de Tévénement ; le
problème ne pouvait guère être alors abordé utilement. L'Apennin
napolitain est affecté d'accidents nombreux et considérables, nou-
veau genre de structure qui prend graduellement la place des plisse-
ments de rOmbrie et des Abruzzes. Parmi ceux auxquels on peut
vraisemblablement assigner un rôle séismogénique, il faut citer la
dépression du Val di Diano au pied du mont Marta.
Baratta S s'appuyant sur les travaux de De Lorenzo sur la géologie
de l'Apennin de la Basilicate méridionale, attribue le tremblement de
terre de Viggianello, du 28 mai 1894, aux fractures dirigées N. W.-
S. E., qui accidentent le groupe montagneux du Monte PoUino, com-
posé de Trias, de Lias, de Crétacé et d'Éocène, et dont les prolonge-
ments passent par cette ville, ainsi que par Rotonda, les localités
alors le plus vivement secouées. Il ajoute que les foyers séismiques
de Lagonegro et de Mormanno, les seuls centres habités de ces
parages, doivent reconnaître la même origine.
Toutefois, il faut bien se garder, ainsi qu'on l'a fait d'après les
anciennes théories relatives aux volcans, d'invoquer une ligne par-
ticulière de dislocations sur laquelle se serait érigé le volcan éteint,
le Vultur, au bord du bras de mer pléistocène longeant la plate-forme
des Fouilles; De Lorenzo' a en effet démontré la non-existence d'un
accident de ce genre. Il y aurait la, pour les séismologues italiens,
de très intéressantes études à entreprendre.
Revenant à l'Adriatique, on trouve avec le Monte Gargano jusqu'à
Foggia, et tout autour de la lagune de Lésina, un important foyer
d'ébranlement, celui de la Capitanate, étudié spécialement par
Baratta'. Ce massif du Monte Gargano est tout à fait indépendant de
l'Apennin et c*est un reste des terres respectées par l'effondrement
adriatique ; il forme en effet, avec les collines de la Pouille, une
chaîne unique se reliant à travers la mer au système de l'Europe
sud-orientale, dont elle a été détachée par affaissement ; cette dis-
jonction aurait eu lieu à la fin de l'Ëocène ou au commencement du
Boyal Society of London of Ihe expédition mode by command of the Society into the
interiorof the Kingdom ofNaples, to investigate the circumstancee of the great earth-
qvake of December 4857, 2 vol. in-8, London, 1862.
* Il terremoto di Viggianello (Basilicata) del 28 Maggio 1894 (Boll. Soc, Siem, itaL
l 82).
* Atti delV Ace, Se, di Napoli ÇL. sér. 2«, n* 1, 1900).
* Sulla attività sismica nella Capitanata (Ann. delV Vff, centr, di Met. e di 'geodin.,
XVI. Parte I, Roma, 1894).
318
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Miocène, époque à laquelle l'Adriatique ne communiquait pa& avec la
Méditerranée, mais formait peut-être un grand lac de direction paral-
lèle à celle des deux chaînes de la Fouille et de l'Albanie. Beaucoup
de tremblements de terre du littoral de la Capitanate ont dû avoir leur
épicentre en mer dans les parages des îles Tremiti, qui ne présentent
pas une instabilité en rapport avec celle que pourrait faire supposer
Fig. 51. — Monto Gargano. Séismcs à épiccntres sous-marins.
leur nom : c'est qu'il provient, non d'une fréquence particulière des
secousses, mais bien seulement de la contraction des mots «c Isole de
tre Monti », qui rendent bien leur aspect à distance, explication tirée
par Baratta (/. c. 23, p. 41) d'un ancien auteur, Coccarella*.
Les Fouilles proprement dites sont ti'ès stables, et ne ressentent
guère que le contre-coup des tremblements de terre de la mer
Ionienne et de la Dalmatie méridionale.
Les Calabres sont une des régions séismiques le plus instables de
l'Europe et plusieurs de leurs désastres ont laissé des traces impéris-
sables dans les annales historiques, de sorte que la bibliographie de
leurs tremblements de terre, telle que l'a établie Mercalli*, mentionne
* Cronica isloîiale di Tremiti <p. 12, Venezia, 1606).
* / terremoli délia Calabria mendionalâ e del MesHnese. Saggio di una monografia
sismica régionale (Roma, 1897).
L'ITALIE
319
pour cette seule province le nombre considérable de 139 mémoires
particuliers.
Li'ossature de la presqu'île calabraise est constituée par les deux
importants massifs archéens, ou cristallins, du Sila et de l'Aspro-
monte, faisant à l'extrémité méridionale de l'Apennin l'exact pen-
Fig. o2. — Calabrc et Sicile da N.E.
dant des Alpes Liguriennes, comme si la surrection de la chaîne
s'était faite entre ces deux piliers restés fixes. Les mêmes terrains
granitiques et gneissiques se retrouvent en Sicile, dans les monts
Péloritains, situés de l'autre côté du détroit de Messine, de sorte
qu'on ne peut logiquement les séparer ni au point de vue géo-
logique, ni relativement aux tremblements de terre qui leur sont
très souvent communs. Le Crétacé et l'Éocëne disloqués frangent les
anciens massifs, tandis que le Pliocène supérieur a été porté en
couches presque horizontales à plus de 1000 mètres d'altitude. Les
golfes lobés de Santa Eufemia et de Gioja résultent d'effondre-
ments, mais on ne saurait regarder ces mouvements comme causes
de séismes, parce que d'autres semblables accidentent la côte tyrrhé-
320 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
nienne, qui depuis Gênes jouit d'une assez grande stabilité, en même
temps que les isobathes entourent au milieu de la mer italo-sarde un
abîme de 3 000 mètres et s'éloignent beaucoup du littoral, qu'elles tou-
chent presque au contraire au pied des Alpes de Ligurie si instables.
Parmi les innombrables et éphémères explications qui ont été
données des tremblements de terre des Calabres et du détroit de
Messine, la plus connue et la plus en vogue est, sans contredit, celle
de Suess^ Malgré la haute autorité qui s'attache à tous les travaux
de ce grand géologue, Mercalli (/. c, 25, p. 148) n'a pas craint de
montrer que sa tliéorie est en contradiction formelle avec les faits
d'observation. Le savant autrichien estime que les centres des
secousses dont il s'agit se répartissent suivant une ligne courbe qui,
partant des monts» Madonie en Sicile, passe par l'Etna, franchit le
détroit de Messine à Ali, suit le bord occidental de l'Aspromonte
par Santa Cristina, Oppido, Terranova, Soriano et Girifalco, et se
prolonge par la vallée du Crati vers le Mont Sila. Les îles Éoliennes,
ou Lipari, forment comme le centre de ces séismes périphériques ;
enfin d'autres lignes, partant de ces îles, correspondent à des
secousses radiales. Suess** pense que sa grande ligne enveloppante
a joué en 1783 en divers de ses points, que dans l'aire limitée par
la fracture de 1783, l'écorce terrestre s'affaisse en cuvette et qu'en
même temps il se forme des failles radiales convergeant vers les
Lipari ; si ce mouvement s'accentuait, il finirait par y avoir effon-
drement ou disparition du massif vaticanique, des falaises de Scylla,
et du môle des Peloritani et des Madonie. Il est clair que, dans son
opinion, les tremblements de terre des Calabres et du Messinese
préparent cet effondrement. Les cartes séismiques de Mercalli mon-
trent bien que des foyers d'ébranlement se répartissent sur la ligne
Ali, Reggio, Oppido, Polistena et Girifalco, et ne sont pas indépen-
dants les uns des autres, mais que, d'autre part, les centres des
Madonie et de la vallée du Crati se sont toujours montrés autonomes,
à plus forte raison celui de Catanzaro et d'autres encore.
De son côté Cortese ' fait intervenir, ce nous semble avec raison,
les très récentes dislocations orogéniques qui ont donné sa struc-
ture actuelle au massif calabrais, et en particulier deux d'entre elles :
la faille du détroit de Messine qui se prolonge au S. S. W. vers l'Etna
* Die Erdbeben des sûdlichen Italiens [Denkschriften d. Mat. naturwisê. Cl. d. K. Ak. d,
Wiss. in Wien, XXIV, 1874).
* La Face de la Terre, I, 107-113.
* Descrizione geologica délia Calabria (Geotetionica e slsmologia) (Mem, del A. C<nn.
yeoL d'Italia. Roma, 1895).
L'ITALIE 321
et au N. N. E. parla vallée du Mesima jusqu'à laPunta deir Alice dans
le Cotronese,et celle qui traverse la dépression de Gatanzaro, entre les
caps Suvero et Stalletti. Il faut se rallier sans réserve à une expli-
cation pleinement concordante avec les tracés d'isoséistes donnés
par Mercalli, et que, du reste, accepte Barattai Cortese' avait préludé
lui-même à sa théorie générale des tremblements de terre calabrais
par une étude antérieure sur le séisme de Bisignano, du 3 décembre
1887, pour la genèse duquel il fait intervenir la faille du Crati.
Des phénomènes bradyséismiques ont été observés en Calabre ',
mais on ne peut leur faire jouer aucun rôle séismogénique puisqu'ils
affectent aussi la presqu'île de Tarente et d'Otrante, privée de séismes
propres, du moins de séismes sévères.
Les nombreux tracés d'isoséistes donnés par Mercalli pour les trem-
blements de terre calabrais ne laissent pas supposer d'épicentres sous->
marins, observation qui va tout à fait à l'encontre de la théorie de
Suess; et cependant, de Naples à Messine, le littoral est exposé à des
vagues apparemment d'origine séismique.
Riccô ^ a fait une très intéressante étude détaillée des anomalies
de la pesanteur dans l'Italie méridionale et la Sicile, et voici la
conclusion du savant directeur de l'Observatoire géophysique de
Catane : « Traçant sur la carte des courbes isanomales de gravité
« les aires séismiques principales, telles qu'elles résultent de la Carta
« sismica dCItalia du D' Bsuratta et qu'elles ont été reproduites par
» Gerland, on observe que ces aires se trouvent là où les isano-
« maies irrégulièrement rapprochées et fortement repliées, indi-
« quent les lieux de plus grand manque d'équilibre de la gravité,
<c comme il était à prévoir. Cela peut expliquer pourquoi la Sicile
« orientale et la Calabre occidentale sont particulièrement dévastées
« par les tremblements de terre, ainsi que la Basilicate, les Abbruzes
(c vX la région garganique. » De son côté Platania ', entrant davan-
tage dans le détail en ce qui concerne les alentours de l'Etna, a
* I terremoU di Calabria (Riv.geogr. ilal., U, Roma, 1895).
' Il terremoU di Bisignano del 3 Dicembre 1887 (Ann. délia Met, ilal.. Série II, VIII.
Parte IV, 1886, 59. Roma, 1888).
' Â. Issel. Supposto sprofondamento del golfo de Santa Eufemia (Annali idrografici,
I, Roma, 1900).
* Controllo délie osservazioni di gravita fatte en Sicilia e Calabria (BolL deW Ac.
Gioeniadi sc.nat. in Catania, Fasc. LVI, Dicembre 1898). — Zona e Saija. Differenza de
loDgitudine tra Catania e Palcrmo e determinazione délie anomalie délia gravita in Ca-
tania. (Id. Fasc. LX, Gingno, 1899). — Riassunto délie deteiminazioni di gravita relativa
fatte nella Sicilia orientale, in Calabria e nelle isole Eolie (Rendiconti délia R. Ac. dei
Lincei, CL di Se. fis. mat. enat.y XII. Sedula del 21 Giugno 1903;.
' Sur les anomalies de Ja pesanteur et les bradysismes dans la région orientale de
l'Etna (C. R. Ae. Se, Paris, CXXXVIII, 859, 1904).
Os MoHTEMUs. — TremblemenU de terre. 21
322 GÉOGRAPHIE SËI8M0L0GIQUE
rapproché ces anomalies des mouvements bradyséismiques que Ton
1^^ j Aires séurm^wes prùt£^[?aôe^
Coudés isoAjsmuUs oher^ms
Fîg. 53. ^ Italie méridionale et Sicile. Courbes isanomales de la gravilé
(d'après Riccè).
y a observés. De Lapparent * a fait siennes les conclusions de Riccè
* Sur la signification géologique des anomalies de la pesanteur (C. JR. Ac, Se, Paru,
CXXXVIl, 827, 1903).
L'ITALIE 323
et leur a donné la signification tectonico-séismologique qui leur
manquait. Nous noterons cependant que, dans le détail, les résultats
des observations de Biccô ne sont pas aussi probants qu'ils le
paraissent : en effet, les isanomales dessinent pour ainsi dire sur
l'Italie méridionale deux thalwegs, là où précisément elles se
replient fortement; Tun suit la crête des Apennins et en partie
celle des Calabres, instables, mais l'autre coïncide avec la ligne
médiane de la presqu'île stable de Tarente et d'Otrante ; cette oppo-
sition n'est pas sans appeler un certain doute sur lesdites conclusions.
3. — Sicile et îles a4Jacente8.
Les îles éolîennes ou Lipari et Ustica sont d'origine volcanique,
les premières en partie encore actives. Situées non loin des grands
fonds de la mer Tyrrhénienne, elles sont le siège de secousses modé-
rées, et celles du Stromboli ne s'étendent guère aux autres îles.
Le caractère volcanique de ces séismes paraît donc assez probable.
Si l'on excepte le massif ancien et cristallin des monts de Messine,
ou Péioritains, qui ont été séparés de la Galabre par une faille que
Cortese date de la fin du Pliocène inférieur, la Sicile, où le Trias
s'appuie contre ces terres démembrées, a été morcelée par une série
de cassures déjà bien dessinées au Pliocène. Cette grande île est
caractérisée par un ensemble très complexe de collines arrondies,
et ses terrains sont de plus en plus récents du Nord vers le Sud.
Rien ne peut laisser prévoir une instabilité exagérée, ce que confir-
ment bien les observations.
L'Etna s'élève au milieu d*un cirque d'effondrement circulaire,
autrefois occupé par un golfe, au milieu duquel il s'est graduellement
érigé en le remplissant par ses projections. Il est très malaisé de
faire pour la plaine de Catane et pour la périphérie du cône de
3 300 mètres qui la domine, le départ entre les secousses d'origine
volcanique et celles dont la cause tectonique doit être probablement
recherchée dans la formation même de l'ancien golfe circulaire.
Mais, tout en tenant compte des paroxysmes volcaniques, il semble
que les tremblements de terre de dislocation du* pourtour doivent
prédominer, puisque Biccù et Franco * ont établi la stabilité habi-
tuelle de l'observatoire de l'Etna. Les désastres de Catane, lorsqu*ils
ne résultent pas de coulées volcaniques, ou des tremblements de
terre calabrais, ont été certainement aggravés par le peu de consis-
tance des matériaux de projection sur lesquels cette ville est édifiée,
* La stabilité del suolo dell' osservatorio etneo (Bol. Ace. Gioenia di $c. nat. m
Caiania. Fasc. LXV, novembre 1900).
3â4 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
et d'ailleurs les anciennes chroniques paraissent les avoir exagérés.
Au Sud de TEtna, le massif du Monte Lauro présente un foyer
d'ébranlement qui s'étend jusqu'à Syracuse, ville qui^ du moins, a
eu à en souffrir.
A la suite de l'étude d'une petite série de secousses en mars 1901,
Arcidiacono ^ attribue l'existence de ce foyer séismique à un effet
purement mécanique, produit sur les sables supportant les fondations
des édifices de Nicosia par le gonflement des argiles sous-jacentes du
Miocène moyen, à la suite de pluies abondantes.
De Gefalù à Marsala et de Sciacca à Girgenti, les côtes de Sicile
sont faiblement ébranlées. Gorleone est peut-être un centre d'instabi*
lité ; cette ville semble située dans une aire d'affaissement, limitée
au Nord par une falaise calcaire surmontée par deux ruines du moyen
âge, Gastello Sovrano et Castelio Sottano, châteaux qui auraient été
renversés en 1537 par l'effet d'un tremblement de terre, à moins que
ce bouleversement topographique, la formation des falaises, n'ait
été lui-même la cause première des séismes, question que Crescî-
manno ^ ne résout point.
Au Sud, les côtes de Sicile émergent d'un large socle sans pro-
fondeur dont une partie est le banc de l'Aventure, sur les bords
duquel s'élèvent Pantelleria, l'île volcanique éphémère Julia et
Malte, tandis que les régions instables de la Sicile, Messinese,
Etna et Syracuse, c'est-à-dire la côte orientale, se dressent le long
du raide talus de l'isobathe de 1 000 mètres venant de la mer Ionienne.
Les tremblements de terre sont plutôt rares à Pantelleria, où un léger
paroxysme séismique, en 1891, a accompagné des manifestations vol-
caniques, et en même temps, paraît-il, un sensible relèvement de sa
côte et de la pointe Karuscia'. Malte, indépendamment des secousses
qui lui viennent de la mer Ionienne, est assez souvent ébranlée ;
les nombreuses failles qui coupent ses couches miocènes en divers
sens dénotent une zone affaissée dont elle représente, avec Gozzo,
les derniers témoins. Ces deux îles, ainsi que Linosa et Lampedusa,
parfois secouées, se trouvent au bord d'une fosse profonde, située
entre la Sicile et la Tunisie, dont un effondrement a rompu l'unité
territoriale, événement qu'attestent les phénomènes volcaniques sous-
marins de 1831 à l'île Julia, ou Ferdinandea, comme conséquence des
fractures concomitantes.
* Il torrcmoto di Nicosia del 26 Marzo 1901. Boll. Ace. Gioenia di se. nat, in Catania,
(Fasc. LXIX, GiugQo).
■ I lerrcmoti di Corleone (Boll. del vulcanismo italiano, III, 97, 1876).
' M. Baratla. Gli odietmi fenomeni endogeni di Pantelleria (Milano, 1892).
CHAPITRE XVIII
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE
1 . — Corse, Sardaigne et Baléares.
Les mouvements tertiaires alpins du continent ont eu pour con-
tre-partie l'effondrement du bassin occidental méditerranéen^ impor-
tant événement qui, s'il a commencé à la (in des temps secondaires
pour ne s'achever qu'au Quaternaire, n'a plus laissé comme témoins
que les débris d'une chaîne plissée et dressée après le Nummulitique.
La Corse est un de ces fragments de la Tyrrhénide, qui aurait été
plus tardivement séparée de la France que de l'Italie. Est-ce fortui-
tement que les cinq seuls séismes connus aient tous été signalés sur
le versant occidental, archéen et primaire, plus récemment effondré
que l'opposé, tertiaire, et en même temps du côté où se rencontrent les
plus grandes profondeurs, conformément à la loi du relief? La Sar-
daigne ne diffère pas essentiellement de l'île française ; le granité y
prend aussi une importance considérable et les terrains secondaires
reposent en discordance complète sur le substratum primaire. Ces
deux grandes terres constituent donc un fragment des anciens mas-
sifs, stables par conséquent, et n'appartenant pour ainsi dire pas au
géosynclinal, mais bien seulement à l'aire affectée par contre-coup
par les mouvements alpins. Les éruptions post-pliocènes et quater-
naires n'ont laissé aucun élément d'instabilité en Sardaigne, où les
séismes sont aussi rares qu'en Corse, et ne se produisent que dans le
massif primaire du N.W, si Ton ne tient pas compte des secousses qui
viennent d'Algérie l'ébranler quelquefois.
Comme les Maures de Provence, Tîle d'Elbe avec le petit archipel
Toscan et le curieux Monte Argentario, sont d'autres fragments
encore plus morcelés et tout aussi stables de la Tyrrhénide.
Les Baléares sont implantées sur un socle commun, et de grandes
profondeurs les séparent de la Corse et de la Sardaigne. Le rivage
rectiligne de Majorque est l'indice d'un accident important vraisem-
blablement en relation avec l'affaissement méditerranéen, et c'est
326 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
précisément là qu'eut lieu en 1851 et 1852 un tremblement de terre
dont une des nombreuses secousses endommagea quelques édifices.
Si ce cas est unique, c'est donc que les séismes des Baléares se
présentent à des intervalles très éloignés, et cela explique bien
Topinion des clironiqueurs catalans que ces îles sont à Tabri des
secousses du sol.
En résumé, l'intérieur du bassin occidental de la Méditerranée
est parfaitement stable. Quelques rares séismes de la Corse et de la
Sardaigne doivent dépendre de dislocations de leur substratum
ancien, tandis que Feffondrement tertiaire de la Tyrrhénide se rap-
pelle au souvenir des habitants de Majorque par des secousses parfois
sévères de son littoral septentrional, si toutefois même le plissement
post-nummulitique n'intervient pas.
2. — Espagne du Sud-Est.
L'Espagne du Sud-Est, Andalousie et royaumes de Murcie et de
Valence, est une des régions de l'Europe méridionale qui a eu le
plus à souffrir des tremblements de terre, et à plusieurs reprises elle
a subi de véritables catastrophes; celle du 24 décembre 1884 est
encore présente à toutes les mémoires. Les renseignements séis-
miques, quoique ne résultant pas d'observations systématiques, sont
assez nombreux cependant pour que Ton puisse considérer comme
sufQsamment bien connue la répartition des centres d'ébranlement
et des points les plus exposés de cette partie si instable de la
péninsule ibérique. Il n'existe encore que deux catalogues, celui de
Perrey* et celui plus récent de Taramelli et Mercalli^
Au point de vue géologique, la région est très naturelle, limitée
qu'elle est au Nord par une grande ligne de dislocation partant du
cap Saint Vincent sur l'Atlantique et aboutissant au cap de la Nao sur
la Méditerranée, après avoir suivi le bord méridional de la Meseta
ibérique, archéenne et primaire, par les Algarves et la Sierra Morena.
C'est une grande faille, isolant du reste de l'Espagne la dépression
tertiaire du Guadalquivir, ainsi que les terrains secondaires et pri-
maires de l'Andalousie et de la Sierra Nevada. Les tremblements de
terre dépassent un peu cette limite au N. E, puisqu'ils atteignent
Valence, mais c'est un détail qui ne diminue en rien la netteté du
' Sur les tremblements de terre de la péninsule ibérique (Ann. se. ph. et naL de
lyon, 1847).
* 1 terreraoti andalusi cominciati il 25 décembre 1884 (Ueale Ace. dei Linceit GGLXXXIU,
1885-86. Roma).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE 827
rôle de la ligne de démarcation entre les parties stables et instables.
Au pied de la falaise de la Sierra Morena^ le détroit Bétique, ou du
Guadalquivir, est un trait fort ancien ; unissant TAtlantique et la
Méditerranée, il séparait les deux vieux massifs, la Meseta ibérique
et UD autre plus méridional, disloqué et démembré par les mouve-
ment alpins. Il était en même temps fermé lors de ces derniers évé-
nements, puis remplacé par le détroit actuel de Gibraltar, ouvert
plus au Sud à Fépoque pliocène, et de chaque côté duquel subsis-
tent à l'état de débris la Sierra Nevada et TAtlas marocain, témoins
encore imposants de l'ancienne chaîne effondrée le long de son axe.
La dépression bétique, ainsi obstruée assez tardivement, peut-être
seulement au commencement de l'ère quaternaire, avait d'abord subi
des oscillations diverses, comme l'indiquent dans la vallée du Gua-
dalquivir des intercalations de couches lacustres dans les dépôts
marins. Ces vicissitudes n'ont pas été sans d'énergiques plissements,
et ceux des couches tertiaires des vallées du Guadalete et du Guadal-
quivir ont été arrêtés net par l'inertie de la Sierra Morena, dominant
la plaine alluviale près de Séville. Une importante dislocation Lorca-
Guadix-Grenade, à peu près en prolongement de la basse Segura et
de son affluent la Sangonera, est marquée par des bassins tertiaires
d'effondrement, tels que la Vega de Grenade ; elle sépare les chaînes
secondaires du Nord, plissées en direction N. E., delà Sierra Nevada
au Sud, celle-ci beaucoup plus ancienne et où les accidents forment
un système de failles E.-W., parallèles au littoral. Cette chaîne
tombe à pic, puisque le sommet du Mulhacen, à 3481 mètres d'alti-
tude, n'est qu'à 35 kilomètres de la côte ; mais le profil transversal
du détroit de Gibraltar est à pente bien plus douce qu'on n'aurait pu
le supposer d'après le relief exagéré de la Cordillère. Plus à TOuest,
les plis s'infléchissent vers le Sud pour se raccorder avec ceux du
Djébel-Mouca entre Tanger et Ceuta, de l'autre côté du détroit. Ces
mouvements si complexes, et d'une grande amplitude, ont donné
lieu à des épanchements érup tifs, jalonnant entre les caps dePalos et
de Gâta le littoral, dont la direction est ici, non seulement parallèle à
la ligne Lorca-Grenade, mais encore au raide talus sous-marin de
l'isobathe de 2000 mètres, qui représente la lèvre de l'effondrement
méditerranéen. Où trouver un ensemble de vicissitudes récentes, et
d'accidents de tous genres, plus favorables à l'instabilité séis-
mique que ces circonstances géologiques ainsi rapidement esquis-
sées?
Jusqu'à Huelva, le versant méridional des Algarves est le théâtre
de séismes qui atteignent parfois un certain degré de sévérité, mais
3S8
GÉOGRAPHIE 6ÉI8MOLOGIQUE
dont Torigine véritable,
peut-être sous-marine,
est encore difficile à dis-
cerner, faute d'études
suffisantes.
En Andalousie, la séis-
micité ne dépasse point
la rive droite du Guadal-
quivir, fait très compré-
hensible puisque la Sierra
Morena a arrêté les mou-
vements tertiaires alpins.
Cadix, Séville, Cordoue,
Linares sont d'apparents
foyers d'ébranlement ,
mais de médiocre impor-
tance ; on ne saurait d'ail-
leurs affirmer que ce sont
les véritables épiceiitres,
ou qu'ils ne résultent pas
de séismes venant des
accidents situés plus au
Sud et déjà mentionnés.
C'est qu'en effet le Gua-
dalquivir coule au milieu
de marnes et de mollas-
ses miocènes, déposées
lors de la fermeture du
détroit et restées parfai-
tement horizontales; sa
vallée, depuis le point où
il se coude vers le S. W.,
près de Cantillana, jus-
qu'à l'embouchure, con-
siste , d'après certains
géologues, en une série
de segments parallèles
au fleuve qui ont joué
librement à différentes
reprises depuis le com-
mencement de l'ère mé-
BASSIN OCGtDEiNTAL DIS LA MÉDITERRANÉE 329
sozoïque jusqu'après les dépôts pliocënes à caractère méditerra-
néen ; c'est ce qui a permis à la mer de s'introduire au pied de la
Sierra Morena par un canal de plus en plus étroit, qui a fini par
s'obstruer définitivement au commencement du Quaternaire. Les
strates comprises entre les failles ont conservé leur horizontalité,
tandis qu'à faible distance elles présentent des plissements plus ou
moins accusés. Il y a donc des dislocations suffisantes à invoquer,
si toutefois les villes baignées par le fleuve sont de véritables épi-
centres. Les secousses de Jaen et d'Ubeda trouvent une claire expli-
cation dans les efforts qui ont fait chevaucher entre Jaen et Grenade
le Jurassique, le Crétacé et le Tertiaire. Une grande faille coupe le
rocher de Gibraltar, qui paraît bien avoir ses séismes propres. Comme
on a déjà eu l'occasion de le faire observer, la région séismique
andalouse occupe un emplacement au moins deux fois plissé, à
l'époque hercynienne et à l'époque tertiaire, mais, il est vrai, sui-
vant des directions différentes, superposition déjà bien des fois
mentionnée.
Les environs de Malaga sont très instables, et des désastres y sont
à de nombreuses reprises relatés dans les anciennes chroniques. Le
plus récent, celui de 1884, a eu son centre non loin de cette ville,
d'après le tracé des isoséistes donné dans le rapport * de la commis-
sion que l'Académie des sciences de Paris a envoyée sur les lieux
après l'événement, un peu au Nord de la Sierra de Jatar, près d'Al-
hama. Taramelli et Mercalli le placent plus au Sud, près d'Arenas
del Rey. Enfin Grenade n'est pas moins exposée que Malnga, sans
que l'on puisse localiser avec précision le centre de ses séismes des-
tructeurs. Il est probable qu'il s'agit là d'une seule et même origine,
située quelque part dans les sierras intermédiaires. L'événement de
1884 est le seul qui ait été étudié scientifiquement, et son importance est
telle qu'il y a lieu d'exposer les diverses explications auxquelles il a
donné lieu, mais sans chercher à faire un choix définitif que des études
sur des séismes ultérieurs pourraient peut-être bien ne pas vérifier.
Taramelli et Mercalli invoquent, mais sans préciser, les phéno-
mènes stratigraphiques, géologiquement assez récents, auxquels cette
partie du bassin méditerranéen doit son actuelle délimitation. La
théorie de Mac-Pherson - ne diffère pas sensiblement de la précédente
' Mém. de VAc. de9 Se., XXX. n« 2: Mission d'Andalousie (F. Fouqué, directeur; Michel
Lévy, Marcel Bertrand, Barrois, Offret, Kilian, Bergeron, Bréon). htudcs relatives au
tremblement de terre du 25 décembre 1884 et à la constitution géologique du sol ébranlé
par les secousses.
• Lo8 lerremolos de Andalucia (Conferencia lelda en febrero de 1885 en el Ateneo de
Madrid).
330 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
lorsqu'il considère les mouvements séismiques, que Ton sait avoir
ébranlé la région depuis les temps les plus reculés de son histoire,
comme la manifestation actuelle des efforts qui ont présidé à la for-
mation de ses montagnes. Il a noté qu'à proximité des grandes failles
bordant de rW. N. W. àl'E. S. E. les Sierras de Teja et d'Almijarra,
correspond le maximum de l'énergie dynamique du tremblement de
terre. L'espace compris entre les Sierras de Teja et de Ronda est
partagé par dm failles en bandes parallèles à leurs crêtes, tandis que
de l'autre côté de la Swrania apparaît le foyer secondaire de Gasares
et d'Ëstepona. Cette disposition indiquerait que la plus grande inten-
sité des secousses s'est localisée là oîi il existe des fractures, encore
mal soudées à une certaine profondeur.
Martinez ^ a soutenu l'hypothëse que le désastre de ISSl a été
causé par des éboulements intérieurs. Il se base sur ce que la rêgîoa
pléistoséiste embrasse une sorte de cuvette sans écoulement appa-
rent, et que des sources, apportant au jour du calcaire arraché aux
couches profondes, forment d'épais dépôts de tuf au détriment des
cavités ainsi creusées ; la rivière qui circule dans ce bassin s'y
infiltre et disparaît. Cette théorie peut expliquer la violence des effets
du tremblement de terre en certains points particuliers, mais non
l'extension de la surface dévastée, ni le nombre des secousses con-
sécutives.
Au rapport de la commission française, la région épicentrale
coïncide exactement avec une crête montagneuse dont le versant
méridional, abrupt et faille, est surtout composé de terrains cristallins,
tandis que Topposé, plus adouci, résulte de plis de refoulement,
jurassiques et crétacés. Cette crête s'infléchit brusquement en deux
points, de manière que sa partie moyenne offre une direction très
différente de celle de ses deux parties terminales. Le terrain est
donc plissé suivant une ligne brisée en forme de baïonnette. Du point
de cassure, situé près de Zaffaraya, part la Sierra de Tejeda, qui,
prenant une direction différente des précédentes, s'allonge au S. E. en
se prolongeant vers la mer. Or le milieu de l'épicentre, le nœud pour
ainsi dire du tremblement de terre, siège précisément en ce lieu;
l'épicentre est à cheval sur la bande médiane de Chorro à Zaffaraya,
sur le rameau oriental et sur la Sierra Tejeda. Il correspond donc à
un étoilement de fractures profondes, et de plus il est dirigé comme
l'un des faisceaux principaux de ces fentes, c'est-à-dire E.-W.
Les géologues français n'ont pas osé tirer une conclusion formeUe
* Los temblores de tien^a (MÂlaga, 1885).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE
331
de leur si frappante description. Il semble que, sans être téméraire,
on doive admettre une dépendance directe entre le séisme de 1884
et ces accidents ; allant même plus loin^ il est à supposer qu'ils ont
à d'autres époques joué un rôle séismogénique bien défini. Les
mêmes savants ont montré aussi que de la Serrania de Ronda à la
Sierra de Baza, la chaîne bétique se divise naturellement en divers
tronçons résultant de sa rupture après l'époque triasique; ces tronçons
Eta^A supérieur des rnùcaschstes à, Tninéraux
I I I I I I Eta^e infèrieur des micaschistes et dolomîes.
Fig. 55. —Structure delà chaîne bétique (d'après les travaux de la mission française
de 1884).
ont chevauché les uns sur les autres^ et les dénudations tertiaires et
•postérieures n'ont fait qu'accentuer leurs limites. Aussi les grandes
vallées actuelles et les divers bassins tertiaires sont-ils alignés sui-
vant trois grandes lignes de failles parallèles entre elles et dirigées
àl20*', Mora-Malaga-îled'Alboran; Zaffaraya-Motril; Guadix-Almeria-
Gap de Gâta.
La conclusion formulée par Ch. Barrois et A. Offret est à citer
tout entière :
« Il semble donc qu'il y ait là un état d'équilibre instable de cet
« édifice bétique^ assez bien représenté dans les monts de Velez-
« Malaga par un arc tendu dont les deux extrémités seraient appuyées
« sur la Ronda^ d'une part, sur la Nevada, d'autre part, et dont l'effort
332 GÉOGRAPHIE 8ÊISM0L0GIQUE
« se traduit par une poussée continue sur les deux failles de Malaga
«c etdeMotril, qui le limitent de part et d'autre. Les multiples discor-
« dances de stratification et les oscillations du sol qui se répètent
« dans la région, depuis l'époque secondaire, peuvent, dans cette
« hypothèse, être attribuées à ce que la Sierra de Ronda et la Sierra
« Nevada ne contre-balancent pas exactement par leur niasse c«s
ce poussées exercées sur leurs flancs. Nous sommes ainsi amenés
« naturellement à regarder les failles transverses de Malaga, Motril,
« Guadix comme les lignes prédestinées suivant lesquelles seront sur-
ce tout appelées à se manifester au dehors, dans la région bétique, les
ce modifications d'équilibre ou les actions des forces souterraines ^ »
Cette dernière phrase ne doit pas s'entendre seulement au futur,
car elle rend bien compte de la position des principaux centres d'ins-
tabilité, Malaga, Grenade et Almeria. Cette conclusion est-elle valable
pour la vallée de l'Almanzora, où Vera et Huercal-Overa ont été en
1863 le siège de très nombreuses secousses? C'est ce qu'on ne peut
guère décider actuellement, en les attribuant à la faille Guadix-
Almeria-Cap de Gâta, plutôt qu'à quelque autre accident plus local.
En tout cas, ce district a été tout aussi souvent et gravement éprouvé
que les précédents par les tremblements de terre.
Dans plusieurs circonstances, par exemple en 1804, les relations
s'accordent à montrer que la ligne épicentrale se dispose parallèle-
ment au flanc Nord de la Sierra Nevada. On est ainsi amené à faire
jouer un rôle séismogénique à la dislocation mentionnée plus haut,
basse Segura-Guadix. Cela est d'autant plus plausible que l'extré-
mité orientale de cette ligne passe par Murcie, OrihuelaetTorrevieja,
trois points dont l'instabilité ne le cède en rien à celle de l'Anda-
lousie occidentale. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les
chevauchements signalés par R. Douvillé * prolongent vers le S. W.
les accidents analogues signalés antérieurement par Nicklès ' dans
les provinces de Murcie, Alicante et Valence. Précisément, la séismi-
cité s'évanouit au delà de Valence, observation très favorable à
l'influence séismogénique des plissements de ces chaînes secon-
daires. Et si le premier de ces deux géologues a pu dire que ces phé-
nomènes de recouvrement sont maintenant connus de Vienne à
Cadix dans la zone des plissements alpins, nous ajouterons qu'ils
* Ch. Barrois et A. Offret, /. c, U8-1I9.
' Sur les Préalpes subbétiques au sud du Guadalquivir (C. R. Ac. Se. Paris, CXXXIX,
89i, 1904).
■ Sur les terrains secondaires des provinces de Murcie, Almeria, Grenade et Alicantfi
(Id. CXXII. 550, 1896).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE 333
accompagnent presque partout des réglons à tremblements de terre.
Il n'est pas sans intérêt de noter que, de Tîle d'Alboran au cap
Creus, le bassin occidental de la Méditerranée présente un raide
talus à peu près rectiligne^ descendant jusqu'à la profondeur de
2 000 mètres ', et que la séismicité coïncide seulement avec les points
du littoral voisins de l'abrupt ; elle est extrême dans sa première sec-
tion collée au rivage entre les caps de Gâta et de la Nao, et beaucoup
plus faible dans la seconde, celle du Nord, entre Barcelone et le cap
Creus ; elle est nulle dans la partie intermédiaire, du cap de la Nao
à Barcelone, alors que l'isobathe de 2 000 mètres est très éloignée
de terre. Il est donc très naturel de faire intervenir aussi en quelque
mesure cette remarquable ligne d'efi'ondrement, sinon directement,
puisque cette mer n'a pas de séismes sous-marins, du moins indirec-
tement, par les accidents tectoniques causés à terre par contre-coup
du grand événement géologique tertiaire.
3. — Les pays barbaresques; Maroc, Algérie et Tunisie.
Les pays barbaresques, Maroc, Algérie et Tunisie, constituent
dans le Nord de l'Afrique une unité géologique et géographique bien
déGnie, et c'est la seule région de ce continent où, sauf une impor-
tante exception en Abyssinie, les tremblements de terre soient un
phénomène commun et redoutable. C'est une province séismique
bien caractérisée, malgré de grandes différences locales dans la
fréquence et l'intensité des secousses qui Tébranlent. Elle complète
ainsi avec la Calabre, la Sicile orientale, la Ligurie et l'Espagne du
S.E., le périmètre presque partout instable du bassin occidental de
la Méditerranée, effondré et partout entouré de pointements volca-
niques actifs ou éteints. Ces pays, à peu près les seuls de haute séis-
micité sur l'immense surface du continent africain, sont aussi les
seuls qui y aient été plissés et disloqués à une époque relativement
récente. A ce point de vue, ils appartiennent réellement à l'Europe,
aux territoires affectés par les plissements alpins, en un mot au
géosynclinal méditerranéen, dont ils ont partagé à l'époque tertiaire
toutes les grandioses vicissitudes.
En ce qui concerne les tremblements de terre, le Mardc et la
Tunisie sont encore bien imparfaitement connus, mais l'Algérie l'est
très suffisamment, quoique des observations systématiques n'y aient
* F. De BotoUa y Horaos. Mapa hipsométrico de Espana y Portugal con las curvas
tubmarinaa y la litologia del fonda de los mares (Madi'id, 1888).
334 GÉOGRAPHIE SÉISHOLOGIQUE
jamais été faites. Perrey a pu, pendant les longues années de ses
relevés annuels^ compléter son assez pauvre catalogue historique^
par les nombreuses observations que lui envoyaient les ofQciers de
Tarmée d'occupation, de sorte que la répartition des secousses y est
maintenant connue d'une manière trës satisfaisante, ne demandant
plus que des améliorations de détail.
L^exposé des conditions générales d'instabilité séismique résultera
de la simplicité relative de constitution que présentent les pays bar-
baresques, disposés qu'ils sont de telle manière que le long d'un
méridien quelconque les diverses circonstances géographiques, géo-
logiques et séismiques s'y montrent partout dans le même ordre, et
même sur des largeurs assez régulièrement uniformes.
' Ce qu'on appelle le massif barbaresque s'étend de la Méditerranée
au Sahara. Il s'élève brusquement de l'isobathe de 2 500 mètres qui,
de Bône à Nemours, par conséquent — remarque importante — en
Algérie seulement, se tient à une distance moyenne de 75 kilo-
mètres du littoral, en lui restant à peu près parallèle. A hauteur de
Nemours, cette courbe rebrousse au N. W. pour remonter le long des
côtes d'Espagne et passer à l'est et non loin des Baléares, tandis
qu'à l'autre extrémité elle pique droit au Nord sur les côtes de Sar-
daigne, qu'elle laisse à sa droite. Seule l'isobathe de 200 mètres con-
tourne, et à grande distance les côtes tunisiennes, les abîmes ne
reparaissant qu'entre la pointe S.E. de la Sicile et la Crète, c'est-à-
dire fort loin des régions étudiées ici. Or la bande littorale instable
semble bien être strictement limitée à l'espace compris entre Bône et
Oran, et correspondre ainsi exactement au voisinage de l'isobathe de
2500 mètres, tantqu'elle accompagne la côte. A l'Est, il estcertain que
la séismicité n'empiète point sur les côtes de Tunisie ; mais à l'Ouest
l'instabilité, nulle autour de Nemours, où l'isobathe s'éloigne vers le
large, renaît affaiblie vers Melilla. D'un autre côté, comme de l'île
d'Alboran aux Colonnes d'Hercule les isobathes successives pénètrent
de plus en plus loin dans le détroit à mesure que la profondeur
diminue vers l'Ouest, il est permis de penser que relief immergé
et séismicité marchent de pair.
En avant des côtes barbaresques les roches éruptives tertiaires, et
même plus modernes, forment une série de lambeaux littoraux et
insulaires, discontinus et d'âges variés, ne s'éloignant jamais beau-
coup vers l'intérieur des terres. C'est l'indice d'une grande frac-
ture, ou ligne de moindre résistance, parallèle à la côte. Ces épan-
* Note sur les tremblements de terre en Algérie et dans l'Afrique septentrionale {Ac, de
Dijon, 1845-1846, 299).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE 335
-chements se montrent depuis le cap Blanc jusqu'aux Zaffarines, à
l'île d'Alboran et dans TAtlas marocain. Cette bande éruptive,
jalonnant de bout en bout le littoral Nord des pays barbaresques,
•atteste la continuité et l'énergie, pendant de longues périodes, des
mouvements tectoniques ayant donné lieu au relief actuel de l'Atlas,
•au Sud de la Méditerranée affaissée.
Comme contre-partie des paroxysmes volcaniques, les dépôts
marins, secondaires et tertiaires, ont été dans la chaîne portés à des
altitudes considérables, tandis que le bassin occidental méditer-
ranéen occupe entre l'Espagne, l'Algérie, la Sardaigne et les Baléares,
remplacement d'un massif primaire effondré, et dont les témoins
subsistent en grand nombre le long de la côte depuis le Djebel
Edough, à l'ouest de Bône, jusqu'à la presqu'île de Ceuta. Tous ces
fragments bien déchus d'une vieille chaîne archéenne démantelée,
qui bordent le massif immergé sous les eaux, sont disséminés au
travers des couches secondaires et tertiaires de T Atlas tellien, sou-
levé en une bande parallèle, de sorte que le littoral se trouve compris
entre une zone maritime d'effondrement et une zone continentale de
surrection, deux mouvements de sens contraires, mais concomitants
et de date peu reculée, et sa séismicité se justifie ainsi amplement
d'une manière générale.
On pourrait croire que cette instabilité séismique décèle la conti-
nuation, ou la survivance, des mouvements d'affaissement. Il n'en
est rien. En effet, la Sardaigne est aussi un débris du massif, et cepen-
dant elle est absolument stable, en dépit des manifestations volca-
niques pliocèhes et quaternaires de sa côte occidentale, où les
terrains tertiaires lui font une constitution générale tout à fait ana-
logue à celle de l'Algérie si instable. La Corse, tout aussi rarement
ébranlée, est un autre fragment. Majorque, dernier témoin d*une
chaîne plissée qui s'étendait vers l'Est, n'est pas moins stable, et là
encore l'analogie se poursuit par les épanchements volcaniques
des Colnmbretes. D'ailleurs les séismes sous-marins sont incon-
nus, ou à peu près, dans cette partie de la Méditerranée, et cela
malgré une très intensive navigation. Quelques raz de marée d'ori-
gine séismique ne sont pas pour infirmer cette constatation. Ainsi,
avec une grande similitude de structure ici ou là, d'aussi grandes dif-
rences de séismicité ne permettent pas de penser que l'affaisse-
ment a laissé quelque trace, si faible soit-elle, de mobilité. Les
isoséistes limites de certains tremblements de terre graves —
21 août 1856, 2 janvier 1867 — n'ont guère que mordu la côte de
Dellys à Bône et de Tenès à Bougie respectivement. Leurs épicentres
236
GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
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à-dire sur l'iso-
bathe. Il faut con-
sidérer ces deux
observations
comme tout à fait
exceptionnelles ,
malgré l'opinion
d'Elisée Reclus *
d'après laquelle
les parages de Tîle
Galite seraientfré-
quemment ébran-
lés, ce qui d'ail-
leurs serait bien
extraordinaire à
si peu de distance
d'une partie très
stable de la côte
africaine.
Si maintenant
on considère au
contraire la côte
elle-même, on voit
qu'elle présente de
Bône à Oran un
grand nombre de
points riches en
séismes, et parfois
sévèrement en-
dommagés. Djid-
jelli et Cherchell,
en particulier, ont
été en de courts
* Nouvelle Géographie
univet*8elle, Xt, 148.
BASSIN OCCIDENTAL DE LÀ MÉDITERRANÉE 337
laps de temps le siège de secousses plus nombreuses que graves. On
doit les attribuer à des causes locales d'instabilité, tout à fait indépen-
dantes de la ligne de fracture ou de moindre résistance. Il faut en
voir Torigine dans le découpage des côtes algériennes en lobes demi-
circulaires, comme taillés à Temporte-pièce, qui représentent des
affaissements peut-être subséquents, secondaires et en relation avec
le mouvement d'effondrement et de surrection de part et d'autre de
l'isobathe de 2500 mètres. L'instabilité ne se montre donc pas au pied
du talus, mais à une certaine hauteur, comme conséquence éloignée
de l'édification de l'Atlas tellien, dont Welsch^ fait un événement post-
tortonien. Ses lieux d'élection sont surtout les points de contact des
terrains tertiaires et quaternaires, avec cette restriction aux dires de
Chesneau' et d'autres que si en ces points les effets mécaniques des
tremblements de terre sont le plus redoutables, leurs épicentres n'y
sont pas forcément locahsés. Tous ces golfes lobés sont instables :
Philippeville, Djidjelli, Bougie, Alger, Mostaganem, Oran et peut-
être Melilla, conformément à l'opinion de Suess que de semblables
accidents sont généralement le siège de séismes. Gouraya et Ville-
bourg', célèbres par le désastre des 15-16 janvier 1891', Ténès et
Gherchell doivent leurs secousses aux dislocations de leurs couches
tertiaires, dont le peu de consistance aggrave les effets.
Oran est un foyer notable d'ébranlement, et la catastrophe de 1790
ne s'est pas encore effacée du souvenir de la population indigène.
L'instabilité s'étend loin dans l'Est, jusqu'à Perregaux et Bélizane. Il
est bien possible que la dépression de la Sebka de Misserghin joue
un rôle séismogénique, ainsi que des dislocations qui, dans le Sahel
d'Oran, ont amené le déversement des schistes oxfordiens par-dessous
le Lias, si toutefois l'ancienneté de cet accident n'est pas trop grande.
La chaîne de l'Atlas Tellien est parallèle au littoral; sa surrec-
tion, concomitante à l'effondrement méditerranéen de la fin du
Miocène, a entraîné jusqu'à nos jours l'instabilité de son flanc
septentrional au bord Sud de la Mitidja, d'El-Affroun à Blidah.
Un accident considérable, le pli renversé et étiré du massif de
Blidah *, paraît pouvoir rendre compte de la grande instabilité de
* Note sur les étages miocènes do l'Algérie occidentale (C. R. Ac, Se. Paris, CXV,
566. 1892).
* Note sur les tremblements de terre en Algérie (Ann. des Mines, 1832, 1, Paris).
' A. Pomel. Les tremblements de terre du 15 et du 16 janvier (1891) en Algérie
(C. B. Ac. Se. Paris, GXII, 643, 1891).
* E. Ficheur. Sur l'existence de phénomènes de recouvrement dans TAtlas de Blidah
{Id., GXVI, 156, 1893). Jd, Sur le renversement des plis sur les deux versants de l'Atlas de
BUdah (/cf.,CXXlI, 548, 1896).
Db MoniMOT. — Tremblements de terre. 22
338 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUC
celte ligne, en même temps qu'une très mauvaise situation des
centres habités sur des terrains sans consistance, et en discordance
par rapport à ceux du massif, aggrave singulièrement le danger des
secousses, tandis que le centre de la Mitidja résiste ordinairement
beaucoup mieux sur ses profondes couches alluvionnaires, formant
coussin en quelque sorte.
En pénétrant davantage dans l'intérieur de l'Atlas tellien, on voit
que, de Takitount à Fort-National, la Kabylie présente des centres
d'ébranlement plus nombreux que riches en séismes, ce qui est le
propre des massifs archéens et primaires.
Il semble que les tremblements de terre d'Auraale tirent leur
origine du massif du Dehrah situé au Sud. Cette ville appartient au
flanc Sud de l'Atlas, très instable de Boghar à Guelma, en passant
par Bordj-bou-Arréridj, Sétif et Constantine, naturellement à des
degrés très divers ; si la surrection de la chaîne joue un rôle séismo-
génique général, on doit toutefois en reconnaître un plus immédiat
aux efforts grâce auxquels se sont formés les lacs tertiaires, mio-
cènes et pliocènes, de Sétif, Bordj-bou-Arréridj et Mansourali, qui
sont justement les points les plus sévèrement éprouvés. Savornin* a
constaté que la structure simple de TAtlas Saharien, caractérisée
par des ébauches de plis entre le Crétacé supérieur etl'Èocène infé-
rieur, s'est étendue dans la région au nord des plaines du Hodna.
Un géosynchnal miocène (Cartennien) s'y est constitué et a subi
ultérieurement (fin du premier étage méditerranéen) un nouveau
plissement, qui a rénové la structure primitive en la compliquant de
plis étirés et de grandes fractures, parfois avec chevauchements. Or
c'est la région de ces mouvements complexes qui est le théâtre des
séismes du flanc méridional de l'Atlas tellien. L'influence séismogéni-
que de ce géosynclinal peut être précisée davantage maintenant, d'a-
près les résultats des nouvelles explorations de Ficheuretde Savornin*.
Au sud de la dépression d'Aumale à Mansourah, le massif deTOuen-
nougha domine l'extrémité nord-occidentale de celle du Hodna par
de larges croupes arrondies et faiblement découpées, qui s'étendent,
à TEst, jusqu'à la Medjana, au Nord-Ouest de Bordj-bou-Areridj . Elles
sont principalement formées de grès de TÉocène supérieur et du
Miocène inférieur, disposés en grandes barres, échelonnées en gra-
dins réguliers, sur près de 80 kilomètres de l'Ouest à l'Est, le long du
* l^squissc géologique des chaînons de TÂtlas, au Nord-Ouest du Chotl-el-Hodiia
(C. R. Ac. Se. PaHs, CXL, 155, 1905).
* Sur les terrains tertiaires de l'Ouennougha et de la Medjana (C. R. Ac. Se. Paris,
CXLI, 148. 1905).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE 339
liane méridional du massif. Leur puissance de 400 à 500 mètres,
disent ces géologues, correspond à un dépôt formé dans un géosyn-
clinal en voie d'affaissement continu, qui s'est produit sur rempla-
cement de dômes crétaciques à noyau jurassique, résultant eux-
mêmes de Tarasement de plis anlétertiaires. Or cette- région est pré-
cisément jalonnée à peu de distance par les foyers séismiques, au
moins apparents, de Bordj-bou-Arréridj, des Bibans, de Mansourah,
d'Aumale et du Djebel-Dira. Si cette ligne présente une lacune
d'Aumale à Mansourah, cela tient seulement, sans doute, à Tabsence
d'importants centres habités dans cette dépression. Ainsi cette ligne
d'épicentres, parallèle au massif, correspond exactement au géosyn-
clinal cartennien, maintenant relevé, dont les mouvements jouent
un rôle séismogénique posthume d'une complète évidence.
La vallée moyenne du Chélif, au nord de TOuarsénis, sépare dans
la chaîne deux parties dont les ébranlements séismiques sont indé-
pendants et ne se propagent presque jamais de l'une à l'autre.
Trois systèmes généraux de plissements se montrent en Algérie.
Quelle influence séismogénique directe possèdent-ils?
Le système le plus étendu affecte l'Oranie, instable en partie à la
vérité, mais en même temps la région de l'alfa très stable depuis les
frontières du Maroc jusqu'à la dépression du Hodna, ainsi que
l'Atlas saharien aséismique jusqu'à Bou-Saada, l'Aurès pénéséis-
mique, enfin le massif des Nemencha, dont on ne sait qu'une
chose, c'est que le camp romain de Lambessa avait été reconstruit
en 268 à la suite d'un tremblement de terrée Ces plissements sont
donc éteints. Il n'en est peut-être pas de même des deux autres sys-
tèmes qui s'étendent l'un, W.-E., sur toute la partie instable de
l'Atlas tellien, mais à l'exclusion de l'Oranie, et l'autre sur les régions
pénéséismique de la Kabylie et séismique du Hodna. Mais il faudrait
à une affirmation dans ce sens des études plus circonstanciées sur
les tremblements de terre d'Algérie.
On a déjà signalé plus haut, et en passant, la stabilité de l'espace
intermédiaire entre les deux Atlas, tellien et saharien ; c'est la région
des Chotts, des hauts plateaux, ou de l'alfa, le « petit désert » en un
mot. Elle résulte de ce que cette suite de hautes plaines est très
anciennement plissée et que le Jurassique et le Crétacé n'y sont
affectés que de larges rides sans grandes dislocations.
L'Atlas saharien est séismique à l'Ouest. A Laghouat seulement,
on a signalé quelques rares secousses. Au contraire, l'extrémité orien-
* Gaston Boissier. L'Afrique romaine [Revue des Deux Mondes, 1894, 1, 498).
3i0 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
taie tant de la chaîne que de la région des hauts plateaux, c'est-
à-dire TAurës et le Hodna, mais surtout cette dépression, sont très
instables. En particulier M'Silah est un important centre d'ébranle-
ment. Bou-Saada n'est pas non plus à l'abri des dommages, mais
peut-être seulement à cause de sa position défectueuse, sur des ter-
rains détritiques, à l'issue d'une vallée.
La répartition des tremblements de terre algériens est tout a fait
indépendante du réseau hydro-thermal.
Abordant maintenant la Tunisie par le Sud, on rencontre tout
d'abord Tozeur avec quelques séismes sur le bord de la ligne des
Ghotts Fedjedj, Djérid, Rharsa et Melrhir, qui, en prolongement du
golfe de Gabès, pénètrent au loin dans le désert le long d'énormes
falaises : au nord sur 140 kilomètres de long jusqu'au seuil de Kritz,
avec une dénivellation d'environ 500 mètres; au Sud sur une
distance moindre et une différence de niveau de 300 mètres seulement.
Gomme Gabès, au débouché oriental, est souvent sujette aux trem-
blements de terre, ainsi que le montre le paroxysme de juin 188i,
il se pourrait que cet accident considérable jouât un rôle séismog^é-
nique important dans le Sud de la Régence ; c'est une boutonnière
analogue à celle du pays de Bray, formée par un double mouvement
positif et négatif. Les observations sont encore insuffisantes pour
décider de l'origine d'une région d'ébranlement qui s*étend peut-
être jusqu'au pied de l'Aurès en Algérie.
Plus au Nord, Sfax, Méhadia et surtout El-Djem paraissent cons-
tituer un foyer indépendant d'instabilité. Comme dans ces parages
un lehm d'origine terrestre recouvre le Crétacé et s'enfonce sous la
mer, il faut en conclure à un affaissement récent, qu'on ne saurait
cependant mettre en relation avec ces séismes, ces mouvements étant
communs avec d'autres points stables du littoral tunisien.
Le profil déchiqueté du Zaghouan se dresse à 1 295 m. au-dessus
de la plaine, et, de très loin, sert d'amer aux navigateurs: c'est un
ensemble de dômes liasiques, alignés S. W. à N. E., séparés par
des cuvettes synclinales ' et coupés par de nombreuses failles, dont
la principale, celle du Sud, accuse, d'après Rolland, un rejet de
1 SOO m., évaluation que Pervinquière - regarde comme très admis-
sible. Ligne maîtresse de dislocations, cet accident résulte de ce que
les poussées orogéniques ont rencontré une résistance; le Djebel
* Ficheur et Haug. Sur les dômes liasiques du Zaghouan et du Bou-Kournin (C. R. Ac. Se,
PaW«,CXXn, 1354,1896;.
• Etude géologique de la Tunisie centrale [Régence de Tunis. Carte géologique de ia
Tunisie. Paris, 1903).
BASSIN OCCIDENTAL DE LA MÉDITERRANÉE 341
Zaghouan est le principal d'entre ces dômes ; son flanc nordcorrespond
à la profonde échancrure du i^olfe de Tunis et à l'isolement du cap Bon.
11 est impossible de méconnaître la relation des séismes des envi-
rons de Tunis avec un accident tectonique de cette ampleur, mais
sans que ses tremblements de terre soient jamais destructeurs, si
on en excepte toutefois le désastre plus ou moins authentique d'Utique
en 407 ou 410. En Kroumirie, un petit foyer d'ébranlement paraît
exister du Kef à Béja, suivant la direction de TOued Mellëgue, affluent
de droite de la Medjerda, c'est-à-dire parallèlement à la faille du
Zaghouan, ce qui corrobore la supposition faite plus haut de son
influence séismogénique, complétant ainsi celle qu'elle exerce mani-
festement sur la tectonique de ce bassin par des accidents subor-
donnés.
On a déjà eu à signaler la stabilité du littoral nord-tunisien simul-
tanément avec la disparition des grands fonds, circonstance déjà
bien souvent notée, et qui coïncide ici avec la séismicité de l'Al-
gérie.
D'une façon générale, l'instabilité séismique de la Tunisie n'atteint
pas le degré qu'on aurait pu attendre de son histoire géologique telle
que l'a résumée Pervinquière dans son important mémoire, dont
nous allons reproduire presque textuellement les principales conclu-
sions pour ce qui concerne surtout le centre du pays. Tout concorde,
en effet, pour y montrer des vicissitudes très récentes et de grande
ampleur, qui auraient dû se traduire actuellement par une séismicité
bien plus accentuée que celle observée réellement. A plusieurs
reprises les actions de plissement se sont manifestées, à l'ère paléo-
zoïque d'abord, puis après le dépôt des calcaires du Lias ; c'estalors
que s'érigèrent le Zaghouan et d'autres massifs analogues du centre
de la Tunisie. Mais le mouvement le plus important, celui qui donna
aux montagnes leur forme actuelle, au moins dans les grands traits,
est postérieure au Miocène moyen, ou même supérieur, puisque les
couches de cet étage sont redressées. Ce fut la grande époque des
plissements, bientôt suivie d'une autre presque aussi intense.
D'autres mouvements amenèrent par endroits les poudingues ou grès
pliocènesjusqu'à la verticale. On a donc là les preuves d'un mouve-
ment fort important, quoique de date ti'ès récente. Aucun mouvement
postérieur à ce dernier ne peut être constaté dans le centre; mais
les plages soulevées de Monastir et autres, indiquent que le niveau
du rivage a varié par rapport à celui de la mer pendant les temps
pléistocènes. Le peu de temps écoulé depuis les dernières vicissi-
tudes de plissement se démontre encore par le fait que le trait le
342 GÉOGRAPHIE SÊISMOLOGIQUE
plus saillant de l'hydrographie tunisienne est Tétroile dépendance
dans laquelle se trouvent les rivières par rapport au relief, ce qui est
une preuve de la jeunesse de ce dernier. Les oueds courent parallè-
mentaux plis, les contournent pour profiter des abaissements d'axe,
mais ne les coupent que d'une manière tout à fait exceptionnelle, c«
qui les oblige à des détours inGnis. En résumé, le relief de la Tunisie
résulte de vigoureuses actions très récentes et, cependant, elle ne
compte point parmi les régions vraiment instables du pourtour de la
Méditerranée; il y a là une anomalie, difficile à expliquer en l'état
actuel de nos connaissances.
Le Maroc est fort peu connu au point de vue des tremblements
de terre. Il y a tout lieu de penser que la bande primaire de la côte,
entre Melilla et le détroit de Gibraltar, doit y être peu sujette. Du
bassin de la Moulouya et de l'Atlas marocain l'on ne sait absolument
rien.
Tétouan, Ceuta et Tanger, bref les abords même du déli-oit, sont
assez souvent secoués; ces parages participent ainsi en quelque
mesure à l'instabilité de l'Andalousie.
Les chocs consécutifs au grand désastre de Lisbonne du i*' novem-
bre 1755 ont eu dans le Maroc septentrional, surtout à Fez et à
Mequinez, des effets destructeurs, qui sont venus compléter les ruines
du séisme principal. On serait tenté d'y voir des tremblements
de terre de relai de cet événement fameux dans les annales
séismiques, et dont le foyer se trouvait certainement dans l'océan.
Mais comme Rabat et Saleh, ainsi que Fez et Mequinez, ont à d'autres
époques souffert tout à fait indépendamment des séismes de l'embou-
chure du Tage, il est probable que le bassin du Sebou renferme une
région instable autonome, soit par suite d'un reste de mobilité des
accidents qui ont découpé l'Atlas marocain en une triple série de
terrasses successives, paléozoïque, secondaire et tertiaire *, soit
comme conséquence posthume des efforts orogéniques et tectoniques
qui ont donné accès par l'Oranie à la mer miocène venant de l'Ouest,
simultanément avec l'existence du détroit bétique : ce détroit,
symétriquement placé dans la vallée du Guadalquivir, et main-
tenant émergé aussi, est autour de Grenade d'une instabilité de
même ordre.
On ne saurait rien dire des quelques séismes sévères signalés à
Marrakech et Agadir. On sait seulement que le massif qui les sépare
est extraordinairement disloqué.
' Brivos. Sur la constitution géologique du Maroc occidental {C. H. Ac, Se, Paris,
CXXXIV, 92f. 1902).
CHAPITRE XIX
EMBOUCHURE DU TAGE ET ATLANTIQUE SUBTROPICAL
DU NORD
Le fameux tremblement de terre de Lisbonne du 1" novembre 1755
a rendu le Portugal tristement célèbre au point de vue séismique, et
les relations de cet événement véritablement historique se rencontrent
partout. Depuis longtemps, l'opinion a prévalu que son épicentre se
trouvait quelque part dansTOcéan Atlantique, et le tracé de la limite
de son aire pléistoséiste par Choffat* est venu confirmer ce qui
n'était jusqu'alors qu'une opinion, et que rend bien probable aussi le
grand travail de Wœrle\ La région instable du Portugal ne se res-
treint pas uniquement aux abords de Tembouchure du Tage, elle
s'étend au moins jusqu'à Setubal, qui a notablement souffert
le 11 novembre 1858. Cette ville se compose de trois parties se suivant
les unes les autres de l'Ouest à l'Est : Palhaes, sur un sable gros-
sier pliocène et une argile solide; la partie moyenne, puis Troino, la
plus orientale, qui reposent sur des alluvions modernes et souffrirent
le plus. Cette inégalité dans les dommages subis est attribuée par
Choffat à une relation entre le séisme dont il s'agit et une dislo-
cation, car, dit-il, les quartiers ruinés se trouvent à l'intersection de
deux failles N.-S. et N. E.-S. W. qui limitent la chaîne du Viso. Ces
conclusions ne nous paraissent pas admissibles : en effet, Setubal est
trës près du bord de l'aire pléistoséiste, et les effets à expliquer sont
simplement dus à des différences de solidité des sous-sols, comme
cela se présente si souvent : simple conséquence de phénomènes
secondaires de propagation. Le grand tremblement de terre de 1755
a présenté des circonstances tout à fait analogues ; Rudolph est
tombé à son sujet dans la môme erreur, et il en place l'épicentre dans
* Les tremblements de terre de 1903 en Portugal (Extrait du Bull, du Service géol.
du Portugal, Traduit en allemand par M. Luckmann dans Die Erdbebenwarte, IV, 12, 1904.
1903, Laibach).
* Der Erschûtteningsbezirk des grosscn Erdbebcns von Lissabon (Mûnchner geogr,
Studien. Herausgeg. von S. Gûnthcr, 8«* St. Mùnchcn, 1900).
344 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
le haut de la banlieue de Lisbonne, estimant que le retrait du Taçe
et son désastreux flot^de retour ne suffisent pas à démontrer rorigine
Fig. 57. «~ Aires pléistoséisies des principaux tremblements de terre
du Portugal (d'après GhofTat).
sous-marine du séisme et ne furent que sa conséquence directe et
immédiate sur le sous-sol de l'embouchure elle-même du fleuve. Au
contraire, les tracés qu'a donnés Choffat de Taire pléistoséiste de 1755
et des isoséistes des tremblements de terre du 11 novembre 1858,
EMBOUCHURE DU TAGE 345
du 9 août et du 14 septembre 1903, démontrent péremptoirement leur
origine sous-marine, déduction à étendre à d'autres séismes moins
bien étudiés, mais qui semblent n'avoir fait que mordre les côtes
portugaises. Ainsi donc, il faut dénier toute influence séismogéniquo
directe aux mouvements qui ont relevé l'ancien golfe tertiaire, repré-
senté par l'estuaire actuel, ainsi qu'aux dislocations de l'Arrabida.
Cette chaîne est formée de plis asymétriques qui tombent sur la côte
par effondrement de leurs flancs méridionaux, et s'il existe à terre
quelque foyer très local, ce qui paraît d'ailleurs fort probable,
il ne s'agit là que de secousses sans importance, et les grands
séismes du Sud-Ouest du Portugal sont indépendants de ces acci-
dents.
De tout cela résulte sans conteste que le tremblement de terre
de 1755, et ceux moins importants qui l'ont suivi ou précédé, tirent
leur origine de l'océan, dans le S. W,, si bien que Choffat en
conclut qu'autrefois les séismes abordaient le Portugal par les
Algarves, plus souvent autrefois que maintenant, affirmation qui
nous paraît insuffisamment démontrée. Quoi qu'il en soit, il existe
dans ces parages maritimes une structure remarquablement tour-
mentée, indice de vicissitudes géologiques auxquelles on doit sans
doute attribuer les séismes en question. En effet, à 200 kilomètres à
rW. S. W. du cap Saint-Vincent, le banc de Gorringe forme sépara-
tion entre deux abîmes de 5 000 mëtres. Celui du Sud peut avoir eu,
dit Choffat, quelque influence sur la formation de la côte des Algarves,
il serait donc en relation avec la structure tectonique du Sud-Ouest
de la péninsule et se relierait à la dislocation de la Sierra Morena,
tandis que celui du Nord se dirige droit vers la côte de l'Alemtejo et
aboutit aux embouchures du Tage et du Sado.
Dans un voyage aller et retour, exécuté du 28 juillet au 28 sep-
tembre 1901, entre Hambourg et Rio de Janeiro, Hecker* a fait des
observations nombreuses sur les variations de la gravité. Il en est
résulté que, malgré des fluctuations diverses, les anomalies varient
de — 1"'",77 à + 1"",61 par rapport à la valeur normale de g. Trois
maxima se manifestent nettement : vers l'embouchure du Tage ; au
voisinage du Rocher Saint-Paul ; le long des côtes du Brésil. Les
deux premiers correspondent à des régions scismiques ; le dernier à
une région au contraire aséismique. Ainsi, à elles seules ces obser-
vations ne suffiraient pas à établir entre les deux ordres de phéno-
' Besllmmang der Schwerkraft auf dem atlantiscben Ozcan, sowie in Rio de Janeiro,
Lissabon und Madrid {Verôffentlichung des Kôn. preuss. geodâtischen Inst., Neue
Polge, N* il. Berlin. 1903).
316 GIÎOGRâPHIE: SIÎISMOLOGIQUE
mènes un lien à l'abri de toute critique. Mais si Ton se reporte à ce
qui a été signalé pour la Russie méridionale, la plaine indo-gangétique
et ritalie méridionale, l'exception relative aux côtes du Brésil perd
de son importance, puisque dans cinq cas sur six, il y a coïncidence
entre les maxima des anomalies de la pesanteur et l'instabilité séîs-
mique. On a antérieurement rappelé l'ingénieuse explication qu'a
donnée de Lapparent de cette relation expérimentale, au point de vue
géologique.
Procédant par analogie, les géologues admettent assez générale-
ment que les plissements alpins ont, comme leurs devanciers, calé-
doniens et hercyniens, franchi l'Atlantique pour affecter la zone des
Antilles, où ils existent sans discussion possible, ainsi qu'on le verra
plus loin. En dehors d'anciennes, mais bien vagues traditions,
d'ailleurs maintenant considérées comme sans base aucune, dont
on ne saurait faire état ici, et relatives à la disparition sous les
yeux de rho[nme d'un continent occidental, l'Atlantide, bien des
raisons géologiques et zoogéographiques militent en faveur de l'ef-
fondrement récent de terres dans l'Atlantique subtropical au Nord
de l'équateur et sur le trajet supposé des mouvements alpins entre
le Maroc ou le Sud-Ouest de la péninsule ibérique et les Antilles. La
question est encore bien discutée, mais si les archipels qui émer-
gent de cette partie de l'océan, Açores, Canaries et îles du Cap Vert,
n'appartiennent pas aux continents voisins, dont ils sont séparés par
de grandes profondeurs, leur constitution essentiellement volca-
nique et la présence de sédiments miocènes prouvent qu'ils ne fai-
saient pas non plus partie du continent supposé effondré, et dont
la côte méridionale se trouvait ainsi forcément plus au Nord. Si donc
les plissements alpins ont franchi l'Atlantique, c'est près de leurs
bords qu'ils ont affecté les terres disparues et en avant desquelles
les fractures éruptives ont pris naissance.
Les tremblements de terre, pax» la continuité de leurs foyers entre
l'Europe et l'Amérique dans cette région de l'Atlantique, apportent
à eux seuls un puissant argument en faveur de Thypothèse que
les vicissitudes tertiaires ont passé pour ainsi dire sans discontinuité
d'un continent à l'autre. On vient de monti'er que ceux du Sud-Ouest
du Portugal tirent leur origine de ces parages océaniques, où, de
plus, de nombreuses secousses exclusivement sous-marines ont été
signalées. Ces observations couvrent tout l'espace compris entre la
péninsule ibérique, les Açores, les Canaries et les Petites Antilles,
et cette bande sous-marine d'ébranlement ne s'étend ni au Nord, ni
au Sud, restriction hors de doute puisque la navigation est aussi
ATLANTIQUE SUBTROPICAL DU NORD U7
active au delà des limites de la zone en question. Les séismes se
répartissent donc de manière à corroborer Thypothèse.
La zone séismique sous-marine passe au Sud des Açores, où la
présence du Miocène montre bien que ces îles sont au Sud de
l'Atlantide supposée. Par conséquent, les mouvements méditerra-
néens n'auraient laissé de souvenir posthume, sous forme d'instabi-
lité, qu'au fond de la mer qui bordait ces terres au Sud, et cela vient
à l'appui de l'opinion de Suess *, à savoir que les accidents produits
par les mouvements en question se sont retournés autour du détroit
de Gibraltar et qu'on ne peut en chercher la continuation sur le
continent africain que dans le prolongement de l'Atlas marocain,
au nord de l'Oued Draa, région encore bien mal connue.
Ce passage supposé des plissements alpins au travers de l'Atlan-
tique subtropical ne va cependant pas sans de sérieuses objections,
et de'Launay, par exemple, ne pense pas que la chaîne alpine se
soit jamais prolongée ainsi sous forme de ridements montagneux
de direction E.-W., car, môme après effondrement, il s'y mani-
festerait des relèvements de fonds qu'on n'aperçoit pas. D'un
autre côté, on vient de voir que les séismes sous-marins s'obser-
vent surtout au Sud des Açores, et il en devait être ainsi. En
effet, dès l'époque cambrienne une mer intérieure s'étendait sur
l'Atlantique actuel entre les points qui sont devenus maintenant l'Es-
pagne et la côte orientale des États-Unis, esquissant de la sorte un pro-
longement de la Méditerranée future, dont elle était pour ainsi dire une
ébauche et le point de départ, Tamorce en un mot. Tout en conservant
la même origine en Amérique, cette mer intérieure, entre les masses
nord et sud-atlantique, s'est graduellement infléchie vers le Sud, et à
l'époque westphalienne elle passait largement au Sud de l'Atlas pour
aller englober le bassin oriental de la Méditerranée et rejoindre le Pa-
cifique par le Gobi. On serait tenté de trouver là une explication de
la position des séismes sous-marins au Sud de l'Archipel des Açores.
Les Açores sont surtout connues par leurs conflagrations volca-
niques*, aussi fréquentes dans la mer d'alentour que sur les îles
elles-mêmes, ce qui ne les empêche pas d'être le théâtre de violents
tremblements de terre tout à fait indépendants des phénomènes
éruptifs. Tel ne doit cependant pas être le cas pour les nombreuses
* Ueber die Asymmotric dor nOrdlichcn lialbkugd (SilzunQsb. tl. K. Ak. d. Wiss.,
Sitzl voiii 21 April 4898).
' L. de Araujo. Memonas de Tremores mais notaveles e irrupçoes de fogo, aconlecidos
nos ilhas dos Açores. 15ii-1800 (Lisboa, i801).
Al. PciTcy. Documents sur les treniblernents de terre et les éruptions volcaniques
dans le bassin de l'Océan Atlantique (Mém. Ac. de Dijon, 1817, 48).
348 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUC
secousses qui ont, en 1867, ébranlé Serreta, dans l'Ouest de l'île Ter-
ceira, car un mois après, à peine, une éruption sous-marine éclatait
dans le voisinage. Leur nature volcanique est donc à peu près
indiscutable. Elles font ainsi bien partie de la zone séismique dont la
continuité avec celle de Tembouchure du Tage, démontrée plus haut,
est encore accentuée par le fait que bien des séismes ont ébranlé
simultanément le Portugal et l'archipel. Les îles extrêmes de l'Ouest,
Flores etCorvo, n'ont pas jusqu'ici donné lieu à des observations de
secousses propres^ mais on ignore si ce fait ne résulte pas unique-
ment de ce que ces îles sont beaucoup moins visitées que les autres.
Terœira
F'ig, 58. — Açores.
On ne saurait passer ici sous silence les intéressants résultats des
plus récents sondages, exécutés à bord de l'Hirondelle en 1903. Ils
ont été résumés ainsi qu'il suit par Thoulet* : « Les sept îles orien-
« taies de l'archipel des Açores apparaissent comme les sommets
« d'un immense cratère en demi-cercle dont l'ouverture est tournée
« vers le Sud. Le sol sous-marin est hérissé de pics aux flancs
(( abrupts et de caldeiras, véritables cratères adventifs aux pentes
<( raides. Si l'on supprime par la pensée l'eau qui recouvre le lit
« marin, on verra que celui-ci possède une ressemblance parfaite
« avec un paysage lunaire, ou, pour prendre une image moins loin-
ce taine, avec les Champs Phlégréens près de Naples.» il n'est guère
possible, nous semble-t-il du moins, qu'une structure aussi remar-
quable et d'une telle ampleur ne résulte que d'efforts volcaniques, et
que de gigantesques efforts tectoniques ne soient encore en œuvre
et capables de rendre compte des tremblements de terre des Açores.
Madère, entourée de toutes parts de grandes profondeurs océa-
niques, participe de la constitution aussi bien volcanique que sédi-
mentaire (tertiaire) des Açores, surtout de Santa Maria, la plus orien-
tale de ces dernières. D'après Oswald Heer, son émersion serait
* Océanographie de la région des Açores (C. A. Ac. Se, Paris, GXXXVIH, 1643,1904,].
ATLANTIQUE SUBTROPICAL DU NORD 349
quaternaire, si ron s'en rapporte aux plantes fossiles trouvées sur
son versant septentrional et aux coquilles terrestres qui forment de
prodigieux amas dressés en muraille au cap SaôLourenço. Des trem-
blements de terre autonomes y sont plutôt rares, en tout cas jamais
sévères.
Les Canaries, d'ailleurs toutes d'origine volcanique*, en partie au
moins, forment deux groupes distincts : Lanzarote et Fuerteventura,
à TE., plates-formes allongées, et les autres, à T W., cônes éruptifs s'é-
levant de grandes profondeurs. Les deux premières paraissent conti-
Fig. 59. — Canaries.
nuer l'Atlas marocain, brusquement coupé au cap Ghir ; aussi des géo-
logues les considèrent-ils comme les fragments d'une ancienne terre
effondrée, et dont l'écroulement a favorisé les manifestations érup-
tives. En général, l'archipel canarien semble assez stable et Ton n'y
connaît aucun tremblement de terre désastreux, pas plus qu'on n'a
signalé d'éruptions sous-marines aux alentours, comme il y en a
eu tant dans les Açores.
Les îles du Cap Vert sont volcaniques aussi, mais il paraît qu'un
substratum ancien de gneiss et de granité y prend une certaine
importance. Elles constitueraient ainsi un vieux débris, émergeant
au bord d'un raide talus de 4 000 mètres et dont le morcellement
aurait favorisé par fracture la sortie des produits éruptifs. Aucune
trace de plissement récent n'y a été relevée, ce qui s'accorde bien
avec leur stabilité plus grande que celle des Canaries, car le trem-
blement de terre destructeur signalé par C. W. Fuchs pour le
5 mars 1873 ne paraît guère authentique.
* L. de Bach. Description physique des tles Canaries (Paris, 1836).
Sainte-Glaire De ville. Éludes géologiques sur les îles de Ténériffe et de Fogo (Paris,
1847).
330 GÉOGRAPUIE SÉISMOLOGIQUE
Les Bcrmudes ferment au N. W. la partie de l'Atlantique dont il
s'agit ici. On y connaît un certain nombre de secousses, d'ailleufs
sans gravité. Suess considère leurs parties les plus élevées comme un
lambeau isolé de la grande plaine tertiaire de la Floride. Ces îles
devraient alors jouir de la même stabilité que la presqu'île améri-
caine et les Bahamas, de sorte que ces séismes ne leur seraient pas
propres et proviendraient du fond atlantique instable à des degrés
divers jusque dans ces parages, et dont les profondeurs sont exces-
sives jusqu'aux Antilles. D'autres auteurs, comme de Lapparent,
regardent les Bermudes comme édifiées par des coraux au sommet
d'un cône volcanique tronqué et pensent que plusieurs vicissitudes
y auraient laissé leurs traces depuis la fin des temps tertiaires. Dans
cette supposition, les séismes trouveraient une origine tectonique
plus certaine.
On a suggéré plus haut que le golfe du Tage doit indirectement sa
séismicilé au voisinage du trajet suivi au travers de l'Atlantique par
les plissements méditerranéens. De la même façon, à l'autre extré-
mité de la zone océanique d'ébranlement, se rencontre sinon une ré-
gion séismique, du moins un point : Cliarleston, qui, le 31 août i886,
a été dévasté par un tremblement de terre. Cette symétrie de posi-
tion avec Lisbonne permet de penser que, là aussi, les mouvements
tertiaires peuvent avoir eu cette conséquence posthume, rappelant la
catastrophe de 1755. Cette hypothèse doit cependant n'être énoncée
que sous les plus expresses réserves, parce que les secousses sous-
marines ne dépassent pas les Bermudes au Nord, contrairement à la
continuité séismique bien reconnue entre le Portugal et les Açores,
QUATRIÈME PARTIE
LE GÉOSYNCLINAL CIRCUMPACIFIQUE
Le géosynclinal circumpacifique se définit de lui-même du cap
Horn au détroit de Bering et à la Nouvelle-Zélande. C'est un
immense bourrelet de grandes chaînes plissées, de surrection ter-
tiaire, autour du Grand Océan, et entouré extérieurement par des
terres d'architecture tabulaire on d'ancienne consolidation, versants
orientaux des deux Amériques, Sibérie, Cliine et Australie. Les
tlancs intérieurs sont abrupts, surtout du côté américain, où les
chaînes atteignent leur maximum d'élévation ; mais, sur toute la
périphérie, les profondeurs océaniques sont considérables à peu de
distance des côtes. Cette ride circulaire, morcelée dans sa moitié
asiatique, renferme les régions les plus instables du globe, et les
tremblements de terre la désolent sur tout son pourtour, tandis que
les volcans s'y répartissent si régulièrement qu'on Ta dénommée le
« Cercle de feu ». Borde-t-elle un ancien continent pacifique, mainte-
nant effondré? La question est bien controversée, mais ce n'est pas
le lieu de la discuter ici, les raisons d'instabilité séismique y
étant par ailleurs surabondantes.
Si la question d'un ancien continent pacifique effondré est encore
trës discutée, on s'accorde cependant, en général, à considérer,
dit de Launay, <c son cercle côtier comme une immense cassure de
« l'écorce, une zone d'affaissement remarquablement continue,
« entourant un compartiment plus solide, autour duquel s'est fait,
« à l'époque tertiaire, un rempli montagneux. La ligne de rivage
« n'est pas là un fait accidentel, mais un fait d'origine géologique
« profonde ». Mais si ce trait est admis de tous, l'existence du
continent, regardée presque comme certaine par Haug et d'autres.
353 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
est niée catégoriquement par de Lapparent et Koken ', qui voient
dans le Grand Océan un des accidents les plus anciens du relief
terrestre. Accentué considérablement pendant le Tertiaire, il avait dû
être au moins esquissé anciennement, puisque dfes la fin de l'ère pri-
maire Tilot des Âlontagnes Rocheuses faisait le pendant du môle
sino-sibérien, que Ton rencontre l'indication d'une certaine proximité
de rivages au Kamtchatka et en Corée et qu'enfin la côte américaine
du Pacifique date du Trias. Quoi qu'il en soit, l'instabilité de la péri-
phérie s'explique dans l'une et l'autre hypothèse.
On va parcourir rapidement ces régions à tremblements de terre,
du détroit de Magellan à la Nouvelle-Zélande.
Le Chili est extrêmement instable, sauf au sud de Valdivia jus-
qu'au cap Horn ; c'est que, dans cette partie méridionale, la chaîne
des Andes est fortement abaissée et qu'en même temps les fonds
marins se relèvent loin dans l'Ouest, observation à l'appui de l'hypo-
thèse d'une terre effondrée, au moins dans ces parages. Au nord de
cette ville, au contraire, la séismicité la plus intense règne presque
uniformément jusqu'au Pérou, ce qui correspond aux grandes
altitudes de la Cordillère et à l'approfondissement simultané de
l'Océan, tel qu'en bien des points, entre la crête et le fond de la
mer, la dénivellation atteint d'un seul jet jusqu'à 12000 mètres ; et
ce sont précisément là que se rencontrent les points les plus expo-
sés. Les Andes occuperaient ici remplacement d'un ancien golfe ou
synclinal jurassique, creusé entre le continent sud-atlantique et
celui supposé affaissé sous le Pacifique. Sur le flanc argentin de la
chaîne, l'instabilité se restreint à la région plissée qui s'étend de
Salta à Mendoza.
La séismicité ne s'évanouit qu'au Pérou septentrional, dans le
désert de Sechura, dépression prolongeant le haut Amazone.
Les régions séismiques de l'Ecuador et de la Colombie se ratta-
chent à celles des Andes vénézuéliennes, plissées et disloquées, et
qui dominent d'une part la fosse affaissée et instable du lac de Mara-
caybo, ainsi que la Méditerranée caraïbe, et d'autre part les sédi-*
ments tertiaires et crétacés des Llanos, restés à peu près horizon-
taux et à l'abri des tremblements de terre.
Le géosynclinal, ainsi rebroussé vers l'Est, remonte au Nord par
les Petites Antilles, dont la séismicité, d'ailleurs grande, a certaine-
ment été exagérée. Il revient ensuite à l'Ouest pour englober l'arc
des Grandes Antilles, d'une redoutable instabilité et qui représente
• Die Vorwelt und ihre EntwickelungsgeschichU(Le}j^zigj 1893).
LE GÉOSYNCLINAL GIRCUMPAGIPIQUE 353
une chaîne bifurquée de surrection tertiaire, au sommet d'un socle
enserré de près par des abîmes océaniques, dont les plus connus,
la fosse de Bartlett et celle des îles Vierges, atteignent respectivement
6 000 et 8 000 mètres. On a déjà vu qu'au large des Petites Antilles,
l'Atlantique est fréquemment ébranlé par des secousses sous-marines,
formant une région instable sous la branche, qu'on suppose immer-
gée, du géosynclinal méditerranéen venant du Maroc.
La Méditerranée caraïbe ou antillienne, le Yeragua d'axe archéen,
et la basse plaine tertiaire de la Magdalena, sont à peu près aséis-
miques, parce que ces surfaces n'appartiennent pas au géosyncli-
nal. Celui-ci recouvre au Centre-Amérique le Honduras aséismique,
le Salvador et le Guatemala qui sont parmi les régions du globe
les plus dangereusement exposées, mais il laisse au Sud le Nicaragua
nettement plus stable, ainsi que le Costarica séismique. Ce dernier
pays constituerait donc une anomalie ; mais on peut la négliger pro-
visoirement, la géologie de ces régions étant encore trop mal connue
pour que l'on puisse affirmer que ces deux foyers d'ébranlement ne
font pas partie du géosynclinal.
Le Yucatan est une dalle calcaire presque horizontale, partici-
pant aux conditions de repos des Bahamas et de la Floride. Ce sont
d'ailleurs des territoires qui n'ont subi que des dérangements verti-
caux, sans plissement.
Les traits principaux de l'orographie mexicaine datent du début
de l'époque tertiaire, et l'intensité des^séismes s'y montre du côté du
Pacifique en rapport avec l'amplitude des dislocations qui ont donné
lieu à l'énorme relief abrupt de plateau de l'Anahuac, tandis que le
versant atlantique, aux pentes moins accentuées, et la dépression
du Bolson de Mapimi sont presque aséismiques, comme aussi la
Sierra Madré occidentale et la Vieille-Californie, de squelette archéen,
granitique et primaire.
Le grand bassin fermé du lac Salé, ou de l'Utah, reste bien déchu
de l'ancien lac Bonneville, résulte de l'affaissement par gradins d'une
ancienne chaîne plissée, d'où son état pénéséismique ; tandis que
la séismicité des flancs de la Sierra Nevada de Californie provient
de ce qu'elle a été isolée du Grand Bassin par de grandes failles
postérieures aux épanchements volcaniques pliocènes. Au contraire,
les Rocheuses de l'Est sont un très ancien anticUnal dès longtemps
émei^é et consolidé, entamé par les transgressions crétacées et que
les tremblements de terre respectent.
Les Rocheuses canadiennes ont été énergiquement plissées, et Ton
y voit le Cambrien chevaucher le Crétacé. Or l'archipel de la Reine-
Db Hohtisscs. — Trcmbleinenta de lerre. 23
354 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUË
Charlotte est probablement séismique, et la région de Sitka peut
être pénéséismique.
L'Alaska est peu sujet aux tremblements de terre, et le Kamt-
chatka, de Tautre côté de la mer plate de Bering, n'en subit pas
davantage de dangereux. Ces deux presqu'îles sont prolongées par
les archipels linéaires et essentiellement volcaniques des Aléoutiennes
et des Kouriles, où les séismes ne prennent guère plus d'impor-
tance, en dépit des énormes profondeurs de l'Océan à leur voisinage
immédiat. C'est que ces abîmes du Pacifique, s'ils correspondent à
l'eJSondrement d'un continent hypothéthique, du moins ne bordent
pas une grande chaîne plissée de surrection concomitante et récente,
quoique les plissements tertiaires aient passé d'Amérique en Asie par
ces voies insulaires, et la fracture, si elle a réellement eu lieu, n'a
favorisé que les phénomènes volcaniques à l'exclusion des séismes,
exemple bien frappant de l'indépendance des deux ordres de mani-
festations.
Sakhaline est à Fabri des tremblements de terre ; cette île participe
de la constitution en bandes sédimentaires ainsi que de la stabilité
du Nord de l'île de Yézo. A peine si, dans le Sud, quelques secousses
de Korsakov rappellent le voisinage d'un ancien géosynclinal carbo-
niférien.
Le Japon doit être considéré comme un des pays classiques des trem-
blements de terre, depuis que leur étude y a pris, dans ces trente der-
nières années, l'admirable développement que l'on sait. Il forme un
territoire morcelé, dont l'axe archéen est flanqué à l'Ouest de sédiments
de tous les âges. Tertiaire compris, plongeant vers la mer de Corée
qui le sépare du continent sino-sibérien. A l'Est, il est constitué par
des couches primaires et secondaires plissées et relevées aux abords
abrupts de la fosse du Tuscarora, qui descend à plus de 8 000 mètres.
Le versant occidental est de beaucoup le plus stable et les tremble-
ments de terre ne s'y font sentir avec quelque intensité que le long
des failles longitudinales parallèles à l'axe montagneux, ainsi qu'au-
tour de golfes découpés en lobes, affaissés dans les terrains anciens,
rappelant à tous les points de vue les conditions séismogéniques du
littoral algérien et des côtes de l'Italie méridionale. Pendant son
long séjour au Japon, J. Milne a fait une découverte capitale, dont
nous avons plusieurs fois utilisé les applications analogues en bien
des points du globe, à savoir que sur la côte orientale, presque
tout entière séismique au suprême degré, les secousses ont très
souvent leurs épicentres sous-marins et situés soit sur le talus de
la fosse, soit sur son intersection avec le fond de l'Océan, c'est-à-
LE GÉOSYNCLINAL GIRGUMPACIFIQUE 355
dire en définitive sur la lèvre de Ténorme fracture supposée. La
dépression centrale du Japon, la Possa magna de Naumann, joue
aussi un rule séismogénique, mais bien moins accusé qu'on ne le
croyait jusqu'à présent.
L'archipel pénéséismique des Riou-Kiou et Formose» peut-être
séismique au Sud, prolongent Tare japonais en avant du continent
asiatique et au bord des grands fonds océaniques. La géologie de ces
îles est encore trop peu connue pour qu'on puisse rien dire de plus
de ces parties du géosynclinal.
Les Philippines sont tout aussi exposées aux tremblements de
terre que le Japon. Ces îles surgissent de grandes profondeurs et, de
leur histoire pendant les périodes secondaire et primaire, on ne
sait rien encore. Ensuite, après le dépôt des lignites de Gebù, se pro-
duisit un affaissement, puis un énergique plissement, écho des mou-
vements contemporains de l'Europe et de l'Asie à la fin de TÉocène,
et auquel succéda le relèvement d'une terre reliant ces îles à Bornéo.
Le milieu du Miocène fut marqué par un nouvel affaissement, rédui--
sant Luçon et Mindanao à l'état de groupe de petites îles; mais une
lente surreclion, à peine terminée peut-être à l'heure actuelle, rem-
plaçait bientôt cet éphémère état de choses. Tous ces mouvements
récents et divers, et ce plissement au bord d'une mer extrêmement
profonde, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur de l'archipel, rendent
bien^ compte d'une instabilité d'ailleurs irrégulièrement distribuée.
Les conditions séismiques et géologiques des Moluques sont tout
à fait comparables à celles des Philippines, avec la circonstance
aggravante de la structure chirographaire de Célèbesetd'Ualmaheira.
Les plissements tertiaires de Java s'y prolongent par la chaîne des
îles à l'Est de Bali et ils ont aussi affecté Célèbes. Une opinion una-
nime fait de ces îles les 'homologues des Antilles, et de la mer des
Moluques l'exact pendant de la Méditerranée caraïbe ; il faut ajouter
que c'est la seconde intersection des deux géosynclinaux, et l'inten-
sité des tremblements de terre ne sera pas pour surprendre.
Le côté nord de la Nouvelle-Guinée est probablement pénéséis-
mique, séismique seulement à son extrémité orientale, ainsi qu'à
l'archipel Bismarck. Qu'on admette avec les uns qu'il s'agit là
de rides accumulées contre le massif résistant et fixe de l'Australie,
que Ton préfère y voir, comme d'autres, avec les îles du Sud-Ëst>
les restes d'une grande cordillère presque complètement submergée
d'un continent Pacifique lentement affaissé, ou que l'on songe
à une surrection à peine terminée, et seule capable d'expliquer,
comme aux Fidji, la disposition étagée des terrasses coralliennes
356 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
successives : de toutes les manières, on a affaire à des îles surgissant
de grandes profondeurs, indices de gigantesques dérangements, et
soumises à des mouvements d'amplitude notable depuis une époque
peu reculée, et leurs tremblements de terre y trouvent ample justifi-
cation.
Le géosynclinal circumpacifique se termine en apparence à la
Nouvelle-Zélande, généralement pénéséismique, mais nettement
séismique autour du détroit de Gook, région où un tremblement de
terre, en 1850, paraît avoir donné lieu à une grande dislocation résul-
tant d'un mouvement de bascule. Ces îles présentent toute la série
sédimentaire au pied d'une chaîne ancienne, puisque dès le Juras-
sique elle était déjà en butte à la dénudation. La chaîne est stable,
ce qui était à prévoir ; les territoires sédimentaires sont pénéséis-
miquesy comme non plissés, mais d'émersion récente et ayant à
l'époque tertiaire subi plusieurs mouvements de sens inverses; enfin
les abords du détroit de Cook sont très instables, parce que ce détroit
représente une rupture peu ancienne de la ride en deux tronçons.
Au delà, le géosynclinal se perd dans l'océan, de même qu'à son
extrémité magellanique ; mais on ignore absolument s'il atteint les
terres antarctiques, dont on ne sait rien au point de vue séismique.
CHAPITRE XX
LES ANDES
1. — Les Andes du Sud. Chili et Argentiiie occidentale.
Les Andes du Sud, comprenant le Chili et les provinces péruviennes
d'Arequipa et de Moquegua, s'étendent depuis le saillant de l'Amérique
méridionale à la Punta de Atico par IG"* de latitude Sud jusqu'au
cap Hom ; peut-être eût-il été plus rationnel de ne les faire corn*
mencer qu'à Tangle rentrant d'Arica : nous ne l'avons pas fait devant
l'impossibilité d'en séparer la région séismique d'Arequipa. Leurs
tremblements de terre sont bien connus depuis les travaux de Perrey ^,
Troncoso* et Vergara', mais surtout grâce au mémoire synthétique de
Goll\
Sauf les territoires Magellaniques et le Chili proprement dit au
sud de Yaldivia, cette région est parmi les plus instables du globe,
et les désastres ne s'y comptent plus, qu'ils soient produits par des
vagues d'origine séismique sous-marine ou par des tremblements de
terre. Les renseignements abondent pour le littoral, mais on est
moins documenté en ce qui concerne la Cordillère et ses abords
immédiats. Il est vrai que ces informations se rapportent pour la
plupart aux villes principales, mais comme elles sont nombreuses,
cette cause d'erreur a peu d'influence, et l'on peut dire qu'en somme
la répartition de l'instabilité séismique est connue d'une manière
très satisfaisante. Il n'en est malheureusement pas de même pour
la géologie, malgré de très importants travaux, de sorte qu'il est le
* Documents sur les tremblements de terre au Chili (Ann. Soc. imp, Agric, Hist nat.
et ArU utiles de Lyon, VI, 1854).
* Tremblements do terre au Chili, 1847-1856. Dans Perrey. Liste des tremblements de
terre pour 1857, 2« partie (Mém. Ac.roy. de Belgique, X).
* Temblores y ruidos subterréneos. Santiago de Ghilo (1873-1881 et 1882-1884) (Anuario
del obs. oêtron. de Santiago).
* Die Erdbeben Chiles. Ein Verzeichniss der Erdbeben und Vulkanausbrûche in Chile
bis zum Ende des Jahres 4879, nebst allgemeinen Bemerkungen zu diesen Erdbeben
(MQnchener geogr, Studien. Uerausgeg. von. Siegm. O&nther, XIV Stûck, Mûnchen, 1903).
358
GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
rtquipd
del Wû^*
,Jujuy
• Salta
La Rioja
San Juan
Fosse
hMendozâ
Concepcîôn
Fig. 60. — Andes du Sud.
plus souvent dif-
ficile d'assignerun
rôle séismogéni-
que indiscutable à
des accidents lo-
caux bien définis,
et que seules les
causes générales
apparaissent clai-
rement.
La chaîne des
Andes méridiona-
les forme une série
disloquée de pa-
quets d'âge secon-
daire, dont la tran-
che est tournée
vers l'ouest, ce
qui accentue la
pente de ce côté;
aussi les séismes
ne se donnent-ils
libre carrière que
sur ce versant,
conformément à
la loi du relief.
Ce relèvement de
la bande suppose
presque inévita-
blement l'effon-
drement d'une
autre partie join-
tive de Técorce
terrestre, et cette
déduction semble
tout à fait d'accord
avec les récentes
découvertes faites
dans l'Ouest de Ja
République Ar -
genline. On a en
LES ANDES 359
eflFet trouvé dans les Andes, entre le 32* et le 39* parallèle, des con-
glémérats jurassiques indiquant le voisinage d'une côte et qui auraient
puisé leurs éléments dans des porphyrites d'origine sous-marine. Les
argiles et les grès du versant oriental des montagnes du Rio Grande
correspondraient à des dépôts de mer plus profonde, et cela semble
démontrer l'existence, à l'époque jurassique, d'un grand golfe andin
s'arrêtant au rivage oriental d'une terre pacifique, qui s'étendait plus
ou moins loin dans la direction de la Nouvelle-Zélande ; cette hypo-
thèse assez plausible ne résout pas la question, tout à fait différente,
de Texistence controversée du continent pacifique, que certains géolo-
gues croient avoir occupé, à une époque antérieure, l'emplacement du
Grand Océan, tandis que d'autres regardent celui-ci comme un des
plus anciens traits de l'écorce terrestre. Cette terre simplement. voi-
sine de l'Amérique du Sud aurait existé pendant longtemps et depuis
une époque très reculée, du Dévonien au Crétacé, puisque le Trias
semble y faire défaut et que d'autre part la flore à Glossopteris se
retrouve tant au Brésil que dans l'Argentine, observ^ation qui a fait
conclure à l'existence d'un continent africano-brésilien. Ce golfe
jurassique aurait fait plus tard place au bourrelet andin, dont
l'abrupte tranche occidentale constitue les territoires ici étudiés
dont la séismicité s'expliquerait, dès lors, d'une façon générale, par
leur grand voisinage de l'isobathe de 4000 mètres, qui représen-
terait la lèvre de la fracture le long de laquelle la terre pacifique
se serait effondrée par un mouvement de bascule, contre-partie de
la surrection. On s'explique ainsi que les plissements se soient surtout
localisés à l'est, où les Précordillères de Salta et de Mendoza sont les
seules régions séismiques du versant oriental.
La surrection des Andes a certainement été un phénomène de
longue haleine et a dû débuter bien avant l'époque tertiaire : la
dernière grande phase de dislocation, antérieure à la sortie des andé-
sites, paraît avoir elle-même précédé les mouvements alpins. Mais
depuis cette époque déjà reculée, les dislocations n'ont pas cessé de
se produire, avec moins d'ampleur il est vrai, ce qui suffit à rendre
compte de l'instabilité actuelle. Le mouvement d'ascension d'une
des lèvres de la fracture pacifique ne s'est réellement arrêté qu'à
une époque relativement récente, en donnant lieu à un énorme relief
total de 12 000 mètres, dont 4000 immergés, entre la crête de la
chaîne et le fond des abîmes littoraux. Des mouvements d'une telle
amplitude ne peuvent que se survivre sous forme de séismes. Les
Andes correspondent donc à un géosynclinal accusé par le golfe
jurassique, et les conséquences séismiques de leur histoire reste-
350 GÉOGRAPHIE SEI8M0L0GIQUE
raient valables, même si l'existence d'une terre occidentale plus
ancienne se trouvait ultérieurement infirmée par la découverte de
faits nouveaux.
On va maintenant passer au détail de la répartition de l'instabilité
le long de cette bande de quelques 4 000 kilomètres de côtes, en
commençant par le Nord.
Les tremblements de terre du Pérou méridional ont été recueillis
par G. de Gastelnau^ pour la période de 1810 à 1845, mais nous igno-
rons d'après quelles sources locales. Garaveli, Moquegua et Arequipa
ont subi de très nombreuses catastrophes» ainsi que Tacna, Arica,
Iquiquc, Pabellon de Pica et Huanillos. On a donc affaire à une côle
dont la séismicité ne se dément nulle part et ne cesse au Sud qu'au Rio
Loa. Elle correspond au relief puissant des Andes, encore accentué
par le voisinage immédiat des fosses de Kriîmmel en face de Gara-
veli et de Bartholomew entre les parallèles d' Arica et de Pabellon
de Pica.
Plus au Sud, la bande littorale s'élargit considérablement, en
s*étageant par gradins, la crête des Andes s'abaisse et on se trouve
entre l'intervalle des fosses de Bartholomew et de Richards. Ainsi
donc le relief s'atténue par le haut et par le bas. La région s'étend
sur le désert du Rio Salado et sur les parties respectivement méri-
dionale et septentrionale de ceux de Tamarugal et d'Atacama;
c'est le pays des nitrates. On est moins bien renseigné que pour la
région précédente sur la fréquence et l'intensité des tremblements de
terre ; mais les séismes y prennent le plus souvent, comme à Galama,
une fois au moins sévèrement éprouvée, un caractère très local, ren-
dant fort probable une séismicité notablement moindre, et par con-
séquent en rapport avec la diminution du relief émergé et immergé.
La Gordillère redevient abrupte et la séismicité redoutable, en
même temps que la bande littorale se rétrécit de nouveau vers le
sud. Le premier grand foyer d'ébranlement, Gopiapo, est séparé de
celui de Goquimbo, probablement tout aussi instable, par un intervalle
sans épicentres connus; mais il y a tout lieu de supposer que cette
lacune est simplement due àTabsence d'anciennes villes importantes
où aient pu se faire des observations. Il se trouve là un grand syn-
clinal jurassique et néocomien compris entre les Andes et les restes
d'une chaîne granitique côtière démantelée, contre laquelle se déve-
loppent dans le Sud des roches sédimentaires très plissées, d'aspect
* Expédition dans les parties centrales de V Amérique du Sud exécutée de i84S à
18Â7. Catalogue des tremblements de terre et secousses ressentis sur la côte du Pérou et
plus particulièrement à Arequipa, depuis 1810 jusqu'à 1845 (t.V,pp. 303-358. Paris, 1854).
LES ANDES 361
archéen, mais qui pourraient bien n'être que du Crétacé supérieur
profondément métamorphisé. Si ces conclusions sont ultérieurement
confirmées, un plissement énergique de date relativement peu an-
cienne interviendrait probablement pour jouer un rôle séismogénique
décidé.
Une fois de plus^ le relief va maintenant changer de caractère ;
au lieu de s'abaisser brusquement jusqu'au bord de la mer^ la chaîne
tombe sur le fond d'une longue dépression longitudinale, séparée du
littoral par une série de hauteurs secondaires, assez souvent et
complètement interrompues par de vastes plaines. Cette dépression,
marquée par les ensellements des contreforts transversaux, est l'acci-
dent le plus considérable du Chili central ; elle se prolonge très loin
dans le Sud, mais en dépit de sa grande importance géographique,
géologique et probablement tectonique, force est de lui dénier toute
influence séismogénique, malgré la haute autorité de Suess. C'est
qu'en effet, elle coïncide sur son long parcours avec des conditions
très diverses d'instabilité : d'IUapel à Santiago et Concepciôn, elle
possède une séismicité exagérée qui a causé de nombreux désastres ;
plus au Sud, jusqu'à Ancud et Puerto-Montl, la fréquence diminue
beaucoup en même temps que le relief de la chaîne côtière, et Val-
diviaest le seul point qui ait subi des dommages; au delà et jusqu'à
l'isthme d'Ofqui, la mer l'a envahie et l'a morcelée pour former
Chiloé et l'archipel des Guaytecas, tandis que de leur côté les trem-
blements de terre ont à peu près complètement disparu. Lesséismes
de Yalparaiso sont sans doute en rapport avec la fosse d'Haeckel,
qui vient presque toucher la côte, et ce sera aux recherches géolo-
giques futures à définir les causes locales de l'instabilité de la pré-
cordillère entre cette ville et Santiago, de la partie nord de la dépres-
sion jusqu'au Rio Bobio, de Concepciôn et de Valdivia. D'après
Noguès*, les tremblements de terre du Chili central affectent deux
directions générales, normales entre elles et d'ailleurs en relation
avec la structure orographique du pays et les systèmes des failles :
les uns prennent la direction N.-S., parallèlement à la Cordillère et
suivant les cassures stratigraphiques qui ont formé la grande dépres-
sion longitudinale, tandis que les autres prennent la direction
E.-W., normale à la Cordillère et en relation avec un autre système
de failles. 11 est encore prématuré de décider s'il s'agit d'un simple
phénomène de propagation, ou d'une cause tectonique à rôle séis-
mogénique certain.
* Mouvementâ séismiques da Chili; tremblements de terre du 23 mai 1890 (C. JR. Ac.
ac. Paris, GXI, 616, 1890).
362 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
La stabilité absolue des territoires magellaniques au sud de risthme
d'Ofqui présente un très haut degré de probabilité, quoique des
observations régulières n'aient encore été faites qu'à Punta Arenas,
où une longue série, commencée en 1842, c'est-à-dire depuis sa
fondation et qui n*a souffert aucune interruption, n'a pu mentionner
qu'une seule secousse. L'attention des Chiliens est trop portée à
s'occuper des tremblements de terre, qu'ils redoutent tant à bon
droit, pour qu'ils les laissent échapper sans les mentionner, même
dans la région des Qords du Sud qui est, sinon colonisée, du moins
exploitée depuis un certain nombre d'années, à cause de ses richesses
forestières. On regardera donc cette stabilité comme à peu près
démontrée; elle coïncide en même temps avec l'abaissement de la
Cordillère et le relèvement des fonds océaniques bien loin au large
dans l'Ouest.
La croyance, si longtemps classique et indiscutée depuis LyellS
d'après laquelle les grands tremblements de terre de l'Amérique du
Sud auraient été à diverses reprises accompagnés d'un soulèvement
notable des côtes et même de la chaîne, d'où l'on concluait sans
réserves à la continuation à l'époque actuelle du mouvement tertiaire
de surrection des Andes, doit être définitivement rejetée depuis la
magistrale réfutation qu'en a faite Suess dans la Face de la Terre,
Il ne saurait être question de reprendre ici l'examen d'un problème
géologico-séismique si bien élucidé ; mais il ne sera pas inutile de
résumer une critique si serrée de phénomènes accessoires réels,
quoique mal interprétés, d'autant plus que ces considérations sont
applicables à d'autres points du globe où l'on a voulu aussi, par
l'observation de faits analogues, démontrer la réalité d'exhausse-
ments appréciables et concomitants de grands tremblements de terre.
Au Callao, Texistcnce prétendue de débris de cuisine préhisto-
riques ou kjôkkenmôddings comme les appellent les archéologues*
danois, ne correspond qu'à des idées fausses quant à la preuve
qu'elle apporterait des mouvements verticaux du littoral; il s'agit
en réalité d'un banc qui se forme et disparaît alternativement sous
l'action des vagues et des courants, sur la côte de l'île de San Lorenzo.
Quant aux modifications topographiques constatées sur la langue de
terre qui la réunit au continent, affaissement de 1746 ou exhausse-
ment de 1760, à la suite des tremblements de terre violents qui agi-
tèrent alors le Pérou, il n'y faut voir, pense Suess, qu'un effet des
vagues séismiques dispersant ou amoncelant les bancs variables
d'atterrissement.
* Pnnciplesof Geology (llth édition, II, 156, 1872).
LES ANDES 363
En ce qui concerne Yalparaiso et son tremblement de terre de 1822^
les informations de l'époque même sont contradictoires, ce qui jette
un doute formel sur la valeur des principales observations, base de
la théorie de Lyell. C'est à Miss Graham^ qu^est due la formation de
la légende d'un exhaussement du littoral sur 100 milles de long et
en particulier d'une hauteur de 3 pieds à Quintero, sa résidence.
Mais Belcher, dans une lettre à la Société géologique de Londres,
lue le 2 décembre 1835, contredit formellement ce témoignage,
ainsi que ceux de Fitzroy et de Darwin, le commandant et le natu-
raliste fameux de l'expédition du « Beagle », qui se trouvaient à
Concepciôn au moment même de l'événement; il s'appuie pour cela
sur les observations contraires du colonel Walpole, de Rivera, et
surtout du malacologiste Gunning, qui connaissait admirablement
toute la côte pour avoir habité le Ghili de 1822 à 1831 et l'avoir
parcourue en tous sens à la recherche des coquillages dont il fai-
sait l'étude. Là encore, des mouvements dans les atterrissements,
bouleversés parles vagues de tremblements de terre ou de tempêtes,
suffisent à expliquer tous les changements bien réels, mais tempo-
raires, qu'on y a observés. G'est ainsi qu'on a pu voir, le 28 août 1746,
les vagues séismiques soulever d'énormes masses de sédiments mal
affermis et amonceler sur les ruines des habitations des amas de
sables et de galets. Suess ne manque pas non plus de tenir grand
compte de l'opinion d'un des plus savants géologues du Ghili,
Philippi*, niant les anciens mouvements supposés et sur le témoi-
gnage duquel Hochstetter s'appuie aussi à propos du tremblement
de terre du 13 août 1868 pour affirmer qu'aucune élévation du sol
n'en fut la conséquence, ni au Ghili, ni au Pérou. Enfin les sédi-
ments littoraux exondés à la suite du désastre de la Goncepciôn, en
1835, reprirent leur position primitive au bout de peu de semaines,
ce qui semble bien s'opposer à l'hypothèse d'un soulèvement perma-
nent et réel du substratum.
Suess met aussi en évidence les caractères des côtes de l'Amérique
du Sud qui ont conduit Lyell à son interprétation erronée, mais si
longtemps classique, des phénomènes observés ; ce sont : le grand
développement des dépôts détritiques étages en terrasses littorales,
mais sans relation aucune avec les tremblements de terre; l'accumu-
lation des kjôkkeninôddings sur toute la côte (et à ce compte combien
d'autres, même en pays stables, n'auraient-elles pas été soulevées,
* An account of somc effects of Ihe late (191*» november 1822) earthquake in Chili.
Lctter to H. Warburlon {Trans. Geol. Soc. of London, I, 413,1822).
* Die Bogenannte Wûste Âtacaina (Pelei^mami's geogr. Milth., 1836,56).
364 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
elles aussi, par des séismes ?) ; enfin l'immense alignement volcanique
du Chili, qui, avec les idées autrefois en cours sur les soulèvements,
avait tout naturellement amené à concevoir la surrection en bloc
d'une longue bande littorale, sinon même de la Cordillère elle-même.
Il n'en est pas moins important de dire, cependant, que la dispari-
tion d'une théorie longtemps acceptée n'enlève pas le moins du
monde au soulèvement de la chaîne des Andes le rôle fondamental
que tout tend à lui faire assigner dans la genèse des tremblements
de terre du Chili et du Pérou, et qui restent, comme le long de toutes
les autres grandes chaînes tertiaires, une de ses conséquences pos-
thumes et éloignées. Leur production est, seulement, un peu plus
compliquée dans le détail, puisqu'elle dépend sans aucun doute de la
survivance d'efforts tectoniques de second ordre, plus locaux et plus
ou moins récents, mais qui n'en résultent pas moins, eux aussi, de
l'acte môme de la surrection.
Il n'est pas de pays où, plus qu'au Chili, se manifeste l'indépen-
dance des phénomènes séismiques et volcaniques. Ces derniers se
sont développés dès le milieu des temps secondaires au moins, et
tant pendant l'époque tertiaire qu'actuellement, le théâtre de leur
activité n'a guère changé, accompagnant la crête des Andes de part
et d'autre sans la déborder largement ailleurs qu'à l'Est. Si l'on se
rapporte aux travaux de Bel* ou de Stubel*, on rencontre ici, sur
cette immense bande, toutes les combinaisons possibles entre la
présence de volcans actifs ou éteints ou même Tabsence de cônes
éruptifs, et la séismicité, la pénéséismicité ou l'aséismicité. On ne
reviendra plus sur une observation qui reste vraie pour toute la
chaîne des Andes, jusqu'à l'Ecuador et à la Colombie.
Les abîmes océaniques le long des Andes méridionales jouent-ils
un rôle séismogénique?C'est extrêmement probable, étant donnée leur
relation, indiquée plus haut, avec les régions les plus durement éprou-
vées. Mais on n'a pas pour l'affirmer d'études dirigées dans ce sens
comme au Japon et sur sa côte orientale, le long de la fosse du Tus-
carora. On ne sait pas si lesisoséistes d'un nombre notable de grands
tremblements de terre ne font que mordre le littoral. En tout cas,
les vagues séismiques sont fréquentes et désastreuses '. Elles résultent
* Mission scientifique au Chili et dans le nord de la Bolivie [Àrch. des missons se. el
/i//., VU, m, Paris. 1807).
• Ueber die Verbreitung der hauptsâchlichsten Eniptionszentren und der sie kenn-
zeichnenden Vulkanberge in Sûdamerica {Petermann's geogr. Mitth., I, 4, 190i).
' F. von Hochstetter. Ueber das Erdbeben in Pcruam 13 August 1868, und die dadurch
veraniftssten Fluthwellen im Océan, namentlich an den Kùsten von Chili und von
Neu-Seeland [Sitzungsb. d, K. Ak. d, Wiss., mal. nai. Cl., LVIU. LX. Wien, 1868, 1869).
LES ANDES 365
souvent de tremblements sous-marins^ mais la position de leurs
épicentres n'a pu encore être déterminée ; on ignore s'ils se trouvent
sur le talus sous-marin, sur la lëvre de la fracture du Pacifique, ou
plus au large.
La Cordillère constitue un puissant obstacle à la propagation des
mouvements séismiques, mais d'une manière beaucoup moins abso-
lue qu'on l'a prétendu ; c'est ainsi que les secousses du Chili central,
Yalparaiso et Santiago, se font parfois sentir dans les pré-Cordillëres
argentines plissées, et réciproquement, mais naturellement elles per-
dent les unes et les autres leur caractère destructeur en franchissant
les Andes. Ces chaînes limitent à l'Est le géosynclinal circumpaci-
Bque et sont formées de sédiments jurassiques et néocomiens plis-
sés. A l'Est, le Crétacé supérieur relevé a beaucoup moins fortement
subi l'effort de compression latérale et ces rides parallèles sont fort
instables. Oran, Jujuy, Salta et Tucuman sont fortement ébranlées,
et Mendoza a subi de véritables désastres. Négligeant l'opinion de
Brackebusch ' qui attribue ces tremblements de terre à la combustion
spontanée des couches bitumineuses, probablement rhétiennes, qui
continuent vers le Sud les dépôts pétrolifères de Jujuy, et à des
explosions des gaz dégagés par ce phénomène hypothétique, nous
ferons de ces secousses des séismes de plissement, au moins provi-
soirement, par analogie avec tant d'autres cas du même genre ren-
contrés en diverses parties du globe.
2. — Les Andes du Centre. Pérou, Bolivie et Ecuador.
On comprend ici la partie des Andes qui s'étend de la Punta de
Atico ou mieux du nœud de Puquiô jusqu'à celui de Pasto, c*est-à-
dire le Pérou central et septentrional, la plus grande partie de la
Bolivie et de l'Ecuador. En dehors des relations de désastres', on ne
possède que le catalogue de Perrey ^, et des observations systéma-
tiques suivies manquent totalement. La géologie de ces pays n'est
guère mieux connue ; il faut donc renoncer à tout rapprochement
entre les circonstances géologiques et les phénomènes séismiques,
* Estadios sobre la formaciôn petrolifera de Jujuy. Viaje & la provincia de Jujuy
(Buenos-Ayres, 1883}.
* Haies. Histoire des tremblements de terre arrivés à Lima, capitale du Pérou, et autres
lieux, avec la description du Pérou (Traduit de l'anglais. La Haye, 1752). — P. P. Ceval-
los. Resûmen de la historia del Ecuador desde el origen hasta i845 (2* édicion, Guaya-
quilp 1886).
' Documents sur les tremblements de terre au Pérou, dans la Colombie et dans le bas-
sin de TAmazone {Ac. roy, de Belgique. Séance du 7 novembre 1857).
366
GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
Fîg. 61. -^ Andes du Centre.
et se borner à en rapporter d*une
façon aussi vague que générale
l'instabilité à la surrection peu
ancienne des Andes.
Le versant maritime des Andes
péruviennes est certainement très
instable, et les désastres de Pisco,
du Callao et de Lima sont célè-
bres dans l'histoire des trem-
blements de terre; les vagues
séismiques ont aussi apporté par-
fois leur part de dommages.
L'isobathe de 4 000 mètres se
tenant à proximité du littoral, il
est probable qu'elle joue ici le
même rôle séismogénique que le
long des côtes du Chili. Si les
mouvements tertiaires andins
sont certainement la cause géné-
rale et lointaine des tremblements
de terre du Pérou central, ils se
sont superposés aussi, comme on
a déjà eu tant de fois à le cons-
tater, à une chaîne hercynienne
plissée qui a dû exister entre le
môle brésilien et un avant-pays
qui aurait disparu sous les flots
du Pacifique. L'instabilité ne pa-
raît pas dépasser Lima au Nord,
et en tout cas Trujillo ne ressent
que de faibles et rares secousses.
Le désert de Sechura, continuant
pour ainsi dire le sillon amazo-
nien, est certainement très stable.
Guayaquil ressent quelques
séismes, jamais graves, et il
semble probable que la dépression
des Rios Daule et Esmeraldas
forme une région pénéséismique
seulement, car il faut tenir en
forte suspicion la ruine de Puerto
LES ANDES 867
Viejo dans le déparlement deManabi, donnée par les journaux amé-
ricains de mai 1896.
Li'entremont des Cordillères de TEcuador est d'une instabilité qui
nulle part ailleurs n'est dépassée, de sorte que ce pays réalise une
des rares coïncidences entre une extrême séismicité et un énergique
développement des phénomènes volcaniques. Ambato, Latacunga,
Quito et Rio Bamba jouissent, à cause de leurs nombreuses catas-
trophes, d'une triste réputation, qu'aggrave encore la renommée des
gigantesques volcans du voisinage. Le plateau de Quito et de Rio
Bamba est très disloqué, et c'est tout ce qu'on peut dire des hauteurs
transversales qui le séparent en cirques, disposition reconnaissable
sur toute la longueur de l'intervalle des deux Cordillères,
Le haut bassin du Napo ressent bien quelques légers tremblements
de terre, mais on ne saurait dire si ceux qu'on a signalés jusqu'ici
a Archidona sont autochtones, ou s*ils ne viennent pas de l'entre-
Cordillère.
Le massif intérieur des Andes péruviennes et leur versant bolivien
sur le Titicaca sont tout au plus pénéséismiques de Cuzco à Puno,
La Paz et Chuquisaca.
3. — Les Andes du Nord. Colombie et Venezuela.
Des pics de la Fragua, entre les sources de la Magdalena et du
Caqueta, affluent de l'Amazone, s'étend en Colombie et dans le Vene-
zuela jusqu'à la Trinidad un immense arc montagneux convexe vers
le Nord et qui borde la mer des Caraïbes à l'est du Golfo Triste. II
porte successivement les noms de Cordillère orientale. Cordillère de
Mérida et Cordillère Caraïbe. Cette partie de géosynclinal com-
prend encore les deux Cordillères qui, à partir du nœud du Pasto,
enserrent la vallée du Cauca, ainsi que le littoral colombien, et enfin
le bassin de l'Atrato; mais l'isthme du Darien ne lui appartient point.
La géologie de ces pays est peu connue dans ses détails, et les
renseignements séismiques ne sont sérieux que pour le bassin de la
Magdalena, et le Venezuela \ Toutefois les catalogues généraux
ont fourni assez de documents pour permettre de se faire une idée
satisfaisante des principaux foyers d'ébranlement, ne serait-ce aussi
que par la connaissance des villes qui ont eu le plus à souffrir des
tremblements de terre. La description des circonstances séismiques
sera faite de l'Est à l'Ouest, c'est-à-dire en partant des points les
mieux connus.
* R. Ibarra. Temblores y terremotos en Caracas (Caracas, 1862).
368 GÉOGRAPHIE 6ËISM0L0GIQUE
Du littoral nord de la Trinîdad au fond du Golfe Triste, la
chaîne Caraïbe, d'axe archéen ou primaire, se développe en ligne
droite le long de la mer, puis s'infléchit au S. W. par la Cordillère
de Mérida jusqu'aux sources de TApure. Sur le flanc méridional, les
sédiments secondaires sont assez peu relevés et disloqués et font
suite aux terrains tertiaires presque horizontaux des Llanos, stables
et d'ailleurs situés en dehors du géosynclinal. Sur le versant sep-
tentrional, entre la crête et la dépression du lac de Maracaybo, les
couches sont au contraire violemment plissées et redressées jusqu'à
la verticale. Ici l'isobathe de 4 000 mètres s'éloigne beaucoup du lit-
toral ; partant de l'ouest de l'îlot d'Aves, elle descend directement au
Sud pour se retourner en direction E.-W. de façon à longer le cha-
pelet des îles Sous-le-Yent, de Blanquilla à Oruba. Ainsi la chaîne
Caraïbe surgit d'un socle immergé et doucement incliné jusqu'à la
profondeur de 2 000 mètres, d'où émergent les îles qui se dressent au
sommet d'une ride tombant rapidement à 4 000 et 5 000 mètres sur la
Méditerranée antillienne. Dans les îles Sous-le-Yent se retrouvent des
lambeaux de couches primaires, des sédiments secondaires, des
dépôts quaternaires, et enfin des roches éruptives d'âge encore assez
mal déterminé d'ailleurs ; elles forment donc une bande qui a subi
des vicissitudes nombreuses, surrcctions et affaissements, et en par-
ticulier le Crétacé y est en plusieurs points fortement relevé et
plissé. Quoi qu'il en soit, les séismes n'y sont pas redoutables.
A Torient de la Sierra de Mérida s'étend la profonde et large dépres-
sion du lac de Maracaybo, que Sievers * regarde comme une cavité
d'effondrement en partie colmatée, comblée et flanquée au Nord par
des fragments archéens : àTEstla presqu'île deParanagua, à l'Ouest
le noyau de celle de Goajira et le massif de la Sierra Nevada de
Santa Marta. Ces lambeaux, homologues de ceux de la chaîne
Caraïbe, tendent comme elle à converger vers le S. W. de façon à
se rattacher, malgré une grande interruption dans la basse Colombie,
à l'axe archéen de la grande Cordillère entre la Magdalena et le
Cauca. De ce côté le Quaternaire, et surtout le Jurassique, prédo-
minent sur le Crétacé, et Tossature ne réapparaît plus qu'à l'ouest
de l'Atrato. On s'occupera d'abord de l'arc Trinidad-Picos de la
Fragua, où il n'existe que des volcans de boue, contrairement au
puissant appareil éruptif de la haute Colombie ; les régions à
tremblements de terre vont être mises en parallèle avec ces traits
géographiques et géologiques généraux en allant de l'Est à l'Ouest.
• Die Cordillère von Mérida, nebst Bemerkungen ùber das karibische Gebirge {Gtogr.
Abhandl, herausgeg. von A. Penck, III, n* 1.)
LES ANDES
369
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Db Hohtbmus. — Tremblements de terre.
24
370 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Une première zone très instable s'étend de Spanish Town à
Gumana, correspondant ainsi à un élément bien défini de la chaîne
Caraïbe, seulement interrompu sur d'étroits espaces par la Boca del
Drago, faille d'effondrement, vers l'Est, et par la dépression de Garu-
pano, autre fracture. Les ruines de Gumana sont à bon droit célèbres
dans l'histoire des tremblements de terre, et Cariaco y a largement
participé. Le golfe de Paria pénètre profondément vers l'Ouest en
marchant à la rencontre de celui de Cariaco, de sorte qu'ils forment
une importante coupure tectonique. Une plaine basse de même
direction, reste de lagunes colmatées, les réunit. De vagues traditions
indiennes relatent une irruption de la mer dans cette dépression
peu avant l'arrivée des Espagnols. La double péninsule archéenne
d'Asaya est donc séparée de la chaîne mésozoîque parallèle du Sud,
ou de Cumanacoa, par une cassure qui aurait rejoué récemment,
et dont un reste de mobilité expliquerait amplement les séismes
fréquents et destructeurs de ces parages.
Le golfe à l'ouest de Barcelona et la plaine du Rio Unare corres-
pondent à une interruption de la chaîne. Ce sont des territoires crétacés
et tertiaires, se reliant à ceux de même nature des Llanos. Ces der-
niers sont stables faute de dérangements, car ils sont restés horizon-
taux ; mais le littoral l'est-il au môme degré, en raison de la com-
munauté de constitution géologique ? C'est probable, sans que
l'absence de renseignements et de centres dès longtemps colonisés
permette encore de l'affirmer.
Vient ensuite la Sierra de Caracas, si gravement exposée. Son
relief est considérable, et elle se présente comme une gigantesque
falaise au-dessus de La Guayra* Tout fait présumer que les tremble-
ments de terre sont ici d'origine tectonique, comme le lac de Yalencia
qui est le trait géographique le plus saillant. Tout ce bloc monta-
gneux est instable au plus haut degré.
Plus à l'Ouest, la Cordillère s'abaisse beaucoup et fait place à la
dépression de Barquisimeto, et les séismes, sans disparaître com-
plètement, perdent du moins toute sévérité.
On a déjà vu que les îles Sous-le-Vent ne ressentent que peu de
secousses propres, en dehors de celles qui leur viennent du continent.
Ce fait, et l'absence de séismes sous-marins dans la mer des
Caraïbes, montrent que la fracture représentée par l'isobathe de
4 000 mètres, — si toutefois c'est une cassure correspondant à l'effon-
drement de la Méditerranée antillienne, — a du moins perdu toute
mobilité.
L'instabilité renaît au plus haut degré le long du flanc nord-occi-
LES ANDES 371
dental de la Sierra de Mérida^ et sur tout son développement de
Tnijillo à San Cristobal del Tachira, avec maximum au Sud, mais
sans dépasser, avec ce degré du moins, la dépression du Rio Zulia,
affluent du lac de Maracaybo. Au contraire le versant des Llanos est
beaucoup plus stable. Cela résulte sans aucun doute de ce que la
surrection de la Cordillère n'a que peu dérangé les sédiments
de ce côté, tandis- qu'elle se présente comme un véritable mur de
3 000 mètres au-dessus du lac de Maracaybo, avec des bouleverse-
ments qui ont relevé les couches secondaires et tertiaires jusqu'à
la verticale, et non loin desquelles Lagunillas, ville récente, a
autant souffert en 1892 que Mérida depuis sa fondation. Sievers
a observé que les roches cristallines de Taxe de la Cordillère ont à
peine frémi sous l'action du tremblement de terre qui a renversé
Cucuta, Rosario et San Antonio en 1875.
La dépression à moitié colmatée du lac de Maracaybo est vraisem-
blablement un territoire effondré, comme contre-partie de la surrec-
tion de la chaîne, et la ville du môme nom ne ressent que de rares
secousses peu sévères, qui proviennent peut-être de la Sierra de
Perija, formée de Crétacé énergiquement plissé ^
L'énorme massif primitif isolé de la Sierra Nevada de Santa
Marta n'est pas aussi stable que sa constitution aurait pu le faire
supposer par analogie, et la ville du même nom a parfois souffert,
mais incomparablement moins que les localités voisines de la Sierra
de Merida. C'est un fragment de la chaîne caraïbe. On ne manquera
pas d'observer que, plus à l'Ouest, l'isobathe de 4 000 mètres quitte
la côte pour remonter au Nord, mais il ne faut pas donner à cette
remarque plus d'importance qu'elle n'en comporte réellement, puis-
que l'on a signalé plus haut la stabilité des îles Sous-le-Vent, qu'elle
suit de fort près.
La basse Colombie, sans ignorer les séismes, est stable. Comme
à la Trinidad, les volcans de boue, Galera Zamba et Turbaco, n'y
ont apporté aucun danger de tremblements de terre. On connaît un
certain nombre de secousses pour Cartagena de las Indias etMompox ;
et un séisme du Rio Sucio s'est étendu, en 1882, sur tout l'isthme de
Darien; il aurait été assez sévère et donné des inquiétudes pour
Tavenir aux constructeurs du canal interocéanique de Panama. Ces
craintes n'étaient d'ailleurs pas justiCées.
L'Atrato, sur la mer des Antilles, et le Rio San Juan, sur le Paci-
fique, coulent dans une dépression tertiaire qui forme la véritable
* Sievers. Die Sierra Nevada de Santa Marta und die Sierra de Perija (Zeiischr. d,
Ges, f. Brdkunde, XXUI, 1).
372 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
séparation entre rAmérique du Sud et rAmérique centrale. On n'y
connaît pas de secousses, et la seule indication scientifique pos-
sible, faute de renseignements sur sa stabilité ou son instabilité,
est qu'on est là bien en dehors du géosynclinal secondaire, tel qu'il
a été tracé par Haug; mais cela ne prouve pas absolument que les
mouvements tertiaires n'aient point atteint ces deux vallées.
De la Cordillère orientale on ne sait rien au point de vue séis-
mique ; elle est probablement stable, s'il se confirme qu'elle est de
constitution surtout cristalline.
Du Cerro de Pasto se détachent deux autres Cordillères» avec
axes archéens, contre lesquels le Crétacé est fortement redressé ;
elles séparent le versant pacifique et les vallées synclinales du Cauca
et de la Magdalena. Des tremblements de terre du versant occidental,
Ton ne sait absolument rien; mais ceux de Popayan, Cali, Honda
et Bogota ont causé de véritables désastres. Leur origine est proba-
blement la même que pour ceux du versant septentiûonal de la Sierra
de Mérida, sans que le dévelopement inusité de l'appareil volcanique
dans la haute Colombie ait rien ajouté à la séismicité puisqu'il
manque dans le Venezuela. Hettner et Link * n'ont signalé de vraies
cassures que dans les environs de Bogota.
* Zur Géologie und Minéralogie der Golumbianischen Ânden (Berlin, 1S88).
CHAPITRE XXI
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE
1. — Les Antilles.
Le seul nom de ces îles suffit à évoquer le douloureux souvenir
d'et&royables catastrophes, et si le grand tremblement de terre de
Port-au-Prince en 1692 et d'autres analogues se sont un peu effa-
cés de la mémoire des hommes, le désastre de Saint-Pierre de la
Martinique en 1902 est là pour s'ajouter aux tremblements de terre
et rappeler le double danger, séismique et volcanique» auquel les
Indes Occidentales sont exposées.
Il n'y existe pour ainsi dire pas d'observations systématiques, et
les stations séismologiques modernes de la Trinidad et de la Mai'ti-
nique ont un tout autre but que celui de receler les macroséismes.
Mais comme le vaste archipel a été pendant de longs siècles le foyer
d'où la civilisation européenne s'est, à la suite de Christophe Colomb,
irradiée en Amérique, les relations de tremblements de terre abon-
dent dans les documents les plus divers, de sorte que la répartition
des points les plus exposés est connue d'une manière très satisfai-
sante \ Il en est de même pour l'histoire et la structure géologiques.
Les Petites Antilles, Iles du Vent ou Caraïbes, et les Grandes
Antilles forment de part et d'autre de la passe de Sombrero ou
d'Anegada deux unités géographiques et géologiques différentes et
bien définies : on avait cru jusqu'à ces dernières années que la
structure des Grandes Antilles s'étendait jusqu'à la Barbade et à la
Grande Terre de la Guadeloupe, mais les plus récents travaux, en
particulier ceux de Hill % ont encore accentué la distinction entre les
• Al. Perrey. Sur les tremblements de terre aux Antilles {Mém. Ac, de Dijon, 1845-46,
325). A. Poey. Catalogue chronologique des tremblements de terre ressentis & l'tle de
Cuba de 1551 à 1855 {Nouv, Ann. des Voyages. Juin 1855) ; Id, Supplément au tableau
chronologique des tremblements de terre... (Id. décembre 1855).
* The Geology and physic&l Geography of Jamaica : Study of a type of Antillean
developmcnt (Bull, of Ihe Muséum of compar, Zoloogy. XXXI. Cambridge, Septem-
b€rl899).
374
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
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hù
LES ANTILLES ET LE GENTRE-ÂMÉRI^QUE 375
deux groupes. Nous suivrons principalement cet intéressant travail.
Les Grandes Antilles bordent au Nord la Méditerranée Antillienne,
ou mer des Caraïbes, et ces îles ont été depuis les temps jurassiques
le théâtre de révolutions considérables, qui ont à plusieurs reprises
bouleversé leur configuration, les faisant émerger et s'immerger tour
à tour, pendant que leurs systèmes montagneux s'édifiaient, se
dégradaient et se rajeunissaient de nouveau. Ces transformations
successives, à peine terminées actuellement, justifient pleinement,
d'une façon générale, leur extrême instabilité.
Il n'est pas du tout certain que les deux îles principales, Haïti
et Cuba, possèdent un axe archéen ou paléozoTque, comme on
Tavait cru jusqu'à ces dernières années, et il est probable qu'au
début de l'époque crétacée, une barrière terrestre, plus orientale que
les isthmes centre-américains» séparait les faunes pacifique et atlan-
tique : le socle submergé des Petites Antilles pourrait bien repré-
senter les restes de cet obstacle au mélange des formes de la vie.
Les conséquences lointaines de cet ancien état de choses se mani-
festent encore aujourd'hui par les caractères de la faune abyssale de
la mer des Caraïbes, au type plus pacifique qu'atlantique. Au Cré-
tacé supérieur seulement, malgré de nombreuses obscurités de
détail, on commence à reconnaître assez exactement la série des
événements successifs qui ont amené la configuration actuelle des
Indes Occidentales. On va les esquisser rapidement, car ils expli-
quent bien les tremblements de terre des Antilles par leur grandeur
même et le peu de temps écoulé depuis les derniers de ces boulever-
sements.
A la fin du Crétacé, l'activité volcanique prend un développement
considérable, en même temps que le golfe du Mexique s'étend très
loin vers le Nord entre la terre appalachienne et celle correspondant
à l'emplacement des Montagnes Rocheuses. On ne sait trop encore
où prenaient naissance ces phénomènes éruptifs, peut-être au bord
méridional d'une grande île Bahama-antillienne. Bientôt après, se pro-
duisit une énorme dénudation, et l'épaisseur des dépôts force à con-
jecturer quelque part l'existence d'une grande surface émergée, qu'on
ne peut guère supposer qu'à l'Ouest, dans le Pacifique même. Quoi
qu'il en soit, et comme il arrive souvent au sein des géosynclinaux,
cette période de sédimentation fut, de l'Éocène à l'Oligocène infé-
rieur, suivie d'une grande submersion qui ne laissait guère émerger
que les plus hauts sommets des Grandes Antilles, et dont l'amplitude
se manifeste par la présence des boues à globigérines et à radiolaires
particuliers aux grands fonds. A cet effondrement succéda pendant
376 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
rOligocène moyen la grande poussée orogénique de plissement à
laquelle les Antilles, le Mexique, le Centre-Amérique et le Nord de
TAmérique méridionale doivent leurs principaux traits structuraux.
C'est alors que s'édifièrent deux axes montagneux ; celui du Nord
comprend les îles Vierges, Porto-Rico, Saint-Domingue, la presqu'île
Nord d'Haïti, la Sierra Maestra de Cuba, enfin la ride sous-marine
qui, supportant les Caymans et le banc Misteriosa, se dirige vers le
fond du golfe de Honduras entre les profondes fosses de Bartlett et
du Yucatan; celui du Sud se détache du premier au massif de Cibao
en Saint-Domingue et comprend la presqu'île sud d'Haïti, la
Jamaïque, et les bancs San Pedro, Rosalinde et Mosquito, ce dernier
contigu au Nicaragua; le mouvement orogénique est grosso modo
dirigé E.-W., et il correspond comme âge à la surrection des Pyré-
nées. Si donc les Antilles en étaient restées là, elles ne seraient
probablement pas plus exposées aux tremblements de terre que cette
chaîne de l'Europe occidentale. Malheureusement pour elles, d'autres
événements plus récents se sont produits, et d'ailleurs il s'y est pré-
senté une particularité qui, à eUe seule, aurait peut-être suffi à engen-
drer l'instabilité actuelle. Elle consiste en ce que, dans les deux
Amériques, les masses qui par leur résistance au mouvement orogé-
nique donnèrent lieu au plissement étaient inversement placées,
dans l'Atlantique pour l'Amérique du Nord, dans le Pacifique pour
l'Amérique du Sud, de telle sorte que leurs axes se dépassaient
quelque part en échelon entre les 10' et 25* parallèles et les 75* et
100* méridiens, vaste région comprenant les Indes Occidentales et
le Centre-Amérique. Ainsi les Antilles, sous l'influence de ce double
mouvement pour ainsi dire contrarié, subirent de ce fait un gigan-
tesque effort de torsion au moment du plissement oligocène.
Les vicissitudes antilliennes ont continué presque jusqu'à nos
jours par une série de submersions et d'émersions partielles qui les
ont démembrées telles qu'elles subsistent aujourd'hui, et qui sont
mises en évidence par l'âge successif des récifs coralliens et des
terrasses littorales. Le détail de ces mouvements n'apprendrait rien
de plus au point de vue séismologique, et il suffira de noter que ces
dénivellations furent d'amplitude décroissante, de sorte que les
Grandes Antilles semblent tendre au repos. On va maintenant en
étudier les tremblements de terre de l'Est à l'Ouest, en notant que
sauf Cuba, instable seulement à ses deux extrémités, toutes ces Âes
ont subi de graves catastrophes séismiques, et la fréquence des
secousses simplement modérées y est partout considérable.
Les îles Vierges, Porto-Rico et Saint-Domingue forment une pre-
LES ANTILLES ET LE CENTRE-ÂMÉRIQUE
377
miëre région d'ébranlement. Au
Nord^ l'isobathe de 4 000 mètres
les suit de très près, en se retour-
nant brusquement à hauteur du
vieux cap Français pour remon-
ter le long des Bahamas; et jus-
tement vers rOuest, au delà de
ce point, le littoral septentrional
de Saint-Domingue parait moins
instable que le reste de Tile. A
hauteur de Porto-Rico, les fonds
s'abaissent jusqu'à 8 000 mètres
dans la fossie des îles Vierges.
Au Sudy la même isobathe de
4000 mètres de la mer des Ca-
raïbes monte droit au Nord à la
hauteur des îles Vierges, précisé-
ment moins stables que les Petites
Antilles, puis suit les côtes pour
redescendre vers le Sud à peu
de distance d'Azua. En résumé,
au Sud comme au Nord, les îles
dont il s'agit forment le sommet
d'un double et raide talus immergé
et strictement limité à elles
seules, si toutefois l'on en excepte
les Bahamas, que les tremble-
ments de terre n'agitent point
parce que cet archipel est in-
demme de plissements. Saint-
Thomas est ici le point le plus
exposé. Cette île est accore sur
risobathe de 2000 mètres qui
traverse les îles Vierges, ce qui
aggrave encore l'influence des
pentes extérieures, c'est-à-dire
de l'effondrement et du démantè-
lement. Leurs séismes sont remar-
quables par leur intensité et le
nombre des secousses consécu-
tives. Il semble bien que celui du
a
73
3
378 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
8 février 1843, étudié par Sainte-Claire Deville*, ait eu son origine
en mer et un peu au Nord, et cette conclusion doit d'autant plus
vraisemblablement s'étendre à d'autres tremblements de terre, en
particulier à celui de novembre 1869, si riche en chocs consécutifs,
que des séismes sous-marins ont été signalés en assez grand nombre
dans ces parages.
Avec moins de relief et des couches moins dérangées, Porto-Rico est
un peu plus stable que ses voisines de l'Est et de l'Ouest, et par une
coïncidence qui ne peut être fortuite, Arecibo, la seule ville qui ait
eu vraiment à souffrir, est située sur la côte nord qui confine à
l'abîme de 8000 mètres.
Deux dépressions longitudinales importantes traversent Saint-
Domingue ; celle du Sud, ou le Cul-de-Sac, va de Port-au-Prince à
Azua et Santo Domingo, tandis que celle du Nord correspond à la
vallée du Rio Yaqui, où Altamira et Concepcién de la Vega ont
autant souffert que les villes précédentes *. Ces deux accidents géo-
graphiques correspondent donc à des dislocations qui n'ont pas repris
leur équilibre final.
La branche méridionale des Grandes Antilles est extrêmement
instable aussi. Elle comprend la presqu'île de Jacmel, très rappro-
chée de l'isobathe de 4 000 mètres de la mer des Caraïbes qui, là, est
revenue près du littoral, et l'île de la Jamaïque touchant vers le
N.W. aux fonds de 5000 mètres qui la séparent de Cuba. La catas-
trophe du 12 juin 1692 à Port-au-Prince est un véritable événement
historique. Le Cul-de-Sac se prolonge jusque-là et y retentit souvent
de bruits séismiques, attestant peut-être la permanence de l'activité
des efforts tectoniques.
Si à la Jamaïque les villes de Port Royal, Kingston et Spanish
Town accaparent de beaucoup le plus grand nombre des séismes
connus de l'île, c'est sans doute uniquement par suite de leur pré-
pondérance politique aux diverses époques de son histoire. Mais de
graves tremblements de terre de Savanna la Mar, près de l'isobathe
de S 000 mètres, doivent suffire à lui faire supposer une séismicité
tout aussi grande.
La chaîne septentrionale des Grandes Antilles débute par la
presqu'île haïtienne de Saint-Nicolas, et, comprenant la Sierra
Maestra de Cuba, se prolonge comme on l'a dit plus haut par les
* Observations sur le tremblement de terre de la Guadeloupe le 8 février 1843 (Basse-
Terre, 1843).
' G. Agamemnone. Il terremoto de Haïti nella mattina del 29 dicembre 1897 [BoU. soc.
sism.ilal, 1898177).
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 379
îlots des Gaymans et le banc Misteriosa entre des abîmes dont Tun
atteint plus de 6000 mètres. La presqu'île de Saint-Nicolas est plus
stable que celle de Jacmel, et elle confine aux Bahamas stables. La
Sierra Maestra de Cuba est un mur rectiligne tombant d'un seul jet
de 2300 mètres d'altitude à des fonds de 6 000 mètres, au total une
dénivellation de 8 300 mètres que l'on peut compter parmi les plus
considérables de celles connues à la surface du globe, au moins avec
cette continuité. Santiago de Cuba^ juste en face de l'extrémité orien-
tale de la fosse, est très instable, mais on ignore si les tremblements
de terre agitent autant la partie orientale de la Sierra, alors que les
fonds se relèvent rapidement jusqu'au cap Maisi. En tout cas, San-
tiago correspond à une percée dans la Sierra Maestra, indice d'im-
portantes dislocations. Les observations manquent pour les Gay-
mans, de sorte que quelques secousses mentionnées ne permettent
pas de se prononcer sur leur véritable séismicité. En 1883, des bruits
séismiques y ont été entendus et attribués, évidemment à tort, à la
fameuse éruption du Krakatoa^
Au delà du Rio Cauto vers l'Ouest commence la Sierra de Cuma-
nayagua, que sa constitution géologique a fait considérer comme un
quatrième fragment de l'ancienne chaîne démembrée. On a tout lieu
de supposer qu'elle est stable, ainsi que le centre de Cuba. Il est
très digne d'attention d'observer que cette aséismicité correspond à
Téloignement de l'isobathe de 4000 mètres, qui ne reparaît que près
de Trinidad et de l'île des Pins, cela justement vers le seul foyer
d'ébranlement connu dans la partie occidentale de Tîle, celui de
San Gristobal et de Vuelta Abajo, que Salterrain et Viûes * limitent
entre les méridiens de Las Mangas et de Santa Cruz de los Pinos.
Le littoral nord de Cuba est rarement ébranlé, ce qui s'explique
parce qu'il appartient en partie aux couches tertiaires peu déran-
gées et aux formations coralliennes récentes des Bahamas parfaite-
ment stables, qui ne font pas plus que cette bande côtièro partie du
géosynclinal, en tant du moins que théâtre des grands mouvements
tertiaires de surrection.
En résumé, la haute séismicité générale des Grandes Antilles est
tellement liée au tracé des isobathes qu'on ne peut se refuser à la
considérer comme une conséquence des fractures dont les raides
talus sous-marins représententles lèvres. Mais malgré une très intense
* A. Forel. Bruits souterrains entendus le 2G août 1883 dans Tilot de Caiman-Brac
(C. R. Ac. Se. Paris, C, 755, 1885). — /</. L'érupUon du Krakatoa entendue jusqu'aux anti-
podes (La Nature, 9 mai 1885. Paris).
* Ligera rcseûa de los temblores ocurridos en la isla de Cuba (Boll. Corn, del Mapa
geol. de EspaHa, X, 371, 1883).
380
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
navigation, depuis quatre siècles, on ne connaît pour ainsi dire pas
de séismes sous-marins dans la mer des Caraïbes, tandis qu'ils sont
fréquents dans l'Atlantique à l'extérieur de l'arc Antillien, ainsi que
Fig. C5. — Les Petites xVntilles.
les vagues séismiques en bien des points des côtes : tout autour de
la Jamaïque, littoral nord de Porto-Rico et archipel des îles Vierges.
Il faut donc admettre que le mouvement d'effondrement est com-
plètement éteintdans la mer des Caraïbes, mais qu'il se perpétue dans
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 381
rAtlantique, et aussi que peut-être un mouvement positif ou négatif
des Grandes Iles se continue. Il faudrait avoir des tracés d'isoséistes
pour s'orienter dans ces considérations encore bien hypothétiques.
Les manifestations volcaniques récentes ont été à peu près nulles
dans ces terres, contrairement au rôle important qu'elles y ont joué
au commencement du Tertiaire.
Les Petites Antilles, îles Caraïbes ou du Vent, ferment à l'Est la
Méditerranée américaine par une courbe presque ininterrompue, dont
la légère convexité est tournée vers l'Atlantique. Elles reposent sur
une étroite plate-forme située à 2 000 mëtres de profondeur, et qui sur-
git elle-même des abîmes de l'Est et de l'Ouest; on est en droit de les
regarder comme un reste de l'antique barrière entre les deux océans,
et dont l'îlot d'Aves serait peutrôtre la dernière relique émergée. Au
point de vue géologique, ces îles sont de deux types bien différents, le
type exclusivement volcanique ou caraïbe, comme la Martinique, et
le type sédimentaire ou antillien, comme la Barbade; quelques-unes
d'entre elles participant de l'une et de l'autre structure, comme
Antigua. La Guadeloupe est formée de deux îles accolées, la Basse
Terre et la Grande Terre, respectivement volcanique et sédimen-
taire. Au point de vue de la situation, l'archipel peut se diviser en
deux ceintures : l'intérieure, presque exclusivement volcanique (Saba,
Saint-Eustache, Saint-Christophe, Nevis, Montserrat, Basse Terre
de la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique, Sainte-Lucie, Saint-
Vincent, les Grenadines, la Grenade) comprend les sommets les plus
récents et les plus élevés de la chaîne ; l'extérieure est sédimentaire
et volcanique tout à la fois (Sombrero, Dog, Anguilla, Saint-Martin,
Saint-Barthélémy, Antigua, la Grande Terre de la Guadeloupe,
Marie Galante, la Désirade) ; la Barbade est à part.
Les premières ont été édiQées par les évents volcaniques en acti-
vité depuis le commencement du Tertiaire, mais qui, presque com-
plètement éteints au Pléistocène, en sont maintenant réduits, pour la
plupart, à la phase solfatarienne ; les secondes ne sont en réalité que des
fonds marins, amenés au jour par surrection à la faveur d'une cassure,
probablement représentée par le talus atlantique bien plus accentué
que la pente caraïbe. C'est donc du côté extérieur qu'il faut s'attendre
à voir prédominer l'instabilité séismique. Cette suggestion est corro-
borée, dans une certaine mesure, par l'absence de secousses sous-
marines dans la Méditerranée antillienne, tandis que ces parages
de l'Atlantique en ont fourni un assez grand nombre ; mais les îles
des deux ceintures sont trop rapprochées les unes des autres pour que
les observations aient pu mettre nettement en évidence cette suppo-
382 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
sition. II faudrait des tracés d'isoséistes qui manquent encore. En
tout cas, la cassure est assez profonde et assez récente, pléistocëne
ou peut être môme actuelle, pour qu'en l'absence de poussée orogé-
nique et de plissement Tarchipel des 'Petites Antilles soit fréquem-
ment ébranlé.
On y a éprouvé un certain nombre de tremblements de terre fort
sévères et même destructeurs, mais pour se faire une idée exacte de
la véritable séismicité, il faut tenir compte de l'extrême incohérence
des matériaux volcaniques dont les îles du type caraïbe, dans le
sens que Hill a donné à ce terme, sont à peu près exclusivement
composées; sans aucun doute, plusieurs de leurs séismes graves
auraient passé à peu près inaperçus dans les Grandes Antilles, incom-
parablement mieux assises sur leurs sédiments ou leurs produits
éruptifs massifs beaucoup plus résistants que les cendres ou les tufs
volcaniques de leurs petites voisines. Il faut ajouter aussi que, dans
ces dernières, il s'est produit des séries d'innombrables, mais faibles
secousses, qui donnent l'impression, contraire à la réalité, qu'elles
sont plus instables que les grandes terres de l'Ouest.
La question des ruptures de câbles sous-marins par tremblements
de terre est d'un grand intérêt, tant pratique que tliéorique. Nous
avons étudié le premier point de vue dans un travail purement tech-
nique *, et nous étions arrivés à cette conclusion, conforme à l'avis
des ingénieurs de la Compagnie française des câbles télégraphiques,
que seuls des tremblements de terre d'une intensité particulièrement
violente peuvent briser des objets d'une aussi grande élasticité,
construits suivant une forme et essayés sous une résistance telles
qu'une rupture exige un effort d'une brusquerie et d'une grandeur
considérables. Cependant ces accidents sont fréquents et on les
explique comme on peut, par leur frottement répété sur des arêtes
vives de rochers lors des vibrations séismiques du fond de la mer,
par la formation d'affaissements de grande largeur et alors le porte-
à-faux du câble le fait rompre sous son poids, enfin par enfouisse-
ment sous des quartiers de roches apportés par les courants de pro-
fondeur, les icebergs, ou l'écroulement par tremblements de terre de
raides talus sous-marins. Cela équivaut à faire dans chaque cas par-
ticulier une hypothèse que les opérations de relèvement sont le
plus souvent impuissantes à vérifier. Conformément aux vues de
W. G. Forster, ingénieur des câbles helléniques, Milne a cherché à
mettre en relation les ruptures de câbles de ces dernières années, et
* L'art de construire dans ]es pays à tremblements de terre {Beitrage zur Geaphffsik.t
Vn, 137 Leipzig» 1904}.
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 383
sur toute la surface du globe *, avec les tremblements de terre ressentis
dans les régions voisines, soit simultanément, cas très rare, soit dans
le cours d'un intervalle de temps plus ou moins long et variant de
quelques heures à une journée, soit en coïncidence plus ou moins
approchée avec des tracés de séismogrammes correspondant à des
téléséismes observés dans des stations séismographiques souvent
fort éloignées des mers où ces ruptures s'étaient produites, et lors
même que les côtes voisines sont connues .pour leur immunité séis-
mique. C'est dire combien les recherches de Milne paraissent peu
probantes quant au rôle qu'il veut faire jouer aux tremblements de
terre dans ces phénomènes de rupture, sauf dans quelques cas parti-
culiers de coïncidence manifeste. Les éruptions de la Martinique et
de Saint-Vincent en 1902 ont donné à Lacroix* l'occasion d'étudier
ces intéressants phénomènes.
Ce savant a commencé par compléter, au moyen de documents
fournis par les Compagnies française et anglaise des câbles télégra-
phiques, la liste des ruptures qui se sont produites en 1902 autour
des Petites Antilles et qui* ont été publiées dans le rapport de la com-
mission anglaise sur l'éruption de la Soufrière de SaintrVîncent '.
Le plus grand nombre de renseignements ont été fournis à Lacroix
par Brown, secrétaire de la West India and Panama Telegraph
Company,
Il résulte de ces investigations qu'aucune rupture n'a coïncidé réelle-
ment aux alentours de la Martinique avec une quelconque des rares et
faibles secousses ressenties dans cette île pendant l'année 1902; que les
secousses de Saint-Vincent ont été toutes localisées autour de la Sou-
frière et ne peuvent donc être mises en cause; que si les opérations de
repêchage des câbles, exécutées en vue de leur réparation, ont bien
constaté. qu'ils étaient souvent enfouis sous d'énormes quantités de
matériaux divers, cendres, lapillis, boues, roches, arbres même,
apportés au loin en mer par les torrents causés par les éruptions de la
Montagne Pelée, ces phénomènes accessoires et consécutifs avaient
toujours eu lieu plusieurs heures après les ruptures constatées ; et
qu'enfin des éruptions sous-marines ne peuvent être invoquées non
plus, car aucune n'a été constatée scientifiquement, et que dans un
seul cas, d'ailleurs douteux, le câble à réparer aurait été retiré chaud.
* Third Report of the Committee on seismic investigation (BriL Ass, for Ihe Adv, ofSc,
Bristol Meeting, 1898, 292).
* La Montagne Pelée et ses éruptions (Paris, 1905).
* Tempest Anderson et Flett. Report on the cnipUon of the Soufrière in Saint Vin-
cent 1902 and on a visit to Montagne Pelée in Martinique (Part I. Phil, Trans. of the
Boy. Soc. London. Séries A. CC. 353).
384 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
En résumé les causes de rupture des câbles télégraphiques sous*
marins restent bien mystérieuses, et il était nécessaire de montrer au
moyen des seules études directes et sérieuses faites jusqu'à présent,
que les vues de Forster et de Milne à ce sujet ne sont rien moins que
prouvées, non plus que les conséquences déduites par ce dernier
sur la répartition générale des régions à tremblements de terre à la
surface du globe, et en particulier des océans.
On ne manquera pas de remarquer le contraste frappant qu'ont
présenté les deux éruptions presques simultanées de 1902 au point
de vue des phénomènes séismiques : insigniflants dans Tîle française,
ils ont été nombreux, mais faibles dans l'île anglaise.
La Barbade forme un petit monde géologique à part, différant des
Antilles aussi bien que de l'Amérique du Sud. Elle semble appartenir
à une ride atlantique submergée et les tremblements de terre autoch-
tones y sont peu fréquents.
La séismicité des Antilles s'étend aux régions environnantes,
Centre-Amérique et Nord de l'Amérique méridionale. La Méditer-
ranée caraïbe terminant à l'Ouest la série «des dépressions instables
qui se succèdent presque sans interruption depuis les îles de la
Sonde par le golfe Persique, la Mésopotamie et la Méditerranée, il
serait d'autant plus étrange qu'il en fût autrement, qu'elle appartient
en même temps aux deux géosynclinaux dont elle forme le nœud
de croisement, et qu'elle a subi les vicissitudes tertiaires les plus
récentes.
2. ~ Le Centre- Amérique.
Le Centre-Amérique, compris entre les grandes chaînes des Andes
et des Montagnes Rocheuses, s'étend entre les isthmes du Darien
et de Tehuantepec, et il semble avoir constitué jadis trois grandes
îles inégales, séparées entre elles et d'avec les deux masses conti-
nentales du Nord et du Sud par les détroits, maintenant exondés,
de Tehuantepec, Nicaragua, Panama et Darien. Ces pays sont très
exposés aux éruptions volcaniques, et les catastrophes séismiques ne
s'y comptent pour ainsi dire plus ; l'histoire de ces événements est
maintenant bien connue ^ Il manque cependant à la recherche des
causes d'instabilité des tracés d'isoséistes et de sérieuses détermina-
tions d'épicentres, ce qu'aggrave encore l'absence d'explorations
géologiques détaillées.
* De Montessus de Ballore. Tremblements de terre et éruptions volcaniques au Centre'
Amérique (Dijon, 1888).
¥ig, 66. — Le Centre-Amérique.
Di MoNTBMut. ~ TremblemenU de terre.
25
386 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQIJE
D'une façon générale, le versant Pacifique est le seul instable,
quoique Tisobathe de 4 000 mètres ne suive ce littoral qu'à quelques
200 kilomètres, et le versant opposé, descendant en pente douce sur
la mer des Antilles, est au contraire d'une remarquable stabilité.
Le Yucatan est une grande dalle de calcaire tertiaire, frangée de
Quaternaire, et restée horizontale, non plissée et sans grands déran-
gements. Sa constitution est karstique, et ses Cenotes correspon-
dent aux dolines des Alpes orientales. Ignorant les tremblements de
terre, elle participe au repos séismique de la Floride et des Bahamas
avec lesquelles elle formait naguère un ensemble, simplement mor-
celé, récemment, le long de cassures franches représentées par les
fonds de 2 100 mètres qui la séparent de l'extrémité occidentale de Cuba,
et ceux de 3 500 mètres de la Méditerranée mexicaine. L'absence de
tout plissement tertiaire rend bien compte d'une stabilité qui s'étend
aussi au Tabasco, où régnent à peu près les mêmes circonstances
géologiques.
Le Centre-Amérique s'étend au Nord jusqu'à Tisthme de Tehuan-
tepec et par conséquent le Chiapas, tout au plus pénéséismique, doit
être considéré comme lui appartenant. San Juan Bautista et San
Cristobal forment un médiocre foyer d'ébranlement, qu'expliquent le
relèvement et les dislocations consécutives des sédiments secondaires
contre la Cordillère longitudinale archéenne, ou Sierra Madré, du
Centre-Amérique '. Le désastre qu'aurait en 1828 produit un tremble-
ment de terre à Villa Hermosa et Tacotalpa paraît peu authentique ;
c'est sans doute quelque séisme simplement sévère, considérablement
exagéré; en tout cas on n'y connaît aucun autre fait de ce genre.
Depuis les voyages de Karl Sapper\ on commence à comprendre
les grandes lignes, déjà esquissées par DoUfus et de Montserrat',
de l'orographie et surtout de l'histoire géologique du Guatemala.
Une chaîne archéenne et primaire forme entre le golfe de Honduras
et le Chiapas un arc à grande courbure, pénétré par le sillon des
vallées des Bios Motagua et Chiapas, divergeant en sens inverse des
Altos de Huehuetenango, Quiche et Alta Yera Paz ; ce versant,
d'abord très tourmenté le long du massif, est composé de bandes
* E. BOse. Los temblores de Zanatepec, Oaxaca, à fines de Septiembre de 1982 {Parer-
gonesdelinsL geoL de Mexico, l, 1, 1903).
* Gmndzûge der physikalischen géographie von Guatemala {Petermann's geogr. Mitlh.,
Gotha, 1894, Erg.-helftN* 113). — Id, Jn den Vulkangehieten MitUlameHkas und IVes/ui-
dien8. Reiseschilderangen und Studien ûber die VulkanausbrÛcheder Jahre 1902 bis 1903,
ihre geologischen, wirtschaiUichen und sozialon Folgen (Stuttgart, 1905).
3 Voyage géologique dans les Républiques de Guatemala et du Salvador (Mission tcvnt-
tifique au Mexique et dafis VAménque centrale. Géologie, Paris, 1868).
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 387
étroites et très disloquées de sédiments paléozoïques, mais d'âge
encore mal délini. LePéten, relativement peu accidenté et aux longues
ondulations, est formé de couches crétacées et tertiaires largement
étalées, dont il est inutile de parler davantage, les séismes y parais-
sant inconnus, vraisemblablement en raison même de la douceur des
ondulations de son relief.
Le Bélize, ou Honduras britannique, est le tliéâtre de quelques
secousses autochtones, plutôt faibles et rares. On ne peut à leur
sujet que rappeler la raideur avec laquelle cette côte est coupée du
côté de Cuba, sans oublier cependant que cette circonstance lui est
commune avec le Yucatan si stable.
Par contre le fond du golfe Amatique est certainement assez
exposé. Sans compter le contre-coup des grands tremblements de
terre venant du Guatemala, on connaît un certain nombre de chocs
à Livingston, Santo Tomas, Trujillo et Tîle de Roatan, et en 1856
Omoa a souffert notablement. Or cette côte correspond à divers acci^*
dents importants : la dépression du lac d'Yzabal, ouverte au pied
de la Sierra del Mico, se déverse dans TAtlantique par le Rio Dulce
au travers d'une petite chaîne, crétacée et tertiaire, parallèle au rivage
du fond du golfe entre Sarstoon et Puerto Barrios, et qui, tout à fait
indépendante du système orographique du Guatemala central, doit
son origine à une poussée récente. Cette côte montre des traces d'af-
faissement moderne, depuis les temps historiques ; enfin et surtout,
les petites îles de Roatan et d'Utila sont implantées sur le raide et
profond talus prolongeant jusque-là les^ hauts fonds qui représentent
la chaîne médiane des Grandes Antilles (Sierra Maestra de Cuba et
Caymans), que les tremblements de terre ébranlent si gravement
dans sa partie orientale. Il ne manque donc pas, au voisinage du
golfe de Honduras, de causes probables d'instabilité, sans qu'il y ait
à faire appel aux dislocations du synclinal du Motagua, accident
trop ancien pour cela.
Ce versant septentrional du massif guatémaltèque présente autour
de Coban, dans le département de TAlta Yera Paz, une région au moins
pénéséismique, mais dont l'étendue réelle est encore tout à fait impré-
cise. Tout ce qu'on en peut dire, d'après Sapper, c'est que non loin
de là, et au Nord de la Sierra de Pocolhà, les couches . crétacées
sont disposées en petites chaînes très plissées et faillées, et que le
Tertiaire s'y montre en petits bassins, allongés suivant la même
direction E.-W. Le même explorateur * pense que certaines de ces
* Ueber Erderschûtterungen in der Alla Vera Paz, Guatemala {Zettschr. d, deulsch.
geol, Ges,, XLVII. 832).
388 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
secousses pourraient être produites par des éboulements de dolines,
mais il a bien soin d'ajouter qu'il n'a pas de preuves de fait à donner
à Tappui de cette opinion, que nous avons eu bien des fois l'occasion
de montrer inadéquate aux effets à expliquer ; en tout cas^ il se
trompe certainement lorsqu'il assimile ces circonstances séismo-
géniques à celles du Tabasco, puisque le sol ne tremble pas dans cet
État mexicain, couvert par des formations tertiaires restées hori-
zontales ^
Dès les époques les plus reculées, et peut-être sans discontinuité,
les forces internes se sont donné libre carrière sur le flanc pacifique
de Tancienne Sierra Madré guatémaltèque pour lui élever un rem-
part de roches éruptives de tous les âges, granités, diorites et dia-
bases, plus tard porphyres, andésites, trachytes et basaltes, que
couronnent maintenant les plus récents cônes volcaniques actifs
ou éteints. Il est bien certain aussi que l'activité éruptive a été
extrême dans tout le Centre-Amérique à la fin du Crétacé et au com-
mencement du Tertiaire, en même temps d'ailleurs que dans les
Antilles, et antérieurement au grand plissement qui, à l'Oligocène
moyen, a érigé les rides montagneuses des Indes Occidentales. Ce
mouvement, qui explique au moins en partie l'instabilité de celles-
ci, s'estril étendu à l'Amérique centrale? C'est fort probable, mais la
géologie n'en est pas encore assez avancée pour que l'on puisse Taf-
firmer pour d'autres régions d'ébranlement que celle de TAlta Vera
Paz.
he versant pacifique du Guatemala est très exposé aux tremble-
ments de terre, et c'est sans hésitation que les observateurs ont
considéré ceux-ci, sans plus de détails, comme d'origine volcanique.
La question vaut qu'on s'y arrête. La ligne volcanique commence en
réalité dans le Salvador, à l'Izalco, assez brusquement né en 1770,
et se développe en ligne droite de direction S.E.-N.W., jusqu'au
Tacanà sur la frontière mexicaine, A l'Izalco, elle pousse vers
le Nord une branche plus petite, éteinte au moins depuis la con-
quête espagnole. Sur toute son extension, elle comporte trois districts
séismiques bien distincts : au Nord celui de Quetzaltenango-Sololà,
avec les volcans actifs de Santa Maria et Atitlân ; au Sud le Santa-Ana
et rizalco près de Sonsonate; enfin au Centre celui de Guatemala, le
plus dangereusement exposé de tous, avec les volcans actifs de
Fuego et du Pacaya. Tous les autres évents sont au contraire
éteints, quand leur activité ne se borne pas à quelques simples
* Th. Laguerenne. Estado de Tabasco. Descripciôn topogrâGca (Ifem. Soe.cient. Anto-
nio Alzale, XVII, 125, Mexico, 1902).
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 389
fumées. Cette disposition semblerait donc appuyer Torigine volca-
nique des trois régions séismiques. En effets Ton ne saurait arrêter
la ligne éruptive à l'Izalco ; tout démontre qu'elle ne diffëre en rien
de celle du Salvador, du Nicaragua et du Costa-Rica même. On
arrive alors à San Salvador, au pied du volcan éteint du même
nom et non loin du lac d'Ilopango, au centre duquel s'est formé un
éphémère volcan en 1879-80. Cette ville, dont les catastrophes ne le
cèdent en rien, comme nombre et violence, à celles de Guatemala,
donnerait raison à la théorie volcanique, si, bien plus près du vol-
can, ne se trouvait Santa Tecla, toujours indemne de tremble-
ments de terre sévères. Plus loin encore, San Vicente, au pied du
Ghichontepec, depuis les temps historiques complètement inactif
et réduit à Tétat de solfatare, a eu des tremblements de terre sérieux.
San Miguel a tout autant souffert des séismes que des éruptions
de son volcan, et La Union est certainement beaucoup moins
exposée, quoique située au pied même du Conchagua, dont on con-
naît une éruption, et non loin du Coseguîna, qui, de l'autre côté de
la baie de Fonseca, a eu, en 1835, une des plus violentes explo-
sions, d'ailleurs unique, dont l'histoire fasse mention, et tout à fait
comparable à celle duKrakatoa en 1883. Au Nicaragua, le Las Pilas,
surgi en 1850, le Masaya et l'Omotepec sont ou ont été actifs, mais
l'instabilité des villes de Léon, Granada et Rivas est déjà fort atté-
nuée, quoique encore notable. Enfin au Costa-Rica, San José et Car-
tago complètent, au pied du Poas et de l'Irazii à l'activité intermit-
tente, la série des districts à catastrophes séismiques. Si donc au
Chili l'indépendance entre les phénomènes volcaniques et séismiques
est patente, ici elle est beaucoup moins nette, et ne saurait résulter
du parallèle qui vient d'être établi entre les deux ordres de faits. Mais
personne n'a voulu voir que le littoral des quatre républiques est
très stable, à peine ébranlé de temps à autre par quelques secousses
propres, si l'on néglige les chocs venant de l'intérieur, de sorte que
de la frontière du Mexique à celle de la république de Panama, l'ins-
tabilité règne sur le flanc interne de la Cordillère côtière et volca-
nique, à la presque exclusion de son versant maritime. Cette obser-
vation suffit à elle seule pour faire considérer les tremblements de
terre de la côte du Pacifique comme tout à fait indépendants des
manifestations volcaniques, puisqu'ils se restreignent au seul versant
interne de la chaîne éruptive; il est évident que si ces séismes
étaient d'origine volcanique, ils ébranleraient également les deux
versants.
Cette stabilité de la côte n'est pas absolue, cependant. Le grand
390 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
tremblement de terre de Quetzaltenango, du 18 avril 1902, a bien
eu, d^Amatitlan au Tacanà, et plus loin encore dans le Mexique, son
aire dévastatrice, allongée sur la ligne éruptive ; mais faiblement
ressenti sur toute la plaine quaternaire littorale, il a été assez vio-
lent au port d*Ocos pour y produire de tels dégâts et laisser des
traces si marquées de ses ondes sur le sable du rivage, que Sapper^
a été amené à lui supposer une origine voisine de ce port et, faisant
du phénomène une conséquence de Taffaissement de la côte, il a
étendu cette conclusion à la secousse qui s'y était fait sentir le
18 janvier précédent, cette fois à l'exclusion de Quetzaltenango.
Par contre, Deckert'* regarde ces deux séismes comme des tremble-
ments de terre de relai de celui de Ghilpancingo (Mexique) du 16 jan-
vier. Cette opinion est inadmissible, à cause de la distance et aussi
du peu d'importance de cette dernière secousse. Enfin les journaux ont
fait mention de vagues séismiques le long de la côte du Salvador,
le 21 février 1902. Ainsi donc, si l'isobathe de 4 000 mètres repré-
sente un accident tectonique, ce qui est d'ailleurs bien probable, son
influence séismogénique directe n'en est pas moins à peu près
nulle.
Reste donc l'hypothèse que la zone volcanique, si exposée aux
tremblements de terre, mais presque exclusivement du côté interne,
correspond en même temps à une grande dislocation, complètement
masquée par l'accumulation des produits éruptifs. Cette supposition
n'est pas tout à fait gratuite. En effet, l'épaisseur des dépôts crétacés
supérieurs dans les Indes Occidentales est telle, ainsi qu'on l'a vu
plus haut, que Hill a été amené très plausiblement à admettre l'exis-
tence de quelque grande terre dans l'Ouest, sur l'emplacement actuel
du Pacifique, au large du Centre-Amérique, et suffisamment étendue
pour fournir par sa dégradation la quantité nécessaire de matériaux
détritiques d'origine terrestre. Cette surface continentale se serait
effondrée entre l'Éocène supérieur et l'Oligocène, comme dans les
Antilles. Il résulte de la structure actuelle que ce dernier mouve-
ment se serait effectué en deux gradins, l'isobathe de 4 000 mètres,
devenue stable, et la dislocation supposée cachée sous la bande vol-
canique, de sorte que les tremblements de terre résulteraient d'un
reste de mobilité de la lèvre du massif central, puisque c'est de ce
* Das Erdbebcn in Guatemala vom 12 April 1902 (Petermann's geogr, Mitth. XLVUI,
1902.193).
• Die Erdbebénherde und Schùtlergebiete von Nord-America in ihren fieziohungen lu
den morphologischenVerhaltnissen (Zeitschr. d. Ges. /. Erdkundezu Berlin, 1902, n« 5
367).
LES ANTILLES ET LE CENTRE-AMÉRIQUE 391
côté seulement qu'ils se manifestent. Le plissement tertiaire n'a
pas eu lieu, contrairement à ce qui s'est passé aux Antilles, et, par
suite^ on ne voit pas bien comment on pourrait expliquer autrement
les séismes dont il s'agit.
Il faut noter, à titre de simple indication sur la possibilité de
trouver aux environs de Guatemala des dislocations locales capables
d'en expliquer la séismicité, que près de cette ville se rencontrent
des couches primaires très relevées et pincées entre le granité et les
roches éruptives, de sorte qu'on se trouve là en présence d'un ancien
géosynclinal.
Il serait exagéré de dire que les tremblements de terre du Centre-
Amérique sont toujours indépendants des phénomènes volcaniques*
C'est ainsi que les innombrables secousses du lac d'Uopango étaient^
en 1879-1880 S en relation manifeste avec les éruptions de Téphémère
volcan surgi en son milieu.
Les lacs de Managua et de Nicaragua n'ont aucune importance
tectonique pouvant leur faire jouer un rôle séismogénique, car ils
résultent uniquement d'un barrage par des épanchements volca-
niques. Ce pays reste donc, en réalité, formé par une douce déclivité
partant du rebord abrupt de la Mosquitie, et que masque seulement
le bourrelet volcanique adventif. Mais, d'un autre côté, les courtes et
sèches vallées de la côte du Pacifique se prolongent loin sous Focéan,
en y conservant le caractère de fjords dont la profondeur dépasse
300 mètres. Cette curieuse structure est l'indice d'un assez récent
mouvement de descente, qui pourrait bien n'être pas étranger aux
séismes de ce pays.
Les recherches de Pittier* sur les tremblements de terre du Cos-
ta-Rica n'ont apporté aucune lumière sur leur genèse.
La Mosquitie n'est guère troublée que par quelques rares séismes
de Greytown, ou San Juan del Norte, et il en est de même pour
tout l'isthme montagneux et archéen du Costa-Rica méridional et
du Veragua.
La stabilité de l'isthme de Panama a une importance capitale au
point de vue de l'avenir du canal interocéanique ; aussi s'en est-on
beaucoup préoccupé'. Elle est réelle, et les observations montrent que
* E. Rockstroh. Informe de la Comisiân cienltfica del Instiluto nacional de Guatemala
para el esludio de las fenômenos volcdnicos en el lago de llopango (Guatemala, 1880).
— W. A. Goodyear. Earthquake and volcanic phœnomena of December 1879 and
January 1880 in tke Republic of Salvador (Panama, 1880).
• Fenômenos sismicos en Costa Rica en 1889, Apontamientos sobre el clima de Costa Rica
(San José, 1890).
' M. Bertrand et Ph. Zarcher. Les phénomènes volcaniques et les tremblements de
392 GÉOGRAPHIE 8É18MOLOGIQUE
trois à quatre secousses autochtones annuelles ne sont pas pour les
faire redouter. On n'y connaît aucun tremblement de terre simplement
sévère, circonstance tout à l'avantage du choix de cet isthme, à
peine pénéséismique. Cette immunité ne résulte pas de ce que l'ac-
tivité volcanique a cessé depuis la fin du Miocène, mais seulement
de ce que l'isthme forme une voûte très surbaissée dontl'exondation,
pour récente qu'elle soit, résulte de mouvements à grand rayon de
courbure, n'ayant pas donné lieu à un relief bien accentué, d'où
l'absence de grandes dislocations ; c'est aussi que la poussée orogé-
nique des Indes occidentales a été ici incapable d'ériger une
véritable chaîne plissée et que le géosynclinal en est fort éloigné;
l'isthme est, en effet, tout entier compris dans l'intérieur de la courbe
que décrit le grand accident vers l'Est, pour passer sur les Petites
Antilles et revenir au Centre-Amérique par les grandes îles.
terre de l' Amérique centrale (Compagnie nouvelle de Panama. Rapport de la commisnout
Annexe II, 107, Paris, 1899).
CHAPITRE XXII
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES
1. — Le Mexiq[ue.
Sauf pour le détail, la séismologie du Mexique est bien connue
maintenant, surtout en ce qui concerne toute la partie centrale du
pays, depuis la publication du grand catalogue d'Orozco y Berra^
des tremblements de terre signalés depuis la conquête. La Société
Antonio Alzate a publié les séismes de 1889-90', et l'Observatoire
central de Mexico continue depuis cette époque pour les secousses
qui lui sont signalées par ses nombreux correspondants disséminés
sur toute la surface du pays*. Il n'en est pas de même pour la géo-
logie, encore bien obscure, même pour le centre, et il reste certains
problèmes géographiques à élucider. Dans ces conditions, il ne faut
pas s'attendre à trouver des tremblements de terre mexicains une
explication suffisante, en dehors du fait d'ordre général que ce pays
appartient au géosynclinal circumpacifique pour la plus grande
partie de sa surface, en particulier pour tous ses territoires instables,
qui comptent parmi les plus éprouvés du monde. On en va faire
la description du Nord au Sud.
La presqu'île de la Vieille (ou Basse) Californie est une longue
arête granitique et schisteuse, à pentes douces sur l'océan, et que
borde un abrupt sur l'étroit et peu profond golfe de Californie, ou
mer Vermeille. Lindgren* a bien mis en évidence qu'elle ne prolonge
pas géologiquement les Coast Ranges de la Californie proprement dite,
* Efemérides sismicas mejic&nas {Mem. Soc. cient. Antonio Alzate, I. 303, Mexico,
1887). — Id. Adiciones ilasef. sism. mej. (Id., II, 253,1888-89).
' Puja y Santillàii Aguilar. Catàlogo de los temblores de tierra y fenômenos volcànicos
verificados en la R« Mejicana durante el a&o de 1889, de 1890 (Id. H, III).
■ Boletin mensual del ohaervatorio meteoi'olôgico, magnético central de Mexico (sous
ies rubriques : Sismologla ; Vulcanologta).
* W. Lindgren. Notes on the Geology of Baja Califomia (Procccd. Calif. Ac. Se, I,
m).
394 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
mais bien la Sierra Nevada. Quelques lambeaux de grès crétacés à
Coralliochama recouvrent des diorites et des porphyres. Leur peu
d'inclinaison paraît indiquer une absence de plissements qui justi-
fierait la stabilité de la presqu'île, où de rares séismes se font seu-
lement sentir dans une petite aire d'ébranlement s'étendant de
Loreto à Moleje, précisément du côté de Tabrupt intérieur. On a bien
parlé d'une faille longitudinale, ayant facilité la production des
phénomènes volcaniques de Las Yirgenes, mais si un tel accident
existe réellement, il est visible qu'il s'est stabilisé. Au Nord, Des-
canso et Santo Tomas ressentent des secousses venant de San Diego,
centre séismique important de la Californie proprement dite. Si
Tarète de la presqu'île représente la Sierra Nevada fortement
abaissée, la mer Vermeille doit par conséquent correspondre de
son côté à la dépression, ici submergée et très rétrécie, du Grand
Bassin du Lac Salé de TUtah, dont elle partage la stabilité, et dès
lors les séismes de Loreto et de Moleje, le long de l'escarpement
interne, seraient les homologues bien diminués de ceux de la faille
du versant oriental de la Sierra Nevada, se prolongeant au Sud par
cet abrupt. Les secousses de Todos Santos ressortissent sans doute
au foyer séismique important de Fort Yuma, et on les a mises en
relation avec les phénomènes volcaniques plus ou moins authen-
tiques du bas Colorado, et aussi, avec plus de vraisemblance, avec
un système de failles parallèles.
La masse continentale mexicaine est bordée à l'Ouest par la Sierra
Madré occidentale, dont les roches anciennes ou cristallines font
suite aux roches similaires des chaînes de l'Arizona, et son émersion
est certainement de date très reculée. Dans le Nord surtout, les pro-
duits éruptifs prennent un imposant développement, trachytes, rhyo-
lites, dolérites, basaltes, etc., vraisemblablement de date tertiaire ou
crétacée supérieure comme dans les Antilles, et masquant les gneiss
et les schistes cristallins qui se montrent à découvert entre les
27* et 22' parallèles. La Cordillère cristalline est généralement assez
stable. Sur la frontière, elle présente à Nogales un foyer d'ébranle-
ment, plus souvent que gravement secoué, et continuant celui de
Tucson dans l'Arizona. Le 3 mai 1887, un violent tremblement de
terre, suivi de nombreux chocs consécutifs, a eu pour centre Bavispe,
ou Moctezuma; il a été extrêmement sévère, presque destructeur
même, et ses isoséistes, de forme très allongée et dont l'axe coïnci-
dait bien avec celui de la Sierra Madré, se sont étendues jusqu'au
Mexique central et loin dans le N. W., en Californie. Cette diposition
suffit à en faire un séisme d'origine tectonique.
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 393
C'est du reste l'opinion d'Aguilera^ qui, dans une importante étude
sur ce séisme, conclut en l'attribuant à une dislocation des roches
éruptives anciennes recouvertes par les formations quaternaires. Il
va même jusqu'à ne pas croire terminée encore la surrection de la
Sierra Madré occidentale et à lui enlever le caractère volcanique
qu'on a voulu lui attribuer, mais Sterry Hunt et James Douglas^
ont réduit à leur véritable valeur les phénomènes éruptifs signalés
dans le voisinage, et qu'ils regardent comme de simples incendies
de forêts. En 1897, un autre tremblement de terre a présenté la
même forme d'isoséistes, mais avec son foyer beaucoup plus au
Sud '. On est donc bien assuré que les mouvements orogéniques se
perpétuent le long de la Cordillère, et peut-être sont-ils la continua-
tion de ceux qui ont facilité la sortie des produits éruptifs par des
fractures.
Guaymas et Hermosillo ont été le siège de quelques tremblements
de terre dont les axes des isoséistes paraissent avoir été perpendi-
culaires à la chaîne. Quoiqu'ils n'aient pas été signalés dans la basse
Californie, où ils échappent facilement à l'observation, ils auraient eu
leurs épicentres dans la mer Vermeille, dans la presqu'île, ou môme
au delà dans le Pacifique. En août 1902, un raz de marée, peut-être
d'origine séismique, aurait balayé la côte autour du port d'Altata
(Sinaloa) et des vagues anormales ont été signalées en 1883 aux îles
Très Marias.
A l'Est de la Sierra Madré occidentale s'étendent les dépressions
sans écoulement, appelées Bolson de Mapimi, qui se relient gra-
duellement au plateau central mexicain, ou Anahuac. Ces steppes
stériles, au sol détritique d'alluvions et de tufs, sont coupés sous l'ac-
tion des pluies d'été par de profondes gorges ou barrancaSy souvent
infranchissables, et sont accidentées de chaînons parallèles, courts
et morcelés, qui, s'alignantN. W.-S. E. comme la Cordillère, sépa-
rent les différents bassins les uns des autres. Le plateau semble donc
s'être affaissé entre les deux Sierras, exactement comme le Grand
Bassin derUtah,dont il représente en quelque sorte le prolongement.
Ainsi les vicissitudes auraient été un peu différentes dans Tentre-deux
des Montagnes Rocheuses et dans celui des Sierras Madrés mexicaines,
puisqu'on a déjà été conduit à voir aussi dans la mer Vermeille le
* Estudio sobre los fenômenos sismicos del 3 de Mayo de 1887 {Anales del Min, de *
t'omento de la Rep. Mexic., X. 5. 1888).
* The Sonora earthquake of May 3^^, 1887 (Trans. seitm» soc, ofJapan, XII, 29, 1889).
* Toutes les considérations relatives aux isoséistes, mentionnées dans ce chapitre,
sont extraites du mémoire déjà cité de Deckert (voir p. 390).
396 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
prolongement du Grand Bassin, ce qui suppose que la Sierra Nevada
s'est dédoublée en la Sierra Madré occidentale et en Tarète de It
presqu'île californienne. Quoi qu'il en soit, le Bolson de Mapimi,
stable, n'est ébranlé que sur ses bords occidentaux, au pied même
de la Cordillère de l'Ouest. Ces secousses de Chihuahua, Parral,
Cerro Gordo et Durango, correspondraient aussi à celles de la faille
longitudinale de la Sierra Nevada, dont il sera parlé plus loin. Dans
le Sud du désert, des chaînons longitudinaux de Crétacé et de Pri-
maire le divisent en compartiments dont les dislocations prouvent
l'extinction de leur mobilité par l'absence des secousses séismiques.
La Sierra Madré orientale n'appartient pas au géosynclinal, tel du
moins que l'a tracé Haug. Toute son ossature est formée de Crétacé
inférieur, le Crétacé supérieur ayant disparu sous l'action des agents
extérieurs de destruction. La chaîne continue ses analogues stables
du Texas, et les séismes ne l'ébranlent guère davantage ; on en con-
naît quelques-uns à Linares. Ce n'est cependant pas que cette région
n'ait subi de nombreuses révolutions ; à plusieurs reprises, le golfe du
Mexique s'est considérablement étendu vers le Nord par le Texas
jusque dans le bassin du Mississipi, franchissant même le plateau
central actuel du côté du Pacifique. Il n'en est pas moins certain que
la poussée orogénique antillienne de l'époque oligocène, transver-
sale à celle des Andes et des Rocheuses, n'a laissé de traces de
plissements et, par suite, d'instabilité séismique, ni au Texas, ni
dans le Mexique du N. E. Quant à la large côte tertiaire et quater-
naire du golfe du Mexique, elle ne ressent nulle part de chocs jus-
qu'au 21* parallèle.
Les pentes septentrionales du plateau central de l'Ànabuac sont
parfois ébranlées. Ciudad Galeana, Las Norias, Tula de Tamaulipas
et Jacalà ont donné lieu à un certain nombre d'observations, mais
on ne saurait rien dire sur l'origine de ces secousses, d'ailleurs
rares et peu sévères.
Le plateau lui-même est accidenté par un certain nombre de bas-
sins lacustres fermés, qui constituent une région séismique bien
caractérisée, mais où les tremblements de terre fort sérieux n'attei-
gnent cependant pas, à beaucoup près, la même violence qu'au Sud.
Mexico et ses alentours ont bien eu à supporter des dommages d'ori-
gine séismique, mais les observations scientifiques du xix* siècle
sont là pour faire penser que les secousses sévères ou destructives
y viennent exclusivement du Sud, du bassin du Rio Mexcala, et que
des chocs propres sont peu à craindre. On entre là dans le domaine
des roches volcaniques tertiaires et modernes, qui ont couvert d'un
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES
397
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398 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
épais manteau une énorme surface triangulaire, coupant en écharpele
Mexique central de San Blas à Manzanillo et terminée en pointe à
Jalapa, vers le golfe du Mexique. Quelques lambeaux de Jurassique,
et surtout de Crétacé, émergent de cette véritable inondation érup-
tive. La géologie en est encore trop obscure pour que Ton puisse
chercher les causes locales d'une instabilité modérée, déjà souvent
signalée pour ces grandes nappes plutoniennes.
Plus à rOuest, Guadalajara et San Gristobal forment une impoi^
tante région séismique. Le tremblement de terre du 7 avril 1845
causa beaucoup de dommages à la première de ces villes, mais on
ignore quel a été son épicentre réel. En 1875, de très nombreuses
secousses les agitèrent toutes deux. Zacatecas aurait aussi souffert
en 1622. Enfin Guanajuato est célèbre parla série classique des bruits
séismiques de 1784, phénomènes qui se sont renouvelés depuis sur
une bien moindre échelle, il est vrai *.
Le bord méridional du plateau présente un autre foyer d'ébranle-
ment, Tlalpujahua, Ucareo, MoreliaetPatzcuaro. On ne peut cepen-
dant pas dire que les séismes y aient jamais causé de désastres, ni
de changements topographiques, malgré l'affirmation de Deckert
qu'en 1890 le lac de Ghapalà aurait, à la suite d'un tremblement de
terre, subi un important efiondrement, fait dont l'inexactitude a été
établie parBôse'.
Revenant maintenant au versant pacifique de la Sierra Madré occi-
dentale, on voit que là, Mazatlan et Acaponeta ressentent quelques
secousses, et qu'elles prennent déjà plus de fréquence à Jala, Ahua-.
catlan, et autour du volcan Ceboruco, réveillé en 1870 d'une extinc-
tion totale depuis les temps historiques, mais aucune n'y a jamais
été même sévère.
Au delà du Rio Banderas, on aborde d'après les cartes existantes,
même les meilleures et les plus modernes, un énorme escarpement,
par lequel jusqu'au delà de Puebla, le plateau central tombe à pic
sur la vallée du Rio Mexcala, cet abrupt courant W.-E. et cou-
pant le Mexique de mer à mer. On entre en même temps dans le
domaine des tremblements de terre les plus fréquents et les plus
violents. Depuis de Humboldt, tous les géographes ontadmis la réalité
de cet important accident, trait fondamental de la structure du pays,
et à leur suite les géologues l'ont considéré comme une gigantesque
* p. Monroy. Las minas de Guanajuato. Trucnos subterràneos de Guanajuato [AfuiUs
delMin. de Fomenlo de laR^ Mexicana, X, 410, Mexico, 1888).
' Sur les régions des tremblements de terre du Mexique {Mem. Soc. cienL Antonio
Alzate, XIX, 159, Mexico, 1903).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES
399
fracture ayant découpé le bord du plateau mésozoïque central et
jalonnant son cours par de nombreux volcans; ceux de Tépoque
actuelle ne reflétant que bien timidement l'activité de leurs prédéces-
seurs. Une telle dislocation ne pouvait manquer de jouer un rôle
séismogénique de premier ordre ; aussi les tremblements de terre du
Mexique étaient-ils regardés sans discussion comme ayant une ori-
gine tectonique liée à l'effort orogénique correspondant à la cassure,
et Deckert n'a pas hésité à les faire dériver du mouvement d'effon-
drement de la partie méridionale du bloc ainsi coupé en deux. Ces
vues paraissaient incontestables, surtout après les travaux géolo-
giques de Félix et Lenk\ lorsqu*en 1899 Bôse' est venu étendre
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Fig. 68. — Profil de Mexico à rocéan Pacifique. Direction S. W.
aux volcans du Mexique l'indépendance, vis-à-vis des failles préexis-
tantes, énoncée l'année précédente par Branco. Bôse semble bien
avoir démontré que la fracture mexicaine, volcanique ou non, n'a
pas d'existence réelle, et, par conséquent, il faudrait chercher ailleurs
la cause des tremblements de terre de cette partie du pays.
Il ne nous appartient pas de prendre parti en faveur d'une manière
de voir qui renverse toutes les idées reçues jusqu'à présent sur la
géologie du Mexique; abandonnant avec regret une dislocation qui
rendait si bien compte de ces tremblements de terre, nous nous con-
tenterons de signaler deux observations qui semblent donner raison
à Bôse et à Aguilera. On trouve dans le Boletin mensual del Observa-
torio de Mexico (1901) un profil destiné à exphquer la formation des
cumulus par les vents du S. W. frappant la Sierra Madré centrale au
sud de Mexico. Coté horizontalement et verticalement, il fait ressortir
• Ueber die tektonischen Verhftitnisse der Repubiik Mexico (Zeitschr, d. DeuUch. geol.
Ces. 1892, 303). — Id. Ueber die Mexicanische Vulkanspalle (Id. 4894, 678).
* Ueber die Unabhangigkeit der Vulkane von pràexistirenden Spalten {Insliluto geol.
de Mexico, Dec. 1899. Mem, Soc. cient. Antonio Alzale, XIV, 1897-1900. 225).
400
GÉOGRAPHIE SËI8M0L0GIQUE
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MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 401
dans la direction S. W. cette particularité^ fort digne d'attention,
que la ligne entre Mexico (2239 mëtres d'altitude) et La Union de
Guerrero, sur le Pacifique, prolonge exactement la pente occiden-
tale de la Sierra de Guerrero, passe un peu au-dessus de la vallée
du Rio Mexcala, suit le fond de la dépression de Tenancingo, puis
enfin vient aboutir à la capitale en émergeant de dessous la Cordil*
lëre. Sa pente est seulement de 0,66 p. 100, ce qui n'est pas l'indice
d'un abrupt comparable à celui en litige. Félix et Lenk ^ ont publié
les profils longitudinaux des chemins de fer mexicains. La même
impression se dégage immédiatement de l'examen de celui qui con*
cerne la ligne de Mexico à Puente de Istla sur le Rio Mexcala par
Cuemavaca. Enfin la carte hypsométrique de Senties et Ochoa Vil*
lagomez ', où l'équidistance des courbes est de 500 en 500 mètres,
conduit exactement au même résultat. Il faut donc se résigner à
accepter la conclusion tirée de ces travaux concordants et admettre
que le plateau central mexicain ne tombe pas abruptement, au Sud
de la vallée du Rio Mexcala ou de las Balsas, par une dislocation
résultant de son démantèlement et de l'effondrement de sa partie
méridionale. Son rôle séismogénique disparaît du même coup.
La région instable commence aux environs du Colima. La ville
du même nom, au pied du volcan, Zapotlan, Sayula et Manzanillo
sont les points qui ont donné lieu au plus grand nombre d'observa^
lions de tremblements de terre. Les deux premières villes ont plu-
sieurs fois subi des dommages considérables. Il est possible que ce
foyer soit d'origine volcanique.
Un autre foyer d'ébranlement s'étend autour du coude du Rio
Mexcala, d'Aguililla à Gohuayutla, Aguas Blancas, Ârio et Tacam-
baro. Il ne semble pas qu'il ait été aussi éprouvé que le précédent,
et il pourrait bien ne faire qu'un avec celui d'Ucareo et de Tlalpu-*
jahua, déjà mentionné, de l'autre côté de la Cordillère.
Iguala, Tenancingo et Xochitepec forment au S. W. de Mexico
un district instable, dont les séismes ne sont peut-être pas indépen-
dants de ceux de cette ville et de La Puebla de Los Angeles.
La grande instabilité de 'la côte du Pacifique commence bien à
Zihuatanejo, La Union de Guerrero, Tecpan de Galeana, et San Jerô-
nimo; mais elle ne devient redoutable qu'à Acapulco. De ce port à
Jamiltepec, et dans l'intérieur, de Ghilpancingo à Oaxaca, les trem-
* Bol. mens. d. Obs. met. magn. c. de Mexico, 1902.
* Tablas de alturas de la obra : Datos para la Geologfa y Paleontologfa'de la Repùblica
M ezicana. [An. del min. de Fomenlo, XI, 1898, 363. Mexico ; traducida del alemàn par
Is. £p8tein) .
De Mottemus. ^ Tremblemenls de Une. 26
402 GÉOGRAPHIE 8ÉI6MOLOGIQUE
blements de terre sont continuels, et on ne compte plus leurs désas-
tres. C'est par excellence la région dangereuse du Mexique. Le plus
souvent, les isoséistes des grandes secousses ont leur grand axe
couché sur le flanc méridional de la Sierra Madré, le thalweg de la
vallée du Rio Mexcala, la crête de la Sierra (surtout archéenne) de
Guerrero, le littoral et enfin la courbe bathymétrique de 4000 mètres,
quatre éléments géographiques à peu près paraUëles. La direction
perpendiculaire est beaucoup moins fréquente. Ordoiiez et Bôse^
ont établi que la profonde vallée du Rio Mexcala n'est pas un acci-
dent tectonique et ne résulte que de Térosion. Aussi ces tremblements
de terre ne peuvent-ils y trouver leur origine. Ce n'est pas qu'il
manque, dans cette région, de dislocations importantes et pouvant
jouer un rôle séismogénique : plissements et failles du Crétacé, sur-
tout de ses couches moyennes, par exemple entre Esperanza et
Tehuacan, ou bien aux environs de TOcelotepetl, volcan éteint au
S. W. ; mais on reste dans l'impossibilité d'attribuer tel ou tel épi-
centre à des accidents tectoniques particuliers, dans l'état actuel des
connaissances géologiques.
Le rôle séismogénique du talus sous-marin se manifeste à Aca-
pulco par des vagues séismiques, parfois dévastatrices, dont la plus
remarquable a été celle de 1837. Par une coïncidence tout à fait digne
d'attention, et qui vient bien à l'appui de cette influence, la partie
du littoral véritablement instable s'étend du cap Corrientes à Puerto
Angeles, près et au Sud de Pochutla, et l'instabilité aux golfes de San
Blas et de Tehuantepec en même temps que les isoséistes. En outre,
bien des tremblements de terre ne font que la mordre, de sorte que
les isoséistes indiquent des épicentres sous-marins. Souvent, des
navires partant d'Acapulco ou s'y rendant ont signalé des secousses
non ressenties à terre, tant au large de ce port que dans les parages
des îles Revilla Gigedo. Ces îles auraient même disparu au commen-
cement de janvier 1905, si l'on en croît des informations rapportées par
un vapeur, à la suite d'une éruption volcanique, ou d'un formidable raz
de marée d'origine séismique sous-marine *. Le fait demande confir-
mation.
L'instabilité ne se restreint pas exactement au flanc méridional de
la Meseta, ou plateau de l'Analiuac, elle contourne son angle oriental
par Gordoba et Jalapa, mais avec une intensité qui s'éteint graduelle-
ment vers La Vera Cruz. Gordoba et Orizaba ne sont pas toujours
viv^?SSr*®A?A^ '* geologla del vaUe de CUulpancingo {Mem. Soc. cient, Antonio AUaU,
XI Vf io97-'1900).
• Ëine verschwTindene Inselgruppe [Die Erdbebenwarte, IV, 161. Laibach, 1905).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES
403
indemnes de sérieux dommages. Si Ton consulte les profils des voies
ferrées, et en particulier ceux des deux voies^ nationale et internatio-
nale, qui relient La Yera Cruz à la capitale, on voit que le talus abrupt,
dont on admettait l'existence au Sud, est bien plus marqué de ce
côté ; des lors, on aurait bien plus le droit d'assigner une influence
séismogénique à la fracture qu'il est supposé représenter. On se heurte
ici à une nouvelle objection, à savoir que l'instabilité ne dépasse pas
Jalapa, tandis que les pentes raides continuent d'exister vers le Nord.
On connaît au moins un cas de vagues anormales à La Yera Cruz,
mais c'est un fait à considérer comme exceptionnel.
De 1887 à 1895, Carlos Mottl, habitant Orizaba, a observé au séis-
moscope 1906 petites secousses» notées mensuellement dans les
des hauteurs f;>5ooooOT».
SOOOOQO
^^*'«"' (des disunott
Fîg. 70. — Profil du chemin de fer de Mexico & La Yera Cmz.
Mémoires de la Société Antonio Alzate de Mexico. Ce nombre consi^
dérable indique évidemment qu'elles sont d'origine volcanique et
qu'elles doivent être attribuées à un reste de vitalité de TOrizaba.
La séismicité dépasse Oaxaca pour continuer jusqu'à Salina Cruz
et Tehuantepec, où les secousses, restreintes au versant paciGque,
restent fréquentes, mais bien moins violentes.
Non content de donner, comme ses prédécesseurs, une origine
tectonique aux tremblements de terre du Mexique central, en les
associant à la faille dont Texistence est maintenant fort douteuse,
Deckert a fait intervenir cinq autres lignes transversales d'instabi-
lité et de fracture tout à la fois : Golima-Zapotlan-Guadalajara-
Aguas Galientes ; Goalcomân-Morelia-Guanajuato ; Acapulco-Ghil-
pancingo-Iguala-Mexico ; Oaxaca-Orizaba ; Tehuantepec-Minatitlan.
Bôse en a fait bonne justice, en montrant qu'elles n'existent que sur
les cartes et résultent de liaisons arbitraires établies entre les prin-
cipaux épicentres apparents.
Le versant atlantique de l'isthme de Tehuantepec, ou le bassin du
Coatzacoalcos, est extrêmement stable, en dépit de velléités plusieurs
fois manifestées par le San Andres Tuxtia de se rallumer; les
mugissements de ce volcan sont célèbres aux alentours* Dès 1850^,
* Bamard. The Uthmus of Tehuantepec (Washington, 1852).
404 GÉOGRAPHIE 8ÉI8MOLOGIQUE
ces conditions aséismiques avaient été mises en avant pour le
choix d'une voie interocéanique, plus favorable à ce point de vue*
que celle des lacs de Nicaragua.
On a déjà parlé du Chiapas, à propos du Centre-Amérique, dont
cet État fait géologiquement partie.
2. — Grand Bassin de FUtah et versant pacifique des États-Unis
et du Canada.
L'Ouest des États-Unis est caractérisé par Ténorme et double
chaîne des Montagnes Rocheuses et de la Sierra Nevada, dont les
deux branches comprennent entre elles la dépression sans issue
du bassin du Grand Lac Salé de TUtah, et dont le versant occidental
lui-même comprend la fosse du Sacramento et du San Joaquin,
séparée de TOcéan par les Coast Ranges de Californie. Les tremble-
ments de terre y sont maintenant bien connus, grâce aux travaux
de Holden et d'autres S et la géologie commence à être bien éclaircie
par les recherches de la pléiade d'explorateurs que le Geological
Survey dirige vers ces contrées.
Les Rocheuses proprement dites dominent les plaines du Missouri.
Du Wyoming au Nouveau-Mexique, c'est un grand anticlinal de très
ancienne existence, que la mer n'a entamé que temporairement au
Crétacé supérieur. Deux mouvements orogéniques s'y sont fait
sentir, le premier au milieu du Carboniférien, le second au Juras-
sique, et l'on y reconnaît aussi deux phases de plissement à la fin
des temps crétacés et au Miocène inférieur. Cette dernière époque
est déjà fort reculée, et d'un autre côté des laccolithes de roches
intrusives ont consolidé les Rocheuses de l'Est, qui ne connaissent
guère les tremblements de terre par suite de l'établissement d'un
équilibre stable. Seules quelques secousses ont été signalées jus-
qu'ici autour du lac Shoshone dans le Yellowstone National Park»
et à Helena, dans le Montana occidental. On voit que les grandioses
phénomènes éruptifs de tous ces territoires, quoique éteints depuis
peu, à l'époque pléistocène seulement, ne jouent aucun rôle séismo-
génique.
Les tremblements de terre sont peu fréquents, et en tout cas peu
redoutables au Sud, dans les plateaux du Colorado et de l'Arizona.
* List ofrecorded earthquakes in CcUifornia, Lower Califomia, Oregon and Washington
territory (Sacrapnento, 1887). — Id. A Catalogue of earthquakes on the pacifie coast, 17M-
1897 [SmitKsonian miscellaneous collections, n» 1087. City of Washington, 1898). —
G. D. Perrine. Earthquakes in Galifomia in 1898 (Washington, 1899).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPE'NDÂNGES 40S
Il existe cependant un médiocre foyer d'ébranlement à Pagosa
Springs, Prescott et Tucson, qui se prolonge jusqu'à Nogales dans
le Mexique. Une architecture tabulaire^ morcelée par les fameux
Caâons et des failles datant de l'époque tertiaire, rend bien compte
de cette stabilité par absence totale de plissements, quoiqu'il s'y soit
produit des cassures tellement récentes qu'elles ont affecté les pro-
duits volcaniques pliocënes. Dans la vallée inférieure du Colorado,
Fort Yuma est quelquefois ébranlé^ fait à rapprocher, sous toutes
réserves d'ailleurs* des curieuses dépressions d'effondrement qui s'y
creusent jusqu'à 90 mètres au-dessous du niveau de la mer voisine
et que la sécheresse du climat transforme en déserts salins. Le peu
d'importance des tremblements de terre infirme l'opinion que les
efforts orogéniques y seraient encore à l'œuvre.
D'après de NadaillacS à l'exemple des anciens Grecs, les Indiens
de Pueblo Bonito (pays des Navajos, Nouveau-Mexique) auraient eu
l'habitude d'insérer des rondins verticaux et horizontaux de bois dans
la maçonnerie de leurs habitations pour s'opposer aux effets des
tremblements de terre. Gomme ils sont rares, et en tout cas peu à
craindre dans ces territoires, nous inclinerions à penser, non que les
séîsmes ont cessé dans le pays depuis l'époque de ces constructions,
mais plutôt, si tel était bien le but de ce dispositif, que ces Indiens,
venant par émigration d'un pays instable, auraient conservé l'usage
en question, auquel cas la séismologie éclairerait un problème ethno-
graphique.
L* entre-deux des Montagnes Rocheuses et de la Sierra Nevada
comprend deux territoires bien distincts : les nappes éruptives du
Nord, Washington, Orégon et Idaho, et le Grand Bassin de l'Utah.
Les tremblements de terre sont jusqu'à présent à peu près inconnus
dans la région volcanique, dont les nappes ont recouvert le Pliocène
et n'ont cessé de s'épancher que pendant le Pléistocène, à Tépoque
du grand lac Bonneville. Ce déluge de laves a recouvert la surface
du pays et n'a plus subi que des effondrements locaux, sans consé-
quences séismiques posthumes actuelles. A peine peut-on citer quel-
ques secousses à Boisé City.
Il n'en va pas de même dans le Sud. La dépression du Grand Lac
Salé occupe, d'après Suess, l'emplacement d'une ancienne chaîne
qui a été plissée tant à l'époque jurassique qu'à l'époque tertiaire, et
dont la clef de voûte se serait effondrée entre les cassures des monts
Wasatch à l'Est et de la Sierra Nevada à l'Ouest. Le Lac Salé lui-
' Les GllfT-Dwellers (Revue des questions scientifiques, X. Oct. 1896, 385. Louvain).
40ê GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
même n'est que l'humble reste des immenses nappes intérieures de
Bonneville à TEst et de Lahontan à l'Ouest, accusées par leurs ler-
rasses successives, et qui recouvraient le pays à l'époque pléistocëne.
Mais ce trait géographique si important est maintenant à peu près
disparu ou en voie d'extinction finale, et ne saurait avoir d'intérêt
pour la séismologie. Ce qu'il importe au contraire de savoir, c'est
que les Monts Wasatch tombent sur la dépression par une cassure que
signalent les secousses modérées de Paris, Sait Lake City, Provo City,
Cove Creek, Fillmore, Pioche et Hebron. Ce rôle séismogénique de la
fracture est corroboré par les chocs tout aussi faibles qui se font sentir
le long d'autres failles secondaires du bassin à Winnemuca, Union-
ville, Eurêka, etc. S'ils étaient dus au dernier plissement, tertiaire,
les épicentres seraient sans doute beaucoup moins clairsemés. Mal-
gré tout, le Grand Bassin reste fort stable, moins toutefois que son
homologue du Mexique, le Bolson de Mapimi, et les séismes n'y sont
que des phénomènes rares et sans très grande importance, supé*
rieure cependant à celle qu'ils montrent dans la région éruptive du
Nord-Ouest.
Les tremblements de terre deviennent au contraire fréquents et
sérieux vers l'Ouest, des le flanc oriental de la Sierra Nevada de Cali-
fornie, Tout d'abord s'impose une remarque, confirmant trop bien
l'indépendance des phénomènes séismiques et volcaniques pour être
passée sous silence : c'est que la partie de la chaîne occidentale.
Cascade Range, où dominent les grands cônes à peine éteints du
Shasta, du Mont Hood et du Mont Rainier, est justement de beau-
coup la moins ébranlée. On ne s'occupera donc pas du Nord de la
chaîne, et tout ce qu'on en va dire se rapporte à sa partie méridionale,
au sud du Shasta, c'est-à-dire à la Sierra Nevada.
Quelques séismes ont été mentionnés au Fort Klamath, et c'est
non loin de là que Russell ^ a signalé dans la Surprise Valley, et
sur de grandes distances, des indices de mouvements très récents
d'anciennes fractures dont la végétation n'a pas encore eu le temps
de faire disparaître la fraîcheur ; les dénivellations atteignent une
quinzaine de mètres. Il est difficile de mettre en doute la relation
entre les phénomènes.
Le versant oriental de la Sierra Nevada est le plus raide, mais il
correspond à un relief bien moindre que l'opposé, descendant jus-
* A geological reconnoissance in southem Oregon (4f^ Ann. Rep. V. S. GeoL Surrey.
1882,83-431).
Id. Â. geological reconnoissance in central Washington [U. S. Creol. Survey Bull.,
n* 108.1893).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 407
qu'aux basses plaines du Sacramento et du San Joaquin. La ride
montagneuse tombe sur le Grand Bassin par une énorme faille, dont
le rejet n'est pas inférieur à 1800 mètres. D'après Diller^ sa forma-
tion est très récente, et ce serait l'affaissement du Grand Bassin qui
aurait mis cet accident en valeur, en rendant sa saillie apparente.
RusselP a reconnu qu'elle a rejoué à l'époque quaternaire, car,
dans la Lundy Valley, les moraines et les deltas torrentiels sont
recoupés par un escarpement de 15 mètres de dénivellation. Des
mouvements aussi récents ne peuvent que correspondre à une
certaine instabilité le long du versant oriental, et c'est bien ce que
vérifient les observations. En effet, deux districts séismiques s'y
montrent, celui du lac Owen et celui de Virginia City. Le premier
a été, de 1868 à 1872, le siège de très nombreuses secousses et
répicentre a été donné comme se trouvant près des sources de la
Kern River, c'est-à-dire au pied du Mont Whitney ; du moins est-ce
là, ainsi qu'à Long Fine, qu'ont été ressentis les chocs les plus
nombreux. Mais la rectitude et la profondeur de l'Owen's River, sur
le flanc oriental du mont, infirment cette manière de voir, car elles
démontrent Timportance de cet accident tectonique. Ces secousses
ont été attribuées, mais sans preuves, aux phénomènes volcaniques
éteints de ces parages, l'état de fraîcheur de certains des cônes mon-
traût que leur extinction est peu ancienne. La grande secousse du
17 mars 1872 est venue, par Ténorme extension de son aire d'ébran-
lement le long de la Sierra Nevada et le nombre considérable des
chocs consécutifs, donner un démenti à cette explication, qui a contre
elle le caractère local des séismes de cette nature. Celui-ci a causé
des dommages importants à Long Fine. D'après Whitney *, il aurait
ébranlé simultanément la Sierra Nevada entre le 34"" et le 38^ paral-
lèle ; aussi en a-t-on fait un mouvement d'ensemble de la chaîne,
d'origine nettement tectonique. Sans aller contre une interpréta-
tion que les circonstances géologiques locales rendent très plausible»
surtout si l'on réfléchit au peu de temps écoulé depuis les mouve-
ments les plus récents bien constatés dans la chaîne, il faut cepen-
dant observer que la défectuosité des mesures du temps, dans un pays
mal outillé, même maintenant, au point de vue du réglage de l'heure,
à plus forte raison il y a une trentaine d'années, ne permet guère
d'affirmer cette simultanéité du choc sur une aussi longue distance.
* On Uie geology of North Galifomia {U. S, Geol. Survey Bull., n* 33» 1886).
* The qnatemary hlstoryof Mono Valley {8*^ Ann. Rep. U. S. Geol. Survey, 259).
* The Owen's valley earthquake of March 26tb, 1872 (Overland Monthly, Augost and
Septonber 1872, IX, 273).
408 GÉOGRAPHIE SÊISMOLOGIQUE
Lors de Texploration de Wheeler en 1875, Duckweiler lui montra à
l'extrémité Nord du lac Owen, les preuves qu'un calcaire avait été
soulevé de 14 mètres au moment du tremblement de terre, et qu'il
s'était formé en même temps de nombreuses fissures dont l'une d'au
moins 12 milles du Nord au Sud, avec un rejet d'une douzaine de
pieds correspondant à l'affaissement de sa lèvre orientale ^
D'une façon générale, Gilbert' attribue les séismes du Grand Bas-
sin de rUtah à l'action même, toujours en puissance, delà surrecUon
des chaînes qui le bordent. Â l'Ouest, la faille du pied oriental de la
Sierra Nevada, formée lors du tremblement de terre de la vallée
d'Owen en 1872, et à l'Est, celle du pied occidental des monts
Wasatch se correspondent exactement. Mais cette dernière est inter-
rompue sur une distance notable entre Warm Springs et £mi-
gration Caûon, près de Sait Lake City; d'où ce géologue tire cette
conclusion, que l'effort de surrection ne s'étant pas manifesté de ce
côté dans les temps récents, cette ville aurait d'autant plus à craindre
pour l'avenir que le délai qui lui sera imparti par les forcea naturelles
en action se prolongera davantage.
L'autre district séismique du flanc interne de la Sierra Nevada
s'étend de Susanville au lac Mono. On peut soupçonner qu'il n'est
vraiment pas distinct de celui qui a déjà été signalé au nord dans la
réserve indienne de Klamath, non plus que du précédent; autrement
dit une longue région d'ébranlement s'étend sur tout le versant
jusqu'au lac Owen : seul, le manque des observations faites au hasard
des établissements miniers, souvent éphémères, l'aurait en apparence
coupée en plusieurs tronçons. Quoi qu'il en soit, au Sud de Susanville,
un des points le plus souvent ébranlés, trois fractures longitudinales
successives jalonnent la Sierra Nevada, et présentent ce caractère
commun d'avoir leur lèvre occidentale relevée, les couches plongeant
tantôt à l'Ouest et tantôt à l'Est. On peut donc, si l'on veut exclure
l'effondrement du Grand Bassin comme cause générale d'instabilité,
vu sa date trop ancienne, invoquer ces dislocations plus récentes. La
formation de ces failles est, en effet, tellement récente que Reyer' a
décrit sur les bords du lac Fardyce des parois granitiques polies par
les glaciers et recoupées par des failles postérieures. Ces lacs, assez
nombreux sur le versant oriental, n'ont aucune signification tectonique
• Holden, l c, 92.
' A theory of the earthqnakes of the Great Basin, witli a pracLical applicaUon (Amer,
Journ.ofSc., HI, XXVII, 49.1884).
» Zwei Proûle durch die Sierra Nevada (Neues Jahrbuch. /. Min., Beilage-Bd. IV, Î91,
1886).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 409
intéressante, car beaucoup résultent, comme le Tahoe, à Touest de
CarsonCity, de barrages causés parles produits éruptifs au travers
des têtes des vallées. Au lac Mono, des mouvements très modernes ont
détruit l'horizontalité primitive des terrasses lacustres visibles jusqu'à
205 mètres au-dessus de son niveau actuel. L'aséismicité de ce versant
serait donc pour surprendre ; mais si Tinstabilité n'y approche pas
de celle du littoral, il faut en voir la raison dans l'ancienneté de la
surrecUonde la Sierra Nevada, qui ne lui a pas permis de se plisser à
Fépoque tertiaire, et dont les principales dislocations sont les failles
long:itudlnales post-miocënes. Gomme ces accidents n'ont cessé qu'à
la fin du Tertiaire ou au commencement du Quaternaire, lorsque la
chaîne a été définitivement isolée du Grand Bassin, le peu de temps
écoulé depuis cet événement suffit amplement à rendre compte des
séismes de son flanc oriental et aussi, faute de plissement récent, à
expliquer pourquoi il est moins exposé que les Goast Ranges.
Lie large littoral pacifique des États-Unis présente des conditions
à tous égards bien différentes. Du Shasta jusqu'au lac Tulare, les
fleuves Sacramento et San Joaquin arrosent en sens inverse une
longue dépression ovale, comprise entre la Sierra Nevada et le
Pacifique, et débouchent sur l'océan par un estuaire commun, la
coupure de San Francisco. Au Sud, un seuil marécageux sépare le
haut San Joaquin du bassin sans écoulement du lac Tulare, qui pro-
longe simplement cette dépression à double pente. Suess assimile ce
curieux sillon déprimé à la vallée longitudinale du Ghili; les deux
Cordillères côtiëres ont, en effet, ce caractère commun que la série
paléozoïque y manque, ainsi que la moitié inférieure de la série
mésozoïque qui repose sur un soubassement granitique ; mais tandis
que l'accident chilien n'a qu'une pente du Nord au Sud et a vu sub-
merger sa partie méridionale, la dépression californienne est à
double déclivité vers son centre; l'instabilité décroît régulièrement
du Nord au Sud au Ghili, tandis qu'ici, très grande dans la vallée
du Sacramento, moindre dans celle du San Joaquin, elle ne dis-
paraît nulle part complètement, comme entre Ghiloé et l'isthme
d'Ofqui.
Les Goast Ranges se détachent au Shasta de la Sierra Nevada
et les tremblements de terre les ébranlent partout avec une énergie
qui ne subit guère que des rémittences locales. Aussi beaucoup y
ont causé de sérieux dommages, sinon de véritables catastrophes.
Autour de San Francisco, les épicentres se pressent plus nombreux
que partout ailleurs ; mais il est actuellement impossible de dire si
cela prouve une plus grande séismicité, les nombreuses aggloméra-
410
GÉOGRAPHIE 8ÉI8H0L061QUE
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Figr. 71 . — Californie.
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 411
lions urbaines dans la grande banlieue de la reine du Pacifique ayant
facilité dans cette région les informations, qui sont plus rares vers
Lios Angeles, ville plusiem*s fois aussi désolée, à un degré tel qu'en
dépit des apparences, le Sud pourrait bien être plus instable encore.
Non loin de Los Angeles, le nom même de la vallée de Los Temblores
atteste une instabilité depuis longtemps reconnue.
Dans quelle mesure la géologie des Goast Ranges justifie-t-elle la
fréquence et Ténergie de ces tremblements de terre ? C'est ce qu'il
s'agit de rechercher. A l'époque crétacée» la côte occidentale de la
masse continentale des Rocheuses coïncidait à peu près avec le pied
de la Sierra Nevada du côté Pacifique, et les couches néocomiennes
se sont constituées aux dépens du substratum archéen de la zone litto-
rale. Un violent plissement a suivi cette phase et produit un intense
métamorphisme dans la grande chaîne. Du Crétacé supérieur au
Miocène se sont formées les couches de la série de Chico-Tejon,
concordantes entre elles, mais discordantes sur le Néocomien plissé.
Puis est survenu un plissement post-miocène, moins accusé, et qu'a
suivi l'activité volcanique pliocène, à peine éteinte à l'heure actuelle.
Ce second plissement, malgré son peu d'intensité relative, se
perpétue peut-être sous la forme de séismes, et les efforts qui lui ont
donné naissance sont sans doute les mêmes que ceux des premières
phases. Les couches sont beaucoup plus plissées, disloquées et déran-
gées dans les Coast Ranges qu'au pied de la Sierra Nevada, ce qui
explique bien leur plus grande séismicité. Quant à citer des influences
séismogéniques particulières, on ne trouve guère à signaler, et
sous toutes réserves, que les failles découpant la presqu'île de San
Francisco; Lawson^ considère comme une aire d'effondrement la
baie de San Francisco et ses diverses branches, Suisun Bay, etc.
D'après les tracés des aires pléistoséistes que Deckert a donnés
des principaux tremblements de terre de la baie de San Francisco»
leurs grands axes sont tantôt pandlèles et tantôt perpendiculaires à
la côte et aux Coast Ranges, preuve qu'ils dérivent de deux causes
tectoniques différentes. La même disposition se remarque aussi
autour de Los Angeles et de San Diego, et là s'ajoute cette circons-
tance que les ellipses sont si bien coupées par le littoral, que la con-
clusion d'un épicentre sous-marin s'impose nettement. D'un autre
côté, l'isobathe de 4000 mètres ne s'éloigne jamais beaucoup du littoral
californien, sauf au Nord du cap Mendocino, au delà duquel la séis-
micité diminue beaucoup le long de l'Orégon; d'ailleurs d'assez
' G. A. Lawson. The Geomorphogeny of the Ck>asi of Northern California (Bull, Depart-
ment ofgeol. Univ. Calif. 1, 263. — lù^h Ann. Rep. V, S. Geol. Surtfey, 309).
412 GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
nombreux séismes sous-marins ont été observés au large de ce
même cap. La pente du talus submergé atteint aussi son maximum
entre San Francisco et le cap Mendocino, de telle sorte que toutes
ces considérations concordent pour faire attribuer un rôle séismo-
génique indéniable à Taccident que représente ce talus. On ignore
si risobatlie représente une fracture, mais elle est parallUe au plis-
sement des Coast Ranges, aux failles longitudinales de la bande lit-
torale Paciflque telles que Suess les a indiquées, et à la Sienra
Nevada elle-même, et il en est de même pour la direction des
grands axes de bien des séismes californiens : cette communauté de
direction entre tant de phénomènes divers ne saurait être fortuite et
fait de suite penser à la persistance des mêmes efforts tectoniques.
EnGnBecker^ croit que chacune des poussées orogéniques antérieures
a eu pour effet d'ajouter une nouvelle bande plissée au versant occi-
dental de la bande saillante déjà existante. Les séismes actuels des
Coast Ranges représentent-ils un troisième plissement, soit en pré-
paration, soit avorté à cause d'une plus grande rigidité des couches
acquise avec le temps ?
Dans plusieurs circonstances les géologues américains ont observé
des sandstone dykes dont ils attribuent la formation à des tremble-
ments de terre d'époques anciennes, exactement comme on Ta vu
dans Texemple d'Alatyr, signalé par Pavlov et mentionné au cha-
pitre traitant de la Russie.
Jusqu'à présent, il n'a pas été mentionné de secousses sur le ver-
sant pacifique de TOrégon. Il y a donc une lacune séismique entre
Crescent City et Portland (Wash.) ; elle correspond à la Cascade
Range. Cependant, le 14 décembre 1873, un tremblement de terre à
grande aire d'action a eu pour ligne épicentrale de Wallawalla à Port-
land le cours de la Columbia, perpendiculaire à la côte. Deckert le
met en relation avec l'accident tectonique emprunté par le fleuve
pour sa traversée de la Cascade Range et l'on ne connaît pas d'autre
séisme avec cette disposition. C'est par l'emplacement actuel de cette
chaîne que la mer néocomienne des Coast Ranges de Californie
contournait le Nord de la masse continentale, pour s'étendre dans
TEst de l'Orégon jusqu'à une distance inconnue. Cette difiérence
d'histoire géologique avec la Californie n'est, à coup sûr, point indif-
férente à la différence deséismicité de l'une et de l'autre région, d'au-
tant plus que la stabilité de l'Orégon se continue à l'est de la Cascade
Range dans le pays des nappes volcaniques. Le massif de Klamatha
* Geology of thc Quicksilver deposiU of the Pacific slope (S^^ Ann. Rep, U, S. Geol.
Survey, 9«1).
MONTAGNES ROCHEUSES ET DÉPENDANCES 413
été disloqué à la fin des temps jurassiques; pénéplaine dominée par
des massifs de plus grande résistance^ son immunité séismique s'ex-
plique par Tancienneté de ces accidents et par Tabsence de plisse-
ments récents.
Lies secousses reparaissent bien à Portland sur la basse Columbia,
mais elles ne deviennent fréquentes que tout autour de la baie de
rAmirauté et au moins jusqu'à Vancouver, sans cependant y être
jamais redoutables. Il serait encore prématuré de faire avec les con-
ditions géologiques un rapprochement capable d'expliquer leur pro-
duction. L^extrême complication des découpures de la côte et des dis-
locations de la fameuse Olympic Range, à l'extrémité N.W. de l'État
de Washington, laisse seulement supposer d'énergiques actions post-
crétacées, car tel est l'âge des couches qui s'y rencontrent. Quoi qu'il
en soit, ces tremblements de terre présentent des aires d'ébranlement
trës allongées sur les axes de la baie de l'Amirauté et du canal de
Géorgie ; ainsi leur relation avec la tectonique de la dépression est
manifeste. C'est bien plus rarement que les isoséistes s'allongent sur
l'axe du détroit de Juan de Fuca, au pied de l'Olympic Range. Par
conséquent, la première dépression joue un rôle séismogénique plus
net que la seconde, qui est transversale. Autrement dit, la plupart
de ces séismes sont longitudinaux par rapport au Pacifique et aux
chaînes qui le bordent.
On est peu fixé sur le degré de séismicité du versant pacifique dos
Rocheuses canadiennes; on sait seulement que, le 24 février 1890,
un violent tremblement de terre aurait dévasté l'île Skidegate et
l'Archipel de la Reine Charlotte, et que les secousses ne sont pas
rares dans les environs de Sitka. C'est une côte à fjords bordée de
chaînes plissées; d'intenses chevauchements du Primaire sur les
dépôts crétacés ont été observés sur le bord des grandes plaines
canadiennes. Selon de Lapparent, un mouvement de bascule a
ouvert la voie à deux séries d'éruptions antépliocfenes, et un affaisse-
ment partiel a découpé la côte en Qords. Il y a bien là des facteurs
d'une instabilité au moins modérée, telle que les séismes connus
doivent la faire supposer. Si, s'en tenant aux analogies, on observe
que risobathe de 4 000 mètres quitte définitivement cette côte pour
s'en éloigner beaucoup, l'on devra prévoir que les observations de
l'avenir ne décèleront point de régions vraiment séismiques sur le
versant occidental des Rocheuses de la Colombie britannique.
La Cordillère archéenne, paléozoïque et mésozoîque, se prolonge
dans l'Alaska, et du Tertiaire se montre sur le bas Yukon. Les trem-
blements de terre n'y peuvent résulter, d'une manière générale, que
414
GÉOGRAPHIE 6ÉI6MOLOGIQUE
de la cassure w bord
du PaciGque, si tant
est qu'il y en ait une
représentée par les
énormes profon-
deurs que Ton y ren-
contre. L'Alaska est
seulement pénéséis-
mique. Le seul trem-
blement de terre im-
portant que Ton y
connaisse est celui de
septembre 1899, à la
baie de Yakutat, avec
de nombreux chocs
consécutifs^ des va-
gues séismiques et,
dit-on, l'affaissement
d'une partie de la
côte y dernier fait
qui mérite peu de
créance.
L'arc des îles
Aléoutiennes , ter-
tiaires et à peu près
toutes d'origine vol-
canique, éteintes ou
actives ^, est plus
souvent ébranlé que
l'Alaska, ce qui peut
tenir à sa position au
bord même de l'a-
bîme sous-marin.
* AI. Perrey. Doclunents
sur les tremblements de
terre et les phénomènes
volcaniques des îles Aléou-
tiennes, de la péninsule
d'Aljaska et de lac6te NO.
d'Amérique {Mém. Ac. Se.,
Arts et BeHu-Lettrts de
Dijon, 1865).
CHAPITRE XXIII
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN
1. — Kamtchatka, Kouriles et Sakhaline.
Le détroit de Bering a trop peu de profondeur pour constituer un
véritable trait géographique structural. Aussi, de part et d'autre, du
cdté américain comme du côté asiatique, les mêmes circonstances
géologiques et pénéséismiques se reproduisent-elles à peu près sem-
blablement sur les portions voisines d'anciennes terres dont le trait
d'union n'est qu'ennoyé, et qui tombent à pic sur des abîmes de 6 000
à 8 000 mètres, sans avoir jamais été bordées par une puissante chaîne
plissée de surrection récente.
Comme l'Alaska, le Kamtchatka ^ n'est pas au bord même des
abîmes océaniques, l'une et l'autre presqu'îles y descendant par des
talus à pentes relativement modérées, au contraire de ce qui se passe
pour les Aléoutiennes et les Kouriles. La côte orientale du Kamtchatka
est hérissée de volcans gigantesques, correspondant exactement à
ceux de la côte méridionale de l'Alaska, mais avec un développe-
ment bien plus considérable, et ils s'échelonnent sur le flanc d'un
axe archéen et primaire, tandis que la côte occidentale borde une
mer dont les profondeurs ne dépassent pas 2 000 mètres, et montre
du Tertiaire, pendant de celui du bas Yukon. La presqu'île est péné-
séismique et les secousses de Pétropavlovsk ne sont ni redoutables,
ni bien énergiques. On n'en connaît qu'une seule sur le versant
intérieur.
Le petit archipel du Commandeur est quelquefois ébranlé, comme
son symétrique, celui des îles Pribylov, au nord des Aléoutiennes.
Les Kouriles, sur la crête même de la fosse abyssale, sont exac-
tement dans les mêmes conditions pénéséismiques et volcaniques
' Al. Perrey. Documents sur les tremblements de terre et les phénomènes volcaniques
dftus l'archipel des Kouriles et au Kamtschatka [Soc. imp, Agric. HUt. nat. et ArU
vtiUs de Lyon. Séance du 17 Juillet 1863).
416 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
que les Aléoutiennes. Elles ont eu surtout à souffrir de va^es plutdt
dues à des conflagrations volcaniques qu^à des tremblements de terre,
et leurs dégâts se sont à plusieurs reprises étendus à rextrémité
méridionale du Kamtchatka, au cap Lopatka.
Sakhaline n'est qu'une dépendance de l'île japonaise d'Yézo, dont
les zones sédimentaires disposées en longues bandes s'y retrouvent
suivant sa longueur. En dépit de quelques secousses, connues à
Douyé et surtout à Korsakov, elle est stable, ce qui coïncide avec son
grand éloignement de la fosse du Tuscarora, dont elle est séparée
par toute la largeur de la mer des Kouriles.
2. — Le Japon, TArchipel des Riou-Klou et Formose.
Au point de vue séismologique, le Japon s'est placé, sans con-
teste, en tête des pays du monde où les tremblements de terre sont
le mieux étudiés. Il était prédestiné à ce rôle par la grandeur et la fré-
quence des catastrophes qui l'ont de tout temps désolé, qu'elles soient
causées par des secousses violentes et répétées du sol qui, comme
le 28 octobre 1891, produisirent des failles de 160 kilomètres de long S
par de terribles éruptions ou explosions volcaniques telle que celle du
Bandaï-San(15 juillet 1888) faisant disparaître d*un seul coup des mon-
tagnes entières, cubant plus de deux milliards de mètres *, ou enfin
par de gigantesques raz de marée d'origine séismique, ou Tsuntanis^
noyant des milliers d'habitants, le 23 décembre 1854, à Simoda et
sur les côtes d'alentour'. Depuis quinze siècles au moins, alors qu'en
Europe les tremblements de terre n'étaient guère qu'un sujet d'eflfroi,
qu'aucune recherche scientiGque sérieuse ne cherchait à élucider,
il se développait au Japon une vaste littérature séismologique, qui
a fourni le récit de 223 catastrophes, depuis l'an 416 de notre ère
jusqu'à 1867, et la mention de plus de 2 000 tremblements de terre
* Gh. Davison. The great japanese earthqaake of October 2^^ 1891 {Geogr. joum.
June 1901, London). — B. Kôtô. On the cause of the great earthqaake in central Ja-
pan, 1891 (Joum. of tlve Coll. of. Se. Imp. Univ. Japon, V. part IV. Tokyo, 1893). -
J. Milne. Â note on the great earthquake of October 2»^ 1891 (Seism. Joum, of Japan.
1, 1893, 127. Tokyo). — F. Omôri. Note on the great Mino-Owari earthqaake of October
28ti» 1891 {Public, earthq. invest. Comm. in foreign languages, n« 4. Tokyo, 1900). —
G. de Roton. Le tremblement de terre du Japon da 28 octobre 1891 {Le Tour du mondes
n« 1668, 24 décembre 1892, Paris).
' Cargill Rnott and Michie Smith. Notes on Bandal-San {Trans, seism. Soc. of Japon,
Xni, part II, 223). — S. Seikei-Sekiya. The éruption of Bandaï-San (Joum. Coll. Se. Imp.
Univ. Tokyo, III, part U, 91, 1889).
» T. E. Gumprecht. Das letztô grosse Erdbeben in Japan {Zeitschr. f. Allgem. Erdkunde,
Oktober 1855, V, 311).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 417
d'intensité variée dans plus de 500 ouvrages ou articles de moindre
importance ^ ; c'est une effrayante moyenne d'un désastre tous les
six ans et demi. A côté de faits probablement erronés, ou tout au
moins exagérés, et d'observations d'une naïveté parfois enfantine,
ces documents abondent en faits précieux pour l'étude de ces phé-
nomènes, et laissent loin derrière eux le catalogue de Perrey ' pour
ces anciens temps. Aussi quand, à la fin du xix"" siècle, la séismologie
moderne s'est constituée en science autonome sous l'impulsion des
savants italiens, ceux du Japon, tant nationaux qu'européens, se
sont vite mis à la tête du mouvement, comme l'attestent les innom-
brables travaux importants publiés dans des recueils bien connus,
les Transactions of the Seismological Society of Japan (1880-1892),
qui ont été continués par les Publications of the Earthquake Inves-
tigation Committee in foreign languages, donnant les mémoires
les plus importants de la même collection en japonais, langue mal-
heureusement peu accessible. L'observation des macroséismes est
devenue un service d'État, et à la fin de 1904 il existait 11 stations
munies d'appareils séismographiques et 1471 stations sans instru-
ments', disséminées à la surface du Japon, formant un réseau telle-
ment serré que, sauf dans l'ile d'Yézo, encore peu habitée, aucun
macroséisme ne peut échapper à l'observation. La répartition de
l'instabilité est donc bien connue, et elle le serait encore mieux si le
bureau central ne publiait ses catalogues en japonais.
Le seul point qui laisse, il faut bien le dire, un peu à désirer jus-
qu'à présent dans ces immenses travaux, c'est la recherche des rela-
tions entre les phénomènes séismologiques et géologiques, les
savants japonais ayant, jusqu'ici, peu cultivé ce côté du problème.
Les bases de la géologie japonaise ont été posées, il y a déjà
un certain nombre d'années, par Naumann \ et les recherches
les plus récentes n'en ont pas sensiblement modifié les grandes
lignes.
* J. Milne. Notes on the great earthquakcs of Japan {Trans. Seism. Soc. Japan, III
65, 4881). — F. Orodri. The materials for the earthquake history in Japan (Shinsai
Tobo Chosakwai Hôkoku). (Reports of thelmp. Earihq. Invest. Comm, in Japanese lan-
guage, n* 46. Tokyo, 1904). — S. Seikei-Sekiya. Catalogue of japanese earthquakes
[Joum. ColL Se. Imp. Univ. Tokyo, XI, part IV, 315, 1899).
' Documents sur les tremblements de terre et les éruptions volcaniques au Japon
[Mém. Ac. Se, Arts et Belles-lettres de Lyon, 1862),
' Dairoku Rikuchi. Récent seismological investigations in Japan (Publ, Earthq. Investi
Comm.in for. lang., nM9. Tokyo, 1904).
* E. Naumann. Ueber den Bau und die Entstehung der japanischen Insein (Berlin.
18^5). — Die japanische Inselwelt. Geographische-geologischeSkizze (Mitth. d.k. k.Geogr.
Ges. in Wien. XXX, 129 et 201, Wien, 1887).
Db Mo-fTcsBui. ~ Tremblements de terre. 27
4i8
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Nemuro
'd9
Hamada
5
Fig. 73. — Japon. Nombres annuels moyens de
séismes aux principales stations séismologiqucst
Tous les terrains sont
représentés au Japon ; la
direction méridienne do-
mine dans le Nord, et celle
W. S. W.-E. N. E. dans
le Sud, de sorte que fo-
rientation des rivages, des
lignes de relief et des
zones géologiques est par-
tout identique dans cha-
cune des deux moitiés, et
que Tarchipel représente
une chaîne à demi sub-
mergée, tournant sa con-
vexité vers le S. E. C'e^t
une des plus vastes rides
de la surface terrestre, et
aussi une des plus éle-
vées, si Ton tient compte
des 3700 mètres d'altitude
du célèbre Fuji-Yama, ou
Fuji San, au-dessus des
8 500 mètres de profon-
deur de la fosse du Tusca-
rora, qui longe les côtes
externes à très petite dis-
tance : nulle part ailleurs
ne se rencontre une pa-
reille dénivellation de
12200 mètres sur un es-
pace aussi restreint, dis-
position rappelant tout à
fait et sur une plus vaste
échelle encore celle de la
Sierra Maestra de Cuba,
elle aussi très instable.
Du côté de la Corée, la
mer du Japon, que Ton
croyait naguère peu pro-
fonde, descend cependant
à plus de 3200 mètres
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 419
par 40* 5' N. et 130* 14' E. (d'aprës les sondages récents exécutés
par la « Grande Compagnie des Télégraphes du Nord ») ; mais la
structure en talus abrupt n'y existe pas.
Le tracé compliqué des côtes japonaises révële un extrême mor-
cellement des massifs, qu'accentue encore leur défaut de continuité,
tant au point de vue du relief qu'à celui de la composition et de la
stmeture. L'archipel est véritablement coupé en deux par la Fossa
magna A» Naumann; ce sont les régions peu accidentées à TOuest de
Tokio, situées entre les massifs cristallins du Nord et du Sud, qui for-
ment la zone externe par le sud de Kiu-Siu, l'île Shikoku et la pres-
qu'île de Kii d'une part, les grands massifs d'Abukuma et de Kita-
Kami d'autre part. A l'intérieur, les accidents parallèles affectant des
terrains de toutes les époques se disposent de la même façon. L'ac-
tivité volcanique s'est surtout développée dans l'Ouest et le Sud de
Kiu-Siu en prolongement de l'arc des Okinawa-Shima, plus encore
suivant l'axe méridien du Nippon, ou Hondo, où elle a érigé l'arête
de la grande île en continuation des îles Bonin et Shitshito (Oho-
Shima), et finalement le long de Taxe de Yézo avec prolongement
ininterrompu par les Kouriles et le Kamtchatka. Dans le Sud, la mer
intérieure forme une dépression ancienne, mais relativement peu pro-
fonde, et dont Naumann a pu suivre le prolongement dans tout le
Nippon jusqu^à son extrême Nord. Enfin les côtes occidentales mon-
trent une série d'effondrements circulaires, que Suess assimile aux
golfes semblables de la mer Tyrrhénienne.
Les terres japonaises ont été plissées à diverses époques, et leurs
vicissitudes ont été considérables puisque les couches paléozoïques
à radiolaires, maintenant émergées, n'ont pu se déposer qu'à une
grande profondeur. Naumann résume ainsi qu'il suit les derniers
mouvements tertiaires, les seuls qui interviennent pour expliquer
l'instabilité séismique générale de l'époque actuelle : avec la fin du
Crétacé se produisit une surrection et une compression des couches
mésozoïques, et le commencement du Tertiaire a correspondu à une
période continentale, caractérisée par un grand développement des
éruptions dioritiques. A partir du Miocène survint une immersion
générale, ne laissant probablement émerger que certains sommets de
l'ancienne ossature, et que troublèrent des oscillations moindres en
sens divers. Puis un énergique plissement se produisit à la fin de
cette période, accompagné d'une grande activité volcanique, double
série de phénomènes qui se renouvela vers la fin du Pliocène ; c'était
le troisième plissement, puisque les terrains cristallins eux-mêmes
avaient, à une époque reculée, subi déjà un semblable mouvement.
420
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
:3
0
2
*3
P
o
te
Naumann pense
aussi que la der-
nière poussée oro-
génique n'est pas
complètement ter-
minée ; il a en effet
montré* qu'il y a
quelques mille
ans, les environs
de Tokio ont été
en une mesure
notable conquis
sur le domaine
maritime. Dans ce
travail, il a porté
sur une carte, d'a-
prbs les recher-
ches de Yamada,
tous les lieux dont
le nom est un com-
posé des mots ja-
ponais Minato,
port; Hanitty ri-
vage; et f/ra, baie,
et pu ainsi des-
siner l'ancien
tracé des côtes,
qui s'écarte par-
fois notablement
du tracé actuel.
Bien des points
de la géologie ja-
ponaise restent
encore à élucider;
ainsi Naumann
croit très ancienne
la Fossa Magna,
que Suess, à la
' Ueber die Ebene
von Yedo (Petermmknt
g9ogr.MxUh.AVÏ%iti].
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 42i
suite des travaux de Harada, considère comme récente ; mais de
toutes façons, chaîne plissée à la fin du Tertiaire et définitivement
émergée au bord d'un des plus profonds et raides talus océaniques
connus à la surface du globe, cet archipel a bien des motifs à la
plus grande instabilité séismique, qui atteint son maximum du côté
du Pacifique ou de la plus grande dénivellation. On va l'étudier du
Nord au Sud.
D'après Dairoku, les 223 désastres historiques se répartissent
ainsi qu'il suit, quant à leur origine :
Pacifique 47
Mer du Japon 17
Mer intérieure 2
Intérieur du Nippon 114
Origine inconnue 43
223
Les séismes destructeurs venant de l'intérieur, du Pacifique et
de la mer du Japon présentent ainsi les rapports de 7 à 3 et à 1. En
ne tenant compte que des tremblements de terre destructeurs, les
provinces du côté concave de l'arc japonais sont exclusivement
désolées par des secousses d'un caractère local, et celles du côté
convexe par des chocs étendus, d'origine sous-marine et accompa-
gnés de Tsunamis ou vagues séismiques. Les provinces centrales
de Mino, Shinano, Shimotsuke et Iwashiro sont souvent le théâtre de
tremblements destructeurs locaux. Enfin celles du Kotzuke et de
rHida, rarement éprouvées, forment avec le Sanyodô les régions
les plus stables de la grande île.
Hokkaido, ou Yézo, paraît jouir vers le Nord de la même immu-
nité que Sakhaline. Par contre, ses deux presqu'îles de l'Est et du
Sud, Nemuro et Osima, sont très souvent ébranlées. La première
correspond à la pénétration de la ligne volcanique des Kouriles
dans l'intérieur de l'île, et la seconde à une série d'effondrements
circulaires dans les terrains archéens et paléozoîques, dont le prin-
cipal est celui de la baie Uchira, ou des Volcans.
La presqu'île de Nemuro et les provinces du N.E. du Nippon,
Rikuzeu et Rikuchû, ont été bien souvent ravagées par des tremble-
ments de terre d'origine sous-marine, et de nombreuses secousses
semblables ont été signalées au large d'Yézo et du Nippon. Cette
observation a une importance capitale. C'est, en effet, une des plus
grandes découvertes des séismologues du Japon d'avoir montré
qu'outre les chocs seulement signalés en mer, un nombre notable
des séismes qui agitent ces côtes, du détroit de Tsugaru à la près-
GKOGRAPHIE SÊISMOLOGIQUE
FIg. 75. — Japon. Fréquence relative des Tsunamis,'^
vagues sôismiques (d'après Dairoku Kikuchi).
qu'île d'Awa, à Test de la
baie de Tokio, prennent
naissance soit surle talus,
soit au pied de la fosse du
Tuscarora. Le catalogue
publié par Milne^ de
8331 secousses ressenties
de 1885 à 1892 suffit à
donner à ce fait une indis-
cutable confirmation.
C'est aussi de là que par-
tenty comme conséquen-
ces des mouvements séis-
miques indéniables du
bord ou du fond de Tabi-
me, les gigantesques raz
de marée qui désolent si
souvent ce littoral, tel
celui du 15 juin 1896, qui
coûta près de 30 000 exis-
tences humaines sur
250 milles des côtes orien-
tales du Nippon * et dont
Milne' place l'épicentre à
150 milles àl'EstdeSen-
dai. Les aires dévastées
par Tsiinamis ne semblent
s'ôtre que rarement éten-
dues au delà de THitachi
* J. Milne. À catalogue of 8331
oarthquakes rccorded in Japan
belween iS85 and 4892 {Seismol.
joum. of Japan, IV. Tokyo, 1895).
• T. Iki. Report on the great
San-Riku Tsunami, or destructive
Sea-waves (Rep, of the imp.
earthq. inv. Comm. in japanese
language, n* 11. Tokyo. 1897).
— Â. Imaraura. Note ou the
great Tsunami of 1896 {Id.
N« 29. Tokyo, 1899).
» Brilish Ass. for the Adv. of
Sc.f Bristol meeting, 1898. —
Thxrd Rep, of the Comm, on seis-
mol, Obs.y p. 210.
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 423
et de la presqu'île d'Awa et Kasuza, probablement parce que, vers
le S.W. de rarchipel, les grands fonds sont plus éloignés des côtes.
On a eu trop souvent jusqu'à présent, dans cet ouvrage, à développer
les conséquences séismiques de l'existence de cette structure sous-
marine, lorsqu'elle borde comme ici des terres élevées et récem-
ment plissées, pour qu'il y ait lieu de développer davantage un sujet
Pig. 76. — Japon. Dislocations récentes d'origine séismique (d'après Tamasaki).
dont la découverte est due à Milne et à ses collaborateurs de. la
société séismologique du Japon.
L'alignement volcanique des îles Shitshito à la rencontre duquel
l'arc japonais se recourbe vers l'W.S.W., repose au contraire sur
un seuil élevé se dirigeant droit au Sud vers les îles Bonin et
Mariannes.
Au Sud du Nippon occidental et des grandes îles de Shikoku et de
Kiu-Siu, les fonds ne dépassent pas 4000 mëtres, et cette différence
de moitié avec ceux de la fosse de Tuscarora correspond à une grande
diminution de la séismicité, contraste bien suggestif quant à l'in-
fluence séismogénique de cotte structure.
Le tremblement de terre du 31 août 1896 a conduit Yamasaki* à
de trës intéressantes observations géologiques. Ce violent séisme
* Das grosse japanische Erdbeben in nOrdlichen Honshu am 31. Aagofit 189Ô [Peter-
mann*8 geogr, Mittheil., XI, 249. 1900).
424 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
s'est étendu dans les provinces d'Ugo et de Rikuchû, à TOuest de la
dépression du fleuve Kitakami, de direction méridienne, et qui isole
sur la côte orientale un grand massif ancien de même nom. L'aire
pléistoséiste était allongée sur la double chaîne médiane dont les
deux crêtes parallèles, appelées Mahiru*Yama à l'Ouest et Naka-
Yama à l'Est, comprennent entre elles la haute vallée longitudinale
de Waga, Tout cet ensemble tertiaire est pénétré par des intrusions
granitiques, andésitiques et liparitiques ; c'est donc une ancienne
ligne de moindre résistance. L'aire épicentrale était comprise, de
chaque côté de la chaîne du Mahiru- Yama, entre deux grandes failles,
auxquelles Yamasaki donne les noms de Kavafune (celle de l'Est ;
50 kilomètres de long) et de Senya (celle de l'Ouest ; 70 kilomètres),
de ceux des localités où elles sont le mieux accusées. Ainsi, le trem-
blement de terre a été produit soit par une élévation en bloc de la
chaîne de Mahiru, soit par un égal abaissement des bandes sédi-
mentaires qui la comprennent entre les deux failles. Ces disloca-
tions sont légèrement déviées vers le S. W., et celle de Senya pro-
longée se retrouve dans la plaine de Sakata, ou du Shonaï, sur un
parcours d'une trentaine de kilomètres, jusqu'à l'embouchure du
Mogamigawa, où elle avait été, sous le nom de faille de Yadare-
sawa*, l'origine du grand séisme du 23 octobre 1894. Cette dernière
fracture et celle de Senya sont donc identiques, malgré la lacune
apparente qui les sépare encore ; toutes deux traversent respective-
ment les vallées du Mogamigawa et de l'Omonogawa, et les deux
séismes sont la claire manifestation d'un même processus tectonique
encore en pleine activité.
La côte occidentale du Nippon septentrional montre des courbures
successives que Suess assimile, avons-nous dit, aux golfes d'effon-
drements de la mer Tyrrhénienne de l'Italie. Leur rôle séîsmogé-
nique, déjà signalé à Yézo, se reproduit sur cclittoral, au moins pour
ceux d'Akita (Kubota, nom antique), de Niigata en face de l'île Sado,
et celui qui Se trouve au S. W. de la grande presqu'île de Noto. Dans
ces trois cas, les tremblements de terre ont eu souvent leurs épi-
centres en mer, fait mis en évidence pour ceux du 9 et du 11 décem-
bre 1892, dont les foyers étaient au large de la presqu'île de Noto*.
La grande plaine du Musaschi, si profondément pénétrée par la
petite mer intérieure de Sagami et la baie de Yokohama-Tokio entre
* Kôtô. Recherches géologiques sur le tremblement de terre du Shonaï (RapporU du
Comité séismologique impérial japonais (en japonais.) M* 8, 1, i896).
• (Anonyme) On thc carthquakes in the year 1892 {Ann. Rep, of, the cenlr. Met. Oàs.
of Japan for the year I89i, part II, mera. 40. Tokyo).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT BIXO-SIBÉRIEN 425
les presqu'îles d'Izu et d'Awa, est une des plus importantes régions
séismiques du Japon. Elle est dominée à l'Ouest par le massif ancien
du Quanto, qui termine au Sud le Nippon septentrional, et par le
Fuji-Yama, qui représente l'origine de la Jiigne volcanique formant
trait d'union entre celle d'Yézo et des Kouriles au Nord et celle des
Shitshito et des Bonin, ou Ogasawara-Shima, au Sud. La raison d'être
géologique de son instabilité n'apparaît pas encore clairement, en
rétat actuel de nos connaissances. Au sujet du tremblement de terre
du 22 février 1880, Milne^ fait intervenir les failles et les plissements
des couches tertiaires de la péninsule d'Awa; il se demande
même, sans y répondre toutefois, si ce dernier phénomène n'est pas
encore en activité effective ; il assigne aussi un rôle séismogénique
aux failles de la presqu'île de Yokoska*. Omôri* a tracé quatre
étroites zones allongées, résultant du groupement des épicentres des
secousses ressenties àTokio de septembre 1887 à juillet 1889, ainsi
que sept autres analogues pour les chocs de la même période observés
dans le Nippon central, mais non dans cette ville. Le savant séis-
mologue n'en tirant aucune relation d'ordre géologique, il est inutile
d'en rien dire de plus, sinon qu'une d'elles est tout entière sous-
marine, ce qui confirme ainsi, par une autre voie, les résultats déjà
mentionnés des observations de Milne.
Il n'est pas du tout certain que la Fossa Magna de Naumann soit
une région d'instabilité maxima, ainsi qu'on l'a souvent dit. Elle
limite presque complètement vers le S.W. l'activité volcanique,
mais il ne nous semble pas qu'elle joue un rôle séismogénique très
accusé.
Les provinces centrales du Mino et de l'Owari ont été, le 28 octo-
bre 1891, le théâtre du plus formidable tremblement de terre dont
l'histoire fasse peut-être mention. Il a été accompagné de la forma-
tion d'une faille gigantesque, de 160 kilomètres de long au moins,
avec un rejet dépassant 20 mètres, et qu'aucun obstacle n'a pu
arrêter, ni dévier. Elle s'est produite dans les terrains primaires
de la vallée du Kisogawa et s'est étendue de ce fleuve jusqu'au delà
de Fukui, non loin de l'embouchure de l'Hinogawa; courant, il est
vrai, à peu près parallèlement à la Fossa Magna, elle en est aussi
* The earthquake in Japan of Febniary 22 n^ iggo {Trans. seism. Soc, of, Japon, l,
part n, 59).
' Notes on the horizontal and vertical motion of the earthquake of March 8th 1881
{Id., m, 132).
• Macroseisinic measnrements in Tokyo {Public, of, the earlhq. Invest, Comm. in
for. lang,, n« 11, II and III. Tokyo, 1902).
426
GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
éloignée que des vallées et des dislocations « du système sinien » qui
séparent la province de Mino de celle d'Echizen.
.36" .37«
Fig. 77. — La grande fracture de la vallée de Néo produite par le tremblement de terre
du'Mino et de l'Owari du 28 octobre 1891.
A rOuest de ce remarquable district séismique, la dépression du
fameuxlac Biwa s'ouvre dansle mêmeensemble paléozoïque^ formant,
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SÏKO-SIBÉRIEN 427
avec des roches granitiques et cristallines, la plus grande partie de
la presqu'île de Shikoku, qui termine le Nippon vers l'Ouest. Près du
lac se trouve Kiôtô, l'antique capitale du Japon, pour laquelle les
annales et les chroniques rapportent un nombre considérable
de tremblements de terre. Depuis qu'en ces dernières années, les
observations systématiques ont été instituées, cette région a fourni
peu de secousses. On est donc fondé à penser que les tremblements
de terre de Kiôtô, anciennement relatés, venaient d'ailleurs, vraisem-
blablement du Mino et de l'Owari.
La presqu'île de Shikoku est fort stable, ainsi que pouvait le
faire prévoir sa constitution géologique, et il en est de même de la
mer intérieure, étroite et peu profonde dépression longitudinale
ouverte de l'Est à l'Ouest entre la péninsule et l'île de Shikoku. Le
lac Biwa en est d'ailleurs le prolongement naturel. Les terres du
Sud, presqu'île de Kii et île de Shikoku, sont aussi indemnes de
tremblements de terre, en conformité avec leur constitution géolo-
gique : granités et schistes cristallins au Nord, terrains paléo-
zoîques au Sud, avec quelques lambeaux de couches secondaires,
mais à l'exclusion de produits éruptifs récents. On peut cependant
citer une série de nombreuses secousses ressenties en 18S)4 ^ à
Shikoku dans la province de Tosa; si c'étaient des avant-coureurs
du grand tremblement de terre de Simoda, on peut se demander si
elles n'avaient pas, comme lui, une origine sous-marine, auquel cas
elle ne contrediraient pas l'habituelle stabilité de cette île.
Kiu-Siu est le prolongement naturel, archéen et primaire, de
Shikoku, mais avec adjonction de couches tertiaires, et un grand
développement de l'appareil éruptif récent, en prolongement de l'axe
volcanique rejoignant Formose vers le S.W. Les tremblements de
terre redeviennent fréquents et sérieux avec le plissement tertiaire,
et la catastrophe de Kumanoto, du 28 juillet 1889, a été, avec ses nom-
breux chocs consécutifs, mise en relation par Kôtô avec les fissures
découpant le massif volcanique éteint du Kimposan. Pendant long-
temps Nagasaki a été le seul port du Japon ouvert aux Européens,
et il en est résulté de nombreuses observations séismiques faites
par les commerçants du comptoir hollandais, confinés, depuis
le xvn* siècle, dans la petite île de Dzesima. Les secousses y sont
plus fréquentes que dangereuses. Enfin la grande baie de Kagoshima,
dans le sud de Kiu-Siu, paraît être le théâtre de séismes d'origine
volcanique.
* Omôri. Sullo repliche del gran terremoto giapponese del 1854 (BuW. soc, sism. Ual.,
1896, 152).
428
GÉOGRAPHIE SÉI8M0L0GIQUE
Fig^. 78. — Japon. Régions à maximum séismique
eslival ou hivernai.
Malgré la déGance que
doit inspirer riiypotliëse
des relations entre les
séismes elles phénomènes
de la géophysique exter-
ne, on ne saurait en faire
complètement abstraction
lorsqu'elles tendent à la
démonstration possible
d'une action mécanique
directe sur i'écorce ter-
restre, et qu'elles émanent
de savants comme Omôri :
ce séismologue tient
comme bien établie l'exis-
tence au Japon d'un maxi-
mum d'activité macro-
séismique en été pour le
S. E. de Yézo et la moitié
Nord de Nippon, et en
hiver pour le reste de
l'archipel, sauf quelques
petites surfaces aberran-
tes au Nord du Sanyodo,
sur la côte SuddeShikoku
et autour du lac Biwa,
exceptions d'ailleurs do
nature à faire naître quel-
que suspicion sur le ré-
sultat général. Quoi qu'il
en soit, Omôri* rapproclie
de cette statistique, rou-
lant sur 18279 secousses,
la répartition annuelle de
la pression barométrique,
basse en été et haute en
' Annual and diurnal variation
of scismic fi-equency in Japan
{Publ. of Uie earlhq. invest.
Comm. in for. lang., n* 8. Tokyo,
1902).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 429
hiver sur le Pacifique, inverses sur la côte opposée. Il conclut for-
mellement* à une plus grande hauteur d'eau sur la côte orientale
Fréquence
sébmique.
xn I
m IV V VI VH vn IX X XI xii
Fig. 79. —Japon. Variations annuelles de la pression barométdqne,da niveau delà mer
et de la fréquence séisiuique le long de la côte du Pacifique (d'après Omôri).
pendant Tété, d'où une accentuation notable de la pression hydros-
tatique sur les couches terrestres du même côté, circonstance
* Annaal variation of the height of Sea-level at Ayukawa and Misaki {Id., n* 18,
1904, 23).
430 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
favorable à l'augmentation de la fréquence séismique, avec inversion
du phénomène pendant l'hiver. Ces considérations paraissent assez
plausibles a priori, mais il nous semble qu'Omôri en a lui-même
détruit la portée dans un mémoire plus récent*. Dans ce dernier
travail, en effet, il trouve pour la pression sur le fond de la mer une
différence de 249 millimètres de mercure entre le maximum d'octobre
et le minimum de février, mars et avril, soient -j- d'atmosphere.
II faudrait savoir autrement si la cause invoquée est bien adéquate
à l'effet supposé, si une statistique poussée plus loin conCrmeraît
le résultat, et enCn si ces circonstances se reproduisent ailleurs. £n
tout cas, on voit qu'Omôri explique autrement que Belar ne Ta fait
pour les côtes dalmates un maximum estival, d'ailleurs appuyé sur
un nombre bien plus considérable d'observations que dans ce
second exemple.
Entre le Japon et Formose la chaîne des îles Riou-Kiou, ou
Okinawa Shima, continue intérieurement la rangée volcanique de
Kiu-Siu, et extérieurement sa ride du S. E., que représentent les
gneiss plissés de la grande Okinawa. Ce serait donc une ancienne
cordillère, démantelée et effondrée sur le Pacifique, mouvements qui
auraient déterminé les manifestations éruptives du côté de la mer de
Chine. Si l'on s'en réfère à ce qui se passe ailleurs pour des rég-ions
de structure analogue, il n'y aurait pas à prévoir une grande insta-
bilité dans ces îles, et c'est bien ce qui résulte des observations faites
à Amikou par les missionnaires de 1857 à 1858, et les observations
ultérieures des Japonais à partir de 1886 ; il en résulte une fréquence
annuelle moyenne trfes modérée de 6 secousses, et Ton n'y connaît
aucun tremblement de terre grave. Il se pourrait cependant que la
fréquence annuelle soit en réalité plus grande dans cet archipel que
celle qui vient d'être indiquée; en effet, la station séismologique
centrale de Strasbourg vient de publier (septembre 1905) le pre-
mier des catalogues annuels généraux de macroséismes dont elle a
assumé la tâche à l'association séismologique internationale. Or si
Ton se reporte à ce travail considérable et de la plus haute impor-
tance (4 760 séismes) *, on trouve que 24 secousses, à la vérité
toutes légères, ont été, en 1903, observées à la station japonaise de
nie O-Shima (129^30' E. Gr. 28^33' N.), sans préjudice de 8 autres
* Note on the annual variation of the hcight of Searlevel on the Japan Goast (Proc.
of the Tokyo phys. mat, soc* Réimprimé du : Tokyo Sugaku-Butsurigakkwai Kiji-Gavo.
II. no 20. 1905).
' Rudolph. Katalog der im Jahre 1903 bekannt gewordenen Erdbeben (Bettrdge xur
Geophysik, Erg&nzungsband, III, Leipzig, 1905).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 431
en d'autres îles*. Une explosion volcanique en 1902, a fait dispa-
raître Tori-Shima avec presque tous ses habitants '•
Lies séismes sont au contraire fréquents à Formose ou Taiwan, et
oième dangereux, puisqu'à défaut de renseignements bien circonstan-
ciés. Ton peut en citer au moins trois ayant eu de graves conséquences,
celui de 4655 et dernièrement deux autres, 24 avril et 6 novem-
bre 1904, le premier le plus violent, tous deux d^ailleurs destructeurs.
Leurs aires épicentrales ' allongées sur une direction N.N.E-
S.S.W. et grossièrement parallèles aux chaînes orientales de Tîle,
manifestent donc une relation avec sa structure géologique. Ces deux
tremblements de terre ont affecté surtout le Sud*
Les documents chinois considèrent Formose comme très exposée.
Cette île comprend une chaîne principale, la chaîne de Niitaka, formée
de schistes anciens et de calcaires cristallins, concave et abrupte sur
l'océan, et qu'accompagne à TOuest la chaîne tertiaire de Kali. La
présence de ce dernier élément explique bien la séismicité de cette île,
s'il s'agit de couches ayant subi les derniers mouvements orogéni-
ques de plissement de cette époque, et cette analogie de structure
avec le Japon fait bien soupçonner des influences séismologiques
comparables. Dans cette hypothèse, Formose commencerait la pro-
vince séismique des Philippines, dont la sépare seulement une mer
sans profondeur, avec quelques îlots volcaniques prolongeant les
Batanes et les Babuyanes au nord de Luçon, et précisément, les
deux seuls grands séismes mentionnés ont exercé leurs ravages
dans le Sud. Des vagues séismiques ont été signalées sur la côte
du N.E.
Des Pescadores, on ne connaît que quelques secousses légères.
3. — Philippines.
Grâce aux catalogues de Perrey ^, et surtout à celui de Saderray Masô%
* C*est d*ailleurs le seul cas où ce catalogae ait modifié en quelque mesure les asser-
tions contenues dans cet ouvrage, ce qui ne veut pas dire que les volumes suivants n'y
apporteront pas ultérieurement les améliorations de détail que nous sommes les pre-
miers à espérer.
* Yamasaki. Eruption of Tori-shima (Shlnsai Tobd Chôsakwai Hdkoku. Rep. imp,
earthquakeinvesl. Comm. injap, lang., n*47. Tokyo, 1,1903).
^ J. Omôri. Preliminary Note on the Formosa earthquake of November6th,i904 (Reprin*
led from : Tokyo Sugaku-Bulsurigakkwai Kiji-Gayo, II, n» 19, January 21»' 1905).
* Documents sur les tremblements de terre et les éruptions volcaniques dans l'archi-
pel des Philippines {Mém, Ac. imp. Se, Arts et Belles-lellres de Dijon, VII, 85, 1860).
' La sismologia en Filipinas. Datos para el estudio de terremotos del Archipiélago
Pilipino (Observatorio de Manila, 1895).
432
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Fig. 80. — Philippines.
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT 8INO-8IBÉRIEN 433
ainsi qu'aux observations séismologiques régulièrement instituées
de 1866 à 1900 par les pères Jésuites^ à leur observatoire muni«
cipal de Manille, au moyen du vaste réseau de leurs missions,
répandues dans tout Tarchipel^ organisation continuée par le
Weather Bureau du gouvernement des États-Unis^, Tarchipel des
Philippines est très bien connu au point de vue de la répartition des
tremblements de terre, sauf là où la colonisation espagnole d'abord,
puis américaine, n'a pu encore pénétrer, comme le centre de Luçon
et rintérieur de Mindanao et de quelques autres îles. Saderray Mas6'
a fait de cette répartition, en s'appuyant sur les travaux géologiques
de Becker*^ une très intéressante étude, qui complète les résul-
tats que nous avions obtenus antérieurement*. Seules les grandes
lignes de la géologie des Philippines sont connues, mais le peu
qu'on en sait maintenant suffit amplement à justifier leur extrême
instabilité.
L'archipel forme un grand trapèze, ayant pour base Luçon et Min-
danao d'une part, le rivage N. E. de Bornéo entre les îles Banguey
et Sibutu d'autre part, et pour petits côtés Palawan (ou Paragua) et
l'archipel de Jolo (ou Soulou). Au centre, se trouve le vide de la mer
de Jolo avec ses énormes profondeurs, comparables à celles du Paci-
fique le long des deux îles principales, Lugon et Mindanao. On a
ainsi tout de suite l'impression de terres morcelées, émergeant des
abîmes océaniques, structure générale que l'observation fait presque
toujours reconnaître comme favorable à l'instabilité.
Depuis le début des temps paléozoïques, un archipel existait là,
mais c'est tout ce qu'on en sait jusqu'à l'Ëocène, époque du dépôt
des lignites de Gebii, après quoi un grand mouvement d'exhausse-
ment et de plissement correspondait aux vicissitudes contemporaines
qui modifiaient si profondément la configuration de l'Europe et de
l'Asie; il est probable qu'alors Luçon et Bornéo furent temporaire-
ment réunies. Vers le milieu du Miocène, l'archipel s'enfonça nota-
blement; beaucoup des îles actuelles disparurent sous les eaux,
tandis que les deux grandes terres de Luçon et de Mindanao se
* Observatorio de Manila (Bajo la direcciôn de los P. de la Gompa&ia de Jésus). Bo-
Utûi menaual, 1866-1900.
' J. Algue. Philippine Weather Bureau of the Dept of the Interior. Manila central
Observatory, 1901...
' Volcanoes and seisinic centcrs of the Philippine Archipelago (Census of the Phi-
lippine islands. Bull. 3. Washington, 1904).
* Report on the Geology of the Philippine islands (Washington, 1901).
•De seismen der Philippijnen (Natuurk. Tijdschr. voor Nederlandsch-Jndië, LXL
Afl. 1. Batavia, 1901).
Ds MoirmiDS. — TrembleneoU de terre. 28
434
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Fig. 81. — Philippines. Fréquence séismique
(d'après Saderra y Maso).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 435
réduisaient à des groupes insulaires. A la lin de la même époque, un
lent relèvement commença et paraît s'être continué jusqu'à nos jours,
avec certaines inversions de mouvements locales et particulières à
quelques îles, et que décèle la distribution des formes animales. Si
les diorites et autres roches massives datent de la un du Primaire,
le développement de l'activité volcanique a probablement commencé
au Miocène inférieur, au moment de l'exhaussement et du plissement
post-éocènes. Une grande partie des produits éruptifs a été remaniée
sous les eaux, et a formé des plaines de tufs. La disposition des
lignes d'évents volcaniques, actifs ou éteints, et leur mode de liaison
ou de dépendance avec ceux des Moluques ont donné lieu à de nom-
breuses discussions encore ouvertes, mais sans intérêt pour Tétude
ici poursuivie ; qu'il suffise de dire que, d'après Becker, elles for-
ment plutôt un réseau de fissures qu'un système de diaclases paral-
lèles.
Le dernier exhaussement est prouvé par les perforations des
animaux marins lithophages, et surtout par l'existence des man-
teaux coralliens qui recouvrent presque entièrement Gebù, Negros
et beaucoup d'îlots jusqu'à des altitudes de 700 à 800 mètres. De
nombreuses terrasses littorales montrent que ce mouvement n'a pas
été continu, mais bien plutôt soumis à des paroxymes, séparés par
des intervalles de repos au moins relatif. Faut-il croire, avec les
vieux chroniqueurs espagnols, que plusieurs grands tremblements
de terre d'autrefois ont été accompagnés de soulèvements côtiers? La
question doit rester douteuse, surtout depuis la magistrale réfutation
qu'a faite Suess de semblables phénomènes dans l'Amérique du
Sud, pourtant classiques jusqu'à lui.
En résumé, l'archipel des Philippines trouve dans les dernières
pliases de son histoire géologique de nombreuses causes générales de
séismicité : abîmes océaniques tout autour, et môme dans l'intérieur,
d'où un relief considérable émergé ou immergé, plissement tertiaire,
exhaussement récent, à peine terminé de nos jours; enfin beaucoup
de fractures, par lesquelles se sont fait jour les volcans et souvent
les appareils thermaux. Mais le détail de la géologie des diverses îles
est trop peu connu encore pour que l'on puisse, dans la plupart des
cas, attribuer une influence suismogénique indéniable à des accidents
particuliers caractérisant les principaux centres d'ébranlement, dont
plusieurs ont subi des désastres, et que Ton va successivement décrire
du Nord au Sud.
A l'extrême Nord, les tremblements de terre sont fréquents dans
le petit archipel de Batanes, mais ils ne paraissent pas ébranler
436 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
autant celui des Babuyanes qui, plus au Sud, le sépare de Luçon, et
cela malgré la présence dans ce dernier du volcan actif Gamiguin
del Norte.
La grande île de Luçon renferme un grand nombre de foyers
séismiques. Le premier qui se présente est celui d'Aparri, dont la
prépondérance est due sans doute, au moins dans une certaine mesure,
à ce que la vallée du Rio Grande de Gagayan est peu colonisée
encore. Ge centre s'étend donc, selon toute probabilité, vers le Sud
jusqu'au nœud des deux cordillères, ou Sierra de Garaballo, où en
1881 Bambang (ou Bayombong), dans le haut de la vallée longitudi-
nale, a été le siège de très nombreuses secousses, qui ont donné
lieu à d'intéressantes études de la part d'Abella y Gasariego^ L'ins-
tabilité atteint le département de la Nueva Yizcaya jusqu'à la baie
de Baler, dans le district de El Principe. Abella en fait sans preuves
un foyer séismico-volcanique, tandis que Genteno y Garcia ' consi-
dère ces mouvements comme des séismes d'effondrement, en consé-
quence de la dissolution du sel gemme par les sources thermales si
développées dans la région. Saderra y Maso s'élève justement contre
cette explication qu'il trouve insuffisamment justifiée, et il fait avec
raison observer que si, après les tremblements de terre de 1881, Gen-
teno a pu tirer argument du changement de régime observé dans
les sources du Monte Blanco en 1883 et 1884, il est d'autre part fort
douteux que semblable phénomène ait été, comme on l'a prétendu»
la conséquence des secousses de 1892.
Le versant occidental de la Sierra de Ilocos est probablement beau-
coup plus instable ; en tout cas, on est beaucoup mieux renseigné sur
ses tremblements de terre. Ge district séismique s*étend jusqu'au golfe
de Lingayen et au cap Bolinao. Des chocs sous-marins ont été signalés
au large du cap Bojeador, et en outre les isoséistes d'un certain
nombre de tremblements de terre, importants par leur extension et
leur intensité, indiquent des épicentres dans les mêmes parages
maritimes. La région séismique s'étend donc au moins sur le talus
sous-marin. C'est pour ainsi dire sans interruption que le golfe de
Lingayen et la vallée du Rio Agno forment un autre foyer très ins-
table, plus dangereux même que le précédent. Beaucoup d'aires épi-
centrales s'allongent sur le thalweg du fleuve, ou sur une ligne
transversale qui, partant du fond du golfe, aboutit à la baie de Din-
galan sur le Pacifique, et certains épicentres se trouvent manifeste-
' The earthquakes of Nueva Vizc&ya (Philippine islands) in 1881 [Trans. Seism. Soc.
«/•/apan.IV.SS, 1882).
• J. Centeno y Garcia. MemoHa geolôgico-minera (cité par Saderra y Hasô, 21).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 437
ment dans le golfe lui-même. Seule la partie septentrionale de la
Sierra de Zambales paraît vraiment instable, du cap Bolinao à Iba,
et là aussi des séismes de grande aire d'action émanent du large.
Ainsi, la région d'ébranlement est en majeure partie constituée par une
dépression comprise entre la Sierra de Zambales et la Sierra de Ilocos
et formant une sorte de coulisse, et dont la pai*tie septentrionale serait
immergée jusqu'au cap Bojeador, et la partie méridionale émergée
dans la vallée du Rio Agno. 11 est des lors tout naturel, en l'absence
de renseignements géologiques sufQsants, d'émettre provisoirement
rhypothëse que c'est là une dépression dont le caractère tectonique
explique l'instabilité. Son effondrement n'aurait peut-être même pas
dit son dernier mot, s'il est vrai, comme le rapportent les indigènes,
qu'un lac se serait autrefois formé près du cap Bojeador à la suite
d'un tremblement de terre, en submergeant un village. Mais ces sug-
gestions ne sont proposées que sous les plus expresses réserves. La
partie Nord de la Sierra de Zambales, précisément la plus ébranlée,
est composée sur son versemt oriental de gabbros, de schistes talqueux,
de tufs trachytiques et, fait important à signaler, de serpentine : cette
dernière roche est très souvent l'indice d'un énergique dynamo-méta-
morphisme, accompagnant des mouvements de l'époque tertiaire dans
bien des régions séismiques. Au contraire, la partie méridionale de la
chaîne est beaucoup plus stable, quoique d'origine volcanique récente.
Plus au Sud se rencontre le foyer d*ébranlement de Manille, com-
prenant la baie de ce nom, le lac volcanique de Bombon (ou du
Taal), le département de Batangas et la côte voisine de l'île Mindoro.
Célèbre par les nombreuses catastrophes de la capitale des Philip-
pines, en particulier celle de juillet 1880, qui a été l'objet d'une étude
géologique relative à sa propagation par Centeno y Garcia \ ce district
est extrêmement exposé aux dommages, mais la fréquence y est cer-
tainement bien moindre que ne le ferait supposer le nombre considé-
rable de chocs qui y ont été signalés, beaucoup venant d'ailleurs,
surtout de la région précédente. Le peu de consistance du sous-sol
de tufs marécageux de Manille, traversé en tous sens par des Esteras^
a sans doute contribué à grandement aggraver les dommages en bien
des occasions, et à lui faire sa détestable réputation, d'ailleurs méritée.
La longue presqu'île des Gamarines avec le remarquable volcan
de l'Albay (ou Mayôn)', prolongeant Luçon vers le S. E. et l'île
* Âbstract of a Mcmoir on the c&rthquakes in Ihc island of Luzon in 1880 {Trans,
Seism. Soc, ofJapan, V, 43, 1882).
* E. AbelJa y Casariego. Monografia geol6gica del volcan de Albay ô el Mayôn.
(W.,49).
438 GÉOGRAPHIE 8ÉISM0L0GIQUE
de Samar constituent les fragments d'une cordillère morcelée, paral-
lèle à une autre sierra voisine, encore plus démantelée et formée
par les îles Masbate et Leyte. C'est là une province séismique avec
nombreux centres d'ébranlement, et, si des désastres n'y ont pas été
souvent mentionnés, cela ne tient peut-être qu'au manque de villes
importantes. Quoi qu'il en soit, les isoséistesde certains tremblements
de terre s'allongent sur le détroit qui sépare Samar et Leyte, indice
suffisant pour lui faire reconnaître un caractère tectonique et jouer
un rôle séismogénique décidé.
Les autres îles de l'archipel des Bisayas, Panay, Negros, Gebù et
Boliol, sont relativement assez à l'abri des secousses. Uoilo, seule
ville importante de ces parages, est un foyer d'ébranlement au
moins apparent. S'il était bien établi que ce soit un véritable centre,
on pourrait répéter du détroit du même nom ce qui vient d'être dit
de celui de Samar. Certaines secousses affectent à la fois les Bisayas
occidentales et le Nord deMindanao, mais, tout à fait indépendamment
des paroxysmes de volcan de l'île Caminguin del Sur, elles ont leurs
épicentres en mer.
Mindanao présente une région extrêmement instable entre les
golfes de Butuan et de Davao. C'est une longue dépression méri-
dienne, parallèle au rivage oriental et s'étendant d'une mer à l'autre.
Parcourue par les Bios Agusan et Tagum, dont un seuil peu élevé
réunit les têtes au Sud du lac de Dagum, elle est séparée de l'océan
par une longue cordillère entre l'île Dinagat et le cap San Agustin ;
Suess regarde comme une fracture la ligne littorale située au pied
de la chaîne et bordant un talus raide aboutissant à de grandes
profondeurs. Après la vallée moyenne del' Agusan, dont les missions
ont été bien des fois ravagées, Surigao et Davao sont les localités les
plus fréquemment secouées. Les indigènes les plus âgés de Siargao
disent qu'autrefois des tremblements de terre ont duré six mois et
fait disparaître plusieurs petites îles des alentours. Quoi qu'il en
soit de cet événement seulement traditionnel, la fracture océanique
et la dépression sont évidemment des accidents tectoniques, dont
on ne saurait guère nier l'intervention dans ces tremblements de terre.
Cette importante dépression des Bios Agusan et Tagum présente
un remarquable fait d'observation S c'est que les lignes d'égale incli-
naison magnétique, et surtout celles d'égale composante horizontale
se rebroussent toutes le long d'une ligne parallèle à la dépression
et située à l'ouest de ce trait géographique. Il y a probablement là
* Saderra y Maso. Isoclinic and isogonic lines in the island of Mindanao [Dept.of Ihe
ïnterxor. Philippine Wealher Bureau, Manila central Observaiory, 1902. 246).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBËRIEN 439
l'indice de perturbations géologiques et tectoniques, soulignant les
circonstances séismogéniques signalées. C'est, jusqu'ici du moins, le
seul cas que nous connaissions où l'on puisse suggérer, comme pour
la pesanteur, une relation entre les deux ordres de phénomènes,
magnétiques et séismiques ; il serait très intéressant d'en poursuivre
la recherche à la surface de tout le globe.
On ne peut actuellement rien dire des foyers séismiques moins
importants des golfes de Misamis et de Gottabato. Certains chocs
importants ont eu leurs épicentres en mer, au sud de la baie de
Dumanquilas.
L'extrémité de la longue presqu'île de Zamboanga et l'île Isabela
de Basilan forment une région séismique souvent éprouvée, que l'ar-
chipel de Jolo prolonge jusqu*à Bornéo, avec moins d'instabilité tou-
tefois. De part et d'autre de cette chaîne morcelée, les profondeurs
marines sont considérables. Le grand tremblement de terre du
21 septembre 1897 fut accompagné de vagues séismiques destruc*
tives. Il s'y produisit aussi d'importants changements topographiques,
mais d*une inégale authenticité, car si l'apparition d'une île de
boue au voisinage de Labouan (Bornéo) S et celle d'une autre au
voisinage de Kudat au S. E. de l'île Malundangan, sérieusement
observées % sont hors de doute, il n'en est pas de même pour la
disparition d'une île Damni entre Siassi et Tawi-Tawi, ni même
pour la formation d'une grande crevasse dans Tîle Tubigon près de
Pafigutàran, phénomènes signalés aussi par Coronas. Quoi qu'il
en soit, l'origine sous-marine de ce grand événement, suivi de plus
de 500 chocs consécutifs, ne fait pour ainsi dire pas question, et
doit être recherchée au Nord et au large de Jolo. Son caractère
nettement tectonique a été démontré par Coronas, et cette conclu-
sion doit s'étendre aux autres séismcs de ces îles, car leurs for-
mations coralliennes et basaltiques n'impliquent guère par elles
seules l'instabilité. Il faut toutefois observer qu'elles s'élèvent au-
dessus d'une étroite arête, plongeant au Nord et au Sud sur de très
grandes profondeurs océaniques, circonstance éminemment favo-
rable à l'instabilité.
On suppose stable la grande et étroite île de Palawan, ou Paragua,
prolongeant la Sierra de Zambales jusqu'à l'extrémité Nord de Bornéo;
* 0. Agamemnone. I terremoti dl Labuan del 21-VIII-i897. (A. c. délia R, Aec. dei
Lincei, VU, série 5« , fasc. Vï. 455, 1898).
— C. Schmidt. Ueber die Géologie von Nord- West Bornéo und eino daselbst entstan-
dene « Neue Insel » (Beitrdge zurGeophysik, VII, 1, 121. Leipzig, 1904).
* J. Coronas. La actividad sismica en el archipiélago ûlipino durante el aûo 1897
(069. de Manila, 1899).
Fig. 82. — Philippines. Aires pléistoséistes des principaux séismes ayant eu
leurs épicentres en mer.
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 441
mais elle est trop peu connue pour qu'on puisse rafiirmer en toute
certitude.
D'après Goronas, les vagues séismiques et les tremblements sous-
marins sont fort rares aux Philippines : c'est donc que Tarchipel ne
se trouve pas entouré de fractures restées mobiles et représentées
par les grandes profondeurs des mers voisines, correspondant à la
formation du Pacifique. Cette conclusion est d'accord avec le fait
de l'existence, dès les temps paléozoïques, d'un ancien archipel, dont
l'ossature se retrouve à Luçon et à Mindanao, et que masquent sou-
vent de grandes masses de formations éruptives de toutes les
époques. Seule la côte orientale de Mindanao ferait exception, si
l'observation de tremblements de terre mieux étudiés vient à con-
firmer l'opinion de Suess mentionnée plus haut, relativement à la
chaîne ancienne qui la borde. Deux séismes signalés dans les îles
Palaos (ou Pelew), loin au large et à l'est de Mindanao, ne suffisent
pas à contre-balancer à cet égard l'absence totale de séismes sous-
marins observés jusqu'à présent. Les tracés des isoséistes de quel-
ques tremblements de terre indiquent cependant des épicentres
situés en mer.
En définitive, les tremblements de terre des Philippines doivent
être jusqu'à nouvel ordre regardés comme l'héritage direct du plisse-
ment tertiaire, l'exhaussement post-miocëne ne pouvant guère être
invoqué à cause de la stabilité relative des Bisayas, oîi ce dernier
mouvement a atteint son maximum.
4. — Iles à l*e8t de Java. Moluques, Gélèbes et Bornéo
Comme pour Java et Sumatra, les informations séismiques, rela-
tives à toutes ces îles, résultent des listes publiées annuellement par
le Nattiurktindig Tijdschrift voor Nederlandsch-Indië des nombreuses
observations faites par ses correspondants, fonctionnaires militaires
ou civils, répandus suivant les progrès de la pénétration européenne.
Pour les années antérieures, on a les catalogues de Perrey *. On est,
en somme, fixé d'une manière très satisfaisante sur la stabilité ou
l'instabilité générale de la plupart des îles principales.
Les géologues ont discuté et discutent encore beaucoup sur la divi-
sion des Moluques en divers arcs d'âge et de constitution différentes,
* Documents sur les tremblements de terre et les phénomènes volcaniques aux Moluques :
\f partie. Groupe d*Amboine {Ann. soc. d'émulation des Vosges, IX, III, 1857). — 2» par-
tie. Groupe de Banda (/rf.,X, I, 1858). — 3» partie. Groupe de Ternate (/d.,X, II, i859).
— 4« parUe. Groupe de Sangir (Id., XIII, 1860).
442
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
sur la délimitation des
lignes volcaniques an-
ciennes et récentes,
enfin sur les derniers
mouvements qui les
ont amenées à leur état
actuel de morcellement.
L'homologie avec les
Grandes et les Petites
Antilles^ le golfe du
Mexique, la Méditer-
ranée et la chaîne Ca-
raïbe, n'ont pas donné
lieu à de moindres
divergences d'interpré-
tation ^ Mais toutes ces
discussions ne sau-
raient en aucune façon
diminuer l'influence des
causes générales de la
grande instabilité qui
règne, à des degrés
d'ailleurs divers, dans
ces îles. Du reste, le
fait qu'elles appartien-
nent aux deux géosyn-
clinaux a dû amener
une grande complica-
tion de mouvements,
qui rend malaisée la
tâche de départageras
différentes opinions ,
toutes peut-être exac-
tes, malgré d'apparen-
tes contradictions. II
suffira, dès lors, de
suivre les groupes d'îles
* B. Kolù. On tlie géologie
structure of the malayan Ar-
chipclago {Joum. of the ColL
ofsc. Imp, Univ. of Tokyo. XI,
Pai-t II, 83. 1899).
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 443
qu'une certaine communauté de situation géographique et de cons-
titution géologique permettra de considérer comme naturels et à peu
près autonomes.
Bali, Lombok, Soembawa, Flores, Lomblen, Pantar et AUor for-
ment une première traînée rectiligne et morcelée, prolongeant Java
avec tous ses terrains volcaniques et sédimentaires. Les nombreux
détroits qui séparent les îles les unes des autres correspondent trait
pour trait h ceux qui à l'époque miocène coupaient Java en trois
tronçons ; il s'est trouvé seulement qu'ils n'ont été ni soulevés ni
comblés. Aussi les circonstances d'instabilité séismique y sont-elles
de tout point comparables, avec cette seule différence que le talus
de rOcéan Indien ne suit plus leur bord méridional, mais cet acci-
dent n'ayant pas, comme on l'a vu, d'influence séismogénique à Java,
son éloignement vers le Sud n'introduit ici aucune circonstance nou-
velle et stabilisante, au point de vue des tremblements de terre ;
aussi y a-t-il peu de vagues séismiques de ce côté, mais seulement à
Textrémité Nord de Flores. A Bali, Boelélens: et Negara ; à Soem-
bawa, Bima; à Flores, Endeb, Maumeri et Larantoeka, sont les foyers
principaux d'ébranlement, et probablement apparents, donc sans
grande signification, ces villes étant les plus importants centres de
colonisation. A Pantar se termine la série des évents volcaniques de
l'alignement de Sumatra et de Java.
Les îles extrômes du Sud, Soemba ou Sandelhout, Sawoe, Boti,
Samaoe et Timor, forment également un ensemble assez naturel émer-
geant des profondeurs de 6 000 à 7000 mètres de la fosse de Maclear.
Toutes présentent un substratum archéen, et l'activité volcanique
n'y existe probablement que sous la forme boueuse, les éruptions
du Bibitubo, près de Dillé, indiquées par Perroy *, étant peut-être
apocryphes. Soemba, en partie granitique, est stable. Quelques séismes
seulement agitent Bandjocwa et Sawoe, oùTÉocène est très redressé.
Il en est de môme de Baâ à Boti, oîi se montrent le Permien, le
Trias et le Jurassique. Les roches éruptives crétacées font leur appa-
rition à Timor, où le Tertiaire prend une certaine importance ; Ata-
poepoe, Dillé et la presqu'île de Koepang ont eu des tremblements
sévères à déplorer, mais ce ne sont que des épicentres apparents.
Pour autant qu'on peut en juger, la partie portugaise de Timor est
la plus stable, ce qu'on peut provisoirement expliquer dans une cer-
taine mesure par un plus grand développement de l'Archéen que
dans la partie méridionale, ou hollandaise. On a reconnu du Permo-
* Le Bibitubo, volcan de Timor {Nouv. ann. des voyages, ISoS, HI, 135, IV, 303).
444
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
0
0
3
I
LÀ BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 445
carboniférien aux environs de Koepang, de sorte que la pénéséis-
micité de cette région tient sans doute à la présence d'un synclinal
de cette époque. Ces suggestions sont seulement provisoires.
Entre l'Australie et la Nouvelle-Guinée s'étend une mer dont le
peu de profondeur contraste avec les abîmes de 4 000 à 5 000 mëtres de
la mer des Moluques, formant au sud de Géram une sorte d'ombilic,
qui est presque de toutes parts entouré d'îles. Les îles qui séparent
cette cuvette de la mer d'Australie se développent à l'Est de Timor
en trois arcs concentriques et de constitution bien différente : à l'in*
térieur une série de volcans insulaires, actifs ou éteints^ de Kisser
k Seroca^ et où l'on ne connaît guère de séismes qu'à Dammer;
l'arc médian, de Wetter à Babber, est caractérisé par la série des
sédiments primaires et secondaires, sans préjudice de roches érup-
tives anciennes, et ces îles sont pénéséismiques; enfin l'arc extérieur
des Tenimber, ou Timor-Laoet, des Kei ou Éwab, et des Aroe, est sur-
tout tertiaire^ et peu ébranlé. Par l'âge et le faible dérangement de
leurs couches, ainsi que par leurs constructions coralliennes, on
ajoutera ici par leur faible séismicité, on a pu assimiler ces trois der-
niers groupes d'îles aux Bahamas, situées aussi à l'extérieur des arcs
successifs entourant la mèr des Caraïbes, homologue de celle des
Moluques.
Céram et Boeroe limitent cette mer au Nord. Elles forment une
bande orientée E.-W. de terrains archéens, en particulier de mica-
schistes, associés à un calcaire d'âge inconnu. Sur le versant méri-
dional de la première, l'existence de couches secondaires est certaine ;
on y a aussi rencontré des roches éruptives crétacées, mais l'activité
volcanique actuelle fait entièrement défaut. Sur la côte septentrionale
se montrent deux faibles centres d'ébranlement, Waahai et Waroe,
dont la séismicité ne dépasse pas celle qu'on peut attendre d'une
zone ancienne. Mais au Sud, Amahei et Elpapoetih à Géram, Kajelie
et Tiffoe à Boeroe^ ressentent de nombreuses secousses. Le 30 sep-
tembre 1899, un tremblement de terre désastreux a désolé l'extré-
mité occidentale de Géram, et Yerbeek ^ en a localisé l'épicentre un
peu à Test d'Elpapoetih, justement sur une fracture presque recti-
ïigne traversant la baie du même nom, puis suivant toute la côte Sud,
parallèlement à deux autres cassures concentriques plus intérieures
qui comprennent entres elles Amboine et Saparoea. Si une énorme
vague compléta la catastrophe, il ne faudrait pas en conclure à une
* R. D. Verbeek. Kort Verslag over de aard-en zeebeving op Ceram, den 30"*e» sep-
t6inberl899 (Natuurk. Tijdschr. voor Ned. Indië, LX, 218, 1900).
Id. Âardboving van Ceram des 30-IX-1899. Extratenait oflGciele rapportcn (/(/., 219).
446
GÉOGRAPHIE 6ÉISM0L0GIQUE
origine sous-marine du séisme, produite qu'elle a été simplement par
un gigantesque éboulement de falaise, à la suite du tremblement de
terre. On a ainsi pu prendre sur le fait un phénomène qui ne doit
pas manquer de se produire parfois, et qui masqué par la couverture
liquide peut causer des erreurs sur l'interprétation de semblables
vagues. La détermination de Tépicentre faite par Verbeek, sur une
longue cassure parallèle à Taxe de Céram, à ses deux côtes, et
aussi aux isobathes de l'ombilic si voisin et si profond de la mer
des Moluques, conduit invinciblement à cette conclusion que les
efforts tectoniques qui ont creusé Tabîme sous-marin continuent à
130° E.
O Epicenfre du (remdUment de terre dit Jo Septemjbre /SSS
— — dislocations
Fig. 85. — Dislocations de Céram.
jouer un rôle séismogénique évident. Celte conclusion n'est pas for-
cément inconciliable avec l'absence de foyers connus d'instabilité sur
le reste de ce littoral sud-occidental, car elle peut résulter de ce qu il
n'y a pas de centres suffisamment colonisés, et d'ailleurs les grands
accidents ne sont pas toujours instables sur tout leur parcours. Enfin,
dernier argument prêtant moins le flanc à la critique, la côte orien-
tale est beaucoup plus éloignée du centre de l'ombilic, de sorte que
la pente sous-marine y est bien moindre. Ce rôle séismogénique de
la fracture est corroboré, d'autre part, par l'extrême instabilité de
Saparoea (ou Honimoa), et surtout d'Amboine, au Sud et au Sud-
Ouest de la baie d'Elpapoetih, îles toutes deux comprises entre deux
autres failles concentriques et subordonnées à la première, et où
apparaît le Tertiaire moyen, inconnu à Céram. En se rapprochant du
centre de l'ombilic, la séismicité s'est notablement augmentée. A
Amboine, le Wawani passe pour avoir eu une éruption volcanique
en 1674, mais Kotô a démontré que cette catastrophe avait une
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT 6IN0-SIBËRIEN 447
origine purement séismique. Le voisinage des abîmes de la mer des
Moluques peut aussi expliquer indirectement les séismes de Kajelie,
et surtout de Tiffoe de l'île Boeroe. Le grand volcan si actif, TApi
de Banda, fait partie du petit archipel du même nom surgissant d'un
seul jet de fonds de 7815 mètres, et les tremblements de terre y sont
fort fréquents.
Halmaheira, ou Djilolo, est remarquable par sa structure chiro-
graphaire, indice sinon toujours d'effondrements de golfes lobés,
tout au moins de la juxtaposition d'éléments divers et discordants
favorables à la séismicité. Le substratum ancien n'y est encore connu
qu'à Batjan, et partout ailleurs les roches éruptives crétacées et ter-
tiaires se montrent souvent recouvertes par les déjections des vol-
cans actuels de la côte occidentale, principalement ceux des petites
îles de Batjan et de Temate. Le Tertiaire est connu à Halmalieira.
Les pentes marines entourant l'archipel sont plutôt faibles. Si les
tremblements de terre sont habituels et sévëres sur la côte occiden-
tale, les obser\'ations manquent encore pour les péninsules de l'Est
et les îles de Morotaï et d'Obi ou Ombirah. Est-il indifférent pour
l'instabilité, d'ailleurs non exagérée, d'Halmaheira qu'à l'époque de
la mer lutétienne (Éocëne moyen), l'axe du géosynclinal passait
précisément sur cette île, ce qui a dû correspondre aux amples
mouvements ultérieurs?
L'île de Célèbes présente, à un degré encore plus accentué, la struc-
ture chirographaire. Sa presqu'île du Nord, ou le Menado, est d'une
extrême instabilité, qui commence des sa racine à la baie de Donggola.
Tontoli, Gorontalo, Bolaang-Mogondo, Menado et Tondano sont les
principaux foyers apparents d'ébranlement, mais il est bien pro-
bable que toute la presqu'île est uniformément exposée aux tremble-
ments de terre. Cette étroite arête granitique et archéenne se termine
vers le Nord par le Minahassa, aux nombreux volcans, qui se conti-
nuent en mer par ceux de Sangi, où les séismes ne sont guère
moins fréquents et redoutables. On y observe une grande dépression
tectonique, comprise entre des h^rsts granitiques, et son point le
plus bas est au lac Limbotto, non loin de Gorontalo. Il est d'autant
plus vraisemblable que cet accident joue un rôle séismologique qu'il
se prolonge par une longue ligne volcanique, de moindre résistance
par conséquent, jusqu'au volcan Sanguil (Mindanao) par ceux du
Minahassa et des îles Siawoeh, Sangi et Sarangani. La presqu'île de
Gorontalo, ou de Menado, ce petit archipel et la péninsule du cap
San Agustin au S. Ë. de Mindanao forment au Sud et à TEst la bor-
dure d'une mer profonde de 5 000 mètres entre Célèbes, Mindanao, les
448 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Jolo et Bornéo. Par une très remarquable coïncidence, outes ces terres
sont très instables, à Tunique exception de Bornéo^ qui seule, a des
côtes descendant en pentes douces vers le fond de ce nouvel ombilic.
L'absence de vagues séismiques sur la côte Nord du Menado, c'est-
à-dire du côté des abîmes^ laisse à supposer que l'instabilité n'est
pas directement due à l'accident, mais aux dislocations qu'on y a
signalées, et qui doivent être en relation avec sa formation. D'assez
nombreux séismes agitent en même temps le Minahassa, Sangir et
Ternate, et il est très possible que leurs épicentres se trouvent en
mer.
On ne sait rien des tremblements de terre qui peuvent agiter le
reste de Célèbes, sauf pour le Sud de la presqu'île de Mangkasar,
où la ville du même nom, Balangnipa et Bonthain ressentent quel-
ques secousses, d'ailleurs modérées. Cette presqu'île est formée
à rOuest par une chaîne éruptive et à l'Est par une chaîne tertiaire
récente plissée, de même direction méridienne. Saleijer au Sud est
une île voisine, également pénéséismique ; elle consiste à l'Est en
un chaînon de roches volcaniques à pentes rapides et à l'Ouest en
Tertiaire marin récent.
Il est assurément très hardi de faire des pronostics en semblables
matières ; cependant, comme les îles de Soela-Besi, Mangoeli, Sata-
lieboe, Banggaai, Peling et la presqu'île de Banggaai prolongent évi-
demment, au moins au point de vue géographique, la bande de
Céram et de Boeroe au Nord d'une autre fosse profonde, homologue
de l'ombilic do la mer des Moluques, on est presque en droit de
penser que, peut-être, les futures observations dans ces terres encore
peu connues y décèleront une région séismique analogue à celle de
Céram, Saparoea, Amboine et Boeroe; son existence est rendue
vraisemblable parles secousses déjà mentionnées à Senana, et par une
importante série, en avril 1898, à l'île Oena-Oenaou Binang-Oenang^
dans le golfe de Tomini, accompagnant, il est vrai, une éruption
volcanique. Cette conclusion est, bien entendu, subordonnée à laçons»
titution géologique encore tout à fait obscure de ces îles et de la
grande presqu'île Banggaai de Célëbes oriental.
Jusqu'à présent, on avait considéré Bornéo comme une dépendance
du continent sino-sibérien, dont elle aurait fait, croyait-on, partie
depuis les temps paléozoïques, et que seul l'ennoyage d'une mer
plate en séparerait maintenant. Si son aséismicité, au moins pro-
bable, était dès lors une conséquence toute naturelle de cet état de
choses, il faut renoncer à cette opinion, depuis qu'on a découvert
dans cette île des couches marines triasiques, jurassiques et créta-
LA BORDURE PACIFIQUE DU CONTINENT SINO-SIBÉRIEN 449
cées plissées. Les tremblements de terre n'y jouent qu'un rôle très
effacé, du moins sur les côtes, les seules parties colonisées de Ftlc,
et la fréquence moyenne annuelle n'y dépasse guère deux ou trois
secousses ; elles ont été observées à l'Ouest, dans la plaine de Pon-
tianak, et surtout à l'Est dans celles de Bandjarmasin et de Sama-
rinda. Si donc l'on réserve la question de la séismicité de l'intérieur,
à peine encore exploré, cette rareté des secousses tendrait à prouver
que les actions post-crétacées de plissement sont éteintes par trop
d'ancienneté, ou que les efforts correspondants sont complètement
épuisés.
La côte du Nord-Ouest de Bornéo présente des volcans de boue
des deux côtés de la baie de Brunei, fermée par l'île de Labouan, qui
a été elle-même le théâtre d'une éruption boueuse, le 21 sep-*
tembre 1897 *, en coïncidence avec un grand tremblement de terre
dont l'origine se trouvait certainement dans la mer profonde de
SouloUy et dont il a déjà été question. Il semble que le séisme ait
été pour quelque chose dans la production du phénomène. Quoi
qu'il en soit, cette côte est stable en dépit des importants plissements
que C. Schmidt' a constatés dans les couches tertiaires tout autour
de la baie. Cette dernière observation montre bien que Bornéo ne
doit pas être exclue du géosynclinal, ainsi que le fait Haug, puisque
le Tertiaire y est plissé à l'opposé du détroit de Mangkasar, par oii
ce géologue fait passer la limite occidentale du géosynclinal.
Les suggestions particulières que Ton peut faire au sujet des rares
tremblements de terre de Bornéo se réduisent à peu de chose.
Pontianak avoisine la chaîne des volcans andésitiques éteints, récem-
ment reconnus au Sud du fleuve Kapoewas, et Samarinda n'est pas
très loin des caps Kamiongan et Mangkalihat, à l'extrémité orientale
d'une chaîne dont la constitution et la structure paraissent iden-
tiques avec celles de la presqu'île si instable du Nord de Gélèbes ;
dans ce dernier cas, les causes de séismicité auraient passé de l'autre
côté du détroit de Mangkasar.
* G. Agamemnone. I terremoU di Labuan del 21 settembre 1897 (Rendiconti d. A.
Ace. d. Lincei, VII. 155. 1898).
' Ueber die Géologie von Nord- West Bomeo und eine daselbst entstandene « Neue
Insel » [BeitrOge zur Geophyiik, VII, 1-128. Leipzig. 1904).
Dr MosTEMut. — Tremblementf de terre. 29
CHAPITRE XXIV
NOUVELLE-GUINÉE, MÉLANÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE
1. — Nouvelle-Gninée et Mélanésie.
Avant de descendre droit au Sud sur la Nouvelle-Zélande, le géo-
synclinal circumpacifique présente vers l'Est une large expansion
qui lui fait englober, à l'orient de la Nouvelle-Guinée, une série d'ar-
chipels importants jusqu'aux Tonga et aux Samoa. Ces îles ont été
parcourues par de nombreux navigateurs et étudiées par bien des
missionnaires curieux des choses de la nature, de sorte qu'à défaut
d'observations régulières, on commence cependant à être à peu près
jRxé sur leur séismicité. Au contraire, leur situation géologique est
beaucoup moins bien définie, et l'accord n'a pu encore se faire sur
le rôle qu'elles jouent réellement, terres morcelées d'un continent
papouasien, ou rides de l'époque tertiaire en voie de formation peut-
être avortée : on va jusqu'à ces deux extrêmes.
La Nouvelle-Guinée possède un relief assez considérable, mais
une dénivellation d'une centaine de mètres seulement la réunirait à
l'Australie. Avec son ossature parfois granitique, et plus générale-
ment composée de roches métamorphiques peut-être fort anciennes,
elle paraît figurer les restes d'une puissante cordillère, dont le bord
septentrional serait effondré sur des fonds de 4000 mètres, non
exactement à son pied, mais sur l'équateur au delà des îles de l'Ami-
rauté. Ces mouvements de rupture ont d'ailleurs été soulignés par
les produits éruptifs qui recouvrent les terrains récents. Il n'y a
donc à prévoir de tremblements de terre qu'au Nord, et c'est bien ce
qui semble avoir lieu, sans qu'on puisse cependant l'affirmer avec
certitude, les côtes méridionales étant vraiment par trop peu con-
nues encore. Quoi qu'il en soit, l'existence d'un ou de plusieurs
districts pénéséismiques au Nord est bien avérée. Les observations
des Hollandais démontrent une certaine fréquence de séismes à
Doreh, ou Doréi^ au pied des monts Arfak, et une plus grande
* Maclay. Notice météorologique concernant la côte Maclay en NoQvelle-Guinée (NaL
Tijdschr. voor Ned. Indië, XXXIII, 430, 1873).
NOUVELLE-GUINÉE, MÉLANÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE
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encore à Windessi dans les îles Waigeoe à rexlrémité occiden-
452 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
taie de la Nouvelle-Guinée. A, Tépoque du Culm (base du Carbonifé-
rien), du moins si Ton en croit des cartes paléogéographiques
encore bien hypothétiques pour des régions aussi mal connues,
Taxe de la mer intérieure entre les masses continentales des hémi-
sphères Nord et Sud passait précisément sur cette partie N. W. de la
Nouvelle-Guinée. Des lors, on se trouverait ici, comme dans de si
nombreux cas mentionnés, sur des tremblements de terre échos des
mouvements d'émersion du géosynclinal primaire relevé par les
dislocations hercyniennes. On a attribué sans preuves une origine
volcanique aux secousses de Doreh. Des conditions analogues de
fréquence et d'intensité se retrouvent à Textrémité orientale, côte de
Maclay, archipel Bismarck (Nouvelle-Bretagne) et canal Saint-
Georges. Des vagues séismiques ont été aussi observées dans ces
dernières îles et sur la côte Maclay, ainsi que sur la côte occidentale
de la grande baie du Geelvink, ou côte orientale de la presqu'île
découpée par le golfe de Mac Gluer dans la Papouasie hollandaise.
Des îles de la Lousiade et d'Entrecasteaux Ton ne sait rien ; et la
ride papouasienne se continue au S. E. par la Nouvelle-Calédonie et
les Loyalty, où les tremblements de terre sont d'une fréquence et d'une
intensité médiocres. Des observations assez régulières, faites de 1863
à 1864 et de 1869 à 1889 \ y donnent à peine une secousse par trois
années en moyenne, et Kulczyski, directeur de l'observatoire de la
la colonie, a donné à Perrey' ce renseignement que, de 1853 à 1863,
on n'avait ressenti aucun tremblement de terre dûment constaté.
L'aséismicité de le Nouvelle-Calédonie est donc bien avérée. D'après
Deprat et Piroutet', l^Éocène s'enfonce en couches parfois voisines de
l'horizontalité sous les dépôts plus anciens, Trias et Lias, preuve
que de puissants mouvements orogéniques ont eu lieu dans cette
île. Ainsi ces actions sont éteintes.
Les Salomon et les Nouvelles-Hébrides forment une autre ride
parallèle à la Nouvelle-Guinée. Les premières représentent une zone de
soulèvement, car Guppy* y a rencontré à plus de 100 mètres d'altitude
des boues à ptéropodes dont la formation n'a pu se produire que sous
500 à 1000 mètres d'eau. Les constructions coralliennes, sorte de
placage sur d'anciennes roches éruptives que Judd considère comme
* Proust. Bull. Soc. Met. France, XIV. Tableaux, 102, 1866. — Louvet. Catalogue dn
tremblements de terre ressentis à Nouméa de 1869 à 1889. Coup d'œil sur le climat de
iVoum/a (Nouméa, 1889).
> Catalogue pour 1863. Supplément, p. 53.
* Sur rezistence et la situation anormale de dépôts éocènes en NouTelie-Galédonie
(C. -R. Ac. se. Paris, CXL, 158. 1905).
* The Solomon Islands (London. 1887).
NOUVELLE-GUINÉE, MÉLANÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE 453
n'ayant pu se former que sous de trës grandes profondeurs sous-
marines, concourent à la démonstration du même fait, à savoir que
les chaînes si remarquablement rectilignes et parallèles des Salomon
et des Fidji représentent des rides en voie de formation et soulevées par
étapes successives, comme le montrent les terrasses coralliennes éta-
gées. En même temps les grands abîmes voisins, qui ont été signalés le
long de la base du socle des Tonga, semblent indiquer le glissement de
deux compartiments le long des fractures à la faveur desquelles les
matières éruptives ont pu sortir par les évents volcaniques modernes.
Quelques tremblements de terre seulement ont été observés à Port-
Praslin, San Cristobal et l'île des Marteaux, et il ne paraît pas qu'ils
puissent y être véritablement bien redoutables. Bref, ces îles jouissent
d'une presque immunité séismique, en rapport avec les mouvements
verticaux intenses dont elles ont été le tliéâtre, genre de vicissitudes
qui joue rarement un rôle séismogénique décidé, lorsque rien ne
vient les compliquer, et c'est ici le cas.
Les Nouvelles-Hébrides sont, apparemment, plus souvent ébranlées.
D'après Levât*, on peut les diviser en trois groupes : des îles pure-
ment volcaniques; d'autres madréporiques et tabulaires, accusant
comme précédemment des oscillations verticales par à-coups succes-
sifs ; enfin des îles que la présence de gneiss et de calcaires métamor-
phiques rattachent à la Nouvelle-Guinée, Ëspiritu Santo et Mallicolo,
par exemple. C'est précisément pour Mallicolo que l'on connaît le
plus de secousses, ce qui accentuerait encore sa liaison avec la
grande terre pénéséismique ; mais il se peut que cette déduction
soit atténuée par le fait qu'une éruption sous-marine a accompagné
les nombreux chocs de 1857. On a observé des vagues séismiques
aux Nouvelles-Hébrides et aux Loyalty.
Les Fidji manifestent aussi des preuves d'exhaussements succes-
sifs que démontrent des terrasses coralliennes. On n'y connaît pas
de tremblements de terre, nouvelle preuve à l'appui de la stabilité
des côtes soumises à ces seuls mouvements.
Les Tokelau, les Samoa et les Tonga sont bien plus instables, et
on y connaît beaucoup plus de secousses; mais on ne peut pas dire
qu'il s'y soit jamais produit de désastres purement séismiques. La
fameuse île Falcon, la Julia de ces parages, est apparue daïis ce
groupe et des traditions indigènes se rapportent à de semblables événe-
ments de date peu reculée. La géologie de ces îles, pour le peu qu'on
en sait, rappelle celle des Nouvelles-Hébrides, ce qui ne suffit guère
* Les nouvelles Hébrides (Extrait de : Annuaire géol, univ,, VIL 811, Paris, 1890).
454 GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
à éclairer la genfese de leurs séismes, en partie peut-être d'origine
volcanique*. Wegener* regarde les Samoa comme les sommets de
volcans érigés sur la crête d'une cordillère sous-marine^ émergeant
d'une profondeur de 4000 à 5000 mètres et par conséquent placés
comme ceux des Andes. Leurs tremblements de terre seraient
donc, pense-t-il, des témoins attestant que les forces qui ont élevé
ces îles ne sont pas encore éteintes.
Beaucoup plus au Sud^ les îles Kermadec, Gurtis et Raoul ont
fourni quelques observations de secousses.
Des tremblements de terre sous-marins sont assez fréquents dans
tous ces parages, mais aucune déduction ne peut être tirée de la
façon dont ils se répartissent.
2. — Nouvelle-Zélande.
Les observations séismologiques publiées depuis près de cin-
quante ans dans les Transactions of the New Zealand Institute
accusent une fréquence moyenne assez forte, 28 secousses environ,
qui n'est cependant pas exagérée eu égard aux 13 degrés de latitude,
prèsde 1 500 kilomètres, sur lesquels se développent les deux îles. Leur
intensité n'y est pas extrême non plus ; c'est ainsi que si l'on étudie
sans parti pris, et sans se fier à une réputation de grande instabilité,
les 7 ou 8 tremblements de terre sérieux connus, on s'aperçoit
qu'ils n'ont guère dépassé le degré VIII de l'échelle Rossi-Forel ; à
peine peut-on admettre le degré IX, et en tout cas ils n'ont jamais
été véritablement destructeurs. On a donc affaire ici à des régions
séismiques^ dans le sens que nous donnons à ce mot, du plus faible
degré d'instabilité.
Les îles néo-zélandaises comprennent toute la série sédimentaire,
du Silurien au Tertiaire, et le plissement de ce dernier terrain n'a pas
encore été constaté. Elles appartiennent donc à un géosynclinal très
ancien que les mouvements tertiaires n'ont ni plissé, ni remplacé par
une chaîne comparable aux grandes rides de l'Amérique et de l'Asie.
Il est ainsi très explicable a priori que les tremblements de terre y
soient sensiblement moins à redouter qu'au pied de celles-ci, et
cette moindre instabilité résulte de ce que, tout au moins en der-
' C'est dans le prolongement de la fosse qui borde les Tonga, par 30* S.» et an droit des
îles Kermadcc, que l'exploration du « Penguin » a rencontré les plus basses sondes con-
nues jusqu'à, présent, 9 427 mètres.
* Samoa, Land und Leuto (Zeiischr. d. Ces. /. Erdkunde zu Berlin, 411, 1902).
NOUVELLE-GUINÉE. MÉLANÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE
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Fig. 87. - Nouvelle-Zélande.
456 GÉOGRAPHIE 6ÉI6MOLOGIQUE
nier lieu» les fractures et les affaissements ont seuls joué un rôle
dans la formation de la structure des tles, à Texclusion de tout plis-
sement.
A Touest de l'île du Sud se dresse une puissante chaîne, les
Alpes néo-zélandaises, dont Taltitude ne dépasse guère 3 000 mètres,
et qui, au Sud, a ses flancs découpés par des lacs profonds, en
partie comblés, et du côté de l'océan par des fjords ; par une sorte
d'anomalie, elle ne tombe pas sur une mer profonde, comme il an*iye
si souvent pour les longues crêtes côtiëres. C'est une ride très
ancienne, déjà en butte aux agents destructeurs dès l'époque juras-
sique et dont les vallées avaient déjà leur niveau actuel avant
l'Oligocène. La côte orientale de l'île du Nord, entre les caps Ëast
et Palliser, est formée par une bande paléozoTque plissée, la chaîne
Ruahine, dominant à l'Ouest une remarquable région volcanique,
ainsi qu'une série de terrains tertiaires et récents qui s'éten-
dent du détroit de Cook à la Bay of Plenty. Les environs d'Auck-
land sont essentiellement volcaniques, tandis que le superbe cône
de TEgmont, au nord de Wellington, fait le pendant du massif
du Bluff dans la presqu'île de Banks, près de Ghristchurch, tous
deux montagnes volcaniques. Contrairement à ce qui se passe à
l'Ouest, risobathe de 2 000 mètres longe de très près les côtes orien-
tales de l'île du Nord. Enfin, pour compléter cette description som-
maire, les détroits de Cook et de Fo veaux ont tous les caractères
de zones transversales effondrées, la première, au moins, postérieure-
ment à l'époque tertiaire.
Les environs d'Auckland sont très stables, et les secousses y sont
fort rares, malgré le développement d'un appareil volcanique d'une
grande fraîcheur encore, et en dépit des mouvements négatifs et
positifs nombreux, que dénote l'alternance de couches pliocènes
marines et de produits éruptifs variés.
Les secousses deviennent plus fréquentes autour de la baie de
Napier, dont la forme rappelle, mais non sans réserves, les lobes
affaissés que l'on rencontre le long d'anciennes chaînes côtières et
qui sont si souvent le siège d'une séismicité modérée.
Les tremblements de terre ne sont pas très fréquents dans le dis-
trict volcanique du Rotorua et du lac Taupo, autrefois célèbre par
les terrasses incrustées du Rotomahana, dont la destruction par l'ex-
plosion du Tarawera (9 juin 1886) fut cependant accompagnée de
secousses nombreuses, dont au moins une fort sévère.
C'est tout autour du détroit de Cook que se manifeste la plus
grande instabilité de la Nouvelle-Zélande, mais sans pénétrer bien
NOUVELLE-GUINÉE, MÉLANÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE 457
loin dans rintérieur des îles du Nord et du Sud. Hogben ^ a pu
localiser sans conteste dans le détroit lui-même les épicentres de
trois tremblements de terre importants (20 février 1890> 5 juillet et
4 décembre 1891), et celui du 1" janvier 1853, qui a causé des
dégâts àNewPlymouth,eta été signalé comme venant de la mer. Les
mouvements qui ont, à une époque plus reculée, ouvert cette voie
semblent donc se continuer sous forme de séismes, qui jusqu'à
présent n'ont été que sévères, mais non véritablement destructeurs,
ainsi qu'on l'a déjà dit plus haut. Cette explication est fortement cor-
roborée par les failles qui ont accompagné deux tremblements de
terre, à ce titre fort connus et souvent relatés dans les traités de
géologie, ceux du 18 octobre 1848 et du 23 janvier 1855. Le pre-
mier a occasionné à partir de la baie des Nuages (Cloudy Bay)
une fissure de 18 pouces de largeur au maximum et sans dénivel-
lation qu'on a pu suivre sur 60 milles de long dans la cliaîne qui
s'étend vers le S. W»; le second a prolongé la même ligne de dis-
locations de l'autre côté du détroit, jalonnant cette fois sur 90 milles
le flanc oriental de la chaîne de Ramutuka à partir du cap Muka-
Muka, à 19 milles au S. Ë. de Wellington. Les deux tremblements
de terre ont ainsi fendu l'écorce terrestre sur 250 kilomètres. Mais
à cela ne se sont pas bornés les effets du second : il s'est produit
en même temps un mouvement de bascule de la lèvre occidentale
de la dislocation, affaissant le pays de 5 pieds dans l'île du Sud et
le soulevant de 9 dans celle du Nord. A 35. kilomètres de l'accident
le mouvement était nul, ainsi que le long de la lèvre orientale. Une
longue bande, découpée entre deux voussoirs immobiles par le
premier séisme, a donc ensuite joué sous l'effet du second. Suess,
qui a si magistralement réfuté l'hypothèse des mouvements du sol
qu'on supposait avoir accompagné les grands tremblements de terre
du Chili, a au contraire accepté la réalité des changements topogra-
phiques produits dans la Nouvelle-Zélande lors de ces séismes de
1848 et de 1855. L'instabilité du pourtour du détroit de Cook y
trouve son explication naturelle, et c'est dire que le morcellement
des îles n'est peut-être pas encore terminé.
Les séismes perdent de leur fréquence vers le Sud: Christchurch,
Oamaru et Dunedin forment une région pénéséismique, où ne se res-
sentent pas de secousses vraiment sévères.
Quelques-unes, plus rares encore, agitent le détroit de Foveaux.
Le versant occidental des Alpes néo-zélandaises, dans l'île du
* The earthquake of the 4th December 1891. Notes Uiereupon {Trans. New Zealand
Instituie, XXV, 1893, 362).
468
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
NOUVELLE-GUINÉE, MÉLÀNÉSIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE 459
Sud, est beaucoup plus stable, comme il convient à une chaîne
ancienne bordant une mer relativement plate, dont le peu de pro-
fondeur fait supposer qu'il n'y a pas de fractures et justifie ainsi cette
dérogation a la loi de la plus grande instabilité du côté du plus
grand relief.
Des vagues séismiques ont été observées dans le détroit de Cook,
fait à prévoir puisque des tremblements de terre y prennent nais-
sance.
Les grands tremblements de terre de l'Amérique méridionale
poussent leurs vagues jusqu'à la Nouvelle-Zélande (Gg. 88).
On ne saurait rien dire de quelques secousses ressenties plus au
Sud dans Tîle d'Auckland. Bouquet de la Grye * les regarde comme
fréquentes à l'île Campbell; mais il est probable que ce savant a eu en
vue do nombreux microséismes accusés par les délicats instruments
emportés pour l'observation du passage de Vénus sur le soleil en
1874, car l'expédition ne paraît pas y avoir ressenti de tremblement
de terre; de sorte que cette information ne nous apprendrait rien sur
la véritable séismicité de cette île déserte.
Noie, — Du 14 mars 1902 au 31 décembre 1903, le pendule horizontal Milne
installé, ainsi qu'on Ta tu (p. 176, note), à Tlle Ross par l'expédition anglaise de
la Discovery, a fourni 136 séismogrammes dont les origines étaient éloignées de
plus de 500 milles. Parmi ce nombre, 73 avaient leurs fojers situés dans TOcéan
entre la Nouvelle-Zélande et la station. A la vérité, beaucoup de ces centres d'ébran-
lement avaient une position fort douteuse, mais plusieurs avaient aussi été enre-
gistrés à Perth (Australie) et À Wellington et Ghristchurch (Nouvelle-Zélande).
Milne (/. c, p. 176) fait observer qu'au Sud de la Nouvelle-Zélande un bourrelet
immergé et décelé par les îles Auckland et Macquarie s'en va rejoindre les terres
antarctiques; Arldt (/. c, p. 12) le figure comme un prolongement, dévié vers le
S.S.W.,de l'arête australasienne du tétraèdre de L. Green.ll se trouverait ainsi t\
rOuestetau bord des abîmes océaniques reconnus par les sondages de Ross en 1842 au
Sud de la Nouvelle-Zélande et qui se prolongent par une profonde échancrure des
terres antarctiques. Une si remarquable disposition du relief sous-marin ne peut
manquer de correspondre À une structure tectonique capable d'expliquer les
secousses émanées de cette région océanique, et qu'a enregistrées le pendule de
Milne. Ainsi la région pénéséismique de la Nouvelle-Zélande méridionale se pro-
longerait vers le S.S.W. dans la direction des terres antarctiques, mais sans les
atteindre.
' Sur les documents recueillis à i'tlc Campbell par la mission envoyée pour observer
le passage de Vénus (C. R, Ac. Se. Paris, LXXX. 725. 1875).
NOTE
SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE DANS LES TRAVAUX DE MINES
OU PSEUDOSÉISMES
Observations faites dans le Nord de la France et en Angleterre.
La production des séismes par le déhouillement, ou par Texploitation
de mines quelconques, est très importante aussi bien au point de vue pra-
tique qu'à celui de la sëismologie pure. Ainsi qu'on Ta vu, à propos des
tremblements de terre du basssin bouiller franco-belge-westphalien,
Jicinski a montré que les affaissements, causés par ces travaux, se mani-
festent avec une extrême lenteur, de sorte qu'il n'est guère admissible d'y
voir une cause de secousses séismiques, même légères. Cette conclusion
négative est peut-être un peu trop absolue, et il y a lieu, pour la compré-
hension d'un problème assez délicat, de résumer des travaux récents sur
la question qui émanent de savants autorisés, Gosselet et Davison.
Les tremblements de terre dont il s'agit ici présentent des caractères
très particuliers : leur aire d'extension est h peu près circulaire et ne
dépasse guère 7 à 8 kilomètres ; l'intensité du choc, assez grande au centre,
diminue avec une rapidité bien plus grande que pour les séismes ordi-
naires. N'ayant pas, du moins ainsi qu'on le pense, une origine purement
naturelle, mais dépendant de causes artificielles, on peut les qualifier de
pseudoséismes.
Gosselet * a déterminé aii moyen des résultats de plus de 300 forages,
ou sondages, la forme des surfaces des différentes couches du sous-sol
profond des environs de Douai. Le savant géologue a déduit de ses
recherches d'intéressantes conclusions relativement aux faibles secousses
locales qui ébranlent de temps à autre le bassin bouiller du Nord de la
France, et il est d'autant plus nécessaire d'examiner si ses déductions sont,
ou non, d'accord avec les faits d'observation, que Cornet * ne s'y rallie
pas plus en 1908 qu'il n'avait, à l'occasion du tremblement de terre du
* Les assises crétaciques et tertiaires dans les fosses et les sondages du Nord de la
France. Fasc. I. Région de Douai. {Élude de» gîtes minéraux de la France. Service des
Topographies souterraines. Ministère des Travaux publics. Paris, 1904) .
' L'allure de la surface des terrains primaires et celle des couches crétacées et ter-
tiaires dans la région de Douai, d'après un récent travail de M. J. Gosselet. (Pr. v. Soc.
belge de Géol. PaUont. elHydroL, Bruxelles, XiX, lia, 1905).
462 GÉOGRAPHIE SÉI6M0L0GIQUE
3 septembre 1896 S admis le rôle séismogénique généralement attribué au
déhouillememt dans le bassin franco-belge ; il fait, en effet, observer que
les 100 kilomètres d*extension qu'a présentée ce séisme sont incompa-
tibles avec cette explication. La raison est, dans ce cas, péremptoire.
Utilisant les nombreuses cotes fournies par les travaux en question et
destinées, soit à la recherche des couches de houille, soit à rétablissement
de puits artésiens, Gosselet a tracé par courbes de niveau, à Téquidistance
de 10 mètres, les surfaces supérieures du terrain primaire et des cinq
assises principales du Crétacé et du Tertiaire, c'est-à-dire qu'il a repré-
senté leurs topographies respectives. Ces surfaces sont, comme ou devait
s'y attendre, en étroite dépendance les unes avec les autres, de telle sorte
que celle du terrain primaire est la plus accidentée, et que leurs inégalités
s'atténuent graduellement de bas en haut en passant de l'une à l'autre, à
mesure qu'on s'élève le long de la verticale. Les couches successives se
sont ainsi moulées sur les précédentes en comblant progressivement les
ondulations des plus anciennes.
La topographie superficielle du Primaire présente, à l'Ouest de Douai,
un creux allongé presque dans la direction Nord-Sud, et limité de chaque
côté par de fortes pentes, plus accentuées encore à l'Est qu'à l'Ouest. Sous
le nom de paléocreux, Gosselet attribue cet accident, très ancien, à l'action
de glaciers permiens, et il lui dénie toute signification tectonique, comme
Cornet l'avait déjà fait pour un accident analogue, le paléocreux de Mons.
Ce qui nous intéresse surtout ici, c'est que, d'après Gosselet, cette struc-
ture est tout à fait indépendante des anticlinaux et des synclinaux pri-
maires, qui n'ont ainsi que peu d'influence sur le relief de la pcUéopéné-
plaine primaire souterraine, si toutefois les accidents de cette surface ne
sont pas trop considérables pour permettre d'employer cette qualification.
Quoi qu'il en soit, il ressort tout de suite de cette constatation que les
secousses du Douaisis ne peuvent être la survivance, môme très atténuée,
des plissements qui ont agi sur les couches du Primaire postérieurement
à leur dépôt et antérieurement à celui du Crétacé, et que, par conséquent,
notre explication générale des séismes du bassin houiller franco-belge-
westphalien n'est point valable ici, puisque les dislocations des terrains
primaires, failles ou plis, ne se propagent pas, du moins autour de Douai,
dans les couches crétacées sus-jaccntes ; c'est donc que, antérieures à la
Craie, ces dislocations ne se sont point accentuées ni pendant, ni après son
dépôt; correspondant à des efforts tectoniques complètement éteints
depuis longtemps, elles sont actuellement incapables de jouer un rôle
séismogénique quelconque.
Ainsi qu'on l'a signalé plus haut, le paléocreux de Douai est limité à
l'Est par un large escarpement, et les couches crétacées présentent là une
forte pente. « Cette grande inclinaison fait comprendre, dit Gosselet,
comment sous l'influence de l'affaissement de la surface primaire dû à
l'exploitation, il a pu y avoir des glissements dans les terrains morts. On se
rend ainsi compte des tremblements de terre qui agitent la surface du sol
et qu'on ne ressent pas dans les terrains profonds. Il n'y aurait môme rien
* A propos du tremblement de terre de la Belgique et du nord de la France (BuU,
Soc. belge de GéoL Paléont. et HydroL, X, 125, Bruxelles, 1896).
NOTE SUR LES PSEUDOSËISMES 463
d'étonnant à ce qu'il se produisit des crevasses et des modiûcations de
distance de quelques monuments superficiels ». C'est, sous une forme nou-
velle, revenir à Finfluence séismogénique du déhouillement.
Comment ces considérations s'accordent-elles avec la répartition des
secousses autour de Douai ? Treize secousses bien définies sont parvenues
à notre connaissance ; trois pour Dorignies et une pour l'Escarpelle corres-
pondent bien à l'escarpement oriental du paléocreux, mais une pour
Dechy-Guesnain, une pour Flers-en-Escrébieux et sept pour Sin-le-Noble,
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Guesnain 4-
Fig. 89. — Le paléocreux de Douai (d'après Gosselel).
c'est-à-dire neuf contre quatre, sont émanées de points situés, au contraire,
au-dessus du paléoplateau primaire. A s'en tenir à ces faits, la propor-
tion de 31 p. 100 seulement en faveur de la théorie de Gosselet ne suffirait
pas à en démontrer l'exactitude. Mais ce nombre d'observations ne parait
pas assez considérable pour renverser une hypothèse tout à fait sédui-
sante, et il faut attendre que la poursuite de ces recherches vers Lens,
Béthune, Arras, etc., permette de voir s'accentuer dans un sens ou dans
l'autre le pour cent des séismes émanant des pentes des paléocreux.
Dans plusieurs des mémoires cités à propos des Iles Britanniques, et en
particulier dans un travail récent^ Davison explique les tremblements de
* Earth-shakes in mining districts {Geol, Mag., Décade V, II, n« 491. May. 1905, 219.
London).
464 GÉOGRAPHIE SËI8M0L0GIQUE
terre ressentis dans les districts miniers en les considérant comme la mani-
festation de mouvements relatifs des lèvres des failles en conséquence
d'affaissements dus à Teiiploitation même. Ces phénomènes sont bien connus
des mineurs qui donnent les noms de « bump »^ ou de n goth t», au bruit,
d'un caractère très particulier et facilement reconnaissable, qui les accom-
pagne. D'après AtkinsonS qu'il y ait secousse et bruit, ou seulement bruit,
on observe souvent des éclatements dans les couches de houille, des
bombements, soit au mur, soit au toit, ou des ruptures des boisements, et
il ne doute pas que ces pseudoséismes ne soient directement dus à
l'exploitation par les changements qu'elle apporte dans l'état de tension
des couches.
Il reste h signaler dans cette ordre d'idées que Lebour^ distinguant ces
secousses par le nom spécial d'earlh-shakes, au lieu de celui d'earthquakes^
généralement usité, attribue les secousses de Sunderland et de la côte du
comté de Durham à une autre cause artificielle; il pense que les travaux
d'épuisement y élargissent graduellement par dissolution les fissures natu-
relles du calcaire magnésien, et y produisent des éboulements et des
chutes de matériaux, qui se manifestent sous la forme de ces pseudoséis-
mes. Le caractère tout particulier des bruits qui accompagnent ces
phénomènes lui semble, comme h Davison, tout h fait en faveur de ce
mode de production.
De tout cela résulte que les secousses dues, plus ou moins directement,
aux travaux des mines, méritent d'être l'objet d'études spéciales, et l'emploi
d'instruments enregistreurs paraît nécessaire pour déceler l'origine de ces
mouvements au moyen des caractères propres de leurs séismogrammes.
Alors seulement on pourra définitivement émettre un avis sur l'influence
séismogénique de l'exploitation des mines, soit de houille, soit d'autres
substances minérales. En fin de compte, l'opinion de Jicinski nous parait
trop absolue dans le sens de la négation, et, au moins dans certains cas
particuliers de légères secousses locales, la relation de cause à effet semble
s'imposer. Les stations séismographiques profondes établies à l'Agrappe
en Belgique et à Przibram en Bohême sont destinées à élucider la ques-
tion dans un sens ou dans l'autre, et il est à souhaiter que cet exemple
soit suivi dans un plus grand nombre d'établissements miniers.
• Report of H. M. Inspector of mines for the Slafford district for the year 4903,
(p. 15).
' On the Breccia-gashes of the Durham coast and some récent Earth-shakes at Snn-
derland. [North of England inst.of. Min, Eng, Trans. XXXII [, 165, 1884). —On some
récent earthquakes on the Durham Coast and âieir probable cause \Geol,Mag.,\iec„ lll.
II, 513, 1885).
ERRATUM
Page II, ligne 2, au lieu de En 1892, lire : En 189i.
— 409, ligne 36, au lieu de est profondément découpée, lire : est profondément
découpé.
— 122, légende de la figure 15, au lieu de du 13 août, lire : du 3i août.
— 339, ligne 38, au lieu de V Atlas saharien est séismique^ lire : l Atlas saharien
est aséismique,
— 351, ligne 5, au lieu de architecture tabulaire on d^ancienne consolidation,
lire : architecture tabulaire ou d'ancienne consolidation.
— 354, ligne 4, au lieu de la mer plate de Bering, lire : la mer plate de Behring.
— 415, ligne 1, au lieu de Le détroit de Bering, lire : Le détroit de Behring,
— 427, ligne 10, au lieu de La presqu'île de Shikoku, lire : La presqu'île de
Sanyodo.
Db MofiTMSDs. — Trembloments de terre.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS CITÉS
Abella y Casariego 436, 437
Abich 222,224
Adan de Yarza (R.) 303
Agamemnone . 155, 215, 233, 274, 378, 439,
449
Agailera 395
Algue 433
Anderson (Tempest) 383
Aranjo (de) 347
Arcidiacono 121,324
Arctowski 175
Aristotd 2
Arldt. . 12
Aston 136
Atkinson 464
Aubry 163
Baillif 252
Baldacci 315
Baratta. . 29, 304, 305, 308, 310, 313, 314,
316, 317, 321, 324
Barbiani (D. G. et B. A.) 264
Bamard 403
Barré 64
Barrois 59, 329, 332
Becke 92,96
Becker 412,433
Bel 364
Belar 5, 7, 14, 262
Beltrame 162
Bergeron 329
Bertrand (Marcel). . . . 13,28,329,391
Bettonî 308
Billiet 298
Biot (E.) 137
Bittner 284,308
BlancKenhorn 158
Boissier (Gaston) 339
Bonpland <de) 170
Borius 166
Bôse 84, 386, 398, 3S9, 402
Botella y Homos (de) . 333
Bonquet de la Grye 459
Bra&5(von) 121
De MoNTCfwus. — Tremblements de terre.
Brackebnsch 365
Branco 23
Bréon 329
Brigham (T.) 173
Brigham (W. T.) 116
Brives 342
Buch (von) 349
Burrard 204
Buttgenbach 164
Gabrol 6i
Gamboué 151
Ganaval 287
Gancani 10, 314
Garpentin 230
Gastelnau (de) 360
Gayeux 279
Genteno y Garcia 436, 437
Gevallos 365
Chamberlin 125
Ghesneau 73, 337
Ghoffat 343
Ghristomanos 256
Goccarella 318
Golin 151
Gollet 104
Gomet 72, 461, 462
Goronas 439
Gortese 320
Gredner 91,94,96
Grescimanno 324
Dairoku Eiknchi 417
Danilov 250
Darwin (Gh.) 158
Darwin (H.) 21
Dathe 94
Daubrée 2,316
Daussy 168
Davison. 21, 42, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52,
54, 123, 207, 416, 463
Deckert 120,390
De Lorenzo 317
Deprat 268,452
30
466
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
De Rossi (St.) 304, 31i, 314
Détaille 7
Dieffenbach 86
Diener 158
Dietrich (de) 85
Diller 407
Dollfus 386
Doss 104
Douglas 395
Douvillé (H.) 211
DouviUé (R.) 332
Doyle 150
Draghicenû 236
Dubois 315
Duchaussov 57
Dùck. . . ' 3,231
Dutton j . 121
Eck 77
Edmonds 52
Eginitis . 264
Ehlert 4
Eteold 5
Paidiga 261
Félix 399, 401
Ficheur 337,338,340
Figuier 70
Flett 383
Forel 290,293,295,379
Forster(A.) 290
Forster (W. G.) 272
Fouqué 75, 230, 329
Fournet 290
Fraas 158
Franco 323
Fritsch (von) 100
Frûh 290
Fuchs (C. W. G.) 7
Fuchs (K.) 150
Futterer 83
Galilée 2
Garwood 112
Gerland 2, 7, 77, 305
Gilbert 408
Glangeaud 111
GoU 357
Goodyear 391
Gosselet 461
Goulier 66
Graham 363
Grftnzer 94
Griesbach 207
Gumaelius 36
Giimbel (von) 77
Gumprechl 416
Gùnther 1, 90
Guppy 452
Haidinger 310
Haies 365
Hannay 194
Hantken von Prudnik 247
Harboe S4«
Haug 24, 340
Hecker 168.343
Hedin (Sven) 218
Heim 297
Hepites 236
Hérodote 256,278
Hetlner 372
Hilber 258
Hill 373
HIasek 102.222
Hochstetter (von) 250. 364
Hoernes . 3, 86, 162, 257, 286, 288. 289, 293
294
HOfer 20. 284, 308
Hogben 145. 457
HOgbom 36
Holden 404,408
Humboldt(de) 3.170
Ibarra 367
Iki 422
Imamura 422
Issel 28, 155, 274, 311. 321
Jacob 75
J&gerlehner 293
Jeitteles 243
JiSinski 71
Johnston 125
Jones 201
Kaufmann 162
Keating ^94
Keilhau 39
Kemer (von) 261
Kilian 329
Kilpatic 241,262,263
Kluge 188
Rnett 91,92,96.99,243, 284
KnQp 84
Knott (GargUl) 416
Koken 352
Kolderup 36, 39, 41
Kôtâ 137, 416,424.442
Kugler 85
Lacroix 383
Laguerenne 388
Lajos 245
Lallemand (Cb.) 12
Lancaster 69
Langenbeck 77
Lantenois 194
Lapparent (de). 13, 14, 28, 90, 160. 164, 166.
169,322
Lartet 158
Lasaulx (von) 20» 74
Léska 102
INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS CITÉS
467
Laabe 9*
L&unay (de) 28, 143, 255
Lawson 411
Lebonr 464
Lenk 399,401
Lepsins 86
Lerl 248
Levât 453
Lewitski 102
Lindgren 393-
Unk 372
Louvet 452
Lôwl 286
Lowihian Green 12
Lucrèce 2
Luksch 227
Lyell 362
Lymann 173
Mac Gowan 139
Maclay 450
Mac Mahon 202
Mac Pherson 329
Mallet 7,316
Mansuy 194
Martinez 330
Martonne (de) 238
Mathuisieulx (de) i66
McGee i20
MedlicoU 203
Mendenhall i2i
Mercalli 307.311,316,318,326
Meunier (Stanislas) 2
Michel Lévy 13, 329
Middlemiss 203
Milch 189
Milne. 10, 13, 176, 383, 416, 417, 422, 423
Mitzopoulos 275
Moberg 36
Mojsisovics (von). . . . 93,235,252,289
Monroy 398
Monlessus de Balloro (de) 7, 10, 17, 18, 19,
22, 24, 27, 39, 180, 198, 202, 204, 212, 262,
382, 384, 433
Monlserrat (de) 386
Mouchkétov 102,133,217,225
Muller 189
Munck(de) 72
NadaiUac (de) 405
Napier-Dennison 5
Naumann (G.-P.) 3
Naumann(E.) 417,420
Nelson 206
Newby 111
Nicklès 332
Nôggerath 86
Noguès 361
Ochoa Villagomez 401
OCfret 329,332
Oldham (R. D.) 150,196.206
Oidham (T.) 147, 197
Omôri .... 5, 138, 416, 417, 427, 428,
429, 430, 431
Ordofiez 402
O'ReiUy 7,42
Orlov 102,135
Orozeo y Berra 393
Otto 2
Papavasiliou 269
Partsch 262
Pausanias 266, 272
Pavlov 105
Penck 87, 100
Perrey . 7, 29, 38, 42, 57, 59, 77, 93, 102,
116,156, 163, 165, 173, 290, 305, 326, 334,
347, 357,365, 373. 414, 415, 417, 431, 441,
443, 452
Perrine 404
Pervinquière 340
Peters 246
Philippi 363
Philippson 264,268
Piette 176
Piroutet 452
Pittier 391
Platania 321
Pline 278
Poey 373
Pomel 337
Ponzi 313
Proust 452
Puja y Santillan Aguilar 393
Rabot H2
Radies (von) 288
Raffles 186
Rahnier 136
Reckstadt 36
Reclus (Elisée) 336
Reid (Clément) 21, 52
Reindl 77, 80, 90, 92
Renard 175
Réthly 241
Reusch 36,39
Reyer 408
Riccô 321,323
Richardson (Ralph) 48
Richthofen (Von) 141
Rockstroh 391
Rockwood '^3, 116, 126
Roton (de) 416
Rudolph 7, 430
Russell 406, 407
Saderra y Maso 174,433,438
Saija 321
Sainte-Claire Deville 349,378
Salisbury 125
Salterrain 379
468
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE
Sandfest 162
Sapper 386, 387, 390
Savornin. . 338
Schafarzik .... 241,243,244,245,247
SchaCfer 230
Schmidt (A.) 77
Schmidt (G.) 439 449
Schmidt (Julius) 156
Schneider 181
Schûtt 7
Schwartmann 82
Seidl 288
Seikei-Seikiya 416,417
Sénèque 2
Senties 401
Sieberg 44,74,154
Sievers 368,371
Simoens 71
Sinner 294
Smith (Michie) 4t6
Stache 289
Stefanescu 236
Stefanoni 316
Sterneck 248
Sterry Hunt 395
Stevenson 47
Stromer von Reichenbach 167
Stûbel 364
Stulli 263
Stur 288
Suess(E.) 28.284,289,320,347
Sues8(Fr. E.) 247,284,288
Svedmark 36
Tacchini 304
Tamisier 64
Taramelii 311,3^5
Tarnutzer 290
Thomassen 36
Thoroddsen 108, 109
Thoulet 348
Thucydide 2«S
Tietze 289
Tillo (de) 22
Tolmatchev 132
Troncoso 357
Uhlig.
96
Van den Broeck 67. 70
Van de Wiele 167
Vélain 313, 316
Venukov 231
Verbeek 44S
Vergara 357
Verri 313
Viliard 290
Villette 76
Vifiez 379
Volger (Otto) 290
Volz 189
Wâhner 247
Warren du Pré 120
Watsoff 231
Weber 222
Wegener 454
Weigand 7
Welsch 337
Whitney 407
Wiegers 84
Woerle 343
Woldîich 94
Yamasaki 424,431
Zaccagna 306
Zona 321
Zujovic 252
Zùrcher (P.) 391
TABLE DES CARTES ET FIGURES
Figure 1. Seismogramme du tremblement de terre du Pendjab du 4 avril 1905,
enregistré à Tobservatoire de Gnarto Pirenze 45
— 2. Les pays Scandinaves 37
— 3. Les lies Britanniques 43
— 4. Bretagne, CotcnUn et Vendée 58
— 5. Bassin houiller franco- belge -^estphalien et plateau rhénan 68
*— 6. Dislocations rhénanes (d'après Regelmann) 79
— 7. Le Graben rhénan 81
— 8. Ck)npe des environs du Kaiserstuhl (d*après B6se) 84
— 9. Erzgebirge 96
— 10. Russie méridionale et Oural 103
— 11. Islande 107
— 12. Islande. Aires pléistoséistes des tremblements de terre de 1896 110
— 13. Canada oriental 114
— 14. Nouvelle-Angleterre et Appalaches 117
— 15. Double épicentre du tremblement de terre de Charleston du 31 août 1886. 122
— 16. Quadruple épicentre du tremblement de terre du 14 juin 1904 à. Noto
(SicUe) 123
— 17. Altaï et dépendances 132
— 18. Baîkalie 133
— 19. CUiine 139
— 20. Palestine et Syrie 157
— 21. Région séismique de l'Atlantique équatorial ou de Daussy 168
— 22. Iles Sandwich 173
— 23. Java 184
— 24. Sumatra 187
— 25. Birmanie et tles du golfe du Bengale 193
— 26. Chocs consécutifs au tremblement de terre de l'Assam du 12 juin 1897. 195
— 27. Centre mensuel des moyennes distances des épicentres des 5238 chocs
consécutifs au tremblement de terre de l'Assam du 12 juin 1897. . . 198
— 28. Himalaya occidental et plaine indo-gangétiqae 200
— 29. Faille d'Old Chaman et distorsion de la voie ferrée par le tremblement
de terre du 20 décembre 1892 208
— 30. Perse et Mésopotamie 210
— 31. Turkestan, Dzoungarie et Kachgarie 216
— 32. Caucase 220
— 33. Principaux tremblements de terre de Chémakha (d'après Weber) ... 223
— 34. Asie Mineure occidentale 228
— 35. Arménie 232
— 36. Roumanie et Bessarabie, t 237
— 37. Hongrie, Transylvanie et Croatie 242
— 38. Bulgarie, Roumélie, Macédoine et Albanie 2^3
30*
470 GÉOGRAPHIE SËISMOLOGIQUE
Figure 39. Dalmatie, Bosnie et Herzégovine S60
— 40. Grèce 267
— 41. Effets du tremblement de terre da 26 décembre 1861 sur le littoral
d'Hélice et de Bura (Achaïe), (d'après Julias Schmidt) 271
— 42. Alpes Orientales 282
~ 43. Carte séismiqne de la Basse-Autriche (d'après Suess.) 283
— 44. Relations des lignes de choc des Alpes Calcaires méridionales avec les
foyers séismiques extérieurs (d'après Hôfer) 28*
— 45. Suisse 291
— 46. Vallée du Rhône et Alpes françaises 296
— 47. Pyrénées françaises 302
— 48. Intensité des tremblements de terre en Italie (d'après Baratta et Gerland) 305
— 49. Homoséiste du tremblement de terre de Bellune du 29 juin 1873 (d'après
Hôfer) 309
— 50. Ischia 31»
— 51. Monte Gargano. Séismos à épicen très sous-marins 318
— 52. Calabre et Sicile du Nord-Est 319
— - 53. Italie méridionale et Sicile. Courbes isanomales de la gravité (d'après
Riccô) 322
— 54. Espagne du Sud-Est 328
— 55. Structure de la chaîne bé tique (d'après les travaux do la mission fran-
çaise de 1884) 331
— 56. Pays barbaresques 336
— 57. Aires pléistoséistes des principaux tremblements de terre du Portugal
(d'après Choffat) 344
— 58. Açores- 348
-— 69. Canaries 349
— 60. Andes du Sud 358
— 61. Andes du Centre 366
— 62. Andesdu Nord 369
— 63. Lignes de plissement et volcans de l'Amérique centrale (d'après Marcel
Bertrand) 374
— 64. Les Grandes Antilles 377
— 65. Les Petites AnUlies 380
— 66. Centre- Amérique , 383
— 67. Le Mexique central 397
— 68. Profil de Mexico à l'Océan Pacifique. (Direction S. W.) 399
— 69. LeMexiquecentral. Lignes de choc (d'après Deckert) et zones d'altitude. 400
— 70. Profil du chemin de fer de Mexico à La Vera Cniz 403
— 71. Californie 410
— 7â. Aléoutiennes, Kamtchatka, Kouriles et Sakhaline 414
— 73. Japon. Nombres annuels moyens de séismos aux principales stations séis-
mologiques 418
— 74. Japon. Désastres séismiques depuis le v* siècle (d'après Dairoku Kiku-
chi) 420
— 75. Japon. Fréquence relative des Tsunamis, ou vagues séismiques (d'après
Dairoku Kikuchi) 422
— 76. Japon. Dislocations récentes d'origine séismique (d'après Tamasaki) . 423
— 77. La grande fracture de la vallée de NéD produit par le tremblement de
terre du Mino et de l'Owari du 28 octobre 1891 426
— 78. Japon. Régions & maximum séismique estival ou hivernal 428
— 79. Japon. Variations annuelles de la pression barométrique, du niveau de
la mer, et de la fréquence séismique le long de la côte du Pacifique
(d'après Omôri) 429
— 80. Philippines ,r 432
— 81. Philippines. Fréquence séismique (d'après Saderra y Mas6) 434
— 82. Philippines. Aires pléistoséistes des principaux tremblements de terre
ayant eu leurs épicentres en mer 440
— 83. Iles à l'Est de Java 442
— 84. Célèbes et Moluques 444
— 85. Dislocations de Céram 446
GÉOGRAPHIE SÉISMOLOGIQUE 471
Piffuro 86. Nouvelle-Gainëe et Mélanésie 451
— ' 87. Nouvelle-Zélande 455
— 88. Homoséistes horaires des vagues séismiques au travers du Pacifique,
au tremblement de terre d'Ârica du 13 août 1868 (d'après ilochstetter
-* et Berghaus) 458
— 89. Le paléocreux de Douai (d'après Gosselet) 463
CARTES HORS TEXTE
I. Régions séismiques et géosynclinaux de l'ancien monde.
II. Régions séismiques et géosynclinaux du nouveau monde.
m. Origines des 323 principaux séismes observes de 1899 à 1903 dans les observatoires
(d'après Milne) et côtes à vagues séismiques (d'après Rudolph) .
(Ces trois caries sont placées à la fin de TouTrago.)
TABLE DES MATIERES
Préface de m. de Lapparent.
INTRODUCTION
La méthode et les résultats généraux.
1. Historique succinct des théories séismologiques 1
2. La répartition géographique des régions à tremblements de terre. Inten-
sité des séismes et mesure de la séismicité 6
3. Les mappemondes séismographiques antérieures 11
4. Influence séismogénique du relief et des principaux accidents géologiques . 18
5. La mappemonde séismographique 83
Note. Références bibliographiques 28
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTINENT NORD-ATLANTIQUE
Le continent nord-atlantique 31
GflAnTRE PREMIER. Le bouclior finno-soandinaTe 36
Chapitre II. Les Iles Britanniques 42
1. La chaîne calédonienne 42
2. La chaîne armoricaine 50
3. Les plaines orientales anglaises 53
Chapitre III. L'Europe moyenne. De TAtlantique à la Silésie 56
1. Bretagne, Cotentin et Vendée 57
2. Le Plateau Central français 59
3. La Meseta ibérique 61
4. Le bassin parisien 63
5. Nord de la France, Belgique et Hollande, Westphalie et plateau rhénan. . 67
6. Vosges et Forêt-Noire, Rhin moyen, Souabe et plaines bavaroises 77
7. Le massif bohémien 90
8. Silésie prussienne et autrichienne 93
9. Erzgebirge, Saxe et Thuringe 95
10. La plaine germano-baltique 100
Chapitre IV. La plate-forme russe lOS
GHAPrTRE V. Atlantique septentrional et terres arctiques 106
CHAPrrRB VI. Versant atlantique des États-Unis et du Canada 113
474 TABLE DES MATIÈRES
DEUXIÈME PARTIE
LES AIRES CONTINENTALES EXTRA-EUROPÉENNES. LE PACIFIQUE
Chapitre VII. Le continent eino-sibérien Iâ9
1. Sibérie 131
2. Mongolie, Mandchourie et Corée 136
3. Chine et Indo-Chine 137
4. L'Asie centrale 142
Chapitre YIII. Le continent australo -indo-malgache 144
1. Australie et Tasmanie 144
2. La péninsule de TUindoustan et Ceylan 146
3. L'océan Indien 150
4. Madagascar et Comores 151
Chapitre IX. Le continent africano-brôsilien 153
1. Arabie 154
2. Sinaï, Palestine et Syrie 155
3. Afrique (moins les pays barbaresques) 159
4. L'Atlantique méridional 167
5. Versant atlantique de l'Amérique du Sud 169
Chapitre X. Le Pacifique et les terres antarctiques 173
1 . Le Pacifique 1T2
2. Les Icrres antarctiques 175
TROISIÈME PARTIE
LE GÉOSYNCLINAL MÉDITERRANÉEN OU ALPIN
Le géosynclinal méditerranéen ou alpin 177
Chapitre XI. Iles de la Sonde et du golfe du Bengale 183
1. Java et Sumatra 183
2. Malacca, lies Andaman et Nicobar 190
Chapitre Xlt. Himalaya et dépendances 192
1. Arracan. Birmanie, Tibet méridional et Yun-Nan 192
2. Assam iW
3. Himalaya et plaine indo-gangétique 199
4. Afghanistan et Béloutchistan 206
Chapitre XIII. L'Asie antérieure 209
1. Perse et Mésopotamie 209
2. Turkestan, Dzoungarie et Kachgarie 215
3. Caucase 219
4. Arménie, Asie Mineure et Chypre 225
Chapitre XIV. Carpathes et dépendances 235
1. Provinces extérieures. Galicie, Bukovine, Bessarabie et Roumanie 235
2. Provinces intérieures. Hongrie et Croatie 241
Chapitre XV. L'Europe sud-orientale 250
1 . Crimée et mer Noire occidentale 250
2. La péninsule balkanique 251
TABLE DKS MATIÈRES 475
3. La Grèce 264
4. Gyclades et Crète 277
Chapitre XVI. Alpes et Pyrénées 281
4. Alpes orientales 281
2. Alpes occidentales et bassin du Rhône 290
3. Pyrénées 299
Chapitrs XVII. Litalie 304
1 . L'Italie continentale 306
2. L'Italie péninsulaire 310
3. Sicile et lies adjacentes 323
Chapitrb XVIII. Bassin occidental de la Méditerranée 325
1. Corse, Sardaigne et Baléares 325
2. Espagne du Sud-Est 326
3. Los pays barbaresques. Maroc, Algérie et Tunisie 333
Chapitri XIX. Embouchure du Tage et Atlantique subtropical du Nord . 343
QUATRIÈME PARTIE
LE GÉOSYNCLINAL Cl RCUMPACIFIQUE
Le géostnclinal circumpacifique 331
Cbaprae XX. Les Andes 357
1. Les Andes du Sud. Chili et Argentine occidentale 357
2. Les Andes du Centre. Pérou, Bolivie et Ecuador 365
3. Les Andes du Nord. Colombie et Venezuela 367
Chapftrb XXI. Les Antilles et le Centre-Amérique 373
i. Les Antilles 373
2. Le Centre-Amérique 384
GuAPiTRK XXII. Montagnes Rocheuses et dépendances 393
1. Le Mexique 393
2. Grand bassin de TUtah et versant pacifique des États-Unis et du Canada . 404
Cbapitrb XXIII. La bordure pacifique du continent sino-sibérien 415
1. Kamtchatka, Kouriles et Sakhaline 415
2. Le Japon. L'archipel dos Riou-Kiou et Formoso 416
3. Philippines 431
4. Iles à l'est de Java. Moluques, Gélëbes et Bornéo 441
CuAPiTRB XXIV. Nouvelle-Guinée, Mélanésie et Nouvelle-Zélande 450
1. Nouvelle-Guinée et Mélanésie 450
2. Nouvelle-Zélande 454
Note sur les tremblements de terre dans les travaux de mines ou pseudo-
séismes. Observations faites dans le Nord de la France et en Angleterre ... 461
Index alphabétique des auteurs cités 465
Table DES CARTES et figures 469
ÉVRBUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY
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Carte n*' III.
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Montessus de Ballore,
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Les treiablements
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